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Cercle Napoléon
semaine du 3 au 9 avril
 

Cette semaine, l'annonce d'une conférence décapante à


Béziers: Pourquoi les français ne sont-ils plus fiers de leur
histoire? par Dimitri Casali, les débuts de la Première
Campagne d'Italie, le secrétaire de Napoléon, Menneval, la
mort de Caffarrelli, de Julie Clary et de Massena, 1814 avec
les abdications de l'Empereur, la trahison de Marmont,
les hésitations de Marie-Louise, et la mutilation de la
Colonne Vendôme.

Vous organisez une manifestation napoléonienne ? Vous


voulez nous parler de votre association de reconstitution ? Ou
d'un lieu insolite, ou peu connu en relation avec
l'Empire ? Faites-nous en part, nous le publierons par courriel
(1200 envois) et aussi sur Facebook, où nous avons largement
dépassé les 8800 abonnés.
Et merci de renvoyer vous-même ce courriel à tous vos amis
sensibles à l'épopée napoléonienne.

Pour que Vive l'Empereur !


 
au sommaire de cette semaine
 

ANNONCE D'UNE CONFÉRENCE : 


POURQUOI LES FRANÇAIS NE SONT-ILS
PLUS FIERS DE LEUR HISTOIRE ?

LA VIE DE L'ASSOCIATION :
CARTE DE MEMBRE
VISITES ET CONFÉRENCES

NOS ÉPHÉMÉRIDES :
• 3 AVRIL 1802 : MENNEVAL DEVIENT LE SECRÉTAIRE
INTIME DE NAPOLÉON BONAPARTE
• 4 AVRIL 1814 : NAPOLÉON SIGNE, À FONTAINEBLEAU, UNE
FORMULE D’ABDICATION CONDITIONNELLE 
• 4 AVRIL 1817 : MORT DE MASSÉNA
• 5 AVRIL 1814 : DÉFECTION DE MARMONT
• 6 AVRIL 1814 :  NAPOLÉON RENONCE AUX TRÔNES DE
FRANCE ET D'ITALIE  
• 7 AVRIL 1814 : MARIE-LOUISE REJOINDRA-T-ELLE
NAPOLÉON ?
• 7 AVRIL 1845 : MORT DE JULIE BONAPARTE, NÉE MARIE
JULIE CLARY, ÉPOUSE DE JOSEPH
• 8 AVRIL 1814 : LA STATUE DE NAPOLÉON EST DESCENDUE
DE LA COLONNE VENDÔME
• 9 AVRIL 1796 : DÉBUT DE LA PREMIÈRE CAMPAGNE
D’ITALIE
• 9 AVRIL 1799 : MORT DU GÉNÉRAL CAFFARELLI DU FALGA
vous avez raté les éphémérides de la semaine dernière ?
Cliquez plus bas

retrouvez la semaine du 27 mars au 2 avril

 
 

Une conférence décapante


 
Notre ridicule défaut national est de n'avoir pas de plus
grand ennemi de nos succès et de notre gloire que nous-
mêmes
Napoléon

La France est devenue la Championne de


l’autoflagellation. Avec la désintégration de son école, le
danger du multiculturalisme, son modèle d’intégration en
panne, elle s’enfonce peu à peu dans une perte d’identité
totale. Aucun pays au monde ne sacrifie autant sa propre
histoire, au nom de la repentance et du politiquement correct
que la France.

Est-ce le poids de l’idéologie ? De l’individualisme ? Le


reniement de notre culture ? Un complexe de culpabilité ? Un
sentiment de haine de soi ? Les traumatismes de notre passé
colonial en Algérie ? Le but de mon combat est de répondre à
ces questions afin de réconcilier les Français avec leur
histoire et de comprendre pourquoi renions-nous les plus
belles pages de notre histoire alors que les pays les plus
dynamiques économiquement encensent la leur… et admirent
la nôtre… 

Dimitri Casali,
Historien, spécialiste du 1er Empire, Ami du Cercle Napoléon

 
 

  la vie de l'association  
 
ADHÉREZ AU CERCLE NAPOLÉON
ET RECEVEZ CETTE CARTE DE MEMBRE PLASTIFIÉE
POUR QUE VIVE L'EMPEREUR !

adhésion par internet au Cercle Napoléon

Prochaines activités
du Cercle Napoléon
Sortie sur le terrain
réservée aux membres du Cercle Napoléon
16 avril 2022 : Mégalithes et
Prieuré de Saint-Michel de Grandmont
 

Visite commentée du prieuré du XIIe siècle de Saint-Michel de


Grandmont, près de Lodève, de son parc, de ses mégalithes,
et repas convivial. Dans l'après-midi, pas loin, visite d'autres
mégalithes dont certains vous surprendront. Peu de marche.

Pour une meilleure organisation, les inscriptions prélables


sont nécessaires, le coût sera de 30 € par personne.
Contactez Bertrand Leenhardt (voir plus bas) et adressez lui
un chèque de réservation de 30€ par personne, en
indiquant "mégalithes".

Le rendez-vous sur place sera à 10h45. Prévoyons un


covoiturage.
Un repas sur réservation prolongera cette conférence
ce sera, pour plus de convivialité, un buffet
Si vous voulez y participer, réservez en renvoyant
et en indiquant "demi-soldes" 
un chèque de 30€ par convive,
libellé au nom du Cercle Napoléon
à Bertrand Leenhardt, 
7 rue Jeanne Galzi, 34670 Baillargues,
et confirmez votre envoi postal par un courriel 

confirmez par mail à Bertrand Leenhardt

Plus de renseignements ? Écrivez-nous en cliquant ici

Prochaines conférences
du Cercle Napoléon

•  mercredi 20 avril 2022


Les demi-soldes fidèles jusqu’au bout
Jean Lacroix

•  vendredi 13 mai 2022


revivre l’épopée napoléonienne : la reconstitution
Emile Kern

•  vendredi 10 juin 2022


Cambacérès
Professeur Jean Tulard

•  samedi 25 juin 2022


Napoléon et les écrivains du XIXe siècle
Thierry Lefebvre et François Zabatta

•  Vendredi 21 octobre 2022


Comment parler aujourd’hui de Napoléon
Thierry Lentz  
•  Samedi 19 novembre 2022
Murat mon ancètre
Prince Joachim Murat

 
 

  Nos éphémérides  
 
3 AVRIL 1802 : MENNEVAL DEVIENT LE
SECRÉTAIRE INTIME DE NAPOLÉON
BONAPARTE

Claude François Menneval nait à Paris le 8 avril 1778. Très


jeune, il apprend l’anglais par sa nurse. Doué pour les lettres, il
rencontre, chez l'écrivain Palissot de Montenoy, le grammaticien
François Domergue, ami de Louis Bonaparte. Lorsque vient le
temps de la conscription, il sert sous les ordres du colonel du 5e
régiment de dragons, qui n'est autre que Louis Bonaparte, pendant
six mois. Il est ensuite journaliste au Journal de Paris, puis devient
secrétaire de Joseph Bonaparte. Il est présent à ses côtés aux
négociations et à la signature des traités de Mortefontaine, entre la
France et les États-Unis (3 octobre 1800), de Lunéville, entre la
France et l'Autriche (3 février 1801), du Concordat (15 juillet
1801) et du traité d'Amiens, entre la France et l'Angleterre (27
mars 1802).

A peine est-il de retour à Paris, que lui est proposé, par


l’intermédiaire de Joseph, la fonction de secrétaire du
portefeuille, auprès de Napoléon, en remplacement de Bourrienne,
qui vient d’être compromis dans des affaires financières. Le 2 avril
1802, à 17 heures, Menneval est invité à se rendre aux Tuileries.
Joséphine le retient à dîner, puis Bonaparte, après l’avoir
longuement interrogé, lui demande de revenir le lendemain, dès 7
heures du matin.

Ce 3 avril 1802, Napoléon lui dicte une note pour Gaudin, le


ministre des Finances. Menneval a un certain mal suivre les propos
volubiles du Premier Consul, mais néanmoins Napoléon, satisfait,
fait prévoir pour lui un logement aux Tuileries. Menneval aura
désormais l’écrasante charge de suivre Napoléon en tous lieux et
toutes heures et d'assurer la rédaction de sa correspondance. 
 

• Le baron de Menneval nous brosse le portrait de


Napoléon, Mémoires pour servir à l’histoire de
Napoléon Ier depuis 1802 jusqu’à 1815, Paris, Dentu
éditeur, 1893 :
On a fait si souvent le portrait de Napoléon que je n’apprendrai
rien de nouveau en disant qu’il était de taille moyenne (cinq pieds
deux pouces). À l’époque où j’ai été attaché à son cabinet, il
jouissait d’une santé vigoureuse; il était récemment guéri d’un mal
interne, dont il avait commencé à souffrir sérieusement pendant la
seconde année du Consulat. […] 

Napoléon avait alors un embonpoint médiocre, que développa


plus tard le fréquent usage des bains, qui le délassaient de ses
fatigues de corps et d’esprit. Il contracta, en effet, l’habitude de se
baigner tous les jours à des heures irrégulières. Sur l’observation
de son médecin, que la haute température de ses bains, leur
fréquence et leur longue durée tendaient à l’affaiblir et le
disposaient à l’obésité, il en usa depuis plus sobrement. 

Son cou était un peu court, ses épaules larges, et le


développement de sa poitrine annonçait une constitution robuste,
moins forte cependant que son moral. Il avait les bras bien
attachés, la jambe bien faite et le pied petit. Sa main, dont il tirait
un peu de vanité, était ferme et potelée, avec des doigts effilés. Il
avait le front haut et large, les yeux gris et investigateurs, le nez
droit et bien conformé, d’assez belles dents, l’arc de la bouche
parfaitement dessiné et le menton légèrement proéminent. 

Son teint était sans couleur, mais d’une pâleur transparente,


sous laquelle on voyait circuler la vie. Ses cheveux châtains, très
fins, qu’il avait portés longs et recouvrant ses oreilles jusqu’à
l’époque de son expédition en Égypte, étaient alors coupés court et
laissaient à découvert son front, siège de hautes pensées. Le galbe
de son visage et l’ensemble de ses traits étaient d’une régularité
irréprochable. Enfin, sa tête et son buste ne le cédaient en noblesse
et en dignité à aucun des plus beaux bustes que nous ait légués
l’Antiquité. 

Quand il était excité par quelque passion violente, sa figure


prenait une expression sévère et même terrible. Il s’exerçait
comme un mouvement de rotation sensible sur son front et entre
ses sourcils; ses yeux lançaient des éclairs. Les ailes du nez se
dilataient, gonflées par l’orage intérieur; mais ces mouvements
passagers, quelle que fût leur cause, ne portaient point de désordre
dans son esprit. Il paraissait en régler à son gré les explosions qui,
du reste, avec le temps, devinrent de plus en plus rares. Sa tête
restait froide; le sang ne s’y portait jamais, il refluait toujours vers
le coeur. Dans l’état ordinaire, son visage était calme, doucement
sérieux. Il s’illuminait du plus gracieux sourire quand il était déridé
par la bonne humeur ou par le désir d’être agréable. Dans la
familiarité, il avait le rire bruyant et railleur. […] 

Le portrait de Napoléon serait incomplet si je passais sous


silence son chapeau, sans bordure ni galons, qu’ornait une petite
cocarde tricolore retenue par une ganse de soie noire, et sa
redingote grise qui recouvrait le simple uniforme de colonel de sa
Garde. Ce chapeau et cette redingote, devenus historiques avec lui,
brillaient au milieu des habits chargés de broderies d’or et d’argent
de ses généraux et des officiers civils et militaires de sa maison.
[…] 

Napoléon écrivait rarement lui-même. Écrire était pour lui une


fatigue; sa main ne pouvait suivre la rapidité de sa conception. Il
ne prenait la plume que quand, par hasard, il se trouvait seul, et
qu’il avait besoin de confier au papier le premier jet d’une idée;
mais après quelques lignes il s’arrêtait et jetait la plume. Il sortait
alors pour faire appeler son secrétaire, ou le secrétaire d’État, ou le
général Duroc, quelquefois l’aide de camp de service, selon la
spécialité du travail dont il s’occupait. 

Il accueillait le premier qui se rencontrait à son appel, sans


humeur, mais plutôt avec une satisfaction visible d’être tiré
d’embarras. Son écriture était un assemblage de caractères sans
liaison et indéchiffrables. La moitié des lettres manquaient aux
mots. Il ne pouvait se relire, ou il ne voulait pas en prendre la
peine. Si une explication lui était demandée, il reprenait son
brouillon qu’il déchirait ou jetait au feu, et dictait sur nouveaux
frais; c’étaient les mêmes idées, mais avec des expressions et une
rédaction différentes. 

L’orthographe de son écriture était incorrecte, quoiqu’il sût


bien en reprendre les fautes dans l’écriture des autres. C’était une
négligence passée en habitude; il ne voulait pas que l’attention
qu’il aurait donnée à l’orthographe pût brouiller ou rompre le fil de
ses idées. Dans les chiffres, dont l’exactitude est absolue et
positive, Napoléon commettait aussi des erreurs. Il aurait pu
résoudre les problèmes de mathématiques les plus compliqués, et il
a fait rarement une addition juste. 
 

• À Sainte-Hélène, Napoléon a dit : 

Menneval était doux, réservé, zélé, fort secret, travaillant en tout


temps et à toute heure. Il ne m'a jamais donné que satisfaction et
agrément et je l'ai fort aimé.

En 1821, l'Empereur l'inscrit dans son testament pour un legs


de cent mille francs.
4 AVRIL 1814 : NAPOLÉON SIGNE, À
FONTAINEBLEAU, UNE FORMULE
D’ABDICATION CONDITIONNELLE QUI
PRÉSERVE LES DROITS DE SON FILS ET DE
L’IMPÉRATRICE RÉGENTE 

Napoléon est à Fontainebleau depuis le 31 mars 1814 au petit


matin. Il a appris dans la nuit la capitulation de Paris, nous l’avons
vu dans une précédente publication. Il y a là des maréchaux, des
généraux, et des troupes qui bivouaquent dans le parc du château.
Le 1er avril, il part à Essonnes inspecter les positions tenues par les
troupes de Marmont. Le 2, il assiste à la parade de la garde
montante. Revient, dans la soirée, Caulaincourt, qui a échoué
auprès du tsar dans la négociation que Napoléon lui avait confiée.
Ils parleront ensemble jusque tard la nuit. 

Le 3 avril, après une nouvelle visite des avant-postes d’Essones


et un entretien avec Berthier, Napoléon passe en revue la vieille
garde du général  Friand et la jeune garde du général Henrion. Il
parle aux hommes, distribue des croix de la Légion d’honneur, leur
annonce que l’ennemi est dans Paris, et que le Tsar a refusé son
offre de paix. “Dans peu de jours, j’irai attaquer Paris. Ai-je
raison ?” “À Paris, à Paris” répondent ses hommes. Dans la soirée
tombe cette information: le Sénat, puis le Corps législatif ont voté
sa déchéance.

Le 4 avril dans la matinée, il rencontre ses généraux et


maréchaux et leur présente son plan de bataille pour reconquérir
Paris. L’entrevue est empreinte d’hostilité. Ney, Lefebvre et
Moncey croient en une possible régence de l’Impératrice,
Macdonald et Oudinot ont été approchés par les émissaires de
Talleyrand, chef du gouvernement provisoire depuis le 31 mars.
Bertrand, Bernier, Bassano et même Caulaincourt ne semblent pas
l’approuver. “L’armée m’obéira !” lance Napoléon. Ney lui répond
“Sire, l’armée obéit à ses généraux !”

Napoléon reste seul avec Caulaincourt et passe le reste de la


journée à écrire le texte de son abdication conditionnelle, qui
prévoie la régence de l’Impératrice et le règne du futur Napoléon
II, son fils. Il lui faudra trois versions pour parfaire le texte
définitif, qui est recopié par le baron Fain, secrétaire du cabinet de
l’Empereur. Il signe enfin le texte que voici :

"Les puissances étrangères ayant déclaré que l’Empereur


Napoléon était un obstacle au rétablissement de la paix et de
l’intégrité du territoire français, fidèle à ses principes, à ses
serments de tout faire pour le bonheur et la gloire du peuple
français, l’Empereur Napoléon déclare qu’il est prêt à abdiquer en
faveur de son fils et à en faire remettre l’acte en due forme au
Sénat par un message aussitôt que Napoléon II sera reconnu par les
puissances, ainsi que la régence constitutionnelle de l’Impératrice.
À cette condition, l’Empereur se retirera sur-le-champ dans le lieu
qui sera convenu. Fait en notre palais de Fontainebleau le 4 avril
1814. Signé : Napoléon.”

L’Empereur veut faire parvenir rapidement son message à


Paris. Pour cela il désigne des hommes de confiance: Ney,
Macdonald, Caulaincourt, et un autre maréchal, rencontré en
chemin, et qui les accompagnera jusqu’à Paris… Marmont.
4 AVRIL 1817 : MORT DE MASSÉNA

Après l'abdication de Napoléon en avril 1814, André


Masséna est maintenu dans ses fonctions par Louis XVIII qui le
fait grand-croix de l'ordre de Saint-Louis. En 1815, comme sa ville
de naissance, Nice est redevenue sarde, il est naturalisé français,
puis est élevé à la pairie. 
Pendant les Cent-Jours, il reste fidèle aux Bourbons. Il siège à
la Chambre des pairs lorsque, le 22 juin, le général de La Bédoyère
plaide en faveur des droits du fils de l'Empereur à la couronne.
Masséna s’exclame alors "Jeune homme, vous vous oubliez !”.

Le gouvernement provisoire le nomme commandant de la


Garde nationale de Paris. Il prend ensuite la tête de la 8e division
militaire. Au conseil de guerre du maréchal Ney, il est de ceux qui
se déclarent pour l'incompétence et font donc reporter le jugement
devant la Chambre des pairs.

Comme il ne s’était pas formellement opposé au retour de


Napoléon, les ultra-royalistes le font démettre de ses fonctions. 

Rongé par la tuberculose, le maréchal Masséna, duc de Rivoli,


prince d’Essling, l’enfant chéri de la victoire, meurt le 4 avril
1817 à Paris, à l’âge de 58 ans. Ses obsèques ont lieu le 6 avril au
cimetière du Père-Lachaise. C’est le général Thiébault qui
prononcera l'éloge funèbre. 

Son nom est inscrit à l’Arc de triomphe, pilier sud, colonne 23.
5 AVRIL 1814 : DÉFECTION DE MARMONT

Le 2 avril 1814, Marmont, positionné à Essonnes à l'avant-


garde de l'armée française reçoit les félicitations de
l’Empereur, qui retourne ensuite à Fontainebleau. Le même jour,
Marmont apprend la déchéance de Napoléon, et la création d’un
gouvernement provisoire, dirigé par Talleyrand, qui lui adresse
plusieurs courriers pour tenter de le détacher de Napoléon.
Le 3 avril, Marmont contacte les représentants du
gouvernement provisoire. Il leur indique qu’il veut abandonner
Napoléon et les rejoindre. Dans la soirée, il annonce aux généraux
sous ses ordres, venus un à un, son projet de déplacer son corps
d'armée en Normandie, de le mettre à la disposition du
gouvernement provisoire, et de le détacher du commandement de
Napoléon. 

Le 4 avril, Marmont prépare, avec le général autrichien


Schwartzenberg, un traité secret selon lequel l'armée coalisée
laisserait passer dès le lendemain, 5 avril au matin, son corps
d'armée à travers ses lignes pour lui permettre de rejoindre la
Normandie…
 

• Lisons 1814, Henry Houssaye, édition Perrin et Cie,


1888

Entre six et sept heures du soir, comme la nouvelle de


l'abdication venait d'être communiquée aux troupes, qui
l'avaient accueillie avec une grande agitation, un ordre de Berthier
à Marmont, l'invitant à se rendre sur-le-champ chez l'empereur,
était arrivé à Essonnes. En l'absence du duc de Raguse, le chef
d'état-major Meynadier transmit le message au général Souham.
Cet ordre, qui n'avait rien de personnel à Marmont, puisque les
mêmes instructions étaient adressées à tous les commandants de
corps d'armée et de divisions indépendantes, commença d'inquiéter
Souham. 

Son inquiétude se changea en effroi, quand il apprit qu'un


officier d'ordonnance de l'empereur, le chef d'escadron
Gourgaud, demandait à lui parler. Dans son trouble, Souham
oubliait que c'était l'usage au quartier impérial d'envoyer les ordres
en double expédition: par écrit, puis verbalement. Souham refusa
de recevoir Gourgaud. Le général portait un secret trop dangereux
pour se sentir en sûreté. Il s'imagina que tout le monde, et
l'empereur le premier, connaissait la culpabilité de Marmont et de
ses lieutenants, et que Napoléon le mandait à Fontainebleau, à
défaut du duc de Raguse absent, pour le faire arrêter.

Il me ferait fusiller, le b..... ! dit-il aux généraux qu'il réunit


aussitôt. Meynadier, Digeon, Ledru Desessarts, Bordessoulle,
Merlin, Joubert, — Lucotte ne fut pas averti, et d'ailleurs il fût
resté à son poste — se sentaient complices au même degré que
Souham. Ils partagèrent sa terreur. Le maréchal, dit Souham, s'est
mis en sûreté à Paris. Je suis plus grand que lui, je ne suis pas
d'humeur à me faire raccourcir. 

On décida qu'à l'exemple de Marmont, il fallait se mettre en


sûreté. Les généraux pouvaient fuir. À la désertion ils préférèrent
la défection. Ordre fut donné à toutes les troupes, infanterie,
cavalerie, artillerie, équipages, de prendre les armes. Souham
dépêcha un officier au prince de Schwarzenberg pour l'avertir de
l'exécution du mouvement projeté. Comme on pense, le général en
chef des armées alliées s'y prêta de bonne grâce.

Fabvier connaissait les desseins qu'avait conçus son chef et


auxquels il avait semblé renoncer. Réveillé par le bruit de la prise
d'armes, il ne douta pas que l'on ne se disposât à passer outre au
contre-ordre du maréchal. Il rejoignit Souham et l'interpella très
vivement, ainsi que les autres généraux, les conjurant de rester à
Essonnes jusqu'au retour du duc de Raguse, ou du moins jusqu'à la
réception d'un nouvel ordre qu'il s'offrait d'aller chercher. Mal reçu
par ses supérieurs, qui lui imposèrent silence, Fabvier sauta en
selle et partit au triple galop pour Paris afin de prévenir le
maréchal. Il traversa sans peine les lignes ennemies. Déjà Marmont
y était trop bien connu pour que le titre d'aide de camp du duc de
Raguse ne fût pas le meilleur des sauf-conduits.

Les troupes se mirent en mouvement avant minuit. Elles


marchèrent d'abord sans aucune défiance, croyant aller occuper de
nouvelles positions. Ordre était donné aux officiers de se tenir
exactement à leurs places réglementaires et de faire garder le plus
strict silence dans les rangs. Cette précaution empêchait chacun de
se communiquer ses inquiétudes. D'ailleurs les vedettes et les
avant-postes ennemis se repliaient des deux côtés de la route à
l'approche des Français. 

Le capitaine Magnien, adjoint à l'état-major, Combes, alors


lieutenant-adjudant-major, et quelques officiers eurent cependant
des soupçons. Ils quittèrent la colonne et repassèrent l'Essonne. À
l'arrière-garde, un escadron de lanciers polonais tourna bride.
Arrivés près de Juvisy, les soldats commencèrent à s'étonner du
bruit d'armes et de chevaux qu'ils entendaient à leur droite et à leur
gauche. Ils pensèrent que c'était de la cavalerie française. 

Au lever du jour, quelle surprise ! On était dans les lignes


ennemies. Des cuirassiers russes chevauchaient sur les deux flancs
de la colonne, les Autrichiens et les Bavarois prenaient les armes à
la tête des bivouacs et rendaient aux Français les honneurs
militaires. Des murmures, des cris de trahison éclatèrent dans les
rangs; des huées accueillirent les généraux qui tentèrent de calmer
l'effervescence. Mais les troupes étaient en colonne et entourées
d'ennemis, elles ne pouvaient se concerter sur le parti à prendre.
Chaque section était isolée. Puis, le soldat est crédule comme
l'enfant. On s'imagina qu'on allait s'unir aux Autrichiens pour
maintenir l'empereur sur le trône. Les malheureux soldats
continuèrent leur marche dans la direction de Versailles.

La cause des Bourbons était gagnée. La défection du 6e corps


désarmait Napoléon, physiquement et moralement. Il lui devenait
impossible de livrer une dernière bataille sous Paris, et ses
mandataires n'étaient plus fondés à invoquer la volonté de l'armée.
Qu'étaient des paroles devant le fait d'un corps entier qui désertait ?
Toutes les hésitations du Tsar tombèrent. Vous le voyez, dit-il d'un
ton inspiré à Pozzo di Borgo, c'est la Providence qui le veut. Elle
se manifeste, elle se déclare. Plus de doute, plus d'hésitation. Pour
Alexandre, l'empire avait désormais accompli ses destinées.

Ce même jour, 5 avril, vers neuf heures du matin,


Caulaincourt, Ney et Macdonald furent de nouveau reçus par
le Tsar. Le roi de Prusse était avec lui. Frédéric-Guillaume, en sa
bonne grâce tudesque, commença par apostropher les maréchaux,
disant que les Français avaient fait le malheur de l'Europe.
Alexandre l'arrêta: Mon frère, dit-il, ce n'est pas le moment de
revenir sur le passé. Puis abordant le sujet même de la conférence,
il déclara nettement que lui et ses alliés ne pouvaient admettre
l'abdication de Napoléon en faveur de son fils. Ils exigeaient une
abdication pure et simple. Quant à l'empereur Napoléon, il
conserverait le titre sous lequel il était généralement connu et
aurait la souveraineté de l'île d’Elbe.

Caulaincourt et les deux maréchaux ne s'attendaient que trop


à la revirade du Tsar, car eux aussi connaissaient l'abandon
d'Essonnes par le 6e corps. Ils l'avaient appris du duc de Raguse
lui-même comme ils achevaient de déjeuner. Son air égaré, ses
paroles haletantes trahissaient sa confusion. Ils ne ménagèrent pas
les reproches au duc de Raguse. On dit qu'à ces mots de Marmont:
"Je donnerais un bras pour que cela ne fût pas arrivé", Macdonald
répliqua durement: "Un bras ? Monsieur ! dites la tête, ce ne serait
pas trop”.

Peut-être Marmont avait-il alors quelques remords. Mais ses


velléités de conscience tombèrent vite devant les félicitations des
membres du gouvernement provisoire. Si le duc de Raguse eût
senti la honte dont allait le couvrir à jamais la défection
d'Essonnes, il n'eût pas perdu une heure pour rejoindre son corps
d'armée et le ramener dans les lignes françaises par la route de
Rambouillet, qui était encore libre: S'il craignait d'exposer ses
soldats à un combat avec les masses de cavalerie ennemie qu'on
aurait envoyées à leur poursuite, il devait courir à Fontainebleau,
se jeter aux pieds de l'empereur et lui apporter sa tête, comme il se
l'était promis la veille.

Napoléon, sans doute, eût pardonné à son repentir, et sinon


Napoléon, la postérité. Mais le duc de Raguse avait trop d'orgueil
pour s'humilier. Ce qu'il avait fait était bien fait. Il avait sauvé la
France, son crime était une action d'éclat. Il provoqua l'insertion au
Moniteur de sa correspondance avec Schwarzenberg, et il mit cette
proclamation à l'ordre de son corps d'armée: "C'est l'opinion
publique que vous devez suivre, et c'est elle qui m'a ordonné de
vous arracher à des dangers désormais inutiles". 
 

• Raguser signifiera maintenant trahir

Le 5 avril 1814 vers quatre heures du matin les généraux se


sont donc mis en route avec leurs troupes et se sont avancés
dans la nuit au milieu de l'armée ennemie. Si la plupart des
officiers sont informés du vrai but de la marche, les soldats, eux,
sont persuadés de manœuvrer pour combattre l'ennemi. 
Au lever du jour, les soldats français du 6e corps, découvrent
tout autour d’eux les armées ennemies. Il y a là un parfum de
trahison ! Les officiers, qui étaient dans le secret de la déloyauté,
sont obligés d’être protégés de leurs soldats par les ennemis ! Le 6e
corps fait halte dans l’après-midi à Versailles. Ils se soulèvent, ils
veulent se battre, oui, ils veulent rejoindre l’Empereur !

Marmont, à Paris, apprend les émeutes de Versailles. Il s’y


rend aussitôt et après quelques heures, parvient à calmer ses
troupes et à faire rentrer dans leurs casernements. Puis il retourne à
Paris et en rend compte directement au chef du gouvernement
provisoire, Talleyrand, qui le félicite.

Le 6 avril, Marmont signe avec le général Schwarzenberg une


convention antidatée au 4 avril. Pourquoi antidater cette
convention ? L’abdication provisoire de Napoléon, du 4, n’est pas
une capitulation ou un arrêt des hostilités. L’action de Marmont du
5 n’est rien d’autre qu’une trahison, passible de la cour martiale.
En l’antidatant, Marmont espère lui conférer un caractère un peu
plus régulier.

Toute sa vie, et même après, on reprochera à Marmont cet


événement. Pendant près d'un siècle le mot "raguser" (Marmont
est duc de Raguse), sera synonyme de  trahir. Au lieu de dire
"trahir, trahison", on dira “raguser, ragusade".Sa défection de
l’Essonne et les conditions de son ralliement à Louis XVIII
participeront fortement au rejet populaire des Bourbons, et
contribueront indirectement au retour de Napoléon lors des Cent-
Jours.
6 AVRIL 1814 :  NAPOLÉON RENONCE, POUR
LUI ET SA FAMILLE, AUX TRÔNES DE
FRANCE ET D'ITALIE  
 

• Lisons de Émile Marco de Saint-Hilaire, “Histoire


populaire, anecdotique et pittoresque de Napoléon
et de la Grande armée”, G. Kugelmann éditeur, 1843
Après avoir veillé une grande partie de la nuit dans son
cabinet, Napoléon avait pris le matin un peu de repos; il n'était pas
sorti du palais et était resté constamment assis dans l'embrasure
d'une croisée qui avait vue sur la pièce d'eau. Son teint était
plombé, sa toilette se faisait remarquer par un désordre qui n'était
pas dans ses habitudes. Il tenait machinalement dans ses mains un
volume simplement relié, le "Précis des Guerres  de [Jules] César",
lorsqu'un officier du palais entrouvrit doucement la porte: 

Qu’est-ce ? demanda Napoléon. Sire, c'est monseigneur le duc de


Vicence [Caulaincourt] avec LL. EE. les maréchaux le prince de la
Moskowa [Ney] et le duc de Tarente [Macdonald]. Il se leva et alla
au-devant d'eux. Le duc de Vicence parle le premier. Il raconte
comment la défection de Marmont a dû changer toutes les
combinaisons diplomatiques; comment Fontainebleau a cessé
d'être une position militaire; enfin, ce n'est plus de Napoléon qu'on
ne veut pas, c'est de sa dynastie tout entière.

A cette nouvelle, l'Empereur se dresse fièrement: c'est aussi par


trop d’humiliations ! s'écrie-t-il. Ils veulent me pousser à bout ! Eh
bien donc ! plus de lâches négociations; que le destin s'accomplisse
!

Napoléon continue de parler haut, en maître absolu, en père,


en soldat, en empereur. Le géant, trop longtemps garrotté par les
entraves dont on l’a embarrassé, reprend toute sa hauteur, toute son
énergie. Il se promène à grands pas, et continue, de cette voix qui a
si souvent rappelé la fortune des batailles: 

Oui ! nous nous battrons, et, certes, nous triompherons encore,


malgré la trahison ! Soult me ramène cinquante mille soldats;
Suchet va le rejoindre avec ses quinze mille hommes de l'armée de
Catalogne; Eugène fera un mouvement sur les Alpes avec ses
trente mille Italiens. J'ai encore les quinze mille hommes
d'Augereau, les garnisons des frontières et l'armée entière du
maréchal Maison. Tout cela va former une masse invincible ! Il
nous faut aller au-devant de ces renforts et manœuvrer sur la Loire:
c'est là que Charles Martel a délivré son pays, c'est là que nous
délivrerons le nôtre ! Messieurs ! s'écrie-t-il de nouveau en
frappant d'un geste sublime sur la garde de son épée, la grande
armée est reconstituée ! 

Les paroles si éloquentes que Napoléon vient de


prononcer n'ont pas trouvé d'écho même dans le cœur de ceux qui
sont voués à sa cause. Ses plénipotentiaires sont restés impassibles
en présence de tant d'enthousiasme. Macdonald seul réplique avec
calme:

Sire, les circonstances ont acquis une gravité qui ne permet pas


de prendre un parti sans en avoir pesé toutes les chances; nous
supplions Votre Majesté de réfléchir. J’ai réfléchi ! répond
sèchement Napoléon. Le lion n'est pas encore mort. 

Dès qu'on apprend à Fontainebleau la rupture des


négociations, une explosion de cris, de reproches, de menaces
même, se fait entendre dans les galeries du palais. C'est à qui
tournera ses regards vers la capitale, c'est à qui inventera des
prétextes pour aller à Paris; ceux-ci pour rassurer leur femme;
ceux-là pour mettre à l'abri leur fortune; quelques-uns pour l'intérêt
de leur corps d'armée; le plus grand nombre pour négocier leur
défection et stipuler les clauses de leur nouvelle fidélité aux
Bourbons.
Pendant ce temps, les Russes et les Autrichiens s'avancent et
resserrent autour de Fontainebleau la petite armée impériale. Cette
manœuvre des alliés sert d'objection aux trembleurs qui ne veulent
que déserter; ils exagèrent les forces ennemies et prédisent les plus
funestes résultats. Napoléon entend tous ces propos, réduit ces
craintes chimériques à leur juste valeur, et promet, lorsqu'il en sera
temps, de percer le réseau de fer dont on l'a entouré. 

Une route fermée à des courriers, dit-il, s'ouvre bientôt devant


cinquante mille baïonnettes !  Cependant il est lui-même indécis;
il lui répugne de faire une guerre de partisans. Lui qui terminait
toutes ses campagnes en quelques mois, lui qui conquérait un
royaume par une seule grande bataille, il éprouve une sorte de
honte à ne plus manœuvrer que sur une petite échelle, à ne faire
mouvoir qu'une poignée d'hommes. Au milieu de toutes les
perplexités qui viennent l’assaillir, il lui faut néanmoins prendre un
parti décisif; mais auparavant il veut entretenir une dernière fois
ses maréchaux. Il a subi l'influence du trône, il espère trouver un
appui dans les grands feudataires de la couronne; en un mot, il veut
savoir si sa cause, si celle de sa famille, sont encore la cause de la
France - il se décidera ensuite. 

Les maréchaux sont convoqués. Napoléon va au-devant de


chacun d'eux en particulier, et l'accueille avec cette distinction de
manières, cette noblesse de langage, qui ont toujours imposé même
aux souverains ses égaux. Ney et Berthier arrivent les derniers.
Leur abord est froid, leur contenance embarrassée; Napoléon n'a
pas l'air d'y faire attention. A peine s’est-il assis qu'il entame une
conversation générale par des lieux communs; puis, s'adressant
plus particulièrement au prince de Wagram [Berthier], il lui
demande avec une sorte de bonhomie s'il a des nouvelles de la
marche des alliés. 
Celui-ci répond qu'il a envoyé en reconnaissance des officiers
d'état-major sur tous les points, et que leurs rapports ont été
unanimes: l'ennemi a décidément pris position autour de
Fontainebleau. Mais les maréchaux, forts de la résignation de
Napoléon, ne sont pas venus pour se borner à ne lui annoncer que
de mauvaises nouvelles: c'est son abdication absolue qu'ils sont
venus chercher. Ney, le premier, aborde cette question délicate en
traçant d'une manière énergique la déplorable situation de la
France, et achève le tableau en demandant à l'Empereur quels sont
ses moyens de sauver la patrie. 

Aussitôt, sans laisser le temps à Napoléon de répondre, chacun


émet son opinion; la discussion s'anime, les interpellations les
plus vives se croisent, de bruyants colloques s'engagent. Au milieu
de ce pêle-mêle de paroles, l'attitude de l'Empereur est admirable
de sang-froid et de dignité: il se tait; mais quand la tranquillité s'est
un peu rétablie, il prend enfin la parole, résume en peu de mots
tout ce qui vient d'être dit, et termine en reproduisant les conditions
qui lui sont imposées par les alliés. 

Quant au sacrifice personnel qu'on exige de moi, ajoute-t-il, j'y


suis résigné; mais consentir à déposséder ma femme et mon fils
d'une couronne que, moi, j'ai conquise par mes propres œuvres,
jamais, Messieurs ! Quoiqu'un morne silence accueille cette
communication, Napoléon, toujours calme, dénombre les forces
qui lui restent et dont il peut faire usage, non pour éterniser la
guerre, mais pour venger l'honneur de la France:

Est-il un de vous, s'écrie-t-il, qui consente jamais à la laisser à


la merci des gens qui ne veulent qu'étouffer, à leur profit, nos
glorieux travaux ? Eh bien ! s'il nous faut renoncer à défendre plus
longtemps la France, reprend-il en relevant la tête, l'Italie ne nous
offre-t-elle pas une retraite digne de vous et de moi ? N'est-ce pas
là la terre des miracles ? Veut-on m'y suivre encore une fois ?
Croyez-moi, Messieurs, marchons vers les Alpes ! 

Cette héroïque proposition n'est pas mieux accueillie que les


précédentes. Et cependant si Napoléon l'eût faite quelques pas
plus loin, dans le salon de service encombré par tous les jeunes
généraux, elle eût été reçue avec enthousiasme, avec bonheur; dans
les rangs de l'armée, elle eût été saluée avec cette bouillante ardeur
de 1792. Mais Napoléon ne s'est adressé qu'à des hommes qui, la
plupart, n'ont plus d'autre ambition que de conserver leurs
honneurs, leurs richesses. L'Empire croulera, que leur importe ?
Malgré tant d'indifférence chez tant d'hommes qu'il a élevés si haut
par son génie, Napoléon ne laisse percer aucun sentiment de colère
et semble les prendre en pitié: 

Vous voulez du repos ? dit-il alors; ayez-en donc ! Hélas ! vous


ne savez pas combien de chagrins et de dangers vous attendent sur
vos lits de duvet ! Quelques années de cette paix que vous allez
payer si cher en moissonneront un plus grand nombre d'entre vous
que ne l'aurait fait la guerre la plus désespérée. 

Ces paroles de Napoléon aux maréchaux devaient être


prophétiques; car Berthier, Murat, Ney, Masséna, Augereau,
Lefèbvre, Brune, Serrurier, Kellermann, Pérignon, Beurnonville,
Clarke et tant d'autres encore, disparurent en moins de sept années
et le devancèrent dans la tombe.

Pendant toute cette scène, l'Empereur ne recueillit pas un mot


de sympathie. Devant le bienfaiteur, en présence du souverain,
presque tous les cœurs restèrent froids. Il interroge du regard ceux
qui l'entourent: tous les yeux sont baissés, toutes les bouches sont
muettes. Une révolution soudaine s'opère à cette vue dans son âme;
elle ne se manifeste à l'extérieur que par une extrême pâleur et un
léger tressaillement dans tous les membres. Il essuie son front,
qu'inonde une sueur glaciale, et il se lève:

Messieurs, dit-il d'une voix vibrante, je sais maintenant à quoi


m'en tenir; je veux être seul. Vous, monsieur le duc de Vicence,
restez. Et quand le dernier des maréchaux a dépassé la porte, il
lacère avec une colère concentrée le mouchoir de batiste qu'il tient
à la main, en disant à Caulaincourt: 

Vous le voyez ! ces gens-là n'ont, pour la plupart, ni cœur ni


entrailles. Je leur ai parlé de ma femme, je les ai implorés pour
mon fils: rien ! Oui, je cède, parce que je suis vaincu; mais ce n'est
pas par la fortune, c'est par l'égoïsme et l'ingratitude de ceux pour
qui j'ai tout fait. Oh! c'est hideux! Je leur pardonne, mais l'histoire
sera moins généreuse que moi. Et en prononçant ces mots, il se
laisse tomber comme anéanti dans le fauteuil qui est devant son
bureau, prend une plume, et écrit le nouvel acte d'abdication qu'on
attend; il le formule ainsi: 

"Les puissances alliées ayant proclamé que l'empereur


Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en
Europe, l’Empereur, fidèle à son serment, déclare qu'il renonce,
pour lui et ses enfants, aux trônes de France et d'Italie, et qu'il n'est
aucun sacrifice, même celui de la vie, qu'il ne soit prêt à faire aux
intérêts de la France. 
Fait au palais de Fontainebleau, le 11 avril 1814."

Après y avoir apposé sa signature, il le lit à Caulaincourt. Est-


ce cela ? lui demande-t-il ensuite. Le duc de Vicence n'avait pris
aucune part aux débats qui venaient d'avoir lieu. Il avait écouté
dans une sorte de recueillement l'Empereur, si noble, si grand,
s'adressant en vain à l’honneur, à la reconnaissance de ses
lieutenants. Le cœur brisé, il ne put répondre que ces mots d'une
voix entrecoupée: Sire, il n'y a rien dans l'histoire qui puisse être
comparé au sacrifice que fait en ce moment Votre Majesté. 

J'abdique et ne cède rien, réplique Napoléon d'un ton bref;


faites appeler Ney et Macdonald. Ces deux maréchaux introduits,
Napoléon fait répéter par le prince de la Moskowa [Ney] tout ce
que l'empereur Alexandre lui a dit en dernier lieu. Le duc de
Tarente [Macdonald] parle ensuite dans le même sens. 

Je sais, mon cher maréchal, tout ce que vous avez fait pour
moi dans cette circonstance, dit à son tour Napoléon; je sais avec
quelle chaleur vous avez plaidé la cause de mon fils, de l'armée;
mais puisqu'ils exigent mon abdication pure et simple, la voilà.
C’est vous, monsieur le prince de la Moskowa, avec Caulaincourt,
que je charge, cette fois encore, de mes pouvoirs. Vous irez
défendre les intérêts de ma famille… 
7 AVRIL 1814 : MARIE-LOUISE REJOINDRA-T-
ELLE NAPOLÉON ?
 

• Lisons, “l’Impératrice Marie-Louise” de Frédéric


Masson, éd. Goupil et Cie, 1902 :

Dans cette journée du 7 avril prennent place toutes les


incertitudes qui doivent, à la fin, déterminer la destinée de Marie-
Louise et, par un enchaînement de circonstances auxquelles son
éducation, la faiblesse de son âme, la fragilité de ses sentiments,
les exigences de son tempérament ne lui permettront pas de se
soustraire, la livreront quelque jour inerte et sans défense aux
desseins que sa belle-mère et les ministres de Sa Majesté
Apostolique ont formés sur elle.

Jusqu'au 6 avril, Napoléon ne pouvait désirer qu'elle vînt.


Fontainebleau était un quartier général que, d'un moment à l'autre,
il devait quitter. S'il abdiquait en faveur de son fils, quelle valeur
attacherait-on à sa parole dès qu'on le verrait réuni à l'Impératrice ?
Si, à quelque moment, pour assurer son trône à ce fils, il ne voyait
d'autre moyen que la mort, la mort volontaire, pouvait-il
condamner Marie-Louise à en être témoin? Elle-même, attendant
tout de son père, peut-elle se livrer à une démarche aussi
imprudente et la prendre sur elle, lorsque son mari ne la lui
commande pas et que Joseph lui affirme que les communications
sont coupées, qu'il vient d'essayer et a dû retourner ? 

Galbois vient de le lui répéter, et pourtant elle voudrait aller à


Fontainebleau. Les obstacles qui s'opposent à l'accomplissement
de ce désir, le conflit des opinions contradictoires de son entourage
lui font différer de tenter cette réunion qui est dans sa pensée. Son
anxiété est au comble; les émotions violentes qu'elle a éprouvées,
les pleurs qu'elle répand continuellement, ses douloureuses
insomnies, lui ont causé un état nerveux et presque convulsif. Elle
ne peut se faire une idée des passions qui agitent la France. Les
assurances qu'elle a reçues de son père lui reviennent constamment
à la mémoire. Elle ne peut se persuader que l'empereur d'Autriche
la sacrifiera ainsi que son époux et son fils. 

Son devoir, son affection, la portent à Fontainebleau; son


intérêt, son indolence, sa santé, la retiennent à Blois: pourtant, il
suffit d’un instant pour que sa décision soit prise et porte ses effets.
Qu'il se trouve là, entre tant de courtisans, un être reconnaissant et
fidèle, que Madame de Luçay — il la faut nommer — ait assez
d'influence pour la déterminer à monter dans la voiture préparée
pour ce départ et qui attend au pied d'un escalier dérobé, pour
Marie-Louise tout est sauvé, mais, pour d’autres tout est perdu. A
ce moment même, Madame de Montebello se fait annoncer.

Aussitôt, l'Impératrice troublée fait précipitamment entrer sa


dame d'Atours dans un cabinet voisin, et, de là, Madame de
Luçay peut entendre et n'entend que trop bien avec quel art perfide
on parvient à changer la résolution qu'elle a suggérée. Aussi bien,
comme les idées peuvent encore varier, la duchesse se charge d'y
porter un obstacle décisif. Elle fait avertir de ces incertitudes
Schwartzenberg, avec qui elle est, de longue date, en rapports, et
lui demande d'y mettre un terme.

D'elle-même, Marie-Louise, toujours combattue entre la


pensée de remplir ses devoirs d'épouse et celle d'obtenir pour
son fils un établissement convenable, n'est que trop disposée à
céder à des avis intéressés. Ce qu'elle ne veut à aucun prix, c'est se
livrer aux Bonaparte et se joindre à leur fortune; or, pour les
Bonaparte, — Joseph et Jérôme, — l’intérêt décisif est de ne pas
souffrir qu'elle s'éloigne, soit pour rejoindre l'Empereur, soit pour
retrouver son père, et de l'entraîner avec eux pour continuer la
résistance ou pour se ménager des conditions plus avantageuses.
S'ils la laissent à Blois, elle prendra l'un des deux partis qu'ils
redoutent.

Le 8 au matin, ils se présentent donc à elle, lui disent qu'il n'y a


plus de sûreté dans la ville, que les troupes alliées en sont tout
près, qu'il faut partir au delà de la Loire et y porter le siège du
Gouvernement. Elle refuse nettement. Elle déclare qu'elle ne veut
pas quitter Blois. Jérôme s’emporte, menace presque. Elle se retire,
trouve des gens de sa maison d'honneur qui, saisissant l'occasion
de se séparer hautement des Bonaparte et d’affirmer — ce qui
deviendra leur habituelle justification — qu'ils ne sont entrés dans
l'antichambre de Napoléon que pour y attendre l'archiduchesse,
nièce de Marie-Antoinette, appellent les officiers de l'escorte.
Ceux-ci accourent assurer l'Impératrice qu'ils n'obéiront qu'à elle
seule et qu'on ne lui fera pas quitter Blois contre sa volonté. 

Cette résistance, si inusitée chez l'Impératrice, a-t-elle pour


motif seulement "un défaut de confiance en ses conseillers" ou,
"dans l'état d'agitation où elle se trouve, est-elle dominée par la
crainte presque physique d'un nouveau déplacement qui la
rejetterait dans les hasards d'une vie errante dont elle ne prévoit pas
le terme ?" En tout cas, partagée entre la volonté de ne pas suivre
ses beaux-frères et la crainte de voir arriver Czernicheff et les trois
mille cosaques dont on l'a menacée, elle ne pense plus à
Fontainebleau; elle dépêche à l'empereur d'Autriche un nouvel
officier — Sainte-Aulaire — pour le prier "de lui donner quelque
refuge dans ses États, ainsi qu'à quelques serviteurs qui lui sont
restés fidèles". 

Elle entend rester en communication étroite avec son père. "Je


vous enverrai donc chaque jour, lui dit-elle, un courrier pour vous
dire l'endroit où je serai, et je vous prie de me le renvoyer chaque
jour pour me dire l'endroit où vous êtes, afin que je puisse aller
vous retrouver tout de suite dans un cas malheureux. Tout ce que je
désire est de vivre tranquille quelque part dans vos États et de
pouvoir élever mon fils. Dieu sait que je lui dirai de ne pas avoir
d'ambition !”
Pourtant, peut-être à propos de ce fils, plus sûrement par un
retour sur elle-même, cette ambition s'éveille, séparant pour la
première fois — sous quelles influences, on ne saurait le dire —
ses destinées de celles de Napoléon. Il lui faut, à elle, un
établissement qui soit digne d’une archiduchesse. Pour moi et pour
mon fils, surtout pour ce dernier, écrit-elle à son père, je suis
convaincue que vous ne voulez pas lui donner l'île d'Elbe pour
unique héritage. Je suis persuadée que vous défendrez ses droits et
que vous lui obtiendrez un meilleur sort. Tout ce que je désire est
que vous puissiez le voir; ce malheureux enfant, qui est innocent
de toutes les fautes de son père, ne mérite pas de partager avec lui
une si triste position. En même temps qu'elle se détache ainsi du
vaincu et qu'elle lui reproche "toutes ses fautes", elle semble
encore décidée à lui faire visite. 

Je vais demain matin à Fontainebleau, dit-elle, je suis encore


très malade et je crains d'être plus malade encore. J'ai de fortes
douleurs de poitrine et des vomissements de sang qui me font
craindre que ma santé ne soit toute troublée et j'ai peur de ne
pouvoir entreprendre de longs voyages.

Ce qui coupe court au projet, sinon de réunion, au moins de


course à Fontainebleau, sincère sans doute, mais demeuré à l'état
de velléité et subordonné à une santé sur laquelle l'on a soin
d'entretenir ses inquiétudes, c'est, à deux heures, l'arrivée du comte
Schouwalof, aide de camp d'Alexandre, nommé commissaire des
puissances alliées. Il est accompagné du baron de Saint-Aignan,
écuyer de l'Empereur, beau-frère de Caulaincourt et ami intime de
Madame de Montebello. — Lequel des deux amène l'autre ? —
Schouwalof annonce qu'il a mission de conduire à Orléans
l'Impératrice et son fils, et il prend possession de leurs personnes.
C'est le signal du dispersement: ministres, conseillers d'Etat, dames
du Palais, chambellans, premier écuyer, chevalier d'honneur,
accourent à la mairie pour chercher des passeports qu'ils font viser
par le commissaire russe, et la plupart s'envolent vers Paris.

Les gens de la Maison tiennent déjà leurs gratifications.


L’Impératrice a distribué cent cinq mille francs aux vingt-trois
personnes de son service d'honneur, cinquante mille aux employés
et domestiques de sa maison et de celle de son fils, cent soixante
mille aux employés de la Maison de l'Empereur, quatre-vingt-trois
mille aux treize cents officiers et soldats de la Garde qui ont formé
son escorte. Il ne reste auprès d'elle que ceux — combien peu
nombreux ! — que leur dévouement retient, ceux qu’oblige encore
une sorte de pudeur, enfin ceux qui prétendent jouer un rôle et
préparent dès lors, par des correspondances ou des voyages, de
fructueux marchés. 

Dans la dernière classe, on est muet, respectueux et affligé;


dans la première, agité, verbeux, plein d'expédients, d'avis et de
conseils; mais dans la seconde, où l'on ne s'abstient pourtant pas de
démarches souterraines, — témoin l'arrivée de Schouwalof, —
plusieurs montrent ouvertement leur fatigue, leur dépit et leur
mauvaise volonté: Qu'il me tarde que cela finisse ! dit ouvertement
Madame de Montebello. Que je voudrais être tranquille, avec mes
enfants, dans ma petite maison de la rue d'Enfer !

Ainsi, c'est là l'amitié si chèrement acquise, c'est là le


dévouement solennellement attesté, et cette débandade des
courtisans, qu'est-ce encore devant l'effondrement de la nation ?
Quoi ! ces acclamations enthousiastes par qui elle fut accueillie il y
a quatre ans et qui, hier encore, retentissaient à ses oreilles, ce
trône si solidement élevé par la volonté du peuple,
qu'ombrageaient de palmes glorieuses les victoires fidèles,
qu'environnaient dans un religieux silence les représentants de la
France-entière, — prêtres, nobles, soldats, le passé de toute une
histoire et le présent de toute une épopée, — ce trône où elle
répugnait tant à monter et où son père l'a contrainte de s'asseoir, il
a suffi d'un revers de la fortune pour qu'il s'écroulât.

Et cette foule, tout entière exultante [sic], attendrie, délirante de


joie, d'amour et d'orgueil, s'empresse à présent, dans ce Paris
servile, à porter aux ennemis et à ceux qu'ils ramènent de pareils
serments et des protestations semblables; elle charge de ses
malédictions le nom qu'elle adorait tout à l'heure; elle n'a pitié ni
de la faiblesse, ni du malheur, ni de la gloire; elle est lâche, elle est
odieuse, elle est infâme, — pire à mesure que, dans la mémoire de
l'archiduchesse, se lèvent les souvenirs de Vienne et des
patriotiques triomphes qu'au lendemain de désastres sans nom, un
peuple reconnaissant vouait à son souverain vaincu ! 

A qui se fierait-elle, quand les personnes même que Napoléon


lui a données pour les plus fidèles l'abandonnent ou la trahissent,
qu'elles n'attendent qu'une occasion et le partage de quelque argent
pour se ruer vers Paris, que sans cesse elles maudissent l'Empereur,
l'injurient et le tournent en risée ? Quel refuge, hormis son père ?
Quelle direction, sauf celle qu'il daignera donner ? 
7 AVRIL 1845 : MORT DE JULIE BONAPARTE,
NÉE MARIE JULIE CLARY, ÉPOUSE DE
JOSEPH

Julie Clary, sœur de Désirée, est née à Marseille le 26


décembre 1771. Elle épouse le 1er août 1794 Joseph Bonaparte, le
frère de Napoléon. Elle est reine de Naples de 1806 à 1808, puis
reine d'Espagne de 1808 à 1813.

Après Waterloo, après la chute de l’Empereur en 1815, elle et


son mari s’exilent aux États-Unis, dans l'État du New Jersey. En
1816, sa sœur Désirée, princesse de Suède depuis 1810, l’emmène
en voyage en Suède. Julie se rend ensuite à Francfort, où elle
demeure avec ses filles six années durant, alors que Joseph est
retourné aux USA, ensuite ce sera Bruxelles, enfin le Palazzo
Serristori à Florence lui servira de dernier lieu de résidence. 

C’est là qu’en 1840, Joseph la rejoint. Il y meurt dans ses bras


le 28 juillet 1844, à l'âge de soixante-seize ans. Elle le rejoint dans
la mort huit mois plus tard, le 7 avril 1845, elle a soixante-treize
ans. Leurs corps sont inhumés côte à côte en la basilique Santa
Croce de Florence.

En 1862, Napoléon III, devenu empereur des Français,


rapatrie la dépouille de Joseph pour l'inhumer aux Invalides dans
la chapelle Saint-Augustin. Les restes de Julie, Comtesse de
Survilliers, demeurent toujours à la basilique Santa Croce, près de
ceux de sa fille Charlotte, décédée le 3 mars 1839, à l'âge de trente-
sept ans, en donnant naissance à un enfant mort-né.
8 AVRIL 1814 – LA STATUE DE NAPOLÉON
EST DESCENDUE DE LA COLONNE VENDÔME

“La ville de Paris a son grand mât tout de bronze, sculpté de


Victoires, et pour vigie Napoléon” (Balzac)

En 1803, Bonaparte, Premier Consul, décide qu'une colonne


commémorative, inspirée du modèle de la colonne Trajane de
Rome, sera élevée place Vendôme. Avec un fût constitué d’une
structure de pierre sur laquelle sont agrafées quatre cent vingt-cinq
plaques de bronze, la colonne Vendôme déroule en spirale sur
deux cent quatre-vingts mètres une frise de bas-reliefs représentant
les principaux épisodes de ses campagnes militaires, du camp de
Boulogne (1803) jusqu’au retour de l’Empereur et de sa Garde en
1806 (campagne de Prusse).

Le bronze de ces bas-reliefs provient de la fonte de mille deux


cent canons pris, en 1805, à l'ennemi, principalement à Austerlitz
(au total cent quatre-vingts tonnes). Une statue de Napoléon (qui
aurait préféré une représentation de Charlemagne) est placée au
sommet, le 5 août 1810; c’est l’œuvre du sculpteur Antoine-Denis
Chaudet.

Le 31 mars 1814, les Alliés entrent en vainqueurs dans Paris.


Le marquis de Maubreuil (il était né Jacques Marie Armand
Guerry de Beauregard) veut se refaire une "virginité". Il a servi
Napoléon, et a même offert en février 1814 au ministre de la
guerre de lever à ses frais deux escadrons de cavalerie pour le
service de l'Empereur; cette offre restera sans suite. Il arbore
maintenant la cocarde blanche. On le dit quelque peu aventurier.

Sosthène de la Rochefoucauld et lui décident de faire enlever la


statue de Napoléon placée au sommet de la colonne Vendôme.
Aidés de Rochechouart, colonel aide de camp du tsar, commandant
la place de Paris, ils mettent en demeure Launay, le fondeur de la
statue , de la faire descendre, et le menacent, s'il s'y refuse,
“d'exécution militaire”. 

Le Moniteur publie l'avis suivant, émanant de la Préfecture de


Police: “Le monument élevé sur cette place [la place Vendôme] est
sous la sauvegarde de la magnanimité de Sa Majesté l'Empereur de
Russie et ses alliés. La statue qui la surmonte ne pouvait y rester,
elle en descend pour faire place à celle de la Paix.” Cette statue de
la Paix ne verra bien sûr jamais le jour.

Le 8 avril 1814, alors que La Rochefoucauld organise


financièrement une “allégresse publique” autour cet
événement, Maubreuil monte sur la colonne Vendôme, y dépose
vingt pièces d'or pour faire abattre à force de bras et de cordages la
statue de Napoléon. On raconte que, dans un élan d'enthousiasme
véritable ou simulé, il attache sa légion d'honneur à la queue de son
cheval, et se promène dans ainsi dans tout Paris…

On a bien fait attention de remplacer la garde nationale par


des soldats russes. La statue est abattue à 6 heures du soir, c’est
un Vendredi Saint, elle est remplacée par un drapeau blanc
fleurdelisé. Que fera-t-on d’elle ? Deux versions : elle aurait été
fondue pour réaliser soit la statue équestre de Louis XIV (place des
Victoires) de 1822, soit la statue équestre de Henri IV de 1818 sur
le Pont-Neuf.
 

• Que deviendront La Rochefoucauld


et Maubreuil? 

Le 21 avril 1814, Maubreuil accompagné d’un dénommé


Dasies, et de quelques hussards, dérobe près du relais de poste du
Fossart en Seine-et-Marne plusieurs caisses contenant de l’or et
des pierreries, appartenant à la princesse Catherine de
Wurtemberg, nièce du tsar Alexandre. Arrêté pendant les Cent-
Jours, pour sa défense, Maubreuil déclara avoir agi par raison
d'État et au nom du gouvernement provisoire présidé par
Talleyrand, qui lui aurait même demandé d’assassiner l’Empereur
lors de son départ pour l’île d’Elbe.

La Rochefoucauld, lui, ne fera pas partie de ceux qui


bénéficieront de l'amnistie que l’Empereur promulguera, à son
retour de l'île d'Elbe, en faveur de ceux qui s’étaient ralliés à la
première Restauration.

Cette colonne, même “veuve” de l’Empereur restera le lieu de


mémoire napoléonien par excellence dans le Paris de la
Restauration ; s’y rencontreront et recueilleront les nostalgiques de
l’Empire, les vétérans des premières campagnes comme les
"Marie-Louise". Un écrivain et goguettier (participant d'une
goguette, société amicale organisant des dîners et soirées
chantantes), Émile Debraux, fera chanter: 

“Ah ! qu’on est fier d’être Français 


Quand on regarde la Colonne”. 
9 AVRIL 1796 : DÉBUT DE LA PREMIÈRE
CAMPAGNE D’ITALIE DE BONAPARTE
 

• Lisons le “Napoléon” de Jacques


Bainville, Librairie Arthème Fayard, 1931

Dans cette Italie dont la carte est aussi divisée que les opinions,
il n'y a pas seulement les Autrichiens, mais deux rois, des
Républiques, des grands-ducs, le pape à Rome. Il s'agit de ne pas la
réunir contre soi. Alors, en même temps qu'un grand militaire, se
révèle un politique savant.

Bonaparte (depuis quelques jours il signe ainsi, abandonnant à


jamais le "Buonaparte") commence son offensive le 9 avril
1796. Comme en 1794, il a devant lui les Piémontais et les
Autrichiens. Le 14, après les batailles de Montenotte, de
Millesimo, le combat de Dego, il les a déjà séparés. Le 17, les
Français arrivent sur les hauteurs de Montezzemolo, d'où ils
découvrent la plaine: “Annibal [sic] a passé les Alpes, dit
Bonaparte s'adressant à l'intelligence du soldat; nous les avons
tournées.”

Le 21, tandis que le général autrichien Beaulieu, battu,


regroupe ses forces, le général piémontais Colli est battu à son tour
à Mondovi. En deux semaines, la route du Piémont et la route de
Lombardie ont été ouvertes. Le roi Victor-Amédée, celui que les
Jacobins de 1794 appelaient “le roi des marmottes”, demande une
suspension d'armes, et Bonaparte l'accorde. 

Ici se place le premier acte d'indépendance du jeune général.


Ses ordres lui refusent le pouvoir de signer un armistice. Bonaparte
passe outre. Déjà il s'émancipe. Ses victoires, les drapeaux et les
millions qu'il enverra d'Italie feront oublier sa désobéissance. Le
Directoire a besoin de succès et d'argent. Bonaparte, qui a vu de
près de gouvernement, le méprise tout en affectant de respecter les
formes. Quant à Saliceti, qu'il connaît encore mieux, qu'il n'estime
pas davantage et qui lui a été adjoint pour le surveiller, il lui
bouche l'œil en lui donnant à manier les fonds des contributions de
guerre. Les hommes, ne commence-t-il pas à les connaître, à les
traiter selon leur mérite ? Les petits moyens en même temps que
les grands, pourvu qu'il agisse à sa guise. 

C'est la bonne. Les instructions du commandant en chef lui


laissent sur un point la liberté du choix. Il doit, selon les
circonstances, porter la révolution en Piémont et détrôner le roi de
Sardaigne, ou bien ménager les Piémontais et les attirer dans une
“alliance avantageuse”. Sa tâche étant avant tout de battre les
Autrichiens et de les chasser d'Italie, il va droit à l'essentiel. Il a
autre chose à faire que de renverser les despotes quand ce n'est pas
nécessaire, et ce n'est pas avec trente mille hommes qu'il peut
vaincre l'Autriche et imposer les principes français aux Italiens si
les Italiens ne les demandent pas. 

Des plans du Directoire, il retient ce qu'il y a de plus simple et


de plus pratique. Il n'a pas de préjugés contre les représentants
d'une vieille cour comme celle de Turin. Pourvu que l'armée
d'Italie soit débarrassée d'un adversaire, le “roi des marmottes”
peut rester sur son trône. Le négociateur débutant sait à la fois
rassurer et inspirer la crainte. En quelques jours, l'armistice est
conclu, signé à Cherasco, avec de bons gages, des communications
sûres. Le mois d'avril n'est pas, fini que le Piémont est hors de
cause. À son tour, le duc de Parme, effrayé, se soumet en quelques
heures. Celui-là donne deux millions, des approvisionnements, des
œuvres d'art. 

Bien que Bonaparte ait outrepassé ses pouvoirs, le Directoire


ne souffle mot. L'argent, qui lui manque tant et qui lui arrive par
charretées, l'émerveille. Il sourcille à peine, aux proclamations où
le général, s'adressant aux Italiens, leur promet, avec la liberté, le
respect de leur religion. Nouveauté, pourtant et qui en annonce
d'autres. 
Ces précautions prises, Bonaparte se porte contre les
Autrichiens. Même rapidité, même hardiesse calculée, même
bonheur. Mêmes victoires sur l'ennemi, précédées, comme au
début de la campagne, d'une victoire sur ses propres troupes qui se
sont demandé si leur général n'allait pas trop vite et ne les menait
pas trop loin. Le 10 mai, Lodi, “coup d'audace extraordinaire”, lui
donne la confiance entière, le cœur du soldat. 

C'est après cette bataille que les vieux de l'armée d'Italie lui
décernent le titre, qui servira tant sa popularité, de “petit
caporal”. C'est après cette journée aussi, de son propre aveu, qu'il
pressent pour la première fois son avenir. “Je voyais le monde fuir
sous moi comme si j'étais emporté dans les airs”, disait-il
superbement à Gourgaud. Il ressentait encore, à Sainte-Hélène,
l'ivresse des premiers rayons de la gloire, lorsqu'il lui était apparu
qu'il avait le droit, comme les autres, peut-être plus que les autres,
de prétendre à tout.
9 AVRIL 1799 : BLESSURE MORTELLE DU
GÉNÉRAL LOUIS MARIE-JOSEPH DE
CAFFARELLI DU FALGA

Le général de brigade Louis Marie Joseph Maximilien


Caffarelli (ou Cafarelli), né au château de Falga (Haute-Garonne),
est grièvement blessé au siège de Saint-Jean-d'Acre le 9 avril 1799
et meurt des suites de ses blessures le 27 avril 1799.

Fils de Pierre Maximilien Caffarelli, seigneur du Falga, il est


l’aîné de 10 frères et sœurs dont Marie François Auguste, qui sera
aussi général d’Empire. Il intègre l’École du génie de Mézières en
1775. Aspirant en 1777, capitaine en avril 1791, il est à l’armée du
Rhin mais est suspendu en août 1792 pour avoir refusé de prêter
serment au nouveau gouvernement. Réintégré en mars 1795 après
avoir été incarcéré d’octobre 1793 à octobre 1794, il est nommé
chef de bataillon, sous-directeur des fortifications. 

Caffarelli sert à l’armée de Sambre-et-Meuse, se distingue au


passage du Rhin près de Düsseldorf, le 6 septembre 1795. Chef de
brigade le 20 novembre 1795, il a, le 7 décembre 1795, la jambe
gauche emportée par un boulet, sur les bords de la Nahe.
Transporté à Luxembourg, il subit l’amputation le lendemain et est
nommé général de brigade le 17 décembre 1795. Avec une jambe
de bois, il revient à l’armée de Sambre-et-Meuse. 

Élu en février 1796 à l’Académie des sciences morales et


politiques, une des cinq académies de l’Institut de France,
Caffarelli est affecté à Boulogne puis est nommé commandant en
chef du génie de l’armée d’Orient. Il sert à Alexandrie, à Salayeh,
fortifie Le Caire en novembre 1798 et est aussi membre de
l’Institut d’Égypte depuis le 22 août 1798. 

Il accompagne Bonaparte dans sa campagne en Syrie, à Jaffa


puis à Saint-Jean-d’Acre où il coopère activement à son siège.  La
ville est fortement défendue, avec l’aide de deux Français émigrés,
spécialement chargés de sa défense, Phélippeau, ingénieur d'un
rare mérite, ancien condisciple de Napoléon à l'École de Brienne,
et Tromelin, officier d'artillerie. 
Caffarelli étant l’ingénieur principal, planifie et contrôle les
aspects techniques du siège. Le 9 avril 1799, alors qu’il passe le
long des tunnels, il est atteint d’une balle de fusil de rempart, tirée
par un soldat turc, qui lui fracasse le coude gauche. Larrey se voit
obligé de l’amputer. Les suites opératoires semblent satisfaisantes,
mais une gangrène se met en place. Napoléon Bonaparte, son ami,
vient lui rendre visite. Caffarelli meurt d’une septicémie le 27 avril
1799. Il a tout juste 43 ans.

Caffarelli était très populaire dans l’armée qui le surnommait


“Père la Béquille” ou “Jambe de Bois”. Dans leur moment de
découragement , les soldats disaient de lui, qui avait été amputé
d’une jambe: “celui-là se moque bien du pays, il est sûr d’avoir
toujours un pied en France”. 

Sa tombe a été retrouvée en 1969 sur le terrain où se trouve


aujourd’hui l’école agricole “Yad Natan”. Sur cet emplacement ont
été découvertes d’autres tombes abandonnées ne mentionnant pas
le nom des personnes enterrées. Ces tombes ne ressemblent pas
aux tombes musulmanes, il est aussi supposé qu’elles ne portent
aucune inscription, pour ne pas être profanées par les habitants
voisins musulmans. Tous les ans en novembre, une cérémonie y
honore sa mémoire.

Son nom est inscrit sur l’Arc de triomphe, pilier sud, colonne 27

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