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27 octobre 2014

Ecole Nationale
des Ponts et Chaussées

Conception et
construction
des ponts
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Michel Virlogeux

Chapitre 8
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Fondations

Année 2016-2017
1. Introduction

1.1. Les mécaniciens des sols divisent les fondations en deux grandes familles : les fondations
superficielles et les fondations profondes.
– Les fondations superficielles sont les fondations sur radier général, sur semelle ou sur
massif. Lorsque le sol n'a pas une portance suffisante, il arrive qu'on puisse réaliser malgré
tout une fondation superficielle grâce à un traitement du sol.
– Les fondations profondes sont de plusieurs types : les fondations sur massif, sur caisson
havé – éventuellement à l'air comprimé –, sur puits, sur pieux, sur barrettes et sur micropieux.
1.2. Mais on peut aussi diviser les fondations entre :
– les fondations directes, qui s'appuient directement sur la couche de fondation : les semelles,
les radiers et les fondations sur massif, qui peuvent être assez profondes ; on peut y rattacher
les fondations sur caisson ;
– et les fondations indirectes, sur puits, pieux, barrettes ou micropieux.
1.3. Bien entendu les conditions de réalisation des fondations sont très différentes selon qu'on
travaille à terre ou en site nautique (dans une rivière ou en mer), et à terre selon qu'on peut
travailler à sec ou qu'on est dans la nappe phréatique.
1.4. Nous ne chercherons pas à entrer dans le détail du dimensionnement des fondations qui
est l'objet de la mécanique des sols et des roches. Nous nous intéresserons essentiellement à la
conception des fondations, aux méthodes de leur réalisation, et à leur influence sur la
conception générale des ouvrages.

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2. Les fondations directes

Les fondations directes sont en général des fondations superficielles, mais elles peuvent être
aussi des fondations profondes sur massif.
2.1. Principe.
Le principe de ce mode de fondation est simple, il consiste à réaliser une fouille pour mettre à
nu la couche de terrain sur laquelle on compte fonder l'ouvrage, et à construire directement
sur le sol la fondation projetée, radier général, semelle ou massif.
Cette méthode présente un certain nombre d'avantages. Tout d'abord, en général, on voit le
terrain sur lequel on va construire la fondation, et on peut apprécier correctement ses
caractéristiques réelles. Ensuite la construction de la fondation est facile et sûre : la mise en
place du ferraillage et le bétonnage n'offrent aucune difficulté particulière.
Cette méthode a aussi des inconvénients. Le principal provient de la mise à nu du terrain de
fondation. Certains terrains peuvent en effet être sensibles à la décompression. Par ailleurs
l'action de l'air et de l'eau peut modifier les caractéristiques mécaniques d'un terrain de
fondation. Certaines marnes très dures peuvent se transformer en boue en présence d'air et
d'eau. Mais ces inconvénients ne touchent que certains types de terrains. On peut en outre y
remédier. Par exemple, en construisant la fondation très rapidement après l'ouverture de la
fouille on limite les risques de délitage. On peut aussi limiter les inconvénients de la
décompression en réalisant des fondations massives, qui vont recomprimer par leur poids les
couches sous-jacentes.
2.2. Les différents types de fondations directes.
Les fondations directes sont de trois types :
2.2.1. Radier général.
Pour les petits ouvrages en cadre – cadres simples (ouvrages de type PICF) ou multiples – on
utilise fréquemment des fondations sur radier général qui permettent de limiter les contraintes
sur le sol.
Cette technique a également été utilisée, par le passé, pour les ponts en maçonnerie, de façon
à éviter l'affouillement des piles. Nous l'avons reprise pour protéger les fondations de la partie
du Pont Wilson, à Tours, qui ne s'était pas écroulée lors de la crue d'avril 1978.
Mais cette solution serait évidemment coûteuse en matière pour les grands ouvrages.
2.2.2. Semelles superficielles.
La semelle est une dalle de relativement forte épaisseur sur laquelle s'appuie la pile ou la
culée. C'est la fondation la plus couramment utilisée.

2.2.3. Massif.
Il peut être intéressant de remplacer la semelle par un massif de béton, non armé ou
faiblement armé, qui remplit la fouille totalement, ou presque totalement.
Cette solution permet :
– d'améliorer la stabilité,
– de mettre immédiatement le sol de fondation en compression, ce qui, dans certains cas,
permet d'éliminer les tassements ultérieurs.
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Figure 1 : principe de fondation sur semelle superficielle.

Photo 1 : préparation de la construction d’une semelle superficielle (on en est à la mise en


place des armatures sur le béton de propreté ; photo SETRA).

Par contre, elle consomme beaucoup de béton et augmente les contraintes sur le sol. Elle peut
être imposés par le mode de construction (massif de béton coulé sous l'eau par exemple).
Pour économiser le béton on réalise quelquefois des massifs à redans, la largeur du massif
décroissant de bas en haut. On limite en général la taille horizontale du redan à la moitié de sa
hauteur.
La pile ou la culée repose sur le massif par l'intermédiaire d'une semelle en béton armé.
2.3. Calcul des fondations directes.
2.3.1. Diagramme des contraintes.
2.3.1.1. On admettait, pour faire les calculs, que le diagramme des contraintes de réaction du
sol sous la semelle est linéaire. C'est bien entendu inexact, la répartition des contraintes

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dépendant en réalité des caractéristiques du sol (de son comportement plastique) et de la
flexibilité de la fondation.
Dès lors le calcul des contraintes sous la semelle était un simple calcul de flexion composée :
si N, M et T sont les éléments de réduction en G – centre de gravité de la sous-face de la
semelle – des efforts résultants qui lui sont appliqués, on trouve :
N M
σ = + y
S I
où S est l'aire de la semelle, I son inertie et y l'ordonnée du point banal.
On avait l'habitude d'imposer que sous tous les cas de charges les contraintes restent positives
(la résultante des efforts devait donc passer dans le noyau central) et que la contrainte
maximum reste inférieure à la contrainte admissible du terrain.
2.3.1.2. On a maintenant mieux pris conscience des cumuls de sécurité que représentent les
majorations des charges et les minorations de caractéristiques au sol, et on admet que,
localement, la semelle décolle (on ne tient évidemment pas compte de contraintes de traction
qui seraient fictives ; il faut donc déterminer la position de l'axe neutre), pourvu que la
stabilité soit assurée dans les conditions des Etats Limites Ultimes. Et on limite à la valeur
admissible non pas la contrainte extrême, mais la contrainte atteinte aux trois quarts de la
zone comprimée de la semelle. Ce qui est nettement plus libéral.
On peut aussi, pour faire une analyse plus proche de la réalité physique, adopter pour le sol
une loi de comportement élasto-plastique parfaite.
Dans les conditions des Etats Limites de Service on demande en général que la semelle repose
entièrement sur le sol, ou que la partie décomprimée reste très réduite.
2.3.1.3. On doit faire attention aux efforts horizontaux. On n'a pas le droit de compter sur une
mise en butée du sol, latéralement. En effet la mise en butée exige un déplacement de
plusieurs centimètres dont il ne saurait être question. La résistance au glissement doit être
assurée par le frottement sur le sol de fondation. On doit vérifier :

T < N tg ϕ

où T est l'effort horizontal et ϕ est l'angle de frottement interne du sol de fondation.


2.3.2. Evaluation des contraintes admissibles.
Il y a de très nombreuses méthodes de calcul des contraintes admissibles. Nous donnerons ici
des indications sommaires sur l'utilisation des résultats des mesures pressiométriques, qui sont
les plus employées aujourd'hui.
La contrainte admissible est donnée par l'expression :
K
σ adm = (p ℓ + p e )
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où K est un coefficient qui dépend :
– de la classe du terrain (il y en a plusieurs),
h
– du rapport e de la profondeur d'encastrement (évaluée de façon assez simple à l'aide des
R
caractéristiques pressiométriques du sol, mais que l'on peut prendre égale à la profondeur de
la fouille dans les premiers calculs) au rayon moyen de la fondation :

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et où p ℓ est la pression limite du terrain de fondation et pe la pression déjaugée des terres
déplacées. Le coefficient de sécurité adopté, mis en évidence dans la formule elle-même, est
de trois.
2.3.3. Il est indispensable d'évaluer le tassement des fondations de ce type.
Là encore il y a de multiples méthodes ; nous n'entrerons pas dans les détails. Signalons
simplement que ce calcul doit être fait sous les seules charges permanentes, non pondérées, et
qu'il ne faut pas introduire de coefficient de sécurité dans l'évaluation des caractéristiques des
terrains. En effet, ce que l'on cherche à obtenir c'est une estimation probable du tassement qui
va se produire.
Bien entendu, il faut s'assurer que les tassements attendus sont admissibles pour la structure
(notamment les tassements différentiels), et compatibles avec ses conditions d'exploitation.
2.4. Mode de réalisation de ces fondations.
Nous allons analyser un certain nombre de méthodes de réalisation de ces fondations. Les
deux problèmes majeurs sont d'une part la présence d'une nappe phréatique, lorsqu'il y en a
une, et a fortiori la construction d'une fondation en site aquatique, et d'autre part la profondeur
de la couche de fondation, lorsqu'elle est importante.
2.4.1. Semelles superficielles réalisables à sec.
Si la fondation est un peu profonde, et que le sol ne peut pas assurer sa propre stabilité,
latéralement, il est nécessaire de le maintenir par des soutènements provisoires,
éventuellement stabilisés par des buttons.

S'il y a des venues d'eau de faible


importance, quand on est sous la
nappe, il faut blinder la fouille.
Dans tous les cas il est nécessaire
de prévoir une évacuation des eaux
par pompage, ne serait-ce que des
eaux de pluie.
2.4.2. Batardeaux de palplanches.
Lorsque les conditions sont moins
favorables, en particulier en site
aquatique, on réalise la semelle à
l'intérieur d'un batardeau de
palplanches.

2.4.2.1. Terrain imperméable.


– En site terrestre il est possible de
travailler à sec. On commence par
battre les palplanches (au mouton
ou par vibrofonçage). Puis on
excave le terrain. On assure un
drainage (pompage, et le cas
échéant mise en place d'une couche
draînante) avec des piezzomètres
pour supprimer les sous-pressions.
On coule alors un béton de
propreté, qui n'a pas à être très
épais, puis on réalise la fondation, Figure 2 : schémas d’un batardeau de palplanches rectangulaire
à sec. raidi par des liernes, un buton et des contrefiches.

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Figure 3 : profils classiques de palplanches.

Figure 4 : différentes conditions de


réalisation de batardeaux de
palplanches

a. Palplanches fichées dans un terrain


imperméable.

b. Palplanches fichées dans un terrain


perméable, rendu étanche par des
injections.

c. Palplanches fichées dans un terrain


perméable stabilisé par un gros béton
coulé sous l’eau.

d. Palplanches fichées dans un terrain


perméable stabilisé par un béton coulé
sous l’eau et des tirants ancrés dans le
sol sous-jacent.

e. Palplanches fichées dans un terrain


perméable stabilisé par un béton coulé
sous l’eau au dessus d’une couche
drainante, avec un pompage pour
réduire les sous-pressions.

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Photo 2 : excavation à la benne preneuse à l’interieur d’un batardeau de palplanches.

Photos 3 et 4 : construction de l’amorce d’une pile à l’intérieur d’un batardeau en palplanches


métalliques (photos J.A. Calgaro et SETRA).

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Photo 5 : venue d’eau au fond d’un batardeau en cours de pompage (photo J.A. Calgaro).

Photo 6 : incident dans un batardeau à la suite d’un renard hydraulique (photo SETRA).

Les palplanches ne s'imposent pas toujours dans ce cas, car on peut quelquefois se contenter
d'un blindage, soutenu s'il le faut par des buttons.

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– En site aquatique, si la profondeur d'eau est faible et si les services de l'environnement le
permettent, on peut remblayer le lit à l'emplacement de l'appui et travailler ainsi comme si l'on
était à terre.
On peut aussi installer le batardeau directement dans la rivière (ou le bras de mer), à l'aide
d'un matériel nautique, mais les palplanches ne sont jamais bien étanches, et il faut alors
pomper des volumes d'eau qui peuvent être importants.
Il faut faire attention à l'éventuelle existence d'une nappe en charge. S'il existe une couche très
perméable sous une couche imperméable de relativement faible épaisseur, ou si la couche
imperméable contient des passes sableuses, il existe un risque non négligeable que la couche
perméable soit le siège d'une nappe phréatique à la charge de la rivière.
On doit alors s'assurer de la stabilité du bouchon d'argile (déjaugé), qui est soumis à cette sous
pression. Si la hauteur d'eau, Z, est supérieure à ( γ –1) h, où γ est la masse volumique de
l'argile et h l'épaisseur du bouchon, il est dangereux de travailler à sec. Il est préférable de
couler un gros béton sous l'eau – lui aussi déjaugé –, sur une hauteur suffisante, x, pour
assurer la stabilité.
(2,5 − 1) x + (γ a − 1) h > Z
En fait ce calcul est assez pessimiste : il ne tient pas compte des frottements sur les parois du
batardeau. Certains considèrent, en première approche, qu'on peut faire comme si le béton
coulé sous l'eau avait une masse volumique de 4.
2.4.2.2. Terrain perméable.
Si les terrains rencontrés sont perméables, il est indispensable de couler du gros béton sous
l'eau en quantité suffisante pour assurer la stabilité.
On commence donc par battre les palplanches, on excave dans l'eau, puis on coule le gros
béton. On peut alors assécher.
Le poids du gros béton doit équilibrer les sous-pressions. On doit donc avoir :
(2,5 − 1) x > Z
avec les mêmes remarques sur le caractère pessimiste du calcul.
Le procédé est évidemment limité par les possibilités de battage des palplanches. Certaines
couches de terrain ne peuvent pas être traversées (roches dures et couches comportant de gros
galets, ou d'autres corps durs ; les palplanches se tordent et ne descendent pas normalement).
Les rideaux de palplanches sont soumis à la poussée des terres et des eaux. Il est donc
nécessaire de les raidir par des cadres, et lorsqu'il le faut par des buttons, qui améliorent leur
résistance.
2.4.3. Bartardeaux de parois moulées.
Depuis une quarantaine d'années, on réalise aussi des batardeaux en parois moulées dans le
sol. Cela ne peut évidemment se faire qu'à terre, ou après avoir remblayé la rivière et créé une
île artificielle. Ces parois sont réalisées en forant avec des godets, et en maintenant les terres à
l'aide de boues de bentonite, comme on le fait pour les puits et les barrettes dont nous
parlerons un peu plus loin.
Cela permet de réaliser des batardeaux de très grandes dimensions. Mais c'est une technique
chère.

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Figure 5 : la fondation d’un pylône du Pont de Brotonne, réalisé à l’intérieur d’un puits
constitué de parois moulées

Figure 6 : bennes hydraulique et mécanique destinées à la réalisation de parois moulées.


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Photo 7 : un kelly réalisant une paroi moulée par passes successives (photo SETRA).

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3. Renforcement de sol

Lorsque le sol n'a pas une portance suffisante pour permettre une fondation directe, on peut
envisager de le renforcer de différentes façons.
Si le renforcement du sol lui permet d'acquérir une portance suffisante, et durable dans le
temps, il devient possible de réaliser une fondation directe, sur radier, sur semelle ou sur
massif.

3.1. Injection du sol de fondation.


3.1.1. Si le sol de fondation est sablo-graveleux (sables et graviers de granulométries
variables), on peut envisager de l'injecter pour améliorer ses caractéristiques, en général par
du coulis de ciment. Mais ce n'est envisageable que sous un certain nombre de réserves :
– il faut qu'une étude géotechnique, et le cas échéant des essais in situ démontrent la
faisabilité de ce procédé.
– Il faut empêcher les circulations d'eau dans le volume traité pendant l'injection, mais aussi
au cours de la vie de l'ouvrage.
– Et il faut protéger le sol ainsi renforcé contre les affouillements.
3.1.2. En site nautique les couches sablo-graveleuses sont souvent affouillables, et de toutes
façons elles sont le siège de circulations d'eau. Cette technique n'est donc envisageable que si
le massif de sol à renforcer est confiné dans un batardeau de palplanches qui assure la
protection du sol traité jusqu'en dessous du niveau des affouillements extrêmes et des
circulations d'eau.
Logiquement, cela conduit à descendre le batardeau de palplanches jusqu'à une couche
portante imperméable ou au rocher. Le traitement de sol revient ainsi à créer un fondation sur
un massif profond de sol renforcé ; et en pratique à remplacer le gros béton d'un massif
classique par du sol traité.
3.1.3. Lorsqu'on est à terre, il est possible de renforcer le sol par injection sans qu'il soit
nécessaire de créer un batardeau de palplanches, à condition qu'il n'y ait pas d'écoulements
souterrains, venant de la présence d'une source ou d'une nappe en forte charge avec
d'importantes circulations.
Cependant, pour limiter les volumes d'injection, il est judicieux de commencer par réaliser
une série d'injections périphériques, à relativement faible pression, destinées à créer un certain
confinement des injections centrales.
3.1.4. Des circulations d'eau qui ne seraient pas arrêtées par un confinement efficace
conduiraient à long terme à lessiver le ciment de l'injection et à une réduction de la résistance
du sol renforcé.
3.1.5. Il est en général impossible d'injecter des matériaux argileux : l'injection créerait des
couches de coulis entrelardant des couches d'argile, au lieu de constituer un matériau
relativement homogène.
3.2. Béton de sol. Jet grounting.
3.2.1. Avec une technologie un peu différente, on peut traiter un massif de sol en créant un
véritable béton de sol, en mélangeant du ciment à un sol sablo-graveleux.

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La technique du "jet grounting" consiste à injecter un coulis de ciment à haute pression à
partir d'un forage ; le jet de coulis est produit par un injecteur qui tourne en remontant en
hélice, ce qui fait pénétrer le coulis dans un volume cylindrique plus ou moins important.
3.2.2. Il convient de prendre des précautions du même type que pour l'injection de sol, de
façon à empêcher le délavage du coulis – à la construction et à long terme – et à limiter les
volumes à traiter.
Là encore la technique n'est pas adaptée aux terrains argileux.
3.3. Puits de sable.

Une solution, qui est en fait surtout utilisée pour renforcer le sol sous un remblai d’accès,
consiste à réaliser des puits de sable. Le principe consiste à foncer des tubes fermés dans un
sol lâche, et à remplir l’espace ainsi ménagé par des sables et graviers en retirant le tube.
Le battage compacte le sol latéralement tout autour en le repoussant, et la nature perméable
des matériaux de remplissage accélère les tassements éventuels.

3.4. Micropieux.
On peut, d'une certaine façon, considérer que la mise en œuvre de micropieux est une forme
de renforcement du sol. Nous préférons les évoquer avec les fondations profondes.

3.5. Cloutage du sol.

Lors de la construction du pont de Rion-Antirion, en Grèce, le sol a été renforcé sous les piles
en mer – de véritables structures offshore – par le battage de tubes métalliques. Ces tubes, qui
n’étaient pas liés aux piles au dessus, compactaient le sol latéralement et augmentaient la
résistance au cisaillement par un effet de cloutage.

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4. Fondations sur caisson

4.1. Havage.
4.1.1. Le principe du havage.

Le procédé consiste à fabriquer un caisson à la surface du sol, puis à creuser le terrain à


l'intérieur du caisson, de façon à ce qu'il s'enfonce sous l'effet de son poids, jusqu'à ce que sa
base atteigne la profondeur souhaitée. Le caisson est ensuite rempli de béton et coiffé par une
dalle de béton armé – une semelle – sur laquelle vient s'appuyer la pile ou la culée.

Figure 7: principe du havage d’un caisson à terre ou sur un remblai.

Figure 8 : pression d’eau en fond de fouille.

Figure 9 : principe de fondation des piles du pont de Cadenet sur la Durance.


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Le procédé consiste à fabriquer un caisson à la surface du sol, puis à creuser le terrain à
l'intérieur du caisson, de façon à ce qu'il s'enfonce sous l'effet de son poids, jusqu'à ce que sa
base atteigne la profondeur souhaitée. Le caisson est ensuite rempli de béton et coiffé par une
dalle de béton armé – une semelle – sur laquelle vient s'appuyer la pile ou la culée.
Les caissons sont circulaires ou rectangulaires selon les cas.
On peut soit construire dès le départ la totalité du caisson, s'il n'est pas trop important, soit le
bétonner par tranches successives, au fur et à mesure de l'enfoncement du caisson, soit encore
– mais c'est plus rare et cela demande des dispositions particulières – mettre en place des
viroles préfabriquées, au fur et à mesure de l'enfoncement du caisson. Il faut qu'elles soient
solidarisées par de la précontrainte … ou par leur propre poids.
4.1.2.2. Mode de réalisation.
Lorsque la fondation à réaliser est en site aquatique, on peut réaliser une avancée en rivière,
en remblai, pour travailler comme si l'on était à terre.

Figure 10 : principe de fondation des piles du pont de Saint-André de Cubzac sur la


Dordogne.
On peut aussi préfabriquer le caisson à terre, puis l'amener par flottaison à son emplacement
définitif, et, enfin, le haver. Dans ce cas le caisson est préfabriqué totalement, ou seulement en
partie ; on le complète alors avec des viroles en béton (ou rehausses) préfabriquées ou coulées
en place, ou par des viroles en acier.

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Une autre solution peut être de réaliser le caisson sur un ponton flottant, en bétonnant par
tranches successives, descendues au fur et à mesure.
4.1.2.3. Extraction des matériaux.
L'extraction des déblais peut se faire à sec dans les terrains imperméables (avec
éventuellement un épuisement s'il y a malgré tout quelques venues d'eau). Il faut s'assurer de
la stabilité du sol en place sous l'effet des sous-pressions, comme pour un batardeau. On peut
alors bétonner à sec.
Dans les terrains perméables on extrait les terrains sous l'eau, à la benne preneuse ou avec un
engin similaire. On coule alors un massif de gros béton sous l'eau, avant d'épuiser, de terminer
le bétonnage, et de réaliser la semelle de répartition.
4.1.2.4. Achèvement de la construction.
Une fois la fondation réalisée, il est nécessaire d'enlever la partie du caisson située au-dessus
de la semelle de fondation (on enlève les rehausses, ou on démolit le caisson).
Ce système permet de réaliser des fondations très profondes et très sures. La principale
difficulté est d'assurer une descente bien verticale du caisson.
4.1.2. Frottement latéral.
La descente du caisson est freinée par le frottement de la paroi sur le terrain qui l'entoure. La
valeur du frottement peut varier dans des conditions considérables selon la nature du terrain.
4.1.2.1. Valeur des efforts de frottement.
A une époque où l'on réalisait beaucoup de fondations en caisson, on avait l'habitude
d'évaluer la résistance du sol par frottement de la façon suivante :
– Limon et argile molle 0,7 à 2,9 t/m2 (7 à 29 kPa)
– Argile très peu compacte 4,9 à 19,5 t/m2 (49 à 195 kPa)
– Sable peu compact 1,2 à 3,4 t/m2 (12 à 34 kPa)
2
– Sable compact 3,4 à 6,8 t/m (34 à 68 kPa)
2
– gravier compact 4,9 à 9,8 t/m (49 à 98 kPa)
Les études géotechniques doivent permettent de fournir une estimation plus précise.
4.1.2.2. Action du poids du caisson.
Pour vaincre cette résistance, il est nécessaire d'augmenter le poids du caisson. En pratique,
c'est l'évaluation de la résistance au frottement qui conduit au dimensionnement du caisson
(épaisseur des parois).
Il faut voir cependant que l'on n'a pas intérêt à construire un caisson trop lourd. Tout d'abord
parce qu'il serait plus cher, mais aussi parce que si le frottement est bien plus faible que prévu
(et les fourchettes que l'on a donné sont très larges), le caisson risque de descendre très vite,
voire trop vite (il descend quelquefois sous son propre poids sans qu'il soit nécessaire
d'excaver) et la descente, non maîtrisée, risque de ne pas être verticale.
4.1.2.3. Réduction des efforts de frottement.
La meilleure solution consiste donc à diminuer le frottement latéral.
Pour cela on donne une légère saillie au couteau situé à la base du caisson (10 à 15 cm), qu'on
appelle quelquefois une trousse coupante. Cette saillie remanie le terrain situé à la périphérie
du caisson, et diminue ainsi le frottement.

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Une autre méthode consiste à maintenir autour du caisson un film d'eau ou de bentonite
servant de lubrifiant. Pour cela des tubes sont noyés dans le béton lors de la construction du
caisson. Les exutoires sont répartis à la périphérie du caisson. Il y a intérêt à utiliser ce
procédé dès le début du havage (sinon, les circulations n'étant pas établies, l'eau risque de ne
pas pouvoir remonter le long des parois) et à disposer d'une commande séparée pour chaque
tube.
4.1.3. Rencontre d'obstacles.
La descente du caisson peut être freinée par la rencontre d'obstacles (blocs de rochers,
maçonneries anciennes, etc…) ou de terrains résistants.
S'il est possible d'épuiser, on détruit à sec l'obstacle ou la couche dure. Sinon on doit avoir
recours à des hommes grenouilles (ce qui est long et coûteux) ou à des engins de dérochage
(trépans) manœuvrés depuis le haut du caisson. Si ces moyens ne suffisent pas, il faut
transformer le caisson pour le forer à l'air comprimé. Si le terrain parait difficile a priori, il est
prudent de concevoir dès le départ le caisson de façon à ce qu'il soit possible de passer
facilement à l'air comprimé.
L'utilisation de charges d'explosifs, placés dans des forages, est assez dangereuses et
déconseillée.
4.2. Forage à l'air comprimé.
Lorsqu'il faut traverser des terrains durs, ou simplement s'ancrer dans du terrain dur (granit,
craie dure, etc…), on peut envisager de forer le caisson à l'air comprimé.
C'est une technique très chère qui n'est pratiquement plus employée en France, et qui
comporte quelques risques. Il est indispensable d'obtenir l'accord de l'Inspection du Travail.
Le caisson est fermé à un niveau convenable par un plafond traversé par une ou deux
cheminées d'accès, terminées par un sas étanche permettant la circulation du personnel et
l'évacuation des déblais.
L'intérieur du caisson est mis sous pression d'air, de façon à empêcher l'eau de remonter à
l'intérieur (suppression d'air supérieure à la pression de l'eau).
On peut alors travailler à sec.
Comme pour les caisson havés, on peut préfabriquer le caisson dans sa totalité ou utiliser des
systèmes de rehausses.
On réalise des caissons à l'air comprimé en béton armé, mais aussi des caissons métalliques
qui ont une surface d'appui beaucoup plus réduite et qui ont un coefficient de frottement plus
faible contre le sol en place.
4.3. Mise en place du caisson.
4.3.1. Si le caisson doit être réalisé sur la terre ferme, il n'y a aucune difficulté. Le caisson est
construit en place, par tranches horizontales successives, au fur et à mesure du havage.
Si le caisson doit être réalisé en site aquatique, il y a trois types de solutions.
4.3.2. Tout d'abord, on peut tenter de se ramener au cas précédent comme nous l'avons déjà
noté. On peut le faire de deux façons.
– Soit en remblayant partiellement le lit de la rivière, dans la zone où l'on doit foncer le
caisson, de façon à travailler directement sur ce remblai (voir les photos 8 et 9). Ce n'est
possible que si la rivière est calme et peu profonde à cet endroit (et en dehors des périodes de
crues).
– Soit en créant une île artificielle à l'aide d'un batardeau de palplanches.

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4.3.3. La seconde solution consiste à construire le caisson sur la berge, et à l'amener par
flottaison à l'emplacement du havage.

Photos 8 et 9 : le début de la fabrication du caisson de fondation d’une pile du pont de


Châtellerault sur la Vienne. On distingue (en rouge) la trousse coupante en acier, le coffrage
intérieur, le début du ferraillage et les tubes qui serviront à injecter l’eau pour faciliter le
fonçage (photos M.V.).
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Photo 10 : fabrication par anneaux successifs du caisson d’une pile du pont de Saint-André de
Cubzac (photo SETRA).

Photo 11 : le caisson de fondation d’une pile du pont de Saint-André de Cubzac


(photo SETRA).

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Photo 12 : incident de flottaison d’un caisson en train de couler
(pont de Saint-André de Cubzac ; photo SETRA)
Un cylindre d'axe vertical est loin d'avoir de bonnes caractéristiques nautiques ; il faut donc
apporter une attention particulière à la stabilité du caisson en flottaison (le métacentre doit
être au-dessus du centre de gravité). Le poids du voile qui doit fermer le caisson à sa base,
pour assurer la flottabilité, est un facteur favorable, et la partie supérieure du caisson doit
souvent être allégée.
On échoue alors le caisson en le remplissant d'eau et en détruisant le voile inférieur si le
caisson ne doit pas être simplement posé, mais aussi havé. Le fond de la rivière a été dragué et
égalisé préalablement, de façon à offrir une assise aussi horizontale que possible.
Cette technique est nettement plus économique que celle de l'île artificielle, mais la mise en
place est plus délicate, notamment lorsqu'il y a des courants importants. Il est de plus difficile
d'obtenir un fond vraiment plat, et d'assurer ainsi une horizontalité parfaite. Des écarts
d'implantation de quelques dizaines de centimètres ne sont pas rares.
4.3.4. La dernière solution consiste à couler le caisson sur ponton par tranches successives,
que l'on descend au fur et à mesure. Le ponton doit permettre de reprendre le poids du caisson
jusqu'à ce qu'il soit suffisamment haut pour atteindre le fond du lit. Cette technique est bien
plus rarement utilisée que la flottaison.
4.4. Calcul de portance des caissons.
Les calculs se font de la même façon que pour les semelles et les massifs.

21
5. Fondations sur puits et pieux

5.1. Généralités.
On faisait souvent la distinction entre les puits (dont le diamètre est théoriquement compris
entre 0,80 et 2 mètres) et les pieux, de taille inférieure. Nous préfèrerons faire la distinction
selon le mode de réalisation, d'autant qu'on appelle aujourd'hui "pieux" les puits de fondation
jusqu'à un diamètre de 3,00 mètres au moins. On ne parle plus guère de puits de fondation que
pour les fondations de très gros diamètre creusées "à la main".
Nous distinguerons :
– les pieux battus : essentiellement les palpieux, les profilés et les tubes métalliques, car on
n'emploie pratiquement plus de pieux préfabriqués en béton armé pour la construction des
ouvrages d'art,
– les pieux et les barrettes forés à la bentonite,
– et les pieux forés sous tubes métalliques.
5.2. Pieux battus.

Figure 11 : schémas de pieux battus en béton armé : coupe longitudinale schématique ; sabots
métalliques ; sections transversales avec leur ferraillage.

22
Photos 13 à 16 : chantier de battage des pieux de fondation du viaduc d’accès Sud au pont de
la Goulette (Tunisie) ; enture entre deux pieux par soudage latéral des platines ; guidage des
pieux dans un cadre (photos M.V.).

23
Photos 17 et 18 : fondations du viaduc d’accès Sud au pont de la Goulette (photos M.V.).
5.2.1. Nous ne parlerons pas des pieux en béton armé, qui ne sont plus utilisés que très
rarement pour les ponts. Il s'agissait en général de pieux de 30 x 30 cm ou de 40 x 40 cm. Les
pieux étaient terminés par une pointe protégée en général par un sabot métallique. L'une des
difficultés consistait à réaliser des pieux de grande longueur à partir d'éléments préfabriqués.
Nous pouvons cependant évoquer une application récente, pour le viaduc d'accès, côté Sud
(Rades), du pont de franchissement du canal de la Goulette en Tunisie. Il s'agissait de pieux
carrés de 30 centimètres de côté. La liaison entre les éléments préfabriqués a été assurée par
une soudure périphérique entre des platines en acier à l'extrémité des éléments à relier. Bien
entendu des armatures longitudinales sont soudées sur ces platines de façon à assurer le
transfert des efforts.

24
Photo 19 : battage de pieux H en acier pour les fondations du pont de Saint Cloud
(photo SETRA).

Photo 20 : battage d’un pieu tubulaire de 600 millimètres de diamètre pour la fondation d’une
pile du pont de l’Oued Kerker, en Tunisie (photo M.V.)

25
5.2.2. On utilise assez fréquemment, par contre, des pieux métalliques.
Il s'agit de profilés (H en général), de tubes métalliques, ou de pieux réalisés par un
assemblage de deux palplanches. Ces assemblages de palplanches, appelés palpieux, forment
une sorte de tube qui est battu.
De même que les tubes cylindriques métalliques (Ø 600, Ø 800, Ø 1 000 millimètres), les
palpieux peuvent être vidés et remplis de béton pour améliorer leur rigidité. Ce n'est
évidemment possible, pour les palpieux, que s'ils ont des dimensions suffisantes.
Les pieux métalliques et les palpieux doivent être protégés contre la corrosion,
particulièrement dans la zone de marnage (entre le niveau des plus hautes eaux et le niveau
des plus basses eaux), car c'est lorsque l'acier est soumis alternativement à l'air et à l'eau qu'il
court le plus de risques de corrosion. On peut, dans ce but, doubler le pieu, dans la zone de
marnage, d'une gaine d'un diamètre un peu supérieur, et on place, entre le pieu et la gaine, un
bitume ou toute autre substance permettant d'éviter la corrosion.
Les tubes métalliques ont souvent été employés à Madagascar et en Afrique du Nord, parce
que leur mise en œuvre ne demande qu'un matériel assez limité, et qu'il permettent de réaliser
des fondations profondes, au-delà du niveau maximum des affouillements.
5.3. Pieux forés sous tube.
5.3.1. Une autre solution consiste à forer le pieu sous tube. Préalablement au forage, ou au fur
et à mesure du forage, on enfonce un tube de forte épaisseur (10 à 20 mm en général, mais
parfois plus). Cela peut être un tube ordinaire, si le terrain est bon. Mais cela peut aussi être
un véritable outil. Il est alors formé de cylindres qui se raccordent entre eux pour former un
tube suffisamment long (système Benoto, utilisé par exemple au pont de l'Alma). La base du
tube est alors équipée d'une trousse coupante (ce que l'on peut aussi faire pour un simple
tube).
Une fois la cote de fondation atteinte, on descend les cages d'armatures (attention au
flambement de ces cages d'armatures sous l'effet de leur propre poids et du poids du béton
frais qu'on va déverser).
Si le terrain a une tenue suffisante, et surtout s'il n'y a pas de circulations d'eau, on peut
bétonner en remontant progressivement le tube de forage. Il faut cependant que la basse du
tube de forage reste au-dessous du niveau du béton, sinon on risque un manque de tenue
latérale du terrain. Mais cette méthode comporte un risque : si la garde devient trop
importante, le frottement du béton le long du tube de forage risque de rendre difficile son
relevage. Il arrive même qu'on ne puisse plus le lever.
5.3.2. C'est pour cela que, quelquefois, on introduit à l'intérieur du tube de forage, le "tube
outil", une chemise métallique perdue, plus mince (5 mm environ). On descend alors la cage
d'armatures, puis on bétonne, tout en relevant le tube outil que l'on ne craint plus de perdre.
Cette seconde solution est indispensable si le terrain comporte d'importantes circulations d'eau
qui risqueraient, autrement, de délaver le béton.
Cette seconde solution a l'inconvénient d'être plus chère. Et elle présente surtout
l'inconvénient de réduire le frottement le long des parois latérales du tube, ce qui est
défavorable puisque nous verrons que le frottement latéral peut intervenir pour une bonne part
dans la force portante du pieu. Cette diminution vient du fait que le frottement sur une surface
métallique est bien plus faible que pour un puits directement moulé dans le sol, mais aussi de
ce que la couronne de terrain qui entoure le pieu a été remaniée et décomprimée par le mode
d'exécution.

26
Photo 21 : benne Benotto (Hammergrab) pour excaver les terrains durs (photo SETRA).

Photo 22 : trépan utilisé pour briser les Photo 23 : Bucket pour excaver les terrains
roches et les obstacles (photo SETRA). moyennement durs (photo SETRA).

Photo 24 : tarrière pour excaver les terrains Photo 25 : bétonnage à la goulotte


peu resistants (photo SETRA). (photo SETRA).

27
5.3.3. Le forage est réalisé avec des engins du type hammergrad (Benoto), des buckets (une
sorte de godet à clapet) ou des tarrières. Lorsqu'on rencontre une difficulté, on utilise des
trépans. Si l'installation le permet, on peut aussi se servir des trousses coupantes du tube outil.
5.3.4. On doit bétonner à l'aide d'une goulotte et d'un tube dit "tube plongeur". La base du
tube plongeur doit rester en-dessous du niveau du béton, de façon à ce que le béton frais
chasse vers le haut le béton situé au-dessus, qui inclut le béton du début du bétonnage, qui est
délavé ou pollué par la bentonite, qui va ainsi remonter progressivement de la base au sommet
du pieu et qui sera finalement éliminé par le recépage du pieu.
5.3.5. Les pieux forés sous tube peuvent être réalisés à sec, si le terrain le permet. Sinon, on
bétonne sous l'eau, ou sous boue de bentonite.
5.4. Pieux et barrettes forés à la bentonite.

Photo 26 : installation de préparation et de recyclage de la bentonite (photo SETRA).


Le principe consiste à forer dans le sol en place (au besoin en réalisant une île artificielle en
site aquatique) des pieux ou des barrettes, en remplissant le forage d'une boue de bentonite
dont le but est de maintenir le terrain autour du forage.
Une fois atteinte la cote souhaitée, on descend les cages d'armatures, puis on bétonne sous
boue de bentonite. Le béton, plus lourd que la boue, la refoule et, en principe, tout doit bien
se passer.
En fait il y a deux types de désordres possibles. Tout d'abord, il peut rester en pointe un peu
de boue de bentonite prisonnière sous le béton (tube plongeur placé trop haut). Dans ce cas,
lorsque le pieu sera chargé, on aura un tassement correspondant à l'écrasement de cette boue.
Le second incident qui peut se produire est la chute d'un morceau de paroi en cours de
bétonnage. On risque alors d'avoir une poche de terre au milieu du pieu, ce qui va
considérablement réduire sa résistance.
Il est donc nécessaire de contrôler le bétonnage (on doit le faire aussi dans le cas des pieux
forés sous tube provisoire, surtout lorsqu'il n'y a pas de chemise perdue) en utilisant des
méthodes d'auscultation sonique du béton. La méthode la plus efficace – dite par transparence
– consiste à mettre en place deux ou trois tubes dans le béton (de préférence trois, voire quatre
pour les très gros mieux), descendant jusqu'au fond ; ils sont incorporés à la cage d'armatures.
En descendant, simultanément, un émetteur dans un tube et un récepteur dans le second, on
détermine la vitesse du son entre les deux, ce qui permet d'apprécier la qualité du béton.

28
On peut aussi – et on doit le faire lorsqu'il y a des doutes – forer dans l'un de ces tubes (qui
doit alors avoir un diamètre suffisant) pour contrôler le contact avec le sol en fond de pieu.
5.5. Puits marocains.

Lorsqu'on travaille à terre, dans un terrain sec – c'est-à-dire en dehors de la nappe phréatique
et avec de très faibles venues d'eau –, on peut réaliser ce qu'on appelle des puits marocains.
Le principe consiste à creuser directement, à main d'homme, pour réaliser des puits d'au
moins 1,00 à 1,20 mètre de diamètre (on ne le fait plus en France pour d'aussi faibles
diamètres, mais cela se pratique encore dans certains pays comme la Chine et Hong Kong) ou
à l'aide de petits engins de terrassement lorsque le diamètre du puits le permet (diamètres de
4,00 ou 5,00 mètres).

Photos 30 et 31 : excavation des puits marocains du Viaduc de Millau, et les armatures en


attente pour assurer la liaison avec la semelle de répartition (photos Jammes)

29
Photos 27 à 29 : puits marocain creusé dans un
terrain naturellement stable, et à sec. Cage de
ferraillage. Viaduc de Bouran près de Rodez
(photos Gérard Forquet, SETRA).

30
Différentes méthodes de réalisation de puits marocains
lorsque le terrain n’assure pas directement la stabilité
Le forage se fait directement si le terrain a une stabilité suffisante ; mais dans le cas contraire
on doit bétonner des anneaux de béton successifs pour assurer la tenue latérale des terres. On
travaille alors par passes successives de 0,80 à 1,00 mètre de hauteur. Le plus souvent on
réalise des anneaux de béton projeté.
En dehors de l'intérêt économique évident de cette solution, lorsqu'elle est adaptée aux
conditions du site, elle présente l'avantage de permettre une reconnaissance précise du sol de
fondation. On peut par exemple décider d'approfondir le puits si l'on s'aperçoit que la portance
du sol n'est pas suffisante ; ou purger des poches de remplissage dans un rocher fracturé.
On retrouve ainsi les avantages des fondations directes en terrain sec.
5.6. Portance des pieux.
5.6.1. La force portante d'un pieu, d'un puits ou d'une barrette, comporte deux termes : un
terme de pointe et un terme de frottement latéral.
Toujours en se référant, à tire d'exemple, aux règles d'utilisation des résultats de mesures
pressiométriques, on évalue la contrainte admissible en pointe à :
K
σ adm = (p ℓ + p e )
3
avec les mêmes définitions que pour les semelles – p ℓ est la pression limite de la couche
portante et pe la pression déjaugée des terres déplacées –, la valeur de K étant donnée par une
abaque différente.

31
Le frottement latéral est calculé à partir du cisaillement admissible le long du pieu, que l'on
évalue en fonction de la pression limite du terrain au niveau considéré. Le coefficient de
sécurité à introduire n'est que de deux pour le frottement latéral.
Signalons que l'application de ces formules conduit pour les barrettes à des charges
admissibles inférieures (à section donnée) à celles des pieux.
5.6.2. En principe les tassements des puits et des pieux restent très faibles. Ils peuvent cesser
d'être négligeables dans le cas des barrettes.
Il ne faut pas oublier que la portance doit être assurée même en cas d'affouillement. Cela a
deux conséquences : tout d'abord il ne faut pas compter sur le frottement des couches
affouillables pour le calcul de la portance ; et ensuite les pieux ne doivent pas flamber si les
affouillement se produisent. Cela condamne les pieux de petit diamètre dans le cas de
hauteurs d'affouillement importantes. Des dizaines de ponts ont été emportés, la même année
(mais il y a fort longtemps), aux Etats-Unis, par les conséquences de ce phénomène.
5.7. Micropieux.
Depuis dix ou vingt ans certains ouvrages sont fondés sur micropieux.
Le principe consiste à réaliser un forage dans lequel on enfonce un "pieu" métallique de très
faibles dimensions – une barre d'armature de très gros diamètre, à partir de 50 millimètres
(voire 40 pour de très petits ouvrages), un tube épais de 10 à 20 centimètres de diamètre … –
et on injecte le terrain tout autour de ce micropieu avec un coulis de ciment pour assurer sa
liaison avec le sol et sa stabilité au flambement.
Cette technique présente un certain nombre d'avantages :
– elle ne fait appel qu'à un matériel assez réduit, relativement peu coûteux, mais surtout léger
ce qui permet de travailler dans des zones très escarpées ;
– et l'on peut réaliser des micropieux très inclinés sur la verticale, ce qui permet de réaliser
des fondations résistant à des efforts horizontaux qui peuvent être importants dans certains cas
(poussée des terres sur les culées, fondations d'un arc …).
Mais cette technique n'est pas vraiment adaptée à la réalisation de fondations reprenant des
charges très élevées.

32
6. Ouvrages annexes

Même s'il ne s'agit pas des ouvrages eux-mêmes, il est nécessaire d'évoquer les travaux
d'excavation autour des appuis et la réalisation des remblais d'accès.

6.1. Excavations.

Photos 32 et 33 : réalisation de la plateforme nécessaire à la construction de la pile P3 du


Viaduc de Millau (photos Jammes).

33
Photos 34, 35 et 36 : excavation du massif d’appui de l’arc du pont de Trellins en rive gauche
de l’Isère (photos M.V.)

En terrain accidenté il est quelquefois nécessaire de réaliser d'importantes excavations pour


créer la plateforme sur laquelle on va établir un appui, pile ou culée. On peut donc être amené
34
à stabiliser la fouille, en notant qu' il s'agit souvent d'une stabilisation définitive qui demande
donc un certain soin pour qu'elle ne vienne pas, ensuite, détruire la qualité architecturale
souhaitée de l'ouvrage.
La technique la plus classique consiste à utiliser des tirants d'ancrage, actifs ou passifs, et du
béton projeté.
– Les tirants passifs sont constitués de barres d'armature de gros diamètre (25 à 40 millimètres
pour donner un ordre de grandeur) enfoncées dans un forage qui est injecté au coulis de
ciment.
– La technique est sensiblement la même pour les tirants actifs qui sont plus rarement
employés. On utilise alors des barres ou des câbles de précontrainte qu'on enfonce dans le
forage comme précédemment. Mais il faut sceller leur extrémité dans le sol, par une injection
au coulis de ciment dans les derniers mètres du forage (sur une distance suffisante pour
assurer l'ancrage) ; ce n'est qu'une fois le scellement garanti qu'on peut mettre le tirant en
tension et injecter le reste du forage au coulis de ciment pour protéger le tirant contre la
corrosion.
La retenue des terres – et sa stabilisation contre les effets de la pluie et des ruissellements –
est assurée par du béton projeté armé d'un treillis métallique, voire par une véritable coque en
béton armé lorsque les tirants sont assez espacés et reprennent des charges importantes (pour
les tirants actifs notamment).
6.2. Remblais d'accès.
6.2.1. Lorsqu'on réalise des remblais d'accès de forte hauteur, on risque des tassements
importants ce qui a de multiples inconvénients.
Si la culée en tête de remblai a des fondations profondes, par exemple sur des pieux noyés
dans le remblai, le tassement du remblai va exercer sur ces pieux des efforts verticaux qui
viennent les surcharger. On parle alors de frottements négatifs.
On peut les réduire en disposant une chemise autour de ces pieux, ou en diminuant, par le
choix d'une surface adaptée, le coefficient de frottement sur les pieux.
Si l'on peut traiter le problème des frottements négatifs, il apparaîtra quand même, dans le cas
d'une culée sur fondations profondes, une rupture du profil en long entre le remblai d'accès
qui a tassé et l'ouvrage lui-même qui, grâce à ces fondations profondes, n'aura pratiquement
pas bougé.
Dans le cas d'une culée fondée superficiellement en tête de remblai, il n'y aura pas de
décalage de cette nature : la culée va suivre le remblai. Par contre l'ouvrage lui-même va subir
le tassement du remblai comme une flexion imposée.
6.2.2. Il est donc indispensable de limiter le tassement des remblais d'accès.
On y parvient de plusieurs façons.
– La première consiste à réaliser les remblais largement à l'avance, pour qu'ils aient effectué la
plus grande partie de leur tassement avant la construction de l'ouvrage.
– La seconde consiste à réaliser un préchargement : on réalise un remblai plus important que
nécessaire (un ou deux mètres de plus), ce qui produit un tassement supérieur à celui attendu
du remblai final. Le sol se trouve alors surconsolidé avant la construction de l'ouvrage ; ou
cela permet de réduire l'intervalle de temps entre la mise en place du remblai et la réalisation
de l'ouvrage (le préchargement joue le rôle d'un accélérateur du tassement).
Bien entendu, on enlève le préchargement au moment de réaliser la culée.
6.2.3. Une autre solution consiste à traiter le sol sous le remblai.

35
Si, sous un remblai d'accès le sol n'a pas une résistance suffisante, ce qui conduirait à des
tassements très importants, on peut envisager de le renforcer en créant des colonnes
ballastées. Le principe consiste à battre une série de tubes dans le sol, en le refoulant autant
que possible, et à remplir de graves, ou d'un matériau sablo-graveleux l'espace ainsi dégagé.
En remontant le tube, on laisse dans le sol une colonne de graves.
Cela renforce le sol par le resserrement de la couche traitée, et le matériau graveleux facilite le
drainage ce qui accélère les tassements éventuels.
6.2.4. Le compactage dynamique est une autre solution. Il consiste à laisser tomber sur le sol
– à de multiples reprises – une charge lourde qui le compacte et augmente sa portance.
6.2.5. Une dernière solution consiste à réaliser un remblai en terre armée. Nous l'évoquerons
dans le cadre du chapitre sur la conception des culées.

Figure 12 : stabilisation de fondations dans des pentes raides ou instables à l’aide de tirants
d’ancrage actifs ou passifs.

36
7. Ferraillage des pieux et des semelles de fondations

A développer.

37
8. Exemples de fondations sur pieux.

8.1. Le Pont de l’Ile de Ré.

Figures 13 et 14 : schémas d’une pile du Pont de l’Ile de Ré, fondée sur quatre pieux inclinés
de 2,00 mètres de diamètre, et de la plateforme autoélévatrice.

Photo 37 : l’embase préfabriquée d’une semelle de pile en mer, avec les quatre trous de
38
passage des pieux (photo Gérard Forquet, SETRA).

Photo 38 : embase de la semelle et premier élément de coffrage de la virole en béton qui servira
à la fois de batardeau et de coffrage perdu pour la semelle
(photo Gérard Forquet, SETRA).

Photo 39 : le coffrage est en place, et on descend la cage d’armatures


39
(photo Gérard Forquet, SETRA).

Photo 40 : les éléments préfabriqués de la semelle : l’embase et la virole qui servira de coffrage
perdu (photo Gérard Forquet, SETRA).

Photo 41 : l’atelier nautique : la plateforme autoélévatrice et la centrale à béton sur barge (photo
Gérard Forquet, SETRA).

40
Figure 15: principe de réalisation des pieux de fondation : l’embase de la semelle est descendue
en place, tenue par la plateforme ; la chemise métallique est passée dans l’embase à son
inclinaison, puis battue ; une fois les quatre tubes en place, on réalise les pieux un par un à
l’aide d’une prolonge provisoire.

Photo 42 : mise en place de l’embase de semelle (photo Gérard Forquet, SETRA).


41
Photo 43 : descente de l’embase (photo Gérard Forquet, SETRA).

Photo 44 : battage au mouton d’une chemise métallique au travers du fond de semelle


préfabriqué tenu sous l’eau par la plateforme autoélévatrice (photo Gérard Forquet, SETRA).

42
Photo 45 : le mouton de battage (photo Gérard Forquet, SETRA).

Photos 46 : Forage d’un pieu à l’intérieur de la chemise métallique à l’aide d’une machine
Wirth (photo Gérard Forquet, SETRA).

43
Photo 47 : machine Wirth
à circulation inverse
permettant de forer le
terrain à l’intérieur de la
chemise métallique, et de
pénétrer de 12 mètres dans
le calcaire (photo Gérard
Forquet SETRA).

Photo 48 : la tête de forage de la machine Wirth (photo Gérard Forquet, SETRA).

44
Photo 49 : une cage d’armatures en attente sur une barge (photo Gérard Forquet, SETRA).

Photo 50 : l’intérieur du batardeau constitué par le fond préfabriqué de la semelle, la rehausse en


béton qui constituera le coffrage perdu de la semelle, et de rehausses métalliques réutilisées de
pile à pile, après bétonnage des pieux forés, coulage sous l’eau d’un béton d’étanchéité et
recépage des pieux. Les armatures seront couplées (photo Gérard Forquet, SETRA).

45
Photo 51 : construction d’une pile à l’intérieur du batardeau constitué par les réhausses
provisoire (photo Gérard Forquet, SETRA).

8.2. Le Pont de Normandie.

Figure 16 : fondation du pylône nord du Pont de Normandie avec sa couronne de gabions de


palplanches remplis de béton pour assurer la protection contre les chocs de bateau. Chaque
jambe de pylône est fondée sur 14 pieux de 2,10 mètres de diamètre et de 54 mètres de
profondeur ancrés dans le banc de plomb.

46
Figure 17 : vue perspective éclatée de la fondation du pylône nord du Pont de Normandie.

Photos 52 : la machine Wirth


utilisée pour le forage des pieux
du pylône Nord, sous protection
d’un tubage provisoire de 22
mètres de profondeur dans les
sables et graves alluvionnaires
(photo Gérard Forquet, SETRA).

47
Photo 53 : les pieux de fondation d’une jambe de pylône ont été bétonnés et recépés (photo
Gérard Forquet, SETRA).

Photo 54 : mise en place du ferraillage de la semelle et des gaines qui logeront les câbles de
précontrainte. Le tirant qui relie les deux semelles du pylône est à gauche
(photo Gérard Forquet, SETRA).

48
Photo 55 : une des deux semelles du pylône Nord a été coulée, et on distingue les ancrages
des câbles de précontrainte qui ont permis de réduire le ferraillage passif et à terme la
fissuration du béton (photo Gérard Forquet, SETRA).

Photo 56 : un tirant relie les deux semelles des pylônes (ici le pylône Sud) pour reprendre les
effets de l’inclinaison des jambes. Il est précontraint par des câbles qui participent à la
précontrainte des semelles (photo Gérard Forquet, SETRA).

49
Figure 18 : principe de réalisation des
pieux de fondation des travées d’accès
Sud, à terre.

50
Photo 57 : la machine Wirth utlisée pour le forage des pieux des travées d’accès, au Sud et au
Nord, de 1,50 mètre de diamètre et de 45 mètres de profondeur, ancrés dans le calcaire à
harpagodes (photo Gérard Forquet, SETRA).

Figure 19 : schéma d’une pile


des travées d’accès Nord au
Pont de Normandie, fondées
sur quatre pieux de 1.50 mètre
de diamètre et 45 mètres de
profondeur, ancrés dans le
calcaire à harpagodes. ( la pile
N1 est fondée sur cinq pieux)

51
Figure 20 : cinématique de construction des fondations des travées d’accès Nord, dans les
vasières soumises à la marée, avec un accès unique par une estacade provisoire. Les chemises
métalliques sont préalablement battues, et des éléments préfabriqués reliés par clavage
constituent une embase qui jouera à la fois le rôle de batardeau et de coffrage perdu.
L’embase est descendue le long des pieux et prolongée par une rehausse métallique
provisoire, ce qui permet de travailler à sec.

Photo 58 : l’estacade permettant la


construction des fondations et des piles
pour les travées d’accès Nord avec
différents ateliers (photo Gérard Forquet,
SETRA).

Figure 21 : détail de la cinématique.

52
Photo 59 : le chantier des travées d’accès Nord au Pont de Normandie, avec l’estacade
provisoire et les différents ateliers (photo Gérard Forquet, SETRA).

53
Photo 60 : réalisation des
fondations des piles N1 et
N2. L’atelier de réalisation
des pieux est porté par
quatre pieux de plus petit
diamètre (photo Gérard
Forquet, SETRA).

Photo 61 : recépage des


pieux à l’intérieur des
embases (photo Gérard
Forquet, SETRA).

Photo 62 : les pieux ont été


recépés ; il reste à compléter le
ferraillage et à bétonner sous la
protection des rehausses
métalliques (photo Gérard
Forquet, SETRA).

54
8.3. Le Pont Vasco de Gama à Lisbonne.

Battage des pieux de fondations du viaduc central à l’aide d’une barge auto-élévatrice
(photos M.V.)

Essai de chargement de pieux de fondation (photos M.V.)

Préfabrication à terre d’un caisson qui servira de coffrage perdu pour la semelle (photo M.V.)

55
Mise en place d’un caisson servant de coffrage perdu à la semelle (photo Gattel)

56

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