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全
mo
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Hanqueon el daver
G daners fulis .
6.
1
HISTOIRE
DE L'ADMIRABLE
DON QUICHOTTE
DE LA MANCHE
TOME SIXIE M E.
1
.
HISTOIRE
DE L'ADMIRABLE
DON QUICHOTTE
DE LA MANCHE .
NOUVELLE EDITION ,
TOM E SIXIEM E.
A PARIS ,
Chez MOUCHET , grand'Salle du Palais ,
à la Juftice.
M. D C C. XLI
AVEC PRIVILEGE DUROL
MMM MMMMM
.w XXXX
KXXXXXXXỄ KXXX XXXX
TABLE
DES CHAPITRE S
СНАР . Omment on a dé
de Sylvie . 148 .
CHAP . XLVI . Pourquoi Sancho
perdit fes Armes enchantées , &
du terrible combat qu'il eût àfou
tenir pour les recouvrer. 162 .
CHAP . XLVII . Suite agréable de
la victoire remportée par le Che
valier Sancho , & duprojet que
TABLE
formaDonQuichotte pour lefaire
•
repentir de fon indifcretion . 177.
CHAP . XLVIII . Du combat de
LIVRE QUATRIÈME .
HISTOIRE
NIGITABOR
HISTOIRE
DE L'ADMIRABLE
DON QUICHOTTE
DE LA MANCHE.
LIVRE TROISIÈME.
CHAPITRE XXXIII,
!
DE DON QUICHOTTE. 5
L. I V. III.
CHAP .
XXXIV .
CHAPITRE XXXIV.
B
16 HISTOIRE
LIV. III.
CHAP,
XXXV.
CHAPITRE XXXV.
CHAPITRE XXXVI
DE DON QUICHOTTE. 27
effe il n'y avoit guéres d'homme au monde LIV. III.
int de meilleur fens, ni plus difcret que lui , CHAP .
me Eugénie lui fit confidence de tout ce qui XXXV,
ie , regardoit Don Pedre & elle , & le pria
- du de n'en pas plus parler à fon époux qu'il
""
voit avoit parlé d'Octavio , parce que cela
Tout augmenteroit fa maladie par le chagrin
nent qu'il en auroit ; Don Quichotte le pro
heu mit, & l'heure de fouper étant venue ,
10
enti Eugénie fit mettre la table auprès du lit
nier de fon époux , & alla querirles belles
Françoifes fes hôteffes ; mais Silvie qui T
rap
Dan fondoit en larmes , la pria de l'excufer
.
que lui difant que fes malheurs ne lui laif
foient que la mort à fouhaiter ; la Mar
t fa
net quife pria Eugénie de fouffrir qu'elle
ands tînt compagnie à Sainville , & la tante
S. de Silvie lui fit trouver bon qu'elle tint
rien compagnie à fa niéce ; de forte qu'il ne
ons, vint avec la Comteffe , que la même De
irent moiſelle Françoiſe qui avoit demandé
rrivé au Duc d'Albuquerque fa protection.
Comme les différens fentimens ne per
eles
lui, mettoient pas que les efprits fuffent por
a dit tez à la joye , on ne fit point prier San
Var cho de venir fouper , & il refta avec l'Of
ena ficier dont les civilitez bachiques lui
é de plaifoient plus que la meilleure compa
gnie , outre que n'ayant pas tout à fait
cep
te tenu parole à la Comtefle , & fe fouve
Cij
HISTOIRE
30
LIV. III . dame , il faut enfin vous avouer tout ,
CHAP puifque vous m'avez défendu de vous
X X XVI.
rien déguifer , j'aimois Silvie plus en
Suiteredede core que je ne m'en croyois aimé ; elle
P'Hiftoi
Sainville & m'avoit fait connoître que fon plus ar
de Silvic. dent fouhait étoit de paffer fa vie avec
moi, & que je ne l'a défobligerois pas
d'en faire la propofition à fa mere. Je
vous ai dit , Madame , que le parti étoit
très - avantageux ; ainfi voyant ma for
tune tout - à - fait d'accord avec mon
cœur , j'étois dans un raviffement que je
ne comprenois pas moi-même , & qui
me mettoit hors de moi.
Nous avions quitté le jeu en même
tems que les autres , & en fortant je
demandai à Silvie un moment d'entre
tien particulier , afin de prendre en
ſemble des meſures juftes pour faire en
forte que fa mere confentît à me ren
dre heureux ; & pour cela je la priai
de me permettre de venir chez elle avant
l'heure du jeu , & de fe trouver feule
dans fon cabinet , où je me rendrois ;
elle me le promit , avec une petite rou
geur qui acheva de me charmer.
J'avois trop d'impatience pour y
manquer. A peine eus-je dîné le lende
main , que j'allai à mon rendez - vous.
Je trouvai Silvie à ſon claveffin : figu
DE DON QUICHOTTE. 31
rez-vous rout ce que peuvent fe dire Liv. III.
deux perfonnes qui s'aiment , & qui CHAP.
n'ont point de tems à perdre. Je l'ai- XXXVI .
mois trop pour lui manquer de refpect ; Suite de
l'Histoire de
en effet , on en conferve beaucoup plus sainville &
pour une perfonne qu'on veut époufer , de Silvic,
que pour une autre ; outre que je crai
gnois de lui déplaire par un emporte
ment que je mefigurois qu'elle interpré
teroit mal. Nous nous dîmes cependant
tout ce qu'on peut fe dire pour s'aflu
rer l'un & l'autre d'un amour réciproque
& éternel , & nous nous fimes toutes les
careffes innocentes qui peuvent accom
pagner ces fortes d'affurances. Elle me
raflura contre la peur que j'avois de l'a
varice de fa mere , & me jura de n'ê
tre jamais qu'à moi. J'étois à fes pieds ,
& ne me relevai qu'au bruit que j'en
tendis dans la chambre : elle m'embraf .
fa, & m'ordonna de refter , ne voulant
pas que l'on me vît fortir de fon cabinet
i.
avec elle , aprés y avoir été fi long-tems.
feul à feul. Je fis ce qu'elle voulut , & un
moment après être fortie , elle revint ,
& m'ayant dit de revenir le lendemain
prendre une lettre qu'elle laifferoit pour
moi fous la houffe du dernier fiége de la
fale du côté du miroir , elle me fit forti
de foncabinetpar l'entrefole où couchoit
C iiij
3.200 HISTOIRE
IV. III. fa femme de chambre , qui répondoit
CHAP fur le grand efcalier.
XXXVI. J'étois dans un tel tranſport de joye ,
LETTRE.
ዮ
DE DON QUICHOTTE 45
croyoit en intrigue avec Deshayes. Liv. IIT
Dès le lendemain que Sainville avoit CHAP
XXXVI..
dû recevoir cette lettre , la Barone en
tra dans ma chambre , où je feignois l'Hiftoir
Suite ededer
d'être malade , pour m'épargner la hon- sainville
te de paroître fi - tôt devant lui , après de Silvie,
lui en avoir tant écrit. Elle me pria d'a
bord de faire fortir ma femme de cham→
bre , parce qu'elle avoit quelque choſe:
de très grande conféquence à me dire
en particulier. Si - tôt que nous fumes.
feules , à ce que je croyois , elle commen
ça par me 1 plaindre du mauvais choix.
que je faifois des gens que j'honorois.
de ma confiance & de mon amour.
Elle vit que ce mot m'allarmoit, & me
pria d'écouter jufqu'au bout. Vous êtes
jeune , Mademoiselle , pourfuivit - elle ;,
c'eft la plus belle qualité que puiffe avoir.
une perfonne de notre fexe quand elle
eft jointe à autant de beauté & d'efprit.
que vous en avez ; mais c'eft celle auffi
qui donne plus de moyen de la tromper,
parce qu'à cet âge , où l'expérience.
manque , on eft rempli des illufions de.
l'amour propre qui perfuade que tout
eft , & fera en effet comme on le defire..
Vous avez cru être aimée de Sainville ;
vouslui avez abandonnévotre cœur tout..
entier. Il feroit trop heureux s'ilen con
RE
46 HISTOI
DI
LIV. III. noiffoit le prix , & c'eft un bonheur
CHAP. pour vous qu'il ne le connoiffe pas , par
XXXVI. ce qu'il eſt tout-à-fait indigne de le pof
Suite de
'Histoire de l'agitation de mon efprit ne fut di
sainville & vertie que par l'arrivée de ma mere &
de Silvie. de mes tantes dans ma chambre , qui me
trouvérent dans un état digne de leur
compaffion ; auffi bien loin de redou
bler leurs reproches , elles tâchérent de
me confoler. La Barone arriva un mo
ment après , & fuivant le confeil qu'el
les avoient tenu toutes quatre le foir
précedent , ce fut elle qui me porta la
parole ; elle me parla dans les termes
les plus obligeans du monde , & fur ce
queje lui dis que mon deffein étoit d'al
ler cacher ma honte & mon defefpoir
dans le fond d'un convent , elle entre
prit de m'en détourner , & y réuffit .
Elle me fir comprendre que ce feroit
encore redoubler la vanité de Sainville ,
& lui faire croire que ce feroit le feul
dépit qui me feroit prendre ce parti ,
qu'outre cela étant fille unique , ma me
re ne confentiroit pas à me voir Reli
gieufe ; qu'il faloit oublier Sainville &
le mépriſer encore plus qu'il ne me mé
prifoit ; que ne pouvant rien prouver
contre moi , puifque je ne lui avois ja
mais écrit que cette feule lettre, qui étoit
DE DON QUICHOTTE. 53
brûlée , tout ce qu'il pourroit dire de Liv. II.
notre intelligence pafferoit pour des im- CHAP.
poftures ; que le feul parti qu'il y avoit X X X v Í .
Suite de
à prendre étoit de me marier prompte- l'Hitoir e de
ment , qu'elle avoit un parti en main sainville &
qui me convenoit mieux que lui , puif- de Silvie.
qu'il étoit plus riche & mieux établi ;
que cet homme fçavoit que j'avois quel
ques égards pour Sainville ; mais qu'il
les avoit toujours regardez comme des
amuſemens d'enfant , que la vertu & le
devoir diffiperoient en un moment ;
qu'elle ne lui avoit rien dit , & ne lui
diroit jamais rien de la lettre que j'avois
écrite à Sainville , & qu'elle m'avoit
renduë , ni de ces engagemens où j'étois
entrée ; que je pouvois compter fur un
fecret inviolable de fa part , & que de
la fienne elle étoit certaine que Des
hayes s'expliqueroit dès qu'il fçauroit
que j'aurois rompu avec Sainville.
Je vous ai dit , Madame , pourſuivit
Silvie , que ma mere & mes tantes
avoient concerté enfemble le jour précé
dent ce qu'elles avoient à faire ; ainſi la
matiére étant diſpoſée , ma mere qui fe
laiffoit gouverner par fes fœurs , fut la
premiére à donner fa parole pour Des
hayes ; mes tantes la fecondérent , &
je n'ofai ni ne voulus les en dédire.
E iij
$4 HISTOIRE
Liv. III.Deshayes qui en fut averti , vint dès
CHAP. l'après midi même me rendre vifite : Il
XXXVI . eut le privilége d'entrer malgré ma fié
Suite de vr
PHiftoire de e , & ce fut affez d'être autorifé
Sainville & de ma mere , pour s'en faire ouvrir la
de silvie. porte. Pendant huit jours que je reftai au
LIV. III. clos , car c'eſt lui qui m'en a le plus dit,
CHAP. & fans le maître-d'hôtel il m'en auroit
XXXVII . dit davantage . Ils pafférent une partie
de la nuit à raifonner fur cet article ,
jufqu'à ce que Sancho s'endormit. Don
Quichotte en fit autant , après avoir
fait quelques réflexions fur fon mal
heur , qui ne lui permettoit pas de
défenchanter Dulcinée , lui qui déli
vroit d'autres Dames qui ne le tou
choient pas de fi près .
CHAPITRE XXXVIII.
CHAPITRE XXXIX.
CHAPITRE X L.
fatigables.
CHAPITRE X L I.
que
DE DON QUICHOTTE. TII
fantes , comme elles l'étoient en effet , Liv. III.
parce que pour les mettre tout à fait à CH, XLI.
l'épreuve des armes à feu , le Duc avoit
fait couler entre le fer & le cuir qui les
doubloit des mains de papier bien bat
tues en double ; mais leurs chevaux ,
qui étoient deux forts Allemans faits au
feu , & accoutumez aux coups de mouf
quets & de piftolets , étoient affez forts
pour n'en être pas furchargez.
Ils s'armérent promptement , & al
loient monter à cheval , lorfque Sancho
prenant ſon écu , vit deffous tout l'aprêt
d'un déjeuner qu'on y avoit mis. Tout
beau, Chevalier, dit-il à fon Maître, pre
nons toujours, nous ne fçavons qui nous
prendra ; un bon tien vaut mieux que
deux tu l'auras ; ceci mérite bien que
nous nous arrêtions un peu , notre bon
ami Parafaragaramus eft trop civil pour
nous laiffer partir à jeun , & fi cela eft
auffi bon qu'il a bonne mine , nous ne
ferons pas mal de boire un coup à fa
fanté. En difant cela il s'affit fur l'herbe ,
& obligea Don Quichotte d'en faire
autant. Il parla encore pendant le re
pas de la pefanteur de fes armes. Tu ne
dois pas t'en étonner , lui dit fon maî
tre , les hommes d'autrefois étoient
bien plus forts & plus grands que ceux
112 HISTOIRE
LIV. III.d'à préfent : la nature déperit tous les
CH. XLI jours ; & outre cela Pinabel étoit un
Íarron extrêmement vigoureux , comme
je te le dirai une autrefois. Quoi ? dit
Sancho , Parafaragaramus me donne les
armes d'un larron pour en aller défaire
d'autres , pardi je n'en veux point , elles
me porteroient guignon. Eh ! mon en
fant , lui dit Don Quichotte , ne fçais
tu pas bien qu'on ne combat jamais
mieux les méchans qu'avec leurs pro
pres armes,
Ils auroient plus long-tems parlé &
mangé , car la ſtation plaifoit fort à
Sancho , fi le Duc ne fût arrivé fuivi de
toute fa troupe au nombre de plus de
cent hommes. Il contrefit l'étonné de
les voir fi bien armez. Don Quichotte ,
qui mouroit d'impatience de fe figna
ler , vouloit brufquement entrer dans
la forêt , mais le Duc lui dit qu'il faloit
qu'une partie de fon monde en fît le
tour, afin que qui que ce fût ne pût s'é
chaper, & qu'on fe reconnoîtroit au
fon du cors que chaque troupe auroit.
Pendant cette maniere de confeil de
guerre , Sancho avoit plié bagage , &
avoit mis le pâté & le pain d'un côté à
Parçon de la felle de fon cheval , & la
bouteille de l'autre. Le Duc les quef
tiona
DE DON QUICHOTTE. 113
tiona fur leurs armes & leurs chevaux Liv. III,
qui étoient en bon ordre , & leur dit CH. XLI .
qu'il foupçonnoit là dedans de la negro
mancie. Pardi , Monfeigneur , lui dit
Sancho tout gaillard , tant de l'état où il
fe voyoit , que d'une bouteille qu'il avoit
prefque vuidée feul , il fait bon avoir des
amis par tout , & en enfer comme ail
leurs.Il y a des maudits enchanteurs qui
nous piquent comme guefpes , mais il y
en 2 auffi qui font de nos amis. Patien
ce , nous les reconnoîtrons ; laiffez-nous
feulement aller , & vous verrez beau
jeu. Allez à la bonheur , dit le Duc qui
avoit divifé fa troupe en quatre , afin
d'entrer de quatre côtez.
Notre intrepide Chevalier fans af
fecter aucune troupe , fe jetta dans le
premier chemin qu'il trouva , & ne fui
vant que fes vifions , alloit le plus vite
qu'il pouvoit, Sancho le fuivit , & com
me ils étoient tous deux parfaitement
bien montez , ils furent bien-tôt éloi
gnez & hors de vûe. Ils allérent long
tems dans la forêt , fans trouver perfon
ne ; mais enfin étant arrivez dans un
fond où ils virent deux ou trois petits
chemins frayez , ils en fuivirent un qui
les conduifit à l'entrée d'une caverne ,
1
122 HISTOIRE
Liv.III. lui faire aucun mal , & qu'on l'affure
CHAP. roit même de lui fauver la vie , pour
XLI. vû qu'il découvrît les retraites des au
tres , & en facilitât la prife. Ce con
feil réuffit tout à propos ; parce que ,
comme on en eut apperçû deux mon
tez au haut d'un arbre , on alla à eux ;
mais là peur dont ils furent faifis en fit
tomber un de fi haut , qu'il ſe brifa
tout le corps , & reſta mort fur la place.
Le Duc parla à l'autre avec tant de
douceur , qu'il fe laiffa gagner aux pro
meffes qu'il lui fit , & étant defcendu
conduifit la troupe dans tous les en
droits de la forêt où ils fe retiroient
on y en trouva huit dont il n'y en eut
que deux qui fe défendirent & qui fe
firent tuer , les fix autres étant hors de
combat par les bleffures qu'ils avoient
reçues , tant à l'affaut de la caverne ,
que par les actions où ils s'étoient trou
vez contre Sainville & Deshayes. La
longue traite qu'ils avoient faite pour
fe fauver , & le fang qu'ils avoient per
du ayant tout - à - fait épuifé leurs for
ces , ils furent pris vifs & remis entre
les mains des gens du Lieutenant , qui ,
avec du vin leur raffermirent le cœur
& après cela les firent porter dans une
charette , qu'on envoya querir à la
DE DON QUICHOTTE. 123
même prifon où étoit Pedraria. LIV. III.
Il ne reftoit plus que fix de ces mal- CHAP.
XLI.
heureux à trouver , mais il fut impoffi
ble d'en venir à bout dans la forêt . Ils
étoient tous fix enfemble , bien réfo
lus de fe défendre juſques à la derniere
goutte de leur fang . Ils avoient reconnu
les couleurs & les bandolieres du Duc
de Médoc , fur le corps de ceux qui
étoient venus au fecours de notre Hé
ros qui les avoit attaquez le premier
dans leur caverne ; & ils ne doutoient
pas que ce ne fût lui qui leur avoit dref
fé cette partie;& comme ils ne croyoient
pas qu'il eût ofé entrer dans la forêt ,
ni ſe commettre avec des gens comme
eux , ils avoient réfolu de venger leur
mort par la fienne ; ainfi au lieu de fe
cacher dans leurs retraites ordinaires ,
ils avoient quitté le bois , & s'étoient
jettez du côté du chemin du château de
Valerio , & en tournant le dos à ceux
qui les cherchoient , ils croyoient trou
ver le Duc feul, ou du moins peu accom
pagné & hors d'état de leur réfifter : mais,
au lieu de lui , ils trouvérent la Duchef
fe fon épouſe .
Lij
124 HISTOIRE
Liv. III.
CHAP.
XLII.
CHAPITRE XLII.
1
DE DON QUICHOTTE. 133
fa vaine gloire ne lui permit pas d'a- Liv. II.
vouer fon ignorance . CHAP.
XLIII.
CHAPITRE XLIII
Nij
148 HISTOIRE
LIV III.
CH. XLV.
CHAPITRE XL V.
CHAPITRE XLVI.
CHAPITRE XLVII.
}
·
DI DON QUICHOTTE. 195
dant la journée , fi bien qu'il avoit terri- Liv. III.
CHAP.
blement les dents mêlées le foir que XLVII;
toute la focieté vint le voir pour appren
dre des nouvelles de fa fanté. La belle
Mademoiſelle de la Baftide le fit fouve
nir de fon défi pour le lendemain à tous
les Chevaliers , pour l'honneur de la
Comteffe , qui fit femblant de le prier
de n'y point aller , & lui dit qu'elle lui
avoit affez d'obligations fans y ajoûter
celle-là , & qu'elle ne méritoit pas qu'il
s'exposât pour elle à de nouveaux dan
gers ; mais elle l'en pria d'une maniere
à l'y engager encore plus fortement ;
auffi répondit-il qu'il ne manqueroit
pas à l'affignation. La Provençale qui
avoit fait difpofer toutes chofes, le flatta
de fa victoire fur l'Enchanteur qui lui
avoit abandonné fes armes , & lui infi
nua que cet endroit étoit heureux , &
qu'après y avoir vaincu un démon , il
n'y avoit pas d'apparence que des Che
valiers lui réfiftaflent : enfin elle le tour
na fi bien , qu'elle le fit réfoudre d'aller
y porter fon cartel , & de prendre ce
même endroit pour le champ de fa gloi
re , & la défaite des Chevaliers.
Rij
RE
296 HISTOI
Liv. III.
CHAP.
XLVIII. CHAPITRE XLVIII
5
DE DON QUICHOTTE. 231
LI v. III.
CHAP.L.
CHAPITRE L.
!
DE DON QUICHOTTE. 237
de confiance , ou plutôt cette jalousie , Liv. I.
" étoit neceffairement fille de l'amour , CHAP. L.
& qu'il n'y avoit qu'elle feule qui la fit
naître ; qu'une preuve de cela eft , que
nous laiffons faire avec indifference
tout ce que veulent faire des gens auf
quels nous ne prenons nul interêt , &
qu'au contraire les gens que nous ai
mons ne font aucune action qui ne nous
intereffe , & à laquelle nous ne prenions
part en effet. Les François convinrent
1
encore de cela; mais ils ajoutérent que
ce n'étoit pas par un motif d'indiffe
Fence , que les amans & les hommes
mariez abandonnoient en France leurs
maitreſſes & leurs époufes à la garde
de leur feule bonne foi , puifque tou
tes leurs actions les touchoient autant
qu'elles pouvoient toucher les Efpa
gnols ; mais que cela provenoit en
core du fond inépuisable d'eftime qu'ils
avoient pour elles , & de leur confiance
en leur vertu , qui les empêchoit de
croire qu'elles puffent faire aucune dé
marche contre la fidélité qu'elles leur
avoient jurée , ni même avoir la moin
dre penfée dont ils puffent tirer aucun
fujet legitime de fe plaindre. Ils con
venoient encore qu'il y en avoit plu
fieurs en France qui faifoient un mau
238 HISTOIRE
LIVRE III. vais ufage de cette confiance , que
CHAP. L. même le nombre n'en étoit pas petit ;
mais ils ajoutérent que generalement
parlant il n'étoit pas plus grand qu'en
Efpagne , parce que l'infidélité des fem
mes, provenoit plutôt du dépit & des
chagrins , que des foupçons mal fon
dez que leurs époux leur donnoient ,
que d'aucun penchant à l'infidélité ,
& qu'il y avoit très - aſſurément des
femmes en Eſpagne , auffi-bien qu'en
France , qui feroient toute leur vie ref
tées fages & fidéles , fi leurs maris ne
leur avoient pas eux-mêmes infpiré l'en
vie de juftifier leurs ombrages & leurs
jaloufies , & que très - affùrément le
meilleur parti qu'un homme marié pou
voit prendre , étoit de ne témoigner à
fa femme aucun foupçon ; & pour
foutenir leur paradoxe , ils citérent les
vers de l'Ariofte que je ne rapporte
rai pas , mais bien la traduction ou la
paraphrafe faite par Monfieur de la
Fontaine. C'est dans la coupe enchan
tée.
CHAPITRE LI.
Le Jaloux trompé.
HISTOIR E
"
266 HISTOIRE
LIV. III. lui dit Sotain. Oui, Seigneur, lui répon
CHAP. LI. dit-elle , & veuve d'un François que
Hiftoire du j'aimois beaucoup , & dont la mémoire
Jaloux trou me fera toujours chere , parce que
pe. c'eſt à fes foins que je dois la confer
yation de mon honneur , que les ban
dits m'auroient ravi , fi lui- même ne
l'avoit pas mis à couvert de leur vio
lence. C'eft donc en vous défendant
qu'il a été tué , repartit Sotain ? Non ,
Seigneur , répondit-elle , il avoit été
tué avant que les bandits fuffent victo
rieux. Et comment donc , reprit Sotain
a-t-il pû mettre votre honneur à cou
vert de leur violence ? Difpenfez- moi
de vous le dire , repliqua-t-elle , ces
fortes de fecrets là doivent demeurer
entre le mari & la femme. Sotain , qui
n'ignoroit pas les précautions que les
Italiens prennent , fe douta de ce que
c'étoit , & crut que le François en avoit
voulu prendre de pareilles ; dans ce
fentiment il demanda à cette fauffe veu,
ve avec un ris forcé , fi fon mari lui
avoit fait prefent d'une ceinture de chaf
teté. Elle ne répondit rien à cette de
mande , & fe contenta de baiffer les
yeux , avec une honte qu'elle affectafi
naturellement , que notre homme fut
convaincu qu'il avoit tiré juftę ; & rayi
DE DON QUICHOTTE. 267
de fçavoir qu'il y eût eu un François ca- Liv. III.
pable de porter fon extravagance juf- CHAP.LI.
qu'à ce point , il fe mit en tête de l'imi- Hiftoire du
ter , & d'avoir à quelque prix que ce fût Jaloux trom.
pé.
cette digne ceinture , que cette préten
due Italienne difoit avoir , pour faire à
La femme un préfent digne de lui.
Il donna liberalement l'aumône à
cette fauffe Italienne , lui en promit en
core davantage à l'iffue de la Meſſe , &
lui fit promettre de l'attendre. Tout ce
beau dialogue fi peu refpectueux à lạ
porte d'une Eglife , n'avoit point ſcan
dalife fes auditeurs malgré la matiere
qu'on y traitoit , parce qu'il s'étoit fait
en Italien , & qu'il n'y avoit perfonne
qui l'entendît.
La Meffe qui parut extrêmement
longue à notre Jaloux finit enfin , & il
retrouva à la porte de l'Eglife l'Oficier
déguifé , qui l'attendoit avec autanę
d'impatience que luj , & qui étoit ravi
de voir un fi bon commencement. Le
mari lui dit de le fuivre , & l'Italienne
l'ayant fuivi , il la fit entrer chez lui ,
& après l'avoir bien fait manger en fa
prefence même , il la mena dans ſon
jardin tout au bout, afin de n'être enten
du de perfonne , où lui ayant demandé
fi elle vouloit refter chez lui , il lui
Zij
268 HISTOIRE
LIV. III. répondit que fon honneur y feroit en
CHAP. LI . fureté , & qu'il lui procureroit un parti
Hiftoiredu qui l'empêcheroit de regretter la Da
Jalouxtrom
é
p . me qu'elle alloit chercher , & les parens
de fon mari, L'Italienne accepta prom→
tement le parti , louant Dieu , d'un air
hypocrite , de lui avoir fait trouver un
Seigneur fi charitable , & qui la reti
roit du malheur & de la honte de de
mander fa vie dans un pays où on ne
F'entendoit pas. Après cela Sotain lui
avoua la maladie dont il étoit travaillé ,
& lui offrit toutes chofes au monde
pour avoir d'elle la ceinture qu'elle por
toit. La feinte Italienne ne fe fit pas pref
fer fur le prix , mais elle fit mille diffi
cultez fur la maniere de l'ôter de deffus
UE
Büij
1
HISTOIRE
DE L'ADMIRABLE
DON QUICHOTTE
DE LA MANCHE.
CHAPITRE LI I
Le Mari prudent.
HISTOIRE.
4
DE DON QUICHOTTE. 325
LIV.IV.
CHAP .
LIIL
CHAPITRE LIII,
Quichotte
F f iij ´´
342 HISTOIRE
LIV. IV. ennuyé de répondre à tout le monde , &
CH. LIII. fans parler à perfonne en particulier , il
dit tout réfolument & en colere , qu'il
n'avoit parlé que de fa Thereſe : & au
bout du compte : ajouta-t-il , qui fe fent
morveux fe mouche.
Monfieur le Chevalier , lui dit le Cu
ré , il faut que vous vous défabufiez. Si
vous avez eu le malheur de trouver une
mauvaiſe tête , cela ne mérite pas d'en
faire une theſe generale. Ce n'eft pas à
vous à parler des femmes , Monfieur le
Licentié lui dit brufquement Sancho >
il ne faut pas qu'un favetier paffe fa fe
meile ; vous ne devriez pas avoir affez
de commerce avec les femmes , pour
fçavoir fi elles font bonnes ou méchan
tes. Je ne m'étonne pas fi vous croyez
qu'elles font douces , vous autres gens
d'Eglife , vous ne les voyez que dans
leur bonne humeur.
Le Chevalier Sancho a raiſon , dirent.
en même tems les Ducs & le Comte ,
toutes les femmes ne font bonnes qu'à
faire défefperer leurs maris. C'eft ce
que je difois l'autre jour , reprit San
cho, ravi que les gens mariez fuffent de
fon parti. Mais , chevalier Sancho , lui
dit Eugenie , il faut prendre en patien
ce les contradictions de votre femme ,
DE DON QUICHOTTE. 343
& croire que c'eft Dieu qui vous l'a Liv. IV.
donnée telle qu'elle eft pour vous faire CH. LIIL
faire pénitence. Non , non , Madame ,
lui dit-il , ce n'eft pas le bon Dieu , c'eft
le Demon qui me la laiffe. Voilà de ter
ribles paroles que vous lâchez , lui dit
le Guré. Oh , Monfieur , mêlez-vous de
votre Breviaire , lui dit-il , car franche
ment vous m'embarbouillez l'efprit ; je
fçai bien ce que je dis. Un valet de pied
de Madame la Comteffe , pourfuivit - il,
lifoit tout haut l'autre jour auprès de
mon lit l'hiftoire du bon homme Job,
il dit que Dieu avoit donné le pouvoir
au demon de le perfécuter,& de lui ôter
tout ce qu'il avoit . Celui ci lui ôta ſes
maifons , fes troupeaux , fes enfans , en
un mot tout ce qu'il aimoit , & lui don
noit de la fatisfaction ; mais il avoit
trop d'efprit pour lui ôter fa femme;
3
il fçavoit bien qu'elle feule feroit plus
enrager le bon homme Job par fon ba
bil & fes reproches , que toutes les per
tes qu'il avoit faites. Les ulceres dont
il étoit couvert , la vermine qui le man
geoit , & le fumier fur lequel il étoit
étendu , ne purent ébranler fa conftan
ce , mais fa femme penfa le déſeſperer.
Et pourquoi ne voulez vous pas qu'il
m'ait aufli laiffé la mienne dans le mê
Ffiiij
344 HISTOIRE
LIV. IV. me deffein ? Vous faites là une mau
CH. LIII, vaife application de l'Ecriture fainte ,
lui dit encore le Curé. Oh pardi , dit le
Chevalier en fe levant, c'eft dommage
que vous ne foyez pas femme , vous
conteſtez toujours fans pouvoir vous
taire ; & en même tems il fortit de la
fale avec un air de dépit & de colere,
qui fit rire tout le monde autant & plus
que ce qu'il avoit dit.
Sa fortie n'interrompit point la con
verfation , qui fut encore continuée
comme elle avoit commencé. Il étoit
allé chercher l'Officier , pour ſe défal
terer fuivant fa coutume & pour jafer
avec lui ; mais ne l'ayant pas trouvé ,
il revint en peu de tems , & rentra tout
doucement de peur d'interrompre fon
Maître qui parloit , & que toute la com
pagnie écoutoit avec beaucoup d'atten
tion.
La fuite de fon difcours l'avoit obli
gé de citer une petite avanture. Cid
Ruy-Gomez croit que c'eft celle d'An
gelique , qui fut tout d'un coup aimée
de Roland , comme elle aima depuis
tout d'un coup le beau Medor. Il la re
préfentoit comme une parfaitement bel
le perfonne couchée fur l'herbe , & em
pruntoit pour la peindre tous les lieux
DE DON QUICHOTTE. 345
communs qu'il avoit lûs dans les Ro- Liv. IV.
mans ; les roſes des joues , les perles C. LIII.
dans la bouche , le corail des levres ,
l'albâtre du front , & mille autres fem
blables impertinences y tinrent leur pla
ce ; en un mot , rien n'y fut oublié.
Sancho qui l'écoutoit attentivement ,
fut ennuyé d'une defcription fi pom
peuſe , qui n'étoit point de fon goût ,
parce qu'il n'y comprenoit rien ; mais •
il acheva de fe facher tout de bon lorf
que fon maître vint à peindre les che
veux qui tomboient négligemment fur
les épaules de celle dont il faifoit l'élo
ge , & qui pendoient à groffes ondes
tout le long de fon corps ; c'étoit à fon
dire autant de liens où les amours en
chaînoient les cœurs , & les petits ze
phirs s'y jouoient avec eux , & les fai
foient nonchalamment voltiger . Tenez ,
tenez , Monfieur , lui dit-il promtement
en l'interrompant , ne feroit-ce pas là
un petit zephir qui fe joue dans les vô
tres ? En même tems il lui porta la
main auprès de l'oreille , & fit femblant
d'en tirer quelque chofe , qu'il mit en
tre fes deux pouces , & faifant la même
figure que les gens font quand ils écra
fent la vermine.
Cette malice de Sancho interrompit
OIRE
HIST
346
LIV. IV: & déconcerta notre heros , qui devint
CH. LIII.
en un moment rouge comme du feu ,
& enfuite pâlit de colere. Toute la com
pagnie rioit à gorge déployée. Sancho,
qui vit que fa malice n'avoit nullement
plû à notre heros , fe retira auprès de
la Ducheffe de Medoc , qui pour adou
cir Don Quichotte , fit à fon Ecuyer
une févere reprimande de fon peu de
reſpect, d'avoir mal à propos interrom
pu un difcours que toute la compagnie
écoutoit avec plaifir. Sancho avoua qu'il
l'avoit fait exprès , & en demanda par
don à fon maître. On lui demanda à
quel deffein , & il répondit avec plus
d'efprit qu'on ne penfoit , qu'il y avoit
quelque tems que fon maître étant en
converfation avec le Curé de fon villa
ge & fon neveu , ils avoient trouvé à
redire aux chofes inutiles qu'on mettoit
dans les livres , & que peut-être le fage
enchanteur qui écrivoit leur hiftoire ,
& qui n'en oublioit pas une circonftan
ce , feroit embarraffé d'entendre des
chofes qu'il n'entendoit pas lui -même ;
qu'on ne parloit que pour fe faire en
tendre , & que cela étant , on n'avoit
que faire de fe fervir de termes obfcurs,
par exemple , ajouta-t-il , au lieu de dire
que les faphirs.... Il faut zephirs , lui
DE DON QUICHOTTE. 347
dit la Ducheffe en l'interrompant. Hé LIV. IV.
bien , reprit -il , au lieu de dire que les CH. LIV.
zephirs , puifque zephir y a , fe jouoient
dans les cheveux de la Dame dont Mon
feigneur & Maître parloit , & les fai
foient voltiger , je ne fçai comme il a
dit , ne valoit-il pas mieux dire tout
d'un coup que le vent les fouffloit ; cela
auroit été plus court,& je l'aurois mieux
entendu. Tout le monde fe mit encore
à rire de cette belle expreffion de San
cho , à qui fon maître fit figne de ſe
taire , & continua fon hiftoire , qui ne
fait rien à celle-ci , puifqu'elle eft écri
te ailleurs.
CHAPITRE LIV.
1
DE DON QUICHOTTE. 367
de délicateffe pour attendre avec impa- L 1 v. IV.
tience l'heure du rendez vous , & que CH. LIV.
quoiqu'il paflat la journée à boire , il
ne laiffa pas de la trouver fort longue.
Don Quichotte qui avoit entendu que
Parafaragaramus avoit dit que dans
quatre jours il délivreroit Dulcinée
d'enchantement , étoit dans l'impatience
de voir la fin du terme ; mais comme on
n'avoit pas encore tout préparé , il fa
lut malgré lui qu'il attendît. Les Fran
çois & les autres pafférent cette pre
miere journée à vifiter le château du
Duc de Medoc , & à fe promener dans
fon jardin. Il étoit beau & vafte , & ils
n'eurent pas plus de tems qu'il ne leur -
en faloit pour le parcourir jufqu'au
fouper , pendant lequel on parla d'Alti
fidore , & après l'avoir plainte d'une
paffion fi mal reconnue , la Ducheffe de
Medoc ajouta , que cette pauvre fille
s'étoit féparée de toute la compagnie ,
& l'avoit priée de fouffrir qu'elle fe reti
rât feule dans une chambre , pour y
pleurer enrepos fon malheur , & qu'el
Te n'avoit pas cru lui devoir refufer cette
grace. Je laiffe à penfer au lecteur quels
étoient pour lors les fentimens du
heros de la Manche & ceux de fon
Ecuyer.
Hh iiij
IRE
368 HISTO
LIV. IV. Chacun s'étant retiré , Sancho qui
CH. LIV. avoit la puce à l'oreille , laiffa coucher
fon maître , & fortit de la chambre fi
tôt qu'il le vit endormi. Il alla ſe pro
mener dans le parc juſqu'à l'heure du
rendez-vous ; il voyoit toujours de la
lumiere dans la chambre d'Altifidore ,
& comme il en vit enfin ouvrir la jalou
fie , il courut à ce fignal ; mais il ne put
le faire fi doucement qu'il ne fut enten
du de deux gros chiens qu'on avoit lâ
chez exprès pour lui faire les premieres
civilitez. Ceux-ci le faifirent aux feffes
& aux jambes d'une cruelle maniere :
il commençoit à fe repentir de fon in
continence , & alloit crier au fecours ,fi
Altifidore , qui étoit defcendue au de
vant de lui , & qui étoit connue de ces
chiens , ne leur avoit fait lâcher priſe >
& ne l'eût prié de ne faire aucun bruit
crainte d'expoſer fa réputation . Il la fui
vit dans fa chambre , où il trouva qu'el
le lui avoit préparé une collation fort
propre. Le brutal vouloit d'abord venir
à la conclufion ; mais la belle Altifidore
lui dit que ce ne feroit qu'après qu'il au
roit bû & mangé. Il fe mit donc à table ,
où il dit à Altifidore mille effronteries ,
& fit mille railleries de la fageffe de fon
maître qu'il traitoit de ridicule & de
DE DON QUICHOTTE. 369
bêtiſe. Enfin Altifidore fe jetta fur fon Liv. IV.
lit , & Sancho qui croyoit de bonne foi CH . LIV,
y aller prendre fa place fe mit en devoir
de la fuivre ; mais le lit fut tout d'un
coup élevé au haut du plancher où ilfe
perdit, & Sancho qui étoit à moitié def
fus lorfqu'on l'avoit enlevé avoit été
pouffé à terre , où il avoit fait une rude
chûte dont il fut relevé par quatre figu
res d'Anges vêtus de blanc & de bleu ,
ayant des aîles de même couleur. Ils le
liérent comme un criminel , lui mirent
un baillon , après quoi ils lui ôtérent de
deffus le corps l'habit & la chemiſe , &
à grands coups de verge dont ils le frap
poient par meſure , ils le mirent en un
moment tout en fang. Après l'avoir fi
bien étrillé , ils le portérent dans les fof
fez du château , où après l'avoir affis fur
une pierre , ils le liérent à un pieu & le
laifférent dans l'eau jufques au col , afin
lui dirent-ils , d'éteindre les feux de la
concupifcence. Le malheureux pécheur
y demeura juſqu'à ce que fon maître
reveillé par fes imaginations fortit pour
prendre l'air à fon ordinaire , & alla par
hazard du côté où étoit fon malheureux
Ecuyer tout tranfi de froid. Il le recon
nut , le délia , lui ôta le baillon , &lui
HISTOIRE
370
LIV. IV. demanda qui l'avoit mis là , & lui avoit
CH. LIV. fi bien moucheté le corps & les épaules.
Sancho plus mort que vif le prit quel
que tems pour un phantôme , mais
l'ayant enfin reconnu il ſe rafſura , &
avec des foupirs très vifs , ou plutôt un
cliquetits de dents extraordinaire , il lui
conta toute fon avanture.
Notre heros qui étoit la continence
même , ne le plaignit que fort peu , &
lui dit au contraire qu'il n'avoit que ce
qu'il méritoit, qu'il devoit fe fouvenir
de ce que leur avoit attiré l'envie qui
avoit pris à Roffinante de faire l'amour ,
& de quelle maniere les Yangois avoient
châtiéfur leurs perfonnes l'incontinence
d'un cheval , & conjecturer par-là que
ce feroit bien pis quand ils voudroient
eux-mêmes fe laiffer aller aux tenta
tions de la chair. Tu devois prendre
exemple fur moi , ajouta-t-il , quand
tu as vû avec quelle froideur j'ai rebuté
les marques d'amour de cette fille ? Ne
fçais tu pas qu'un Chevalier errant doit "
être chaite du corps & du cœur ? mais ,
mon enfant , il faut prendre ton mal en
patience , & ne faire femblant de rien ,
parce qu'on fe moqueroit de toi , & que
Monfieur le Duc & Madame la Duchelle
DE DON QUICHOTTE. 371
* feroient choquez , s'ils fçavoient que tu Liv. IV.
euffes voulu fouiller leur château CH . LIV.
par
tes impuretez.Ne fçais tu pas bien qu'il
y a des Démons qui gardent tous les
tréfors , & devois tu douter qu'il n'y en
ait de commis à la garde de l'honneur
d'Altifidore que tu voulois ravir? Tu en
es quitte pour des coups de verge &
15 pour avoir été rafraichi ; tout cela ne
1 peut que te faire du bien , pourvû que tu
en faffe un bon ufage. Je te confeille feu
lement de te tenir couché pour toute la
journée , fous prétexte d'indifpofition ,
auffi bien ne vois-je pas que tu te portes
trop bien.
Sancho qui n'en pouvoit plus , & qui
fe repentoit d'avoir voulu faire une mau
vaife action , convenoit par fon filence
que fon maître avoit raiſon , & contre
fon ordinaire n'ofoit ouvrir la bouche.
Don Quichotte alla lui querir du linge
& fon habit qui avoit été rapporté dans
fa chambre par art de Negromancie , &
le ramena avec lui plys honteux qu'il
n'avoit été de fa vie. En entrant ils en
tendirent de grandes acclamations , &
virent tous les gens du château qui fi
rent les étonnez. Ils voulurent paffer
outre fans en demander la caufe ; mais
372 HISTOIRE
Liv. IV. la Ducheffe les retint malgré eux. Ah !
CH. LIV. Seigneur Chevalier, dit-elle au heros de
la Manche , nous avons befoin de vous
pour la pauvre Altifidore ; elle a été
emportée cette nuit de fon lit jufques
dans l'Eftang du château où elle a pen
fé mourir de frayeur & de froid : les
Enchanteurs qui l'ont perfécutée fans
doute à caufe qu'elle vous aime , l'ont
traitée avec la derniere rigueur , elle
eft toute déchirée de coups de fouet , &
on vient de la remettre dans fa premiere
chambre plus morte que vive. Eft il
poffible que vous ne vengerez pas une
fille qui vous aime tant ? Madame , ré
ponditDon Quichotte avec un air froid
à glacer, & d'un ton tout magiſtral : ſi
Altifidore avoit été bien fage dans fon
cœur , les Enchanteurs qui l'ont mal
traitée auroient été fes défenfeurs , &
non pas fes bourreaux ; elle n'a que ce
qu'elle merite , & elle a tort de me de
mander vengeance d'eux , puifque j'au
rois fait moi-même ce qu'ils ont fait ;
Dieu benit les bonnes intentions & pu
nit toujours les mauvaiſes ; permettez
moi de ne vous en pas dire d'avantage ,
elle peut s'expliquer elle-même. Notre
Chevalier paffa outre après ce difcours
DE DON QUICHOTTE. 373
avec fon trifte Ecuyer , qui crut tout de LIVRE IV,
bon qu'Altifidore avoit eu le même fort CH, LIV.
CHAPITRE LV.
CHAPITRE L V I.
De ce quifuivit le défenchantement
de Dulcinée.
1
HISTOIRE
314
LIV. IV. quelque effence pour conferver leur
CH. LVI. tein , ou bien pour en cacher les rides
qu'il avoit depuis peu de tems travail
lé à cela avec beaucoup de fuccès , puif
qu'l y avoit des femmes âgées de plus
de foixante ans qui ne laiffoient pas
par fon moyen de paroître avec des
cheveux bruns,une peau unie & délicate,
& enfin fi jeunes qu'il faudroit avoir
en main leur extrait baptiftaire pour
les croire plus vieilles que leurs enfans ;
que cela faifoit augmenter le nombre
de leurs amans , & augmentoit en mê
me tems celui des fujets de l'Enfer ›
mais que malgré tous fes foins il cou
roit rifque de perdre fon tems s'il y
avoit encore dans le monde deux hom
mes de l'humeur du Chevalier Sancho ,
qui à tout moment difoit pis que ra
ge des femmes , & tâchoit d'en dégouter
tout le monde ; que fi cela étoit fouffert ,
il n'avoit qu'à laiffer en Enfer fon pa
nier plein de cornes , parce qu'il ne
trouveroit plus de femmes qui en puf
fent faire porter à leurs maris , n'y
ayant plus aucun homme qui leur vou
lût aider à les attacher ; qu'il avoit em
ployé un tems infini pour en faire qui
fuffent propres à tout le monde , qu'il
y en avoit de dorées pour les maris
DE DON QUICHOTTE . 415
pauvres , & qui fe changeoient fur leur Liv. IV.
3 CH. LVI .
tête en cornes d'abondance ; qu'il y en
avoit d'unies & fimples pour ceux dont
les femmes faifoient l'amour but à but ;
qu'il y en avoit des jaunes pour ceux
qui époufoient des filles qui avoient
déja eu quelque intrigue , de blanches
pour ceux qui époufoient des veuves ,
de noires pour ceux qui époufoient des
fauffes dévotes ; de diaphanes & tranf
parantes pour ceux dont les femmes fça
voient cacher leur infidélité ; de ver
tes pour ceux qui époufoient des filles
élevées dans un Couvent ou dans une
Tome VI. No
E
426 HISTOIR
LIV. IV.
CH. LVII.
CHAPITRE LVII.
1001988626 120
Cara . 1 %- I
Res. 138749
1