L 16370 - 88 - F: 8,50 € - RD

10-31-1668
Actualités
Sia – Héritiers d’armes ou armes trouvées
Le bilan de l’opération
d’abandon d’armes
Pendant huit jours, de fin novembre à
début décembre, en se rendant dans
300 sites spécifiquement créés pour
l’occasion, les détenteurs d’armes
non déclarées pouvaient régulariser
leur situation ou abandonner leurs armes
à l’État sans poursuites ni procédure
administrative. Quel bilan ?
D
u 2 5 n o v e m b re a u
2 décembre derniers, et
jusqu’au 6 pour Paris et
les trois départements de la
petite couronne (92, 93 et 94),
le Service central des armes et
des explosifs (SCAE), chargé de
l’implantation du Sia (Système
d’information sur les armes) en
France, a organisé, sur l’en-
semble du territoire français,
une grande « opération sim-
plifiée d’abandon d’armes à
l’État ».
À l’image de l’opération « Dépo-
sez les armes » organisée fin
2021 aux Antilles, le but était de
collecter des armes non décla-
rées et jugées encombrantes
par leurs détenteurs, sans qu’ils
ne risquent aucune poursuite
administrative ou judiciaire.
Lancée au moment précis où
ouvrait le portail Sia réservé
aux personnes ayant trouvé ou
hérité d’une arme, cette opé-
ration d’abandon avait deux
objectifs : aider justement les
personnes qui possèdent une
ou plusieurs armes héritées
ou trouvées à régulariser leur
situation en les déclarant et en
créant leur compte Sia ; et per-
mettre à celles qui au contraire
désiraient se débarrasser du
fusil, de la carabine, voire de
l’arme de poing ou de guerre,
dormant au grenier, de le faire
sans avoir de comptes à rendre.
Trois-cents sites de collecte,
des « armodromes » – c’est le
terme choisi – ont été créés
et répartis sur l’ensemble du
territoire, jusqu’à cinq par pré-
12 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
fectures, afin de ne pas obliger
les possesseurs d’armes à faire
de trop nombreux kilomètres
avec leur arsenal.
Sur place, de 9 à 17 heures,
weekend inclus, 5 000 fonc-
tionnaires des préfectures, poli-
ciers et gendarmes ont accueilli
ceux qui voulaient se dessaisir
de leurs armes. 140 000 armes
ont été ainsi abandonnées et
récupérées. La plupart sont
destinées à la destruction
au Banc d’épreuve de Saint-
Étienne, mais certaines pièces
de collection iront, comme
prévu, rejoindre les rayons des
musées. De plus, 4 millions
de munitions et projectiles de
toutes sortes ont également
été abandonnés. 50 000 armes
ont été déclarées et conservées
par leurs propriétaires qui, s’ils
n’étaient pas chasseurs, ont armes par héritage. Elle par- porte-parole, dans les jours qui
ainsi pu créer leur compte « Sia ticipe grandement à prévenir ont suivi, auraient pu se passer
Héritiers » sur place. D’ailleurs, les violences intrafamiliales, les de ces éléments de langage.
14 000 comptes Sia ont été accidents domestiques et les Néanmoins, au-delà de la polé-
ouverts, dont certains pour des vols d’armes. » S’il est possible mique, ces chiffres importants
chasseurs qui ont pu, comme de souscrire aux deux derniers encouragent le ministère de
le SCAE les y invitait, profi- points, le premier vise, une fois l’Intérieur et le SCAE à renou-
ter du personnel présent dans encore, à dresser du détenteur veler l’opération, sans doute à
ces armodromes pour effectuer d’armes le portrait-robot d’un la même période, l’année pro-
cette démarche indispensable danger pour la société et ses chaine. De même, le ministère
pour acheter une arme, et qui proches, ce dont nous nous réfléchit à engager une réforme
sera obligatoire le 1 er juillet serions bien passés. Il suffit visant à simplifier la procédure
2023. malheureusement de regarder d’abandon d’armes à l’État.
« L’adhésion de nos conci- de quelle manière se produisent Rappelons qu’au début de cette
toyens à cette opération a été les féminicides, en hausse en opération, le SCAE évoquait le
sans précédent, s’est félicité le France depuis le premier confi- chiffre de 2 millions d’armes
2 décembre Gérald Darmanin, nement covid-19, pour décou- non déclarées en France. Si
ministre de l’Intérieur. Cette vrir que leurs auteurs n’ont pas ces chiffres sont les bons, 10 %
action répondait à un besoin besoin d’armes à feu, dans d’entre elles viennent de réap-
fort des usagers, notamment 75 % des cas, pour commettre paraitre…
pour ceux ayant acquis des leur crime. Le ministre et sa Laurent Bedu
Courrier des lecteurs

Rapid et épreuve bille d’acier

Je suis un fervent lecteur de toutes les
revues sur la chasse et le cynégétique pour
lesquelles vous intervenez, et j’en profite
pour saluer votre préface du Guide pratique
du rechargement (je pratique depuis mes
16 ans le rechargement de presque toutes
mes cartouches (cal. 12, 16, 20, 14 mm,
.338, .30-06, .30-30, etc.), et j’ai 75 ans.
Je possède les fusils de chasse de mes
aujourd’hui dégradé en catégorie B – et jedu poinçon à fleur de lys qui atteste
me demande bien pourquoi, car c’était un d’une comptabilité bille d’acier hautes
performances.
bon fusil qui équivalait à la chasse à celui de
mon grand-père, qui était un Idéal. Pour pouvoir tirer sans risque et sans
que l’assurance se retourne contre
Qu’en pensez-vous ? Y a-t-il d’autres fusils
de chasse de cette époque éprouvés à ces vous en cas d’incident ou d’accident,
pressions ? et puisque des munitions hautes
performances développent au maximum
Yves Descamps
1 050 bars de pression, il faut que votre

grands-parents et parents disparus, armes
que je garde précieusement pour ma
progéniture. Il semblerait donc, d’après
de nombreux articles parus ces derniers
mois, que ces vieux fusils ne soient pas
éprouvés à plus de 950 bars. Or, si ma
mémoire est bonne, pendant de longues
années, j’ai possédé (et chassé avec) un
fusil de chasse de Manufrance Saint-Étienne
qui était, d’après son dépliant d’entretien,
éprouvé à 1 200 bars. Mon grand-père me
l’avait offert pour mes 16 ans en février
1964, d’une part parce qu’il ne coutait
« que » 400 francs, et d’autre part parce
que j’avais flashé pour ce fusil : c’était un
Rapid à répétition commandée de 5 coups,
L’
épreuve simple des fusils de fusil ait subi l’épreuve supérieure à
chasse est de 950 bars, l’épreuve 1 370 bars piezo, possède le poinçon
double de 1 200 bars. Depuis fleur de lys et que chokes et diamètre
que l’on est passé du bar crusher des billes utilisés soient compatibles.
au bar piezo, par le simple jeu de la Il existe de nombreux fusils anciens
conversion, l’épreuve double est de éprouvés 1 200 bars.
1 320 bars piezo. Ces changements de Pour revenir au Rapid de Manufrance,
norme n’entrent pas en ligne de compte, fusil qui possède de nombreux fans
mais permettent de définir les pressions dans notre pays, il souffre du délit de
admissibles pour les cartouches dites faciès dont sont victimes tous les fusils
de substitution. à pompe depuis plusieurs décennies en
Les munitions standards, dont la France. Après avoir entrouvert la porte,
pression ne doit pas dépasser 740 bars, la règlementation française la reclaquée
concernent les fusils éprouvés à avec force et désormais, comme vous
950 bars et ceux, éprouvés à 1 200 bars le signalez, ces fusils appartiennent
(soit 1 320 bars actuels), mais dépourvus à la catégorie B.

Le polissage des chambres des Merkel

Je suis abonné à Armes de chasse et il
semblerait qu’une erreur se soit glissée
dans le hors-série n°15 H (hors-série sur
les carabines linéaires et les balles sans
plomb). Dans la page 24 consacrée à la
carabine RX-Helix de Merkel, vous écrivez
chambre. Je pense donc que dans votre
article vous auriez dû écrire « problèmes de
chambres mal polies ». Ce problème aurait
été corrigé par Merkel.
Henri Marteret
pour un traitement de surface spécifique
censé améliorer encore plus le
glissement des étuis et l’état de surface
de la chambre qui, à l’œil, semblait
polie miroir. Avec des étuis nickelés,
des RWS ou des Norma, tout se passait

à la rubrique points faibles « chambres trop
soigneusement polies ». Or j’ai acheté une
RX-Helix .30-06 en 2018 et j’ai eu à de
nombreuses reprises de gros problèmes
pour éjecter une cartouche tirée. Après
avoir contacté de nombreux armuriers,
dont l’importateur, il a fallu repolir la
E
h bien, nous persistons et signons,
les chambres des RX-Helix sont
trop soigneusement polies, mais
vous avez raison, le problème est
plus complexe qu’il n’y parait. Merkel
polissait soigneusement ses chambres
et ensuite les confiait à un sous-traitant
bien. En revanche avec certains étuis
laiton, issues de la même fabrique, mais
que l’on retrouve chez un très grand
nombre de fabricants de cartouches
bon marché, le traitement de surface de
la chambre et l’étui laiton réagissaient,
et l’étui, après avoir gonflé au tir, restait
coincé, comme collé à la chambre.
Il fallait attendre qu’il refroidisse
pour ouvrir l’arme, car la petite griffe
d’extracteur ne parvenait pas à faire son
travail. Beaucoup ont forcé et cassé
cette griffe. Dans votre cas, le polissage
a consisté à ôter la couche de finition
apposée sur la chambre et tout a dû
rentrer dans l’ordre. Mais pour répondre
à votre question, non les chambres des
Merkel n’étaient pas mal polies, oui
certains étuis collaient, mais il s’agissait
plus d’une réaction chimique et d’une
incompatibilité entre le traitement Merkel
et le laiton de certains étuis que d’un
problème de chambre. Désormais, votre
carabine doit accepter tous les étuis
sans aucun problème.

Pages réalisées par Laurent Bedu

avec Jean Kwiatek
Le coin du collectionneur Étrange à tous les étages
La Rafale La carabine qui tire…
au coup par coup
Rafale ! Qu’est-ce qui a bien pu
pousser son créateur à baptiser
ainsi cette carabine au coup par
coup sans chargeur ?
Mais là n’est pas son plus grand
paradoxe, puisque cette carabine
est un fusil. Autre étrangeté,
son nom et d’autres détails
ont poussé bien des amateurs
à la croire issue de Manufrance…
Il n’en est rien. Si elle vient bien
de Saint-Étienne, elle est née du
cerveau fécond de l’arquebusier
Maurice Thiollier, père
de la Reina de… Manufrance !
P
eu après la fin de la guerre,
précisément en 1947, l’ar-
quebusier Maurice Thiol-
lier ouvre son atelier à
Saint-Étienne. J’utilise à
dessein le qualificatif d’arquebusier
et non celui d’armurier, car Maurice
Thiollier n’est pas un simple ouvrier
travaillant sur des armes. Non, c’est
tout à la fois un créateur et un fabricant
d’armes, dans la lignée de beaucoup
de grands talents stéphanois. On lui
22 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
doit nombre de jolies armes de chasse
et de tir à système particulier. Parmi
celles-ci, une carabine de chasse mono-
coup d’une extrême simplicité, qu’il va
baptiser « Rafale ». Nom de baptême
bien étrange pour une carabine qui
justement est monocoup ; sans même
espoir de chargeur, comme ce fut le
cas pour certaines carabines 9 mm à
percussion annulaire. J’ai une pensée
nostalgique en évoquant cette carabine,
car ce fut ma première arme de chasse
pour mon premier permis. Établie en
14 mm à percussion centrale, cette
carabine et moi avons tiré notre pre- rité de la Rafale, c’est son extrême
mière cartouche sur mon premier lapin simplicité. Son principe se résume à
et je l’ai tué d’un coup de 6. Souvenirs ! l’emboitage de deux tubes. L’un étant
Mais revenons à nos moutons. D’em- le canon, l’autre la boite de culasse. Le
blée, apportons un démenti à l’affirma- tube faisant carcasse de culasse mesure
tion rencontrée sur certains forums : ce
n’est pas une création Manufrance, pas
27,6 cm pour les plus gros calibres,
avec une épaisseur de 3 mm. À 11 cm
plus qu’elle n’a été créée en 1910. Pour
preuve la date de dépôt initial : 1947
de l’arrière de la boite de culasse, une
première fenêtre est taillée sur 65 mm
(le numéro d’enregistrement et sa date
précise sont actuellement indisponibles
de long. Soit une ouverture calculée
juste pour laisser passer une cartouche
auprès de l’Inpi). Et d’ailleurs, Maurice
Thiollier est né bien après cette date, le
à étui court. À l’avant de cette fenêtre
est conservé un arceau de 12 mm, qui
13 décembre 1924 très précisément ; ce
qui clôt la polémique.
va servir de maintien dans l’axe pour le
canon. Plus avant, une deuxième fenêtre
de 30 mm dans laquelle se prendra le
Fusil baptisé carabine… verrou du canon et, sur le côté, une
La Rafale est une arme de chasse qui saignée sur tout le reste du tube culasse,
d’emblée a été baptisée carabine et cette qui servira de glissière pour le verrou
appellation perdure. Mais à y regarder du canon.
en toute objectivité, étant donné ses À l’arrière de la grande fenêtre de char-
multiples calibres dont certains consé- gement, à 10 mm en retrait, le tube
quents, comme le 12 et le 16, c’est plutôt culasse est obturé par un tampon cylin-
un fusil de chasse. Avec des calibres drique juste au diamètre du tube. Ce
identiques, le Stopvis des établissements tampon est en fait un rempart de culasse,
Verney-Carron (lire Armes de chasse et il est maintenu en place par une seule
n°61) est bien classé comme fusil dans goupille traversière. C’est extrêmement
le monde de la chasse. La particula- simple, mais très robuste grâce aux

44 mm d’épaisseur du tampon. Cette
longue boite de culasse cylindrique est
assujettie au fut par deux vis. L’une
est à l’arrière (pour y avoir accès, il
faut passer par l’ouverture de la vis
de maintien du tampon de blocage du
mécanisme de percussion) ; l’autre est à
l’avant et traverse le garde-main.
Une Rafale en éclaté avec
sa sœur jumelle montée,
bloc percuteur au repos.
2 3
4
1 Le mécanisme de percussion est extrêmement sobre. Aussi industriel que celui d’une arme
de guerre comme le MAS 36. 2 À la rotation du canon à la fermeture, un téton en pêne sur la
tranche du devant vient tenir en place et aligner le canon. 3 La tête de vis située sur le côté
du verrou vient délimiter l’ouverture pour le chargement. 4 La boite de culasse est issue d’un
simple tube dans lequel sont pratiqués les entaillages du verrou et de chargement.
Janvier - Février - Mars 2023 / Armes de Chasse n° 88 23
Le coin du collectionneur Étrange à tous les étages
Marquages : l’origine
de « l’arme de la Manu »
Les marquages ne sont pas légion sur cette arme. On ne
retrouve jamais le nom du fabricant Maurice Thiollier. Par
contre figure toujours le nom de baptême « Rafale », sur le
haut du boitier de culasse ou sur le côté avant gauche du
boitier. Sur une arme neuve, j’ai même trouvé « Raffale » : la
faute d’orthographe n’était donc pas imputable à un bidouilleur
ultérieur. Autre marquage habituel : « Breveté SGDG » sur le
boitier. Le canon est poinçonné « 65 » pour la dimension de
chambre et est suivi du poinçon de Banc d’épreuve de Saint-
Étienne. Dans les premières fabrications, on trouve également
ce poinçon associé à « NA ». Ce « NA » (non assemblé) désigne
une épreuve effectuée sur le canon seul, avant montage sur
l’arme. Le matricule est apposé sur le tenon soudé sous le
canon et également sur la tranche du bois du devant. Ce sont
là les seuls marquages authentiques de l’atelier de Maurice
Thiollier. Certes, on va retrouver d’autres marquages, mais ils
émanent d’autres armuriers distributeurs et non-fabricants.
Car Maurice Thiollier cédait des armes de sa fabrication à des
confrères, qui y mettaient leur propre empreinte, voire une
autre. Car l’une des particularités de cette arme est, dans les
premières fabrications, d’être fournie sans plaque de couche.
La couche originale était laissée lisse ou simplement dotée de
quelques striures. L’armurier diffusant une telle pièce jugeait
bon alors d’y ajuster une plaque de couche d’une quelconque
origine. D’où la légende colportée par certains qui veut que
la Rafale soit une création Manufrance ou Verney-Carron.
À l’époque, ces deux établissements avaient en production
de belles et bonnes armes monocoups qui suffisaient à leur
commerce. Donc les marquages des plaques de couche ne
sont nullement à prendre en
considération.
L’identification de l’arme est poinçonnée sur le corps
de la culasse, côté gauche ou parfois sur le dessus.
24 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
Le mécanisme de percussion est entiè-
rement logé dans la partie arrière du
tube culasse. Le tampon circulaire
interne, faisant office de rempart de
culasse, a été foré et il y est logé un
percuteur cylindrique libre. Vient s’y
plaquer, et donc assurer la percussion,
un énorme marteau d’un diamètre lui
donnant une simple aisance de va-
et-vient dans le tube. Ce marteau est
d’abord conique, puis suivi d’une bague
cylindrique au même diamètre pour la
tenue en ligne ; suit une partie tubulaire
de quelque 17 mm. C’est dans cette
partie tubulaire que vient se glisser l’ex-
trémité avant d’un long et fort ressort
à boudin. La partie arrière du ressort
vient se loger dans la cavité prévue à
cet effet dans le tampon obturateur du
tube de culasse. Pour le montage, il
faut compresser le ressort en poussant
sur le tampon d’obturation, jusqu’à
la mise en ligne du forage pour la vis
de blocage du tampon. Le marteau
percuteur a été usiné avec un replat sur
sa partie conique. C’est ici que vient
buter la gâchette à l’armement. Dans la
partie cylindrique qui suit le cône, il a
été pratiqué deux forages filetés. Là se
vissent les deux armeurs manuels, qui
coulissent dans deux fentes parallèles
de l’arrière du tube boitier de culasse.
Ces armeurs se présentent comme
deux boutons à têtes crantées, assez
volumineuses pour assurer une bonne
prise en main. Leurs forme et gabarit
n’ont pas été immuables.
Il en est de même pour le tampon
obturateur : il a existé un modèle qui
pourrait s’apparenter au bouchon fileté
Deux Rafale
version fusils :
l’un en calibre 16,
l’autre en calibre 20.
du terminal d’une conduite d’eau. Ce
modèle simplissime semble n’avoir été
utilisé que sur de tout premiers modèles,
voire des pièces d’essai. Une variante
plus sophistiquée consistait à doter le
bouchon de deux ergots latéraux, qui
s’emboitaient dans deux mortaises à
déport final en bout. Le bouchon était
poussé en force et, arrivé en bout de
course, était tourné d’un quart de tour
pour faire pénétrer les ergots dans les
déports des mortaises. Sur certains
modèles, les mortaises étaient rem-
placées carrément par deux saignées
à ouverture complète. Somme toute,
c’était là l’application du principe de
l’emboitage de nos ampoules élec-
triques à baïonnette. Ma première
Rafale était équipée de ce système.
Calibres : 14 mm & Cie
La canonnerie est de longueur standardi-
sée en rapport au calibre, de 65 à 70 cm.
Dimensions annoncées, car en réalité on
trouve une longueur extrême mesurée de
71,2 cm. Les reforages sont full-choke
pour tous les calibres : 12, 16, 20, 24, 28,
14 mm, 12 mm et 9 mm Flobert. Il a été
cité le 22LR, mais je n’en ai jamais vu
et j’avoue douter de son existence étant
donné les autres créations de Maurice
Thiollier dans ce calibre. À en juger
par le nombre de Rafale en 14 mm
circulant encore de nos jours, tout laisse
à penser que ce fut là le calibre le plus
fabriqué. Toutes les chambres sont en
65 mm. On en trouve confirmation par
le poinçon « 65 » apposé sur le haut du
canon, associé au poinçon d’épreuve
de Saint-Étienne.
Le coin du collectionneur Étrange à tous les étages
À 86 mm à l’avant des drageoirs est
soudé un prisme de 30 sur 10 mm.
C’est cette pièce qui vient s’emboiter
dans la glissière du tube culasse. À la
rotation du canon, lors de la ferme-
ture, cette pièce vient se loger dans la
mortaise adéquate de la culasse. C’est
le seul – mais très efficace – verrou.
La partie supérieure en est creusée
en gouttière, car elle fait aussi office
de pièce de visée. C’est pourquoi elle
est en alignement avec la même pièce
soudée sur le haut du tube culasse. Sur
le côté gauche, cette visière-verrou est
équipée d’une vis mécanique à tête plate
proéminente. C’est cette tête de vis qui
vient faire butée contre les entaillages de
la boite de culasse. Il faut retirer cette vis
pour pouvoir séparer le canon. Sous le
canon, à 17,8 cm du drageoir, est soudée
la même pièce. Elle sert de support au
bois du devant maintenu par une simple
vis mécanique. Par contre, l’arrière de
ce support est muni d’un ergot monté
sur ressort qui vient se bloquer dans
une entaille pratiquée à l’extrémité de
la boite de culasse.
Le principe d’extraction de la Rafale
est très rudimentaire et n’a jamais été
copié. Une simple lame plate, cintrée en
bout, est fixée en allonge sous le corps
de culasse. Elle émerge dans le boitier
de culasse par une fenêtre d’environ
10 mm de côté. Une encoche adéquate
sous le canon reçoit cette partie émer-
gente de la lame qui affleure au niveau
Le rempart
de culasse est
un simple disque
obturateur,
tenu par une
goupille affleurant
sur le haut
de la culasse.
Arme artisanale
oblige, le pontet,
la poignée et
même la forme
de la crosse
pouvaient varier
d’un modèle
à l’autre.
26 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
du drageoir. À l’ouverture de l’arme, en
repoussant le canon vers l’avant, l’extré-
mité de la lame bloque le bourrelet du
culot de la cartouche. Ainsi, l’étui ou
la cartouche restent en dormance dans
le corps interne de la culasse, d’où ils
peuvent être extraits manuellement.
Avec de la munition à étui plastique
actuelle, le système fonctionne par-
faitement, alors qu’autrefois, avec les
tubes carton sensibles aux intempéries,
il n’était pas rare de se retrouver avec un
étui récalcitrant coincé dans la chambre.
Souvent, en ouvrant en force, la lame
d’extracteur découpait le culot et l’étui
restait collé en place.
Pontet à profil variable
Les crosses sont en bois de noyer, d’une
essence classique propre à bien des
armes. Toutefois, j’en ai rencontré une
avec une crosse tirée dans une loupe de
noyer à faire pâlir de jalousie bien des
armes de prestige. L’arme était neuve.
Ce n’était donc pas une remise en bois.
Certainement une commande spéciale
ou, plus certainement, une pièce établie
spécifiquement pour une exposition.
D’origine, les crosses étaient établies en
demi-pistolet, avec ou sans quadrillage
à la poignée, sans qu’il y ait de critère
bien défini. De même pour les grena-
dières : pas d’équipement d’origine
systématique. La détente est protégée
par un pontet au profil variable selon les
époques. C’est une simple lame plate
cintrée pour son usage, tenue en place
par deux vis à bois. C’est la partie la plus
inesthétique de cette arme qui, somme
toute, garde des lignes agréables, mal-
gré un assemblage plus mécanique
qu’arquebusier.
Avec son principe d’emboitage de
deux tubes, la Rafale est une lointaine
descendante de toutes ces armes d’essai
à canon coulissant, qui fleurirent dès le
Premier Empire alors qu’on recherchait
tant le chargement par la culasse. Les
crachements aux jointures et surtout
les problèmes de blocage, voire de
soudure, provoqués par les résidus
de combustion de la poudre noire
avaient fait avorter tous ces projets.
Aujourd’hui, la Rafale reste une arme
solide, rustique, facile d’entretien.
Avec une canonnerie de grande qualité,
elle constitue une arme de chasse tout
à fait honorable. Sa production s’est
étalée de 1948 à 1960. Ceci pour une
quantité assez limitée : Maurice Thiol-
lier œuvrait alors sur des créations qui
ne lui assurèrent pas le renom mérité,
faute d’une publicité adéquate. Profi-
tons-en pour lui rendre hommage, car
c’est à lui que l’on doit la fameuse
carabine à répétition 22LR fabriquée
par Manufrance : la « Reina ». Carabine
dont il reprendra la fabrication en 1975,
lorsqu’il s’installe dans son nouvel ate-
lier de la rue Antoine-Durafour à Saint-
Étienne. Elle deviendra la « RAF »
(mais aussi la « Gevarm »). Puis viendra
la « Sniper » et la « Dakota ». Mais
surtout, on lui doit l’une de nos plus
belles carabines de chasse à canons
superposés : la « Sidna ». Arme décli-
née en tous calibres et également en
mixte. Maurice Thiollier cède son
entreprise en 1993 et décède le 5 avril
2004. Avec la Rafale, il a enrichi le
domaine de l’arquebuserie d’une arme
particulière, sans prétention, mais qui
aujourd’hui en fait une sympathique
pièce de collection. Qui plus est d’une
valeur monétaire très accessible.
Texte et photos
Jean-Claude Mournetas
Armes fines Acquisition historique

Retour vers
le Woodward
Comment Purdey
s’est offert un
superposé iconique
C’est à un voyage dans le temps que nous
vous invitons. Une virée entre XIXe et XXe
siècles sur les traces de Charles Woodward,
le petit-fils de James, fondateur de
Woodward & Sons, lorsqu’il a décidé de
vendre à Purdey sa firme, mais surtout son
Avec ce superposé « venu
d’ailleurs », Purdey a comblé merveilleux superposé à platines.
un manque et pallié un des
rares échecs de ses armuriers.

28 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023

2022

Le superposé Woodward, en petit
calibre comme ici ou en calibre 12,
possède une finesse incomparable.
S
upposons qu’on mette à ma disposition la DeLorean
DMC-12 de Retour vers le futur et qu’on me dise
que je peux remonter le temps pour assister à un
évènement quelconque lié à la fabrication de fusils
de chasse. Nom de Zeus ! Le choix de la date me
serait très difficile, tellement les évènements qui m’intéressent
sont nombreux. J’aurais aimé, par exemple, taper 1er mai 1851
sur le tableau de bord pour assister à l’exposition universelle
de Londres, me balader entre les allées des exposants, et sur-
tout pour m’attarder devant le stand n°1308 appartenant à un
certain Casimir Lefaucheux, là où il révélait pour la première
fois aux Anglais le premier fusil à chargement par la culasse
réellement efficace, et sa cartouche à broche. Comme je suis
fasciné par le damas, j’apprécierais de voir comment il était
fabriqué, pour cela je choisirais probablement les ateliers De gauche à droite,
James, Athol
de Léopold Bernard à Paris, avenue de Versailles, et l’année
et Tom Purdey,
1870, quand l’art de la fabrication des canons en damas était photographiés
à son apogée. Le 11 mai 1875 m’intéresse également. J’irais en 1928 dans
devant le 13 Warwick Court, Grays Inns, Holborn. Il s’agit de leur « Long Room ».
l’ancienne adresse de l’Office Patent à Londres ; j’y guetterais
l’arrivée de John Deeley, le directeur de la maison Westley
Richards, venant déposer une demande de brevet pour un
système inventé par son contremaitre William Anson, le
fameux système Anson & Deeley, pour lequel il obtiendra
le brevet n°1756 qui changera à jamais le cours de l’histoire
de l’arme de chasse.
Une seule date : le 1er octobre 1948
Néanmoins, si je ne devais choisir qu’une seule date, le
« convecteur temporel » de la DeLorean devrait alors afficher
1er octobre 1948. Ce jour-là, une transaction, qui m’a toujours
un peu intrigué, a eu lieu entre deux des plus grands noms de
l’armurerie fine de l’époque. Car pour cet évènement aussi
important, du moins à l’échelle de la fabrication des armes de
chasse, nous ne disposons que de très peu de détails. Seule la
tradition orale rapporte qu’en ce vendredi 1er octobre particu-
lièrement ensoleillé, Charles Woodward, petit-fils du fondateur
et propriétaire de James Woodward & Sons, quitte le cœur
serré sa modeste armurerie du 29 Bury Street à Londres. Il
remonte St James’s Street, parcourt à pied quelques rues du
très chic quartier de Mayfair pour se rendre au 57 South Audley
Street, où il a rendez-vous avec Tom Purdey, le président de
James Purdey & Sons, pour signer la promesse de vente de
son entreprise. Tom Purdey avait déjà refusé l’offre lorsqu’il
avait été approché par Charles Woodward, une première fois,
en septembre. À ce moment-là, les conseillers de Tom Purdey
ont conclu qu’avec une production de seulement trois armes
par an, une poignée d’artisans et une petite liste de clients,
Woodward n’avait tout simplement rien à vendre. Mais, par
la suite, il revoit sa position et décide de reconsidérer l’offre.
Certes, la maison de James Woodward n’était que l’ombre
d’elle-même depuis quelques années, mais elle possédait
quelque chose de très précieux dont Purdey avait grandement
besoin : son fusil superposé.
Pour comprendre l’enjeu de cette affaire, il nous faut remonter
le temps jusqu’au début des années 20 – puisque nous dis-
posons de la DeLorean DMC-12, autant en profiter ! –, mais
revenons d’abord sur l’histoire de James Woodward & Sons.
Car autant l’histoire de Purdey est bien connue, autant on ne La « Long Room »,
sait que très peu de choses sur Woodward. autrefois atelier
James Woodward est né en 1814. En 1827, il commence son devenue salle
apprentissage chez Charles Moore, où il gravit les échelons de réunions,
jusqu’à s’imposer comme chef finisseur. En 1843, il s’associe showroom et
à son employeur et le nom de la société devient Moore & musée Purdey.
2022 / Armes de Chasse n° 88 29
Janvier - Février - Mars 2023
 Armes fines Acquisition historique

Tom Purdey et
Harry Lawrence
dans la
« Long Room ».
Ci-contre,
le juxtaposé
Woodward avec
ses coquilles
festonnées et sa
sureté et T.
Woodward. Elle est alors installée au 64 St James’s Street.
On ne sait pas exactement à quel moment James Woodward a
commencé à fabriquer des armes sous son propre nom. Donald
Dallas évoque la date de 1850, Nigel Brown 1851, tous deux
se basant sur le fait que Charles Moore aurait pris sa retraite
vers ces deux années-là. Or il s’avère, selon les recensements
officiels, qu’il est mort en 1848, à Londres. Il est donc pro-
bable que la date à laquelle James Woodward a commencé
à signer ses armes par son seul nom remonte à avant 1850,
peut-être 1848 ou 1849. Quoi qu’il en soit, l’histoire est plus
claire après qu’en 1873 l’entreprise a été rebaptisée James
Woodward & Sons, lorsque les deux fils, James le jeune et
Charles, rejoignent leur père. Elle restera alors une entreprise
familiale jusqu’à cette fameuse année 1948.
4 300 Woodward seulement
Quatre-mille-trois-cents : c’est le nombre d’armes fabriquées
par Woodward & Sons durant ses 80 ou 90 années d’existence.
C’est très peu. Durant la même période, la production des
autres grands fabricants londoniens, tels James Purdey et
H&H, fut quatre à cinq fois supérieure. Woodward & Sons
était une toute petite entreprise familiale, mais d’une efficacité
redoutable. Au fil des générations, elle s’est forgé une identité
propre, un style, une signature. Son juxtaposé reste encore
aujourd’hui une référence absolue en matière d’armes fines,
reconnaissable au premier coup d’œil par un certain nombre
de caractéristiques telles que les pistons à festons (dits aussi
« à vitraux »), l’axe de chien en saillie sur le corps de platine,
la poignée de crosse en demi-pistolet, la gravure en tapisserie
de fines volutes ou encore le cran de sureté en forme de T.
Et son superposé, « le » Woodward, dont on parlera plus loin,
est une véritable légende. La firme jouissait d’une notoriété
prestigieuse, et comptait, parmi ses clients, rois, présidents
et grands chasseurs du monde entier. Winston Churchill,
réputé pour être très exigeant et dont on disait qu’il « ne se
contentait que du meilleur », a tiré toute sa vie avec une paire
de Woodward modèle « The Automatic ».
« Les armes portant le nom Woodward sont presque sans
exception de la meilleure qualité. Généralement mieux finies

Le superposé Purdey à six verrous

était à la fois massif et lourd,
indigne de son nom.
© Photos Hervé Boulay

Le Woodward dans
le même calibre que
le Purdey à six verrous :
la différence est de taille.

30 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023

2022
 Outre ce .410, Woodward
a proposé son superposé en 12,
en 16, en 20 et même en 24.
Ci-dessous, Tom Purdey lors
d’un voyage vers les États-Unis.

que Purdey ou H&H, m’a confié Gavin Gardiner, le patron

de la maison de ventes aux enchères d’armes de chasse qui
porte son nom. Elles sont parmi les plus belles et les plus
attrayantes de toutes les armes fines ; si un Woodward était
une actrice hollywoodienne, elle serait Audrey Hepburn :
mince, élégante, chic, stylée… Beauté discrète. »

Pas de papier, une lime n°8

Il est vrai que si vous examinez de près un Woodward, autant
extérieurement qu’intérieurement, vous remarquerez que la
finition est d’une rare finesse. Son secret, c’est probablement
sa lime n°8. Woodward était le seul, avec Boss, qui terminait
la finition de ses armes non pas avec une toile émeri sur un
bloc de bois, mais avec des limes n°8. Ces limes ultrafines
sont impossibles à trouver aujourd’hui. Presque autant que
les Woodward eux-mêmes, particulièrement rares sur le
marché de l’occasion. Si l’achat d’un juxtaposé Woodward
vous intéresse, faites cependant preuve d’une grande vigilance
quant à leur état, car ce sont en général des armes appartenant
ou ayant appartenu à de grands tireurs, qui les ont soumises
à une utilisation sans ménagement. Gavin Gardiner m’a
expliqué : « Le Woodward a toujours été un peu un pur-sang
léger, une machine finement réglée, sans une once de métal
dans le fusil qui n’ait pas besoin d’être là. Il n’aime pas être
négligé. Toujours équipé d’une crosse mince et avec du bois
joliment veiné, donc susceptibles de se briser. Bien qu’il ne
soit pas compliqué mécaniquement, il peut être fragile. Mais
leurs propriétaires le savaient, en prenaient donc soin et les
faisaient réviser annuellement par leurs armuriers. »
Revenons maintenant à notre affaire. Nous sommes dans le
début des années 20. La situation économique de l’Angleterre
au lendemain de la Première Guerre mondiale est particu-
lièrement dramatique, et l’industrie des armes de chasse est
sévèrement atteinte. Pour essayer de sauver leur activité,

2022 / Armes de Chasse n° 88 31

Janvier - Février - Mars 2023
 Armes fines Acquisition historique
certains armuriers se tournent alors vers le
marché américain, qui jouissait d’une prospérité sans ombre.
Athol Purdey, petit-fils et successeur du fondateur James,
tente vigoureusement de développer ce marché. Lors de ses
Le superposé voyages outre-Atlantique, il constate que les superposés de ses
Purdey actuel
deux rivaux Boss et Woodward rencontrent un franc succès
est un Wooward
mis à la sauce auprès des Américains. Purdey n’en fabriquait pas. Athol
« Audley House ». charge Harry Lawrence, basculeur qui deviendra plus tard
Une vraie directeur général de l’entreprise, de concevoir un superposé.
réussite.
Une obsession : la sécurité et les verrous
Mais Athol est obsédé par la sécurité, réticent à mettre le nom
de Purdey sur un fusil qui pourrait avoir la moindre faiblesse
dans son verrouillage. Il impose alors à Lawrence de travailler
sur la base d’un superposé breveté en 1912 par Edwinson et
Frederick Green, père et fils, armuriers établis à Cheltenham,
qui possédait six verrous, car disait-il, c’est le superposé le
plus sûr et le plus solide qu’il ait jamais vu. Le résultat : une
arme pesant 4,35 kg, beaucoup trop lourde, peu maniable
et inélégante. Lawrence a immédiatement vu qu’il pouvait
l’améliorer en se débarrassant de quelques verrous, mais il
s’est heurté à l’obstination de son patron ; ainsi, au cours des
trois années suivantes, Purdey a fabriqué huit exemplaires de
ce qu’on appelle maintenant le « Purdey à six verrous ». Il a
fallu attendre qu’Athol prenne sa retraite et que son fils Tom
lui succède à la tête de l’entreprise pour que Harry reçoive
finalement le feu vert et repense la bascule, en éliminant
deux verrous. Même allégée d’une demi-livre, l’arme était
toujours plus lourde qu’un fusil de chasse ne devait l’être,
mais la version révisée était certainement meilleure que l’ori-
ginale. Quelques-unes de ces armes ont été fabriquées dans
les années 1930, mais sans représenter aucune menace pour
Boss ou Woodward. Purdey arrête leur fabrication en 1939.
Malheureusement, le même scénario se répète quelques années
plus tard : la Seconde Guerre mondiale aussi a fait des ravages
dans les rangs des armuriers, et la crise économique qui a
suivi a aggravé la situation. La demande en armes de chasse
n’a jamais été aussi faible de toute l’histoire. À nouveau,
les armuriers qui ont survécu se tournent vers le marché
américain. Dont Purdey. À l’été 1948, Tom Purdey effectue
un voyage de vente aux États-Unis, pendant lequel plusieurs
acheteurs potentiels s’enquièrent des superposés, mais le
Le superposé Purdey,
ici gravé par
Alain Lovenberg,
avec tous les colins
américains.
32 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
2022
modèle que propose sa firme suscite beaucoup de réserves.
Dès son retour, à peine Purdey a-t-il entrepris la conception
d’un nouveau superposé que se présente l’occasion d’acquérir
Woodward & Sons.
En 1948, Charles Woodward est sur le point de prendre sa
retraite ; n’ayant aucun héritier intéressé par le métier, il
décide de vendre son affaire. Cependant, il ne veut pas céder
le nom de Woodward à n’importe qui. S’il devait y avoir une
prise de contrôle, le seul prétendant qu’il considèrerait serait
Purdey. Et ainsi, ce jour d’octobre, il a marché de Bury Street à
South Audley pour demander à Tom Purdey de racheter James
Woodward & Sons, Gun & Rifle Manufacturers.
L’acte définitif est signé deux mois plus tard, le 1er janvier
1949. Selon l’historien Donald Dallas, Purdey paye 444 livres,
14 shillings et 6 pence les actifs de l’entreprise, plus une
commission de 10 % pendant cinq ans sur les commandes de
cartouches et les réparations des armes appartenant à une liste
de clients Woodward. Les actifs comprennent le nom de James
Woodward & Sons, les noms et adresses des clients, quelques
fusils partiellement terminés et – le plus important – le droit
de fabriquer le superposé Woodward et d’utiliser la marque
Woodward à l’entière convenance de Purdey.
Si Charles Woodward avait pu prendre place à mes côtés dans
la DeLorean DMC-12, j’aurais aimé remonter le temps avec
lui jusqu’à nos jours. Londres n’est plus le Londres qu’il a
connu. Il ne reconnaitrait certainement pas le 29 Bury Street
et il serait surpris de trouver, à l’emplacement de son armure-
rie, un bâtiment en verre et en béton, abritant des logements
et des bureaux. Il ne reconnaitrait pas non plus l’itinéraire
de Bury Street à Audley House. Mais en pénétrant dans la
« Long Room », il reconnaitrait certainement l’héritage le plus
célèbre de sa famille : son superposé. Nom de Zeus !
Djamel Talha
Une autre interprétation du
superposé Purdey, le Dragon
Gun par les frères Brown.
Le dernier superposé
en date est en damas.
Il est réalisé avec la
technique dite de
métallurgie des poudres.
Arme rayée Grande contenance

52 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023

Blaser R8
Ultimate X
Enfin un vrai chargeur amovible
Lorsque Blaser a dévoilé sa R93, de nombreux
chasseurs demandaient déjà un chargeur amovible.
En 2010, la R8 arrive avec une sous-garde-chargeur
détachable. En 2022, Blaser sort la R8 Ultimate X,
et se repositionne sur un marché en pleine évolution.
A
vant de vous présen-
ter cette nouvelle R8,
il convient de faire un
petit retour historique.
Lorsque Blaser lance la
R93, le succès est quasi immédiat, mais
les chasseurs conquis demandent déjà
un chargeur amovible… qui n’arrivera
jamais. En 2010, la R8 débarque, ver-
sion améliorée, sécurisée et renforcée
de la R93, elle possède un ensemble
sous-garde + bloc détente + chargeur
amovible, mais hélas, il n’est pas des
plus pratiques. Blaser se heurte tou-
jours au même mur. Il faudra attendre La position de tir
l’arrivée des crosses Ultimate pour que idéale, debout,
la lumière arrive. À l’époque, il s’agit couchée ou
juste d’une nouvelle monture. D’ail- à genoux, est
leurs, lorsque l’on regarde de loin ou entièrement
vite fait la première Ultimate du nom, ajustable et
personnalisable.
on pourrait croire avoir affaire à une
Professional Success, mais il n’en est
rien. L’Ultimate y ressemble vaguement
à cause de sa configuration trou de
pouce, mais c’est tout.
Premièrement, l’Ultimate emploie une
crosse et un devant séparé, contre un
ensemble unique pour la Success. Bla-
ser ne vend pas la crosse Ultimate en
élément séparé, mais comme ensemble
châssis-bloc pontet/détente-crosse. Bien
entendu, cette crosse Ultimate est réa-
lisée en polymère à haute résistance.
Une version « Leather » reprend les
fameux inserts cuir qui font le charme
des Success Leather.
À l’origine était la crosse
de la R8 Ultimate
Si le trou de pouce se rapproche de celui
des Professional Success, la forme de
la partie inférieure est complètement
différente. La R8 Ultimate ne se destine
pas qu’à la chasse traditionnelle, mais
aussi à la « chasse longue distance » ou
au tir. La partie inférieure de la crosse
possède une forme en accent circonflexe
aplati sur un côté afin de pouvoir utili-
ser au mieux un appui arrière (cannes
de tir à quatre pieds Blaser, 4 Stable
Sticks, etc.), un sac ou simplement la
main faible, comme au stand de tir. Si
ce n’est pas évident lorsqu’on regarde
la carabine, le tir au stand confirme la
Janvier - Février - Mars 2023 / Armes de Chasse n° 88 53
validité du concept, qu’on soit debout,
couché ou assis.
Mode et marketing ayant tendance à
imposer, souvent à contremploi, des
lunettes de plus en plus volumineuses
tant en diamètre de tube que d’objectif
et d’oculaire il est devenu presque obli-
gatoire d’utiliser un busc réglable si on
veut conserver une prise de visée cor-
recte, et surtout confortable. La crosse
Ultimate remédie à ce problème grâce
à un busc réglable dont la position est
personnelle et mémorisable.
Un poussoir placé sur le côté gauche
de la crosse permet de faire varier la
hauteur du busc jusqu’à un maximum de
30 mm par rapport à la position basse.
La mémorisation du réglage se fait en
deux fois. Une pression légère de 1 mm
libère le busc, ensuite en pressant le
bouton à fond on fait varier la hauteur
du busc jusqu’à trouver le point qui vous
convient. Il suffit de relâcher le bouton,
la position est mémorisée. En pressant
légèrement le poussoir, vous ramenez
le busc au niveau le plus bas pour le
rangement ou le transport. Une fois en
action, une pression légère libère le busc
qui se bloque à la hauteur programmée.
Simple, efficace et utile. Le dessin du
busc est bien entendu adapté au mouve-
ment de la culasse de la R8, qui revient
assez loin en arrière sur la crosse.
Mais ce n’est pas tout : suivant les posi-
tions de tir, le type d’optiques et leur
montage, les vêtements portés ou les
morphologies, la longueur de couche
varie en permanence lors d’une longue
saison de chasse et de tir. Ces variations
sont aussi importantes pour le confort,
la vitesse et la précision du tir que la
hauteur au busc. La crosse de l’Ultimate
permet de jouer sur une plage de 34 mm.
En soulevant un levier situé devant la
plaque de couche, le chasseur possède
Arme rayée
3 restent mémorisés et disponibles.
proprement réalisé. Le logement de
l’ensemble pontet détente magasin des
R8 de base est conservé apparemment
sans modification.
Dix cartouches !
Le magasin amovible est en fait consti-
tué de deux parties distinctes. De forme
parallélépipédique allongée, la partie
externe conserve les deux crochets de
verrouillage latéraux. Pour retirer le
chargeur, il suffit de presser fortement
le poussoir situé sur le côté gauche de
ce « container ». Le chargeur proprement
dit se loge dans cette « boite ». Contenant
dix cartouches quel que soit le calibre
– unique pour une arme de chasse –, ce
chargeur est de type « double colonne ».
56 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
4 pour le.308 Winchester. Le magasin
Toutefois, comme un chargeur rotatif,
il présente la cartouche de façon axiale
face à la chambre. Ce point semble être
d’une grande importance pour beau-
coup d’utilisateurs. À l’arrière droit du
chargeur, une petite pièce mobile fait
saillie. Souvenir du système des R8
traditionnelles, elle actionne la sécurité
qui interdit l’armement du percuteur si
le chargeur n’est pas engagé. Un acces-
soire inutile, pouvant être dangereux
dans certaines actions de chasse en cas
de chute du chargeur, lorsque le gibier
veut faire payer la note. Trop de sécurité
tue la sécurité.
1 2
1 Busc et plaque de couche
peuvent être ajustés et modifiés
partout et pour tous.
2 Le gros chargeur 10 coups et les
quatre calibres proposés « de série ».
3 Le large trou de pouce
donne à l’Ultimate des airs
de Professional Success, avec
laquelle elle est parfois confondue.
4 Pour le transport, les réglages
(busc et crosse) s’effacent, mais ils
La R8 X Ultimate d’essai est chambrée
convient aussi pour le 6XC, le .243 Win-
chester et le 6,5 Creedmoor. Des calibres
spécialisés comme le .338 Lapua
Magnum avec un chargeur adapté
sont proposés. Avec dix cartouches
de ce gabarit, ajoutées au poids de
l’ensemble lunette-carabine, la journée
en montagne deviendra une séance
de la musculation… Si cette capacité
Sur cette vue,
vous étonne, il semble que Blaser ait
on découvre
la « rallonge » voulu marquer la concurrence, mais
entre le boitier aussi que ce chargeur s’intègre mieux
et la crosse, à l’esthétique de la carabine.
qui permet La R8 X se distingue des autres Ulti-
d’intégrer cet mate par le levier de culasse déporté,
énorme chargeur. avec son extrémité en forme de poire.
Il donne à la carabine un petit air « tac-
tique » à la mode, mais qui facilite
la répétition rapide. À qui se destine
la R8 X Ultimate ? Une partie de la
réponse se trouve dans ce qui précède,
mais on peut ajouter comme potentiels
clients les adeptes des monterías espa-
gnoles, où les occasions de tir sont très
nombreuses, ainsi que les chasseurs qui
aiment avoir une grande capacité de
magasin ou qui désirent une arme au
look différent. Et si le prix de la R8 X
Ultimate pourrait freiner les ardeurs de
certains, l’arme reste fidèle à l’image
de marque et corrige un défaut qui a
perduré pendant trente longues années.
Ah j’oubliais : pour ceux qui s’inter-
rogeraient sur le X, je les renvoie à
l’Antiquité et aux chiffres romains.
Dominique Czermann,
photos Bruno Berbessou
Optique 24 h / 24
Steiner
Nighthunter H35
Chasseur de nuit le bien nommé
Depuis que Beretta a acheté Steiner, les gammes
premium du fabricant allemand portent le nom de
Nighthunter, « chasseur de nuit ». Et avec le H35,
monoculaire thermique d’observation nocturne,
jamais ce nom n’avait été aussi bien porté.
D
ans la famille, prolifique,
des appareils de vision
nocturne à amplification
thermique, il y a ceux des- sans que l’on n’ait
tinés au tir, qui se fixent
sur une arme, et ceux d’observation,
qui s’utilisent à une main. Le Steiner
Nighthunter H35 que nous découvrons
ici fait partie de cette dernière catégorie.
Logique, car il ressemble à nombre de
ses concurrents avec sa forme quasi
conique, ses boutons placés au som-
met, sous les doigts pour être facile-
ment accessibles, son large objectif
et son oculaire protégé d’un cache en
caoutchouc qui vient se plaquer de part
et d’autre de votre arcade, à la façon
de lunettes de glacier, afin qu’aucun
reflet parasite ne gêne votre observa-
Fiche technique
Marque : Steiner
Modèle : Nighthunter H35
Type : monoculaire de vision thermique
Capteur : 640x512
Résolution : 1 280 x 960 pixels
Fréquence d’images : 50 Hz
NETD : ≤ 50 mK
Zoom : 2 à 16x
Dimensions : 232 x 70 x 72 mm
Poids : 695 g
Capacité de stockage : 16 GB
Palettes de couleurs : Blanc chaud / Noir chaud /
Réglable Rouge chaud / Fer / Bleu chaud
Température de fonctionnement : – 10 à + 50° C
Résistance aux chocs : jusqu’à 30 G
Durée de fonctionnement : 4,5 heures
Garantie : 2 ans
Prix : 2 499 euros
62 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
Les boutons
tombent très vite
sous les doigts,
besoin d’y jeter
un coup d’œil.
tion. L’ensemble est assez imposant :
232 x 70 x 72 mm et 695 g. Mais c’est
la norme avec ce genre d’appareils, car
il faut bien loger toute l’électronique
nécessaire à ce qui reste « à mes yeux »
un miracle : voir la nuit. Pour ce faire, le
H35 intègre un capteur de 640x512 qui
retransmet toutes les infos capturées à
un écran « haute technologie » LCOS.
Cet écran vous offre un contraste opti-
mal. Steiner insiste sur la vitesse et la
qualité de transmission de l’image grâce
à un algorithme maison, le Quantum
Vision.
Le boitier noir mat de ce monocu-
laire thermique est réalisé en Makrolon
(polycarbonate), un matériau que les
À notre avis
• Le zoom 2-16x
• La qualité optique
• Les modes couleurs dont le Red Hot
personnalisable sur 10 niveaux
• La qualité de l’image restituée
• Le réticule stadimétrique approximatif
• Le design très proche de la concurrence
propriétaires d’une Steyr Mannlicher
69 connaissent bien, car c’est lui qui
était utilisé pour la réalisation de leur
chargeur rotatif. Steiner insiste sur la
résistance aux chocs de son Makrolon,
ce qui n’était pas le cas du chargeur de
la 69. Ce boitier a été soumis à des tests
poussés, il supporte une chute de 1 m
et des températures de – 10 à + 50° C.
Il devrait durer et endurer.
Comme la plupart des monoculaires
thermiques, le H35 permet de faire des
vidéos de vos observations, de les stoc-
ker dans l’appareil via une carte intégrée
(16 GB) et de les exporter ensuite par
wifi, USB-C ou Micro HDMI vers
un écran qui peut mesurer jusqu’à
22 pouces (56 cm), tant la résolution est
importante (1 280 x 960 pixels). Sur une
telle optique, deux éléments priment :
le rendu de l’image – luminosité, défi-
nition – et ensuite sa portée. La portée
maximale de l’optique est de 1 800 m,
mais le H35 est capable de détecter des
cibles à des distances beaucoup plus
grandes, la reconnaissance ou l’identifi-
cation d’un cerf par exemple se fera bien
sûr à des distances moindres, mais tout
de même conséquentes, 825 et 400 m.
La finesse de la détection (NETD), qui
permet sur un animal de distinguer plu-
sieurs zones de température différentes
et d’affiner l’observation est de ≤ 50 mK
(millikelvin), c’est bien, mais certaines
marques proposent des NETD ≤ 45 ou
35 mK, ce qui est mieux.
Néanmoins, la haute résolution et le taux
de rafraichissement rapide de 50 Hz
(soit 50 x par seconde) vous garan-
tissent une image stable et claire, et
surtout sans saute ou microcoupures
noires. La restitution de l’image se fait
selon cinq modes couleur différents :
White Hot (le chaud en blanc), Back
Hot (le chaud en noir), Red Hot (le
chaud en rouge), Iron (les zones froides
apparaissent dans des teintes froides,
les chaudes en couleur jaune rouge
orangé) et Blue Hot (l’image est entiè-
rement bleutée, seules les zones chaudes
prennent des teintes jaunes). Notez qu’il

Quatre des cinq modes de rendus d’image : au quotidien, le plus
pratique est le Hot White, mais le Red White spécial est tentant.
est possible d’ajuster le Red Hot
selon dix paliers, c’est vous qui
définissez l’intensité thermique
qui fait passer le sujet en rouge.
Il y a même un mode image dans
l’image pour obtenir des détails
supplémentaires sur la cible sans
perdre la vue d’ensemble.
Cette optique dispose de deux
zooms, un classique et un numé-
rique ; pour faire simple, le gros-
sissement initial ou numérique
du H35 est de 2x, mais comme
il dispose d’un zoom de 1 à 8x,
il s’agit en fait d’un 2-16x. De
quoi assurer une observation de
près comme de loin et, si vous
avez peur de bouger à plus de 10x,
pour faciliter votre observation,
sous le H35 se cache un filetage
pour la fixation d’un trépied. C’est
pratique. En revanche, la mise au
point est manuelle via l’objectif.
Les cinq boutons du H35 sont
recouverts d’une épaisse gangue
de caoutchouc et sont donc totale-
ment silencieux. Les boutons sont
bien positionnés, et c’est vrai que
très vite, on ne les cherche plus du
regard, ils tombent naturellement
sous les doigts. Le bouton le plus
proche de l’objectif est le on / off.
Le bouton central sur lequel figure
Le petit curseur,
à gauche près de
l’oculaire, permet
de régler
la dioptrie.
© B. Berbessou
un M en relief permet d’accéder
au menu. Avec les deux boutons
qui l’entourent, sur lesquels se
trouvent une flèche (une vers le
bas et une vers le haut), on fait
défiler les modes afin de gérer
la luminosité, de choisir le type
couleur, le contraste et zoomer
ou dézoomer. Le dernier bouton
concerne la prise de vue, une pres-
sion brève pour faire une photo
et une longue pour démarrer une
séquence vidéo, respectivement
en Jpeg et mp4.
Sur le terrain, la batterie inté-
grée vous offrira plus de 4 heures
d’autonomie (le fabricant annonce
4,5 heures, c’est possible). Le H35
se recharge ensuite sur secteur ou
n’importe où, pour peu que vous
disposiez d’une source reliée à la
prise USB-C.
Au final, malgré un design assez
basique et manquant de person-
nalité, le H35 est bien conçu,
étanche, performant, clair et doté
de fonctions que l’on ne trouve
pas souvent ailleurs. Son zoom
puissant, son Red Hot personna-
lisable sont des petits plus qui font
pencher la balance de son côté.
Laurent Bedu
Cartouches Long bec sans plomb
plomb spéciales bécasses : Jocker Trio
Bécassière Steel, Fob RX Steel, Fob
Sweet Copper 30, Mary Arm Open
Steel Dispersante, Fob Bismuth ARX
et Tunet Zinc Étain.
Pour ces essais, nous avons choisi un
superposé Beretta Ultralight Bécassier,
non éprouvé billes d’acier, dont le canon
du bas est rayé supra et celui du haut
doté de chokes amovibles – nous
avons opté pour un quart de choke.
Ce fusil est un double détente, utile à
la bécasse, car cela permet d’adapter
le choix du canon utilisé suivant la
distance de tir. Avec le canon du bas
rayé, la distance de tir est comprise
entre 8 et 18 m suivant la cartouche
utilisée. Avec le canon du haut
quart de choke, cette distance
passe de 12 à 35 m suivant le
type de cartouche utilisée. Ces
distances « utiles » nous ont
permis de définir des distances
de tir pour nos essais.
Aussi, pour juger de l’effi-
cacité de ces cartouches sans plomb,
nous avons décidé d’exécuter les tirs
de toutes les cartouches à 15 m avec
le canon rayé supra puis à 22 m avec
le canon ¼ de choke. Afin d’éliminer
tout risque d’erreur de visée ou de
coup de doigt, nous utilisons un trépied
spécifique au réglage grandes distances
des carabines. Les cibles utilisées sont
comme à l’accoutumée des cartons
normalisés CIP carrés, de 91 cm de côté,
dans lesquels nous traçons un cercle de
76 cm de diamètre parfaitement centré
par rapport au cœur de la gerbe.
Pour établir nos résultats, nous contrô-
lons les groupements et la concentra-
tion. Pour ce faire, nous comptabili-
sons le nombre de perforations dans le
cercle et en déduisons le pourcentage
de groupement, et pour déterminer la
qualité de la répartition de la gerbe, nous
comptabilisons dans ce cercle de 76 cm
le nombre de vides de 8 cm de diamètre.
Le pourcentage d’atteintes dans la cible
de 91 cm de côté nous permet de définir
la cartouche qui obtient la meilleure
répartition des projectiles sur toute
la surface de la cible ; n’oublions pas
que nous sommes à la recherche de
cartouches spéciales bécasses et que ces
belles mordorées emploient toutes les
techniques pour échapper à notre salve
de plombs. Il nous faut des cartouches
qui « écartent ». Passons à la lecture
des résultats de chaque cartouche. Le
classement est établi dans l’ordre des
pourcentages d’atteintes dans la cible de
91 cm tir avec le canon rayé et ensuite
le classement pour le tir dans le canon
lisse par rapport à la qualité de la gerbe
« nombre de vides ». L’idée étant d’avoir
une gerbe très large à courte distance et
suffisamment garnie au-delà.
70 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
Tirs canon rayé supra
à 15 m
Fob Sweet Copper 30
Dans le canon rayé supra de notre fusil
de test Beretta Ultralight Bécassier, c’est
la cartouche Fob Sweet Copper 30 qui
se place en première place. Cette car-
touche Fob de substitut au plomb a été
mise au point il y a déjà une douzaine
d’années, les billes de n°8 ont
été ajoutées quelques années
plus tard pour la chasse de
la bécassine, zone humide
oblige.
Revenons à nos résultats. La
Sweet Copper 30 est chargée
de 32,22 g de grenaille de
cuivre recuit dans une bourre
à jupe spéciale. Le recuit pro-
voque une diminution de la
dureté du cuivre qui passe
de 91 à 45 Vickers. Cela
lui confère une duc-
tilité bienvenue pour
le transfert d’énergie à
l’impact. La colonne d’énergie
passant d’un diamètre de 2,63 mm à
3,00 mm. Certes la déformation est
moins importante qu’avec le plomb,
mais beaucoup plus que pour le fer doux
(acier). La vitesse de cette cartouche
à la bouche du canon est de 382 m/s.
88 % des 389 billes n°8 contenues dans
la cartouche sont venues perforer la
cible de 91 cm de côté. C’est un très
bon résultat avec une qualité de gerbe
exceptionnelle, puisque l’on dénombre
seulement 5 vides de 8 cm de diamètre
dans la cible ronde de 76 cm. Cette
Sweet Copper 30 est utilisable dans tous
les fusils chambrés 70 mm, même ceux
qui n’ont pas subi l’épreuve bille acier :
une très bonne nouvelle pour tous les
possesseurs d’armes du siècle dernier.
Son prix (1,90 € la cartouche) est un
peu plus élevé que la spéciale bécasse
plomb du même fabricant (1,30 €), mais
notre belle mordorée chassée en zone
humide le vaut bien.
Jocker Trio Bécassière
La cartouche Jocker Trio Bécassière
Steel talonne la Fob. Cette cartouche
est chargée à la couche de 29 g de fer
doux dans trois diamètres différents
(dans l’ordre n°5, 7 et 9), afin de générer
un effet de dispersion lorsque les plus
grosses billes de la gerbe rejoignent
les plus petites. Un principe connu, car
la vitesse résiduelle des plus grosses
billes est supérieure à celle des plus
petites à partir de 7 à 8 m de distance.
Cette formule pour la dispersion a
l’avantage de ne pas dégarnir le centre
de la gerbe, comme peuvent le faire
les bourres dispersantes ou les ARX.
La charge mesurée atteint 28,98 g, elle
est logée dans une bourre carton pour
un plus grand respect de la nature, tout
en protégeant les canons de nos armes.
Nous comptons 409 impacts dans la
cible de 91 cm de côté soit 88 % de la
charge complète, avec une répartition
de gerbe presque parfaite. Sept vides de
8 cm seulement figurent sur la cible de
76 cm de diamètre. Bien que les billes
soient en fer doux recouvertes de zinc
avec une dureté de 108 Vickers, ces
cartouches peuvent être utilisées dans
tous les fusils chambrés en 70 mm,
même les plus anciens non éprouvés
billes acier. À 1,15 € la cartouche, elle
est moins chère que des cartouches à
plomb de même catégorie !
Fob Bismuth ARX 32
En troisième position de ce classe-
ment canon rayé, nous retrouvons une
cartouche Fob Bismuth ARX 32 qui
porte mal son nom, car elle est chargée
de 29,95 g de billes de bismuth n°7,
soit 339 billes. Les billes de bismuth
ont la particularité d’avoir une dureté
égale aux billes de plomb avec une
ductilité équivalente, rendant possible
le chargement bourre grasse. Tous les
substituts dont la dureté est inférieure à
40 Vickers peuvent être chargés comme
avec le plomb et tirés dans toutes les
armes, éprouvées ou non.
Le pourcentage d’atteintes dans la cible
de 91 cm de côté la place à une magni-
fique troisième place avec 75 % de la
charge qui est venue se loger dans la
cible. Avec cette cartouche ARX sans
plomb, il vous sera possible de tirer
sans crainte d’abimer la belle mordorée
à seulement 8 m, mais dans un canon
rayé, il ne faudra pas excéder 18 m.
Les possesseurs de fusils fins et anciens
chambrés en 65 mm vont être heu-
reux de pouvoir trouver une cartouche
spéciale bécasse sans plomb pour la
chasse en zones humides, douce pour
leurs fusils. Avec seulement 545 bar de
pression, elle est très agréable à tirer.
La vitesse de 415 m/s compense la
plus faible densité du bismuth et avec
une ductilité égale à celle du plomb,
l’énergie et la létalité de cette cartouche
la rendent redoutablement efficace. Son
prix est un peu au-dessus de la barre des
2 €, mais je suis persuadé que vous ne
regarderez pas à quelques centimes de
plus si vous êtes certain de de pouvoir
l’utiliser sans crainte pour votre fusil fin
auquel vous tenez tant. D’ailleurs, les
trois premières cartouches sans plomb
de notre classement canon rayé peuvent
toutes être utilisées dans les anciens
fusils non éprouvés billes acier, ce qui
en dit long sur les progrès accomplis ces
dernières années par les encartoucheurs
quant aux munitions de substitution.
Les trois cartouches suivantes ne démé-
ritent pas, mais le choix de leur char-
gement n’a pas été dédié au tir dans un
canon rayé supra. Elles conviendront
davantage dans un fusil à âmes lisses.
Mary Arm Open Steel
Dispersante 32
C’est le cas de la Mary Arm Open Steel
Dispersante 32, avec son chargement de
33,32 g de fer doux recouvert d’une fine
pellicule de zinc dans une bourre à jupe
« acier » dispersante. Elle ne démérite
pas en premier coup rayé, mais avec
73 % des 400 billes n°7 qui couvrent
la cible de 91 cm de côté, elle ne se
place qu’à la quatrième place malgré
une bonne qualité de gerbe. Neuf vides
seulement sont retrouvés dans la cible
de 76 cm de diamètre. Avec le canon
quart de choke à âme lisse, ses résultats
sont bien meilleurs puisqu’elle se place
sur la plus haute marche du podium
à 22 m et le tout pour un prix excep-
tionnellement bas, 0,75 € l’unité. Mais
attention, cette cartouche est une haute
performance qui ne doit être utilisée que
dans les armes qui ont subi l’épreuve
billes acier poinçon fleur de lys. Notre
Beretta Ultralight n’est pas éprouvé
billes acier, mais nous avons malgré
tout réalisé l’essai (sans dommage pour
l’arme), mais nous vous déconseillons
d’en faire de même pour des raisons de
sécurité et de responsabilité.
Tunet Zinc Étain
Le zinc étain est un substitut tendre qui
offre une ductilité intéressante, mais la
légèreté de ses billes n°7,5 ne lui permet
pas d’obtenir un podium. La rotation
gyroscopique provoquée par le canon
rayé supra forme une gerbe de plus
de 1 m de côté. Et de fait, 69 % de la
charge seulement se trouve dans la cible
de 91 cm malgré une très belle gerbe,
puisque seulement 6 vides de 8 cm sont
décelés dans la cible de 76 cm. Dans
un tube rayé, cette cartouche peut être
utilisée pour des tirs à partir de 8 m
sans risquer d’endommager le gibier.
C’est une cartouche idéale pour tous
les gibiers plutôt fragiles, pour un prix
moyen de 1,47 € la cartouche. Vous
pouvez également l’utiliser dans tous
les fusils chambrés en 70 mm non
éprouvés billes acier.
Fob RX Steel 32
La Fob RX Steel possède un charge-
ment double, à la couche, de 32 g de fer
doux. Il y a du n°4 au fond de la bourre
à jupe acier et du n°7 au-dessus. L’effet
de dispersion se réalisant à partir de 5 m
lorsque les billes n°4 traversent
la gerbe formée en avant par les
billes de 7. Dans le cas du tir avec
un canon rayé, cette dispersion est
accentuée par l’effet gyroscopique
de la rotation de la bourre conte-
nant toute la charge. Le pour-
centage d’impacts de 65 % la
place dans le classement
tir canon rayé à la sixième
place. Mais si vous chassez
dans des espaces très denses
et si vous tirez à très courte
distance, il va de soi que
cette spéciale bécasse pour-
rait occuper pour vous la
plus haute marche du podium suivie de
la Tunet et de la Mary Arm. La Fob RX
Steel est une cartouche pour les armes
éprouvées billes acier proposée au prix
très compétitif de 0,79 € la cartouche,
c’est moins que le prix d’une cartouche
chargée avec du plomb.
Tirs quart
de choke à 22 m
Voyons maintenant le classement
de ces mêmes cartouches tirées dans
le canon à âme lisse et ¼ de choke à
Janvier - Février - Mars 2023 / Armes de Chasse n° 88 71
une distance de 22 m. Nous avons jugé
ce classement par rapport aux capacités
de dispersion des cartouches dans un
canon lisse, ce classement est complè-
tement inversé comparativement à celui
dans le canon rayé à 15 m. Comme
le disait quelqu’un il y a un peu plus
de 2000 ans, « les derniers seront les
premiers » ; nous ajoutons : même dans
les tests cartouches spéciales bécasse.
Mary Arm Open Steel
Dispersante 32
La première sur le podium du tir à 22 m
avec la canon lisse de notre Beretta est
la cartouche Mary Arm Open Steel Dis-
persante 32. Dans un canon lisse, cette
cartouche acier hautes performances
développe toutes ses qualités. Compa-
rativement à une cartouche Mary Arm
Super Steel, à 20 m notre Open Steel
dispersante a une amplitude de gerbe
supérieure de 40 %. Ainsi, à 22 m, la
gerbe de cette cartouche couvre une
cible de 1,07 m de diamètre. Avec une
qualité de gerbe excellente (6 vides de
8 cm seulement) dans la cible de 76 cm,
c’est une cartouche idéale pour la chasse
de la bécasse jusqu’à une distance de
30 m, ce qui lui confère une couverture
de tir de 8 à 30 m si vous utilisez un
fusil avec le premier coup rayé, sinon
la plage de tir sera de 15 à 30 m, ce qui
est déjà énorme.
Fob Bismuth ARX 32
En seconde position encore une car-
touche avec un système de dispersion,
la cartouche Fob Bismuth ARX 32. Le
diamètre de dispersion de la
Fob est de 1,05 m et sa qualité
de répartition dans la cible
de 76 cm est encore meil-
leure que notre cartouche
précédente puisque nous ne
comptabilisons que 5 vides
de 8 cm de diamètre. Avec
ses qualités de ductilité égale
à celle du plomb et une par-
faite répartition de la gerbe,
il s’agit d’une cartouche
d’une efficacité redou-
table.
Fob RX Steel 32
La Fob RX Steel 32 est sur la
troisième marche du podium avec une
couverture de gerbe de 1 m de diamètre
et un groupement de bonne qualité
puisque nous avons trouvé 8 vides de
8 cm. La cible de 91 cm de côté est
couverte par 90 % des billes n°4 et 7
de la cartouche, soit 341 des 380 billes
de fer doux contenues par la bourre.
Autre intérêt à noter de ce chargement
double à la couche, les billes de gros
diamètre, les n°4, vont jouer le rôle
d’élagueur lors des tirs à travers la végé-
Cartouches Long bec sans plomb
tation lorsque notre mordorée disparait
derrière le premier pin ou genêt venu.
Lors d’un article précédent, nous avions
déterminé qu’environ 40 % de la gerbe
de plomb était stoppée par les épines
de sapin, ici le gros diamètre de fer
doux, qui ne se déforme pas, va libérer
le passage des petites billes. Enfin un
avantage que nous trouvons au substitut
qu’est la bille d’acier, et que l’on ne
peut pas reproduire avec le plomb. Cette
cartouche est toutefois à réserver aux
fusils qui ont subi l’épreuve billes acier.
Tunet Zinc Etain
La cartouche Tunet Zinc Étain est juste
au pied du podium avec une dispersion
de 98 cm de diamètre avec une qualité
de gerbe identique à la cartouche précé-
dente : 8 vides de 8 cm dans la cible de
76 cm de diamètre. Sa ductilité, un peu
inférieure au bismuth, et sa densité la
réservent pour des zones plus dégagées.
Contrairement à la cartouche précé-
dente, elle ne passerait pas aisément
le test du tir au travers des branches,
mais en espace ouvert, elle saura vous
combler tout en préservant votre arme
ancienne non éprouvée billes acier.
Fob Sweet Copper 30
La Fob Sweet Copper 30 qui avait
parfaitement fonctionné dans le canon
supra du Beretta souffre un peu dans
le tube lisse quart de choke. Le pro-
blème : une moindre dispersion puisque
98 % des billes atteignent la cible de
76 cm. Cette concentration extrême
sera utile pour des tirs à plus de 35 m,
mais la désavantage à des distances plus
réduites. Nous retrouvons 10 vides sur
le pourtour de la cible de 76 cm. Cette
cartouche est à utiliser dans un canon
rayé supra, la preuve c’est son classe-
ment à la première place du tir à 15 m
avec notre canon rayé.
La bonne cartouche bécasse sans plomb
Vous l’avez surement compris, des chan-
gements sont prévus pour le 15 février
2023, de quoi s’agit-il ? Ce qui va chan-
ger, c’est l’élargissement de la zone
« humide » et de sa zone tampon, 100 m
de pourtour à la place de 30 m. À cela
s’ajoute l’interdiction de posséder des
cartouches chargées à plomb en action
de chasse dans ces zones. Depuis 2007,
et l’entrée en vigueur de l’interdiction du
plomb dans les zones humides françaises,
les fabricants ont apporté de nombreuses
améliorations dans le chargement des
cartouches, pour plus de performances et
de létalité. Toujours à titre d’information,
l’énergie d’une cartouche à grenaille est
fonction du poids du grain de la bille et
de sa vitesse lorsqu’elle atteint le gibier.
Mais contrairement aux balles, ce calcul
72 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
Jocker Trio Bécassière
Sa bourre carton et son chargement
de trois diamètres de fer doux ne per-
mettent pas à la Jocker Trio Bécassière
une dispersion extrême dans un tube
lisse. La preuve la gerbe qui atteint la
cible de 91 cm est à 93 % concentrée
dans le cercle de 76 cm. On dénombre
également 10 vides de 8 cm répartis
sur le pourtour de la cible. C’est une
excellente cartouche de premier coup
en canon rayé à réserver avec un canon
lisse à chokage standard à des tirs à plus
de 30 m. Certains évoquent la destruc-
tion des bourres cartons au tir. Nous
d’énergie d’une bille n’est pas suffisant
pour connaitre l’efficacité réelle de la
cartouche : il faut également prendre en
compte d’autres paramètres tout aussi
importants, voire plus. Car obtenir plus
d’énergie malgré une moindre densité est
simple, il suffit d’augmenter la vitesse des
projectiles puisque le calcul de l’énergie
est : ½ m v2.
L’efficacité d’une cartouche à grenaille
repose en premier sur la qualité du grou-
pement. Pour tuer net un gibier, il faut au
minimum cinq atteintes, ensuite la trans-
mission d’énergie est primordiale. Cette
dernière repose sur la faculté qu’ont les
billes de différentes matières à se défor-
mer. Une bille trop dure va avoir une péné-
tration trop importante, elle traversera le
gibier et une partie de l’énergie n’est pas
© AdobeStock/Hensor
avons retrouvé les bourres intactes et
après ouverture et inspection aucun trou
n’était visible. La bourre carton validée !
Substituts et mordorée…
Comme vous le constatez, les résultats
au tir de notre sélection de cartouches
spéciale bécasse nous prouvent que les
cartouches sans plomb peuvent être
efficaces voire plus que les cartouches
à plomb, mais sous certaines conditions.
Je vous invite à relire l’article d’Armes
de chasse de janvier 2020 (numéro 76,
page 62 et suivantes).
Une chose est sure, la grenaille de subs-
titution est adaptée au tir de la bécasse.
Les distances de tir moindres, la végéta-
tion à traverser parfois, les chargements
en plusieurs couches, tout cela concourt
à créer des cartouches bécasses de
qualité. Et effectivement, notre but
n’est pas de vous rassurer, mais vous
pouvez être convaincu d’une chose,
vous ne constaterez pas de différence
sur le terrain lorsqu’il faudra passer au
sans plomb. Fusil éprouvé bille d’acier
ou pas, des solutions existent et surtout
elles conviennent…
José Nogent, photos Bruno Berbessou
transmise lors de l’impact, alors qu’une
bille qui se déforme transmet l’intégralité
de son énergie lors de l’impact sur le gibier.
À l’inverse, une déformation extrême
comme c’est le cas avec du plomb doux,
génèrera une pénétration insuffisante avec
un impact « en surface », surtout lorsque
nous avons affaire à des gibiers au plu-
mage dense, serré où à la peau très dure
lorsque le froid arrive. Dans les cartouches
à grenaille, tout est question de bons
dosages des vitesses afin d’obtenir, suivant
la dureté des projectiles, une transmission
d’énergie en conformité avec la taille du
gibier et le diamètre des billes utilisées.
Dans le cas de nos cartouches spéciales
bécasses, il n’est pas utile d’avoir des car-
touches ultrarapides, car les distances de
tir sont moindres et le gibier fragile.
Munitions Premiers noyaux soudés

La naissance
des balles
Premium
Aux États-Unis, quand John
Nosler lança en 1948 sa
fameuse balle « Partition »,
il déclencha l’émergence
de balles d’un nouveau type,
les Bitterroot, North Fork,
Swift et autres Bear Claw,
qui allaient donner naissance
aux Premium actuelles dans
une certaine cacophonie…

78 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023


Il était une fois
en Amérique
L
’arrivée des munitions
haute vitesse, rendues
accessibles par les poudres
lentes issues des surplus de
l’après-guerre, donna des
idées à tous ceux qui, chassant avec
leur carabine aux États-Unis, voulaient
tirer plus gros et plus vite. Seulement
voilà, dans le monde touffu des balles
traditionnelles « cup and core » qui,
aux vitesses normales, faisaient tout
à fait le job et dont l’archétype est la
Remington Corelokt (1939), toutes
n’étaient pas faites pour être expédiées,
tels des missiles sol-sol, plus vite, plus
loin et plus fort.
Les déconvenues furent nombreuses et
c’est de l’échec sur des animaux mas-
sifs, tels l’orignal pour John Nosler ou le
buffle du Mozambique pour Jack Lott,
deux « voisins » de l’Idaho, que démarra
la recherche sur les balles bonded, ou
« collées » si on veut ! Le pionnier en fut
Bill Steigers (1926-2015) qui créa les
Bitterroot bonded core bullets, les BBC.
En avance sur leur temps, chères, peu
distribuées, les BBC intéressaient tous
ceux qui voulaient tirer plus gros que
le whitetail, les ours dangereux ou
passer en Afrique et doper les.333-338,
voire.375 HH et.416 Rigby en montant
la vitesse à plus de 900 m/s. Elles étaient
1 élans au .35 Whelen, parfois avec de
John Nosler avec la
Partition, la première
de ses balles super stars.
2 Les Nosler père et fils
dans l’usine familiale.
tournées à la main (une vingtaine en
trois jours !), leur noyau de plomb pur
était lié (bonded) mécaniquement, à la
presse, à la gaine de cuivre pur et, selon
la rumeur, parfois à l’époxy pour faire
bonne mesure ! Ces balles tenaient leur
efficacité autant de la noblesse de ces
matériaux que de leur construction. Le
cuivre pur était difficile à travailler,
bourrant sur les machines, ce qui pre-
nait plus de temps (lequel, chacun le
sait, étant accessoirement de l’argent),
encrassant les alésages et pouvant géné-
rer des surpressions.
La base cuivre était plus épaisse
(0,06 pouce, 1,52 mm) et permettait de
largement dépasser les 1000 m/s, mais
Avec son noyau séparé, la Partition a initié
l’émergence de balles d’un nouveau genre
aux États-Unis et partout dans le monde.
il fallait des canons lourds où, selon la
théorie de Bill Steigers, la balle rencon-
trait moins de résistance, et surtout avec
un taux de torsion plus rapide, facilitant
l’expansion spectaculaire, notamment
à grande distance, de ces balles à che-
mise épaisse et résistante. Vendu sous
forme de composants, chaque paquet
de BBC était accompagné d’une notice
d’instruction pour charger à au moins
un niveau de vitesse spécifié, et au
taux de torsion le plus rapide adapté
sans souci, en suggérant la balle la plus
légère, si l’arme était capable d’atteindre
ces seuils.
Les premières « bonded »
La théorie de ces balles « collées » à
section arrière solide avait déjà été pro-
posée par P.O. Ackley, qui y travaillait
Une balle BBC depuis au moins dix ans avant-guerre,
en coupe,
et reprise en 1958 par Jack Ahurst (lui
le noyau
de plomb aussi de l’Idaho !), partenaire de Lyman,
est maintenu développeur de wildcats, qui fit même
en place un canon pour Elmer Keith partant en
mécaniquement. safari, et patron ensuite des matrices Jax
Dies. Dès 1960, Bill Steigers avait tenté
d’améliorer, et avec sa permission, le
concept Ackley, mais sans pouvoir pas-
ser à l’échelon supérieur, et dut revenir
à sa conception purement artisanale de
l’affaire. Mike Brady, de North Fork
– toujours dans l’Idaho : il semble que
cet État de grande chasse concentrait
Le père
des balles BBC
2 Bill Steigers était un balisticien de
Lewiston, dans l’Idaho. Il avait collaboré
aux premiers manuels de rechargement
offerts par Vernon Speer. Steigers était
aussi un chasseur de gros wapitis et
vieux canons de .35 Remington recon-
ditionnés. Sous l’appellation quelque
peu radiophonique, mais collant bien
à l’époque, « BBC » (Bitterroot bonded
core bullets), ses balles devinrent rapi-
dement cultes. Nous sommes alors
en 1964, à une époque où les balles
que l’on appellerait Premium de nos
jours étaient inexistantes. La réfé-
rence était la Nosler Partition.
Janvier - Février - Mars 2023 / Armes de Chasse n° 88 79
Munitions Premiers noyaux soudés
Les balles BBC
étaient livrées en alors tous les balisticiens américains –
sachet sous forme s’en inspira, ajoutant sa patte en plaçant
de composants, avec des rainures d’un seizième de pouce
un mode d’emploi d’intervalle en relief dans la section
sommaire… solide arrière de la balle, permettant à
Un procédé cette dernière de se compresser dans ces
que l’on retrouvera rayures, sans qu’il y ait trop de pression
avec la Trophy
Bonded Bear Claw.
sur le cuivre massif.
Le populaire livre de Bob Hagel (Game
En haut à gauche : Loads and Practical Ballistics for the
la Swift A-Frame American Hunter, 1977) mit en lumière
en coupe, entière tous ces perfectionnements issus de
et expansée. chercheurs et chasseurs passionnés,
Un air de Partition ? mais ne disposant pas encore des
moyens de la grande série. Comme ses
devanciers Nosler et Lott, Jack Carter,
un ponte de chez IBM qui chassait en
Afrique avec John Wooters, en échec sur
un buffle en 1988, s’inspira du concept
BBC après avoir tenté d’amener lui
aussi Bill Steigers à la fabrication de
masse de la BBC. Ce qui le conduisit
à créer la Bear Claw Trophy Bonded
(1990), par procédé thermique associé
à un écrouissage, qu’il vendit ensuite à
Federal, tout en restant consultant. Sans
doute par souci d’économie et de facilité
80 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
de fabrication, la grande firme rajouta de tous ces pionniers, dont les balles
10 % de zinc et rencontra des problèmes étaient, pour l’époque, singulières, et en
de précision et de fragmentation avec un ce qui concerne Bill Steigers, capables
effet « boule », et non « champignon », de résister à des vitesses beaucoup plus
dans certaines armes, ce qui pouvait élevées que les balles usine, et même
encore passer dans les gros calibres où, magnum dans certains cas. Les balles
au moins, ça faisait un « gros trou » ! Et dites Premium sont désormais partout
comme Federal possédait également où elles soulagent plus facilement les
Speer, il y eut parfois confusion sur angoisses des chasseurs qui partent
les emballages des uns et des autres, et chasser le « gros » à l’étranger… et
des complications sur le rechargement. aussi le plus souvent leur portemonnaie !
Cette balle existe toujours (Trophy De nos jours, seuls Woodleigh (fabricant
Bonded Tip, 2008), mais mise à la mode australien donc échappant au cadre de
du XXIe siècle : arrière boat tail, coiffe cette étude proprement américaine)
polymère et tutti quanti. et Swift A-Frame ont survécu dans
leur forme de départ, car la Trophy
Swift A-Frame & Co Bonded actuelle de Federal, vue plus
En 1984, dans le Kansas, Lee Reed, haut, n’a plus grand-chose à voir avec
avec la Swift A-Frame, poursuivit la la Bear Claw originale. Mais toutes ces
quête de balles pouvant supporter des balles ont donné naissance aux noyaux
vitesses plus grandes, se tenant bien soudés et aux Premium telles que nous
tout en pénétrant fortement. Il s’agissait les connaissons en Europe, notamment
d’une sorte de Partition ne disant pas chez RWS et Norma.
son nom (la marque, bien sûr, étant
déposée par Nosler), au noyau collé Pierre Lefeuvre
par soudure pour conserver 95 % de sa
masse quand l’original en perdait en
route une bonne moitié. À ce moment-
là, les BBC étaient encore artisanales,
chères, et déclinées sur une trop petite
gamme de balles (de.270 à.358), avec
des délais de livraison de plusieurs
mois (voire plus !) qui ont failli les
faire disparaitre. Swift fut alors
le recours de ces chasseurs, le
seul à couvrir la plus grande part
du marché, Nosler étant limité
au.338, car passé à la fabrication
d’extrusion par impact.
À l’heure d’internet et des portables,
la technologie a rattrapé le travail
Règlementation L’Europe et nous
Plomb
et zones humides
Que va-t-il se passer
après le 15 février ?
Ce 15 février 2023, un texte de la Commission
européenne entre en application, interdisant
le plomb dans les zones humides des États membres.
Des « zones humides » devenues par ce texte plus
nombreuses, plus grandes et surtout, moins bien
définies… Que va-t-il se passer en Europe,
mais aussi et surtout en France ?
P
resque sans y paraitre, voilà
maintenant quinze saisons
que le plomb a été banni des
zones humides françaises.
Les sauvaginiers, huttiers,
gabionneurs et chasseurs de bécassines
à la botte ont appris à manier l’acier, le
bismuth, le tungstène et le cuivre recuit,
et ne s’en sortent pas si mal alors qu’on
leur promettait bien du bonheur avec
82 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
ces nouvelles cartouches sans plomb.
Mais dans quelques semaines, le
15 février 2023, l’interdiction du plomb
dans les zones humides européennes
sera renforcée, ainsi en ont décidé la
Commission européenne et sa prési-
dente, Ursula von der Leyen, le 25 jan-
vier 2021, en ratifiant l’interdiction de
l’usage de la grenaille de plomb dans
les zones humides, adoptée par les
eurodéputés le 25 novembre 2020.
Ce texte modifie l’interdiction avec
des conditions encore plus strictes et
restrictives.
• Tout d’abord, la zone tampon autour
d’une zone humide où le plomb est
interdit ne sera plus de 30 m, comme
c’est le cas en France aujourd’hui,
mais de 100 m, accroissant considé-
rablement la surface concernée ;
• Ensuite, dans ces zones humides et leur
zone tampon élargie, il sera interdit
d’utiliser du plomb, mais aussi d’en
détenir : le port de cartouches à gre-
naille de plomb est un délit, passible
d’une contravention de 5e classe et
d’une amende pouvant aller jusqu’à
1 500 euros. De plus, en cas de réci-
dive, le chasseur pourrait devoir com-
paraitre au tribunal et se retrouver ins-
crit au Finiada, le fichier des interdits
d’armes, avant de se voir dessaisi de
ses fusils et carabines ;
• Enfin, la définition même de zone
humide a changé et est aujourd’hui

encore très floue. Si l’on en croit les
textes émanant de la Commission
européenne, un fossé rempli d’eau,
une rivière en crue, une tourbière,
voire une flaque après un gros orage ou
© AdobeStock/ esOlex
une forte averse, sont autant de points
susceptibles d’être classés comme
zones humides et de se voir imposer
une zone tampon de 100 m alentour.
Sujets à polémique
Ces trois points suffisent à augmenter
considérablement la surface classée en
zone humide, à la rendre discutable, tant
qu’une vraie définition ne nous est pas
fournie et rendent le présumé innocent
obsolète, puisque si vous êtes surpris
à moins de 100 m d’une zone humide
avec du plomb dans les poches, votre
bonne foi ne suffira pas, vous serez
présumé coupable. Autant de chan-
gements importants et qui semblaient
inéluctables, car en adoptant ce texte,
la Commission avait fixé comme date
butoir le 15 février 2023, rappelant que
Zones humides totales : c’est non !
Initialement, la Commission européenne
souhaitait que la zone tampon mesure
400 m. Fort heureusement, elle n’a pas
obtenu gain de cause, sinon il aurait fallu
placer quasiment l’intégralité du territoire
national en zone humide.
De la même façon, la Commission avait
prévu un petit alinéa au texte stipulant
que « les États membres dont plus de
20 % du territoire sont constitués de zones
humides pourraient interdire l’usage du
plomb sur l’ensemble de leur territoire
à compter du 15 février 2024 ». Un ajout
inquiétant si l’on se souvient qu’une étude
© AdobeStock/ J.C. Salvadores
Avec cette
nouvelle
du Conseil scientifique et technique de définition des
zones humides,
l’Efese (évaluation française des écosys-
tèmes et des services écosystémiques) de une flaque
mars 2018, commanditée par le ministère ou un fossé
de la Transition écologique de l’époque, rempli d’eau
indiquait que 23 % du territoire métro- sur notre chemin
politain pourraient, à terme, être classés nous obligera
en zone potentiellement humide. De à utiliser
quoi, selon les critères de la Commission des munitions
européenne, faire de la France une zone de substitution.
sans plomb. Fort heureusement, une fois
encore, l’État français n’a pas fait cette
demande, l’ensemble du territoire ne pas-
sera pas au sans plomb.
Janvier - Février - Mars 2023 / Armes de Chasse n° 88 83
Règlementation L’Europe et nous
Les zones humides
« classiques »
restent interdites
au plomb.
Ce qui changera,
ou pas, c’est la
taille de la zone
tampon et le droit
de posséder
du plomb
dans ses poches.
© AdobeStock/ Click98
Le grand gibier
et ses munitions
Le texte prévoit que les munitions de
chasse dont la grenaille est constituée
de plomb pour 1% de son poids seront
interdites. Autrement dit, les balles de
fusil de chasse comme de carabine
échappent à cette interdiction, puisque
justement elles ne comportent pas de
grenaille. Les battues de grand gibier
et de sangliers, notamment dans les
queues d’étangs, les roselières et autres
endroits propices, ne devront pas se
faire au sans plomb.
En revanche, les départements où la
chevrotine est autorisée et utilisée
devront prévenir leurs chasseurs que
cette dernière, comme la cartouche à
grenaille de plomb, sera interdite d’uti-
lisation, comme de détention, dans les
nouvelles zones humides.
84 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
Une réunion
est prévue avec
l’Élysée, Matignon,
les ministères
concernés et les
représentants
des chasseurs et
encartoucheurs
pour décider ou pas
d’un report du texte
de deux ans.
le droit européen prévaut sur les lois et
règlementations nationales, et qu’il était
de ce fait d’effet direct et obligatoire,
devant être appliqué uniformément dans
tous les États membres, sans possibilité
de négociations ou de modifications de
gré à gré.
Des différences par pays
Pourtant, très vite, des différences sont
apparues entre les États européens et la
façon dont ils appréhendaient le texte.
Ainsi, les Portugais ont, les premiers,
déclaré qu’ils avaient déjà une règle-
mentation concernant le plomb dans
les zones humides et qu’il n’était pas
question d’en changer. Autrement dit,
pas d’application du texte européen.
Même son de cloche en Suède où, dis-
crètement, mais fermement, on a d’ores
et déjà annoncé que le texte ne sera pas
appliqué. Les Suédois conservent leur
règlementation actuelle. Les Allemands,
eux, ont annoncé qu’ils appliqueraient
© AdobeStock/ rodimovpavel
le texte, mais tous les pays ne se sont
pas encore prononcés.
Et en France ?
Pour le moment, la France n’a pas
encore choisi. La raison est simple :
prévue depuis trois mois, la réunion
multipartite devant rassembler Élysée,
Matignon, ministères de l’Agriculture
et de la Transition écologique, repré-
sentants des chasseurs ainsi que ceux
des industriels de la cartouche et de
l’arme, est sans cesse repoussée. La
crise énergétique semble avoir raison
de l’agenda de l’exécutif et bloquer,
pour le moment, cette entrevue que
les chasseurs et professionnels de la
cartouche attendent avec de plus en
plus d’impatience.
Cette réunion ne pourra pas être repous-
sée trop longtemps encore. De source
sure, on affirme même que tous les
intervenants, à l’exception du ministère
de la Transition écologique, seraient
favorables à un report de deux ans de
l’application du texte. Si ce choix devait
être finalement validé, cela donnerait
deux saisons de plus aux profession-
nels pour développer les munitions de
substitution et lancer des productions
conséquentes, et autant aux chasseurs
pour se préparer à ce changement. Cela
permettrait aussi de balayer le brouillard
qui nimbe pour le moment la définition
même de zone humide. Si report il
devait y avoir, cette décision validerait
aussi, de facto, la poursuite de l’usage
de la grenaille du plomb sur le reste
du territoire, contrairement à ce que
laissaient entendre les plus pessimistes.
À suivre…
Laurent Bedu
Saga Beauté slave

86 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023

 ZG 47
La belle tchèque, label tchèque
Méconnue en France, lancée en pleine
guerre froide, la ZG 47 est une véritable
pépite. Une arme aujourd’hui assez rare
et qui constitue, avec les Brno 21,
une des plus belles déclinaisons
de la Mauser 98 à la sauce tchèque…

Janvier - Février - Mars 2023 / Armes de Chasse n° 88 87

Saga Beauté slave
Sous cet angle, seul l’arrêtoir
de verrou rappelle le vénérable
Mauser 98.
J
e dois avouer que j’ai un faible
pour tout ce qui vient de la
République tchèque : la Pilsen,
les voitures Tatra, les jambes
d’Eva Herzigová et les armes
évidemment. Autrefois sous domi-
nation austro-hongroise, l’armurerie
tchèque prit son indépendance après
le traité de Versailles (1919). Entre les
deux guerres, cette puissance encore
majeure qu’était la Grande-Bretagne
adopta pour sa propre armée deux
modèles de conception tchèque à
peine modifiés, le FM ZB-26 et la
mitrailleuse ZB-30 (M-37), qui allaient
devenir le Bren (contraction de Brno-
Enfield) et la BESA. Pendant la guerre
froide, en pleine tutelle soviétique,
fut conçu le pistolet CZ-75 qui, tou-
jours fabriqué de nos jours, est un des
modèles les plus copiés sur la planète.
Tout ça pour dire que là-bas, on sait
faire des armes et des bonnes.
La fin de la Deuxième Guerre mondiale
stoppa net la production armurière
tchèque, qui fournissait exclusivement
l’occupant allemand. Le marché civil
repartait de zéro, il y avait un créneau à
(re)prendre. À une époque où les actions
linéaires étaient encore dans les limbes
et les semi-automatiques impropres à
88 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
Double flat top, détente
ergonomique, fenêtre
du pontet allongée :
le progrès est en marche.
Le dessin
l’usage cynégétique, il ne restait que du bouchon
le bon vieux et éprouvé système Mau- de verrou est
ser 98. Et lui, on savait le fabriquer. En assez tourmenté
effet, des centaines de milliers étaient pour accepter
la sécurité sur
sortis des usines de Brno pour armer la
son côté droit
Tchécoslovaquie, la Roumanie, le Bré- et le logement
sil, la Chine de Tchang Kaï-chek, l’Iran, du poussoir de
l’Uruguay, le Pérou… et l’Allemagne. déverrouillage sur
Juste avant la guerre, deux versions de son côté gauche,
chasse avaient été déjà présentées : le directement issu,
modèle 21 à canon long et le modèle 22 lui, du 98.
à fut long « stutzen », tous les deux basés
sur le boitier carabine « small ring »
(celui de la carabine 98AZ, et non du
gewehr 98). Par rapport au modèle mili-
taire, elles sont déjà évoluées par l’ajout
d’une sécurité à palette sur la noix de
verrou, l’absence de trou de pouce côté
gauche pour le passage et l’enfonce-
ment du clip de chargement, et un très
élégant levier d’armement « spatule »,
façon Mannlicher. Néanmoins, elles
conservent un fond de magasin fixe et
la même architecture de détente que le
modèle militaire. Les modèles tardifs
fabriqués après la guerre seront dotés
du rail de fixation de lunette intégré en
19 mm, qui n’existe pas sur les modèles
précoces.
J’ignore ce qui a poussé les décideurs
tchèques à créer une autre carabine de
chasse sur la même base que ces deux
modèles : celle qui deviendra la ZG 47.
Une chose est sure, étonnamment, ces
deux variations du 98 vont cohabiter
un certain temps. On peut même dire
trois versions, en prenant en compte les
carabines remontées avec des boitiers
militaires non transformés…
L’ingénieur chargé de donner naissance
à cette nouvelle version dérivée du
Mauser 98, mais à partir d’un boitier
large ring, s’appelle Otakar Galaš. Né
en 1904 à Syrovice en Moravie, il reçoit
son diplôme d’ingénieur en 1927, après

Les origines militaires
de notre belle tchèque
ont totalement disparu.
quoi il intègre la CZ ( eská Zbrojovka).
Fuyant la Tchécoslovaquie annexée par
l’Allemagne nazie, il arrive en Grande-
Bretagne, où il travaille chez BSA sur
la mitrailleuse BESA. Il retourne en
Tchécoslovaquie en 1945, où il est
donc responsable de la conception de
la ZG 47 et de son modèle dérivé en
fusil de tireur d’élite, le ZG 49. Le
développement initial est achevé en
novembre 1946, étonnamment sous la
dénomination M-23, spécifiquement
pour les marchés canadien et américain.
Après quelques modifications, 40 proto-
types de la nouvelle arme sont réalisés
et présentés comme le nouveau modèle
ZG 47 (Zbrojovka Galaš 1947). Vingt
sont réalisés avec une crosse standard et
vingt avec une crosse Monte-Carlo de
luxe. Ces armes sont remises à la société
d’exportation Kovo, qui va les présenter
sur le marché étranger. Les retours sont
excellents et plusieurs importateurs,
comme ce fut le cas au Canada, ont
seulement regretté de ne pas en avoir
reçu en quantité suffisante en 1951.
Victime
de la guerre froide
Malheureusement, la guerre froide s’est
installée et le commandement de l’ar-
mée fait arrêter la production d’armes
civiles, au profit exclusif des modèles
militaires. De 1950 à 1954, l’exporta-
tion d’armes de chasse et de sport est
interdite. Ce n’est que le 25 novembre
1954 qu’une réunion à Prague réautorise
la fabrication et la vente à l’exportation
des ZG 47, ZKM 451 (Brno model 1
cal.22lr), ZKM 452 (Brno model 2
cal.22lr) et de la série des fusils lisses
ZH. La production de la ZG 47 reprend
donc, mais la coupure totale avec la
clientèle étrangère pendant quatre
ans a été catastrophique sur le plan
commercial. La place a été prise par
la concurrence. De plus, la brochure
promotionnelle n’est disponible que
fin 1956…
Cependant, en 1958, l’arme a été expor-
tée dans une quarantaine de pays, dont
principalement la Suède, l’Allemagne,
la Rhodésie, l’Afrique du Sud et la
Pologne. Toutefois, les volumes restent
relativement faibles et à l’usine, les
stocks s’accumulent. En 1958 juste-
ment, seuls 1 350 exemplaires sont
La double queue construits sur les 6 000 prévus. Selon
d’aronde usinée les informations disponibles, l’arrêt
hors masse, un de la production se situe en 1960, bien
concept toujours que le montage à partir de pièces de
d’actualité, stock ait duré jusqu’à 1963. C’est pro-
bien antérieur bablement des boitiers non utilisés
au standard qui ont été rachetés par Parker-Hale
Weaver- pour fabriquer ses modèles « Hussar »
Picatinny. (Heym a fait de même), mais je n’ai
strictement rien trouvé de tangible à ce
propos. Au total, 20 400 carabines ont
été fabriquées jusqu’au déménagement
de l’usine à Uherský Brod, où la ZG 47
L’ouverture est définitivement remplacée en 1965
du pontet est par la série des ZKK, conçues par les
suffisamment frères Koucký. Le nouveau modèle
large pour un
permettait désormais le tir de cartouches
doigt porteur
de gants, voire plus courtes (ZKK 601) ou africaines
de moufles. longues (ZKK 602).

● Le trou du passage du pouce
dans le flanc gauche est supprimé.
Malgré cela, la bande de guidage
du verrou dans le pont arrière a été
gardée, de même que la découpe
dans celui-ci.
● La sécurité à drapeau, conçue pour
le fantassin, est changée pour une
latérale, en forme de 8, qui pivote
d’avant en arrière. Au contraire de
sa devancière, elle est beaucoup plus
ergonomique et permet le montage
bas d’une lunette.
● Le pont arrière plat (flat top ou
square bridge des Anglo-Saxons)
a été introduit dès 1900 par Mauser
La ZG 47 en détail
pour faciliter le montage du pied
arrière d’une lunette de visée. Mais
le pied avant, pratiquement toujours
pour des crochets, était monté soit
sur le tonnerre, soit sur le canon,
selon la longueur de la lunette. Galaš
a poussé le concept au maximum en
fraisant deux rails de 19 mm dans
chaque pont, plus une découpe dans
le pont arrière, dans laquelle vient se
placer la cale antirecul d’un montage
monobloc en pont.
Les premières lunettes étaient des
Optikotechna (marque devenue
Meopta). La même disposition se
retrouve sur les 21/22 tardives, les
ZKK et les 550/557. Si Galaš avait été
américain, jamais Weaver ne serait
devenu ce qu’il est aujourd’hui.
● Le mécanisme de détente
est complètement revu. Il s’agit
désormais d’un boitier monobloc
usiné, où la course et le poids sont
réglables. La même architecture a
été reprise par Parker-Hale, Sako,
Recknagel et d’autres. L’imitation est
la forme la plus sincère de la flatterie.
À noter que l’ouverture du passage
de la gâchette a été allongée.
● L’ensemble pontet-boitier-magasin
est très remanié. Reconnaissable au
long espace disponible devant la
queue de détente (pour tirer avec
des gants ?), il dispose dorénavant
d’une trappe basculante pour une
vidange rapide, actionnée par un
poussoir dans le pontet identique
à ceux des Mauser Argentins 1909
ou Vergueiro Portugais 1908. Cerise
sur le gâteau, deux appendices de la
plaque encadrent le pontet, comme
sur les meilleures anglaises.
La longueur admissible interne a
été augmentée, ce qui la porte à
86,5 mm. Toutes les cartouches
standards passent sans qu’il y
ait besoin de défoncer la rampe
d’alimentation.

Janvier - Février - Mars 2023 / Armes de Chasse n° 88 89

Saga

Le mécanisme de détente
est plus proche
de l’horlogerie que
de l’armurerie militaire.
On notera la qualité
d’usinage globale, la qualité
du polissage et le soin
apporté aux poinçons et
marquages divers.

Les versions Hofe et le 10,75x68. Le numéro de
Le canon a toujours une longueur de série 0001, une 9,3x62 datée de 1950,
60 cm, mais deux versions sont propo- a été retrouvé dans une collection en
sées : soit à profil lourd : 7x57, 7x64, Afrique du Sud. Un auteur australien
8x57JS, 8x60S, 8x64S, 9,3x62, .270 a trouvé en outre la 05217, une 8x68S
Winchester, .30-06 Springfield ; soit datée de 1956 ayant appartenu à un diplo-
à profil léger : 7x57, 7x64, 8x57JS, mate polonais, et la 02862, une 9,3x64
8x60S, .270 Winchester, .30-06 Spring- à canon de 1965 et boitier de 1957.
field. Sur commande spéciale sont Heureuse époque où un particulier
proposés au catalogue le 5,6x61Vom pouvait demander un chambrage pour
lui tout seul à l’usine ! De nombreux
types de crosses sont proposés : avec
Sécurité : la preuve par 8 ou sans schnabel, sans joue, avec joue
autrichienne ou Monte-Carlo, fut long,
bois de luxe, etc.
La première chose que l’on perçoit
quand on prend la carabine en mains,
c’est son poids ! Et c’est là son prin-
cipal défaut. Beaucoup la reposent
immédiatement, il faut être de ceux qui
la scrutent de plus près pour découvrir
© P. Hachème
ses qualités : une fabrication vraiment
irréprochable, des états de surface
impeccables, des arêtes nettes, le tout
agrémenté d’un bronzage satiné qui n’a
rien de tape-à-l’œil. Pas de plastique,
pas de merdonium, mais un canon en
bon Poldi-Elektro réputé pour sa tenue
face à des tirs soutenus. C’est cette
qualité globale, tant à la conception
qu’à la fabrication, qui fait considérer
la ZG 47 comme le meilleur aboutis-
sement civil du 98 militaire. Ce sont
ces mêmes qualités qui font que son
mécanisme est un des plus prisés par
les armuriers qui montent des carabines
sur mesure, tant que l’on reste dans
des calibres « moyens » et que le client
accepte un certain poids.
Paul Hachème,
photos Bruno Berbessou

© L.Bedu

La sécurité rotative de la ZG 47 avec sa forme de 8 est absolu-

ment unique. Aucun autre dérivé de 98 ne l’utilise. Une palette
située sur l’extrémité de la sécurité bloque et recule le percuteur
à la rotation. Il s’agit donc d’une sécurité active. Un tel système
pourrait être adapté sur n’importe quel 98 en deuxième monte.

A la sécurité près, la Brno 21

est très proche des modèles
© P. Hachème

artisanaux allemands réalisés

à partir de 98 militaires.
Secrets d’armurier Question d’âme
Canons à
crochets
rapportés
(à gauche)
et en
demi-blocs
(à droite).
d’acier forgée, trempée, recuite, per-
cée et tournée constitue la base du
canon. L’avantage est de ne plus avoir
à utiliser de soudure pour confection-
ner un tube, rendant l’acier beaucoup
plus homogène. Les deux canons sont
réalisés individuellement, côtés droit
et gauche. Ils sont ensuite assemblés
par des bandes inférieure et supérieure.
On appelle ce procédé d’assemblage
le « garnissage » des canons.
Sur le modèle « demi-bloc », chacun
des deux canons est d’un seul tenant,
y compris les crochets et les tables
qui sont assemblés par une brasure à
l’étain ou au laiton à basse température
comme pour les bandes, ce qui permet
de ne pas altérer la qualité de l’acier
utilisé.
Sur certaines armes de qualité supé-
rieure, les armuriers utilisaient aussi
certaines techniques d’assemblage au
niveau des crochets par emboitement
en queue d’aronde ou par rivetage, en
plus de la brasure, afin de renforcer au
maximum la jonction des deux canons.
Certaines armes superposées étaient,
94 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
elles aussi, confectionnées avec des
canons demi-blocs ; c’est le cas, par
exemple, des armes Browning jusqu’au
modèle 325. Sur la photo page précé-
dente, on remarque très nettement la
frette du modèle 525, en comparaison
du modèle 325 à demi-bloc.
Un autre type de fabrication de canons
similaire est le principe d’assemblage
par crochets rapportés. Ce principe est
en tous points identique au précédent,
à un détail près : les crochets ne sont
pas directement usinés dans la masse
des canons, mais sont « rapportés »
aux tubes lors de leur confection. Cela
permet de ne pas avoir d’excroissances
au niveau des tables de canons lors de
leur usinage et facilite leur confection.
Les crochets sont ensuite fabriqués
et brasés dans un second temps aux
canons. Même si ce procédé est consi-
déré comme moins noble que celui de
la fabrication de canons demi-blocs,
il reste d’une excellente qualité et
équipe parfois de très belles armes.
Les procédés de fabrication des canons
demi-blocs et à crochets rapportés sont
toujours utilisés de nos jours lors de la
réalisation d’armes fines artisanales, et
sont sans nul doute l’un des arguments
de qualité les plus crédibles lors de
l’achat d’un beau fusil.
Les canons frettés
Malgré leur fiabilité, les canons demi-
blocs et à crochets rapportés restent des
canons dont la fabrication est plutôt
longue et ardue, trop lente et couteuse
pour un processus industriel. Un autre
type d’assemblage est alors apparu au
XXe siècle : les canons frettés. Ce type
de fabrication consiste en l’usinage de
deux tubes, deux cylindres individuels,
Sur ce fusil qui sont ensuite emboités puis fixés par
Nemrod, une brasure sur un manchon compor-
les canons tant les crochets, la partie extérieure
sont frettés.
des chambres ainsi que la face tonnerre.
Témoin
cette ligne
Ce type de fabrication a été largement
de démarcation utilisé avec l’avènement de l’industria-
ornée d’une lisation de l’armurerie, et l’est toujours
frise, qui sur nos armes modernes : on le retrouve
accentue pour 90 % des fusils de chasse super-
la coupure posés actuels de grande série.
visuelle. Si ce procédé de fabrication est net-
tement plus avantageux en termes
d’assemblage, il est aussi considéré
comme moins fin et moins esthétique
que les deux précédents. Des canons
frettés peuvent être aussi considérés de
moins bonne qualité, car confectionnés
à partir de deux pièces d’acier plutôt
qu’une seule. Mais ces considérations
purement subjectives ne les empêchent
pas de très bien résister aux épreuves
haute pression des poudres modernes.
Distinguer un canon fretté d’un demi-
bloc ou à crochets rapportés n’est pas
toujours simple, mais quelques signes
peuvent vous aider à les différencier.
Sur un canon fretté, on peut souvent
remarquer un très fin liseré au niveau

Le montage des canons sur berceau
crochets et deux découpes concaves
recevant les tubes. Les trois éléments
de l’assemblage entre le tube et le
manchon, en bout de chambre, qui est
parfois recouvert d’une gravure fine,
destinée à le dissimuler le plus pos-
sible. On peut aussi parfois remarquer,
à ce niveau, des différences de couleur
de bronzage, du fait de la différence
d’état d’oxydation du métal d’apport
consiste en une planche portant les
© Laurent Bedu
sont ensuite soudés entre eux.
qui sert à assembler les deux pièces.
Il arrive aussi que les canons de belles
armes d’un certain âge, confectionnés à
l’origine de façon traditionnelle, soient
remplacés par des canons frettés, à
cause de piqures ou d’une usure trop
importante à l’intérieur ou à l’extérieur
des tubes. Dans ce cas, la plupart du
temps, l’armurier coupe les tubes alté-
rés au niveau de la sortie de la chambre,
usine la pièce ainsi créée et monte de
nouveaux canons par frettage sur le
manchon conservé.
Certains armuriers ont su rendre avan-
tageuse l’utilisation de canons frettés.
C’est le cas par exemple des fusils des
maisons Bretton ou Blaser, qui ont
équipé leurs armes de canons lisses,
facilement modulables par assemblage
à la frette, sans brasure et sans métal
d’apport. Dans ce cas, les canons sont
simplement vissés et tenus au manchon
par différents systèmes de serrage.
Finalement, quel que soit le type de
canons de nos fusils, en damas, demi-
bloc, à crochets rapportés ou frettés,
les canons sont et resteront toujours les
pièces les plus mystérieuses et les plus
légendaires. Les « âmes » de nos armes,
où gronde le feu et se crée la magie du
tir ! Après plus de sept siècles d’innova-
tions dans le monde des armes, aucun
artisan n’a encore trouvé le moyen de
fondamentalement les révolutionner.
Les canons résisteront à tous les âges,
et même à celui de l’acier, nous en
sommes persuadés !
Texte et photos Henri Lefebvre,
Armurerie Jeannot
Rechargement Fireforming
Le formage
des étuis au tir
Sur mesure, longévité et précision
Le « fireforming » d’un étui par la CIP (Commission internatio-
nale permanente pour l’épreuve des
(formage au tir) est un procédé armes à feu portatives) et le Saami
américain (Sporting Arms and Ammu-
qui permet de créer une nition Manufacturers’ Institute), qui
définissent pour chaque calibre les
cartouche parfaitement adaptée dimensions maxi de la cartouche et
mini de la chambre. Chaque arme est
à la chambre de votre arme unique et différente d’une autre en
ce qui concerne les dimensions de sa
à partir d’une autre qui, chambre et des cartouches à utiliser.
Le rechargement de cartouches person-
sur le papier, ne convient pas. nalisées pour votre arme vous permet,
comme pour le choix de la balle, du
Ce procédé paradoxal type de poudre et de sa charge, d’obte-
nir la cartouche idéale en fonction de
est une des meilleures solutions l’utilisation à laquelle elle est destinée.
L’utilité du formage au feu ne s’arrête
pour faire du sur-mesure pas à l’obtention de cartouches person-
nalisées. Il permet aussi de recharger
avec des calibres désuets ou rares, des cartouches rares ou obsolètes qu’on
et aussi pour faire durer ses étuis ne trouve pas toujours sur les étagères
de notre armurier. Un étui formé au tir
et gagner en précision… aura une durée de vie plus longue, car,
épousant parfaitement les dimensions
de la chambre de votre arme, le laiton
a moins tendance à fluer de sa base
U
ne cartouche d’usine vers le collet. Cet allongement de l’étui
est forcément fabriquée à chaque tir est l’ennemi juré d’une
selon des tolérances longue durée de vie. Un étui laiton, qui
dimensionnelles qui lui joue à l’accordéon entre un allongement
permettent d’être cham- au tir suivi d’une diminution de sa lon-
brée dans toute arme, quel qu’en soit gueur au recalibrage, devient cassant.
le fabricant. Ces tolérances sont fixées Un autre avantage d’une cartouche ainsi
96 Armes de Chasse n° 88 / Janvier - Février - Mars 2023
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fabriquée est une meilleure précision,
car une cartouche chargée sur un étui
parfaitement adapté à la chambre de
votre arme sera alignée avec l’âme du
canon.
Feutre et camping-gaz
Le recalibrage de l’étui obtenu par for-
mage au tir ne doit pas vous faire revenir
au point de départ. Les dimensions
obtenues doivent être préservées, afin
de conserver les dimensions de l’étui
parfaitement appairées à la chambre de
votre arme. Pour ce faire, la méthode la
plus efficace est la réalisation d’un reca-
librage partiel de l’étui. Vous vissez le
recalibreur intégral d’étui dans la presse
et mettez le bélier et le support d’étui
(le shell holder) en position haute. Vous
laisserez un espace d’environ 10 mm
entre le haut du support d’étui et le bas
de l’outil. Après avoir enduit le collet
et l’épaulement de feutre indélébile et
graissé le corps d’étui, vous recalibrez
cet étui et vérifiez les traces de feutre
sur le collet et l’épaulement. Vous vissez
peu à peu le recalibreur dans la presse,
jusqu’à ce que toute trace de feutre
déposée sur le collet ait disparu. Votre
étui voit son collet recalibré, son épau-
lement créé au tir intouché et son corps
légèrement et partiellement recalibré
en partie haute. Vous essuyez l’étui et
vérifiez s’il chambre à frottement gras.
 Impératif absolu : respecter la feuillure !
La préparation d’un étui pour le
formage au tir doit impérativement
respecter la feuillure de l’arme :
c’est l’espace entre la face de la
tête de culasse verrouillée dans le
boitier et le culot de l’étui.
La feuillure est établie en fonction
du type d’étui : sur un étui à bour-
relet (7x57 R ; 9,3x74 R, .303 Bri-
tish), c’est l’épaisseur du bourrelet
qui donne la feuillure. Sur un étui
à gorge (7x64, .30-06, .308 Win),
c’est la distance entre le culot de
l’étui et un point situé sur l’épau-
lement (le datum line) qui la déter-
mine. Sur un étui ceinturé (.300 Win
Mag, 7 Rem Mag, .375 H&H), c’est
la distance entre le culot de l’étui
et le haut de la ceinture qui va ser-
vir à caler la feuillure. Malgré une
feuillure maximum de 0,1 mm telle
qu’acceptée actuellement par le
banc d’épreuve, l’étui va s’allonger,
car l’épaulement et le collet de la
chambre sont taillés plus généreu-
sement – tolérances obligent – que
celles de l’étui. Au coup de feu, la
très haute pression développée
par la combustion de la poudre
plaque les parois de l’étui contre
la chambre et remonte son épaule-
ment. L’étui s’expanse et s’allonge
pour venir épouser les parois de
la chambre. L’épaulement ainsi
formé est parfaitement adapté à
la chambre de votre arme.

Une résistance trop importante au ver-
rouillage de la culasse indique un reca-
librage insuffisant. Vous devez repasser
l’étui dans le recalibreur, que vous aurez
vissé d’un quart de tour supplémentaire
dans la presse. Lorsque le verrouillage
de la culasse ou la fermeture de votre
express, kipplauf ou bloc tombant,
se fait sans effort particulier, le but
est atteint. Vous serrez l’anneau de
réglage du recalibreur afin de conser-
ver le réglage de l’outil pour l’arme en
question.
On peut remplacer le recalibreur intégral
(FL pour full length) par un recalibreur
de collet (NK pour neck sizer) pour
pratiquer cette opération, mais le ver-
rouillage de la culasse peut être plus
difficile. Le corps d’étui étant intouché,
le chambrage ne se fera pas avec autant
de facilité et de souplesse, puisque le
corps d’étui reste à ses dimensions
maximales. Un passage au Body Die,
recalibreur qui ne travaille que le corps
de l’étui, peut devenir indispensable.
Pour ma part, je n’en utilise pas, car si
besoin est, je passe les étuis au reca-
librage partiel avec le recalibreur FL.
Pour une arme de chasse, à fortiori une
kipplauf ou un système à armement
linéaire, l’absence d’un effet de came
à la fermeture du verrou nécessite un
recalibrage partiel ou total.
L’étape suivante est un recuit du collet,
qui après avoir été travaillé, a perdu
de sa souplesse. Un petit chalumeau
type camping-gaz et un récipient de
2 ou 3 cm de haut sont appropriés et
suffisants pour cette opération. Vous
déposez l’étui debout dans le récipient
rempli d’eau et chauffez le collet de
l’étui jusqu’au rouge naissant. Pour bien
voir la couleur monter, vous travaillerez
en lumière ambiante faible. Lorsque le
rouge naissant est atteint, vous basculez
l’étui dans le récipient. Le recuit sera
ensuite pratiqué tous les trois ou quatre
tirs. L’étui est séché et nettoyé, son
logement et le trou d’évent d’amorce
sont uniformisés, et sa longueur est
vérifiée. Une cartouche toute roulée ou
un chargement à partir d’un étui neuf
donnent ainsi au tir un étui parfaitement
formé à la chambre de votre arme.
Un principe cher aux
Américains
On ne peut pas manquer d’évoquer
les calibres « Improved ». Ces calibres
aux performances « améliorées » sont
nés principalement aux États-Unis,
sous l’impulsion de Parker O. Ackley,
armurier connu pour ses recherches
balistiques. Au cours des décennies
1960 et 1970, Ackley a modifié les
calibres existants (principalement les
calibres américains) pour augmenter
la chambre à poudre des étuis, afin de
gagner en vitesse et en puissance. Il a
donc réalésé les chambres des armes en
supprimant la conicité du corps d’étui
et en le rallongeant par la diminution de
la hauteur du collet. L’obtention d’un
étui aux cotes de la nouvelle chambre
se faisait simplement en tirant des car-
touches d’usine qui, sous la pression
des gaz, prenaient leur nouveau profil.
Il n’y avait plus qu’à acquérir un jeu
d’outils dédié à la nouvelle cartouche
pour recharger les étuis tirés.
D’autres armuriers américains ont joué
à ce jeu, mais certains ont choisi de
marquer leur empreinte spécifique en
interprétant différemment les cotes et
dimensions des chambres Improved
qu’ils fabriquaient. Il est bien sûr pos-
sible d’obtenir un jeu d’outils spécial
en envoyant deux ou trois étuis tirés
dans votre arme à un fabricant connu et
reconnu. Mais là, attention au délai de
livraison et au prix ! Si donc vous avez
l’occasion d’acquérir une arme ainsi
chambrée, je vous recommande de ne
l’acheter que si elle est accompagnée
de son jeu d’outils spécifiques.
Tout ceci peut être réalisé sans achat
de matériel ou outils particuliers (à part
les calibres Improved). Il peut en être
tout autrement lorsque vous abordez
le formage d’étuis d’un certain calibre Du feutre recouvre
le collet et
à un autre. Certaines transformations
l’épaulement d’un
sont simples. Prenons l’exemple du étui tiré pour le
.458 Lott. Cette cartouche a été créée contrôle visuel
pour obtenir une chambre à poudre plus du recalibrage.
importante que celle du .458 Win Mag, L’épaulement
qui a montré à plusieurs reprises son créé au tir ne doit
incompatibilité à accueillir une charge pas être abaissé.
suffisante pour développer une puis- L’étui doit être
sance suffisante face aux grands gibiers. recalibré jusqu’à la
La chambre du .458 Win Mag a donc jonction du collet
été rallongée sans autre modification. Si et de l’épaulement.
À côté d’une
les étuis de .458 Lott se font rares sur le
cartouche
marché, ce n’est pas dramatique. Il suffit toute cousue,
d’ouvrir le collet d’un étui de .375 H&H l’épaulement et le
pour accueillir une balle de calibre .458, collet formés au tir
et le tour est joué. On peut réaliser une dans la chambre de
expansion progressive du collet en l’arme sont visibles.
passant d’abord un expandeur de .416,
puis l’expandeur de .458. Un recuit du
collet aide à l’expansion, tout en évitant
de perdre des étuis. L’étui est ensuite
coupé à la longueur requise exacte. Il
va ensuite se conformer à la chambre
de l’arme au premier tir. Si vous ne
trouvez pas d’étuis de .375 H&H, ce qui
serait vraiment surprenant, vous pouvez
tirer en toute sécurité des cartouches
de .458 Win Mag. Ce formage est à la
fois facile, rapide, et il permet toujours
de tirer une cartouche beaucoup plus
répandue que la création de Jack Lott.
Janvier - Février - Mars 2023 / Armes de Chasse n° 88 97
Rechargement Fireforming

Vous trouverez dans le Guide pratique Le recuit du collet

permet de redonner
du rechargement d’Alain Gheerbrant
de la souplesse à
un tableau assez complet de reformages l’étui et prolonger
possibles pour passer d’un calibre à un sa durée de vie.
autre avec le même étui. L’étui est basculé
dans l’eau pour
Gare à l’épaisseur stopper la diffusion
Le formage d’étuis peut ne pas être aussi de la chaleur vers

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simple et requiert votre attention sur la base de l’étui.
certains points. Les parois d’un étui vont
en s’épaississant vers sa base. Si vous
recoupez un étui de .30-06 (63 mm de Fireforming avec balle

long) pour former un étui de .308 Win
(51 mm), il y a de fortes chances que
les parois du collet de votre .308 soient
trop épaisses, malgré la cote CIP de la
.308 Win (8,73 mm) supérieure à celle
d’une cartouche de .30-06 (norme CIP :
8,63 mm). Ces mesures seront prises sur
une .30-06 d’usine et un étui reformé en
.308 Win sur lequel vous aurez monté
un projectile.
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mode d’emploi
Vous êtes décidé, vous allez pratiquer
le fireforming et vous avez choisi de
tirer à balle, il vous faut positionner
le projectile au contact des rayures.
Au coup de feu, le percuteur, qui a
tendance à pousser l’étui vers l’avant,
provoque une augmentation de la feuil-
lure préjudiciable à la durée de vie de
l’étui. La balle au contact des rayures

© L. Bedu
Le diamètre du collet de la cartouche empêche ce mouvement vers l’avant. Il
doit être inférieur de 3 à 7 centièmes n’est pas toujours possible de bloquer la
de mm par rapport au diamètre de la balle dans les rayures, car le vol libre de Le raccourcisseur
chambre, afin de permettre au collet nombreuses armes est trop important. d’étuis équipé
de s’expandre pour libérer la balle. Un La charge de poudre doit être réduite d’une fraise
moulage de la chambre au cerrosafe afin d’éviter toute surpression. Vous de retaille interne
peut être un plus. La mise en œuvre de choisirez la poudre la plus vive présente du collet.
ce produit bon marché, car réutilisable dans les tables de chargement du calibre
de nombreuses fois, est simple et à la considéré et, par sécurité, baisserez la
portée de tous. charge de 5 % par rapport à la charge
Un collet trop épais peut se reprendre sur de départ. La densité de chargement
l’extérieur ou l’intérieur de ses parois. n’est certes pas optimale, et c’est pour
Par facilité, je préfère le fraisage interne cela que le choix d’une poudre vive
pratiqué avec le raccourcisseur d’étuis s’impose, car elle se comportera mieux votre étui et vous sert de charge de
Forster, sur lequel on remplace le pilote qu’une poudre lente à faible départ. Un étui amorcé reçoit cette
par un outil coupant au diamètre désiré. densité de chargement. charge de poudre qui est surmontée
Si vous pensez tirer le ragondin à 500 m, Si vous formez vos étuis d’une touffette de dacron ou de papier
mieux vaudra reprendre l’épaisseur du sans balle, la mise en œuvre toilette. Le reste de l’étui est rempli de
collet de l’étui par l’extérieur, car la fraise est la suivante : vous rem- semoule de couscous qui, à son tour, est
interne ne supprime pas le décentrage plissez un étui muni d’une obturée par de la cire ou autre produit
possible des parois du collet. Il n’est pas amorce percutée avec de la souple (pâte vinyle pour joints), qui va
rare, même chez de bons fraiseurs, de BA9 (poudre pour arme de maintenir en place tout ce petit monde.
constater un manque de concentricité du poing) jusqu’à la base du Il est fortement déconseillé de tirer ces
collet d’un étui. Ce phénomène est très collet. Vous pesez ensuite « cartouches » n’importe où, car même
visible après la recoupe à longueur d’un cette charge que vous divi- sans projectile, le danger est là. Vous
étui ; son extrémité nette et brillante laisse sez par dix. La charge de en rechargerez quelques-unes que vous
voir une partie du collet plus épaisse 10 % obtenue va tenir dans tirerez au stand afin de vérifier que la
que l’autre. 10 % de la contenance de charge de poudre est suffisante pour for-
mer correctement l’étui. Si le formage
Choses à savoir, points à vérifier n’est pas complet, vous augmentez la
charge par palier de 5 centigrammes
Il est plus facile d’agrandir le collet d’un étui d’abord une expansion du collet avec un expandeur
que de le diminuer. Si vous reformez du .308 Win de diamètre supérieur à celui de la balle. Vous
jusqu’à l’obtention du formage désiré.
omniprésent pour obtenir du 7-08 Rem ou du .243 Win, recalibrez ensuite le collet avec le recalibreur dédié, Vous avez maintenant les bases du for-
vous rétrécissez le collet dans lequel va se former sans toutefois descendre ce recalibrage jusqu’en mage d’étuis qui vous permettront de
un donut (« anneau »). La matière déplacée apparait bas du collet. Le recalibrage du collet est correct recréer un calibre obsolète ou disparu
sous la forme d’un anneau à l’intérieur du collet. Cet lorsque la culasse peut être verrouillée à frottement et vous approvisionner en période de
excès de matière est refoulé vers l’extérieur lors de gras. Le collet et l’épaulement sont recuits et au tir, pénurie. Hormis quelques petits outil-
la mise en place de la balle et augmente le diamètre l’épaulement va être complètement formé. lages fort utiles et peu onéreux (fraises
extérieur du collet. Il doit être éliminé pour préserver Le formage d’un étui pour le tir dans une arme pour raccourcisseur d’étuis, tige de
la bonne expansion du collet de l’étui dans la chambre semi-automatique, à armement linéaire, un express désamorçage, olives ou expandeurs de
de l’arme. ou un bloc tombant, ne doit induire aucun effort à la collet), vous pouvez augmenter consi-
Si l’épaulement du nouveau calibre est situé plus fermeture. Il faut donc recalibrer l’étui jusqu’à obtenir dérablement le champ du possible de
haut que l’épaulement d’origine, vous devez pratiquer un chambrage souple et sans la moindre résistance.
votre activité de rechargeur.
un épaulement secondaire, dont la parfaite adéquation Le tir de formage peut être réalisé avec ou sans
à la chambre sera réalisée au tir. Vous pratiquez projectile.
Texte et photos Jean Kwiatek

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