Vous êtes sur la page 1sur 4

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le grand développement en France de la technique d’amélioration des sols en


place par colonnes ballastées est lié aux performances d’un procédé qui allie la
rapidité d’exécution et un coût de revient relativement bas. Pour les colonnes mises
en œuvre par voie sèche, la propreté du site facilite largement la coordination des
travaux sur site entre divers corps d’état. De plus, le caractère « souple » des
colonnes ballastées offre une grande « flexibilité » qui s’adapte bien aux
déformations des ouvrages souples tels que les remblais, les dallages et les radiers
souples. Le caractère frottant du ballast sans cohésion nécessite toutefois que le
sol encaissant offre une étreinte latérale suffisante capable de confiner le ballast.
De plus, cette étreinte doit être pérenne, ce qui exclut la réalisation des colonnes
ballastées dans les sols organiques (tourbe ou autres) et les matériaux de
décharges ménagères.
Si la technique paraît facile à mettre en œuvre, la réalisation des colonnes
ballastées nécessite une expérience confirmée (personnel qualifié) et un matériel
approprié (atelier d’auto-fonçage spécifique à effort d’appui vertical et équipé d’un
enregistreur en temps réel des paramètres, vibreur puissant pour garantir la
continuité et la compacité de la colonne).
À la différence des fondations profondes classiques (pieux, barrettes, micro-pieux),
l’application du procédé pour fonder des ouvrages lourds (stockages industriels) et
sensibles (machines vibrantes lourdes) peut entraîner des désordres résultant de
déformations excessives, comme le montrent les exemples de rupture observés
sous des ouvrages décrits dans la littérature et les deux sinistres transmis par
Fondasol dans le cadre de l’enquête menée par nos soins. Ces sinistres
concernent essentiellement des ouvrages sur sols en pente (remblais et ouvrages
divers) et des ouvrages appliquant au sol de fortes charges (remblai, radier
général, semelles, etc.).
La technique des colonnes ballastées ne se réduit pas à une simple incorporation
de « cailloux » dans le sol afin d’améliorer sa capacité portante, de réduire les
tassements sous les fondations, d’accélérer la consolidation primaire par l’effet
drainant du matériau de la colonne et de réduire le risque de liquéfaction en zones
sismiques. Toutes les études dans le domaine depuis les trente dernières années
sont unanimes pour montrer que l’incorporation de ballast plus « rigide » que le sol
encaissant conduit, à long terme, à un report de charge sur les colonnes et à une
réduction des contraintes à la surface du sol. Le rapport de concentration de
contraintes évolue de l’unité à court terme (état initial en début de chargement)
jusqu’à une valeur maximale qui se stabilise à long terme (état final de transfert de
charge) dans un temps relativement court (quelques mois) et qui est plus faible
pour les fondations souples (remblais, dallages et radiers souples) que pour les
fondations rigides. Les diverses mesures montrent, d’une manière générale, que la
valeur de n augmente avec le taux d’incorporation (« effet de dimensions »
entraînant une meilleure contribution du sol) et avec la profondeur mais diminue, a
priori, lorsque la charge appliquée croît. Aux contraintes verticales dues au

219
mécanisme de transfert de charge correspondent des contraintes horizontales
résultant de la contrainte initiale horizontale et d’une contrainte de compression
supplémentaire exercée dans le ballast et dont la répartition en fonction de la
profondeur est liée au mode d’interaction sol-colonne qui dépend, quant à lui, du
type de fondation (souple ou rigide).

L’amélioration de la rigidité « globale » du sol d’assise traité entraîne des


déplacements du sol plus faibles après traitement. Toutes les mesures effectuées
montrent que la colonne subit des déplacements latéraux dans sa partie
supérieure, accompagnés de tassements qui diminuent en fonction de la
profondeur, sur une distance voisine de 3 à 4 fois le diamètre de la colonne. Les
tassements sous la charge apportée par l’ouvrage, avant et après traitement par
colonnes ballastées, sont caractérisés par le facteur de réduction des tassements β
dont l’évolution, pour les plages usuelles de traitement (10 à 25 %), est
respectivement de 1,5-2 à 2,5-3,5 selon l’angle de frottement interne du ballast.
Sous les fondations rigides (radiers rigides, massifs de fondation superficiels), les
tassements après traitement demeurent identiques en tête de colonnes et à la
surface du sol. Ils diffèrent toutefois peu pour les fondations souples comme les
remblais, dallages, et radiers « souples », en raison du mode de répartition des
contraintes en tête de colonnes et à la surface du sol.

D’une manière générale, sauf dans les sols pulvérulents (sables lâches), l’étreinte
latérale entre les colonnes du même réseau n’est pas nettement améliorée, la
colonne et le sol encaissant se réduisant, dans la zone d’influence, à une cellule
unitaire où le dispositif de transmission des charges en tête de colonnes et à la
surface du sol est régi par l’épaisseur et la compacité du matelas de répartition. À
moyens de mise en œuvre identiques, les dimensions réelles de la colonne
exécutée sur place dépendent essentiellement de l’étreinte latérale du sol
encaissant. En effet, le diamètre de la colonne diminue lorsque l’étreinte latérale du
sol augmente mais varie aussi en fonction de la profondeur et de la technique de
mise en œuvre (voie humide ou voie sèche, pilonnage intensif).

Toutes les études et observations faites sur site (dégarnissage en tête de


colonnes) concluent que la rupture par expansion latérale constitue le « critère
dimensionnant ». Toutes les recherches accordent pour cette raison beaucoup
d’intérêt au mécanisme de rupture par expansion latérale du ballast. Mais la rupture
par cisaillement généralisé doit être aussi vérifiée pour les colonnes courtes et la
rupture par poinçonnement doit l’être pour les colonnes flottantes. Les autres
causes de rupture comme le fluage n’ont fait l’objet que de peu d’études mais la
rupture par fluage reste directement liée à la nature du sol encaissant. Compte tenu
de l’absence de rigidité relative sol-ballast (confiné), la rupture par flambement n’a
pas fait l’objet d’étude particulière mais ne mérite pas, à notre avis, d’attention
particulière, car c’est l’expansion latérale qui régit le comportement du ballast
comme le montre unanimement les études élaborées dans le domaine depuis une
trentaine d’années.

La méthode d’homogénéisation de Priebe (1995) est simple d’utilisation, mais elle


conduit à des cercles de rupture théoriques peu profonds, qui ne correspondent
pas à la réalité des phénomènes comme le montrent les cas de rupture affectant

220
des remblais réels décrits dans la littérature et des ouvrages en terre récents en
France. En plus, cette méthode tend à surestimer les coefficients de sécurité pour
les faibles taux d’incorporation.

Le mécanisme de transfert de charge se traduit par une augmentation de la


résistance au cisaillement du sol d’assise et une nette amélioration de la stabilité
générale vis-à-vis du glissement des remblais sur sols mous traités par colonnes
ballastées lorsque le taux d’incorporation croît.

Par ailleurs, il convient de souligner que l’analyse de la stabilité à court terme doit
être effectuée dans tous les cas, car c’est la phase la plus critique pendant les
phases de construction d’un remblai sur sol traité par colonnes ballastées.

Sous les fondations de grandes dimensions (remblais, dallages et radiers), le


comportement du réseau de colonnes ballastées se réduit à celui d’une cellule
unitaire : l’hypothèse de déformation à volume constant et de déformation radiale
nulle conduit à adopter le modèle de l’expansion d’une cavité cylindrique dans un
milieu élastique infini (Vesic, 1972), qui permet de distinguer le domaine plastique
développé autour de la colonne et le domaine élastique qui le circonscrit.

Pour la justification des colonnes ballastées, la contrainte limite en tête de colonne


est calculée par analogie avec les conditions de l’essai triaxial, sur la base du
mécanisme de butée « ballast/sol ». Ce mécanisme est lié à l’étreinte latérale que
peut offrir le sol autour du ballast ; cette étreinte doit être suffisante pour confiner le
ballast et évaluée sur la hauteur de « moindre résistance ». L’application d’un
coefficient de sécurité conventionnel d’au mois 2 sur la contrainte limite qr en tête
de colonnes, qui est prônée par le DTU 13.2 pour en déduire la valeur de service
qELS, et le plafonnement par ce même D.T.U. 13.2 de qELS à 0,8 MPa ne reposent
sur aucune considération expérimentale ni formulation théorique. La capacité
portante de la colonne peut être estimée de manière rapide et aisée à partir de
l’abaque empirique de Thorburn (1975). Mais cette justification est pessimiste en
comparaison aux règles du DTU 13.2.

L’espacement des colonnes d’un réseau de colonnes ballastées peut être déduit de
l’abaque de Greenwood (1970) en fonction de la cohésion non drainée (cu) du sol,
mais cet abaque présente l’inconvénient de ne pas tenir compte de la charge
apportée par l’ouvrage, contrairement à l’abaque de Datye (1982).

L’estimation des tassements est beaucoup moins évidente que la détermination


des contraintes. La méthode de Priebe (1976, 1995), dont la justification
mathématique repose sur la théorie de l’expansion d’une cavité cylindrique dans un
milieu élastique (Vesic, 1972) est la plus élaborée pour l’évaluation des tassements
des colonnes ballastées dans des configurations variées. Si la méthode a
l’avantage de proposer des abaques simples d’usage et de traiter les tassements
des colonnes sous semelles superficielles, elle nécessite l’introduction de plusieurs
paramètres et demeure applicable à des mailles « réduites » (2 à 3 m, rapport 1/a <
10). La méthode des éléments finis peut être aussi appliquée aux milieux traités par
colonnes ballastées sous charges de grandes dimensions (remblais, dallages,
radiers) pour estimer les tassements. Mais son application aux semelles (isolées ou

221
filantes) n’est pas valide en raison du caractère purement tridimensionnel du milieu
traité. De plus, cette méthode se heurte au choix des paramètres et reste entre les
mains de « spécialistes », demeurant ainsi plus ou moins « opaque » aux
ingénieurs praticiens. La méthode d’homogénéisation simplifiée présente
l’avantage d’être simple à mettre en œuvre et d’intégrer les couches hétérogènes
sur la hauteur de traitement. Son application aux semelles se heurte, comme la
méthode des éléments finis, aux effet de dimensions. En plus, cette méthode n’a
pas fait l’objet, contrairement à la méthode de Priebe (1976, 1995), de calage
précis pour être validée.

La vérification du potentiel de liquéfaction dans les sables fins lâches peut être
menée par l’approche de Priebe (1998), qui est calée sur les corrélations
classiques (SPT) de Seed et Idriss (1971) et Seed (1976) et, à partir du
pénétromètre statique (CPT), par les relations données par Stark et Olson (1995).

Pour le contrôle des colonnes ballastées, les essais d’étalonnage et d’information


présentent un grand intérêt dans la phase de validation de la faisabilité du procédé,
car ils permettent d’approuver ou de désapprouver la solution d’amélioration des
sols par colonnes ballastées. Dans la phase de validation de l’exécution des
colonnes, les essais de réception sont aussi importants lorsque les essais
d’étalonnage et d’information ainsi que les attachements sont concluants. Si les
sondages de contrôle au sein de la colonne sont perturbés par la déviation des
tiges, les essais de chargement doivent être généralisés et réalisés sur plusieurs
colonnes pendant un temps suffisamment long pour intégrer les phénomènes de
fluage. Les essais de contrôle de la raideur du matelas de répartition font appel
essentiellement à l’essai de plaque, qui est un essai de chargement superficiel et
n’intègre pas, par conséquent, le comportement tridimensionnel « composite » du
milieu traité. Il est utile de prescrire, en plus des essais pratiqués à ce jour, des
règles relatives aux observations visuelles (suivi des tassements, par exemple, par
visées de géomètre, observations des soulèvements de la plate-forme).
L’enquête conduite auprès des spécialistes montre que les méthodes de
justification actuelle ne répondent pas suffisamment aux « besoins » des ingénieurs
praticiens, qui « aspirent » à des règles communes, pratiques et de référence
permettant de justifier la technique en termes de calcul des contraintes,
d’estimation des tassements et d’évaluation du risque de liquéfaction en zones
sismiques.

222

Vous aimerez peut-être aussi