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QUE SAIS-JE ?

Histoire
de l'informatique
JEAN-YVON BIRRIEN
Deuxièmeédition miseàjour
joe mille
ISBN 2 13 044607 8
Dépôt légal — 1'" édition : 1990
2° édition mise à jour : 1992, décembre
©• Presses Universitaires de Fmarf;J990
108, boulevard Saint-Germaji(^f^®^^aqs
CHAPITRE PREMIER

Introduction
L'origine du mot « informatique ».
Les difficultés posées par son étude.
La méthodologie et les périodes considérées.

L'origine du mot «informatique »


Le mot INFORMATIQUEa été créé en France en 1962.
C'est l'amalgame des deux mots « INFORMATION » et
«ÉLECTRONIQUE». Ce terme n'existe pas dans les autres
langues, les Anglo-Saxons utilisant, à l'origine l'ex-
pression « DATAPROCESSING » (« TRAITEMENTDESDON-
NÉES») qui a été abandonnée par la suite au profit de
celle de « COMPUTERSCIENCE » (« SCIENCE DUCALCULA-
TEUR»). En 1967, l'Académie française en a donné la
définition suivante : « Science du traitement ration-
nel, notamment à l'aide de machines automatiques, de
l'information, considérée comme le support de connais-
sances dans les domaines scientifique, économique et
social ». Par la même occasion, elle a aussi défini l'oR-
DINATEURcomme : «la machine automatique qui per-
met d'effectuer, dans le cadre de programmes de
structure pré-établis, des ensembles d'opérations arith-
métiques et logiques à des fins scientifiques, adminis-
tratives ou comptables ».
Le mot ORDINATEUR était apparu en 1955 dans la
langue française. Acette époque, un constructeur de
matériel américain, IBM, avait demandé à un profes-
seur de lettres de traduire l'expression « electonic data
processing machine »qui veut dire «Machine Electro-
nique deTraitement des Données ». Letraducteur avait
alors retenu le mot ORDN I ATEURparce qu' «au Moyen
AgeDieu était le grand ordinateur, celui qui mettait de
1ordre dans le monde ». Il remettait enusage un tenne
qui était inusité depuis six siècles. Onpeut s'interroger
sur le bien-fondé d'une telle traduction. Elle fait
passer en effet d'une description analytique telle que
«machine électronique de traitement des données »à
une appellation synthétique brève au demeurant beau-
coup moins explicite. Néanmoins, on doit considérer
que les termes d'informatique et d'ordinateur font
maintenant partie intégrante de la langue française.
A partir de ces deux définitions, on s'aperçoit
qu'écrire l'histoire de l'informatique est une tâche
vaste et délicate.
Les difficultés d'étude
Eneffet, d'après le contenu des définitions ci-dessus,
quand on parle d'informatique on est contraint de
faire référence aux notions de «traitement rationnel »,
d' «information », de «machines automatiques », de
«support », de «connaissance »... autant de concepts
oude réalités qui ont leur origine dans un ensemble de
sciences très riches telles que la philosophie (avec la
logique), les mathématiques (avec la théorie des
ensembles, de l'information, du contrôle, etc.), la
physique (avec l'électricité, le magnétisme, l'optique,
etc.). Deplus il ya lieu de savoir ceque l'on entend par
information.
La notion d'information
Etymologiquement le mot descend du latin « in
forma ». Il veut dire qu'un sujet qui reçoit des données
émises par un objet traite ces dernières pour obtenir
une certaine «mise en forme »de l'objet. Pour cela le
sujet dispose de cinq sens : la vue, l'ouïe, le toucher,
l'odorat, le goût. Seuls les deux premiers peuvent être
traités « rationnellement » grâce aux caractères
(alphabétiques et numériques), aux images (points) et
aux sons (décibels). Dans notre approche nous nous
limiterons donc à cette conception de l'information en
remarquant toutefois qu'un certain traitement ration-
nel du toucher existe en robotique.
Cette définition de l'information ayant été faite, face
à la diversité des champs balayés par les deux
définitions d'ordinateur et d'informatique, et donc de
leurs difficultés d'étude, présentons la méthodologie
que nous avons retenue pour écrire notre histoire de
l'informatique.
La méthodologie d'étude
Afin de disposer d'une méthodologie d'étude aussi
fiable que possible nous avons décidé de nous référer
aux deux schémas de base de l'informatique : celui du
système de communication défini par Claude Shannon
en 1948 (fig. 1.1) et celui du système de traitement
défini par von Neumann en 1945 (fig. 1.2).
Le schéma de von Neumann inclut, au niveau de
l'unité centrale, le schéma fondamental de « La
Machine de Turing (cf. année 1937).
Bien qu'au plan historique ces deux schémas, de
Shannon et de von Neumann, n'aient été formalisés
que récemment, leurs principes de fonctionnement
sont en réalité très anciens. Aussi pour présenter notre
histoire de l'informatique nous procéderons en indi-
quant les découvertes qui les ont fait évoluer au fil des
siècles, tout en analysant par ailleurs le domaine des
connaissances qui ont permis cette évolution.
Fig. 1.1. —Lesystèmede communicationtel que Shannon l'a défini
en 1948 à partir de ses travaux de thèse de 1938.

f ig. 1.2 — Schéma illustratif du principe général d'un système de


traitement de l'information tel que von Neumann l'a défini en 1945
dans son fameux rapport surE l'DVAC,
A cette fin nous avons effectué un découpage
historique qui comprend les sept périodes' suivantes.
Les périodes retenues
De - 10000 LESFONDATIONS : saisie, codage, calcul, écrit,
à 1454 objectivité, logique, zéro

De 1454 LEMANUEL: imprimerie, machine à calcul


à 1884 LÉ
' LECTRICrÉ : circuits électriques et téléphones
LESTHÉORIES: binaire, électricité, électro-magnétisme

LEDÉVELOPPEMENTETLEPLAFONNEMENTDELÉ'LECTROMA-
GNÉTISME : mécanographie, analyseur différentiel et
MARK1
LESTHÉORIES: information (Shannon), calcul (Turing)
De 1884 LAPRÉPARATIONAUXTÉLÉCOMMUNC
à 1946 radar IATO
I NS : télévision,
LES FRÉMISSEMENTS DUBINAIRE : Modèle K, Complex
Number Computer et Atanasoff Berry Computer
LAGUERRE: l'usine informatique de Bletchley Park

LAGUERREFROIDE : son influence déterminante


LETRIOMPHEDUBINAIRE : lE ' MAC
LA CONSTITUTION PHYSIQUE DE LO ' RDINATEUR : Unité
De 1946 centrale et périphériques
à 1956 LATHÉORIE : l'ordinateur (von Neumann), le transistor
(Brattain), la cybernétique (Wiener), l'orbite géosta-
tionnaire
LESPREMIERS RÉSEAUXDETÉLÉTRAITEMENT : SAGE, SABRE

LETRIOMPHE DUTRANSISTOR : miniaturisation et chute


des coûts
LATHÉORIE : le laser, l'intelligence artificielle
De 1956 LA
' CCÈS AU TRAITEMENT : la compatibilité, le temps
à 1968 partagé, la programmation simplifiée, le « pré-
miniordinateur »
LESFONDEMENTSSTRUCTURELSDELATÉLÉCOMMUNICATION
MONDIALE : réseaux et satellites
De 1968 LA PRÉPARATION DE LACONVIVIALITÉ : le microprocesseur,
à 1977 I icôtie. le reseau Io(-a]. la programmation simplifiée, les
bases de données

LACONVIVIALITÉNAISSANTE: le micro-ordinateur «assis-


tant »banalisé avecseslogiciels d'application, la commu-
De 1977 nication d'entreprise universelle, les systèmes experts, la
à 1991 vidéo-communication numérisée
LECONSTATHUMAN I : le contexte juridique, la convivialité
face à Fautomatisation-robotisation destâches et l'avenir
de l'homme.
CINDUSTRIE: difficultés, confusions, recherches
Remarques méthodologiques
e La délimitation des périodes a été faite d'après des
critères que nous avonsjugés déterminants, libre à cha-
cun d'adopter tout autre classement.
eHistoriquement il est souventdifficile dedéfinir avec
précision les dates exactes de certaines découvertes ou
inventions.
e Chaque période est étudiée suivant cinq critères :
1) Chronologie des événement ;
2) Analyse générale de la période.
Sontensuite définieset analysées les découvertespour :
3) Lesystème desconnaissances (théories, conceptsnou-
veaux, etc.) ;
4) Lesystèmedetraitement (cf. le schémadela fig. 1.2) ;
5) Lesystème decommunication (cf. le schéma delafig.
1.1).
b, En fin d'ouvrage un index complet facilite toute
recherche sur une découverte, uninventeur, unmatériel,
etc.
CHAPITRE II

De - 10000 à + 1200

LES FONDATIONS : saisie, codage, calcul, écriture, objectivité,


logique, zéro

La chronologie des événements


- 10000 à - 3400
Boules etjetons Sumériens MÉSOP
écriture cunéiforme
- 3000
Binaire Fou Hi CHINE
- 1700
Objectivité de Hammourabi MÉSOP
l'information
- 1550
Clepsydres Egyptiens ÉGYPTE
- 1200
Observatoire Chinois CHINE
- 500
Abaques et boulier Inconnu M.-OR
- 330
La logique Aristote GRÈCE
- 132
Sismographe Chinois CHINE
105
Papier Chinois CHINE
820
L'algorithme Al-Khwarizmi M.-OR
1000
Zéro G. d'Aurillac FRANCE
Horloges Moyen-Age EUROPE
automates
1200
Papier Croisés M.-OR

ANALYSE GENERALE DE LA PERIODE


C'est au cours de cette période qui couvre plusieurs
millénaires que sont découverts les concepts fonda-
mentaux du traitement rationnel moderne de l'infor-
mation : codes ; bases ; binaire ; objectivité et normes;
logique \ zéro. A l'inverse la technologie est très
rudimentaire, et la connaissance reste toujours l'apa-
nage d'un cercle très restreint de personnes. Deux
découvertes fondamentales vont terminer cette
période :
Lezéro. Imposévers l'an 1000par lepape SylvestreII
(Gerbert d'Aurillac), il mettra 3ou4siècles avant d'ob-
tenir sareconnaissancedéfinitivegrâceauxmarchands
qu'il libéra del'abaque.
L'imprimerie. Découverteen1454ellevadésormais
permettrela propagation desconnaissances maisaussi
imposer la standarisation de l'écriture éliminant tout
déviationnisme scriptural manuel, frein considérable
au traitement rationnel de l'écrit.
Nous ne traiterons pas pour cette période des
systèmes de communication, compte tenu de leur
nature essentiellement géographique malgré certaines
réalisations de sémaphores et de phares, et, de l'exis-
tence pratique de systèmes de codage perfectionnés.

Les découvertes principales


pour le système de connaissances

- 10000 Boules et jetons et écriture cunéiforme


- 3400 L'écriture : alphabets, symboles et codage
- 3000 Le binaire : l'octogone à trigramme
- 1700 Le code d'Hammourabi
- 330 La logique d'Aristote
820 Les travaux de AI Khwarizmi
1000 Le Zéro

LES FAITS
De- 10000 à- 3000 avant Jésus Christ
La naissance du traitement rationnel de l'infor-
mation : les boules et les jetons d'argile de l Asie
Occidentale. —La fin de la dernière grande glaciation
connue par l'humanité, 10-12 000 ans avant Jésus-
Christ, a pour conséquence d'entrainer un changement
complet dans le mode de vie de l'homme. Au fil de
quelques millénaires, il passe progressivement du
stade de chasseur-prédateur à celui d'agriculteur-
éleveur. Les tâches qu'il exécute dans sa nouvelle
fonction sont différentes. L'improvisation de l'errance
sur des territoires de chasse ouverts doit désormais
laisser la place à l'observation des cycles agricoles dans
l'espace limité des champs. Dans ces nouvelles tâches,
il lui est désormais nécessaire de disposer de semences
et d'animaux pour reproduire ; d'outils pour récolter ;
derécipients divers pour stocker. Il faut aussi échanger
ou troquer avec les tribus ou peuples voisins. Pour
gérer, l'homme doit donc apprendre à réfléchir, à
organiser, à compter, à écrire : c'est à dire traiter à
l'information d'une façon complètement différente de
précédemment. Comment cet apprentissage s'est-il
fait ? Les travaux de l'archéologue Denise Schmandt-
Besserat de l'Université de Berkeley permettent de
proposer une réponse.
En compilant les découvertes archéologiques qui
couvrent la période de — 11000 à — 4000 ans,
Schmandt-Besserat a mis en évidence la présence
permanente sur les lieux d'habitation de petits jetons
d'argile (certains percés d'un trou fin) répartissables
en plusieurs classes. Ces jetons ont été trouvés soit à
mêmele sol soit à l'intérieur de boules d'argile creuses
de la taille d'un poing. Apartir des recherches qu'elle
a effectuées, l'archéologue suggère l'hypothèse sui-
vante. Au début les boules contiennent dans leurs
intérieurs les jetons mais leurs surfaces externes
restent vierges : plus tard, ces surfaces sont marquées
par l'empreinte des jetons toujours contenus à l'inté-
rieur. Puis une représentation symbolique, «premier
code de l'humanité », remplace sur les surfaces
l'empreinte des jetons. Enfin les boules sont ramenées
à des tablettes d'écriture les jetons ayant disparu.
Quand on ajoute à cette hypothèse qu'il existe une
correspondance entre les symbolesgravés sur un grand
nombre de jetons et les caractères de l'écriture qui
apparaît vers —3400 ans on peut considérer qu'il
existe un traitement rationnel de l'information dès la
Haute Antiquité. L'archéologue suggère que les jetons
percés pouvaient être enfilés sur des fils pour servir
dans les calculs et pour les archives. Quant aux boules,
elles pouvaient aussi jouer le rôle de «connaissement »
d'une transaction, les jetons mis au jour une fois la
boule cassée constituant ainsi le principe de preuve
symbolique des échanges effectués. On peut aussi
ajouter à cette hypothèse que la première écriture à
apparaître est cunéiforme, à l'image des coins des
premières empreintes faites avec les jetons sur l'enve-
loppe extérieure des boules d'argile.
Compte tenu du faisceau de faits qui l'étaie, cette
hypothèse d'un principe du traitement rationnel de
l'information dès cette époque est hautement proba-
ble. En effet elle met en évidence les fonctions
classiques de notre époque de mémorisation (les
boules et les jetons), d'entrée (confection de la boule
et des jetons), de traitement (casse de la boule ou tri
des jetons percés), de sortie (interprétation des jetons),
de contrôle (comparaison du contenu du support avec
l'objet de la transaction), de rétroaction (évolution
progressive des surfaces des boules). L'écriture appa-
raîtra vers —3500 ans. Elle utilisera par la suite
différents supports : pierre, bois, poterie, papyrus,
parchemin.
- 3000
Le binaire : l'octogone à trigramme. —C'est une
figure magique de l'Empereur Chinois Fou-Hi qui
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