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Le politiquement correct ? Ça suffit !

La pensée molle, les totems sociaux et les bons sentiments ? Cinquante ans après Mai 68, nos compatriotes
ne veulent plus en entendre parler. Et c’est plutôt une bonne nouvelle.

Ce n’est pas du meilleur goût, d’accord. Mais en décidant de baptiser leur soirée d’intégration "Plombiers vs
Chaudières", les étudiants de la faculté de médecine de Rennes voulaient juste lui donner, comment dire, un
peu de piquant. Et perpétuer au passage l’ancestrale tradition de grivoiserie en vigueur chez les carabins du
monde entier. "Qui dit chaudière dit entretien, ramonage et décapage de rouille", avaient-ils posté
malicieusement sur Facebook, pour annoncer l’événement. Ensuite, les choses se sont précipitées. Les
militantes d’Osez le féminisme ! ont fait savoir que ce concept de chaudière "renvoyait les femmes au statut
d’objets, et banalisait les violences dont elles sont victimes", les étudiants communistes leur ont emboîté le pas
en soulignant le caractère "sexiste et dégradant" de l’invitation, et la direction de l’université, prise de court, a
"dénoncé vigoureusement toute communication empreinte de stéréotypes, qui puisse porter atteinte à la
dignité des personnes". Grâce à quoi les étudiants ont été contraints d’annuler leur soirée et de présenter
humblement leurs excuses "aux personnes qui auraient été heurtées".

Ce n'est pas encore la dictature nord-coréenne. Mais dans la France de 2018, une insidieuse oppression est en
train de s’installer : celle de la bien-pensance. Portée par toute une génération de censeurs très parisiens,
relayée par de multiples associations et par la plupart des médias, elle trouve sa quintessence dans la posture
moralisatrice d’Anne Hidalgo et de son équipe de procureurs. Dans un sabir de demi-fous, ces ayatollahs du
vivre ensemble rédigent chaque jour le code de bonne conduite que nous sommes priés de respecter,
interdiction de jeter les mégots par terre, de faire la cour à une femme, de prendre sa voiture pour aller au
travail, d’acheter des fraises en hiver, de laisser couler l’eau pendant qu’on se brosse les dents, de fréquenter
les prostituées, de manger gras, de rouler à plus de 80 à l’heure (ça, c’est Edouard Philippe) et même, tout
simplement, d’écrire en français, car cette langue, conçue comme on le sait par des machos, véhicule des
schémas mentaux phallocrates inappropriés. Cette volée de consignes – dont chacune peut d’ailleurs très bien
se justifier – est d’autant plus irritante qu’elle est accompagnée d’un discours de culpabilisation. Et que ceux
qui nous les serinent en fronçant les sourcils oublient en général de se les appliquer à eux-mêmes, à la manière
d’Anne Hidalgo, grande adepte des déplacements en voiture.

Contraintes économiques et autocensure

Or cette pression croissante du politiquement correct, cette montée en puissance de la pensée molle et des
bons sentiments fait peser une double menace sur notre pays. D’abord, elle envoie des ondes négatives sur
notre économie. Elle contribue en effet à accentuer l’empilement des normes et des contraintes
administratives, toujours prises pour la bonne cause, mais qui finissent par brider l’activité et l’emploi. Comme
si les milliers de pages du Code du travail et l’infinité de règles environnementales ne suffisaient pas, le projet
de loi Pacte que s’apprêtent à voter les députés prévoit, par exemple, d’imposer aux entreprises une
"responsabilité sociétale". En clair, de les obliger par la loi à penser un peu moins à faire du profit et un peu

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plus à offrir du bonheur aux autres. Dans un conte de fées, une telle initiative pourrait à la limite se concevoir.
Dans la vraie vie, elle risque de se transformer en un cauchemar juridique pour les sociétés, qui pourront être à
tout moment traînées devant les tribunaux pour absence de motivation sociétale.

Mais si le politiquement correct inquiète, c’est aussi qu’il attente à notre liberté. Tout ce qui peut ressembler à
une forme de discrimination – contre les handicapés, les pauvres, les troisièmes générations d’immigrés, que
sait-on encore, les rouquins, les chauves, les gauchers et bien entendu les femmes – étant désormais proscrit
par les polices de la pensée, l’autocensure est en effet en train de progresser à pas de géant dans la presse. Et
les comiques eux-mêmes prennent désormais des pincettes pour nous faire rire. Le sketch hilarant de Jean
Yanne moquant deux gros routiers dissertant sur les influences beethovéniennes au volant de leur bahut
n’aurait pas la moindre chance d’être diffusé aujourd’hui. Cinquante ans après Mai 68, les Torquemada de la
bienpensance sont en train de nous fabriquer un enfer.

Les Français, anticonformistes ?

Eh bien, les Français n’ont pas du tout envie de s’y laisser enfermer. Notre sondage exclusif réalisé par l’institut
YouGov le prouve, ils sont beaucoup moins sensibles qu’on aurait pu le penser aux nouvelles exigences des
professeurs de morale. Ils se fichent totalement de l’écriture inclusive, désapprouvent ouvertement la
pénalisation des clients des prostituées, et considèrent que l’intégration des handicapés – même si elle est
indispensable et doit évidemment être poursuivie – ne peut pas justifier tous les excès. Quant aux totems
sociaux, devant lesquels une bonne partie de notre classe politique reste pieusement agenouillée, ils sont prêts
à en flanquer certains par terre sans états d’âme. Le rétablissement des 39 heures dans la fonction publique,
par exemple, leur semblerait une excellente chose, tout comme le durcissement du contrôle des arrêts
maladie. Quant à la retraite dorée des cheminots, ils ne sont plus qu’une minorité à la défendre.

Au pays des Gaulois, la persistance de ce fond culturel un peu iconoclaste n’est finalement pas étonnante.
Reste à espérer qu’il conforte Emmanuel Macron dans son entreprise de dynamitage des citadelles sociales
imprenables et du prêt-à-penser parisien.

Article disponible sur : https://www.capital.fr/economie-politique/le-politiquement-correct-ca-suffit-1297092

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