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CHAPITRE 10
CALCULS DES PLANCHERS

10.1 GÉNÉRALITÉS
10.1.1 Définition
Les planchers sont des éléments structuraux horizontaux bidimensionnels, par opposition aux
poutres qui sont unidirectionnelles ou aux coques qui présentent une géométrie
tridimensionnelle. Les planchers sont constitués de dalles structurales portées ponctuellement
par des appuis rigides ou sur leurs rives par des murs ou des poutres, comme montré sur la
figure 10.1. Ces éléments structuraux se distinguent des dalles sur sol qui interagissent avec
la fondation sur l'ensemble de leur superficie. En anglais ont fait souvent référence à elevated
slab, slab, flat plate, etc. pour désigner ces éléments structuraux par opposition aux slab on
ground. Dans le cas de sols non porteurs, les dalles sont considérées comme structurales au
même titre que les planchers aux étages ou encore la toiture des bâtiments.

Figure 10.1 – Identification des éléments structuraux d'une structure en béton armé
10.2

10.1.2 Dalles unidirectionnelles et bidirectionnelles


Les dalles formant les planchers peuvent être unidirectionnelles ou bidirectionnelles. La
distinction provient de l'amplitude relative des moments principaux dans des directions
orthogonales : on dit d’un plancher qu’il est bidirectionnel s’il résiste aux charges qu’il
supporte par l’entremise de moments fléchissants agissant selon deux directions orthogonales
qui sont du même ordre de grandeur. Les dalles des planchers sans poutres sont toujours
considérées comme bidirectionnelles. En présence de poutres, le ratio des portées et la rigidité
flexionnelle des poutres déterminent l'amplitude des moments dans chaque direction. Afin de
déterminer si un système est bidirectionnel, il est plus aisé de voir s’il est unidirectionnel. S’il
ne l’est pas, il est bidirectionnel. La figure 10.2 illustre différents types de planchers.

10.1.3 Approches de la norme A23.3


Le calcul des planchers dalle est régi par la section 13 de la norme A23.3-14. L’article [13.5]
précise les méthodes acceptées et les principes devant être utilisés. Plusieurs méthodes de
calcul des efforts existent. Afin de s'assurer que des méthodes adoptées soient appropriées, la
norme indique [13.5.1] que le système de plancher peut être conçu par n’importe quelle
procédure. Celles-ci doivent satisfaire les conditions d’équilibre et de compatibilité avec les
appuis, à condition qu’il soit démontré que la résistance pondérée à chaque section est au
moins égale aux effets des charges majorées, et que toutes les conditions de service, y compris
les limites spécifiées sur les flèches, sont remplies. Les méthodes acceptées par la norme sont :
 méthode des plaques élastiques [13.6];
 méthodes de plasticité [13.7];
 méthodes de cadres élastiques équivalents [13.8];
 méthode directe [13.9];
 dalle sur appuis rigides [Annexe B].

Ces méthodes permettent de calculer les moments fléchissants et efforts tranchants dans les
planchers. La répartition des armatures est donnée aux articles suivants :
 général [13.10];
 dalles sans poutres intérieures [13.11];
 dalles sur poutres entre les appuis [13.12].

10.1.4 Comportement dans le plan des planchers


Généralement les dalles sont calculées uniquement pour les charges de gravité. Ceci
s’applique uniquement aux systèmes structuraux dont la stabilité latérale est assurée par un
agencement de murs de refends. Pour les dalles faisant corps avec un système de cadres rigides
non retenus latéralement, ou si on considère l’interaction murs de refend-cadres rigides pour
les bâtiments élevés, les efforts dus aux charges latérales ou dus à la stabilité de la structure
doivent être inclus dans le calcul des dalles. La fissuration des dalles et poutres, si présentes,
doit également être prise en compte.
Ductilité et plasticité 10.3

Figure 10.2 – Systèmes de planchers avec dalle bidirectionnelle

Que les planchers fassent ou non parti du système de résistance aux charges latérales, celles-
ci induisent des efforts dans les planchers. En effet les efforts horizontaux dus aux charges de
vent transitent à travers la dalle, des points d’application des charges jusqu’au système de
résistance aux charges latérales. Dans le cas des charges sismiques, les charges proviennent
de la masse du plancher lui-même ainsi que des charges permanentes et fixes qu’il supporte.
Il faut donc s’assurer que les charges ainsi transmises à travers le plancher pourront être
convenablement transférées aux éléments résistants. Les charges horizontales induisent des
moments de flexion dans le plan des planchers qui doivent être considérés. Une attention
particulière doit être portée aux dalles comportant des discontinuités en rive. Les planchers
ayant des murs éloignés ou répartis non uniformément sur leur superficie doivent être analysés
dans leur plan propre. La figure 10.3 illustre le comportement d'un plancher soumis à des
charges horizontales.
10.4

Figure 10.3 – Comportement d'un plancher sous l'effet des charges latérales

10.1.5 Condition d'appui des dalles


Les conventions illustrant les conditions d’appui des dalles sont illustrées sur la figure 10.4.

Figure 10.4 – Définition des convention des conditions d'appui des dalles
Ductilité et plasticité 10.5

10.2 HISTORIQUE DU CALCUL DES PLANCHERS BIDIRECTIONNELS


10.2.1 Évolution des concepts
Un des chapitres les plus intéressants du développement des structures en béton armé est celui
concernant les dalles bidirectionnelles. Parce que le comportement des dalles était mal
compris lorsque les premiers planchers furent construits, un grand nombre de systèmes
brevetés ont été développés avec, pour chacun d'eux, des règles de calcul semi-empiriques pas
toujours très rationnelles. Le développement de ces systèmes aux États-Unis a d'ailleurs fait
l'objet d'un débat à la fois coloré et houleux, chacun tentant de démontrer que son système
était le meilleur.

Il n'est pas clairement établi qui a construit le premier système de dalle bidirectionnelle en
Amérique. Cependant Sozen et Siess (1963) attribuent la chose à un dénommé Turner en 1906
à Minneapolis. À la même époque, Maillart a construit une dalle similaire en Suisse.

Le système de dalle de Turner, illustré sur la figure 10.5a, était appelé dalle champignon car
le haut des poteaux était élargi sous la dalle. Une telle appellation est d'ailleurs celle toujours
utilisée en Europe pour le dalles avec ressauts ou chapiteaux. Les dalles de Turner avaient des
aciers orientés selon les axes orthogonaux dans l'axe des poteaux de même que selon les
diagonales entre les poteaux. L'armature partait de la partie supérieure près des poteaux et
était pliée vers la zone centrale pour résister aux moments positifs. Les aciers d'armature des
poteaux étaient également pliés vers le centre de la dalle alors que des barres circulaires étaient
utilisées autour des poteaux.

Les dalles à cette époque étaient construites sans le support de théories valables et c'est le
promoteur de chaque système qui en prenait le risque. Les systèmes étaient alors aussi
nombreux que le nombre de promoteurs. Le système Smulski, du nom de son inventeur, en
est un autre exemple. Les détails d'armature, montrés sur la figure 10.5b, étaient inspirés de la
forme du champ des moments principaux de flexion. Chose inquiétante, les principes de
calculs étaient erronés et les concepteurs supposaient que seule une partie des efforts était
supportée dans chacune des directions.

En 1914, Nichols proposa une méthode de calcul basée sur la statique qui démontrait que les
concepts en cours à cette époque sous-estimaient d'environ 30 à 50% les efforts réels. Le
pauvre, bien qu'il ait raison, fut tout simplement lynché sur la place publique (Sozen et Siess,
1963). Son approche était simple. En faisant l'équilibre d'une portion de dalle limitée sur trois
côtés par la ligne médiane des panneaux et sur l'autre par l'axe des poteaux (voir figure 10.6
et figure 10.7), il a fait la démonstration que toute la charge devait être portée dans chacune
des directions.
10.6

Figure 10.5 – Définition des convention des conditions d'appui des dalles

La zone grisée sur la figure 10.6 représente l'aire d'un demi-panneau intérieur bordé par des
lignes où l'effort tranchant est nul lorsqu'on fait l'hypothèse que les panneaux adjacents ont
les mêmes conditions de chargement. Dans ces conditions, la totalité de la charge appliquée
sur cette zone est portée par la réaction R au niveau du poteau.
Ductilité et plasticité 10.7

Figure 10.6 – Zone considérée dans l'équilibre des efforts

La somme des efforts et des moments de la zone grisée de la figure 10.6 est isolée sur la
figure 10.7. On obtient ainsi :
L
Fv  0  R  q B
2
L L
M   0  q   B   MC  M A  0
2 4
L2
Moment statique : M s  M A  M C  qB  (10.1)
8

Figure 10.7 – Efforts considérés pour la détermination de l'équilibre


10.8

Ou encore, en posant W  q  BL , on obtient :


L
Selon la statique : Ms W   0.125 WL (10.2)
8
Selon le ACI 1917 : M design  0.107 WL (86%M s ) (10.3)

Selon le ACI 1920 : M design  0.090 WL (72%M s ) (10.4)

Selon le ACI 1956 : M design  0.090 FWL (72% à 83%M s ) (10.5)

où F  1.15 c L  1.0

10.2.2 Évolution de la compréhension des phénomènes par la norme ACI


Bien que l'analyse de Nichols en 1914 ait été correcte et reconnue valide environ dix ans après
sa publication, ce n'est que dans le code ACI 1971 que son principe fut pleinement accepté
pour la conception. Avant cette date les dalles étaient calculées pour des moments moindres
que ceux dictés par la statique. La cause principale de cette erreur, reconnue implicitement
par les normes, vient d'une mauvaise interprétation de résultats expérimentaux faussés par le
phénomène appelé raidissement en traction (Sozen et Siess, 1963). Voir la section 5.3.1 à cet
effet.

10.2.3 Approche de la norme A23.3


À plusieurs égards, la norme A23.3 aligne ses exigences sur la norme américaine ACI, en
bonne partie parce que les chercheurs et ingénieurs canadiens contribuent également au
développement de la norme ACI. Cela est le cas pour le calcul des planchers.

La norme A23.3 prend en considération que la présence de poteaux de dimensions finies


amène une réduction du moment statique due à la diminution de l’aire chargée et de la
réduction de la longueur nette face à face des poteaux. La norme A23.3 fait usage de la
longueur nette Ln pour calculer le moment statique [13.9.2.2]. Avec les dimensions montrées
sur la figure 10.8, la relation retenue par la norme A23.3 s'exprime comme suit :
qBLn 2
M s*  (10.6)
8
où Ln  L  c1 (10.7)
Il est possible de déterminer l'erreur faite par la méthode proposée par la norme A23.3. En
posant :
W  qBL 2
Wc  qc1c2 2
q
R  W  Wc   BL  c1c2 
2
Ductilité et plasticité 10.9

et en supposant que la réaction du poteau est appliquée aux 4 coins de celui-ci, on trouve :
qB 2  qB
L 1  2c1 L   c1 L  c2      L 2
2
M s*  (10.8)
8   8
L’erreur amenée par l’équation (10.6) qui utilise Ln, est égale à :

1  2c L   c L 2   L2 1  2c L   c 2 2 c B 
M Ln    L 
2 2
2  1 1   1 1 2 
 2
 L 2
(10.9)
Ms L L
2
M  c1 
   1  c2 B  (10.10)
Ms  L 
Pour c1 L  c2   0.1 , l’erreur est de 1%

Pour c1 L  c2   0.25 , l’erreur est de 5%

Pour c1 L  c2   1.0 , l’erreur est nulle


Dans tous les cas l’erreur est du côté conservateur en ce sens que la valeur du moment statique
évaluée avec l’équation (10.6) est légèrement supérieure à celle donnée par l’équation (10.7).

Figure 10.8 – Définition des convention des conditions d'appui des dalles

Références

CSA, 2014. Design of concrete structures: Standard A23.3-14


MacGregor, J.G. 1997. Reinforced concrete: mechanics and design. 3rd Ed., Prentice Hall
Taylor, Thompson and Smulski, 1925. Concrete: plain and reinforced. John Wiley & Sons.
Sozen, M.A. and Siess, C.P. 1963 Investigation of multiple panel reinforced concrete floor
slabs: design methods, their evolution and comparison. ACI Journal, 60 (8), 999-1027.

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