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La question de la formation d'élèves tuteurs :

considérations générales, application au cas des habiletés


motrices
Lucile Lafont, Pierre Ensergueix
Dans Carrefours de l'éducation 2009/1 (n° 27) , pages 37 à 52
Éditions Armand Colin
ISSN 1262-3490
DOI 10.3917/cdle.027.0037
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La question de la formation
n Études et recherches

d’élèves tuteurs :
considérations générales,
application au cas
des habiletés motrices
s Lucile Lafont, Pierre Ensergueix
lucile.lafont@u-bordeaux2.fr

L
’objectif de cette contribution est d’envisager, parmi les
facteurs d’efficacité du tutorat entre élèves, les différentes
formes de préparation d’un élève au rôle de tuteur. Cette
condition d’efficacité est envisagée pour différentes tâches
et/ou disciplines académiques puis dans le cas particulier
des habiletés motrices. Enfin, une expérimentation de
tutorat réciproque en tennis de table illustre nos propos.
Le tutorat entre pairs est un sous ensemble des pratiques
pédagogiques désignées sous le vocable d’apprentissage assisté par les pairs
(Peer-Assisted Learning, PAL, Topping et Ehly, 1998).
L’examen de la littérature met en évidence que des mises en œuvre
variées (dyades, petits groupes de pairs avec ou sans définition de rôles
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particuliers) sont bien souvent incluses dans l’apprentissage assisté par les
pairs. Outre le dispositif générique défini précédemment, classiquement
on distingue, en particulier dans la littérature anglo-saxonne : le tutorat en
classe entière (Class Wide Peer Tutoring CWPT), le tutorat inter-âges (Cross
Age Peer Tutoring), le tutorat réciproque (Reciprocal Peer Tutoring – TRP en
français), les deux derniers dispositifs feront l’objet de présentation au sein
de cette contribution.
Schématiquement, on peut différencier deux grandes catégories de filia-
tions théoriques. D’une part, un nombre important d’études s’inscrivent
dans la lignée des piagétiens et néo-piagétiens ou encore dans la perspec-
tive de Vygotski ; d’autre part, des études nord-américaines se réclament
plutôt de l’apprentissage coopératif et réfléchissent plus en termes de tech-
niques d’intervention au sein des classes visant la réussite du plus grand
nombre. Slavin (1987) soutient l’idée d’une complémentarité entre ces deux
approches, qualifiant la première de développementale et la deuxième de
motivationnelle.

Carrefours de l’éducation • 27 • Janvier-juin 2009  •••••••••••••••


38 Études et recherches

L’approche développementale regroupe les deux perspectives majeures de l’inte-


ractionnisme social. D’une part, l’approche des néo-piagétiens de l’École de Genève
soutient l’idée que la confrontation de points de vue divergents au sein d’une dyade
symétrique conduit à une reconstruction des structures cognitives à un niveau
supérieur, c’est la théorie du conflit sociocognitif. D’autre part, la perspective socio-
constructiviste à la suite de Vygotski puis de Bruner met en exergue les progrès
réalisés au sein de dyades dissymétriques (un partenaire est plus compétent que
l’autre) grâce à l’étayage du tuteur à l’égard des tentatives de résolution de problème
du partenaire le moins avancé (qualifié en général de novice).
Aujourd’hui, une plus grande complexité existe au sein des perspectives : ainsi,
par exemple, l’apprentissage coopératif voisine avec le tutorat réciproque entre
pairs. Par ailleurs, si le tutorat de pairs s’inscrit plutôt dans la lignée des travaux de
Vygotski, le tutorat réciproque occupe une position ambivalente au plan théorique
puisque malgré la symétrie de compétences des deux partenaires, ces derniers
alternent les rôles de tuteur et de tutoré.
Un délinéament émerge aussi entre des études qui examinent l’effet de l’aide d’un
camarade sur le développement cognitif (Tudge, 1992) et des expérimentations
plus strictement centrées sur l’apprentissage de savoirs disciplinaires ([Fantuzzo et
al., 1992 ; Robinson et al. 2005 pour les mathématiques ou encore Topping [1987],
[Topping et Bryce, 2004] pour la lecture). Ces différents dispositifs ont donné lieu
à des investigations dans les disciplines académiques et, plus récemment et de
manière parcimonieuse, dans le champ de l’acquisition des habiletés motrices et
de l’éducation physique et sportive (EPS).

Les conditions d’efficacité des pratiques tutorielles


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entre pairs dans les tâches académiques
La question de la nature des bénéfices attachés aux pratiques de tutorat entre
pairs a fait l’objet de questionnements : quels sont les bénéfices académiques, s’il
y en a, ces gains ont-ils des relations avec les interactions entre enfants et leurs
bénéfices au plan psychologique ?
Les synthèses de travaux dans le domaine concernent plus largement le PAL
que strictement le tutorat entre pairs. Ainsi la méta analyse de Rohrbeck et al.
(2003) a interrogé les pratiques d’intervention PAL à l’école élémentaire et indiqué
notamment l’existence de nombreuses variables modératrices : le rôle de l’ensei-
gnant dans la sélection des buts d’apprentissage, le choix des récompenses et leur
administration, l’autonomie et enfin la structuration des interactions au cours
de l’apprentissage. Plus récemment, Ginsburg-Bock et al. (2006) ont révélé que
l’influence de la structuration des interactions concernait également le domaine
des bénéfices non académiques (relations sociales et estime de soi). Ensemble, les
auteurs de ces deux synthèses montrent aussi la nécessité d’investigations supplé-
mentaires quant à la structuration des interactions, souvent décrites de manière

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La question de la formation d’élèves tuteurs 39

allusive. Par ailleurs, eu égard au développement des études expérimentales dans


le domaine, les conditions d’efficacité de ces pratiques tutorielles ont été posées.
En effet, les rôles respectifs du niveau scolaire, des caractéristiques des élèves ou
de la composition des dyades (en fonction de l’écart de compétence, de l’âge de la
relation affinitaire) ont été explorés. Parmi les interrogations attachées au tutorat
dans l’enseignement, la question de la formation ou de l’entraînement des tuteurs
dans différents dispositifs est actuellement débattue. En d’autres termes, suffit-il de
mettre ensemble deux élèves de niveaux différents en assignant au plus avancé le
rôle de tuteur pour qu’ils tirent bénéfice l’un et/ou l’autre de l’interaction ? Peut on
se contenter de mettre en œuvre du tutorat spontané entre élèves ou au contraire
faut-il organiser en amont les interactions en entraînant les tuteurs ? Les méta-
analyses citées plus haut indiquent une nécessaire centration des recherches sur ce
point particulier : on parle de structuration des interactions, d’entraînement voire
de formation au rôle de tuteur. Que recouvrent ces vocables différents ? Quelles
pratiques « préparatoires » au tutorat peuvent être mises en œuvre ?
C’est à cette problématique que tentera de répondre notre contribution. Pour
réaliser cet objectif, la question de la formation des tuteurs est envisagée en premier
lieu dans les disciplines académiques puis dans le cas des habiletés motrices. Des
illustrations seront exposées dans le domaine de l’enseignement de l’EPS et pour
différentes tâches et activités physiques et sportives (APS). Enfin, une expérimen-
tation sera présentée en matière de formation au tutorat réciproque en tennis de
table avec des garçons et des filles élèves de classe de 3e.

Interactions dissymétriques et tutorat entre pairs :


un débat à éclaircir
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La littérature manque de clarté sur ce point. Certains auteurs parlent en effet de
tutorat entre pairs alors que la situation interactive met en présence deux élèves
de niveaux de compétences différents ce qui ne garantit pas selon nous une inte-
raction de tutelle. D’autres études désignent par structuration du travail en dyade
le seul fait d’attribuer à un élève le rôle de tuteur et à l’autre le rôle de tutoré.
Le parti pris développé ici est de s’inscrire dans une définition stricte du tutorat
entre élèves dans la lignée des travaux de Winnykamen (1996). Ainsi le tutorat
de pairs désigne un regroupement de deux élèves de niveaux de compétences dif-
férents dans la tâche (dyade dissymétrique). L’élève le plus avancé dans la dyade
joue le rôle explicitement assigné par l’adulte de tuteur. Dans le cas du tutorat
réciproque entre pairs, il s’agit d’attribuer des rôles de tuteurs sans qu’il y ait une
expertise supérieure pour ces derniers (dyade symétrique). Cette précision établie,
le problème développé ici est celui de la préparation de l’élève tuteur à assumer
les fonctions de guidage de son partenaire. Les tuteurs spontanés peuvent ils être
efficaces, quels avantages procure la formation ?

Carrefours de l’éducation • 27 • Janvier-juin 2009  •••••••••••••••


40 Études et recherches

La formation des élèves au rôle de tuteur


La genèse des préoccupations : les comparaisons entre tuteurs
enfants et tuteurs adultes

Ellis et Rogoff (1982) ont comparé les interactions de tutelle adulte/enfant et


les interactions de tutelle enfant/enfant dans des situations problèmes variées. Le
tuteur adulte s’avère plus efficace que les tuteurs enfants qui se focalisent davantage
sur le but immédiat et laissent moins d’initiative et de participation au tutoré. Selon
ces auteurs, cette meilleure expertise des adultes est due à une gestion de l’aide
sur les trois dimensions suivantes : la gestion matérielle de la tâche, la gestion des
informations données aux partenaires, la gestion des interactions sociales c’est-
à-dire la manière de favoriser les échanges (comme recentrer l’attention du sujet
sur un point particulier). L’étude de Shute et al. (1992) renforce ces résultats. Les
auteurs ont constitué des dyades où les tuteurs sont des adultes, des enfants de
11 ans et de 9 ans. Des différences significatives émergent en faveur des adultes
pour différents comportements interactifs à savoir : les informations délivrées, les
encouragements, les regards et les questions au novice pendant la phase interactive.
De plus, contrairement aux enfants, les adultes réduisent leurs propres interven-
tions sur le matériel tout au long de l’interaction. Au post-test, les novices qui ont
travaillé avec un tuteur adulte ont de meilleurs résultats à la tâche de mémorisation.
Du point de vue de la sensibilité des tuteurs aux besoins des novices, les auteurs
identifient trois catégories : la sensibilité aux besoins d’informations du novice
(les adultes émettent la quasi-totalité des besoins d’informations nécessaires alors
que les enfants en émettent une moitié), la sensibilité aux besoins de participation
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active (les adultes laissent manipuler les novices, et ce au fur et à mesure que la
tâche progresse), et la sensibilité du tuteur aux différences individuelles quant aux
compétences des novices dans la tâche.
Winnykamen (1996) insiste sur la nécessaire distinction entre la notion
« d’expert » et celle de « tuteur ». Le tuteur est toujours un expert, l’inverse non.
Les compétences tutorielles sont différentes des compétences dans la tâche. Ainsi,
le tuteur doit être sensible aux besoins d’informations du tutoré tout en vérifiant
son niveau de compréhension. Il doit reconnaître le besoin de participation active
au processus d’apprentissage de son partenaire afin de lui laisser une responsabilité
croissante dans l’exécution de la tâche au fur et à mesure de ses progrès. Enfin,
il doit prendre en compte les différences d’aptitudes à apprendre des novices
afin d’adopter un comportement répondant à leurs besoins individuels. Berzin et
al. (1996) précisent que l’expert enfant n’adopterait pas systématiquement une
attitude d’assistance au progrès du partenaire se centrant plus sur la réalisation
de la tâche support au détriment d’une activité de guidage. Winnykamen (1996)
stipule que, sur aucun critère, les conduites des tuteurs enfants ne sont supérieures
à celles des tuteurs adultes. L’expert enfant n’assume qu’incomplètement le rôle de

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tuteur : les fonctions de guidage s’avèrent une prise en charge trop complexe pour
des enfants jeunes. Ainsi l’idée a émergé de rendre les enfants plus efficaces dans
les fonctions de tuteur et leur activité d’étayage de leurs pairs.

Quels fondements des différences enfants/adultes,


quelles perspectives de formation ?

Revenons à la notion originelle d’interaction de tutelle (Bruner, 1983) : le tuteur


étaye l’activité du novice en apportant l’aide et les encouragements juste néces-
saires au tutoré. Ainsi les informations délivrées se situent à l’intérieur de la zone
proximale de développement (ZPD) du novice (Vygotski, 1934-1985). En accord
avec cette idée on s’emploiera à développer la sensibilité du tuteur et sa capacité
à permettre au novice d’autoréguler progressivement ses conduites. Bien que
Vygotski n’ait pas insisté sur le rôle de pairs dans les acquisitions, dans les tâches
académiques, de nombreuses études sur le tutorat se situent dans la lignée des
travaux de Vygotski et mettent en évidence le rôle des interactions dissymétri-
ques entre pairs (Hogan et Tudge, 1999). Par ailleurs les méta-analyses récentes
en matière d’apprentissage entre pairs se réclament explicitement des travaux
de Vygotski en particulier pour ce qui concerne le rôle de stimulation des pairs
dans le développement cognitif et les processus d’apprentissage (Rohrbeck et al.,
2003). La perspective de Wood et al. (1995) est originale car ontogénétique et
référant de plus aux « Théories de l’esprit » en matière d’instruction. La tâche du
tuteur consiste à coordonner trois composantes : un modèle de la performance à
réaliser, des connaissances de et sur l’apprenant et des connaissances sur la façon
d’enseigner. La compétence du tuteur réside dans sa capacité à diagnostiquer et à
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répondre aux besoins du tutoré. Les comparaisons entre tuteurs âgés de 3, 5 et 7
ans montrent une plus grande auto inhibition de la part des tuteurs les plus âgés
ainsi que des conduites de guidage moins intrusives.

Formation, préparation, entraînement ?

La préparation de l’élève au rôle de tuteur recouvre de nombreuses pratiques :


structuration en amont de la formation, facilitation de la communication, entraî-
nement au guidage et à l’évaluation d’un pair, utilisation de supports spécifiques
(fiches, cartes de connaissances, schémas explicatifs). Dans un certain nombre
d’études, si la formation ou la structuration préalables sont mentionnées, elles
ne sont que peu décrites ou bien elles le sont de manière extrêmement allusive.
Comment peut catégoriser les différentes formes de préparation au rôle de tuteur ?
On distingue plusieurs axes d’intervention dissociés ou bien utilisés en complé-
mentarité : le développement de compétences dans la tâche, de compétences en
matière de communication ou enfin de compétences en matière de lecture des per-
formances et d’analyse des besoins du tutoré. Ainsi, certaines études s’attachent à

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42 Études et recherches

améliorer la communication tuteur/tutoré. Par exemple les travaux de King (1992,


1994) ont montré que l’apprentissage entre pairs est facilité par l’explication des
consignes aux partenaires. Par ailleurs le rôle des questions posées au tutoré a été
mis en exergue. Finalement King (1994) a révélé l’efficacité de la combinaison
entre questions et explications. L’étude de King et al. (1998) permet d’insister sur
le rôle de la qualité et de la planification préalable des questions posées au tutoré.
Un entraînement à un questionnement planifié facilite la performance et le senti-
ment de soutien des pairs (il s’agit d’un dispositif de TRP en biologie humaine).
Les auteurs en appellent à l’intériorisation des habiletés et à l’auto-régulation des
apprentissages. Dans le cas de connaissances en biologie humaine avec des étu-
diants, Patterson et al. (1993) mettent en évidence le rôle de différents types d’aide
à la communication en situations dyadiques. En particulier les cartes ou schémas
de connaissances sont des supports plus efficaces que des textes explicatifs pour les
partenaires à faible compétence verbale. Par ailleurs, les étudiants qui sont pourvus
de stratégies préalables sont plus performants au sein des situations interactives.
D’autres études ont travaillé sur la sensibilité du tuteur aux besoins du tutoré
et sur la prosocialité des tuteurs. Ainsi, Lorence (2001) met en œuvre une for-
mation selon deux axes : la représentation de la tâche et la représentation du rôle
de tuteur (aspects cognitifs et procéduraux). L’entraînement au rôle de tuteur se
fait sous forme de questions et de discussions avec l’expérimentateur couplé avec
des mises en situation simulant l’activité tutorielle. En continuité avec la notion
de médiation (Vygotski, 1934 et 1985 ; Bruner, 1983), l’idée est de développer un
travail métacognitif et une activité de collaboration permettant de co-construire
des significations communes. Ce travail de médiation se situe à l’intérieur de la
ZPD. Quelques idées fortes sont à retenir de la problématique générale de forma-
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tion aux tâches de tuteurs. Les axes essentiels explorés sont multiples : 1) faciliter
la communication du savoir ; 2) développer l’activité métacognitive (savoirs sur
l’apprentissage et savoirs sur l’apprenant et ses besoins) ; 3) entraîner à la dévolu-
tion (laisser progressivement de l’initiative au tutoré) en travaillant au plus prés
de sa ZPD. L’expérimentation présentée ici s’inspire surtout des deux premiers
axes. L’entraînement à la dévolution nécessite en effet des phases interactives plus
longues.

Formation au rôle de tuteur en EPS, entre démarche


générique et spécificités
La formation au rôle de tuteur dans le domaine des habiletés motrices s’inspire
des principes exposés ci-dessus avec toutefois certaines particularités. En effet
alors que dans les tâches académiques l’activité de résolution du novice laisse des
traces matérielles (sauf dans le cas de la lecture, de la musique et de toute activité
orale), les tâches motrices sont dynamiques, éphémères, labiles (Lafont, 2003).
Ces caractéristiques font que la performance du novice doit être lue et interprétée

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La question de la formation d’élèves tuteurs 43

dans l’instant, souvent « sous pression temporelle », le tuteur n’a que très rarement
des éléments matériels durables à sa disposition. On peut se demander comment
modéliser une formation au tutorat valide pour toutes les tâches motrices et per-
mettant de répondre aux contraintes du domaine. Au sein du groupe Interactions
sociales et acquisitions (ISA), la transposition au cas des habiletés motrices des
principes élaborés par Lorence (2001) a été réalisée.

Sur le registre de la tâche


– Analyse de la tâche à enseigner : il s’agit de définir les exigences essentielles et
les ressources sollicitées par la tâche.
– Description précise des sous tâches : peut-on décomposer la tâche en sous-
buts intermédiaires correspondant à la « réduction des degrés de liberté » selon
Bruner (1983) ?

Sur le registre des relations entre le tutoré et la tâche


– Analyse des problèmes possibles d’apprentissage (mémorisation, coordination,
perception de trajectoire, décisions, enchaînement de postures).
– Propositions de solutions aux tuteurs pour chaque difficulté identifiée.

Sur le registre des interactions de guidage


– Rappel des fonctions du tuteur ou encore des règles à respecter pour une
transmission efficace des informations au travers de supports écrits. Ces fonctions
s’inspirent des fonctions du tuteur selon Bruner (1983), redéfinies par Lafont
(1997), (cf. infra, l’illustration en tennis de table).
– Consignes invitant le tuteur à laisser progressivement une initiative croissante
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aux novices.

Mise en situation de formation


– Possibilité d’« entraînement pédagogique » : les tuteurs sont, dans la plupart des
études, mis en situation de simulation de tutorat, soit entre eux, soit avec un échan-
tillon d’élèves novices en dehors des novices participant à l’expérimentation.

Par delà ces aspects génériques, le champ des APS regroupe des tâches et habi-
letés motrices extrêmement hétérogènes ; les tâches à but de forme (réaliser une
figure acrobatique en gymnastique, une arabesque en danse) diffèrent des tâches
à but environnemental et stratégiques (envoyer une balle sur une cible). Certaines
études ont mis en évidence l’efficacité différentielle des procédures de guidage selon
les tâches et les habiletés (Lafont et Bouthier, 2004). Par exemple les tâches à but
de forme « appellent » plus des guidages de type démonstration que les tâches
se déroulant dans un environnement instable (habiletés ouvertes selon Poulton,
1957). Ainsi, à partir de la méthodologie générale de formation, une série d’études

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44 Études et recherches

a été réalisée pour mettre à l’épreuve ce modèle avec des tâches support de nature
différente (Lafont et al. 2005).
Dans le cas des habiletés de type morphocinétiques (à but de forme), les tuteurs
ont été entraînés à guider les tutorés par imitation modélisation interactive au plus
près de la ZPD du novice. Ainsi, la formation des tuteurs a permis de meilleurs
apprentissages en gymnastique (Cicero et Lafont, 2007) et en danse (Viala et Lafont,
2006). Dans le cas des habiletés stratégiques (cf. infra l’illustration choisie), si l’axe
du « contexte communicationnel » a été conforme à la démarche définie précédem-
ment, la formation à l’analyse de la tâche a été réalisée de manière inductive à partir
des propositions des tuteurs. Le but étant d’assurer l’implication forte et active des
élèves pour permettre une co-construction du sens et des buts de la fonction de
tutelle réciproque. D’autres études se sont employées à former les tuteurs dans le
cas d’habiletés ouvertes et stratégiques. C’est le cas par exemple des travaux de
Legrain, et al. (2003) dans le contexte d’un cycle de boxe française avec un public
d’étudiants qui fournissent un exemple de formation extrêmement structurée. Il
s’est agi d’entraîner les tuteurs à observer et évaluer les comportements de leurs
pairs à l’aide de fiches (technique et score de performance) en s’attachant à une
seule composante des comportements des tutorés et en comparant leur observation
à celle de l’enseignant. Ensuite, les tuteurs étaient formés à identifier les causes
et conséquences du comportement du novice à l’aide d’un check-list. Enfin, ils
étaient entraînés à formuler des conseils et devaient délivrer en situation d’assaut
des feedbacks appropriés.
La formation au tutorat en EPS s’inscrit dans un système présentant des spécifi-
cités : 1) la difficulté plus ou moins grande à observer les performances des pairs ;
2) la complexité plus ou moins importante à interpréter les conduites observées
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pour dégager les besoins du tutoré ; 3) la hiérarchisation des besoins : sur quel
élément intervenir prioritairement ? Enfin, la nature de la tâche support ; à propos
de cette dimension, la question de la formation des élèves tuteurs peut se poser
en terme de guidage plus ou moins instructif ou « descendant/émergent » selon
la nature des tâches et des habiletés.
Dans le but d’illustrer cette démarche, un exemple est exposé ici au sein duquel
l’efficacité de la formation en tutorat réciproque est explorée, la tâche support
sollicite des habiletés ouvertes et des apprentissages perceptivo moteurs et
décisionnels.

Une expérimentation en tutorat réciproque

Le TRP est une procédure PAL originellement développée à l’attention d’élèves


d’écoles élémentaires urbaines connaissant des difficultés scolaires (Fantuzzo et al.
1992). Il utilise à la fois une structure d’enseignement réciproque et un système
stimulant d’organisation, construits pour élever le contrôle de l’apprenant et la
coopération entre pairs de statut proche (âge, compétence, genre). Ainsi, les élèves

• • • • • • • • • • • • • • •  Carrefours de l’éducation • 27 • Janvier-juin 2009


La question de la formation d’élèves tuteurs 45

de la dyade ont l’opportunité d’alterner les rôles de tuteur/tutoré dans un contexte


structuré qui les guide à travers le processus d’apprentissage.
Aucune étude n’a, à ce jour, isolé et évalué l’effet d’une formation des élèves à
l’exercice de la tutelle réciproque. Par ailleurs, si le TRP suscite un intérêt croissant
dans le domaine des disciplines académiques (Topping, 2005), il reste très peu
exploré dans le champ des habiletés motrices.
De manière originale, cette expérimentation se propose de confirmer, en contexte
de tutorat réciproque et pour l’apprentissage d’une tâche spécifique en tennis de
table au collège, la nécessité de former les élèves à l’exercice de la fonction de
tutelle. Spécifiquement, trois conditions d’apprentissage ont été comparées : une
condition de tutorat réciproque formé (TRF), une condition de tutorat récipro-
que spontané (TRS), et une condition contrôle de pratique individuelle (CC). La
comparaison portait sur deux variables dépendantes : la compétence motrice (CM)
et le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) dans la tâche expérimentale. Le SEP
détermine l’engagement cognitif, la persévérance et la performance d’un individu
placé devant une tâche à réaliser (Bandura, 1997).

Méthode

Participants
Soixante-quatorze participants âgés de 15,3 ans (+/- 1,3 ans), 38 filles et 36
garçons, sélectionnés à partir de la population de trois classes de 3e d’un collège de
la ville de bordeaux (90 élèves), ont pris part de manière volontaire à l’expérimen-
tation. Seuls les élèves novices dans la tâche expérimentale ont été retenus, confor-
mément à la littérature soulignant l’impact positif de l’apprentissage entre pairs et
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de la coopération principalement au cours des premières phases d’acquisition des
habiletés motrices. Une autorisation écrite des parents à participer à l’expérimen-
tation pour chacun des élèves a été obtenue par le chef d’établissement.

Tâche expérimentale et dispositif matériel


La tâche expérimentale était de nature perceptivo-motrice et de type décision-
nelle. Conçue en accord avec un spécialiste de l’activité tennis de table, cette tâche
motrice combinait deux situations d’apprentissage distinctes et impliquait l’acquisi-
tion de compétences inscrites au programme d’EPS de 3e. Concrètement, un expert
en tennis de table envoyait, à intervalle de temps régulier, 20 balles directement et
aléatoirement sur la demi-table du participant. Le participant devait renvoyer la
balle. Son objectif était d’obtenir le meilleur score possible en tenant compte d’un
système de score particulier (cf. Mesures). Les zones d’impact étaient matérialisées
afin de faciliter la compréhension du système de score. Le joueur disposait de
deux essais entrecoupés d’un temps-mort d’une minute. L’enregistrement filmé
était assuré par la présence d’une caméra numérique placée à une distance de 3
mètres de l’action.

Carrefours de l’éducation • 27 • Janvier-juin 2009  •••••••••••••••


46 Études et recherches

Mesures

L’évaluation du score de compétence motrice (CM) était assurée par l’addition de


deux scores distincts : l’efficacité de l’action (EA) et la pertinence du choix (PC),
(Darnis-Paraboschi, Lafont, & Menaut, 2005). Ainsi, selon le type de frappe réalisé
et la zone d’impact de la balle, les participants obtenaient à chaque renvoi un score
compris entre 0 et 6 points (EA). Par ailleurs, une bonification de 2 points était
attribuée si le type de frappe était pertinent eu égard au type de trajectoire de balle
reçue (PC). À l’issue des deux essais (40 renvois), CM pouvait donc varier sur une
échelle allant de 0 à 242. Le calcul de ce score était obtenu à partir du support
vidéo et sa fiabilité était assurée grâce à un double codage d’experts.
La mesure du score de sentiment d’efficacité personnelle (SEP) était assurée par la
moyenne des scores obtenus à deux questionnaires distincts : le renvoi et le dépla-
cement. Chacun des questionnaires présentait deux échelles estimant, d’une part,
le niveau technique que le participant pensait atteindre et, d’autre part, le degré de
certitude (force) avec lequel il pouvait avancer cette estimation. Conformément à
la littérature (Bandura, 1997), SEP était calculé en multipliant le niveau technique
(1 à 6) par la force (0 à 100 %) et en divisant le tout par 10. Une fois les deux
questionnaires remplis, SEP pouvait donc s’échelonner de 0 à 60.

Procédure

L’expérimentation a pris place au sein d’un cycle de tennis de table en EPS (sept
séances de deux heures) et s’est déroulée selon cinq phases. Durant tout le cycle,
l’expérimentateur prenait en charge, dans un espace spécifique et isolé, les élèves
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participant à la réalisation de la tâche expérimentale tandis que le professeur
poursuivait son cours avec le reste de la classe.

Découpage temporel de l’expérimentation

Pré-test
À la première séance du cycle, l’ensemble des élèves des trois classes (90 élèves) a
été pré-testé individuellement dans la tâche expérimentale. À l’issue du pré-test, 74
élèves novices ont été retenus et classés en ordre croissant de performance au sein
de leur classe. Ce classement a servi de référence pour former les trois conditions
(TRF : n = 24, TRS : n = 24 et CC : n = 26) et pour constituer des dyades symétriques
non mixtes dans les deux conditions interactives.

Formation au tutorat réciproque


La formation a été offerte aux 24 élèves de la condition TRF en dehors des cours
d’EPS, entre le pré-test (séance 1) et la première séance d’entraînement (séance 2).
Le dispositif de formation comportait deux séquences de 60 minutes (séparées de

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La question de la formation d’élèves tuteurs 47

48 heures) et s’inspirait principalement de trois formations d’élèves-tuteurs mises


en œuvre récemment dans les domaines des disciplines académiques et des habi-
letés motrices. Conformément à la méthode utilisée par Lorence (2001) la création
d’un « contexte communicationnel » a constitué le point d’ancrage majeur de la
formation. Toutefois, aucune pratique physique n’était proposée afin d’assurer la
validité interne de l’étude. Les objectifs et modalités de fonctionnement des deux
séquences de formation ont été d’emblée explicités aux participants :

Modalités
Recours à la technique du groupe nominal (TGN) qui permet à l’ensemble
des membres d’un groupe de formuler un avis (écrit puis verbal) au sujet d’une
question ou d’une situation. Intégrée de manière originale à un dispositif de for-
mation d’élèves au tutorat, cette technique de mise en mots visait à développer les
compétences métacognitives de l’élève.
1re séquence : les simulations proposées étaient des situations de tennis de table
aux caractéristiques proches de celles de la tâche expérimentale. Ces simulations
étaient agencées pour favoriser l’observation d’une seule composante essentielle
(déplacement ou renvoi). Les participants devaient évaluer la performance du
joueur (rôle endossé successivement par un des élèves-complices) selon un format
précédemment utilisé par Legrain et al. (2003) : (a) identification des comporte-
ments incorrects, (b) nomination des causes des comportements incorrects, (c)
formulation des comportements adaptés, et (d) hiérarchisation des comportements
incorrects/adaptés.
2e séquence : l’objectif de la formation était la prise de conscience des partici-
pants des comportements particulièrement attendus chez le manageur. Les élèves
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devaient juger la performance des élèves-cibles non plus dans le rôle de joueur mais
cette fois-ci de coach. Consécutivement à cette séquence et conformément à l’étude
de Cicéro et Lafont (2007), « cinq règles d’or d’un bon coach » ont été établies : (a)
observe bien ce que fait ton partenaire, (b) rappelle et démontre à ton partenaire
ce qu’il faut faire, (c) laisse du temps à ton partenaire pour te poser des questions,
(d) réconforte et encourage ton partenaire en difficulté, et (e) félicite ton partenaire
en réussite. Ces règles font toutes références aux grandes fonctions du tuteur dans
le champ très spécifique des habiletés motrices complexes (Lafont, 1997).

Entraînement
À chacune des séances 2 à 5 du cycle, les 74 élèves ont réalisé une fois la tâche
expérimentale. Quatre par quatre, les participants d’une même condition d’en-
traînement étaient successivement et aléatoirement appelés à rejoindre la table
expérimentale.
Condition contrôle (CC) : successivement, chacun des quatre élèves effectuait
individuellement la tâche tandis que les trois autres ramassaient les balles. Les
modalités étaient strictement identiques au pré-test.

Carrefours de l’éducation • 27 • Janvier-juin 2009  •••••••••••••••


48 Études et recherches

Conditions interactives (TRF et TRS) : tour à tour, chacune des deux dyades était
directement impliquée dans la tâche pendant que l’autre ramassait les balles. À la
séance 2, les consignes suivantes étaient formulées : « Dans la séquence suivante,
vous serez alternativement joueur et coach. Le joueur réalise son premier essai pendant
que le coach l’observe en silence. Pendant le temps-mort, le coach est libre de donner des
conseils au joueur afin qu’il améliore sa performance l’essai suivant. Le joueur réalise
son deuxième essai pendant que le coach l’observe en silence. À la fin de cette séquence,
les rôles seront inversés ».

Post-test immédiat
Réalisé à la sixième séance du cycle, le post-test immédiat incluait, d’une part,
l’évaluation du SEP dans des conditions identiques au pré-test et, d’autre part,
l’évaluation du CM selon les mêmes modalités que la première séquence d’entraî-
nement (séance 2).

Post-test différé
Le post-test différé a été réalisé lors de la septième et dernière séance du cycle,
après les vacances scolaires (deux semaines). Son déroulement était strictement
identique au post-test immédiat.

Analyse des données


Les données relatives à CM et à SEP ont été analysées grâce au logiciel SPSS.
L’absence d’effet de condition au pré-test sur les deux variables dépendantes a été
vérifiée à l’aide de deux analyses de variance à un facteur (ANOVA). Par ailleurs, des
analyses de variance à mesures répétées (RMANOVA) ont été réalisées pour mesurer
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les progrès entre le pré-test et les post-tests pour chacune des conditions.

Résultats

Tableau 1. — Moyennes et (écarts types) des mesures dans les trois conditions
d’apprentissage

Compétence motrice Sentiment d’efficacité personnelle


Condition
1 2 3 1 2 3

132,37 189,58 185,67 23.86 34,10 37,10


TRFormé
(14,37) (12,75) (12,27) (12.07) (5,64) (6,38)

134,54 139,25 135,25 25,40 32,64 31,23


TRSpontané
(20,87) (17,24) (24,28) (14,98) (18,03) (18,99)

133,77 139,38 136,85 27,15 28,79 27,92


CContrôle
(23,36) (20,05) (19,69) (12,75) (17,94) (15,31)

Note : 1 = pré-test ; 2 = post-test immédiat ; 3 = post-test différé

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La question de la formation d’élèves tuteurs 49

Au pré-test

On n’observe pas de différence significative entre les trois conditions à la fois


pour CM (F (2, 73) =.072, p =.93) et pour SEP (F (2, 73) =.037, p =.69).

Score de compétence motrice (CM)

La RMANOVA met en évidence un progrès significatif entre pré-test et post-test


immédiat ainsi qu’entre pré-test et post-test différé uniquement pour la condition
TRF (Wilks’λ =.044, F (2,22) = 236.99, p <.001).

Score de sentiment d’efficacité personnelle (SEP)

La RMANOVA met en évidence un progrès significatif entre pré-test et post-test


immédiat ainsi qu’entre pré-test et post-test différé pour la condition TRF (Wilks’λ
=.217, F (2,22) = 39.73, p <.001). Par ailleurs, l’analyse indique un progrès signifi-
catif pour la condition 0TRS mais uniquement entre pré-test et post-test immédiat
(Wilks’λ =.638, F (2,22) = 6.25, p =.007).

Discussion

Conformément aux attentes, l’intérêt de préparer des élèves novices à alterner


la fonction de tuteur (coach) est confirmé pour l’acquisition d’une tâche motrice
décisionnelle en tennis de table. Sensibilisés à l’importance d’évaluer précisément
les besoins du partenaire avant de tenter d’y répondre, les participants de la condi-
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tion TRF ont manifesté des progrès moteurs et motivationnels supérieurs à ceux
des conditions TRS et CC, ces résultats étant maintenus au post-test différé. Par
ailleurs, la quasi-inexistence de différence entre la condition TRS et CC présume
du caractère indispensable de la formation dans l’attente raisonnée de bénéfices
supérieurs lors de la mise en œuvre d’une procédure RPT.

Conclusion
La question du tutorat entre élèves a été abordée ici en relation avec la formation
des élèves aux fonctions de tuteurs. Le problème de l’efficacité des tuteurs élèves
a été explicité, les moyens d’entraînement au rôle de tuteurs ont été repérés dans
les disciplines académiques et dans le domaine des habiletés motrices. La décli-
naison de la formation au tutorat pour l’apprentissage de tâches motrices a mis
en évidence des contraintes spécifiques celles-ci justifient en partie sans doute la
nécessaire préparation des élèves au rôle de tuteur. Ainsi il ne suffit de grouper
les élèves en dyades et de leur assigner alternativement des rôles de tuteurs et de
tutorés pour permettre des apprentissages moteurs. Par delà ces résultats, quelques

Carrefours de l’éducation • 27 • Janvier-juin 2009  •••••••••••••••


50 Études et recherches

axes de recherche demandent à ce jour à être explorés. Ainsi, la nature des APS et
des habiletés motrices semble une « variable de commande » du point de vue de la
situation sociale (degré de dissymétrie) mais aussi de la nature de la formation au
rôle de tuteur. La question des supports et des formes de formation, du caractère
plus ou moins émergent/« descendant » de celle-ci demande des élucidations plus
systématiques. Par ailleurs, dans une perspective systémique, des comparaisons
entre dispositifs de PT et de RPT pour un même public mais avec des APS et des
habiletés différentes, permettraient d’offrir aux enseignants des possibles plus
pertinents en matière de mises en œuvre.

Lucile Lafont, Pierre Ensergueix, équipe VSTII, LACES, EA 4110 faculté des
sciences du sport et de l’EP, université Victor Segalen Bordeaux2.

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