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Commentaire littéraire 

: Colette, La Maison de Claudine (1922).

– Votre fille a neuf ans, m’a dit une amie, et elle ne sait pas coudre ? Il faut qu’elle
apprenne à coudre. Et par mauvais temps, il vaut mieux, pour une enfant de cet âge, un
ouvrage de couture qu’un livre romanesque.
– Neuf ans ? Et elle ne coud pas ? M’a dit une autre amie. A huit ans, ma fille me
brodait ce napperon, tenez … Oh ! Ce n’est pas du travail fin, mais c’est gentil tout de même.
Maintenant, ma fille se taille elle-même ses combinaisons … […]
J’ai déversé docilement toute cette sagesse domestique sur Bel-Gazou.
– Tu as neuf ans, et tu ne sais pas coudre ? Il faut apprendre à coudre, etc.
J’ai même ajouté, au mépris de la vérité.
– A huit ans, je me souviens que j’ai brodé un napperon … Oh ! Ce n’était pas du travail
fin, évidemment … Et puis, par le mauvais temps …
Elle a donc appris à coudre. Et bien qu’elle ressemble davantage – une jambe nue et
tannée1 pliée sous elle, le torse à l’aise dans son maillot de bain – à un mousse 2 ravaudant3 un
filet qu’à une petite fille appliquée, elle n’y met pas de répugnance garçonnière. […]
Alors mes amies l’applaudissent :
– Regarde-la ! Est-elle sage ! A la bonne heure ! Ta maman doit être contente !
Sa maman ne dit rien – il faut maîtriser les grandes joies. Mais faut-il les simuler ?
J’écrirai la vérité : je n’aime pas beaucoup que ma fille couse.
Quand elle lit, elle revient, tout égarée et le feu aux joues, de l’île au coffre plein de
pierreries, du noir château où l’on opprime un enfant blond et orphelin. […] Si elle dessine ou
colorie des images, une chanson à demi parlée sort d’elle, ininterrompue comme la voix
d’abeilles qui exhale le troène5. Bourdonnement de mouche au travail, valse lente du peintre en
bâtiments, refrain de la fileuse au rouet6 … Mais Bel-Gazou est muette quand elle coud.
Muette longuement, et la bouche fermée, cachant – lames à petites dents de scie logées au
cœur humide d’un fruit – les incisives larges, toutes neuves. Elle se tait, elle … Écrivons donc
le mot qui me fait peur : elle pense7.

Consigne : Vous rédigerez le développement du commentaire littéraire de ce texte en suivant


le plan donné :
I) L’éducation stéréotypée d’une jeune fille.
II) Le regard d’une mère sur la situation.
Vous pourrez vous aider de votre fiche méthodologique n°5 et des différentes lectures
analytiques faites en classe.

Organisation des analyses selon leur pertinence /3


Citations pertinentes et bien insérées /4
Procédés trouvés + pertinence /3
Interprétation pertinentes /6
Expression correcte du commentaire /4
____________________________________________________________
1
Qui devient du cuir / 2Apprenti matelot / 3Repriser, raccommoder à l’aiguille en couture, remettre en
état, réparer / 4Point de base en couture sur lequel repose toutes les autres formes de couture. / 5
« exhaler » signifie, littérairement, manifester un sentiment en chantant et le « troène » est un
arbuste / 6Instrument à roue permettant de filer la laine. / 7A prendre dans le sens : elle devient
adulte, réfléchit sur des sujets qui ne devraient pas intéresser une enfant.

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