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DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
MEMOIRE DE MAITRISE
i
Sujet: 1
Année: 2002/2003
--.--- ~ -
DEDICACE
Je dédie ce travail :
A feue ma grand-mère qui m'a élevé et qui s'est éteinte avant de me voir
terminer mes études. Que la terre lui soit légère;
A mon épouse,
o Surtout je dois remercier mon épouse, Yacine, qui avait la lourde charge de
la lecture et de la correction du Mémoire.
o Enfin mes remerciements s'adressent à tous ceux qui ont de près ou de loin
contribuer à la réalisation de ce travail.
SOMMAIRE
DEDICACE
REMERCIEMENTS
GLOSSAIRE . 5-9
~
Chapitre IV: RAPPORT ENTRE MEDECINE TRADITIONNEllE
ET PSYCHIATRIE MODERNE: ............................................. 78-83
1- Récupération du savoir du guérisseur: .................................................. 78-80
Il - Difficultés à reconnaître le guérisseur: ................................................. 80-82
Il - 1 - Première difficulté ....................................................................... 80
Il - 2 - Deuxième difficulté...................................................................... 81
Il - 3 - Troisième difficulté...................................................................... 81-82
111-Psychiatrie et guérisseur: vers un dépassement du conflit :................. 82-83
-
SYSTEME DE TRANSCRIPTION WOLOF
Certains mots ont été transcrits selon les règles de transcription du wolof adoptées en
1971 par un décret gouvernemental. L'alphabet wolof comprend une trentaine de
lettres qui s'écrivent de différentes façons.
Exemple:
lakk = brûler coro = amante
takk = lier ceeb = riz
lamb = invendu dëmm = sorcier
làmb = lutte dée = murmurer, souffler
buusu = pulvérisé aada = coutume
bët = œil fajar = aube
jabaru rab = épouse de rab wêr = gurérir
far = amant fey = payer
garab = arbre, médicament toj = casser, détruire des gris-gris
kër = maison
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b - Les consonnes aéminées
bb = nëbb = cacher
cc = wacce = faire descendre
dd = tëdd = se coucher
gg = sëgg = se baisser; taggu = demander la permission
jj = Béjjen = corne
kk = Lekk = dévorer
Il = gàllaaj =gris-gris
mm = dëmm = sorcier; jommi = vision sidérante;
nn = benn = un ; fenn = nulle part ;
nn = wonni = détourner
!)!) = do!)!) = seul
pp = soppi = transformer; pepp = mil
q= boq = maïs (ou couleur jaune)
tt = natt = mesurer
ww = tawwi = étirer
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GLOSSAIRE
Gént : rêve
- Jeeneer : sembler voir. C'est une expérience visuelle dans un état intermédiaire
entre la veille et le sommeil. Elle est plus étale et durable que le
FeenUFeenu.
- Xam-xam: Connaissance. Tous les "Fajkat" sont des "borom xam-xam", des
connaisseurs
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Téere: amulette écrite par le marabout, enveloppée dans un sachet de cuir ou
de plastique
- Laar: queue de bœuf dont une extrémité est enserrée dans un étui en cuir.
Instrument rituel de certains guérisseurs.
Le Tuur: Le tuur est un génie désireux de vivre auprès des hommes, pouvant
emprunter des formes humaines diverses et conçu quelques fois, quant à son
origine comme le jumeau de l'ancêtre et, en tous les cas, comme maître de la
nature, des eaux et du sol. Ce génie a conclu une alliance, transmissible de
génération en génération, avec l'ancêtre d'un lignage aux termes de laquelle
l'offrande de nourriture et la reconnaissance sociale sont assurées au tuur
contre la fertilité, le savoir et la richesse qui reviennent à l'homme.
C'est un esprit ancestral identifié de longue date. Il est attaché à un lignage, un
village ou un quartier. Son nom et ses attributs sont connus par des personnes qui lui
rendent un culte régulier en des lieux bien déterminés (site naturel ou autel
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domestique). Le nom du tuur est généralement précédé de "maam" = (grand-mère ou
grand-père).
Les tuur peuvent être subdivisés en deux catégories: les grands tuur attachés
aux villages et aux villes et connus par toute la collectivité tel que Maam Kumba
Lambay (Rufisque), Maam Kumba Bar] (Saint-Louis), Maam Njare(Yoff), Leuk Daur
(Dakar), Kumba Castel (Gorée), etc. et les tuur familiaux de moindre notoriété, les tuur
de quartier, les tuur des officiants du "ndëpp", connus d'un nombre de personnes plus
restreint.
Le Rab: La frontière entre "tuur" et "rab" est un mouvante. Les tuur sont des
"rab" et un culte assidûment rendu au "rab" hissera celui-ci au rang de tuur. La
différence réside dans le degré de notoriété et l'ancienneté de l'alliance. En
effet ce sont les rituels de "ndëpp" et de "Samp" qui permettent d'identifier le
rab et de le localiser. L'esprit ancestral aussi nommé sera honoré sur l'autel
domestique par la possédée qui connaîtra son chant devise (bakk) et se
laissera possédé par lui au cours des séances publiques de possession. Il
prendra sa place aussi parmi les véritables "tuur u cosaan" (tuur d'origine).
Les "rab" ont un nom, un sexe, une race, une religion, une personnalité, des
traits de caractère.
- La race: les serer, les lébou et les wolof sont les plus nombreux.
Mais il existe des "rab" peulh, toucouleur, maure, bambara, toubab (européen),
métis, etc. l'appartenance ethnique des ascendants de la personne possédée
détermine la race de l'esprit allié.
- Le nom: Il existe trois types de noms. Les noms humains usuels:
Kumba Paye, Mbissine Faye, Yoro sow, etc. Les noms allusifs: Mbafi coow
(refuse le bruit), Malik Mbër (Malik, le champion de lutte), etc. Les noms sans
aucune référence: Mamm Tuli, Mbir, Dibor, Maam Ngessu, etc.
- Le sexe: le sexe n'est pas toujours précisé. Il existe des rab
"volages" qui poussent la possédée à des actes obscènes pendant le ndëpp,
des rab jaloux que l'on rend responsables des accidents de fécondité. Les
esprits se marient entre eux, engendrent des enfants et, parfois forment des
véritables généalogies parallèles.
- La religion: l'existence des rab "musulman", "sërif1" (marabout),
voire "waliyu" (Saint musulman) n'est pas le moindre paradoxe du culte. Les
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rab se divisent en deux classes: les "sërifl" et les "ceddo" (païen, caste de
guerriers, fétichistes dans les anciens royaumes wolofs). Les "sërin" sont tenus
pour calmes, bienveillants, silencieux, propres. Il ressemble à l'image idéale du
marabout, tranquille, pieux, habillée en blanc. Les "ceddo" sont indisciplinés,
violents, voraces, bruyants, ivrognes. Ainsi l'univers des "rab" reproduit
l'opposition latente dont il est l'un des termes: Islam et culte d'inspiration
animiste.
- Caste et stratification: les griots et les lawbé (travailleur de bois)
sont les plus nombreux. Il y existe une hiérarchie des "tuur' et des "rab".
- Traits divers: il y a des "rab" pieux, respectables, courageux,
ludiques, cruels, perfides, savants, ignorants, etc. Il y a des rab qui "soignent"
autrement dit qui transmettent des connaissances thérapeutiques et
pharmacologiques à leurs alliés et des "rab" qui ne le font pas, par méchanceté
ou par ignorance. Il y a enfin des "rab" dits "aaf', jeunes rab, incirconcis, qui
subiront une opération symbolique lors du ndëpp.
Le Bâkk : c'est un chant indicatif ou chant-devise qui fait partie des attributs du
rab ou du tuur. C'est à l'aide du bâkk, courte phrase plus ou moins explicite que
les esprits sont appelés à tour de rôle pendant le ndëp et le sâmp. En voici
quelques exemples:
. Maam Ngeesu mbul walli na ragal bu ko dègg daw (Maam Ngeesu de
Mbul y a assisté, le peureux qui l'entend s'enfuit)
. Mbott mbottan mi ci guy gi 100koy doye ? Lekk (Le Mbott mbottaan (fleur)
qui est sur le baobab qu'allez-vous en faire? Manger)
. Loolu norul baaxulloo koy doye ? Lekk. (II n'est pas mûr, il n'est pas bon,
qu'allez-vous en faire? Manger)
Ces bâkk contiennent des avertissements à l'intention des sorciers. L'allusion est plus
claire dans le chant suivant:
. Ku ban gacce dangay wottu toon
(celui qui ne veut pas être humilié doit s'abstenir de faire du tort)
il y en a qui sont plus simples, plus explicites:
. Ndew, maa bëgg Ndew, Ndew yande
8
(Ndew - nom du rab -, j'aime Ndew, Ndew Yande)
- Xamb et Samp : Le xamb est l'autel domestique dans lequel résident les rab. Il
comporte une enceinte, un ou plusieurs arbres (baobab) et les sâmp
proprement dit c'est dire les éléments de l'autel. Samp signifie "planter, ficher
en terre, fixer". Il s'emploie en trois sens: samp : moment du rituel de ndëp, et
enfin samp : action de bâtir en un lieu un autel, autrement dit de fixer le rab, de
s'employer à lui faire une demeure. Il y a généralement dans un xamb, de la
poterie enfouie dans le sol avec un trou au milieu de la base et contenant de
l'eau, des pilons fichés dans la terre, des prières noires venues de la mer etc.
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"serin" notamment les taryaax (spécialistes des pratiques magiques offensives
et défensives).
INTRODUCTION
(1) J.P. Leamann, « La terre afticaine et ses religions », 1975, Larousse, p. 306
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Le médecin et le guérisseur pratiquent leurs arts dans le cadre d'une
concurrence où aucun des deux compétiteurs ne détient de manière exclusive la
science capable de venir à bout des maladies mentales dont souffrent les populations.
L'individu est de plus en plus laissé à lui, isolé avec ses problèmes, ne parvenant plus
à donner un sens à la vie. On ne sait plus où chercher et trouver la cause des
troubles. Dans le temps, la communauté considérait le fou comme porteur de signes
évocateurs (puisqu'il avait été attaqué de l'extérieur pour signaler une perturbation
essentielle) et entrait en thérapie avec lui. C'est tout à fait le contraire actuellement car
le fou est considéré comme un marginal, chassé et exclu parce que ne respectant pas
les nouvelles normes sociales. Qui se sent en ce moment responsable du malade?
La famille même veut s'en débarrasser. Ce qui explique sa présence gênante dans les
rues. Mêmes les pouvoirs publics, très gênés par cette situation de fait, n'ont pas
encore trouvé des solutions idoines à ce problème. Alors il reste pour le fou rejeté par
tout le monde que, dans de rare cas, la clinique psychiatrique et le psychiatre,
nouveau guérisseur moderne et seule personne à pouvoir répondre de lui, bref prompt
à partager sa misère.
:/
Il
Chapitre 1 : Cadre THEORIQUE
-
1 Problématique:
C'est ainsi que les guérisseurs africains sont d'abord considérés comme des
illusionnistes, des sorciers sans aucune science approuvée. Ils ont donc incarné aux
yeux des missionnaires, des forces ténébreuses du mal et de l'antéchrist. Sans
considération, aucune les soignants africains guérisseurs ou sorciers sont traités
comme des ennemis par les colonisateurs. Ils furent sévèrement réprimés par les
missionnaires, par l'administration coloniale puis par les gouvernements formés à la
suite des indépendances. Ces gouvernants étaient formés par la plupart des cadres
africains, formés à l'école occidentale; donc forcément imbus de complexes nés de
leur contact avec l'occident et ses intellectuels. Ils ont aussi des perceptions, des
comportements et des modèles occidentaux.
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acceptable parce que compréhensible et quelques fois compatible avec la
conception médicale des européens qui avaient une conception rationnelle et
normative de l'art de guérir un malade. Alors les missionnaires ont systématiquement
combattu toutes autres pratiques de la médecine traditionnelle qui ne collaient pas
avec leurs réalités. Ils ont d'ailleurs considéré les thérapies comme étant de la
pratique inhumaine faite de magies incompréhensibles et de mystères inacceptables
pour saturer et accabler l'individu.
A ce titre, il est souvent relaté dans les anciens textes produits par ces
missionnaires que «Les êtres humains vivant dans les sociétés traditionnelles
africaines étaient habités par l'angoisse et la crainte du sorcier »(2). Ces textes
soulèvent des cas de malades désespérés évacués, dans un état critique, à l'hôpital
pour bénéficier de la science et de l'art de guérir de l'homme blanc, seul capable de
les soigner et de les débarrasser de leur mal. Ce qui en d'autres termes montre
l'incapacité de la médecine africaine traditionnelle à prendre correctement en charge
certains cas de maladies dont souffrent les membres de sa communauté.
Cependant, pour la plupart de ces cas, il s'agit de charlatans dépourvus de toute
compétence qui intérieurement sans scrupule et de manière maladroite dans le
traitement de malades donnant ainsi une image négative de la médecine
traditionnelle africaine.
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De plus, le combat mené par les africains contre l'impérialisme occidental,
singulièrement ponctué de réactions négatives contre l'évasion de la culture et des
normes occidentales, a éveillé dans les pays africains une forte aspiration de retour
aux sources et coutumes. Ce désir d'enracinement est véhiculé à travers les
messages incitant au retour à l'authenticité. Une prise en compte de l'aspect
socioculturel du développement accompagne cette prise de conscience. Et, aussi,
les soignants traditionnels, de plus en plus acceptés, retrouvent leur place dans la
sphère de la médecine. Malheureusement, de ce retour aux sources, les excès sont
inévitables et entraînent souvent la désapprobation des puristes de la médecine
traditionnelle qui ont des réactions extrêmement négatives à l'image des intellectuels
occidentaux. Cette situation commune à tous les pays africains est rencontrée aussi
au Sénégal. Elle est ainsi vécue quotidiennement par les populations de la ville de
Dakar (capitale du Sénégal).
Quelles sont les différents types de thérapeutes traditionnels que l'on peut
distinguer à_Dakar? Il s'agira de faire une typologie des différentes personnes
intervenant dans la cure traditionnelle de façon tranchée d'abord, pour ensuite
voir s'il y a des interférences dans leurs manières de procéder.
Quels sont les rapports qui existent actuellement entre médecine traditionnelle
et la médecine moderne dans le traitement des maladies mentales? Le
psychiatre étant formé à l'école, donc ayant des perceptions, des
comportements et des modèles occidentaux; comment va t-il considérer le
tradipraticien souvent ancré dans ses traditions et qui parfois a des
démarches opposées à la « logique» ?
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- - -
quels sont les problèmes que cette croyance va engendrer chez les
spécialistes de la médecine à savoir les psychiatres?
Il - Obiectifs :
III - Hypothèses:
Nous rappelons que l'hypothèse est une proposition de réponse à la question posée.
Elle est une proposition avancée qui sert de fondement au travail scientifique. Il est
donc nécessaire d'hasarder des hypothèses pour orienter une recherche. En effet,
nous pensons que:
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sociaux, deux lignes de conduites foncièrement différentes, les causes de la
maladie ne sont pas toujours directes, scientifiquement détectables. La
maladie revêt un caractère idéologique voire religieux. On ne cherche pas
souvent la cause des troubles dans l'action des microbes, du manque
d'hygiène, mais plutôt dans l'action de forces invisibles, d'esprits maléfiques,
etc.
Les populations dakaroises allient les deux formes de thérapie; d'où une
croyance certaine en cette médecine traditionnelle africaine qui reste
prépondérante dans les mœurs et dans les pratiques de tous les jours.
En outre, l'omniprésence dans les médias qu'il soit la radio, la télévision, les
journaux etc., de messages publicitaires de tradipraticiens et leur nombre croissant
dans la capitale (la ville de Dakar) n'ont pas manqué d'attirer notre attention, de
susciter notre intérêt pour la pratique de la médecine traditionnelle en milieu urbain.
En effet, Dakar abritant plusieurs structures modernes de santé (hôpitaux,
dispensaires, postes de santé, centres psychiatriques, etc.), il peut paraître
paradoxale qu'il y ait une prolifération de guérisseurs traditionnels. Ils nous a donc
semblé nécessaire d'y consacrer une recherche plus approfondie.
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et ses effets ». Par activité il entend un comportement humain, quand et pour autant
que l'agent ou les agents lui communiquent un sens subjectif. Et par activité "sociale"
l'activité qui d'après son sens visé par l'agent ou les agents se rapporte au
comportement d'autrui par rapport auquel s'oriente son déroulement...
Ainsi, nous avons jugé nécessaire de définir les concepts clés de notre travail
comme par exemple les concepts de guérisseur, de maladie mentale, de médecine
traditionnelle, de pratique, de rite ou rituel, de représentation, d'itinéraire
thérapeutique entre autres.
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socioculturels indigènes et concourrant à la santé et au bien-être physique, mental et
spirituel des membres de ladite collectivité". Le guérisseur appartient à plusieurs
catégories de professionnel: tradithérapeutes, phytothérapeutes, ritualistes,
kinésithérapeutes, phléothonistes, accoucheuses traditionnelles, herboristes,
médico-droguistes, etc.
Les observations sur le terrain nous montrent que quiconque ne peut devenir
guérisseur, à moins de jouer au guérisseur et d'être un charlatan exploitant la
crédulité des autres. Le guérisseur est élu, formé, reconnu et a des compétences
réelles.
Cependant, s'il existe des tradipraticiens honnêtes, il n'en existe pas moins
des charlatans sans compétence aucune, qui sans scrupule, interviennent dans la
pratique et causent plusieurs dommages aux populations. C'est pourquoi l'OMS a
mis sur pied des critères pour définir le vrai guérisseur. Ce sont notamment la
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notoriété, la sédentarité, les résultats obtenus, le taux de fréquentation et la
continuité des services.
Pratiaue : La pratique est « une activité mettant en œuvre les principes d'un art, ou
d'une science, d'une doctrine ou d'un corps d'obligation». Elle désigne selon Levy-
Bruhl, "les règles de la conduite individuelle et collective, le système des devoirs et
des droits, en un mot, les rapports moraux des hommes entre eux". (Levy-Brunhl, La
morale et la science des mœurs, Paris, Alcan, 1903, p.9).
Les rites: C'est un comportement codifié et imposé par le groupe social, se répétant
selon un schéma fixé chaque fois que se produisent les circonstances auxquelles ils
sont rattachés. Les gestes, les postures, et les objets qui le composent n'ont pas de
justification utilitaire mais une portée symbolique orientée vers la communication
avec les puissances surnaturelles. Le ndëpp et le tuuru sont des rituels cherchant la
communication avec les rab et les tuur.
Maladie mentale: La maladie est définie par le dictionnaire Hachette comme « une
altérationde la santé». Le malade mental serait donc quelqu'un qui éprouve des
troubles mentaux, qui n'est pas parfaitement équilibré. Le concept de maladie
mentale remplace dans le vocabulaire médical celui de "fou" qui n'est plus utilisée
quant bien même les deux concepts sont souvent considérés comme des
synonymes. Ils peuvent signifier "dérangement de l'esprit avec un comportement
étrange du sujet atteint".
Les psychiatres rencontrés nous ont signifié que la maladie mentale, la folie
n'a pas la même signification chez les africains que chez les occidentaux. Pour eux,
le malade mental, selon la culture et les représentations africaines n'est pas un
aliéné", un "autre différenf' qui dérange sa conduite qui s'écarte des normes établies
comme dans le système occidental. Lalande disait que "le fou, c'est celui qui parle
20
autremenf'. Par contre, en Afrique, le fou reste un semblable, sa maladie est affaire
du groupe familial, de la société. La maladie mentale ne consomme pas une rupture,
elle est perturbation provisoire dans l'ordonnancement des forces qui concernent
l'ensemble.
Le malade mental, selon les traditions, est une personne qui est habitée par
"des forces mystérieuses, mauvaises, insolites ou bonnes". La maladie peut être
initiatique. Le "fou", c'est souvent le futur guérisseur.
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d'avoir donné à la notion un statut sociologique. Dans un article, publié dans la
Revue de métaphvsiaue et de morale, en 1859, les « représentations collectives»
sont ainsi considérées comme un objet d'étude autonome. Est également affirmée, la
spécificité de la pensée collective par rapport à la pensée individuelle. De même que
les représentations individuelles ont des propriétés qui leur sont propres,
irréductibles aux processus physico-chimiques du cerveau qui les engendre, de
même les représentations collectives ne peuvent se réduire à l'addition des
représentations individuelles. Au contraire, elles sont l'un des moyens par lesquels
s'affirme la primauté du social sur l'individuel.
Plus généralement, l'emploi d'un tel concept permet de désigner aussi bien
les mythes que les rites ou la pensée d'une communauté donnée. Cet univers
symbolique n'est autre que le résultat de l'élaboration commune qu'une société se
forme lorsqu'elle cherche à interpréter son environnement physique, et à donner un
sens à son organisation et ses structures hiérarchiques. Nous avons ainsi parlé dans
le texte des représentations traditionnelles de la maladie à Dakar.
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être synonyme de paradigme. C'est le courant dans lequel s'inscrit le travail de
recherche.
Tradition: Du latin "traditio": action de remettre; elle évoque ce qui est au sein
d'une société, se transmet de manière vivante par la parole, l'écriture ou les
manières d'agir. Pour Maurice Blondel (Communication à la société française de
philosophie, séance du 03 avril 1919). « La tradition (selon /'image qu'évoque le sens
actif de l'étymologie) véhicule plus que des idées susceptibles de forme logique: elle
incarne une vie qui comprend à la fois sentiments, pensées, croyances, aspirations
et comportements ». Loin de considérer avec suffisance l'acquis des siècles passés
comme un dépôt intangible, elle donne lieu à toute une série de réinterprétations
possibles qui, en retour la maintiennent, la consolident, l'actualisent ou la
renouvellent. Dès lors, elle « livre par une sorte de contact fécondant ce dont les
générations suivantes ont également à se pénétrer et ce qu'elles ont à léguer comme
une condition permanente de vivification, de participation à une réalité ou l'Effort
individuel et successif peut indéfiniment puiser sans l'épuiser ». (Dictionnaire de
sociologie, Gilles Ferréol et AI). C'est ainsi par exemple que les formes
traditionnelles de thérapie demeurent à Dakar, malgré la prolifération des structures
modernes de santé.
Dans le but de mieux appréhender notre sujet de recherche, il nous fallait voir
les travaux qui y ont été effectués antérieurement.
Ainsi, la plupart des écrits que nous avons consultés étaient le fait de
psychiatres qui s'intéressent à la question juste pour voir l'apport que la médecine
traditionnelle peut leur avoir dans l'exercice de leur métier.
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Nous avons ainsi consulté le résumé du séminaire d'information et de diffusion
des médecines traditionnelles sur le thème "Tous ensemble pour une médecine de
l'homme" organisé par l'ONG PRO.ME.TRA (ONG, promotion des médecines
traditionnelles). Dans ce document, il y a une compilation de discours de ministres
(ministre de la recherche scientifique et de la technologie, le ministre de la femme,
de l'enfant et de la famille qui étaient à l'époque respectivement Marie-Louise Corréa
et Aminata Mbengue Ndiaye), de communications d'experts (Mariame Ndiaye
Sidibé), technicienne supérieure de santé), de résumés, de tables rondes portant sur
le thème.
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peu coûteuse et adaptée à leurs conditions socioculturelles, et élargir le champ
d'action de la science.
Pour ce qui est du culte des esprits ancestraux chez les wolofs, plusieurs
auteursy ont consacrédes écritsdès le XIXèmesiècle.En 1853, l'AbbéBoilat(6)relate
une crise de possession survenue chez une jeune fille d'origine wolof. En 1912,
GADEN et YORO DYAO(7)donnent des indications sur le culte des "ntambe" et leurs
prêtres, les "yahouminbini" au royaume du Walo. Il s'agirait de l'équivalent wolof du
culte des rab chez les wolof. C'est en parlant du culte des pàngol serer, que AUJAS
prononce la première fois, en 1931, le mot "thour". L'existence de la cérémonie du
ndëpp a été, semble t-il, remarqué la première fois par GORER. Il donne un aperçu
sur la danse, la crise et le même rituel et décrit la chasse au dëmm (sorcier) pendant
la séance publique. Mais ce n'est qu'en 1946 que la première description détaillée du
culte des rab est donnée par Balandier et Mercier(8).Ils remarquent le clivage entre
"la vie religieuse musulmane dont les hommes sont les tenants" et "la vie religieuse
traditionnelle qui est le propre des femmes ". Ils notent que cette dernière "fait appel
à un ensemble confus de génies" qui "résident invisibles en brousse ou dans les
autels (xamb)". Tuur et rab sont distingués «selon qu'ils exigent seulement
sacrifices, chants et danses ». Un certain nombre d'esprits sont nommément cités.
Les auteurs distinguent et décrivent brièvement les sacrifices collectifs et individuels,
autrement dit, le tuuru collectif et le ndëpp. Ils donnent aussi la traduction de
quelques bâkk.
25
les cures traditionnelles (celui-ci devant dépasser son "complexe de supériorité"), la
difficulté qu'a le psychiatre occidental ou du moins formé à l'occident de pratiquer
son art en Afrique sans prendre en compte les représentations traditionnelles de la
maladie mentale. Bref ils s'intéressent au rapport entre pratique psychiatrique et
culture de la société d'appartenance du malade. Seulement, il est à signaler que ces
recherches n'ont pas eu pour objectif de comprendre et d'expliquer seulement les
procédés thérapeutiques africains, mais plutôt d'aider à une meilleure applicabilité
des modèles psychiatriques occidentaux aux troubles mentaux dont souffrent les
africains. Chaque individu a une manière différente, selon sa société et sa culture
d'être "fou".
Certains "faits divers", relatés par ces journaux, nous ont fourni des exemples
d'accusation de sorcellerie; ce qui nous a permis de mieux comprendre le
phénomène.
26
DEUXIEME PARTIE
Plusieurs techniques ont été utilisées pour la collecte des données: l'entretien
semi-structuré, l'observation participante, l'histoire de vie entre autres.
1- Univers de l'étude:
Notre étude s'effectue dans l'espace géographique de la région de Dakar (la ville de
Dakar et sa banlieue) qui est la capitale du Sénégal. Dakar est une agglomération
qui se situe à la pointe occidentale de l'Afrique, dans la presqu'île du Cap-Vert. La
ville abrite plus de deux millions d'habitants en l'an 2001 sur seulement une
superficie qui représente 0,9 % du territoire national.
27
Le taux d'analphabétisme est de 43 %. Le taux est moins important chez les
hommes qu chez les femmes. L'alphabétisation se fait majoritairement par la
scolarisation, c'est à dire en langue française. Peu de gens sont alphabétisés en
arabe et des tentatives d'apprendre aux populations à lire et à écrire dans leurs
propres langues est en train de marquer des progrès.
Les tableaux ci-dessous donnent une idée de ce que nous venons de dire.
28
Tableau 1 : Infrastructures sanitaires de la région de Dakar
Technicien Infirmierl
Médecins Pharmaciens Chirurgien- Sage-
dentiste femme supérieur de agent
santé sanitaire
-
Mais pour leurs divers soins, les populations dakaroises ont recours à la
médicine traditionnelle. Les guérisseurs sont omniprésents, surtout dans la banlieue.
29
Il est à noter que Dakar est une juxtaposition de populations aux croyances
différentes, aux représentations diverses, aux comportements et attitudes variées,
aux valeurs multiples marquées par des symboles et des pratiques fortement
marqués par des façons dissemblables de réagir face à un problème, surtout face
aux souffrances.
- Niveau d'instruction:
Source: Enquête sur les dépenses des ménages dans la capitale (EDMC), mars
1996-juin 1996, rapport national, décembre 1997
30
Tableau 4 : Structure de la dépense totale de consommation par fonction et par
tête mensuelle
Le budget des ménages ainsi présenté montre que la dépense moyenne par
personne et par mois s'élève à 23 569 F CFA.
31
Il est à noter le faible coefficient budgétaire de la santé (1,9 %) soit une
dépense mensuelle par tête de 495 F CFA.
Ainsi, dans le cadre de notre étude nous avons eu à cibler les guérisseurs, les
psychiatres et dans de rares cas les accompagnants des malades mentaux. Ces
derniers, ne pouvant pas être directement interrogés, nous nous sommes contenté
de recourir à ces trois catégories de personnes pour avoir les informations
nécessaires à la recherche.
Nous avons à un moment voulu chercher là nous entretenir avec des malades
guéris, mais cela s'est avéré impossible.
Les principales informations ont donc été fournies par des psychiatres qui
nous ont raconté des expériences d'hospitalisation de malades qui consultaient en
même temps des guérisseurs, leurs situations familiales etc.
Les guérisseurs également nous ont fourni de précieuses informations sur les
caractéristiques de la médecine traditionnelle.
Les accompagnants qui n'ont pas été nombreux à être interrogés, nous ont
donné l'histoire de vie de certains malades, la religion de la famille d'origine, ses
revenus, etc.
32
En outre, nous n'avons pas la prétention de faire une étude générale, sous
tous ses aspects de la médecine traditionnelle; mais plutôt la médecine traditionnelle
dans le traitement des troubles mentaux ou psychosomatiques. Les maladies
somatiques (diabète, MST, maladies du cœur, etc.) sont exclues du champ de notre
étude.
En résumé, on peut dire que notre champ d'étude est la compréhension des
thérapies traditionnelles dans le traitement des troubles mentaux à Dakar.
4) 1- 4°) EchantilionnaQe :
33
n'est pas encore le cas pour la région de Dakar), nous avons opté pour la méthode
probabiliste et avons utilisé, pour son application, la technique du hasard simple. En
effet, n'ayant pas la liste exhaustive de tous les guérisseurs et de leurs adresses
respectives, nous nous sommes contenté de noter au hasard les noms et adresses
des tradipraticiens entendus à travers les spots publicitaires passés à la radio, dans
les journaux, à la Télévision ou simplement donnés par des personnes qui les
connaissent.
Dans l'enquête pilote nous sommes allés directement vers les guérisseurs
célèbres que nous connaissions déjà.
C'est ainsi que nous avons pu interroger trente (30) guérisseurs (il y en qui
n'étaient pas de Dakar mais qui avaient une forte clientèle à Dakar). Ce chiffre est le
nombre de guérisseurs qui ont accepté de répondre à toutes nos questions. Nous
avons eu à interroger certains, mais nous n'avons pas pu terminer car soit, ils
viennent à Dakar pour un moment et rentrent dans leur village et nous n'avons pas
pu les revoir, soit, ils refusent tout simplement de continuer les entrevues.
Pour les psychiatres, nous en avons interrogé quinze (15). Mais il est à
préciser que ce ne sont pas tous des psychiatres; il Y a des infirmiers et d'autres
professionnels qui exercent dans le domaine de la santé mentale.
34
Il - Les techniaues d'investigation:
II-1°) La pré-enauête :
Elle est au départ de toute recherche sociologique. Elle correspond à la phase
phénoménologique (doctrine philosophique dont le représentant est E. Husserl
(1859-1939).
Ayant ainsi eu une idée sur le phénomène, nous avons fait le tour de certaines
bibliothèques et centres de documentation où nous espérions trouver des
35
-'>
informations sur le thème. En effet, à la bibliothèque de l'UCAD (Université Cheikh
Anta Diop), à celle de psychopathologie de l'hôpital Fann, aux centres de
documentation de la DPS(10),du ministère de la santé, de l'Ong PROMETRA
(Promotion de la Médecine Traditionnelle), de Enda Santé, etc, nous avons pu
trouver plusieurs sortes de documents écrits, des statistiques...).
Bref, nous pouvons dire que nous avons consulté des documents écrits
(livres, revues, journaux, archives), des documents chiffrés (statistiques, résultats de
recensements) et des documents ni écrits ni chiffrés (films, cassettes,
photographies... ).
C'est à partir de ces recherches que nous avons élaboré des questions
d'entretien et formuler des hypothèses.
11-3°)L'entretien semi-directif :
C'est une technique de recueil des données auprès d'un sujet enquêté. On
distingue trois types d'entretien: l'entretien directif, l'entretien semi-directif et
l'entretien non directif.
Dans le cadre de notre travail de recherche, nous avons opté pour l'entretien
semi-directif qui nous a semblé être mieux indiqué vue la nature de l'objet d'étude.
En effet nous avons invité les enquêtés à répondre de façon exhaustive et,
dans leurs propres termes et avec leurs propres cadres de référence à des questions
36
générales (thèmes). Nous avons eu à introduire des sous-thèmes au cours de
l'entrevue et avons laissé suffisamment d'initiative aux enquêtés.
Les thèmes et les sous thèmes ont été consignés sur un guide d'entretien
(voir annexe) et n'ayant pas d'appareil d'enregistrement, nous avons recouru à la
prise de note.
11-4°)l'histoire de vie:
Pour comprendre la réaction des individus et des groupes devant le
déclenchement de troubles mentaux chez un membre du groupe, nous avons
demandé aux accompagnants de certains malades, le récit de vie de ces derniers.
II-5°) l'observation-participation:
Pour une meilleure compréhension de la médecine traditionnelle, nous avons
eu à jouer deux rôles qui nous ont permis d'intégrer le milieu et de le comprendre de
l'intérieur. C'est ainsi que, notre grand-mère étant guérisseuse, nous lui avons porté
assistance dans ses travaux pendant presque un mois (chaque fois que nous en
avions le temps) et cela pour une meilleure compréhension de la pratique.
Elle a ses xamb (autel) chez nous, et les gens y viennent la consulter. Nous
l'aidions quand elle faisait le "Wacce" (opération qui consiste à passer l'animal de
sacrifice de la tête aux pieds du malade pour faire "descendre" le rab ou le seytané.
Nous l'aidions également à tuer l'animal de sacrifice, à lui apporter certains objets
dont elle fait usage et faisions certaines commissions pour elle. Cela nous a permis
de comprendre certains procédés de divination (allumer du papier dans l'eau du
xamb, si le papier brûle, le malade va guérir, s'il ne brûle pas, cela veut dire que le
malade ne sera pas guéri). Nous avons donc joué là un rôle d'assistant de
..
guérisseur.
37
Nous avons eu, également, à voir des guérisseurs en tant que "client". En
effet, prétextant de venir faire le "seetlu" (recommander une divination), nous nous
sommes employé à observer tout ce que les guérisseurs faisaient.
11-6°)Le pré-test:
Afin de tester si nos outils de collecte des données étaient opérationnels ou
pas, nous avons effectué une enquête pilote. Ainsi nous avons utilisé cinq (05)
guides d'entretien pour des guérisseurs et cinq (05) pour des psychiatres. Cela nous
a permis de reformuler certains thèmes et d'en éliminer d'autres.
L'enquête est une étape de l'observation dont le but est de collecter des
informations sur un objet (groupe, individu, institution, croyance, processus, faits
sociaux, etc.). En sociologie, la plupart des études passent par des enquêtes.
Ainsi nous avions décidé de faire toutes nos enquêtes en une durée de un
(01) mois, mais les contraintes du milieu ont fait que cela a duré un (01) mois treize
(13) jours (les rendez-vous sortaient parfois des délais prévus pour les enquêtes.
.
indiqués. C'est seulement après avoir fini ce travail préalable en ayant recueilli le
.. nom et les coordonnées d'un nombre que nous avons jugé suffisant de guérisseurs
que nous avons entrepris de débuter les enquêtes.
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Les entretiens, nous les avons commencés avec le personnel médical
(psychiatres, infirmiers) de la clinique psychiatrique Moussa Diop de l'hôpital Fann.
C'est le bibliothécaire lui-même qui nous a aidé à les rencontrer; pour l'hôpital
psychiatrique de Thiaroye, c'est l'infirmier major qui nous a facilité les contacts.
Les entretiens avec les spécialistes de la psychiatrie ont duré quinze (15) à
vingt (20) minutes par entretien et nous avons pu réaliser trois (03) à cinq (05)
entretiens par jour. Cependant, il y a en des jours où nous n'étions pas parvenus à
les voir et d'autres où nous ne parvenions à réaliser qu'un seul entretien. C'est ainsi
que les entretiens avec les psychiatres et autres intervenants (infirmiers par
exemple) nous ont pris une dizaine de jours. Le premier entretien a été effectué le 02
août 2003 et le dernier 13 août à 13 heures.
En outre les guérisseurs étaient très nombreux à être réticents, et cela du fait
de leur statut non encore officiel et de leur pratique considérée souvent comme
"exercice illégale de la médecine". Mais avec des explications, ils finissent par
collaborer.
Nous avons fini les enquêtes le lundi 15 septembre 2003, mais nous n'avons
pas manqué de rencontrer un certain nombre de difficultés.
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111-2-1-
Obstacles humains:
D'abord, concernant notre population-cible, nous avions souhaité nous
entretenir avec des personnes qui étaient des malades mentaux mais qui sont
guéries pour nous livrer leur histoire de vie. Mais, il s'est trouvé que nous étions dans
l'impossibilité totale d'en trouver quelques uns qui acceptent de nous accorder
l'interview. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons eu recours aux accompagnants des
malades pour avoir certaines informations. Cette alternative n'a pas totalement réglé
le problème car les accompagnants sont demeurés très réticents.
111-2-2-
Les obstacles matériels et financiers:
L'un des problèmes auxquels nous étions confronté est celui du transport. En
effet, il nous a fallu faire beaucoup de déplacement vers les centres de
documentation qui se trouvent, pour la plupart, en ville alors que nous étions en
banlieue (Thiaroye/mer).
Par ailleurs, l'autre problème qui est lié au précédent est celui financier. En
effet, l'enquête a été un peu onéreuse pour nous. Il fallait contacter les guérisseurs
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d'abord au téléphone pour fixer les rendez-vous, payer les tickets de transport,
photocopier des documents, faire la saisie; et tout cela n'étant pas toujours sans
problème. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous étions obligé de réduire notre
échantillon que nous avions voulu au départ plus grand.
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Chapitre 1: lES REPRESENTATIONSTRADITIONNEllES DE lA
MALADIE MENTALE AU SENEGAl
1 - La sorcellerie:
42
dévorer seul ou pour le partager avec d'autres sorciers, au cours d'un repas
symbolique, imaginaire. Le sorcier tue, ou rend malade s'il ne réussit pas à tuer. Les
troubles provoqués par l'attaque du sorcier sont essentiellement mentaux ou
psychosomatiques.
Description et Morpholoaie :
Le système de sorcellerie pour fonctionner nécessite quatre termes
. Le sorcier
. La victime du sorcier
Le sorcier:
Pour une approche de la personne du sorcier il faut faire appel au guérisseur
chasseur de sorciers ou aux voyants qui ont la possibilité de détecter les sorciers
mais n'ont pas la possibilité de les guérir; car l'autoaccusation de sorcellerie est très
rare au Sénégal. Le professeur Henry Collomb, dans son étude sur la sorcellerie-
anthropophagie nous raconte l'histoire de deux "sorciers" rencontrés dans une
communauté de malades dirigée par un guérisseur traditionnel. Ils étaient traités et
étaient devenus "talibés" c'est-à-dire guérisseur en formation. Voici leur histoire
résumée:
* Sevdou M. avait 23 ans à l'époque où il a été vu. Seydou est né avec des dents.
Avant l'âge de 7 ans il ne savait pas qu'il était sorcier. A sept ans il eut son premier
vol, il a pu se percher sur un arbre mais n'a pas pu continuer parce que ses ailles
étaient encore trop faibles.. alors il est rentré chez lui. Ce vol d'essai a été fait de sa
propre initiative. Avant de partir pour son premier vol, il avait fait des rêves
effrayants: "Animaux divers, morceau de viande, animaux à forme humaine, des
caïmans et l'océan, des animaux domestiques et enfin des sorciers qui venaient vers
43
lui.. parmi ces personnes certaines étaient reconnues pour être des sorciers dans le
village. En réalité, il n'avait jamais vu de personnes mais des métaphores de
personnes, c'est à dire des êtres ou des choses qui symbolisent les personnes".
Après son premier vol, Seydou volait toutes les nuits.. "iI était très content
parce qu'il savait qu'il allait manger de la bonne chair. Le morceau le plus délicat est
le cœur, après ce sont les côtelettes ". 1/prenait toujours des personnes.. quand il
avait fait un bon repas il n'était jamais rassasié, il recommençait toutes les nuits." 1/
flairait la viande.. c'était comme si on grillait la viande autour de lui.. quand il n'avait
pas de proie il souffrait. "Quand il revenait bredouille, alors il partageait les proies
qu'apportaient les autres sorciers.
Unjour il a commis une erreur. Il a pris l'ombre de son qrand frère. Oumar qui
était à Dakar. Oumar n'a pas été dévoré.. il est devenu seulement fou et a été
hospitalisé à Dakar (au CHU FANN). Seydou a beaucoup regretté cette aventure.. il
s'est fait traiter. Avant cette rencontre il n'avait jamais été accusé de sorcellerie.
C'est Demba B.F, un guérisseur réputé qui l'a traité. Demba B.F explique:
"il faut faire vomir le malade. La maladie sort avec les vomissures. La
nourriture ne sort pas, seule vient la maladie" et de montrer la maladie dans les
vomissures. "Voilà la maladie, c'est du liquide, ce sont les âmes qu'il avait mangées,
la couleur est noirâtre".
"1/faut aussi briser les ailes: Le sorcier a quatre paires d'ailes: deux ailes au
cou, deux aux épaules, deux aux poignets et deux au petits orteils"
Seydou est resté trois ans chez Demba B.F.. maintenant la guérison est
complète. Sa formation a été complétée au Soudan où il est resté plusieurs années.
Maintenant il peut quérir.. il peut soigner les personnes attaquées par les sorciers,
les sorciers et d'autres maladies. 1/est très fort, les sorciers ont peur de lui.
44
Ce sont toujours les mêmes rêves: des personnes veulent le tuer, elles
viennent avec un couteau et s'assoient sur lui, sur son dos, sa poitrine, son ventre,
parfois la tête. Le lendemain, cette partie du corps lui fait très mal. Il lui est arrivé de
vomir du sang. Parmi les personnes il y en a qu'il connaÎt, d'autres qu'il ne connaÎt
.
pas.
Alors il est venu voir Demba qui a immédiatement reconnu sa nature de
sorcier. En regardant les mains, Demba a vu qu'il était sorcier, qu'il était né avec des
dents. La nuit ce sont les sorciers qui. v~naient le chercher. Mamadou, futur sorcier
était sollicité par les autres sorciers la nuit pendant qu'il dormait. Ils venaient le
chercher pour le faire entrer dans leur société. Mamadou entendait "attrapez-Ie, tirez-
le".
"Les autres sorciers sont pressés de le récupérer parce qu'il doit rembourser;
il doit payer ses dettes. Les repas pris en commun sur des victimes attaquées par un
des sorciers sont l'occasion de remboursement ou de prêts. La victime d'un sorcier
est distribuée aux autres. Les parts correspondent aux remboursements des dettes
ou à des prêts. Si un des sorciers ne paie pas ses dettes, les autres le rendent fou
ou le tuent pour le manger. C'est ce qui est arrivé à Mamadou. Mamadou qui était né
avec des dents savait qu'il était sorcier; il savait ce que signifiaient ses rêves; il
savait que les sorciers l'appelaient et le menaçaient la nuit. Mais tous ne savaient
pas. Maintenant Mamadou est guéri; il fait des rêves normaux". 1/ sera bientôt
guérisseur, chasseur de sorcier.
Une autre image est donnée par un saltigué c'est-à-dire un voyant de l'ethnie
serer ; voyant dont la fonction est de démasquer et de chasser les sorciers hors de la
communauté, en particulier lors des rites sacrificiels qui mobilisent la communauté
tout entière(11):
"C'est Dieu qui a semé la sorcellerie parmi les gens et c'est lui seul qui
connaÎt comment il a semé. Je n'étais pas présent quand il semait et je n'ai jamais vu
aussi quelqu'un qui était présent...Si tu as un ami très populaire, quelque soit le .
degré de ta sorcellerie tu dois l'éviter; mais ce qu'un sorcier préfère le plus manger
c'est son plus proche collaborateur. Quand il ne le mange pas, c'est qu'il n'a pas
encore les moyens.
(II) Témoignage du saltigué Gazul Diagne : Enquête effectuée par le centre d'étude des civilisations, ln Demb ak Tev. 4/5, Dakar
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Il Y a beaucoup de gens qui parle de sorcellerie. A ma connaissance, il n'y a
qu'un mot, mais il y a trois sortes de sorcellerie.
La première consiste à manger les excréments par exemple si un sorcier est
excité, il sort de sa maison, va dans les champs, ramasse les déchets secs des
enfants et les mange.
La deuxième consiste à prendre ce que l'homme fait de bon, ou ce qu'il y a de
bon pour lui. Ce sorcier dit: ''iamais je ne mange un homme ou ses déchets".
Seulement, s'il habite avec quelqu'un il lui prend tout ce qui est bon, ce que l'autre se
procure ou mérite: Créature humaine, animale ou bonheur, il se l'approprie. Mais s'il
veut quelque chose qui n'est pas bon ou qui ne dure pas, il te le projette. Celui-là ne
cherche que la fortune, il ne cherche pas à tuer.
Le sorcier qui me pousse à prononcer le nom de sorcier c'est celui dont je vais
parler et dire comment il fait. Ce sorcier là ne mange que la chair humaine et s'il lui
arrive de manger autre chose, c'est que sa chasse n'a pas été favorable.
Ce sorcier là, c'est celui qie rencontre une femme qui a un enfant sur le dis,
touche la tête de l'enfant et dit à la femme :"Tiens bien ton enfant, la tête est
inclinée". Dès que la femme sera arrivée chez elle, l'enfant commencera à vomir et
aura la diarrhée. Il durera deux jours au plus et il va mourir. Et les gens vont dire
"Pourtant il n'était pas malade".
C'est ce sorcier qui se lève en pleine nuit, va rencontrer les bergers et leur fait
peur et tue l'un d'entre eux. C'est lui aussi qui se transforme en vautour la nuit et
s'envole pour atterrir dans un enclos; si sa mission est accomplie. C'est le plus
grand des bergers qu'il va tuer avant l'aube. Si maintenant il ne peut le tuer parce
que les parents du berger ont fait des prières et des protections efficaces, il tue une
vache en état de grossesse ou qui vient de mettre au monde un veau. Il en prend ce
dont il a besoin et s'en va.
Si tu as un sorcier dans ton village et s'il est au courant du voyage que tu dois
faire, il te prendra. Tu arrives là où tu vas et tu tombes malade. Si tu reviens chez toi
avant de tomber malade, les gens vont dire que c'est du voyage que tu as eu la
maladie alors que c'est le sorcier de ton village qui t'a pris. Tu meurs quelques temps
après et on dira que c'est le voyage.
C'est le sorcier toujours qui va trouver la femme enceinte en lui tâtant le
ventre. S'il a ce qu'il veut, il tuera le bébé dès sa naissance ainsi que la mère. Quand
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il est dans un lieu où la femme accouche, s'il peut toucher le bébé, il l'a
magiquement mangé sans qu'on le sache.
Si je continue à te raconter les différentes façons de procéder du sorcier cela
pourrait prendre un jour entier sans même que je te dise la moitié de ce que je
sais.. .Depuis que suis un fœtus dans le ventre de ma mère, je t'avais dit que je
sortais pour aller brouter et revenir. Même en ce temps là si je rencontrais un sorcier,
je tombais aussitôt sur lui et je le massacrais. Si je le trouvais en train de faire un
malheur, je le tuais si je pouvais,' car le sorcier qui fait des malheurs et celui qui tue,
je n'ai aucune pitié pour eux, c'est pourquoi, je les tue si je peux. Les deux premiers,
celui qui mange les déchets des enfants et celui qui ne cherche que la fortune, je n'ai
pas à faire avec eux.
Celui qui a hérité la sorcellerie de son père et de sa mère et qui a en plus
quatre grand-parents sorciers est appelé naax 0 lJananaar, le plus sorcier de tous les
sorciers. C'est celui qui prend une ficelle, en prend une extrémité et la transforme en
tête de serpent,' il prend l'autre et fait la même chose. C'est un serpent à deux têtes
sur le même corps. Pour utiliser ce serpent (le ndiambogne), le sorcier récite
quelques versets, prononce le nom de celui qu'il veut atteindre, et lance le serpent
directement là où est l'individu. Le serpent mordra,' celui qu'il a mordu, s'il attend une
minute pour se retourner, il ne le verra pas. Il aura des vertiges, des vomissements
et on le prendra de là pour l'enterrer parce qu'il ne fait pas cinq minutes pour
mourir...Le sorcier (naax) ne vit que de chair humaine.
Les "faits divers" relatés dans les quotidiens de Dakar, montrent un autre
visage du sorcier. En voici un exemple:
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