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BERNARD GOLAY, SON AMI SUISSE RACONTE


 ………..Mais, pendant tout ce temps, Krim était très mécontent de ce qui se passait en
Algérie avec le coup d’Etat de Boumediene qui avait remplacé Ben Bella à la
Présidence. Krim estimait que les accords d’Evian n’avaient pas été respectés, surtout
en ce qui concerne les droits démocratiques. C’est ce qui l’a incité à créer avec ses
partisans te Mouvement démocratique du Renouveau algérien (MDRA) après
l’assassinat de Mohamed Khider, un des chefs historiques de la révolution et détenteur
du Trésor du FLN, abattu à Madrid en juillet 1967. Dès lors l’activité politique reprend le
dessus accompagnée de mesures de protection. Lors de ses séjours en Suisse, Krim
bénéficiait d’une autorisation de séjour et prenait soin d’aviser la police fédérale de ses
arrivées.
Le 10 octobre 1970, un samedi matin, nous recevons un coup de téléphone d’une
personne inconnue qui demande où il peut atteindre Krim Belkacem. L’interlocuteur
précise qu’il se trouve en Allemagne et que c’est urgent.
Dans l’après-midi, Krim m’appelle de Genève, me laisse un numéro de téléphone et
demande que ce correspondant l’appelle à 18 heures. Les lundi et mardi suivants, Krim
débarque à mon bureau et reçoit des appels téléphoniques d’Allemagne. Le mercredi, il
revient avec un billet d’avion pour Francfort et me demande de le conduire à Genève. Je
le laisse à l’hôtel d’Angleterre où il a déjà séjourné. Comme il n’a pas envie de voyager
la nuit, il décide de partir le lendemain.
Dernier signe de vie
Le samedi suivant, 17 octobre, Krim nous téléphone. N’étant pas moi-même à la maison,
c’est Martine qui répond. Krim dit qu’il est à Düsseldorf et qu’il va se rendre à Francfort.
«Je rappellerai demain, si je peux» conclut-il. Cela a été son dernier signe de vie.
Le lundi suivant, je reçois un coup de téléphone d’Yves Courrière qui me demande où
est Krim. Je lui réponds qu’il est à Francfort et j’entends Yves s’écrier: Ah, les salauds!».
Il me dit avoir appris par un communiqué de presse que le corps d’un homme non
identifié – car aucun papier n’a été trouvé sur lui – a été découvert dans une chambre de
l’hôtel Intercontinental. Le médecin constate que l’homme a été anesthésié et étranglé
avec sa ceinture et une cravate. La police allemande me contacte et peut alors identifier
la victime. Par la suite, son fils venu d’Alger confirmera qu’il s’agit bien de son père. Une
commission rogatoire de la police criminelle allemande viendra à Lausanne pour
m’interroger. Trois semaines plus tard, les objets et documents votés sont retrouvés
dans un casier à la gare de Francfort. J’ai reçu les copies des fiches d’hôtel des
assassins et j’ai informé les amis de Krim de ces détails. J’ai été prié de prendre soin
des funérailles pour un premier ensevelissement au cimetière de Francfort.
Beaucoup plus tard, les autorités algériennes ont fait transporter le corps à Alger où il
repose avec les autres dirigeants décédés. Il a connu le sort de beaucoup d’autres
dirigeants algériens, qui ont été éliminés. C’est ainsi que Ben Bella et plus tard
Boumediene traitaient leurs adversaires politiques. Sa famille ainsi que Martine et moi-
même avons perdu un être très cher. Il nous manque ainsi qu’à sa Kabylie natale et à
son pays.

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