Cdle 017 0118

L'expérimentation assistée par ordinateur, aide et obstacle
en travaux pratiques de biologie au lycée

Brigitte Faure-Vialle
Dans Carrefours de l'éducation 2004/1 (n° 17), pages 118 à 128
Éditions Armand Colin
ISSN 1262-3490
DOI 10.3917/cdle.017.0118
© Armand Colin | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.113.121.217)
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Abstract Zusammenfassung
■ Études et recherches
C C
omputer Assisted omputer gestützte Experimente wurden
Experimentation (CAE) was im schulischen Kontext einer Erneuerung
introduced into the school in des Experimentalunterrichts auf der
the context of educational Basis der Informations- und
reform, calling upon both information and Kommunikationstechnologien eingeführt. Da keinerlei
communication technology. However, the Zusammenhang bestand zwischen diesem
absence of connection between this Experimentalprozess und den bisherigen
experimental process and the practices and Klassenaktivitäten, sorgte dies bei den Lehrern in den
activities carried out in the classroom has Fächern Erdkunde und Lebenswissenschaften für
occasioned teachers of Life and Earth Sciences einige Unruhe.
to ask numerous questions. In diesem Artikel wird die Frage der Erneuerung der
This article tackles the question of the reform Experimentalunterrichts in Biologie im Gymnasium
of experimental practices in the teaching of untersucht. Von einem methodologischen Standpunkt
biology in the lycée. The point of view adopted aus wird hier der Schwerpunkt auf einen
here is of a methodological nature and is experimentellen Biologieansatz gelegt. Dabei werden
centred on the experimental approach in die Experimentalpraktiken und –versuche unabhängig
biology. This research studies experimental davon untersucht, ob dabei der Computer zum Einsatz
activities and practices, making use of the kommt oder nicht.
computer or not, for experimentation. Dabei werden mehrere Ansatzpunkte entwickelt. Aus
Several registers are subsequently developed. soziologischer Sicht wird eine Bilanz der Einführung
Adopting a sociological approach, an Computer gestützter Experimente in den Gymnasien
assessment of the introduction of CAE into the gezogen. Aus verschiedenen Analysen und Erhebungen

lycées is drawn up. Various analyses and wird der Einsatz Computer gestützter Experimente
investigations explore the uses of CAE. With ermittelt. In epistemologischer Hinsicht dient die
an epistemological register, the practices of the Forschungspraxis der Biologen als Maßstab für die
researchers in biology are used as reference to Praxis der Schüler im praktischen Unterricht. Zwei
the students’practices in practical work Two wesentliche Punkte werden untersucht: Nutzen des
essential points are considered: firstly, the Computereinsatzes im Biologieunterricht und bei der
contribution of CAE to teaching and the learning Erwerbung von Biologiekenntnissen und die denkbaren
of biology in the lycée; secondly, prospects to be Perspektiven.
considered. Der Autor weist darauf hin, dass das Ungleichgewicht
The author finally explains that the shift between zwischen diesen Experimenten und den dazu
this experimentation and the corresponding gehörigen Versuchspraktiken mit der Einführung der
experimental practices are due to the introduction Computer gestützten Experimente in einen
of CAE into traditional teaching. traditionellen Unterricht zusammenhängt.
Computer Assisted Experimentation (CAE), Computer gestütztes Experimentieren: Hilfe und

a help and a hindrance in practical work in Hindernis im praktischen Biologieunterricht am
Biology in the Lycée Gymnaisum
• • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004

L’expérimentation assistée
par ordinateur, aide et obstacle
en travaux pratiques
de biologie au lycée
▲ Brigitte Faure-Vialle,
IUFM de La Réunion
pratiques expérimentales faisant

appel ou non à l’ordinateur pour
l’expérimentation.
Plusieurs registres sont alors déve-
loppés. Dans une approche socio-
’ExAO a été intro- logique, un bilan de l’introduction
L
duite dans un de l’ExAO dans les lycées est
contexte scolaire de dressé. Différentes analyses et
rénovation de l’ensei- enquêtes explorent les usages de
gnement expérimen- l’ExAO. Dans un registre épisté-

tal faisant appel aux mologique, les pratiques des cher-
technologies de l’in- cheurs en biologie servent de réfé-
formation et de la rence aux pratiques des élèves en
communication. Or l’absence de travaux pratiques. Deux points
liaison entre ce procédé expéri- essentiels sont abordés : l’apport de
mental et les pratiques et activités l’ExAO à l’enseignement et l’ap-
réalisées en classe a suscité de nom- prentissage de la biologie au lycée ;
breuses questions de la part des les perspectives à envisager.
enseignants de sciences de la vie et L’auteur met enfin en lumière que
de la Terre. le décalage entre cette expérimen-
Cet article aborde la question de la tation et les pratiques expérimen-
rénovation des pratiques expéri- tales correspondantes est dû à l’in-
mentales dans l’enseignement de la troduction de l’ExAO dans un
biologie au lycée. Le point de vue enseignement traditionnel.
abordé ici est d’ordre méthodolo-
gique et est axé sur l’approche expé-
rimentale en biologie. Cette
recherche étudie des activités et des
Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004 • • • • • • • • • • • • • • •

120 Études et recherches
’insertion de l’ordinateur dans l’enseignement de la biologie s’est
L
faite très tôt puisque, dès 1978, il en était déjà question. C’est ainsi
qu’à partir de 1980, les premières expériences utilisant des cap-
teurs et des logiciels ont été mises au point au sein d’équipes regrou-
pant divers acteurs du système éducatif. L’intérêt de l’utilisation de
l’ordinateur en sciences expérimentales se trouve confirmé par sa
prise en compte dans les programmes en septembre 1993. Outre
les utilisations générales comme le traitement de texte ou les tableurs,
des outils plus spécifiques sont alors bien implantés dans les laboratoires de
sciences de la vie et de la Terre (SVT) des lycées : expérimentation assistée par
ordinateur (ExAO), simulation, modélisation, exploitation de bases de données,
traitement d’images (Salamé, 1991 et 1992).
Parmi les outils pédagogiques faisant appel à l’informatique, l’ExAO est l’un des
plus répandus dans les lycées à partir de 1993. Cette nouvelle manière d’expéri-
menter est introduite dans un contexte scolaire où il est fortement question de
rénover l’enseignement expérimental par l’usage des technologies de l’informa-
tion et de la communication. Or l’absence de liaison entre ce nouveau procédé
expérimental et les pratiques et activités réalisées en classe a suscité de nombreuses
questions de la part des enseignants de SVT.
C’est dans ce contexte que j’ai mené mes travaux de recherche (Faure-Vialle,
2001) dont la question centrale repose sur la contribution de l’ExAO à la rénova-
tion des pratiques expérimentales dans l’enseignement de la biologie au lycée.

S’agissant d’une thèse en didactique dont le critère majeur est de prendre comme
point de vue directeur de la recherche celui des contenus, il est question ici d’un
point de vue plutôt méthodologique axé sur l’approche expérimentale en biologie.
Ainsi, mon projet de recherche vise une étude des activités et des pratiques expé-
rimentales faisant usage ou non de l’ordinateur au sein de l’expérimentation.
Plusieurs registres sont alors développés. Dans une approche sociologique, un
bilan de l’introduction et du développement de l’ExAO dans les lycées est dressé.
Différentes analyses et enquêtes (place de l’ExAO dans les programmes, observa-
tion de TP ayant recours à l’ExAO ou non, entretiens de professeurs et d’élèves)
sont menées dans le but d’explorer les usages de l’ExAO. Dans un registre épisté-
mologique, les pratiques des chercheurs en biologie sont prises comme référence
aux pratiques des élèves en travaux pratiques.
Deux points essentiels sont abordés ici : qu’apporte l’ExAO à l’enseignement et
l’apprentissage de la biologie au lycée ? quelles perspectives peut-on envisager ?
Une nouvelle focalisation sur les phénomènes biologiques

Considérant la progression spectaculaire des connaissances en biologie dans

L’expérimentation assistée par ordinateur, aide et obstacle en travaux pratiques… 121
des domaines tels les mécanismes cellulaires et moléculaires, les transformations

physico-chimiques, entraînant une évolution des notions et des concepts de plus
en plus difficiles à observer et à illustrer en travaux pratiques de biologie, le recours
à des systèmes d’ExAO entraîne une nouvelle focalisation sur les phénomènes bio-
logiques. En effet, trois grands thèmes servent de référents à l’élaboration des prin-
cipaux logiciels d’ExAO, quel que soit le fabricant. Sont appréhendés le métabo-
lisme énergétique (photosynthèse et respiration), l’électrophysiologie cardiaque,
musculaire et nerveuse et la biochimie axée sur l’étude des cinétiques enzyma-
tiques. Les logiciels dédiés à un des thèmes précités permettent la mise en œuvre
rapide d’expériences irréalisables en TP classiques parce qu’elles sont faites par
tous les élèves, en temps réel, sur des phénomènes biologiques complexes aux
propriétés inaccessibles dans l’expérimentation classique. De plus, par la rapidité
et la puissance de la machine, les exemples pris à différentes échelles peuvent être
multipliés dans des conditions expérimentales variées, et des comparaisons peu-
vent être faites entre les différents groupes d’élèves. Enfin, l’expérimentation sur
l’homme est facilitée, ce qui évite des extrapolations hasardeuses de l’animal à
l’homme.
Par conséquent, l’ExAO semble faciliter l’étude du vivant, concept-clé en biologie,
d’autant, qu’à l’heure actuelle, l’enseignement de la biologie de plus en plus théo-
rique privilégie le travail documentaire. Or, du discours des élèves et des profes-
seurs de SVT interviewés à propos de l’étude du vivant en TP de biologie, il res-
sort que la place de l’élève dans son rapport expérimental au vivant au cours de
l’ExAO se trouve posée : l’aspect outil de l’informatique ne masque-t-il pas l’inté-
rêt pour le contenu biologique de l’enseignement ?

Une aide à la collecte des données
et l’analyse des résultats
Le recours aux systèmes d’ExAO met le vivant à distance et peut placer l’élève
en situation d’exécuter des procédures au lieu de se concentrer sur les problèmes
biologiques. En effet, l’ordinateur prend en charge des aspects techniques impor-
tants par la facilitation de l’acquisition de données et par l’aide à l’analyse.
L’ordinateur en TP de biologie est utilisé principalement comme terminal d’un
capteur de données, ce qui favorise la collecte des données en grand nombre et l’ana-
lyse des résultats par les calculs de grandeurs et les affichages graphiques auto-
matiques. Les logiciels, spécialement conçus pour l’enseignement par des ensei-
gnants, sont caractérisés par leurs possibilités techniques et ne sont donc pas tous
semblables. Certains, plus récents mais peu utilisés actuellement, sont génériques :
s’ils laissent plus de souplesse aux utilisateurs, ils demandent en revanche davan-
tage de compétences que les suivants pour être mis en œuvre, à la fois par les
élèves qui agissent et les professeurs qui prescrivent. D’autres sont étroitement
dédiés à une expérience précise portant sur les domaines cités précédemment,

selon une stratégie éducative assez dirigiste suivant un ordonnancement prévu

des actions à mener. Le fonctionnement de ces logiciels largement utilisés au lycée
distingue deux parties : d’une part la mesure brute qui affiche les valeurs mesurées
par le capteur: c’est la visualisation brute du phénomène biologique étudié; d’autre
part, le(s) calcul(s) du phénomène qui s’affiche (nt) à l’écran sous différentes
formes : valeurs numériques (par exemple la consommation de dioxygène par un
être vivant, le pourcentage de lumière absorbée…) et représentations graphiques
sous différentes formes (histogrammes, courbes cumulées ou simples).
De nouvelles compétences
Par conséquent, les activités en classe sont centrées sur l’aspect outil de l’infor-
matique avec la puissance et la rapidité qui le caractérisent. La prise en charge de
ces aspects techniques par l’ordinateur apparaît dans la classe plutôt comme un obs-
tacle ressenti par les élèves et les enseignants de Sciences de la Vie et de la Terre.
En effet, outre l’opinion commune selon laquelle l’affichage des résultats à l’écran
semble « magique », l’ordinateur paraît un peu artificiel dans le sens qu’il ‘brûle les
étapes non perçues par les élèves. Ces derniers éprouvent plus de difficultés à
repérer une approche expérimentale en TP ExAO du fait de l’absence de recherche
de manipulations. D’ailleurs, la compétence principale de l’élève relevée en TP
ExAO est celle relative à la connaissance de quelques savoir-faire généraux à pro-
pos de l’utilisation d’un ordinateur et d’un logiciel puisque l’essentiel des tâches
demandées aux élèves dans ces TP informatisés est d’exécuter les instructions du
logiciel. En revanche, il ressort du discours des élèves interviewés à propos des tâches

à réaliser en TP classiques et des observations de ces séances traditionnelles que
la manipulation est au centre de leurs activités. Néanmoins, l’usage de l’ordinateur
amène l’élève à s’interroger davantage sur le contexte expérimental inhérent à l’uti-
lisation de matériel vivant sur lequel il expérimente, ce qui correspond à un
ensemble de compétences quasi-absentes dans les travaux pratiques traditionnels.
Une mise à distance du vivant

C’est pour toutes les raisons évoquées précédemment que le rapport expéri-
mental au vivant semble plus difficile en TP ExAO par le fait de la présence de
l’ordinateur qui met de la distance par rapport à l’objet d’étude et également dû aux
problèmes d’instrumentation. En effet, la complexité du dispositif informatique d’ex-
périmentation préoccupe les élèves au détriment d’une gestion de la résistance
liée au vivant. Quatre contraintes majeures concernant l’usage du dispositif d’ExAO
ressortent des entretiens des élèves de première S, confortés par le discours des ensei-
gnants. Tout d’abord, le matériel informatique est évoqué en pointant les pro-
blèmes d’ordinateurs et d’imprimantes qui bloquent. Une revendication générale
des professeurs interviewés est d’avoir une aide technique qualifiée. Du point de

vue des logiciels dédiés à une expérience, ceux-ci sont perçus trop dirigistes et
par conséquent l’élève a l’impression de répéter les mêmes gestes, sans se préoc-
cuper véritablement du sens donné à ses différentes actions. La troisième contrainte
concerne l’organisation de l’enseignant qui doit gérer aussi bien les problèmes
techniques que pédagogiques, compte tenu qu’il doit piloter en général 7 à 8
postes de travail et qu’il ne dispose le plus souvent que d’1 h 30 de TP avec un
programme scolaire à assurer. Enfin, la contrainte physique concernant la chaîne
de mesures d’ExAO formée de l’ensemble ordinateur, interface et capteurs est lar-
gement évoquée par les élèves interrogés : que ce soit le cheminement depuis la
sonde à oxygène jusqu’aux résultats à l’écran ou les problèmes liés à la sonde oxy-
métrique difficile à étalonner, la chaîne de mesures est au centre de leurs préoc-
cupations.
Ainsi, bien que l’ExAO en biologie au lycée représente un formidable potentiel
d’aide et en même temps une source d’obstacles des points de vue technique et
didactique, la modernisation de l’instrumentation a favorisé peu de changements
du côté des pratiques expérimentales en biologie et davantage du côté des activi-
tés des élèves.
Quelques changements plutôt du côté des activités expé-

rimentales
« Un enseignement expérimental rénové reposant sur des technologies nou-
velles d’information et de communication… » est préconisé par les instructions
officielles (BOEN, 24 septembre 1992). Une rénovation renvoie à un changement

en mieux, une transformation, une modernisation. Si l’on considère ce qui res-
sort du discours de la communauté scientifique (inspecteurs, chercheurs, profes-
seurs), l’élève, libéré de la collecte des données en TP ExAO, dispose de plus de
temps pour réfléchir sur le problème, le protocole, pour analyser, interpréter les
résultats. De plus, par cette nouvelle pratique, autonomie, initiative sont déve-
loppées chez les élèves qui ont la possibilité de recommencer en cas d’erreur, grâce
au gain en rapidité sur les résultats. Enfin, par la compétence en informatique de
certains élèves, il se crée des situations nouvelles parfois valorisantes pour le lycéen
qui est souvent capable de résoudre certains problèmes de machine que le professeur
ne maîtrise pas. Ainsi, le point de vue généralement admis par la communauté
scientifique est celui visant à enseigner autrement : le professeur, dans sa classe,
devient plus le coordonnateur des activités. Donc, en théorie, de profonds chan-
gements des attitudes dans la classe sont potentiellement en cours.
Or, des observations de travaux pratiques de biologie classiques et informatisés
ainsi que le discours des enseignants de SVT interrogés sur leur pratique, font
apparaître une démarche expérimentale uniforme pratiquée par ces professeurs :
dans ce cas, comment peut-on parler d’enseignement rénové ? En effet, qu’il y ait
ou non l’ordinateur dans l’expérimentation, la pratique enseignante reste calquée

sur le modèle « problème donné-protocole proposé-résultats à analyser » selon la

norme de l’enseignant. Dans ces conditions, pour les élèves qui se rapportent au
professeur, la référence initiale au chercheur dans son laboratoire n’existe pas.
L’élève est un exécutant de tâches élémentaires quel que soit le type de travaux pra-
tiques. Néanmoins, l’usage de l’ordinateur semble modifier la signification des
consignes qui sont davantage dirigées vers la compréhension des résultats affi-
chés à l’écran que véritablement intégrées dans une démarche explicative d’un
phénomène biologique que l’on trouve davantage dans les TP classiques.
C’est pourquoi le discours des élèves interviewés à propos de l’ExAO met en
exergue des modifications concernant leurs activités expérimentales en travaux
pratiques faisant usage de l’ordinateur comme instrument de mesures, en com-
paraison avec les TP classiques. La présence de l’ordinateur dans l’expérimentation
déplace l’objectif ressenti par les élèves, à propos des tâches à réaliser, qui vise à
analyser les résultats quantitatifs obtenus à l’écran de l’ordinateur en TP ExAO,
alors qu’en TP classiques, l’objectif ressenti est plutôt centré sur la collecte de don-
nées qualitatives. Ceci est en accord avec ce qui a été dit précédemment concer-
nant l’essentiel des tâches demandées aux élèves : manipuler en TP classiques,
exécuter les instructions du logiciel en TP ExAO. De là, s’instaurent des relations
différentes dans la classe : d’une ambiance de groupe favorisée en TP classiques où
le travail collectif est ressenti par les élèves, les relations s’orientent en TP ExAO
vers davantage de convivialité avec le professeur qui est alors plus animateur que
guide en TP traditionnels.
Certes, des modifications sont apparues concernant les activités expérimentales
informatisées en TP de biologie, mais celles-ci correspondent-elles à de véritables

transformations ? Le pilotage des élèves par le protocole expérimental donné par
les enseignants afin de résoudre le problème posé, quel que soit le type de TP,
fait obstacle finalement à une véritable rénovation de l’enseignement expérimen-
tal reposant sur des technologies nouvelles telle l’ExAO.
Si l’on tient compte des potentialités d’aide offertes par l’ExAO et de la source
d’obstacles qu’elle peut engendrer, des questions prometteuses apparaissent.
L’importance de l’ExAO dans l’enseignement expérimental de la biologie n’est
plus à démontrer maintenant et cette nouvelle manière d’expérimenter trouve
logiquement sa place en complémentarité d’autres outils informatisés et/ou clas-
siques. Si les innovations concernant une exploration des possibilités offertes par
l’ExAO paraissent justifiées, c’est la place des activités et des pratiques expéri-
mentales associées qui est en jeu actuellement, dans l’esprit des programmes et
dans la réalité de l’enseignement.
Des perspectives du côté de la formation des enseignants

C’est pourquoi, parmi les questions prometteuses, apparaît prioritairement celle
de la formation des enseignants et de la genèse de leurs compétences. Dans une

perspective d’évolution de l’enseignement expérimental en biologie, la connais-

sance et le choix du mode d’entrée dans les apprentissages, en fonction des objec-
tifs visés, permettraient aux enseignants de SVT de se démarquer de la démarche
OHERIC privilégiée par la plupart, et visant de manière dirigée le transfert de
connaissances selon des modes didactiques confondus et mal définis. Ainsi, les
compétences concernant ces différents modes de pratique expérimentale (Coquidé,
98 et 99) sont nécessaires aux enseignants qui pourront privilégier l’un ou l’autre
mode en fonction de finalités diverses et bien définies.
Lorsque le professeur choisit dans sa pratique d’entrer prioritairement par les acti-
vités, il s’agit dans ce cas du mode de familiarisation pratique qui favorise les
apprentissages d’ordre pratique pour constituer un référent empirique (Martinand,
86). Ce dernier représente l’ensemble des objectifs, phénomènes et procédés pris
en compte, par expérience directe ou par évocation, et des premières connais-
sances d’ordre pratique qui leur sont associées. Ainsi, si l’on prend en compte les
problèmes liés à l’instrumentation au cours de l’ExAO et évoqués précédemment,
la constitution et la mobilisation d’un référent empirique concernant surtout la
chaîne de mesures d’ExAO et les logiciels utilisés paraissent indispensables.
Connaître la chaîne d’ExAO, en terme de rôles des éléments qui la constituent et
de circulation des données entre ces éléments, savoir choisir le ou les capteurs
adaptés, savoir réaliser les branchements spécifiques, connaître les logiciels utili-
sés sont de nouvelles compétences requises pour les élèves. En effet, toute inter-
action avec un dispositif technique suppose de la part de l’utilisateur de « s’être
construit une représentation adéquate de l’architecture du dispositif et de ses
modes de fonctionnement » (Martinand, 1995). L’enseignant devra alors bien dis-

tinguer avec les élèves l’action de l’utilisateur sur le dispositif des opérations effec-
tuées par le dispositif sur l’information. Le système expérimental informatisé doit
constituer une boîte de verre au sens où Rabardel (1995) l’entend, c’est-à-dire
qu’il laisse voir de lui-même ce qui est pertinent pour le sujet. Concernant l’ExAO,
la transparence du dispositif doit être mise en relation avec les besoins variables
en informations de l’utilisateur en fonction de ses buts et de ses compétences.
C’est pourquoi la chaîne de mesures de l’ExAO devient alors un instrument opé-
ratif dans le sens que sa transparence est référée à l’utilisateur et à son activité.
Concernant ce dernier point essentiel, les situations didactiques actuelles en TP
ExAO placent l’élève exécutant de manipulations assistées par ordinateur sans
réflexion sur l’expérimentation menée et le dispositif expérimental utilisé. Pour
une évolution de l’enseignement expérimental, si l’on veut placer l’élève en situa-
tion active face à de véritables expérimentations ayant pour finalité de résoudre des
questions de biologie, le dispositif d’ExAO, considéré jusqu’à présent uniquement
comme un instrument de mesures expérimentales, peut être envisagé comme un
instrument opératif d’investigation empirique. Dans ce cas, l’activité de l’élève sera
davantage orientée vers la compréhension des phénomènes biologiques, la prise
d’initiatives et la mise en œuvre d’activités expérimentales. Ainsi, le mode d’in-

vestigation empirique pendant les séances d’ExAO, outre le fait que sa logique est
de résoudre un problème avec une approche ouverte, permettrait d’exploiter plus
efficacement les potentialités offertes par l’ExAO et évoquées précédemment.
Si l’on tient compte du potentiel d’aide offert par l’ExAO et notamment concer-
nant la nouvelle focalisation sur les phénomènes biologiques, le mode d’élabora-
tion théorique peut permettre la réalisation d’expériences en TP ExAO afin de
faciliter l’appropriation conceptuelle. L’enseignant peut alors axer sa pratique sur
des finalités plus théoriques.
Ainsi, par un choix judicieux du mode de pratique dans sa classe, le dévelop-
pement de la matrice cognitive (Martinand, 96), peut être privilégié puisque celle-
ci, constituée de l’ensemble des paradigmes épistémiques, des ressources théo-
riques et sémiotiques, est indispensable à la mise en œuvre de procédures
expérimentales. L’élève pourra alors s’investir véritablement et activement dans
une expérimentation, ensemble complexe de mises au point de protocoles, de
procédures, de recours à des instruments matériels et théoriques (Coquidé, 99).
Il est donc nécessaire de créer chez l’élève des liaisons fonctionnelles entre ce qui
est réellement observé par rapport au vivant et ce qui correspond à l’écran de l’or-
dinateur. Ainsi, les compétences relatives aux caractéristiques de l’expérimentation
et aux modes de représentation des sciences expérimentales (tableaux, graphes,
courbes) sont requises, comme celles relatives aux caractéristiques du vivant.
Pour conclure, si l’on veut actuellement dépasser les travaux pratiques prêts à
l’emploi qui stérilisent la réflexion par des descriptions détaillées de manipula-
tions informatisées données jusqu’à présent, la formation des enseignants est une
condition impérieuse pour une évolution de l’enseignement expérimental de la

biologie. Ainsi, l’intégration de l’ExAO dans des situations de résolution de ques-
tions de biologie selon des modes didactiques variés, articulés et choisis en fonc-
tion de finalités clairement définies, dans des situations favorisant l’étude du vivant,
peut aider à cette rénovation.
Des perspectives du côté des logiciels

Néanmoins se pose la question des logiciels d’ExAO en SVT dont il existe à
l’heure actuelle deux types. Ceux qui sont dédiés à une manipulation précise et jugés
trop dirigistes par les utilisateurs sont les plus utilisés parce que, d’une part, ce sont
les premiers mis en œuvre et les laboratoires de SVT en sont largement équipés,
et d’autre part ils sont plus simples que les suivants. Les logiciels généralistes, plus
récents, laissent en théorie davantage d’autonomie pour la recherche expérimen-
tale et la mise en œuvre de protocoles expérimentaux nouveaux. Cependant, ces
derniers apparaissent trop complexes du point de vue des enseignants et nécessi-
tent davantage de compétences pour leur mise en œuvre par les élèves et les pro-
fesseurs.
La double question est alors posée : doit-on concevoir un autre type de logi-

ciels, plus simple et moins dirigiste ou finalement n’est-ce pas la qualité des usages
qui est à considérer ? Les difficultés rencontrées sont-elles réellement dues à la
qualité des logiciels ou n’est-ce pas un faux débat masquant le problème essentiel
de formation des enseignants ? La qualité des usages peut et/ou doit-elle s’identi-
fier à celle des logiciels ? Certes, une simplification du matériel en ExAO avec des
logiciels moins complexes, car actuellement trop de données sont nécessaires pour
une seule mesure, et des logiciels plus riches en informations scientifiques per-
mettraient à l’expérimentateur de prendre davantage d’initiatives dans un contexte
plus favorable pour résoudre des questions de biologie par une véritable expéri-
mentation.
Conclusion
Notre travail de recherche nous a donc conduit à mettre en évidence un déca-
lage entre cette nouvelle manière d’expérimenter et les pratiques et activités expé-
rimentales correspondantes, dû au fait de l’introduction de l’ExAO dans un ensei-
gnement traditionnel. C’est pourquoi nous avons cherché à voir s’il était possible
de construire au lycée des activités et des pratiques expérimentales faisant usage
de l’ordinateur, ayant une cohérence d’une part entre elles et l’instrument infor-
matique, et d’autre part vis-à-vis des programmes actuels de biologie.
Notre étude nous a alors permis de retenir quelques points essentiels dont la
prise en compte dans les séances d’ExAO peut permettre de dépasser « le front
de l’innovation ». En effet, d’après Baron (1999), concernant les disciplines scien-
tifiques désormais instrumentées, « ce qui était sur le front de l’innovation il y a 15

ans est aujourd’hui en passe d’être intégré en biologie, en physique… ». Outre
l’importance d’intégrer l’ExAO dans des pratiques expérimentales selon des modes
didactiques variés et bien choisis, l’ordinateur en TP ExAO, jusqu’à présent ins-
trument de mesures expérimentales, peut devenir davantage instrument d’inves-
tigation expérimentale, mettant ainsi l’élève acteur de son apprentissage. De plus,
il conviendrait de s’interroger sur la nécessité du travail d’équipes de l’enseignant.
En effet, la collaboration d’un ensemble de personnes aux fonctions diverses, au
sein de l’établissement, de la noosphère et auprès des fabricants de matériel infor-
matique et d’ExAO, devient obligatoire pour une évolution de l’enseignement
expérimental.
En définitive, la question fondamentale posée est sans doute dans la formation
des enseignants qui se présente comme une condition impérieuse, mais vu l’im-
mensité de la tâche, peut-être comme l’obstacle le plus sérieux pour un usage inté-
gré de l’ordinateur dans une science expérimentale. Comment imaginer une inté-
gration de l’ExAO dans les pratiques enseignantes avec une meilleure prise en
compte du vivant, sans que ceux-ci y soient préparés et sans qu’ils adhèrent à des
réformes éventuelles ?

BIBLIOGRAPHIE
BARON, G.-L., L’informatique à l’école : ce que le système scolaire est prêt à intégrer, In : L’événement,
décembre 1999.
COQUIDÉ, M., Les pratiques expérimentales : propos d’enseignants et conceptions officielles, In :
L’enseignement scientifique vu par les enseignants, Aster, n° 26, Paris : INRP, 1998.
COQUIDÉ, M., BOURGEOIS-VICTOR, P., SALVIAT, B., Résistance du réel dans les pratiques expérimentales,
In : L’expérimental dans la classe, Aster, n° 28, Paris : INRP, 1999, p 56-57.
FAURE-VIALLE, B., L’expérimentation assistée par ordinateur dans l’enseignement des sciences de la vie au
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Louis Baron, juillet 2001, 226 p.
MARTINAND, J.-L., Connaître et transformer la matière, Berne : Peter Lang, 1986.
MARTINAND, J.-L., Introduction à la modélisation, In : Les actes du séminaire de didactique des disciplines
technologiques, ENS, Cachan, 1995-1996.
RABARDEL, P., Les hommes et les technologies, Approche cognitive des instruments contemporains, Paris :
Colin, 1995.
SALAMÉ, N., DUVAL, J.-C., L’informatique scientifique dans l’enseignement de la biologie et de la géologie
au lycée, Paris : INRP, 1991.
SALAMÉ, N., Activités scientifiques informatisées, Paris : INRP, 1992.

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L'expérimentation assistée par ordinateur, aide et obstacle

en travaux pratiques de biologie au lycée

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Computer Assisted Experimentation (CAE), Computer gestütztes Experimentieren: Hilfe und

• • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004

pratiques expérimentales faisant

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Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004 • • • • • • • • • • • • • • •

’insertion de l’ordinateur dans l’enseignement de la biologie s’est

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Une nouvelle focalisation sur les phénomènes biologiques

• • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004

des domaines tels les mécanismes cellulaires et moléculaires, les transformations

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Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004 • • • • • • • • • • • • • • •

selon une stratégie éducative assez dirigiste suivant un ordonnancement prévu

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Une mise à distance du vivant

• • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004

Quelques changements plutôt du côté des activités expé-

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Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004 • • • • • • • • • • • • • • •

sur le modèle « problème donné-protocole proposé-résultats à analyser » selon la

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Des perspectives du côté de la formation des enseignants

• • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004

perspective d’évolution de l’enseignement expérimental en biologie, la connais-

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Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004 • • • • • • • • • • • • • • •

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Des perspectives du côté des logiciels

• • • • • • • • • • • • • • • Carrefours de l’éducation • 17 • janvier-juin 2004

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