sélection

SOMMAIRE

56 m’a aidée à me faire

26
en couverture
santé
Les étonnants
bienfaits de la
une amie.

64
50 TRUCS POUR compagnie animale inspiration
RÉGLER LES PETITS À plumes, à poils ou à Une seconde chance
PROBLÈMES écailles, les animaux Une tentative de suicide
QUOTIDIENS de votre famille vous a failli mettre fin à
l’histoire de ce joueur
Faites-le vous-même. aident bien plus que
vous ne le pensez. Voici professionnel de
baseball. Aujourd’hui,
38 six raisons expliquées
par la science. Drew Robinson écrit
inspiration
un nouveau chapitre
Guérir d’amour
« Sans le cancer, je 62 remarquable de sa vie.

n’aurais pas rencontré humour

la femme de ma vie ! » Plus jamais seule 72
Comment le chanteur famille
Pablo et moi
46 de rock Roy Orbison
Mon jumeau est décédé
MOORES PHOTOGRAPHIE/MOORESPHOTOGRAPHIE.COM

drame vécu
quand nous avions
À la dérive 18 ans. J’apprends enfin
Lorsque son bateau à vivre sans lui.
heurte un récif et
sombre dans la mer des
Caraïbes, Don Cavers 78
document spécial
saute dans le radeau
Les mites
de survie et se retrouve
Ne pouvant guérir notre
bientôt perdu au milieu
père, nous avons cher-
de l’océan.
ché une autre mission.

en couverture
photo de vicky lam 38
selection.ca 1
sélection

Rubriques
3 Mot du rédacteur
Humour
en chef 10
Au travail
5 Réagissez
24 Matière à 45
réflexion Des gens
95 Sélection.ca 77
gens d’ici Mot pour rire
6 Briser le cycle
des enfances
brisées
Nancy Audet est
bonnes nouvelles
du monde entier
17
devenue le visage 11 Cinq raisons demandez

(NANCY AUDET) WILL LEW ; (FLACON) ISTOCKPHOTO.COM/HARMPETI ; (ILLUSTRATION) RAZ LATIF

et la voix de tous de sourire à l’expert
ces jeunes que 22 Le mariage a-t-il
santé
la vie et la société encore sa raison
14 Nouvelles du
ne cessent de d’être?
monde de la
maltraiter. Nous posons la
médecine
question à Lisa
17 Météo et bobos Strohschein.
Y a-t-il un lien le club du livre
entre la santé et le sélection
temps qu’il fait ? 88 Les Agneaux de
l’Aube
19 Qu’est-ce que j’ai, Chaque mois,
docteur? nous vous recom-
Migraines, surdité mandons une
d’une oreille, œuvre littéraire
vertiges. et vous invitons
à la lire et à
la commenter.

14 90
92
Jeux
Sudoku
93 Pris au mot
96 Mot caché

2 mars 2023
 Léa et
Snoopy

odieux chantage, j’en conviens.

Quelques mois plus tard, nous sommes
ressortis de la SPCA avec une adorable
boule de poils qui allait faire le bonheur
de notre famille pendant une dizaine
d’années – enfin, si on oublie les
innombrables objets que cet animal a
déchiquetés pour tromper son ennui
quand nous le laissions seul. Globale-
ment, le bilan était franchement positif.
LE MOT DU Anna-Kaisa Walker en apporte de
RÉDACTEUR EN CHEF multiples preuves (p. 56) : les animaux
domestiques nous font du bien.
Je ne sais pas si, comme l’assure le

Un amour texte, la présence de cet animal à l’hy-

giène douteuse a renforcé notre sys-

de bestiole tème immunitaire, mais je peux dire

qu’il a eu sur notre ado un effet struc-
turant indéniable. Effet qui s’est fait

P
endant des années, notre fille ressentir sur toute notre famille.
nous a littéralement harcelés Et je n’oublierai jamais ces longues
pour avoir un chien. Nous avons promenades que nous faisions matin
longtemps réussi à faire diversion et soir, hiver comme été, ma fille
en lui offrant reptiles, volatiles et et moi. Ces moments uniques,
autres rongeurs qui demandaient magiques, c’est à un chien
un investissement minimal en que je les dois.
temps et en énergie. Mais, à part
une perruche aussi intelligente
qu’affectueuse, aucune de ces
bestioles n’est venue combler
Écrivez-moi à :
son désir premier. Nous
(HERVÉ JUSTE) RICHMOND LAM

herve@rd.ca
avons fini par lui
promettre un chien
si elle acceptait de
suivre des cours de
maths qui la prépa-
reraient à son entrée
au secondaire. Un

selection.ca 3
 P U B L I É PA R L E S P É R I O D I Q U E S R E A D E R ’ S D I G E S T C A N A D A L I M I T É E , M O N T R É A L ( Q U É B E C )

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4 mars 2023

RÉAGISSEZ
Rêve de lecteur
Ma mère, Marguerite Gignac, décédée à
presque 102 ans en 2017, était abonnée à
Sélection depuis les années 1950. La revue
passait de main en main pendant tout le
mois. Je me suis abonné dans les années
1970 et j’ai ensuite abonné ma fille. Sélection
est un vieux compagnon ! Je m’en servais
avec mes élèves de pastorale et de catéchèse
quand un article s’y prêtait. Vous devriez
publier un livre-souvenir reproduisant le
1er numéro du Readers Digest américain de
1922 et le 1er Sélection de 1947 ! Je serais le
premier à vouloir l’acheter. Et je suis sûr que
d’autres lecteurs aimeraient l’avoir dans leur
bibliothèque. Longue vie à Sélection !
— PIERRE LACHANCE, Gatineau
DOUX SOUVENIRS
J’ai beaucoup aimé «Le vison de maman» (décembre
2022). J’ai reçu une fausse fourrure de ma mère et deux
vraies fourrures d’amis chers. Le manteau de ma mère
me rendait heureuse chaque fois que je le tenais ; il me
rappelait les bons moments que nous passions lors-
qu’elle le portait. J’ai fini par fabriquer plusieurs ours
en peluche à partir de chacun de ces manteaux.
— MELODY HEWSON, Langley, C.-B.
sélection
EXPRIMEZ-VOUS !
Éc rivez-nous à
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ni
pour réagir à l’u on
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selection.ca 5
sélection

GENS D’ICI

Nancy Audet est devenue le visage et la voix de tous ces

jeunes que la vie et la société ne cessent de maltraiter

Briser le cycle des

enfances brisées
PAR André Lavoie
photo de will lew

D
’AMOS À MONTRÉAL en passant
par l’Université d’Ottawa et La
Sorbonne à Paris, le parcours de
Nancy Audet pourrait ressembler à un
conte de fées. Fougueuse, déterminée,
aussi bien à Radio-Canada qu’au réseau
TVA, la journaliste a beaucoup couvert
le milieu sportif… tout en camouflant
soigneusement ses blessures d’enfance.
Maltraitée, abusée sexuellement et
rejetée par une mère qui n’a fait que
reproduire sur elle la violence subie
dans sa jeunesse, la petite fille apeu-
rée, fugueuse et ballottée d’un foyer à
l’autre n’était jamais bien loin.
Un jour, Nancy Audet a tout balancé
pour devenir ambassadrice de ces
enfants dont le parcours chaotique res-
semble tristement à celui qui l’a profon-
dément marquée. Après deux livres,

6 mars 2023
sélection
dont le plus récent, Ils s’appellent tous
Courage (Éditions de l’Homme, 2022),
une série documentaire (Être famille
d’accueil), et de multiples conférences
et interventions médiatiques, elle est
loin de vouloir se taire, et surtout de
laisser dans l’indifférence ces jeunes
dont la détresse est énorme : la Direc-
tion de la protection de la jeunesse
(DPJ) a reçu 132 632 signalements en
2021-2022, et en a retenu 43700. Et lors-
qu’ils sont pris en charge, leurs condi-
tions de vie sont parfois lamentables
entre le roulement de personnel, les
centres jeunesse tombant en ruine et
un manque criant de familles d’accueil.
« LES GENS OUBLIENT
À QUEL POINT ON
PEUT AVOIR UN
IMPACT DANS LA VIE
D’UN ENFANT. »
Quel fut l’élément déclencheur d’un
engagement aussi grand de votre part
pour la cause des enfants de la DPJ ?
Juste avant le drame de la fillette de
Granby, j’avais commencé à m’impli-
quer à la Fondation du Centre jeunesse
de Montréal. On m’a fait comprendre
que si je voulais être un exemple pour
les jeunes du système, il fallait un jour
que je parle puisque je connais les
séquelles que vivent trop d’enfants
négligés et maltraités. Quelques jours
8 mars 2023
après sa mort, en avril 2019, j’ai
pleuré toutes les larmes de mon corps
et je me suis dit : le silence, plus jamais.
Ce n’était plus possible pour moi de
travailler dans une salle de nouvelles.
J’ai alors écrit mon premier livre [Plus
jamais la honte : le parcours impro-
bable d’une petite poquée, Éditions de
l’Homme, 2021], donné des confé-
rences et posé des gestes concrets.
Par exemple ?
Les gens oublient à quel point on peut
avoir un impact dans la vie d’un enfant
et changer réellement son parcours. On
peut le faire avec la plus belle chose qui
soit, et qui ne coûte rien: du temps! Nos
vies effrénées n’ont pas de sens, et pour
moi, devenir mentor, ça fait toute une
différence. Je vois comment ça change
leur vie, et ça enrichit beaucoup la
mienne. Alors une partie de mon enga-
gement, c’est aussi de convaincre les
gens de donner du temps. Une amie
m’a déjà dit qu’elle n’en avait pas
jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’elle
passait deux-trois heures par jour sur
les réseaux sociaux…
Ce temps consacré aux autres vous
détourne-t-il de votre famille ?
Ressentez-vous un certain tiraille-
ment intérieur entre votre cause et le
bien-être de vos proches ?
Je prends toutes mes décisions en
fonction de ma famille, et surtout de
ma fille. Si un jour je vois que mon
engagement peut s’avérer négatif, alors
elle sera mon premier choix. Par contre,
je veux aussi lui montrer que ce n’est
pas tout d’avoir des convictions ;
quand quelque chose nous tient à
cœur, il faut agir. Je vois trop de gens
qui crient, qui s’indignent, mais après ?
Notre indignation, notre colère, doit
se transformer en action. Mais j’avoue
que je ne m’impliquerais pas autant si
je n’étais pas aussi bien entourée, tout
comme ma fille.
« IL FAUT CHANGER
NOTRE REGARD
SUR LES ENFANTS
ET DEVENIR PLUS
DISPONIBLES. »
Beaucoup de politiciens québécois
affirment que l’éducation doit être
une priorité. Or, dans Ils s’appellent
tous Courage, parmi les nombreuses
failles du système que vous dénon-
cez, il y a celui du famélique taux de
diplomation des enfants de la DPJ.
Selon une étude publiée par l’École
nationale d’administration publique,
17 % d’entre eux avaient atteint le cin-
quième secondaire comparativement
à 75 % des jeunes Québécois du même
âge. C’est inacceptable ! Ce sont des
enfants de l’État, et l’éducation est
encore plus importante lorsqu’on est
fragilisés à ce point. Les envoyer dans
le monde en étant sous-scolarisés,
c’est effrayant, et c’est notre responsa-
bilité d’améliorer les choses.
Justement, que pouvons-nous faire
individuellement pour leur redon-
ner espoir ?
D’abord, il faut changer notre regard
sur eux et devenir plus disponibles.
Vous remarquez ce garçon dont les
parents ne viennent jamais l’encoura-
ger quand il joue au baseball ? Il faut
lui dire qu’il a bien joué, qu’il a du
talent. Pourquoi ne pas inviter dans
une fête d’enfants le petit tannant ou
la fille à problèmes ? Ce qu’il faut leur
montrer, ce sont des îlots de bonheur,
pas des maisons où ça hurle tout le
temps. Pour que ces jeunes se disent :
l’acceptation, le respect, c’est ça que je
veux dans ma vie.
Ouvrons nos portes ! C’est peut-être
simpliste, mais ça peut faire une
grande différence. Pour qu’un enfant
développe son plein potentiel, il a
besoin de cinq adultes significatifs
autour de lui : parents, grands-parents,
oncles, professeurs, entraîneur, etc. Je
croise beaucoup d’enfants qui n’en ont
aucun. Plus que jamais, nous avons
besoin de mentors. Je connais le pro-
priétaire d’un garage qui, chaque
année, engage un jeune vivant dans un
centre de réadaptation. Encore récem-
ment, un d’entre eux est revenu le voir
pour le remercier de l’avoir accueilli
comme s’il faisait partie de la famille.
À partir de là, ce jeune a décidé de se
prendre en main.
selection.ca 9
sélection

passe donc mon temps

AU TRAVAIL à prêcher la prudence
aux ouvriers que je
supervise. « Savez-vous
quelle est la limite de
vitesse dans notre
stationnement ? » leur
ai-je demandé. Le long
silence qui a suivi a
enfin été rompu par un
employé : « Vous voulez
dire en arrivant au
travail ou en partant ? »
— GCFL.NET

Mon nom de famille est

court, mais peut prêter
à confusion. Alors
quand la réceptionniste
d’un hôtel m’a un jour
demandé mon nom,
j’ai voulu lui faciliter la
« Non, mon mémo n’est pas crypté ! tâche en répondant :
C’est mon correcteur qui ne fonctionne pas. » « Ce sont les quatre
premières lettres du
Je travaillais dans un à l’employé en poste ce mot suggestion. »
dépanneur quand un jour-là si c’était bien cet Elle a souri et m’a
homme est sorti sans homme qui avait volé la demandé : « Et
payer avec quatre bière. Le voleur s’est comment ça s’écrit ? »
CHRIS WILDT/CARTOONSTOCK.COM

cartons de bières. J’ai écrié : « Il ne peut pas — DEB SUGG

appelé la police, puis je savoir ! Il n’était pas là
suis rentré chez moi à quand c’est arrivé. »
Envoyez-nous vos blagues!
la fin de mon service. — R.N.
Vous pourriez gagner
Le lendemain, des poli- 50 $ et être publié dans le
ciers se sont présentés La sécurité étant un magazine. Pour plus de
au magasin avec un gros sujet dans l’entre- détails, voir page 5 ou sur
suspect et ont demandé prise où je travaille, je selection.ca/anecdotes.

10 mars 2023
 BONNES NOUVELLES
du monde entier
PAR Tina Knezevic
DES DRONES POUR SAUVER LES BAIGNEURS
espagne Chaque année, environ
263 000  personnes dans le monde
meurent par noyade. Et même si on
imagine volontiers qu’un baigneur en
train de sombrer se débat dans l’eau et
agite les bras pour appeler au secours,
en réalité les noyades se produisent sou-
AVEC LA PERMISSION DE GENERAL DRONES
vent rapidement et en silence. Ancien
maître nageur sauveteur, Adrián Plazas
ne l’ignore pas. Il y a plusieurs années,
malgré leur rapidité, lui et son associé
Enrique Fernández ont assisté, impuis-
sants, à la mort d’une femme. Ce drame
a bouleversé la vie d’Adrián.
Cet ingénieur industriel est aujour-
d’hui le PDG de General Drones, une
entreprise espagnole spécialisée dans
Les drones peuvent
localiser et rejoindre les
baigneurs en détresse en
quelques secondes.
la fabrication de drones qu’il a fon-
dée avec Enrique Fernández. Les deux
hommes ont mis leurs connaissances
ensemble pour créer un drone de
recherche et sauvetage dédié à la pré-
vention des noyades.
Quand un maître nageur remarque
un baigneur en détresse, il lui suffit
d’aviser un pilote de drone, qui, se
trouvant également sur la plage,
enverra directement et en quelques
secondes l’appareil à la rescousse,
guidé par une caméra attachée. Le
drone largue alors un gilet de sauve-
tage (qui se gonfle automatiquement
en touchant l’eau) pendant que les
maîtres nageurs arrivent. En faisant du
selection.ca 11
sélection
sur-place au-dessus de la victime, il
permet en même temps aux sauve-
teurs de la repérer rapidement.
Le projet a démarré en 2015, mais
Adrián Plazas explique qu’il a fallu du
temps pour passer du prototype au pro-
duit fini. «Le drone doit être conçu spé-
cifiquement pour la plage, en tenant
compte de l’humidité du lieu, du soleil,
des grands vents », précise-t-il.
Jusqu’à présent, leurs appareils sont
intervenus dans plus de 60 situations
d’urgence et ont été déployés sur
22  plages d’Espagne. L’entreprise
espère maintenant que de nouveaux
investissements et une plus grande
visibilité l’aideront à étendre ses ser-
vices à d’autres pays.
Une ligne d’écoute d’urgence
en santé mentale
canada Au pays, en cas d’urgence, on
compose le 911. Mais que faire en cas
de crise de santé mentale ? Selon une
enquête de la CBC en 2020, 68 % des
sujets qui ont perdu la vie lors d’un
affrontement avec la police au Canada
souffraient de problèmes de santé men-
tale ou de dépendance (ou des deux).
Voilà qui a contribué à convaincre de
la nécessité d’un nouveau numéro
d’urgence pour aider les personnes en
situation de crise et servir en même
temps dans la prévention du suicide.
Le 988  entrera en fonction dans le
courant de l’année et sera accessible
dans l’ensemble du pays, par télé-
phone et par texto.
Mettre les profits de
l’entreprise au service des
défis environnementaux
états–unis Yvon Chouinard, le fonda-
teur milliardaire de la célèbre marque
de vêtements de plein air Patagonia,
est souvent applaudi pour son approche
tournée vers l’avenir et le développe-
ment durable. À ce jour, son plus grand
geste a consisté, en 2022, à céder ses
actions de l’entreprise à une fondation
(appelée Patagonia Purpose Trust) et
à un organisme à but non lucratif (le
Holdfast Collective), qui veilleront à ce
que les profits servent à lutter contre les
ISTOCKPHOTO.COM/CESARE FERRARI
crises environnementales en matière de
biodiversité et de changements clima-
tiques, par exemple.
Yvon Chouinard a retenu cette solu-
tion après avoir écarté la possibilité de
vendre l’entreprise ou de la rendre
publique. « Nous avons donc créé
notre propre solution. La Terre est
désormais notre seule actionnaire. »
 Raviver l’amour de la lecture
syrie Dans la ville de Tartous, en Syrie,
Mohamed Zaher occupe ses journées
à tenir un kiosque appelé Wisdom Sel-
ler, qui invite les passants à s’arrêter
pour feuilleter les quelque 2000 livres
qui tapissent ses murs. Pour encoura-
ger les visiteurs à rester, il offre le café
à toute personne qui lit plus de 15 pages
d’un ouvrage. Ce vétéran de 32 ans
appelle ses compatriotes à revenir aux
ACTE DE GÉNÉROSITÉ
KFIR SIVAN, AVEC LA PERMISSION DE LUMIWEAVE
Exploiter le pouvoir du design
À Tel-Aviv, les températures estivales
dépassent la barre des 30 ºC, et la
lumière du soleil éclaire la ville
pendant environ 11 heures par jour.
Ses habitants sont donc habitués au
temps chaud. Et avec le risque de
hausse des températures globales, il
ne sera pas plus aisé de se protéger
de la chaleur. Mais là où les uns
Anai Green (à
droite) et Tal
Parnes, co-
fondateurs de
Lumiweave.
livres imprimés qui, comme s’il s’agis-
sait d’un luxe, sont devenus inacces-
sibles pour de nombreux habitants en
raison de la guerre. Mohamed affirme
que la lecture lui a servi de thérapie
lorsqu’il était au combat.
La survie financière du kiosque
dépend de la générosité de riches
habitants locaux – mais tout le monde
est bienvenu. Il estime que plus de
20 000 visiteurs se sont arrêtés à son
kiosque depuis son ouverture.
redoutent des problèmes, Anai
Green a imaginé une solution.
En 2019, cette femme d’affaires et
designer produit a eu l’idée d’associer
le besoin d’ombre de sa ville, le jour, à
la possibilité d’exploiter le soleil pour
éclairer la nuit. Elle a donc créé
Lumiweave, un tissu cousu de pan-
neaux solaires capables de bloquer
jusqu’à 99,5 % des radiations lumi-
neuses tout en stockant la puissance
solaire nécessaire à l’éclairage public
la nuit. Chaque ville peut personnali-
ser le tissu selon qu’il doit être tendu
sur un cadre, utilisé comme parasol
ou suspendu entre des bâtiments.
Quand on lui demande ce qui l’a
inspirée, Anai Green déclare qu’elle
voulait changer la façon dont on
perçoit l’environnement. « J’ai
pris deux problèmes banals et
je les ai combinés. »
selection.ca 13
sélection

Trop réfléchir
est épuisant

Se sentir vidé après des

PAR Samantha heures de réflexion
Rideout
tient à ce qu’une molé-
cule appelée glutamate
s’accumule dans le
cortex préfrontal,
perturbant la fonction
cérébrale. Cela pro-
voque de la fatigue et
« de la paresse intellec-
tuelle » et fait préférer
les plaisirs immédiats
à des avantages ulté-
rieurs. Des scientifiques
parisiens l’ont démon-
tré en demandant à des
volontaires de travailler
L’AMITIÉ PEUT RÉSISTER plus de six heures soit à
À LA DÉMENCE une tâche intellectuel-
lement exigeante, soit à
Les personnes atteintes de démence ont toujours une autre relativement

PHOTO D’ADAM VOORHES ; ACCESSOIRISTE : ROBIN FINLAY

besoin de leurs amis qui, pourtant, s’éloignent facile. Une spectrosco-
parfois d’elles. Ce qui, selon une étude récente pie du cerveau a alors
parue dans le Canadian Journal on Aging, ne doit révélé que les premiers
pas apparaître comme une fatalité. Les chercheurs avaient accumulé plus
ont interviewé des malades et leurs proches pour de glutamate. Ils ont
savoir comment ils gardaient contact. Parmi les aussi été plus nom-
diverses formes que cela peut prendre, comme breux à préférer une
parler franchement de la situation, accepter les petite récompense en
changements de comportement et de rapport, se argent sur-le-champ à
concentrer sur ce qui reste accessible (comme une autre plus impor-
l’amour de la musique et les souvenirs communs), tante quelques mois
par exemple. Mais cela passe aussi par le soutien plus tard. Le repos est
pratique (rappeler les sorties prévues) ou le simple le seul remède connu
fait de se tenir au courant. pour cet état.

14 mars 2023
 Le groupe sanguin Maladies auto-
A prédisposerait à immunes et risque
un AVC précoce cardiaque

La plupart des AVC Environ 10 % des Nord-

Si vous êtes touchent des aînés, Américains ont une
diabétique, mangez mais on en voit de plus maladie auto-immune
tôt le soir en plus chez les moins – polyarthrite rhuma-
de 60 ans. D’après une toïde, psoriasis, etc.
Il n’est pas rare qu’on vaste méta-analyse L’appareil immunitaire
répartisse ses repas sur internationale publiée attaque par erreur des
au moins 14 heures – dans Neurology, l’appar- organes ou des tissus
du déjeuner à 7 h du tenance au groupe san- sains, causant souvent
matin au souper se guin A accroît de 16 % de l’inflammation.
terminant vers 21 h, par le risque d’AVC précoce Des recherches
exemple. Ramener cet (l’appartenance au récentes de l’université
intervalle à 10 heures groupe O le réduit de catholique de Louvain,
(HORLOGE) ISTOCKPHOTO.COM/MONTICELLLO ; (FLACON) ISTOCKPHOTO.COM/HARMPETI

serait bénéfique pour 12%). Le sang du groupe en Belgique, ont montré

les diabétiques de type A coagule peut-être plus que les victimes d’une
2, soutient une étude de facilement, supposent maladie auto-immune
l’université hollandaise les auteurs. Cela dit, le couraient au moins
de Maastricht. En effet, groupe sanguin n’est 1,4 fois plus de risques
le corps se retrouve qu’un élément du profil de maladie cardiovas-
alors à jeûner pendant de risque. D’autres culaire. Et ce risque est
la nuit, ce qui abaisse facteurs relèvent de la doublé chez les sujets
la glycémie. Ces décision de chacun : souffrant de deux
conclusions concordent tabagisme, alimenta- troubles de cette nature.
avec les résultats de tion, surveillance de la Ces résultats inciteront
recherches antérieures tension artérielle, par sans doute patients et
selon lesquelles des exemple. médecins à élaborer des
intervalles encore plus stratégies de prévention
courts – seulement huit comme le font déjà les
heures, par exemple – généralistes pour leurs
permettent à des patients ayant des pro-
sujets obèses de brûler blèmes de santé dont
plus de graisse on sait qu’ils aggravent
et d’améliorer leur le risque d’accident
sensibilité à l’insuline. vasculaire cérébral.

selection.ca 15
sélection

Bien dormir pour mieux donner Les peaux foncées

faussent la mesure
Aider ou non autrui dépend, aussi, de ce qu’on est
bien reposé ou non, conclut un rapport de Des appareils de mesure
l’université de la Californie à Berkeley à partir très utilisés au cours de
d’une récente analyse des images du cerveau de la récente pandémie ne
24 volontaires après huit heures de sommeil et sont pas adaptés aux
après une nuit blanche. C’est que les régions où se peaux foncées, affir-
fait l’analyse des sentiments et besoins des autres ment des chercheurs
sont moins actives quand on est fatigué. nord-américains. Les
Dans une autre étude figurant dans ce rapport, oxymètres de pouls et
les participants se sentaient plus disposés à faire les thermomètres sans
une bonne action, par exemple aider un inconnu contact utilisent de la
blessé ou faire du bénévolat, après une bonne nuit lumière visible ou infra-
de sommeil. Une troisième, portant sur l’ampleur rouge. Or, la pigmen-
des dons de charité aux États-Unis, a constaté tation de la peau peut
qu’ils diminuaient temporairement de quelque modifier la réflexion de
10 % au printemps, mais seulement là où les cette lumière.
habitants perdaient une heure de sommeil la nuit
où ils passaient à l’heure avancée. L’essentiel, c’est de
Tout cela donne à penser que le manque de faire de l’exercice
sommeil nous rend
moins compatissants et Ne faire de l’exercice que
serviables. Dans les pays le week-end semble être
industrialisés, plus de la aussi profitable que
moitié des adultes ne répartir les séances sur
dorment pas assez toute la semaine, d’après
pendant la semaine de une analyse brésilienne.
travail. Nous devrions Le secret pour abaisser
tous reconnaître la valeur de façon significative le
ISTOCKPHOTO.COM/CANDLE PHOTO

d’un bon sommeil au lieu risque de décès, c’est

d’y voir quelque chose de
facultatif ou d’improduc-
tif, plaident les auteurs. Il
favorise l’expression de ce
que nous avons de mieux.
Et tous ceux qui nous
entourent en profitent.
de faire 150 minutes
par semaine d’activité
modérée (comme
marcher d’un bon
pas) ou 75 minutes
d’activité vigoureuse
(comme courir).

16 mars 2023
 montre en effet qu’il existe une relation
SANTÉ entre douleur et changements météo,
particulièrement chez ceux qui sont
atteints d’affections chroniques comme
l’arthrite. « Certains d’entre eux affir-
ment être en mesure de prévoir le
temps ou notent que l’intensité de la
douleur varie avec lui », explique Siân
Bevan, directrice du volet scientifique
à la Société de l’arthrite du Canada.
Lors d’une étude réalisée au
Royaume-Uni en 2019, on a analysé le
relevé quotidien du ressenti de la dou-
leur de 13 000 sujets souffrant d’ar-
thrite, de fibromyalgie, de migraines et
de douleurs neuropathiques. Grâce au
GPS du téléphone des participants,
on a pu établir une corrélation entre la
douleur et l’humidité relative, la pres-
sion atmosphérique et la vitesse du
vent. Le risque d’éprouver de la dou-
leur était plus élevé les jours d’orage ou
de vent que par temps sec et calme.

Météo et bobos Pourquoi certains souffrent-ils

Y a-t-il un lien entre la santé
et le temps qu’il fait ?
PAR Melissa Greer
illustration de raz latif
davantage que d’autres du temps qu’il
fait ? « Chacun vit la douleur différem-
ment, explique Siân Bevan. De nom-
breux facteurs influent sur la tolérance
à la douleur, notamment le sommeil,
le stress et la dépression. »
Suivant une théorie répandue, la
baisse barométrique, qui précède
généralement une tempête, modifie-
rait la pression dans nos articulations,

L
A VIEILLE CROYANCE selon
laquelle les articulations doulou-
reuses annoncent le mauvais
temps a un fond de vérité. La recherche
ce qui augmenterait la douleur. (On
pense que cela entraîne un léger gon-
flement des tissus, ce qui est suscep-
tible d’irriter les articulations.)

selection.ca 17
sélection
Il peut être bon de noter ses symp-
tômes et la manière dont les condi-
tions météo affectent l’intensité des
douleurs, fait remarquer Siân Bevan.
« Avec ces données, il est plus facile de
gérer son emploi du temps les jours où
les symptômes s’intensifient. »
IL APPARAÎT QUE
LE NIVEAU DE
SATISFACTION
INDIVIDUELLE DIMINUE
CHEZ LES FEMMES LES
JOURS DE FORTE PLUIE.
Les conditions météorologiques
semblent avoir également une influence
sur l’humeur. Un rapport de recherche
canadien publié en 2013 dans le Journal
of Happiness Studies a démontré que
les femmes y étaient plus sensibles
que les hommes, et que leur niveau de
satisfaction individuelle diminuait les
jours de forte pluie.
Une autre étude, publiée en 2011
dans la revue Emotion, de l’Association
américaine de psychologie, s’est inté-
ressée au comportement d’adolescents
néerlandais en fonction de leur « per-
sonnalité météorologique ». Neuf pour
cent de l’échantillon a été classé dans
le groupe de ceux qui « détestent la
pluie » : ces jeunes se sentaient plus en
colère et moins heureux les jours de
précipitations importantes.
18 mars 2023
De nombreuses raisons peuvent
expliquer cette corrélation, dit le
D r  Max Pemberton, psychiatre au
Royaume-Uni. « La diminution de l’en-
soleillement affecte les niveaux de
mélatonine, une hormone directe-
ment impliquée dans la régulation de
l’humeur. » D’un point de vue biolo-
gique, cela permet de comprendre que
certains sujets se sentent déprimés
quand il y a moins de soleil. Dans les
cas extrêmes, on parle de dépression
saisonnière. La lampe solaire peut
aider : l’exposition à ce genre de
lumière vive a un effet positif sur la
mélatonine et la sérotonine (une autre
hormone régulatrice de l’humeur).
Des raisons psychologiques et
sociales peuvent elles aussi expliquer
que l’on se sente triste ou maussade
quand il pleut. En effet, le mauvais
temps contribue à l’isolement social et
à la solitude car il nous empêche de
sortir et de faire des choses agréables
en famille ou avec les amis, explique le
Dr Pemberton.
Comprendre comment les condi-
tions météorologiques nous affectent
physiquement et mentalement per-
met de mieux nous protéger. Par
exemple, si vous êtes sensible au froid et
à l’humidité, un bain chaud ou même
une compresse chaude soulage les arti-
culations douloureuses. Il est également
prouvé que la pratique régulière d’un
exercice – même à l’intérieur – améliore
l’humeur et joue un rôle important
dans la maîtrise de la douleur.
 SANTÉ
QU’EST-CE QUE
J’AI, DOCTEUR ?
PAR Sandra G. Boodman
illustration de victor wong
LA PATIENTE : Catherine Nettles Cutter,
enseignante
LES SYMPTÔMES : migraines, surdité
d’une oreille, vertiges
LE MÉDECIN : Dr Omar A. Choudhri,
neurochirurgien à l’université de
Pennsylvanie
À
L’AUTOMNE 2019, CATHERINE
Nettles Cutter, 56  ans, était
entre les mains du masseur
quand une vive douleur partie du cou
a irradié jusqu’à la clavicule. Puis elle
a entendu un claquement sonore qui
allait transformer sa vie.
« Aïe ! » s’est exclamé le kinésithé-
rapeute qui manipulait la tête de sa
cliente dans tous les sens. Quand
Catherine s’est assise, elle n’a rien res-
senti de particulier. Mais dès son réveil,
le lendemain, elle a été saisie de ver-
tiges violents et a réalisé qu’elle n’en-
tendait plus d’une oreille.
Catherine, qui enseigne les sciences
de l’alimentation à l’université d’État de
Pennsylvanie, a souffert de migraines
presque toute sa vie. Elle se demande
si l’intense pression qu’elle ressent
dans son oreille désormais sourde
pourrait expliquer la migraine à l’ori-
gine des vertiges.
Son mari l’accompagne à la clinique
sans rendez-vous où une infirmière
suggère deux causes possibles à son
état, soit une infection de l’oreille
interne, soit une labyrinthite. On lui
prescrit un antihistaminique pour
traiter cette dernière, et on lui sug-
gère de consulter un oto-rhino-
laryngologiste (ORL).
selection.ca 19
sélection
Le lendemain, la situation s’est
aggravée. Les vertiges s’accompagnent
désormais de haut-le-cœur et d’une
incapacité à focaliser. Son mari appelle
la clinique ; devant des symptômes
possibles d’AVC, l’infirmière recom-
mande de se rendre aux urgences.
Après une série d’examens, l’hypo-
thèse de l’AVC est écartée. Soupçon-
nant à leur tour une labyrinthite, les
médecins prescrivent un antiémétique
pour contrer les nausées.
Les semaines suivantes, les vertiges
se sont calmés, mais la surdité persiste.
Catherine a perdu plus de 90 % de son
audition dans l’oreille droite. L’IRM
ayant exclu une tumeur, les médecins
préconisent l’injection de stéroïdes
dans l’oreille pour restaurer l’ouïe. La
patiente entreprend parallèlement
une thérapie à base d’exercices pour
réduire l’effet des vertiges. Mais son
état ne s’améliore pas vraiment.
L’ORL évoque la maladie de Menière,
un trouble de l’oreille interne respon-
sable de vertiges importants. Il recom-
mande une consultation avec un
neuro-otologiste, un ORL spécialisé
dans les troubles affectant le système
auditif et le système nerveux.
Catherine est inquiète. La pression
incessante dans l’oreille s’accompagne
d’acouphènes, de bruits blancs ponc-
tués de gargouillis étranges.
Elle a eu des ennuis au cou en 2008.
Elle s’était fait une entorse en faisant
du surf et avait rapidement commencé
à souffrir à la déglutition. Sa voix s’était
20 mars 2023
également peu à peu transformée en
chuchotement. Elle avait beau dire que
c’était le cou, les médecins restaient
persuadés que l’accident de surf ne
pouvait expliquer ni la douleur ni la
voix brisée.
Cette certitude a volé en éclats
quand les chirurgiens du Penn State
Health ont diagnostiqué un syndrome
d’Eagle, un trouble rare qui survient
quand la partie pointue d’un os qui va
du crâne à l’oreille s’hypertrophie et
comprime un nerf. L’accident de surf
avait stimulé la croissance de l’os. La
résection chirurgicale avait permis le
rétablissement de la voix.
EN 15 ANS, LE
R
D  CHOUDHRI N’AVAIT
TRAITÉ QU’UNE
DIZAINE DE CAS
DE CE SYNDROME.
Aujourd’hui, plus de 10 ans après
l’intervention et six semaines après le
fameux massage, Catherine se trouve
chez un neurologue, qui suggère d’im-
planter un appareil auditif dans l’os,
pratique courante pour soigner la sur-
dité d’une seule oreille. L’intervention
a lieu en décembre 2019.
Mais les vertiges persistent. Et Cathe-
rine note que, quand elle est allongée
à plat sur le dos ou qu’elle tourne la
tête, les symptômes apparaissent, mais
qu’ils disparaissent aussitôt qu’elle s’al-
longe sur le côté gauche. Le cou semble
donc bien être la clé du problème et le
massage a déclenché les symptômes,
elle en est persuadée. Les médecins,
eux, s’acharnent pourtant à chercher
une autre explication.
L’un d’eux exclut le syndrome de
Menière. Un autre soupçonne une
sorte de migraine. Un troisième ima-
gine que les vertiges seraient d’origine
vasculaire. On adresse alors Catherine
au Dr Omar A. Choudhri, neurochirur-
gien à l’université de Pennsylvanie et
directeur du Penn Center for Cerebral
Revascularization.
Il rencontre la patiente en mars 2020.
Il reprend l’historique, sans oublier le
syndrome d’Eagle 10 ans plus tôt. Il
soupçonne un trouble rare appelé le
syndrome du bow hunter – tireur à l’arc
– ou syndrome de l’artère vertébrale.
Quand on tourne le cou, il arrive
qu’un éperon osseux sur une vertèbre
du cou, souvent conséquence du vieil-
lissement, provoque un pincement de
l’artère. En bloquant le flux sanguin
vers le cerveau, la compression suscite
nausées, évanouissements, vertiges,
acouphènes et troubles visuels ; elle
ne cause toutefois pas de surdité. Les
manipulations en chiropraxie et le sport
sont autant d’activités associées au
syndrome de l’artère vertébrale, qui
peut aussi être à l’origine d’un AVC.
« Le diagnostic n’est pas facile »,
reconnaît le Dr Choudhri qui n’a traité
qu’une dizaine de cas en 15 ans. Il est
impossible de le déceler à l’imagerie
si le cou reste immobile, ajoute-t-il.
L’angiographie dynamique au cours de
laquelle la tête et le cou sont tournés
le révélera plus aisément.
Selon le spécialiste, la manipulation
du cou lors du massage a mis l’éperon
osseux en contact avec l’artère verté-
brale de la patiente. Il propose donc
qu’on retire chirurgicalement l’éperon
et qu’on fusionne deux vertèbres du
cou de sa patiente.
L’intervention pratiquée en juin
2020 est couronnée de succès, mais,
pour une raison inconnue, n’a pas
entièrement raison des vertiges. Cathe-
rine entend toujours mal de l’oreille
affectée et les acouphènes restent
constants. Une nouvelle approche est
adoptée en mars 2021 : l’appareil
auditif est remplacé par un implant
cochléaire, un petit appareil qui res-
taure l’audition chez les personnes
malentendantes ou qui souffrent d’une
perte auditive importante. Il est effi-
cace contre les acouphènes.
On n’identifiera jamais la cause de la
perte auditive, mais l’implant cochléaire
a ramené les vertiges de Catherine à
un niveau supportable et a légèrement
amélioré son audition. « Je me sens
beaucoup mieux », avoue-t-elle, mais
elle a bien sûr renoncé aux massages,
notant, philosophe, que dans d’autres
circonstances, elle aurait pu carrément
se casser le cou.
© 2021, THE WASHINGTON POST. THE WASHINGTON POST
(11 DÉCEMBRE 2021)
selection.ca 21
sélection
DEMANDEZ À L’EXPERT
Le mariage
a-t-il encore sa
raison d’être ?
Nous posons la question à
Lisa Strohschein
PAR Courtney Shea
illustration de lauren tamaki
Les statistiques confirment le déclin
du mariage au Canada. Est-il promis
à la disparition ?
Dans les années 1980, 85% des couples
canadiens étaient mariés. Aujourd’hui,
ils sont environ 77 % [mais seulement
57% au Québec – NDLR]. À bien exami-
ner les choses, ce déclin traduit pour-
tant moins un rejet du mariage qu’une
voie moins directe d’y arriver. Jusque-là,
les jeunes vivaient chez leurs parents
puis se mariaient. De nos jours, les mul-
tiples possibilités et obstacles rendent
le passage plus sinueux. Le mariage a
fortement décliné chez les 20-29 ans :
entre les années 1970 et aujourd’hui,
22 mars 2023
l’âge de mariage moyen est passé de
23 à 30 ans. La plupart des jeunes envi-
sagent de se marier, mais ils attendent.
Et qu’attendent-ils ?
Pour le sociologue américain Andrew
Cherlin, le mariage, qui a longtemps été
la porte d’entrée dans la vie adulte, est
aujourd’hui souvent vécu comme sa clé
de voûte. On se marie quand les autres
cases ont été cochées – formation, car-
rière, épanouissement personnel. En
Norvège et en Suède, par exemple, le
phénomène est particulièrement pro-
noncé : près d’un mariage sur cinq est
célébré quand le couple a déjà deux
enfants. Ce qui signifie qu’on souligne
ce qui est accompli plutôt que promet-
tre ce qu’on devrait accomplir.
Parmi les pays membres du G7, le
Canada est premier pour les unions
de fait. Qu’est-ce que cela nous dit ?
Cette réalité statistique s’explique en
bonne partie par la popularité des
unions de fait au Québec, ce que les
démographes attribuent à la Révolution
tranquille et à la perte du pouvoir de
l’Église sur la population francophone.
Cela aurait éloigné de l’institution du
mariage dès les années 1960. Mais le
plus important à prendre en considéra-
tion reste le plus grand nombre d’op-
tions qui s’offrent aujourd’hui à nous.
En quoi la fonction du mariage a-
t-elle changé ?
Depuis la nuit des temps jusqu’à il y a
moins d’un siècle, le mariage a eu un
pouvoir de renforcement ou de conso-
lidation. Songez à la série Le trône de
fer ! Il a longtemps consisté en un arran-
gement économique par lequel la pro-
priété d’un homme (le père) était trans-
férée à un autre (le mari). Les femmes
attendaient des hommes qu’ils assurent
protection et subsistance, et les hommes
que les femmes entretiennent le foyer.
Le mariage rattachait en outre l’individu
au groupe. Dans les sociétés plus indi-
vidualistes actuelles, il est vécu comme
une forme d’accomplissement person-
nel. L’idée de l’amour comme ciment de
la relation ne s’est popularisée qu’au
XIXe siècle. Elle est formidable, mais
qu’arrive-t-il quand soufflent les inévi-
tables vents contraires? Jadis, on serrait
les dents et on endurait ; aujourd’hui,
être malheureux s’accompagne d’un
sentiment d’échec.
Mais sans nécessité économique et
menacé par des attentes irréalistes,
à quoi bon le mariage ?
Il normalise l’engagement et le soumet
à l’approbation de la famille et des amis.
Une fois reconnus par la loi, quantité
de mariages ont été célébrés chez
les couples LGBTQ2S+, ce qui tend à
prouver que l’institution tient bon. L’ac-
cès aux mêmes droits et protections
juridiques l’explique en partie, mais
l’amour en reste la raison principale.
Vous avez étudié l’impact du genre
sur le mariage et ses avantages.
Qu’en est-il ?
L’idée que l’homme hétérosexuel sor-
tait gagnant du mariage a commencé
à être étudiée dans les années 1970. La
chose était vraie à l’époque. Quand le
mariage échouait, l’homme pouvait
toujours compter sur une vie profes-
sionnelle source de satisfaction et de
succès, là où la femme était coincée.
L’horizon des femmes a fini par s’élar-
gir et l’inégalité s’est considérable-
ment réduite. Les effets positifs du
mariage hétérosexuel sur la santé
mentale sont désormais partagés par
tous les genres.
Lisa Strohschein est professeure de
sociologie à l’université de l’Alberta et
rédactrice en chef de la revue
Canadian Studies in Population.
selection.ca 23
sélection

MATIÈRE À RÉFLEXION

SOYEZ RECONNAISSANT POUR

CE QUE VOUS AVEZ ; VOUS
FINIREZ PAR AVOIR PLUS. SI
VOUS VOUS CONCENTREZ SUR
CE QUE VOUS N’AVEZ PAS, VOUS
N’EN AUREZ JAMAIS ASSEZ.

PHOTOS : (OPRAH WINFREY) OVIDIU HRUBARU/SHUTTERSTOCK.COM ; (DAVID SEDARIS) ANNE FISHBEIN

–Oprah Winfrey, ANIMATRICE

L’homme idéal à la recherche de

la femme idéale : le meilleur
moyen de rester célibataire !
–Dominique Blondeau, ÉCRIVAINE

SI L’ON SAIT QU’ON Avant, je fantasmais

NE SAIT PAS, SI L’ON sur la vie que je mène
EST ATTENTIF À CE
QUE L’ON NE aujourd’hui.
CONNAÎT PAS, SI Aujourd’hui, je
L’ON GUETTE CE QUI ne rêve plus
APPARAÎT COMME à l’avenir. Car
INCONNU, C’EST
ALORS QU’UNE dans le futur,
DÉCOUVERTE EST je suis juste un
POSSIBLE. peu plus vieux.
–Pierre Soulages, –David Sedaris,
PEINTRE (1919-2022) ÉCRIVAIN

24 mars 2023
PHOTOS : (WOODROW WILSON) CC0 NATIONAL PORTRAIT GALLERY, SMITHSONIAN INSTITUTION ; GIFT OF AILEEN CONKEY ; (DANIEL LAVOIE) VALERIE PAQUETTE

Je n’utilise pas seulement

tout mon cerveau, mais
aussi tous ceux que je
peux emprunter.
–Woodrow Wilson, ANCIEN PRÉSIDENT AMÉRICAIN

LE RACISME EST UNE [Les femmes] ont fait

MANIÈRE DE DÉLÉGUER l’Amérique. Faire, dans le
À L’AUTRE LE DÉGOÛT sens de parcourir, faire
QU’ON A DE SOI-MÊME. dans le sens de tisser.
–Robert Sabatier, ÉCRIVAIN Faire est un bien grand
mot, l’Amérique est si
PLUTÔT QUE D’ACCUMULER vaste. Elles ont fait, dans
DES CHOSES INUTILES, JE le sens d’avoir été, d’avoir
VOUDRAIS QUE TOUT LE survécu, surnagé. Elles
MONDE ÉCRIVE DES LIVRES, sont si nombreuses à
DES CHANSONS, FASSE DE LA
PEINTURE. QUE TOUT LE ne pas avoir fait les
MONDE FASSE DES CHOSES manchettes de l’Histoire.
AVEC SES MAINS, SA TÊTE, Elles sont si nombreuses
SON CŒUR, AU LIEU DE au peloton des sacrifices,
RECHERCHER LE BONHEUR
DANS LES CHOSES. au foyer de la résistance,
–Daniel Lavoie, CHANTEUR, LA PRESSE sur le palier de l’invisible
exploit. Les femmes sont
absentes de l’Histoire, ne
le dit-on pas assez ?
–Serge Bouchard,
ANTHROPOLOGUE ET ESSAYISTE

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 EN COUVERTURE

FA I T E S - L E VO U S - M Ê M E

S PAR
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« TES

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ÉQU

PAR Brett Walther

photos de vicky lam

26 mars 2023
sélection
sélection
NETTOYAGE
1. brosse pour bouteille Il suffit d’une
fourchette et d’une éponge de cuisine
pour en fabriquer une à la maison.
Enfoncez les dents de la fourchette
dans l’épaisseur de l’éponge jusqu’à ce
qu’elles soient entièrement couvertes.
Vous voilà prêt à frotter le fond du réci-
pient le plus profond, qu’il s’agisse
d’un vase cylindrique ou d’une carafe
à goulot pas trop étroit.
2. finition parfaite Contre les
empreintes de doigts sur un réfrigé-
rateur en inox, appliquez une fine
couche de cire à voiture à l’aide d’un
chiffon ou d’un essuie-tout. Frottez
pour faire briller.
3. verre plus propre Pour un verre
éclatant sans traces, le filtre à café est
plus efficace que l’essuie-tout. Le
papier sans peluches du filtre est idéal
sur d’autres surfaces vitrées, fenêtres
ou coupes.
4. crochets utiles Quoi de plus irritant
que de voir le sac s’affaisser au fond
de la poubelle en même
temps que ce qu’on y
jette. Cela arrive quand
on transforme un vul-
gaire sac de plastique en
sac à ordures, car il est
souvent trop court. Pour
éviter ce problème,
collez tête en bas deux
28 mars 2023
crochets adhésifs en vis-à-vis sur les
côtés extérieurs de la poubelle. Ils
retiendront désormais par ses poi-
gnées le sac que vous y accrocherez.
5. vases plus propres Il n’y a rien de
plus agréable qu’un joli bouquet, si
bien qu’on hésite à le jeter quand les
fleurs commencent à se faner. Mais si
on les laisse trop longtemps, il se for-
mera un cerne tenace sur la paroi inté-
(PHOTO PAGES PRÉCÉDENTES) STYLISME DE CHRISTINA YAN ; (CETTE PAGE) ISTOCKPHOTO.COM/MICHAEL BURRELL
rieure du vase. Avant de vous attaquer
à la vilaine tache avec une brosse à
bouteille (ou voir truc 1), remplissez le
vase d’eau et ajoutez quelques pas-
tilles nettoyantes pour prothèses den-
taires (ou de celles contre les brûlures
d’estomac). En une nuit, les résidus
auront ramolli, voire disparu.
6. tampon à récurer Les sacs filets à
oignons ou à avocats du supermarché
font d’excellents tampons à récurer.
Faites-en une boule ou entourez-en
une éponge de cuisine pour venir à
bout des traces rebelles de cuisson.
7. lave-vaisselle organisé Il n’est pas
sans risque de mettre dans un lave-
vaisselle de petits objets (cou-
vercles de bouteille, conte-
nants alimentaires réutilisables,
pièces de robot culinaire...).
Non seulement ça fait un bruit
d’enfer quand ils s’agitent dans
l’appareil, mais ils peuvent
fondre s’ils atterrissent sur l’élé-
ment chauffant au fond du lave-
 vaisselle. Glissez-les donc dans un sac
à linge en filet (comme celui pour la
lingerie dans la laveuse) que vous
poserez sur le panier supérieur de la
machine.
8. gestion aisée du sac à ordures En
raison du vide qui se crée parfois au
fond de la poubelle, il arrive qu’on ait
du mal à en extraire un sac à ordures
bien rempli. La solution ? Pratiquez
quelques trous à la perceuse sur les
côtés de la poubelle à quelques centi-
mètres du fond. Ces prises d’air pré-
viendront l’effet ventouse.
9. lainages aux petits soins Les chan-
dails de laine sont trop fragiles pour la
sécheuse. Et les pinces à linge laissent
des marques sur les fibres quand vous
les suspendez sur la corde. Pour qu’un
chandail conserve sa forme, prenez
un collant et passez une jambe dans
chaque bras tout en relevant la taille
au-dessus du col. Suspendez le chan-
dail à la corde à linge par les trois bouts
du collant.
10. meilleure aspiration L’embout de
l’aspirateur n’est pas assez étroit pour
aspirer les dépôts qui s’accumulent
dans la glissière d’une porte coulis-
ISTOCKPHOTO.COM/GOIR
sante. Pour concentrer l’aspiration
quand vous en avez vraiment besoin,
glissez un rouleau de papier hygié-
nique vide à l’extrémité du tuyau et
pincez l’ouverture de manière à créer
une fente étroite.
11. séchage express Vous souhaitez
sécher rapidement les vêtements qui
sortent de la laveuse ? Ajoutez une ser-
viette sèche au linge mouillé pour les
15 premières minutes du cycle de la
sécheuse. La serviette absorbera une
partie de l’humidité et le temps de
séchage sera diminué d’autant.
12. coup de balai efficace Pour balayer
de manière vraiment minutieuse – le
verre brisé, par exemple –, sortez le
rouleau de ruban de masquage. Créez
une « rampe » plus douce en couvrant
l’extrémité du porte-poussière afin de
pouvoir y envoyer les débris les plus
minuscules.
13. brosse à cuvette sans souci Le sup-
port trempé d’une brosse pour la
cuvette de toilette inspire encore plus
de dégoût que la brosse elle-même.
Pour faire sécher cette dernière avant
de la remettre dans son support,
coincez-la à l’horizontale, manche à
l’extérieur, sous la lunette. Pendant
que vous continuez à nettoyer la salle
de bains, son surplus d’eau s’écoulera
dans la cuvette.
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sélection
CUISINE
14. solution au miel qui colle Si le
miel figure parmi les ingrédients d’une
recette, enduisez la cuiller à mesurer
d’une fine couche d’huile à cuisson
avant de l’y verser. Il en glissera ensuite
sans peine.
15. biscuits plus frais Vous avez rangé
vos biscuits bien refroidis après leur
sortie du four dans un contenant her-
métique. Si vous y ajoutez un peu de
pain rassis, ils resteront moelleux.
16. bacs à légumes plus propres Tapis-
sez les bacs à légumes du frigo de
papier essuie-tout : il absorbera l’excès
d’humidité et gardera les produits plus
frais, plus longtemps.
17. surfaces moins glissantes Mettez
des élastiques aux extrémités de la
planche à découper pour l’empêcher
de glisser sur le comptoir quand vous
coupez des légumes (ou autre chose).
18. fini les miettes Ça suffit les saletés !
Au lieu de séparer les deux moitiés
d’un bagel déjà coupé en tirant dessus,
faites-les plutôt tourner en sens inverse
l’une sur l’autre.
19. isolation d’appoint Vous souhaitez
garder au frais les aliments réfrigérés
achetés à l’épicerie jusqu’au retour à
la maison ? Gardez dans la voiture un
30 mars 2023
peu de papier bulle de la dernière
livraison d’Amazon. C’est un moyen
formidable de protéger tout ce qui
craint la chaleur durant le transport, et
ce, de la glace aux canettes de soda.
20. meilleure brosse à barbecue Ran-
gez la vieille brosse métallique et optez
pour une option plus sûre – et plus
savoureuse. Coupez un oignon en deux
et piquez-en une moitié avec une four-
chette. Chauffez l’appareil à tempéra-
ture élevée et passez l’oignon du côté
tranché sur les grilles. Ça leur donnera
un parfum exquis tout en les nettoyant.
21. fromage râpé facilement Avant de
HOMESTUDIO/SHUTTERSTOCK.COM
râper du fromage, vaporisez un peu
d’huile de cuisson sur la râpe. Vous
ferez l’économie d’un peu d’huile de
coude et son nettoyage sera plus facile.
22. ouvre bocal en un instant Un cou-
vercle de bocal coincé ne résistera pas
à une feuille de papier de verre. Le

papier posé côté grain sur le couvercle
vous donnera une poigne d’acier.
(Entourer le bord d’un gros élastique
est tout aussi efficace.)
23. avocats plus mûrs Vous en avez
assez d’attendre que l’avocat dur
comme la pierre mûrisse ? Glissez-le
avec une banane dans un sac de papier:
la banane libérera de l’éthylène,
un gaz qui accélère le processus de
mûrissement.
24. aiguisoir à ciseaux Ne jetez pas la
feuille d’aluminium qui couvrait la tôle
à biscuits. Pliez-la plusieurs fois, puis
coupez-en des bandes avec vos
ciseaux de cuisine : ils s’aiguiseront
dans le processus !
DÉCORATION
27. pas trop marteau Si vous faites par-
tie des malheureux qui frappent le
doigt avant le clou, pensez à stabiliser
ce clou à l’aide d’une pince à linge en
bois. Cela vous permettra d’éloigner
vos doigts de la vraie cible.
28. « ruban à mesurer» de fortune Vous
avez oublié le ruban à mesurer, mais
devez vous assurer que l’objet est de la
bonne taille avant de l’acheter. Les bil-
lets de banque canadiens font une
excellente règle car ils mesurent tous
exactement six pouces (15 cm). Pliez-
les en deux et vous avez une mesure à
trois pouces (7,5 cm).

25. sachet réfrigérant maison Pour-
quoi acheter des sachets réfrigérants
quand on peut en fabriquer soi-même
une version réutilisable ? Passez une
éponge de cuisine sous l’eau jusqu’à
saturation complète et mettez-la dans
un sac à sandwich en plastique. Placez
le sac au congélateur, et le lendemain
matin, glissez-le dans votre sac-repas.
ISTOCKPHOTO.COM/FIRMAFOTOGRAFEN
29. astuce pour de beaux coussins Pour
redonner un coup de neuf à votre
canapé, rien de mieux et de moins coû-
teux que de renouveler les coussins sim-
plement en changeant les housses. Et
pour leur donner un côté luxueux et

26. « pas touche » astucieux La pro-

chaine fois que vous commanderez une
pizza pour une soirée, ne jetez pas le
petit support en plastique qui empêche
le couvercle de la boîte de s’enfoncer.
Utilisez-le plutôt pour ancrer la pizza
quand vous tirez votre part pour éviter
de toucher à celle des autres.
32 mars 2023

chic, choisissez des housses qui font
cinq centimètres de moins en hauteur
et en largeur que le coussin.
30. feuillage tout frais Même les
plantes artificielles ont besoin d’amour.
Pour préserver le lustre de ces feuilles
persistantes et les protéger de la pous-
sière, offrez-leur régulièrement un
coup de sèche-cheveux (de l’air froid,
bien sûr !). Ça fonctionne aussi sur les
plantes vivantes.
31. « allumette » spaghetti Vous sou-
haitez allumer une bougie déjà bien
entamée et ne disposez que d’un petit
briquet ? Pour éviter de vous brûler les
doigts, prolongez la portée de votre
main en allumant un spaghetti cru.
32. tentures légères Les rideaux à œil-
lets restent souvent l’option la moins
coûteuse pour couvrir une fenêtre,
mais ils ont surtout belle allure dans
la salle d’exposition du magasin. Pour
leur donner une touche plus classe à
la maison, glissez un rouleau en carton
de papier hygiénique entre chaque
œillet quand vous enfilerez le rideau
sur la tringle. L’espace entre chaque
œillet restera égal et les plis du rideau
donneront à la suspension un côté
aérien digne de Pinterest.
33. nouvelle vie pour les verres à bougie
Ne jetez pas ce magnifique verre à
bougie quand la cire a presque entière-
ment fondu. En le mettant au congéla-
sélection
teur pour la nuit, la cire se contractera
et il sera plus facile de la sortir du verre.
(S’il en reste un peu sur les parois,
décollez-la avec un couteau à beurre.)
Le verre fera un joli pot à crayons, un
porte-ustensiles sur le comptoir de la
cuisine ou un vase à fleurs.
34. miroir facile à accrocher Accro-
cher un miroir (ou n’importe quelle
œuvre d’art encadrée) déjà percé de
trois trous à l’arrière peut représenter
un vrai casse-tête. Une solution rusée
consiste à poser une bande de ruban de
masquage à l’arrière de manière à
couvrir les trois trous, puis d’identifier
au marqueur l’emplacement du trou
gauche et du trou droit. Retirez le ruban
et reposez-le au mur à l’endroit où vous
voulez accrocher le miroir ; utilisez le
niveau pour vous assurer que c’est
bien droit. Enfoncez les vis aux deux
points marqués sur le ruban, retirez ce
dernier et suspendez le miroir. Reculez
un peu et admirez.
35. planification des travaux de peinture
Vous connaissez la couleur de la pein-
ture contenue dans ce vieux pot car il
y en a partout sur le bord, mais igno-
rez la quantité restante. La prochaine
fois que vous vous lancerez dans des
travaux de peinture, finissez-en avec
les jeux de devinettes en peignant une
ligne à l’extérieur du pot pour indi-
quer le niveau de peinture. Ça vous
évitera plus tard de soulever le cou-
vercle pour le savoir.
selection.ca 33
sélection
ORGANISATION
36. rangement de ceintures Pour mettre
de l’ordre dans votre collection de cein-
tures, rien de mieux que les anneaux de
rideau de douche. Passez la boucle de
ceinture dans l’anneau et accrochez-le
directement sur la tringle à cintres.
37. économiseur d’espace facile Ran-
gez la penderie à la verticale grâce à
quelques capsules de canettes. Glissez
une capsule au crochet d’un cintre, puis
accrochez un autre cintre à la capsule,
et ainsi de suite. Vous vous êtes installé
un support à pantalons en cascade – et
aménagé un peu plus d’espace.
38. organisateur de voiture Votre voi-
ture est-elle encombrée d’objets au
point de ressembler à un bric-à-brac sur
roues ? Un range-chaussures accroché
à l’arrière du dossier du siège passager
est la solution pour tout ce qui traîne,
du paquet de mouchoirs au parapluie.
39. literie bien rangée Vous ne vous
emmêlerez plus dans les couleurs en
conservant les draps-housses et les
draps plats pliés dans les taies d’oreil-
ler correspondantes.
40. faire les courses intelligemment
Comment gérer les sacs réutilisables
quand vous faites vos courses à l’épi-
cerie ? La solution se trouve dans le
mousqueton. Passez les sacs par les
34 mars 2023
poignées dans le mousqueton que
vous accrocherez ensuite au panier.
41. retrouvez vos pinces à épiler Ne
perdez plus jamais vos pinces à épiler.
Posez un aimant adhésif à l’intérieur
de l’armoire à pharmacie ; vous pour-
rez y mettre vos pinces à épiler ou tout
autre objet métallique comme vos
ciseaux à ongles.
42. rangement à chaussures prêt à l’em-
ploi Un carton ou un sac à bouteilles de
vin – avec séparateurs – est une solu-
tion idéale pour ranger les chaussures
de saison.
43. câbles bien rangés Ne jetez pas les
attaches en plastique pour le pain. Elles
serviront plutôt à démêler le fouillis de
câbles branchés sur la multiprise qui
se trouve sous les appareils de divertis-
sement à domicile. Sur les attaches,
écrivez au feutre le nom de chaque
appareil (télé, DVD, etc.) et accrochez-
les aux câbles correspondants. Il sera
désormais facile de les distinguer.
ISTOCKPHOTO.COM/TAMPATRA
 VOYAGE
44. fini les bagages perdus En vous
préparant pour un voyage, glissez un
double de l’étiquette d’identification
dans la valise. Comme ça, même si celle
qui est accrochée à l’extérieur disparaît
durant le transport, vous aurez une
preuve quand viendra le moment de
réclamer votre valise. Mieux, glissez une
balise GPS à l’intérieur avant le départ.
45. multiplication de prises Quand vous
voyagez à l’étranger, vous emportez sans
doute un adaptateur de courant univer-
sel. C’est bien, sauf que ça ne marche
que pour un appareil à la fois. Songez
alors à glisser une multiprise dans vos
bagages. Au lieu d’une prise, vous en
aurez cinq à votre disposition.
46. boucles d’oreilles bien rangées Si
vos boucles d’oreilles sont en liberté
dans votre valise (ou votre trousse de
toilette), elles finiront par être séparées.
Glissez les tiges des boucles d’oreilles
dans les trous d’un bouton et fixez-les
de l’autre côté avec les fermoirs.
ISTOCKPHOTO.COM/MALERAPASO
47. brosse à dents protégée Glissez
une pince à linge dans votre valise : elle
vous sera bien utile si vous avez utilisé
tous les verres et ne voulez pas poser
votre brosse à dents sur la table de toi-
lette dans la chambre d’hôtel. Pincez
la brosse juste sous les poils et posez
la pince à linge sur ses deux parties
mobiles : grâce à ce trépied improvisé,
votre brosse à dents ne sera pas en
contact avec la surface.
48. bijoux rangés à plat Pour éviter
que les bracelets ou les colliers ne
s’emmêlent, posez vos bijoux bien à
plat sur une pellicule plastique en
laissant beaucoup d’espace entre eux.
Couvrez-les d’un autre morceau de
pellicule et appuyez pour sceller l’en-
semble. Glissez votre nouveau coffret
à bijoux entre des vêtements pliés
pour les garder en lieu sûr.
49. prévention des fuites Évitez qu’une
bouteille qui coule ne fasse de gros
dégâts dans votre valise. Dévissez les
couvercles des bouteilles de shampoing,
de revitalisant et de bain de bouche et
posez-y une couche de pellicule plas-
tique avant de remettre les couvercles.
50. protection contre les rasoirs Les
pince-notes – ces attaches qui per-
mettent de retenir des feuilles – sont
tout indiqués pour se protéger des
lames d’un rasoir. Vous éviterez ainsi de
vous couper le doigt en fouillant dans
votre trousse de toilette.
selection.ca 35
 INSPIRATION

« Sans le cancer,
je n’aurais pas
rencontré la femme
de ma vie ! »

GUÉRIR
D ’A M O U R
PAR Harold Gagné

38 mars 2023
sélection
sélection
Enlacés, les jeunes parents sont
en admiration devant les premiers
gazouillements de leur poupon. « Édouard
est un bébé miracle ! » s’exclame Stéphanie
Guindon. « Les médecins étaient
convaincus que nous ne pourrions jamais
avoir d’enfant à cause des puissants
traitements contre le cancer que nous
avons tous les deux reçus il y a quelques
années », ajoute Antoine Gagnon Bouchard.
Âgés respectivement de 27 et 28 ans,
Stéphanie et Antoine sont eux aussi
des enfants miracles. « Leur histoire est
digne d’un film d’Hollywood!» convient
la Dre Caroline Laverdière, hémato-
oncologue au CHU Sainte-Justine.
SEPTEMBRE 2011. Antoine rêve de bas-
ketball professionnel. Le gaillard de
17  ans, qui mesure près de deux
mètres, a été recruté par l’équipe du
Collège Champlain de Saint-Lambert.
Il court et virevolte à l’entraînement
lorsque, tout à coup, le crissement des
souliers et le claquement des ballons
qui rebondissent s’estompent. « Je
n’avais plus d’énergie et je sentais le sol
40 mars 2023
(PHOTO PAGE PRÉCÉDENTE) MOORES PHOTOGRAPHIE/MOORESPHOTOGRAPHIE.COM
se dérober sous mes pieds. » Inquiet
de sa pâleur, son entraîneur l’envoie
consulter un médecin. Trois jours plus
tard, une fois le résultat de ses prises
de sang arrivé, c’est aux urgences de
l’Hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil,
qu’on le prie de se rendre.
« Après 24  heures passées dans
un corridor, le médecin de garde m’a
froidement annoncé que j’avais 75 %
de risque d’avoir la leucémie et 25 %
que ce soit une mononucléose », se
souvient-il. En état de choc, Antoine
s’effondre dans les bras de ses parents.
Puis on le transporte en ambulance au
CHU Sainte-Justine, où des examens
approfondis confirment qu’il souffre
AVEC LA PERMISSION DE STÉPHANIE GUINDON ET D’ANTOINE GAGNON BOUCHARD
À gauche : Antoine passera 11 mois à l’hôpital Sainte-Justine. À droite : Stéphanie,
ici en août 2012, n’avait qu’une crainte : perdre ses cheveux.
d’une forme de leucémie aiguë lym-
phoblastique à haut risque de rechute.
La maladie va le clouer à un lit d’hôpi-
tal pendant 11 mois. « J’étais sûr de ne
plus jamais jouer au basket ! »
Comme les anthracyclines, les médi-
caments de chimiothérapie qui lui sont
injectés pendant 50 jours, sont suscep-
tibles d’altérer ses spermatozoïdes et de
réduire sa fertilité, il fait congeler son
sperme avant d’entreprendre les traite-
ments. «Je me projetais dans l’avenir en
bon père de famille », dit-il.
Fatigue, chute de cheveux, atrophie
musculaire, perte de poids, l’athlète
répond difficilement à la thérapie –
comme 2 % des jeunes patients qui ont
le même type de maladie. Comble de
malheur, la chimio provoque une
pancréatite aiguë, laquelle provoque
un arrêt cardiorespiratoire. « J’ai failli
mourir ! raconte Antoine. Quand j’ai
repris connaissance, je ne comprenais
pas pourquoi il y avait autant de soi-
gnants autour de mon lit. » Il passe
cinq jours aux soins intensifs et doit
suspendre sa chimiothérapie pendant
trois mois. On le gave de narcotiques
pour soulager sa douleur.
« Antoine souffrait beaucoup et ne
voulait plus se battre, se souvient une
de ses infirmières, Carole Provost. Je
lui ai dit que si je le laissais partir chez
lui, il allait mourir ! » Le jeune homme
selection.ca 41
sélection
reprend courage, et c’est finalement
un nouvel agent médicamenteux uti-
lisé en chimiothérapie (la nélarabine
n’avait été utilisée que quelques fois
au Québec) combiné à de la radiothé-
rapie qui va le conduire sur la voie de
la guérison.
ANTOINE RENTRE CHEZ ses parents, à
Boucherville, mais pas pour long-
temps : un mois plus tard, le 9 sep-
tembre, il est de nouveau hospitalisé
d’urgence, brûlant de fièvre. Affaiblie,
sa moelle osseuse ne parvient plus à
combattre les infections et son anémie
exige de nombreuses transfusions san-
guines. Il peine à reprendre le dessus.
Et puis un jour, déambulant dans le
corridor, son regard croise celui d’une
adolescente. Le coup de foudre est
immédiat ! « Elle était si jolie avec son
petit bandeau sur la tête, même si elle
avait perdu ses cheveux à cause des
traitements ! »
Mais cette attirance n’est pas réci-
proque. « Il était plutôt repoussant
avec son teint vert et sa poche de sang
accrochée à une tige à soluté qui le sui-
vait partout ! » se souvient Stéphanie
Guindon. La jeune fille n’a de toute
façon pas la tête à ça. Elle sait depuis
deux mois qu’elle souffre d’un lym-
phome de Hodgkin, un cancer qui
attaque un type de globule blanc.
«Quand mon médecin a prononcé le
mot cancer, j’ai eu l’impression que la
terre cessait de tourner, mais j’ai vu
ça comme une épreuve à surmonter,
42 mars 2023
raconte Stéphanie. Le pire, c’était de
penser que j’allais perdre mes cheveux
comme tous les enfants que je voyais
au Centre de cancérologie Charles-
Bruneau ! » Pendant quatre mois, elle
séjourne régulièrement à Sainte-Justine
pour y recevoir sa chimiothérapie.
LE RETOUR À LA
NORMALE NE DURE
PAS. STÉPHANIE
APPREND QUE SON
CANCER A RÉCIDIVÉ.
« Ce cancer se guérit généralement
bien chez les jeunes. Le taux de réussite
est de 85 % », affirme son hémato-
oncologue du CHU Sainte-Justine, la
Dre Josette Champagne. Avant d’obtenir
leur congé, presque en même temps,
en septembre, Stéphanie et Antoine
finissent par échanger quelques mots
anodins et leurs numéros de cellulaire.
Ils se croiseront à l’occasion, dans les
mois suivants, lors de rendez-vous en
consultation externe. Des rencontres
qui laissent Antoine sur sa faim. « On
parlait très brièvement de notre santé,
de nos études », se rappelle-t-il.
AU DÉBUT DE 2013, Antoine et Stépha-
nie reprennent leurs études, lui en
comptabilité à l’université, elle au
cégep en soins infirmiers. Mais ce
retour à la normale ne dure pas. En
 À gauche : En 2014, ils partent aux îles Turquoises grâce à la Fondation Rêves d’enfants.
(À GAUCHE) AVEC LA PERMISSION DE STÉPHANIE GUINDON ET D’ANTOINE GAGNON
À droite : Le jour du mariage, ils affichent fièrement l’échographie de leur bébé.
BOUCHARD ; (À DROITE) MOORES PHOTOGRAPHIE/MOORESPHOTOGRAPHIE.COM
avril, la jeune femme apprend que son
cancer a récidivé. «Lorsque cela se pro-
duit moins d’un an après la rémission,
la maladie est plus difficile à traiter »,
explique la Dre Champagne. Chimio-
thérapie, radiothérapie… la voilà confi-
née dans sa chambre d’hôpital. Pour
tromper l’ennui, elle envoie en juillet à
Antoine un texto lui demandant des
suggestions de films.
Le jeune homme se précipite à son
chevet, le cœur battant à tout rompre.
Les visites se multiplient et, quand la
jeune femme quitte momentanément
l’hôpital en juillet, il l’invite au restau-
rant. La magie opère. « Je le trouvais
tout à coup plus beau et plus gentil ! »
confie Stéphanie.
Même s’ils vivent encore chez leurs
parents, à 30 kilomètres de distance,
Antoine et Stéphanie se retrouvent dès
qu’ils le peuvent au restaurant, au
cinéma, ou l’été aux feux d’artifice de
la Ronde. La main délicate de Stépha-
nie se perd dans celle d’Antoine, large
et rassurante. Il l’aide à combattre les
angoisses qu’il a lui-même surmon-
tées. En décembre 2013, la jeune femme
subit une greffe autologue.
Les médecins prélèvent une petite
partie de ses cellules souches, qu’ils
soumettent à un cycle de chimiothéra-
pie pour éliminer toute trace de can-
cer. Stéphanie reçoit dans la foulée
une puissante chimiothérapie desti-
née à venir à bout du lymphome avant
selection.ca 43
sélection

que les cellules souches ne lui soient
réinjectées. Elles vont aider sa moelle
osseuse à fonctionner normalement.
« Sans Antoine à mes côtés, j’aurais
eu de la difficulté à passer au travers !
avoue la jeune femme. Son amour m’a
aidée à guérir ! » Les deux jeunes gens
se fiancent en 2015 et sont bien déci-
dés à se marier à la fin de leurs études.
Un projet que la pandémie va repous-
ser de quelques années.
ILS SONT GUÉRIS, mais la maladie et les
traitements ont durement éprouvé leurs
corps. Antoine souffre d’une nécrose
avasculaire, une maladie très doulou-
reuse des os de la hanche, et a déve-
loppé un diabète. De son côté, Stépha-
nie doit faire attention à ses poumons,
que la radiothérapie a endommagés. Ils
savent que tout cela anéantit leur désir
d’enfant à moins, peut-être, d’avoir
recours à la procréation assistée.
Mais début 2022, alors que le couple
est en attente d’un rendez-vous dans
une clinique de fertilité, Stéphanie
s’étonne du retard dans son cycle mens-
truel. Elle sait bien qu’une grossesse
est très improbable, mais achète tout
de même un test. Surprise ! Il est posi-
tif. Elle annonce à Antoine la nou-
velle, et comme ils continuent d’être
sceptiques, elle fait un autre test.
Même résultat. Son médecin de
famille, très étonné, confirme la bonne
nouvelle. « Nous étions abasourdis ! »
raconte Stéphanie.
Quelques mois plus tard, en juillet
2022, Antoine et Stéphanie, le ventre
déjà bien rond, se marient en plein air,
entourés de 185 convives parmi les-
quels certains médecins et infirmières
qui les ont sauvés. « Ça fait du bien de
constater le rôle que nous avons pu
jouer dans leur existence », se réjouit
l’oncologue d’Antoine, la Dre Caroline
Laverdière.
Suivie étroitement par une équipe
médicale du CHUM, la jeune femme a
eu une grossesse sans problème et
a accouché à terme le 29 décembre
dernier. Après toutes ces épreuves,
la venue d’Édouard leur donne une
magnifique raison de croire en l’avenir.
« C’est un magnifique cadeau que nous
fait la vie ! » se réjouissent-ils.

Transmission
Chaque génération se moque des vieilles modes,
mais suit religieusement les nouvelles.
HENRY DAVID THOREAU, PHILOSOPHE ET POÈTE

La jeune génération est très inférieure à la nôtre…

Tout de même, si je pouvais en faire partie !
GEORGES FEYDEAU, DRAMATURGE

44 mars 2023
 Ma position dans la
DES GENS hiérarchie familiale en
comme vous et moi
a pris un coup quand
mon père a présenté
ma sœur à des amis
pendant une soirée.
« Messieurs, je vous
présente ma fille Terri. »
Puis, se tournant vers
moi : « Et voici Gayle, la
sœur de ma fille Terri. »
— GAYLE SALTER

Mari : Ne te mets pas

en colère, mais j’ai
accidentellement
renversé de la graisse
partout dans le four.
Moi : Je ne vais pas me
Dix minutes avant l’invention de la coupe de cheveux. mettre en colère, mais
tu dois nettoyer.
Ma belle-mère de 80 ans Ma mère octogénaire Mari : Je préférerais que
est allée au salon de refusait de passer un tu sois en colère.
beauté avant le repas. test d’audition jusqu’à — LINDA GOLDFINGER
« Les femmes n’ont ce que nous allions
fait que se plaindre de un jour au centre « Sois gentil avec ton
leur mari, a-t-elle lancé commercial et qu’elle frère. Tu pourrais avoir
en attaquant l’entrée. regarde autour d’elle. besoin d’un de ses reins
— Vous êtes-vous « Je vois que tous ces un jour. »
plainte du vôtre ? ai-je jeunes portent des
MICK STEVENS/THE NEW YORKER

— @COCOGURL86
demandé en lançant un prothèses auditives,
clin d’œil complice à m’a-t-elle dit. Peut-être
Vous connaissez une bonne
mon beau-père. que ce n’est pas si
anecdote ? Faites-la-nous
— C’est inutile. Elles terrible après tout. » parvenir à selection.ca/
le connaissent », a-t-elle Il s’agissait bien sûr anecdotes – vous pourriez
répondu. d’écouteurs sans fil. recevoir 50 $. Voir p. 5
— CYNTHIA BOEHNING — ANNETTE FERNANDEZ pour plus de détails.

selection.ca 45
 DRAME VÉCU

Lorsque son bateau heurte un récif

et sombre dans la mer des Caraïbes,
Don Cavers saute dans le radeau
de survie et se retrouve bientôt
perdu au milieu de l’océan

À
D
PAR Gary Stephen Ross
illustrations de steven p. hughes

46 mars 2023
 sélection

L A
É R I V E
sélection
à première vue, c’était une bonne
affaire : un voilier Ericson 38-200 de
12 mètres pour 50 000 $. Le Starlight II
mouillait dans la marina de Puerto
Velero, près de Barranquilla, sur la côte
colombienne. Don Cavers, qui réside
près du lac Shuswap, en Colombie-
Britannique, l’avait acheté au début
de 2021 et pensait sauter dans un
avion pour aller en faire l’essai. Mais la
pandémie avait retardé le voyage, et
l’homme de 76 ans n’avait finalement
pu partir qu’en novembre. Rouillé,
érodé, le voilier était en plus mauvais
état que prévu, mais cet exploitant
agricole, grand aventurier, bon naviga-
teur, était aussi capable de réparer
presque n’importe quoi.
Don et son beau-fils, Omar Gaitan-
Burns, prévoyaient embarquer à bord
du Starlight pour un voyage de
1200 kilomètres jusqu’à Porto Rico.
Don retrouverait là d’autres membres
de sa famille, et tous navigueraient
quelques semaines autour des îles
Vierges britanniques. Puis les autres
rentreraient chez eux, et il poursuivrait
seul sa route jusqu’à Miami. Si à ce
moment-là il décidait de ne pas garder
le bateau, il trouverait facilement à le
revendre en Floride avec profit.
don et omar mettent les voiles au
départ de la Colombie à la fin du mois
de novembre. Tout se déroule bien
jusqu’à ce que, deux jours plus tard, à
mi-chemin vers Porto Rico, le système
électrique du Starlight tombe en
48 mars 2023
panne, les privant de lumière, de
GPS, de pilote automatique et de tout
moyen de recharger les appareils.
Don demeure imperturbable, mais
son beau-fils, inquiet, envoie un cour-
riel d’appel à l’aide à la fille de Don,
Annelise Grube-Cavers, en Colombie-
Britannique. Elle contacte la garde
côtière colombienne et lui donne les
coordonnées du Starlight. Un vais-
seau les trouve bientôt et les raccom-
pagne à la marina pour que le bateau
soit réparé.
Il faudra à Don une semaine pour
trouver et installer un nouvel alterna-
teur. Et comme Omar doit se rendre à
un mariage, Don reprend la mer sans
lui. À la tombée de la nuit, il progresse
cap au nord malgré une mer agitée et
venteuse. Le lendemain, alors qu’il a
piqué à l’est, il remarque que son
bateau se traîne dans les lourds rou-
leaux de quatre mètres.
Équipé de sa lampe frontale, il jette
un œil dans la cabine et comprend très
vite : de l’eau salée roule d’avant en
arrière sur le sol. Chaque fois qu’une
vague s’écrase sur le pont, de l’eau s’in-
filtre par les écoutilles fermées – les
joints auraient dû être changés. Les
cartes et les papiers qu’il a étalés dans
la cabine sont détrempés. La pompe
de cale a cessé de fonctionner, l’eau de
mer n’a nulle part où s’écouler.
Un seau à la main, dos appuyé à la
coque, Don commence à écoper. Les
vagues heurtent sans relâche le voilier,
qui se dirige vers le nord en pilote
automatique. C’est comme tenter de
tenir sur le dos d’un cheval sauvage en
train de ruer. Une fois l’eau écopée, les
genoux, le bas du dos et les fesses du
marin sont sévèrement éraflés.
Le lendemain, le système électrique
tombe de nouveau en panne. Dépité
et épuisé, sans pilote automatique,
Don comprend qu’il va devoir prendre
la barre par grand vent, sur une mer
démontée. Après quelque 16  ou
18 heures à la barre, l’épuisement le
terrasse, il met le navire en panne – en
plaçant en opposition la voile de
misaine et la grand-voile – pour l’im-
mobiliser. Cette manœuvre lui permet
de somnoler un moment avant que sa
tête ne se mette à dodeliner, le réveil-
lant en sursaut. Dirige le bateau ! S’il
chavire, c’est la fin.
La mer est un peu moins formée et
Don remarque que sa grand-voile est
endommagée. Il descend sous le pont
et réussit à relancer le pilote automa-
tique. Tout est recouvert de sel, lui com-
pris. Chaque surface étant conductrice,
il reçoit des décharges électriques du
système de batterie 12 volts chaque
fois qu’il manipule l’appareil. C’est
comme toucher une clôture électrique,
sauf qu’il ne sait pas quand le choc va
se produire.
Le quatrième jour, la mer redevenue
plus calme, Don aperçoit un bateau de
pêche. Il agite les bras et l’appelle sur
sa radio VHF portable. Son espagnol
est assez bon pour expliquer son pro-
blème : « Pas de courant, j’ai besoin de
ma position ! » Selon la loi maritime,
chaque capitaine doit porter secours à
tout bateau ou navigateur en détresse,
mais l’équipage ignore son appel – le
navire pratique probablement la pêche
illégale et craint de révéler sa position.
Une demi-heure plus tard, même scé-
nario avec un autre bateau de pêche.
En colère et découragé, Don descend
en cabine et sombre dans le sommeil.
AU MILIEU DE LA NUIT,
DON CAVERS EST
RÉVEILLÉ EN SURSAUT
LORSQUE LE STARLIGHT
HEURTE UN RÉCIF.
Plus tard dans la nuit, le Starlight
heurte un récif. Réveillé en sursaut,
Don inspecte rapidement le voilier qui
tangue et se soulève pour mieux plon-
ger de nouveau.
Pourra-t-il se dégager du récif ? Il
fait redémarrer le moteur au moyen
d’une batterie auxiliaire. Peut-être que
s’il parvient à bien synchroniser sa
manœuvre, il pourra utiliser la puis-
sance du moteur pour se dégager en
profitant d’une vague pour soulever
le voilier. Il dirige la proue face aux
vagues, mais lorsqu’il enclenche le
moteur, le gouvernail du bateau,
accroché au récif, laboure et déchire la
poupe. L’eau s’engouffre à l’intérieur. Il
ne reste qu’à abandonner le navire.
selection.ca 49
sélection
Vêtu de son gilet de sauvetage, l’in-
fortuné dépose à bord du canot qu’il a
emporté en cas d’urgence un précieux
contenant de 20 litres d’eau, un sac
étanche où il a réuni la radio VHF por-
table, la balise de localisation d’urgence,
son ordinateur, un imperméable, un
pistolet lance-fusée et un peu de nour-
riture – des croustilles de maïs et des
biscuits salés. Il gonfle également un
radeau de survie – l’embarcation n’est
pas plus grande qu’un cercueil – et
l’accroche au canot.
SUR LE RADEAU
BALLOTTÉ PAR LES
FLOTS, DON PENSE À CE
QU’IL AURAIT DÛ FAIRE
DIFFÉREMMENT.
Il distingue au loin un phare, peut-
être sur une petite île. Est-il à 10 kilo-
mètres ? À 15 ? Impossible à dire. Il
veut rester près de l’épave et attendre
que le jour se lève pour aller chercher
de l’aide, mais les mouvements du
voilier sont imprévisibles et l’ancre,
qui se promène librement sur le pont,
pourrait endommager le canot. C’est
trop dangereux. Lorsque la corde du
canot se coince dans le récif, il trans-
fère ses affaires à bord du radeau de
survie, y embarque et largue les
amarres. Il est désormais à la merci du
vent et des courants.
50 mars 2023
Sur le radeau ballotté par les flots, le
naufragé songe à ce qu’il aurait dû
faire différemment – ranger ses appa-
reils électroniques dans le sac étanche,
emporter de la nourriture en conserve
et placer les rames dans le canot afin
de pouvoir ramer en direction du
phare. Au moins, il a récupéré une
bouée parechoc de ponton qui flottait
non loin de l’épave, ce qui lui permet
d’être un peu plus confortable.
Don est complètement lessivé. Son
short et son tee-shirt sont trempés et
empestent. Son dos et ses fesses sont
très écorchés, mais il est en sécurité et
l’air de la nuit est agréablement doux.
En jetant un regard vers l’endroit où il
a repéré le phare, il ne distingue plus
que des ténèbres, les vagues qui s’en-
roulent et le vaste ciel étoilé.
Le radeau dérive dans la direction
opposée.
dans une ferme biologique près d’Arm-
strong, en Colombie-Britannique,
Annelise Grube-Cavers élève du bétail
avec son conjoint. Son père a promis de
lui donner des nouvelles tous les matins
à 9 h, comme il l’a fait lors de son pre-
mier jour seul en mer. Mais depuis, plus
rien. Elle sait qu’il possède un Iridium
Go, un appareil permettant d’appeler
et d’envoyer des données partout dans
le monde, mais elle n’est pas certaine
qu’il fonctionne correctement et son
père n’a jamais été très bon pour
communiquer. Après quatre jours de
silence, elle commence à s’inquiéter.
Son père est en bonne forme pour son
âge, mais il a une prothèse de hanche,
doit subir une opération de rempla–
cement du genou et se trouve seul à
bord d’un bateau qu’il connaît mal et
qui a déjà connu son lot de problèmes.
Annelise contacte une organisation
appelée Boatwatch.org, tenue par les
époux Glenn et Eddie Tuttle, en Flo-
ride. Les Tuttle sont des agents du FBI
à la retraite qui mettent leurs compé-
tences d’enquêteurs au service de la
recherche de bateaux en retard, dispa-
rus ou volés. Ce n’est pas vraiment
une urgence, déclare Annelise, mais
son père aurait déjà dû atteindre sa
destination. Les Tuttle demandent à
Annelise de prévenir aussitôt la garde
côtière de Porto Rico.
Eddie Tuttle est catégorique. « Vous
devez déclarer sa disparition, a-t-elle
soutenu. Alertez toutes les autorités
possibles» – c’est-à-dire la garde côtière
américaine à Miami, les ambassades
canadiennes dans les Caraïbes, les
services consulaires d’urgence dans
les pays voisins, et quiconque pour-
rait aider.
Ainsi guidée, Annelise devient la
personne-ressource pour les membres
de la famille et les amis inquiets. Les
jours suivants, elle passe des heures
devant son ordinateur et au téléphone,
à explorer les complexités territoriales
selection.ca 51
sélection
qui surgissent lorsqu’une personne
venue de Colombie-Britannique et qui
est censée naviguer depuis la Colom-
bie, une nation souveraine, jusqu’à
Porto Rico, un protectorat des États-
Unis, à bord d’un bateau enregistré au
Canada, est portée disparue – peut-
être dans des eaux cubaines.
NEUF JOURS APRÈS
AVOIR PERDU
L’ÉLECTRICITÉ, DON
ACTIVE ENFIN SA
BALISE D’URGENCE.
six jours après avoir appareillé, Don
dérive dans la mer des Caraïbes sous un
ciel dégagé et ensoleillé. Il laisse vaga-
bonder son esprit, se souvenant s’être
déjà trouvé dans des situations déli-
cates. Il a un jour souffert d’une fracture
de compression d’une vertèbre cervi-
cale en tombant d’une échelle. La
dysenterie l’a presque tué lors d’un
voyage en Afghanistan dans sa jeu-
nesse. Il a vogué depuis le Mexique
dans un calme inquiétant, évitant de
peu des vents aussi violents que ceux
d’un ouragan. Il a éprouvé des pro-
blèmes en pilotant son petit monoplan
Murphy SR 2500 et a terminé dans un
fossé, enchevêtré dans du fil barbelé, au
cours d’un atterrissage d’urgence.
Le secret, il le sait, est de ne pas pani-
quer. Une chose à la fois. Rationner
52 mars 2023
la nourriture. Ajuster les rabats pour
se protéger du vent et de l’eau. Tenter
de s’installer confortablement. Quand
il commence à avoir faim, il prend une
gorgée d’eau. Les plaies sur ses fesses
se sont infectées, il garde donc son
short baissé. Un petit seau lui sert
de toilette.
Dans son sac étanche, il trouve un
manuel de survie en français, et il
commence à tenir un journal dans les
espaces blancs : quand la seule chose
à faire c’est attendre, les journées sont
interminables. Les soirées glissent
doucement dans l’obscurité, les nuits
dans les aurores. Don a perdu le
décompte des jours. Les scènes de
sauvetage s’enchaînent dans son esprit.
Que faire d’autre ?
Il dérive en direction du sud-ouest.
Des débris flottant à la surface lui per-
mettent de mesurer sa vitesse : environ
trois nœuds. Le radeau de survie
dérive un peu plus lentement. À ce
rythme, estime-t-il, il parcourt environ
25 milles nautiques par jour (environ
46 kilomètres). S’il se trouve plus ou
moins là où il l’imagine, il s’échouera
peut-être dans le sud du Mexique, ou
peut-être au Honduras, dans environ
trois semaines.
Don remarque soudain que l’antenne
de sa balise de localisation est cassée.
Envoie-t-elle le signal d’urgence ? En
remplaçant l’antenne brisée par celle de
sa radio portable, il découvre un bouton
indiquant « PRESSER PENDANT
5 SECONDES». Il essaie, mais l’unité ne
réagit pas différemment – c’est du
moins ce qu’il croit. En réalité, neuf
jours après la défaillance électrique
du Starlight, et trois jours après avoir
embarqué sur le radeau, il vient enfin
d’activer sa balise d’urgence.
L’appareil de Don envoie un signal à
un satellite SARSAT, qui scanne le pays
d’enregistrement de la balise avant de
relayer le signal vers un réseau de sau-
vetage à terre. Comme Don possède
une balise canadienne, c’est le person-
nel du centre conjoint de coordina-
tion des opérations de sauvetage à
Trenton, en Ontario, qui se met en
mouvement. Ce centre reçoit environ
4000 alertes d’urgence par année, des
incidents maritimes pour la plupart.
Là on cherche à établir la position de
la balise et de son propriétaire, avant
de prévenir les agences de sauvetage
appropriées. La tâche est compliquée
par le fait que l’enregistrement de
la balise n’a pas été modifié depuis
le changement de propriétaire du
bateau. Il leur faut une journée pour
retrouver la famille de Don Cavers en
Colombie-Britannique et leur annon-
cer qu’ils ont reçu son signal – un
immense soulagement.
Comme le signal provient des eaux
territoriales cubaines, Trenton relaie la
position du bateau à la garde côtière du
pays. Les Cubains ne se montrent pas
particulièrement coopératifs. Ils affir-
meront plus tard avoir envoyé un navire
vers la position indiquée, mais n’avoir
rien trouvé et classé le dossier.
Trenton est également en contact
avec la garde côtière américaine à
Miami. Toujours sans nouvelles le
lendemain, il est temps de lancer une
alerte AMVER (système automatique
d’entraide pour le sauvetage des
navires), qui interrompt les radios des
bateaux dans la zone entourant la der-
nière position de la balise.
ÉTOURDI, IL A
COMPRIS QU’UN
ÉNORME CARGO
FONÇAIT SUR
SON RADEAU.
L’alerte redonne espoir à Annelise
Grube-Cavers, elle qui avait imaginé
le pire. Son père a-t-il été retardé en
Colombie avant même de partir ? (La
marina a confirmé qu’il avait pris la
mer.) Existe-t-il une possibilité de
piraterie en haute mer ? Est-il tou-
jours vivant ?
Le radeau de survie de Don est stabi-
lisé par une ancre flottante conique –
de la forme des manches à air dans un
aérodrome. Comme elle pourrait désé-
quilibrer le radeau en cas de mauvais
temps, il la remonte à bord chaque soir.
Au cours de son cinquième jour à la
dérive, de plus en plus faible, Don aper-
çoit de petits poissons pris dans le filet
de l’ancre flottante. Je n’ai jamais été un
grand amateur de sashimis, écrit-il dans
selection.ca 53
sélection
Don Cavers, secouru et en
sécurité à bord du Bulk Pangaea.
son journal. Six minuscules poissons sur
un biscuit mou constituent son repas,
son premier apport de protéines. Pas sûr
de vouloir perdre plus de poids, pense-
t-il. Il boit une gorgée d’eau et s’assoupit.
En haute mer, le sifflet d’un navire
est généralement un avertissement
pour signaler aux embarcations plus
petites de sortir du passage. Réveillé
en sursaut, Don aperçoit un énorme
cargo vraquier fonçant sur son radeau.
Dans l’incapacité d’échapper au navire,
il ouvre un rabat et lance une fusée,
puis une autre, et saisit sa radio.
« Navire cargo ! Navire cargo ! Ici
radeau de survie du bateau de plai-
sance Starlight. Je suis à la dérive.
— Ici le Bulk Pangaea, répond
quelqu’un. Nous vous voyons.
54 mars 2023
— Je ne peux pas sortir de votre
route !
— Ne vous inquiétez pas. Nous
sommes là pour vous secourir. »
Submergé par la gratitude et le sou-
lagement, Don admire les talents de
marin du capitaine russe et de son
équipage philippin, qui manœuvrent
adroitement le vaisseau de la longueur
de deux terrains de football pour le
AVEC LA PERMISSION DE DON CAVERS
ranger le long du petit radeau orange.
Le Bulk Pangaea, enregistré au
Panama, retourne à vide en Jamaïque
après avoir livré de la bauxite en Loui-
siane. Le capitaine, Vladimir Bakhar, a
répondu à l’alerte AMVER et changé de
cap pour ratisser la zone entourant la
balise de Don. Il l’a retrouvé entre
Cuba et la Jamaïque.
en milieu d’après-midi, le 14 décembre,
la garde côtière de Miami appelle
Annelise Grube-Cavers en Colombie-
Britannique pour lui annoncer qu’un
cargo a répondu à l’alerte AMVER du
Starlight. Le navire se trouve à 16 kilo-
mètres de la dernière position de la
balise de son père et progresse main-
tenant dans sa direction.
Enfin ! Un espoir ! Puis, inévitable-
ment, surgissent des questions plus
troublantes. La balise se trouve-t-elle
toujours sur le bateau ? Le voilier a-t-il
coulé et son père avec lui ? La balise
flotte-t-elle dans les Caraïbes ?
Elle n’a pas à attendre longtemps
pour obtenir des réponses. Moins de
deux heures plus tard, Miami la rap-
pelle. « Votre père s’appelle-t-il Don
Cavers ? Un navire marchand l’a
secouru à bord d’un radeau de survie.
Il va bien. Il est en sûreté. »
Des membres d’équipage déroulent
une échelle de corde depuis le pont.
Don prend vraiment conscience de sa
faiblesse lorsqu’il tente d’y grimper. À
bord, il est examiné et déclaré en bonne
santé, puis on lui sert un peu de poulet
en sauce et donne un peignoir assorti
de chaussures Crocs taille 10 pour ses
pieds de pointure 13. On panse ses
lacérations infectées, puis il s’endort.
Don passe trois jours à bord du Bulk
Pangaea en route pour la Jamaïque, et
trois jours de plus au port, confiné dans
une chambre en guise de quarantaine
de précaution contre la COVID-19.
Avant de débarquer, l’équipage lui offre
un « certificat de renaissance » rédigé à
la main. Enfin hors de quarantaine, il
passe les douanes et part pour Montego
Bay, d’où il prend un vol pour Toronto,
puis pour la Colombie-Britannique.
Annelise et son frère, Tristan, l’ac-
cueillent à l’aéroport de Kelowna. Après
des retrouvailles pleines d’émotion –
leur père a perdu sept kilos, mais il est
en bonne santé –, ses enfants le recon-
duisent à la maison.
ce n’est que plus tard que Don pren-
dra conscience d’avoir frôlé la mort. Il
a été chanceux, la mer des Caraïbes
est restée calme. S’il n’avait pas activé
la balise d’urgence ni été repéré par
le Bulk Pangaea, il aurait aisément pu
devenir un cadavre flottant. « Quatre-
vingt-dix-neuf fois sur cent, a déclaré
le capitaine Jean House du centre de
Trenton à CBC, la situation tourne
au drame. »
Comparativement à la plupart d’entre
nous, Don Cavers est un aventurier
héroïque. Aujourd’hui, reconnaissant
d’être capable de jouer avec ses petits-
enfants et de s’occuper de son jardin,
il regrette de ne pas avoir bien testé les
systèmes du voilier, de ne pas avoir
eu de GPS portable et étanche avec
lui, d’avoir dérangé tant de monde. Il
regrette la perte de son bateau, non
assuré. Mais surtout, il déplore l’in-
quiétude et le chagrin qu’il a causés
à sa famille. « Ce n’était pas le voyage
d’un héros, admet-il. C’était le voyage
d’un idiot. »
selection.ca 55
sélection

Grâce à Sunny, Mike

Johnston et Heidi
Torreiter sont encore
actifs et en pleine forme.
 SANTÉ

À plumes, à poils ou à
écailles, les membres
non humains de votre
famille vous aident bien
plus que vous ne le
pensez. Voici six raisons
expliquées par la science.

Les
étonnants
bienfaits
de la
compagnie
PAR
animale
Anna-Kaisa Walker
photo de jaime hogge

selection.ca 57
sélection

1. Ils vous tiennent actifs lement que les sujets qui n’en avaient
pas. (Les chats semblent avoir l’effet
Les propriétaires d’un chien le pro- contraire, peut-être à cause de leurs
mènent une trentaine de minutes par frasques nocturnes.)
jour. Ce qui contribue largement à les
garder en forme. Selon une étude bri- 2. Ils stimulent l’appareil
tannique, ce genre de promenade immunitaire
ajoute en moyenne 2700 pas au total
quotidien, soit une vingtaine de Selon l’hypothèse « hygiéniste » formu-
minutes d’effort physique de plus que lée vers la fin des années 1980, grandir
ceux qui n’ont pas de chien. Mieux, la dans des lieux fermés et aseptisés
balade se fait pour l’essentiel à une dispose le corps à surréagir à des subs-
cadence modérée – assez soutenue tances inoffensives plus tard, nous
pour accélérer le rythme cardiaque rendant plus vulnérables aux allergies
sans pour autant couper le souffle –, ce et à l’asthme. À l’inverse, avec leurs
qui est le minimum que Santé Canada pattes sales, leurs abondantes pelli-
recommande aux adultes, à raison de cules et leur tendance à nous lécher, les
2,5 heures par semaine. chiens et les chats nous exposent à une
Des promenades de cette durée avec plus grande diversité microbienne, ce
votre animal ne font pas qu’embellir qui renforce notre système immuni-
votre vie, elles peuvent aussi la pro- taire. La recherche confirme que les
longer. Après 150 minutes d’exercice enfants élevés avec des animaux ont
modéré par semaine, le risque de moins d’allergies et d’asthme. Et plus il
maladie cardiaque peut être réduit de y a d’animaux, mieux ils se défendent.
15 %, celui de certains can- Par rapport aux enfants
cers (sein, estomac, rein, qui n’avaient pas d’animal
notamment) de 20 %, et cela de compagnie, ceux qui
aide à prévenir ou à maîtri- vivaient avec au moins
ser le diabète. La salive des quatre chats ou chiens souf-
En prime, l’exercice pré- chiens recèle fraient moitié moins souvent
pare à une bonne nuit. environ d’une allergie.
Une enquête auprès de 600 types de L’effet des animaux
6500  fonctionnaires lon- bactéries qu’ils domestiques se fait sentir
doniens à la retraite a
partagent
généreusement également sur la santé intes-
constaté que les proprié- avec nous, tinale des adultes – ce qui
taires d’un chien étaient diversifiant s’accompagne de bienfaits
plus souvent portés à dire notre flore autant physiques que
qu’ils s’endormaient faci- intestinale. mentaux. À l’université de

58 mars 2023
l’Arizona, on tente de déterminer si les passé avec un animal de compagnie
échanges bactériens entre des chiens de n’importe quelle espèce atténue le
et leurs maîtres peuvent modifier le stress, qui est un important facteur de
microbiome, l’ensemble des micro- risque cardiaque. À preuve, des étu-
organismes qui résident dans notre diants de l’université de l’État de Was-
corps, au point d’induire des modifi- hington avaient un taux de cortisol sali-
cations chimiques qui atténueraient la vaire significativement plus bas après
dépression grave. « Des recherches ont avoir passé tout juste 10  minutes à
déjà montré que les chiens et les êtres caresser un chat ou un chien. On sait
humains échangent des bactéries en enfin qu’une interaction avec un ani-
vivant sous le même toit et qu’on en mal abaisse la tension artérielle et pro-
reçoit autant de son chien que de son voque la sécrétion d’ocytocine, l’hor-
conjoint. Cela nous a intrigués », mone de l’attachement, qui atténue
explique Dieter Steklis, codirecteur de l’anxiété et la douleur tout en amélio-
cette initiative de recherche sur l’inter– rant la fonction cardiovasculaire.
action humaine-animale.
4. Ils aident à gérer les
3. Ils réduisent le risque maladies chroniques
de crise cardiaque
mortelle Les animaux de compagnie s’attendent
à être nourris, promenés et soignés
Des chercheurs de l’université du selon un horaire précis. Leurs maîtres
Minnesota qui ont suivi 4000 personnes, n’y coupent pas. Et s’ils souffrent d’une
pour la plupart pendant plus d’une maladie chronique, cela ne peut que
décennie, ont constaté que leur faire du bien.
le risque de mourir d’une C’est Florence Nightingale
crise cardiaque était infé- qui a évoqué la première la
rieur de 30% quand on pos- contribution des animaux au
sédait un chat. Vu qu’on ne traitement des malades. En
promène pas un chat, com- En 2020, 58 % 1860, elle note qu’une tortue
ment l’expliquer ? Selon les des ménages apprivoisée appelée Jimmy
chercheurs (et la plupart de canadiens ont réconforte les soldats blessés
ceux qui ont un chat seront déclaré posséder et hospitalisés lors de la
au moins un
d’accord), la nature foncière-
animal de com- guerre de Crimée. Dans les
ment flegmatique des chats pagnie, dont années 1960, le pédopsy-
aurait un effet calmant. 8,1 millions de chologue Boris Levinson
Selon d’autres recherches, chats et 7,7 mil- observe qu’un enfant ren-
comme l’exercice, le temps lions de chiens. fermé, incapable de parler,

selection.ca 59
sélection

se met à communiquer quand son Souffrant du syndrome de douleur

chien Jingles est dans la pièce. La zoo- régionale complexe, Kelly Redmon,
thérapie vient de naître. Aujourd’hui, les thérapeute de Virginie, reconnaît que
visites d’animaux dressés à cette fin sont soigner des cochons d’Inde pour un
monnaie courante dans les hôpitaux refuge animalier local l’aide à suppor-
et maisons de retraite. ter des douleurs souvent atroces.
Même hors du cadre institutionnel, « Quand je m’occupe d’eux, je dois être
un animal de compagnie peut aider à présente même en pleine crise. Je ne
gérer au jour le jour un problème de peux pas me laisser envahir par la peur
santé chronique. Selon Mary Janevic, de souffrir. » Parfois, ajoute-t-elle,
de l’université du Michigan, cela vaut « quand je vois mes cochons d’Inde
surtout pour les patients qui cherchent traverser en courant les tunnels de leur
des remèdes non pharmacologiques. parc, je perçois leur joie, et cela me
En 2019, Mary Janevic a dirigé une réjouit moi aussi ».
enquête auprès de personnes âgées
souffrant entre autres d’arthrite et de 5. Ils réduisent
douleurs lombaires. « Quand on a mal, l’inflammation
on ne veut pas bouger, mais ce dont on
ne se sert pas se perd, explique-t-elle. L’inflammation, c’est la réaction du
Le corps s’avachit, les muscles fondent, corps à ce qu’il perçoit comme une bles-
la douleur empire. » Elle a constaté que sure ou une infection. En principe, c’est
non seulement les animaux de compa- bon: une coupure enfle et devient rouge
gnie remontaient le moral de leurs parce qu’une armée de globules blancs
maîtres, mais aussi qu’ils les obli- est en train de combattre les bactéries
geaient à accomplir cer- nocives. Mais il arrive que
taines tâches quotidiennes l’appareil immunitaire n’ar-
– les promener, les nourrir, rête pas à la fin du combat.
les toiletter, jouer avec eux Or, une inflammation deve-
– qui finissaient par atté- Les chats de nue chronique peut préparer
nuer leurs douleurs. Le plus gouttière font le terrain à des maladies
grand superpouvoir des des compagnons mortelles comme le diabète,
animaux contre la douleur affectueux et les cardiopathies et la mala-
chronique, ajoute la cher- fantasques. Le die pulmonaire obstructive
cheuse, c’est leur don pour
ragdoll, le
chronique.
birman et le
attirer l’attention. « Si vous siamois sont des Dans le cadre d’un petit
pensez moins à la douleur, chats de race essai préliminaire, des
vous la ressentez moins, particulièrement chercheurs de l’université
donc vous souffrez moins. » câlins. du Wisconsin à Madison ont

60 mars 2023
confié des chiens venant a éclaté. Les multiples confi-
d’une société de protection nements l’ont de nouveau
locale à un groupe de volon- accablée. Par chance, son
taires de 50 à 80 ans. Trois mari et elle – ils ont deux
mois plus tard, des analyses enfants – ont décidé d’adop-
sanguines ont révélé jusqu’à ter Suki, un terrier croisé
30 % moins de marqueurs Le labrador labrador femelle âgée de
est le chien
inflammatoires, dont l’in- d’assistance par neuf mois.
terleukine-6 (IL-6), molé- excellence : « Nous nous disions
cule associée à beaucoup patient, facile à qu’elle nous occuperait, en
de maladies inflammatoires, dresser, il est fait elle a changé nos vies,
entre autres le diabète, la l’animal de se félicite Sharmeen. Je suis
polyarthrite rhumatoïde, choix pour la transportée par sa joie, son
la démence, la maladie car- zoothérapie énergie, son amour incon-
diaque et le cancer. et le soutien ditionnel. J’ai même dit à
émotionnel.
« Certains sujets ont aussi mon médecin que je n’ai
déclaré qu’ils se sentaient mieux dans plus besoin de ma médication. »
leur peau et plus à l’aise en société, Un animal de compagnie aide à
relate Charles Raison, le psychiatre qui combattre la dépression, l’anxiété, le
a dirigé l’expérience. Nous ne savons syndrome post-traumatique, la schizo-
pas s’il existe un lien entre l’IL-6 et la phrénie et d’autres problèmes de santé
santé mentale, mais il s’agit peut-être mentale. Les personnes touchées s’ac-
d’une boucle qui se renforce : avoir un cordent à dire qu’il leur apporte un
chien améliore le sentiment de bien- soutien émotif absolu, les aide à s’ac-
être, ce qui atténue l’inflammation, et cepter et à tisser des liens sociaux, les
une diminution de l’inflammation vous distrait de leurs symptômes et épi-
rend plus heureux. » sodes pénibles. Il peut même entraîner
à la méditation pleine conscience.
6. Ils contribuent à la « Quand je fais de l’insomnie, mon
santé mentale lapin Gus vient s’asseoir à côté de moi
et se laisse caresser, raconte Hina Low,
Aujourd’hui âgée de 40 ans, Sharmeen une employée de banque de Toronto
Abeysinghe a quitté son emploi de pué- qui, âgée de 30  ans, souffre d’un
ricultrice en 2019, épuisée et dépressive. trouble bipolaire. Cela ressemble à
«Certains jours, j’oubliais de manger», un exercice de méditation. Je me
raconte-t-elle. Son médecin lui a pres- concentre sur la douceur de sa four-
crit des antidépresseurs, et elle est rede- rure, la chaleur de son corps, la caresse
venue fonctionnelle. Puis la pandémie de son souffle. »

selection.ca 61

Plus jamais seule
Comment le chanteur de
rock Roy Orbison m’a
aidée à me faire une amie
PAR Megan Murphy
illustration de graham roumieu
62 mars 2023
HUMOUR
À L’AUTOMNE 1988, ma famille a emmé-
nagé dans une maison plus vaste à l’autre
bout de Peterborough, en Ontario. J’ai
alors quitté la sécurité de l’école St. Paul
et je suis devenue la «nouvelle» de celle de
St. Teresa, une école sans gymnase. J’avais
10 ans. Les élèves de la classe où je suis
tombée se connaissaient depuis la mater-
nelle. Mon intégration dans le groupe en
a souffert. Je passais les récréations à

jouer toute seule en observant avec
envie les autres enfants s’échanger petits
gâteaux et barres aux fruits. Je n’avais
aucun ami, ce qui me désespérait.
Un matin, début décembre, avant
d’aller à l’école, j’ai préparé mes
céréales tout en écoutant de vieux suc-
cès populaires à la radio. Entre deux
chansons, les animateurs plaisantaient
entre eux. « C’est un triste jour pour la
musique, a soudain dit l’un d’eux, Roy
Orbison est mort. »
C’est triste en effet, ai-je pensé, que
Roy Orbison soit mort. Mais au fait…
qui est Roy Orbison ? Ma question est
restée en suspens puisque j’ai dû filer
à l’école pour arriver avant la cloche.
J’étais dans la classe de M. Hutchison,
qui aimait bien se faire plutôt appeler
M. 83. Il avait enseigné au Japon où on
prononçait son nom comme s’il s’agis-
sait des chiffres huit (hachi en japonais)
et trois (san). M. «Hachi-san». La fillette
que j’étais trouvait ça très malin. Je
pense également qu’il avait pitié de moi,
dont les efforts d’intégration restaient
vains. Par sympathie, il m’avait trouvé le
surnom de «Meggie McMuffin». J’ado-
rais ça. M. Hutchison était avec moi.
Tous les jours après l’hymne natio-
nal, il nous demandait si nous voulions
prier pour quelqu’un. Il notait alors au
tableau le nom qu’on proposait. Ce
jour-là, Johnny, un garçon aux cheveux
gominés, a souhaité qu’on prie pour son
grand-père, qui venait d’être opéré.
Emily, une fille à la longue queue de
cheval, nous a invités à penser à sa
sélection
grand-mère, qui faisait une pneumonie.
De son côté, Claire, une fille d’une popu-
larité intimidante, s’est émue pour son
chien, qui venait d’être stérilisé. Et voilà.
Il m’est alors apparu que c’était l’oc-
casion ou jamais de faire un pas vers le
groupe ! Sans y penser à deux fois, j’ai
levé la main, et quand M. 83 m’a nom-
mée, j’ai lâché : « J’aimerais prier pour
Roy Orbison ! »
Silence de mort dans la classe. Tout
le monde avait l’air perplexe. Personne
dans l’histoire de l’Église catholique
n’avait jamais manifesté un tel manque
d’empressement à prier pour qui que
ce soit. Mais M. 83, qui a bien vu le
désespoir au fond de mes yeux, est
venu à mon secours :
« D’accord, McMuffin, j’inscris Roy
Orbison. »
C’était gagné ! Prier pour quelqu’un
est manifestement une manière comme
une autre de se faire des amis parmi
les jeunes catholiques.
Je n’avais jamais rencontré Roy
Orbison, j’ignorais qui était la « Pretty
Woman » de sa chanson, mais j’aime
penser que nous avons compté l’un
pour l’autre. S’il y a un ciel, Roy y
est  parce qu’une élève de 10  ans a
prié pour lui. Et ce jour-là, une fille
appelée Christine est venue me voir en
classe et m’a dit : « Mes condoléances.
Si tu n’es pas trop prise par les funé-
railles, viens donc jouer chez moi
après l’école. »
Grâce à elle et à Roy, je n’étais enfin
plus seule.
selection.ca 63
sélection

Drew Robinson,
lorsqu’il jouait
pour les Giants
de San Francisco.
 INSPIRATION

UNE SECONDE

Une tentative de suicide a failli mettre fin

à l’histoire de ce joueur professionnel de
baseball. Aujourd’hui, Drew Robinson écrit
un nouveau chapitre remarquable de sa vie.

PAR Jeff Passan

selection.ca 65
sélection
LE MATIN DU 16  avril 2020, Drew
Robinson s’assoit à sa table de cuisine
et termine le mot qui explique à sa
famille et ses amis pourquoi il a décidé
de mettre fin à ses jours. « Personne
n’aurait pu le deviner, écrit-il, car
j’avais tout fait pour le cacher. Ce
n’était la faute de personne. »
Il s’excuse auprès de Daiana, Darryl,
Renee, Britney et Chad – les cinq per-
sonnes qu’il aime le plus au monde.
Celles qui le connaissent le mieux, mais
ont pourtant été incapables de discer-
ner la tristesse qui l’étouffe. Même eux
ont cru au personnage qu’il s’est créé :
un joueur professionnel de baseball,
bel homme, charmant, drôle, au rire
facile et au sourire contagieux. À
27  ans, Drew a réalisé son rêve et
désire pourtant mourir.
Vers 20 h, assis sur son canapé, il
appuie le canon de son pistolet contre
sa tempe droite et presse la détente.
Quelques instants plus tard, il regarde
autour de lui, confus. Que s’est-il passé?
Pourquoi suis-je encore là? Il y a du sang
partout. Il porte les mains à sa tête, ten-
tant de juguler le saignement. En vain.
Il s’effondre sur son lit, ferme les yeux.
C’est ici que je vais mourir.
Telle aurait dû être la fin de l’histoire
de Drew Robinson. En réalité, ce sera
le début d’une autre histoire.
QUELQUES MOIS PLUS tard, six jours
avant Noël 2020  plus précisément,
Drew éprouvera un grand sentiment
de gratitude. Peu survivent à une ten-
66 mars 2023
tative de suicide après s’être tiré une
balle dans la tête. Plus rares encore
ceux qui en ressortent plus clair-
voyants et résolus.
Plus que tout, il souhaite raconter
son histoire afin d’en aider d’autres à
reconnaître l’horreur du suicide. Il ne
voulait pas imposer à sa famille ce à
quoi elle a assisté, ce qu’elle a dû traver-
ser, et regrette qu’elle doive se deman-
der tous les jours s’il va réellement bien
ou s’il risque de recommencer. Le sui-
cide – ou une tentative de suicide – ne
fait pas qu’une seule victime.
« Comment pourrais-je traverser
tout cela sans en même temps aider les
autres à affronter une épreuve dont
ils ne pensent pas pouvoir sortir vain-
queurs ?» s’interrogera alors Drew.
DREW ROBINSON A grandi en ban-
lieue de Las Vegas. Il est le benjamin
de Renee et Darryl Robinson. Pour sa
PHOTO EN PAGES PRÉCÉDENTES : ROB TRINGALI/GETTY IMAGES
sœur Britney et son frère Chad, il est
un pot de colle et un casse-pieds, le
petit frère typique qui réclame sans
cesse attention et affection.
Lorsque leurs parents divorcent, les
garçons partent vivre avec Darryl. Brit-
ney reste avec Renee. Leur seul terrain
d’entente est le baseball. En grandis-
sant, Chad a atteint 1,95 m et il est
considéré comme l’un des meilleurs
espoirs de la ligue majeure américaine
de baseball. Drew est plus petit mais
fluide dans ses mouvements, doté d’un
talent naturel. Presque tous les week-
ends, les Robinson se retrouvent pour
un tournoi de baseball, les parents
mettant de côté toute animosité pour
encourager les garçons.
Sélectionné par les Brewers de
Milwaukee en 2006, Chad a placé la
barre très haut. Drew considérerait
comme un échec toute offre qui serait
inférieure à celle-ci. Il vise la perfec-
tion. À l’adolescence, il a connu une
poussée de croissance qui en a fait le
meilleur joueur de son établissement
scolaire depuis son frère.
QUI SE
SOUCIERAIT DE
MA DISPARITION ?
SE DEMANDE-T-IL.
Il est populaire, surtout auprès des
filles. Il enchaîne les conquêtes jusqu’à
ce qu’il rencontre Daiana Anguelova.
Elle trouve que Drew possède une aura
magnétique, même s’ils ne forment
pas le couple le mieux assorti. Il peut
être bruyant, grandiloquent, s’effor-
çant toujours de se donner l’air cool.
Mais ni Daiana ni le reste du monde
ne voient Drew comme il se voit lui-
même : non pas le plaisantin de ser-
vice, mais plutôt le dindon de la farce.
Il se parle à lui-même comme si un
compagnon perpétuel partageait ses
souffrances. « Lorsqu’une situation
tournait mal, racontera-t-il, la voix
dans ma tête répondait : Mais bien
sûr. C’est l’histoire de ta vie. Les bons
moments te sont interdits. »
L’équipe de la ligue majeure des
Rangers du Texas recrute Drew, à peine
sorti du secondaire, lors des sélections
de 2010. On lui accorde une prime de
198 000 $ à la signature du contrat.
Mais auparavant, il va devoir faire ses
preuves dans l’équipe de la ligue
mineure des Rangers. À 18 ans, le voilà
tout de même devenu joueur profes-
sionnel de baseball. Cela accélère son
entrée dans l’âge adulte ; non seule-
ment il paie ses factures, mais il se fami-
liarise avec les jeux de pouvoir et les
intrigues au sein de l’équipe, apprend
à vivre la déception et réfléchit à ce
qu’est la vie dans un monde conçu
pour se débarrasser des faibles.
L’exemple de son frère est déjà élo-
quent. Les appels à 4 h 30 du matin
pour les entraînements. Les longs tra-
jets en bus. Les blessures. S’ils avaient
pris le temps de discuter de tout cela,
Drew aurait mieux compris ce qu’était
le baseball professionnel – et le coût
mental qu’il exige en comparaison
duquel la part physique pâlit. Mais ils
ne sont pas doués pour parler. Drew
doit gravir seul cette abrupte courbe
d’apprentissage, y compris les années
d’efforts pour être intégré aux Rangers
de la ligue majeure.
Il y a des faiblesses dans l’apparente
solidité du baseball. L’amour du jeu
vacille maintenant chez le jeune
homme, dont le sentiment alterne
désormais entre passion et dégoût.
selection.ca 67

« ÇA Y EST ! » C’est le texto que Drew
envoie à sa famille en apprenant qu’il
figure dans la formation partante des
Rangers en 2017. Son rêve se réalise.
Mais le sport professionnel peut être
cruel : Drew n’a droit qu’à deux pré-
sences au bâton lors du troisième
match de l’équipe. Sept jours plus tard,
il retourne dans les ligues mineures.
Il revient en ligue majeure à la fin du
mois de mai avant d’être à nouveau
renvoyé le lendemain. Rappelé le
24 juin, il réussit un coup de circuit en
ligue majeure lors de son premier tour
au bâton le 25, puis est refoulé le 26.
Les Rangers le rappellent le 7 juillet et
68 mars 2023
Drew a perdu son œil droit dans
sa tentative de suicide, mais il a
gagné une nouvelle raison de vivre.
il demeure au sein de l’équipe le
reste de la saison.
Même si Drew se comporte
comme s’il avait sa place au som-
met du baseball professionnel, ce
n’est pas ce qu’il éprouve réelle-
ment. Dans les vestiaires, il remet
en cause chaque réponse qu’il
donne aux journalistes. Sur le
terrain, il se torture pour des
détails – la façon dont il se tient
durant l’hymne national, son
apparence lorsqu’il entre au pas
de course sur le terrain.
En décembre 2018, les Ran-
gers l’échangent aux Cardinals
de Saint-Louis. Très bien, un
nouveau départ, pense-t-il. Il fait
sa demande en mariage à Daiana. Elle
accepte, ils conviennent d’une date.
Drew réussit les sélections des
Cards au printemps suivant, mais une
semaine après le début de la saison, il
est renvoyé dans les ligues mineures.
Au cours du mois suivant, il fait des
allers-retours fréquents entre les deux
équipes. Puis il se blesse au coude
gauche et doit subir une opération. Le
28 août 2019, les Cards le libèrent.
La voix dans sa tête prend de l’am-
BRIDGET BENNETT
pleur. Il tombe plus profondément
dans la dépression. Il a besoin d’aide,
consulte un thérapeute, se plonge
dans des ouvrages de développement

personnel. Les Giants de San Fran-
cisco le recrutent pour leur équipe des
ligues mineures le 6  janvier 2020.
Manifestement, il ne réussira pas à
aller plus loin ! Il n’est pas assez bon
pour Daiana et ne le sera jamais ! Il
annule le mariage. Une question fer-
mente dans son esprit : Qui se sou-
cierait de ma disparition ? Incapable
d’y répondre, il commence à planifier
IL OBSERVE SON
VISAGE DANS LE
MIROIR. IL EST
MÉCONNAISSABLE.
sa mort. Le 12 mars 2020, la COVID-
19 met en pause le baseball profes-
sionnel. Drew retourne dans sa maison
vide de Las Vegas. Une semaine plus
tard, il s’arrête dans un magasin
d’armes à feu.
À SEPT HEURES du matin le 17 avril,
Drew se réveille dans la douleur. Il
songe à une nouvelle tentative. Des
heures durant, il sombre épisodique-
ment dans l’inconscience.
La douleur empire. Il veut s’asseoir,
mais s’effondre au sol. Il a soif. Il réus-
sit à se mettre debout, rôde dans la
cuisine, remplit un verre d’eau et avale
un analgésique. En retournant dans
sa chambre, il s’arrête dans la salle de
bains et observe son visage dans le
sélection
miroir. Il est méconnaissable. La balle
a détruit son œil droit. Il se demande
si l’on peut jouer avec un seul œil. Il se
demande également si penser à l’ave-
nir signifie qu’il tente de survivre.
Vers 15 h 30, assis sur le canapé à
l’endroit précis où il a attenté à sa vie,
il regarde, sur la table basse, le pistolet
et son téléphone portable. Il saisit
l’arme dans sa main gauche et le télé-
phone dans la droite. Il hésite : tirer ou
appeler à l’aide.
Puis la réponse surgit: Je veux vivre. Il
appelle. «J’ai besoin d’une ambulance.
J’ai tenté de me suicider la nuit dernière,
et j’ai survécu. J’ai un énorme trou dans
la tête et je souffre beaucoup. »
La police se précipite chez lui. À
15 h 57, il est dans l’ambulance qui le
mène à l’hôpital.
LA BALLE A sectionné son globe
oculaire droit. Elle lui a également
fracturé le sinus frontal, entraînant une
fuite de fluide céphalorachidien, ce
qui pose un sérieux risque d’infection.
La balle a fusé près du plancher
orbital gauche avant de ressortir
au-dessus de sa pommette gauche,
passant à quelques millimètres de
détruire également son autre œil.
Les médecins font des merveilles
pour remettre Drew sur pied. La pre-
mière opération consiste à sauver sa
paupière droite. La deuxième a pour
but de reconstruire les os broyés
autour de l’orbite. L’opération dure
deux heures et permet de rendre
selection.ca 69
sélection
presque toute sa symétrie au visage. La
troisième répare la fracture du sinus
et endigue la fuite de liquide cépha-
lorachidien. L’œil droit de Drew est
détruit au-delà de toute réparation pos-
sible. Le 11 juin, il est retiré et remplacé
par un implant, qui laisse de l’espace
à l’avant pour poser une prothèse ocu-
laire. Frapper une balle de baseball,
même avec deux yeux fonctionnels,
peut se révéler extraordinairement dif-
ficile. Reproduire cet exploit avec un
seul œil est presque impossible. Seul
un homme ayant perdu un œil a joué
dans la ligue majeure : Whammy Dou-
glas, qui était lanceur pour les Pirates
de Pittsburgh en 1957.
Drew recommence à jouer au base-
ball en juillet de la même année, à
peine 14 semaines après avoir tenté de
s’enlever la vie. Il s’entraîne d’abord à
frapper, en salle, une balle surélevée,
avant de progresser vers de vrais lan-
cers dans un stade. Puis il frappe un
coup de circuit au Ballpark de Las
Vegas, un stade où les joueurs profes-
sionnels de la région se rendent hors
saison pour des sessions de lancers.
DREW RESTE EN contact avec les
Giants de San Francisco après sa sortie
de l’hôpital. À la fin de l’été, il demande
l’autorisation de s’adresser aux joueurs
et au personnel de l’organisation dans
le cadre de la Journée mondiale de la
prévention du suicide, le 10 septem-
bre. Il se dit que, s’il veut aider les
autres, raconter son histoire sera la
70 mars 2023
manière la plus efficace. Son idée reçoit
un accueil favorable.
Il arrive au stade le 9 septembre. Il est
nerveux. Les joueurs, les entraîneurs et
d’autres membres du personnel se ras-
semblent autour de lui. «Je vous remer-
cie pour tout, entame Drew. J’ai traversé
au cours de ces derniers mois l’épisode
le plus terrible de ma vie. »
Il prend une grande inspiration et
parle durant sept minutes de l’impor-
tance de discuter de santé mentale, du
besoin de soutien de la part de l’en-
tourage et de son intention de donner
une autre chance au baseball. Cer-
tains ont les larmes aux yeux. Ce
jour-là, il quitte San Francisco satis-
fait. Si la rencontre devait être sa der-
nière intervention auprès des Giants,
cela lui conviendrait.
Un jour, à la fin du mois d’octobre,
Drew est pris de panique en décou-
vrant qu’il a manqué un texto du
gérant des Giants. « T’es réveillé ? »
demande celui-ci. Drew le rappelle.
Gabe Kapler lui explique que l’organi-
sation se soucie de lui. Ils veulent des
gens comme lui auprès d’eux. Et ils
pensent qu’il est encore capable de
jouer en ligue majeure.
Les Giants proposent un contrat à
Drew et l’invitent à l’entraînement de
printemps de la ligue mineure. Il n’y a
aucune garantie qu’il jouera à nouveau
pour les Giants. Mais il aura l’occasion
de travailler pour y parvenir. Il va de
nouveau jouer au baseball ! Drew ne
sait comment remercier Gabe.
 Drew à l’entraînement. Il a
recommencé à jouer au baseball
quelques mois à peine après avoir
tenté de s’enlever la vie.
LE 6 MAI 2021, Drew joue dans l’une
des équipes de ligue mineure des
Giants contre une équipe de Las Vegas.
Jouer dans la ville où il est né et a
grandi – et où il a failli mourir – est dif-
ficile pour lui. Il ne frappe aucun coup
sûr. Mais le public le soutient tout de
même avec force acclamations, s’exta-
siant sur son incroyable retour.
Peu après, lors du quatrième match,
et toujours à Las Vegas, le bâton de
Drew frappe la balle, qui s’élève haut
et loin, pour atterrir de l’autre côté de
la clôture. Il a réussi un coup de circuit,
le premier d’une série de trois en 2021.
BRIDGET BENNETT
Mais à la mi-saison, Drew décide de
se retirer – du jeu, pas du baseball. Il
finit par être embauché par les Giants
comme porte-parole en matière de
santé mentale. Il écrit sur Instagram :
« Que les Giants pensent que je peux
aider d’autres joueurs à s’intéresser à
leur bien-être émotionnel me touche
profondément. » Il termine son mot en
témoignant de sa gratitude pour ses
amis, sa famille, ses coéquipiers. Et
pour Daiana. « Elle est tout pour moi. »
DANS LE TIROIR de la table de chevet
de Drew se trouve une petite boîte. À
l’intérieur repose la balle qui s’est
enfoncée dans son crâne et a changé
sa vie. Parfois, il la fait rouler entre le
pouce et l’index, et se rappelle le che-
min parcouru. « Je la regarde et lui dis :
je suis plus fort que toi. Je suis plus fort
que je ne pensais l’être. »
© 2021, PAR ESPN. ESPN (2 FÉVRIER 2021)
selection.ca 71
sélection

« Avec Pablo à mes côtés,

rien ne me semblait
insurmontable », écrit
Ben Sosa Wright.
 FAMILLE

Mon jumeau «As-tu des frères et sœurs?»

est décédé On me pose cette question tout le temps, de
concert avec les autres civilités échangées lors-
quand nous qu’on apprend à se connaître, comme « Où as-tu
avions 18 ans. grandi ? » C’est demandé sur un ton léger. Après
J’apprends tout, ce sont des questions parfaitement nor-
enfin à vivre males, qui permettent de mieux cerner l’autre.
En 2014, mon frère jumeau, Pablo, est mort subi-
sans lui. tement d’un problème cardiaque à l’âge de 18 ans.
Depuis ce jour, je ne sais plus comment répondre
à cette question à propos de la fratrie. Même s’il n’y
PAR Ben Sosa Wright a que deux possibilités de réponse, en choisir une
photo de wade hudson
m’a toujours semblé être un mensonge. Et l’idée
d’être parfaitement honnête me rendait malade.
« Eh bien, j’ai eu un frère, mais je n’en ai plus. »
J’ai déjà essayé d’employer cette réplique, mais
je me retrouvais toujours à devoir ensuite consoler

selection.ca 73
sélection
mon interlocuteur, comme si je lui
avais infligé une épreuve en lui avouant
la mort de mon frère. Avec le temps, j’ai
plutôt choisi de garder mon chagrin
pour moi. Mais enfouir mes émotions
ne fonctionnait pas vraiment. Je ne
pouvais tout simplement pas trouver
les mots pour décrire mon frère ou la
douleur que sa perte m’occasionnait.
Mais dernièrement, je m’y évertue.
LORSQU’ON GRANDIT avec un jumeau,
une partie de notre identité s’ancre
dans le fait d’être la moitié d’une paire.
Si les jumeaux passent autant de
temps ensemble, c’est parce que c’est
pratique : il peut être très pénible de
tenter de se faire de nouveaux amis,
alors avoir déjà un meilleur ami, un
qui vit avec soi, est le meilleur filet de
sécurité au monde.
Quand nous étions enfants, Pablo
était tranquille et j’étais bruyant ; il
était bien élevé et j’avais des ennuis
avec mes enseignants ; tout le monde
l’aimait tandis que je me faisais des
ennemis en un rien de temps. Mais
lorsque nous étions seuls tous les
deux, ou bien en compagnie de nos
amis proches ou de notre famille, nous
étions quasiment la même personne.
Nous jouions au sous-sol pendant des
heures à fabriquer des personnages
d’animation en pâte à modeler tout en
piquant des fous rires incontrôlables.
Avoir quelqu’un qui vous connaît
mieux que quiconque donne de l’assu-
rance, car l’image de soi prend vie
74 mars 2023
dans une autre personne. Avec Pablo
à mes côtés, rien ne me semblait insur-
montable.
Je me souviens d’un « midi pizza »
dans notre école élémentaire de Toronto,
quand nous avions 11 ans. Un cama-
rade de classe embêtait Pablo, et je
m’étais levé d’un bond pour m’en
prendre au coupable, même si je me
pensais jusque-là au-dessus des com-
portements violents. C’était de l’ins-
tinct à l’état pur. Mon sang n’avait fait
qu’un tour. Je devais être là pour Pablo.
Le camarade de classe et moi nous
sommes poussés et frappés jusqu’à ce
qu’un enseignant nous sépare.
Lorsque le directeur adjoint m’a
demandé pourquoi j’avais agi de la
sorte, j’ai soutenu son regard. «Je défen-
dais mon frère. Non, je ne suis pas
désolé. Oui, je le referais s’il le fallait. »
J’ai tenu parole. J’ai défendu Pablo à
chaque fois que l’occasion se présen-
tait. Peut-être défendais-je ainsi notre
ego commun, mais il me semblait sou-
vent que je protégeais réellement le
bien-être de mon jumeau. Même s’il
était l’aîné de trois minutes, il était plus
petit et plus sujet aux persécutions.
Mais Pablo prenait aussi soin de
moi. Il a été la première personne à qui
j’ai révélé mon homosexualité. Ce fut
presque un non-événement – il n’a pas
eu l’air surpris du tout et rien n’a
changé entre nous. Plus tard, Pablo a
affirmé avoir toujours su que j’étais gai,
car lorsque nous jouions ensemble
avec nos Lego Star Wars, je choisissais
toujours les personnages de femmes
fortes. Il valorisait ma décision de
« jouer des femmes » et me donnait
ainsi toujours le sentiment d’être cool.
En entrant dans l’adolescence, Pablo
est devenu une force de la nature; intel-
ligent et bienveillant, il évoluait serei-
nement dans le monde et ne réclamait
jamais d’attention. Il a découvert l’art et
s’est mis à remplir d’innombrables car-
nets de croquis de créatures originales
qu’il ne montrait qu’à ses proches. S’il
vous laissait feuilleter ses carnets, vous
vous sentiez spécial et hochiez la tête
en l’écoutant décrire ce qui lui avait
inspiré chaque héros ou monstre. Ses
goûts en matière de musique, de films
et de télévision étaient tout aussi
intéressants qu’éclectiques. Il m’a
fait découvrir The Shins, les films
des frères Coen et Adventure Time
– toutes des œuvres formatrices
pour moi. Pablo était mon guide
dans le monde de la fantasy et de la
science-fiction ; je me sens toujours
connecté à lui lorsque je vois le logo
Marvel ou Star Wars apparaître sur
un écran de cinéma.
manquait. Et quand on parlait de lui
au passé, je sentais mon sang bouillir,
à l’image de ce jour-là à la cafétéria,
comme si Pablo mourait un peu plus
chaque fois. J’ai pensé qu’il serait plus
facile de n’être personne plutôt que de
découvrir qui j’étais sans lui.
Bien sûr, je devais continuer de vivre
ma vie. J’ai découvert le stand-up à
Montréal et me suis fait les dents sur la
scène comique alternative de la ville,
avant de rentrer à Toronto pour faire
encore plus de stand-up. Au cours de
ces années, j’étais, en toute objectivité,
moi-même. Mais chaque nouvel ami,
connaissance, professeur ou comédien
que je rencontrais ne se liait pas au moi

APRÈS AVOIR OBTENU notre diplôme

du secondaire, j’ai déménagé à
Montréal tandis que Pablo est resté
à Toronto. Il est mort un mois après
mon départ pour l’université. J’ai
entendu mon nom être prononcé
sans le sien pour la première fois,
et je me suis senti seul au monde.
Le et entre nos deux prénoms me L’auteur (à gauche) et Pablo, en 2013.

selection.ca 75
sélection
que je connaissais, la personne qui était
le jumeau de Pablo. Ils ne rencontraient
qu’une ombre de cet homme.
Ce sentiment de préservation de soi
par le détachement émotionnel peut
être familier pour les personnes queers
qui ont caché leur identité dans leur
jeunesse. Nier une part entière de soi
crée parfois un sentiment d’isolement
et d’étouffement, mais cela peut aussi
sembler plus simple.
La mort de Pablo était trop doulou-
reuse pour être évoquée. Lorsque j’en
parlais, je me sentais si vulnérable que
cacher ma peine paraissait être le
choix plus facile.
Chaque fois que je parlais de lui, les
mots sonnaient creux. Je voulais de
nouveaux mots. Je me suis mis à haïr
le jargon typique du deuil. Pablo me
semblait plus grand que tout cela –
c’est encore le cas aujourd’hui. (Sans
vouloir me vanter, c’est probablement
la personne la plus importante de
toute l’histoire de l’humanité à mourir
si jeune.) Désormais, je suis plutôt
désolé pour ceux d’entre vous qui
n’ont pas connu mon jumeau, et je tire
de la joie à exploiter le pouvoir de la
langue pour raconter qui il était.
AUSSI DOULOUREUX que soit le deuil
de la relation que nous avions, et de la
personne que j’étais avec lui, j’ai tou-
jours eu le sentiment qu’avoir eu Pablo
dans ma vie m’avait rendu meilleur.
Sa ressemblance est dans mon ADN.
Quand il se passe quelque chose
76 mars 2023
d’amusant au travail ou sur la scène, je
m’imagine le lui raconter. Je tente de
perpétuer ces conversations invisibles
parce que c’est ce qui me manque le
plus dans le fait d’être un jumeau.
Si je suis convaincu que le deuil, mal-
heureusement, nous vieillit physique-
ment, l’expérience d’une perte dévas-
tatrice nous mûrit aussi mentalement.
Je ne supporte pas le mot « sagesse » –
il devrait être réservé aux mages et
aux bibliothécaires. Mais c’est vrai. J’ai
gagné en sagesse grâce à Pablo.
À certains moments, je rêve d’être
une personne brisée, mais lucide,
capable de dévoiler ses traumatismes
avec éloquence lors d’une soirée, bou-
leversant tous les convives au point
de récolter des applaudissements. En
essuyant une larme au coin de son œil,
l’hôtesse déclarerait : « Ben, tu es telle-
ment courageux et intelligent. » Mais
je sais que ce n’est pas le dénouement
dont j’ai réellement besoin.
Je ne pense pas me sentir un jour
« en paix » avec la perte de Pablo, ou
prêt à tourner la page. Je ne com-
prends pas, et ne comprendrai jamais,
pourquoi il est mort si jeune. Mais cela
devient plus facile avec le temps, et ma
relation avec Pablo, comme toute rela-
tion, change avec moi. Je continue de
mûrir et d’apprendre, et je trouve du
réconfort dans le fait de pouvoir évo-
luer à travers les yeux de Pablo.
© 2021, BEN SOSA WRIGHT. EXTRAIT DE « MY TWIN
DIED WHEN WE WERE 18. I’M FINALLY FINDING THE
WORDS TO TALK ABOUT HIM ». XTRA (11 MAI 2021),
XTRAMAGAZINE.COM
 J’ai mis le vieux réfrigé-
LE MOT POUR RIRE rateur sur le trottoir,
avec une pancarte :
« Gratuit. Prenez-le si
vous le voulez. »
Après trois jours,
comme il était toujours
là, j’ai changé la
pancarte pour « Frigo :
50 $ ». Le lendemain,
quelqu’un l’avait volé.
— GCFL.NET

Je faisais une partie

d’échecs avec mon ami
lorsqu’il a déclaré : « Et
si nous rendions cela
plus intéressant ? »
Alors nous avons arrêté
de jouer aux échecs.
— CHESS.COM

Les jeunes pensent

Retour à la terre qu’ils savent tout, les
vieux pensent qu’ils
Lauren est au lit un soir s’arrêter d’un coup et savent tout, mais il
lorsqu’elle sent la main de se retirer. Ravie de existe un point idéal
AVEC LA PERMISSION DE MATTHEW ANDERS

de son mari caresser sa ces attentions inatten- juste au milieu où l’on

nuque. Puis sa main dues, Lauren murmure : sait qu’on ne sait rien.
glisse le long de son « Chéri, c’était très — @CROCKETTFORREAL
flanc pour s’arrêter au agréable. Pourquoi
genou, car il ne peut as-tu arrêté ?
Envoyez-nous vos blagues!
pas tendre le bras plus — J’ai retrouvé la
Vous pourriez gagner
loin. Il se rapproche télécommande », a-t-il 50 $ et être publié dans le
ensuite d’elle et répète répondu. magazine. Voir page 5 ou
ce mouvement sur — PALM BEACH FLORIDA sur selection.ca/anecdotes
l’autre flanc, avant de WEEKLY pour plus de détails.

selection.ca 77
 DOCUMENT SPÉCIAL

Ne pouvant guérir notre père,

nous avons cherché une autre mission

Il y avait une invasion chez mes parents. Le léger frémissement

commençait dans les coins au coucher du soleil puis s’intensifiait
jusqu’à ce que l’air vibre dans le séjour. « Quel fléau ! » hurlait mon
père en battant l’air pour chasser les mites depuis son fauteuil à
dossier inclinable. Elles créaient un flou pixélisé sur l’écran du télé-
viseur et transformaient la lampe de lecture derrière sa tête en
stroboscope. Je les écrasais entre mes mains et les réduisais en
poudre en un tour de magie. Mais rien à faire, elles revenaient.

78 mars 2023
sélection
sélection
C’était en novembre 2015,  et ma
grossesse commençait doucement à se
voir. Mes voyages de Toronto à Ottawa,
où vivaient mes parents, se faisaient
plus rares. Deux ans plus tôt, on avait
diagnostiqué un cancer du poumon à
mon père et les médecins lui avaient
donné de six à neuf mois. Dans l’espoir
d’améliorer son pronostic, il avait
accepté une radiothérapie des pou-
mons et du cerveau, et une chimio.
J’essayais de venir le voir au moins une
fois par mois, mais dans mon état, et
avec tous mes rendez-vous, c’était plus
difficile. Comme les médecins lui inter-
disaient de conduire en raison de ses
métastases au cerveau, dès mon arri-
vée, je me transformais en chauffeur
pour ses rendez-vous. Mais l’essentiel
de notre temps se passait à la maison.
Les papillons étaient comme nous
attirés par le séjour, l’énorme téléviseur
faisant office de fanal. Pour mon père,
la télé était une présence et il l’allumait
comme d’autres la radio. Depuis son
diagnostic, il regardait n’importe quoi.
Dans les émissions de téléréalité, qui
avaient remplacé les films, on évoquait
parfois sans prévenir des maladies mor-
telles. Dès qu’il était question de cancer,
on se tortillait jusqu’à ce qu’on trouve
un prétexte pour changer de chaîne.
Mais « regarder » n’est peut-être pas
le bon mot pour décrire ce que faisait
mon père – il fixait le vide ou un point
dans le jardin, de l’autre côté de la
fenêtre, en jouant avec ses cheveux,
pendant que le téléviseur continuait à
80 mars 2023
radoter comme un voisin bavard.
Quand on évoquait l’idée que la médi-
tation pouvait l’aider, il répondait
systématiquement : « Je médite. » Et je
savais que c’était ce qu’il voulait dire.
Je n’arrivais à tirer rien de bon de
mes visites : je tentais d’engager des
conversations que mon père évitait
(par exemple, ne pouvait-il pas se
montrer plus patient avec ma mère
toujours au bord des larmes ?) ou je
suggérais des sorties pour lesquelles il
était trop épuisé. Je le réprimandais sur
sa consommation de sucre et lui pré-
parais des smoothies verts qu’il jugeait
franchement dégoûtants.
Avec les mites, en revanche, je sen-
tais que j’aurais plus de succès. Que je
pouvais faire quelque chose.
Cela paraissait simple en effet. Il suf-
fisait de trouver la réserve de nourriture
des insectes et de la détruire. Mon plus
jeune frère, Max, qui vivait au Japon,
était alors de passage chez mes parents.
Il m’a aidée à vider la cuisine.
« Bon Dieu, maman ! Tu as ça depuis
combien de temps ? » a-t-il demandé
devant l’amoncellement de restants de
sacs de riz sur le comptoir. Avant qu’on
ne lui retire son permis, mon père avait
l’habitude de s’arrêter au supermarché
en rentrant du travail ; il achetait les
ingrédients pour je ne sais quelle
recette qu’il avait en tête et ne se
débarrassait jamais du surplus. Faire un
sandwich chez mes parents exigeait de
longues séances de fouilles parmi des
pots à moitié vides ou périmés.
 Sur le sac au-dessus de la pile, on
lisait « À consommer avant 2012 ». À
travers le plastique, les grains de riz
semblaient retenus par de longs fila-
ments. Dans le garde-manger, les
paquets entamés de farine d’amandes
et de pois chiches témoignaient de la
période sans gluten de mes parents
quelques années plus tôt.
LE NETTOYAGE DE LA
CUISINE ÉTAIT RESTÉ
SANS EFFET NOTABLE
SUR LA POPULATION
DE MITES.
« Jette tout », a lancé ma mère en fai-
sant un mouvement de la main vers le
garde-manger, tout en laissant tomber
dans la poubelle les boîtes de conserve
cabossées. Nous avons passé l’aspira-
teur partout et bien essuyé pour faire
briller. Il n’est resté que les godets de
pouding au riz de mon père et les bois-
sons protéinées qu’on lui recomman-
dait de boire pendant la chimio. Une
mite n’avait désormais aucune chance
de survie dans ce désert.
JE TENTAIS À L’OCCASION d’éteindre la
télé pour engager une conversation
qu’il m’apparaissait important d’avoir
avec mon père. Mais il ne voulait pas
parler. Il préférait la rumeur sans exi-
gences de l’appareil.
La télévision était de nouveau source
de frustrations. Quelques années avant
que la maladie ne se déclare, mon père
avait fait installer un grand écran plat
au mur, branché à un réseau de fils
reliés au récepteur et au système audio
planqués dans ce qui avait déjà été une
« armoire à jouets ». L’équipement qui
se cachait là me rappelait les premiers
ordinateurs et leur empilement impo-
sant de boîtes noires avec des lumières,
des boutons et des fils dont personne ne
connaissait l’usage et que tout le monde
préférait éviter. Quand il y avait un pro-
blème, ce qui arrivait souvent (il fallait
quatre télécommandes pour que tout
s’allume), mes parents appelaient Rus-
sell, l’installateur. Mais Russell, qui avait
des jumeaux depuis peu, n’arrêtait pas
de se défiler. « Dix mille dollars et cette
fichue télé ne s’allume même pas », se
plaignait mon père en appuyant sur les
boutons d’une main et en chassant les
mites de l’autre.
Le nettoyage de la cuisine étant resté
sans effet notable sur la population de
mites, nous avons supposé qu’on avait
plutôt affaire à des mites des vêtements,
bien plus pernicieuses. Je savais à quoi
ressemblent leurs œufs. À 13 ans, au
camp pendant les vacances, j’avais
réquisitionné une vieille chemise de
travail boutonnée de mon père pour
l’atelier d’arts plastiques. En voulant
l’enfiler un jour, j’ai vu une tache, en
réalité un amas d’œufs blancs minus-
cules brodant avec précision des petites
perles dans le tissu. Prise d’un haut-le-
selection.ca 81
sélection
cœur, j’avais planqué la chemise der-
rière une boîte remplie de fournitures
artistiques où elle était restée tout l’été.
À la maison, je n’ai trouvé nulle trace
des trous caractéristiques sur les vête-
ments. Je suis quand même partie à
l’assaut de la chambre de mes parents.
Le mal pouvait se loger quelque part
en silence pendant des mois, voire des
années, avant de se manifester ailleurs.
J’ai commencé par la penderie et les
tiroirs de ma mère. Rien. J’ai ouvert
celle de mon père et je n’y ai perçu que
le mouvement et le frottement des cra-
vates et des ceintures accrochées au
panneau intérieur de la porte. J’adorais
me cacher là, seule dans le noir avec
l’odeur de sa lotion après-rasage et l’at-
tente délicieuse d’être trouvée. J’ai exa-
miné les chemises de travail qu’il ne
portait plus et ses pulls molletonnés
bien pliés. Pas de mites ni d’œufs.
J’AI PROFITÉ D’UNE JOURNÉE où la télé
refusait de fonctionner pour m’asseoir
avec mon père dans le séjour. Je lui ai
posé des questions sur le sien. Mon
grand-père était resté un mystère ;
j’avais deux ans quand il est mort. Je
savais seulement qu’il avait cessé de
boire après un AVC qui l’avait terrassé
dans la quarantaine.
« Il était ce que l’on pourrait appeler
une personnalité cardiaque, a dit mon
père pour satisfaire ma curiosité. Tou-
jours inquiet et faisant des histoires
pour ses roses, sa collection de timbres,
ses pièces de monnaie.
82 mars 2023
— Il n’est pas le seul, ai-je plai-
santé. (Il n’a pas relevé.)
— Il ne s’est jamais entendu avec
ton oncle, et ta grand-mère lui repro-
chait que Derek ait quitté la maison
trop tôt. Mais c’était un bon père. Il me
défendait toujours. »
Quelques heures plus tard, le télévi-
seur a fini par obéir à nos commandes.
Puis, comme ça, les yeux toujours bra-
qués sur l’écran, il a dit: «Ce que je n’ou-
blierai jamais, c’est la manière dont
mon père me nettoyait les oreilles.
— Ah bon ? ai-je rigolé, étonnée. Tu
veux dire, avec un coton-tige ? Tous les
jours ? J’essayais de limiter mes ques-
tions, comme avec un cheval nerveux
qu’il ne faut pas effrayer.
— Non, tous les deux mois. Ou
semaines. Oui, des cotons-tiges. C’était
notre moment d’intimité ; mon temps
privilégié avec mon père. »
J’ai continué à rire, mais l’image m’a
paru déchirante. Je les imaginais dans
les années 1950, dans la cuisine jaune
de ma grand-mère, un petit garçon
maigrichon avec sa houppe sur la tête,
assis sur un tabouret devant mon mys-
térieux grand-père vêtu pour je ne sais
quelle raison de son uniforme de l’ar-
mée de l’air comme sur les photos
anciennes. Un tableau de Norman
Rockwell : Père et fils avec coton-tige.
Mon père, les jambes pendantes, cher-
chant les mots justes pour s’adresser à
son père distrait, inquiet.
J’aurais aimé en savoir plus, mais il
avait fini. Nous avons regardé la télé.
sélection
CE MÊME MOIS DE JANVIER, mon père
a été hospitalisé pour une craniecto-
mie. Il s’agissait de retirer des tissus
morts dans le lobe temporal droit, un
effet secondaire de la radiochirurgie.
Aucun de ses traitements ne promet-
tait la guérison, juste un peu de temps.
Mon père voulait voir le bébé.
La nouvelle cicatrice avait la forme
arrondie d’une faucille, et mon père
disait en plaisantant que sa tête res-
semblait à une balle de baseball. Pen-
dant qu’il se reposait devant la télé, le
chien sur les genoux, je poursuivais
avec mon frère la chasse aux mites.
Max et moi avons ouvert des pla-
cards inutilisés, passé les tiroirs au
peigne fin. Ça faisait du bien de s’acti-
ver, même si n’était que pour jeter.
Mes parents étaient des thésauriseurs
discrets, la maison étant assez grande
pour que l’élagage soit indéfiniment
reporté. J’ai trouvé les patins que je
portais à sept ans, toutes mes œuvres
d’art de l’école, des boîtes remplies de
lunettes des années 1980, de vieux
Game Boy. Quantité de piles usées et
de pots de peinture.
« J’ai trouvé ! » ai-je hurlé du haut de
l’escalier quand, dans la buanderie, je
suis tombée sur un sac de croquettes
pour chiens déchiré. Je ne voyais
toujours pas de mites, mais je ne
m’avouais pas vaincue. J’ai jeté le sac
et je l’ai remplacé par un grand réci-
pient. « Assure-toi de bien le fermer »,
ai-je insisté auprès de ma mère,
comme si je m’adressais à une enfant.
84 mars 2023
NOUS NOUS SOMMES RASSURÉS un cer-
tain temps en nous persuadant que les
mites avaient simplement retardé un
peu leur reflux. Mais rapidement il a
fallu admettre que rien n’avait changé.
J’injuriais les envahisseurs en les écra-
sant sauvagement, laissant des taches
poudreuses brunes sur les murs.
« C’est un fléau ! »
GONFLÉ PAR LES
STÉROÏDES, LE
VENTRE DE MON PÈRE
RESSEMBLAIT DE PLUS
EN PLUS AU MIEN.
Dans la Bible, Dieu envoie des sau-
terelles, pas des mites. Je croyais me
souvenir qu’il y est fait aussi référence
aux teignes, presque toujours pour
suggérer le déclin et la destruction,
ceux des biens terrestres ou de nos
dépouilles. « Quand mon corps tombe
en pourriture, comme un vêtement
que dévore la teigne », se plaint Job.
Mon père s’était tourné vers Dieu
et, un matin, au déjeuner, il nous a
annoncé à ma mère et moi, qu’il envi-
sageait de se faire baptiser. La famille
n’était pas religieuse. Celle de mon
père était agnostique. Que voulait-il
dire maintenant ? J’avais du mal à ima-
giner ce grand sceptique s’immer-
geant volontairement dans une eau
magique.
 « Aucun Dieu auquel je pourrais
croire ne prête attention à ce genre de
propos », a dit ma mère, quelque peu
drapée dans son catholicisme non pra-
tiquant. Elle avait été baptisée, confir-
mée, et tout et tout.
Songeur, mon père continuait à mas-
tiquer en regardant par la fenêtre der-
rière elle. « Eh bien, qui sait ? a-t-il fini
par dire. Il faut bien assurer ses arrières.»
Ce genre de conversation était ce qui
s’approchait le plus d’une réflexion sur
la mort. Tacitement, nous avions con–
venu de ne pas parler directement de
choses contrariantes avec notre père,
mais même sans lui, nous évoquions
rarement la réalité de l’échéance.
Comme si le stade 4 n’était pas le der-
nier. Comme si « palliatif » ne signifiait
que le soulagement de la douleur.
Aborder la mort n’était autorisé qu’à
travers les échanges contraints que
mon père essayait d’avoir avec nous
sur les finances, ou le rire de soulage-
ment de ma mère rapportant les pro-
pos de l’oncologue. « Vous pouvez
encore acheter vos bananes vertes »,
avait-il dit, comme s’il s’agissait de
paroles incroyablement encoura-
geantes, comme si on ignorait que les
bananes mûrissent en quelques jours.
CE MÊME MOIS de février, lors d’un
séjour à Ottawa avec Marc, mon mari,
nous avons regardé un polar britan-
nique avec mon père qui gardait les
deux télécommandes sur le bras du
fauteuil. Ma mère s’était opposée à la
désinsectisation quand le technicien
avait expliqué qu’il aspergerait la mai-
son de produits chimiques. Aussi, dans
le séjour, toutes les surfaces disponi–
bles étaient maintenant recouvertes de
pièges à mites dont la partie collante
retenait les cadavres. Nous faisions
comme si nous avions la situation bien
en main alors que la source du pro-
blème restait inconnue.
Gonflé par les stéroïdes, le ventre de
mon père ressemblait de plus en plus
au mien. Ce jour-là, nous avons pris
une photo de nous deux assis dans le
canapé, chacun avec un ballon de
basket sous le tee-shirt. Comme j’avais
mal au dos d’avoir roulé des heures, j’ai
pensé aux bouillottes sèches que ma
mère glissait parfois sous sa nuque,
celles qui étaient remplies d’avoine.
J’ai bondi du canapé. Ma mère était
assise dans la salle à manger, l’ordina-
teur ouvert sur sa page Facebook, un
verre de vin posé sur la table. « Tu as
encore ta bouillotte à graines ?
— Regarde près de la cafetière », dit-
elle en levant les yeux.
Le sac était dans le placard. Je l’ai
saisi en espérant un mouvement, une
palpitation, un peu de céréales sortant
d’un trou révélateur. Mais non, rien.
Max était revenu du Japon aider
papa après sa craniectomie. « Nous
avons cherché partout », a-t-il avoué
un soir. Il avait les yeux rouges et
quand, brusquement, il a passé la
main dans ses cheveux, j’ai vu qu’il
avait quelques fils gris.
selection.ca 85
sélection
« Et si elles étaient dans une cloi-
son ? » J’avais lu que des gens démon-
taient leur intérieur à la recherche de
la source ; sur YouTube, des vidéos en
montraient d’autres à moitié fous,
décrivant des invasions qui avaient
commencé dans la cuisine avant de se
répandre dans toute la maison. Les
murs du salon semblaient bruire d’une
énergie malveillante. Une femelle
n’aurait pas de mal à se glisser dans
une fissure minuscule pour pondre
300  œufs microscopiques. Il serait
impossible de tout éradiquer.
Pendant que nous réfléchissions à la
possibilité d’envoyer une caméra ou un
endoscope médical par un trou dans la
cloison, j’ai senti quelque chose de dur,
un coude ou un pied, pousser contre
mon abdomen et se retourner. Plus tôt
cette semaine-là, j’avais passé une écho-
graphie et, après un long silence quasi
hostile, la technicienne qui prenait les
mesures avait tourné l’écran vers moi.
J’y avais vu un visage, de grands yeux
fixes, une main minuscule posée sur
le côté, comme quelqu’un qui aurait
regardé derrière une vitre d’auto.
J’AI REÇU EN MARS un appel de ma
mère. Après avoir dit pendant deux
semaines que tout allait bien, elle
reconnaissait que la situation s’aggra-
vait. Mon père se remettait d’une nou-
velle séance de radiochirurgie et ne
pouvait rester seul en raison du risque
de convulsions. Mais il refusait catégo-
riquement que ma mère engage une
86 mars 2023
aide. Elle était épuisée, et Max, qui
était installé chez eux, devait travailler.
Quand il ne regardait pas la télé, mon
père ne voulait faire qu’une chose : la
liste de ce qu’il fallait réparer, acheter
ou organiser. Il continuait à vouloir tout
faire lui-même et s’était même fâché
lors de mon dernier séjour quand je
l’avais «embêté» après l’avoir vu convul-
ser en essayant d’allumer une bûche à
allumage instantané dans la cheminée.
JE PRÉPARAIS LA
CHAMBRE DU BÉBÉ,
MAIS JE RESTAIS
OBSÉDÉE PAR
LES MITES.
« Tu as failli mettre le feu à tes vête-
ments ! » l’avais-je grondé, incapable
de retenir mon mécontentement.
« Avec toi et ta mère, c’est toujours le
drame », avait-il répondu. Après avoir
balayé sa manche carbonisée, il avait
regagné son fauteuil et la télé.
Il était de retour à l’hôpital à la fin
du mois, avec des complications,
notamment un œdème cérébral situé
dans le lobe frontal. La maladie et les
traitements l’avaient fragilisé et il était
exclu qu’il retourne à la maison. Il a dû
être maîtrisé quand on lui a annoncé
qu’il ne pourrait pas sortir.
S’il n’y avait personne avec lui, il
appelait ma mère sans interruption,
nous allions donc lui rendre visite à
tour de rôle. Un jour, je l’ai trouvé assis
dans son fauteuil devant son plateau
de déjeuner. Comme d’habitude, il m’a
accueillie en demandant :
« Où est maman ? »
Je lui ai donné les clémentines
apportées de la maison et me suis
assise sur l’autre chaise. Je lui ai expli-
qué que nous avions de nouveau
nettoyé la cuisine et le garde-manger
la veille pour nous débarrasser des
mites avant son retour.
« Bien. Et je sors quand ?
— Je ne sais pas, papa. »
Pour le distraire, je lui ai demandé
de me suggérer des noms pour le bébé.
Il n’a pas répondu. Après un instant, il
a lancé : « As-tu hâte que ta fille ait cet
âge ? » Il gardait les yeux baissés.
Je ne savais que répondre. J’y voyais
de nouveau une petite ouverture, une
chance que j’allais devoir saisir. « Tu
parles de mon âge ou du tien ? » Il n’a
pas répondu. « À quelle heure est ton
train ? a-t-il plutôt demandé.
— Pas avant quelques heures, ai-je
répondu, découragée.
— Eh bien, il ne faut pas le rater »,
a-t-il ajouté en fuyant mon regard.
FIN AVRIL, L’HÔPITAL se préparait à lui
donner la permission de sortir. Il avait
refusé les soins palliatifs et voulait ren-
trer à la maison. Il avait besoin de repos,
insistait-il, pour reprendre des forces.
J’étais au troisième trimestre de ma
grossesse et un problème de placenta
m’imposait de passer un scanner toutes
les semaines. Il m’était difficile d’aller à
Ottawa aussi souvent qu’avant. J’aidais
ma mère à organiser les soins palliatifs
à domicile tout en préparant la chambre
du bébé, mais je restais obsédée par
les mites. Mon frère a envoyé un texto
annonçant qu’il y en avait toujours
dans le salon, qu’on avait vidé de ses
meubles à l’exception de la télé, d’un
fauteuil, du lit d’hôpital et du système
de levage que nous avions loués.
J’ai relu tous les articles sur les inva-
sions de mites, puis il m’est venu une
idée. Vérifier les sources de nourriture
improbables qui se trouvent ailleurs
que dans la cuisine (la nourriture pour
chiens, par exemple, ou les mangeoires
pour les oiseaux). Je revoyais mon père
observant les oiseaux par la fenêtre au
printemps dernier, et qui remplissait
avec zèle les mangeoires disposées
dans le jardin à l’arrière de la maison.
J’ai écrit à mon frère. « Où range-t-il
les graines pour les oiseaux ? »
Max a cherché un moment, puis
a fini par regarder dans l’armoire à
jouets. Elle était là, coincée sous l’éta-
gère qui portait les appareils pour la
télévision, une grande boîte en fer de
la taille d’une petite poubelle, avec un
couvercle cabossé qui fermait mal. Je
n’y étais pas quand mon frère l’a
ouverte, mais je peux facilement ima-
giner le battement des ailes brunes, la
délivrance, la bénédiction.
© 2021, MORGAN CHARLES. TIRÉ DE « PLAGUED » THE
FIDDLEHEAD (AUTOMNE 2020), THEFIDDLEHEAD.CA
selection.ca 87
 LES AGNEAUX DE L’AUBE

LE CLUB
de Steve Laflamme
(32,95 $, LIBRE EXPRESSION)

DUsélection
LIVRE
Chaque mois, nous vous
recommandons une œuvre
littéraire et vous invitons à
la lire et à la commenter.
PAR Sonia Sarfati
de quoi ça parle : Cela commence par
une mort très violente. Une mort qui,
mise dans le contexte d’autres meurtres
du genre, possède un caractère rituel.
Voici pourquoi le lieutenant-détective
Guillaume Volta, chargé de l’enquête,
va faire appel à Frédérique Santinelli.
Professeure de littérature qui a déjà
donné un coup de pouce aux forces
policières, cette dernière possède toutes
les connaissances nécessaires pour
décrypter une lettre laissée par l’une
des victimes de cette « série » d’homi-
cides hors normes, possiblement ins-
pirée par l’œuvre d’un homme de
lettres ayant été membre de l’Ordre
hermétique de l’Aube dorée.
Sauf qu’en plongeant dans ces eaux
troubles, la jeune femme va éveiller ses
propres démons. Ceux, cachés loin en
elle, dont elle sait la présence mais
ignore la nature : avec son accord, elle
a autrefois subi un traitement qui lui a
fait oublier les 18 premières années de
sa vie et les raisons qui l’ont poussée
à vouloir s’enlever la vie. Les traumas
étaient tels qu’il en allait de sa santé
mentale. Lui a-t-on dit. Mais soudain,
les doutes pointent. Le désir de savoir
aussi. La jeune femme se retrouve à
marcher ainsi dans une nuit sans
étoile ni lune, à la recherche de la
lumière. Ou d’un trou noir. Au risque
de se perdre pour mieux se trouver.

88 mars 2023

pourquoi vous aimerez ça : Avec ses
chapitres courts et son intrigue qui se
pose ici sur Da Vinci Code de Dan
Brown et là, sur Le silence des agneaux
de Thomas Harris, Les Agneaux de
l’Aube est un roman qui se déploie sur
un rythme haletant et qui, malgré sa
violence graphique, se lit avec les yeux
grands ouverts non seulement sur les
pages mais, aussi, sur l’écran. Impos-
sible en effet de ne pas succomber à
la tentation de faire des recherches :
l’Ordre hermétique de l’Aube dorée est-
elle réalité ou fiction? Et ces hommes et
femmes de lettres célèbres en ont-ils
vraiment fait partie ? À l’arrivée, des
informations absolument fascinantes.
Et puis, il y a ces personnages créés
par une plume précise qui ne craint
pas de plonger dans l’imperfection des
hommes et des femmes. Frédérique
Santinelli, qui essaie d’avancer en traî-
nant son passé. Guillaume Volta qui
voudrait bien mais ne parvient pas,
une fois au boulot, à faire abstraction
de sa vie personnelle.
qui l’a écrit : Quand il écrit, Steve
Laflamme privilégie le côté sombre de
l’humain, donnant ainsi dans le polar
et l’horreur. Quand il enseigne, Steve
Laflamme opte pour le côté sombre de
la littérature, laissant une bonne place
aux romans policiers dans son corpus.
Son enquêteur Xavier Martel a ren-
contré Frédérique Santinelli dans
Sans la peau. Joie : il la place ici sous
les projecteurs.
sélection
EXTRAIT
La femme à l’écran (...) éternuait et
portait un mouchoir à son nez plus
souvent qu’elle ne parlait. Au moins, le
rendez-vous en ligne permettait à
Frédérique de voir sa bouche, un luxe de
plus en plus rare depuis un an et demi.
— Si je comprends bien, finit par dire
son interlocutrice virtuelle, vous avez
une mémoire à tout casser.
— Je dirais une mémoire artificielle,
rectifia Frédérique. (...) Je n’ai aucun
souvenir d’avant mes dix-huit ans.
— Vraiment ?
— J’ai vécu... un événement traumati-
sant qui m’a apparemment menée à l’hô-
pital pour un séjour de plusieurs mois. Du
moins, c’est ce qu’on m’a appris, puisque
je n’en ai gardé aucun souvenir. Quand je
suis devenue majeure, on m’a, semble-
t-il, convaincue qu’il valait mieux effacer
mes dix-huit premières années. (…)
— Comment peut-on faire ça ? (...)
— On m’a administré un inhibiteur de
la protéine kinase. C’était un traitement
expérimental visant les victimes de
syndrome de stress post-traumatique.
Santinelli se demanda si la question
ciblait les enjeux éthiques d’une telle
entreprise ou si elle en visait l’aspect
technique. Elle choisit la plus simple
des deux options.
(p. 13 à 15)
VENEZ NOUS PARLER
Rendez-vous sur notre groupe Facebook,
Le club du livre Sélection, pour discuter
des Agneaux de l’Aube avec les membres
de notre club de lecture.
selection.ca 89
sélection

REMUE-MÉNINGES

Labyrinthe en noir et blanc

Facile Dans ce labyrinthe, démarrez sur le carré noir dans le coin supérieur gauche
et terminez sur celui du coin inférieur droit selon les règles suivantes :

1. Déplacez-vous de case adjacente

en case adjacente vers le haut,
le bas ou sur le côté, mais jamais en
diagonale.
2. La case sur laquelle vous vous
déplacez doit contenir la même

(LABYRINTHE EN NOIR ET BLANC) FRASER SIMPSON ; (FAITES LE CALCUL) MARCEL DANESI

forme (carré ou cercle), la même
couleur (noir ou blanc) ou la même
forme et la même couleur que celle
sur laquelle vous vous trouvez. Par
exemple : si vous êtes sur un cercle
blanc, vous pouvez vous déplacer
sur une case adjacente contenant un
cercle blanc, un cercle noir ou un
carré blanc.
Saurez-vous arriver à destination ?

Faites le calcul
Difficile Utilisez cinq symboles mathématiques (+, -, x, ÷ et √) pour compléter
l’équation. N’utilisez chaque symbole qu’une seule fois. Ne tenez pas compte de
l’ordre standard des opérations.

? 25 ? 5 ? 9 ? 32 ? 8 = 4
90 mars 2023
 Joyeux campeurs
Facile Les excursions de
camping en famille sont
souvent l’occasion de se
jouer des tours, et cette
année, c’est vous le din- Il n’est pas dans Il n’est pas dans la
don de la farce. Votre cette tente. tente bleue.
famille a caché votre sac
dans l’une de ces quatre
tentes. Devant chacune
d’elles, ils ont placé un
écriteau, mais un seul dit
( JOYEUX CAMPEURS) EMILY GOODMAN ; (LA ROUE DE LA FORTUNE) SUE DOHRIN ; (SYMBOLISME) MARCEL DANESI

la vérité. Lequel ? Et où se
trouve donc votre sac ?
Il est dans la tente Il n’est pas dans
jaune. cette tente.

La roue de la fortune Symbolisme

Modérément difficile Vous devez Difficile Quel symbole (A, B, C ou D)
parier 10 $ pour faire tourner la roue, manque dans la grille ci-dessous ?
et si la roue tombe sur la couleur que
vous avez choisie, vous gagnez 10 $
multipliés par le nombre indiqué. Si
vous pariez toujours sur le vert et que
votre ami parie toujours sur le rouge,
qui aura le plus de chances d’obtenir
un meilleur profit après avoir tourné la
roue six fois ?
?
x10 x4

x3 x3

x3 x4 A B C D

Voir réponses à la PAGE 92.

selection.ca 91
sélection

RÉPONSES
SUDOKU REMUE-MÉNINGES

PAR Jeff Widderich DE L A PAGE 90

Labyrinthe en noir et blanc

6 5 7
9 7
5 1 3 9
9 4 1
6 5
Faites le calcul
5 7 8 √25 + 5 - 9 x 32 ÷ 8 = 4 ou
3 6 2 7 √25 - 5 x 9 + 32 ÷ 8 = 4

7 9 Joyeux campeurs
L’écriteau devant la tente rouge
7 2 4 étant le seul qui peut être vrai
sans créer de contradictions, le
sac est donc dans la tente bleue.
Comment jouer…
La roue de la fortune
Placez un chiffre de 1 à 9 dans Votre ami pourrait s’attendre à
chaque case comme suit : gagner 100 $ après avoir fait
tourner la roue six fois, et vous
)chaque ligne et SOLUTION seulement 90 $.
chaque colonne 3 9 1 6 4 5 2 7 8
doivent contenir tous 6 8 2 9 3 7 4 1 5 Symbolisme
les chiffres de 1 à 9 4 5 7 8 1 2 9 6 3 A. Les symboles de la ligne du
une seule fois ; 8 6 3 4 9 1 7 5 2 haut sont placés dans l’ordre
7 2 9 5 8 6 1 3 4 inverse de ceux de la ligne du
)dans chacun des 5 1 4 2 7 3 6 8 9 bas ; ceux de la deuxième ligne
carrés, les chiffres
9 3 6 1 2 8 5 4 7
en haut sont placés dans l’ordre
1 4 8 7 5 9 3 2 6
de 1 à 9 ne doivent 2 7 5 3 6 4 8 9 1 inverse de ceux de l’avant-
figurer qu’une fois. dernière ligne, et ainsi de suite.

92 mars 2023
 chien. B : articulation du
PRIS AU MOT membre postérieur des
quadrupèdes. C : lait très
riche en protéines.

Vos animaux de compagnie vous apportent 10. abajoue — poche

d’étonnants bienfaits (p.56), mais connaissez- extensible chez A : le
singe ; B : le lézard ; C : le
vous leurs particularités morphologiques ?
hamster.
Les mots suivants vous en feront découvrir
certaines facettes moins connues. 11. bringé — A : marqué
de bandes verticales
foncées. B : ayant des
PAR Louise Nadeau
maxillaires proéminents.
C : au ventre creusé
1. vibrisses — A : yeux sauvage ; B : dépourvu de comme celui d’un lévrier.
de couleurs différentes. queue ; C : au miaulement
B : plumes de la rauque et bruyant. 12. fanon — A : fourrure
queue des oiseaux. fournie autour du cou.
C : moustaches du chat. 6. décubitus — A : posi- B : mesure entre deux
tion couchée du chien. ailes déployées. C : peau
2. eumétrique — chien B : malformation. C : posi- pendante.
de format A : petit ; tion des membres d’un
B : moyen ; C : grand. animal par rapport au sol. Ils ont du chien !
Parmi le beagle, le
3. opercule — 7. phanère — A : côté chihuahua, le bichon
A : nageoire stabilisatrice. de la tête d’un oiseau. maltais, le corgi et le
B : clapet recouvrant les B : toute formation border collie, lequel est :
branchies. C : nageoire de épidermique apparente.
propulsion à deux lobes. C : petite plume du duvet. 1. le plus ancien chien
de salon
2. le préféré de la royauté
4. dossière — partie 8. crantage — A : frisure britannique
A : dorsale de la carapace du pelage. B : sous-poil 3. le plus petit des chiens
de la tortue ; B : centrale ; court et laineux. C : tonte courants
C : ventrale. en mouton du caniche. 4. le plus prisé par les
agriculteurs
5. haret — chat 9. grasset — A : coussinet 5. le fier représentant
A : domestique redevenu épais et élastique chez le d’un État mexicain

selection.ca 93
sélection
PRIS AU MOT
RÉPONSES
1. vibrisses : C. Longs
poils tactiles extrêmement
sensibles situés sur le
museau de certains mam-
mifères, notamment le
chat et le rat. Yeux vairons
(A) et plumes rectrices (B).
2. eumétrique : B. Se
dit d’un animal de type
moyen en termes de
format et de proportions.
3. opercule : B. Du latin
operculum, couvercle.
Ensemble des pièces
osseuses protégeant les
fentes des branchies chez
certains poissons.
4. dossière :
A. Revêtement osseux
bombé et arrondi proté-
geant le dos de la tortue
et relié au plastron (C).
5. haret : A. Synonyme :
chat féral. Retourné à
ORGANE DE JACOBSON Organe olfactif permettant
de détecter les phéromones, que l’on retrouve chez
les amphibiens et les reptiles mais aussi chez les
chiens et les chats.
94 mars 2023
l’état sauvage, il vit de
gibier. Siamois (C).
6. décubitus :
A. Attitude du corps
reposant à l’horizontale.
Décubitus dorsal, ventral
ou latéral. Aplomb (C).
7. phanère : B. Du grec
phaneros, apparent.
Exemples de phanères
chez l’animal : écailles,
griffes, sabots, cornes,
poils et plumes ; chez l’hu-
main : ongles et cheveux.
8. crantage : A. Ondu-
lation du poil chez
certaines races de chats
et de chiens. Bourre (B).
9. grasset : B. Région du
membre postérieur du
chien, du cheval ou du
bœuf située à la limite de
la cuisse et de la jambe,
comprenant la rotule et
les parties molles environ-
nantes. Le mot latin colos-
trum (C) signifie « premier
lait des mammifères ».
10. abajoue : A et
C. Poche située à l’inté-
rieur des joues chez
certains mammifères
(singes, rongeurs)
servant essentiellement
de réserve à aliments.
Les abajoues du hamster.
11. bringé : A. Se dit
du pelage d’un chien
ou de la robe d’un
bovin présentant des
bringeures. Prognathe
(B) et levretté (C).
12. fanon : C. Repli
cutané sous le cou des
bœufs, des dindons et
de certains reptiles
comme l’iguane… et
même chez une
personne maigre ou
âgée ! Chez le lapin,
cette peau pendante est
parfois aussi appelée
« double menton ».
Collerette ou jabot (A)
chez le chat et le chien.
Qualité du vocabulaire
5-6 : bon 7-9 : très bon
10-12 : excellent
Ils ont du chien !
1. bichon maltais 2. corgi
3. beagle 4. border collie
5. chihuahua
 U
N TAS D’IDÉES toutes faites cir-
SÉLECTION.CA culent au sujet de l’heure d’été.
On connaît par exemple cette
rumeur voulant que Benjamin Fran-
klin ait instauré ce changement. Ce
n’est pas tout à fait vrai, mais s’il ne l’a
pas inventée, on doit bien admettre
qu’il fut l’un des premiers à en vanter
les mérites. Bien qu’il ne fasse pas
l’unanimité aujourd’hui, plusieurs rai-
sons justifient le changement d’heure,
qui fut adopté massivement lors de la
Première Guerre mondiale. On trou-
vait, entre autres avantages, que c’était
un bon moyen d’économiser de l’éner-
gie pour chauffer les maisons. Mais ce
qui était bon à l’époque ne l’est plus
autant aujourd’hui, car notre mode de
vie a changé.
Faut-il pour autant renoncer à l’heure
d’été ? La question reste en suspens et,
pour vous amuser, nous vous propo-
Rendez-vous sur sons un article qui fait le tour du sujet…
Peu importe que vous soyez d’accord
Sélection.ca : (ou pas) avec ce changement qui nous
perturbe jusque dans notre sommeil !
Tout savoir sur selection.ca/heure

l’heure d’été
ISTOCK.COM/MALERAPASO

Nos idées plein votre

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PAR Nora Merola,
RÉDACTRICE EN CHEF WEB
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sélection

MOT CACHÉ

Thème : Héros de bande dessinée (12 lettres)

PAR Louis-Luc Beaudoin

c a s t a f i or e b e e
o e k u l y k c u l h n g
rn l h a e a c u f a i u
t a l h c l c e i l i p o
or i o v n bh p lm p r
mo b i s e i n a k e i e
am n o r e awl t r r b
l b l r u t nuo e e g r
t o y t n l hro g j a a
e b n a mr e p u s r a b
s l r e hc n am oc a o
e n i s s a c e b n t i l
o i s a t n a f l a s h p
A Agrippine C Calvin H Hulk P Picsou
Castafiore Pif
B Barbe-Rouge J Jeremiah
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Comanche
Bécassine R Rantanplan
Corto Maltese L Largo Winch
Bill
Le Chat S Superman
Blueberry F Fantasio
Lucky Luke
Bob Morane Flash T Tournesol
Boule

Solution : Achille Talon

96 mars 2023