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► SOMMAIRE

Chapitre 1: Épidémiologie, facteurs de risque, prévention et dépistage des cancers ...................... 13


UE 9 - item 287
Chapitre 2: Cancérogenèse, oncogénétique................................................................................................................ 29
UE 9 - item 288
Chapitre 3: Diagnostic des cancers, signes d'appel et investigations paracliniques,
caractérisation du stade, pronostic ........................................................................................................ 45
UE 9 - item 289

Chapitre 4: Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour des examens d'anatomie
et cytologie pathologiques.......................................................................................................................... 63
UE 9 - item 290

Chapitre 5: Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux


des cancers (chimiothérapie, thérapies ciblées, immunothérapie).
La décision thérapeutique pluridisciplinaire et l'information du malade ..................... 77
UE 9 - item 291

Chapitre 6: Prise en charge et accompagnement d'un malade cancéreux


à tous les stades de la maladie ............................................................................................................. 109
UE 9 - item 292

Chapitre 7: Cancers de l'enfant : particularités épidémiologiques,


diagnostiques et thérapeutiques .......................................................................................................... 121
UE 9 - item 294

Chapitre 8: Tumeurs de la cavité buccale, naso-sinusiennes et du cavum,


et des voies aérodigestives supérieures ........................................................................................... 131
UE 9 - item 295
Chapitre 9: Tumeurs intracrâniennes ............................................................................................................................ 143
UE 9 - item 296

Chapitre 10 : Tumeurs du col utérin, tumeurs du corps utérin ........................................................................... 159


UE 9 - item 297

Chapitre 11: Tumeurs du côlon et du rectum ...................................................... ........................................................ 181


UE 9 - item 298

Chapitre 12: Tumeurs cutanées, épithéliales et mélaniques ........................................................................... 197


UE 9 - item 299

Chapitre 13: Tumeurs de l'estomac .................................................................................................................................. 215


UE 9 - item 300
Chapitre 14: Tumeurs du foie, primitives et secondaires .................................................................................... 231
UE 9 - item 301

Chapitre 15 Tumeurs de l'œsophage ....................................................................................... .................................... 245


UE 9 - item 302
Chapitre 16 : Tumeurs de l'ovaire ....................................................................................................................................... 265
UE 9 - item 303
Chapitre 17 : Tumeurs des os primitives et secondaires ....................................................................................... 281
UE 9 - item 304
Chapitre 18 : Tumeurs du pancréas .................................................................................................................................. 299
UE 9 - item 305
Chapitre 19: Tumeurs du poumon, primitives et secondaires .......................................................................... 323
UE 9 - item 306
Chapitre 20 :.,.... Tumeurs de la prostate................................................................................................................................ 349
UE 9 - item 307
Chapitre 21: ..< Tumeurs du rein ............................................................................................................................................... 373
UE 9 - item 308
Chapitre 22 : / Tumeurs du sein .............................................................................................................................................. 387
UE 9 - item 309
Chapitre 23 : Tumeurs du testicule .....................................................................................................................................-411
UE 9 - item 310
Chapitre 24: Tumeurs vésicales ........................................................................................................................................... 419
UE 9 - item 311
Préface

C'est un grand honneur et un immense plaisir de présenter le référentiel d'Oncologie du Collège National des
Enseignants en Cancérologie (CNEC) dont l'objectif premier est de développer les chapitres les plus importants
de notre discipline.
Cet ouvrage, avant tout adapté à la préparation de l'ECN informatisé, est destiné aux étudiants du deuxième cycle
des études médicales (DFASM2, 3 et 4) en leur permettant de compléter leur formation et leurs connaissances en
oncologie avec une vue transversale de la discipline. Il est centré sur l'UE 9 mais également sur d'autres UE dont
les contenus concernent directement l'oncologie.
Cette approche est complémentaire de la cancérologie enseignée par les spécialités d'organe, mais surtout est
indispensable à l'appréhension et la compréhension de la maladie cancéreuse selon une approche multidisciplinaire.
Le travail accompli a été très important afin d'aboutir à un savant mélange entre une haute tenue scientifique et
l'accessibilité pédagogique des étudiants.
Il propose un support pédagogique basé sur des données actualisées et adapté à l'évolution récente des objectifs
de l'ECN.
Je tiens à remercier chaleureusement tous les membres du CNEC et son ancien président le Pr David Azria qui ont
collaboré avec plaisir et enthousiasme à la rédaction de cet ouvrage.
Les Professeurs Philippe Giraud et Jean Trédaniel doivent être particulièrement remerciés pour la coordination
sans faille, leur ténacité et leur compréhension.
En espérant que tous ces efforts aident les étudiants à réussir leur iENC et surtout que ce manuel puisse éveiller
chez certains d'entre eux intérêt et curiosité pour notre belle spécialité.

A toutes et tous, une bonne lecture

Pr Jean-Philippe SPANO
Président du CNEC
1 ntrod uction

Sous l'égide du Collège National des Enseignants en Cancérologie (CNEC) et spécialement conçu pour la
préparation de l'iECN, ce manuel adopte fidèlement le programme de la cancérologie aux iECN.
Il a été réalisé avec le concours d'équipes universitaires impliquées dans l'enseignement de la cancérologie,
discipline transversale s'il en est.
Les auteurs, dont l'expertise est reconnue, doivent être ici remerciés de leur implication dans la réalisation de cet
ouvrage.
Chaque item est structuré de manière identique ; les principales références et recommandations sont indiquées.
S'y ajoute le « coup de pouce de l'enseignant » et les points principaux à retenir qui ponctuent chaque chapitre. En
dehors des cancers de la peau, des poumons, de la prostate, du côlon et du sein, les modalités thérapeutiques sont
données à titre indicatif, le programme de l'iECN ne faisant pas mention du traitement.
Nous espérons que cet ouvrage réponde à vos attentes et vous guide au mieux pour la préparation de l'iECN.

Pr Philippe Giraud
Pr Jean Trédaniel
Coordonnateurs de l'ouvrage
Les auteurs

Pr Jérôme Alexandre Pr Bruno Chauffert
Service de Cancérologie Médicale, Hôpitaux Universitaires Service d'Oncologie Médicale, CHU Amiens, Université de
Paris Centre, site Port Royal, AP-HP, Université Paris-Descartes, Picardie Jules Verne, Amiens
Paris
Pr Olivier Chinot
PrYves Allory Service de Neuro-Oncologie, AP-HM, CHU Timone, Aix­
Laboratoire d'Anatomo-pathologie, Hôpital Henri-Mondor, Marseille Université, Marseille
AP-HP, Université Paris-Est Créteil, Créteil
Pr Jean-Marc Classe
Pr Thierry André Département de Chirurgie Oncologique, Institut de
Service d'Oncologie médicale, Hôpital Saint Antoine, AP-HP, Cancérologie de l'Ouest, Université de Nantes, Nantes
Université Pierre et Marie Curie, Paris
Dr Romain Cohen
Dr Emilie Andrieu Service d'Oncologie médicale, Hôpital Saint Antoine, AP-HP,
Département de Dermatologie, Hôpital Charles Nicolle, Université Pierre et Marie Curie, Paris
Université de Rouen, Rouen
Dr Odile Cohen Haguenauer
Dr Julia Arfi-Rouche Unité Fonctionnelle d'Oncogénétique, Hôpital Saint-Louis, AP­
Service de Radiologie, Institut Gustave Roussy, Université HP, Université Paris-Diderot, Paris
Paris Sud, Villejuif
Pr Elisabeth Cohen-Jonathan Moyal
Dr François Audenet Département de Radiothérapie, Centre Claudius Regaud,
Service d'Urologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP­ Université Paul Sabatier, Toulouse 111, Toulouse
HP, Paris
Pr Jean-Michel Coindre
Pr David Azria Département d'anatomopathologie, Institut Bergonié,
Département de Radiothérapie Oncologique, Institut régional Université de Bordeaux, Bordeaux
du Cancer Montpellier, Université de Montpellier, Montpellier
Pr Pierre-Emmanuel Colombo
Dr Marc-Antoine Benderra Département de Chirurgie oncologique, ICM Val d'Aurelle,
Service d'Oncologie Médicale et de Thérapie Cellulaire, Université de Montpellier, Montpellier
Hôpital Tenon, Groupe Hospitalier Est-Parisien, AP-HP,
Université Pierre et Marie Curie, Paris Pr Thierry Conroy
Département d'Oncologie médicale, Institut de Cancérologie
Pr Jaafar Bennouna de Lorraine, Université de Lorraine, Vandoeuvre-lès-Nancy
Service d'Oncologie médicale, Centre Hospitalier Universitaire,
Université de Nantes, Nantes Dr Patricia de Cremoux
Unité d'Oncologie Moléculaire, Hôpital Saint-Louis, AP-HP,
PrYazid Belkacemi Université Paris-Diderot, Paris
Service d'Oncologie Radiothérapie, Hôpitaux Universitaires
Henri Mondor, AP-HP, Centre Sein Henri Mondor, Université Pr Stéphane Cutine
Paris Est Créteil, Créteil Service d'Oncologie Médicale, Hôpital Saint-Louis, AP-HP,
Université Paris-Diderot, Paris
Pr Jean-Yves Blay
Département d'Oncologie Médicale, Centre Léon Bérard, Dr Elsa Curtit
Université Claude Bernard Lyon 1, Lyon Service d'Oncologie médicale, CHRU de Besançon, Institut
Régional Fédératif du Cancer de Franche-Comté, Université de
Dr Céline Bourgier Bourgogne-Franche-Comté, Besançon
Département de Radiothérapie Oncologique, Institut régional
du Cancer Montpellier, Université de Montpellier, Montpellier Pr Jean-Pierre Delord
Département d'Oncologie médicale, Institut Universitaire de
Pr Guilhem Bousquet Cancérologie de Toulouse - Oncopole, Faculté de médecine
Service d'Oncologie, CHU Avicenne, AP-HP, Bobigny, Université Toulouse-Rangueil, Université Paul Sabatier Toulouse Ill,
Paris 13, Villetaneuse Toulouse
Dr Luca Campedel Dr Jérome Doyen
Sénopôle Saint Louis, Hôpital Saint Louis, AP-HP, Université Service de Radiothérapie, Centre Antoine Lacassagne,
Paris-Diderot, Paris Université de Nice, Nice
Pr Olivier Chapet Pr Bernard Dubray
Département de Radiothérapie Oncologique, Centre Département de Radiothérapie et Physique Médicale, Centre
Hospitalier Lyon Sud, Université Claude Bernard, Lyon 1, Lyon Henri-Becquerel, Université de Rouen, Rouen
Dr Boris Duchemann Pr Jacques !rani
Service d'Oncologie médicale, CHU Avicenne, Bobigny, Service d'Urologie, CHU de Bicêtre, AP-HP, Université Paris
Université Paris 13, Villetaneuse Sud, Bicêtre, Bicêtre
Pr Michel Ducreux Pr Florence Joly
Département de Médecine Oncologique, Institut Gustave­ Département d'Oncologie Médicale, Centre François Baclesse,
Roussy, Université Paris-Sud, Villejuif Université de Caen, Caen
Pr Catherine Durdux Pr Lucie Karayan-Tapon
Service d'Oncologie-Radiothérapie, Hôpital Européen Georges Laboratoire de Cancérologie Biologique, CHU de Poitiers,
Pompidou, AP-HP, Université Paris-Descartes, Paris Université de Poitiers, Poitiers
Dr Julien Edeline Pr François Kleinclauss
Service d'Oncologie digestive, Centre Eugène Marquis, Service d'Urologie, CHU Minjoz, Université de Franche-Comté,
Université de Rennes, Rennes Besançon
Dr Marc Espié Pr Anne Laprie
Sénopôle Saint Louis, territoire cancer nord, AP-HP, Université Département d'Oncologie radiothérapie, Institut Universitaire
Paris-Diderot, Paris de Cancérologie de Toulouse-Oncopole, Faculté de médecine
Toulouse-Rangueil, Université Paul Sabatier Toulouse Ill,
Pr Serge Evrard
Toulouse
Groupe des Tumeurs Digestives, Institut Bergonié, Université
de Bordeaux, Bordeaux Pr Karen Leroy
Service de génétique et biologie moléculaires, Hôpital Cochin,
Pr Karim Fizazi
AP-HP, Université Paris-Descartes, Paris
Département de Médecine Oncologique, Institut Gustave
Roussy, Université Paris-Sud, Villejuif Pr Christophe Le Tourneau
Département d'Oncologie médicale, Institut Curie, Saint­
Dr Aude Fléchon Cloud, Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Saint­
Département d'Oncologie Médicale, Centre Léon Bérard, Lyon
Cloud
Pr Philippe Giraud Pr Pierre Levillain
Service d'Oncologie-Radiothérapie, Hôpital Européen Georges
Laboratoire d'Anatomie et Cytologie Pathologiques, CHU de
Pompidou, AP-HP, Université Paris-Descartes, Paris
Poitiers, Université de Poitiers, Poitiers
Pr Joseph Gligorov
Pr Jean-Pierre Lotz
Service d'Oncologie Médicale et de Thérapie Cellulaire,
Service d'Oncologie Médicale et de Thérapie Cellulaire,
Hôpital Tenon, Groupe Hospitalier Est-Parisien, AP-HP,
Hôpital Tenon, Groupe Hospitalier Est-Parisien, AP-HP,
Université Pierre et Marie Curie, Paris
Université Pierre et Marie Curie, Paris
Pr François Gouin
Pr Nicolas Magné
Service Orthopédie, CHU Nantes, Université de Nantes,
Département de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de
Nantes
la Loire Lucien Neuwirth, Saint Priest en Jarez, Université de
Pr François Guillemin Saint-Etienne, Saint Etienne
Département de Chirurgie-Anesthésie, Institut de Cancérologie
Pr Marc-André Mahé
de Lorraine, Centre Jean Godinot, CRAN, UMR 7039, Université
Département de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de
de Lorraine, Reims
l'Ouest-René Gauducheau, Nantes-Saint-Herblain, Université
Pr Rosine Guimbaud de Nantes, Nantes
Unité d'Oncogénétique, Institut C. Regaud et CHU de Toulouse,
Pr Philippe Maingon
IUCT-Oncopôle, Université Toulouse Ill, Toulouse
Département de Radiothérapie, Hôpital Pitié-Salpêtrière,
Dr Frédéric Guyon AP-HP, Université Pierre et Marie Curie, Paris
Département d'Onco-gynécologie, Institut Bergonie,
Pr Frédéric Marchal
Université Victor Segalen Bordeaux 2, Bordeaux
Département de Chirurgie, Institut de Cancérologie
Pr Christophe Hennequin de Lorraine, CRAN, UMR 7039, Université de Lorraine,
Service de Cancérologie-Radiothérapie, Hôpital Saint-Louis, Vandoeuvre-lès-Nancy
AP-HP, Université Paris-Diderot, Paris
Pr Michel Marty
Pr Nadine Houede Sénopôle Saint Louis, territoire cancer nord, AP-HP, Université
Service d'Oncologie médicale, Centre Hospitalier Universitaire Paris-Diderot, Paris
de Nîmes, Université de Montpellier, Nîmes
Pr Françoise Mornex
Pr Gilles Houvenaeghel Département de Radiothérapie Oncologique, Centre
Institut Paoli Calmettes et CRCM, Marseille, Aix-Marseille Hospitalier Lyon Sud, Université Claude Bernard Lyon 1, Lyon
Université, Marseille
Dr Guillaume Mouillet
Service d'Oncologie Médicale, CHU Minjoz, Besançon
Pr Nicolas Mounier Pr Michel Rivoire
Service d'Onco-hématologie, CHU !'Archet, Université de Nice, Unité de Chirurgie Digestive, Centre Léon Bérard, Université de
Nice Lyon, Lyon
Pr Nicolas Mottet Pr Jacques Robert
Service d'Urologie, CHU, Faculté Jacques Lisfranc, Université Université de Bordeaux
Jean Monnet, Saint- Etienne
Dr Benoît Rousseau
Pr Georges Noel Service d'Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP,
Service de Radiothérapie, Centre Paul Strauss, Université de Université Paris-Est Créteil, Créteil
Strasbourg, Strasbourg
Dr Stéphanie Servagi Vernat
Pr Stéphane Oudard Service de Radiothérapie, Institut Jean Godinot, Université de
Service d'Oncologie médicale, Hôpital Européen Georges Reims Champagne-Ardenne, Reims
Pompidou, AP-HP, Université Paris-Descartes, Paris
Pr Nicolas Sirvent
Pr Jean-Claude Pairon Unité d'Oncologie pédiatrique, Centre Hospitalier Universitaire
Unité de Pathologie professionnelle, CHI Créteil, Université de Montpellier, Université de Montpellier, Montpellier
Paris-Est Créteil, Créteil
Dr Luis Teixeira
Pr Yann Parc Sénopôle Saint Louis, Service d'Oncologie Médicale, Hôpital
Service de Chirurgie digestive, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Saint Louis, AP-HP, Université Paris-Diderot, Paris
Université Pierre et Marie Curie, Paris
Dr Antoine Thiery-Vuillemin
Pr Didier Peiffert Service Oncologie Médicale, CHU Minjoz, Université de
Service Universitaire de Radiothérapie, Institut de Cancérologie Franche-Comté, Besançon
de Lorraine, Université de Lorraine, Vandoeuvre-les-Nancy
Pr Marc-Olivier Timsit
Pr Nicolas Penel Service d'Urologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP­
Département de Cancérologie générale, Centre Oscar Lambre!, HP, Université Paris-Descartes, Paris
Université de Lille Il, Lille
Pr Christophe Tournigand
Pr Thierry Petit Service d'Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP,
Service d'Oncologie médicale, Centre Paul Strauss, Université Université Paris-Est Créteil, Créteil
de Strasbourg, Strasbourg
Pr Jean Trédaniel
Pr Xavier Pivot Unité de Cancérologie thoracique, Groupe Hospitalier Paris
Service d'Oncologie médicale, CHRU de Besançon, Institut Saint-Joseph, Université Paris-Descartes, Paris
Régional Fédératif du Cancer de Franche-Comté, Université de
Bourgogne-Franche-Comté, Besançon Pr Gilles Vassal
Département de Recherche clinique, Institut Gustave Roussy,
Dr Maryline Poirée Université Paris Sud, Villejuif
Unité d'Oncohématologie pédiatrique, CHU Nice, Nice
Dr Marie-Hélène Vieillard
Pr Christophe Pamel Service de Rhumatologie, CHRU de Lille, Lille
Département de Chirurgie Oncologique, Centre Jean Perrin,
Université d'Auvergne, Clermont-Ferrand Dr Guillaume Vagin
Département de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de
Pr Jean-Marc Régimbeau Lorraine - Alexis Vautrin, Université de Lorraine, Vandoeuvre­
Département de Chirurgie digestive, CHU d'Amiens, Université Les-Nancy
de Picardie Jules Verne, Amiens
Pr Laurent Zelek
Dr Sandrine Richard Service d'Oncologie médicale, CHU Avicenne, AP-HP, Bobigny
Service d'Oncologie Médicale et de Thérapie Cellulaire, Hôpital Université Paris 13, Villetaneuse
Tenon, Groupe Hospitalier Est-Parisien, AP-HP, Université Pierre
et Marie Curie, Paris
UE9 Item 287
........................ . . .

CHAPITRE ► Épidémiologie, facteurs de risque,


prévention et dépistage des cancers
Pr Nicolas Mounier', Pr Jacques Robert2, Pr Philippe Giraud3, Pr Jean Trédaniel•
'Service d'Onco-hématologie, CHU l'Archet, Nice
'Université de Bordeaux
3Service d'Oncologie - Radiothérapie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris
'Unité de Cancérologie thoracique, Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris

1. Épidémiologie des cancers OBJECTIFS iECN


1.1. Notions générales � Épidémiologie, facteurs de risque, prévention et dépis-
1.2. Épidémiologie des cancers les plus fréquents tage des cancers
2. Facteurs de risque des cancers Décrire l'épidémiologie des cancers les plus fréquents
2.1. Tabac (sein, côlon-rectum, poumon, prostate). Incidence,
prévalence, mortalité.
2.2. Alcool
Connaître et hiérarchiser les facteurs de risque de ces
2.3. Facteurs nutritionnels
cancers.
2.4. Facteurs de risque environnementaux et
Expliquer les principes de prévention primaire et sec­
expositions professionnelles ondaire.
2.5. Facteurs de risque infectieux
- Argumenter les principes du dépistage du cancer (sein,
3. Principes de prévention des cancers côlon-rectum, col utérin).
3.1. Définitions
3.2. Prévention vis-à-vis des principaux facteurs de
risque
4. Dépistage des cancers Mots clés: Cancer - Épidémiologie - Incidence -
4.1. Notions générales Prévalence - Mortalité - Facteurs de risque -
4.2. Les principaux biais Tabagisme - Alcoolisme - Alimentation -
4.3. Cancers dépistés Prévention - Dépistage - Biais.

• Le cancer est une cause majeure de morbidité et mortalité. Pour la planète prise dans son ensemble, il a été
responsable en 2018 de 18 millions de nouveaux cas (ou cas incidents) et de 9,6 millions de décès.
• L'Institut National du Cancer (INCa) publie chaque année les principales données (épidémiologie, prévention,
dépistage, soins en cancérologie, la vie pendant et après un cancer, la recherche) du cancer en France.
• Les données d'incidence proviennent d'un comité de pilotage regroupant le réseau FRANCIM, les Hospices civils
de Lyon, Santé Publique France et l'INCa. Les données de mortalité sont fournies par !'INSERM (CépiDc-Inserm).

1. Épidémiologie des cancers


1.1. Notions générales
• Le cancer est la première cause de mortalité en France, devant les maladies cardio-vasculaires (Figure 1).
• L'incidence des cancers, qui augmentait depuis 1980, est en diminution chez l'homme depuis 2005 et s'est sta­
bilisée chez la femme. La mortalité par cancer diminue régulièrement tant chez l'homme que chez la femme
(Figure 2).
• Le cancer est encore une maladie majoritairement masculine (Figure 3).
• C'est aussi une maladie de la seconde moitié de la vie (Figure 4). La part prise par des sujets de plus en plus âgés
rend compte de l'importance croissante de l'évaluation et de la prise en charge gériatriques ( « l'oncogériatrie » ).

UE 9 - ITEM 287 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS 13 ◄


Figure 1. Causes de décès, France, 1980-2012

450 -

400

0
0
0 350 -
0
;l

0
300
o.
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-;;;-

..
250


,:, 200
C
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-S
C
150


� 100
- Cancers, hommes
- Maladies cardio-vasculaires, hommes
50 - Cancers, femmes
Maladies cardio-vasculaires, femmes
0

1970 1980 1990 2000 2010 2012 2020

Figure 2. Évolution de l'incidence et de la mortalité pour tous les cancers, France, 1980-2012

450
"'"'
•CIJ
C -
"""'"'
C 400

C
C 350 -
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C
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�"' 100
- Incidence hommes
-0 - Incidence femmes
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C
50
- Mortalité hommes
><
- Mortalité femmes
� 0

1970 1980 1990 2000 2010 2012 2020

Figure 3. Projection de l'incidence et de la mortalité selon le sexe, France, 2018

Incidence Mortalité

- Hommes - Hommes
- Femmes - Femmes

► 14 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS UE 9 - ITEM 287


UE9 Item 287
, ... ___.................. - ·- .... --

Figure 4. Incidence et mortalité par cancer chez l'homme, selon l'âge (France, 2005)

3500
QI
,QI
C 3000
C

QI
C 2500
C
0

QI 2000
Q.
0

=
0
0 1500
0
0
1000
0
Q.
>< 500
- Incidence
0 - Mortalité
15 25 35 45 55 65 75 85

• En 2018, le nombre de nouveaux cancers en France métropolitaine est estimé à 382 000 (204 600 hommes
et 177 400 femmes). Chez l'homme, les trois tumeurs solides les plus fréquentes sont celles de la prostate
(50 430 nouveaux cas), du poumon (31 231) et du côlon-rectum (23 216). Chez la femme, il s'agit des cancers du
sein (58 459), du côlon-rectum (20 120) et du poumon (15 132). Ainsi, quatre localisations tumorales (prostate,
sein, poumon, côlon-rectum) rendent compte de la moitié des nouveaux cas de cancer.
• Le nombre de décès par cancer en 2018 est estimé à 157 400 décès (89 600 hommes et 67 800 femmes). Le cancer
du poumon est la première cause de décès par cancer chez l'homme (22 761 décès) devant le cancer colorectal
(9 209) et le cancer de la prostate (8 ll5). Chez la femme, le cancer du sein (12 146 décès) précède le cancer du
poumon (10 356) et le cancer colorectal (7 908).
• L'incidence et la mortalité des principaux cancers diminuent régulièrement chez l'homme comme chez la
femme, sauf le cancer du poumon de la femme qui continue à augmenter et qui a peut-être déjà dépassé la
mortalité du cancer du sein (puisque les dernières données - standardisées - dont nous disposons sont de 2012),
devenant ainsi la première cause de mortalité chez la femme française (comme il l'est depuis 1987 chez la femme
américaine).
• Pour l'ensemble des cancers, la survie nette diminue avec l'âge et, pour la plupart des cancers, elle est meilleure
chez la femme que chez l'homme.
• En 2017, la prévalence totale, qui regroupe tous les malades et anciens malades ayant eu un diagnostic de cancer
au cours de leur vie, est de l'ordre de 3,8 millions.

1.2. Épidémiologie des cancers les plus fréquents

1.2.1. Cancer du poumon


• Le cancer du poumon est le 2e cancer incident chez l'homme et le 3e chez la femme. Il représente respectivement
15 % et 8,5 % de l'ensemble des nouveaux cas de cancers masculins et féminins (Figure 5).
• Chez l'homme, l'incidence du cancer du poumon est quasiment stable depuis 1990. Elle est, au contraire, en forte
augmentation chez la femme (au rythme de 5 % par an entre 2010 et 2018) (Figures 6 et 7).
• En 2012, l'âge médian au diagnostic est de 66 ans chez l'homme et 65 ans chez la femme.

LJE 9 - ITEM 287 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE.RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS 15 ◄
• Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer. Il représente 21 % de l'ensemble des décès par
cancers (respectivement, 25 % et 15 % chez l'homme et la femme) (Figure 8).
• La mortalité diminue chez l'homme depuis 1980, avec une accentuation de cette diminution depuis 2005, mais
continue à augmenter chez la femme (Figures 9 et 10).
• En 2008, parmi les personnes ayant eu un cancer diagnostiqué dans les 5 dernières années et toujours en vie,
49 000 (36 000 hommes et 13 000 femmes) avaient eu un cancer du poumon. La prévalence totale s'élevait à 79 000
personnes.

1.2.2. Cancer du côlon-rectum


• Chez l'homme le cancer colorectal est le troisième cancer incident et représente 11 % de l'ensemble des nouveaux
cas de cancers masculins. Il est en 2' position chez la femme et représente également 11 % de l'ensemble des nou­
veaux cas de cancers féminins.
• L'incidence du cancer colorectal diminue légèrement depuis 2005.
• 75 % des patients ont plus de 65 ans au diagnostic.
• Le cancer colorectal représente près 12 % de l'ensemble des décès par cancer et en est la 2e cause. Cependant, la
mortalité par cancer colorectal diminue régulièrement depuis 1980.
• En 2008, la prévalence partielle à 5 ans s'élevait à 121 000 patients. La prévalence totale montait à 319 000 sujets.
• La survie nette à 5 ans est proche entre hommes et femmes. Elle s'améliore au cours du temps, passant de 54 %
pour les cas diagnostiqués entre 1989-1993 à 63 % pour les cas diagnostiqués en 2005-2010.

1.2.3. Cancer du sein


• Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme (sans être totalement absent chez l'homme). Il
représente 33 % de l'ensemble des nouveaux cas de cancers féminins.
• L'augmentation d'incidence se poursuit sur la période récente: +0,6 % par an entre 2010 et 2018.
• 58 % de ces cancers sont diagnostiqués chez des femmes de 50 à 74 ans.
• Le cancer du sein est (encore) la première cause de mortalité par cancer chez la femme et rend compte d\\18 %
des décès féminins par cancer.
• En 2008, la prévalence partielle à 5 ans était de 220 000 femmes et la prévalence totale de 645 000.
• La survie nette à 5 ans, standardisée sur l'âge, s'améliore au cours du temps, passant de 80 % pour les femmes
diagnostiquées en 1989-1993 à 87 % pour celles diagnostiquées en 2005-2010.

1.2.4. Cancer de la prostate


• L'incidence du cancer de la prostate a considérablement augmenté entre 1980 et 2005 (ce qui correspond essen­
tiellement à l'introduction du dosage du PSA - « prostate speci.fic antigen »- comme test de dépistage) avant de
chuter tout aussi brutalement (ce qui est notamment dû à la prise de conscience d'un risque de surdiagnostic et de
surtraitement de petits cancers diagnostiqués uniquement à l'occasion de démarches systématiques de dépistage).
• En 2018, le cancer de la prostate est le plus fréquemment diagnostiqué chez l'homme chez qui il représente 25 %
de l'ensemble des nouveaux cancers.
• La mortalité diminue régulièrement depuis 1990.
• Le cancer de prostate se situe au 3' rang des décès par cancer chez l'homme.
• En 2017, 79 % de ces décès concernent des hommes de 75 ans et plus. En 2012, l'âge médian au décès est de 83 ans.
• En 2008, la prévalence partielle à 5 ans était de 265 000 hommes et la prévalence totale de 509 000 hommes.
• La survie nette à 5 ans, standardisée sur l'âge, s'améliore avec le temps, passant de 72 % pour les cas diagnostiqués
en 1989-1993 à 93 % pour les hommes diagnostiqués entre 2005 et 2010.

► 16 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS LJE 9 - ITEM 287
UE9 Item 287
............................ -� -------- --------- ----- - - --- - --

Figure 5. Données projetées de l'incidence des cancers en France, 2018

Sein Sein : 58 459 cas


- Prostate Prostate : 50 430
- Poumon Poumon : 46 363 cas
- Côlon-rectum Côlon-rectum : 43 336 cas
- Autres Autres : 183 412 cas (hors lymphomes)

Figure 6. Évolution de l'incidence des cancers chez l'homme, France, 1980-2012

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Figure 7. Évolution de l'incidence des cancers chez la femme, France, 1980-2012

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LJE 9 - ITEM 287 1 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS 17 ◄
Figure 8. Nombres projetés des décès par cancer en France, 2018

- Poumon Poumon: 33 117


- Côlon Côlon-rectum: 17 117
Sein Sein: 12 146
- Prostate Prostate: 8 115
- Autres Autres: 86 905

Figure 9. Évolution de la mortalité par cancer chez l'homme, France, 1980-2012

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Figure 10. Évolution de la mortalité par cancer chez la femme, France, 1980-2012

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► 18 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS UE 9 - ITEM 287


•, UE9 ltem287
........ __________

2. Facteurs de risque des cancers


• Un facteur de risque est tout attribut, caractéristique ou exposition d'un sujet qui augmente la probabilité de
développer une maladie ou de souffrir d'un traumatisme. Le principal facteur de risque de développer un cancer
est l'âge!

2.1. Tabac
• Le tabac est le premier facteur de risque évitable de mortalité précoce par cancer, en France et dans le monde.
Il tue près de 6 millions de personnes chaque année, soit près de 10 % de la mortalité mondiale (dont 600 000
par tabagisme passif).
• La fumée de tabac contient dont plus de 7 000 composés chimiques, dont plusieurs dizaines sont reconnus comme
cancérogènes (regroupés en plusieurs classes parmi lesquelles les hydrocarbures polycyliques aromatiques -« les
goudrons»-, les N-nitrosamines et les amines aromatiques).
• En 2017, le tabagisme concernait 32 % des Français, et le tabagisme quotidien 27 %. Ces chiffres de prévalence sont
(encore) plus élevés parmi les hommes que parmi les femmes.
• Le tabac a été responsable, toutes maladies confondues, de 73 000 décès en 2013, dont 45 000 décès par cancer
(parmi lesquels 30 000 cancers du poumon). Le tabac est impliqué, à des degrés divers (on parle de fraction
attribuable - Figure 11) dans le développement de plusieurs localisations cancéreuses : cancer du poumon en
premier, mais aussi cancers ORL (cavités nasales, bouche, pharynx, larynx), cancers digestifs (œsophage, estomac,
pancréas, côlon-rectum, foie), cancers urologiques et gynécologiques (rein, vessie, sein, ovaire, col de l'utérus),
leucémies myéloïdes (Figure 12). Il n'y a pas de seuil de consommation sans risque puisque même le tabagisme
passif (ou involontaire) augmente le risque de cancer (150 cancers du poumon ont été attribués au tabagisme
passif en 2011).
• Le« coût social»du tabac est estimé à 120 milliards d'euros ch_aque année, en France.

Figure 11. Fraction(%) des décès attribuables au tabagisme, selon la localisation cancéreuse, France, 2013

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LJE 9 - ITEM 287 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS 19 ◄
Figure 12. Le tabac, facteur de risque dans la survenue de plusieurs cancers

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Le cancer du larynx _____-+-_.,.,
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(�____Le cancer de la cavité nasale
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Les leucémies myéloïdes (sang)

2.2. Alcool
• L'alcool est la deuxième cause de mortalité évitable par cancer.
• L'évaluation de la consommation d'alcool est difficile (notamment du fait d'une sous-déclaration des consom­
mateurs). Néanmoins, les données disponibles montrent qu'elle diminue depuis les années 1960, essentiellement
du fait d'une diminution de la consommation de vin ; cette tendance ancienne à la baisse semble toutefois moins
forte depuis les années 1990 pour aboutir à une stabilisation voire à une ré-augmentation récente et à confirmer.
• L'alcool a été responsable, toutes maladies confondues, de 41 000 décès en 2015, dont plus de 16 000 décès par
cancer. La consommation d'alcool augmente le risque de développer un cancer dans 7 localisations : bouche,
pharynx, larynx, œsophage, côlon-rectum, sein et foie. Parmi les cancers attribuables à l'alcool, le cancer du sein
est le plus fréquent (près de 8 000 cas).
• Le risque de cancer augmente quel que soit le type de boisson alcoolisée consommée et de manière linéaire avec
la dose, sans seuil en dessous duquel le risque serait nul: même une consommation faible augmente le risque.

2.3. Facteurs nutritionnels


• La nutrition englobe l'alimentation (y compris l'alcool), le statut nutritionnel et l'activité physique. Elle est source
de facteurs de risque et de facteurs protecteurs.
• On estime que 20 à 25 % des cancers sont imputables aux comportements alimentaires.
• Les facteurs nutritionnels qui augmentent le risque de cancer sont : la consommation d'alcool, le surpoids et
l'obésité, la consommation de viandes rouges et de charcuteries, la consommation de sel et d'aliments salés, la
consommation de compléments alimentaires à base de bêtacarotène.
• Au contraire, réduisent le risque de cancer: l'activité physique, la consommation de fruits et légumes, la consom­
mation de fibres alimentaires et l'allaitement.

► 20 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS LJE 9 - ITEM 287
UE9 Item 287
, ................. ..

2.4. Facteurs de risque environnementaux et expositions professionnelles


• Les facteurs de risque environnementaux sont des agents physiques, chimiques ou biologiques présents dans
l'atmosphère, les sols, l'eau, les médicaments ou l'alimentation et dont l'exposition est subie. Leur étude est diffi­
cile et sujette à controverses. On estime que 5 à 10 % des cancers seraient liés à des facteurs environnementaux.
• Les expositions professionnelles sont traitées par l'item 288. Les données essentielles sur ce thème sont les suivantes:
- 12 % de l'ensemble des salariés (soit 2,6 millions) ont été exposés à leur poste de travail au moins à une nuisance
cancérogène ;
- les 8 principaux produits chimiques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques rencontrés en milieu de travail
sont, par importance décroissante: les gaz d'échappement diesel, les huiles minérales entières, les poussières de
bois, la silice cristalline, le formaldéhyde, le plomb et ses dérivés, l'amiante et les phtalates ;
- 3,6 % des cancers incidents sont attribuables à des expositions professionnelles et dans plus de la moitié des cas,
il s'agit d'un cancer de poumon ;
- l'amiante, facteur de risque essentiel du mésothéliome pleural (mais aussi d'autres cancers: poumon, larynx,
ovaire) est l'exposition la plus reconnue en pathologie professionnelle.

2.5. Facteurs de risque infectieux


• 3 % des cancers, en France, auraient une origine infectieuse.
• Les principaux agents infectieux en cause sont :
- les sous-types 16 et 18 du papillomavirus humain (HPV 16 et 18) qui sont responsables de la quasi totalité
des cancers du col de l'utérus. Ils sont également associés à d'autres cancers plus rares de la sphère anogénitale
(vagin, vulve, pénis, anus) ainsi qu'à des cancers de la cavité buccale, de l'oropharynx et du larynx ;
- les hépatites virales chroniques B et C qui sont à l'origine d'environ un tiers des cancers du foie (soit plus de
3 200 cas diagnostiqués chaque année) ;
- l'infection de la muqueuse gastrique par Helicobacter pylori qui est responsable de près de 80 % des cancers
de l'estomac (soit plus de 5 200 cas diagnostiqués par an).

Autres virus et parasites associés à la survenue de cancer chez l'homme:


virus d'Epstein-Barr et lymphome de Burkitt;
virus d'Epstein-Barr et carcinome indifférencié du naso-pharynx;
virus HTLVl et leucémie à cellules T;
- virus herpès humain de type 8 (HSV8) et sarcome de Kaposi;
virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et lymphome non hodgkinien;
bilharziose et carcinome épidermoïde de la vessie.

3. Principes de prévention des cancers


3. 1. Définitions
• On estime à moins de 10 % les cancers héréditaires et à environ 40 % les cancers qui pourraient être évités
grâce à des changements de comportements et de modes de vie.
• La prévention consiste à éviter l'apparition, le développement ou l'aggravation de maladies ou d'incapacités.
On distingue classiquement :
- la prévention primaire qui agit en amont de la maladie (ex: action sur les facteurs de risque) afin de diminuer
l'incidence;
- la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de l'évolution (ex: dépistage, traitement des états pré­
cancéreux) ;
- et la prévention tertiaire qui agit sur les complications et les risques de récidive.
• Ainsi, la prévention primaire intéresse les populations tandis que la prévention secondaire vise l'individu à haut risque.

LJE 9 - ITEM 287 1 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS 21 ◄
3.2. Prévention vis-à-vis des principaux facteurs de risque
3.2.1. Tabac

Les 3 mesures les plus importantes pour la lutte contre le tabagisme, et dont l'efficacité a été
universellement vérifiée, sont :
- l'augmentation, forte et régulièrement répétée, des prix;
- l'interdiction de la publicité, directe et indirecte;
- l'interdiction de fumer dans les lieux publics clos.

• Un effort particulier a été entrepris dans le cadre du Programme National de Réduction du Tabagisme (PNRT)
(objectif 10 du Plan cancer 2014-2019).

Le PNRT est organisé autour de 3 axes:


- protéger les jeunes et éviter l'entrée dans le tabagisme:
► adopter les paquets de cigarettes neutres pour les rendre moins attractifs;
► étendre les lieux où il est interdit de fumer et renforcer le respect de l'interdiction de fumer dans
les lieux collectifs;
► encadrer les dispositifs électroniques de vapotage;
► améliorer le respect de l'interdiction de vente aux mineurs.
- aider les fumeurs à arrêter:
► développer une information plus efficace en direction des fumeurs;
► impliquer davantage les professionnels de santé et mobiliser les acteurs de proximité dans l'aide à
l'arrêt du tabac;
► améliorer l'accès au traitement d'aide au sevrage du tabac;
► rendre exemplaires les ministères sociaux, notamment le ministère des Affaires sociales, de la Santé
et des Droits des femmes.
- agir sur l'économie du tabac:
► créer un fonds dédié aux actions de lutte contre le tabagisme (prévention, sevrage, information);
► renforcer la transparence sur les activités de lobbying de l'industrie du tabac;
► renforcer la lutte contre le commerce illicite de tabac;
► aider les buralistes à diversifier leurs activités.

• Le PNLT 2018-2022 (Programme National de Lutte conte le Tabac) permet la poursuite et l'amplification du
programme, incluant les augmentations successives du prix du paquet de cigarettes pour le porter à la valeur
symbolique de 10 euros en 2020.
• Le paquet neutre, avec des avertissements sanitaires agrandis, renouvelés et repositionnés est devenu au 1er jan­
vier 2017 le seul autorisé à la vente pour les cigarettes et le tabac à rouler.
• De nouvelles professions (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, dentistes, médecins du travail ...) sont désor­
mais autorisées à prescrire des substituts nicotiniques.
• Le forfait d'aide au sevrage a été porté à 150 € par an pour tous les assurés.
• L'opération« Mois sans tabac», conçue pour inciter les fumeurs à arrêter de fumer durant un mois (ce qui mul­
tiplie par 5 les chances d'arrêter de fumer définitivement) a été lancée, pour la première fois, en novembre 2016 et
a pour vocation de se dérouler tous les ans.
• Chez les malades et anciens malades, un bénéfice significatif de l'arrêt du tabac, augmentant avec la durée de
l'abstinence, a été observé pour tous les cancers majeurs associés au tabagisme. Cela est particulièrement net pour
les patients atteints d'un cancer du poumon localisé au thorax et qui sont en situation curatrice. Il est impératif,
chez eux, d'obtenir un sevrage définitif.

► 22 ÉPIDÉMIDLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS I LJE 9 - ITEM 287
UE9 Item 287
.............................

• La cigarette électronique (e-cigarette) est un dispositif permettant d'inhaler de la vapeur obtenue par chauffage
d'une solution liquide composée principalement de propylène glycol, de glycérol, d'arômes et le plus souvent de
nicotine. À la différence des cigarettes, elles ne contiennent pas de tabac, ne créent ni fumée ni combustion. Bien
que la nicotine soit addictive et - à très haute dose - néfaste pour la santé, la cigarette électronique ne contient pas
le vaste cocktail de produits chimiques cancérogènes trouvés dans le tabac combustible. Il est admis qu'utiliser la
cigarette électronique est infiniment moins nocif que de continuer à fumer du tabac.

3.2.2. Alcool
• La lutte contre l'alcoolisme doit faire face à l'action de nombreux lobbies des producteurs. Là aussi, l'action passe
par la fiscalité et l'encadrement de la publicité. La législation sur les débits de boissons devrait également être
rénovée.

3.2.3. Facteurs nutritionnels


• La France se situe au 3' rang des pays de l'OCDE en termes de consommation d'alcool pour les plus de 15 ans.
• Plusieurs plans de santé publique regroupent leurs efforts sur le thème de la nutrition : Plan national nutri­
tion santé, Plan obésité, Plan cancer, Plan national de prévention par l'activité physique ou sportive, Programme
national pour l'alimentation.
• L'information au public sur les risques liés à la consommation d'alcool doit être améliorée : en particulier, ne pas
consommer plus de 10 verres standard par semaine et pas plus de 2 verres standard par jour; avoir des jours de
la semaine sans consommation.
• Les principaux objectifs de prévention nutritionnelle des cancers sont de réduire la consommation de boissons
alcoolisées et la prévalence du surpoids et de l'obésité, favoriser une alimentation équilibrée et diversifiée (en
évitant de recourir aux compléments alimentaires) et promouvoir la pratique régulière d'une activité physique.

3.2.4. Facteurs de risque environnementaux et expositions professionnel/es


• C'est avant tout la pollution qui est l'objet de toutes les controverses. Quoique quantitativement faible (Figure 13),
son impact est désormais démontré. Les mesures envisagées pour lutter contre la pollution regroupent, entre
autres, l'interdiction des véhicules trop polluants (ce qui pose, notamment, la question des véhicules à moteur
diesel), les certificats sur la qualité de l'air pour les voitures, les subventions pour les transports écologiques,
l'interdiction des sacs plastiques ...
• Le troisième Plan santé au travail met l'accent sur la prévention en milieu professionnel, ce qui inclut bien sûr les
produits chimiques cancérogènes. La Société Française de Médecine du Travail a publié des recommandations
concernant la surveillance médico-professionnelle des travailleurs exposés, ou ayant été exposés, à des agents
cancérogènes pulmonaires.

Figure 13. Nombre de cas de cancers attribuables aux différents facteurs de risque de cancer en France en 2000

Inactivité
physique
Tra


Pollution
Expositions •
professionnelles

UV

200 2 000 20 000


Nombre de cas attribuables à chaque cause
Source : Les cancers en France, édition 2016, collection Les Données, Institut national du cancer

LJE 9 - ITEM 287 1 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS 23 ◄
3.2.5. Facteurs de risque infectieux
• Le cancer du col de l'utérus est le 1'' cancer à être reconnu par l'Organisation Mondiale de la Santé comme étant
attribuable, dans près de 100 % des cas, à une infection virale par un ou plusieurs papillomavirus.
• Sa prévention repose sur la combinaison de deux démarches complémentaires :
- la vaccination contre les HPV 16 et 18 pour toutes les jeunes filles âgées de 11 à 14 ans, avec un rattrapage
pour les 15-19 ans. La couverture vaccinale est cependant encore trop faible en France (21,4 % des jeunes filles
de 16 ans au 31/12/2017). Les données épidémiologiques nationales et internationales confirment que cette
vaccination n'entraîne pas d'augmentation du risque global de maladies auto-immunes.
- le dépistage par frottis du col utérin pour toutes les femmes entre 25 et 65 ans, qu'elles soient vaccinées ou non.
• La prévention de l'hépatite B se fait par la vaccination. La vaccination contre l'hépatite B augmente chez les nour­
rissons mais reste encore insuffisante chez les adolescents.
• Les cancers de l'estomac sont en diminution régulière depuis plusieurs dizaines d'années dans tous les pays occi­
dentaux, ce qui est vraisemblablement dû à la diminution des infections à Helicobacter pylori induite par l'in­
troduction de la conservation des aliments par le froid (les aliments étaient autrefois conservés par le sel), de
meilleures conditions d'hygiène et le recours accru aux antibiotiques.
• La prévention des cancers gastriques repose, en France, sur le repérage et le traitement de l'infection à Helicobac­
ter pylori chez les personnes à risque de cancer gastrique (cf encadré).

Populations à risque de cancer gastrique:


- personne apparentée au 1 er degré à un patient ayant eu un cancer de l'estomac;
- patient ayant eu une gastrectomie partielle pour cancer;
- patient porteur d'une lésion prénéoplasique gastrique;
- patient traité depuis plus d'un an par inhibiteur de la pompe à protons;
- personne ayant un syndrome de prédisposition aux cancers digestifs (HNPCC, syndrome de Lynch);
- personne devant subir une chirurgie bariatrique par by-pass (ce qui rendra une partie de l'estomac
inaccessible à de futurs examens).

Communication sur la prévention :


La communication sur la prévention primaire des cancers a été renforcée sous la direction de l'INCa et du
ministère des Affaires Sociales qui ont lancé en septembre 2016 une campagne de communication pour faire
connaître le chiffre de 41 % de cancers évitables et ont sélectionné quatre conseils:« ne pas fumer, éviter
l'alcool, bouger plus, manger mieux».

4. Dépistage des cancers

4.1. Notions générales


• Le dépistage des cancers est une stratégie de prévention secondaire qui permet un traitement curatif lorsque la
lésion est encore prénéoplasique ou que le cancer est encore localisé.
• Le dépistage organisé par les autorités de santé est une mesure de santé publique qui s'oppose au dépistage indi­
viduel, effectué à l'initiative du sujet et/ou de son médecin (Tableau 1).

► 24 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS I UE 9 - ITEM 287


UE9 Item 287
........ __________

Tableau 1: DÉPISTAGE ORGANISÉ VERSUS DÉPISTAGE INDIVIDUEL


Dépistage organisé Dépistage individuel
• relève d'un protocole de santé publique • adapté à chaque individu
• réalisé à l'initiative des pouvoirs publics • «anarchique» par nature
• sur des populations bien définies • orienté en fonction des antécédents et des facteurs de
• régulièrement évalué risque spécifiques
• laissé à l'initiative des médecins
• non évalué

• Dans la médecine de soins, un sujet malade demande à être examiné et une obligation de moyens s'impose. Dans
le dépistage, on demande à examiner des sujets (qui se croient) bien portants et une obligation de résultat - dimi­
nution de la mortalité liée à la maladie dépistée - s'impose: la réussite du dépistage est le non-événement (le décès
ne se produit pas !).

4.2. Les principaux biais


• Le critère absolu de jugement d'une campagne de dépistage d'une maladie donnée est la réduction, dans la popu­
lation dépistée, de la mortalité spécifique liée à cette maladie, voire de la mortalité globale si son impact sur celle-ci
est majeur (par exemple, dans un essai américain, la réduction de 20 % de la mortalité par cancer du poumon
s'est traduite par une diminution de 7 % de la mortalité globale). Il peut aussi s'agir d'une réduction de l'incidence
(par exemple, le dépistage des adénomes coliques, qui sont des lésions précancéreuses, peut se traduire par une
diminution de l'incidence des cancers du côlon).
• Par contre, ce n'est pas l'augmentation de la durée de survie des malades chez qui la maladie est dépistée, car elle
est soumise à 3 biais:
- l'avance au diagnostic: le diagnostic est plus précoce mais le traitement n'est pas suffisamment efficace pour
empêcher ou retarder le décès. La survie des malades paraît allongée mais sans bénéfice réel (Figure 14);
- le biais d'évolutivité : la procédure de dépistage répétée à intervalles réguliers, fixés par le protocole (par
exemple, mammographie tous les deux ans), dépiste préférentiellement des tumeurs d'évolution spontanément
plus lente donnant l'impression d'un allongement de la durée de vie des malades dépistés (Figure 15) ;
- le biais de sur-diagnostic: c'est le dépistage de tumeurs qui n'auraient jamais été diagnostiquées en l'absence
de dépistage, soit que les sujets décèdent d'une autre maladie, soit que la tumeur serait restée spontanément
indolente (c'est, par exemple, une question particulièrement discutée pour le dépistage du cancer de la prostate).

Figure 14. Biais d'avance au diagnostic: (lead-time bias)

Phase pré-clinique Phase clinique

t t t
Révélation Révélation Décès
par dépistage spontanée

lead-time bias

LJE 9 - ITEM 287 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS 25 ◄
Figure 15. Biais d'évolutivité: (lenght-time bias)

Patient 1
Patient 2
Patient 3
Patient 4
Patient 5
Patient 6

Dépistage Dépistage

4.3. Cancers dépistés


4.3.1. Cancer du sein
• Le programme national de dépistage organisé du cancer du sein a été instauré en 2004. Il repose sur l'invitation
systématique de l'ensemble des femmes de 50 à 74 ans, sans facteur de risque significatif autre que leur âge, à
bénéficier tous les deux ans d'un examen clinique des seins et d'une mammographie de dépistage par un radio­
logue agréé.
• Les femmes à risque élevé ou très élevé ne sont pas éligibles à ce dépistage et doivent bénéficier d'un suivi spéci­
fique.
• Le taux de participation au programme stagne à un peu moins de 50 % des femmes concernées (soit plus de
2,5 millions de femmes dépistées en 2015). Près de 39 000 cancers ont été détectés par le programme sur la
période 2013-2014, soit un taux de cancers détectés d'environ 7,5 pour 1 000 femmes dépistées.
• La mortalité par cancer du sein en France a diminué de 1,5 % par an entre 2005 et 2012. Environ 20 % de cette
réduction de mortalité est due au programme de dépistage organisé grâce auquel 150 à 300 décès par cancer du
sein sont évités pour 100 000 femmes participant de manière régulière pendant 7 à 10 ans.

4.3.2. Cancer du côlon-rectum


• Le programme national de dépistage organisé du cancer colorectal s'adresse aux personnes âgées de 50 à 74 ans,
à risque moyen de cancer colorectal (cf encadré), qui sont invitées tous les deux ans à consulter leur médecin
traitant pour réaliser un test de recherche de sang occulte dans les selles. Le test au gaïacol (Hémoccult II) a été
remplacé par le test immunologique, plus performant et plus facile d'utilisation. Il est suivi, en cas de positivité,
par une coloscopie totale.
• Le taux de participation s'est élevé à 33,5 %, plus élevé chez les femmes (35 %) que chez les hommes (32 %).
• 4 279 cas de cancers ont été détectés après mise en place du test immunologique (période du 14 avril 2015 au 31.
décembre 2015) soit un taux 2,4 fois plus important qu'avec le test gaïac sur la période 2012-2013. Parallèlement,
le taux d'adénomes avancées détectés par le programme est 3,7 fois plus élevé qu'avec le teste gaïac sur la période
2012-2013.

► 26 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS LJE 9 - ITEM 287
'• UE9 ltem287
...... .. ....................

Personnes à risque élevé de cancer colorectal


• Ce sont les personnes:
- ayant une pathologie colique qui nécessite un contrôle endoscopique programmé;
ayant des antécédents personnels d'adénomes colorectaux;
- ayant un parent du 1er degré atteint d'un cancer colorectal avant 65 ans;
- ou au moins deux parents du 1er degré.
• Elles doivent se voir proposer une coloscopie d'emblée à partir de 45 ans ou 5 ans avant l'âge du diagnostic
chez le parent atteint.
• Enfin, les sujets présentant une pathologie grave extra-intestinale et ceux chez qui le dépistage revêt un carac­
tère momentanément inopportun (exemple, la dépression) ne doivent pas réaliser le test de dépistage.

4.3.3. Cancer du col utérin


• Le dépistage organisé du cancer du col de l'utérus repose actuellement sur une analyse cytologique après frottis
cervico-utérin (FCU) (à l'avenir, par recherche du virus HPV). La Haute Autorité de Santé recommande, pour les
femmes de 25 à 65 ans, un FCU tous les 3 ans après 2 FCU normaux à un an d'intervalle.
• Un programme organisé de dépistage a été lancé en mai 2018. Son objectif est de réduire l'incidence et le nombre
de décés par cancer du col de l'utérus en atteignant 80 % de taux de couverture de la population cible.

4.3.4. Autres cancers pour lesquels aucun programme de dépistage n'est organisé
4.3.4.1. Cancer de la prostate
• Les agences d'évaluation et les autorités sanitaires considèrent qu'il n'y a pas lieu, en France, de mettre en place
de programme de dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA (et/ou toucher rectal), ni de
recommander cette pratique, y compris pour les populations à risque.
• Néanmoins, les recommandations concluent également qu'une information éclairée du patient sur l'ensemble
de la démarche de dépistage et ses conséquences, par le médecin, est nécessaire pour tout homme qui envisage
(malgré tout) de faire ce dosage.

4.3.4.2. Cancer du poumon


• En 2016, les conditions de qualité, d'efficacité et de sécurité nécessaires à la réalisation du dépistage du cancer du
poumon par scanner thoracique à faible dose de rayons X ( « low-dose CT scan ») chez des individus fumeurs ne
semblaient pas réunies.

► Références
• Les cancers en France, édition 2016, Institut National du Cancer, avril 2017*.
• Les cancer en France, édition 2017, Institut National du Cancer, Janvier 2018.
• Les cancers en France en 2018 - l..'.essentiel des faits et chiffres, édition 2019, Institut National du Cancer, janvier 2019.
• Estimations nationales de l'incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018, Institut National du
Cancer, février 2019.
• World Cancer Report 2014, International Agency for Research on Cancer, Lyon 2014**.
*: ce rapport est en accès libre sur le site de l'Institut National du Cancer: www.e-cancer.fr
**: ce livre est en accès libre sur le site de l'Agence Internationale de Recherche sur le Cancer (International Agency for Research on
Cancer) : http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World-Cancer-Reports/World-Cancer-Report-2014

LJE 9 - ITEM 287 1 ÉPIDÉMIDLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS 27 ◄
POINTS CLÉS

1. Le cancer est la première cause de mortalité en France.


2. Quatre localisations cancéreuses (prostate, sein, poumon, côlon-rectum) rendent compte de la
moitié des cancers en France.
3. L'incidence et la mortalité de la plupart des cancers diminuent régulièrement à l'exception notable
des cancers du poumon de la femme qui augmentent jusqu'à devenir la première cause de mortalité
de la femme française.
4. 3 millions de Français(e)s sont vivants avec un diagnostic de cancer porté au cours de leur vie
(prévalence totale).
5. 40 % des cancers sont dépendants des comportements et modes de vie.
6. Le principal facteur de risque de développer un cancer est l'âge.
7. Le tabac est responsable de 45 000 décès annuels par cancer.
8. « La seule cigarette sans risque est celle qu'on ne fume pas!».
9. L'alcool est responsable de 15 000 décès annuels par cancer. L'alcool serait responsable de 15 %
des cancers du sein en 2015.
1 O. 20 à 25 % des cancers sont imputables aux comportements alimentaires.
11. 4 à 8,5 % des cancers sont d'origine professionnelle.
12. 3 % des cancers ont une origine infectieuse.
13. La quasi-totalité des cancers du col de l'utérus sont dus à l'infection par un papillomavirus (HPV).
14. Un Programme National de Réduction du Tabagisme (PNRT ) est en cours de réalisation.
15. La prévention du cancer du col de l'utérus repose sur la vaccination contre HPV et le dépistage
par frottis du col utérin.
16. Le critère de jugement d'une campagne organisée de dépistage d'un cancer est la réduction de
la mortalité.
17. Les cancers du sein, du côlon-rectum et du col de l'utérus font l'objet d'un programme national
de dépistage (objectif du Plan cancer 2014-2019 pour le cancer du col).
18. Le dépistage du cancer du sein concerne les femmes de 50 à 74 ans, sans risque particulier, et
leur propose un examen clinique des seins et une mammographie tous les deux ans.
19. Le dépistage du cancer du col concerne les femmes de 25 à 65 ans et leur propose un frottis
cervico-utérin tous les 3 ans après 2 FCU normaux à un an d'intervalle.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Toujours regarder le mode d'expression des données épidémiologiques: chiffres bruts ou taux
standardisés qui, seuls, permettent des comparaisons dans le temps et l'espace.
2. Le tabac, et non l'alcool, est le principal facteur de risque du cancer du pancréas.
3. L'efficacité d'une campagne de dépistage d'un cancer ne se juge pas sur l'augmentation de la
durée de vie des malades dépistés mais sur la diminution de la mortalité.
4. Le dépistage des cancers de la prostate et du poumon n'est pas organisé en France.

► 28 ÉPIDÉMIOLOGIE, FACTEURS DE RISQUE, PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS LJE 9 - ITEM 287
UE9 Item 288
......................

CHAPITRE ►_C_a_n_c_é _ro_g _e_n_è_s_e_, _o_n_c_o_g_é_n_ é_t_iq_u_e_


Pr Karen Leroy', Dr Odile Cohen Haguenauer2, Dr Patricia de Cremoux 3,
Pr Rosine Guimbaud4, Pr Jean-Claude Pairon•
'Service de Génétique et Biologie moléculaires, Hôpital Cochin, Paris
'Unité Fonctionnelle d'Oncogénétique, Hôpital Saint-Louis, Paris
'Unité d'Oncologie Moléculaire, Hôpital Saint-Louis, Paris
'Unité d'Oncogénétique, Institut C. Regaud et CHU de Toulouse, IUCT-Oncopôle, Toulouse
'Service de Pathologies professionnelles et de l'Environnement, CHI Créteil, Créteil

OBJECTIFS iECN
1. Cancérogenèse
-+ Cancer: cancérogenèse, oncogénétique
1.1. Histoire naturelle du cancer
1.2. Biologie des cellules cancéreuses Décrire l'histoire naturelle du cancer
1.3. Génome tumoral - Connaître les implications cliniques des données
d'oncogénétique constitutionnelle et somatique
1.4. Hétérogénéité tumorale
2. Oncogénétique constitutionnelle et génétique Décrire les principales étiologies professionnelles
des cancers et expliquer les principes de dépistage
moléculaire des cancers des cancers professionnels.
2.1. Oncogénétique ou génétique constitutionnelle
du cancer
2.2. Génétique moléculaire des cancers
3. Cancers Professionnels Mots clés: Amiante - BRCA - Cancers profession­
3.1. Définitions, généralités nels - EGFR - Gène suppresseur de tumeur -
Génome tumoral - MMR - Mutation - Oncogène -
3.2. Principaux facteurs de risque
Oncogénétique - RAS.
3.3. Principes du dépistage

1. Cancérogenèse

1.1. Histoire naturelle du cancer


• Le cancer résulte de la multiplication de cellules qui :
1. échappent aux mécanismes régulant l'homéostasie tissulaire (prolifération, survie et différenciation cellulaire)
et
2. acquièrent les capacités d'envahir les tissus avoisinants (envahissement loco-régional) et à distance (métas­
tases).
• Le développement du cancer se déroule sur une période de temps qui peut être assez longue (plusieurs années
à plusieurs dizaines d'années). Cependant, le développement et l'évolution clinique sont très variables selon le
type de cancer (en fonction de l'organe d'origine, du type histologique et des caractéristiques phénotypiques de la
tumeur) : celle-ci peut être très agressive ou au contraire, plutôt indolente.

1.1.1. Étapes de la carcinogenèse


• La carcinogenèse est un processus multi-étapes.
• L'étude de modèles expérimentaux, cellulaires et animaux, a permis de définir trois étapes clés dans le dévelop­
pement d'un cancer :
- L'initiation: lésion rapide, irréversible et transmissible de !'ADN, induite par un facteur carcinogène (facteur
physique: radiations UV, radiations ionisantes; facteur chimique: hydrocarbures aromatiques polycycliques,
métaux lourds, amines aromatiques ...; facteur viral: infection par HBV, EBV, HPV ...).

UE 9 - ITEM 288 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE 29 ◄


- La promotion : exposition prolongée, répétée ou continue à une substance qui entretient et stabilise la lésion
initiée (stimuli mitogènes: cytokines, facteurs de croissance, hormones ...). Elle aboutit à l'expansion clonale
des cellules pré-tumorales.
- La progression : caractérisée par l'acquisition des capacités de prolifération/survie cellulaire, la perte de la
différenciation, l'acquisition des capacités d'invasion locale et de dissémination à distance (formation de
métastases).

1.1.2. Étapes de l'évolution d'un cancer d'origine épithéliale


• L'étude de modèles expérimentaux et l'analyse histologique des lésions pré-tumorales a permis d'identifier plu­
sieurs étapes histologiques dans le développement de cancers à partir des épithéliums (Figure 1) (de revête­
ment ou glandulaires) :
Figure 1. Lésions épithéliales

Lésions épithéliales

Normal Adénome

Adénome
Avec atypies sévères Adénocarcinome

Normal Hyperplasie Dysplasie Dysplasie sévère


modérée (Carcinome in situ)

Carcinome invasif

- La dysplasie (néoplasie intra-épithéliale) :


► caractérisée par des anomalies de la prolifération et de la différenciation cellulaire;
► mise en évidence par des anomalies architecturales tissulaires et des anomalies cytologiques (mitoses,
anomalies nucléaires ...);
► secondaire à un état inflammatoire chronique (ex: gastrite, reflux gastro-oesophagien), une infection virale
(ex: infection à papillomavirus), une exposition à des substances carcinogènes (tabagisme);
► définie par sa sévérité : bas grade ou haut grade (parfois trois catégories : légère / modérée / sévère). La
dysplasie ou néoplasie intra-épithéliale sévère / de haut grade est équivalente au carcinome in situ;
► évolutions possibles : régression, stabilité, évolution vers un carcinome invasif.
- Le carcinome in situ :
► caractérisé par des anomalies de la prolifération et de la différenciation cellulaire associées à des anomalies
d'organisation des cellules entre elles, sans franchissement de la membrane basale ( = sans stroma, ni
vascularisation);
► parfois multifocal (cancérogenèse de champ);
► évolutions possibles : régression, stabilité, évolution vers un carcinome invasif.
- Le carcinome invasif:
► défini par le franchissement de la membrane basale et un envahissement du tissu conjonctif sous-jacent;
► la croissance tumorale nécessite une néoangiogenèse;
► la tumeur comporte un composant stromal (vasculaire, mésenchymateux, immunitaire).

► 30 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE UE 9 - ITEM 288


UE9 ltem288
...... ___________

1.1.3. Dissémination des cellules tumorales


• Invasion loco-régionale
- invasion des tissus adjacents par contiguïté ;
- invasion des vaisseaux sanguins et lymphatiques ;
- envahissement des gaines nerveuses.
• Dissémination et formation de métastases
- dissémination par voie lymphatique (ganglion sentinelle) ;
- dissémination par voie sanguine ;
- dissémination intra-canalaire (voies excrétrices urinaires), intra-cavitaire (péritoine, plèvre, méninges).

1.1.4. Lésion pré-tumorale et pathologie prédisposante


• Pathologie prédisposante: pathologie associée à un risque accru de développer une lésion cancéreuse ( endo­
brachyoesophage, pathologie inflammatoire telle que maladie inflammatoire chronique intestinale, hémochro­
matose ...) ;
• Lésion pré-cancéreuse: lésion histologique associée à un risque élevé de survenue de cancer (hyperplasie aty­
pique, dysplasie, polype adénomateux colorectal...).

1.2. Biologie des cellules cancéreuses


• Les cellules cancéreuses présentent un ensemble de caractéristiques fonctionnelles, associées de manière variable
(Tableau 1). L'acquisition de ces propriétés est facilitée par l'instabilité génétique des cellules tumorales et l'exis­
tence d'une inflammation tissulaire.

Tableau 1. CARACTÉRISTIQUES DES CELLULES CANCÉREUSES


Principales caractéristiques des cellules cancéreuses, selon la publication d'Hanahan et Weinberg, Cel/, 2011. Selon
ces auteurs, l'existence d'une inflammation tissulaire et d'une instabilité génétique sont considérées comme des
processus favorisant l'acquisition des différentes propriétés des cellules tumorales.

• Auto-suffisance en signaux de prolifération


• Insensibilité aux signaux inhibant la croissance cellulaire
• Echappement à l'apoptose
• Capacité réplicative illimitée
• Capacité d'induire une néoangiogenèse
• Propriétés d'invasion tissulaire locale et de formation de métastases à distance
• Métabolisme énergétique spécifique
• Capacité d'échapper à la réponse immunitaire anti-tumorale

• L'étude de cellules d'origine humaine ou murine, cultivées in vitro, a permis de définir la notion d'immortalisa­
tion cellulaire (cellule capable de proliférer in vitro indéfiniment, du fait de l'absence de sénescence réplicative) et
de transformation cellulaire (cellule immortalisée, ayant perdu l'inhibition de contact, capable de proliférer sans
ancrage et de former des tumeurs chez la souris immunodéficiente).
• La notion de cellule souche tumorale a été établie à partir d'expériences de transplantation de cellules triées
(cellules leucémiques ou cellules issues de tumeurs solides) chez la souris immuno-déficiente. Dans ces modèles,
seules certaines cellules ont la capacité de donner naissance à une tumeur : celles-ci possèdent des propriétés
d'auto-renouvellement, de quiescence, de multiplication et de différenciation. Elles seraient à l'origine de la résis­
tance aux traitements, des rechutes tumorales et des diffusions métastatiques.
• La transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) définit un état transitoire des cellules épithéliales cancéreuses,
au cours duquel ces cellules perdent des caractéristiques épithéliales et acquièrent des caractéristiques phénoty­
piques de cellules mésenchymateuses, propices au développement de métastases.

LJE 9 - ITEM 288 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE 31 ◄


1 .3. Génome tumoral

1.3.1. Génome tumoral


• Les cellules cancéreuses sont porteuses d'anomalies génétiques multiples, accumulées au cours des divisions cel­
lulaires (Figure 2).
• Le taux de mutation est variable selon le type de cancer. Il est très élevé dans les cancers associés à une exposition
carcinogène (ex: cancers du poumon et tabac, cancers cutanés et radiations UV).
• Les mutations qui jouent un rôle dans le développement du cancer sont appelées mutations pilotes / motrices
/ conductrices (driver). Il en existe peu (5-10) dans chaque tumeur. Elles touchent des proto-oncogènes ou des
gènes suppresseurs de tumeur (cf infra).
• Les autres mutations, plus fréquentes, sont le reflet de l'exposition aux substances carcinogènes et/ou de l'insta­
bilité génétique tumorale et ne jouent pas de rôle dans le développement du cancer, elles sont appelées mutations
passagères / accompagnatrices (passenger).

Figure 2. Génome tumoral

1-10 mutations �
Mitoses
motrices

10 000-100000 mutations
passagères +O
Œut Développement Adulte Expansion clonale Tumeur Tumeur Rechute
fécondé Enfance pré-tumorale bénigne/ ln situ invasive

Processus mutagène
intrinsèque
Carcinogènes
environnementaux
Instabilité génétique

Chimie/ ---
radiothérapie

Les mutations sont acquises tout au long de la vie de l'individu, depuis la conception, et dépendent de
l'exposition à des substances carcinogènes environnementales ou liées au mode de vie (alimentation, tabagisme,
profession, etc.), ou aux traitements, y compris le traitement du cancer. La plupart des mutations sont considérées
comme passagères ou accompagnatrices et témoignent de l'exposition à des substances mutagènes et/
ou de défauts de détection et de réparation des dommages à l'ADN. Seuls quelques événements génétiques
(mutations, réarrangements chromosomiques, amplifications ou délétions géniques) jouent un rôle moteur
dans le développement de la tumeur. À titre d'illustration, le noyau d'une cellule où s'accumulent des altérations
génétiques au fur et à mesure des divisions cellulaires, les évènements génétiques« pilotes / moteurs» sont figurés
par des éclairs, les évènements passagers par des étoiles ou des ronds, la couleur du symbole correspondant au
processus mutagène indiqué en bas de la figure.

1.3.2. Oncogène, gène suppresseur de tumeur


• Oncogène : forme « activée » d'un gène (gain de fonction) qui code pour des protéines induisant la proliféra­
tion et/ou la survie cellulaire (par extension: favorise le processus oncogénique) :
- l'activation peut être quantitative (surexpression due à une amplification, une translocation ou à d'autres
mécanismes ...) ou qualitative (mutation faux sens, micro-délétion ou insertion conservant le cadre de lecture,

► 32 (ANCtROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE LJE 9 - ITEM 288


UE9 Item 288
........ __________ _

translocation avec fusion de gènes différents);


- le gène normal (non activé) correspondant est appelé proto-oncogène;
- 1 allèle activé suffit (effet dominant au niveau du phénotype cellulaire);
- l'oncogène peut être codé par un génome viral ayant infecté la cellule;
- les proto-oncogènes codent des protéines impliquées dans les signaux de prolifération et de survie cellulaire
(facteurs de croissance et leurs récepteurs, protéines de la signalisation intracellulaire, facteurs de transcription,
etc.).
• Gène suppresseur de tumeur : gène dont la perte de fonction favorise la prolifération et/ou la survie cellulaire
(par extension: favorise le processus oncogénique):
- l'inactivation peut être due à une délétion totale ou partielle du gène, à une méthylation du promoteur du
gène conduisant àune perte d'expression du gène, àune mutation (mutation non-sens, décalage du cadre de
lecture);
- l'inactivation est généralement bi-allélique;
- les gènes suppresseurs de tumeurs codent des protéines contrôlant la prolifération et la survie cellulaire
(RBl codant pour la protéine du rétinoblastome, TP53, PTEN, etc..) et la différenciation (APC) ou pour des
protéines contrôlant la stabilité du génome (gènes impliqués dans les processus de réparation des dommages
àl'ADN);
- la plupart des syndromes de prédisposition génétique au cancer impliquent des gènes suppresseurs de
tumeur: un allèle est inactivé au niveau germinal (dans toutes les cellules de l'individu), le deuxième allèle est
inactivé dans les cellules tumorales.

1.4. Hétérogénéité tumorale


• Les études de séquençage de haut débit du génome tumoral ont montré qu'il existe des variations spatio-tempo­
relles du génome tumoral. En effet, ce génome subit des variations (mutations, gains et pertes de segments chro­
mosomiques, réarrangements intra ou inter-chromosomiques) au cours des divisions cellulaires, dans la tumeur
primitive et dans les différentes localisations secondaires, donnant naissance à des sous-clones génétiquement
hétérogènes (Figure 3).
• Cette hétérogénéité est plus ou moins marquée selon le type de cancer.

Figure 3. Hétérogénéité génétique tumorale

Cellule
normale

Les événements génétiques (mutations, réarrangements chromosomiques, amplifications ou délétions géniques)


s'accumulent dans les cellules tumorales au fur et à mesure des divisions. Les sous-clones produits peuvent avoir
des génotypes partiellement différents, et évoluent pour leur compte, contribuant de manière variable à la
masse tumorale dans ses différentes localisations. Certains sous-clones pourront être sélectionnés sous l'effet des
traitements. Les différentes couleurs représentent les différents sous-clones issus des altérations successives du
génome tumoral.
LJE 9 - ITEM 288 1 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE 33 ◄
2. Oncogénétique constitutionnelle
et génétique moléculaire des cancers
• L'oncogénétique constitutionnelle concerne les altérations génétiques héréditaires:« germinales» ou« constitu­
tionnelles», qui peuvent être mises en évidence dans les cellules normales de l'individu. La génétique moléculaire
des cancers ou génétique somatique concerne les altérations génétiques acquises des cellules tumorales.

2.1. Oncogénétique ou génétique constitutionnelle du cancer

2.1.1. Définitions (forme familiale, syndrome de prédisposition génétique)


• La plupart des cancers surviennent de manière sporadique, et résultent essentiellement de l'exposition aux fac­
teurs carcinogènes liés à l'environnement ou au mode de vie.
• Dans environ 10 à 20 % des cancers, on peut mettre en évidence une agrégation familiale de cas de cancers, témoi­
gnant de facteurs génétiques favorisant le développement de tumeurs : on parle de formes familiales.
• Parmi ces formes familiales, on distingue les syndromes de prédisposition génétique aux cancers, dus à la pré­
sence d'une mutation germinale (constitutionnelle) identifiée qui augmente fortement le risque de cancer(s) au
cours de la vie de l'individu. Ils représentent environ 5 à 10 % des cas de cancer; ce pourcentage est plus élevé
lorsque le diagnostic de cancer est porté avant l'âge de 40 ans.

2.1.2. Consultations d'oncogénétique (organisation, réglementation)


• En cas de suspicion de forme familiale et/ou de syndrome génétique de prédisposition au cancer, une consultation
d'oncogénétique spécialisée doit être proposée au patient. Au cours de cette consultation, le risque de syndrome
génétique spécifique sera évalué, et un test génétique constitutionnel pour identifier le gène impliqué et la muta­
tion causale pourra éventuellement être proposé au patient (appelé« cas index») dans le respect de la confiden­
tialité des données génétiques; cette approche est encadrée de façon très stricte par les lois de Bioéthique.
• Ce test ne peut être réalisé qu'avec un consentement signé du patient, dans un laboratoire agréé et sous réserve
qu'il accepte au préalable d'informer sa parentèle en cas de mutation identifiée. Le test sera généralement réalisé
sur l'ADN isolé des cellules normales, en règle les leucocytes circulants (ADN germinal) ; le prélèvement de
contrôle, obligatoire, peut être un frottis jugal.
• L'identification de la mutation germinale chez le cas index permet dans un second temps de proposer aux appa­
rentés asymptomatiques un « test prédictif» afin de déterminer s'ils sont porteurs de cette caractéristique géné­
tique. Un suivi individuel adapté aux risques est alors proposé aux sujets porteurs de la caractéristique génétique
identifiée.
• En cas de forme familiale avérée et en absence de« mutation» identifiée chez le cas index, aucun test prédictif n'est
disponible. Une surveillance clinique / radiologique appropriée sera alors proposée à l'ensemble des individus
conformément aux recommandations HAS.

2.1.3. Syndromes de prédisposition génétique aux cancers du sein/ ovaire


• 5 à 10 % des cancers du sein surviennent dans le contexte d'un syndrome de prédisposition génétique au cancer
dû à des mutations des gènes BRCAl ou BRCA2, transmis de manière autosomique dominante. Pour chacun de
ces gènes, les mutations sont présentes à une fréquence de 1/500 individus en moyenne dans la population.
• Les gènes BRCAl (chromosome 17), et BRCA2 (chromosome 13), codent des protéines impliquées dans la répa­
ration des cassures double brin de l'ADN par recombinaison homologue.
• Ces mutations augmentent le risque de développer (sans dépasser 70 % de risque cumulé sur la vie) :
- un cancer du sein (à un âge précoce et/ou multifocal);
- un deuxième cancer sur le sein controlatéral;
- un cancer de l'ovaire (essentiellement après 40 ans).

► 34 (ANCÉROGÉNtSE, ONCOGÉNÉTIQUE LJE 9 - ITEM 288


• UE9 ltem288
.. .. .... __________

• Pour BRCA2 : augmentation du risque relatif de cancer du sein et de la prostate chez l'homme; augmentation du
risque de cancer du pancréas et mélanome.
• Différents éléments doivent conduire à recherther ce syndrome (Tableau 2)

Tableau 2. ÉLÉMENTS D'ORIENTATION DEVANT FAIRE SUSPECTER


UN SYNDROME HÉRÉDITAIRE DE CANCER DU SEIN ET DE L'OVAIRE (BRCA).
Selon les recommandations de l'INCa, 2013.
�- -- - - - - - - -- - -

• Présence de plusieurs cas de cancers du sein dans une même famille


- Même branche (paternelle ou maternelle)
• Précocité de survenue du cancer du sein
- 40 ans ou moins
• Diagnostic d'un second cancer sur le sein controlatéral et/ou cancer multifocal
• Présence d'un cancer de l'ovaire
• Survenue d'un cancer du sein chez l'homme

Le score lnserm dit« score d'Eisinger » est un score familial d'analyse de l'arbre généalogique dans une seule branche
parentale à la fois, basé sur l'âge de diagnostic, la présence de cancer du sein chez l'homme, de cancer de l'ovaire. Il permet
de graduer le risque de prédisposition génétique, et de guider ainsi l'indication à la consultation d'oncogénétique et à la
réalisation d'un test génétique.

• Le diagnostic de syndrome BRCA implique une surveillance clinique et radiologique spécifique. Cette surveil­
lance comporte :
- un examen clinique bisannuel des seins dès l'âge de 20 ans par un médecin référent;
- une imagerie mammaire annuelle dès l'âge de 30 ans par IRM (jusqu'à l'âge de 65 ans) complétée par une
mammographie numérisée plein champ, incidence unique oblique externe ± échographie;
- une surveillance gynécologique annuelle dès l'âge de 35 ans, avec au moindre doute échographie pelvienne et
endovaginale dont la fiabilité reste médiocre; ainsi dès 40-41 ans pour BRCAl et 45-47 ans pour BRCA2, une
annexectomie bilatérale est préconisée, à titre préventif.
• Des mutations d'autres gènes, plus rares, prédisposent également au cancer du sein (PALB2, TP53, PTEN,
CDHl...) ou au cancer de l'ovaire (par exemple: syndrome de Lynch).
• Outre les conséquences en termes de dépistage / prévention, la connaissance du statut génétique BRCA a des
implications thérapeutiques : la prescription de traitement anti-PARP est aujourd'hui conditionnée à la présence
d'une mutation (germinale ou somatique) de ces gènes (cf 2.2.3). Ces nouvelles données ont conduit l'INCa à
recommander une consultation d'oncogénétique chez les patientes présentant un cancer de l'ovaire diagnostiqué
avant 70 ans. Il est intéressant de noter la sensibilité particulière des tumeurs mutées sur BRCAl/2 à la chimio­
thérapie et à l'immunothérapie.
• De manière plus générale, le décret intervenu le 1er septembre 2016 met en place l'exonération du ticket modéra­
teur pour les examens annuels d'imagerie chez les femmes à risque élevé de cancer du sein (avec ou sans mutation
identifiée).

2.1.4. Syndromes de prédisposition aux cancers co/orectaux

Environ 5 % des cancers colorectaux surviennent dans le contexte d'un syndrome de prédisposition génétique
au cancer.

2.1.4.1. Le syndrome de Lynch


• Ce syndrome est dû à une mutation germinale d'un des gènes impliqués dans la reconnaissance et la réparation
des mésappariements de !'ADN (Mismatch Repair ou MMR): MLHl, MSH2, MSH6, PMS2. Il est transmis de
manière autosomique dominante.

LJE 9 - ITEM 288 (ANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE 35 ◄


• Il augmente fortement le risque de développer :
1. un cancer colorectal (risque cumulé d'environ 25 à 50 %), un cancer de l'endomètre (risque cumulé entre 30 et
40 %), des voies excrétrices urinaires, de l'intestin grêle (spectre étroit, risque élevé) ;
mais aussi:
2. un cancer de l'estomac, des voies biliaires, des ovaires (spectre large, risque modéré).
• Les cancers développés dans le cadre d'un syndrome de Lynch sont caractérisés par un défaut du système de
réparation des mésappariements (inactivation biallélique du gène MMR), se traduisant par une instabilité des
séquences microsatellites (phénotype MSI ou dMMR), mis en évidence par analyse en biologie moléculaire et
par une perte d'expression de la protéine issue du gène muté, détectée par analyse immunohistochimique.
• Le phénotype tumoral MSI ou dMMR n'est pas spécifique du syndrome de Lynch : l'inactivation du système
MMR dans les tumeurs peut provenir d'une inactivation somatique de MLHl, due à une hyp erméthylation du
promoteur, et s'observe dans des cancers sporadiques (15% des cancers calo-rectaux, 35 % des cancers de l'endo­
mètre).
• Afin de dépister le syndrome de Lynch, il est recommandé de rechercher une instabilité des séquences microsa­
tellites et/ou une perte d'expression des protéines MMR dans les cancers colorectaux répondant à certains critères
(Tableau 3). Le caractère sporadique du statut MSI / dMMR est généralement établi par la présence d'une méthy­
lation du promoteur de MLHl.

• Les cancers métastatiques ayant un phénotype MSI ou dMMR sont susceptibles de bénéficier d'une immunothé­
rapie anti-PDl.

Tableau 3. ÉLÉMENTS D'ORIENTATION DEVANT FAIRE SUSPECTER UN SYNDROME- DE LYNCH--- -- ----


- -- - - - --- - - --- ---- - -�- --� -- --------- -- - - - - --�--- -- - -- - -
Les éléments listés doivent conduire à la prescription d'un test de recherche d'instabilité microsatellite et/ou de l'analyse
de l'expression des protéines du système Mismatch Repairdans la tumeur et à orienter le patient vers une consultation
d'oncogénétique si le résultat est positif (tumeur MSI ou dMMR, sans méthylation du promoteur de MLH1).

• Cancer colorectal < 60 ans


• Cancers multiples (synchrones ou métachrones) du spectre du syndrome de Lynch chez un même patient
• Cancer colorectal + antécédents familiaux de cancer(s) du spectre du syndrome de Lynch (au moins un apparenté au
premier degré< 50 ans ou deux apparentés, au premier ou second degré, quels que soient les âges)

• En cas de statut MSI ou dMMR non sporadique, une consultation oncogénétique est requise pour recherche
d'un syndrome de Lynch par identification de mutation constitutionnelle de gènes MMR.
• Le diagnostic de syndrome de Lynch implique une surveillance clinique et endoscopique spécifique. Cette sur­
veillance comporte
- une coloscopie avec coloration (chromoscopie) à l'indigo-carmin tous les 2 ans (sous couvert d'une très
bonne préparation colique et sans excéder cet intervalle), dès l'âge de 20-25 ans. La colectomie prophylactique
systématique n'est pas préconisée.
- un examen de l'utérus par échographie endo-vaginale tous les 2 ans, dès l'âge de 30-35 ans, avec prélèvement
endométrial préconisé ; compte-tenu de son efficacité, l'hystéroscopie souple avec biopsies ciblées tend
à s'imposer. L'indication d'une hystérectomie et annexectomie prophylactique est une option à évoquer et
discuter après accomplissement du projet parental.

2.1.4.2. Polypose adénomateuse familiale (PAF)


• Due à une mutation germinale du gène APC, transmise de manière autosomique dominante, beaucoup plus rare
que le syndrome de Lynch.
• Elle augmente fortement le risque de développer des polypes adénomateux colorectaux (> 100 dans la forme
classique), et donc de développer un cancer avant l'âge de 40 ans. Il existe aussi des adénomes duodénaux à risque
de dégénérescence et d'autres pathologies bénignes.

► 36 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE I LJE 9 - ITEM 288


:
UE9 Item 288
........ __________

• Le diagnostic de PAF implique une surveillance par coloscopie annuelle à partir de la puberté, une surveillance
digestive haute: duodénoscopie avec biopsie de la papille tous les ans à tous les 2 ans et, dans les formes typiques,
une colectomie (voire colo-proctectomie) prophylactique dès l'âge de 18-20 ans.

2.1.4.3. Autres syndromes


• Il existe d'autre syndromes de prédisposition génétique à la survenue de polyp es adénomateux et de cancers colo­
rectaux, avec des gènes identifiés (MUTYH, POLE, etc.) ou non (polyp ose festonnée, cancer familial de type X ...).

2.1.5. Transposition des données du séquençage à haut débit (NGS) au niveau


constitutionnel en recommandations de prise en charge clinique, individuelle et familiale
• Avec l'avènement des techniques de séquençage à haut débit et leur généralisation, la mise en œuvre de tests
constitutionnels couvrant un éventail de multiples gènes susceptibles d'intervenir dans la prédisposition hérédi­
taire au cancer est devenue réalité.
• Le Groupe Génétique et Cancer d'UNICANCER a pris l'initiative de constituer des groupes de travail afin de
répondre à la question d'utilité clinique des tests en panel multigènes. Ces expertises sont organisées par catégorie
de systèmes touchés. Pour exemple, les recommandations portent sur le bon usage des panels relatifs au tube
digestif (publication en préparation); et aux cancers du sein/ovaire, avec publication récente: « Recommandation
française pour l'analyse en panel de gènes dans le cadre de la prédisposition héréditaire au cancer du sein ou de
l'ovaire - Quels gènes analyser?Pour quelle utilité clinique?».
• La cohorte de patient(e)s concernée pour les cancers du sein/ovaire fait l'objet d'un travail de recherche clinique:
protocole national TUMOSPEC en collaboration avec le GGC.

2.2. Génétique moléculaire des cancers

2.2.1. Définitions (type d'anomalies recherchées, tests utilisés)


• Les mutations « motrices » observées dans les cellules tumorales sont le plus souvent des mutations acquises: on
parle ici de génétique somatique par opposition à la génétique constitutionnelle. Ces mutations peuvent avoir
un intérêt diagnostique (pour préciser un typ e histologique, par exemple dans les sarcomes, les lymphomes, les
gliomes ...), pronostique, ou théranostique, c'est-à-dire permettant de prédire la réponse à un traitement.
• Les principales anomalies génétiques observées dans les cellules cancéreuses sont les suivantes :
- amplification génique : augmentation du nombre de copies d'un gène, pouvant conduire à sa surexpression.
L'amplification d'un gène peut être détectée par des techniques de biologie moléculaire (hybridation sur
puce, PCR quantitative, séquençage nouvelle génération - NGS .. .), par des analyses de cytogénétique
moléculaire (hybridation in situ avec des sondes fluorescentes ou chromogéniques, sur noyau interphasique
ou métaphasique; - FISH, SISH, CISH..), par ses conséquences au niveau protéique (immunohistochimie);
- délétion génique : perte de 1 ou des 2 copies d'un gène. La délétion d'un gène peut être détectée par des
techniques de biologie moléculaire (hybridation sur puce, PCR quantitative, séquençage nouvelle génération
- NGS ...), par des analyses de cytogénétique moléculaire (hybridation in situ avec des sondes fluorescentes
ou chromogéniques, sur noyau interphasique ou métaphasique), par ses conséquences au niveau protéique
(immunohistochimie);
- translocation / réarrangement chromosomique : fusion de deux segments de chromosomes normalement
non contigus, originaire du même chromosome ou de deux chromosomes différents. Ce typ e d'anomalie
aboutit à la surexpression de certaines protéines (translocation impliquant les gènes des Ig ou des TCR, par
exemple), et/ou à la production de protéines de fusion chimériques (protéine oncogénique BCR-ABL dans
le cas de la translocation t(9;22) caractéristique des leucémies myéloïdes chroniques, par exemple). Ces
réarrangements peuvent être détectés par des techniques de biologie moléculaire (RT-PCR quantitative ...),
par des analyses de cytogénétique moléculaire (hybridation in situ avec des sondes fluorescentes), et dépistés
par leurs conséquences au niveau protéique (immunohistochimie);

LJE 9 - ITEM 288 1 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE 37 ◄


- mutations: modification de la séquence nucléotidique, concernant un seul nucléotide ou un nombre limité de
nucléotides (petites insertions ou délétions, respectant ou non le cadre de lecture). Ces variations nucléotidiques
peuvent ne pas entraîner de modification protéique (mutation synonyme), induire un changement de la
séquence protéique (mutation faux sens, insertion/ délétion en phase), aboutir à la production d'une protéine
tronquée (mutation non sens : création d'un codon stop, insertion / délétion ne respectant pas le cadre de
lecture, mutation touchant un site d'épissage). Elles peuvent donc aboutir à un gain de fonction (mutation
activatrice) ou une perte de fonction (mutation inactivatrice). Une mutation peut être détectée par des
techniques de biologie moléculaire (séquençage, différentes techniques de PCR ...), ou par ses conséquences au
niveau protéique (immunohistochimie).

2.2.2. Plateformes de Génétique moléculaire des cancers (organisation)


• L'Institut National du Cancer a labellisé des plateformes régionales de génétique des tumeurs, qui peuvent
comporter plusieurs laboratoires, et qui ont pour mission de réaliser les tests de génétique somatique nécessaires à
la prise en charge des patients sur l'ensemble du territoire, quel que soit l'établissement de soin (égalité d'accès aux
soins), dans un délai et avec une qualité technique compatibles avec la prise en charge médicale. Ces plateformes
travaillent en réseau et participent à des contrôles de qualité annuels.
• Les techniques de séquençage massif parallèle, également appelé séquençage« de nouvelle génération» (NGS),
sont en train de remplacer les techniques de biologie moléculaire classiques dans les laboratoires. Ces techniques
permettent de séquencer simultanément un ensemble de gènes, partiellement ou en totalité, de détecter des muta­
tions ponctuelles ou des anomalies du nombre de copies. Elles permettent également de séquencer l'ensemble des
ARN (RNA-Seq), l'ensemble des exons (exome), ou l'ensemble du génome. L'application de ces techniques de
haut ou très haut débit à la prise en charge des patients atteints de cancer est en cours d'évaluation dans le cadre
de RCP (Réunions de Concertation Pluridisciplinaires) dites« moléculaires».

2.2.3. Principales applications dans les tumeurs solides


• Le Tableau ci-dessous (Tableau 4) résume les principaux tests de génétique somatique réalisés en 2019. Sont
indiqués les tests indispensables à la prise en charge des patients, mais également les tests innovants susceptibles
d'être associés à une AMM conditionnée dans les prochaines années. Certains tests préconisés n'ont pas d'impact
théranostique direct (ex: KRAS dans les adénocarcinomes du poumon, NRAS dans les mélanomes ...), mais ils
indiquent la voie oncogénique motrice et excluent la présence d'une autre altération pouvant être ciblée.
- - -- -- - - ----
-

Tableau 4. PRINCIPAUX TESTS DE GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE (GÉNÉTIQUE SOMATIQUE) DES TUMEURS EN 2019.
mAb : anticorps monoclonal, TKI: inhibiteur de tyrosine kinase, ADK: adénocarcinome.
ISH: hybridation in situ. FISH: hybridation in situ fluorescente. IHC: immunohistochimie
Tests réalisés à visée diagnostique et pronostique
Cancer Contexte clinique Test Intérêt
Cancer colo-rectal < 60 ans, contexte Recherche d'instabilité microsatellite Test d'orientation
personnel ou familial syndrome de Lynch
Sarcomes Diagnostic Recherche des anomalies Classification moléculaire
moléculaires spécifiques (transcrits des sarcomes
de fusion, amplification génique)

Glioblastomes Traitement Recherche des anomalies Classification histo-moléculaires


systémique moléculaires spécifiques (mutation des glioblastomes
IDH1/IDH2, co-délétion 1p-19q..)

► 38 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE UE 9 - ITEM 288


UE9 Item 288
........ __________

Tests réalisés à visée théranostique


GIST: tumeur stromale gastro-intestinale. TKI: inhibiteur de tyrosine kinase, mAb: anticorps monoclonal, BM: biologie moléculaire.
Cancer Contexte clinique Test Technique Prescription
Sein Diagnostic Amplification et/ou IHC/ISH/BM mAb et TKI anti-HER2
(K invasif) surexpression HER2
(ERBB2)
Mélanome Maladie métastatique Mutation BRAFV6oo BM/IHC Inhibiteur de BRAF
Cancer Maladie métastatique Mutation RAS BM CONTRE-INDICATION
colo-rectal (KRAS, NRAS) mAb anti-EGFR
Adénocarcinome Maladie métastatique Mutation EGFR BM TKI anti-EGFR
du poumon
Adénocarcinome Maladie métastatique Translocation ALK IHC/FISH TKI anti-ALK
du poumon
Adénocarcinome Maladie métastatique Translocation ROS1 IHC/FISH TKI anti-ROS1
du poumon
Adénocarcinome Maladie métastatique Mutation BRAFV6oo BM Inhibiteur de BRAF
du poumon
Estomac Maladie métastatique Amplification et/ou IHC/ISH/BM mAb et TKI anti-HER2
surexpression,
HER2 (ERBB2)
Ovaires Maladie localement Mutation BRCA1/2 BM Anti-PARP
avancée ou métastatique germinale ou somatique
Sein Maladie métastatique Mutation BRCA1/2 BM Anti-PARP
germinale ou somatique
GIST Diagnostic Mutation KIT, BM TKI anti-KIT, anti-
(Tumeur à haut risque) PDGFRA PDGFRA
Tout cancer Maladie métastatique Phénotype IHC/BM Immunothérapie (anti-
MSI/dMMR PD1)

Tests Innovants (liste non limitative)

Cancer Contexte clinique Test

Cancer colo-rectal Maladie métastatique Mutation BRAF

Sein Maladie précoce, Signatures moléculaires des cancers du sein luminaux


contexte adjuvant
--------------------------------------- ------------------------------------------------------------------------------------------------------
Maladie métastatique Mutation ESR1 de résistance aux inhibiteurs d'aromatase

Adénocarcinome Maladie métastatique Mutation HER2 (ERBB2)


du poumon Amplification, mutation MET

Mélanome Maladie métastatique Mutation KIT

Cancer colo-rectal Maladie métastatique Amplification ERBB2

Glioblastomes Traitement systémique Méthylation MGMT

• Il est actuellement possible de rechercher les anomalies génétiques tumorales au niveau de !'ADN plasmatique.
La quantité d'ADN tumoral circulant dans le plasma varie selon le type de cancer et elle est d'autant plus élevée
que la maladie est à un stade élevé. L'analyse de !'ADN tumoral circulant est actuellement recommandée au dia­
gnostic pour les adénocarcinomes du poumon métastatiques en absence de matériel tissulaire informatif, ou lors
de la progression sous traitement ciblé anti-EGFR. Les autres utilisations possibles de l'analyse de !'ADN tumoral
circulant (marqueur pronostique, suivi de la maladie résiduelle, recherche de mutations de résistance aux traite­
ments administrés) dans les différents cancers sont en cours d'évaluation.

LJE 9 - ITEM 288 (ANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE 39 ◄


3. Cancers professionnels

3. 1. Définitions, généralités
• Les cancers professionnels correspondent à des cancers primitifs de divers organes, qui résultent d'une exposition
professionnelle à certains produits ou procédés du milieu de travail. Sur le plan épidémiologique, des fractions de
risque attribuable ont été calculées pour divers sites de cancer, et permettent d'estimer la fraction de l'ensemble
des cancers qui ne serait pas survenue en l'absence des expositions professionnelles. Ainsi Santé Publique France
(auparavant : Institut de Veille Sanitaire) estime que 4 à 8,5 % des cancers sont d'origine professionnelle (soit
15 000 à 30 000 nouveaux cas par an actuellement). Des estimations plus récentes effectuées par le Centre interna­
tional de recherche sur le cancer ont rapporté des fractions de risque attribuable un peu plus faibles.
• La fraction de risque attribuable aux facteurs de risque professionnels varie largement d'un site de cancer à un
autre. Des estimations récentes rapportent ainsi des valeurs de 19,3 % chez l'homme et 2,6 % chez la femme pour
le poumon, 32,9 % chez l'homme et 7,9 % chez la femme pour la cavité nasale, 83,1 % chez l'homme et 2,6 % chez
la femme pour le mésothéliome. Elle est très généralement plus élevée chez les hommes que chez les femmes,
reflétant des expositions professionnelles antérieures nettement plus fréquentes chez les hommes.
• Sur le plan médico-administratif, certains cancers peuvent faire l'objet d'une reconnaissance en maladie profes­
sionnelle donnant droit à réparation lorsque les patients ont été exposés au cours d'une période d'activité salariée
(reconnaissance avec application d'un principe de présomption d'imputabilité pour certains agents étiologiques
lorsqu'il existe un tableau spécifique; mais une reconnaissance est également possible en cas d'exposition anté­
rieure à des cancérogènes certains non mentionnés dans les tableaux, après passage devant un Comité régional de
reconnaissance des maladies professionnelles, sans application de la présomption d'imputabilité).
• Il est actuellement connu que les statistiques annuelles des cas reconnus en maladie professionnelle (environ
2 000 cas par an) sous-estiment largement le nombre réel des cas de cancers professionnels (cela résultant de
multiples facteurs intriqués, notamment : absence d'identification des expositions antérieures, sous-déclaration
par les patients, refus de reconnaissance lié à l'absence de confirmation de l'exposition par la Sécurité sociale, en
particulier en cas d'exposition très ancienne survenue plusieurs dizaines d'années auparavant).

3.2. Principaux facteurs de risque


• Les principaux facteurs de risque sont résumés dans le Tableau 5.
• Les cancers professionnels touchent préférentiellement les hommes, en particulier les ouvriers.
• Des études menées par le Ministère du Travail (étude SUMER: surveillance médicale des risques) ont permis
d'établir qu'en 2010 près de 10 % des salariés (soit environ 2,2 millions) avaient une exposition professionnelle
à un agent cancérogène chimique certain (groupe 1) ou probable (groupe 2A) défini par le Centre international
de recherche sur le cancer. Les principaux secteurs d'activités où les personnels sont le plus fréquemment expo­
sés sont les activités de maintenance, le secteur de la construction-BTP, la mécanique-travail des métaux, le
secteur des matériaux souples-bois-industries graphiques, et l'artisanat. Des estimations de prévalence d'expo­
sition cumulée vie entière ont été réalisées par Santé Publique France, aboutissant à la conclusion que 20 à 25 %
des hommes de plus de 60 ans ont eu au moins un emploi exposé à l'amiante au cours de leur carrière.

En France, actuellement, l'immense majorité des cancers indemnisés chaque année par le régime général
de la Sécurité sociale sont les cancers broncho-pulmonaires et les mésothéliomes pleuraux liés à des
expositions antérieures à l'amiante.

► 40 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE I LJE 9 - ITEM 288


', UE9 Item 288
...... .. ....................

Tableau 5. PRINCIPAUX FACTEURS DE RISQUE DE CANCERS PROFESSIONNELS


(Cl RC: Centre international de recherche sur le cancer. HAP: hydrocarbures aromatiques polycycliques.
- - -
UV: Ultra-violets)
--- --

Exemples d'autres agents ou situations


Principaux facteurs de risque professionnels identifiés, d'expositions professionnelles « hors
Types/Sites de cancers
faisant l'objet de tableaux de maladie professionnelle tableaux » mais cancérogènes certains
selon le CIRC
Cancers • amiante (nombreuses situations d'exposition • béryllium
du poumon antérieures, notamment dans les métiers du • fumées de gaz d'échappement
bâtiment) de moteurs diesel
• gaz et poussières radioactives (radon) (travaux • fumées de soudage
au fond des mines de fer)
• certains métaux: arsenic, cadmium, certains
dérivés du chrome et du nickel, cobalt associé
au carbure de tungstène (industrie des métaux
durs)
• silice cristalline (en cas de silicose)
• goudron de houille, brais de houille, suies (HAPJ
• bischlorométhyléther,
chlorométhylméthyléther (rare++)

Mésothéliomes • amiante (nombreuses situations d'exposition


(plèvre, péritoine, antérieures, notamment dans les métiers du
péricarde) bâtiment)

Cancers de la • certaines amines aromatiques (expositions


vessie et des voies anciennes :
excrétrices supé­ 4-aminobiphényl, benzidine et dérivés,
rieures
2naphtylamine; orthotoluidine ....; MBOCA;
concerne la synthèse des colorants, encres,
peintures, industrie textile, imprimerie, industrie
du cuir et papetière, caoutchouc)

• certains travaux exposant à des HAP : production


d'aluminium (ancien procédé Soderberg), travaux
en cokerie, ramonage-entretien de chaudières/
chauffages au charbon, goudrons routiers (avant
1985)

Cancers naso­ • poussières de bois • poussières de cuir


sinusiens • certains dérivés du nickel,
• certains dérivés du chrome

Cancer du naso­ • formaldéhyde • poussières de bois


pharynx

Leucémies • radiations ionisantes (radiologues, radiographies


industrielles, utilisation de radioéléments)
• benzène (uniquement leucémies aiguës
myé/ob/astiques et lymphob/astiques)
• butadiène (leucémies myéloïdes chroniques,
industrie des caoutchoucs synthétiques, gaz de
pétrole liquéfié /GPL)

Cancers cutanés • arsenic, HAP (goudrons, brais de houille, huiles • irradiation solaire (UV)
minérales peu raffinées, huiles de moteur • rayons X ou gamma
usagées, suies de combustion)

UE 9 - ITEM 288 1 (ANCÉROGÉNtSE, ONCOGÉNÉTIQUE 41 ◄


3.3. Principes du dépistage
• La priorité des actions à entreprendre vis-à-vis des cancers professionnels est la prévention de ces cancers en
milieu de travail. Afin de renforcer la prévention des cancers professionnels, un ensemble de mesures ont été
prises dans le cadre des Plans cancers 2009-2013, puis 2014-2019.
• Ces mesures consistent à :
- améliorer le recensement des cancers d'origine professionnelle ;
- effectuer des campagnes de contrôles renforcés de l'application des réglementations auprès de toutes les
entreprises en ciblant sur les cancérogènes les plus utilisés ;
- élaborer, à l'attention des médecins du travail et des médecins traitants, des recommandations de bonnes
pratiques pour améliorer la surveillance médicale des travailleurs exposés à des agents CMR (cancérogènes
- mutagènes - « reprotoxiques »)
- expérimenter et évaluer l'intérêt de la mise en place de consultations spécifiques «cancer professionnel» pour
améliorer le diagnostic des étiologies et la déclaration des cancers professionnels.
• L'accent doit être prioritairement mis sur la prévention primaire, avec un repérage et une maîtrise des situa­
tions d'exposition potentielle aux cancérogènes sur le lieu de travail. Les employeurs ont l'obligation d'évaluer
les risques (exposition aux substances CMR), de limiter au maximum cette exposition par la mise en œuvre de
moyens de protection collectifs (substitution si possible, système clos, sinon captage à la source), de mettre en
œuvre les moyens de protection individuels adaptés, d'en informer les salariés et de mettre en œuvre une surveil­
lance médicale renforcée des sujets exposés.
• Sur le plan de la surveillance médicale, il convient de s'assurer que les travailleurs sont informés et portent le
cas échéant des équipements de protection adaptés. Les dossiers médicaux doivent être conservés 50 ans. Une
surveillance post-exposition (c'est-à-dire pendant que le sujet est encore en activité), assurée par le médecin du
travail, et une surveillance post-professionnelle (après la cessation d'activité, en particulier à la retraite), assurée
par le médecin traitant, sont proposées aux personnes antérieurement exposées. Il existe actuellement un nombre
limité de recommandations de bonnes pratiques proposées par les Sociétés savantes concernées et validées par
la Haute Autorité de Santé, sur les examens à mettre en œuvre après exposition à certains agents cancérogènes
- pour les poussières de bois, il est recommandé de proposer un examen ORL et une naso-fibroscopie tous les
2 ans, à partir d'un délai de 30 ans après le début de l'exposition lorsque l'exposition cumulée a duré au moins
1 an.
- pour les groupes professionnels associés à un risque très élevé de cancer de vessie, il est proposé de réaliser
une cytologie urinaire semestrielle, à partir d'un délai de 20 ans après le début de l'exposition.
- une réflexion est en cours sur le dépistage qu'il convient de proposer chez les sujets ayant eu une exposition
antérieure à des cancérogènes pulmonaires professionnels (incluant l'amiante, qui est à l'origine du plus
grand nombre des cancers professionnels). La surveillance qui a été préconisée par la Commission d'audition
ad hoc réunie par la Haute Autorité de Santé en 2010, pour les sujets antérieurement exposés à l'amiante, visait
en effet exclusivement le dépistage des affections bénignes (asbestose et fibrose pleurale, notamment plaques
pleurales) et était inadaptée au dépistage des affections malignes. La recommandation de bonne pratique
récente concernant la « surveillance médico-professionnelle des travailleurs exposés ou ayant été exposés à
des agents cancérogènes pulmonaires », labellisée fin 2015 par la Haute Autorité de Santé et l'Institut National
du Cancer, préconise qu'une expérimentation soit mise en place pour évaluer la faisabilité et l'intérêt d'un
dépistage par examen tomodensitométrique thoracique faiblement dosé, chez des sujets exposés ou ayant été
exposés à des cancérogènes pulmonaires et classés à haut risque de cancer bronchopulmonaire. Il n'est donc
pas préconisé de le réaliser à ce jour en pratique clinique de routine.
• Lorsque le sujet part en retraite, la surveillance post-professionnelle assurée par le médecin choisi par l'assuré
fait l'objet d'une prise en charge spécifique par la Sécurité sociale, dans le cadre de protocoles après accord de la .
Caisse primaire d'assurance maladie, et délivrance de volets de soins spécifiques à l'assuré.

► 42 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE UE 9 - ITEM 288


UE9 Item 288
...............................

► Références

• Anatomie et Cytologie Pathologiques et Cancérologie (Collège Français des Pathologistes)


- http://umvf.univ-nantes.fr/anatomie-pathologique/
• Oncogénétique et Génétique moléculaire des cancers
- http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/L-organisation-de-l-offre-de-soins/Oncogenetique
- http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Les-therapies-ciblees/Les-plateformes-de-genetique-moleculaire-des-cancers
- http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1741170/fr/depistage-du-cancer-du-sein-en-france-identification-des-femmes-a-haut-
risque-et-modalites-de-depistage
- Décret n° 2016-1185 du 30 août 2016 relatif à la participation des assurés pour les frais liés au dépistage spécifique du cancer du
sein en cas de risque élevé
- Marant Micallef C. et al. Cancers in France in 2015 is attributable to occupational exposures. lnt J Hyg Environ Health 2019; 222:22-29
• Cancers professionnels
- http://www.chu-rouen.fr/sfmt/pages/Recommandations.php
- http://www.inrs.fr
- http://www.cancer-environnement.fr/479-Classification-par-loca I isations-cancereuses.ce.aspx
- http://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Reduire-les-risques-de-cancer/Cancers-lies-au-travail
- http://www.invs.sante.fr/pmb/invs/%28id%29/PMB_6053 (cancers professionnels)
- http://www.invs.sante.fr/pmb/invs/%28id%29/PMB_422 (amiante)

POINTS CLÉS

1. Les cellules cancéreuses sont porteuses d'anomalies génétiques multiples.


2. Les mutations acquises (ou somatiques) recommandées à visée diagnostique, pronostique ou
théranostique, doivent être recherchées au diagnostic.
3. Les mutations somatiques« driver » peuvent être ciblées par des thérapeutiques.
4. Les mutations« driver» diffèrent le plus souvent d'un tissu à l'autre.
S. 5 à 10 % des cancers sont liés à un syndrome de prédisposition génétique au cancer.
6. Les cancers liés à un syndrome de prédisposition génétique sont plus fréquents chez les sujets
de moins de 40 ans.
7. La consultation d'oncogénétique et les tests réalisés dans les laboratoires d'oncogénétique
constitutionnelle sont strictement réglementés (Lois de Bioéthique).
8. Les mutations de BRCA 1 /2 prédisposent aux cancers du sein et de l'ovaire.

9. Les mutations des gènes MMR sont responsables du syndrome de Lynch et augmentent forte­
ment le risque de cancer colorectal et de cancer de l'endomètre.
1 O. Environ 4 % des cancers sont d'origine professionnelle.
11. Le nombre de cancers professionnels est sous-évalué.
12. La majorité des cancers professionnels indemnisés en France sont liés à une exposition anté­
rieure à l'amiante.

LJE 9 - ITEM 288 (ANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE 43 ◄


LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. En absence de mutation identifiée prédisposant à un syndrome connu, une surveillance cli­


nique et radiologique doit être proposée aux individus avec une histoire familiale de cancer avé­
rée.
2. Les mutations BRCA2 augmentent le risque de cancer de la prostate.
3. Le phénotype MSI ou dMMR peut être sporadique ou révéler un syndrome de Lynch.
4. La présence de mutations des gènes KRAS ou NRAS contre-indique la prescription des anti­
corps anti-EGFR dans les cancers calo-rectaux.
5. Les mutations EGFR peuvent être recherchées au niveau de l'ADN tumoral circulant (dans le
plasma).
6. L'interrogatoire professionnel à la recherche d'une exposition antérieure à des cancérogènes
professionnels devrait être systématique pour certains sites de cancer (cancer bronchopulmo­
naire, mésothéliome, cancer de vessie, cancer naso-sinusien, leucémie, cancer cutané).
7. Il n'y a pas de stratégie validée pour le dépistage des cancers liés à une exposition à l'amiante.

► 44 CANCÉROGÉNÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE LJE 9 - ITEM 288


UE 9 ltem289
............................. ��· �· � · -·� -

C
HA'""' ►�D_ i_a_g_n_o_ s_t_ic_d_e _s_c_a_n_c_e_r_s _____
Signes d'appel et investigations paracliniques,
caractérisation du stade, pronostic
Dr Benoît Rousseau', Dr Romain Cohen2, Pr Christophe Tournigand3, Pr Thierry André4
2
e1•service d'Oncologie médicale, Hôpital Saint Antoine, AP-HP, Paris,
'"'Service d'Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil

1. Signes d'appel OBJECTIFS iECN


1.1. Clinique ➔ Diagnostic des cancers: signes d'appel et investigations
1.2. Paraclinique paracliniques; caractérisation du stade; pronostic
2. Diagnostic Décrire les principes du raisonnement diagnostique en
2.1. Obtention d'un échantillon de tissu tumoral cancérologie
2.2. Analyse anatomo-cytopathologique - Expliquer les bases des classifications qui ont une
3. Examens paracliniques: bilans d'extension et incidence pronostique
pré-thérapeutique Connaître les principaux marqueurs diagnostiques et
3.1. Bilan d'extension prédictifs des cancers
3.2. Bilan pré-thérapeutique: basé sur le terrain,
la stratégie thérapeutique envisagée, les
complications suspectées
4. Évaluation du pronostic des cancers
4.1. Stadification: notion de TNM, notion de stade et
corrélation avec le pronostic
4.2. Caractéristiques pronostiques cliniques
4.3. Caractéristiques pronostiques anatomo­ Mots clés: Diagnostic anatomo-pathologique -
pathologiques Bilan d'extension - Facteurs pronostiques
4.4. Caractéristiques pronostiques moléculaires et prédictifs - Stratégie thérapeutique
S. Conclusion

• Le cancer est une pathologie fréquente potentiellement grave dont les circonstances de découverte sont le plus
souvent une symptomatologie évocatrice, une découverte fortuite chez un patient exploré pour une autre raison
ou à l'occasion d'un examen de dépistage. La vigilance du médecin face à l'hypothèse néoplasique doit donc être
constante. Une fois le cancer suspecté, des investigations cliniques et paracliniques doivent être organisées, dans
un but diagnostique, pronostique et pré-thérapeutique, l'ensemble de ces explorations étant liées les unes par
rapport aux autres.
• Au cours de ce chapitre, nous aborderons tout d'abord les signes d'appel évocateurs de cancer, puis les éléments
permettant d'affirmer le diagnostic, les bilans d'extension et pré-thérapeutique, et enfin, les éléments permettant
d'évaluer le pronostic.

LJE 9 - ITEM 289 1 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PARAC LINIQUES,... 45 ◄
• Dermatologique: modification de l'aspect de la peau (apparition d'une tâche, modification d'un grain de beauté,
ulcération, surtout si on retrouve les éléments de l'alphabet du mélanome ou règle ABCDE: lésion Asymétrique, à
Bords irréguliers, de Couleur non homogène, de Diamètre en Evolution), ulcération cutanée, douleurs, apparition
de nodules sous-cutanés (nodules de perméation, métastases en transit de mélanome), prurit, flush.
• Hématologique: présence d'adénopathies et leurs caractéristiques (taille, localisation, dureté, caractère fixé, adé­
nopathies douloureuses), signes hémorragiques et notamment purpuriques dans le cadre d'une thrombopénie,
syndrome anémique, splénomégalie.

1. 1.3. Syndromes paranéoplasiques


• Les syndromes paranéoplasiques sont des manifestations systémiques, à distance du cancer, qui ne sont pas
dus à la présence de métastases mais qui sont schématiquement liés à la production tumorale d'une substance
pseudo-hormonale ou à des phénomènes auto-immuns en rapport avec une réaction immunitaire anti-tumorale.
• Les syndromes paranéoplasiques peuvent être regroupés en 2 grandes catégories: endocrinologique (syndrome
sécrétant) et dysimmunitaire (Tableau 1).
• La maladie veineuse thrombo-embolique est le plus fréquent des syndromes paranéoplasiques. Elle est parti­
culièrement fréquente dans les cancers du pancréas et de l'estomac.
• Les syndromes paranéoplasiques liés à une auto-immunité sont rares, mais peuvent être inauguraux de n'im­
porte quel type de cancer et même parfois précéder leur détection clinique, radiologique ou métabolique.
Les syndromes paranéoplasiques liés à un syndrome sécrétant (production anormale d'une substance par la
tumeur et que l'on peut objectiver par des dosages biologiques) sont fréquemment associés aux tumeurs neuro­
endocrines dont les cancers bronchiques à petites cellules ou aux tumeurs endocrines bien différenciées (notam­
ment pancréatiques comme l'insulinome, le gastrinome, tumeur carcinoïde du grêle, cancer thyroïdien comme le
carcinome médullaire, ou surrénalien comme le phéochromocytome).

1.2. Paraclinique

1.2. 1. Biologie
• Les analyses biologiques peuvent amener à suspecter un cancer ou renforcer la suspicion de cancer en cas de
signes cliniques associés:
- signes biologiques liés à un syndrome cachectique et inflammatoire: dénutrition (baisse de l'albumine et de
la préalbumine), élévation de la CRP, et du fibrinogène;
- signes biologiques liés à un syndrome de masse : perturbations de fonctions d'organe, principalement
hématologique, rénale et hépatique, élévation des LDH, hyp ercalcémie (par métastase osseuse), syndrome de
lyse tumorale spontanée biologique;
- signes biologiques liés à un syndrome paranéoplasique : hyp ercalcémie (par sécrétion de PTH-rp),
hyponatrémie (sécrétion inappropriée d'ADH), dosages hormonaux anormaux ou résultats évocateurs d'auto­
immunité.
• Les signes d'appels pourront ainsi être:
- hématologiques : anémie microcytaire ferriprive sur saignement chronique, lymphopénie (de dénutrition
ou liée à un envahissement médullaire), hyperleucocytose et thrombocytémie secondaire à une inflammation
chronique, pancytopénie d'origine centrale par envahissement médullaire, anémie hémolytique mécanique et
thrombopénie dans le cadre d'une microangiopathie thrombotique.
- biochimiques :
► ionogramme sanguin: hyp onatrémie, hypercalcémie, hyperphosphorémie;
► fonction rénale : élévation de la créatininémie (obstacle sur les voies urinaires avec ou sans infection
urinaire, microangiopathie thrombotique, atteinte glomérulaire);

► 48 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES, ••• 1 LJE 9 - ITEM 289
UE9 ltem289

► fonction hépatique : cholestase ictérique ou anictérique, cytolyse, diminution des facteurs de coagulation,
hyp oglycémie en cas d'envahissement hépatique massif ou d'insuffisance hépatocellulaire;
► dans le cas des hémopathies : anomalies quantitative ou qualitative des lignées sanguines comme présence
de myélémie, de blastes, anémie, neutropénie, lymphopénie, thrombopénie centrale (aplasie), polyglobulie
(maladie de Vaquez), thrombocytémie, hyp erlymphocytose, hyp erleucocytose;
► autres : élévation des LDH en rapport avec un index de prolifération élevé (lymphome, etc.), élévation
de la CRP, hyp oalbuminémie, diminution de la pré-albumine (transthyrétine), apparition d'un diabète
(envahissement pancréatique), inhibition de la production d'insuline ou hyp erproduction de gastrine ou
cortisol, présence de sang dans les selles (test immunologique de dépistage du cancer colorectal).
- les marqueurs tumoraux :

Le dosage des marqueurs tumoraux permet d'identifier dans le sang, les urines ou certains tissus de l'orga­
nisme, différentes substances pouvant indiquer la présence d'un cancer. Cet examen peut s'avérer utile à
différentes étapes de la prise en charge: du diagnostic du cancer à l'évaluation de l'efficacité du traitement,
ou encore lors du suivi des patients. Certains marqueurs tumoraux sont spécifiques d'un seul type de cancer,
alors que d'autres sont associés à plusieurs types différents de cancer. Le dosage des marqueurs tumoraux

► élévation du PSA dans le cadre du dépistage du cancer de la prostate;


► élévation de l'alphafœtoprotéine, qui doit être régulièrement dosée chez les patients cirrhotiques, pour
dépister les hépatocarcinomes;
► électrophorèse des protéines plasmatiques ou urinaires et immunofixation (myélome multiple ou autres
hémopathies lymphoïdes);
► les autres marqueurs tumoraux ne seront dosés que dans des situations où un cancer est déjà suspecté, à
visée de suivi ou, pour certains, à titre d'aide au diagnostic conformément aux recommandations nationales
(voir Tableau 4).

1.2.2. Imagerie
• Certains signes à l'imagerie (radiologie ou endoscopie) peuvent faire évoquer le diagnostic de cancer, princi­
palement par la mise en évidence d'un syndrome de masse(s).
• Il peut s'agir d'examens réalisés pour:
- un tableau clinique évocateur de cancer :
► signes cliniques en lien avec un syndrome de masse : examens guidés par la clinique (mammographie
en cas de masse mammaire, radiographie ou scanner thoracique en cas de symptomatologie respiratoire,
endoscopie digestive et/ou imagerie abdominale en cas de symptômes digestifs, endoscopie ORL en cas
de signes ORL, colposcopie, curetage utérin ou utéroscopie, cystoscopie, thoracoscopie, voire cœlioscopie
exploratrice);
► signes cliniques en lien avec un syndrome de cachexie ou une hyperthermie isolées: examens d'imagerie
larges, non orientés par la clinique (scanner thoraco-abdomino-pelvien, TAP, ou radiographie thoracique
et échographie abdominale, TEP-TDM en 2' intention);
► signes cliniques en lien avec un syndrome paranéoplasique: examens d'imagerie larges, voire de médecine
nucléaire (scintigraphie, TEP-TDM), recherchant préférentiellement une pathologie tumorale d'origine
pulmonaire ou mammaire (par argument de fréquence);
- un dépistage organisé ou individuel du cancer (mammographie, coloscopie, colposcopie).
- une autre raison, non rattachée à une suspicion de cancer (découverte fortuite, frottis et colposcopie).

UE 9 - ITEM 289 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES,... 49 ◄


2. Diagnostic
• Le diagnostic de cancer est posé par l'examen histologique, ou cytologique, d'un échantillon de tissu tumoral
(cf item 290).

2.1. Obtention d'un échantillon de tissu tumoral


• La preuve anatomo-pathologique peut être apportée à partir d'un échantillon de la tumeur supposée primitive
ou d'une lésion métastatique mise en évidence lors des investigations cliniques et paracliniques initiales.
• Le choix de l'examen invasif à visée diagnostique (ponction cytologique, biopsie, pièce opératoire) se fera en
fonction de la balance bénéfice/ risque des différents examens possibles, dépendant ainsi de:
- l'accessibilité des différents sites tumoraux (privilégier le prélèvement d'une lésion mammaire, hépatique, ou
ganglionnaire sus-claviculaire, plutôt que celui d'une lésion pancréatique ou ganglionnaire rétro-péritonéale).
Choisir la biopsie la moins risquée !
- les biopsies permettent de ramener plus de tissu tumoral que les ponctions cytologiques. En cas de masse
pancréatique avec métastases hépatiques, la biopsie sous scanner d'une métastase hépatique est préférable à
une cytoponction sous écho-endoscopie de la masse pancréatique (qui sera l'examen de choix en cas de tumeur
localisée au pancréas sans métastase à distance);
- la rentabilité modérée des biopsies osseuses avec difficultés à faire des analyses moléculaires sur le tissu
osseux tumoral avec nécessité de décalcification du fragment biopsique.

2.2. Analyse anatomo-cytopathologique

2.2.1. Questions posées


• L'examen anatomo-cytopathologique de l'échantillon tumoral permet de répondre à des questions majeures:
- tumeur bénigne/ maligne ;
tissu d'origine du cancer : carcinome (épithélium) / mélanome / sarcome (tissu conjonctif) / gliome,
astrocytome ... (tissu neurologique) / myélome, lymphome et leucémie (tissu hématopoïétique) / tumeur
germinale et embryonnaire (séminome, blastome, tissu embryonnaire). Dans certains cas difficiles (tumeur
pulmonaire primitive ou d'origine métastatique, par exemple), le diagnostic de l'organe d'origine du cancer
peut parfois être guidé par des marquages immunohistochimiques (cytokératine, alphafoetoprotéine,
récepteurs hormonaux ...);
- évaluation pronostique :
► degré d'invasion au travers des différentes couches du tissu atteint et 'présence d'emboles vasculaires,
d'engainements périnerveux;
► degré de différenciation (perte des caractéristiques morphologiques du tissu d'origine, au niveau
cytologique et histologique);
► activité mitotique ;
► pour certaines tumeurs, des grades histopronostiques sont validés;
► présence de marqueurs anatomo-pathologiques pronostiques ou prédictifs de réponse à un traitement
spécifique : surexpression de HER2, des récepteurs hormonaux dans les cancers du sein, par exemple;
► parfois anomalies du caryotype, présence d'anomalies génétiques somatiques ( = uniquement dans les
cellules tumorales) qui peuvent avoir une valeur pronostique et guider la thérapeutique (exemple: présence
d'une mutation EGFR dans les cancers bronchiques qui est prédictive de la réponse aux inhibiteurs de la
tyrosine kinase de l'EGFR).

► 50 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PARA CLINIQUES,... LJE 9 - ITEM 289
UE9 Item 289

2.2.2. l'examen cytopathologique


• Une analyse cytologique peut être réalisée à partir de cellules isolées prélevées dans des sécrétions naturelles
(frottis cervico-vaginal, expectorations) ou au cours de ponction à l'aiguille fine d'un liquide (séreuse: pleurésie,
ascite; liquide céphalo-rachidien) ou dans un nodule plein (sein, foie).
• Un examen cytologique à la recherche d'un cancer n'a de valeur que positif (mauvaise valeur prédictive néga­
tive).
• L'affirmation du caractère malin des cellules repose sur l'existence d'anomalies:
- nucléaires: anisocaryose, hyperchromatisme, augmentation du nombre de mitoses et mitoses anormales;
- cytoplasmiques: anisocytose, augmentation du rapport nucléo-cytoplasmique.
• Les caractéristiques de la tumeur telles que son type histologique, son degré de différenciation, ne peuvent être
appréciées sur la cytologie.

2.2.3. l'examen histopatho/ogique


• L'examen histopathologique, à partir d'un échantillon tumoral au minimum biopsique (ponction biopsie, biop­
sie chirurgicale, pièce opératoire), permet d'étudier les anomalies cytologiques et également les anomalies de
l'architecture du tissu tumoral (degré d'invasion, degré de différenciation, vascularisation). Sa valeur prédictive
négative est supérieure à celle de l'examen cytologique.
• L'obtention de tissu tumoral est requise pour faire un diagnostic histologique, mais également pour la plupart
des cancers, faire des analyses à la recherche d'anomalies moléculaires qui aideront le choix des traitements. En
effet, il est alors possible d'extraire de !'ADN tumoral à partir des cellules tumorales de la biopsie ou de la pièce
chirurgicale, qui servira ensuite à établir le profil moléculaire du cancer en fonction du primitif et du stade de la
maladie.
• Le Tableau 2 résume les principaux types histologiques selon l'organe d'origine du cancer et les anomalies
moléculaires qu'il faut rechercher pour l'évaluation pronostique et la décision thérapeutique.

Tableau 2. SYNTHÈSE DES PRINCIPALES HISTOLOGIES ET ANOMALIES MOLÉCULAIRES


-- - -
- - -- --
(NÉCESSAIRES POUR ADAPTER LE TRAITEMENT) EN FONCTION DU PRIMITIF TUMORAL
- -

Primitif Histologies par ordre de fréquence Anomalies moléculaires


à rechercher en pratique courante
Tumeurs cérébrales Glioblastome

Tumeurs Carcinome basocellulaire


dermatologiques
Carcinome spinocellulaire

Mélanome Métastatique: BRAF

Tumeurs endocrines
Thyroïde Carcinome papillaire> vésiculaire> BRAF
médullaire

Surrénale Phéochromocytome> corticosurrénalome

Tumeurs gynécologiques
Seins Carcinome canalaire infiltrant> carcinome RO, RP, HER2
lobulaire infiltrant

Ovaire Adénocarcinome / cystadénocarcinome / Stade avancé: BRCA


endométrioïde

Endomètre Adénocarcinome endométrioïde / mucineux MSI


/ séreux

Col de l'utérus Carcinome épidermoïde> adénocarcinome


UE 9 - ITEM 289 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'AP P EL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES,... 51 ◄


► Tumeurs digestives
Côlon - Rectum Adénocarcinome lieberkühnien Tout stade: MSI
Métastatique: KRAS, NRAS, BRAF,
MSI
Pancréas Adénocarcinome> tumeur neuro-endocrine

Estomac Adénocarcinome Métastatique: HER2

Foie Carcinome hépatocellulaire

Voies biliaires Cholangiocarcinome

Œsophage Carcinome épidermoïde

Grêle Adénocarcinome> tumeur neuro-endocrine

Anus Carcinome épidermoïde

Tumeurs des VADS


Base de langue, amygdale Carcinome épidermoïde P16 (HPV)

Parotide Carcinome épidermoïde> adénocarcinome

Tumeurs urologiques
Prostate Adénocarcinome

Vessie et uretère Carcinome urothélial

Rein Carcinome à cellules claires> papillaire

Testicule Tumeurs germinales non séminomateuses


(T GNS) > séminome

Pénis Carcinome épidermoïde

Tumeurs thoraciques
Poumon Non à petites cellules: adénocarcinome> Métastatique: EGFR, ALK, ROS1,
épidermoïde KRAS, BRAF, HER2, PD-L 1
Neuro-endocrine (petites cellules)
Thymus Thymome, carcinome thymique

Tissus osseux et mous


Os Ostéosarcome

Cartilage Chondrosarcome

Mous GIST (tumeur stromale gastro-intestinale) cKIT, PDGFR


sarcome pléioforme, liposarcome,
léiomyosarcome

Cancers hématologiques
Myéloïdes Leucémies aiguës myéloïdes
Leucémie myéloïde chronique Réarrangement de BCR-ABL
Lymphoïdes Leucémie lymphoïde chronique
Lymphome B diffus à grandes cellules
> folliculaire
Myélome multiple

VADS: Voies aéra-digestives supérieures; RO: récepteurs des œstrogènes; RP: récepteur de la progestérone; MSI:
microsatellite instability; HPV: human papilloma virus

► 52 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APP EL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES,... LJE 9 - ITEM 289
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3. Examens paracliniques : bilans d'extension


et pré-thérapeutique
• Une fois le diagnostic de malignité établi ou en cas de suspicion très forte de cancer (maladie multimétasta­
tique par exemple), des examens paracliniques sont prescrits avec deux objectifs:
- évaluer l'extension de la maladie afin de différencier une situation de curabilité (objectif de guérison du
cancer) et une situation d'incurabilité aussi appelée palliative;
- évaluer le terrain, la gravité des comorbidités, les éventuelles complications du cancer afin de déterminer les
traitements envisageables lors d'un bilan dit pré-thérapeutique.

3.1. Bilan d'extension


3.1.1. Au stade localisé
• Au stade apparemment localisé sur les données des premiers examens, le bilan d'extension doit être adapté
au cancer primitif, au type histologique, et à l'évaluation pronostique initiale qui en découle. Il comprend au
minimum un bilan d'extension loco-régionale pour déterminer le stade clinico-radiologique et les possibilités de
traitements curatifs loco-régionaux (chirurgie± radiothérapie). Il peut être complété par un bilan d'extension à
distance qui dépend du risque de métastases synchrones (lui-même fonction du cancer primitif, et de son stade).
Ce bilan d'extension peut être guidé par l'application de recommandations (inter)nationales.
• Le bilan d'extension doit être adapté à l'état général du patient et aux signes cliniques retrouvés. Une altéra­
tion de l'état général oriente vraisemblablement vers une tumeur avancée et le scanner thoraco-abdomino-pelvien
sera alors licite. Des douleurs osseuses intenses orienteront vers des localisations osseuses qui devront être explo­
rées par une imagerie centrée sur les zones douloureuses.
• Le bilan paraclinique doit également prendre en compte le terrain sur lequel s'est développée la maladie cancé­
reuse. Ainsi, pour les carcinomes épidermoïdes des voies aéra-digestives supérieures (VADS), la probabilité que
le patient présente un cancer synchrone du fait du terrain (second cancer des VADS, cancer du poumon) est de
l'ordre de 10-15 %. Aussi, le bilan d'extension local (scanner cervico-facial et IRM du massif facial) est complété
par un scanner thoracique en coupes fines (recherche d'un primitif bronchique synchrone) et une pan-endosco­
pie des VADS.
• Le Tableau 3 indique le bilan d'extension recommandé pour les stades localisés en fonction du primitif et dans
certains cas de son évaluation pronostique initiale.

Pronostic selon le primitif concerné Bilan d'extension recommandé


et le stade de la maladie
Cancer de bon pronostic= bilan d'imagerie loco-régional uniquement, voire aucun
Prostate -score d'Amico faible risque À discuter: 1 RM pelvienne+/- TOM abdomino-pelvienne
Sein Tt, T2, No Mammographie+ échographie mammaire
Thyroïde N- Échographie cervicale et thyroïdienne
Col de l'utérus N- IRM pelvienne
Carcinome cutané Aucun, éventuellement échographie ganglionnaire du territoire de
drainage

Testicule TOM TAP (bon pronostic mais risque élevé de métastases)

LJE 9 - ITEM 289 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APP EL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES,... 53 ◄
Cancer de pronostic intermédiaire= bilan d'extension selon les recommandations nationales
Sein T3-T 4 et/ou N+ Mammographie+ échographie mammaire
et TEP-TDM ou TDM TAP+ scintigraphie osseuse
Prostate - score d'Amico risque IRM pelvienne+ TOM abdomino-pelvienne+ scintigraphie osseuse
intermédiaire et élevé
Rein TDM TAP
VADS Panendoscopie des VADS+ TDM massif facial, cervical et thoracique
+/- IRM massif facial si tissus mous
Endomètre stade 1-2 selon FIGO IRM pelvienne+ lomboaortique

Cancer de mauvais pronostic= bilan loco-régional et à distance


Sein inflammatoire Mammographie+ échographie mammaire
et TEP-TDM ou TDM TAP+ scintigraphie osseuse
Cancer digestif Endoscopie digestive pour œsophage, estomac et colorectal+ TDM TAP
Vessie UroTDM couplé au TDM TAP+/- scintigraphie osseuse
Poumon TDM TAP+ 1 RM cérébrale (ou TDM cérébrale injectée)+ TEP TDM
Endomètre stade 3 selon FIGO IRM pelvienne+ lomboartique+ TDM TAP
Ovaire Échographie pelvienne+/- IRM pelvienne+ TDM TAP+/- coelioscopie
exploratrice
Pancréas localisé TDM TAP+ 1 RM hépatique

• Trois exemples sont donnés ci-dessous pour illustrer le choix du bilan d'extension radiologique en fonction
de l'évaluation pronostique initiale.

Exemple 1 : cancer de mauvais pronostic: cancer du pancréas


Le pronostic du cancer du pancréas est sombre avec une survie à 5 ans de 5 % tous stades confondus. Au
stade localisé, après résection et chimiothérapie adjuvante, le taux de survie à 5 ans est de l'ordre de 20 à 25 %.
Le cancer du pancréas peut donc être classé dans les cancers de mauvais pronostic et il est recommandé
de réaliser d'emblée un bilan d'extension comprenant un scanner thoraco-abdomino-pelvien sans et avec
injection de produit de contraste et une IRM hépatique qui permet parfois de visualiser des métastases non
vues par le scanner.

Exemple 2 : cancer de pronostic intermédiaire : cancer du sein de 4 cm RO- RP- HER2+


de grade histopronostigue 2 (SBR2) avec envahissement ganglionnaire axillaire clinique
Il s'agit ici d'un cancer cT2 N+ dont le pronostic est intermédiaire avec une évaluation de la survie globale
estimée à 10 ans de 60-80 %. D'après les recommandations (INCA juillet 2012), il est licite de proposer un bilan
d'extension à distance (TEP scanner ou TDM TAP+ scintigraphie osseuse). Ceci permet d'avoir une imagerie
de référence et éventuellement de diagnostiquer précocement des lésions métastatiques peu nombreuses
et de petite taille, potentiellement accessibles à un traitement local complémentaire. En effet, la probabilité
de découvrir des métastases asymptomatiques d'emblée est alors de plus de 10 %.

► 54 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES,... LJE 9 - ITEM 289
i

• UE9 Item 289


...... .. .................. . . . .

Exemple 3 : cancer de bon pronostic: cancer du sein localisé infracentimétrique RO+ RP+
HER2- de grade histopronostique 1 selon Elston Ellis
Dans ce cas, le pronostic du cancer du sein est excellent, de l'ordre de 90-95 % de survie à 10 ans. Les
recommandations françaises (INCA juillet 2012) indiquent qu'il n'est pas licite de proposer un bilan d'extension
à distance en l'absence d'argument clinique de maladie disséminée (douleurs osseuses par exemple) et en
cas de tumeur mammaire Tl-T2, NO. Le bilan pourra ici se limiter à un bilan mammaire avec mammographie
et échographie mammaire.

3.1.2. En cas de maladie métastatique suspectée ou avérée


• En cas de maladie métastatique, le traitement est la plupart du temps systémique. Cependant en cas de maladie
oligo-métastatique dans certains cancers (cancer colo-rectal ou cancer du rein par exemple), le bilan d'extension
est important pour discuter de la stratégie. Le bilan d'extension, dans la plupart des cas, sert principalement à
avoir une imagerie de référence initiale et à choisir des cibles radiologiques. L'évolution de ces cibles sera suivie
sur les scanners ultérieurs et permettra de déterminer l'efficacité des traitements. Dans la plupart des cancers,
l'examen de référence est le scanner thoraco-abdomino-pelvien.
• En général il n'y a pas d'intérêt à réaliser d'autres examens, sauf dans les cas suivants:
- Atteinte de la tête et du cou: scanner massif facial+ cervical;
- Atteinte cérébrale: IRM ou TDM cérébrale injectée;
- Atteinte osseuse: TDM osseuse centrée sur la lésion pour évaluer l'extension et le risque fracturaire + radio
standard+ scintigraphie osseuse;
- Épidurite: IRM du rachis+ TDM du rachis pour évaluer le risque fracturaire+ scintigraphie osseuse;
- Cancer de prostate: scintigraphie osseuse;
- Cancer bronchique: IRM ou TDM cérébrale injectée;
- Cancer du sein métastatique: discuter IRM ou TDM cérébrale injectée surtout en cas de cancer RO- RP-
HER2- ou en cas de surexpression de HER2;
- La scintigraphie osseuse peut être remplacée par un TEP scanner au 18FDG. Le TEP TDM peut aussi être
indiqué dans les cas où il a un impact pronostique ou thérapeutique (pour guider le traitement en fonction de la
réponse métabolique, comme dans certains lymphomes, par exemple). Il peut être intéressant en cas de cancer
paucimétastatique (nombre limité de métastases) qui serait alors accessible à un traitement ciblé à condition
d'avoir éliminé des localisations à distance (exemple: métastases hépatiques isolées de cancer colorectal);
- Cas particulier de maladie métastatique sans primitif connu : dans ce cas l'examen de référence est le
scanner thoraco-abdomino-pelvien qui permet parfois en association avec les résultats anatomo-pathologiques
d'identifier le site primitif probable. Ces examens peuvent être complétés par d'autres explorations selon
le primitif suspecté, à condition que ces examens complémentaires ne retardent pas la prise en charge
thérapeutique qui est souvent urgente dans ce contexte.

3.2. Bilan pré-thérapeutique: basé sur le terrain, la stratégie thérapeutique


envisagée, les complications suspectées
• Le bilan pré-thérapeutique vise à évaluer le terrain, les comorbidités et les complications éventuelles du cancer.
Son objectif est de déterminer si le patient est capable de recevoir les traitements recommandés.

3.2.1. Bilan pré-thérapeutique clinique


• L'état général, évalué par le performance status (PS selon OMS/ ECOG) est corrélé au pronostic dans toutes
les maladies oncologiques.

LJE 9 - ITEM 289 ÜIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'AP P EL ET INVESTIGATIONS PARAC LINIQUES,... 55 ◄
Performance status
• PS O: le patient est asymptomatique (activité normale: aucune restriction à poursuivre les activités précédant
l'affection).
• PS 1 : patient symptomatique (gêné pour les activités physiques soutenues mais capable de se déplacer seul et
d'assurer un travail léger ou sédentaire, par exemple un travail de bureau ou le ménage).
• PS 2: patient symptomatique, alité moins de 50 % de la journée (capable de se déplacer seul et de s'occuper
de soi-même mais incapable de produire un travail léger).
• PS 3: patient symptomatique, alité ou confiné au fauteuil plus de 50 % de la journée (capable de prendre soin
de soi-même de manière limitée).
• PS 4: malade grabataire, confiné au lit (totalement dépendant, incapable de prendre soin de soi-même).

• Certaines interventions chirurgicales « lourdes », ainsi que la radio-chimiothérapie ou certaines poly­


chimiothérapies ne sont possibles qu'en cas de bon état général (performance status de O à 2). En cas de PS
supérieur à 2, en cas de maladie incurable, il est habituel d'arrêter les traitements spécifiques du fait du risque de
toxicité et de décès à moyen ou court terme.
• Cas particulier : évaluation oncogériatrique globale
Les patients âgés atteints de cancer présentent des spécificités liées en particulier à leur comordidités, aux syn­
dromes gériatriques éventuellement associés. Après 70 ans, il est souhaitable que les patients soient évalués par
un gériatre spécialisé afin de déterminer si les traitements sont envisageables et/ou de les adapter pour en faciliter
la tolérance.
• Consultation d'anesthésie avant toute chirurgie: obligatoire, elle détermine le risque lié à l'anesthésie générale et
les risques de complications post-chirurgicales en fonction du terrain et des comordidités.

3.2.2. Bilan pré-thérapeutique paraclinique


3.2.2.1. Biologie
• Classiquement, le bilan pré-thérapeutique biologique évalue les fonctions rénale, hépatique et hématologique.
Il recherche aussi les anomalies liées au cancer, telles que l'hypercalcémie ou les conséquences de la dénutrition.
• On propose en préchirurgie, préchimiothérapie et parfois en préradiothérapie:
- numération formule sanguine, plaquette, RAI + groupe Rhésus si risque transfusionnel (chirurgie,
chimiothérapie aplasiante);
- ionogramme, urée, créatinine (avec évaluation du débit de filtration glomérulaire), calcémie;
- ASAT, ALAT, GGT, PAL, bilirubine totale et conjuguée, éventuellement LDH selon les cancers;
- hémostase: TP, TCA, fibrinogène surtout si chirurgie, maladie hématologique ou insuffisance hépatocellulaire
suspectée;
- bilan nutritionnel: albumine, préalbumine;
- bilan inflammatoire: CRP, ferritinémie en cas <l'anémie;
- bilan infectieux: sérologies VIH, VHB, VHC selon le type de cancer et le terrain.

3.2.2.2. Imagerie
• Le bilan d'imagerie pré-thérapeutique est détaillé dans la partie bilan d'extension.

► 56 ÜIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PAR ACLINIQUES,... LJE 9 - ITEM 289
UE9 ltem289

3.2.2.3. Fonctionnel
• Électrocardiogramme.
• Pour les chirurgies« lourdes», en particulier en cas d'antécédents d'athérome, de facteurs de risque (tabac), il est
fréquent de proposer une échographie cardiaque, une épreuve d'effort, parfois une coronarographie, une échogra­
phie des troncs supra-aortiques ou un écho-doppler artériel des membres inférieurs.
• En cas de chirurgie et de radiothérapie thoraciques, une épreuve fonctionnelle respiratoire avec gazométrie arté­
rielle est, au minimum, réalisée.

3.2.3. Marqueurs diagnostiques et de suivi thérapeutique


• Le Tableau 4 reprend les indications et les recommandations d'utilisation des marqueurs tumoraux à visée dia­
gnostique et de suivi thérapeutique.

Tableau 4: MARQUEURS SÉRIQUES TUMORAUX, SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS


Type tumoral Marqueurs Intérêt du dosage
Dépistage Diagnostic Pronostic Surveillance
Selon l'histologie
Adénocarcinome ACE X
Épidermoïde sec X
NSE,
Neuro-endocrine X
chromogranine A
hCG, alphaFP,
Germinale X X
LDH
Selon la localisation
Non
Poumon
recommandé
Non
Sein recommandé (CA
15-3)
Prostate PSA total X X X
Côlon - rectum ACE
(CA19-9 non
X X
recommandé)
non recommandé
Œsophage
(ACE et CA 19-9)
non recommandé
Estomac
(ACE et CA 19-9)
Pancréas CA 19-9 X X
Hépatocarcinome alphaFP X X X X
Canal anal sec Option
Ovaire CA 125 X
Endomètre CA 125 Option
Thyroïde Thyroglobuline X
Col utérin sec Option

LJE 9 - ITEM 289 ÜIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES, ... 57 ◄
4. Évaluation du pronostic des cancers

4.1. Stadification : notion de classification TNM, notion de stade et corrélation


avec le pronostic

La classification des tumeurs a plusieurs objectifs:

1. Adapter la stratégie thérapeutique à la situation clinique à partir des recommandations qui se basent sur
ces classifications;
2. Prévoir le pronostic;
3. Comparer les résultats thérapeutiques dans les essais cliniques pour avoir des groupes homogènes.

• La classification de la tumeur doit être effectuée systématiquement pour adapter au mieux le traitement pro­
posé et éviter les traitements inutiles (par exemple une chirurgie lourde alors que la maladie est métastatique).
• La classification TNM est internationale. Elle a été proposée historiquement par un chirurgien français, Pierre
Denoix, et est régulièrement renouvelée. Elle est basée sur le degré d'extension de la tumeur primitive, l'envahis­
sement ganglionnaire loco-régional et l'atteinte métastatique à distance.

• T (Tumor) :taille de la tumeur primitive et/ou envahissement des tissus sous-jacents, classée de Tl à T4 (échelle
propre à chaque tumeur);
• N (Node): degré d'envahissement ganglionnaire, NO: indemne, Nl à N3 selon le nombre et/ou la localisation
des ganglions atteints (propre à chaque tumeur);
• M (Metastasis): existence ou absence de localisations métastatiques;
• Quand le T, le N ou le M ne sont pas précisés, on indique un x: Tx, Nx ou Mx.

• La classification TNM est en général précédée d'une lettre minuscule indiquant par quelle méthode elle a
été effectuée. Un malade peut ainsi avoir dans son dossier plusieurs classifications TNM selon la méthode
d'évaluation.

• cTNM: classification clinique;


• pTN : classification pathologique (sur une pièce opératoire, ce qui explique l'impossibilité de donner
un score M);
• usTNM: classification échographique;
• ypTNM: classification pathologique après traitement néo-adjuvant (pré-chirurgical).

• Les lettres L et V peuvent être ajoutées après une évaluation pTN. « L » indique la présence d'emboles lympha­
tiques,« V» d'emboles vasculaires. Il existe également une classification PL pour l'atteinte pleurale.
• La lettre R donnée après le pTN précise les marges de résection : RO si les marges sont microscopiquement saines,
Rl si les limites sont atteintes microscopiquement, R2 si les limites sont atteintes macroscopiquement.
• Une fois que la tumeur est classée selon le TNM, il est possible de proposer une stadification, parfois appelé « sta­
ging », qui regroupe des classes TNM relativement homogènes en termes de pronostic et de traitement. Ces stades
ont également une reconnaissance internationale.

► 58 DIAGNOST IC DES C AN CE RS, SIGNES D'APPEL E T INVESTIGATIONS PAR ACLINIQUES,... LJE 9 - ITEM 289
UE9 Item 289
� ..........................

Schématiquement :
• Stade O: cancer in situ;
• Stade 1 : tumeur unique et de petite taille, pas d'atteinte ganglionnaire ou de de métastase;
• Stade 2: localisation limitée à l'organe d'origine, quasiment jamais d'atteinte ganglionnaire ;
• Stade 3: extension loco-régionale aux organes de voisinage et/ou atteinte ganglionnaire;
• Stade 4: atteinte métastatique à distance.

Exemple du cancer du côlon après chirurgie et corrélation avec le pronostic


Stade Classification TNM Pronostic (survie à 5 ans)
Stade 1 • T1 No: atteinte sous muqueuse > 90%
• T2 No: atteinte musculeuse

Stade 2 • T3 No: atteinte sous-séreuse 60-80%


• T 4 No: atteinte de la séreuse péritonéale ou d'un
organe de voisinage

Stade 3 • Tout T, N1: 1 à 3 ganglions 40-70%


• Tout T, N2 : > 3 ganglions

Stade 4 • Ml :::10%

4.2. Caractéristiques pronostiques cliniques


• Au-delà du stade ou de la classification TNM, d'autres facteurs pronostiques peuvent être pris en compte dans la
décision thérapeutique et en moduler la proposition:
- propres au patient : le performance status, la dénutrition, les comorbidités en particulier les dysfonctions
d'organe;
- propres au retentissement clinique du cancer : présence de métastases osseuses avec complications
neurologiques, métastases à risque de saignement ou dysfonction d'organe liée à l'envahissement tumoral.

4.3. Caractéristiques pronostiques anatomo-pathologiques


• Le type histologique est déterminant dans l'évaluation du pronostic. Par exemple, un cancer du rein à cellules
claires avec une composante sarcomatoïde est de plus mauvais pronostic, à stade égal, qu'un cancer du rein à
cellules claires sans cette composante.
• Les grades histopronostiques sont utiles pour évaluer l'agressivité de la tumeur: score de Gleason pour le cancer
de la prostate, classification de Elston-Ellis (SBR modifié) pour le cancer du sein, index de prolifération (Ki67)
pour les tumeurs neuro-endocrines par exemple.
• L'atteinte de certaines structures anatomiques précise elle aussi le pronostic: emboles lymphatiques et veineux,
engainement périnerveux, présence d'une capsule tumorale ou franchissement de la capsule, par exemple.

LJE 9 - ITEM 289 ÜIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES,... 59 ◄
4.4. Caractéristiques pronostiques moléculaires
• Ce chapitre est également développé dans l'item 288 (Oncogénèse, oncogénétique).
• Dans certains cas, les anomalies moléculaires identifiées dans la tumeur peuvent donner des informations
pronostiques ou thérapeutiques importantes
- elles peuvent indiquer la sensibilité ou la résistance à un traitement. On parle alors de biomarqueur prédictif
quand le pronostic est défini par rapport à un traitement. Par exemple, dans le cancer du côlon, les mutations
de RAS prédisent la résistance aux anti-EGFR mais ne sont pas gage d'un mauvais pronostic en soi;
- elles peuvent indiquer une biologie péjorative qui s'exprime par un risque de récidive ou de décès plus
important, indépendamment de la réponse à un traitement. Par exemple, HER2 dans le cancer du sein est un
marqueur pronostique péjoratif (diminution de la survie à 10 ans en l'absence de traitement), mais est aussi un
marqueur prédictif de réponse à un anti-HER2.

5. Conclusion
• La démarche diagnostique devant une maladie tumorale est fondamentale, que ce soit pour le patient (phase
d'entrée dans la maladie cancéreuse) ou pour la prise en charge thérapeutique à venir. Elle permet d'évaluer le
retentissement de la pathologie tumorale sur différents niveaux, clinique, biologique, et en imagerie. Guidé par les
données de l'examen et de l'interrogatoire initiaux, le médecin doit proposer à la fois un bilan d'extension adapté
à la gravité de la maladie et un bilan pré-thérapeutique.
• Le diagnostic de certitude est anatomo-pathologique, soit par une biopsie, soit directement par biopsie ou exérèse
chirurgicale. Il est de plus en plus souvent complété par une analyse moléculaire.
• L'ensemble de ces données permet de préciser le pronostic du patient et de proposer une stratégie thérapeutique
adaptée, conforme aux recommandations nationales et internationales.

► Références

• © Cancers du sein /du diagnostic au suivi, INCa, novembre 2016.


• © Cancer bronchique non à petites cellules, référentiel national de RCP, INCa, mars 2015.
• © Cancers urologiques: démarche diagnostique, traitement et suivi, INCa-AFU, 2012.
• © Cancer de l'endomètre, INCa, novembre 201 O.
• © Cancer colorectal, guide médecin, INCa, janvier 2012.
• © Cancer des voies aérodigestives supérieures, guide médecin, INCa, novembre 2009.

► 60 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'AP P EL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES,... LJE 9 - ITEM 289
UE9 ltem289

POINTS CLÉS

1. Un cancer peut être suspecté de manière fortuite, en raison d'un signe clinique évocateur ou
lors d'un examen de dépistage.
2. Le diagnostic des cancers est anatomo-pathologique.
3. La phase diagnostique cherche à évaluer le retentissement du cancer sur le plan loco-régional
et à distance.
4. Le bilan d'extension doit être adapté au type de la tumeur primitive, et affiné en fonction du
stade, les stratégies thérapeutiques pouvant différer en fonction du caractère localisé ou métas­
tatique de la tumeur.
5. Dans le cas où un traitement est envisagé, un bilan pré-thérapeutique doit être envisagé.
6. Le pronostic est évalué par de multiples critères : cliniques, classification TNM, stadification,
anatomo-pathologiques et moléculaires.
7. La stratégie thérapeutique dépend intimement de l'évaluation pronostique.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Les examens à visée diagnostique, pronostique et pré-thérapeutique doivent être menés de


front afin de ne pas retarder la prise en charge de la maladie cancéreuse.
2. La connaissance de l'histoire naturelle des cancers et de leur pronostic (bon, intermédiaire
ou mauvais), selon leur organe d'origine, est nécessaire à la bonne réalisation des investigations
paracliniques.
3. L'évaluation du patient dans sa globalité, en tenant compte de son performance status, de ses
antécédents et comorbidités, est primordiale dans la prise en charge diagnostique performance
et pré-thérapeutique du cancer. Chez les patients âgés, une évaluation gériatrique est nécessaire
pour définir la stratégie thérapeutique.

UE 9 - ITEM 289 DIAGNOSTIC DES CANCERS, SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATION S PARACLINIQUES, ••• 61 ◄
UE 9 ltem290
........ __________

h...___Le_m_e_'d_e_ _c i_n_p_r_é_le_v_e_ u_r_d_e _c e_ _l _l u _le_s_


,,,.- et/ou de tissus pour des examens d'anatomie
CHAPITRE

et cytologie pathologiques
Pr Lucie Karayan-Tapon', Pr Pierre Levillain2 , Pr Yves Allory3
'Laboratoire de Cancérologie Biologique, CHU de Poitiers
'Laboratoire d'Anatomie et Cytologie Pathologiques, CHU de Poitiers
'Laboratoire d'Anatomo-pathologie, Hôpital Henri-Mondor, AP-HP, Créteil

1. Les prélèvements et leurs modalités de


transmission au laboratoire d'anatomie et OBJECTIFS iECN
cytologie pathologiques
-+ Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour
1.1. Différents types de prélèvements
des examens d'Anatomie et Cytologie Pathologiques:
1.2. Modalités de transmission des prélèvements au connaître les principes de réalisation, transmission
laboratoire d'anatomie et cytologie pathologiques et utilisation des prélèvements à visée sanitaire et de
2. Principes de base de réalisation des techniques recherche.
morphologiques: cytologie, histologie, Connaître les modalités de transmission de ces prélève­
immunohistochimie, hybridation in situ ments au laboratoire d'anatomie et de cytologie patho­
2.1. Techniques logiques.

2.2. Étude morphologique des lésions cellulaires et Connaître les principes de base de réalisation des tech­
niques morphologiques suivantes : cytologie, histolo­
tissulaires
gie, immunohistochimie, hybridation in situ.
3. Principes permettant de réaliser des techniques
Connaître les principes permettant de réaliser des tech­
de biologie moléculaire non morphologique sur
niques de biologie moléculaire non morphologique sur
les prélèvements tissulaires/ cellulaires, ainsi que les prélèvements tissulaires/cellulaires, ainsi que leurs
leurs principales indications principales indications.
3.1. Conditionnement des prélèvements avant l'envoi Connaître les principales indications de l'examen ex­
dans les laboratoires de biologie moléculaire temporané, son principe de réalisation et ses limites.
(Plateformes Génétique Moléculaire des Cancers­ Connaître les exigences nécessaires pour l'utilisation
INCA) des prélèvements dans des travaux de recherche.
3.2. Conditionnement des prélèvements dans les
laboratoires de biologie moléculaire
3.3. Les principales indications des tests de biologie
moléculaire en cancérologie
4. Principales indications de l'examen extemporané : Mots clés : Prélèvement - Conditionnement -
principe de réalisation et limites Fixation formol à 10 % - Durée de fixation -
4.1. Définition Cryopréservation - Biologie moléculaire -
4.2. Principes de réalisation Hybridation in situ -
4.3. Limites de l'examen extemporané Test théranostique - Test diagnostique -
5. Les exigences nécessaires pour l'utilisation des Test pronostique - Examen extemporané -
prélèvements dans des travaux de recherche Recherche.

• Le diagnostic de cancer - et, donc, la prise en charge thérapeutique - passe obligatoirement par une preuve
microscopique.
• Le médecin anatomo-pathologiste, ainsi que le biologiste/pathologiste moléculaire, sont membres à part entière
de l'équipe cancérologique. Leur tâche est non seulement de valider le diagnostic mais aussi, pour un nombre
croissant de cancers, de guider la thérapeutique.
• Ils doivent pour cela avoir pris connaissance (idéalement au cours de la Réunion de Concertation Pluridiscipli­
naire (RCP)) du dossier du patient, recevoir des prélèvements dûment identifiés et accompagnés de demandes
précises de la part des cliniciens, s'assurer de leur conditionnement et maîtriser toutes les techniques adaptées à
la question posée par le malade.

UE 9 - ITEM 290 L E MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... 63 ◄


1. Les prélèvements et leurs modalités de transmission
au laboratoire d'anatomie et cytologie pathologiques

1.1. Différents types de prélèvements

1.1.1. Prélèvements pour l'étude des cellules isolées : examen cytologique


• Recueil de liquides (urines, expectorations);
• Frottis, écouvillonnage, aspiration des cellules (frottis cervico-utérin, bulle cutanéo-muqueuse, lavage bron­
chiolo-alvéolaire);
• Ponction à l'aiguille d'un liquide (d'épanchement des séreuses, liquide céphalo-rachidien);
• Ponction à l'aiguille d'organes pleins avec ou sans contrôle d'imagerie (ganglion, thyroïde, foie...).

1.1.2. Prélèvements pour l'étude des tissus : examen histologique


• Biopsie: prélèvement d'un fragment de tissu tumoral soit par ponction (trocart, aiguille) à l'aveugle ou après
repérage par imagerie, soit pendant une exploration endoscopique, soit par chirurgie.
Pour être informatives, les biopsies doivent être faites en zones hors nécrose, en nombre suffisant afin de mettre
en évidence une éventuelle lésion tumorale, et dans les conditions de préservation de tissus.
• Pièces opératoires : exérèse partielle ou complète d'une tumeur ou d'un organe.
Les prélèvements se font dans la majorité des cas selon des techniques invasives. Il s'agit de matériel précieux
sur lequel seront fait des examens morphologiques pour le diagnostic anatomo-pathologique, mais aussi des
recherches complémentaires, notamment de biologie moléculaire d'aide pour la médecine personnalisée en can­
cérologie. Il est donc indispensable de préserver la qualité et la quantité des prélèvements et de mettre en place des
protocoles de bonnes pratiques.

Ces prélèvements cellulaires et tissulaires seront réalisés par des médecins, dans le respect des bonnes
pratiques, selon des protocoles validés, en veillant à la préservation de leur qualité et de leur quantité. Une
partie des cellules et des tissus prélevés peut faire l'objet de recherches complémentaires à l'examen anatomo­
pathologique, notamment de biologie moléculaire.

1.2. Modalités de transmission des prélèvements au laboratoire d'anatomie


et cytologie pathologiques
• Les prélèvements doivent être conditionnés et transmis dans les meilleurs délais accompagnés d'une fiche de ren­
seignements remplie par le médecin préleveur.
• Dans la majorité des cas, le conditionnement se fait par le médecin préleveur.

1.2.1. Conditionnement pour les examens cytologiques


• Le conditionnement du liquide de cytoponction ou d'un frottis est réalisé par le médecin préleveur par étalement
sur lames de verre dans des conditions permettant un bon étalement et en évitant l'écrasement des cellules.
• Il convient ensuite de fixer les cellules par l'alcool ou pulvérisation d'une laque.
• Les liquides (ascite, urines ... ) doivent être acheminés à l'état frais et rapidement dans le laboratoire où ils seront
conditionnés dans les meilleurs délais.

► 64 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... UE 9 - ITEM 290


UE9 ltem290

1.2.2. Conditionnement pour l'étude des tissus


• Le conditionnement par fixation des biopsies ou des pièces opératoires doit être très rapide afin de conserver la
morphologie cellulaire et d'éviter la dessiccation ou l'autolyse des tissus.
• Il est, dans la majorité des cas, effectué par le médecin préleveur avant de l'adresser en anatomie pathologique.
• La fixation des échantillons de tissus pour l'examen histologique sera faite dans le formol à 10 % v/v tam­
ponné. Idéalement, la proportion de fixateur représentera 10 fois le volume de l'échantillon. Il convient, selon le
volume de l'échantillon, de le couper en tranches afin de faciliter la pénétration du fixateur.
• Dans certains cas énumérés ci-dessous, les tissus ne doivent pas être fixés, mais adressés en anatomie pathologique
dans un contenant sec dans les plus brefs délais et de façon impérative en moins de 30 minutes
- examen extemporané;
- recherches particulières (étude des graisses, examen en immunofluorescence directe);
- cryopréservation (congélation de tissu tumoral frais) en particulier pour la tumorothèque sanitaire
(recommandation pour les tumeurs pédiatriques, les sarcomes et les hémopathies) et pour la recherche.

1.2.3. La fiche de renseignements


• Il est indispensable de préciser le type d'analyse demandé. C'est ce type d'analyse qui va déterminer quel labo­
ratoire sera destinataire de l'échantillon (anatomie pathologique, bactériologie, biologie moléculaire, etc.).
• Le contenant du prélèvement (tube, flacon, étui de lames...) doit porter l'identification du patient (nom, prénom,
date de naissance).
• Par ailleurs, une feuille de demande d'examen accompagne le prélèvement. Cette feuille comporte impérative­
ment pour un examen anatomo-pathologique:
- l'identification du patient;
- son adresse ou celle du service d'hospitalisation ou de consultation;
- le nom du médecin préleveur et ses coordonnées;
- éventuellement le caractère urgent de l'examen;
- la nature de l'échantillon;
- le siège anatomique du prélèvement (et la latéralité pour les organes pairs);
- les renseignements cliniques précis et pertinents;
- les recherches particulières à faire s'il y a lieu.
• La présence du médecin pathologiste aux Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) est un gage de trans­
mission efficace des informations.

• Les prélèvements doivent être conditionnés et transmis dans les meilleurs délais accompagnés d'une fiche de
renseignements remplie par le médecin préleveur.
• Au même titre que l'acte médical du prélèvement, l'acheminement de l'échantillon vers le laboratoire exige un
protocole rigoureux: la transmission correcte du prélèvement engage la responsabilité médicale.
Les prélèvements pour examen histologique doivent être envoyés fixés dans le formol à 10 % tamponné sauf
pour les examens extemporanés, en cas de recherches particulières (étude des graisses, examen en immuno­
fluorescence directe), pour la cryopréservation sanitaire et pour la recherche.

UE 9 - ITEM 290 1 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... 65 ◄


2. Principes de base de réalisation des techniques
morphologiques: cytologie, histologie, immunohistochimie,
hybridation in situ

2. 1. Techniques

2.1.1. Cytologie
• Après conditionnement et fixation des liquides, les échantillons sur lames sont réhydratés puis colorés selon
diverses techniques (par exemple May-Grunwald-Giemsa pour la cytologie hématologique, Papanicolaou pour
les frottis cervico-utérins...).
• La technique est rapide et l'étude des préparations au microscope permet d'obtenir une orientation diagnostique
qui doit souvent être confirmée par l'analyse histologique.

2.1.2. Histologie
• Le préalable à la technique histologique standard est une fixation correcte qui exige plusieurs heures. La durée de
fixation est variable en fonction du volume des échantillons.
• Les petits échantillons pourront être traités directement après fixation.
• Les pièces opératoires plus volumineuses doivent faire l'objet d'une étape complémentaire de dissection et
d'échantillonnage puis de fixation complémentaire; l'ensemble représentant en général un délai supplémentaire
de 24 heures.
• Ensuite, les échantillons passeront par des phases de déshydratation, imprégnation et inclusion en paraffine avant
l'obtention d'un bloc de paraffine qui fera l'objet de coupes de 4 micromètres (µm) d'épaisseur environ.
• Ces coupes seront étalées sur lames de verre puis déparaffinées, réhydratées et colorées. La coloration usuelle est
la coloration hématoxyline-éosine-safran permettant de faire l'analyse histologique du prélèvement (Figure 1).

Figure 1. Adénocarcinome peu différencié (Histologie standard - coloration HES}

► 66 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... UE 9 - ITEM 290


UE9 ltem290
.........................

2.1.3. lmmunohistochimie
• À la différence des colorations qui reposent sur les propriétés chimiques des cellules et des tissus, l'immunohisto­
chimie (IHC) utilise une réaction immunologique antigène-anticorps pour identifier et localiser des protéines sur
des lames non colorées d'histologie ou de cytologie.
• Si l'antigène porté par la protéine est présent sur le prélèvement, il fixera l'anticorps. Ce complexe antigène-anti­
corps est visualisé au microscope par un fluorochrome (étude en fluorescence) ou un par un complexe coloré
(immunohistochimie en microscope standard).
- La technique peut être directe: l'anticorps spécifique est alors directement fixé à un fluorochrome, on parle alors
d'immunofluorescence directe, qui est essentiellement utilisée pour la recherche de dépôts d'immunoglobulines
et de complément sur coupes congelées de biopsies cutanées et rénales.
- La technique peut être indirecte, c'est l'immunohistochimie indirecte qui concerne notamment le diagnostic
des lésions tumorales. Le plus souvent, le complexe antigène-anticorps est révélé par un second anticorps
dirigé contre l'anticorps spécifique de l'antigène recherché. Ce second anticorps est lié à une enzyme à laquelle
on fournit un substrat. L'activité enzymatique se traduit par une coloration différente selon le substrat utilisé.
Enfin, une contre-coloration classique permet d'identifier les structures cellulaires et tissulaires et de localiser
précisément l'antigène recherché (Figure 2).

Figure 2. Récepteurs des œstrogènes dans un cancer du sein (lmmunohistochimie - marquage nucléaire)

2.1.4. Hybridation in situ


• Cette technique permet d'identifier à l'aide de sondes une séquence d'acide nucléique (ADN ou ARN) présente
dans des cellules d'une préparation histologique ou cytologique.
• Le principe est basé sur la complémentarité des bases puriques et pyrimidiques (A-T /G-C) des acides nucléiques
et l'utilisation de sondes complémentaires à la séquence d'intérêt.
• La technique comporte :
- une étape de déparaffinage et de réhydratation des lames;
- une étape de digestion protéolytique permettant un meilleur accès de la sonde à la séquence cible;
- une co-dénaturation de la sonde et de l'acide nucléique cible;
- et enfin une étape d'hybridation de la sonde à la séquence cible.

LJE 9 - ITEM 290 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/OU DE TISSUS.... 67 ◄


• Les sondes sont couplées à un traceur pour qu'elles puissent être repérées et visualisées. Ce traceur peut être un
fluorochrome (étude FISH : fluroescence in situ hybridization, au microscope à fluorescence) ou une enzyme
(étude CISH: chromogenic in situ hybridization, au microscope optique).
• Le conditionnement du prélèvement est primordial. Pour de bons résultats, il convient d'utiliser pour la fixation
des prélèvements du formol 10 % pour une durée entre 6 heures et 48 heures. La FISHest réalisée sur des coupes
de 3-4 µm étalées sur les lames de verre.

• L'immunohistochimie et les analyses par hybridation in situ ont une place incontournable dans la prise
en charge en cancérologie. Par exemple, la recherche par FISH du statut du gène ALK dans les adénocarci­
nomes pulmonaires ou du statut du gène HER2 dans les cancers du sein et de l'estomac conditionne la prise en
charge thérapeutique de ces pathologies (Figure 3).

Figure 3. Recherche d'amplification de HER2 (FISH)

2.2. Étude morphologique des lésions cellulaires et tissulaires


• Le médecin anatomo-pathologiste recherche au microscope des lésions qui sont des altérations morpholo­
giques des cellules et des tissus. Il existe des lésions élémentaires (par exemple la nécrose cellulaire) regroupées
en ensembles (ou syndromes) lésionnels qui permettent de formuler un diagnostic. Le syndrome lésionnel doit
souvent être interprété par le pathologiste en fonction du contexte clinique et éventuellement radiologique et
biologique.
• L'examen morphologique vise à établir un diagnostic et un pronostic. Il peut aussi apporter, particulièrement
en cancérologie, des éléments nécessaires à l'établissement de la stratégie thérapeutique.
• Le résultat de l'examen est consigné dans un compte rendu qui doit comporter des informations pour la prise en
charge du patient. Des données minimales sont requises par l'Institut National du Cancer (INCa). (http://www.e­
cancer.fr/soins/anatomo-pathologie). La terminologie utilisée dans les comptes rendus est traitée dans l'item 287.
• Une seconde lecture anatomo-pathologique par des réseaux de référence a été mise en place par l'INCa pour les
lymphomes, les sarcomes, les mésothéliomes et les tumeurs neuro-endocrines rares.

► 68 LE MÉDECIN PRtLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... UE 9 - ITEM 290


UE9 Item 290
� .. ____________

• La cytologie permet une orientation diagnostique qui doit souvent être confirmée par l'analyse histologique.
• L'analyse histologique permet de faire un examen morphologique. Elle est basée sur l'interprétation des
images des coupes des tumeurs, colorées par l'hématoxyline-éosine-safran, par le pathologiste en fonction du
contexte clinique et éventuellement radiologique et biologique.
• La fixation des prélèvements doit se faire dans le formol à 10 % tamponné pour une durée de 6 heures à
48 heures afin d'obtenir des résultats concluants en immunohistochimie et en FISH.
• L'immunohistochimie directe et indirecte est une aide au diagnostic morphologique par la recherche d'ano­
malies d'expression de protéines d'intérêt.
• La FISH permet de mettre en évidence des amplifications de gènes ou des translocations.
• Le résultat de l'examen est consigné dans un compte rendu qui doit comporter des informations pour la prise
en charge du patient. Des données minimales sont requises par l'INCa.

3. Principes permettant de réaliser des techniques


de biologie moléculaire non morphologique sur les prélèvements
tissulaires/ cellulaires, ainsi que leurs principales indications
• La réalisation des tests moléculaires sur les prélèvements tumoraux est parfois primordiale pour la prise en
charge des patients.
• Le choix d'une thérapeutique ciblée est fondé sur la mise en évidence dans la tumeur d'anomalie(s) responsable(s)
de l'activation d'une voie de signalisation essentielle pour la survie de la tumeur qu'il convient de bloquer.
• Il est nécessaire de rechercher les anomalies (mutations, translocations, amplifications ...) de la cible avant l'ins­
tauration du traitement.
• La réalisation des tests moléculaires est aussi décisive pour le diagnostic et l'établissement d'un pronostic
dans certaines pathologies.
• Les prélèvements tissulaires et cellulaires doivent permettre la réalisation des tests moléculaires et être compa­
tibles avec la réalisation des techniques de biologie moléculaire à la recherche d'altérations génomiques.
• La détection des altérations génomiques se fait à partir de l'ADN extrait de tissus fixés et inclus en paraffine dans la
majorité des cas, et parfois à partir de l'ARN. Il convient donc de pouvoir obtenir de l'ADN de quantité suffisante
et de bonne qualité.
• Le conditionnement des prélèvements est primordial.

3.1. Conditionnement des prélèvements avant l'envoi dans les laboratoires


de biologie moléculaire (Plateformes de Génétique Moléculaire des
Cancers-lNCa)

3. 1. 1. Prélèvements tissulaires
• Il s'agit de biopsies ou des pièces opératoires.
• Ces prélèvements doivent être fixés au formol 10 % le plus rapidement possible; le temps de fixation doit être
compris entre 6 heures et 24 heures, notamment pour les biopsies.
• Le médecin anatomo-pathologiste sélectionne, après un contrôle morphologique, des zones tumorales d'intérêt
(Figure 4), apprécie les zones de nécrose ainsi que le pourcentage de cellules tumorales dans le prélèvement.
• Des coupes de tissus sont ensuite réalisées sous forme de copeaux (Figure 5) ou de lames blanches sur les échan­
tillons les plus riches en cellules tumorales.

UE 9 - ITEM 290 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/OU DE TISSUS.... 69 ◄


Figure 4. Territoires tumoraux sélectionnés sur une coupe histologique

Figure 5. Coupe d'un bloc de paraffine

• En général, 4 copeaux de 10 µm d'épaisseur, notamment pour les biopsies, sont envoyés pour des tests de biologie
moléculaire, le prélèvement devant contenir au moins 25 % à 30 % de cellules tumorales afin d'éviter des résul­
tats faussement négatifs.
• Dans le cas d'une cellularité tumorale inférieure, une macrodissection de la région d'intérêt doit être réalisée à
partir des zones sélectionnées sur les coupes.

3.1.2. Prélèvements cellulaires


• Les prélèvements cytologiques sont :
- soit envoyés directement au laboratoire de biologie moléculaire qui procède à leur centrifugation et à la
récupération du culot cellulaire ;
- soit inclus en paraffine et débités en copeaux.
• Les techniques de biologie moléculaire peuvent également être réalisées à partir d'étalements cellulaires sur lames
(frottis, cytocentrifugation) non colorées.

► 70 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... UE 9 - ITEM 290


' UE9 ltem290
............................. .. " .�" - - �- -. .- .

3.1.3. Fiche de prescription


• Dans tous les cas, les prélèvements doivent être accompagnés d'une fiche de prescription selon les recomman­
dations de l'INCa (Bonnes pratiques pour la recherche à visée théranostique de mutations somatiques dans les
tumeurs solides) (http://www.e-cancer.fr/soins/plates-formes-hospitalieres-de-genetique-moleculaire).
• Les items suivants doivent être renseignés :
- la nature de la demande;
- nom, prénom et date de naissance du patient;
- nom, prénom et coordonnées du pathologiste responsable du diagnostic (pathologiste initial);
- date de prélèvement;
- fixateur utilisé;
- numéro d'identification du bloc dans le laboratoire d'origine;
- organe et état tumoral, site du prélèvement (primitif, métastase ...);
- type de prélèvement (chirurgie, biopsie, cytologie...);
- type histologique;
- nom, prénom et coordonnées du prescripteur;
- type d'analyse demandée et indication de l'analyse;
- date de prescription;
- pourcentage de cellules tumorales dans l'échantillon analysé.

3.2. Conditionnement des prélèvements dans les laboratoires de biologie


moléculaire

3.2.1. Extraction des acides nucléiques, contrôle qualité et quantité


• La première étape de conditionnement est l'extraction des acides nucléiques à partir des coupes de tissus en
copeaux ou sur lames ou à partir de tissu macrodisséqué. L'extraction des acides nucléiques à partir de tissus
inclus en paraffine est critique. La déshydratation et la fixation rendent les acides nucléiques fragiles et entraînent
leur fragmentation.
• L'extraction des acides nucléiques se fait soit manuellement, soit avec des automates extracteurs.
• Après une étape de déparaffinage, les tissus sont digérés enzymatiquement afin d'en éliminer les protéines ; la
purification des ADN ou ARN se fait dans la majorité des cas sur des colonnes ou des billes d'affinité.
• La quantification des ADN se fait par fluorimétrie et la qualité des ADN peut être étudiée directement par l'ampli­
fication des gènes d'intérêt ou par l'amplification de fragments de taille croissante. La fragilité des ARN rend leur
extraction à partir de tissus inclus en paraffine plus délicate. Il convient de travailler par la suite sur des amplicons
PCR de petite taille.

3.2.2. Les différentes techniques de biologie moléculaire pour la recherche


des altérations génomiques
• La détection des altérations génomiques requiert au préalable, dans un grand nombre de cas, l'amplification par
PCR (Polymerase Chain Reaction) du gène d'intérêt, soit directement pour l'ADN, soit après une transcription
inverse (RT) suivie de PCR (RT-PCR) pour l'ARN.
• L'étude des différentes anomalies (mutations ponctuelles, amplifications, translocations, délétions ...) s'effectue
ensuite par des techniques de biologie moléculaire comme le séquençage Sanger, le pyroséquençage, le Snapshot,
la PCR spécifique d'allèle, la PCR analyse de fragment ou le séquençage de deuxième génération...

UE 9 - ITEM 290 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... 71 ◄


3.3. Les principales indications des tests de biologie moléculaire
en cancérologie

3.3.1. Tests théranostiques permettant l'accès aux thérapies ciblées


• Cancers du côlon métastatique: recherche des mutations des gènes KRAS et NRAS (contre-indiquant la prescrip­
tion des anticorps monoclonaux anti-EGFR) (cf item 298).
• Cancers bronchiques non à petites cellules : recherche des mutations du gène EGFR (indication à un traitement
par inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-EGFR), recherche de translocation du gène ALK (indication à un trai­
tement par inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-ALK), recherche de translocation du gène ROS (indication à
un traitement par inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-ROS) (cf item 306).
• Mélanome métastatique : recherche des mutations du gène BRAF (indication à un traitement par inhibiteur de
BRAF) (cf item 299).
• Cancer du sein métastatique: recherche de l'amplification du gène ERBB2 (indication à un traitement par anti­
corps monoclonaux anti-ERBB2) (cf item 309).
• Cancer de l'estomac métastatique: recherche de l'amplification du gène ERBB2 (indication à un traitement par
anticorps monoclonaux anti-ERBB2) (cf item 300).
• GIST: recherche des mutations du gène c-KIT et des mutations de PDGFRB (indication à un traitement par inhi­
biteur de tyrosine kinase [ITK] anti-KIT) (cf item 300).

3.3.2. Tests diagnostiques


• Sarcomes: amplification des gènes MDM2 et CDK4 (cf item 304).
• Cancer colorectaux: recherche d'une instabilité des microsatellites dans le cadre du dépistage des syndromes de
Lynch (cf item 298).
• Lymphomes: recherche de la clonalité Bou T (cf item 316).
• Gliomes: recherche de la co-délétion lp/19q, recherche de mutations IDHl et 2 (cf item 296).

3.3.3. Tests pronostiques


• Neuroblastomes: recherche de l'amplification du gène NMYC (cf item 294).

• La réalisation des tests moléculaires sur les prélèvements tumoraux est parfois primordiale pour la prise en
charge des patients.
• L'extraction des acides nucléiques est faite à partir de coupes de tissus fixés et inclus en paraffine. Ces prélève­
ments doivent être fixés au formol 10 % le plus rapidement possible et le temps de fixation doit être compris
entre 6 heures et 24 heures notamment pour les biopsies.
• Le médecin anatomo-pathologiste, après un contrôle morphologique, sélectionne des zones tumorales ; le
prélèvement doit contenir au moins 25 % à 30 % de cellules tumorales, pour éviter les faux négatifs.
• Dans tous les cas, les prélèvements doivent être accompagnés d'une fiche de prescription selon les recomman­
dations de l'INCa.
• Les indications des tests de biologie moléculaires sont théranostiques, diagnostiques, pronostiques.

► 72 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... UE 9 - ITEM 290


UE9 ltem290
...... .. ...................

4. Principales indications de l'examen extemporané :


principe de réalisation et limites
4.1. Définition

L'examen extemporané correspond à l'examen anatomo-pathologique d'un prélèvement, en cours d'intervention


chirurgicale, dans le but de fournir un résultat susceptible de modifier la conduite de l'acte en cours.

• Principales indications :
Les examens extemporanés sont essentiellement réalisés en pathologie tumorale pour décider d'une exérèse complé­
mentaire, en répondant à différentes questions dépendant du contexte chirurgical :
- La lésion est-elle de nature tumorale ou non?
- S'agissant d'une tumeur, est-elle de nature bénigne, ou maligne?
- Les limites de résection sont-elles saines ou atteintes par la tumeur, imposant dans ce cas d'étendre la chirurgie?
- Le(s) ganglion(s) lymphatique(s) prélevé(s) est (sont)-il(s) sain(s), ou au contraire métastatique(s) et conduisant
soit à étendre le curage, soit à arrêter l'intervention à cause du stade avancé de la maladie?
- Dans le cadre d'un prélèvement diagnostique difficile à réaliser, l'échantillon est-il représentatif et suffisant
pour le diagnostic ultérieur, ou inadéquat?

4.2. Principes de réalisation


• Le prélèvement est adressé sans délai, à l'état frais, sans fixateur ni sérum physiologique.
• Après examen macroscopique, le pathologiste sélectionne le fragment qu'il convient d'examiner au microscope.
• Le fragment est durci par congélation dans une enceinte réfrigérée (cryostat) (-15 à -20 degrés C), et une coupe de
3-4 µm d'épaisseur est réalisée à l'aide d'un microtome.
• La coupe fait alors l'objet d'une coloration rapide et est examinée.
• Le résultat est communiqué au chirurgien en règle en moins de 30 mn.

4.3. Limites de l'examen extemporané


• À cause des artefacts de congélation, les coupes extemporanées sont de moins bonne qualité que celles obtenues
en routine après fixation et inclusion en paraffine. Les résultats sont donc moins fiables et moins précis. L'examen
extemporané n'apporte pas une réponse définitive, et une confirmation est toujours nécessaire après fixation
du tissu restant. Il peut y avoir des discordances entre extemporané et examen définitif.
• Si le prélèvement est trop petit, l'examen peut s'avérer impossible après fixation (matériel altéré par la congélation,
ou pas de matériel restant après les coupes en congélation). Il convient dans ce cas de renoncer à l'examen extem­
porané pour préserver l'examen définitif. C'est aussi le cas en présence de prélèvements calcifiés, par exemple les
prélèvements osseux, qui ne peuvent pas être examinés en congélation, mais seulement après décalcification avant
inclusion en paraffine.
• Enfin, les délais opératoires sont allongés.

S. Les exigences nécessaires pour l'utilisation


des prélèvements dans des travaux de recherche
• Les prélèvements tissulaires adressés pour examen anatomo-pathologique ou prélevés dans le cadre de la recherche
biomédicale, fixés ou cryopréservés, sont conservés suivant la réglementation. Les prélèvements réalisés au cours
du soin peuvent sous certaines conditions être requalifiés pour la recherche après établissement du diagnostic, et
constituer ainsi des ressources précieuses pour les travaux d'investigation.

UE 9 - ITEM 290 1 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... 73 ◄


• D'un point de vue légal, cette utilisation des prélèvements pour la recherche est régie par la loi n° 2004-800
du 6 août 2004 relative à la bioéthique (la nouvelle loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches, dite
loi Jardé, impliquant la personne humaine, a été mise en application en novembre 2016; les procédures qui en
découlent sont en cours d'installation). Les tissus ou cellules, congelés ou fixés, prélevés à l'occasion d'une inter­
vention chirurgicale pratiquée dans l'intérêt de la personne opérée ou dans le cadre de la recherche biomédicale,
peuvent être utilisés à des fins scientifiques, sous réserve des exigences légales et réglementaires suivantes:
- information du patient, vérification de sa non-opposition ou recueil du consentement signé (si les
caractéristiques génétiques sont étudiées);
- avis du Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche (anciennement
C.C.T.I.R.S.) puis saisie de la CNIL en cas de fichier informatique associé (pour garantir notamment la
confidentialité et contrôler l'usage d'un traitement automatisé des données).
• D'un point de vue éthique, il est nécessaire d'obtenir:
- un avis favorable d'un Comité de Protection des Personnes (CPP) pour la recherche envisagée;
- la dérogation par le CPP à l'obligation d'information si impossibilité de retrouver la personne (par exemple
décès) ou si le CPP juge l'information non nécessaire.
• Enfin, les exigences scientifiques pour pouvoir obtenir des données fiables et pertinentes à partir des prélève­
ments imposent:
- la bonne traçabilité des prélèvements;
- la vérification de leur qualité histologique (pourcentage de cellules tumorales, présence de nécrose ). Il est
conseillé de préserver parallèlement un fragment tissulaire tumoral et non tumoral;
- la bonne qualité de conservation des tissus (conditions de stockage);
- le regroupement des informations clinico-biologiques dans des bases de données associées aux prélèvements
étudiés.
• Des centres de ressources biologiques (tumorothèques) ont été mis en place, et sont chargés de la collecte, du
stockage, de la préparation et de l'envoi des échantillons, en garantissant la qualité, la traçabilité, et le respect de la
réglementation. Les collections d'échantillons sont déclarées au ministère de la Recherche.

► Références
• http://www.e-cancer.fr/ soins/plates-fo rmes-hospita Iieres-d e-geneti q ue-mo I ec ulaire
• http://www.e-cancer.fr/soins/anatomopathologie

► 74 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/OU DE TISSUS.... LJE 9 - ITEM 290


UE9 Item 290
............................ - - - .

POINTS CLÉS

1. Les prélèvements cellulaires et tissulaires sont réalisés par des médecins, dans le respect des
bonnes pratiques, selon des protocoles validés, en veillant à la préservation de leur qualité et de
leur quantité.
2. Les prélèvements pour examen histologique doivent être transmis fixés dans le formol à 10 %
tamponné sauf pour les examens extemporanés, les recherches particulières (étude des graisses,
examen en immunotluorescence directe), pour la cryopréservation sanitaire et pour la recherche.
3. La transmission doit être faite dans les meilleurs délais accompagnée d'une fiche de renseigne­
ments remplie par le médecin préleveur. La présence du médecin pathologiste à la RCP permet au
mieux l'échange des informations et facilite la discussion des résultats.
4. L'acheminement de l'échantillon vers le laboratoire exige un protocole rigoureux: la transmis­
sion correcte du prélèvement engage la responsabilité médicale.
5. Une partie des cellules et des tissus prélevés peut faire l'objet de recherches de biologie molé­
culaire. Ces prélèvements doivent être fixés au formol 10 % le plus rapidement possible et le temps
de fixation doit être compris entre 6 heures et 24 heures notamment pour les biopsies.
6. La cytologie permet une orientation diagnostique qui doit souvent être confirmée par l'analyse
histologique.
7. L'examen morphologique est basé sur l'interprétation par le pathologiste des images des
coupes des tumeurs par la coloration hématoxyline-éosine-safran en fonction du contexte cli­
nique et éventuellement radiologique et biologique.
8. Le résultat de l'examen morphologique est consigné dans un compte rendu qui doit comporter
des informations pour la prise en charge du patient. Des données minimales sont requises par
l'INCa.
9. La fixation des prélèvements doit être le formol à 10 % tamponné pour une durée de 6 heures
à 48 heures afin d'obtenir des résultats concluants en immunohistochimie et en FISH.
1 O. L'immunohistochimie directe et indirecte est une aide au diagnostic morphologique par la
recherche d'anomalies d'expression de protéines d'intérêt.
11. La FISH permet de mettre en évidence des amplifications de gènes ou des translocations.
12. La réalisation des tests moléculaires sur les prélèvements tumoraux est parfois primordiale
pour la prise en charge des patients.
13. Les prélèvements à visée d'étude en biologie moléculaire doivent contenir au moins 25 % à
30 % de cellules tumorales, pour éviter les faux négatifs.
14. Les prélèvements pour l'étude en biologie moléculaire doivent être accompagnés d'une fiche
de prescription selon les recommandations de l'INCa.
15. L'extraction des acides nucléiques est faite à partir de coupes de tissus fixés et inclus en
paraffine.
16. Les indications des tests de biologie moléculaires sont théranostiques, diagnostiques, pro­
nostiques.

UE 9 - ITEM 290 LE MÉDECIN PR ÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... 75 ◄


LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Le conditionnement du prélèvement est primordial pour les tests de biologie moléculaire.


2. La fixation dans du Bouin est à proscrire; du formol à 10 % doit être utilisé. Un contrôle mor­
phologique du prélèvement est essentiel avant toute analyse moléculaire.

► 76 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS.... UE 9 - ITEM 290


UE9 Item 291
............................... - . -- - -

CHAPITRE ►---------------------------------------
Traitement des cancers :
chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux
des cancers (chimiothérapie, thérapies ciblées,
immunothérapie). La décision thérapeutique
pluridisciplinaire et l'information du malade
Dr Céline Bourgier', Dr Marc-Antoine Benderra2, Dr Sandrine Richard2, Pr François Guillemin3,
Pr Frédéric Marchal•, Pr David Azria', Pr Jean-Pierre Lotz2
'Institut de Cancérologie de Montpellier, Unicancer, Montpellier
'Service d'Oncologie Médicale et de Thérapie Cellulaire, Hôpital Tenon, Groupe Hospitalier Est-Parisien, AP-HP, Paris
3 Institut de Cancérologie de Lorraine, Centre Jean Godinot, Unicancer, Reims

• Institut de Cancérologie de Lorraine, Centre Alexis Vautrin, Unicancer, Vandœuvre-lès-Nancy

1. La chirurgie des cancers 2.5. Différents types de radiothérapie


1.1. La prévention 2.6. Doses de tolérance des tissus sains et doses
1.2. Diagnostic et bilan d'extension nécessaires à la stérilisation des tumeurs
1.3. Traitements 2.7. Principaux effets secondaires
1.4. Réhabilitation 3. Traitements médicaux des cancers
1.5. La chirurgie palliative 3.1. Chimiothérapie
1.6. La chirurgie de recours 3.2. Thérapies ciblées
1.7. l'innovation en chirurgie cancérologique 3.3. Hormonothérapie
1.8. Le compte-rendu opératoire 3.4. Immunothérapie
1.9. Le chirurgien cancérologue 3.5. La résistance aux traitements médicaux des cancers
2. Radiothérapie oncologique 4. Décision thérapeutique et mise en œuvre
2.1. Introduction S. Les essais cliniques
2.2. Définitions 6. Les autorisation temporaires d'utilisation (ATU)
2.3. Mécanismes d'action des radiations ionisantes 7. L'après-cancer
2.4. Facteurs influençant l'effet des radiations

OBJECTIFS iECN
Mots clés: Bilan d'extension - TNM - Chirurgie
➔ Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, carcinologique - Réhabilitation - Anatomo­
traitements médicaux des cancers (chimiothérapie, pathologie - lmmuno-histo-chimie.
thérapies ciblées, immunothérapie). La décision théra­
peutique pluridisciplinaire et l'information du malade.
Radiothérapie - Fractionnement - Facteur temps -
Curiethérapie.
- Décrire les principes et risques des traitements en can­
cérologie (voir item 326).
Plans Cancer - Prévention - RCP - Dispositif
d'annonce - Programme personnalisé de soins -
- Justifier l'utilité d'une concertation pluridisciplinaire.
Qualité de vie - Essais thérapeutiques - Soins de
- Connaître les objectifs du dispositif d'annonce et de la support - Toxicités.
mise en place d'un programme personnalisé des soins.

• Le traitement d'un cancer peut faire appel à plusieurs modalités thérapeutiques, isolément, simultanément ou
successivement (Figure 1). La décision thérapeutique ne peut donc reposer que sur une concertation multidisci­
plinaire. Les soins oncologiques de support ne sont pas réservés à la phase purement palliative de la fin de vie mais
font partie intégrante de la prise en charge thérapeutique du malade dès le diagnostic.

UE 9 - ITEM 291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 77 ◄


Figure 1. Traitement d'un cancer: plusieurs modalités thérapeutiques

Méthodes thérapeutiques

1 1 1
Soins
Traitements
Chirurgie Radiothérapie Oncologiques
médicaux
de Support

1. La chirurgie des cancers


• La chirurgie a une place essentielle dans le traitement des cancers. Elle s'intègre dans la pluridisciplinarité avec
les autres méthodes de traitement que sont l'oncologie radiothérapie, l'oncologie médicale et les soins de support,
ainsi qu'avec les spécialités diagnostiques, l'anatomie pathologique, l'imagerie et les spécialités d'organe.
• La chirurgie est un traitement local ou loco-régional. Elle vise la tumeur, les aires ganglionnaires du drainage
lymphatique et parfois des métastases. L'objectif est le contrôle de la maladie par !'exérèse du foyer pathologique
en première intention ou après un traitement d'induction. Le risque de maladie métastatique, s'il est significatif
sera couvert par un traitement adjuvant.
• Le médecin anesthésiste-réanimateur est un partenaire essentiel : il évalue l'opérabilité. Le patient cancéreux
peut avoir des comorbidités majeures: indépendantes plus ou moins liées à l'âge, liées aux traitements (chimio­
thérapie, radiothérapie), liées aux conséquences de la tumeur (dénutrition). Il doit également anticiper les consé­
quences possibles de la chirurgie. Le bénéfice d'une intervention est mis en balance avec les risques encourus de
décompensation d'une fonction vitale. Une préparation immuno-nutritionnelle est parfois indispensable.
• On peut schématiquement placer l'acte chirurgical dans quatre grands domaines (Figure 2: prévention (éviter),
diagnostic et bilan d'extension (affirmer et préciser), traitement (guérir et soulager) et réhabilitation (réparer).

Figure 2. Les domaines de la chirurgie des cancers

Les domaines de la chirurgie


des cancers

1 1 1 1

Diagnostic
Prévention Traitement Réhabilitation
et bilan d'extension

1.1. La prévention
1. 1. 1. la chirurgie prophylactique
• L'objectif est !'exérèse d'un organe apparemment sain, mais ayant un très fort risque de développement d'un
cancer lié à l'identification d'une mutation génétique constitutionnelle.

► 78 ÎRAITEMENT DES CANCERS UE 9 - ITEM 291


:
UE9 Item 291
...... .. ...................

Exemple : Mastectomies et ovariectomies prophylactiques chez des patientes jeunes porteuses d'une
mutation BRCA 1 ou 2.

1.1.2. la chirurgie préventive


• L'objectif est l'exérèse complète d'états précancéreux assurant ainsi une prévention secondaire. La guérison est de
100 %. En principe les gestes sont limités, mais ce n'est pas toujours le cas.

Exemples:
- Conisation en cas de carcinome in situ du col utérin.
- Colectomie totale+/- proctectomie en cas de polypose recto-colique.

• Toutes les lésions précancéreuses justifient un geste d'exérèse.

Exemples: Dysplasies, leucoplasies et érythroplasies muqueuses, carcinomes in situ de l'œsophage ou de la


vessie, carcinome intra-canalaire du sein (CCIS) ...

• L'alternative à la chirurgie est la résection endoscopique ou la destruction (laser, plasma argon, hyper-fréquence ...).
Une radiothérapie peut être associée à la chirurgie comme dans le CCIS de haut grade du sein.

1.2. Diagnostic et bilan d'extension


1.2.1. Diagnostic
• L'objectif est d'affirmer la malignité, de préciser le typ e histologique ainsi que d'autres paramètres biologiques
pouvant modifier la décision thérapeutique.
• L'évolution des techniques radiologiques interventionnelles a limité ces indications chirurgicales. Le chirurgien
sera amené à faire un prélèvement là où le radiologue ne peut aller (accessibilité), si des prélèvements répétés
n'apportent pas l'information utile ou si le geste participe au traitement.

Exemples:
- Biopsie du col utérin sous colposcopie.
- Castration par voie inguinale pour le diagnostic de cancer du testicule.

• A contrario, la chirurgie peut permettre de corriger un diagnostic erroné de malignité ou de découvrir fortuite­
ment une tumeur maligne sur pièce opératoire.
• Cette étape diagnostique se fait en collaboration avec l'anatomo-pathologiste. Le chirurgien doit indiquer la topo­
graphie des prélèvements, les orienter et préciser le degré d'urgence.

1.2.2. Bilan d'extension


• L'objectif est d'obtenir un classement par stade ( OMS, FIGO ...) précis, nécessaire à la définition d'un programme
thérapeutique. L'imagerie a ici une place essentielle en complément des données cliniques.

Exemples:
- La cœlioscopie pour un cancer de l'ovaire oriente le choix du premier traitement et permet d'obtenir
une preuve histologique sur la tumeur, ses extensions et une cytologie sur le liquide péritonéal.
- Une suspicion de carcinose péritonéale (mésothéliome, cancer de l'estomac) nécessite une cœlioscopie
de classification de l'atteinte péritonéale pour estimer les chances de résection R0.

UE 9 - ITEM 291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 79 ◄


• Le curage apporte une information sur l'atteinte des ganglions et sera utilisé pour poser une indication de chimio­
thérapie adjuvante (exemple: cancer du sein) et/ou d'une radiothérapie externe adaptée (exemples: cancer du col
utérin, cancer de la prostate). Une atteinte ganglionnaire peut être une contre-indication relative à la chirurgie
d'exérèse de l'organe en première intention (vessie, estomac, carcinome hépatocellulaire ...).

1 .3. Traitements
1.3.1. Radicalité et qualité de vie
• Les objectifs de la chirurgie sont la guérison et le maintien d'une bonne qualité de vie. Le principe de radicalité a
pour objectif d'éviter les récidives locales; l'exérèse du cancer doit être totale et passer en tissu sain, sans effraction
de la tumeur. L'évolution des pratiques chirurgicales a voulu préserver la radicalité du geste tout en réduisant les
séquelles fonctionnelles ou mutilantes.

Exemples:
Abandon de la mastectomie totale élargie à des méthodes conservatrices pour le cancer du sein.
- Abandon des amputations et désarticulations de membre pour les sarcomes des tissus mous.

• La règle générale de la chirurgie d'exérèse des cancers est l'exérèse anatomique.

Exemples:
Pneumonectomie et curage ganglionnaire médiastinal pour un carcinome bronchique développé sur
une bronche souche.
- Hémi-colectomie droite pour un adénocarcinome du ccecum.
- Ablation de toute la glande, y compris le prolongement axillaire, en cas de chirurgie non conservatrice
pour un cancer du sein.

1.3.2. les marges


• La marge est la distance entre la dernière cellule cancéreuse et le trait de coupe chirurgical ; elle se mesure
macroscopiquement et microscopiquement. La notion de berge décrit une surface sur la pièce opératoire. Une
berge envahie signifie que le chirurgien est passé dans la tumeur et qu'il reste un foyer tumoral massif; la marge
est nulle. Quand la tumeur affleure la berge (la surface de la pièce opératoire), la marge est quasi nulle et le risque
que des cellules résiduelles malignes soient restées en place est important. À l'inverse, si la berge est saine et si la
marge est correcte, le geste est probablement localement efficace.

Exemples:
- Lors de !'exérèse d'un cancer du sein, une marge entre 1 et 2 mm est suffisante à condition qu'il n'y ait
pas de carcinome intra-canalaire (CCIS) associé car la marge exigée serait alors de 2 mm.
- La marge d'exérèse d'un mélanome cutané dépend de l'indice de Breslow (plus la tumeur est épaisse,
plus grandes devront être les marges).
- Un sarcome rétro-péritonéal justifie une néphrectomie et une colectomie afin de s'assurer de marges
significatives.

• On classe la qualité de l'exérèse en trois niveaux selon la présence ou non de foyers tumoraux résiduels
après la chirurgie:
- RO: il n'y a pas de résidu microscopique;
- Rl : il n'y a pas de résidu macroscopique, mais un très fort risque de résidu microscopique;
- R2: il persiste un résidu macroscopique.

► 80 ÎRAITEMENT DES CANCERS UE9-ITEM291


l UE9 Item 291
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1.3.3. Le curage ganglionnaire


• Différentes stratégies sont possibles vis-à-vis des zones anatomiques de drainage lymphatique:
- curage de nécessité : il existe une atteinte macroscopique prouvée qui justifie l'exérèse réglée des sites de
drainage anatomique ;
- curage de principe: il existe un risque d'atteinte ganglionnaire qui incite à faire un curage réglé si celui-ci a
une valeur thérapeutique ou si l'information obtenue peut être décisive pour le choix du traitement à suivre ;
- la technique du ganglion sentinelle a pour but de limiter le prélèvement au premier relai ganglionnaire (1 à 3
ganglions) et n'élargir le curage que si ce premier relai est envahi.

1.3.4. La chirurgie mini-invasive


• La chirurgie « ouverte » reste souvent nécessaire pour des tumeurs volumineuses, des situations complexes, les
récidives...
• La cœliochirurgie est reconnue comme un standard pour la chirurgie de petites tumeurs.
• Il est essentiel de garantir la même qualité de geste qu'en chirurgie ouverte et d'obtenir le même résultat carci­
nologique en survie sans récidive. L'amélioration des suites opératoires est jugée sur des critères tels que: pertes
sanguines, douleur, reprise du transit, durée moyenne de séjour.

1.3.5. La transplantation hépatique


• À l'inverse de la chirurgie mini-invasive, des gestes majeurs sont possibles en chirurgie des cancers. Par exemple,
la transplantation hépatique est parfois indiquée dans le carcinome hépatocellulaire. On intègre dans les indica­
tions la taille de la tumeur, l'absence de métastase, l'existence ou non d'une thrombose portale, la fonction hépa­
tique selon Child, et on met en balance les autres techniques (résection chirurgicale limitée, chimio-embolisation
artérielle, thérapie ciblée, chimio-lipiodol, radio-fréquence, radiothérapie conformationnelle ou en conditions
stéréotaxiques ...) et les risques de l'immunosuppression post-transplantation.

1.3.6. Les associations thérapeutiques

• La juxtaposition signifie que les cibles sont différentes: la chirurgie se limite à l'exérèse du site tumoral et la
radiothérapie complète le traitement loco-régional sur les extensions locales et/ou sur les ganglions potentiel­
lement atteints. La chimiothérapie a pour objectif de réduire le risque lié à une maladie générale.
• La superposition signifie que les cibles sont identiques. Les traitements se suivront. On parle de chimio­
thérapie d'induction (ou néo-adjuvante) quand la chimiothérapie est la première séquence du traitement. La
radiothérapie externe peut également précéder ou suivre l'acte chirurgical.

• Les objectifs sont divers: traiter en priorité une maladie potentiellement métastatique infra-clinique, réduire le
volume de la tumeur pour la rendre extirpable ou limiter l'importance de l'exérèse chirurgicale et permettre la
conservation partielle de l'organe dans un but fonctionnel ou de qualité de vie.

Exemples:
Un cancer du rectum sous péritonéal > T2 justifie une radiothérapie associée à une chimiothérapie,
avant le temps chirurgical d'exérèse et sans préjuger de l'indication d'une chimiothérapie adjuvante.
- Les métastases hépatiques des cancers colorectaux, de l'adénocarcinome du bas œsophage, des
sarcomes des membres, etc. bénéficient d'un traitement d'induction pré-chirurgical.

LJE 9 - ITEM 291 1 ÎRAITEMENT DES CANCERS 81 ◄


1.3.7. Traitements combinés per-opératoires
• L'irradiation per-opératoire (IORT: Intra Operative Radiation Therapy) consiste à irradier avec des électrons un
site anatomique défini, en protégeant les organes sensibles adjacents. L'infrastructure pour réaliser ce traitement
nécessite que l'accélérateur de radiothérapie soit situé dans le bloc opératoire (possible ambulatoire) et que les
oncologues radiothérapeutes, les physiciens médicaux et les chirurgiens soient parfaitement coordonnés entre
eux.

Exemple : La radiothérapie per-opératoire pour le cancer du sein délivre une dose unique dans le lit
opératoire. L'intérêt est de remplacer la radiothérapie externe qui s'étale sur 5 à 6 semaines (ou moins pour
un protocole de radiothérapie hypo fractionnée) par une seule séance au cours de l'intervention.

• La chimiothérapie loco-régionale associe l'administration d'une très forte dose de chimiothérapie dans un com­
partiment limité à une hyperthermie potentialisatrice.

Exemples:
Traitement du pseudo-myxome (maladie gélatineuse du péritoine).
- Perfusion de membre isolé avec le TNFa, indiquée pour les sarcomes des parties molles ou le mélanome
avec nodules en transit des membres avec comme bénéfice la possibilité de faire ensuite une chirurgie
d'exérèse conservatrice.

1.3.8. les alternatives à la chirurgie


• La chimiothérapie et la radiothérapie permettent, dans certains cas, d'obtenir une réponse histologique complète
ou une survie globale équivalente à la chirurgie avec une morbi-mortalité moindre.

Exemples:
Radio-chimiothérapie concomitante exclusive du carcinome épidermoïde du tiers supérieur de
l'œsophage, du cancer de vessie T2 (après RTUV complète).
Le cancer de la prostate peut être traité par curiethérapie, par radiothérapie externe conformationnelle
avec modulation d'intensité, par cryothérapie, etc. en lieu et place de la chirurgie. Chaque technique a
des indications plus ou moins précises, mais qui dépendent également de l'accès au plateau technique
correspondant.

1.3.9. la chirurgie des masses résiduelles


• Elle vise à enlever ce qui reste après les premières phases du traitement pour gérer un temps suivant.

Exemple : La persistance de masses ganglionnaires après chimiothérapie pour une tumeur germinale
non séminomateuse du testicule de stade Il (atteinte des ganglions régionaux: ganglions para-aortiques,
pré-aortiques, inter-aortico-caves, pré-caves, para-caves, rétro-caves, rétro-aortiques et le long des veines
spermatiques) peut correspondre à
► des résidus tumoraux actifs qui vont imposer une chimiothérapie de deuxième ligne, voire une
intensification de dose;
► du matériel nécrotique qui peut renseigner sur la nature d'images résiduelles en site métastatique
(poumon, ganglions médiastinaux) dont la surveillance sera suffisante;
► une tumeur mature à type de tératome dont l'évolution sous forme de tératome croissant peut

► 82 ÎRAITEMENT DES CANCERS UE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
........ -----�----

1.3.1 O. La chirurgie de rattrapage


• L'échec d'un premier traitement non chirurgical, sans intervalle libre, peut parfois être rattrapé par la chirurgie.
Dans tous les cas une évolution métastatique doit faire reconsidérer la chirurgie qui pourrait à la rigueur se justi­
fier à titre de « propreté ».

Exemple:
- Le cancer épidermoïde de la marge anale est traité en première intention par une association de radio­
chimiothérapie. Le résultat attendu est un contrôle de la maladie dans plus de 90 % des cas. L'échec
est la persistance de tumeur vivace, de douleurs et souvent une incontinence des matières et des gaz.
L'amputation ano-rectale par voie abdomino-périnéale est alors nécessaire. Elle se justifie d'autant plus
que la maladie est à un stade local et si l'atteinte ganglionnaire a été contrôlée par le traitement.

1.3.11. Chirurgie des métastases


• La chirurgie des métastases peut avoir une ambition curative.
Elle est encadrée par un traitement systémique dont l'objectif est de réduire le volume de la (des) métastase(s) et
de détruire la maladie métastatique infra-clinique. Elle s'adresse à des métastases synchrones ou métachrones de
la tumeur primitive. La chirurgie se fait en un ou plusieurs temps. L'état général doit être compatible avec une
chirurgie étendue. La totalité des lésions visibles doit être réséquée; l'objectif est un résultat RO afin d'améliorer
la survie et la qualité de vie.

Exemples:
La chirurgie des métastases hépatiques des cancers colorectaux s'intègre parfaitement dans ce
raisonnement et les indications se sont considérablement étendues. On propose un protocole
commençant par la chimiothérapie, une embolisation du lobe hépatique le plus atteint (celui qui sera
réséqué) pour augmenter le volume de parenchyme résiduel controlatéral et dans le même temps
on détruit les foyers tumoraux (hyperfréquence, cryothérapie, ultra-sons focalisés, radiothérapie en
conditions stéréotaxiques) dans le lobe qui restera en place.
La chirurgie des métastases pulmonaires de sarcomes peut amener à la résection de plusieurs dizaines
de nodules dans les deux poumons.

• La chirurgie des métastases peut n'être que palliative.


L'objectif est la prévention de complications ou le traitement d'un symptôme.

Exemples:
- Laminectomie décompressive de la moëlle épinière pour éviter une paraplégie.
- Ostéosynthèse en prévention d'une fracture pathologique.

1.3.12. La chirurgie des rechutes


• La récidive se définit comme une reprise évolutive du cancer après un intervalle libre. Les indications chirurgi­
cales sont peu fréquentes. Il faut préalablement s'assurer de l'absence de métastase. La chirurgie doit être capable
d'enlever complétement le foyer tumoral (RO).

Exemple : La récidive locale d'un cancer du sein après traitement conservateur relève d'une chirurgie
radicale non conservatrice.

UE 9 - ITEM 291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 83 ◄


1.4. Réhabilitation
• La chirurgie réparatrice s'adresse aux conséquences et séquelles de la chirurgie d'exérèse et aux complications des
autres méthodes de traitement des cancers. Le geste peut être fait immédiatement par nécessité ou de manière
différée.

1.4.1. Chirurgie des complications et des séquelles


1.4.1.1. Complications de la radiothérapie
• Les facteurs favorisants sont une dénutrition, un diabète, un syndrome d'hyp ersensibilité à la radiothérapie, des
adhérences post-opératoires, le tabagisme.
• Les complications observées peuvent être: ulcération, fibrose, fistule, nécrose, perforation ...
• Il était fréquent à l'époque de la radiothérapie par rayons y (cobalthérapie) d'observer des radio-nécroses. Actuel­
lement, l'énergie des rayonnements X et les progrès de la dosimétrie ont rendu ces complications exceptionnelles.

Exemple : Le grêle radique, consécutif à une irradiation abdominale peut se manifester par une nécrose
muqueuse sténosante limitée, en général en regard d'une bride adhérentielle. Il peut se manifester par des
troubles de l'absorption et des troubles du transit par fibrose d'une longue portion du grêle. La chirurgie
réalise la résection de tout le segment pathologique et s'assure d'une suture en zone saine.

• La chirurgie est parfois nécessaire dans des situations où la complication est liée à l'efficacité de la radiothérapie
qui aboutit à la fonte tumorale et démasque une fistule, provoque un abcès sur nécrose, etc.

1.4.1.2. Complications de la chimiothérapie


• L'extravasation des produits de chimiothérapie provoque des brûlures chimiques extensives et d'aggravation pro­
gressive dont le traitement est la lipoaspiration en urgence ou un débridement chirurgical si le patient est référé
tardivement(> 12 h). Ensuite, il faut exciser les zones nécrosées quand elles sont bien délimitées et couvrir la perte
de substance. Parallèlement, l'ablation du cathéter ou du site implantable est indispensable.
• Le traitement par les bisphosphonates peut se compliquer d'une nécrose mandibulaire. La prévention est la mise
en état dentaire en préalable de leur prescription. À un stade avancé, on observe une nécrose muqueuse gingivale
et des séquestres osseux. Le traitement est l'arrêt des bisphosphonates, l'ablation des séquestres et la couverture
de l'os sain.

1.4.2. Reconstructions immédiates


• Les reconstructions immédiates sont des gestes courants en chirurgie des cancers. La plupart du temps, il s'agit
de restaurer une fonction essentielle : rétablissements de continuité digestive, urinaire, bronchique, pharyngo­
laryngée ou vasculaire, réfection pariétale, couverture cutanée, etc. L'utilisation d'une technique de reconstruction
a aussi l'avantage de pouvoir réaliser une exérèse plus large dont la valeur curative est potentiellement meilleure.

Exemples:
Une prostato-cystectomie totale pour un cancer de la vessie peut être compensée par une iléo-néo­
cystoplastie (reconstruction d'un réservoir in situ en utilisant le grêle« détubulé » et anastomoses urétro­
iléale et urétéro-iléales).
Une pharyngo-laryngectomie totale sera partiellement reconstruite en rétablissant la continuité de la
voie digestive supérieure entre la cavité buccale et l'œsophage: lambeau libre jéjunal ou lambeau libre
cutané ou plastie cutanée locale, etc.
- Pour le cancer du sein nécessitant une mastectomie totale, il est possible de réaliser une reconstruction
immédiate:
► pour un carcinome canalaire in situ étendu;
► pour un cancer ayant nécessité une chimiothérapie première que l'on fait suivre par une
radiothérapie. La chirurgie clôt le traitement par une mastectomie totale et une reconstruction
mammaire immédiate (RMI).

► 84 ÎRAITEMENT DES CANCERS I LJE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291

• En chirurgie mammaire conservatrice, de nombreuses techniques dérivées de la chirurgie plastique du sein ont
été proposées. Pour les cancers du quadrant inférieur, une technique issue de la chirurgie de réduction mammaire
est utile; elle est associée à une chirurgie controlatérale de symétrisation.

1.4.3. Reconstructions différées


• Le premier objectif du traitement est de corriger des séquelles fonctionnelles ou esthétiques.

Exemples:
La chirurgie du plancher de bouche nécessite parfois une interruption du maxillaire inférieur. Une
reconstruction secondaire, après cicatrisation et éventuellement une radiothérapie, associe une greffe
osseuse et dans les bons cas l'implantation d'orthèses.
- La reconstruction différée du sein est largement répandue; le choix des techniques est large.

1.5. La chirurgie palliative


• Les seules bonnes indications sont celles dont l'objectif est de soulager et d'améliorer la qualité de vie avec une
efficacité immédiate et durable. Il peut s'agir de:
- Dérivations
► des urines par urétérostomies en cas d'urétéro-hydronéphrose ou de fistule et si les techniques
interventionnelles (stent urétéral JJ, néphrostomie, cystostomie) ne sont pas applicables;
► des matières en cas d'occlusion. La colostomie ou l'iléostomie sont indiquées si la pose d'un stent colique
n'est pas possible;
► de l'alimentation, de préférence à une gastrostomie chirurgicale, une gastrostomie percutanée ou la pose
d'une prothèse œsophagienne permettra la reprise d'une alimentation per os.
- Exérèses
► pour une perforation d'un organe creux (estomac, côlon ...);
► pour un saignement important (estomac, rein ...);
► pour une occlusion (carcinose péritonéale limitée, cancer colique sténosant métastatique ...).
- Ligature vasculaire
► pour une rupture carotidienne dans l'évolution d'un cancer du pharynx.
- Trachéotomie
► pour un c_aricer du larynx ou un cancer du pharynx propagé au larynx.
- Ostéosynthèses
► pour fracture pathologique ayant un impact fonctionnel majeur (fémur, humérus, vertèbre ...).

1.6. La chirurgie de recours


• Cette chirurgie est celle qui s'adresse aux situations les plus difficiles, souvent après chimiothérapie et/ou radio­
thérapie préalables:
- tumeurs rares pour lesquelles il est recommandé de faire appel à des centres de référence;
- rattrapage et récidives (cf supra) ;
- zones anatomiques frontières: thorax/abdomen, pelvis/racine du membre inférieur, etc.;
- chirurgie lourde: exentérations pelviennes, exérèses multi-viscérales, carcinose péritonéale;
- participation à la recherche clinique.

LJE 9 - ITEM 291 1 ÎRAITEMENT DES CANCERS 85 ◄


1.7. L'innovation en chirurgie cancérologique
• Les progrès de la chirurgie, de l'anesthésie et de la réanimation permettent l'exécution d'actes complexes et sim­
plifient les suites d'actes courants. Entre autres progrès, la prise en charge de la douleur en per- et post-opératoire
est une obligation qui améliore les suites opératoires et le confort des patients.
• Des progrès technologiques améliorent la qualité du geste.

1.7.1. Aide à la navigation


• La possibilité de fusionner une image tomodensitométrique et la position en temps réel des instruments donne
une meilleure précision au geste chirurgical. Il peut s'agir de repérer une structure anatomique à préserver, de
repérer la position de la tumeur pour assurer des marges correctes, d'implanter une antenne d'ablathermie ...

1.7.2. la télé-cœ/iochirurgie
• La chirurgie dite« robotique» est une étape importante dans l'amélioration de la chirurgie mini-invasive comme:
- cœlioscopie avec vision 3D;
- ergonomie chirurgicale: position assise et appui des avant-bras;
- suppression du tremblement.
• Toutes les procédures réalisables par cœliochirurgie classique, le sont encore plus facilement par télé-cœliochirur­
gie car l'apprentissage est plus rapide et la mobilité des instruments facilite l'exécution des gestes.

1.8. Le compte-rendu opératoire


• La standardisation et la structuration du compte-rendu opératoire permettent d'apporter des informations sur
le geste effectivement réalisé et son exécution, sans perte d'information. La justification de l'intervention et ses
objectifs sont rappelés ainsi que les comorbidités qui ont pu modifier la chronologie des traitements. Le temps
descriptif des lésions observées et des particularités constatées affine le bilan d'extension. Le constat en fin d'inter­
vention décrit d'éventuelles lésions résiduelles.

1.9. Le chirurgien cancérologue


• Tout chirurgien est confronté au cancer à un moment ou à un autre.
• Il connaît les bases fondamentales de la cancérologie et les principes de la chirurgie cancérologique.
• Il exerce dans un contexte de pluridisciplinarité et suit les référentiels. Il collabore avec l'oncologue médical,
l'oncologue radiothérapeute, le radiologue et les spécialistes d'organe.
• Il a une certaine polyvalence technique.
• Il ne confond pas un débat technique et une stratégie thérapeutique.
• Il contribue à l'information du patient et de ses proches.

2. Radiothérapie oncologique
2.1. Introduction
• C'est en 1895 que W.-C. Roentgen découvre les rayons X, mais ce n'est que vers les années 1920-1930 que la radio­
thérapie, en tant que discipline de traitement anticancéreux, va réellement se structurer. Le but de la radiothérapie
est d'utiliser les radiations ionisantes à visée thérapeutique, afin de détruire les cellules cancéreuses.

► 86 ÎRAITEMENT DES CANCERS I UE 9 - ITEM 291


• UE9 Item 291
...... .. .................... " - - .. . .

• La fin du :xx siècle a vu se développer une double révolution en radiothérapie :


e

- une révolution technologique avec la mise à disposition d'appareillages de plus en plus performants en
particulier les accélérateurs linéaires ;
- une révolution biologique avec la compréhension de plus en plus précise des mécanismes d'action des
rayonnements ionisants.
• La radiothérapie s'intègre de plus en plus souvent dans des protocoles thérapeutiques multidisciplinaires, impli­
quant avec elle chirurgie et/ou chimiothérapie anticancéreuse.
• La radiobiologie étudie les effets des radiations sur les cellules normales et tumorales. Son but ultime, en clinique,
est de permettre l'amélioration de l'efficacité des radiations sur les tumeurs et de minimiser les effets secondaires
sur les tissus sains traversés par les radiations ionisantes.

2.2. Définitions
• Les radiations ionisantes sont des radiations capables de créer des ionisations dans la matière qu'elles traversent
par« arrachement» d'électrons aux atomes des molécules du milieu.
• Les photons correspondent à des« grains» d'énergie sans masse, se déplaçant à la vitesse de la lumière et trans­
portés par une onde électromagnétique.
On distingue les photons gamma, produits lors de la désintégration d'atomes radioactifs naturels ou artificiels,
cobalt (Co60 ), iridium (Ir192 ), césium (Cs137 ), et les photons X, produits lors des interactions électrons-matière.
En radiothérapie, il s'agit de photons produits par des tubes à rayons X ou par des accélérateurs linéaires à usage
médical. À énergie égale, photons gamma ou X ont des propriétés biologiques identiques : seuls les distinguent
leurs modes de production.
• Les électrons correspondent à des particules élémentaires de matière chargée négativement. La masse d'un élec­
tron est environ deux mille fois plus petite que celle des particules constituant le noyau de l'atome (neutrons et
protons). En radiothérapie, on utilise essentiellement des électrons produits par les accélérateurs linéaires (dans
une gamme d'énergie allant de 4 à 32 MeV).
• Le Gray (Gy) est l'unité de dose en radiothérapie.
Il s'agit d'une unité de dose absorbée, correspondant à une absorption d'énergie d'l joule par Kg (1 Gy= 1 J.Kg-').

2.3. Mécanismes d'action des radiations ionisantes


• On distingue 4 phases successives (physique, chimique, cellulaire, tissulaire) (Figure 3).

Figure 3. Phases successives d'action des radiations ionisantes

0 Irradiation

l
10· 15 s Ionisations-Excitations
10·5 s Radicaux libres

.--�
seconde Réactions biochimiques
minute
Réparation cellulaire
heure �
jour Mort différée
semaine
Réparation tissulaire
mois
année
CancérC:-----------.
descendance Mutations

LJE 9 - ITEM 291 1 ÎRAITEMENT DES CANCERS 87 ◄


2.3.1. La phase physique
• Elle correspond aux évènements physiques initiaux (ionisations, excitations) déclenchés par l'interaction des
rayonnements avec les atomes des molécules cellulaires. Ces évènements se produisent avec une extrême rapidité
(de l'ordre de 10- 15 à 10- 16 seconde):
- Interaction photons-matière : dans la gamme d'énergie des photons utilisés en radiothérapie, deux
effets prédominent largement (Figure 4): l'effet Compton (l'énergie d'un photon incident est transmise à un
électron arraché à une couche périphérique d'un atome et à un photon dit«diffusé»), et l'effet photoélectrique
(l'intégralité de l'énergie du photon incident est transférée à un électron arraché à une couche interne d'un
atome; le réarrangement électronique qui s'ensuit entraîne l'émission soit d'un photon dit de«fluorescence»,
soit d'un électron Auger).
- Interaction électrons-matière: il peut s'agir soit des électrons « primaires », produits directement par les
appareils de traitement, soit des électrons« secondaires», produits au cours des interactions photons-matière.
Deux types de phénomènes prédominent : des interactions électron-électron, appelées collisions, entraînant
un transfert d'énergie qui s'épuise progressivement dans la matière et des interactions électron-noyau dits
phénomènes de freinage [l'électron est freiné lors d'un passage à proximité d'un noyau (chargé positivement
qui l'attire)]. L'énergie perdue lors du freinage de l'électron est à l'origine de la production de photons (X) dits
«de freinage».

Figure 4. Principales interactions photon-matière

Effet compton

électron Compton

-----�
· ., photon diffusé

Effet photoélectrique
photon électron

photon de fluorescence
.,
-
ou

électron Auger

2.3.2. La phase chimique


• Elle correspond aux réactions chimiques consécutives aux réarrangements moléculaires produits lors de la
phase physique. Cette phase se situe de 10-s à 1 seconde après l'irradiation.
• Ces réactions chimiques vont conduire à la rupture de liaisons de covalence et donc à des scissions au sein des
molécules. Chaque fragment moléculaire emporte avec lui un des électrons de la liaison covalente: cet électron dit
«célibataire» sur une couche périphérique confère au fragment (appelé«radical libre») une réactivité chimique
élevée. Les radicaux libres interagissent entre eux et avec les molécules du milieu. À terme, les lésions molécu­
laires résiduelles après une cascade de réactions chimiques correspondent le plus souvent à des ruptures et à des
pontages moléculaires.
• Dans ce contexte, la radiolyse de l'eau cellulaire joue un rôle majeur. L'ionisation d'une molécule d'eau conduit en
effet à deux radicaux libres hautement réactifs; HO ° (oxydant) et H° (réducteur), et à la libération d'un électron
dit«aqueux». On estime qu'environ deux tiers des effets des radiations ionisantes sont liés à l'action des radi­
caux libres libérés par la radiolyse de l'eau.

► 88 ÎRAITEMENT DES CANCERS I UE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
........ __________

• L'irradiation agit sur la perméabilité de la membrane cellulaire en induisant des chaînes de réactions encore
incomplètement connues, par l'intermédiaire de la dégradation des phospholipides (peroxydation lipidique) ainsi
qu'au niveau du cytoplasme sur les ribosomes et les mitochondries (ce site d'action semble peu important).
• Ce sont avant tout les lésions de l'ADN (acide désoxyribonucléique) nucléaire qui sont responsables des effets
biologiques des radiations ionisantes (Figure 5).

Figure 5. Lésions de l'ADN induites par les radiations ionisantes

cassure
simple brin

modification
de base

site abasique

• Ces lésions de l'ADN sont:


- soit, directes, liées à l'interaction d'un électron d'ionisation avec la molécule d'ADN;
- soit, le plus souvent indirectes, par l'intermédiaire des radicaux libres créés par la radiolyse de l'eau.
• Une dose de 1 Gy crée au sein de !'ADN d'une cellule:
- 40 lésions« double brin» (rupture des deux chaînes de !'ADN);
- 500 à 1 000 lésions« simple brin» (rupture d'une seule chaîne);
- 1 000 à 2 000 lésions de base;
- environ 200 pontages (ADN-ADN ou ADN-protéine).
• Les lésions « double-brin », les plus graves et les plus difficiles à réparer pour la cellule, sont considérées comme
les principales lésions responsables de l'effet cellulaire létal des radiations ionisantes.

2.3.3. La phase cellulaire


• Elle se déroule dans les heures suivant l'irradiation. Les lésions cellulaires sont la conséquence principale des
lésions de l'ADN nucléaire. Elles dépendent des capacités et des modalités de réparation de l'ADN lésé.

2.3.3.1. Réparation complète


• Les lésions radio-induites, même les plus sérieuses (lésions double brin) sont susceptibles d'être réparées complè­
tement, permettant une restitution ad integrum du génome de la cellule irradiée, et la poursuite normale de la vie
et de la division cellulaires.

UE 9 - ITEM 291 IÎ ÎRAITEMENT DES CANCERS 89 ◄


2.3.3.2. Réparation fautive
• Les enzymes de réparation de l'ADN peuvent laisser persister des mutations en reconstituant un ADN« fautif».
• Dans leur grande majorité, ces mutations sont récessives, portant sur un seul chromosome, et n'ont aucun impact
biologique.
2.3.3.3. Mort cellulaire
• La différence de comportement (effet différentiel) entre une cellule normale, qui se répare, et une cellule cancé­
reuse, qui ne répare pas ou répare mal les radiolésions, permet aux radiations ionisantes d'entraîner la mort des
cellules cancéreuses tout en préservant les cellules normales.
• Les lésions sont dites létales si elles touchent des fonctions vitales pour la cellule et sont irréparables.
• Elles sont dites sub-létales si elles ne sont pas individuellement létales, mais que leur accumulation dans une
cellule aboutit à la mort de celle-ci.
• Les lésions potentiellement létales peuvent se réparer si les conditions (pH ...) sont favorables mais entraînent la
mort de la cellule s'il y a division rapide suivant l'irradiation.
• Différents types de mort cellulaire sont décrits après irradiation :
- la mort immédiate est rare et se produit après une irradiation à très haute dose (plusieurs centaines de Gy), ou
si les lésions de l'ADN sont létales d'emblée;
- la plupart du temps, la cellule irradiée cesse de se diviser après une ou plusieurs mitoses, ce qui correspond
à la perte de la capacité pour la cellule tumorale à proliférer de façon infinie : c'est le phénomène de mort
mitotique différée (mort en mitose). Ceci explique le délai observé entre l'irradiation et la régression clinique
du volume tumoral;
- l'apoptose est une mort cellulaire programmée, active, qui fait partie du processus normal de la vie cellulaire.
L'apoptose radio-induite nécessite le fonctionnement normal du gène p53. D'autres gènes radio-inductibles
entraînent de façon inéluctable la cellule dans le cycle de l'apoptose.

2.3.4. La phase tissulaire


• C'est la conséquence des lésions cellulaires au niveau des tissus ou organes. Elle s'étale de plusieurs jours à plu­
sieurs années après l'irradiation.
• On distingue habituellement les effets tissulaires précoces et les effets tardifs :
- les effets tissulaires précoces s'observent classiquement dans les 6 premiers mois, au niveau des tissus se
renouvelant activement, ce qui est le cas de la majorité des tumeurs malignes. Dans ces conditions, le déficit
cellulaire radio-induit se démasque rapidement;
- les effets tissulaires tardifs s'observent au niveau des tissus proliférant lentement (voire pas du tout). Dans ces
conditions, le déficit cellulaire peut se révéler des mois (classiquement après 6 mois), voire des années, après
l'irradiation;
- les effets au niveau des organes sont complexes car ils comportent souvent plusieurs types tissulaires,
susceptibles de réagir différemment au traitement.
2.4. Facteurs influençant l'effet des radiations
• La radiosensibilité intrinsèque est la capacité qu'a une cellule de réparer ou non les radiolésions, ce qui la rend
radiosensible (si elle ne répare pas les radiolésions), ou radio-résistante (si elle répare les radiolésions).
• Le cycle cellulaire: la radiosensibilité est maximale durant les phases G2 et Met minimale en phase S. L'irradiation
provoque un ralentissement de la synthèse de l'ADN, donc un allongement de la phase S, et un blocage temporaire
des cellules en G2 , avec un retard à la mitose et une synchronisation cellulaire.
• L'effet oxygène: la présence d'oxygène est indispensable à l'action biologique des radiations ionisantes. Des radi­
caux libres à durée de vie très courte (lo-s s) sont formés par les particules chargées traversant la matière. Ils pro­
voquent, en présence d'0 2 , la formation de peroxydes responsables de lésions de l'ADN (cassures). L'efficacité de
ce processus est maximale si l'oxygène est présent au moment de l'irradiation.

► 90 ÎRAITEMENT DES CANCERS I LJE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
.......................... .. .. . - ·- .

En l'absence d'oxygène (hypoxie), les cellules sont moins sensibles aux radiations. La dose nécessaire pour détruire
une cellule en hypoxie est 2,5 à 3 fois plus importante que celle nécessaire pour détruire la même cellule bien oxy­
génée.
• Le facteur temps: le fractionnement et l'étalement régissent le déroulement d'une irradiation.
- Le fractionnement est le nombre de fractions (ou de séances) d'une irradiation. Il définit également
l'intervalle de temps entre deux fractions. Il est possible de modifier l'efficacité biologique d'une irradiation en
agissant sur les composants du facteurs temps.
Le fractionnement conventionnel délivre une fraction par jour de 2 Gy qui permet la restauration de !'ADN
des cellules normales.
Le hi-fractionnement (2 séances par jour) délivre à chaque séance une faible dose, moins toxique pour les
cellules normales qui sont capables de se réparer, et plus toxique pour les cellules tumorales qui réparent
mal. Ce mode d'irradiation protège donc les tissus sains tout en délivrant une dose d'irradiation efficace (à
condition que les deux séances soient espacées d'au moins 6 heures).
Différents protocoles de traitement utilisent soit une augmentation du nombre de fractions (hyper­
fractionnement) pour des traitements curatifs, soit une diminution du nombre de fractions (hyp o­
fractionnement) pour des traitements palliatifs qui recherchent rapidement l'effet désiré (antalgique par
exemple) avec peu de séances de traitement.
- L'étalement est la durée totale du traitement. En réduisant l'étalement (accélération), on dépasse la
prolifération des cellules tumorales permettant une destruction plus importante.
Un allongement du temps de traitement (protraction) est utilisé dans le cadre de traitements palliatifs dits en
« split-course ».
• L'effet dose: In vitro, les cellules tumorales ne sont pas entourées de tissu sain, et de très fortes doses d'irradiation
permettent d'obtenir 100 % de stérilisation. En clinique, l'augmentation des doses se heurte à la tolérance des
tissus sains, qui est limitée. Néanmoins, il a été montré (cancers bronchiques, ORL, gynécologiques) que l'aug­
mentation de la dose totale d'irradiation, pour une même tumeur, améliore les chances de stérilisation. Cet effet
est constamment recherché en clinique pour les tumeurs radio-résistantes.

2.5. Différents types de radiothérapie

Il n'y a pas de radiothérapie possible sans preuve histologique.

2.5.1. La radiothérapie externe


• C'est la forme d'irradiation la plus utilisée. Elle fait appel à un équipement lourd, les accélérateurs de particules.
• La source d'énergie est à distance du volume à irradier. Les radiations ionisantes traversent l'air, puis les tissus
sains et déposent leur énergie en profondeur, détruisant ainsi les cellules tumorales. La multiplication des fais­
ceaux d'irradiation permet de concentrer l'énergie dans la tumeur et de ne pas irradier à haute dose les tissus sains
traversés.
• La radiothérapie de conformation est de plus en plus utilisée et demande l'acquisition d'un équipement lourd
qui associe un accélérateur linéaire (avec un système de collimation permettant d'obtenir un faisceau de forme
complexe grâce à l'interposition dans le faisceau primaire de lames ou« collimateur multi-lames ») et un système
informatique sophistiqué permettant l'acquisition des images anatomiques en trois dimensions. Des moyens de
contention (masques, matelas ...) et de vérification du repositionnement du patient (imagerie portale) permettent
d'assurer une reproductibilité parfaite de l'installation d'un jour à l'autre du traitement.
• Le choix du rayonnement est fonction de la localisation de la tumeur. Les lésions superficielles peuvent être trai­
tées par des électrons qui pénètrent sur quelques centimètres. Les lésions plus profondes sont traitées par des
photons, d'énergie variable de 5 à 25 MV: 6 MV pour un cancer du sein ou un cancer de la sphère ORL, 10 à 25
MV pour un cancer bronchique, abdominal ou pelvien.

LJE 9 - ITEM 291 1 ÎRAITEMENT DES CANCERS 91 ◄


2.5.2. La curiethérapie
• Cette méthode utilise des sources radioactives mises en place à l'intérieur de l'organisme. On distingue la curie­
thérapie interstitielle (les sources sont placées à l'intérieur du tissu à irradier) et la curiethérapie endo-cavitaire ou
intra-luminale où les sources sont introduites dans une cavité naturelle au contact ou à faible proximité du tissu
à irradier. Durant le temps pendant lequel les sources sont à l'intérieur de l'organisme, l'irradiation est continue.
Elle dure de quelques minutes à quelques jours, en fonction du débit utilisé (haut débit= quelques minutes), et
de la dose à délivrer.
• En France, on utilise comme sources radioactives l'iridium (Ir 192 ) et le césium (Cs 137 ).
• L'intérêt de la curiethérapie par rapport à l'irradiation externe est de délivrer en un faible laps de temps une dose
forte dans un très petit volume, car la dose chute très vite en périphérie du volume irradié.

2.5.3. La radio-immunothérapie ou radiothérapie interne vectorisée


• De développement plus récent et administrée par des médecins isotopistes (médecine nucléaire), elle utilise
comme vecteur d'un agent irradiant un anticorps monoclonal dirigé contre une structure spécifiquement portée
par une cellule tumorale. Le but est d'irradier de façon sélective la cellule tumorale, grâce à un isotope radioactiflié
à l'anticorps monoclonal. Une fois l'anticorps fixé sur la cellule tumorale, l'isotope, choisi pour son rayonnement
puissant mais peu pénétrant (quelques microns) peut irradier la cellule tumorale sans endommager les tissus
sains.
• Cette technique est en voie de développement en France, surtout dans le cadre des hémopathies malignes.

2.6. Doses de tolérance des tissus sains et doses nécessaires à la stérilisation


des tumeurs
• Il est important de connaître les doses de tolérance de chaque organe ou tissu. En effet, l'irradiation d'une tumeur,
le plus souvent profonde et entourée de tissus sains, entraîne obligatoirement l'irradiation des tissus péri tumo­
raux.
• Le plan d'irradiation doit respecter les doses de tolérance de chaque organe sain. Il est possible de délivrer de
fortes doses sur une partie d'un organe, et une dose beaucoup plus faible sur la totalité de celui-ci. Ainsi, la moelle
épinière tolère 45 Gy, le parenchyme pulmonaire 20 Gy sur un poumon entier.
• La dose nécessaire à la stérilisation d'une tumeur dépend de la tumeur considérée (radiosensibilité propre) et de
son volume.
• Schématiquement, un séminome du testicule est détruit par une dose de 30 Gy, une maladie de Hodgkin par 40
Gy, un cancer du sein par 50-60 Gy, un très volumineux cancer ORL par 70-80 Gy. Une dose> 100 Gy serait
nécessaire à la destruction d'un glioblastome.

2.7. Principaux effets secondaires


• Leur gravité varie selon l'organe irradié, mais leur fréquence est de plus en plus faible avec l'amélioration des
techniques d'irradiation (Tableau 1). Le principal facteur à considérer est la tolérance limitée des organes sains
situés dans le volume à irradier: la plupart des tissus sains sont lésés pour une dose inférieure à celle requise pour
stériliser la tumeur.
• On distingue les effets stochastiques et déterministes qui sont détaillés ci-après.
\

2.7. 1. Les effets secondaires stochastiques


• Ils sont également appelés probabilistes: la probabilité d'apparition de l'effet augmente avec la dose. On retrouve
essentiellement:
- les effets carcinogènes: le risque (très faible) de cancer secondaire après radiothérapie paraît directement lié à
l'étendue de l'irradiation et aux thérapeutiques associées (chimiothérapie);

► 92 ÎRAITEMENT DES CANCERS LJE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
............................ .... ..-. . ... .. ..

- les effets génétiques: ils restent très théoriques dans un contexte de radiothérapie. Les doses reçues aux gonades
sont souvent faibles, voire très faibles, car les volumes irradiés se situent à distance. Ce risque génétique ne
paraît devoir être pris en compte que lorsqu'une irradiation thérapeutique est amenée à délivrer aux testicules
ou aux ovaires une dose supérieure à 0,5-1 Gy (inférieure aux doses entraînant une castration).

2.7.2. Les effets secondaires déterministes


• Ils ont comme caractère commun :
- d'apparaître à partir d'une« dose-seuil» (variable selon l'organe ou le tissu);
- à partir de ce seuil, d'être d'autant plus sévères que la dose est élevée.
• Il s'agit des effets tissulaires, à traduction clinique immédiate ou différée.
• On doit différencier les effets précoces (transitoires et réversibles) survenus au cours du traitement et dans les
6 premiers mois qui suivent et les effets tardifs (le plus souvent définitifs) survenant après 6 mois (Tableau 1).

Tableau 1. DIFFÉRENCIATION RÉACTIONS PRÉCOCES ET RÉACTIONS TARDIVES


-- - - ------ -
Organes Réactions précoces Réactions tardives
Peau Épilation Atrophie cutanée
Érythème Sclérose cutanéo-sous-cutanée
Pigmentation cutanée Troubles de la pigmentation (hypo ou hyper)
Radiodermite sèche îélangiectasies
Radiodermite exsudative Radionécrose
Radionécrose cutanée Gêne fonctionnelle
Cancers cutanés secondaires
Poumon Œdème et surinfection (bactérienne, Fibrose interstitielle
mycosique ou virale) Sclérose rétractile+/- surinfection aspergillaire
Signes cliniques: toux, fièvre, dyspnée
Encéphale Œdème Encéphalopathie radique avec:
Hypertension intracrânienne - Somnolence
- Troubles cognitifs
- Troubles de la mémoire
- Hydrocéphalie
- Démence
- Radionécrose
Moelle épinière Œdème Myélite radique
Signe de Lhermitte Brown-Séquard+/- complet
Brown-Séquard+/- complet
Nerfs - Plexite radique avec signes sensitifs et/ou
moteur
Œsophage Dysphagie Dysphagie
Nausées Hémorragie
Ulcération 0

Cœur Péricardite aiguë Troubles du rythme et de la conduction


Péricardite constrictive
Sténose des artères coronaires
Pancréas Nausées, vomissements -
Diarrhées
Estomac Nausées, vomissements Hémorragie
Foie Hépatomégalie Maladie veina-occlusive
Intestin Diarrhées Ulcération
Météorisme Sténose de la paroi
Douleurs Sclérose de la paroi

UE 9 - ITEM 291 TRAITEMENT DES CANCERS 93 ◄


Rein - Néphropathie radique (HTA, Insuffisance rénale,
protéinurie)
Insuffisance rénale chronique
HTA par sténose de l'artère rénale
Hydronéphrose
+/- fibrose rétro-péritonéale
Vessie Cystite Hématurie
Atrophie vésicale
Rectum Faux besoins Sténose
Épreintes Rectorragies
Ténesmes
ORL Mucite « Larynx radique » (dysphonie, dyspnée)
Épidermite Asialie, Douleurs
Jabot,+ cf. peau
Trismus, Ostéo-radio-nécrose et fracture
Cristallin - Cataracte

3. Traitements médicaux des cancers


• Les traitements médicaux des cancers font appel à des modalités thérapeutiques distinctes, dont certaines -
comme l'immunothérapie - sont récentes et encore en cours d'évaluation (Figure 6).

Figure 6. Traitements médicaux des cancers

Traitements médicaux des cancers

1 1 1 1

Chimiothérapie Thérapies ciblées Hormonothérapie Immunothérapie

3.1. Chimiothérapie
3.1.1. Considérations générales
• La chimiothérapie anti-tumorale utilise des médicaments qui entraînent un arrêt du cycle cellulaire (effet cytosta­
tique) et/ou une mort cellulaire (effet cytotoxique), principalement par apoptose.
• Il n'y a pas de chimiothérapie possible sans preuve histologique. Seules certaines tumeurs germinales peuvent être
traitées sans preuve histologique sur la base d'arguments cliniques, radiologiques et biologiques.
• Trois principes régissent l'utilisation de la chimiothérapie systémique :
une fraction constante de cellules tumorales est tuée à chaque cycle thérapeutique. Par exemple, si un
cycle thérapeutique tue 99 % des cellules d'un cancer, une masse tumorale de 10 11 cellules sera réduite à
approximativement 10 cellules après 5 cycles;
- les cellules néoplasiques sont supposées répondre au traitement suivant une relation linéaire entre la dose et
son efficacité, ce qui justifie l'emploi de doses le plus élevées possibles, administrées aux intervalles de temps
les plus courts;

► 94 ÎRAITEMENT DES CANCERS LJE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
...... ___................

- l'hyp othèse de Goldie-Coldman suggère que les tumeurs ont un taux spontané de mutation d'environ une
cellule pour 100 000 et par gène. Ainsi, une tumeur contenant 109 cellules (environ 1 gramme) comprendra
spontanément environ 10 000 cellules résistantes à un médicament donné. Mais la résistance simultanée d'une
cellule à deux médicaments ne s'observera que pour une cellule sur 10 10 • Ceci explique l'efficacité supérieure
des poly-chimiothérapies.
• Les programmes de chimiothérapies sont établis au travers des essais conduits par des groupes nationaux ou
internationaux et suivent les recommandations des sociétés savantes (ESMO, ASCO ...) ou des organisations
institutionnelles (INCa, UNICANCER ...).

3. 1.2. Indications
• La chimiothérapie peut être administrée:
- En phase curative:
► Traitement néo-adjuvant: avant le traitement chirurgical de la tumeur. Cette approche permet de traiter la
tumeur primitive en place et les micro-métastases éventuellement présentes.
► Traitement adjuvant: au décours de la chirurgie. Il diminue (mais n'annule pas) le risque de rechute et
augmente la survie.
- En phase métastatique: l'objectif n'est plus la guérison mais la qualité de vie et le contrôle des symptômes.
On parle de chimiothérapie palliative (bien qu'elle ne soit pas administrée au moment de la fin de vie). Les
soins de support ont un rôle prépondérant durant cette phase. Dans certaines situations, la chimiothérapie
utilisée en phase métastatique peut être curative (tumeurs germinales métastatiques, cancer colo-rectal oligo­
métastatique par exemple).
- De façon concomitante ou séquentielle à la radiothérapie ( ce qui permet la coopération temporelle et spatiale
entre chimiothérapie et radiothérapie).

3. 1.3. Mesures à mettre en œuvre avant de débuter une chimiothérapie


3.1.3.1. Mesures générales
• Demande de prise en charge en Affection de Longue Durée (ALD 30). Ce document est établi par le médecin
généraliste.
• Pose d'une voie d'abord veineux centrale: chambre implantable le plus souvent; un PICC-line (cathéter central à
abord périphérique) est possible si le traitement prévisible est inférieur à 3 mois.
• Bilan des grandes fonctions vitales:
- bilan nutritionnel avec mesure du poids, albuminémie et pré-albuminémie;
- évaluation cardiaque: ECG, échographie cardiaque (notamment en cas d'utilisation des anthracyclines ++);
- ionogramme sanguin, créatininémie, bilan hépatique (transaminases, PAL, GGT et bilirubine);
- épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) en cas de traitement par la bléomycine;
- HCG chez les femmes non ménopausées;
- bilan « thrombose » si nécessaire, en fonction des antécédents, de pathologie tumorale et du contexte.
• Consultation fertilité, conservation des gamètes (CECOS) dans un nombre croissant de cas.
• La chimiothérapie est le plus souvent administrée par voie veineuse (certaines molécules se prennent par voie
orale). Pour déterminer la dose administrée, il faut calculer la surface corporelle (poids, taille) et avoir la clairance
de la créatinine pour certaines molécules (carboplatine notamment).

3.1.3.2. Principales contre-indications


• Polynucléaires neutrophiles < 1 G/L, plaquettes < 100 G/L, encore qu'il soit possible dans des situations d'urgence
carcinologique de passer outre à cette règle. Il est parfois possible d'administrer des médicaments non hémato­
toxiques dans cette situation (bléomycine, par exemple).

UE9-ITEM291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 95 ◄


• Syndrome infectieux.
• Indice d'activité(« Performance Status ») > 2(à évaluer selon la réponse attendue à la chimiothérapie et selon la
cause de ce classement > 2).
• 1er trimestre de la grossesse ou allaitement.
• Certaines contre-indications sont directement liées au médicament utilisé: par exemple, clairance de la créatinine
< 60 ml/mn pour le cisplatine.
3.1.3.3. Prévention des effets secondaires
• Anti-émétiques, à adapter selon le potentiel émétisant : anti-NKl (aprépitant), antagonistes sérotoninergiques
(anti 5-HT3: sétrons), corticoïdes et anti-dopaminergiques.
• Injection de facteurs de croissance hématopoïétiques (G-CSF retard ou standard) après certaines chimiothéra­
pies:
- en prévention primaire pour les protocoles de chimiothérapie à fort risque de neutropénie fébrile(> 20 %) ;
- en prévention secondaire si épisode de neutropénie fébrile lors du cycle de chimiothérapie précédent.
• Prévention et traitement de l'anémie : fer intra-veineux si carence martiale, érythropoïétine (EPO) possible si
Hb < 10 g/dl et anémie symptomatique, transfusion si Hb < 8 g/dl.
• Hyperhydratation avec certains médicaments (cisplatine, par exemple) ou s'il y a risque de syndrome de lyse
tumorale(ex: lymphome de Burkitt, leucémie aiguë, choriocarcinome ...).

3.1.4. les différentes molécules de chimiothérapie, classes et toxicités importantes


3.1.4.1. Classification

3.1.4.1.1. Les alkylants et sels de platine


• La réaction d'alkylation, qui est leur point commun fondamental, consiste en l'attachement par une liaison cova­
lente(et donc, supposée« solide») d'une chaîne hydrocarbonée sur un radical accepteur ; la cible principale des
alkylants est la molécule d'ADN, ce qui offre à ces médicaments une place majeure en cancérologie, mais il peut
aussi s'agir d'une protéine, qu'elle soit cellulaire ou extra cellulaire. La fixation du médicament sur son site récep­
teur prend l'appellation générique« d'adduit ». Au niveau de l'ADN, peuvent se former des liaisons ou« ponts»
qui peuvent être intra caténaires(sur le même brin de l'acide nucléique) ou inter caténaires(entre les deux brins
complémentaires).
• Les agents alkylants sont dits« cycle-dépendants»: ils n'altèrent que des cellules engagées dans le cycle cellulaire.
Ils se caractérisent par une grande hétérogénéité notamment dans leurs indications cliniques qui les rend utiles
tant dans la prise en charge des maladies hématologiques malignes que des tumeurs solides. Ils regroupent prin­
cipalement les moutardes à l'azote(ex: chloraminophène), les oxazaphosphorines(ex: cyclophosphamide) et les
nitroso-urées (ex: CCNU).
• Les organoplatines (ou sels de platine) sont parmi les médicaments les plus utilisés en cancérologie. On y trouve
le cisplatine et le carboplatine, dont les indications sont très larges, et l' oxaliplatine, réservé au traitement des
cancers colo-rectaux. La dose du carboplatine n'est pas calculée selon la surface corporelle mais est fonction de
l'exposition du patient traduite par l'aire sous la courbe (AUC) des concentrations de platine libre et impose le
calcul de la clairance de la créatinine.

► 96 ÎRAITEMENT DES CANCERS LJE 9 - ITEM 291


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...... .. ...................

3.1.4.1.2. Les inhibiteurs des topo-isomérases I et II


• Les topoisomérases I et II sont des enzymes essentielles dont le rôle fondamental est de résoudre les contraintes
topologiques de la molécule d'ADN qui se trouve physiologiquement dans un état dit« super-enroulé». Les topoi­
somérases assurent la création ou le retrait des supertours de !'ADN.
• Deux médicaments sont inhibiteurs de la topo-isomérase I: l'irinotécan et le topotécan.
• Au contraire, on trouve plusieurs classes de médicaments susceptibles d'inhiber la topo-isomérase II, parmi les­
quels:
- les épipodophyllotoxines (ex: étoposide);
- les anthracyclines (dont le chef de file est l'adriamycine ou doxorubicine).

3.1.4.1.3. Les poisons du fuseau


• Ce sont des médicaments actifs sur les microtubules. On distingue schématiquement les agents inhibiteurs de
la polymérisation des microtubules (encore appelés agents dépolymérisants) qui regroupent les alcaloïdes de la
pervenche ou vinca-alcaloïdes (ex: vinorelbine) et l'éribuline, par opposition aux agents inhibiteurs de la dépoly­
mérisation (ou agents polymérisants !) représentés par les taxanes (ex: paclitaxel).

3.1.4.1.4. Les antimétabolites


• Ces médicaments ont une formule chimique dont l'analogie est plus ou moins étroite avec la structure de com­
posés endogènes nécessaires à la synthèse des acides nucléiques et des protéines tout en étant suffisamment dif­
férente pour agir avec eux comme des inhibiteurs compétitifs. Ils sont confondus par la machinerie cellulaire
avec les métabolites auxquels ils ressemblent et peuvent intervenir soit en inhibant des processus métaboliques
essentiels au fonctionnement cellulaire, soit en s'incorporant eux-mêmes en remplacement des composés phy­
siologiques dans les macro molécules et acides nucléiques, ADN et ARN. Dans tous les cas, la synthèse des acides
nucléiques (et, donc, des protéines) se voit secondairement interrompue.
• On y regroupe:
- les anti-pyrimidiques (ex: 5-fluoro-uracile);
- les antifoliques (ex: méthotrexate);
- les antipuriques ou thiopurines (ex: mercaptopurine);
- l'hydroxyurée.

3.1.4.2. Toxicités communes aux différentes chimiothérapies


• Toxicités communes : asthénie, hématotoxicité (leuco-neutropénie, anémie, thrombopénie), nausées/vomisse­
ments et toxicité gonadique à des degrés variables selon les molécules de chimiothérapies utilisées;
• Toxicités spécifiques (cf tableau ci-après);
• Protocoles de chimiothérapie hautement émétisant et nécessitant une combinaison anti-NKl + antagoniste
récepteur 5-HT3 + corticoïdes (dexamethasone) + olanzapine :
tous les protocoles à base de cisplatine ou de cyclophosphamide à haute dose (> 1500 mg/m2). Par exemple
protocole BEP (bleomycine-etoposide-cisplatine) des tumeurs germinales, protocole cisplatine-vinorelbine
des cancers bronchiques ou protocole TPF (docetaxel-cisplatine-SFU) des cancers ORL;
- le protocole de chimiothérapie AC ou EC associant anthracyclines et cyclophosphamide, que l'on utilise dans
les cancers du sein.

LJE 9 - ITEM 291 1 ÎRAITEMENT DES CANCERS 97 ◄


Tableau 2. TOXICITÉS SPÉCIFIQUES

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Cisplatine +/- ++ + +
Carboplatine + +
Oxaliplatine ++
+ (paresthésies +
au froid)
Cyclophosphamide/
+ + ++ +/-
ifosfamide
lrinotecan ++ (sd
+ + ++
cholinergique)
Anthracyclines + ++ ++ + +/- + (cumulatif) ++
Etoposide ++ + ++
Paclitaxel +/ - ++ + +
Docetaxel + + ++ ++ + +
Vinorelbine/vincristine +/- + ++
5 Fluorouracile + (spasme
+/- + /- +/- + /-
coronarien)
Capecitabine +/- + + + oral
Gemcitabine + +/- +/-
Methotrexate + + + /- +/-
Fréquence des toxicités : ++ très fréquent ; + : fréquent ; +/- : peu fréquent ; - : rare ou absent

3.1.4.3. Toxicités spécifiques pouvant engager le pronostic vital (Tableau 3)


Tableau 3. TOXICITÉS SPÉCIFIQUES POUVANT ENGAGER LE PRONOSTIC VITAL
TOXICITÉS
Cardiaque • angor par spasme coronarien voire syndrome coronarien aigu ST+: 5-FU
• cardiomyopathie dilatée aux anthracyclines : cumulative, dose-dépendante
Pulmonaire • pneumopathie interstitielle diffuse puis fibrose: bléomycine
• pneumopathie aiguë d'hypersensibilité: méthotrexate
Néphrologique • insuffisance rénale aiguë par toxicité tubulaire directe: méthotrexate, cisplatine
• néphropathie immuno-allergique: cisplatine
• syndrome hémolytique et urémique: mitomycine, gemcitabine
Urologique • cystite hémorragique: cyclophosphamide, ifosfamide
Neurologique • encéphalopathie métabolique: ifosfamide
Allergique • choc anaphylactique: bléomycine, paclitaxel

3.1.5. Quelques notions de pharmacologie importantes


3.1.5.1. Principaux mécanismes de résistance à une chimiothérapie
• Diminution de l'influx (entrée dans la cellule) ou augmentation de l'efflux (expulsion de la cellule) de la molécule
(pompes d'efflux).
• Augmentation du système de détoxification.

► 98 TRAITEMENT DES CANCERS UE 9 - ITEM 291


: UE9 Item 291
...... .. ..................

• Surexpression ou modification de la cible au niveau des cellules tumorales qui les rendent moins sensibles à
l'action du médicament.
• Sur- ou sous-efficacité des systèmes de réparation de l'ADN.
3.1.5.2. Toxicités liées à des polymorphismes génétiques
• Certains médicaments sont susceptibles, chez certains individus prédisposés génétiquement, de provoquer une
toxicité accrue.

Par exemple :
- Un déficit complet en DHPD (dihydro-pyrimidine déshydrogénase) peut provoquer des toxicités
mortelles en cas d'administration de 5-FU. Celui-ci étant réduit par la DHPD, il s'accumule en cas de
déficit complet de l'enzyme. Un déficit partiel est possible; il sera géré par une administration du 5-FU à
dose réduite de moitié. li est recommandé depuis 2018 de réaliser un dépistage systématique du déficit
en DHPD avant toute administration de 5-FU ou Capécitabine.
- Un déficit en UGT1 A (maladie de Gilbert) entraîne des toxicités plus importantes après traitement par
l'irinotécan car l'UGT transforme le métabolite actif de l'irinotécan (SN38) en métabolite inactif.

3.2. Thérapies ciblées


3.2. 1. Généralités
• La compréhension des mécanismes de la cancérogenèse a permis de reconnaître de nouvelles cibles thérapeu­
tiques dont la plupart interviennent physiologiquement dans la transduction des signaux de croissance cellulaire.
• Les thérapies ciblées peuvent agir:
- sur les facteurs de croissance (qui sont des messagers déclenchant la transmission d'informations au sein d'une
cellule);
- sur leurs récepteurs (qui permettent le transfert de l'information à l'intérieur de la cellule) et ceci à différents
niveaux (domaine extracellulaire, intracellulaire);
- sur des éléments à l'intérieur de la cellule.
• Les thérapies ciblées bloquent la croissance ou la propagation tumorale en interférant avec:
- un des mécanismes de la croissance du cancer; ex: les inhibiteurs de l'angiogénèse;
- une anomalie moléculaire spécifique d'un type de cancer ( « mutation conductrice »); ex: mutation de l'EGFR
dans les cancers bronchiques non à petites cellules, mutation BRAF V600 dans les mélanomes métastatiques.
• Elles sont souvent mieux tolérées que les chimiothérapies.

3.2.2. les grandes classes


3.2.2.1. Anticorps monoclonaux (AcMo)

3.2.2.1.1. Considérations générales


• Ils portent tous le suffixe - mab (monoclonal antibody).
• Leur terminologie permet de comprendre leur structure:
- omab: AcMo murin (exemple: ibritumomab);
- ximab: AcMo chimérique (exemple: rituximab);
- zumab: AcMo humanisé (exemple: bévacizumab);
- mumab: AcMo humain (exemple: panitumumab).
• Ils se fixent soit sur le domaine extra-cellulaire du récepteur ciblé empêchant la fixation du ligand (exemple :
cétuximab sur le récepteur de l'epidermal growth factor, EGFR), soit directement sur le ligand empêchant la
fixation sur son récepteur (exemple : bévacizumab sur le vascular endothelial growth factor, VEGF), soit sur le

UE9-ITEM291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 99 ◄


domaine de dimérisation du récepteur, empêchant alors son activation (exemple: pertuzumab qui bloque l'hété-
rodimérisation de HER2 avec HER3).
• En outre, leur activité ne se borne pas à une simple compétition avec le ligand naturel pour l'accès au récepteur.
L'anticorps permet également le recrutement d'effecteurs solubles, comme le complément, ou de relais cellulaires,
comme les cellules natural killer (NK). Des propriétés additionnelles peuvent être conférées aux anticorps mono­
clonaux thérapeutiques par couplage avec des molécules cytotoxiques« conventionnelles» ou des radio-isotopes;
dans ce cas, l'anticorps semble essentiellement jouer le rôle de vecteur conduisant l'agent médicamenteux associé
vers sa cible.

3.2.2.1.2. Les principaux sous-groupes d'anticorps monoclonaux


• Ces médicaments sont dirigés contre:
- la voie VEGF (ex: bévacizumab);
- la voie EGF (ex: cétuximab);
- la voie HER2 (ex: trastuzumab, pertuzumab).
3.2.2.2. Inhibiteurs pharmacologiques

3.2.2.2.1. Considérations générales


• Les inhibiteurs pharmacologiques sont des petites molécules qui - au contraire des anticorps monoclonaux -
agissent à l'intérieur de la cellule.
• Ils sont pour la plupart dirigés contre les récepteurs membranaires à activité tyrosine kinase et se fixent au niveau
du site de fixation de l'ATP, bloquant ainsi les mécanismes de phosphorylation à l'origine des cascades de signa­
lisation qui conduisent le signal au noyau cellulaire. Ils portent le suffixe - inib.
• D'autres ont une action cytoplasmique.
• Certains ne sont actifs que sur une cible (agent mono-cible) mais d'autres peuvent agir sur plusieurs récepteurs
et sont appelés« agents multi-cibles ».
• Ils sont administrés par voie orale. Leur profil de tolérance est globalement plus favorable que la chimiothérapie
mais impose une éducation thérapeutique du patient.
• Leur action semble limitée dans le temps en raison de l'émergence de mutations secondaires de résistance, suscep­
tibles d'être surmontées par la mise au point d'inhibiteurs de seconde génération.

3.2.2.2.2. Les principaux groupes d'inhibiteurs pharmacologiques


• Ces médicaments sont dirigés contre:
- le récepteur de l'EGF (ex: erlotinib);
- l'angiogénèse (ex: sorafénib);
- la translocation de ALK (ex: crizotinib);
- la mutation BRAF V600 (ex: vémurafénib);
- la voie MEK (ex: tramétinib);
- la voie mTOR (ex: évérolimus, temsirolimus).
- la voie CDK4/6 (ex: palpociclib)

3.3. Hormonothérapie

3.3.1. Généralités
• Les cellules tumorales du cancer de la prostate, du cancer du sein (et de l'endomètre) expriment des récepteurs
aux hormones, les rendant sensibles aux traitements anti-hormonaux.

► 100 ÎRAITEMENT DES CANCERS I LJE 9 - ITEM 291


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.........................

• Le terme« hormonothérapie» est donc un abus de langage: il s'agit plutôt d'un traitement anti-hormonal, dont
le principe est d'empêcher cette stimulation hormonale par deux grandes méthodes:
- Diminuer la production hormonale au niveau:
► central(ex: utilisation des agonistes de la LH-RH qui inhibent la sécrétion de LH hypophysaire);
► périphérique (ex: suppression - irréversible - de la production hormonale ovarienne ou testiculaire par
chirurgie ou radiothérapie ; suppression temporaire par les inhibiteurs de l'aromatase chez les femmes
ménopausées dans le cancer du sein).
- Bloquer le récepteur hormonal au niveau de la cellule tumorale par une« anti-hormone».

3.3.2. Cancer de la prostate


3.3.2.1. Médicaments actifs sur la LH-RH
• La LH-RH est sécrétée par !'hyp othalamus et régule la synthèse de la FSH et de la LH par !'antéhyp ophyse. La LH
est le stimulus principal de la synthèse et de la sécrétion de testostérone par les cellules testiculaires de Leydig.
Agonistes(ex: leuproréline) et antagonistes (ex: dégarélix) de la LH-RH conduisent à une castration médicale
réversible.
• Les agonistes(ou analogues) de la LH-RH stimulent, dans les premiers jours du traitement, la sécrétion hyp ophy­
saire de LH et FSH entraînant en retour l'augmentation de la synthèse de testostérone avec le risque de provoquer
une majoration initiale des symptômes (phénomène dit du « flare-up »). Dans un second temps, ils provoquent
l'internalisation dans la cellule des complexes ligand-récepteur ainsi que la diminution du nombre des récepteurs
aboutissant in fine à la suppression de la sécrétion de testostérone.
• Le risque de rebond symptomatique précoce est particulièrement élevé chez les malades porteurs d'une obstruc­
tion des voies urinaires excrétrices ainsi que chez ceux présentant des métastases vertébrales. Aussi est-il impératif
de faire précéder ou, au minimum, de co-administrer au début du traitement un anti-androgène jusqu'à ce que la
testostéronémie atteigne le niveau de castration médicale('.,'.; 0,5 ng/ml). L'association d'un agoniste de la LH-RH
· et d'un anti-androgène est connue sous l'appellation de blocage androgénique complet.
• Les antagonistes de la LH-RH entraînent un blocage direct et immédiat des récepteurs de la LHRH, conduisant à
une suppression rapide de la LH et FSH, et de la sécrétion de testostérone, sans risque d'effetjlare-up +++.

3.3.2.2. Les anti-androgènes


• Les anti-androgènes (ou antagonistes des récepteurs aux androgènes) inhibent les effets de la testostérone au
niveau de ses récepteurs périphériques, notamment prostatiques. Ils comprennent un progestatif anti-androgé­
nique, l'acétate de cyp rotérone, et 3 anti-androgènes non stéroïdiens de première génération(bicalutamide, flu­
tamide, nilutamide). Ils entrent en compétition avec les androgènes dont ils inhibent la fixation sur le récepteur,
empêchant ainsi la translocation de ce dernier vers le noyau cellulaire. En conséquence, ils ne diminuent pas la
production de LH et ne réduisent pas le taux de testostérone qui peut rester normal voire même augmenter. Le
retentissement du traitement sur la libido et la puissance sexuelle est donc moins marqué. Ces médicaments ne
doivent pas être proposés en 1 intention ni en monothérapie; ils sont essentiellement utilisés en association avec
ère

les agonistes de la LH-RH, afin de prévenir l'exacerbation des symptômes au début du traitement.

3.3.2.3. Hormonothérapies de nouvelle génération


• À l'issue d'une première phase de rémission obtenue par la castration médicale, d'une durée médiane
approximative de 18 mois et dont atteste une testostéronémie effondrée, le cancer de la prostate reprend sa
croissance ce dont témoigne la ré-augmentation du PSA éventuellement associée à l'apparition de signes cli­
niques. Cette phase de progression biologique et/ou clinique de la maladie, qui définit les cancers de la
prostate résistants à la castration, rend compte du fait qu'il persiste au sein de la cellule cancéreuse une
concentration suffisante de testostérone (ou de son dérivé, la di-hydrotestostérone) pour que le récep­
teur androgénique puisse migrer vers le noyau, se fixer à l'ADN et assurer son activité transcriptionnelle.
• Premier représentant d'une nouvelle génération d'anti-androgènes, l'enzalutamide se fixe au récepteur androgé­
nique avec une affinité très supérieure à celle des médicaments antérieurs.

UE 9 - ITEM 291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 101 ◄


• L'acétate d'abiratérone est un inhibiteur irréversible du cytochrome P450 CYPl 7 qui est impliqué dans la synthèse
in situ des androgènes au niveau testiculaire, surrénalien et prostatique.
• La prescription de ces deux médicaments doit être associée au maintien d'une castration médicale par un ana­
logue de la LH-RH si elle n'avait pas été chirurgicale. Un suivi de la testostéronémie devra être fait régulièrement.
Une surveillance de la kaliémie et une supplémentation en cortisone est indispensable avec la prescription de
l'acétate d'abiratérone.
En effet, le cytochrome P450 CYPl 7 étant également impliqué dans la synthèse du cortisol, l'administration d'acé­
tate d'abiratérone est à l'origine d'une diminution de sécrétion des gluco-corticoïdes, qui induit un rétro-contrôle
positif sur la sécrétion hyp ophysaire d'ACTH, responsable d'une stimulation de la sécrétion des minéralo-corti­
coïdes (d'où hyp eraldostéronisme secondaire et risque d'hyp okaliémie et d'hyp ertension artérielle).

3.3.3. Cancer du sein


3.3.3.1. Les anti-œstrogènes
• Il s'agit, en fait, de modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes. On distingue:
- les SERM (« Selective estrogen receptor modulator »), dont le chef de file historique est le tamoxifène. Leur
structure chimique tertiaire leur permet de s'amarrer aux récepteurs œstrogéniques et d'entrer en compétition
avec les œstrogènes endogènes. Ils ont un effet antagoniste fort sur le sein mais agoniste faible, dit« oestrogène­
like », sur d'autres tissus cibles, notamment l'endomètre, ce qui explique nombre de leurs effets secondaires
(notamment l'augmentation du risque de maladie thrombo-embolique et de cancer de l'endomètre);
- le tamoxifène a par ailleurs un effet oestrogène-like sur l'os: il est donc protecteur vis-à-vis de l'ostéoporose
chez la femme ménopausée, et n'induit pas de risque d'ostéoporose chez la femme non ménopausée (sauf en
période pré-ménopausique, du fait d'un effet agoniste insuffisant).
- le fulvestrant est un « Selective estrogen receptor downregulator » (SERD) dont il est le seul représentant
disponible; de structure stéroïdienne, c'est un anti-œstrogène pur sans effet agoniste faible.

3.3.3.2. Les inhibiteurs des aromatases


• Le cancer du sein, tumeur typiquement hormono (œstrogéno) - dépendante, est paradoxal en ce qu'il est plus
fréquent après la ménopause alors même que les ovaires ont cessé leur production hormonale. C'est l'expression
et l'activité de l'aromatase, enzyme ubiquitaire au niveau des tissus périphériques normaux (graisse, muscle, foie
mais aussi tissu mammaire), qui est à l'origine de cette discordance apparente. En effet, si l'ovaire est la princi­
pale source d'œstrogènes chez la femme en période d'activité génitale, ceux-ci proviennent après la ménopause
de la conversion des androgènes surrénaliens (androstènedione et testostérone) en œstrogènes sous l'effet de
l'aromatase tissulaire. Cette réaction d'aromatisation périphérique est majorée dans certaines circonstances telles
que l'obésité. Plusieurs médicaments ont été développés pour contrecarrer cet effet (exémestane, anastrozole,
létrozole). Ces médicaments ont conquis une place majeure dans le traitement des cancers du sein de la femme
ménopausée dès lors qu'ils expriment des récepteurs hormonaux; dans cette situation, leur prescription a pris le
pas sur celle des anti-œstrogènes.
• Chez la femme non ménopausée, les inhibiteurs de l'aromatase sont contre-indiqués en monothérapie, du fait de
leur inefficacité sur le blocage de la synthèse ovarienne d'oestrogènes.
• Les effets indésirables les plus fréquemment observés avec ces médicaments sont des myalgies et des arthralgies
dont les malades doivent être prévenues avant l'instauration du traitement et qui peuvent aller jusqu'à faire inter­
rompre celui-ci. Ils ont surtout en commun d'accélérer la perte osseuse postménopausique et d'être associés à un
risque fracturaire accru. En conséquence, les malades doivent bénéficier d'une surveillance de la densitométrie
osseuse et recevoir un apport suffisant en calcium et vitamine D, voire un biphosphonate chez les malades les plus
âgées et/ou s'il existe des facteurs de risque associés de fracture (antécédent de corticothérapie, maigreur, ostéo­
porose familiale, par exemple).

► 1 02 ÎRAITEMENT DES CANCERS UE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291

3.4. Immunothérapie

3.4.1. Généralités
• L'immunothérapie agit principalement sur le système immunitaire du patient pour le rendre apte à attaquer les
cellules cancéreuses. On pourrait décrire l'absence de réaction immunitaire comme étant la résultante de la mise
en place d'une« glace sans tain» entre les cellules cancéreuses et les cellules immunitaires. L'immunothérapie abat
cette« glace sans tain ».
• L'immunothérapie repose sur les anticorps monoclonaux, notamment les inhibiteurs de points de contrôle, les
anticorps bispécifiques, le transfert adoptif de cellules ou encore la vaccination anti-tumorale, encore très expéri­
mentale (en dehors de la vaccination préventive anti-HPV des cancers du col de l'utérus).

3.4.2. Les inhibiteurs de points de contrôle: déverrouiller le système immunitaire


• Des freins immunologiques (ou immune checkpoints) sont présents à la surface des lymphocytes T, afin d'évi­
ter une réponse immunitaire inflammatoire excessive et prévenir le développement de maladies auto-immunes.
CTLA-4 (Cytotoxic T lymphocyte-associated protein 4) et PD-1 (Programmed cell death receptor 1) sont, parmi
bien d'autres déjà reconnues, des cibles thérapeutiques dont le rôle physiologique est de limiter l'activation du
système immunitaire. La fixation à ces protéines de leurs ligands respectifs (par exemple, PD-Ll/2 pour PD-1)
inhibe la voie de signalisation du récepteur antigénique des lymphocytes T.
• Cet effet bénéfique des points de contrôle est délétère lorsqu'ils sont détournés par les tumeurs à leur avantage, par
exemple en exprimant PD-Ll/2 à leur surface.

L'exemple des anti-PD-1 (nivolumab, pembrolizumab) ou anti-PD-L1, (atézolizumab, avélumab,


duvarlumab) et des anti CTLA-4 (ipilimumab)
- La liaison de la protéine PD-L1, présente sur les cellules tumorales, au récepteur PD-1 sur les lymphocytes
T entraîne l'inactivation de ces derniers. En bloquant le récepteur PD-1 ou la protéine PD-L1 (avec des
anti-PD-1 ou anti-PD-L1), l'inactivation des lymphocytes T est levée. Ces médicaments sont développés,
voire utilisés dans le contexte de l'AMM, dans les cancers du rein, de la vessie, du poumon non à petites
cellules ou encore le lymphome de Hodgkin.
- L'anticorps monoclonal ipilimumab, utilisé dans le traitement des mélanomes métastatiques, inhibe la
voie CTLA-4, restaurant ainsi l'activité lymphocytaire anti-tumorale.

• Les effets indésirables de cette nouvelle classe médicamenteuse (on parle de « checkpoint inhibitors ») résultent
d'une réponse immunitaire augmentée ou excessive dirigée contre l'organisme du malade; ils sont définis comme
« immune related adverse events». Ils concernent essentiellement les systèmes gastro-intestinal, hépatique, cutané,
nerveux et endocrinien (notamment au niveau de l'hypophyse et de la thyroïde) mais ils peuvent atteindre toutes
les fonctions de l'organisme. Ils apparaissent pour la plupart pendant la phase d'induction du traitement mais
peuvent également être retardés. Un diagnostic précoce et une prise en charge appropriée, par corticothérapie à
forte dose éventuellement associée à un traitement immunosuppresseur, sont essentiels pour minimiser les com­
plications menaçant le pronostic vital.

3.4.3. Les anticorps bispécifiques


• Les anticorps bispécifiques sont appelés ainsi car ils peuvent se lier à deux typ es de cellules différentes, les cellules
tumorales et les cellules immunitaires. L'anticorps, en permettant le rapprochement de ces deux typ es de cellules,
facilite ainsi l'élimination des cellules cancéreuses par les lymphocytes T.

UE 9 - ITEM 291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 103 ◄


3.4.4. le transfert adoptif de cellules
• Ces traitements visent à stimuler le système immunitaire du patient en donnant aux cellules immunitaires l'infor­
mation dont elles ont besoin pour mieux reconnaître les cellules tumorales. Pour cela, des cellules immunitaires
sont sélectionnées et/ou modifiées en laboratoire puis réinjectées dans l'organisme du patient.
• Ainsi le transfert adoptif de lymphocytes T infiltrants (tumour-infiltrating lymphocytes), consiste à prélever des
lymphocytes T d'un patient à partir d'échantillons de sa tumeur, à sélectionner les plus efficaces en vue d'une
expansion en laboratoire, et à les lui réinjecter à des fins anti-tumorales.
• Une autre approche consiste à modifier génétiquement les cellules immunitaires. Il s'agit du transfert adoptif de
lymphocytes T génétiquement modifiés. Dans ce type de traitement, les lymphocytes T prélevés dans le sang du
patient, sont génétiquement modifiés pour exprimer des récepteurs spécifiques à leur surface. On parle de récep­
teur antigénique chimérique. Ces récepteurs permettront aux cellules modifiées (CAR-T), de repérer des anti­
gènes présents sur les cellules tumorales. Ces cellules sont cultivées en laboratoire jusqu'à ce qu'elles prolifèrent
par millions puis sont réinjectées au patient. Continuant à se multiplier in vivo, elles vont pouvoir reconnaître et
détruire spécifiquement les cellules cancéreuses.

3.5. La résistance aux traitements médicaux des cancers


• Certaines tumeurs expriment une résistance « primaire » au traitement, par exemple la résistance bien établie des
carcinomes rénaux aux chimiothérapies conventionnelles.
• Chez d'autres patients peut être observé un bénéfice thérapeutique immédiat suivi d'une résistance secondaire ou
acquise, qui peut se développer pendant le traitement ou à distance de celui-ci après qu'une phase de rémission
complète a été observée.
• Des mutations au sein de l'ADN tumoral, des modifications de cibles, des problèmes de pénétrance intra-tumo­
rale peuvent expliquer ces résistances. Un sous-dosage thérapeutique est parfois à l'origine de ces résistances
acquises répondant in fine à un phénomène darwinien. C'est ici que s'exprime pleinement l'hétérogénéité tumo­
rale. Au plan thérapeutique vient se positionner ici le concept des traitements métronomiques, délivrés de façon
quotidienne, voire pluri-quotidienne, sur de longues semaines, mois ou années. Les thérapies orales sont ici bien
sûr largement sollicitées.

4. Décision thérapeutique et mise en œuvre


• La décision de recours à un traitement anti-tumoral (chirurgie, radiothérapie ou traitement médical) est le fruit
d'une décision collégiale, obligatoirement prise en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
• Selon les critères de Haute Autorité de Santé de 2014, la RCP doit remplir les critères suivants:
- inscription au sein d'un réseau de cancérologie;
- doit se tenir en présence d'au moins trois médecins de spécialités différentes permettant d'avoir un avis
pertinent sur toutes les procédures envisagées ;
- chaque dossier doit être présenté que ce soit à la phase initiale du traitement, en cas de rechute ou de changement
de ligne thérapeutique ;
- en cas de situation clinique faisant l'objet d'une prise en charge standard de validité incontestable, celle-ci
peut être mise en route sans attendre une réunion de concertation, mais le dossier devra ultérieurement être
présenté en RCP afin que la décision puisse y être entérinée et que cette prise en charge puisse y être enregistrée
et archivée ;
- la décision prise est tracée, elle sera ensuite soumise et expliquée au patient.
• Depuis le Plan cancer 2003-2007, un dispositif d'annonce a été mis en place qui vise à améliorer l'annonce de la
maladie. Ce dispositif est construit autour de quatre temps correspondant à quatre étapes de prise en charge du
patient par des personnels médicaux ou soignants:

► 104 ÎRAITEMENT DES CANCERS LJE 9 - ITEM 291


• UE9 Item 291
.. 4' .. ,. __________

- temps médical: une ou plusieurs consultations dédiées à l'annonce, remise d'un programme personnalisé
de soins (PPS). En relais immédiat du dispositif d'annonce, le programme personnalisé de soins est remis à
chaque patient. Il formalise la proposition de prise en charge thérapeutique décidée en RCP. Il comprend entre
autres les coordonnées du médecin référent et de l'équipe soignante référente, les coordonnées de la personne
de confiance ainsi qu'un calendrier prévisionnel de soins et de suivi ;
- temps d'accompagnement soignant : le patient et/ou ses proches peuvent rencontrer un soignant (le plus
souvent une infirmière d'annonce) après la consultation médicale d'annonce, informations sur le déroulement
des soins et mise en contact avec d'autres professionnels de santé si besoin (psychologue, assistant social) ;
- accès à une équipe de soins de support ;
- un temps d'articulation avec la médecine de ville: le médecin traitant est informé en temps réel et doit être
associé au parcours de soins.
• Au terme du traitement, un programme personnalisé de l'après-cancer (PPAC) sera établi.

S. Les essais cliniques


• Les essais cliniques sont à la base des développements des nouveaux produits qui deviendront potentiellement
de nouveaux médicaments bénéficiant d'AMM européenne. À ce titre, ces essais doivent répondre à des critères
« qualité » particulièrement stricts. Sur le plan individuel, ils permettent un accès précoce à certains traitements
avant leur AMM.
• De façon très simplifiée, au décours de la phase« first in man », se succédent les essais de phase I (destinés à
définir les doses maximum tolérées en fonction de critères de toxicités bien établies - Common Toxicity Crite­
ria & Adverse Events-Version V4.03, 14 juin 2010, https://evs.nci.nih.gov/ftpl/CTCAE/CTCAE_4.ü3_2010-06-
14_QuickReference_Sx7.pdf ), les essais de phase II destinés à cibler l'efficacité tout en continuant à observer bien
sûr la tolérance, les essais comparateurs de phase III précédant l'AMM, et les essais de phase IV, médico-écono­
miques.
• L'avènement des nouvelles thérapies oblige à tester des combinaisons multiples (associations de molécules d'im­
munothérapie, de thérapies ciblées), combinaisons mixtes, traitements médicaux et radiothérapie ... ce qui rend
obligatoire l'établissement d'essais dits de stratégie pour mieux définir et appréhender les phases thérapeutiques
successives d'une maladie.
• À cette fin, des essais thérapeutiques d'un nouveau type, plus adaptés aux nécessités et aux impératifs d'une méde­
cine de précision se sont développés :
- les essais « panier » :
Les essais « panier » (essais « basket ») testent un seul traitement dans un grand nombre de localisations
tumorales présentant toutes une ou plusieurs altérations ciblées par ce traitement.
- les essais « parapluie » :
Les essais « parapluie » (essais « umbrella ») évaluent l'efficacité de plusieurs traitements visant des cibles
différentes dans un seul type de cancer. Les patients inclus dans l'essai reçoivent un traitement en fonction des
anomalies moléculaires de la tumeur.

6. Les autorisations temporaires d'utilisation (ATU)


• Certains médicaments, non encore disponibles dans le cadre d'une AMM, peuvent être prescrits via une autorisa­
tion temporaire d'utilisation (ATU). Les ATU sont une spécificité française et sont gérées par l'Agence Nationale
de Sécurité du Médicament (ANSM). Elles permettent un accès précoce à certains traitements.
• Ce dispositif, exceptionnel, requiert plusieurs conditions :
- le traitement est destiné à des maladies graves ou rares ;
- il n'existe pas de traitement approprié ;

UE9-ITEM291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 105 ◄


- le patient ne peut pas entrer dans un essai clinique;
- l'efficacité et la sécurité du traitement sont fortement pressenties par les études.
• Il existe deux types d'A TU:
- l'ATU dite de cohorte: elle concerne un groupe ou un sous-groupe de patients;
- l'ATU nominative: elle s'adresse à un patient nommément désigné par un médecin.

7. L'après-cancer
• Le Plan Cancer (2014-2019) ambitionne de préserver au maximum l'autonomie, la continuité et la qualité de
vie des personnes atteintes d'un cancer, pendant et après la période des traitements. Cela passe par une réduc­
tion des risques de séquelles (douleurs, difficultés psychologiques, altération de la fertilité) et de second cancer
(accompagnement au sevrage tabagique, activité physique adaptée, alimentation équilibrée, réduction de la
consommation d'alcool). Les conséquences économiques et sociales sont elles aussi au centre de ce plan cancer:
notion du« droit à l'oubli» avec accès facilité à l'assurance et au crédit, dispositifs d'aménagement de la scolarité
pour les enfants et adolescents malades, mise en place d'observatoires/baromètres pour actualiser les connais­
sances sur l'après-cancer.

► Références
• Mise en œuvre des traitements
- www.afsos.org: référentiels AFSOS(Association Francophone des Soins Oncologiques de Support)
- Recommandations HAS 2014 RCP
- INCa Plan Cancer 2014-2019 et Plans Cancers I à Ill
• La chirurgie des cancers
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de l'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Chirurgie oncologique concepts et techniques Serge Evrard, François Guillemin, Jacques Dauplat John Libbey Eurotext 2006
• Radiothérapie
- Pourquoi les radiations ionisantes sont-elles thérapeutiques ? Hennequin C. La Revue du Praticien, N° : 1, Pages : 74, Rubrique
éditoriale:Dossier, Radiothérapie. 2011-01-18
- Les grandes indications de la radiothérapie. Maingon P. La Revue du Praticien, N°: 1, Pages:79, Rubrique éditoriale:Dossier. 2011-
01-18
- Effets indésirables de la radiothérapie. Henni M., Ali D. La Revue du Praticien, N° : 4, Pages: 461-6, Rubrique éditoriale: Pratique
Médicale. 2012-04-16
• Chimiothérapie et Thérapies ciblées
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de l'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Les médicaments du cancer, Trédaniel Jean, ESKA, 2015
• Hormonothérapies
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de l'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Site de l'Association française d'Urologie (www.urofrance.org/nc/science-et-recherche/base-bibliographique/article/htlm/
recommandations-en-onco-urologie-2013-du-ccafu-cancer-de-la-prostate.htlm)
• Immunothérapie
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de L'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Tumor immunotherapy directed at PD-1, Ribas, A, et al.: New England Journal of Medicine, 2012, 366, 2517-9.

► 106 ÎRAITEMENT DES CANCERS UE9-rTEM291


l UE9 Item 291
..............................

POINTS CLÉS

1. Tout patient bénéficiant d'un traitement médical, chirurgical ou d'une radiothérapie pour un can­
cer doit avoir un programme personnalisé de soins, une consultation d'annonce et son dossier doit
être présenté en RCP.
2. Chirurgie adaptée aux buts (curative ou palliative, réparatrice ...) et à l'état général du patient.
3. Pas de chimiothérapie ou de radiothérapie sans preuve histologique sauf cas particuliers (cer­
taines tumeurs germinales).
4. Les effets tissulaires de la radiothérapie peuvent se révéler des mois, voire des années, après l'irra­
diation; ce qui nécessite une surveillance régulière d'au moins 5 ans après la radiothérapie.
S. Bilan des fonctions vitales et nutritionnel avant chaque chimiothérapie et bilan adapté à la molé­
cule de chimiothérapie (bilan rénal et audiogramme pour le cisplatine, épreuves fonctionnes respi­
ratoires pour la bléomycine, échographie cardiaque pour les anthracyclines).
6. Pour les toxicités des chimiothérapies ou de la radiothérapie: toxicités aiguës ou chroniques,
toxicités communes et spécifiques.
7. Les thérapies ciblées agissent sur un mécanisme de prolifération tumorale précis et spécifique,
avec une meilleure tolérance que la chimiothérapie. On distingue les anticorps monoclonaux (suf­
fixe - mab) des inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI).
8. Cancers hormono-dépendants: cancers du sein, prostate, endomètre.
9. Le principe de l'immunothérapie est d'induire une réponse immunitaire anti-tumorale efficace,
à médiation cellulaire.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Ce chapitre a pour but de vous expliquer les grands principes des traitements du cancer. L'.ob­
jectif n'est pas de vous faire devenir des experts en cancérologie, mais de mettre en exergue
les points importants dans la prise en charge des cancers, particulièrement susceptibles d'être
abordés à l'ECN et qui« peuvent faire très mal» ... en particulier la RCP, les complications des
traitements ...
2. Le principe de la stratégie thérapeutique est le même pour chaque cancer: déterminer en
premier lieu le stade et le traitement ne posera pas de difficulté:
- localisé/localement avancé : chirurgie +/- radiothérapie et/ou chimiothérapie, le but du
traitement est CURATIF;
- métastatique: traitement systémique (chimiothérapie), le but du traitement est PALLIATIF.
3. Cinq cancers sont à connaître sur le bout des doigts, TNM compris: sein, prostate, poumon,
côlon, mélanome. Pour les autres, même si la TNM n'est pas à connaître, il faut avoir une idée des
stades qui font changer le traitement...

LJE 9 - ITEM 291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 1 07 ◄


UE9 ltem292
............................

CHAPITRE ► Prise en charge et accompagnement


d'un malade cancéreux
à tous les stades de la maladie
Pr Laurent Zelek, Pr Guilhem Bousquet, Dr Boris Duchemann
Service d'Oncologie, CHU Avicenne, Bobigny

...............................................................................
. .
....
. OBJECTIFS iECN
� Prise en charge et accompagnement d'un malade cancé­
reux à tous les stades de la maladie dont le stade de soins
palliatifs en abordant les problématiques techniques,
1. L'entrée dans la maladie: aspects psycho-sociaux relationnelles, sociales et éthiques. Traitements sympto­
matiques. Modalités de surveillance.
2. La prise en charge personnalisée: du diagnostic à
- Expliquer les principes de la prise en charge globale
la surveillance
du malade à tous les stades de la maladie en tenant
2.1. Le programme personnalisé de l'après-cancer compte des problèmes psychologiques, éthiques et
2.2. Surveillance carcinologique et prévention tertiaire sociaux.
3. Des soins de support aux soins palliatifs - Comprendre et intégrer la notion de discussion collé­
3.1. La douleur en cancérologie giale pour les prises de décision en situation de com­
3.2. Soins oncologiques de support plexité et de limite des savoirs.
3.3. Les soins palliatifs et l'arrêt des traitements actifs

Mots clés: Pluridisciplinarité - Programme Personna­


lisé de l'après-cancer - Prévention tertiaire - Soins de
support - Soins palliatifs

Introduction
• Le parcours de soins d'un patient atteint d'un cancer est codifié. Certains aspects font l'objet de dispositions
réglementaires sous l'égide de l'Institut National du Cancer comme le« dispositif d'annonce» ou le« programme
personnalisé de l'après-cancer».
• La possibilité de guérison de nombreux cancers est aujourd'hui élevée et la survie des formes métastatiques
peut se chiffrer en années. De ce fait, de nouveaux besoins doivent être pris en compte. Les soins de support ont
une importance croissante à tous les stades de la maladie. Lors de la phase de surveillance, il convient d'intégrer
au projet de soins une dimension globale de prise en charge de la personne (prévention tertiaire).
• En cas de rechute, les soins de support contribuent à améliorer la qualité de vie et à optimiser l'efficacité du trai­
tement spécifique. Dans tous les cas, la dimension psychosociale doit être prise en compte.
• La cancérologie a connu plusieurs évolutions au cours des dernières décennies : dépistage et diagnostic pré­
coces, amélioration des traitements spécifiques avec apparition de nouveaux agents actifs, définition de mar­
queurs biologiques prédictifs, amélioration des traitements symptomatiques et des soins de support, meilleure
prise en compte des besoins psycho-sociaux et, enfin, apparition d'un cadre réglementaire régissant l'exercice de
la spécialité.
• Pour certains cancers, comme par exemple le cancer du sein, les taux de guérison sont désormais supérieurs
à 80 %, ce qui conduit à une vision globale de la prise en charge et non plus uniquement centrée sur le traitement
antitumoral. Cela pose la question de la prévention tertiaire et de la prise en charge de l'après-cancer avec des
mesures d'ordre médical (lutte contre la sédentarité, sevrage des addictions) et psycho-social (réinsertion sociale;
droit à l'oubli, qui facilite l'accession au crédit des patients considérés comme guéris).

LJE 9 - ITEM 292 PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D'UN MALADE CANCÉREUX 109 ◄
• Malgré les progrès effectués, de nombreux cancers restent cependant incurables. C'est en particulier le cas de
la très grande majorité des formes métastatiques. Pour un nombre croissant d'entre eux, notamment pour ceux
présentant un petit nombre de sites métastatiques, la survie espérée se chiffre cependant en années, ce qui est lié
à plusieurs facteurs: amélioration de l'efficacité des traitements anti-tumoraux, développement des soins de sup­
port. Un exemple est la prise en charge des métastases osseuses qui fait appel à plusieurs traitements spécifiques en
plus de la thérapeutique antitumorale: inhibiteurs de la résorption osseuse, antalgiques, radiothérapie, radiologie
interventionnelle, chirurgie orthopédique ...
• Un défi essentiel est donc de coordonner la pluridisciplinarité et l'accès aux différentes compétences.
• D'un point de vue sociétal, même si son image évolue, le cancer revêt une dimension particulière par rapport
à d'autres pathologies chroniques engageant le pronostic vital. À la fin du XX' siècle, le militantisme associatif
et la prise de conscience sociétale ont abouti à la mise en œuvre en 2003 du premier Plan Cancer (le 3' Plan
est actuellement en cours) suivi de la création de l'Institut National du Cancer (INCa) en 2005. De ce fait, les
cancers font partie des pathologies placées sous la responsabilité d'une agence sanitaire d'expertise au service de
l'Etat. Outre ses missions liées à la recherche et à la formation, l'INCa contribue à l'organisation et à l'améliora­
tion des soins et participe à la mise en œuvre des dispositions réglementaires relatives à la cancérologie comme le
dispositif d'annonce ou le programme personnalisé de l'après-cancer.
• À toutes les étapes de la maladie, il faut assurer la coordination entre les différents spécialistes et le lien entre
les établissements de soins et « la ville ».

1. L'entrée dans la maladie : aspects psycho-sociaux


• Comme pour toute maladie grave, l'annonce du cancer est un traumatisme et marque l'entrée dans une vie où
il faudra composer avec la maladie et ses traitements. Les images de mort et de souffrance, associées au cancer,
aboutissent souvent à une sidération du patient qui ne pourra entendre le discours du médecin lors de la consul­
tation initiale. Le besoin d'information du malade évolue secondairement et de nouveaux temps de discussion
et d'explication permettront de délivrer une information, adaptée, personnalisée, progressive et respectueuse.
Une information mieux vécue et comprise facilitera une meilleure adhésion du patient au projet thérapeutique et
l'aidera à construire des stratégies d'adaptation face à la maladie.
• Le dispositif d'annonce a été une des mesures phares du premier Plan Cancer et a fait l'objet de recomman­
dations nationales en 2005. Il vise à offrir au patient, et à ses proches, les meilleures conditions d'information,
d'écoute et de soutien.
• Ce dispositif, tel qu'il est défini par une circulaire officielle, s'articule autour de quatre temps: un temps médi­
cal, un temps d'accompagnement soignant, l'accès aux soins de support et le retour vers le médecin soignant.
Parmi ceux-ci il faut souligner l'importance :
- du temps d'accompagnement« soignant» qui vise:
► à compléter l'information ;
► à repérer les besoins spécifiques du patient notamment en termes psycho-sociaux (repérage de la précarité,
orientation vers des associations) ;
► à mettre en place des programmes d'éducation thérapeutique (ETP) notamment au cas où un traitement
antitumoral par voie orale ou ambulatoire est prescrit.
- de l'accès à une équipe impliquée dans les soins de support.

La coordination entre les différents professionnels est donc cruciale et doit être mise en œuvre le plus
tôt possible. Il ne s'agit pas uniquement d'une coordination intra-hospitalière mais également« entre la ville et
l'hôpital». Par exemple, la demande d'exonération du ticket modérateur(= prise en charge à 100 % au titre de
l'affection de longue durée) doit être faite par le médecin traitant(une procédure dérogatoire est possible en cas
d'urgence si le diagnostic a été posé en milieu hospitalier; mais une régularisation doit être faite à 6 mois par le
médecin traitant).

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NB: LE DISPOSITIF D'ANNONCE S'APPLIQUE AUSSI AUX RECHUTES DE CANCER.

2. La prise en charge persQnnalisée : du diagnostic


à la surveillance
• Le programme personnalisé de soins (PPS), remis au patient au début de sa prise en charge, est la pierre
angulaire de ce dispositif. Il est relayé, une fois terminée la phase active des traitements, par le programme per­
sonnalisé de l'après-cancer (PPAC).
• Ces documents sont obligatoirement remis dans les établissements autorisés pour la pratique de la cancérologie.
Le pourcentage de patients en ayant bénéficié est un indicateur qualité et fait l'objet d'un suivi spécifique pour le
renouvellement des autorisations des établissements à pratiquer la cancérologie.
• Dans de nombreuses structures, un rôle croissant est dévolu aux IDE qui ne sont plus seulement impliquées dans
le dispositif d'annonce mais participent activement à la coordination des soins de support chez les patients traités
en ambulatoire (par exemple dans le cas de traitements antitumoraux par voie orale).

2.1. Le programme personnalisé de l'après-cancer


• Le programme personnalisé de l'après-cancer (PPAC) illustre les difficultés et enjeux d'une prise en charge
multidisciplinaire.
• Le contenu minimal d'un PPAC doit comprendre :
- un volet de surveillance médicale :
► informations sur la maladie et les traitements reçus;
► les complications iatrogènes éventuelles et leur prise en charge;
► traitements à poursuivre (cas par exemple de l'hormonothérapie des cancers du sein et de la prostate);
► modalités de la surveillance médicale;
► plan personnalisé de surveillance : ce plan comporte les dates de rendez-vous. Il peut impliquer plusieurs
professionnels dans le cadre d'une surveillance conjointe et doit idéalement inclure le médecin traitant.
- un volet qualité de vie et accès aux soins de support :
► soins, consultations et activités tels que : soutien psychologique, soins esthétiques, conseils diététiques,
pratique d'une activité physique adaptée, sevrage tabagique et des autres addictions;
► professionnels et associations pouvant intervenir dans la prise en charge.
- un volet accompagnement social :
► problématiques liées au maintien dans l'emploi, liens avec le médecin du travail concerné;
► dépistage de la précarité;
► ouverture de droits : CMU, RSA, reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH),
reconnaissance des maladies professionnelles +++;
► coordonnées du service social que le patient peut solliciter.
- la liste des contacts utiles :
► professionnels de santé concernés;
► réseaux territoriaux pouvant être contactés;
► groupes associatifs (Ligue Contre le Cancer) et sociaux.
• Ce document est remis au patient et adressé à son médecin traitant.

LJE 9 - ITEM 292 0


PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D UN MALADE CANCÉREUX 111 ◄
2.2. Surveillance carcinologique et prévention tertiaire
2.2. 1. Diagnostic des récidives
• Le diagnostic précoce des récidives n'est qu'un élément de la surveillance dont l'impact sur la survie est par­
fois contesté. Par exemple, dans les cancers du sein et de l'ovaire, il est montré, avec un niveau de preuve élevé,
que le diagnostic précoce des récidives n'a pas d'impact sur la survie (la mise en œuvre plus précoce d'une chimio­
thérapie peut même être responsable d'une dégradation de la qualité de vie chez des malades asymptomatiques).
De ce fait les recommandations de surveillance sont minimalistes :
- pour le cancer du sein : mammographie annuelle et examen clinique tous les six mois pendant cinq ans, puis
tous les ans jusqu'à la dixième année; les autres examens sont indiqués en fonction de la clinique ; le dosage
systématique des marqueurs tumoraux N'EST PAS recommandé (HAS et recommandations internationales);
- pour le cancer de l'ovaire: examen clinique tous les trois mois pendant deux ans, puis tous les six mois jusqu'à
la s e année avec dosage du CA125 ; PAS d'imagerie chez les patientes asymptomatiques.
• Dans d'autres cancers, comme le cancer du côlon pour qui existent des possibilités de traitement chirurgical (ou
ablatif, par exemple par radiofréquence) de certaines métastases, la surveillance est plus invasive avec un examen
clinique, des dosages de marqueurs, et une imagerie à intervalles répétés auxquels il faut ajouter les coloscopies de
surveillance à la recherche de nouveaux polypes ou d'une récidive locale.

2.2.2. Prévention tertiaire


• Elle consiste, après le diagnostic, à agir sur les complications et les risques de récidive :
- dépistage des seconds cancers : l'INCa estime que 17 % des patients traités et guéris d'un premier cancer en
développeront un second;
- cibler les facteurs de risque de second cancer (sevrage tabagique+++ );
- prévenir les complications iatrogènes (exemple du suivi des femmes traitées par inhibiteurs de l'aromatase
après un cancer du sein avec le dépistage et le traitement de l'ostéoporose);
- agir sur les facteurs de risque cardio-vasculaire : encourager la pratique de l'activité physique, proposer un
conseil diététique pour réduire le surpoids;
- identifier les patients qui relèvent d'une consultation spécialisée en oncogénétique (soit parce que certains cas
familiaux n'avaient pas été reconnus initialement, soit parce qu'ils sont survenus après le diagnostic chez le
patient index).
• Les besoins psychosociaux ne doivent pas être négligés. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
(RQTH) est un bon exemple car il est protecteur pour le salarié. Il rend plus complexe un licenciement et ouvre
des droits en termes de reclassement professionnel ou de formation. Le dossier est déposé par le patient auprès de
la Maison Départementale des Personnes Handicapées et peut être rempli par le médecin traitant ou le spécialiste.
La reconnaissance des cancers professionnels est également un enjeu important en terme d'indemnisation, et peut
être utile pour les ayant-droit en cas de décès du patient.
• Dans certaines régions est proposée une surveillance médicale conjointe entre spécialistes hospitaliers et
médecin traitant. Le but est de libérer du temps médical spécialisé pour la prise en charge des nouveaux patients
et d'organiser le suivi des anciens patients près de leur domicile.
Cette démarche suppose l'accord du patient et l'association précoce du médecin traitant à sa prise en charge. Ces
informations doivent figurer dans le PPS ou le PPAC.

► 11 2 PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D'UN MALADE CANCÉREUX LJE 9 - ITEM 292


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...... .. ..................

3. Des soins de support aux soins palliatifs


• Les traitements antitumoraux sont une condition nécessaire mais non suffisante à une prise en charge opti­
male des patients. La mise en place précoce des soins palliatifs chez des patients non curables augmente non
seulement la qualité de vie mais également la survie. La prise en charge symptomatique requiert l'intervention de
plusieurs spécialistes (notamment des équipes spécialisées pour la prise en charge de la douleur).
• En complément de l'examen clinique des lésions tumorales lorsqu'elles sont accessibles, l'interrogatoire doit
systématiquement préciser
- la symptomatologie douloureuse (cf ci-dessous);
- l'indice d'activité (Performance Status - PS) selon l'échelle OMS/ECOG ou l'indice de Karnofsky (moins
utilisé) (cf Tableau 1) ;
- l'évolution du poids, de l'appétit et rechercher des signes cliniques de dénutrition.

Tableau1. INDICE D'ACTIVITÉ SELON L'ÉCHELLE OMS/ECOG


OMS/ECOG Description
0 Asymptomatique (activité normale: aucune restriction à poursuivre les activités précédant l'affection).

Symptomatique (gêné pour les activités physiques soutenues mais capable de se déplacer seul et
1
d'assurer un travail léger ou sédentaire, par exemple un travail de bureau ou le ménage).

Symptomatique, alité moins de 50 % de la journée (capable de se déplacer seul et de s'occuper de soi-


2
même mais incapable de produire un travail léger).

Symptomatique, alité plus de 50 % de la journée, sans y être confiné (capable de prendre soin de soi-
3 même de manière limitée, alité ou confiné au fauteuil plus de 50 % de la journée).

Confiné au lit (totalement dépendant, incapable de prendre soin de soi-même, confiné au lit ou au
4 fauteuil).

• La réponse tumorale, le plus souvent appréciée sur les examens d'imagerie, n'est qu'un critère d'évaluation de
l'état du patient. L'évolution des symptômes lui est associée (état général, douleur, état nutritionnel) et permet in
fine d'adapter le projet thérapeutique.
• Celui-ci doit tenir compte du rapport risque-bénéfice propre à chaque situation :
- en situation de curabilité, un traitement toxique est acceptable s'il augmente significativement les chances de
guérison;
- en situation palliative, les objectifs de qualité de vie priment et la toxicité des traitements doit être réduite.
- On privilégiera par exemple des associations de chimiothérapies dans le premier cas et des mono-
chimiothérapies dans le second.
• Il existe néanmoins des situations « intermédiaires » de plus en plus fréquentes, où la maladie n'est pas curable
mais où l'espérance de vie se chiffre en années, justifiant un traitement agressif s'il est susceptible d'améliorer la
survie. Ainsi, les cancers du sein métastatiques HER2+ pour lesquels la survie médiane est proche de 5 ans avec
les traitements ciblant HER2, ou les cancers coliques avec métastases hépatiques opérables pour lesquels la survie
à 5 ans est supérieure à 30 %.

3.1. La douleur en cancérologie


• La recherche d'une symptomatologie douloureuse doit être systématique chez tout patient atteint de cancer.
Son évaluation repose sur l'interrogatoire, complété par l'auto-évaluation du patient sur une échelle visuelle
analogique (EVA). Il faut, en particulier, préciser son caractère aigu ou chronique et son mécanisme d'action
(excès de nociception, douleur neuropathique, douleur mixte), ainsi que son retentissement sur la qualité de vie
(troubles du sommeil, dépression) (cf Item n° 132).

LJE 9 - ITEM 292 1 PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D'UN MALADE CANCÉREUX 113 ◄
• Les douleurs en cancérologie sont le plus souvent en rapport avec :
- une atteinte tumorale :
► excès de nociception (ex.: métastases osseuse);
► atteinte neuropathique (ex.: compression d'un tronc nerveux);
► douleur mixte (ex.: envahissement pariétal thoracique).
- des séquelles des traitements :
► douleurs post-chirurgicales (souvent sur cicatrice, mais d'autres mécanismes sont possibles: par exemple
capsulite rétractile après curage axillaire);
► douleurs post-chimiothérapies (essentiellement liées à certaines chimiothérapies responsables de
neuropathies périphériques).
- il existe enfin une symptomatologie douloureuse propre à certaines atteintes neurologiques :
► céphalées de l'hypertension intracrânienne (HTIC) en cas de métastases cérébrales;
► méningites carcinomateuses qui sont responsables de symptômes neurologiques mal systématisés avec une
composante neuropathique (un syndrome méningé« classique» est peu habituel dans ce contexte).
• D'un point de vue thérapeutique, les antalgiques de palier 1 et 2 de l'OMS ont une efficacité limitée et il faut
souvent recourir rapidement aux antalgiques de palier 3. Les co-antalgiques sont également utiles dans cer­
taines situations :
- corticoïdes (prednisone lmg/kg/j ou plus) en cas d'HTIC, de douleurs par compression;
- anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dans les métastases osseuses (à utiliser avec prudence en raison
des effets secondaires possibles chez ces patients fragiles);
- inhibiteurs de la résorption osseuse (biphosphonates et dénosumab) qui ont surtout un effet préventif sur le
risque fracturaire mais agissent aussi sur les douleurs osseuses ;
- antibiotiques en cas de surinfection tumorale (pelvis, ORL);
- topiques locaux pour certaines douleurs neuropathiques localisées.
• Il ne faut pas omettre la radiothérapie antalgique ainsi que certaines techniques de radiologie intervention­
nelle : cimentoplastie, radiofréquence ou embolisation.
• Il est recommandé de faire appel à un médecin algologue pour faire face aux douleurs complexes avec compo­
sante neuropathique.

3.2. Soins oncologiques de support


• Ils sont définis par l'INCa comme l'ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long
de la maladie, conjointement aux traitements onco-hématologiques spécifiques. Ils assurent la meilleure qualité
de vie possible, et permettent de mieux prendre en charge les effets secondaires des traitements.
• Tous les patients atteints de cancer doivent avoir accès à des soins de support quel que soit le lieu de prise en
charge. L'évaluation des besoins doit être réalisée dès l'annonce de la maladie et reconduite au cours de l'évolution
ultérieure.

3.2. 1. Nausées et vomissements chimio-induits (NVCI)


• On distingue les NVCI aigus, survenant au cours du traitement et dans les 24 premières heures après celui-ci, et
les NVCI retardés survenant dans les jours qui suivent. Les NVCI aigus sont liées à l'activation de la voie séroto­
ninergique (récepteurs SHT3) et sont prévenus par les anti-SHT3 (classe des sétrons), alors que les NVCI retardés
sont liées à l'activation des récepteurs NKl, inhibés par l'aprépitant (anti-NKl, seul de sa classe commercialisé en
mars 2017). Les sétrons ont une efficacité très limitée dans les NVCI retardés.
• Les chimiothérapies sont classées selon leur caractère émétogène (Tableau 2) ;

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..........................

Tableau 2. QUELQUES EXEMPLES DE MÉDICAMENTS SELON LEUR POTENTIEL ÉMÉTOGÈNE


Potentiel émétogène des médicaments anticancéreux
Elevé (> 90 %) • Anthracyclines (et, en particulier, la bithérapie anthracycline-cyclophosphamide
utilisée dans le cancer du sein)
• Cisplatine

Modéré (30-90 %) • Carboplatine


• Doxorubicine (= adriamycine)
• Oxaliplatine

Faible (10-30 %) • Docétaxel


• 5-Fluoro-uracile
• Gemcitabine

• Les corticoïdes (dexaméthasone ou prednisone) potentialisent les antiémétiques.


Les indications de traitement préventif sont résumées dans le tableau 3 ci-dessous

Tableau 3. TRAITEMENT PREVENTIF 1

Risque élevé Anti-5HT3 + Anti-N K1 + corticoïdes

Risque modéré Anti-5HT3 + corticoïdes

Risque faible Métoclopramide ou autre antiémétique conventionnel+/- corticoïdes

3.2.2. Hématotoxicité
• Les chimiothérapies sont toxiques sur les trois lignées sanguines:
- la neutropénie est une complication fréquente qui est observée vers le JS post-chimiothérapie. Elle est
considérée comme sévère si les polynucléaires neutrophiles (PNN) sont< 500/mm3 induisant un risque élevé
de fièvre (on parle de neutropénie fébrile qui est une urgence oncologique).
- l'anémie survient au cours des semaines suivant le début du traitement. Elle est observée plus fréquemment
avec certaines chimiothérapies (organoplatines). Elle est généralement multifactorielle car il s'y associe souvent
une carence martiale et une composante inflammatoire.
- la thrombopénie est plus rare dans le traitement des tumeurs solides qu'en hématologie. Elle survient un peu
plus tardivement que la neutropénie, souvent après le Jl0 et peut nécessiter des transfusions plaquettaires
(selon le contexte et le risque hémorragique, habituellement si les plaquettes sont< 20 000/mm3 ou en cas de
saignement actif).
• La toxicité hématologique des chimiothérapies est une indication aux traitements symptomatiques :
- Neutropénie:
► prophylaxie primaire par G-CSF à partir du J2 post-chimio (pendant 8-10 j ou en une injection unique si
prescription d'un G-CSF à longue durée d'action);
• en cas de risque de neutropénie sévère > 20 % (par exemple, bithérapie par un sel de platine et l'étoposide
pour le traitement des cancers bronchiques à petites cellules);
• à discuter selon le contexte clinique (pathologies associées, sujet âgé, isolement...) en cas de risque compris
entre 10 et 20 %.
► prophylaxie secondaire en cas de neutropénie< 500/mm3 ou de neutropénie fébrile au cycle précédent.

UE 9 - ITEM 292 PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D'UN MALADE CANCÉREUX 115 ◄


- Anémie:
► dans tous les cas, il faut au préalable dépister et corriger une carence martiale (dosage de la ferritinémie).
► chez les patients traités pour cancer, les réserves en fer sont habituellement élevées (ferritinémie haute
ou normale) du fait notamment du syndrome inflammatoire, sauf en cas de saignement chronique ou de
chirurgie« lourde». Le cas de figure habituel associe à une anémie inflammatoire une carence fonctionnelle
avec une CST< 20 % liée à un défaut de mobilisation des réserves en fer. La correction de la carence martiale
se fait préférentiellement avec du fer IV (carboxymaltose ferrique) qui est plus commode, mieux toléré et
plus rapidement efficace que le fer oral.
► en cas <l'anémie mal tolérée peut se discuter un traitement par érythropoïétine recombinante (EPO) ou une
transfusion. L'EPO n'est pas indiquée chez les patients ne recevant pas de chimiothérapie; son utilisation
doit tenir compte de son rapport risque-bénéfice notamment en situation de curabilité car elle augmente
le risque thromboembolique et a été responsable dans certains essais cliniques d'une légère surmortalité.
► de façon schématique, l'EPO est instaurée lorsque l'Hb est< 10 g/dl avec un taux cible de 12 g/dl (l'Hb doit
augmenter de 1 g/dl au bout d'un mois de traitement).
► les anémies sévères (< 8 g/dl) ont besoin d'être corrigées rapidement et sont des indications transfusionnelles.

ATTENTION : LA TOLÉRANCE DE L'ANÉMIE (et donc les indications d'EPO ou de transfusion) S'ÉVALUE
CLINIQUEMENT+++ (une anémie à 8 g/dl d'installation progressive peut être bien mieux tolérée qu'une anémie !
à 9 g/dl d'apparition rapide).

3.2.3. Fatigue chronique


• C'est une plainte fonctionnelle majeure au même titre que la douleur. Elle concerne, suivant les localisations et
les stades, 50 à 80 % des patients.
• Les causes curables doivent être éliminées au premier rang desquelles figurent l'anémie et la carence martiale.
• Les autres causes qui doivent être recherchées sont :
- un syndrome dépressif;
- une hypothyroïdie, classiquement fréquente après traitement d'un cancer du sein ou ORL;
- une altération du statut nutritionnel ou une carence vitaminique (ne pas oublier les carences en vitamine D qui
sont fréquentes dans la population générale).
• Dans un grand nombre de cas, aucune cause évidente n'est retrouvée. La physiopathologie de ce syndrome
reste mal comprise (syndrome inflammatoire, désadaptation à l'effort après une inactivité prolongée). Un pro­
gramme d'activité physique adaptée peut apporter une amélioration significative.

3.2.4. Toxicités cutanéo-muqueuses


• Il �'agit essentiellement de l'alopécie, induite par certaines chimiothérapies, et de la mucite (inflammation des
muqueuses+/- aphtes). Ces effets secondaires sont expliqués par l'effet des cytotoxiques sur les tissus à renouvel­
lement rapide.
- L'alopécie peut être prévenue dans certains cas par le port d'un casque réfrigérant pendant la séance
de chimiothérapie ; il agit par le biais d'une vasoconstriction du cuir chevelu qui réduit la diffusion des
cytotoxiques. Il ne faut pas oublier la prescription d'une prothèse capillaire dont une partie est prise en
charge par les organismes de Sécurité Sociale.
- Les mucites peuvent être sévères et gêner l'alimentation ce qui contribue à la détérioration du statut
nutritionnel. Elles sont prévenues par une hygiène bucco-dentaire rigoureuse (dans certains cas, notamment
en cas de radiothérapie pour une tumeur ORL, des soins dentaires doivent être pratiqués avant de débuter
le traitement) et par des bains de bouche bicarbonatés (sans que l'ajout d'un antiseptique, voire d'un
antifongique, au bicarbonate n'ait une efficacité démontrée). Les aphtes sont généralement secondaires à
une surinfection fongique sur une muqueuse fragilisée ; ils sont traités par des antifongiques locaux. Il ne
faut pas méconnaître les récurrences herpétiques fréquentes.

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PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D UN MALADE CANCÉREUX LJE 9 - ITEM 292
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.. .. ____________

• Certains traitements, comme les inhibiteurs de l'Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR), mais aussi d'autres
thérapeutiques ciblées, peuvent être responsables de rash cutané, d'éruption acnéiforme, d'irritation palmo­
plantaire ou de xérose cutanée. Pour ces patients, l'éducation thérapeutique est essentielle: choix des produits de
toilette, application de crèmes émollientes. Certains services ont recours aux compétences d'une psycho-socio­
esthéticienne ayant une formation spécifique pour ce type de situations.

3.2.5. Oncofertilité
• La préservation de la fertilité (recueil de sperme, congélation ovocytaire ...) doit être proposée avant tout traite­
ment en particulier chez l'enfant et l'adulte jeune.

3.2.6. Médecines complémentaires et alternatives


• Certaines équipes (et beaucoup de patients) y ont recours. On peut, par exemple, citer l'acupuncture ou !'auricu­
lothérapie pour les NVCI, voire l'homéopathie. Certaines de ces thérapeutiques alternatives ont fait l'objet d'essais
cliniques bien conduits.
• Il faut être vigilant avec l'automédication, notamment concernant des produits de phytothérapie qui peuvent être
responsables d'interactions pharmacologiques (exemple du millepertuis) notamment chez les patients recevant
des traitements au long cours par voie orale ou lors de la radiothérapie (crèmes grasses, désinfectants iodés ...).

3.3. Les soins palliatifs et l'arrêt des traitements actifs


• Les soins« palliatifs» (ou soins oncologiques de support) ont pour objet d'améliorer la qualité de vie, quel que soit
le stade de la maladie, même en dehors des situations de fin de vie. Aussi, en phase métastatique, en dehors des
derniers mois de vie, la distinction entre soins de support et soins palliatifs est parfois floue.
• Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale. Leur objectif premier est de soula­
ger les douleurs physiques, mais ils prennent en compte les autres symptômes, y compris dans leur dimension de
souffrance psychologique, sociale et spirituelle.
• L'accompagnement des patients en fin de vie se fait dans le respect des lois du 22 avril 2005 (loi Leonetti) et du
2 février 2016 (loi Leonetti-Claeys) relatives aux droits des malades et de la fin de vie. Elles imposent le respect
de la volonté de la personne en fin de vie (éventuellement par le biais de directives anticipées). Elles interdisent
de provoquer délibérément la mort, mais prescrivrent aux médecins de s'abstenir de poursuivre ou de mettre
en œuvre des traitements considérés comme « déraisonnables». Lorsque la décision est prise d'arrêter les trai­
tements, les soins se poursuivent. La priorité pour l'équipe médicale et soignante est d'apaiser la souffrance de la
personne.
• La décision de prise en charge palliative d'un patient pose la question de l'arrêt des traitements actifs, notam­
ment lorsqu'ils sont toxiques (chimiothérapies). Cependant, certains traitements antitumoraux peuvent être
utiles même en situation palliative, comme par exemple la radiothérapie antalgique ou hémostatique. On admet
qu'il ne faut pas proposer de traitement actif (en particulier chimiothérapie) aux patients dont l'espérance de vie
est inférieure à 3 mois. Dans cette situation, une chimiothérapie est non seulement inefficace mais peut dégrader
la qualité de vie, voire réduire la survie.
• Les autres critères d'arrêt des traitements actifs sont:
- le souhait du patient;
- l'altération de l'état général (en pratique, si le PS OMS /ECOG est 3 ou 4);
- le rapport risque/bénéfice paraît défavorable à la poursuite du traitement actif;
- l'inefficacité des traitements antérieurs.
• Les soins palliatifs sont par essence pluridisciplinaires et s'adressent tant au malade qu'à ses proches, à domicile
ou en milieu hospitalier.

UE 9 - ITEM 292 PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT o'uN MALADE CANCÉREUX 11 7 ◄


• Ils peuvent être dispensés :
- dans les mêmes filières de soins que celles qui ont accueilli le patient au début de son parcours : par exemple,
intervention d'une Équipe Mobile d'Accompagnement et de Soins Palliatifs dans un service d'oncologie;
- en milieu spécialisé : unité de soins palliatifs (USP); il existe aussi des lits identifiés dans les services cliniques,
en dehors des USP;
- à domicile lorsque l'entourage et les conditions matérielles (logement...) le permettent.
• Dans le cas de soins palliatifs à domicile, le médecin traitant joue un rôle très important. Il peut s'appuyer sur
plusieurs structures :
- réseaux de soins palliatifs ou équipes d'appui pour le maintien à domicile des patients en soins palliatifs;
- Hospitalisation à Domicile (HAD);
- lits ambulatoires de soins palliatifs qui sont encore rares, mais commencent à apparaître dans certaines
structures.

POINTS CLÉS

1. Les progrès thérapeutiques actuels améliorent la survie des formes métastatiques (chronicisa­
tion).
2. Le parcours de soins fait l'objet de dispositions réglementaires concernant l'entrée dans la maladie
et la prise en charge des besoins spécifiques du patient (PPS, PPAC).
3. Le PPAC est un document personnalisé qui donne les éléments d'une prise en charge globale.
4. La pluridisciplinarité est la règle; l'information doit circuler entre les établissements de soins et
le médecin traitant.
S. Dès l'annonce du diagnostic, il faut introduire l'évaluation des besoins en termes de soins de
support. lis font partie intégrante du projet thérapeutique et tout patient doit pouvoir y avoir accès.
6. Les soins de support imposent une coordination entre de multiples spécialistes (y compris les
soignants non médecins). Il faut en connaître les différentes modalités au même titre que les traite­
ments antitumoraux.
7. Les soins palliatifs doivent être introduits précocement chez les patients non curables.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Dès l'annonce, il faut évaluer les besoins en soins de support.


2. Les soins de support imposent une coordination entre de multiples spécialistes, il faut en
connaître les différentes modalités au même titre que les traitements antitumoraux.
3. Le projet thérapeutique doit être réévalué en fonction du rapport entre efficacité attendue et
effets secondaires.
4. La réponse tumorale n'est qu'un aspect de l'évaluation de l'efficacité du traitement; il faut aussi
tenir compte de l'amélioration symptomatique.
S. Dans le cadre de l'après-cancer, il faut intégrer une prise en charge globale dont l'objectif est,
au-delà de la surveillance cancérologique, d'améliorer l'état de santé du patient (penser prévention
tertiaire!).
6. Le terme d' «aplasie» renvoit aux toxicités hématologiques des chimiothérapies. Il implique une
atteinte des 3 lignées. Il importe de bien faire la différence avec l'aplasie médullaire idiopathique;
dans le même ordre d'idée, ne pas confondre une neutropénie chimio-induite avec une agranulo­
cytose médicamenteuse.

► 118 PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT o'uN MALADE CANCÉREUX UE 9 - ITEM 292


EXEMPLE DE PARCOURS DE SOINS - PRISE EN CHARGE COMPLÈTE DU CANCER DU SEIN

PORTES D'ENTRÉES : PHASE DIAGNOSTIQUE RÉUNION


DE CONCERTATION
DISPOSITIF
D'ANNONCE
TRAITEMENTS SURVEILLANCE
Consultation alternée
1 APRÈS CANCER

1
Bilan en 1 jour PRÉSERVATION DE LA Chirurgie
Rdv multidisciplinaires PLURIDISCIPLINAIRE Mesure 40 FERTILITÉ avec oncologue réparatrice à la fin
• Circulaire DHOS/SDO Avant le début des radiothérapeute /
• Gynécologues • Évaluation clinique
1" Plan Cancer des traitements :
du 22 février 2005 traitements spécifiques oncologue médical /
• Radiologues par un gynécologue
• Recommandations Avec les résultats (chimio/radioth) gynécologue. Reconstruction ou
• Autres praticiens des • Imageries
de l'INCa. anatomo- Tous les 3-4 mois plastie proposée à
établissements complémentaires :
• Mise à disposition : pathologiques CHIRURGIE
en alternance pour 1 an du traitement
- Mammographie l:ensemble de la chirurgie initial.
N° d'appel dédiés : complets de la biopsie les deux premières
...
Cl:
:::;
-Gynécologie
- Radiologie
-�omosynthèse
- Echographie ciblée
- Référentiels
- Liste des essais
et le bilan d'imagerie
• Consultation
mammaire carcinologique
est proposé et réalisé (GS, années puis tous les S'assurer d'une
continuité de la
-Microbiopsie avec cliniques oncoplastie, reconstruction 6 mois pendant 5 ans

r
d'annonce médicale et au moins une fois qualité de vie :
i:!:
0::: possibilité d'examen • Composition : mammaire immédiate)
extemporané pour - Remise du PPS par an. -Autonomie
Ill
Gynécologue
0
résultat dans la • Consultation Imagerie : 1/an - Santé physique,

1
:c Prise en charge en
journée + cytologie d'annonce soignant psychologique et
kinésithérapie post-opératoire
Prise en charge du
CMru.,;,"
ganglionnaire si
Oncologue 15
- Présentation des
Pose du port-à-cath en
lymphœdème si sociale
besoin
2
soins de support besoin
::s0 (médical et 3 ambulatoire ou lors de
- IRM mammaire
radiothérapeute) l'intervention.
• Consultations

Anatomo-pathologiste Anti-aromatases et
si besoin (non
Secrétaire RCP possible : CHIMIOTHÉRAPIE en HDJ
effets secondaires
systématique)
- Évaluation
IV/ orale (arthralgies)
-Macrobiopsie (selon Avis oncogériatrique CS annonce oncologue
indication) gériatrique Prise en charge
possible en RCP CS annonce IDE
rhumatologique
1
RADIOTHERAPIE

SOINS DE SUPPORT : Psychologue, assistante sociale, diététicienne, art-thérapeute, psycho-socio­


esthétique, hypnose, auriculothérapie, kinésithérapie pré et post-opératoire, Maison d'information en
Santé, activité physique

DÉCISIONS DISPOSITIF D'ANNONCE


ORIENTATION DIAGNOSTIC TRAITEMENTS
THÉRAPEUTIQUES et CONSULTATIONS

• Gynécologues Le médecin traitant Pour les cas Réseau de santé RADIOTHÉRAPIE 1 f Suivi alterné avec le Réseau de santé
• Radiologues est destinataire d'une complexes, recours à territorial en MT ou le gynécologue en cancérologie
synthèse écrite et cancérologie de ville
SOINS DE SUITE
• Médecins traitants • Accompagnement
un centre expert :
documentée Centre de référence
UNITÉ DE SOINS PALLIATIFS
i:!:
• Autres
- RCP cancer et
• À domicile: à l'ouverture des
pour la prise
Prestataires :
droits
0:::
établissements -Prothèses capillaires
grossesse
- IDE libéraux en charge du
-Prothèses • Aide au retour à
- RCP tumeur rare du
• Patientes -HAD lymphœdème si
:c
mammaires l'emploi avec :
§
sein
- Oncogénétique • Réseaux de soins besoin
- Requalification
-Aménagement du
Associations de
::s0
poste de travail
patients

- Reconnaissance
MDPH
UElO Item 294
........................... . . .

CHAPITRE ►,________________________________________
Cancers de l'enfant
Particularités épidémiologiques, diagnostiques
et thérapeutiques
Dr Maryline Poirée', Pr Nicolas Sirvent2, Dr Guillaume Vogin3, Pr Gilles Vassal4, Pr Marc-André Mahé'
'Unité d'Oncohématologie pédiatrique, CHU Nice
'Unité d'Oncologie pédiatrique, CHU Montpellier
•Département de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de Lorraine -Alexis Vautrin, Vandoeuvre-lès-Nancy
•Département de Recherche clinique, Institut Gustave Roussy, Villejuif
'Département de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de l'Ouest-René Gauducheau, Nantes-Saint-Herblain

1. Épidémiologie OBJECTIFS iECN


2. Facteurs étiologiques ➔ Cancers de l'enfant, particularités épidémiologiques,
2.1. Rôle de l'environnement diagnostiques et thérapeutiques
2.2. Facteurs génétiques - Connaître les principaux types histologiques
3. Particularités diagnostiques - Connaître les particularités diagnostiques et thérapeu-
3.1. La clinique tiques
3.2. Les examens complémentaires - Justifier l'intérêt du suivi à long terme
4. Particularités thérapeutiques
4.1. La chimiothérapie
4.2. La radiothérapie
4.3. La chirurgie Mots clés: Épidémiologie - Génome - Marqueurs
4.4. Les soins palliatifs tumoraux - Chimiothérapie - Chirurgie -
5. Les conséquences à long terme Radiothérapie - Soins palliatifs - Suivi à long terme

1. Épidémiologie
• Les cancers de l'enfant et de l'adolescent sont des maladies rares qui représentent 1 % de l'ensemble des cancers,
en France et dans les pays comparables au plan socio-économique.
• Leur incidence est en moyenne de 120/million d'enfants par an, répartis en 1 700 nouveaux cas entre O et 15 ans
et 700 nouveaux cas chez les AJA (Adolescents et Jeunes Adultes) entre 15 et 20 ans. Ainsi, un enfant sur 440 va
développer un cancer avant l'âge de 15 ans et un sur 300 avant l'âge de 20 ans.
• Ils représentent la deuxième cause de mortalité entre 1 et 14 ans, après les accidents, soit 20 % des décès.
• Certaines formes de cancers sont spécifiques à l'enfant et, inversement, la plupart des cancers de l'adulte
n'existent pas chez l'enfant. Globalement, les cancers de l'enfant diffèrent de ceux de l'adulte par leurs caractéris­
tiques cliniques, biologiques, anatomo-pathologiques et leur sensibilité thérapeutique élevée.
• Leur pronostic est bien meilleur que celui des cancers de l'adulte puisque le taux de guérison, tous cancers
confondus, est de l'ordre de 80 %. Une maladie métastatique peut être curable. On estime actuellement en France
à 50 000 le nombre d'adultes survivants d'un cancer traité avant l'âge de 20 ans et concernés par les possibles effets
tardifs de la maladie et des thérapeutiques reçues.
• La répartition des principaux cancers de l'enfant est indiquée dans le tableau suivant:

-- Tableau 1. RÉPARTITION DES PRINCIPAUX CANCERS DE L'ENFANT


--------�------ -�-
--·---�--� - --- -

Leucémies et lymphomes 40% Néphroblastomes 8%


Tumeurs cérébrales 20% Tumeurs osseuses 5%
Tumeurs germinales,
Neuroblastomes 9 °/o 3,5%
trophoblastiques et gonadiques

Tumeurs des tissus mous 7 °/o Rétinoblastomes 3 °/o

LJE 1 Ü - ITEM 294 CANCERS DE L'ENFANT 1 21 ◄


• Il s'agit principalement de leucémies aiguës, de tumeurs cérébrales et de tumeurs embryonnaires spécifiques de
l'enfant (néphroblastomes, neuroblastomes). Après l'âge de 10 ans, les lymphomes, les tumeurs cérébrales et les
tumeurs osseuses et conjonctives prédominent.
• Il existe globalement une prédominance masculine, avec un sexe-ratio évalué à 1, 2/1. L'incidence et la réparti­
tion des cancers de l'enfant varient selon l'origine ethnique et géographique de l'enfant.

SYNTHÈSE
• L'incidence des cancers de l'enfant et de l'adolescent est de 2 400/an en France.
• Le taux de guérison est de l'ordre de 80 %.
• Les tumeurs les plus fréquentes sont hématologiques et cérébrales.

2. Facteurs étiologiques
• L'étiologie de la plupart des cancers de l'enfant reste encore mal connue.

2. 1. Rôle de l'environnement
• À la différence de l'adulte, le rôle des facteurs d'environnement apparaît minime dans la genèse des cancers de
l'enfant (qui peuvent également survenir chez l'adulte jeune).
• On peut citer cependant:
- le rôle des radiations ionisantes : certains enfants présentent une radiosensibilité individuelle élevée de
manière constitutionnelle pouvant se manifester par une augmentation du risque de cancer après de faibles
doses d'irradiation dans un contexte diagnostique ou thérapeutique;
- le rôle de certains agents chimiques: l'exposition in utero au di-éthylstilbestrol entraîne un risque important
d'adénocarcinome à cellules claires du vagin;
- le rôle de certains agents infectieux, en particulier viraux: Epstein-Barr virus et lymphome de Burkitt africain
et carcinome indifférencié du nasopharynx, virus de l'hépatite B et hépatocarcinome, virus HIV et lymphome;
- le rôle de certains agents de chimiothérapie (alkylants) dans le développement de leucémies secondaires.

2.2. Facteurs génétiques


• Dans la majorité des cas, les cancers de l'enfant surviennent de façon sporadique, sans histoire familiale de
cancer, ni maladie génétique associée. De ce fait, le risque de cancer chez les apparentés n'est que peu différent
de celui de la population générale.
• Cependant, un faible pourcentage ( < 10 %) des cancers de l'enfant est associé à des facteurs génétiques:
- prédisposition héréditaire au cancer transmise sur un mode autosomique dominant, lié dans la majorité des
cas à une mutation germinale du gène p53 : syndrome de Li Fraumeni. Le risque de développer un cancer chez
les individus porteurs de cette mutation est d'environ 50 % avant l'âge de 30 ans : sarcome des tissus mous,
ostéosarcome, cancer du sein, tumeur cérébrale, corticosurrénalome, leucémie;
- cancer héréditaire transmis sur un mode autosomique dominant : rétinoblastome ;
- phacomatose et neurodermatose : la maladie de Recklinghausen expose à un risque accru de tumeurs du
système nerveux ou de la crête neurale, neurofibromatose de type 2;
- instabilité chromosomique : maladie de Fanconi, ataxie télangiectasie;
- aberrations chromosomiques : syndrome de Wiedeman-Beckwith (risque accru de néphroblastome et
hépatoblastome), trisomie 21 ;
- déficit immunitaire : risque accru de lymphome.

► 122 CANCERS DE L'ENFANT LJE 1 Ü - ITEM 294


UE10 Item 294
...... .. ................. .. .

• Ainsi, la constatation de certaines malformations congénitales doit alerter sur le risque accru de cancer
spécifique :
- aniridie congénitale et néphroblastome;
- cryptorchidie et tumeurs germinales;
- hémi-hypertrophie corporelle et néphroblastome.
.---------------.--------.
SYNTHÈSE
• La grande majorité des cancers de l'enfant survient de façon sporadique.
• Le rôle de l'environnement et des facteurs génétiques est faible.
• Il n'y a pas de place pour le dépistage, sauf dans les syndromes de prédisposition.

3. Particularités diagnostiques
3.1. La clinique
• Deux particularités fréquentes propres aux tumeurs de l'enfant, en particulier celles de typ e embryonnaire,
doivent être soulignées
- la rapidité souvent extrême de leur croissance, parfois en quelques jours, qui n'est pas synonyme de gravité
spécifique et qui peut laisser présager au contraire d'une grande sensibilité à la chimiothérapie. En corollaire,
l'affection peut être révélée par des signes d'appel de gravité amenant à une consultation en urgence: dyspnée
aiguë, syndrome hémorragique, CIVD, hyp ercalcémie, HTIC d'installation rapide, compression médullaire,
syndrome cave supérieur;
- la conservation d'un bon état général apparent, en dehors du cas des leucémies et de certains cancers à
l'origine d'une atteinte de la moelle osseuse.
• Les signes d'appel dépendent de la taille de la tumeur et de sa localisation.L'attention doit être attirée lorsqu'ils
persistent plus de 15 jours.
- palpation d'une masse périphérique même de petite taille (membres, cou), ou profonde et souvent volumineuse
(abdomen, pelvis); grosse bourse;
- adénopathies persistantes fixées, non inflammatoires, en dehors d'un contexte infectieux loco-régional surtout
si association à un prurit;
- reflet blanc pupillaire imposant la réalisation d'un fond d'œil;
- exophtalmie, strabisme, diplopie.
- douleurs persistantes, en particulier osseuses, dont le caractère insomniant doit être particulièrement alarmant
et dont il faut savoir déceler la traduction chez le nourrisson (diminution de l'activité, atonie psycho-motrice...);
- boiterie, troubles de la marche, gestes maladroits;
- signes neurologiques dont la nature dépend de la localisation des lésions (hypertension intracrânienne, déficits
moteurs et/ou sensitifs, troubles de la déglutition, modification du comportement, perte de l'acquisition
[langage, propreté]), augmentation du périmètre crânien;
- symptomatologie compressive (voies respiratoires, axe digestif) ;
- syndrome hémorragique: hématurie, méléna, rectorragies, saignement vaginal;
- syndromes paranéoplasiques qui sont exceptionnels dans les cancers de l'enfant (syndrome opso-myoclonique
des neuroblastomes);

UE 1 Ü - ITEM 294 (ANCERS DE L'ENFANT 123 ◄


- cachexie: syndrome de Russel (ou « cachexie diencéphalique ») lié à la présence d'une tumeur dans la région
hypothalamique, responsable d'une cassure des courbes staturo-pondérales, avec perte du panicule adipeux.
- puberté précoce révélatrice de certaines tumeurs hyp othalamohyp ophysaires, ovariennes ou surrénaliennes.
• Fréquemment, la présentation clinique se révèle latente, trompeuse, peu symptomatique, aboutissant à un
délai diagnostique vécu difficilement par les parents, pendant lequel la maladie évolue.

3.2. Les examens complémentaires

imagerie, du diagnostic cytologique et/ou anatomo-pathologique et de 1


ncers permettent habituellement d'arriver rapidement au diagnostic. Cepe
meurs, l'enfant doit être impérativement adressé dès la suspicion diagno

3.2. 1. Imagerie
• Il faut souligner l'importance de la qualité de l'imagerie initiale qui permet une évaluation de l'extension loco­
régionale et un bilan d'opérabilité (Figure 1).
• Le choix de l'examen le plus judicieux va dépendre de la localisation tumorale; à titre d'exemple:
- échographie abdominale pour une tumeur abdomino-pelvienne;
- radiographies osseuses simples pour les tumeurs osseuses;
- imagerie par résonance magnétique pour les tumeurs cérébrales et osseuses;
- scanner pour la recherche de localisations secondaires pulmonaires ...
• Certaines explorations isotopiques permettent d'affirmer le diagnostic et/ou de participer au bilan d'exten­
sion: scintigraphie à la méthyliodobenzylguanidine spécifique des tumeurs sympathiques et carcinoïdes, scinti­
graphie osseuse au technetium 99 pour les métastases osseuses et les tumeurs osseuses primitives.
• La tomographie par émission de positons (ou TEP-TDM) est un examen scintigraphique, réalisé après l'injec­
tion intraveineuse d'un traceur faiblement radioactif (généralement le 18F-fluorodéoxyglucose, analogue du glu­
cose) qui permet d'obtenir des renseignements sur le fonctionnement et l'activité des organes. Le TEP-TD M, bien
que non spécifique d'une pathologie, est devenu un examen important dans le bilan d'extension et la surveillance
de certains cancers de l'enfant (lymphomes, sarcomes...).

Figure 1. Coupe coronale d'un néphroblastome droit chez un enfant de 5 ans

► 124 CANCERS DE L'ENFANT LJE 1 Ü - ITEM 294


UE10 ltem294

3.2.2. Examens biologiques


• Il existe peu de marqueurs tumoraux en oncologie pédiatrique. Cependant, dans certains cancers de l'enfant,
l'identification d'un marqueur tumoral spécifique permet d'affirmer le diagnostic, d'évaluer l'efficacité du traite­
ment, et de surveiller l'enfant une fois la rémission obtenue:
- Catécholamines urinaires et leurs métabolites: neuroblastomes ;
- Alfa-foetoprotéine: hépatoblastomes et certaines tumeurs germinales malignes (tumeurs du sac vitellin) ;
- Beta hCG: certaines tumeurs germinales malignes (choriocarcinome).
• Certaines molécules, non spécifiques, représentent un indice de volume et/ou d'activité tumorale, parfois
corrélées au pronostic: LDH (lactates déshydrogénases): neuroblastomes, lymphomes.
• Une place particulière revient actuellement à l'analyse du génome des cellules cancéreuses, réalisée au moyen
de techniques variées: cytogénétique conventionnelle et/ou moléculaire (hybridation fluorescente in situ), biolo­
gie moléculaire... Historiquement développée dans les proliférations hématologiques malignes, où cette analyse
est essentielle dans le diagnostic et l'élaboration de la stratégie thérapeutique, son intérêt s'affirme également dans
la prise en charge des tumeurs solides (valeur pronostique de l'amplification de l'oncogène N-Myc dans les neuro­
blastomes). De plus, la caractérisation des anomalies génomiques tumorales permet d'envisager la mise au point
de traitements plus spécifiques de la prolifération maligne, ciblés sur l'anomalie moléculaire identifiée.

3.2.3. Examen anatomo-patho/ogique


• Il permet avant tout d'affirmer le diagnostic, mais également dans certains cas d'établir un histopronostic à
partir de certains critères propres à chaque tumeur (histopronostic défavorable de certains néphroblastomes com­
portant des territoires anaplasiques...) et d'évaluer pour certaines tumeurs la réponse au traitement, élément
fondamental du pronostic (pourcentage de nécrose de la tumeur après traitement par chimiothérapie dans les
ostéosarcomes, les sarcomes d'Ewing... ).
• De manière très schématique, on peut distinguer chez l'enfant 6 grands groupes de proliférations malignes:
- les proliférations d'origine hématologique;
- les proliférations originaires du système nerveux central ;
- les tumeurs de blastème d'organe, dont la cellule tumorale apparaît caractéristique des tumeurs pédiatriques:
cellule de taille petite ou moyenne au cytoplasme basophile avec un noyau rond et une chromatine souvent
très fine ou délavée. Selon l'organe d'origine, on parlera de: néphroblastome (tumeur rénale), hépatoblastome
(tumeur du foie), pneumoblastome (tumeur du poumon), rétinoblastome... ;
- les tumeurs malignes conjonctives, principalement représentées par les rhabdomyosarcomes, développées à
partir des cellules mésenchymateuses primitives ;
- les tumeurs germinales malignes, gonadiques ou extra-gonadiques, développées à partir des cellules
germinales primitives qui migrent entre la quatrième et la sixième semaine de la vie intra-utérine depuis
l'endoderme du sac vitellin vers la crête génitale de l'embryon. Les sites extragonadiques de ces tumeurs
(région sacrococcygienne, rétropéritonéale, médiastinale, intracrânienne) s'expliquent par une migration
anormale de ces cellules à proximité de la ligne médiane. Leur classification est très complexe et les formes
mixtes fréquentes. On peut citer les tumeurs du sac vitellin, les choriocarcinomes, les tératomes, matures ou
immatures, les séminomes... ;
- les tumeurs neuroectodermiques, ou tumeurs de la famille du sarcome d'Ewing. Elles appartiennent au
groupe morphologique des tumeurs à petites cellules rondes, caractérisées par l'existence d'un marqueur
génétique pathognomonique sous la forme d'une translocation spécifique responsable de la formation d'un
transcrit de fusion chimérique (ex: t(ll; 22)(q24; ql2) dans le sarcome d'Ewing).
• Dans tous les cas, la décision d'une exérèse chirurgicale, d'une biopsie chirurgicale ou trans-cutanée doit être
prise en concertation multidisciplinaire entre les spécialistes qui prendront en charge l'enfant.

LJE 10 - ITEM 294 (ANCERS DE L'ENFANT 125 ◄


SYNTHÈSE
• Les particularités diagnostiques des cancers de l'enfant sont:
- leur croissance rapide;
- l'habituelle conservation de l'état général;
- la multiplicité et le caractère souvent « banal » des signes d'appel cliniques dont la persistance/fixité
au-delà de 15 jours doit alerter;
l'importance de doser des marqueurs spécifiques en plus des examens d'imagerie et de l'histologie;
- l'importance de l'analyse du génome des cellules cancéreuses pour le diagnostic, le pronostic et le
traitement;
- les 6 grands groupes de tumeurs malignes chez l'enfant sont : hématologiques, du système nerveux
central, de blastème d'organes, conjonctives, germinales, neuroectodermiques;
l'importance de la prise en charge précoce en milieu spécialisé pluridisciplinaire de cancérologie
pédiatrique.

4. Particularités thérapeutiques
• La prise en charge des cancers de l'enfant fait appel aux mêmes moyens thérapeutiques que chez l'adulte
(chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie, immunothérapie, thérapie ciblée...). Après analyse soigneuse des
facteurs pronostiques, la stratégie thérapeutique est élaborée de façon pluridisciplinaire selon des protocoles
(inter)nationaux. Les tumeurs pédiatriques doivent être considérées comme des urgences thérapeutiques, sans
pour autant négliger la qualité du bilan pré-thérapeutique.
• La prise en charge des enfants et adolescents atteints de cancer doit s'effectuer uniquement au sein des centres
spécialisés en cancérologie pédiatrique. Ceux-ci doivent disposer d'un environnement spécifique adapté inté­
grant les dimensions familiale, psychologique, sociale et scolaire spécifiques à cette population. Le parcours du
patient doit être coordonné du centre spécialisé aux centres hospitaliers généraux et avec les professionnels inter­
venant au domicile. La radiothérapie des patients de moins de 16 ans doit s'effectuer au sein de centres spécialisés.
• Dans la majorité des cas, même en cas maladie métastatique, le contrôle local est fondamental. Globalement,
les cancers pédiatriques s'opèrent rarement en première intention, à l'exception des tumeurs cérébrales.
• Il faut insister chez l'enfant sur le rôle majeur de la chimiothérapie, particulièrement efficace sur les tumeurs
embryonnaires, et dont les avancées ont complètement modifié la place des autres modalités thérapeutiques.
L'amélioration des résultats, liée en grande partie à la pratique d'essais cliniques contrôlés satisfaisant aux exi­
gences de l'éthique médicale, permet d'obtenir globalement des taux de guérison de l'ordre de 80 %.
• D'une manière générale, les facteurs pronostiques sont le stade de la maladie au diagnostic, mais aussi et parfois
plus importants, l'âge de l'enfant, le profil immuno-histochimique et génétique, le contrôle local, la réponse aux
traitements néo-adjuvants et la qualité de la prise en charge initiale.
• Il est capital de toujours penser aux séquelles dans l'élaboration de la stratégie thérapeutique qui, par ailleurs,
a tendance à globalement s'alléger pour les stades localisés avec un affinement des classifications pronostiques.

4.1. La chimiothérapie
• La chimiothérapie est adaptée au poids et à l'âge de l'enfant (posologies réduites chez le nourrisson de moins
de 1 an, en particulier).
• Il s'agit souvent, chez l'enfant, dans les tumeurs solides, d'une chimiothérapie néo-adjuvante dont l'objectif
principal est la réduction du volume tumoral permettant un traitement local ultérieur moins dangereux et carci­
nologiquement satisfaisant (neuroblastome, néphroblastome...). La chimiothérapie première permet également
d'apprécier la réponse tumorale au traitement, dont l'importance pronostique va conditionner la stratégie théra­
peutique ultérieure (sarcomes d'Ewing, ostéosarcomes). La chimiothérapie adjuvante, délivrée chez un enfant
sans maladie résiduelle apparente après un traitement local ou loco-régional, a pour but de prévenir la survenue
et/ou de traiter d'éventuelles localisations secondaires. Dans certains cas, la chimiothérapie résumera le traite­
ment : leucémies, lymphomes. Elle peut également être réalisée de façon concomitante à la radiothérapie, princi­
palement dans les sarcomes, en adjuvant dans ces cas-là.

► 126 CANCERS DE L'ENFANT LJE 1 Ü - ITEM 294


UE10 ltem294

• Basé sur le concept de dose-intensité (corrélation entre l'efficacité de la chimiothérapie et la quantité de drogue
administrée), le traitement de certaines tumeurs malignes à très haut risque pourra comporter des chimiothé­
rapies à hautes doses, sous couvert d'autotransfusion de cellules souches hématopoïétiques.
• Chez l'enfant, les effets secondaires précoces de la chimiothérapie sont:
- les complications hématologiques: aplasie, anémie, thrombopénie ;
- les complications digestives: vomissements, dénutrition, mucite ;
- les complications infectieuses: bactériennes, fongiques, parasitaires ou virales, dont la prise en charge répond
aux mêmes principes que chez l'adulte. Elles doivent être surveillées d'autant plus attentivement que l'enfant
est jeune.
• Certaines complications peuvent se manifester avec des délais variables : maladies cardiovasculaires, cérébro­
vasculaires, troubles neurocognitifs, troubles endocriniens (croissance, fonction thyroïdienne), troubles de la
fertilité et des seconds cancers. Le suivi doit être personnalisé, adapté à chaque patient et dépend du type de la
tumeur primitive, des traitements anticancéreux administrés, mais aussi des facteurs génétiques associés éven­
tuels. Le risque de développer des complications à long terme augmente avec le temps et peut être exacerbé par les
comorbidités liées à l'âge et aux facteurs environnementaux (tabac, alcool, obésité, sédentarité).

4.2. La radiothérapie
• Même si ses indications diminuent, la radiothérapie, qui est une modalité thérapeutique loco-régionale, s'in­
tègre dans la stratégie thérapeutique des cancers de l'enfant dans près de 1/3 des cas, et dans 80 % des tumeurs
cérébrales. La radiothérapie pédiatrique se caractérise d'emblée par l'importance de la mise en condition psycho­
logique afin d'obtenir une bonne coopération de l'enfant, indispensable au bon déroulement du traitement et au
respect d'une stricte immobilité. Les méthodes d'irradiation comportent, comme chez l'adulte, la radiothérapie
externe, la plus utilisée, et de façon beaucoup plus exceptionnelle, la curiethérapie. Si la détermination du volume
tumoral se fait de la même façon que chez l'adulte, elle diffère en fonction de l'âge de l'enfant, du type de tumeur
et de la dose à délivrer. Certaines complications de la radiothérapie sont particulières à l'enfant; le développement
de nouvelles techniques, et tout particulièrement la protonthérapie, vise à limiter au maximum les conséquences
à moyen et long terme.
• Les effets secondaires de la radiothérapie dépendent surtout des facteurs suivants: volume à traiter, topographie
de la région à traiter, dose totale à délivrer, dose par séance (fractionnement).
• Tout comme chez l'adulte, on distingue des effets secondaires précoces qui surviennent dans les 3 mois qui
suivent l'initiation du traitement et guérissent généralement intégralement sous soins de support et les toxicités
tardives qui peuvent aboutir à des séquelles d'autant plus invalidantes que l'enfant est jeune au moment de son
traitement. Leur dépistage et leur prise en charge s'avèrent fondamentaux, y compris lorsque l'enfant devien­
dra adulte.
Ainsi faut-il citer:
- le ralentissement de la croissance lié à l'irradiation des cartilages de conjugaison à l'origine de troubles de la
statique vertébrale (irradiation du rachis) et/ou d'un raccourcissement des os longs, inesthétique et responsable
d'un handicap fonctionnel ;
- l'existence de séquelles intellectuelles, après irradiation cérébrale. D'apparition retardée et progressive, dose
dépendante, elles sont d'autant plus sévères que l'irradiation survient tôt (particulièrement avant l'âge de 4
ans). Elles se traduisent par un retard du quotient intellectuel, un ralentissement des acquisitions motrices...
- les séquelles endocriniennes : insuffisance hyp ophysaire, à l'origine d'une cassure de la courbe staturale,
insuffisance thyroïdienne, insuffisance gonadique ;
- les seconds cancers dont, hors les proliférations malignes hématologiques, plus de 60 % se développent en
territoire antérieurement irradié.

LJE 1 Ü - ITEM 294 CANCERS DE L'ENFANT 12 7 ◄


4.3. La chirurgie
• L'expertise chirurgicale, qui doit être partie intégrante du projet multidisciplinaire, peut intervenir à dif­
férentes étapes de ce projet : diagnostic, lors du traitement local et/ou loco-régional, après le traitement pour
vérifier l'existence d'un résidu tumoral...

Le geste chirurgical ne peut être qu'un geste technique ou thérapeutique isolé.

• Initialement, pour déterminer la nature d'une tumeur solide, une biopsie chirurgicale est, sauf exception,
indispensable. Elle peut parfois être avantageusement remplacée par une aspiration biopsie à l'aiguille fine, réali­
sée sous repérage radiologique, moins invasive. Le matériel prélevé doit être cependant suffisant pour permettre,
en sus de l'examen anatomo-pathologique qui affirmera le diagnostic, une analyse complète de la biologie tumo­
rale (cytogénétique conventionnelle, analyses de biologie moléculaire...) qui peut constituer un facteur pronos­
tique déterminant dans le choix du protocole thérapeutique (neuroblastome...).
• Lors de l'exérèse tumorale, le geste chirurgical intervient après concertation entre l'oncologue médical, l'onco­
logue radiothérapeute et l'opérateur pour déterminer le moment de la chirurgie au sein du protocole de trai­
tement, décider de l'opérabilité de la tumeur et prévoir les complications post-opératoires et/ou les séquelles
fonctionnelles. L'exérèse tumorale doit être, autant que faire se peut, complète et conservatrice. Elle est parfois
mutilante, parfois impossible.

SYNTHÈSE
• Les traitements principaux des cancers de l'enfant sont la chimiothérapie, la chirurgie et la radiothérapie.
• Chaque traitement comporte des risques de complications aiguës et tardives.
• Les modalités thérapeutiques et leur chronologie doivent être déterminées en réunion de concertation pluri­
disciplinaire.

4.4. Les soins palliatifs


• La phase palliative concerne 20 % des enfants atteints de cancer. Elle correspond à la période précédant le décès,
pendant laquelle aucun traitement efficace en terme de guérison ou de rémission ne peut être proposé. La décision
d'arrêt de tout traitement à visée curative doit être multidisciplinaire, associant les équipes hospitalières et de
ville. Elle doit être clairement expliquée au patient et à sa famille de façon à maintenir une relation de confiance.
La durée de la phase palliative est très variable d'un patient à l'autre et les décisions et modalités des traitements
doivent être adaptées à l'évolution des symptômes, en prenant en compte la dîmension humaine et en restant dans
le domaine du raisonnable, sans tomber dans l'acharnement thérapeutique. L'échange sur la mort et la prépara­
tion au deuil font partie intégrante de la prise en charge palliative et ne doivent pas être omis.
• Les principaux symptômes à rechercher et à prendre en charge sont les suivants :
- douleurs;
- phénomènes compressifs (déficit neurologique d'origine centrale, compression médullaire, crise comitiale,
dyspnée, ictère, occlusion intestinale);
- syndrome hémorragique : saignement tumoral, CIVD ;
- anxiété, dépression;
- troubles de la conscience.
• Les traitements disponibles sont médicamenteux (antalgiques, anxiolytiques...), chirurgicaux et la radiothérapie.

► 128 CANCERS DE L'ENFANT UE 10 - ITEM 294


l, UE 10
.... ____________
ltem294
-M • • •
-
1

SYNTHÈSE
• La phase palliative concerne 20 % des enfants atteints de cancer.
• Les traitements réalisés doivent rester raisonnables, sans tomber dans l'acharnement thérapeutique.
• Les principaux symptômes pris en charge sont la douleur, les phénomènes compressifs, les phénomènes
hémorragiques et l'anxiété.

5. Les conséquences à long terme


• Une préoccupation majeure des équipes spécialisées en cancérologie pédiatrique a été très rapidement l'éva­
luation des conséquences à long terme des traitements. La totalité des stratégies thérapeutiques proposées chez
les enfants sont ainsi marquées par le double souci de« guérir plus», et guérir« mieux», à un« prix» acceptable
obérant le moins possible le développement et l'épanouissement ultérieur de l'être en devenir qu'est l'enfant. Les
résultats remarquables obtenus dans certaines maladies par les traitements combinés actuels permettent dès à
présent d'envisager dans ces maladies (certaines leucémies et certains lymphomes en particulier) des stratégies de
désescalade thérapeutique.
• La toxicité à long terme peut toucher tous les organes et toutes les fonctions : cardiaque, pulmonaire, rénale,
endocrinienne, auditive, système nerveux central, fertilité...
• La survenue de deuxièmes cancers, par définition différents d'une récidive ou d'une métastase du cancer primitif,
représente un réel problème avec un risque cumulatif évalué entre 3,7 et 12 % après un délai de 25 ans après le
traitement de la maladie initiale.
Le type histologique de ces seconds cancers apparaît comme la résultante de plusieurs facteurs :
- les modalités de traitement utilisées initialement (sarcome survenant en territoire irradié, carcinome de la
thyroïde après irradiation même à faibles doses, leucémies après chimiothérapies incluant alkylants et/ou
épipodophyllotoxines ... );
- le type du cancer primitif (cancer du sein et maladie de Hodgkin...);
- l'existence d'un terrain prédisposant: syndrome de Li Fraumeini, rétinoblastome héréditaire...
• Des programmes de suivi à long terme sont mis en place depuis quelques années dans les centres d'oncologie
pédiatrique afin de diagnostiquer et prendre en charge les séquelles des traitements, notamment lors du passage
au monde adulte.

SYNTHÈSE
• Le risque de séquelles est d'autant plus important que les enfants sont jeunes au moment du traitement.
• La toxicité à long terme peut toucher tous les organes et fonctions.
• Un programme de suivi à long terme a été mis en place au niveau national.

► Références

• Les cancers de l'enfant, édition 2015,www.e-cancer.fr


• Campus de pédiatrie. Collège National des Pédiatres Universitaires, chapitres 44, 139,294,http://campus.cerimes.fr/pediatrie
• A. Laprie, L. Podovani, V. Bernier et al. Radiothérapie des cancers de l'enfant, Cancer Radiother, 2016,20: 5 216-226.

LJE 10 - ITEM 294 1 CANCERS DE L'ENFANT 129 ◄


POINTS CLÉS
1. L'incidence des cancers de l'enfant et de l'adolescent est de 2 400/an en France. Le taux de gué­
rison est de l'ordre de 80 %, et les tumeurs les plus fréquentes sont hématologiques et cérébrales.
2. Les cancers de l'enfant se caractérisent par leur croissance rapide, l'habituelle conservation de
l'état général, la multiplicité et le caractère souvent« banal» des signes d'appel cliniques, dont la
persistance/fixité au-delà de 15 jours doit alerter.
3. Les 6 grands groupes de tumeurs malignes chez l'enfant sont: hématologiques, du système
nerveux central, de blastème d'orgànes, conjonctives, germinales, neuroectodermiques. Les traite­
ments principaux des cancers de l'enfant sont, comme chez l'adulte, la chimiothérapie, la chirurgie
et la radiothérapie. La chimiothérapie joue un rôle essentiel, particulièrement dans les tumeurs
embryonnaires et les maladies hématologiques (leucémies et lymphomes).
4. Le risque de séquelles, pouvant intéresser tous les organes, est d'autant plus important que les
enfants sont jeunes au moment du traitement, et nécessite un suivi à long terme.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Tout symptôme dit« banal» qui dure doit attirer l'attention.


2. L'examen clinique est primordial pour le diagnostic précoce.
3. Les tumeurs cérébrales ont un plus mauvais pronostic que les autres cancers de l'enfant.
4. Un suivi à long terme est indispensable chez un enfant guéri, afin de dépister et prendre en
charge les séquelles éventuelles.

► 130 CANCERS DE L'ENFANT LJE 10 - ITEM 294


UE9 ltem295
........................... . - - --- -

CHAPITRE ►---------------------------------------
Tumeurs de la cavité buccale,
naso-sinusiennes et du cavum,
et des v�ies aérodigestives supérieures
Pr Christophe Le Tourneau', Pr Jean-Pierre Delord2, Pr Anne Laprie3, Pr Philippe Maingon•
1
Department of Drug Development and Innovation {D3i), Institut Curie, Paris et Saint-Cloud
2
Département d'0ncologie médicale, Institut Universitaire qe Cancérologie de Toulouse - 0ncopole, Toulouse
'Département d'0ncologie radiothérapie, Institut Universitaire de Cancérologie de Toulouse -0ncopole, Toulouse
'Département de Radiothérapie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris

.i: · ...............................................................................................................................................
1. Rappel d'anatomie 9. Diagnostics différentiels
� ..........:
i
: 2. Anatomo-pathologie 9.1. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et de :
3. Facteurs de risque et histoire naturelle la cavité buccale
3.1. Facteurs de risque 9.2. Tumeurs des fosses nasales et des sinus
3.2. Histoire naturelle 9.3. Tumeurs du cavum
4. Épidémiologie 10.Prévention
S. Circonstances de découverte 11. Approches thérapeutiques
6. Bilan diagnostique 11.1. Principes généraux
6.1. Diagnostic de certitude 11.2. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et
6.2. Bilan d'extension de la cavité buccale
7. Classification TNM 11.3. Tumeurs des fosses nasales et des sinus
8. Évolution et pronostic 11.4. Tumeurs du cavum
8.1. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et de
la cavité buccale
8.2. Tumeurs des fosses nasales et des sinus
8.3. Tumeurs du cavum

OBJECTIF iECN
Mots clés: Alcool - Tabac - HPV - Lymphophilie
-+ Tumeurs de la cavité buccale, naso-sinusiennes et du - Panendoscopie sous AG - Pluridisciplinarité
cavum, et des voies aérodigestives supérieures. - Chimiothérapie - Chirurgie - Radiothérapie -
- Diagnostiquer une tumeur de la cavité buccale, naso­ Radio-chimiothérapie - Soins dentaires - Nutrition
sinusienne ou du cavum, ou des voies aérodigestives - Orthophonie - Assistance sociale.
supérieures

• Les cancers de la sphère cervico-maxillo faciale présentent de grandes disparités selon leur origine, leur locali­
sation, leur retentissement sur les fonctions aéra-digestives, et leurs modalités thérapeutiques.
• Classiquement, on distingue les cancers de la cavité buccale et de l'oropharynx, voies communes du tractus
aéro-digestif, et les cancers du larynx et de l'hypopharynx, spécifiques respectivement des voies aérienne et
digestive. Ces cancers sont principalement observés chez des patients éthylo-tabagiques. La double intoxication
multiplie les risques connus de l'une et de l'autre des intoxications. Un changement radical de l'épidémiologie de
ces cancers est constaté avec l'émergence récente de cancers de l'oropharynx associés au virus HPV.
• Les cancers des sinus de la face constituent une entité clinique particulière et doivent faire rechercher une
origine toxique. Les cancers du cavum (encore appelé rhinopharynx ou nasopharynx) sont associés au virus
Epstein-Barr (EBV). Ils se caractérisent par une épidémiologie particulière avec des zones de forte endémie
comme la Chine du Sud, des zones intermédiaires comme le pourtour méditerranéen et des zones d'endémie plus
faible comme l'Europe occidentale.
• Chaque type tumoral correspond à une segmentation anatomique précise pour laquelle les risques d'extension
sont spécifiques à l'anatomie loco-régionale. Les probabilités d'extension ganglionnaire, corrélées au site tumoral
primitif, à la taille tumorale et aux caractéristiques anatomo-pathologiques de la tumeur, sont décrites avec leurs
localisations précises.

LJE 9 - ITEM 295 TUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM•.• 131 ◄


• Le bilan de ces affections est bien codifié. Il ne doit pas négliger le contexte général du patient, ses conditions
de vie, ses comorbidités souvent nombreuses qui vont avoir des conséquences importantes sur les propositions
thérapeutiques.
• Les indications de traitement sont systématiquement discutées et établies au cours d'une Réunion de Concerta­
tion Pluridisciplinaire (RCP) associant au minimum un chirurgien, un oncologue et un radiologue.
• La prévention primaire et secondaire de ces tumeurs repose sur la lutte contre le tabagisme et l'éthylisme chro­
nique. La dimension sociale de la prise en charge de ces malades, prenant en compte toutes les réhabilitations
nécessaires, fait partie du socle thérapeutique.

1. Rappel d'anatomie
Les cancers des voies aéra-digestives supérieures (VADS) les plus fréquents touchent les structures suivantes
(Figure 1):

Figure 1. Voies aérodigestives supérieures. Coupe sagittale

-----::'<:;1----0rifice de la trompe d'Eustache


-+--+-,,..___ Cavu m

Pharynx

Trachée Œsophage

► 132 TUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM... 1 LJE 9 - ITEM 295


UE9 ltem295
........ __________

- la cavité buccale: limitée par la voute palatine en haut, les arcades dentaires latéralement et le plancher buccal
en bas;
- l'oropharynx : situé en arrière de la cavité buccale ; il comporte le voile du palais en haut, les loges
amygdaliennes sur les côtés, la base de langue en avant, et la paroi pharyngée postérieure en arrière;
- le cavum : situé en arrière des fosses nasales et du voile du palais, il remonte jusqu'à la base du crâne ;
il comprend l'orifice des trompes d'Eustache (ce qui explique l'otite séromuqueuse unilatérale en cas
d'obstruction);
- les sinus ethmoïdaux: cavités aériennes paires et médianes situées dans l'os ethmoïde entre les 2 orbites, en
arrière des os du nez et sous l'étage antérieur de la base du crâne;
- l'hypopharynx: conduit musculo-membraneux vertical, en avant du rachis, étendu de la base du crâne à la
partie supérieure du cou;
- le larynx: situé là où l'appareil respiratoire et l'appareil digestif se séparent dans le cou. Le larynx se trouve en
avant de l'œsophage et relie le pharynx à la trachée. Le larynx mesure environ 5 cm de longueur. Il se divise
en 3 régions :
► L'étage sus-glottique est situé dans le haut du larynx, au-dessus de la glotte. Sa principale composante est
une languette cartilagineuse mobile appelée épiglotte.
► La glotte constitue la partie centrale du larynx. Elle contient les cordes vocales (parfois appelées replis
vocaux). Les cordes vocales sont formées par une paire de muscles situés de chaque côté de l'ouverture de la
trachée. Elles sont recouvertes d'une muqueuse.
► L'étage sous-glottique est situé à la base du larynx, entre la glotte et la trachée.

Le larynx est constitué de différents types de cartilage. Le cartilage thyroïde est situé à l'avant du larynx et
forme une bosse dans le cou qui est couramment appelée pomme d'Adam. Le cartilage cricoïde est un anneau
cartilagineux qui relie le larynx à la trachée. Le cartilage cricoïde et le cartilage thyroïde protègent la glotte et
l'ouverture de la trachée. L'.épiglotte est attachée au cartilage thyroïde et à l'os hyoïde et protège l'ouverture
de la glotte. L'.os hyoïde, qui est en forme de U, est attaché à la partie supérieure du larynx. Plusieurs muscles
et ligaments sont attachés à l'os hyoïde. Ces muscles relient le larynx à la mâchoire et au crâne. Ils relient aussi
les cartilages du larynx les uns aux autres. Ces muscles et ligaments font bouger le larynx durant la déglutition
et la phonation.

- les fosses nasales : cavités limitées par l'orifice piriforme en avant, l'orifice choane en arrière, l'os nasal et
!'ethmoïde en haut, le maxillaire, !'ethmoïde et le cornet nasal inférieur latéralement, le palais (os maxillaire et
os palatin), qui le sépare de la cavité buccale.

2. Anatomo-pathologie
• Types histologiques les plus fréquents en fonction de la topographie :

Topographie Histologie
Cavité buccale Carcinome épidermoïde
Oropharynx
Larynx
Hypopharynx
Fosses nasales et sinus Adénocarcinome

Cavum Carcinome indifférencié (UCNT: undifferenciated carci-


noma ofnasopharyngeal type)

LJE 9 - ITEM 295 1 ÎUMEURS DE LA CAVITE BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM... 133 ◄


3. Facteurs de risque et histoire naturelle

3.1. Facteurs de risque


• Principaux facteurs de risque en fonction de la topographie :

Topographie Facteurs de risque


Cavité buccale Alcool et tabac
Mauvaise hygiène bucco-dentaire
Oropharynx Alcool et tabac
Papillomavirus (Virus HPV, le sérotype 16 étant de loin le plus fréquent)
Larynx Alcool (sauf corde vocale) et tabac
Hypopharynx Alcool et tabac
Fosses nasales et sinus Exposition professionnelle aux poussières de bois
Cavum Virus EBV

• Le risque de développer un cancer de la cavité buccale, du pharynx ou du larynx augmente avec la consom­
mation d'alcool. On estime que le risque de développer ces cancers· chez les grands consommateurs d'alcool est
multiplié par 45. Il a été démontré que le risque de développer un cancer des voies aérodigestives supérieures
diminue après 10 ans d'arrêt de la consommation d'alcool et qu'après 20 ans, il ne diffère plus significativement
de celui des personnes qui n'ont jamais bu.
• Le risque de développer un cancer de la cavité buccale, du pharynx ou du larynx est lié au nombre de cigarettes
fumées chaque jour mais surtout à la durée durant laquelle on a fumé.
• L'infection par HPV est une maladie sexuellement transmissible.
• Le diagnostic de l'infection par HPV est fait à partir d'un prélèvement tumoral, soit par PCR qui est la méthode
de référence, soit en recherchant l'expression en immunohistochimie de la protéine pl6 (mais dont la corrélation
n'est pas parfaite).
• Les facteurs de risque d'une infection par HPV sont les rapports bucco-génitaux et la multiplicité des parte­
naires sexuels.
• Certains patients ont une intoxication éthylique et/ou tabagique et sont infectés par l'HPV.
• À noter que beaucoup plus de personnes sont infectées par HPV que de patients qui ne développent un cancer
lié à l'HPV.
• La recherche de l'EBV se fait par hybridation in situ à partir d'un prélèvement tumoral pour le cancer du cavum.
• L'adénocarcinome de l'ethmoïde est considéré comme une maladie professionnelle.

3.2. Histoire naturelle


• Histologiquement apparaît d'abord une lésion précancéreuse (leucoplasie, érythroplasie, kératose, papilloma­
tose) qui évolue vers une dysplasie puis un carcinome in situ qui se développe enfin en un carcinome invasif.
• L'extension loco-régionale se fait en superficie et en profondeur vers les muscles/os/cartilages avant d'atteindre
les organes de voisinage.
• L'extension à distance se fait par:
- voie lymphatique via les relais jugula-carotidiens (les cancers des VADS sont très lymphophiles);
- voie hématogène (essentiellement vers le poumon+++, mais aussi le foie, les os, rarement le cerveau);
• Les cancers synchrones ou métachrones sont fréquents (ORL+++, œsophage, poumon, vessie).

► 134 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO·SINUSIENNES ET DU CAVUM... LJE 9 - ITEM 295


UE9 Item 295
...... _ ......................

4. Épidémiologie
• Les cancers des VADS sont au S e rang des cancers les plus fréquents en France.
• Ils surviennent principalement chez l'homme (80 %).
• Avec un pic de fréquence entre 60 et 70 ans.
• Chez des patients ayant le plus souvent un niveau socio-économique bas.
• On observe une baisse de l'incidence chez l'homme (- 5,3 % par an en moyenne sur la période 2005-2012) due à
la baisse du tabagisme et de la consommation d'alcool.
• Mais une augmentation de l'incidence chez la femme ( + 1,1 % par an en moyenne sur la période 2005-2012) du
fait d'une augmentation du tabagisme et de la consommation d'alcool.
• En 2008, parmi les personnes qui ont eu un cancer diagnostiqué dans les 5 dernières années et toujours en vie,
46 000 ont eu un cancer des VADS. La mortalité est estimée à un peu moins de 4 000 décès en 2015.
• Répartition topographique des cancers des VADS :

Topographie Répartition
Cavité buccale 20-25 %
Oropharynx 25 %
Larynx 30-35 %
Hypopharynx 15 %
Fosses nasales et sinus <1 %
Cavum <1 %

• Particularités des cancers de l'oropharynx liés à l'HPV :


- Parité hommes/femmes ;
- Les patients sont plus jeunes (45-55 ans);
- L'incidence augmente (ces cancers liés à l'infection virale représentent environ 30 % des cancers de l'oropharynx
en France);
- Le pronostic est meilleur à stade égal.

5. Circonstances de découverte
• Les cancers des VADS sont souvent pauci-symptomatiques.
• Principaux signes cliniques selon la topographie tumorale :

Topographie Signes cliniques


Cavité buccale, oropharynx Ulcération infiltrée, souvent indolore
Tuméfaction
Trouble de la mobilité linguale
Otalgie réflexe
Mobilité dentaire ou instabilité prothétique
Gingivorragie
Dysphagie
Odynophagie
Anesthésie du V3
Larynx Dysphonie
Dysphagie
Dyspnée

LJE 9 - ITEM 295 i ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM... 135 ◄


► Hypopharynx Dysphagie
Otalgie réflexe
Dysphonie
Douleur
Cavum Signes rhinologiques :
- Obstruction nasale
- Rhinorrhée
- Epistaxis
Signes otologiques :
- Dysfonction tubaire
- Oreille bouchée
- Hypoacousie
Signes neurologiques :
- Diplopie
-Acouphènes
- Névralgie du trijumeau
Ethmoïde Signes rhinologiques :
- Obstruction nasale
- Rhinorrhée
- Epistaxis
-Anosmie
Signes ophtalmologiques :
- Paralysie oculomotrice
- Exophtalmie
Signes neurologiques :
- Syndrome frontal
- Névralgie du trijumeau
Toute topographie Adénopathie cervicale isolée
Otalgie réflexe
Douleur

• Le caractère unilatéral et/ou la persistance dans le temps de ces signes doivent faire évoquer l'hypothèse d'un
cancer.
• Un cancer des VADS doit également être suspecté en cas d'altération de l'état général et/ou d'amaigrissement
chez un patient à risque.

6. Bilan diagnostique
6.1. Diagnostic de certitude
Il repose sur l'examen histologique de biopsies réalisées sous endoscopie des VADS:
(Attention : élément fondamental à ne jamais oublier)
• l'examen est systématique;
• il se fait sous anesthésie générale;
• il explore la cavité buccale, l'oro (Figure 2) et l'hypo-pharynx, le larynx (Figure 3), et la partie supérieure de
l'œsophage;
• il permet la réalisation de biopsies guidées;
• il s'accompagne d'un compte rendu avec schéma daté et signé et éventuellement d'un enregistrement vidéo.

► 136 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM ••• 1 UE 9 - ITEM 295


UE9 ltem295
...... .. ..................

Figure 2. Examen direct de la cavité buccale et de l'oropharynx: carcinome épidermoïde amygdalien droit

Figure 3. Nasofibroscopie pharyngo laryngée: carcinome épidermoïde de la corde vocale gauche

6.2. Bilan d'extension


• Tomodensitométrie cervico-thoracique avec injection de produit de contraste;
• IRM s'il s'agit d'un cancer du cavum, de l'oropharynx ou de la cavité buccale;

• Tomographie par émission de positons (TEP) : elle est indiquée devant un ganglion métastatique d'un cancer
primitif inconnu ou en cas de maladie à haut risque métastatique (> N2b).
• Le bilan comporte également un bilan pré-thérapeutique :
- Bilan orthophonique;
Bilan odontologique : consultation spécialisée avec réalisation d'un orthopantomogramme. Des soins
conservateurs, voire des avulsions dentaires, doivent être effectués si nécessaire.

LJE 9 - ITEM 295 1 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM••• 13 7 ◄


Ce bilan est fondamental afin de limiter le risque d'infection ou d'avulsion sur mâchoire irradiée, avec un
risque d'ostéoradionécrose.

- Bilan nutritionnel;
- Bilan respiratoire : le scanner thoracique est fait de façon systématique, éventuellement complété par une
épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) ;
- Bilan cardiovasculaire;
- Bilan biologique complet;
- Bilan gériatrique (au-delà de 70 ans), le cas échéant.

7. Classification TNM
• La classification TNM varie selon les localisations.
• Les classifications sont données à titre d'exemple pour les cancers de la cavité buccale, de l'oropharynx, du larynx
et de l'hyp opharynx.
• Les cancers du cavum ont une classification à part.
• Une classification récente a été rédigée pour les cancers de l'oropharynx liés à l'HPV.
• Le statut M est simple, MO signifiant l'absence de métastase à distance, et Ml la présence de métastases à distance.
• Cavité buccale et oropharynx:

Î1 5 2 cm
Î2 2 à 4cm
T3 >4cm
T4 Envahissement du voisinage

• Larynx et hyp opharynx:

Î1 1 seule localisation du pharynx ou du larynx avec mobilité laryngée conservée (cordes vocales
mobiles)
Î2 Plusieurs localisations du pharynx ou du larynx avec mobilité laryngée conservée
T3 Plusieurs localisations du pharynx ou du larynx avec une ou les 2 cordes vocales fixées
T4 Extension aux structures du voisinage (cartilage, os, peau)

• La classification N est commune aux cancers de la cavité buccale, de l'oropharynx, du larynx et de l'hypopharynx:

No Pas d'adénopathie
N1 1 adénopathie homolatérale 5 3 cm
N2a 1 adénopathie homolatérale entre 3 cm et 6 cm
N2b Adénopathies multiples homolatérales 5 6 cm
N2c
Adénopathies bilatérales 5 6 cm
N3 Adénopathie(s) > 6 cm

► 138 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM... LJE 9 - ITEM 295


UE9 Item 295
.............................

8. Évolution et pronostic
8.1. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et de la cavité buccale
• Le pronostic des cancers de stade localisé est essentiellement loco-régional, avec un risque de récidive faible, mais
présente un enjeu fonctionnel majeur. Le pronostic est loco-régional et à distance (essentiellement pulmonaire)
pour les cancers avec envahissement ganglionnaire important, avec un risque de récidive de l'ordre de 50 %. Le
pronostic est meilleur si le cancer est développé dans le contexte d'une infection à virus HPV.
• Chez les patients survivants à long terme, le risque de développer un second cancer sur la même muqueuse à
risque, dans un territoire adjacent à celui traité ou sur un autre organe, surtout en absence d'arrêt des intoxica­
tions alcoolique et tabagique, est de 20 % à 5 ans.
• Le pronostic des patients éthylo-tabagiques est également lié aux comorbidités cardiovasculaires et pulmonaires.

8.2. Tumeurs des fosses nasales et des sinus


• Le pronostic de ces cancers est essentiellement local. Le risque d'extension ganglionnaire est faible. Les évolutions
métastatiques concernent surtout le poumon.

8.3. Tumeurs du cavum


• Les cancers indifférenciés du cavum, liés à l'EBV, s'accompagnent souvent d'un envahissement ganglionnaire
(80 % des cas au diagnostic) qui est bilatéral dans 50 % des cas (ganglions rétro-pharyngés et postérieurs). Leur
pronostic est meilleur que celui de la majorité des cancers épidermoïdes des VADS liés au tabac et à l'alcool.
• La surveillance de tous ces cancers se fait par l'examen clinique et par l'imagerie.

9. Diagnostics différentiels

9.1. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et de la cavité buccale


• Des tumeurs bénignes de la muqueuse buccale peuvent se développer aux dépends de la muqueuse elle-même ou
des tissus plus profonds. La présence de glandes salivaires accessoires est particulière de cette localisation (adé­
nome pléomorphe, adénolymphome, etc.). Le diagnostic est suspecté sur les données cliniques, mais l'examen
anatomo-pathologique est indispensable pour confirmer la bénignité de la lésion.
• La muqueuse des VADS peut être le siège de localisations de maladies systémiques (lupus érythémateux, polyar­
thrite rhumatoïde, sclérodermie, maladie de Crohn, sarcoïdose et vascularites).
• Les lésions blanches et les kératoses constituent des états précancéreux et justifient une surveillance attentive et
des biopsies systématiques lorsqu'elles évoluent, notamment sous forme d'ulcérations.
• L'oropharynx peut être le siège de lymphomes malins du fait de sa richesse en structures lymphoïdes (amygdale
palatine et base de langue).
• Les anomalies bénignes du pharynx ou du larynx sont plus rares. Les biopsies sont systématiques pour éliminer
un papillome, une surinfection candidosique résistante à un traitement bien conduit, voire la localisation d'une
pathologie infectieuse opportuniste comme la tuberculose.

9.2. Tumeurs des fosses nasales et des sinus


• Les variétés anatomo-pathologiques sont nombreuses. Elles nécessitent des marquages sur les prélèvements biop­
siques à l'aide d'anticorps variés pour parfaitement caractériser la lésion. Les diagnostics différentiels sont peu
fréquents (rhinite vestibulaire traînante ou folliculite infectieuse, papillomes).

UE 9 - ITEM 295 1 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM.•. 139 ◄


9.3. Tumeurs du cavum
• La biopsie systématique permet d'éliminer les diagnostics de végétations adénoïdes hypertrophiques, de polype
antro-choanal, de fibrome naso-pharyngien de la puberté masculine ainsi que certaines ulcérations spécifiques
(tuberculose, sarcoïdose) qui sont rares.

1 O. Prévention
• La lutte contre le tabagisme et l'éthylisme chronique est un objectif de santé publique afin de diminuer la préva­
lence des cancers des voies aérodigestives supérieures.
• Concernant les cancers de l'oropharynx liés à l'HPV dont la prévalence augmente, il est certain qu'un programme
de vaccination des garçons et des filles serait souhaitable afin de tenter d'éradiquer complètement l'infection par
l'HPV.

11. Approches thérapeutiques (Hors programme ECN)


11.1. Principes généraux

11.1.1. Chirurgie
• La chirurgie est indiquée sur les tumeurs dont le stade autorise la résécabilité. En général, la chirurgie concerne le
site primitif et les aires ganglionnaires cervicales. L'utilisation de lambeaux de recouvrement est possible.

11.1.2. Radiothérapie
• La radiothérapie est utilisée dans 95 % des cancers ORL en traitement exclusif ou post-opératoire, seule ou
associée à une chimiothérapie concomitante. Elle est fractionnée et s'étale sur 6 à 7 semaines selon qu'elle est
post-opératoire ou exclusive.
• La toxicité aiguë intervient après 3 semaines de traitement et comporte principalement 5 effets principaux:
- La radiomucite (qui disparaît un mois après la fin de la radiothérapie);
- La radiodermite (qui disparaît également un mois après la fin de la radiothérapie);
- La dysgueusie (qui disparaît plusieurs mois après la fin de la radiothérapie);
- L'hyposialie (qui disparaît 2 ans après la fin de la radiothérapie s'il y a eu traitement en radiothérapie
conformationnelle en modulation d'intensité (RCMI). En cas d'irradiation conventionnelle, elle est définitive);
- L'hypothyroïdie.
• La toxicité tardive n'est pas systématique et peut survenir plusieurs années après le traitement. Il peut s'agir:
- d'ostéoradionécrose, favorisée par des gestes d'avulsion dentaire;
- de fibrose buccale et cervicale.

► 1 40 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM... LJE 9 - ITEM 295


UE9 ltem295
..............................

11.1.3. Chimiothérapie
• La chimiothérapie des cancers ORL peut être prescrite dans plusieurs circonstances :
- En situation néo-adjuvante dans un contexte le plus souvent de tentative de préservation d'organe (carcinome
épidermoïde du larynx). Il s'agit d'un traitement faisant appel ici à une poly-chimiothérapie par cisplatine,
5 fluoro-uracile (SFU) et docétaxel dont l'objectif est de réduire la taille tumorale de 80 % à l'issue des 3 premiers
cycles pour envisager alors l'irradiation de la tumeur dans un objectif curatif.
- De façon concomitante à la radiothérapie, soit en post-opératoire (pour les carcinomes épidermoïdes à haut
risque de rechute), soit dans le cadre d'une radio-chimiothérapie exclusive (lorsque la tumeur est en place). Ici,
on utilise une mono chimiothérapie par cisplatine seul.
- Dans un contexte palliatif: pour un cancer métastatique d'emblée ou en raison d'une rechute (loco-régionale
et/ou métastatique). Le traitement de référence en première ligne associe le cisplatine, le SFU et le cetuximab
(anticorps monoclonal ciblant l'EGFR). L'immunothérapie par inhibiteur de PDl est devenue la référence en
z e ligne. Des résultas présentés récemment ont montré que les inhibiteurs de PDl vont devenir la référence en
1 ,e ligne de récidive.

Dans tous les cas, le taux élevé de comorbidités des patients ORL nécessite que ces traitements soient délivrés
en milieu spécialisé par des oncologues ayant l'expérience de ces patients.

11.2. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et de la cavité buccale


• Le traitement des cancers de la cavité buccale met en jeu la préservation des fonctions manducatoire, d'élocu­
tion, de déglutition et la restauration prothétique dentaire. Classiquement, le traitement est chirurgical en pre­
mier, suivi - selon les facteurs pronostiques reconnus à l'examen de la pièce opératoire - d'une radiothérapie ou
d'une radio-chimiothérapie post-opératoire. Les réhabilitations sont envisagées après cicatrisation complète, au
minimum 3 mois après la fin des traitements.
• Le traitement des cancers de l'oropharynx peut être également chirurgical mais est plus fréquemment basé sur
une radiothérapie exclusive ou une radio-chimiothérapie devant une maladie localement avancée.
• La problématique des cancers du larynx et de l'hyp opharynx repose sur le respect de l'intégrité des filières
aéro-digestives. Les protocoles de préservation laryngée évitent à plus de 70 % des patients une laryngectomie
totale avec trachéotomie définitive. L'apprentissage de la voix œsophagienne doit débuter dès la cicatrisation de
la mucite post-radique obtenue.

11 .3. Tumeurs des fosses nasales et des sinus


• Le problème majeur de la prise en charge concerne la reconstruction suivant l'exérèse. Les techniques modernes
de radiothérapie ont considérablement réduit les risques de toxicité oculaire.

11 .4. Tumeurs du cavum


• Le traitement repose sur une association radio-chimiothérapie avec des sels de platine. L'irradiation se complique
fréquemment d'une otite séreuse qui doit souvent être drainée.

► Références : recommandations
• HAS - Guide ALD 30 - Cancers des voies aérodigestives supérieures - Juin 2012

LJE 9 - ITEM 295 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM... 141 ◄


POINTS CLÉS
1. Les cancers épidermoïdes des VADS sont essentiellement des maladies qui surviennent sur un
terrain d'intoxication alcoolique et/ou tabagique majeure.

2. L'évaluation globale des patients et de leurs comorbidités est un élément important de leur
prise en charge.

3. Les tumeurs du cavum sont parfois des maladies vira-induites (EBV). Les cancers de l'oropha­
rynx voient leur incidence augmenter en raison de l'augmentation du nombre de cancers induits
par l'infection par HPV.

4. La recherche d'une infection HPV doit être systématique pour les tumeurs oropharyngées, car
la prise en charge et le pronostic de ces cancers sont très différents de ceux des cancers induits
par l'alcool et le tabac.

5. Le cancer du cavum peut se présenter sous la forme d'une adénopathie cervicale isolée. Ce
cancer peut être suspecté devant des symptômes naso-sinusiens, otologiques (surtout unilaté­
raux) et des signes neurologiques en rapport avec une extension basi crânienne (paires V, VI, IX
essentiellement).

6. Les cancers de l'oropharynx sont la plupart du temps révélés par une dysphagie haute, une
otalgie homolatérale et une adénopathie cervicale.

7. Toute gêne pharyngée ou otalgie réflexe apparue chez un adulte, sans terrain infectieux
évident, doit faire penser à une tumeur de l'oro ou de l'hypopharynx.

8. Un bilan chez un spécialiste ORL doit être envisagé en première intention dans ce contexte.

9. La dysphonie est le symptôme principal des tumeurs du plan glottique (cordes vocales).

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Ne pas oublier que les otalgies sont un symptôme fréquent de découverte des tumeurs ORL.

2. Le diagnostic de certitude d'un cancer des VADS repose sur l'examen histologique en anatomo­
pathologie de biopsies réalisées sous endoscopie des VADS.

3. Une imagerie par IRM est plutôt recommandée pour les tumeurs sitüées au-dessus de l'os
hyoïde, tandis que le scanner est recommandé pour les tumeurs situées au-dessous de l'os hyoïde.

4. Ne pas oublier qu'aucune décision thérapeutique ne peut être prise sans un bilan complet des
patients: pan-endoscopie, imagerie, évaluation globale du terrain.

5. Le projet de soins doit absolument être établi en réunion de concertation pluridisciplinaire.


6. L'évaluation préalable des conséquences à long terme des traitements sur les fonctions diges­
tive, respiratoire et de communication est à effectuer par des équipes spécialisées.

7. Ne pas oublier que l'évaluation bucco-dentaire est cruciale avant chirurgie et surtout radiothé­
rapie (risque d'ostéo-radionécrose).

8. Ne pas oublier l'évaluation du statut viral des tumeurs du cavum (EBV) ou de l'oropharynx
(HPV).

► 142 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM... LJE 9 - ITEM 295


UE9 Item 296
...... ___________ ·- . ·- ··-- - -

CHAPITRE ►--------------------------------------
Tumeurs intracrâniennes
Pr Bruno Chauffert', Pr Georges Noel2, Pr Olivier Chinot3 , Pr Elisabeth Cohen-Jonathan Moyal4
'Service d'Oncologie Médicale, CHU Amiens
'Service de Radiothérapie, Centre Paul Strauss, Strasbourg
'Service de Neuro-Oncologie, AP-HM, CHU Timone, Marseille
4Département de Radiothérapie, Centre Claudius Regaud, Toulouse

1. Définitions, nosologie
1.1. Les tumeurs intracrâniennes primitives OBJECTIF iECN
1.2. Les métastases (tumeurs secondaires)
-+ Tumeurs intracrâniennes
2. Épidémiologie
- Diagnostiquer une tumeur intracrânienne
2.1. Pour les tumeurs primitives du SNC
2.2. Pour les métastases - Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise
en charge
3. Physiopathologie, histoire naturelle
3.1. Susceptibilité génétique
3.2. Facteurs environnementaux
4. Diagnostic
4.1. Formes et symptômes cliniques
4.2. Anatomo-pathologie, biologie, marqueurs
spécifiques
4.3. Imagerie Mots clés: Tumeurs cérébrales - Glioblastome
4.4. Bilan d'extension - Métastases cérébrales - Hypertension
4.5. Diagnostic différentiel intracrânienne - Épilepsie tumorale
S. Évolution, pronostic
5.1. Pronostic des gliomes
5.2. Pronostic des métastases
6. Principes thérapeutiques
6.1. Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) et
Plan Personnalisé de Soin (PPS)
6.2. Chirurgie Remerciements pour l'iconographie et la relecture
6.3. Radiothérapie au Pr Patrick Toussaint, Dr Mathieu Boone
6.4. Chimiothérapie et radio-chimiothérapie et Dr Alexandre Coutte (CHU d'Amiens).
6.5. Soins de support
6.6. Situations d'urgence

• Les tumeurs intracrâniennes forment une large gamme de maladies rassemblant des tumeurs bénignes n'impac­
tant pas la survie et des tumeurs malignes, d'agressivité variable, mais ayant souvent un mauvais pronostic à
court terme.
• Il faudra distinguer :
- les tumeurs de l'encéphale des tumeurs des annexes ;
- les tumeurs primitives des tumeurs secondaires (métastases) ;
- les tumeurs fréquentes des tumeurs rares ;
- les tumeurs sus-tentorielles des tumeurs infra-tentorielles.
• Certaines tumeurs touchent principalement les enfants, les adolescents et les adultes jeunes (AJA) ; d'autres
tumeurs ne se développent que chez les adultes. La classification 2016 de !'OMS des tumeurs primitives du sys­
tème nerveux central, basée sur des critères histologiques et moléculaires, rassemble ainsi 9 grandes entités et près
de 80 sous-types. Cette complexité peut effrayer l'étudiant ou le médecin non spécialiste qui aborde le domaine.
On verra que ces tumeurs partagent en fait des points communs et qu'elles peuvent être diagnostiquées et parfois
traitées par des méthodes assez proches.
LJE 9 - ITEM 296 TUMEURS INTRACRANIENNES 143 ◄
1. Définitions, nosologie

1.1. Les tumeurs intracrâniennes primitives


• Les tumeurs intracrâniennes primitives proviennent des cellules et des tissus du système nerveux central (SNC) et
de ses annexes. Le tableau 1 indique les principaux types et sous-types et leur origine.

1.2. Les métastases (tumeurs secondaires)


• Les métastases (tumeurs secondaires) sont les tumeurs les plus fréquentes.
• Elles peuvent concerner :
- le parenchyme cérébral (encéphale, cervelet);
- et/ou les méninges.
• Elles peuvent être révélatrices, ou découvertes lors du bilan d'extension de la tumeur primitive (métastases syn­
chrones) ou survenir au cours de l'évolution (métachrones).
• Les cancers qui métastasent le plus souvent au niveau du système nerveux central (SNC) sont les cancers du
poumon, du sein, du rein et les mélanomes. La survenue de métastases cérébrales provenant de cancers colorec­
taux ou de l'ovaire est néanmoins possible.
• La survenue de métastases marque un tournant péjoratif dans l'évolution clinique mais des progrès sensibles
(exérèse, stéréotaxie, traitements systémiques) permettent parfois de longues survies si la tumeur primitive est
aussi contrôlée. Le traitement nécessite la prise en compte du cancer primitif.

Tumeur Cellules d'origine Localisations privilégiées


Tumeurs du tissu nerveux et des annexes
Gliomes de grade 1 (pilocytique), Astrocytes (astrocytomes) Parenchyme cérébral
li (bas grade), Ill (anaplasique) ou IV Oligodendrocytes (oligodendrogliomes) ou cérébelleux
(glioblastome)

Méningiome Cellules arachnoïdiennes Méninges (cortex, faux, tente,


base du crâne)

Tumeurs épendymaires Cellules épendymaires tapissant les Parois ventriculaires


(épendymome) cavités du SNC

Tumeurs pinéales Parenchyme pinéal Région pinéale

Médulloblastome et autres tumeurs Cellules embryonnaires Cervelet


embryonnaires

Schwannome Gaine des nerfs Neurinome du VIII

Tumeurs d'autres tissus


Lymphome cérébral et/ou oculaire Tissu lymphoïde Sus- et sous-tentorielle
primitif Périventriculaire

Germinome Cellules germinales totipotentes Pinéale


(cf. tumeurs germinales gonadiques) (+/- supra-sellaire)

Adénome hypophysaire Parenchyme hypophysaire Hypophyse

► 144 TUMEURS INTRACRANIENNES UE 9 - ITEM 296


l, UE9
.. .. .. ___________
ltem296

2. Épidémiologie
2.1. Pour les tumeurs primitives du SNC
• Les chiffres sont connus pour les tumeurs primitives du SNC grâce au recensement national. L'incidence est de
15/100 000, soit 1,2 % des cancers.
• Chez l'adulte, les gliomes sont les tumeurs les plus fréquentes (42 %, dont une majorité de glioblastomes qui
représentent 2 500 nouveaux cas par an en France), suivis des méningiomes (32 %). Le sexe-ratio H/F est de
l'ordre de 1,3 à 1,8 selon l'histologie. Les méningiomes sont plus fréquents chez la femme.
• Chez l'enfant, les tumeurs cérébrales sont les cancers les plus fréquents après les leucémies. Elles sont repré­
sentées principalement par les gliomes diffus du tronc cérébral, les astrocytomes pilocytiques, les médulloblas­
tomes du cervelet et les épendymomes.

2.2. Pour les métastases


• Il est difficile de donner des chiffres précis pour les métastases qui ne sont pas recensées en tant que telles par les
registres de tumeurs.
• Les autopsies montrent que les atteintes infra-cliniques sont plus fréquentes que les lésions diagnostiquées du
vivant des patients.
• Les métastases au SNC intéresseraient au moins 20 % des cancers.

3. Physiopathologie, histoire naturelle


• Les causes des tumeurs intracrâniennes primitives sont la plupart du temps inconnues.

3.1. Susceptibilité génétique


• Une susceptibilité génétique est observée dans certains syndromes héréditaires (phacomatoses) :
- Gliomes des voies optiques dans la neurofibromatose de type 1;
- Gliomes, neurinomes du VIII et méningiomes dans la neurofibromatose de type 2;
- Astrocytomes sous-épendymaires à cellules géantes dans la sclérose tubéreuse de Bourneville;
- Gliomes dans le syndrome de Li-Fraumeni (mutation germinale de p53);
- Il y a quelques formes familiales de gliomes mais les gènes ne sont pas identifiés.

3.2. Facteurs environnementaux


• Les facteurs environnementaux identifiés sont les antécédents d'irradiation (méningiomes et gliomes). Il n'y a
pas de preuve absolue que l'alimentation, le tabac, l'exposition aux pesticides ou aux rayonnements non ionisants
(téléphones portables, lignes à haute tension) soient impliqués.
• Les méningiomes sont plus fréquents chez la femme et possèdent des récepteurs à l'œstradiol; leur découverte
doit faire arrêter une contraception œstroprogestative ou un traitement substitutif de la ménopause ou un traite­
ment par acétate de cyprotérone (ANDROCUR) .
• Les lymphomes cérébraux primitifs peuvent survenir chez les patients immunocompétents et avec un risque
majoré chez les patients immunodéprimés (greffés, infection VIH non traitée).

LJE 9 - ITEM 296 1 ÎUMEURS INTRACRANIENNES 145 ◄


4. Diagnostic
4.1. Formes et symptômes cliniques
• Les circonstances cliniques devant faire évoquer le diagnostic sont souvent les mêmes, quelle que soit l'his­
tologie.

4.1.1. Le syndrome d'hypertension intracrânienne (HTICJ


• Le syndrome d'hypertension intracrânienne (HTIC) est souvent progressif, parfois brutal s'il y a hémorragie
ou poussée œdémateuse, avec :
- céphalées quotidiennes matinales (ou en deuxième partie de nuit), tendant à s'estomper dans la journée,
d'accentuation progressive;
- nausées, matinales ou en fin de nuit, sans autre symptôme digestif;
- vomissements, parfois en jet sans nausées, soulageant les céphalées. Des vomissements isolés, sans nausées, ni
céphalées, peuvent égarer le diagnostic;
- troubles de la vigilance allant de l'obnubilation au coma;
- paralysie du VI (nerf droit latéral) avec diplopie, sans valeur localisatrice;
- signes d'engagement:
► temporal pour les tumeurs sus-tentorielles, avec compression du tronc cérébral (hémiparésie), atteinte
des faisceaux pyramidaux, paralysie du III (nerf moteur oculaire commun) entraînant ptosis, diplopie et
mydriase unilatérale aréactive;
► amygdalien pour les tumeurs de la fosse postérieure avec raideur de nuque, torticolis et au final perturbations
respiratoires, cardiaques et tensionnelles pouvant entraîner la mort.
• L'HTIC procède d'un œdème du parenchyme cérébral et/ou d'un trouble de la circulation du liquide céphalo­
rachidien (hydrocéphalie).

4.1.2. Les crises d'épilepsie


• Partielles, parfois à valeur localisatrice, sans perte de conscience.
• Motrices (Bravais-Jackson), simples à reconnaître, avec des convulsions cloniques débutant aux extrémités des
membres.
• Sensitivo-motrices, sensorielles ou à sémiologie complexe: hallucinations visuelles, auditives, gustatives, olfac­
tives ; troubles phonatoires ou phasiques, troubles végétatifs, mnésiques (impression de déjà-vu), anomalie du
comportement, crises douloureuses abdominales.

Les crises comitiales complexes (exemple des crises temporales) peuvent faire errer le diagnostic.

• Le déroulement bref, résolutif et surtout stéréotypé de ces épisodes, doit faire évoquer une origine épileptique.
• Crises généralisés d'emblée ou secondairement.

Toute première crise comitiale doit faire demander une IRM cérébrale et un EEG (qui peut cependant être
normal en intercrise).

► 1 46 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES LJE 9 - ITEM 296


UE9 Item 296

4.1.3. Les déficits neurologiques


• Ils sont souvent d'évolution progressive (en tâche d'huile) avec valeur localisatrice:
- déficit moteur : monoparésie, hémiparésie, avec syndrome pyramidal (signe de Babinski) pour une
localisation frontale ;
- déficits sensitifs : hypoesthésie ou dysesthésies pour une atteinte pariétale;
- déficits phasiques : atteinte du lobe temporal dominant ;
- déficits visuels: diminution ou perte de l'acuité visuelle uni- ou bilatérale, hémianopsie: atteinte temporale
interne et/ou occipitale.

4.1.4. Les troubles cognitifs ou comportementaux

Un syndrome dép
frontal (aboulie o
demander au moi

4.1.5. Les signes évocateurs d'une localisation et/ou d'un type tumoral
• Des troubles de l'équilibre, des vertiges, une ataxie et/ou un syndrome cérébelleux cinétique évoquent une tumeur
de la fosse postérieure.
• Des atteintes des paires crâniennes (surtout si elles sont multiples) font rechercher une tumeur du tronc cérébral
ou une atteinte méningée.
• Un déficit auditif unilatéral doit faire évoquer un neurinome du nerf auditif (VIII).
• Un adénome hypophysaire peut se traduire par un déficit du champ visuel lié à une compression chiasmatique
ou un syndrome endocrinien d'hypersécrétion (adénome à prolactine, adénome corticotrope avec syndrome de
Cushing, adénome à somathormone avec acromégalie). L'adénome hypophysaire peut être non secrétant après
un bilan endocrinien complet.
• Une polyglobulie peut conduire au diagnostic d'un hémangioblastome du cervelet.

4.1.6. Une découverte fortuite


• Un tableau neurologique brutal (coma) peut être en relation avec un saignement intra-tumoral, méningé ou
ventriculaire ou une poussée d'HTIC.
• Une découverte fortuite pour des tumeurs d'évolution lente comme les méningiomes ou les gliomes de bas grade
lors d'une imagerie réalisée pour des signes cliniques atyp iques (céphalées chroniques, vertiges) ou après un trau­
matisme.

4�2. Anatomo-pathologie, biologie, marqueurs spécifiques


4.2.1. Tumeurs primitives
• Les tumeurs gliales doivent être réséquées si possible ou à défaut biopsiées (biopsies stéréotaxiques). Elles doivent
être classées par un neuropathologiste expérimenté selon la classification OMS 2016 (Figure 1) qui prend en
compte le typ e cellulair.e d'origine (astrocytome ou oligodendrogliome) et le grade histologique:
- I: gliome pilocytique de l'enfant ;
- II: gliome de bas grade ;
- III: gliome anaplasique ;
- IV : glioblastome.

UE 9 - ITEM 296 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 147 ◄


Figure 1. Classification simplifiée des gliomes selon l'OMS 2016

1p/19q
codélété
Grade li Grade Ill
Oligodendrogliome

IDH-muté
/ 1p/19q
non codélété

Grade Il Grade Ill Grade IV


Astrocytome IDH muté, 1 p/19q non codélété

1p/19q
\ IDH-w;kltype non codélété

Grade Il Grade Ill Grade IV


Astrocytome IDH wild type, 1p/19q non codélété

Le grade est basé sur des arguments morphologiques (mitoses, prolifération endothélio-capillaire, nécrose). La
classification OMS 2016 impose la détermination de deux anomalies moléculaires qui ont une valeur diagnostique
et pronostique majeure (mutations de IDHl ou de IDH 2 et codélétion au niveau des chromosomes lp et 19q).
D'autres anomalies, analysables en immuno-histochimie ou en biologie moléculaire, peuvent aider au diagnostic
(recherche de mutation de p53, de la télomérase...).
Les glioblastomes peuvent survenir de novo ou résulter de l'aggravation histologique d'un gliome de grade inférieur
II ou III.
La méthylation du promoteur de la méthyl-guanine-méthyl transférase (MGMT) est un critère de meilleur pronostic
et de meilleure sensibilité au témozolomide.
• Les méningiomes doivent être gradés selon la classification histologique de l'OMS qui reflète le risque de réci­
dive:
- grade OMS I (bénin);
- grade OMS II (atypique);
- grade OMS III (anaplasique).
• Le risque de récidive dépend aussi de la topographie (résection difficile des méningiomes de la base du crâne) et
de la qualité de la résection selon la classification de Simpson
- grade 1 : exérèse macroscopiquement complète intéressant l'attache durale et de l'éventuel envahissement
osseux;
- grade 2 : exérèse macroscopiquement complète avec coagulation de l'insertion durale;
- grade 3 : exérèse macroscopiquement complète sans coagulation de l'insertion durale ou sans résection de
l'envahissement osseux;
- grade 4 : exérèse incomplète;
- grade 5 : simple biopsie.

► 1 48 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES I LJE 9 - ITEM 296


UE9 Item 296
............................

• Pour les médulloblastomes, il faut chercher les mutations sonic hedge hog (SHH) qui ont une valeur pronostique
et théranostique (indication de médicaments inhibiteurs des SHH).
• Pour les tumeurs germinales (tumeurs de la région pinéale ou supra-sellaire chez l'enfant ou l'adulte jeune), il
faut doser les marqueurs alpha-foetoprotéine et HCG dans le sang et le liquide céphalorachidien pour le diagnos­
tic et pour le suivi thérapeutique.

4.2.2. Histologie des métastases


• L'histologie des métastases répond à celle des cancers d'origine. En l'absence de tumeur primitive connue, elles
devront être réséquées ou biopsiées à visée diagnostique.
• On recherchera alors des signes d'orientation histologique:
- récepteurs à l'œstradiol et à la progestérone, surexpression de la protéine HER2 pour les cancers du sein;
- expression de TTFl et recherche des mutations activatrices de l'EGFR, ROS, ALK pour les adénocarcinomes
pulmonaires;
- mutations de B-RAF pour les mélanomes.

4.3. Imagerie
4.3.1. la tomodensitométrie
La tomodensitométrie avant puis après injection de produit de contraste, est un examen de débrouillage rapide mais
insuffisant.

4.3.2. l'imagerie par résonance magnétique (IRM)

L'imagerie par résonance magnétique (IRM) est l'examen de référence.

• L'IRM doit comporter :


- des séquences en Tl avant, puis après injection de produit de contraste (gadolinium) pour rechercher un
réhaussement de la lésion, témoin d'une prolifération vasculaire et d'une rupture de la barrière hémato­
encéphalique (BHE) qui reflète le plus souvent un grade histologique élevé;
- des séquences T2 (FLAIR et/ou FST2) qui montrent l'œdème péritumoral ou une infiltration tumorale
gliomateuse sans rupture de la BHE.
• Les éléments sémiologiques à analyser incluent :
- présence d'une lésion tumorale OU d'une image évoquant un autre diagnostic (lésion infectieuse, ischémique,
hémorragique, traumatique) OU d'une anomalie de développement (malformation artério-veineuse, DNET:
dysembryoplasie neuronale);
- lésion(s) unique ou multiples;
- localisation intra- ou extra-parenchymateuse; sus- ou sous-tentorielle; extension anatomique;
- caractère infiltrant et/ou charnu; calcifications;
- rehaussement par le produit de contraste et le cas échéant rehaussement homogène ou hétérogène; aspect de
nécrose;
- présence d'un œdème associé à la masse charnue;
- effet de masse (sillons, ventricules, ligne médiane, engagements).
• Les aspects IRM orientent souvent le diagnostic (Figure 2):
- glioblastome : image intra-parenchymateuse, à contours irréguliers, le plus souvent unique, prenant le
contraste, avec aspect de nécrose centrale, œdème péritumoral important et effet de masse (Figure 2 a) ;
- gliome de grade II : image infiltrative, en hyposignal Tl, ne prenant pas le contraste en Tl gadolinium mais
bien visible (hypersignal) en T2 flair (Figure 2 b);

LJE 9 - ITEM 296 1 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 149 ◄


- méningiome : masse adossée à la méninge, refoulant le cortex, se rehaussant de façon intense et homogène
avec une base d'implantation sur la méninge souvent épaissie (Figure 2 c) ;
- médulloblastome: image du vermis cérébelleux, prenant le contraste chez l'enfant ou l'adulte jeune (Figure
2 d);
- lymphome: image(s) prenant le contraste de façon homogène, sans nécrose, de topographie périventriculaire,
souvent multifocale(s) (Figure 2 e);
- neurinome du VIII: tumeur de l'angle ponto-cérébelleux;
- adénome hypophysaire : tumeur hypophysaire pouvant s'étendre au chiasma;
- métastases : images uniques ou multiple_s_, plutôt corticales, plus ou moins sphériques, prenant le contraste,
avec un aspect en cocarde dû à une nécrose centrale (Figure 2 f). Œdème variable.

Figure 2. IRM caractéristiques de tumeurs cérébrales

Figure 2 a : Glioblastome temporo-pariétal Figure 2 b : Gliome de grade Il (oligo­


gauche. Homme de 70 ans. Céphalées, troubles dendrogliome) fronto-pariétal droit. Femme
phasiques avec des paraphasies sémantiques, de 47 ans. Céphalées chroniques. Dépression.
discret manque de mots, troubles de la IRM, T2 flair : image infiltrative bien visible
compréhension aux ordres complexes (hypersignal) en T2 flair mais ne prenant pas le
invalidant peu le langage spontané. IRM, Tl contraste en Tl gadolinium (non montré).
gadolinium: image intra-parenchymateuse, à
contours irréguliers, prenant le contraste, avec
nécrose centrale, œdème péritumoral et effet
de masse.

► 150 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES I LJE 9 - ITEM 296


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...... .. ....................

Figure 2 c : Méningiome du sinus caverneux Figure 2 d: Médulloblastome cérébelleux droit.


droit. Femme de 49 ans. Céphalées, diplopie Homme de 25 ans. HTIC. IRM, Tl gadolinium:
sur atteinte VI droit. lRM, Tl gadolinium: image masse de la fosse postérieure prenant le
se rehaussant de façon intense et homogène contraste chez un enfant ou un adulte jeune.
après injection et homogène avec une base
d'implantation sur la méninge.

Figure 2 e : Lymphome B à grandes cellules. Figure 2 f : Métastases. Homme de 53 ans.


Homme de 62 ans. Apathie et troubles Antécédent d'adénocarcinome rénal opéré.
cognitifs. lRM Tl gadolinium: image prenant le Hémiparésie gauche régressive sous corti­
contraste de façon homogène, sans nécrose, de coïdes. IRM, Tl gadolinium : images multiples,
topographie périventriculaire. plus ou moins ovoïdes, prenant le contraste,
avec un aspect en cocarde dû à une nécrose
centrale.

UE 9 - ITEM 296 1 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 1 51 ◄


4.4. Bilan d'extension
4.4.1. Les tumeurs intracrâniennes primitives
• Les tumeurs intracrâniennes primitives ont un faible pouvoir métastatique en dehors du système nerveux cen-
tral et un bilan d'extension est inutile. Par contre, elles peuvent métastaser en suivant l'écoulement du LCR pour
former des tumeurs secondaires intra-névraxiques (médulloblastome, épendymomes, lymphomes), voire des
méningites tumorales (gliomes).
• Une IRM médullaire est requise pour le bilan et le suivi des médulloblastomes, des épendymomes et des lym­
phomes.

4.4.2. Les métastases cérébrales


• Les métastases cérébrales doivent faire rechercher le cancer primitif par :
- l'examen clinique complet avec palpation des seins, de l'abdomen, des aires ganglionnaires et de la thyroïde;
- un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) injecté;
- une TEP si le scanner TAP est douteux ou négatif.
• La biopsie de la tumeur primitive ou de métastases extracrâniennes est plus simple et moins risquée qu'une bio­
psie de la (des) localisation(s) cérébrale(s).

4.5. Diagnostic différentiel


• L'IRM, complétée par des séquences métaboliques (spectroscopie) permet le plus souvent d'éliminer une atteinte
non tumorale :
- abcès cérébral+++: prise de contraste annulaire (coque), contexte infectieux (mais fièvre inconstante);
- toxoplasmose cérébrale (contexte d'immunosuppression);
- encéphalite, notamment à virus Herpes ;
- sclérose en plaques à forme pseudo-tumorale;
- accident vasculaire ischémique ou hémorragique (même si une hémorragie peut révéler une tumeur);
- malformation vasculaire (MAV: malformation artério-veineuse);
- dysplasie cérébrale.
• En cas de doute une biopsie stéréotaxique doit être discutée.

5. Évolution, pronostic
• L'évolution et le pronostic des tumeurs intracrâniennes est variable selon leur nature, leur agressivité histologique
et les possibilités thérapeutiques.
• Certaines tumeurs peuvent être guéries par la chirurgie seule (astrocytome pilocytique de l'enfant, méningiome
de grade 1 ), par la chirurgie associée à la radiothérapie et à la chimiothérapie (médulloblastome des enfants et des
AJA, germinomes), par la chimiothérapie seule (lymphome).
• D'autres tumeurs sont plus ou moins rapidement mortelles malgré les traitements (gliomes de haut grade).

5.1. Pronostic des gliomes


• Les facteurs influençant le pronostic des gliomes incluent :
- l'âge;
- l'état général (indice OMS ou indice de Karnofsky), l'état neurologique et cognitif;
- le type/grade du gliome (et donc le statut de mutation IDH et codélétion 1 p/l 9q).

► 152 ÎUMEURS INTRACRANIENNES I LJE 9 - ITEM 296


UE9 ltem296
...... .. ..........

• La combinaison de ces facteurs pronostiques définit des sous-groupes de patients dont la médiane de survie varie
de quelques mois (glioblastome) à plus de 10 ans (oligodendrogliome de grade II avec mutation IDH et codélétion
lpl9q).

5.2. Pronostic des métastases


• Les facteurs de meilleur pronostic sont :
- âge < 60 ans ;
- performance status OMS :::; 1 ;
- certains sous-types moléculaires avec médicaments disponibles comme l'expression des récepteurs hormonaux
ou du récepteur HER2 pour les cancers du sein ;
- métastase unique ;
- maladie métastatique systémique contrôlée.

6. Principes thérapeutiques
6.1. Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) et Plan Personnalisé
de Soin (PPS)
• Les dossiers doivent être discutés à toutes les étapes de la maladie (diagnostic, premier traitement, récidive) en
Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) spécialisée de neuro-oncologie regroupant neurochirur­
giens, oncologues radiothérapeutes, neuro-oncologues et/ou oncologues médicaux et neuroradiologues. La pré­
sence à la RCP des anatomo-pathologistes et des équipes de soins de support est souhaitable.
• Un plan personnalisé de soin (PPS) doit être remis au patient et à la personne de confiance dont le rôle est très
important pour ces maladies qui peuvent altérer les capacités cognitives.

6.2. Chirurgie
• Le neurochirurgien intervient dans le diagnostic, la prise en charge de l'urgence, le traitement des tumeurs ini­
tiales et des récidives.
• La biopsie s'impose quand l'exérèse tumorale ne paraît pas possible d'emblée. Le choix entre biopsie stéréo­
taxique et biopsie chirurgicale sera guidé par la localisation et le risque hémorragique.
• La résection chirurgicale optimale débute la séquence thérapeutique lorsqu'elle est possible.
- L'exérèse doit être la plus large possible, tout en respectant les fonctions neurologiques dont l'altération
compromettrait la qualité de vie post-opératoire. Des aides techniques (IRM fonctionnelle et IRM en tenseur de
diffusion préopératoires, neuronavigation, stimulation per-opératoire du cortex et des faisceaux de substance
blanche, cartographie per-opératoire en chirurgie éveillée, IRM per-opératoire, fluorescence per opératoire par
la 5-ALA) peuvent aider à optimiser l'exérèse chirurgicale.
- L'évaluation de la qualité de la résection doit être effectuée par une IRM post-opératoire précoce dans les
48 heures.
- L'exérèse chirurgicale seule est souvent curative dans les tumeurs à histologie favorable (astrocytome pilocytique
de l'enfant, épendymome, méningiome). Elle doit être suivie d'un traitement complémentaire pour les gliomes,
les médulloblastomes, les métastases.

LJE 9 - ITEM 296 1 ÎUMEURS INTRACRANIENNES 153 ◄


6.3. Radiothérapie
• La radiothérapie des tumeurs cérébrales primitives est utilisée comme complément de la chirurgie ou de
manière exclusive. Il s'agit d'une radiothérapie externe délivrant des rayonnements X issus d'un accélérateur
linéaire.
• La dose varie de 54 à 60 Gy, selon l'histologie, par fractions de 1,8 à 2 Gy par jour, 5 jours par semaine.
• Une IRM dosimétrique avec injection de gadolinium permet de délimiter les volumes cibles et les volumes à
protéger ou organes à risque qui doivent recevoir une dose limitée (chiasma, nerf optique, rétine, cristallin, hip­
pocampe, cochlée, tronc cérébral).
• Dans les médulloblastomes, une irradiation cranio-spinale est faite à titre prophylactique en complément de
l'irradiation de la zone tumorale (fosse postérieure).
• Les effets secondaires précoces de la radiothérapie sont toujours réversibles. Ces symptômes sont liés à
l'œdème réactionnel induit par l'irradiation (céphalées, nausées, vomissements, accentuation transitoire des
troubles neurologiques, alopécie partielle) et sont contrôlés par les médicaments symptomatiques (sétron) et les
corticoïdes à la dose minimale efficace.
• Le maximum de cerveau non tumoral doit être préservé pour éviter des toxicités post-radiques tardives, souvent
irréversibles (troubles de la mémoire, voire démence par leuco-encéphalopathie) ou une radioné�rose.
• Les métastases cérébrales peuvent bénéficier de la radiothérapie en conditions stéréotaxiques qui a tendance à
supplanter l'irradiation encéphalique in toto. La radiothérapie en conditions stéréotaxiques a une action antitu­
morale plus efficace grâce à l'hypofractionnement de la dose (exemple : 3 fractions de 10 Gy) et épargne le tissu
cérébral sain.

6.4. Chimiothérapie et radio-chimiothérapie


6.4. 1. La chimiothérapie
• La chimiothérapie a un rôle dans le traitement de la plupart des tumeurs cérébrales malignes primitives, avec
toutefois un bénéfice très variable selon le type tumoral.
• Les principales stratégies sont :
- Astrocytomes IDH wild type de grade III et IV (glioblastome): radiothérapie avec témozolomide concomitant
et adjuvant (schéma de Stupp) ;
- Oligodendrogliomes de grade II et III (avec IDH muté et lp/19q codélété) : radiothérapie suivie de poly­
chimiothérapie PCV (procarbazine, carmustine, vincristine) ;
- Lymphomes oculo-cérébraux : poly-chimiothérapie incluant le méthotrexate ; la radiothérapie n'a plus sa
place chez les patients de plus de 60 ans car la toxicité cérébrale est trop fréquente ;
- Médulloblastome : radiothérapie crâniospinale et chimiothérapie par sel de platine et étoposide ;
- Germinome : chimiothérapie par cisplatine et étoposide et radiothérapie.
• Certaines tumeurs sont chimio-réfractaires (méningiome, épendymome).

6.4.2. Le traitement des métastases cérébrales


• Le traitement des métastases cérébrales doit être coordonné avec celui de la maladie générale (chimiothérapie,
hormonothérapie, traitements ciblés) par le biais des RCP. Il vise à augmenter la durée du contrôle de la maladie
et la qualité de vie.

6.4.3. Perspectives thérapeutiques


• Les traitements ciblés sur des anomalies moléculaires caractérisées dans les gliomes (IDH, VEGF, EGF) sont en
cours d'évaluation. Les médicaments ciblant la voie sanie hedge hog (SHH) sont en développement pour le médul­
loblastome.
• La place de l'immunothérapie n'est pas encore définie.

► 154 ÎUMEURS INTRACRANIENNES I LJE 9 - ITEM 296


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......... __________

6.5. Soins de support


• Les tumeurs cérébrales sont éprouvantes pour le patient et ses aidants. Les soins de support doivent être intégrés
au PPS: traitement de la douleur (céphalées), kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie, prise en charge psycho­
logique du patient et des aidants, contact précoce avec les équipes de soins palliatifs pour les métastases multiples
et les gliomes de haut grade.
• Les mesures sociales sont communes à tous les cancers : prise en charge totale des frais dans le cadre des ALD 30,
évaluation gériatrique si plus de 70 ans.

6.6. Situations d'urgence


6.6. 1. Traitement de l'HTIC
• Il s'agit d'un symptôme fréquent au cours de l'évolution des tumeurs cérébrales primitives ou secondaires.
• Il faut analyser le mécanisme pour guider le traitement :
- exérèse pour un syndrome de masse réfractaire à la corticothérapie ;
- dérivation chirurgicale si trouble de circulation du LCR responsable d'une hydrocéphalie aiguë ;
- corticothérapie (+++) par voie IV ou orale, à forte dose initiale (1,5 à 2 mg/kg d'équivalent prednisone) qui est
efficace sur l'œdème réactionnel péritumoral. Les complications de la corticothérapie doivent être recherchées
et traitées (diabète, ostéoporose, infections, amyotrophie ...).
• La corticothérapie doit être réduite à la dose minimale efficace ou arrêtée si possible (par exemple après chirurgie
complète ou radio-chimiothérapie efficace).

ATTENTION : en cas de suspicion de lymphome primitif du SNC, les corticoïdes sont formellement contre­
indiqués avant la biopsie (sauf urgence vitale) : il y a un risque de négativation du diagnostic histologique dans
50 % des cas et donc de retard d'une thérapeutique adaptée avec perte de chance.

6.6.2. Traitement de l'épilepsie tumorale


• Il s'agit d'un symptôme fréquent, souvent révélateur.
• Le traitement de la tumeur améliore souvent l'épilepsie.
• Il faut traiter dès la première crise (attitude différente de l'épilepsie non tumorale).
• Par contre, il est inutile de donner un traitement « préventif» s'il n'y a pas eu de crise.
• L'avis d'un neurologue est recommandé.
• Le léviracétam est souvent donné en première intention du fait de sa bonne tolérance, de son efficacité et de la
rareté des interactions médicamenteuses avec les médicaments antinéoplasiques.
• Une polythérapie peut être nécessaire en cas d'échec du léviracétam seul en ajoutant lamotrigine, valproate,
gabapentine, prégabaline, topiramate sur avis neurologique.

L'état de mal épileptique (durée de plus de 5 minutes si crises convulsives ou de plus de 30 minutes en
l'absence de convulsions) est une urgence devant faire discuter l'admission en service de réanimation pour
administration d'une benzodiazépine IV(+/- autres anti-épileptiques, voire sédation par barbituriques).

UE 9 - ITEM 296 1 ÎUMEURS INTRACRANIENNES 155 ◄


► Références
• Louis DN, Perry A, Reifenberger G, von Deimling A, Figarella-Branger D, Cavenee WK, Ohgaki H, Wiestler OD, Kleihues P, Ellison DW. The
2016 World Health Organization Classification ofîumors of the Central Nervous System: a summary. Acta Neuropathol. 2016:803-20.
• Martin-Duverneuil N, Mohktari K. Les tumeurs intracrâniennes de l'adulte. Editions Sauramps-Médical. 2009.
• Darlix A, Zouaoui S, Rigau V, Bessaoud F, Figarella-Branger D, Mathieu-Daudé H, Trétarre B, Bauchet F, Duffau H, Taillandier L, Bauchet
L. Epidemiology for primary brain tumors: a nationwide population-based study. J Neurooncol. 2017;131:525-546.
• Référentiels à consulter sur le site de Association des Neuro-Oncologues d'Expression Française (ANOCEF). www.anocef.org/
• Weller M, van den Bent M, Tann JC, Stupp R, Preusser M, Cohen-Jonathan-Moyal E, Henriksson R, Le Rhun E, Balana C, Chinot 0,
Bendszus M, Reijneveld JC, Dhermain F, French P, Marosi C, Watts C, Oberg 1, Pilkington G, Baumert BG, Taphoorn MJB, Hegi M,
Westphal M, Reifenberger G, Soffietti R, Wick W, for the European Association for Neuro-Oncology (EANO)Task Force on Gliomas.
EANO guideline on the diagnosis and treatment of adult astrocytic and oligodendroglial gliomas. Lancet Oncol. 2017;18:315-329.
• Haute Autorité de Santé : ALD n° 30 - Cancer primitif du système nerveux central (2010) http://www.has-sante.fr/portail/
jcms/c_1005897/ald-n-30-cancer-primitif-du-systeme-nerveux-central

POINTS CLÉS

1. Les tumeurs cérébrales primitives (TCP) sont moins fréquentes (1,2 % des cancers) que les métas­
tases cérébrales qui sont très fréquentes en pratique oncologique.
2. Les TCP peuvent survenir à tous les âges de la vie.
3. La nature histologique est fortement liée à l'âge:
- les médulloblastomes, épendymomes, astrocytomes pilocytiques et tumeurs germinales touchent les en-
fants et les adultes jeunes;
- les gliomes touchent tous les âges;
- les oligodendrogliomes touchent plus particulièrement les sujets jeunes ( < 40 ans);
- les glioblastomes touchent les patients âgés de 60 ans et plus;
- les méningiomes, lymphomes et neurinomes touchent les adultes et les personnes âgées.
4. Les seuls facteurs de risque identifiés sont des facteurs génétiques (neurofibromatose, sclérose
tubéreuse de Bourneville) et des antécédents d'irradiation (gliomes et méningiomes radio-induits)
qui n'interviennent que dans moins de 5 % des cas de TCP.
5. Les tumeurs cérébrales évoluent dans un volume contraint qui explique le tableau commun
d'hypertension intracrânienne (HTIC).
6. Les signes d'appels des TC incluent HTIC, crises d'épilepsie, déficits neurologiques, avec installa­
tion progressive en tâche d'huile, troubles cognitifs.
7. L'IRM cérébrale est l'examen clef pour le diagnostic. Ne pas se contenter d'un scanner. Être exi­
geant sur la qualité.
8. Connaître les signes de gravité cliniques (troubles de la vigilance, rapidité d'évolution des défi­
cits) et sur l'IRM (œdème extensif, effet de masse, engagements).
9. L'évolution d'une tumeur cérébrale peut être compliquée d'une HTIC par œdème ou trouble de
circulation brutal du LCR (hydrocéphalie), d'une hémorragie intratumorale, d'une dissémination
méningée ou d'un engagement.
1 O. Le diagnostic de certitude repose sur l'examen histologique.
11. La classification histo-moléculaire OMS 2016 doit être utilisée.
12. Les dossiers doivent être discutés en RCP spécialisée de neuro-oncologie à tous les stades de
la maladie (diagnostic, premier traitement, récidive).
13. Le traitement symptomatique repose sur les anti-épileptiques, les corticoïdes et la rééducation
(fonctionnelle et orthophonique).

► 156 ÎUMEURS INTRACRANIENNES UE 9 - ITEM 296



UE9 ltem296
.............................

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Ne pas se laisser désarçonner par le nombre des types histologiques. La plupart sont des
tumeurs rares et sont prises en charge par des équipes spécialisées.
2. Connaître les tumeurs fréquentes : gliomes de l'adulte, méningiomes et métastases.
3. Diagnostiquer une tumeur intracrânienne
• Connaître les circonstances de découvertes fréquentes:
- hypertension intracrânienne (HTIC);
- rattacher un déficit moteur à une tumeur cérébrale (diagnostic différentiel avec les accidents vascu-
laires plus fréquents);
- demander facilement une imagerie: scanner injecté en urgence mais surtout IRM, sans puis avec injec­
tion et séquences en Tl et T2 flair.
• Savoir rattacher des syndromes complexes à une tumeur cérébrale:
- troubles du comportement rapidement progressifs;
- épilepsie complexe (crises temporales, crises sensorielles).
• Vérifier la concordance des données clinico-radiologique:
- symptôme focal et localisation anatomique;
- syndrome méningé et épaississement ou nodules méningés.
4. Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge
- Prise en charge d'urgence d'une hypertension intracrânienne;
- Prise en charge d'une première crise d'épilepsie et d'un état de mal.

LJE 9 - ITEM 296 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 157 ◄


UE9 Item 297
.......................

CHAPITRE ►---------------------------------------
Tumeu·rs du col utérin,
tumeurs du corps utérin
Pr Jérôme Alexandre', Dr Céline Bourgier2, Dr Frédéric Guyon3, Pr Didier Peiffert 4
'Service de Cancérologie Médicale, Hôpitaux Universitaires Paris Centre, AP-HP, site Port Royal
'Département de Radiothérapie Oncologique, ICM, Montpellier
3Département d'Onco-gynécologie, Institut Bergonie, Bordeaux
•Service Universitaire de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de Lorraine, Vandoeuvre-les-Nancy

1. Tumeurs du col utérin


OBJECTIFS iECN
1.1. Épidémiologie ➔ Tumeurs du col utérin, tumeur du corps utérin
1.2. Prévention Diagnostiquer une tumeur du col utérin et du corps
1.3. Anatomo-pathologie utérin.
1.4. Diagnostic du cancer du col utérin
1.5. Bilan pré-thérapeutique
1.6. Principes du traitement
1.7. Principes de la surveillance
2. Tumeurs du corps utérin Mots clés: Col de l'utérus - HPV - Frottis cervico­
2.1. Épidémiologie utérin - Vaccination - Carcinome épidermoïde -
2.2. Anatomo-pathologie Adénocarcinome - Colposcopie - IRM - TEP-TDM
2.3. Diagnostic de l'adénocarcinome de l'endomètre - Curage cœlioscopique.
2.4. Bilan pré-thérapeutique Endomètre,- Œstrogènes - Syndrome de Lynch
2.5. Principes du traitement - Métrorragies - Hystéroscopie - IRM - Curage
cœlioscopique.
2.6. Principes de la surveillance

1. Tumeurs du col utérin


• Autrefois l'un des cancers les plus fréquents en France, son incidence a diminué drastiquement depuis 30 ans
grâce au développement du dépistage des lésions précancéreuses.
• Avec 2 800 nouveaux cas, il reste cependant un cancer grave, responsable de 1 100 décès en 2017 en France et
de 300 000 décès à l'échelle mondiale. Les formes localement avancées sont plus fréquentes parmi les populations
défavorisées qui ont peu ou pas recours au dépistage.
• Si le diagnostic ne pose en lui-même guère de difficulté, le bilan d'extension doit être précis et inclure impérati­
vement une IRM abdomino-pelvienne et dans les formes avancées (tumeur étendue au-delà du col et/ou de plus
de 4 cm) un TEP-TDM au 18 FDG et un curage ganglionnaire cœlioscopique.

1.1. Épidémiologie
1.1.1. Épidémiologie descriptive
• Le cancer du col est le quatrième cancer féminin dans le monde avec plus de 500 000 cas incidents et près de
300 000 décès en 2012 (statistiques IARC 2012).
• Ce cancer est surtout fréquent parmi les populations des pays à faibles ressources. C'est le premier cancer de la
femme dans 39 pays, principalement situés en Afrique sub-saharienne, en Amérique centrale et en Asie du Sud­
Est. 20 % des cas de cancer du col dans le monde surviennent en Inde.
• Son incidence est la plus faible en Europe de l'Ouest, en Amérique du Nord et en Australie.

LJE 9 - ITEM 297 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 159 ◄
Dans les pays industrialisés dont la France, l'incidence et la mortalité diminuent depuis plus de 30 ans
grâce au développement du dépistage par le frottis cervico-utérin qui permet de diagnostiquer et de traiter
des lésions pré-invasives ou des cancers à un stade précoce (Tableau 1).

Tableau 1. ÉVOLUTION ÉPIDÉMIOLOGIQUE DU CANCER DU COL DE L'UTÉRUS EN FRANCE

Taux pour 100 ooo habitants Taux d'incidence Taux de mortalité


standardisés Monde
1980 15 5

2017 6 1,7

• En France, en 2015, le cancer du col de l'utérus représente 1,6 % de l'ensemble des cancers incidents féminins et
est responsable de 1,7 % des décès féminins par cancer. L'âge médian au diagnostic est de 51 ans, ce qui en fait
un enjeu de santé publique.
• La survie nette à 5 ans est actuellement estimée à 62 % et a tendance à se dégrader. Cette dégradation est liée à
une proportion plus importante de cancers de mauvais pronostic qui ont échappé au dépistage et à la moindre
fréquence des lésions de bon pronostic qui ont été supprimées de la population suivie grâce au dépistage.
• Le taux de survie relative à 5 ans est de 91,5 % à un stade local, 57,7 % à un stade régional et 17,2 % à un stade
métastasique.

1.1.2. Épidémiologie analytique


1.1.2.1. L'infection persistante à papilloma virus humain (HPV)
• Les papillomavirus humains (HPV - Human Papillomavirus) sont retrouvés dans la quasi-totalité des cas de
cancer du col de l'utérus et en constituent la principale cause, quel que soit le type histologique.
''· - ---------------------------------- --- -- - - - - -- - - - · · · · · · · ·· ························· · ·················-------- -------------------- ----- - - - - - - - - - - - - - - ·········''
' '
· • Une centaine de types d'HPV a été caractérisée mais les HPV de types 16 et 18, dits oncogènes, sont pré- ·
sents dans plus de 70 % des cas de cancer invasif du col utérin en France (HPV 16: 55 %, HPV 18: 15 %).
• Ils sont également associés à d'autres cancers: canal anal, vulve, vagin et certains cancers ORL.

• L'HPV est principalement transmis par contact sexuel. L'infection se produit le plus souvent dès le début de la
vie sexuelle. La prévalence de l'infection est maximale avant 30 ans, avec un taux de 17 %.
• La majorité des femmes exposées aux HPV développe une immunité suffisante pour éliminer le virus (clairance
virale). Cependant, celui-ci persiste chez certaines femmes et cette persistance peut conduire au développement
d'une lésion précancéreuse.
• Il existe plusieurs stades successifs de lésions précancéreuses, appelées néoplasies cervicales intra-épithéliales
(CIN) ou dysplasies, du CINl (bas grade) au CIN3 (haut grade). Ces lésions peuvent régresser spontanément (le
plus souvent), persister ou bien encore évoluer vers un cancer du col de l'utérus.

À partir de l'infection persistante, l'évolution vers un cancer invasif du col utérin met en moyenne 15
ans à se produire, laissant donc une fenêtre d'action importante pour pouvoir détecter précocement (et
traiter) les lésions précancéreuses et cancéreuses du col.

• Certaines caractéristiques de la vie sexuelle sont associées à un risque accru d'infection à HPV oncogénique :
- précocité des premiers rapports sexuels ;
- partenaires sexuels multiples ;
- antécédents de maladies sexuellement transmissibles.

► 160 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN I UE 9 - ITEM 297


i UE9 Item 297
� ..........................

• Le bas niveau socio-économique et le faible niveau d'éducation sont associés à une moindre compliance au dépis­
tage et à la vaccination, responsables d'une plus grande fréquence des stades localement avancés et d'une mortalité
plus élevée.
1.1.2.2. Co-facteurs
• Ils favorisent la persistance de l'infection ou interviennent dans la carcinogénèse :
- tabagisme actif (à la fois facteur de risque et facteur pronostique);
- co-infection à Chlamydiae ou par un virus de l'herpès;
- utilisation au long cours (plus de 5 ans) de contraceptifs oraux;
- déficit immunitaire acquis (dont l'infection par le VIH).

1.2. Prévention
• Elle repose sur la combinaison de deux démarches complémentaires: la vaccination contre les HPV et le dépistage
par frottis du col utérin.

1.2. 1. la vaccination
• La vaccination permet de prévenir l'infection persistante par les HPV. Pour un maximum d'efficacité, elle doit
être réalisée avant la survenue d'une première contamination, et donc avant les premiers rapports sexuels. Elle
diminue le risque de dysplasie modérée et sévère (CIN2 et 3).

La vaccination préventive est recommandée pour toutes les jeunes filles de 11 à 14 ans, et en rattrapage
vaccinal entre 15 et 19 ans révolus.

• Elle repose sur une démarche individuelle (il n'y a pas de campagne de vaccination organisée) et est prise en
charge à hauteur de 65 % par l'Assurance maladie.
• Trois vaccins sont actuellement disponibles :
- Gardasil® : vaccin quadrivalent (contre HPV 16, 18, 6 et 11) qui protège aussi des condylomes liés aux HPV 6
et 11;
- Gardasil 9: vaccin nonavalent qui protège en plus contre les sérotypes 31,33,45,52,58;
- Cervarix® : vaccin bivalent (contre HPV 16 et 18).
• En France, la couverture vaccinale est faible: 17 % à l'âge de 16 ans en 2014. Sur la durée du Plan cancer 2014-
2019, l'objectif des autorités de santé est d'atteindre une couverture vaccinale de 60 % grâce à des campagnes
d'information.
• La vaccination contre les HPV n'entraîne pas d'augmentation du risque global de survenue de maladies auto­
immunes, mais une augmentation de l'incidence des syndromes de Guillain-Barré a été observée (1 à 2 cas pour
100 000 filles vaccinées).
• Cependant les différents plans de gestion des risques concluent en une balance bénéfice/risque de la vaccination
en faveur du bénéfice.

La vaccination ne confère qu'une protection partielle contre l'infection à HPV. Elle ne dispense pas du dépistage
triennal par frottis.

LJE 9 - ITEM 297 1 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 161 ◄
1.2.2. Dépistage par le frottis cervico-utérin (FCUJ
• Du fait de son évolution lente et de l'existence de nombreuses lésions précancéreuses curables, le cancer du col
peut être dépisté à un stade précoce, et même être prévenu par la détection de lésions précancéreuses.
• Ces lésions précancéreuses sont invisibles à l'examen clinique. Leur dépistage repose sur le frottis cervico-utérin
(FCU) qui permet une analyse cytologique des cellules du col utérin à la jonction exocol-endocol.
• Le FCU permet le diagnostic de lésions précancéreuses chez plus de 31 000 femmes par an, soit une incidence
10 fois supérieure à celle du cancer invasif.
• Un dépistage organisé du cancer du col a été mis en place en 2018.

• Il doit être effectué dans les conditions suivantes :


- à distance d'un rapport sexuel (48 h) ;
- en dehors des périodes menstruelles;
- en l'absence de tout traitement local ou signe d'infection;
- si nécessaire après traitement œstrogénique chez la femme ménopausée.
- il faut éviter de faire le toucher vaginal avant le frottis cervico-utérin et d'utiliser un lubrifiant.

• Les anomalies cytologiques sont classées selon le système de Bethesda (Tableau 2). En fonction de leur sévérité,
plusieurs types d'explorations complémentaires sont recommandées (Figure 1):
- en cas d'atypies des cellules malpighiennes ou glandulaires de signification indéterminée : recherche d'HPV
oncogène par génotypage. Si celui-ci est présent ou si les anomalies persistent au frottis, un examen du col à la
loupe binoculaire (colposcopie) est nécessaire;
- en cas d'anomalies cytologiques plus sévères, une colposcopie avec biopsies est nécessaire d'emblée.

Tableau 2. CLASSIFICATION DE BETHESDA DES ANOMALIES CYTOLOGIQUES AU FROTTIS CERVICO-UTÉRIN


Description des lésions Abréviation
Anomalies des cellules Atypies de signification indéterminée ASC-US
malpighiennes
Lésion intra-épithéliale de bas grade LSIL
Atypies ne permettant pas d'exclure une lésion ASC-H
de haut grade
Lésion intra-épithéliale de haut grade HSIL
Carcinome malpighien
Anomalies des cellules Atypies des cellules glandulaires AGC
glandulaires
Adénocarcinome endocervical in situ AIS
Adénocarcinome

► 162 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN I LJE 9 - ITEM 297
', UE9 ltem297
......................

Figure 1. Conduite à tenir en cas de frottis cervico-utérin anormal

Frottis ASC-US ou AGC ASC-H ou LSIL HSIL ou AIS

Test HPV* Colposcopie+/- biopsie


et curetage endocervical si AIS

Négatif

Colposcopie+/- biopsie Normaux ou


et curetage endocervical si AGC non satisfaisants

Examen du vagin
Contrôle de la colposcopie

Examen du vagin Traitement


Contrôle FCV ou test fonction du diagnostic Si normaux
HPV àlan histologique Conisation diagnostique

* Si AGC et > 45 ans, faire en plus échographie pelvienne et biopsie endométriale

1.3. Anatomo-pathologie

1.3.1. Carcinome épidermoïde

Le carcinome épidermoïde représente environ 70 % des cancers du col. Il se développe à partir de


l'épithélium malpighien de l'exocol au niveau de la zone de jonction avec l'endocol (jonction squamo­
cylindrique).

1.3.1.1. Lésions précancéreuses


• Il s'agit des néoplasies intra-épithéliales cervicales (CIN) caractérisées par une désorganisation architecturale
et la présence de cellules atypiques. Leur sévérité est évaluée en fonction de l'extension des anomalies dans l'épi­
thélium.
- CINl: dysplasie légère, atteinte limitée au 1/3 inférieur de l'épithélium, (aspect cytologique habituel: LSIL);
- CIN2: dysplasie modérée, extension aux deux tiers inférieurs de l'épithélium, (aspect cytologique habituel:
HSIL);
- CIN3 : dysplasie sévère ou carcinome in situ, extension à la totalité de l'épithélium, (aspect cytologique
habituel: HSIL ou ASC-H).

Le risque d'évolution vers le carcinome invasif est plus important pour les CIN2-3 (10-15 %) que pour les CIN1
(1 % des cas).

LJE 9 - ITEM 297 1 TUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 163 ◄
1.3.1.2. Carcinome micro-invasif et invasif

• La rupture de la membrane basale par la prolifération carcinomateuse caractérise le stade invasif.


• Le risque métastatique augmente avec la profondeur de l'invasion. Pour une profondeur < 5 mm, on parle de
micro-invasion. Le risque métastatique est alors très faible.
• Au-delà de 5 mm, on parle de carcinome invasif.

• La présence d'emboles tumoraux lymphatiques ou vasculaires est un important facteur pronostique d'évolution
métastatique.

1.3.2. Adénocarcinome
• Il est plus rare (20 % environ).
• Il se développe à partir de l'épithélium cylindrique qui recouvre le canal endocervical ou endocol.
• Il est également précédé de lésions précancéreuses mais, à la différence des cancers épidermoïdes, il n'a pas été
établi de niveaux de sévérité.

1.3.3. Extension
• La progression tumorale loco-régionale s'effectue de proche en proche:
- vers le bas : vagin;
- latéralement : espace paracervical et paramètres. Ces derniers sont riches en vaisseaux lymphatiques et
contiennent les uretères;
- vers le haut (endocol et corps utérin),
- l'atteinte des organes de voisinage, vessie et rectum, est plus tardive.
• Les métastases ganglionnaires (pelviennes puis lombo-aortiques) sont les plus fréquentes et les plus précoces.
Les métastases viscérales sont surtout pulmonaires.

1.4. Diagnostic du cancer du col utérin


• La démarche diagnostique est résumée dans la figure 2.

1.4. 1. Circonstances de découverte


• Métrorragies :
- symptôme le plus fréquent;
- provoquées (post-coïtales) ou spontanées;
- pouvant être responsable d'une anémie ferriprive.
• Dyspareunies.
• Leucorrhées (en cas d'infection associée).
• Symptômes traduisant une extension loco-régionale :
- douleurs pelviennes, symptômes vésicaux ou rectaux;
- douleurs lombaires par compression urétérale secondaire à une extension aux paramètres (urétéro-
hydronéphrose);
- lymphœdème et douleurs neurogènes des membres inférieurs par compression vasculo-nerveuse.
• Autres modes de découverte: fortuite à l'occasion d'une consultation de dépistage ou pendant une grossesse,
découverte sur une pièce de conisation, par une métastase.

► 164 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN I LJE 9 - ITEM 297
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� .... .. ....................

Figure 2. Démarche diagnostique dans le cancer du col de l'utérus

Frottis cervico-utérin anormal Symptômes (métrorragies


(examen clinique normal) provoquées++)

7
Examen clinique

Biopsie sous colposcopie :


Carcinome infiltrant
Normal ou suspicion
de tumeur endo-cervicale
( Tumeur cervicale

+
J
Biopsie à la pince
Conisation*

Diagnostic de malignité, type histologique,


profondeur de l'extension stromale

+
IRM abdomino-pelvienne

!
Examen clinique (sous AG si suspicion de tumeur avancée)
Cystoscopie et rectoscopie si cliniquement indiqué
Biologie standard, VIH, sec
+
Tumeur limitée au col, tailles 4 cm (maximum IB1) Tumeur étendue au-delà du col et/ou > 4 cm (IB2 à IV)


Pas d'adénomégalie n IRM et/ou adénomégalie en IRM
j

Curage ganglionnaire pelvien+ lombo-aortique


si positif l TEP-TOM au 18-FDG
Option: curage lombo-aortique coelioscopique
en l'absence d'atteinte ganglionnaire à l'IRM et TEP-TOM
* IRM pelvienne avant et après conisation

1.4.2. Examen clinique


1.4.2.1. Interrogatoire
• Il précise les symptômes et les antécédents (attention au col restant après une hystérectomie subtotale !).

1.4.2.2. Examen gynécologique


• Il comprend :
l'examen au spéculum (qui doit être fait avant le toucher vaginal)
► le col ( exocol) est le plus souvent d'aspect anormal: tumeur d'aspect bourgeonnant ou ulcéré, saignant au
contact. Parfois, il s'agit d'une induration globale du col le déformant. Des biopsies sont systématiquement
réalisées;
► le col peut être macroscopiquement normal dans les formes peu invasives ou en cas de cancer de l'endocol.
- le toucher vaginal qui évalue la taille du col, l'atteinte des culs de sac, de la muqueuse vaginale, et la mobilité
utérine;
- le toucher rectal recherche une atteinte des paramètres, de la cloison recto-vaginale;
- le toucher bidigital peut mettre en évidence une atteinte paramétriale ou sacrée.

LJE 9 - ITEM 297 TUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 165 ◄
L'.examen clinique doit être répété sous anesthésie générale s'il est difficile ou si la tumeur est volumineuse et
faire l'objet d'un schéma daté et signé.

1.4.2.3. Examen général


• Il recherche une extension à distance (hépatomégalie, adénopathie sus-claviculaire gauche/ ganglion de Troisier)
et apprécie l'état nutritionnel (poids, taille).

1.4.3. Bilan biologique


• Numération-formule sanguine, plaquettes: l'anémie est un facteur de mauvais pronostic.
• Urée, créatinine, ionogramme sanguin: recherche une insuffisance rénale en rapport avec une atteinte du para­
mètre distal pouvant entraîner une urétérohydronéphrose.
• Marqueurs tumoraux: SCC pour les cancers de type épidermoïde, CA 125 pour les adénocarcinomes: la valeur
de référence est utile pour le suivi ultérieur des stades avancés.
• La sérologie VIH est systématique (après information de la patiente).

1.4.4. Confirmation histologique


1.4.4.1. S'il y a une anomalie macroscopique
• Biopsie de la lésion tumorale lors de l'examen au spéculum. Le frottis cervico-utérin ne doit jamais être réalisé
à visée diagnostique.
1.4.4.2. Si le col est macroscopiquement normal
• Réalisation d'une colposcopie (examen du col à la loupe binoculaire).
• Elle ne permet de visualiser que les lésions exocervicales :
- sans préparation: visualisation du col et notamment de la zone de jonction, recherche d'ectropion, d'ulcération,
de saignement, d'un bourgeonnement;
- après application d'acétate qui provoque le blanchissement des zones tumorales;
- après application de lugol qui, au contraire, ne colore pas les zones tumorales;
- elle permet la réalisation de biopsies orientées (il ne peut y avoir de traitement sur les seuls résultats d'un
frottis anormal).

1.4.4.3. Conisation chirurgicale

La conisation est systématique dans les formes infracliniques ou endocervicales pour préciser la taille
maximale, la profondeur de l'infiltration stromale et la présence d'emboles vasculaires tumoraux. Elle doit être
précédée de l'IRM abdomino-pelvienne.

1.5. Bilan pré-thérapeutique


1.5. 1. Bilan d'extension loco-régionale
1.5.1.1. IRM abdomino-pelvienne

C'est la technique d'imagerie la plus fiable pour le bilan d'extension loco-régionale. Elle est systématique quel
que soit le stade.

• Elle comprend au minimum : des séquences en pondération T2 sans saturation de la graisse, en pondération dif­
fusion et en pondération Tl avec saturation de la graisse après injection de gadolinium.

► 166 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN I UE 9 - ITEM 297


UE9 ltem297
.............................

• Elle permet de visualiser la tumeur, d'apprécier sa taille et son extension locale (vers les paramètres, l'utérus, la
vessie, le rectum), de rechercher des métastases ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques et une dilatation
urétérale (Figure 3).

Figure 3. IRM pelvienne, séquence Tl en saturation de graisse

A: tumeur du col envahissant le paramètre droit, B: dilatation de l'uretère D, C: adénopathie iliaque externe droite

• Dans les stades infra-cliniques, elle doit être réalisée avant mais aussi après la conisation afin de vérifier que cette
dernière n'a pas laissé en place une partie de la tumeur.
1.5.1.2. Cystoscopie et rectoscopie
• Elles sont réalisées, lors de l'examen clinique sous anesthésie générale, uniquement en cas de suspicion clinique
ou radiologique d'extension vésicale et/ou rectale.

1.5.2. Bilan d 1ex tension métastatique


1.5.2.1. TEP-TDM au 18 FDG dans les formes localement avancées (stade> IB2 de la FIGO 2018)
• Le TEP-TDM au 18-FDG permet la recherche de métastases, en particulier ganglionnaires pelviennes et lombo­
aortiques.

1.5.2.2. Curage ganglionnaire pré-thérapeutique par laparoscopie

IJRM et le TEP-TDM ont un risque de faux négatifs pour la détection d'une extension ganglionnaire. Or
celle-ci a une importance pronostique mais intervient également pour les choix thérapeutiques. Un curage
ganglionnaire est donc préconisé daris tous les cas sauf si l'imagerie a déjà mis en évidence des métastases
ganglionnaires ou autres.

• Dans les formes localisées, candidates à la chirurgie : réalisation d'un curage ganglionnaire pelvien avec
examen extemporané. S'il est positif, il sera complété dans le même temps opératoire par un curage lomboaor­
tique et la chirurgie curatrice sera contre-indiquée.
La technique de détection des ganglions sentinelles par double repérage calorimétrique et isotopique est une tech­
nique prometteuse en cours de validation.
• Dans les formes localement avancées qui seront traitées par radio-chimiothérapie pelvienne : réalisation d'un
curage lombo-aortique cœlioscopique (sans curage pelvien).

LJE 9 - ITEM 297 1 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 167 ◄
1.5.3. Dépistage des autres tumeurs liées à l'HPV
• Il est nécessaire de proposer aux patientes un dépistage des autres sites pouvant présenter des tumeurs liées à
l'HPV (sphères ORL et anale).

1.5.4. Évaluation pronostique et classification FIGO (Fédération Internationale de


Gynécologie et Obstétrique)
• C'est la classification FIGO et non TNM qui est utilisée en pratique courante pour indiquer l'extension des can­
cers de l'utérus (col et corps).
• Les principaux facteurs pronostiques sont :
- la taille de la tumeur;
- le degré d'invasion du chorion;
- l'extension aux paramètres;
- la présence d'emboles tumoraux lymphovasculaires;
- la présence de métastases ganglionnaires.
• La nouvelle classification FIGO prend en compte la taille et l'extension de la tumeur locale, ainsi que l'extension
ganglionnaire (Tableau 3).

Tableau 3. CLASSIFICATION FIGO DES CANCERS


---
DU- COL- UTÉRIN
-
(NOUVELLE
-
VERSION
- -- -
2018)
-- - --- -
Stade 1 : Tumeur limitée au col
IA Carcinome micro-invasif non visible macroscopiquement
IA1 Envahissement du chorion :5 3 mm sur une largeur :5 7 mm
IA2 Envahissement du chorion > 3 mm et < 5 mm sur une largeur :5 7 mm
18 Carcinome visible cliniquement limité au col
1B1 Diamètre maximum de la lésion < 2 cm
1B2 Diamètre maximum de la lésion 2 à 3,9 cm
1B3 Diamètre maximum� 4 cm
Stade Il : Carcinome étendu aux paramètres ou au vagin mais sans atteinte de la paroi pelvienne ou du tiers
inférieur du vagin
IIA Extension vaginale sans atteinte des paramètres
IIA1 Diamètre maximal :5 4 cm
IIA2 Diamètre maximal > 4cm
118 Atteinte d'au moins un des paramètres avec ou sans extension vaginale
Stade 111 : Cancer étendu à la paroi pelvienne et/ou au tiers inférieur du vagin et/ou responsable d'une hydroné-
phrase ou d'un rein muet
IIIA Extension au tiers inférieur du vagin sans atteinte des parois pelviennes
1118 Extension aux parois pelviennes et/ou responsable d'une hydronéphrose ou d'un rein muet
111(1 Présence de métastases ganglionnaires pelviennes
111(2 Présence de métastases ganglionnaires lombo-aortiques
Stade IV: Invasion de la vessie, du rectum et au-delà de la cavité pelvienne
IVA Extension à la muqueuse vésicale et /ou à la muqueuse rectale
IV8 Métastases à distance (cavité péritonéale, foie, poumons et autres)

► 168 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN I UE 9 - ITEM 297


UE 9 Item 297

Sur le plan pronostique et thérapeutique, il est important de distinguer deux grandes catégories de
tumeurs:
• les tumeurs localisées sans atteinte ganglionnaire:� 4 cm sans atteinte du paramètre ou du vagin (IA et IB1
-1B2);
• les formes localement avancées > 4 cm ou associées à une atteinte du vagin ou des paramètres (stade IB3, 11,
IIIA-B, IVA) ou présentant des métastases ganglionnaires (IIICl, IIIC2).

1.6. Principes du traitement


• La prise en charge thérapeutique est définie en accord avec la patiente sur la base de l'avis rendu en Réunion de
Concertation Pluridisciplinaire réalisée avant tout traitement. Pour les femmes jeunes prises en charge pour un
stade précoce, un avis concernant la préservation de la fertilité est recommandé.

1.6.1. Moyens thérapeutiques


1.6.1.1. La chirurgie
• Les exérèses localisées (conisation, amputation intra-vaginale et trachélectomie élargie - exérèse des paramètres)
sont réservées aux stades très précoces.
• L'hystérectomie totale (avec annexectomie bilatérale) est plus ou moins étendue aux paramètres en fonction de
l'atteinte tumorale initiale. Elle est le plus souvent associée à une lymphadénectomie ilio-pelvienne.
1.6.1.2. La radiothérapie
1.6.1.2.1. La radiothérapie externe
• La radiothérapie externe est réalisée selon une technique conformationnelle tridimensionnelle (RT-3D) ou par
modulation d'intensité (RCMI) guidée par l'imagerie. Le volume irradié correspond à la région pelvienne (tumeur
macroscopique et extension infra-clinique), mais peut s'étendre à la région lombo-aortique en cas d'atteinte à ce
niveau. Elle délivre une dose de 45 à 50 Gy en fractions de 1,8 à 2 Gy.
• Effets secondaires aigus habituels (cystite, diarrhées), tardifs très rares (sténose du grêle, dyspareunie, sténose et
sècheresse vaginales, troubles urinaires), stérilité définitive et ménopause induite si patiente non ménopausée,
rarissime cancer radio-induit.

1.6.1.2.2. La curiethérapie utéro-vaginale intracavitaire


• La curiethérapie utéro-vaginale intracavitaire vient compléter la radiothérapie externe et délivre une dose plus
élevée à la tumeur centra-pelvienne.
• Elle est le plus souvent réalisée en débit pulsé, étalée sur plusieurs jours ou en haut débit en quelques fractions.
• La dose délivrée varie de 15 Gy, en complément d'une radiothérapie externe, à 60 Gy avant une hystérectomie
totale de clôture (pré-opératoire). Elle nécessite la mise en place d'un applicateur sous anesthésie générale, et une
hospitalisation de plusieurs jours.
• Complications: symphyse vaginale.

1.6.1.3. La chimiothérapie
• Elle est administrée en concomitant à la radiothérapie externe à visée radiosensibilisante (cisplatine). Dans les
formes métastatiques, elle est utilisée seule.

LJE 9 - ITEM 297 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 169 ◄
1.6.2. Indications (Hors programme ECN)
1.6.2.1. Stades localisés
• Le traitement de référence est la chirurgie :
- stade infra-clinique IAl sans embole chez une femme avec un désir de grossesse: conisation seule et surveillance
étroite;
- autres stades IA : lymphadénectomie pelvienne première suivie d'une hystérectomie simple;
- stades IBl-2: les différentes options sont une hystérectomie élargie, une association radio-chirurgicale, ou une
radiothérapie exclusive.
1.6.2.2. Stades localement avances
• La radio-chimiothérapie est le traitement de référence. Elle est exclusive ou parfois complétée d'une chirurgie de
clôture en cas de reliquat tumoral.

1.7. Principes de la surveillance


• Les objectifs sont de rechercher et traiter une récidive tumorale et les séquelles des traitements. Elle associe :
- un examen clinique complet tous les 4 à 6 mois les trois premières années, puis annuellement;
- aucun examen d'imagerie ne doit être réalisé de façon systématique;
- le dosage du marqueur tumoral SCC s'il était initialement élevé;
- le FCU n'est indiqué que dans les cas de gestes chirurgicaux limités avec conservation utérine.

2. Tumeurs du corps utérin


• Son épidémiologie est radicalement différente de celle du cancer du col : il atteint préférentiellement les femmes
âgées et est favorisé par le mode de vie des pays développés.
• Dans la majorité des cas, des métrorragies permettent un diagnostic précoce et le pronostic est alors excellent.
• L'analyse histologique est fondamentale pour identifier les formes plus agressives qui vont nécessiter des traite­
ments complémentaires.
• L'IRM abdomino-pelvienne et, dans certains cas, le curage ganglionnaire cœlioscopique sont les éléments fonda­
mentaux de la stadification.

2.1. Épidémiologie
2.1.1. Épidémiologie descriptive
• C'est le cancer gynécologique le plus fréquent en France. L'incidence et la mortalité estimées en 2017 étaient
respectivement de 8 400 nouveaux cas (au 4' rang des cancers féminins) et de 2 300 décès (5' cause de décès par
cancer chez la femme).
• Deux tiers des cas surviennent dans les pays développés, probablement du fait qu'il atteint préférentiellement les
femmes âgées et de son lien avec la surcharge pondérale.
• Ce cancer survient en effet après la ménopause avec un pic de fréquence entre 60 et 70 ans (âge moyen lors du
diagnostic de 68 ans).
• Dans 80 % des cas, il est limité au corps utérin. La survie relative à 5 ans est d'environ 75 % et atteint 85 % en cas
de stade localisé.

► 170 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN I LJE 9 - ITEM 297
UE9 ltem297
.............................

2.1.2. Épidémiologie analytique


2.1.2.1. Exposition prolongée aux œstrogènes

Les œstrogènes favorisent la prolifération des cellules épithéliales de l'endomètre (contrairement à


la progestérone). En conséquence, un déséquilibre hormonal prolongé en faveur des œstrogènes
(hyperœstrogénie relative) favorise le cancer de l'endomètre.

• Plusieurs situations peuvent être associées à une exposition accrue aux œstrogènes et à un déséquilibre hor­
monal:
- une longue durée de la période ovulatoire définie par l'âge de la ménopause - âge de la puberté - nombre de
mois de grossesse - nombre de mois sous contraception orale combinée;
Une puberté précoce, une ménopause tardive et la nulliparité sont donc des facteurs de risque.
- la prise prolongée d'œstrogènes en monothérapie dans le cadre d'une contraception séquentielle ou d'un
traitement hormonal substitutif de la ménopause (d'où la nécessité d'associer systématiquement un progestatif);
- la prise de tamoxifène, de par son activité agoniste sur l'épithélium de l'endomètre;
- le syndrome des ovaires polykystiques.
Certaines lésions de l'endomètre sont rencontrées en cas d'hyperœstrogénie et doivent être considérées comme
précancéreuses: hyperplasie adénomateuse ou atypique, carcinome in situ.

2.1.2.2. Surcharge pondérale

• Son effet cancérigène est lié en partie à l'hyp erœstrogénie induite: en préménopause, elle favorise une exposition
continue de l'endomètre aux œstrogènes en induisant des cycles anovulatoires. En postménopause, elle favorise
l'aromatisation des androgènes surrénaliens en œstrogènes. La chirurgie bariatrique qui vise à réduire la sur­
charge pondérale diminue le risque de cancer de l'endomètre et améliorerait son pronostic.
• L'insulino-résistance induite par la surcharge pondérale, et le manque d'activité physique favorisent également le
développement tumoral. Le diabète de type 2 est ainsi associé à un risque accru de cancer de l'endomètre.
2.1.2.3. Facteurs génétiques

Les formes familiales rentrent le plus souvent dans le cadre du cancer colique familial sans polypose (HNPCC
ou syndrome de Lynch). Elles représentent moins de 5 % des cancers de l'endomètre.
.· · · · · · · · · · · · ·····················-········----------------------------- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - · · · ······ ·······----------------------------------------- --- ·.
• L'HNPCC est lié à la présence d'une mutation germinale hétérozygote sur un des gènes impliqués dans la répara­
tion des mésappariements de l'ADN (mismatch repair - MMR): le plus souvent MSH6, MSH2, PMS2 ou MLHl.
La déficience du système MMR est plus fréquemment somatique (30 % des cancers de l'endomètre environ), c'est­
à-dire présente uniquement dans la tumeur et non transmissible.
• La détection d'un défaut du MMR se fait d'abord dans la tumeur. Deux techniques sont disponibles dont aucune
n'est fiable à 100 %: détection de la perte d'expression d'une des protéines impliquées par immunohistochimie ou
mise en évidence d'une instabilité des séquences microsatellites par une technique de PCR.
• Il est recommandé de réaliser les deux techniques en parallèle en cas de suspicion d'HNPCC selon les critères
suivants:
- âge de survenue inférieur à 50 ans (la recherche peut se discuter entre 50 ans et 60 ans);
- présence d'antécédents personnels ou familiaux (au premier degré) de cancer colorectal ou de cancer(s) du
spectre du syndrome de Lynch (endomètre, intestin grêle, urothélium, voies biliaires, estomac, ovaire).

UE 9 - ITEM 297 1 ÎUMEURS DU COL UTtRIN, TUMEURS DU CORPS UTtRIN 171 ◄


• Si un défaut du MMR est confirmé dans la tumeur, une consultation d'oncogénétique est nécessaire pour recher­
cher une mutation constitutionnelle.
• Le syndrome de Cowden, lié à une mutation inactivatrice hétérozygote du gène suppresseur de tumeur PTEN,
est une cause plus rare de cancer familial de l'endomètre.

2.2. Anatomo-pathologie

2.2.1. Classification anatomo-patho/ogique


• Le cancer du corps de l'utérus est généralement un adénocarcinome développé aux dépens de la muqueuse
endométriale.
• On distingue classiquement deux grands types de cancers de l'endomètre (types 1 et 2) qui se distinguent par leurs
caractéristiques histologiques et cliniques ainsi que leur pronostic (Tableau 4) :

Tableau 4. CARACTÉRISTIQUES HISTOLOGIQUES ET CLINIQUES DES CANCERS DE L'ENDOMÈTRE


DE TYPE 1 ET 2
Type 1 (80%) Type 2 (20 %)
Description histologique Adénocarcinome • Adénocarcinome
endométrioïde, de grade 1 à 3, - papillaire séreux
parfois associé à un contingent - à cellules claires
épidermoïde • Carcinosarcome (ou tumeur
mixte Müllérienne)
Dépendance aux œstrogènes OUI NON
Souvent précédé d'une étape Endomètre atrophique
d'hyperplasie atypique Carcinosarcome : tamoxifène
Âge moyen de survenue "'65 ans "' 70 ans
Présentation clinique Diagnostic habituel à un stade Diagnostic fréquent à un stade
et pronostic localisé, très bon pronostic avancé, plus mauvais pronostic

• Si cette classification reste très utile en pratique courante, elle doit être relativisée par les données récentes d'ana­
lyse génomique des tumeurs. Ainsi, certains carcinomes endométrioïdes, de type 1 sur le plan histologique, se
rapprochent en fait des carcinomes séreux sur le plan moléculaire. Ils en partagent alors le mauvais pronostic.
• Le carcinosarcome regroupe un contingent d'adénocarcinome et un contingent sarcomateux de différenciation
très variable (léïomyosarcome, rhabdomyosarcome, synovialosarcome ...). Il est actuellement considéré comme
un carcinome métaplasique dont le pronostic et la prise en charge se rapprochent des autres carcinomes de type 2.
Il ne s'agit pas d'un sarcome.
• Les sarcomes sont des tumeurs rares du corps utérin : sarcome du stroma endométrial ou léïomyosarcome. Ils
ne seront pas détaillés ici.

2.2.2. Extension
• Elle se fait principalement vers le myomètre, jusqu'à la séreuse puis la cavité péritonéale. Le risque de métastase(s)
ganglionnaire(s) (pelviennes puis rétropéritonéales) est dépendant du degré d'extension au myomètre et de la dif­
férenciation (grade ou type 2).
• En surface, l'extension se fait vers l'isthme et le col, plus rarement jusqu'au vagin, ou - via les trompes - jusqu'aux
annexes et la cavité péritonéale.
• Les métastases viscérales sont rares.

► 172 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN LJE 9 - ITEM 297
UE9 Item 297
......................... - -

2.3. Diagnostic de l'adénocarcinome de l'endomètre

2.3.1. Circonstances de découverte


2.3.1.1. Métrorragies ou méno-métrorragies

Après la ménopause toute métrorragie est un cancer de l'endomètre jusqu'à preuve du contraire et doit
toujours être explorée.

• Spontanées, indolores et souvent peu abondantes; parfois moins évocatrices, faites de pertes brunâtres.
• C'est le symptôme révélateur dans 90 % des cas: les métrorragies surviennent précocement, à un stade où - le plus
souvent - la tumeur reste confinée à l'utérus.

2.3.1.2. Leucorrhées
• Hydroleucorrhée rosée et fétide, évocatrice mais rare.
2.3.1.3. Douleurs pelviennes
• Elles traduisent souvent une lésion évoluée:
- surinfection et rétention utérine;
- envahissement au-delà de l'utérus.
• Elles peuvent s'accompagner de troubles urinaires ou rectaux.
2.3.1.4. Plus rarement
• Le cancer est découvert sur la cytologie d'un frottis cervical de dépistage, dans le bilan étiologique d'une carence
martiale, devant des métastases symptomatiques.

2.3.2. Examen clinique


• Examen général: sénologique, recherche d'adénopathie (ganglion de Troisier, adénopathie inguinale ...) et d'une
éventuelle hépatomégalie.
• Examen gynécologique: souvent difficile chez les patientes âgées et obèses:
- au spéculum
► le col est le plus souvent sain, l'envahissement tumoral du col (stade II) ou du vagin (IIIE) est rare : le
saignement provient de la cavité utérine ;
► un frottis cervico-utérin de dépistage sur un col sain est réalisé selon les indications usuelles;
► un polyp e accouché par le col ou de l'endocol pourra être prélevé;
► il permet de réaliser une biopsie de l'endomètre (pipelle de Cornier ou canule de Novak):
• elle est difficile ou impossible en cas de sténose du col (rare).
• elle n'a de valeur que positive : normale ou non contributive, elle n'élimine pas le diagnostic. Une explo­
ration au bloc opératoire par hystéroscopie avec curetage est alors nécessaire.
- au toucher vaginal et au toucher rectal, on retrouve rarement une anomalie; parfois l'utérus apparaît comme
gros et mou. Ils permettent de rechercher une masse annexielle.

2.3.3. Bilan biologique


• La biologie standard est généralement normale en dehors d'une possible anémie par carence martiale.
• Le dosage du CA 125 ne fait pas partie du bilan d'extension systématique mais peut être pratiqué comme valeur de
référence lorsqu'un stade avancé (stade III) ou une tumeur de type 2 histologique sont suspectés.

LJE 9 - ITEM 297 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 173 ◄
2.3.4. L'échographie pelvienne par voies abdominale et endovaginale
• C'est l'examen de première intention pour l'exploration des métrorragies.
• Sont en faveur du diagnostic :
- la présence d'une formation intra-utérine;
- l'augmentation de l'épaisseur de l'endomètre (> 5 mm chez la patiente ménopausée) : la sensibilité de ce
critère est de 90 à 100 %, mais sa spécificité n'est que de 50 % environ;
- l'adjonction d'un examen Doppler permet de préciser les anomalies de vascularisation, évocatrices d'une
tumeur maligne.
• Elle peut préciser les caractéristiques de la tumeur: taille et degré d'envahissement du myomètre, ainsi que l'ex­
tension loco-régionale: masse annexielle et recherche d'une carcinose péritonéale (ascite, nodule de carcinose du
cul de sac de Douglas ...).

2.3.5. Confirmation histologique


• Elle repose sur l'étude histologique d'une biopsie endométriale ou du produit de curetage.
2.3.5.1. Examens cytologiques (non diagnostiques)
• Le frottis cervico-vaginal peut être positif dans les formes étendues au col mais n'apporte pas de certitude dia­
gnostique.
• La cytologie endo-utérine n'est pas toujours réalisable. Elle n'a de valeur que positive et une confirmation histo­
logique reste indispensable.
2.3.5.2. Biopsies de l'endomètre à l'aveugle
• La biopsie d'endomètre en ambulatoire, à l'aveugle, avec une canule de Novak ou une pipelle de Cornier, n'a de
valeur que positive. La précision du prélèvement est améliorée en effectuant la biopsie au cours d'une échographie.

2.3.5.3. L'hystéroscopie diagnostique avec curetage ++++

• Réalisée le plus souvent en ambulatoire sous anesthésie locale, après avoir éliminé une infection cervico-vaginale.
• Elle permet de:
- visualiser les lésions endométriales: lésion végétante, friable, parfois ulcérante saignant au contact;
- préciser leur topographie, leur extension vers l'isthme et l'endocol;
- guider les biopsies.
• Elle est complétée par un curetage biopsique étagé de l'endocol, puis de la cavité utérine.
• Les risques sont faibles: perforation utérine, infection, embolie gazeuse ( < 1 %).
• L'hystéroresection, du fait de son risque de dissémination péritonéale, n'est pas recommandée en cas de suspicion
de cancer de l'endomètre.

2.4. Bilan pré-thérapeutique


2.4.1. Bilan d'extension loco-régional: l'IRM abdomino-pelvienne
• Elle est systématique. Elle permet:
- une visualisation de la tumeur : elle se manifeste par un épaississement de l'endomètre, plus ou moins
hétérogène, le plus souvent hypo-intense en T2. La tumeur peut ne pas être visible en IRM;
- une évaluation de la profondeur de l'extension au myomètre: c'est l'examen le plus performant;

► 17 4 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN LJE 9 - ITEM 297


UE9 Item 297
........ __________

- de rechercher une extension à l'isthme, au col, aux annexes;


- la recherche d'adénopathies lomboaortiques et pelviennes.

2.4.2. Bilan d'extension métastatique: TOM thoracique et abdomino-pelvienne


• Elle n'est pas systématique. Elle est demandée en cas:
- de contre-indication à l'IRM. Dans ce cas, elle doit être associée à l'échographie pelvienne;
- en cas d'extension loco-régionale ou ganglionnaire (stade III), de suspicion clinique de métastase et
systématiquement dans les types 2 histologiques. Dans ces situations, la réalisation d'un TEP-TDM au 18FDG
couplé à une TDM peut également être discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire.

2.4.3. Bilan général


• Temps essentiel pour évaluer l'opérabilité car il s'agit souvent de femmes âgées, obèses, ayant de nombreux
facteurs de comorbidités pouvant interférer avec le plan de traitement chirurgical. Ce bilan permet également
d'apprécier les autres indications thérapeutiques (radiothérapie, prise en charge médicale). Il inclut:
- une évaluation clinique complète : âge, obésité, HTA, état cardio circulatoire, indice de performance selon le
score de Karnofsky ou l'échelle de l'OMS ;
une évaluation oncogériatrique à la recherche de signe de vulnérabilité si âge > 70 ans
- une consultation pré-anesthésique (score ASA) ;
au besoin des examens complémentaires (bilan biologique, consultation cardiologique, échographie cardiaque, EFR...)
- un bilan nutritionnel est également indiqué chez les patientes âgées (la surcharge pondérale pouvant masquer
certains critères de dénutrition, notamment protidique).

2.4.4. Évaluation pronostique et classification FIGO


• Les principaux facteurs de mauvais pronostic sont :
- L'âge élevé et les comorbidités sévères: ils conditionnent la possibilité de réaliser le traitement optimal;

- La classification anatomo-chirurgicale de la FIGO (2009) est le principal facteur pronostique (Tableau 5).
Elle prend en compte le degré d'infiltration du myomètre (<ou> à 50 %), l'extension au col, la présence ou
non d'adénopathies.

- Il peut exister des différences d'évaluation entre le stade évalué lors du bilan pré-thérapeutique (IRM ++) et celui
issu des données anatomo-pathologiques des pièces opératoires, en particulier concernant l'envahissement du
myomètre et l'atteinte ganglionnaire. Ces discordances peuvent être la source de modification du plan de
traitement et parfois de reprise chirurgicale.
- Type histologique (2 versus 1);
- Pour les types 1, endométrioïdes: grade histopronostique élevé à 3 (versus 1-2);
- Présence d'emboles tumoraux vasculaires ou lymphatiques.

Tableau 5. CLASSIFICATION FIGO DES ADÉNOCARCINOMES DE L'ENDOMÈTRE (2009)


- - - - - - --

Probabilité de survie
FIGO Description sans rechute à 5 ans
(à titre indicatif)
Stade 1: Tumeur limitée au corps utérin 85 %
IA Extension limitée à l'endomètre ou à moins de 50 % du myomètre
1B Extension à � 50 % du myomètre
Stade Il: Tumeur envahissant le stroma cervical mais ne s'étendant pas au-delà du col 70 % ►

LJE 9 - ITEM 297 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 17 5 ◄


► Stade Ill : Extension au-delà du col 30 %
IIIA Extension à la séreuse ou aux annexes
111B Extension au vagin ou aux paramètres
Présence de métastases ganglionnaires
IIIC
IIIC1 Pelviennes
IIIC2 Lombo-aortiques
Stade IV Extension aux organes de voisinage ou métastases à distance <5%
IVA Extension à la muqueuse vésicale ou intestinale
IVB Présence de métastases à distance

2.5. Principes du traitement


• La prise en charge thérapeutique est définie en accord avec la patiente sur la base de l'avis rendu en Réunion de
Concertation Pluridisciplinaire.
• Elle comprend le plus souvent une exploration chirurgicale par voie cœlioscopique, laparotomie ou à défaut par
approche vaginale exclusive. La contre-indication absolue à la chirurgie est exceptionnelle.

2.5.1. Moyens thérapeutiques


2.5.1.1. Chirurgie
• C'est le traitement essentiel. Elle consiste au minimum en une hystérectomie totale extrafasciale avec annexecto­
mie bilatérale après exploration de la cavité abdominale. Les curages ganglionnaires (pelvien et lomboaortique)
sont indiqués uniquement en cas de facteur de mauvais pronostic sur l'IRM et la biopsie initiale (Tableau 6).
• L'omentectomie est indiquée en cas de type 2 papillaire séreux.
• La voie d'abord recommandée pour les stades I est la voie coelioscopique ou cœliovaginale. Une chirurgie vagi­
nale exclusive est l'apanage des patientes à très haut risque chirurgical.
• La laparotomie reste indiquée pour la prise en charge des formes avancées et en cas de gros volume utérin. Un
morcellement des pièces opératoires entraîne un risque majoré de rechute.

2.5.2. Radiothérapie
• Elle est réalisée principalement en post-opératoire. Deux modalités sont possibles:
- une radiothérapie externe pelvienne sur un volume centra-pelvien (fond vaginal et loge d'hystérectomie) et les
aires ganglionnaires pelviennes si celles-ci sont atteintes. Son but est d'éviter les récidives pelviennes profondes
en cas de facteur de mauvais pronostic. Une irradiation lombo-aortique peut être associée en cas d'atteinte
ganglionnaire à ce niveau ;
- une curiethérapie vaginale à haut débit de dose, réalisée en ambulatoire, seule ou en complément de la
radiothérapie externe: son but est d'éviter les récidives sur la cicatrice vaginale et le 1/3 supérieur du vagin.
2.5.2.1. Chimiothérapie
• Elle consiste en l'association d'un sel de platine avec un taxane.

2.5.2.2. Indications (Hors programme ECN)

À partir des caractéristiques histologiques (type 1 versus 2 et grade) et du stade FIGO, 5 catégories pronostiques
ont été définies (risque faible, intermédiaire, intermédiaire fort, fort, avancé) qui permettent d'orienter la
thérapeutique (Tableau 6).

► 176 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN LJE 9 - ITEM 297
i._ UE 9 ltem297
.............................

Tableau 6. INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DANS LES CANCERS DE L'ENDOMÈTRE


Risque Faible Intermédiaire Intermédiaire fort Elevé Avancé
de récidive (Type 1, IA (Type 1, 1B grade (Types 1 IA grade (Type 1 1B (Stades Ill
grade 1-2, sans 1-2, sans embole) 3, grade 1-2 grade 3, exérèse
embole) avec emboles Stades 11-111 incomplète,
tumoraux) exérèse Stade IV)
complète,
Types 2)
Curages Optionnel
NON OUI (pelvien et lombo-aortique)
ganglionnaires (pelvien)
Curiethérapie
NON OUI
vaginale
Radiothérapie Optionnel
externe NON OUI (à visée
hémostatique)
Chimiothérapie NON
adjuvante OUI

2.6. Principes de la surveillance


2.6.1. Surveillance post-thérapeutique
• La surveillance est avant tout clinique, tous les 4 à 6 mois pendant 3 à 5 ans, puis tous les ans selon le stade initial
de la maladie. Son objectif est la recherche des récidives tumorales locales (vaginales), ou des séquelles, curables.
• Elle repose sur la réalisation d'un examen gynécologique complet avec exploration vaginale et touchers pelviens.
Une recherche d'adénopathie sera associée.
• La réalisation de frottis systématique n'est pas recommandée.
• Les examens complémentaires ne seront envisagés qu'en cas de signe clinique d'appel.
• Seul examen complémentaire systématique: la mammographie, du fait de la fréquence de l'association cancer du
sein - cancer de l'endomètre et de l'âge des patientes.

2.6.2. Surveillance des femmes présentant un syndrome HNPCC avéré


• Dépistage du risque endométrial dès l'âge de 30 ans: la surveillance se fait, au minimum, par échographie vagi­
nale et mieux par hystéroscopie à réaliser tous les 2 à 3 ans. Un prélèvement à la pipelle de Cornier est préconisé.
• Une hystérectomie avec annexectomie bilatérale prophylactique peut être envisagée après accomplissement du
projet parental.
- cette indication doit être validée en réunion de concertation pluridisciplinaire ;
- la patiente doit bénéficier d'un temps de réflexion (recommandation INCA avril 2009).

2.6.3. Surveillance des patientes sous tamoxifène


• L'échographie systématique n'est pas recommandée.
• En cas de métrorragies, le bilan diagnostique comporte une échographie et une hystéroscopie avec des prélève­
ments et/ou un curetage biopsique.
• Si le prélèvement montre une hyperplasie glandulo-kystique, le tamoxifène doit être interrompu ou, si son main­
tien paraît bénéfique, une résection endométriale ou une hystérectomie doivent être envisagées.

UE 9 - ITEM 297 1 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 177 ◄


► Références

• Les cancers en France, Edition 2015. Institut National du Cancer, Avril 2016. (téléchargeable sur www.e-cancer.fr)
• World Cancer Report 2014. International Agency for Research on Cancer (http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World­
Cancer-Reports/World-Cancer-Report-2014).
• Prévention et dépistage du cancer du col de l'utérus. Collection fiches repères, Institut National du Cancer, Juin 2013. (Téléchargeable
sur www.e-cancer.fr)
• Référentiel Cancers du col utérin. Cancer AP-HP, Juin 2016.
• Référentiel Cancer de l'endomètre. Cancer AP-HP, Novembre 2016.
• Prise en charge initiale des cancers gynécologiques : Référentiels de la Société Française d'Oncologie Gynécologique.
• Cancer de l'endomètre : Recommandations professionnelles. Institut National du Cancer, Novembre 201O. (Téléchargeable sur
www.e-cancer.fr)
• Tests somatiques recherchant une déficience du système MMR au sein des tumeurs du spectre du syndrome de Lynch, Institut
National du Cancer, Juin 2016. (Téléchargeable sur www.e-cancer.fr).
• Colombo N, Creutzberg C, Amant F, Bosse T, Gonzalez-Martîn A, Ledermann J, Marth C, Nout R, Querleu D, Mirza MR, Sessa C; ESMO­
ESGO-ESTRO Endometrial Consensus Conference Working Group. ESMO-ESGO-ESTRO Consensus Conference on Endometrial
Cancer: diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol. 2016 Jan;27(1):16-41

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Cancer du col :
• La vaccination contre les HPV n'entraîne pas d'augmentation du risque global de survenue de maladies
auto-immunes, mais une augmentation de l'incidence des syndromes de Guillain-Barré a été observée.
• Un col macroscopiquement normal à l'examen au spéculum n'élimine pas le diagnostic. li peut s'agir d'une
forme micro-invasive ou d'un cancer de l'endocol.
• Une insuffisance rénale aiguë et/ou une urétéro-hydronéphrose chez une femme présentant des métrorra­
gies doit faire songer à ce diagnostic.
• La maladie VIH est un co-facteur important de l'HPV pour la genèse du cancer du col qui doit être systéma­
tiquement recherché.
• Il est nécessaire de proposer aux patientes un dépistage des autres sites pouvant présenter des tumeurs
liées à l'HPV (sphères ORL et anale).
2. Cancer du corps :
• Le tamoxifène, utilisé dans le traitement adjuvant du cancer du sein, induit surtout des carcinosarcomes de
l'endomètre. Ceux-ci doivent être considérés comme des carcinomes agressifs et non comme des sarcomes.
• Après la ménopause toute métrorragie est un cancer de l'endomètre jusqu'à preuve du contraire et doit
toujours être explorée.
• La biopsie et l'IRM abdomino-pelvienne sont les deux explorations fondamentales pour classer la tumeur,
évaluer son pronostic et décider de la thérapeutique. Les informations fournies devront parfois cependant
être corrigées par l'analyse de la pièce opératoire.
• Dans la surveillance, le seul examen complémentaire systématique est la mammographie, du fait de la fré­
quence de l'association cancer du sein - cancer de l'endomètre et de l'âge des patientes.

► 178 TUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN I LJE 9 - ITEM 297
UE9 Item 297
...........................

POINTS CLÉS: CANCER DU COL

1. En France, l'incidence et la mortalité diminuent depuis plus de 30 ans grâce au développement


du dépistage des lésions préinvasives par le frottis cervico-utérin (FCU).
2. Les papillomavirus humains (HPV), transmis par contact sexuel, constituent le principal facteur
étiologique. Les HPV 16 et 18, dits oncogènes, sont en cause dans 70 % des cas.
3. Chez une minorité de femmes, l'infection persistante conduit au développement de lésions pré­
cancéreuses, les néoplasies cervicales intra-épithéliales (CIN). L'évolution vers un cancer se fait en
moyenne en 15 ans.
4. La vaccination permet de prévenir l'infection persistante par les HPV 16 ou 18. Elle est recomman­
dée pour toutes les jeunes filles de 11 à 14 ans, et en rattrapage vaccinal entre 15 et 19 ans révolus.
5. La vaccination ne dispense pas du dépistage triennal par FCU.
6. Le dépistage des CIN repose sur le FCU qui va permettre une analyse cytologique des cellules du
col utérin à la jonction exocol-endocol.
7. La HAS recommande le FCU pour les femmes de 25 à 65 ans (sauf celles n'ayant jamais eu de
rapport sexuel): tous les 3 ans après deux FCU normaux à un an d'intervalle.
8. Le carcinome épidermoïde représente 70 % des cancers du col. Il se développe à partir de l'épi­
thélium malpighien de l'exocol, au niveau de la zone de jonction avec l'endocol.
9. L'adénocarcinome se développe à partir de l'épithélium cylindrique qui recouvre le canal endo­
cervical ou endocol.
1 O. Les métrorragies, postcoïtales ou spontanées, sont le symptôme le plus fréquent.
11. Si le col est macroscopiquement normal, la biopsie se fait sous le contrôle d'une loupe binocu­
laire, le colposcope.
12. L'examen gynécologique sous AG constitue un temps fondamental du bilan d'extension dans
les stades avancés.
13. La conisation chirurgicale est recommandée dans les formes infracliniques pour préciser les fac­
teurs pronostiques histologiques.
14. L'IRM abdomino-pelvienne est systématique pour apprécier la taille de la tumeur et son exten­
sion locale (paramètres, utérus, vessie, rectum), rechercher des métastases ganglionnaires pelviennes
et lombo-aortiques et une dilatation urétérale.
15. Le TEP-TDM au 18 FDG est réalisé dans les formes localement avancées. Il permet la recherche
de métastases, en particulier ganglionnaires.
16. Le curage ganglionnaire pré-thérapeutique par laparoscopie est recommandé si le bilan d'exten­
sion est négatif.
17. Les principaux facteurs pronostiques sont: la taille de la tumeur, le degré d'invasion du chori­
on, l'extension aux paramètres ou au vagin, la présence d'emboles tumoraux lymphovasculaires, la
présence de métastases ganglionnaires.
18. Les formes localement avancées sont définies par une taille> 4 cm ou une atteinte du vagin
ou des paramètres ou la présence de métastases ganglionnaires. Elles sont traitées par radio­
chimiothérapie.

LJE 9 - ITEM 297 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN 179 ◄
POINTS CLÉS: CANCER DU CORPS

1. Cancer gynécologique le plus fréquent, le pic d'incidence se situe entre 60 et 70 ans.


2. Son principal facteur de risque est la surcharge pondérale.
3. Il est également favorisé par tous les facteurs associés à une exposition prolongée aux œstrogènes
endogènes (puberté précoce, ménopause tardive ...) ou exogènes.
4. Moins de 5 % des cancers de l'endomètre rentrent dans le cadre d'un cancer colique familial sans
polypose (HNPCC ou syndrome de Lynch).
5. Les critères pour rechercher dans la tumeur une perte d'expression des protéines du MMR en
immunohistochimie et une instabillité des séquences microsatellites en PCR sont l'âge <50 ans ou
la présence d'antécédents personnels ou familiaux (au premier degré) de cancer colorectal ou de
cancer(s) du spectre du syndrome de Lynch.
6. L'.adénocarcinome endométrioïde (type 1) est le plus fréquent (80 %) : il se caractérise par la dé­
pendance aux œstrogènes, le diagnostic habituel à un stade localisé et le bon pronostic.
7. Les carcinomes de type 2 regroupent les autres types histologiques (séreux, à cellules claires,
carcinosarcome). lis sont plus souvent diagnostiqués à un stade avancé et de plus mauvais pronostic.
8. Les (méno-) métrorragies sont les symptômes les plus fréquents.
9. L'.examen gynécologique est le plus souvent normal. Il permet de réaliser une biopsie de l'endo­
mètre (pipelle de Cornier ou canule de Novak).
1 O. L'.échographie pelvienne est l'examen de première intention. Elle montre très souvent une aug­
mentation de l'épaisseur de l'endomètre (> 5 mm chez la patiente ménopausée), signe très sensible
mais peu spécifique.
11. L'.hystéroscopie diagnostique sous anesthésie locale est l'examen fondamental pour la visualisa­
tion de la lésion tumorale et la réalisation de biopsies.
12. L'.IRM abdomino-pelvienne est systématique pour le bilan d'extension: elle permet de visualiser
la tumeur, d'apprécier le degré d'extension au myomètre, et de rechercher des adénopathies pel­
viennes ou lombo-aortiques.
13. Le scanner TAP est réalisé dans les types 2 histologiques ou en cas d'extension loco-régionale
ou ganglionnaire (stade Ill).
14. Le bilan général est essentiel pour évaluer la faisabilité des traitements dans le contexte de
femmes âgées, souvent en surcharge pondérale.
15. Les principaux facteurs pronostiques sont: l'âge élevé et la présence de comorbidités compro­
mettant une prise en charge optimale, le stade d'extension selon la classification FIGO qui prend en
compte le degré d'extension au myomètre (<ou > à 50 %), au col et aux ganglions, le type histolo­
gique 1 versus 2, le grade pour les types 1 et la présence d'emboles tumoraux lymphovasculaires.
16. À partir des caractéristiques histologiques (type 1 versus 2 et grade) et du stade FIGO, 5 catégo­
ries pronostiques ont été définies (risque faible, intermédiaire, intermédiaire fort, fort, avancé) qui
permettent d'orienter la thérapeutique.
17. Les tumeurs de faible risque (grade 1-2 avec envahissement du myomètre <50 %) sont guéries
dans 90 % des cas par la chirurgie seule.
18. La chirurgie est le traitement essentiel. Elle consiste au minimum en une hystérectomie totale
extrafasciale avec annexectomie bilatérale après exploration de la cavité abdominale.
19. La surveillance post-thérapeutique est principalement clinique: la réalisation de frottis ou d'exa­
men radiologique systématique n'est pas recommandée.

► 180 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN UE 9 - ITEM 297


UE9 ltem298
...... .. ...................

CHAPITRE ► Tumeurs du côlon et du rectum


>-----------------------------------------

Pr Thierry André', Pr Jaafar Bennouna2, Pr Nicolas Magné', Pr Yann Parc•, Pr Christophe Tournigand'
'Oncologie médicale, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris
'Oncologie médicale, Centre Hospitalier Universitaire, Nantes
'Radiothérapie, Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth, Saint Priest en Jarez
'Chirurgie digestive, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris
'Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil

1. Épidémiologie OBJECTIFS iECN


1.1. Épidémiologie descriptive � Tumeurs du côlon et du rectum
1.2. Épidémiologie analytique
- Diagnostiquer une tumeur du côlon et une tumeur
2. Anatomo-pathologie du rectum
2.1. Les tumeurs bénignes: les polypes colorectaux Planifier le suivi du patient
2.2. Les tumeurs malignes
3. Histoire naturelle des cancers colorectaux
4. Le diagnostic du cancer colorectal
4.1. Les circonstances de découverte
4.2. L'examen clinique Mots clés: Adénocarcinome lieberkühnien -
4.3. Les examens complémentaires Cancers sporadiques - Syndrome de Lynch -
4.4. Bilan d'extension et bilan pré-thérapeutique Polypose Adénomateuse Familiale - Dépistage
5. Traitement - Coloscopie - Scanner thoraco-abdomino-pelvien
5.1. Traitement des cancers colorectaux localisés (non - Radiothérapie - Chimiothérapie - Thérapeu-
métastatiques) tiques ciblées - Anti-angiogéniques - Anti-EGFR
5.2. Principes thérapeutiques des cancers colo­ - Chirurgie des métastases - Surveillance.
rectaux métastasés (stade IV)

1. Épidémiologie

1.1. Épidémiologie descriptive

• En 2015, le cancer colorectal (CCR) était le 3• cancer de l'homme diagnostiqué en France (après les cancers de
la prostate et du poumon) et le 2• chez la femme (après le cancer du sein). Tous sexes confondus, il est au 4•
rang des cancers les plus fréquents.
• Il y a eu 1,4 million de nouveaux cas de CCR dans le monde en 2012 (9,7 % du total des cancers incidents).
• 43 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués en France en 2015 (dont 55 % chez l'homme, sexe-ratio en
faveur d'une légère prédominance masculine): 11 % des cas incidents.
• Environ 35 % des CCR sont des tumeurs du rectum (défini comme une tumeur dont l'extrémité distale
est située à une distance :s 15 cm de la marge anale mesurée par rectosigmoïdoscopie rigide). Les can­
cers du côlon représentent 65 % des CCR (rapport 2/3 - 1/3 entre côlon gauche et côlon droit).
• Il a été responsable de 18 000 décès en France, 2• cause de mortalité par cancer en France (après le cancer
du poumon) : 12 % de la mortalité par cancer.

• Entre 1980 et 2005, l'incidence a augmenté (0,5 %/an chez l'homme et 0,3 %/an chez la femme). Entre 2005 et
2012, l'incidence a diminué, chez l'homme comme chez la femme, de 0,3 % par an en moyenne.
• Les taux de mortalité (standardisés à la population mondiale) diminuent depuis 20 ans. Sur la période 2005-2012,
la mortalité a diminué de 1,5 % par an en moyenne chez l'homme et de 1,1 % chez la femme.

LJE 9 - ITEM 298 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 181 ◄


• En 2012, l'âge médian au moment du diagnostic de CCR était de 71 ans chez l'homme et de 75 ans chez la femme
(10 % des cancers colorectaux sont identifiés avant 50 ans).
• Le taux de survie relative à 5 ans varie en fonction de la classification TNM:
- Stade I: 94 %
- Stade II: 80 % (après chirurgie)
- Stade III: 45 à 60 % après chirurgie seule (environ 75 % après chirurgie et chimiothérapie adjuvante).
- Stade IV: 10 %

1.2. Épidémiologie analytique


• Dans 85 % des cas, le CCR est d'origine sporadique. Il existe des formes familiales, 10 % sans anomalie génétique
identifiée et 5 % seulement avec une anomalie génétique déterminée (syndrome de Lynch, PAF).

1.2.1. L'âge

1.2.2. Antécédent familial ou personnel d'adénome ou de CCR


• Tout individu avec un antécédent familial de CCR a un risque relatif augmenté de CCR, égal à:
- 2,25 en cas d'antécédent familial au 1er degré de CCR;
- 4,25 en cas d'antécédents familiaux multiples au 1''degré;
- 3,87 si le cancer du cas index a été diagnostiqué avant l'âge de 45 ans;
- 2,25 si le cancer du cas index a été diagnostiqué entre 45 et 59 aris.
• Tout individu avec un antécédent familial d'adénome recto-colique de diamètre> 10 mm ou à contingence vil­
leuse (dans la fratrie ou chez les enfants) a un risque augmenté de CCR.
• Tout individu aux antécédents personnels de CCR ou d'adénome recto-colique de diamètre> 10 mm ou à contin­
gence villeuse a un risque augmenté de CCR.

1.2.3. Les syndromes héréditaires liés à une anomalie génétique


1.2.3.1. Le syndrome de Lynch
• Le syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer) est responsable
d'environ 3 à 4 % des CCR (forme la plus fréquente des cancers héréditaires).
• L'anomalie est exprimée sur les gènes des protéines de réparation des mésappariements (MMR, MisMatch Repair)
survenant lors de la réplication de l'ADN. Sa transmission est autosomique dominante par mutation constitution­
nelle d'un des gènes du système MMR (principalement MLHl et MSH2, plus rarement MSH6 ou PMS2).
• En cas de déficience du système MMR, des mutations somatiques s'accumulent favorisant le développement d'un
clone cellulaire tumoral. Ces erreurs ont été identifiées au niveau des microsatellites: séquences d'ADN formées
par une répétition continue de motifs composés de 1 à 4 nucléotides. Les tumeurs avec ce phénotype sont dites
MSI (Microsatellite Instability) ou deficient Mismatch Repair (dMMR).
• Le syndrome de Lynch se traduit par la formation de polypes dans la paroi du côlon, mais en nombre moindre
par comparaison à la Polyp ose Adénomateuse Familiale (PAF). Les polypes sont parfois plans et difficiles à voir
en coloscopie.
• Pour les personnes avec un syndrome de Lynch, le risque de développer un CCR au cours de la vie est de l'ordre de
70 % chez l'homme et d'environ 50 % chez la femme. Dans la majorité des cas, le cancer se développe au niveau
du côlon droit.

► 182 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM I UE 9 - ITEM 298


UE9 Item 298

• Le syndrome de Lynch prédispose à d'autres cancers (principalement endomètre, voies urinaires, intestin grêle
mais également ovaire, estomac, voies biliaires, pancréas, tumeurs cérébrales, adénomes sébacés et kérato-acan­
thomes, et de façon plus discutée cancer du sein).

Les indications de la réalisation d'un test pour rechercher la déficience du système Mismatch Repair (MMR)
par immunohistochimie (dMMR) ou par PCR (MSI) doivent être systématiques dans les situations suivantes
(recherche d'un syndrome HNPCC):
tout cancer du spectre diagnostiqué avant 60 ans;
<'. 2 cancers du spectre du syndrome de Lynch diagnostiqués chez un même individu;
<'. 1 cancer du spectre du syndrome de Lynch diagnostiqué chez deux individus apparentés au premier
degré avec 2 générations atteintes, et un cas avant 50 ans.
· · · · · · · · · · · · · · · · · - · · · - · · · · · · · · - · · · · · ·· · - · · · · · - -··· ······--------- ---------------------· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · - · - - · - - · - · · · · · - · - - · - - - - - - - - - - - - - ·······-------·'
'' '
: L'indication d'une consultation d'oncogénétique est retenue en cas de suspicion de syndrome de Lynch:
- 3 cas de CCR dans la même branche familiale, dont 1 avant 50 ans;
- malade ayant un antécédent personnel de cancer du spectre du syndrome de Lynch;
- CCR avant 40 ans (quel que soit le résultat du test MSI);
- cancer colorectal avec test MSI positif c'est-à-dire MSI en PCR ou dMMR en immunohistochimie.

• L'analyse d'une déficience du système Mismatch Repair (MMR) permet de sélectionner les patients auxquels il
est proposé une analyse génétique constitutionnelle. Deux méthodes sont disponibles pour déterminer le statut
MMR d'un cancer colorectal :
- l'immuno-histochimie, avec des anticorps spécifiques (MLHl, MSH2, PMS2 et MSH6) peut montrer une
perte d'expression protéique au niveau des cellules tumorales. L'absence d'expression de l'une de ces protéines
au niveau tumoral est fortement suggestive d'un statut Deficient Mismatch Repair (dMMR). En cas d'extinction
de MLHl, la recherche de la mutation BRAF V600E est recommandée. Sa présence signifie que le cancer est
sporadique, et donc le séquençage du gène MMR n'est pas nécessaire. En l'absence de la mutation BRAF V600E
ou d'emblée en cas d'extinction de MSH2 ou MSH6 un séquençage des gènes MMR peut être proposé.
- par technique de biologie moléculaire (PCR) après extraction d'ADN à partir de matériel tumoral. La
confirmation de la mutation germinale (propre à chaque famille) repose sur l'identification longue et délicate
de la mutation (séquençage des gènes MMR). Cette altération sera recherchée par une prise de sang. Si elle est
retrouvée, elle permettra de faire le diagnostic de syndrome de Lynch chez les apparentés.
• La surveillance d'un sujet avec syndrome de Lynch impose un suivi régulier et spécifique :
- coloscopie complète tous les 2 ans dès l'âge de 20 ans avec ch.romoendoscopie par indigo-carmin (pour
détecter les adénomes plans) ;
- pour les femmes atteintes du syndrome de Lynch, surveillance de l'endomètre dès l'âge de 30 ans avec
échographie endo-vaginale tous les 2 ans et prélèvements pour analyse anatomo-pathologique à la recherche
de cancer de l'endomètre.

1.2.3.2. La Polypose Adénomateuse Familiale (PAF)


• La polypose adénomateuse familiale (PAF) est une maladie héréditaire autosomique dominante liée à une muta­
tion du gène APC (5q2121 - q22) dont la pénétrance est quasi complète (la présence de la mutation entraîne quasi
constamment l'apparition du phénotype).
• Le risque de transmission à la descendance est de 50 % pour chaque enfant. La mutation génétique est variable
d'une famille à l'autre. La prévalence de la maladie est d'environ 1/10 000. La PAF est rare (1 % des cancers colo­
rectaux).
• La PAF est caractérisée par le développement de centaines ou de milliers d'adénomes colorectaux dès l'adoles­
cence, le plus souvent supérieurs à 100 lors de la première coloscopie. Individuellement, ces polypes ne sont pas
plus susceptibles de devenir cancéreux que les polypes observés chez une personne non atteinte de PAF. Cepen­
dant, en raison de leur nombre élevé, le risque que l'un d'entre eux devienne cancéreux s'accroît avec une dégéné­
rescence systématique à partir de 40 ans.

LJE 9 - ITEM 298 1 ÎUMEURS DU CÔLDN ET DU RECTUM 183 ◄


• Les tumeurs associées à la PAF sont :
- adénomes duodénaux et ampullaires à risque de dégénérescence (indication éventuelle d'une duodéno­
pancréatectomie céphalique) et polypes gastriques bénins;
- tumeurs desmoïdes dont la localisation est le plus souvent mésentérique. Elles sont bénignes mais leur
développement peut être à l'origine de complications loco-régionales;
- autres tumeurs non digestives: osseuses, du SNC, et de la thyroïde;
- autres: hyp ertrophie de l'épithélium de la rétine, anomalies dentaires, kystes sébacés.
• La surveillance des patients avec une PAF est définie :
- coloscopie avec chromoendoscopie par indigo-carmin et biopsies une fois par an à partir de la puberté ( 12 ans);
- chirurgie prophylactique (coloproctectomie totale avec anastomose colo-anale et réservoir) dès que le nombre
trop important de polypes empêche une surveillance efficace (vers 20 ans le plus souvent). En l'absence de
chirurgie prophylactique, le risque de développer un cancer avant l'âge de 40 ans est de 100 % ;
- surveillance endoscopique avec chromoendoscopie annuelle du réservoir (après anastomose iléo-anale tous les
2 ans et 1 fois par an en cas d'anastomose iléo-rectale)
- pour les autres tumeurs: fibroscopie œso-gastroduodénale annuelle ou tous les 2-3 ans.
1.2.3.3. Les autres polyposes
• Il existe une autre polyp ose familiale (moins de 5 % des polyposes), le syndrome MAP (MYH associated polypo­
sis). La transmission est autosomique récessive avec une pénétrance variable, en général de typ e « PAF atténuée ».
Compte tenu du mode de transmission, le risque de développer la maladie est de 25 % pour la fratrie et quasi nul
pour la descendance (le risque de transmission aux enfants est lié au risque que le conjoint soit porteur d'une
mutation mono-allélique, moins de 1 % de la population). Le nombre de polyp es est plus modéré, en général entre
10 et 100 polyp es.
• Les autres polyposes sont encore plus rares que la PAF, également à transmission dominante avec risque moins
important de cancer colorectal:
- le syndrome de Peutz-Jeghers (mutations du gène LKBl/STKll, polypes hamartomateux de l'intestin grêle et
du côlon, lentiginose péri-orificielle) ;
- la maladie de Cowden (mutations du gène PTEN, hamartomes de la peau, de la thyroïde, du côlon, de
l'endomètre);
- la polyp ose juvénile (mutations des gènes SMAD4 ou BMPRAl) ; les hamartomes colorectaux sont très
fréquents. Le risque cumulé de cancer colorectal est de l'ordre de 20 à 40 % ;
- la polyp ose hyperplasique ou mixte (gènes non identifiés); le risque de cancer colorectal tient aux contingents
adénomateux des polyp es hyp erplasiques ou aux adénomes associés.

1.2.4. Les antécédents personnels de maladie inflammatoire chronique de l'intestin (MICI)


1.2.4.1. La maladie de Crohn
• L'augmentation du risque de cancer colorectal apparaît après 10 ans d'évolution, souvent en cas d'atteinte colique
au-delà du sigmoïde. Le risque est d'autant plus élevé que la maladie de Crohn a été diagnostiquée précocement.

1.2.4.2. La rectocolite hémorragique


• De façon similaire, le risque de dégénérescence néoplasique survient après 10 ans d'évolution et il est d'autant plus
élevé que la maladie a commencé jeune.

1.2.5. Les facteurs de risque environnementaux


• La consommation d'alcool, le tabagisme, le surpoids, l'obésité, le diabète, la sédentarité, la consommation de
viande et de charcuterie sont décrits comme des facteurs de risque.

► 184 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM I LJE 9 - ITEM 298


UE9 Item 298
........ __________

1.2.6. Autre facteur de risque: l'acromégalie

3 niveaux de risque ont été définis pour le CCR:


- le risque modéré: risque de la population générale de plus de 50 ans.
le risque élevé: il correspond à des individus ayant:
► un antécédent personnel d'adénome;;::: 1 cm ou de CCR;
► un antécédent familial au 1 er degré de CCR ou d'adénome de plus de 10 mm de diamètre survenu
avant l'âge de 60 ans;
► une maladie inflammatoire chronique : RCH ou maladie de Crohn, particulièrement en cas de
pancolite;
► Acromégalie;
- le risque très élevé: individus aux antécédents familiaux de PAF ou de syndrome HNPCC et autres
polyposes.

2. Anatomo-pathologie

2.1. Les tumeurs bénignes : les polypes colorectaux


• Les polypes se développent dans la lumière intestinale. Certains d'entre eux correspondent à un stade pré­
cancéreux.
• Le polype peut être pédiculé, sessile ou plan (dans ce cas peu ou pas perceptible en endoscopie standard), de
nature bénigne ou maligne.

2.1.1. Différents types de polypes


• Il existe différents types de polyp es :
- des polypes qui ne dégénèrent jamais en CCR : il s'agit des polypes hyp erplasiques, hamartomateux et
inflammatoires. Les polyp es hyp erplasiques sont très fréquents (20 à 30 % des personnes de plus de 50 ans) ;
- des polypes avec un risque de dégénérescence en CCR :
► ce sont les polypes adénomateux, appelés aussi adénomes. Ils se développent à partir des glandes situées
dans la muqueuse du côlon et du rectum (les glandes de Lieberkühn). Ils représentent environ 70 % des
polypes et sont à l'origine de plus de 80 % des cancers colorectaux.
► les adénomes ont une incidence qui augmente avec l'âge (au moins un polype chez 30 % des sujets de
65 ans). Le sexe-ratio H/F est de 2. Un adénome bénin est par définition en dysplasie de bas grade. Un
adénome en dysplasie de haut grade est le stade qui précède le statut de carcinome in situ. Le risque de
cancérisation d'un adénome est globalement de 2,5 à 10 % suivant la taille.
► il existe trois sous-typ es histologiques (classification OMS) : l'adénome tubuleux, l'adénome tubulo­
villeux, et l'adénome villeux. L'adénome villeux (5 % des polyp es adénomateux) a le risque le plus élevé de
transformation cancéreuse (40 %), en particulier s'il est volumineux. L'adénome tubulo-villeux (20 % des
polypes adénomateux) présente à la fois des caractéristiques de l'adénome villeux et de l'adénome tubuleux
avec un risque intermédiaire de transformation cancéreuse entre l'adénome tubuleux et l'adénome villeux.
► l'adénome plan a été identifié récemment et correspond à une autre façon de caractériser un adénome. Il
s'agit d'une lésion très localisée ( < 1 cm de diamètre). Contrairement aux autres adénomes, l'adénome plan
ne se développe pas en relief sous forme de polyp e, mais plutôt à plat ( < 1,3 mm d'épaisseur). Les adénomes
plans présentent un risque plus important que les autres adénomes de se transformer en cancer.

LJE 9 - ITEM 298 1 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 185 ◄


Le risque de transformation cancéreuse d'un adénome dépend de plusieurs facteurs:
- la proportion du contingent villeux;
- la taille supérieure à 1 cm;
- le nombre: plus le nombre est élevé, plus la probabilité de transformation cancéreuse de l'un d'entre eux
augmente;
- polype à base d'implantation sessile ou plat.

2. 1.2. Prise en charge et surveillance des polypes co/orectaux


• Tout polype doit être retiré lors de la coloscopie par ablation à l'anse diathermique ou destruction à la pince
(polypes très petits). Les risques sont l'hémorragie et la perforation. Les polyp es pédiculés sont retirés par poly­
pectomie endoscopique. Les polyp es sessiles ou plans peuvent être retirés par mucosectomie (injection de sérum
salé entre la musculeuse et le polyp e).
• Si l'exérèse d'un polyp e n'est pas possible par voie endoscopique, l'exérèse chirurgicale (colectomie segmentaire)
est nécessaire.
• L'étude anatomo-pathologique systématique de la pièce de polypectomie est indispensable.
• Seuls les polypes adénomateux justifient une surveillance coloscopique :
- coloscopie à 3 ans si adénome de taille � à 1 cm ou plus de 3 polypes hyp erplasiques, et ou si dysplasie de haut
grade;
- en cas de coloscopie normale ou dans les autres cas sus-cités, contrôle à prévoir à 5 ans;
- après résection d'un adénome sessile de plus de 2 cm, un contrôle à 1 an s'impose;
- en cas de mauvaise préparation, de resection non mono-bloc, ou d'examen incomplet un contrôle rapproché
(0 - 3 mois) doit être programmé.

2.2. Les tumeurs malignes


• La très grande majorité des cancers colorectaux sont des adénocarcinomes :
- adénocarcinome lieberkühnien dans 80 % des cas;
- adénocarcinome mucineux ou colloïde muqueux.
• Le cancer se développe presque toujours à partir d'un adénome.
• Les autres variétés histologiques sont très rares (lymphome, tumeur stromale, tumeur neuro-endocrine, etc.) et
ne seront pas traitées dans ce chapitre.

3. Histoire naturelle des cancers colorectaux


• Les différentes étapes de l'histoire naturelle du cancer colorectal peuvent être résumées schématiquement :
- Phase d'initiation : dans 80 % des cas, le cancer colorectal se développe à partir d'un adénome colorectal. Les
lésions, d'abord de dysplasie de bas grade, évoluent vers une dysplasie de haut grade pour atteindre en 10 à 15
ans le stade de carcinome in situ (sans franchissement de la lame basale).
- Phase de progression locale : le franchissement de la musculaire muqueuse avec envahissement de la sous­
muqueuse colorectale correspond au stade de cancer invasif Tl. La progression en profondeur concerne
ensuite la musculeuse puis la séreuse (mésorectum pour le rectum) pour atteindre les organes de voisinage.
- L'invasion lymphatique débute par les premiers relais ganglionnaires au niveau paracolique. À un stade
avancé, la progression ganglionnaire peut dans certains cas atteindre le ganglion sus-claviculaire gauche
(ganglion de Troisier).
- Les métastases sont décrites principalement au niveau hépatique. Les autres organes concernés sont le
péritoine (et les ovaires chez la femme), les poumons, et plus rarement l'os et le cerveau. Pour le rectum,
les veines rectales supérieures se drainent dans le système porte, alors que les veines rectales moyennes et
inférieures se drainent dans le système cave : il y a donc possibilité pour les cancers du rectum d'une évolution
métastatique pulmonaire sans atteinte hépatique.
► 186 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM I LJE 9 - ITEM 298
UE9 ltem298
............ ............ ...
,.

CLASSIFICATION TNM 7• ÉDITION/AJCC-UICC 2009 1 STADETNM


1
Tis Carcinome in situ: envahissement de la muqueuse Stade o
Î1 Envahissement de la sous-muqueuse sans la dépasser pTisNoMo
Î2 Envahissement de la musculeuse sans la dépasser Stade 1
T3 Envahissement de la sous-séreuse± tissu péri-colique T1-T2N0Mo
T4a Envahissement du péritoine viscéral
T4b Envahissement des organes de voisinage Stade Il
T3T4N0Mo
N1 1 à 3 ganglions régionaux métastatiques
N1a 1 ganglion métastatique
N1b 2-3 ganglions métastatiques Stade Ill
N1c Nodules tumoraux dans la sous-séreuse (ou tissu péri-colique) Tous T N+ Mo
N2 4 ou plus ganglions régionaux métastatiques
N2a 4 à 6 ganglions métastatiques
N2b Plus de 7 ganglions métastatiques
M1 Métastases à distance
M1a Atteinte d'un seul organe Stade IV
Métastatique
M1b Atteinte péritonéale ou de plusieurs organes
Tous T tous N M+

4. Le diagnostic du cancer colorectal

4.1. Les circonstances de découverte


4.1.1. Découverte fortuite
• Le patient est asymptomatique. Le cancer colorectal est diagnostiqué lors d'un dépistage individuel par colosco­
pie (patient à risque élevé ou très élevé) ou dans le cadre du dépistage de masse en population générale (popula­
tion à risque modéré).
• En France, le dépistage de masse organisé utilise un test immunologique de recherche de sang dans les selles :
- le test immunologique repose sur la détection d'hémoglobine humaine dans les selles grâce à l'utilisation
d'anticorps monoclonaux ou polyclonaux, spécifiques de la partie globine de l'hémoglobine humaine.
- il est proposé tous les deux ans entre 50 et 74 ans, suivi d'une coloscopie en cas de positivité.
- la structure de gestion de ce dépistage encourage par courrier les sujets éligibles à consulter leur médecin
généraliste. Le patient peut également être directement sensibilisé par le médecin généraliste au test de
dépistage (sans courrier).
- ce dépistage nécessite 1 prélèvement de selle à domicile sur une plaquette (kit de dépistage) qui est adressée
par courrier à un laboratoire centralisé spécialisé.
- l'objectif du dépistage, si la participation de la population atteint 50 %, est de diminuer la mortalité par
CCRde20%.

LJE 9 - ITEM 298 1 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 187 ◄


- environ 4 à 5 % des tests sont positifs et conduisent à faire pratiquer une coloscopie.
- en cas de test positif, un adénome de taille supérieure à 1 cm ou un cancer (dans la plupart des cas de stade
précoce) est diagnostiqué par la coloscopie quatre fois sur dix.

4.1.2. Une anomalie biologique


• Anémie ferriprive par saignement digestif occulte (côlon droit surtout).

4.1.3. Des signes fonctionnels digestifs à l'interrogatoire


• Douleurs abdominales.
• Troubles du transit d'apparition récente ou modifications d'une symptomatologie ancienne avec alternance diar-
rhée/constipation.
• Rectorragies (côlon gauche) ou méléna (côlon droit).
• Syndrome rectal (cancer du rectum) avec épreintes et ténesmes.
• L'interrogatoire recherche aussi la date du dernier dépistage et les facteurs de risque : antécédent personnel ou
familial de polyp es, de cancer colorectal, antécédent personnel de MICI.

4.1.4. Des complications digestives


• Occlusion, perforation, péritonite.
• L'occlusion est plus fréquente au niveau des tumeurs du côlon gauche (petit diamètre, selles solides et développe­
ment d'une masse tumorale sténosante en virole).

4.2. L'examen clinique


4.2.1. Examen général
• Asthénie, anorexie, amaigrissement, parfois fièvre.
• Asthénie, pâleur cutanéo-muqueuse, et tachycardie peuvent s'intégrer dans le cadre d'un syndrome anémique.

4.2.2. Examen abdominal


• Recherche d'une masse palpable d'origine colique profonde, plus fréquente au niveau du côlon droit (plus grand
diamètre permettant le développement d'une masse ulcéra-bourgeonnante et selles liquides).
• Recherche d'une hépatomégalie (métastases).
• Recherche de signes de carcinose péritonéale (ascite, nodules péritonéaux).

4.2.3. Les touchers pelviens sont obligatoires


• Le toucher rectal est réalisé sur un rectum vide, en décubitus dorsal, cuisses fléchies ou en décubitus latéral gauche
ou en position génu-pectorale.
• Le toucher rectal évalue :
- la distance de la tumeur par rapport à la marge anale et à la sangle pubo-rectale, la taille de la tumeur mesurée
en cm ; si possible on mesure les 2 plus grands diamètres ;
- l'aspect macroscopique polyp oïde sessile, parfois pédiculé, ulcéré, ulcéra-bourgeonnant, ou purement
infiltrant ;
- la mobilité de la tumeur par rapport aux plans pariétaux profonds, une fixation pariétale (paroi pelvienne ou
organes pelviens antérieurs) évoquant un risque de résection R2, l'extension circonférentielle (les tumeurs
circonférentielles ont un pronostic plus défavorable) ;
- le TR peut également détecter l'existence de nodules indurés secondaires dans le méso-rectum.

► 188 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM UE 9 - ITEM 298


UE9 Item 298
........ __________

4.2.4. Examen ganglionnaire


• Adénopathie sus-claviculaire gauche (Troisier).

4.2.5. Autres points d'appel clinique


• Poumon, os (plus rares).

4.3. Les examens complémentaires


• Diagnostic positif:
- Coloscopie totale (Figure 1) avec biopsies multiples de la masse suspecte et résection des polypes visualisés
pour analyse histologique (bilan d'hémostase au préalable, arrêt des anticoagulants/antiagrégants).
- Le patient est informé des modalités pratiques de la coloscopie et de ses risques. La préparation colique
préalable associe régime sans résidu et laxatifs osmotiques per os (PEG).
- Le diagnostic de certitude est histologique : adénocarcinome lieberkühnien dans la majorité des cas.
- Le calo-scanner (scanner hélicoïdal avec remplissage par du CO 2 du côlon après insufflation au niveau du
rectum et reconstruction 3D des images) est proposé en cas de tumeur obstructive ne laissant pas passer le
coloscope. Il permet la recherche de lésions synchrones du rectum et du côlon (polype ou cancer synchrone),
mais la biopsie n'est pas possible.

Figure 1. Lésion ulcéra-bourgeonnante et sténosante du côlon droit, en lobe d'oreille,


spontanément hémorragique, très fortement suspecte de cancer; biopsies
(Image fournie par le Pr E. Coron, Service d'hépato-gastro-entérologie - CHU Nantes}

4.4. Bilan d'extension et bilan pré-thérapeutique


4.4.1. Dans tous les cas
• Réalisation d'un scanner thoraco-abdomino-pelvien, sans et avec injection de produit de contraste iodé, à la
recherche de métastases (sites principaux: foie, poumon et péritoine).
• Les autres examens sont déterminés par les signes d'appel clinique : le TEP-TDM n'est indiqué qu'en cas de
suspicion d'évolution métastatique (ex: élévation de !'ACE) avec un scanner thoraco-abdomino-pelvien normal.

UE 9 - ITEM 298 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 189 ◄


• Bilan biologique: dosage de l'antigène carcino-embryonnaire (ACE) en pré-opératoire, recommandé mais non
obligatoire, avec une valeur pronostique et un intérêt pour le suivi.
• Bilan hépatique complet, NFS-plaquettes, ionogramme sanguin, urée et créatinine sanguines.
• Bilan nutritionnel pré-thérapeutique, bilan gériatrique le cas échéant.

4.4.2. Bilan d'extension spécifique au cancer rectal

Le siège de la tumeur est défini à partir de son extrémité inférieure (bas rectum : 0 à 5 cm de la marge anale ou à
2 cm ou moins du bord supérieur du sphincter; moyen rectum:> 5 à 10 cm de la marge anale ou de> 2 à 7 cm du
bord supérieur du sphincter; haut rectum> 10 à 15 cm de la marge anale ou à plus de 7 cm du bord supérieur du
sphincter (Figure 2).

Figure 2. Anatomie du rectum

sigmoïde

Haut
rectum

Moyen
rectum point de réflexion péritonéale

fascia recti
muscle releveurs de
Bas �f�Ïrectum
rectum
colonnes de Morgani
sphincter externe

sphincter interne
canal anal
marge anale

• IRM pelvienne, systématique pour les grosses tumeurs :


- elle est réalisée en séquence T2 et Tl en saturation de graisse, avec et sans injection de gadolinium;
- c'est un examen indispensable pour les tumeurs circonférentielles, sténosantes, suspectes d'être T3 ou T4;
- elle évalue les caractéristiques de la tumeur rectale (siège, dimension, localisation exacte par rapport au
sphincter anal);
- et permet le bilan d'extension loco-régionale:
► extension de la tumeur dans la paroi rectale et le mésorectum, envahissement des organes de voisinage;
► évaluation de la marge latérale : distance la plus courte entre tumeur et fascia recti (limite externe du
mésorectum);
► évaluation de la marge distale: distance entre le pôle inférieur de la masse rectale et la ligne ilio-pectinée;
► visualisation d'éventuelles adénopathies de voisinage (mais faible spécificité et nombreux faux positifs).
• L'écho-endoscopie rectale permet un bilan d'extension précis:
- en particulier pour les tumeurs limitées à la paroi rectale (Tl et T2). Elle utilise une classification usTN dérivée
du TNM;
- elle évalue le degré d'envahissement de la paroi rectale (usî) et le statut ganglionnaire.

► 190 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM UE 9 - ITEM 298


;
UE9 ltem298
.. .. .. ___________ . . .

5. Traitement
5.1. Traitement des cancers colorectaux localisés (non métastatiques)

5.1.1. Traitement endoscopique des petites lésions (in situ et T1)


• La résection endoscopique pour les cancers in situ (intra-muqueux) peut être un traitement suffisant
• Pour les cancers Tl (sous-muqueux), la résection endoscopique est suffisante en cas d'envahissement sous­
muqueux superficiel et si les limites de résection sont saines.

5.1.2. Critères d'opérabilité et de résécabilité des CCR


• Le bilan de la consultation d'anesthésie conditionne l'opérabilité.
• L'extension locale (T) et métastatique (M) conditionne la résécabilité:
- absence de lésion métastatique (MO): résection première de la tumeur primitive.
NB: Une contre-indication est si un envahissement des organes de voisinage empêche une résection en bloc
de typ e RO du cancer et des organes et structures envahies. Une chimiothérapie pré-opératoire peut dans ce cas
être discutée dont l'objectif est la diminution du volume tumoral pour rendre résécable la lésion.

5.1.3. Traitement chirurgical des cancers du côlon (technique chirurgicale)

5.1.3.1. Principe
• Voie d'abord: laparotomie médiane ou cœlioscopie.
• Exploration de la cavité abdominale et prélèvements des lésions suspectes (nodules péritonéaux, ascite ...). Une
échographie per-opératoire peut être pratiquée en cas de doute sur des métastases hépatiques.
• Exérèse de la tumeur primitive avec une marge distale et proximale d'au minimum 5 cm. L'exérèse est monobloc
(avec méso-côlon attenant); avec curage ganglionnaire (au moins 12 ganglions) après ligature première des vais­
seaux.
• L'exérèse chirurgicale doit être monobloc, enlevant la tumeur et son extension locale.
• Les types de résection sont :
- côlon droit: hémi-colectomie droite, curage ganglionnaire et rétablissement de la continuité par anastomose
iléo-transverse;
- sigmoïde et côlon gauche : colectomie segmentaire ou hémi-colectomie gauche, curage ganglionnaire et
rétablissement de la continuité par anastomose colorectale;
- jonction recto-sigmoïdienne: résection recto-sigmoïdienne avec marges de 5 cm en amont et en aval, curage
ganglionnaire avec anastomose colorectale;
- pour les cancers du côlon sur syndrome de Lynch (syndrome HNPCC) et les polyposes, décision d'expert.
5.1.3.2. Traitement chirurgical des CCR compliqués
• En cas d'occlusion: l'intervention est une colostomie première, faite le plus près possible en amont de la tumeur,
suivie après 8-15 jours d'une résection avec anastomose emmenant la colostomie. La mise en place d'une prothèse
colique n'est à envisager qu'en cas de situation très palliative et doit être évitée en situation curative.
• En cas de perforation ou de péritonite : l'intervention est une colectomie carcinologique sans rétablir la conti­
nuité digestive avec double stomie (une d'amont et une d'aval avec rétablissement de la continuité digestive dans
un deuxième temps). Quand l'extrémité distale (moyen/ bas rectum) ne peut être abouchée à la peau, une inter­
vention de Hartmann est réalisée (segment rectal, en général haut rectum obturé et laissé dans le ventre). L'alter­
native, en l'absence de péritonite est une résection segmentaire avec anastomose en un temps ou une colectomie
subtotale ou totale avec anastomose iléo-sigmoïdienne ou iléo-rectale.

LJE 9 - ITEM 298 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 191 ◄


5.2.2.2. Chimiothérapie et thérapie ciblées
• La chimiothérapie :
- le médicament de référence est le SFU. Son équivalent oral est la capécitabine (prodrogue du SFU). L'acide
folinique (vitamine B9) augmente l'efficacité du SFU.
- les protocoles de chimiothérapie utilisés sont:
► FOLFIRI: SFU, acide folinique et irinotécan;
► FOLFOX: SFU, acide folinique et oxaliplatine;
► CAPOX: capécitabine plus oxaliplatine.
• Les thérapies ciblées :
- les anti-angiogéniques, qui bloquent la formation de nouveaux vaisseaux dans et autour de la tumeur
(bévacizumab, aflibercept et régorafénib);
- les anticorps anti récepteurs de l'Epidermal Growth Factor (EGFR) : ils ralentissent la prolifération tumorale
(cétuximab et panitumumab). La recherche d'une mutation dans la tumeur des gènes KRAS et NRAS permet
de prédire la non réponse à ces traitements. L'indication est réservée aux patients avec une tumeur KRAS et
NRAS sauvages (gènes non mutés);
- L'utilisation des thérapies ciblées associées aux chimiothérapies (stratégies avec plusieurs lignes) permet
d'obtenir des médianes de survie de 25 à 30 mois chez les patients avec métastases non résécables.
- Le phénotype MSI/dMMR a émergé comme un facteur prédictif majeur de l'efficacité des inhibiteurs de
checkpoints immunitaires (anticorps anti-PDl/PDLl et anti CTLA4), qui n'ont pas encore d'autorisation de
mise sur le marché dans cette indication en janvier 2019.

► Références
• Épidémiologie des cancers - données INCa (www.e-cancer.fr)
• Cancer calo-rectal (http://www.has-sante.fr/)
• Dépistage et prévention du cancer calo-rectal Dépistage et prévention du cancer calo-rectal (http://www.proinfoscancer.org/sites/
default/files/2013-06_2013)
• Thésaurus National de Cancérologie digestive (TNCD)

► 194 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM LJE 9 - ITEM 298


UE9 Item 298 1
........ __________ . �. .. . . . . �.

POINTS CLÉS

1. En France, tous sexes confondus, le CCR est le 4• cancer le plus fréquent (42 000 nouveaux cas/an)
après les cancers du sein, de la prostate et du poumon.
2. Le CCR est sporadique dans 85 % des cas. Les formes familiales avec antécédents familiaux au
premier degré r:i'ont pas d'anomalie génétique identifiée dans 10 % des cas; les 5 % restants corres­
pondent au syndrome de Lynch et à la polypose adénomateuse familiale (PAF).
3. Les polypes adénomateux ou adénomes sont à l'origine de 80 % des CCR.
4. Le dépistage dans la population générale (risque modéré) est indiqué entre 50 et 74 ans: utilisa­
tion d'un test immunologique de recherche de sang dans les selles pratiqué tous les 2 ans.
5. Le risque élevé (15 à 20 % de la population générale) correspond à des individus avec un antécé­
dent personnel (adénome hyperplasique � 1 cm ou CCR), ou un antécédent familial au 1er degré (CCR
ou adénome de plus de 10 mm avant 60 ans), ou une maladie inflammatoire chronique (Crohn, RCH)
et l'acromégalie. La coloscopie est l'examen de référence.
6. Le risque très élevé correspond aux individus atteints de PAF (1 % des CCR) ou de syndrome de
Lynch, (3 à 4 % des CCR).
7. Une consultation d'onco-génétique est indiquée en cas de suspicion de syndrome de Lynch:
3 cas de CCR dans la même branche familiale, dont un avant 50 ans, antécédent personnel de cancer
du spectre Lynch, CCR avant l'âge de 40 ans, CCR avec test MSI positif (MSI en PCR et ou dMMR en
immunohistochimie).
8. Les circonstances de découverte d'un CCR sont: fortuites (dépistage), lors d'une anomalie biolo­
gique (anémie ferriprive}, à la suite de signes fonctionnes digestifs (douleurs abdominales, troubles
du transit, méléna, rectorragies, épreintes, ténesmes) ou de complications digestives (occlusion, per­
foration, péritonite).
9. La coloscopie avec biopsies permet le diagnostic de certitude du CCR.
1 O. Le bilan d'extension métastatique comporte essentiellement un scanner thoraco-abdomino­
pelvien (foie, péritoine, poumon).
11. Dans les cancers du moyen et du bas rectum, le bilan d'extension loco-régional pré-thérapeu­
tique comporte une écho-endoscopie rectale (surtout pour les petites tumeurs Tl, T2) et une IRM
pelvienne (surtout pour les tumeurs T3, T4).
12. Les CCR de stade 1 (Tl ou T2, NO) sont le plus souvent guéris par résection endoscopique ou
chirurgicale.
13. Les tumeurs de stade Il (T3 ou T4, NO) sont guéries dans 80 % des cas par la chirurgie seule et la
chimiothérapie adjuvante n'est pas consensuelle et doit être discutée en cas de facteurs de risque
de rechute.
14. Les tumeurs de stade Ill (N+) rechutent dans environ 50 % après chirurgie de la tumeur primitive.
L'indication d'une chimiothérapie adjuvante par fluropyrimidines et oxaliplatine doit être retenue.
15. Les tumeurs de stade IV (M+) ont des survies d'environ 10 % à 5 ans.
16. Malgré le progrès des chimiothérapies et les thérapies ciblées, seule la résection chirurgicale des
métastases peut parfois guérir les patients. Elle devra toujours être discutée en réunion de concer­
tation pluridisciplinaire.
17. En situation métastatique, et quand les métastases ne peuvent être reséquées, l'utilisation de
thérapies ciblées (anti-angiogéniques, anticorps anti récepteurs de l'Epidermal Growth Factor, EGFR)
associées aux chimiothérapies (fluoropyrimidines, oxaliplatine et/ou irinotécan) permet d'obtenir,
avec des stratégies comprenant plusieurs lignes, des médianes de survie de 25 à 30 mois chez des
patients avec métastases non résécables.

LJE 9 - ITEM 298 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 195 ◄


LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Le dépistage de masse (population à risque modérée) et le dépistage individuel (population à


risques élevé et très élevé) répondent à des situations cliniques précises et définies.
2. Les adénomes (ou polypes adénomateux) ont un risque de dégénérescence en CCR, et en
particulier la composante villeuse. Les polypes hyperplasiques ne dégénèrent jamais.
3. Les cancers du rectum peuvent être à l'origine de métastases pulmonaires sans métastases
hépatiques.
4. Le TEP-TOM n'est indiqué qu'en cas de suspicion d'évolution métastatique (ex: élévation de
l'ACE) avec un scanner thoraco-abdomino-pelvien normal.
5. La chirurgie des métastases doit toujours être discutée en réunion de concertation pluridisci­
plinaire.

► 196 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM LJE 9 - ITEM 298


UE9 Item 299
...... .. ...................

CHAPITRE
►-----T_u_m_e _ u_r_s_c_u_ta_n_ e_e_' se__ 'p_it_h_éi_l a__ les_ ___
e tmél aniques
Dr Luca Campedel', Pr Bernard Dubray2, Dr Émilie Andrieu', Dr Luis Teixeira•
'Sénopôle Saint Louis, Hôpital Saint Louis, AP-HP, Paris
'Département de Radiothérapie et Physique Médicale, Centre Henri-Becquerel, Rouen
'Département de Dermatologie, Hôpital Charles Nicolle, Rouen
•Sénopôle Saint Louis, Service d'Oncologie Médicale, Hôpital Saint Louis. AP-HP, Paris

............................................................................................................................................................
... ...
. .
[ 1. Tumeurs épithéliales bénignes à HPV 3.3. Facteurs de risque (
[ 1.1. Définition 3.4. Évolution, pronostic (
1.2. Épidémiologie 3.5. Diagnostics différentiels
1.3. Physiopathologie, histoire naturelle 3.6. Approches thérapeutiques
1.4. Diagnostic 3.7. Suivi
1.5. Évolution, pronostic 4. Tumeurs mélaniques malignes: mélanomes
1.6. Diagnostics différentiels 4.1. Définition
1.7. Approches thérapeutiques 4.2. Épidémiologie
1.8. Suivi 4.3. Physiopathologie, histoire naturelle
2. Carcinomes cutanés 4.4. Diagnostic
2.1. Carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires 4.5. Facteurs de risque
2.2. Carcinomes basocellulaires 4.6. Évolution, pronostic
3. Tumeurs mélaniques bénignes: naevus 4.7. Diagnostics différentiels
3.1. Physiopathologie 4.8. Approches thérapeutiques
3.2. Formes cliniques 4.9. Suivi et prévention

OBJECTIFS iECN
-+ Tumeurs cutanées, épithéliales et mélaniques Mots clés: Carcinome - Tumeurs cutanées -
- Diagnostiquer une tumeur cutanée, épithéliale ou Nëevus - Mélanome - UV - HPV- Braf- Ras -
mélanique. Immunothérapie.
- Planifier le suivi du patient.

• La plupart des tumeurs cutanées se développent aux dépens des kératinocytes et des mélanocytes de l'épiderme.
Seules seront abordées dans cet item les tumeurs épithéliales bénignes (verrues à HPV) et malignes (carcinome
épidermoïde et basocellulaire cutanés) et les tumeurs mélanocytaires bénignes (nœvus) et malignes (mélanome).
• Toutes ces tumeurs, saufles verrues à HPV, partagent un facteur de risque commun, l'exposition au rayonnement
ultraviolet (UV).
• Pour ce qui est des tumeurs malignes, les tumeurs épithéliales sont de loin les plus fréquentes, le cancer basocel­
lulaire de la peau étant même la tumeur humaine la plus fréquente, et en général de bon pronostic. À l'inverse, le
mélanome, quand il devient métastatique, a un pronostic très sombre, même si les nouvelles thérapies ont révo­
lutionné son pronostic.

Pour comprendre: les UV sont définis en UV A/B/C en fonction de leur longueur d'onde (de la plus longue à
la plus courte, de A à C). Via des mécanismes différents, directs ou indirects, ces trois types d'UV peuvent être
responsables de lésions cutanées bénignes ou malignes liées à la photoexposition. Ils ne seront donc pas
différenciés par la suite.

LJE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 197 ◄


1. Tumeurs épithéliales bénignes à HPV («verrues»)
1.1. Définition
• Elles correspondent aux lésions dues à HPV (Human papillomavirus) dont il existe plus de 120 génotypes diffé­
rents.
1.2. Épidémiologie
• Elles touchent environ 10 % de la population générale et sont plus fréquentes en cas d'immunodépression au long
cours (greffes d'organe).

1.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• La transmission virale se fait par contact direct. Les HPV infectent les kératinocytes de la couche basale, qui se
transforment en koïlocytes, après rupture de la barrière cutanée lors d'un micro-traumatisme local. Les HPV ont
un tropisme exclusif pour les épithéliums malpighiens, dont l'épithélium cutané.

1.4. Diagnostic
• Le diagnostic est clinique et il n'est en aucun cas nécessaire de réaliser une biopsie en cas de lésion typ ique.
• Il existe différents types de verrues :
- les verrues plantaires : on distingue :
► la myrmécie liée à HPVl, la plus fréquente, profonde, douloureuse spontanément et à la pression,
circonscrite par un anneau kératosique dont la surface de la zone centrale est le siège de micro-hémorragies
(ponctuations noirâtres), généralement unique ou peu nombreuses;
► ou la verrue en mosaïque, liée à HPV2, superficielle, moins fréquente et non douloureuse, formée de
multiples verrues regroupées en un placard kératosique. La coexistence de ces deux types de lésions est
exceptionnelle.
- les verrues vulgaires : uniques ou multiples, infracentimétriques, sous forme d'élevures hémisphériques ou
aplaties avec saillies villeuses kératosiques, situées le plus souvent sur la face dorsale des mains et des doigts et
dues à HPV2. L'atteinte péri-unguéale ou sous-unguéale entraîne des douleurs et une dystrophie unguéale;
- les verrues planes communes, dues à HPV3, sous forme de papules roses, jaunes, brunes ou chamois, à surface
lisse, siégeant le plus souvent sur le visage, mais aussi sur le dos des mains et sur les membres.

1.5. Évolution, pronostic


• Les verrues à HPV peuvent persister plusieurs années, mais, dans la plupart des cas, elles disparaissent spontané­
ment en un à deux ans. Les récidives sont fréquentes, en raison de l'auto-inoculation.

1.6. Diagnostics différentiels


• Les principaux diagnostics différentiels à évoquer sont :
- durillon, également appelé « cor », qui est un épaississement de la couche superficielle de la peau lié aux
frottements, qui contrairement aux verrues garde l'aspect de la peau avoisinante (architecture en lignes
cutanées) ;
- cicatrice fibreuse;
- granulome secondaire à l'inclusion de corps étrangers, soit exogènes (talc, fil de suture ...), soit endogènes
(tophus goutteux ...) dans l'épiderme et d'aspect nodulaire. Au moindre doute, la biopsie avec analyse anatomo­
pathologique fera le diagnostic (granulome hyp erbasophile à cellules géantes);
- une autre tumeur cutanée bénigne ou maligne ; le diagnostic doit être formel et reposera sur la biopsie au
moindre doute.

► 198 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES I LJE 9 - ITEM 299


UE9 ltem299
� .... .. ....................

1.7. Approches thérapeutiques

Il n'existe pas de moyen d'éradiquer le virus HPV. Les papillomavirus humains (HPV) sont retrouvés de façon
ubiquitaire dans les tissus épithéliaux humains.

• Le traitement est celui de la lésion et doit dans tous les cas éviter d'être trop agressif, en particulier chez les enfants.
• En cas de persistance des lésions, on peut envisager différents traitements :
- destruction chimique par kératolytiques, simple et non douloureuse ;
- cryothérapie ;
- laser CO 2 •
• Le traitement préventif comprend l'éviction des situations à risque (salles de sport, douches communes ...) et les
soins d'hygiène dans les familles dont un membre est atteint.
1.8. Suivi
• Pour les patients immunodéprimés, une surveillance dermatologique annuelle est préconisée.

2. Carcinomes cutanés
• Les cancers épithéliaux de la peau se développent à partir des kératinocytes de l'épiderme. Ce sont les cancers les
plus fréquents dans les deux sexes (homme> femme). Ils surviennent préférentiellement chez les sujets de plus de
60 ans (l'âge étant un facteur de risque) et sur les zones exposées au soleil, qui est le principal facteur étiologique.
Ils représentent 90 % des cancers cutanés.

2.1. Carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires

2.1.1. Définition
• Les carcinomes épidermoïdes correspondent à une prolifération de cellules kératinocytaires de grande taille, orga­
nisées en lobules ou en travées, de disposition anarchique.

2.1.2. Épidémiologie
• Les carcinomes épidermoïdes apparaissent le plus souvent après 60 ans. L'âge moyen de découverte est de 76 ans.
L'incidence annuelle en France est estimée à 30/100 000 dans la population générale. La prise en charge est sou­
vent complexe du fait des comorbidités, de la présence de troubles cognitifs et de l'isolement social de patients très
âgés (fréquence des lésions négligées).

2.1.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• La plupart du temps, le carcinome épidermoïde se développe à partir d'une lésion précancéreuse cutanée ou
muqueuse qui, elle-même, va se transformer en carcinome non invasif ne franchissant pas la membrane basale
(carcinome intra-épithélial, intra-épidermique, in situ ou maladie de Bowen).

2.1.3.1. Lésion précancéreuse cutanée


• La kératose actinique se développe sur les zones photoexposées (front, tempes, scalp chauve, pavillon des oreilles,
dos des mains et des bras). Elle correspond à des lésions squameuses ou croûteuses multiples mal limitées, par­
fois érythémateuses et micro-ulcérées, ou de fines rugosités à la palpation saignant facilement après grattage.
L'évolution peut se faire selon trois modalités: la disparition spontanée, la persistance ou la progression vers un
carcinome épidermoïde cutané. Dix à 25 % des kératoses actiniques se transforment en carcinome in situ, puis en
cancer infiltrant. La présence de kératose actinique est un facteur de risque de cancer cutané.
• Les signes de cancérisation sont l'apparition d'un bourrelet induré, d'une ulcération, d'une rougeur exces­
sive, ou d'une kératinisation en corne. Toute modification d'une kératose actinique impose une biopsie ou l'exé­
rèse chirurgicale.
UE 9 - ITEM 299 i ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 199 ◄
2.1.3.2. Lésion précancéreuse muqueuse
• Les leucoplasies sont des lésions blanchâtres bien limitées, asymptomatiques, adhérentes et ne saignant pas au
contact. Elles correspondent à une kératinisation de la muqueuse, en particulier labiale, due au tabac et aux UV.

2.1.3.3. Maladie de Bowen


• La maladie de Bowen est un carcinome épidermoïde intra-épithélial (in situ).
• L'aspect est celui d'une plaque rouge, bien limitée, à contours nets et irréguliers, recouverte de fines squames.
La lésion s'élargit lentement. Les localisations sont multiples dans un tiers des cas et peuvent être cutanées ou
muqueuses (vulve et gland). La fréquence de la progression vers un carcinome épidermoïde cutané n'est pas
connue avec précision.

2.1.4. Diagnostic
• Les carcinomes épidermoïdes siègent préférentiellement au niveau des zones photo-exposées (tête, cou, dos des
mains et des bras). Un examen clinique de l'ensemble du revêtement cutané est cependant indispensable à la
recherche d'autres lésions cancéreuses ou précancéreuses, en particulier chez les patients immunodéprimés.
• L'aspect est celui d'une tumeur bourgeonnante, indurée, saignant facilement, avec un centre ulcéré recouvert
de croûtes (Figure 1) mais la lésion peut également être végétante ou bourgeonnante. En cas de kératose ou de
maladie de Bowen préexistante, la survenue d'un cancer épidermoïde est suspectée devant une ulcération, une
surélévation, une induration ou un saignement.
• Dans tous les cas, une analyse anatomo-pathologique est indispensable au diagnostic.

Figure 1. Carcinome épidermoïde ulcéré

2.1.5. Facteurs de risque


• Le principal facteur de risque est la dose d'UV reçue au cours de la vie, avoc comme facteur de risque un phototype
cutané clair.
• Dans certains cas, le développement de carcinomes épidermoïdes des muqueuses peut être lié à HPV (col de l'uté­
rus, organes génitaux externes masculins et féminins, anus, oropharynx).
• Il existe d'autres facteurs de risque comme !'immunodépression, certaines maladies génétiques, certaines maladies
inflammatoires, les plaies chroniques, certains carcinogènes chimiques (arsenic...).

► 200 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES I LJE 9 - ITEM 299


:
UE9 ltem299
.. 4, .. .. ................... - - -- ---- -- -- ---- -

Pour comprendre: la classification des phototypes de Fitzpatrick, qui ne sera pas détaillée, définit 6 types de
phototypes, le type 1 le plus clair correspondant à un individu qui ne bronze pas, attrape systématiquement
des coups de soleil, a la peau très claire avec des taches de rousseur et des cheveux blonds ou roux.

2.1.6. Évolution, pronostic


• L'évolution peut se faire:
- par voie locale(infiltration);
- par voie ganglionnaire, ce qui implique un examen systématique (clinique, échographie ou scanner) des aires
ganglionnaires;
- par voie hématogène et donner des métastases à distance vers d'autres organes, plus fréquemment dans le cas
des carcinomes épidermoïdes muqueux.
• Il existe également tin risque de récidive locale après traitement à visée curative.
• Les facteurs de risque d'évolution péjorative sont:
- les localisations péri-orificielles, les lésions multiples, la survenue sur cicatrice (radiodermite, brûlures), le
développement sur ulcère(insuffisance veineuse des membres inférieurs) et l'inflammation chronique;
- les localisations à haut risque: localisations péri-orificielles du visage, la survenue sur cicatrice(radiodermite,
brûlures), le développement sur ulcère(insuffisance veineuse des membres inférieurs);
- les lésions multiples;
- la taille> 2 cm(> 1 cm pour les zones péri-orificielles);
- l'infiltration en profondeur avec adhérence au plan profond;
- la présence de signes neurologiques d'invasion pour les carcinomes épidermoïdes cutanés de la face;
- la récidive locale d'un cancer déjà traité;
- !'immunodépression chronique(greffe d'organe);
- le sous-type histologique desmoplastique, muco-épidermoïde ou acantholytique;
- le degré de différenciation cytologique;
- l'épaisseur de la tumeur et la profondeur(l'épaisseur> 3 mm);
- l'invasion péri-nerveuse.

2.1.7. Diagnostics différentiels


• Ils sont représentés par les autres tumeurs cutanées et la kératose actinique. Au moindre doute, une biopsie sera
réalisée.

2.1.8. Approches thérapeutiques


• Le bilan d'extension est avant tout clinique, en particulier à la recherche d'autres carcinomes associés et d'adé­
nopathie dans le territoire de drainage. En cas de présence de facteurs de risque, une échographie du territoire
de drainage peut être demandée. Un bilan d'extension radiologique plus complet ne sera demandé qu'en cas
d'atteinte ganglionnaire avérée.
• En cas d'adénopathie suspecte, une confirmation histologique est nécessaire.
• Les décisions thérapeutiques sont validées en RCP, idéalement complétée par une consultation conjointe (der­
matologue, chirurgien, oncologue radiothérapeute). Dans tous les cas, l'information du patient doit précéder la
prise en charge.

2.1.8.1. Au stade localisé


• La prise en charge est avant tout chirurgicale, d'emblée si le diagnostic est évident, ou après confirmation par
biopsie dans les autres cas.

LJE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 201 ◄


• L'exérèse doit être complète avec des marges périphériques dépendant de la présence de facteurs de risque (4 à
6 mm en l'absence de facteur de risque,> 6 mm dans le cas contraire), et atteignant l'hyp oderme en profondeur.
En cas de marges atteintes sur l'examen anatomo-pathologique, une reprise chirurgicale est indiquée. Une radio­
thérapie post-opératoire est proposée lorsque la reprise chirurgicale est impossible, ou trop mutilante, ainsi qu'en
cas de lésion récidivante.
• En l'absence de chirurgie (maladie inextirpable, conséquence esthétique ou fonctionnelle, contre-indication à
l'anesthésie, comorbidités, refus du patient), une biopsie de confirmation diagnostique est indispensable. On peut
alors proposer
- une chimiothérapie de réduction tumorale à base de sels de platine ;
- une radiothérapie externe ou par curiethérapie interstitielle à visée curative ou palliative.
2.1.8.2. Au stade métastatique
• Dans le cas des métastases en transit de proximité, une prise en charge curative chirurgicale éventuellement asso­
ciée à une radiothérapie adjuvante peut être envisagée.
• En cas d'atteinte ganglionnaire, un curage est indiqué, plus ou moins associé à une radiothérapie complémentaire.
• Le traitement sera, dans tous les cas, discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire et pourra reposer sur la
chimiothérapie, la radiothérapie ou les thérapies ciblées (anti-EGFR).

2.1.9. Suivi et prévention


• La majorité des patients traités pour un carcinome épidermoïde cutané localisé est guérie par le traitement.
• Le suivi repose sur un examen clinique annuel pendant au moins 5 ans à la recherche de récidive ou de nouveau
cancer cutané (risque> 50 %). Les patients immunodéprimés sont suivis à vie. Les lésions pré-cancéreuses dépis­
tées (kératose actinique...) doivent être traitées.
• Le dépistage systématique dans la population générale n'a pas fait la preuve de la réduction de la morbidité ou de
la mortalité.
• Pour les patients traités ayant des facteurs de risque de récidive ganglionnaire, une échographie de la zone de
drainage peut être recommandée (pas de consensus). Les autres examens d'imagerie ne se feront que sur signes
d'appel.
• Chez les sujets à risque (phototyp e clair, exposition solaire cumulée élevée, sujets immunodéprimés, antécédent
personnel de cancer cutané...), le dépistage, réalisable lors de toute consultation médicale, est recommandé après
50 ans, au moins sur un rythme annuel. L'auto-examen doit être enseigné.
• La prévention doit être enseignée à tous et repose sur la diminution de l'exposition solaire, la photoprotection
(surtout la protection vestimentaire, moins sur les produits de protection solaire) en particulier pendant l'enfance
et l'adolescence.

2.2. Carcinomes basocellulaires

2.2.1. Définition
• Le carcinome basocellulaire est formé d'amas cellulaires kératinocytaires issus de la zone basale ou des follicules
pileux.

2.2.2. Épidémiologie
• Le cancer basocellulaire de la peau est la tumeur humaine la plus fréquente dans les deux sexes. Il représente
près de 30 % de l'ensemble des cancers. Il survient dans la plupart des cas après 50 ans. La fréquence des cancers
basocellulaires chez les personnes âgées (voire très âgées) entraîne des prises en charge parfois très complexes
(comorbidités, troubles cognitifs), à l'instar des carcinomes épidermoïdes (voir plus haut).

► 202 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES LJE 9 - ITEM 299


UE9 Item 299
...... ___________

2.2.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• À la différence des carcinomes épidermoïdes, il n'existe pas de précurseur ou lésion précancéreuse.

2.2.4. Diagnostic
• La lésion typique est un nodule cutané surélevé siégeant sur la face, le cou, le décolleté, c'est-à-dire les zones
photo-exposées. Le carcinome basocellulaire n'atteint jamais les muqueuses.
• En relief par rapport à la peau avoisinante, le nodule a un aspect translucide imitant une perle avec de fines·
télangiectasies. Souvent, une fine croûte recouvre l'ulcération néoplasique, qui saigne après son ablation. Dans les
formes ulcéra-bourgeonnantes, on trouve sur - le bourrelet périphérique - l'aspect perlé caractéristique.
• Les variantes cliniques sont multiples :
- le carcinome basocellulaire nodulaire, forme la plus fréquente, qui prend la forme d'une papule translucide
ferme, bien limitée, lisse, perlée et recouverte de télangiectasies (Figure 2) ;
- le carcinome basocellulaire sclérodermiforme a un aspect de cicatrice fibreuse blanchâtre indurée aux limites
imprécises. L'extension profonde et en surface est plus importante que la partie visible, justifiant des marges
chirurgicales et des volumes irradiés plus larges ;
- le carcinome basocellulaire superficiel est une plaque erythématosquameuse plane, bien limitée, bordée de
perles en périphérie.

Figure 2. Carcinome basocellulaire

2.2.5. Facteurs de risque


• L'exposition solaire courte, intense et répétée, plutôt que l'exposition chronique comme pour les carcinomes
épidermoïdes cutanés.
• Le phototype clair.
• L'immunodépression (patients sous immunosuppresseurs, patients VIH, patients sous chimiothérapie ...), avec
un risque relatif évalué à 10.
• Certaines maladies génétiques sont associées à la survenue de carcinomes basocellulaires cutanés (xeroderma
pigmentosum, caractérisée par une sensibilité extrême aux ultraviolets).

LJE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 203 ◄


2.2.6. Évolution, pronostic
• L'évolution spontanée se fait par extension loco-régionale, avec destruction des structures anatomiques de voi­
sinage. Les récidives après traitement sont possibles, notamment dans les formes sclérodermiformes. Les carci­
nomes basocellulaires ne métastasent jamais au niveau ganglionnaire ni au niveau viscéral.
• Les facteurs de mauvais pronostic sont la localisation céphalique, la forme sclérodermiforme, la taille supérieure
à 2 cm (1 cm dans les zones à haut risque de récidive) et le caractère récidivant.

2.2.7. Diagnostics différentiels


• Les diagnostics différentiels sont représentés par les autres tumeurs cutanées. Les formes sclérodermiformes
peuvent être confondues avec une atrophie cicatricielle, et les formes superficielles avec un eczéma (item 183), un
psoriasis (item 114) ou une dermatophytose (item 152). Au moindre doute, une biopsie devra être réalisée.

2.2.8. Approches thérapeutiques


• Le bilan d'extension est uniquement clinique, à la recherche d'autres localisations de carcinomes cutanés. Aucun
examen complémentaire systématique n'est nécessaire.

2.2.8.1. Au stade localisé


• Il repose sur la chirurgie avec exérèse complète de la lésion avec des marges périphériques de 4 mm à 1 cm en
fonction de la présence de facteurs de mauvais pronostic, et atteignant l'hypoderme en profondeur. En cas de
marges atteintes à l'examen anatomo-pathologique, une reprise chirurgicale est indiquée.
• Les alternatives thérapeutiques à la chirurgie sont:
- la cryochirurgie ou la photothérapie dynamique ou l'imiquimod pour les carcinomes basocellulaires
superficiels ;
- la radiothérapie (chirurgie ou reprise chirurgicale contre-indiquée ou trop mutilante, formes récidivantes,
traitement palliatif) ;
- les thérapies ciblées (inhibiteurs de la voie Hedgehog: sonidegib et vismodegib dans les formes très évoluées).

2.2.8.2. Au stade métastatique


- - - - - - - · · · - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ---------------------------· · · · · · · · · - - · - · · · · - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ----------------- - ,'
'

li n'y a jamais d'extension métastatique dans ce type de tumeurs.

2.2.9. Suivi
• Le suivi repose sur un examen clinique annuel pendant au moins 5 ans à la recherche de récidive ou de nouveau
cancer cutané. La fréquence des examens peut être augmentée pour les patients à risque.
• Le patient doit être formé à l'auto-dépistage qui correspond à l'examen régulier de l'ensemble du revêtement
cutané et signaler au médecin l'apparition d'une nouvelle lésion ou la modification d'une lésion ancienne.
• La prévention primaire repose sur la diminution de l'exposition solaire, la protection solaire (surtout vestimen­
taire, moins par les écrans solaires) en particulier pendant l'enfance et l'adolescence.
• Une surveillance cutanée rapprochée (annuelle) doit être réalisée chez les patients immunodéprimés (prévention
primaire).
Le Tableau 1 synthétise les caractéristiques comparées du carcinome épidermoïde et du carcinome basocellulaire.

► 204 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES LJE 9 - ITEM 299


UE9 ltem299
...........................

Tableau 1. CARACTÉRISTIQUES COMPARÉES DU CARCINOME ÉPIDERMOÏDE ET DU CARCINOME BASOCELLULAIRE


Carcinome épidermoïde Carcinome basocellulaire
Lésions Oui Non
précancéreuses Cutanées: kératose actinique,
Maladie de Bowen
Muqueux: leucoplasies
Localisation Cutanée ou muqueuse Uniquement cutanée
Présentation Lésion ulcéra-bourgeonnante, Éléments sémiologiques: perle
clinique parfois crouteuse épithéliomateuse, télangiectasies
lnfiltrante Formes: nodulaire, superficielle,
sclérodermiforme
Diagnostic Kératoacanthome, kératose Autres tumeurs cutanées,
différentiel actinique, autres tumeurs eczéma, psoriasis, dermatophytose,
cutanées Adénome sébacé
Évolution Risque métastatique: Pas de métastase
territoire de drainage lymphatique Évolutivité loco-régionale, infiltrante,
puis à distance délabrante
Facteurs de Terrain: immunodépression Localisation: extrémité céphalique, en
mauvais pronostic Localisation : cicatrice, ulcère, particulier zones médiane de la face et
extrémité céphalique, muqueuses, péri-orificielles
membres Formes sclérodermiformes, mal limitées
Formes mal limitées Taille:
Taille: > 1 cm dans les zones à > 1 cm dans les zones à risque
haut risque > 2 cm dans les autres zones
CE récidivant CBC récidivant
Traitement commun
Exérèse chirurgicale avec marges de sécurité
au stade localisé
Surveillance Recherche d'une récidive locale, à Recherche d'une récidive locale
distance (ganglionnaire) Recherche d'un autre carcinome
Recherche d'un autre carcinome
Prévention
Réduction à l'exposition solaire, photoprotection, éducation à l'autosurveillance
commune

3. Tumeurs mélaniques bénignes : nievus

3.1. Physiopathologie
• Les nœvus correspondent à une prolifération ou une accumulation mélanocytaire anormale : ce sont des tumeurs
bénignes. À l'état basal, les mélanocytes, situés entre les kératinocytes et la jonction dermo-épidermique, sont
chargés de fabriquer la mélanine, pigment protecteur des rayonnements ultraviolets. Les cellules mélanocytaires
se regroupent en amas ou thèques, pour former les nœvus, qui peuvent être jonctionnels (couche basale de l'épi­
derme), dermiques, ou mixtes.

3.2. Formes cliniques


• Les nœvus sont des lésions bénignes mélanocytaires et peuvent être congénitaux ou acquis. L'aspect clinique est
très variable, mais toujours régulier (symétrie, forme, couleur) et de profil évolutif différent des mélanomes.

LJE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 205 ◄


3.2.1. NiX!vus communs acquis
• Les nrevus pigmentés bruns plats ou bombés, ou les nrevus tubéreux peu ou pas pigmentés, lisses ou verruqueux,
siègent plutôt sur le visage.

3.2.2. NiX!vus congénitaux


• Ils touchent moins de 1 % des nouveau-nés, à type d'hamartomes pigmentaires le plus souvent. Ils peuvent dans
de rares cas être de grande taille(> 20 cm à l'âge adulte), voire géants.

3.2.3. NiX!vus atypiques


• Ils ont des caractéristiques proches de celles des mélanomes. Ils sont :
- de grande taille ;
- de couleur rosée ou brune ;
- et présentent une ou plusieurs caractéristiques de mélanome(ABCDE).

3.2.4. NiX!vus multiples


• Le« syndrome du nrevus atypique» est défini par la présence en grand nombre de nrevus (N > 50), souvent de
grande taille(> 6 mm de diamètre), ayant des aspects atypiques(bords irréguliers, polychromie) et pouvant aussi
siéger en peau non exposée au soleil(cuir chevelu, fesses et seins chez la femme).

3.2.5. Autres niX!vus


• Il existe d'autres formes de nrevus, plus rares. Ils peuvent être parfois bleus, parfois achromiques, situés au niveau
de l'ongle et prendre la forme de bandes(mélanonychies), atteignant parfois les muqueuses.

3.2.6. Remarques
• Il est important de retenir que ni les micro-traumatismes répétés, ni l'exposition solaire ne sont des facteurs de
risque de transformation des nrevus. Par contre, un nrevus qui saigne doit faire discuter le diagnostic alternatif de
mélanome.

3.3. Facteurs de risque


• Le phototype clair, l'exposition solaire, les antécédents personnels et familiaux de mélanome et !'immunodépres­
sion sont les principaux facteurs de risque de présence de nrevus.

3.4. Évolution, pronostic


• L'évolution normale du nrevus se fait par une croissance régulière pour atteindre une taille définitive.
• Les nrevus ne se transforment qu'exceptionnellement en mélanome, mais la présence de nrevus est un facteur
de risque de mélanome.
• La transformation des nrevus en tumeurs malignes est extrêmement rare, sauf pour les nrevus congénitaux
géants, pour lesquels le risque s'accroît avec la taille de la lésion. Par contre, les nrevus communs sont des fac­
teurs de risque de mélanome, en particulier quand :
- ils sont présents en grand nombre ;
- ils sont atypiques ;
- il existe des antécédents familiaux de mélanomes.
3.5. Diagnostics différentiels
• Ils sont représentés par :
- les lentigos, improprement appelées « taches de vieillesse », qui sont des macules pigmentées sur les zones
photoexposées et qui brunissent avec le temps ;

► 206 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES LJE 9 - ITEM 299


UE9
.... ____________

- les éphélides ou « taches de rousseur », macules millimétriques brun clair qui apparaissent sur les zones
photoexposées chez les individus roux, qui s'accentuent avec le soleil et ont tendance à disparaître avec le
temps;
- l'histiocytofibrome, tumeur bénigne formée de cellules fibrohistiocytaires, se présentant comme un nodule
central ferme entouré d'un halo brunâtre (qui apparaît typiquement à distance d'une piqûre d'insecte);
- une kératose séborrhéique, tumeur épithéliale bénigne qui n'évolue jamais vers la malignité, qui apparaît
après 40 ans, non liée au soleil, située sur le visage, le décolleté et le dos, dont la couleur va du beige clair au noir,
initialement plane puis verruqueuse et rugueuse recouverte d'un enduit squamo-kératosique gras, à bordure
nette et abrupte;
- un carcinome basocellulaire nodulaire;
- un angiome thrombosé (tumeur vasculaire bénigne);
- surtout, un mélanome malin doit être envisagé en cas de caractéristiques suspectes. Au moindre doute,
une biopsie/exérèse doit être pratiquée; le meilleur facteur pronostique de mélanome étant un diagnostic
précoce.

3.6. Approches thérapeutiques


• L'exérèse des mevus congénitaux à visée esthétique est envisageable, et doit se faire le plus rapidement possible,
étant plus facile dans les premiers mois de la vie.
• En raison du très faible risque de transformation, il n'y a aucun intérêt à pratiquer !'exérèse systématique des
nrevus communs, hormis à visée esthétique à la demande du patient.
• Cette exérèse doit se faire avec des marges de 2 mm et la pièce envoyée pour analyse anatomo-pathologique.

3.7. Suivi
• Il n'y a pas d'intérêt à surveiller de manière systématique tous les individus. Par contre, l'auto-surveillance doit
être enseignée et encouragée, en s'appuyant sur la règle ABCDE (développée dans le chapitre sur les mélanomes),
et une information doit être délivrée sur les risques de l'exposition solaire prolongée.
• Les patients porteurs de plusieurs nrevus atypiques ou ayant des facteurs de risque de mélanome doivent bénéfi­
cier, en plus de l'auto-surveillance, d'un examen cutané annuel.

4. Tumeurs mélaniques malignes : mélanomes

4.1. Définition
• Les mélanomes sont des tumeurs malignes développées aux dépens des mélanocytes.
• L'évolution est, dans un premier temps, horizontale et intra-épidermique, puis, dans un second temps,
verticale avec envahissement du derme superficiel (phase micro-invasive), enfin du derme profond et de l'hy­
poderme (phase invasive).

4.2. Épidémiologie
• Le mélanome représente entre 2 et 3 % de l'ensemble des cancers et se situe au 11e rang des cancers les plus
fréquents chez l'homme et au 9' rang chez la femme.
• L'âge moyen au diagnostic est de 50-60 ans (en baisse).
• L'incidenèe est en augmentation régulière de 10 % par an, depuis 50 ans.
• C'est le premier des cancers en termes d'augmentation de fréquence.
• L'incidence est directement corrélée au phototype et à l'exposition solaire, plus élevée chez les sujets à la peau
claire (notamment en Australie), et plus faible dans les pays asiatiques ou dans les populations à la peau noire.

LJE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 207 ◄


4.3. Physiopathologie, histoire naturelle
• La voie de signalisation MAPK est activée via la fixation de facteurs de croissance sur des récepteurs transmem­
branaires. Elle comprend des protéines cytoplasmiques dites tyrosines kinases (RAS, RAF, MEK et ERK), qui
permettent la transduction d'un signal par le transfert d'un groupement phosphate de l'adénosine triphosphate
(ATP) vers une protéine effectrice. La transmission de ce signal jusqu'au noyau de la cellule va aboutir à la proli­
fération, à la différenciation et à la survie cellulaire. De manière physiologique dans le mélanocyte, cette voie est
activée de façon transitoire par différents facteurs de croissance. Dans le mélanome, cette voie est activée de façon
permanente dans la majorité des cas et est responsable des caractéristiques particulières de ce type de tumeurs.
• La majorité des mélanomes naissent de nova en peau saine, et plus exceptionnellement de la transformation d'un
nœvus, plus fréquemment les nœvus congénitaux que les nœvus communs.
• Les facteurs de risque principaux mis en évidence sont :
- les facteurs environnementaux et/ou comportementaux : le principal facteur de risque est représenté par les
antécédents personnels de brûlures solaires surtout pendant l'enfance, moins fréquemment le bronzage par
UV artificiels...
- les caractéristiques physiques: peau claire, cheveux roux ou blonds, yeux clairs, nombreuses éphélides (taches
de rousseur) ;
- une sensibilité particulière au soleil: brûle toujours, bronze pas ou peu.

4.4. Diagnostic
• Il est extrêmement important de diagnostiquer le mélanome de manière précoce afin d'augmenter les chances
de guérison.

Le diagnostic doit être évoqué à l'examen clinique devant la présence de plusieurs (généralement 3, 4 ou 5) des
caractéristiques suivantes (règle ABCDE) (Figure 3):
Asymétrie
Bords irréguliers
Couleur inhomogène
Diamètre supérieur à 6 mm
Evolution récente

• L'examen visuel doit être aidé par la dermoscopie ou « microscopie en épiluminescence », et est confirmé par
l'examen anatomo-pathologique. Ce dernier est fait après exérèse complète afin de pouvoir déterminer l'épaisseur
de la lésion. La biopsie est exceptionnelle car elle peut conduire à des erreurs diagnostiques.

Figure 3. Mélanome dorsal

► 208 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES LJE 9 - ITEM 299


l,...........................
UE9 Item 299 :

4.5. Facteurs de risque


• L'exposition solaire est le principal facteur de risque, qu'elle soit intermittente et intense avec en particulier
les brûlures reçues pendant l'enfance (mélanome superficiel extensif) ou prolongée et cumulative (mélanome de
Dubreuilh strictement intra-épidermique).
• Le phototype clair.
• La prédisposition familiale, définie par au moins deux personnes atteintes de mélanome dans la famille, augmente
de manière importante le risque de mélanome et serait impliquée dans 10 % des cas de mélanome.
• La présence de nombreux nrevus et le syndrome du nrevus atypique.
• L'immunodépression : patients greffés sous immunosuppresseurs, patients atteints du VIH, patients recevant de
la chimiothérapie ...

4.6. Évolution, pronostic

• La classification anatomo-clinique des mélanomes au stade localisé permet de définir le profil évolutif en
deux catégories :
- les tumeurs avec phase d'extension horizontale, après biopsies éventuellement répétées (cartographie) en cas
de suspicion clinique pour exclure un foyer de micro-invasion. Elles regroupent:
► le mélanome superficiel extensif (SSM), le plus fréquent (60-70 % des cas);
► le mélanome de Dubreuilh avec une phase d'extension horizontale pouvant durer plusieurs années (10 %
des cas);
► le mélanome acral lentigineux des paumes, des plantes, des bords latéraux des doigts et des orteils, et sous
les ongles (2 à 5 % des cas) (Figure 4) ;
► plus rarement, les mélanomes des muqueuses buccales et génitales (bouche, nez, fosses nasales et pharynx,
vagin et anus) et le mélanome uvéal (cancer de l'œil le plus fréquent chez l'adulte);
- les tumeurs sans phase d'extension horizontale: il s'agit du mélanome nodulaire d'emblée, rapidement invasif
(10 à 20 % des cas).

Figure 4. Mélanome unguéal

LJE 9 - ITEM 299 1 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 209 ◄


• Les critères histo-pronostiques sont :
- l'indice de Breslow (épaisseur tumorale) principalement, qui fixe la classification par stades (cf Tableau 4);
- la présence d'ulcération;
- l'index mitotique;
- le niveau anatomique d'invasion dans le derme ou l'hypoderme (niveau de Clark) est actuellement moins
utilisé;
- l'atteinte du ganglion sentinelle (bien qu'actuellement non recommandée en France).
• Les facteurs cliniques de mauvais pronostic tels que le sexe masculin, l'âge avancé et l'atteinte du tronc, de la tête
ou du cou, ont moins de valeur.
• L'évolution peut se faire vers:
- la récidive après exérèse;
- l'évolution métastatique cutanée/sous-cutanée (métastases en transit), ganglionnaire, ou viscérale.
• Au stade métastatique ganglionnaire, les facteurs pronostiques principaux sont le nombre de ganglions atteints,
la présence de franchissement capsulaire et d'ulcération.
• Au stade de métastases à distance, l'atteinte viscérale a longtemps été le principal facteur de mauvais pronostic.
Avec l'émergence des médicaments inhibiteurs de BRAF, de MEK et des checkpoints immunitaires (anti PD-1,
anti CTLA-4), la présence de mutation de BRAF et la réponse à l'immunothérapie ont été associées à des durées
de survie prolongées.

4.7. Diagnostics différentiels


• Ils sont représentés par :
- les nrevus atypiques;
- les kératoses séborrhéiques;
- les carcinomes basocellulaires pigmentés;
- les histiocytofibromes pigmentés;
- les angiomes thrombosés.
• Tous ces diagnostics différentiels ont été définis plus haut. Dans tous les cas et au moindre doute, la biopsie doit
être envisagée.

4.8. Approches thérapeutiques


·---------------------------------------------- --- · · · · · · · ·---------------------------------------------------------------------------·------------------·----·'
'

Toute décision thérapeutique est discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) et annoncée au

• Les schémas thérapeutiques sont fonction de l'extension de la maladie (Tableau 2), faisant distinguer les atteintes
localisées (stades 1/II), les atteintes métastatiques loco-régionales cutanées ou ganglionnaires (stades III) ou à
distance (stades IV).

Tableau 2. CLASSIFICATION pTNM DE L'UICC (Union internationale contre le cancer)


ET DE L'AJCC (American Joint Committee on Cancer)
Stades Critères
Stade o Tumeur in situ
Stade IA Tumeur,; 1 mm d'épaisseur, sans ulcération et mitoses< 1/mm2
Stade 1B Tumeur,; 1 mm d'épaisseur, avec ulcération et/ou mitoses� 1/mm2
Tumeur> 1 mm et,; 2 mm d'épaisseur, sans ulcération
Stade IIA Tumeur> 1 mm et,; 2 mm d'épaisseur, avec ulcération
Tumeur> 2 mm et,; 4 mm d'épaisseur, sans ulcération

► 210 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES UE 9 - ITEM 299


UE9 ltem299
� �. -�.

Stade 11B Tumeur>2mm et,;; 4 mm d'épaisseur, avec ulcération


Tumeur>4 mm d'épaisseur, sans ulcération
Stade IIC Tumeur>4 mm d'épaisseur, avec ulcération
Stade IIIA Tumeur sans ulcération, métastases microscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux
Stade 111B Tumeur sans ulcération, métastases macroscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux ou métastases« en transit»
Tumeur avec ulcération, métastases microscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux ou métastases« en transit»
Stade IIIC Tumeur avec ulcération, métastases macroscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux
Tumeurs avec ou sans ulcération (tous pT), métastases dans 4 ganglions lymphatiques régio-
naux ou plus ou métastases en transit avec métastase(s) ganglionnaire(s) régionale(s)
Stade IV Métastases à distance

• Le bilan initial pour les stades I et II est avant tout clinique, comprenant un examen de l'ensemble du revêtement
cutané (seconde localisation?) et la palpation des aires ganglionnaires (échographie de l'aire de drainage à envi­
sager pour les stades II). Aucune imagerie n'est indiquée à ce stade, hormis pour les mélanomes de plus de 4 mm
ulcérés.
- Pour les stades IIC et IIIA:
► Examen clinique complet notamment de tout le tégument et des aires ganglionnaires.
► Echographie ganglionnaire de l'aire de drainage au stade IIC.
► En option : examen d'imagerie par scanner cérébral et thoraco-abdomino-pelvien, 18FDG-TEP-TDM,
notamment si la technique du ganglion sentinelle est proposée au stade IIC ou avant curage au stade IIIA.
- Stades IIIE et IIIC:
► Examen clinique complet de tout le tégument et des aires ganglionnaires.
► Examen d'imagerie par 18FDG-TEP-TDM ou scanner cérébral et thoraco abdomino pelvien.
• Le traitement de la tumeur primitive consiste en une exérèse chirurgicale dont les marges sont conditionnées par
l'épaisseur tumorale (Tableau 3). Les mélanomes superficiels de Dubreuilh nécessitent une marge de 1 cm. Un
curage ganglionnaire est associé pour les stades III.

Tableau 3. MARGES CHIRURGICALES POUR LA PRISE EN CHARGE DU MÉLANOME LOCALISÉ


Épaisseur tumorale (Breslow) Marge
ln situ 0,5 cm
0 -1 mm 1 cm
1,01 -2mm 1 -2cm
>2mm 2cm
Il n'y a plus d'indication à réaliser des marges supérieures à 2cm.

• La procédure du ganglion sentinelle:


- est recommandée pour les mélanomes de plus de 1 mm de Breslow sans ganglion identifié ;
- peut être proposée dans les mélanomes de Breslow 0,8 à 1 mm, quel que soit le statut de l'ulcération et les
mélanomes de moins de 0,8 mm ulcérés ;
- n'a pas d'indication dans les mélanomes de moins de 0,8 mm de Breslow non ulcérés.
• En cas de ganglion sentinelle positif, il n'y a pas d'indication à faire un curage ganglionnaire immédiat systéma­
tique. Il peut se discuter en RCP au cas par cas.

UE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 211 ◄


• La chimiothérapie, l'interferon, l'ipilimumab et le vémurafénib en monothérapie ne sont pas indiqués en adjuvant.
Il est recommandé de connaitre le statut mutationnel de BRAF avant l'instauration d'un traitement adjuvant. Les
patients atteints de stade III et IV après résection complète de leur(s) métastase(s) sont éligibles à un traitement
adjuvant, comme indiqué dans le tableau 4.
• La radiothérapie adjuvante après curage N+ est une option à discuter en RCP chez les patients à haut risque de
récidive locale : présence d'une rupture capsulaire, nombre de ganglions supérieur à 3 ou ganglion de plus de 3 cm
de diamètre. Elle peut être associée à un traitement médical systémique.
• Au stade métastatique, les résultats de la chimiothérapie et l'immunothérapie conventionnelle (vaccins, IL2, IFN)
sont décevants. Les nouveaux médicaments (immunothérapie par inhibiteurs des checkpoints PD-1 et CTLA-4,
inhibiteurs de BRAF et inhibiteurs de MEK en cas de mutation du gène BRAF) permettent des durées de survie
prolongées. La radiothérapie en conditions stéréotaxiques est proposée pour les métastases cérébrales, pulmo­
naires, hépatiques ... La radiothérapie conventionnelle a des indications palliatives (douleurs, compressions ...).

4.9. Suivi et prévention


• Les modalités de suivi dépendent du stade de la tumeur (Tableau 4).
• La prévention passe par l'information sur les risques des UV, la réduction de l'exposition solaire et la protection
solaire, en particulier pendant l'enfance.
• Dans les cas de prédisposition familiale, une surveillance rapprochée doit être mise en place.
• L'auto-dépistage doit être fortement encouragé.

Tableau 4. SUIVI EN FONCTION DES STADES


Stade AJCC Modalités de surveillance
Stade 1 Examen clinique tous les 6 mois pendant 3 ans
Stade IA/B Examen clinique tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans
L'échographie de la zone de drainage pourra éventuellement être utilisée
Stades IIC/IIIA Examen clinique complet tous les 3 mois pendant 3 ans, puis tous les 6 mois pendant 2 ans,
puis annuel à vie.
Autodépistage et autosurveillance. Échographie tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans.
Scanner ou 18FDG-TEP-TDM Scan 1 fois/an pendant 3 ans
Stades 111B/C: Examen clinique complet tous les 3 mois pendant 3 ans, puis tous les 6 mois pendant 2 ans,
puis annuel à vie.
Autodépistage et autosurveillance.
Échographie tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans.
Scanner ou 18FDG-TEP-TDM Scan tous les 6 mois pendant 3 ans.
Stade IIC/IV Examen clinique tous les 3 mois pendants ans puis tous les ans à vie.
L'échographie de la zone de drainage pourra éventuellement être utilisée, ainsi que d'autres
examens d'imagerie en fonction des cas.

► Références
1. Haute Autorité de Santé - UE 9 : Cancérologie - Once-hématologie (287-317) [Internet]. [cited 2017 Oct 9]. Available from: https://
www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2615053/fr/ue-9-cancerologie-onco-hematologie-q287-317
2. Cancers de la peau - Recommandations et outils d'aide à la pratique ! Institut National Du Cancer [Internet]. [cited 2017 Oct 9].
Available from: http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Recommandations-et-outils-d-aide-a-la-pratique/Cancers-de-la­
peau

► 212 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES I LJE 9 - ITEM 299


UE9 ltem299

POINTS CLÉS
La caractérisation de chaque lésion est indispensable en raison du pronostic propre à chaque entité. Au moindre
doute, une biopsie doit être réalisée.
1. Tumeurs épithéliales bénignes à HPV (ou verrues)
• Le diagnostic est clinique; la biopsie n'est pas indiquée.
• La transmission d'HPV se fait par contact direct.
• Il est impossible d'éradiquer l'HPV.
• Le traitement ne doit jamais être agressif, l'évolution étant le plus souvent spontanément favorable.

2. Carcinomes cutanés
• Ce sont les cancers les plus fréquents dans les deux sexes.
• L'examen de tout le revêtement cutané est indispensable.
• L'auto-dépistage doit être encouragé.
2.1. Carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires
• Se développent à partir d'une lésion précancéreuse cutanée ou muqueuse.
• Facteurs de risque: dose UV totale, phototype clair.
• Risque d'évolution métastatique.
• Traitement des stades localisés: chirurgie (une radiothérapie post-opératoire ou exclusive).
• Traitement des stades métastatiques: chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie palliative après discussion en
RCP.
• Prévention: diminution de l'exposition solaire.
2.2. Carcinomes basocellulaires
• Ne se développent pas à partir d'une lésion précancéreuse.
• Facteurs de risque: exposition solaire, phototype clair, immunodépression.
• Pas d'extension métastatique.
• Traitement chirurgical.
• Surveillance clinique (secondes localisations).
• Prévention: diminution de l'exposition solaire.

3. Tumeurs mélaniques bénignes : naevus


• Tumeur mélanocytaire bénigne qui n'évolue pas.
• Facteurs de risque: phototype clair, exposition solaire et immunodépression.
• Rechercher un mélanome malin associé si naevus multiples ou atypiques.
• Pas d'exérèse systématique.

4. Tumeurs mélaniques malignes: mélanome


• Se développent le plus souvent de nova.
• Évolution en deux temps: horizontal puis vertical.
• Règle ABCDE pour différencier une lésion bénigne d'une lésion maligne.
• Facteurs de risque : exposition solaire intermittente et cumulée, phototype clair, immunodépression, nom-
breux naevus/syndrome du naevus atypique.
• Facteur pronostique principal: indice histologique de Breslow.
• Traitement des stades localisés: chirurgie.
• Traitements des formes métastatiques: thérapies ciblées/immunothérapie après discussion en RCP.
• Prévention: diminution de l'exposition solaire.

LJE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 213 ◄


LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Les stratégies thérapeutiques ne font pas partie des objectifs de l'ECN concernant les tumeurs
dermatologiques. li faut donc bien connaître les aspects diagnostiques. Par contre, des questions
peuvent être posées sur tel ou tel traitement (en relation avec l'item 291) proposé dans le dérou­
lement d'un dossier clinique.N'oubliez pas que les premières preuves de l'efficacité de l'immuno­
thérapie« moderne» (anti-PDL1, anti-CTLA4) et des médicaments inhibiteurs de BRAF et MEK ont
été apportées par des essais sur des tumeurs cutanées.
2. La complexité de certaines situations cliniques (immunodéprimé, personnes très âgées ...) se
prête bien à des dossiers transdisciplinaires, par exemple insuffisance veineuse - ulcère chronique
- cancérisation ou troubles cognitifs - polypathologie - cancer - consentement.

► 214 ÎUMEURS CUTANEES EPITHELIALES ET MELANIQUES LJE 9 - ITEM 299


UE9 ltem300
...... .. ............

CHAPITRE ►�--------------------------------------
Tumeurs de l'estomac
Pr Christophe Tournigand1 , Pr François Guillemin2 , Pr Frédéric Marchal'
'Service d'Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP- HP, Créteil
'Département de chirurgie, CRAN, UMR 7039, Reims
3 Département de Chirurgie, Institut de Cancérologie de Lorraine, CRAN, UMR 7039, Reims

1. Épidémiologie
1.1. Epidémiologie descriptive
1.2. Epidémiologie analytique OBJECTIFS iECN
2. Histoire naturelle du cancer � Tumeurs de l'estomac
2.1. Lésions gastriques prédisposantes - Diagnostiquer une tumeur de l'estomac.
2.2. Helicobacter pylori
2.3. Évolution clinique
3. Anatomo-pathologie
3.1. Les différents types histologiques
3.2. Formes intestinales et formes diffuses
3.3. HER2 et cancer de l'estomac métastatique
4. Diagnostic du cancer de l'estomac
4.1. Circonstances de découverte Mots clés: Cancer de l'estomac - Helicobacter pylori
4.2. Examen clinique - CDH 1 - Oncogénétique - Gastrectomie - Endos­
4.3. Bilan biologique copie - Chimiothérapie.
4.4. Bilan diagnostique
S. Bilan d'extension
6. Bilan d'opérabilité
7. Stadification
8. Principes de traitement
8.1. Traitement à visée curative
8.2. Traitement palliatif
9. Pronostic Sincères remerciements pour la relecture
10. Formes particulières et l'iconographie aux:
10.1. Adénocarcinome superficiel Professeur Jean-Charles Delchier, service de gastro­
10.2. Linite gastrique entérologie de l'Hôpital Henri Mondor, Créteil.
Docteur Michaël Levy, service de gastroentérologie,
10.3. Lymphomes gastriques primitifs
Hôpital Henri Mondor, Créteil.
10.4. Tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST)
10.5. Tumeurs endocrines

• Les tumeurs de l'estomac sont principalement malignes et largement dominées par l'adénocarcinome primi­
tif (95 % des tumeurs malignes de l'estomac).
• Malgré une diminution progressive de son incidence depuis 30 ans, l'adénocarcinome gastrique demeure l'une
des dix premières causes mondiales de mortalité liées au cancer en raison de son diagnostic souvent trop tardif.
• La reconnaissance du rôle carcinogène de l'infection par Helicobacter pylori est la principale avancée de la
dernière décennie. Une prévention de l'infestation par ce germe serait peut-être susceptible de faire diminuer
l'incidence de ce cancer. L'incidence des cancers distaux diminue en raison de la baisse de la prévalence de l'infec­
tion par Helicobacter pylori. En revanche, les cancers proximaux, et notamment du cardia, sont plus fréquents. Le
surpoids est un facteur favorisant ces derniers cancers.

LJE 9 - ITEM 300 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 215 ◄


• La plupart des cancers de l'estomac sont diagnostiqués chez des patients symptomatiques, présentant des
formes évoluées. Le diagnostic est aujourd'hui essentiellement endoscopique. L'échoendoscopie et la tomodensi­
tométrie permettent le bilan d'extension en donnant le stade TNM de la lésion. C'est à partir de cette analyse que
seront évaluées les possibilités thérapeutiques.
• Le traitement curateur repose essentiellement sur l'exérèse chirurgicale associée ou non à une chimiothérapie
péri-opératoire en fonction du stade. Pour les tumeurs non résécables, l'utilisation de nouveaux médicaments
a permis des progrès. Pour les patients dont la tumeur surexprime le récepteur HER2 (human epidermal growth
factor receptor-2), le traitement par anticorps monoclonal anti-HER2 améliore significativement la survie.
• Les autres cancers de l'estomac sont beaucoup plus rares et regroupent principalement les lymphomes, les
tumeurs gastro-intestinales malignes, les tumeurs carcinoïdes et les métastases.

1. Épidémiologie
Malgré une incidence en baisse, la mortalité par cancer de l'estomac reste élevée.

1.1. Épidémiologie descriptive


• Le cancer de l'estomac est le 5 e cancer le plus fréquent dans le monde, avec environ 952 000 nouveaux cas (7 %
de l'incidence des cancers) et 723 000 décès en 2012. Il existe d'importantes variations d'incidence selon les pays:
environ les trois quarts des nouveaux cas surviennent en Asie, en Amérique du sud, Amérique centrale. Globale­
ment, l'incidence des cancers de l'estomac est en baisse.
• En France, on estime en 2015 une incidence de 6 585 nouveaux cas, 4 362 décès, et un sexe-ratio H/F 1,9. Chez
l'homme, le cancer de l'estomac survient majoritairement entre 65 et 74 ans, et chez la femme entre 75 et 84 ans.
• Depuis 50 ans, on assiste à une baisse de l'incidence des cancers de l'estomac, en France comme dans les autres
pays occidentaux, en rapport avec le mode de conservation des aliments par le froid et une alimentation plus
riche en légumes et fruits frais, ainsi qu'une diminution de l'infection à Helicobacter pylori.
• Au début du :xx siècle, la localisation distale, corps et antre, était prédominante. Actuellement, c'est la loca­
e

lisation proximale qui est le plus souvent rencontrée. L'adénocarcinome gastrique situé au niveau du cardia
(jonction œso-gastrique) est en augmentation.
• Malgré les progrès thérapeutiques, moins de 30 % des patients sont en vie après 5 ans. Il n'y a pas de dépistage
de masse ; il faut donc s'attacher à porter un diagnostic précoce.

1.2. Épidémiologie analytique

1.2.1. Facteurs environnementaux


• Les principaux facteurs favorisants regroupent :
- l'alimentation:
► la consommation élevée de sel: le sel peut entraîner des altérations de la muqueuse gastrique, et la formation
dans l'estomac de composés N-nitrosés cancérigènes.
► une faible consommation de fruits et légumes.
- le tabagisme (hydrocarbures) ;
- un bas niveau socio-économique.
• L'interaction entre ces facteurs et l'infection par Helicobacter pylori est probable.
• Le rôle des facteurs environnementaux est étayé par le fait que les cancers de l'estomac sont moins fréquents chez
les descendants de Japonais ayant émigré aux Etats-Unis que chez les Japonais vivant dans leur pays d'origine.

► 216 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC UE 9 - ITEM 300


UE9 Item 300
............................

1.2.2. Facteurs héréditaires


• Les cancers gastriques héréditaires représentent 3 % des cancers de l'estomac. La recherche d'une prédisposition
familiale est suspectée dans 10 % des cas environ et doit faire adresser le patient en consultation d'oncogénétique.
• Les cancers gastriques diffus héréditaires sont dus à une mutation germinale du gène CDHl à transmission
autosomique dominante, à pénétrance variable, responsable de la perte de fonction de la protéine E-Cadhérine
(molécule d'adhésion).
Le diagnostic doit être évoqué quand :
- au moins deux cas de cancers gastriques de typ e diffus sont avérés chez des apparentés au premier ou second
degré, dont un cas diagnostiqué avant l'âge de 50 ans;
- au moins trois cas de cancers gastriques de typ e diffus sont avérés chez des apparentés au premier ou deuxième
degré, quels que soient les âges au diagnostic;
- un cancer gastrique de type diffus est diagnostiqué à un âge inférieur à 45 ans;
- il y a association d'un cancer gastrique de type diffus et d'un carcinome mammaire de typ e lobulaire infiltrant
ou d'un carcinome colorectal à cellules indépendantes chez un même individu ou chez deux apparentés au
premier ou au second degré.
• Le risque de cancer gastrique est aussi augmenté chez :
- les apparentés au premier degré de malades ayant un cancer de l'estomac;
- les patients ayant un syndrome de Lynch (ou Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer= cancer colorectal
non polyp osique familial);
- les patients atteints de polyp ose adénomateuse familiale (PAF).

2. Histoire naturelle du cancer


• La carcinogenèse gastrique est un processus par étapes comportant l'évolution d'un épithélium gastrique
normal vers une gastrite chronique (inflammation chronique), une atrophie gastrique (avec perte des glandes
gastriques), une métaplasie intestinale (évolution d'un épithélium gastrique vers un épithélium de type intestinal),
puis une dysplasie (carcinome intra-épithelial) et enfin un carcinome invasif. Cette évolution peut se faire sur
plusieurs années.
• Deux types d'adénocarcinomes gastriques peuvent être distingués selon leur localisation:
- L'adénocarcinome du cardia (jonction œso-gastrique) a une incidence qui reste stable ou est en légère
augmentation. Il se développe indépendamment de l'infection par Helicobacter pylori et est favorisé par le
reflux gastro-œsophagien et la surcharge pondérale.
- L'adénocarcinome de l'estomac distal voit son incidence diminuer. Ceci serait lié à l'éradication de l'Helicobacter
pylori qui diminue la fréquence des gastrites atrophiques distales.
• Enfin, la maladie de Biermer, autre cause de gastrite chronique, peut favoriser la survenue d'un cancer de
l'estomac.

2.1. Lésions gastriques prédisposantes


• Les lésions prédisposantes au cancer de l'estomac sont:
- l'anémie de Biermer (gastrite auto-immune comprenant une atrophie des glandes et de l'épithélium gastrique
qui est à l'origine d'une métaplasie intestinale majorant le risque de cancer);
- la gastrite atrophique;
- la métaplasie intestinale;
- la maladie de Ménétrier (gastropathie hyp ertrophique qui dégénérerait dans 10 % des cas);
- la gastrectomie partielle (risque de développement d'un cancer de l'estomac quinze ans après une gastrectomie
partielle; le risque étant multiplié par huit après 25 ans);
- les polyp es gastriques adénomateux.

UE 9 - ITEM 300 1 ÎUMEURS DE L'ESTDMAC 217 ◄


• L'ulcère gastrique a longtemps été considéré comme faisant le lit du cancer. En fait, cette éventualité est rare.
• La dysplasie est un état précancéreux le plus souvent de découverte fortuite, précédant la forme superficielle du
cancer.

2.2. He/icobacter pylori


2.2.1. L'infection à Helicobacter pylori, une cause reconnue de cancer de l'estomac
• Helicobacter pylori est un bacille gram négatif à transmission oro-orale. L'infection à Helicobacter pylori est une
cause reconnue de cancer de l'estomac par !'OMS depuis 2004 et justifie un traitement antibiotique. Toutefois,
seulement 1 à 3 % des patients infectés par Helicobacter pylori développent un cancer gastrique. L'infection à
Helicobacter pylori n'est donc pas suffisante à elle seule pour induire un cancer, mais elle intervient à un stade
précoce de la cancérogenèse, associée à d'autres facteurs de risque. La gastrite (inflammation de la muqueuse)
induite par Helicobacter pylori peut évoluer vers la gastrite chronique atrophique, la métaplasie puis la dysplasie
et le cancer. L'adénocarcinome distal de type intestinal fait suite à l'évolution de cette gastrite chronique.

2.2.2. La recherche de l'infection à Helicobacter pylori chez les apparentés


• Dans la famille d'un patient atteint de cancer de l'estomac, la recherche de l'infection à Helicobacter pylori chez les
apparentés au 1" degré (enfants, frères/sœurs, parents) du patient est recommandée car:
- 80 % des cancers de l'estomac sont dus à la bactérie Helicobacter pylori (la plupart des 20 % restants sont des
cancers du cardia associés au reflux gastro-œsophagien) ;
- l'infection à Helicobacter pylori s'acquiert dans l'enfance et persiste toute la vie;
- les apparentés au l" degré des personnes ayant un cancer de l'estomac ont un risque de cancer de l'estomac
doublé, voire triplé par rapport au risque de la population générale;
- la recherche puis l'éradication de la bactérie Helicobacter pylori constituent une méthode de prévention efficace
contre le cancer gastrique, surtout lorsqu'elles sont mises en œuvre tôt, c'est-à-dire avant l'apparition d'une
lésion gastrique précancéreuse.

2.2.3. Chez qui chercher Helicobacter pylori dans le cadre de la prévention du cancer?
• Antécédent de résection localisée d'un cancer gastrique.
• Mutation des gènes de réparation de !'ADN (syndrome de Lynch).
• Lymphome de MALT.
• Lésions muqueuses gastriques prénéoplasiques (atrophie-métaplasie-dysplasie).
• Traitement par inhibiteurs de la pompe à protons au long cours (au moins 6 mois).
• Avant by-pass gastrique (car une endoscopie ultérieure sera de réalisation difficile).

2.2.4. Comment?
• La méthode habituelle est celle de l'endoscopie avec biopsies.
• Chez les apparentés d'un patient ayant un cancer gastrique, les méthodes de recherche de l'infection à Helicobac­
ter pylori seront choisies en fonction de l'âge:
- Âge< 40 ans: test respiratoire à l'urée marquée au carbone 13 (C13) ou par sérologie Helicobacter pylori;
- Âge> 40/45 ans: endoscopie et biopsies.
• Test respiratoire à l'urée marquée (Helikit') : Helicobacter pylori est capable de transformer l'urée en dioxyde de
carbone (CO2 ) et en ammoniac. Le test respiratoire à l'urée consiste à faire ingérer de l'urée marquée avec du C13,
puis à mesurer le Cl3 expiré. En cas d'infection à Helicobacter pylori, le CO2 expiré contiendra du C13, ce qui n'est
pas le cas en l'absence d'infection.

► 218 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC LJE 9 - ITEM 300


UE9 Item 300
...... .. ...........

2.2.5. Les traitements


2.2.5.1. Stratégie d'éradication d'Helicobacter pylori

2.2.5.1.1. L'éradication de la bactérie, pour être voisine de 90 %, nécessite l'utilisation de quadrithérapies


compte tenu du fort taux de résistance à la clarithromycine en France.

Figure 1. Traitement probabiliste d'Helicobacter pylori (en l'absence d'étude de sensibilité aux antibiotiques)

Patient non allergique à la pénicilline Patient allergique à la pénicilline'

l
QUADRITHÉRAPIE TRAITEMENT QUADRITHÉRAPIE
BISMUTHÉE ou CONCOMITANT BISMUTHÉE
10 jours 14 jours 10 jours

TEST RESPIRATOIRE à l'Urée '3(


au plus tôt 4 semaines après la fin du traitement

TRAITEMENT QUADRITHÉRAPIE
CONCOMITANT BISMUTHÉE
14 jours 10 jours

TEST RESPIRATOIRE à l'Urée '3(


au plus tôt 4 semaines après la fin du traitement

PRISE EN CHARGE PAR GASTRO-ENTÉROLOGUE


ENDOSCOPIE AVEC BIOPSIE
pour culture avec antibiogramme ou PCR avec étude des résistances
après un délai de 4 semaines sans antibiotiques et de 2 semaines sans IPP
Thérapie orientée par les résultats
's'assurer de la réalité de l'allergie www.helicobacter.fr

• Quadrithérapie bismuthée : 10 jours


- Pylera• (association bismuth 140 mg, métronidazole 125 mg, tétracycline 125 mg) 3 gélules 4 fois par jour;
- Oméprazole 20 mg matin et soir;
• Traitement concomitant : 14 jours
- Amoxicilline 1 gramme matin et soir;
- Métronidazole 500 : matin et soir;
- Clarithromycine 500 : matin et soir;
- Inhibiteur de la pompe à proton (ésoméprazole 40 mg ou rabéprazole 20 mg): matin et soir.

2.2.5.1.2. Lorsqu'on dispose d'une étude de la sensibilité aux antibiotiques chez un patient, le traitement
recommandé est une trithérapie guidée associant un inhibiteur de la pompe à protons et deux antibiotiques
pendant 10 jours.

LJE 9 - ITEM 300 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 21 9 ◄


2.2.5.2. Le contrôle de l'éradication
• La vérification de l'éradication de la bactérie Helicobacter pylori est réalisée par un test respiratoire à l'urée mar­
quée au Cl3 (4 semaines après l'arrêt de !'antibiothérapie et 2 semaines après l'arrêt du traitement IPP). Elle peut
aussi être réalisée par biopsies lors d'une endoscopie de contrôle. La sérologie n'est pas adaptée au contrôle de
l'éradication.

2.3. Évolution clinique


• L'extension locale se fait vers la profondeur de la paroi gastrique pour se propager par contiguïté aux organes de
voisinage, le péritoine étant le premier organe envahi. Le cancer peut ensuite s'étendre au pancréas, au foie, au
diaphragme.
• L'envahissement ganglionnaire est précoce et est présent dans 60 à 80 % des cas au moment du diagnostic. Il
débute par les ganglions périgastriques proximaux puis s'étend vers les ganglions pédiculaires et enfin vers les
ganglions distaux situés le long des gros axes vasculaires.
• L'extension métastatique viscérale se fait principalement vers :
- le foie;
- le péritoine;
- les poumons;
- les os;
- plus rarement les ovaires (tumeur de Krükenberg), la thyroïde et la peau.

3. Anatomo-pathologie
3.1. Les différents types histologiques
• Il s'agit le plus souvent d'un adénocarcinome (95 % des cas):
- adénocarcinome tubuleux;
- adénocarcinome papillaire;
- adénocarcinome mucineux (colloïde muqueux);
- adénocarcinome à cellules ind�pendantes (cellules en bague à chaton).
• Plus rarement:
- carcinome adéno-squameux;
- carcinome épidermoïde;
- carcinome à petites cellules;
- carcinome indifférencié;
- lymphome de MALT.

3.2. Formes intestinales et formes diffuses


• La classification de Lauren distingue 2 formes d'adénocarcinomes de l'estomac:
- les formes intestinales (tumeurs le plus souvent bourgeonnantes) (Figure 2);
- les formes diffuses (tumeurs linitiques) (Figure 3).

• La linite gastrique est une forme diffuse, touchant plus souvent les sujets jeunes et de pronostic péjoratif. La
paroi est rigide, blanchâtre, épaissie, ayant l'aspect du lin avec à l'examen anatomo-pathologique un aspect d'adé­
nocarcinome peu différencié infiltrant, constitué le plus souvent de cellules indépendantes dites « en bague à
chaton», envahissant les différentes couches de la paroi sans les détruire, et un stroma fibreux. L'aspect est évoqué

► 220 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC LJE 9 - ITEM 300


UE9 ltem300
........ __________

à l'endoscopie (paroi rigide), à l'échoendoscopie (épaississement pariétal), au scanner et au TOGD. Les bio­
psies doivent être profondes, multiples et étagées pour confirmer le diagnostic car la muqueuse est souvent saine.
L'envahissement est intramural avec une diffusion ganglionnaire et péritonéale fréquentes.
• Les cellules en bague à chaton, bien que plus souvent présentes dans les formes linitiques, peuvent se voir dans une
forme locale indifférenciée sans aspect de linite.

Figure 2. Adénocarcinome de type intestinal: volumineuse tumeur ulcérée de l'antre


avec une infiltration majeure en échoendoscopie

Figure 3. Linite: gros plis épais, indurés, pas d'expansion de l'estomac lors de l'insufflation;
paroi épaisse en échoendoscopie de façon globale

3.3. HER2 et cancer de l'estomac métastatique


• Chez tout patient présentant un cancer de l'estomac métastatique, il est nécessaire d'effectuer une recherche
de l'expression du récepteur HER2 (ErbB2). Elle est retrouvée dans environ 10-20 % des cancers de l'estomac. La
recherche s'effectue en immunohistochimie (O, +, ++, +++).Une tumeur +++ est considérée comme positive pour
HER2, une tumeur O ou + est considérée comme négative.Un test de FISH doit être effectué en cas de résultat++.
• En cas d'expression de HER2 chez un patient ayant des métastases, le trastuzumab sera ajouté à une chimio­
thérapie de première ligne.

UE 9 - ITEM 300 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 221 ◄


4. Diagnostic du cancer de l'estomac
4.1. Circonstances de découverte
• Le développement du cancer de l'estomac se fait de manière insidieuse. Le diagnostic n'est cliniquement évoqué
que devant des signes non spécifiques témoignant d'une maladie avancée
- altération de l'état général;
- douleurs épigastriques, pseudo-ulcéreuses (65 % des cas);
- dysphagie des cancers du cardia;
- vomissements des cancers prépyloriques;
- anorexie;
- dégoût des viandes;
- amaigrissement (par réduction des apports alimentaires plus que par augmentat-i0n-cl1:1-ea-t-al:H:>Hsme);
- asthénie, pâleur et teint paille;
- tumeur palpable;
- ascite.
• Pour porter un diagnostic précoce, on attachera une grande importance à une dyspepsie d'apparition récente
et qui a tendance à s'accentuer.
• Des symptômes fonctionnels devront être pris en compte :
- une pesanteur épigastrique;
- un inconfort prandial ou post-prandial;
- une baisse de l'appétit;
- une tendance aux éructations avec parfois pyrosis;
- une digestion lente.
• Les phénomènes douloureux à typ e de crampes épigastriques post-prandiales dont on ne retrouve pas la périodi­
cité classique de la maladie ulcéreuse doivent alerter autant qu'une symptomatologie typique d'ulcère.
• Le siège du cancer peut avoir une traduction particulière :
- une dysphagie progressive avec régurgitations et hoquet évoque une localisation œso-cardiale. Les douleurs
sont rétrosternales;
- un syndrome de sténose pylorique évoque une localisation antro-pylorique (50 % des cas). Lorsque celle-ci est
complète, les vomissements ne contiennent pas de bile, mais des aliments ingérés lors des repas précédents. La
dilatation gastrique est parfois spontanément visible, sous forme d'une tuméfaction de l'hyp ochondre gauche.
La palpation abdominale à jeun met en évidence, lors de la mobilisation de l'abdomen, un clapotage traduisant
la stase gastrique.
• Le cancer peut se révéler par une complication:
- hémorragique, révélée par une anémie hypochrome ou plus rarement par une hématémèse ou un meléna;
- péritonite par perforation en péritoine libre ou cloisonné.
• Le cancer peut se révéler par son extension régionale ou métastatique:
- hépatomégalie (foie marronné);
- ascite, nodule de carcinose péritonéale perçu dans le cul-de-sac de Douglas, au TR;
- tumeur de Krükenberg (métastase ovarienne) ;
- tumeur épigastrique, ganglion de Troisier.
• Les syndromes paranéoplasiques sont rares. On citera l'acanthosis nigricans (plaques hyperpigmentées symé­
triques localisées préferentiellement autour du nez, des aires axillaires ou de la région ano-génitale) et les syn­
dromes ichtyosiformes, la diarrhée, des syndromes d'hypercoagulation (phlébite de Trousseau).

► 222 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC LJE 9 - ITEM 300


4.2. Examen clinique
• L'examen clinique complet recherchera en particulier:
- un ganglion de Troisier;
- une ascite;
- une masse épigastrique;
- une hépatomégalie.
• Il est primordial d'évaluer:
- l'état général (ou indice de performance) selon l'échelle de Karnofsky ou selon l'échelle OMS;
- la douleur selon l'échelle visuelle analogique ou échelle numérique;
- l'état nutritionnel (quantifier la perte de poids, albuminémie).
• Il faut également effectuer une évaluation:
- cardiologique (pré-opératoire ou avant chimiothérapie cardiotoxique);
- rénale (clairance de la créatinine, avant chimiothérapie néphrotoxique);
- évaluation oncogériatrique chez les patients de plus de 70 ans dont le score G8 est inférieur ou égal à 14.

4.3. Bilan biologique


• Il comprendra au minimum:
- un bilan de la fonction rénale pour permettre l'injection de produit de contraste;
- un bilan d'hémostase (NFS-plaquettes, TP-TCA) pour permettre les prélèvements biopsiques;
- aucun dosage des marqueurs tumoraux n'est indiqué pour le diagnostic (ou l'évaluation pronostique) du
cancer de l'estomac.
• Le dosage de l'ACE et du CA19-9 permet seulement de suivre l'efficacité du traitement en situation métastatique
en cas d'élévation de l'un et/ou l'autre de ces marqueurs avant traitement.
• Il peut être complété par un bilan hépatique et un dosage de la calcémie.

4.4. Bilan diagnostique

4.4.1. Endoscopie œsogastrique


• L'examen clef du diagnostic est l'endoscopie œsogastrique. Associée à des biopsies, l'endoscopie permet le
diagnostic dans 95 % des cas. Elle permet de préciser :
- le siège de la lésion :
► antre (40 %);
► corps (20 %);
► grosse tubérosité (20 %);
► cardia (20 %).
- son étendue, ainsi que la distance par rapport au cardia et au pylore.
• L'aspect macroscopique peut être ulcéreux, végétant, le plus souvent ulcéra-végétant.
• Le caractère irrégulier de la lésion, le saignement spontané ou au contact sont des signes très évocateurs. Une
infiltration donne une rigidité plus ou moins étendue de la paroi, une muqueuse irrégulière aux plis épais. En
pratique, tout aspect anormal de la muqueuse doit être biopsié. Les biopsies doivent être très nombreuses (au
minimum 5 à 10), profondes, dirigées sur l'anomalie principale et à distance.
• L'examen doit être recommencé en cas de biopsies négatives dès que l'on suspecte un cancer.
• Les prélèvements bactériologiques à la recherche d'Helicobacter pylori seront systématiques.

LJE 9 - ITEM 300 ÎUMEURS DE L'ESTDMAC 223 ◄


4.4.2. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien
• Il doit être effectué pour le bilan de résécabilité et la recherche de métastases à distance (hépatiques et pulmo­
naires).

4.4.3. L'échoendoscopie
• Elle n'est pas systématique, mais elle est utile:
- en cas de suspicion de linite avec hypertrophie des plis gastriques sans histologie positive;
- pour évaluer l'extension des lésions sur l'œsophage, le pylore et le duodénum en cas de linite;
- pour évaluer les tumeurs superficielles afin de déterminer les indications de mucosectomie;
- pour déterminer l'infiltration pariétale d'une tumeur lorsqu'on envisage un traitement néo-adjuvant. Elle
permet d'apprécier l'infiltration pariétale en visualisant les 5 couches de la paroi gastrique: épithélium, lamina
propria, sous-muqueuse, musculeuse, sous-séreuse, séreuse (stade T de la classification TNM).
• Cette échoendoscopie doit être réalisée dans des délais courts.

4.4.4. Diagnostic différentiel


• Ulcère gastrique: si la découverte de cellules malignes permet d'affirmer le cancer, leur absence n'autorise pas à
l'éliminer. Un suivi endoscopique est nécessaire pour formellement éliminer un cancer gastrique.
• Tumeur gastrique bénigne: elle se révèle par des douleurs épigastriques atypiques ou une hémorragie digestive.
La fibroscopie montre la tumeur sans préjuger de sa nature histologique. Celle-ci n'est affirmée que par l'examen
anatomo-pathologique aprés exérèse.
• Envahissement gastrique de contiguïté par une tumeur pancréatique ou colique transverse. Le scanner abdo­
mino-pelvien et la coloscopie permettent de mettre en évid�nce la lésion primitive. Les biopsies en confirment la
nature histologique.
• Bézoards ou corps étrangers sont diagnostiqués par l'endoscopie.
• Localisation gastrique de maladies hématologiques: lymphome gastrique de faible malignité de typ e MALT ou
lymphome de plus haut grade. Le diagnostic est fait par l'anatomo-pathologie.

5. Bilan d'extension
• Il comporte:
- un scanner thoraco-abdomino-pelvien, sans et avec injection, à la recherche de localisations secondaires
hépatiques, pulmonaires, ganglionnaires, peritonéales;
- une laparoscopie éventuelle en cas de volumineuse tumeur. La laparoscopie permet une exploration précise
de la cavité abdominale pour identifier des nodules tumoraux et faire un lavage péritonéal pour une étude
cytopathologique. Une atteinte péritonéale contre-indique !'exérèse chirurgicale. De petites métastases
hépatiques superficielles passées inaperçues au scanner peuvent être visualisées. Cet examen peut éviter une
laparotomie inutile jusqu'à 38 % des patients, notamment en cas de diagnostic de carcinose péritonéale ou de
métastases hépatiques.
• Le TEP-TDM n'est pas systématique. Il peut être discuté au cas par cas.

6. Bilan d'opérabilité
• Le bilan d'opérabilité consiste à apprécier:
- l'état nutritionnel (pourcentage d'amaigrissement, protidémie et albuminémie);
- l'âge physiologique avec éventuelle évaluation cardiologique (ECG, échocardiographie) et pulmonaire
(exploration fonctionnelle respiratoire) en fonction du terrain du patient.

► 224 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC LJE 9 - ITEM 300


UE9 ltem300
.............................

7. Stadification
• Le stade TNM (Tumor Nodes Metastases) est établi de façon sûre et définitive après la chirurgie (pTNM =
envahissement tumoral établi sur la pièce opératoire après examen anatomo-pathologique).

CLASSIFICATION TNM CLINIQUE UICC S E ÉDITION (2017)

Tis Carcinome in situ: tumeur intra-épithéliale sans invasion de la lamina proprio (dysplasie de haut
grade)
Î1 Tumeur limitée à la muqueuse ou à la sous-muqueuse (cancer superficiel)

T1a Tumeur envahissant la lamina proprio ou la musculaire muqueuse

T1b Tumeur envahissant la sous-muqueuse

Î2 Tumeur envahissant la musculeuse (muscularis proprio)

T3 Tumeur envahissant la sous-séreuse

T4 Tumeur perforant la séreuse ou envahissant les organes de voisinage

T4a Tumeur perforant la séreuse

T4b Tumeur envahissant un organe de voisinage (rate, côlon transverse, foie, diaphragme, pancréas,
paroi abdominale, surrénale, rein, intestin grêle, rétropéritoine)
No Pas de signe d'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux

N1 Envahissement de 1 à 2 ganglions lymphatiques régionaux

N2 Envahissement de 3 à 6 ganglions lymphatiques régionaux

N3 Envahissement de 7 ou plus ganglions lymphatiques régionaux

N3a 7 à 15 ganglions atteints

N3b 16 ganglions ou plus atteints

Mo Pas de métastases à distance

M1 Présence de métastases à distance'


1
Les métastases à distance incluent les implants péritonéaux, une cytologie péritonéale positive ou une atteinte péritonéale
non contiguë à la tumeur.

STADES CLINIQUES UICC S E ÉDITION (2017)


�-- ��- �--- ��-� ---����� -� ---

Stade 1 Tt ou Î2, NoMo

Stade IIA Tt, T2, Nt, N2, N3, Mo

Stade 118 T3, T4a, No, Mo

Stade Ill T3, T4a, Nt, N2, N3, Mo

Stade IVA T4b, tout N, Mo

Stade IVB Tout T, tout N, Mt

UE 9 - ITEM 300 1 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 225 ◄


8. Principes de traitement (Hors programme ECN)
8.1. Traitement à visée curative
• Le traitement à visée curative repose sur !'exérèse chirurgicale plus ou moins associée à un traitement par chimio­
thérapie ou radio-chimiothérapie.

8.1.1. Traitement chirurgical


• Le principe est !'exérèse complète de la tumeur associée à un curage ganglionnaire (au minimum 15 ganglions
examinés).
• L'étendue de !'exérèse dépend de la localisation initiale de la tumeur:
- gastrectomie des 4/S e avec anastomose gastro-jéjunale pour les cancers de l'antre (Figure 4);
- gastrectomie totale avec anse grêle montée en Y (Figure 5) pour les autres localisations.

Figure 4. Gastrectomie des 4/5'

Figure S. Gastrectomie totale avec anse en Y

► 226 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC LJE 9 - ITEM 300


UE9 Item 300
...... .. ..................

8. 1 .2. Traitement péri-opératoire


• Une chimiothérapie péri-opératoire (pré et post-opératoire) doit être proposée à tous les malades de stade supé­
rieur à I (cf infra) par cisplatine, 5 FU-épirubicime ou FLOT (5-FU, acide folinique, oxaliplatine, docetaxel) pré­
opératoires et 4 cycles post-opératoires. Les alternatives sont 3 cycles de 2-3 mois de 5-FU/cisplatine ou 5-FU/
oxaliplatine pré-opératoire, suivi de 2-3 mois en post-opératoire.

8. 1 .3. Traitement adjuvant


• Si le patient a dû être opéré sans traitement néo-adjuvant alors qu'il aurait dû être envisagé, une radio-chimiothé­
rapie post-opératoire (45 Gy+ 5-fluorouracile) doit être proposée:
- si le curage est insuffisant et que la tumeur est de stade supérieur à I ;
- en cas d'envahissement ganglionnaire pN2 ou pN3 quel que soit le type de curage réalisé;
- en cas d'envahissement ganglionnaire pNl avec un curage ganglionnaire suffisant à discuter au cas par cas
selon l'état général, nutritionnel du malade et son avis après information claire.

8.2. Traitement palliatif


• Il comporte la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie, et s'applique aux cancers gastriques non résé-
cables et/ou métastatiques.
• La chirurgie d'exérèse palliative est indiquée pour les tumeurs symptomatiques (hémorragie nécessitant des
transfusions itératives, perforation); elle est préférable à la chirurgie de dérivation.
• La chimiothérapie permet d'améliorer la survie et la qualité de vie par rapport au simple traitement symptoma­
tique chez des patients sélectionnés à l'état général conservé. Les associations les plus fréquentes sont:
- 5-fluorouracile et cisplatine;
- 5-fluorouracile et oxaliplatine (Folfox);
- 5-fluorouracile et irinotécan (Folfiri);
- Le trastuzumab sera rajouté à la chimiothérapie en cas de surexpression d'HER2.
• La radiothérapie est parfois indiquée dans les tumeurs hémorragiques à visée hémostatique, et/ou à titre antal­
gique en cas de métastase osseuse symptomatique ou en cas de métastase(s) cérébrale(s).
• La pose d'une endoprothèse métallique par voie endoscopique permet dans certains cas de lever un obstacle
tumoral responsable d'une occlusion haute.

9. Pronostic
• Le pronostic dépend de l'extension tumorale pariétale et ganglionnaire qui est à la base de la classification TNM
et du stade. Le nombre de ganglions examinés sur la pièce opératoire est primordial; en effet un ratio « nombre
élevé de ganglions envahis/nombre total prélevé » a une valeur pronostique péjorative.
• Tous stades confondus, le pronostic est mauvais avec une survie à 5 ans de 15 %.
• Après exérèse chirurgicale à visée curative, le pronostic dépend surtout de l'envahissement ganglionnaire:
- en-l'absence de ganglion envahi (NO), la survie à 5 ans est de 60 %;
- si Nl, la survie à 5 ans est de 35 % ;
- si N2 la survie à 5 ans est de 10 %.

UE 9 - ITEM 300 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 227 ◄


1 O. Formes particulières
10.1. Adénocarcinome superficiel
• L'adénocarcinome superficiel de l'estomac se définit comme un cancer ne dépassant pas la sous-muqueuse. Il se
manifeste souvent sous une forme pseudo-ulcéreuse avec, en endoscopie, un aspect d'ulcère superficiel plus ou
moins étendu. Il peut être aussi polypoïde, surélevé, plan ou déprimé.
• Le pronostic après le traitement chirurgical des formes superficielles est bon avec une survie à 5 ans supérieure à
90%.

10.2. Linite gastrique


• Il s'agit d'un adénocarcinome peu différencié, constitué le plus souvent de cellules indépendantes (dites« en bague
à chaton ») envahissant les différentes couches de la paroi sans les détruire, associées à un stroma fibreux. Elle
représente 10% des cancers gastriques et survient chez des sujets plus jeunes avec une prédominance féminine.
• Cliniquement, la linite se révèle souvent par une altération importante de l'état général avec amaigrissement,
parfois des signes d'occlusion haute. L'endoscopie visualise de gros plis rigides sans aspect tumoral. L'insufflation
complète de l'estomac n'est pas obtenue. Les biopsies sont souvent négatives compte tenu du respect fréquent
de la muqueuse. Le diagnostic peut être facilité par l'écho-endoscopie qui montre un épaississement de la paroi
gastrique prédominante au niveau de la sous-muqueuse.
• L'extension tumorale est essentiellement lymphatique et péritonéale.
• L'exérèse chirurgicale est rarement curative et ce type de cancer est très peu chimiosensible.
• Le pronostic est généralement mauvais.

10.3. Lymphomes gastriques primitifs


• Les lymphomes gastriques représentent 3 % des tumeurs gastriques, mais sont les plus fréquents des lym­
phomes non hodgkiniens non ganglionnaires.
• Ils peuvent être de 2 types : lymphomes gastriques du Mucosa Associated Lymphoid Tissue (MALT) à petites
cellules qui sont de bas grade de malignité et lymphomes à grandes cellules qui sont de haut grade de malignité.
• Les lymphomes gastriques de type MALT sont souvent peu symptomatiques et sans signe biologique spéci­
fique. Le diagnostic repose sur l'endoscopie (lésions pseudo-inflammatoires ou tumorales) avec biopsies multiples.
Ce lymphome est lié à l'infection chronique à Helicobacter pylori, avec une évolution très lente. Le traitement des
formes localisées repose sur l'éradication de Helicobacter pylori qui permet la régression du lymphome dans 70%
des cas. Les autres cas relèvent d'un traitement par anticorps monoclonaux (rituximab, anti-CD20) avec ou sans
chlorambucil.
• Les lymphomes gastriques à grandes cellules sont plus rares. Ils se présentent sous la forme d'une tumeur plus
volumineuse et ulcérée. Le traitement repose sur la poly-chimiothérapie.

10.4. Tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST)


• Les tumeurs stromales gastro-intestinales sont des tumeurs mésenchymateuses rares se développant dans les
deux tiers des cas aux dépens de la couche musculeuse de l'estomac. Elles sont caractérisées par l'expression posi­
tive en immunohistochimie d'un récepteur transmembranaire, c-kit.
• Elles sont souvent asymptomatiques et de découverte fortuite. Les circonstances de découverte possibles sont
une hémorragie digestive, une masse palpable ou une perforation. Le diagnostic repose sur l'endoscopie et l'écho­
endoscopie qui mettent en évidence une masse ronde sous-muqueuse, parfois ulcérée, avec développement exo­
gastrique fréquent.
• Le traitement de base des tumeurs stromales est l'exérèse chirurgicale monobloc avec berges saines sans curage
ganglionnaire. Pour les tumeurs non résécables et/ou métastatiques, un traitement par l'imatinib (Glivec•) est
indiqué (inhibiteur enzymatique de l'activité du récepteur c-kit).

► 228 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC I UE 9 - ITEM 300


UE9 ltem300
.......................

1 O.S. Tumeurs endocrines


• Les tumeurs endocrines gastriques surviennent dans la majorité des cas sur un terrain de gastrite atrophique
fundique auto-immune (maladie de Biermer). Elles sont alors multiples, de petite taille et d'évolution lente. Elles
métastasent exceptionnellement et, de ce fait, ne nécessitent pas de traitement chirurgical. Il existe aussi des
tumeurs endocrines sporadiques, notamment des carcinomes peu différenciés de mauvais pronostic.

► Références
• http://g I obocan.iarc.fr/.http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World-Cancer-Reports/World-Cancer-Report-201 4
• Projection de l'incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine en 2015, novembre 2015.
• Thesaurus National de Cancerologie Digestive (http://www.tncd.org/)
• Groupe d'Etudes Français d'Helicobacter (GEFH) (http://www.helicobacter.fr)

POINTS CLÉS

1. 5• cancer le plus fréquent dans le monde.


2. Mauvais pronostic avec moins de 30 % de survivants à 5 ans.
3. Responsabilité d'Helicobacter pylori dans 80 % des cas.
4. Diminution de l'incidence dans les pays occidentaux grâce à la prévention primaire (alimenta­
tion plus riche en légumes-fruits, mode de conservation des aliments).
5. Diminution des localisations distales au profit des localisations proximales.
6. Lésions gastriques prédisposantes (anémie de Biermer, gastrite atrophique ...) et forme fami­
liale héréditaire (mutation germinale du gène CDHl avec perte de fonction de la protéine E­
cadhérine).
7. Adénocarcinome dans 95 % des cas.
8. Formes particulières : linite gastrique (biopsies profondes), lymphome gastrique primitif
(MALT), tumeur stromale gastro-intestinale (GIST), tumeur endocrine.
9. Rechercher l'expression du récepteur HER2 en cas de tumeur métastatique.
1 O. Signes non spécifiques: dysphagie lorsque tumeur proximale, vomissements alimentaires
pour une tumeur distale sténosante.
11. Extension ganglionnaire, par contiguïté (péritoine), hématogène (foie, poumon); tumeur de
Krükenberg (métastase ovarienne).
12. Bilan diagnostique: fibroscopie œsogastroduodénale avec biopsies multiples et recherche
d' Helicobacter pylori, échoendoscopie si petite tumeur pour connaître le stade exact.
13. Bilan d'extension: scanner thoraco-abdomino-pelvien +/- laparoscopie en cas de volumi­
neuse tumeur pour éliminer une carcinose péritonéale infraclinique.
14. Traitement curatif: chirurgie+/- chimiothérapie péri-opératoire.
15. Surveillance clinique (poids) et radiologique, œsogastroscopie au-delà de 15 ans si gastrec­
tomie des 4/5•.
16. Recherche et supplémentation d'une anémie par carence en vitamine Bl 2 si gastrectomie
totale.

LJE 9 - ITEM 300 1 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 229 ◄


LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Un régime riche en fruits et légumes a un effet protecteur pour le cancer gastrique. Cet effet
pourrait être lié à la vitamine C.
2. La consommation de sel en grande quantité augmente le risque de cancer gastrique.
3. Le tabac majore le risque de cancer gastrique.
4. Les biopsies doivent être multiples et profondes pour ne pas passer à côté d'une forme diffuse
(ou linite) .
. 5. Tumeur de Krükenberg : correspond à une métastase ovarienne d'un adénocarcinome gas­
trique.
6. Penser à rechercher une infection à Helicobacter pylori, la traiter et éradiquer HP dans l'entou­
rage.
7. Ne pas oublier de rechercher les cas familiaux. Une consultation d'oncogénétique doit être
proposée s'il existe dans une famille au moins deux cas de cancer gastrique de type diffus chez
des apparentés au premier ou au deuxième degré, dont un cas diagnostiqué avant 50 ans, ou bien
trois cas chez des apparentés de premier ou deuxième degré quel que soit l'âge pour rechercher
une mutation constitutionnelle de CDH1 ou en cas d'histoire familiale évoquant un syndrome de
Lynch.
8. La chimiothérapie péri-opératoire est le traitement de référence de la plupart des cancers gas­
triques opérables.
9. Une surveillance endoscopique est justifiée en cas de gastrite atrophique sévère.
1 O. En cas de splénectomie, ne pas oublier l'antibioprophylaxie par pénicilline G et vaccinations
contre le pneumocoque, l'Haemophilus influenzae 8, le méningocoque et la grippe.
11. En cas de gastrectomie totale, ne pas oublier la supplémentation en vitamine B12.

► 230 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC I UE 9 - ITEM 300


UE9 Item 301
........ __________

CHAPITRE ►--------------------------------------
Tumeurs du foie,
p rimitives et secondaires
Pr Michel Ducreux', Pr Serge Evrard > , Pr Françoise Mornex', Pr Michel Rivoire•
'Service d'Oncologie Digestive, Institut Gustave Roussy, Villejuif
2Groupe des Tumeurs Digestives, Institut Bergonié, Bordeaux
'Département de Radiothérapie Oncologique, Centre Hospitalier Lyon Sud, Lyon
'Unité de Chirurgie Digestive, Centre Léon Bérard, Lyon

1. La démarche diagnostique OBJECTIFS iECN


1.1. Circonstances de découverte fréquentes -+ Tumeurs du foie, primitives et secondaires
1.2. Circonstances de découverte plus rares
- Diagnostiquer une tumeur du foie primitive
1.3. Après contextualisation du patient, on demande et secondaire
une imagerie
1.4. Biopsie
2. Éliminer, dans un premier temps, une« tumeur»
non néoplasique
2.1. Les tumeurs bénignes
Mots clés: Métastases hépatiques - Cholangiocarci­
2.2. Les abcès hépatiques et autres syndromes
nome - Carcinome hépatocellulaire- Kyste biliaire -
infectieux
Angiome hépatique - Hyperplasie nodulaire focale
3. Diagnostiquer et évaluer une tumeur maligne - Adénome hépatocellulaire - Abcès hépatique.
3.1. Métastases hépatiques (ou tumeurs secondaires)
3.2. Tumeurs hépatiques primitives

Ce chapitre recouvre un grand nombre de pathologies malignes et bénignes, primitives hépatiques ou


secondaires à d'autres organes. La connaissance du terrain et les circonstances de découverte, les séquences
d'imagerie et souvent la biopsie vont permettre de remonter progressivement au diagnostic.

1. La démarche diagnostique
1.1. Circonstances de découverte fréquentes
• Suivi d'une pathologie hépatique connue comme une cirrhose, une hépatopathie virale ou métabolique.
• Suivi d'une néoplasie primitive connue. De nombreuses tumeurs primitives peuvent donner des métastases hépa­
tiques : les cancers digestifs, du sein, des bronches, de la prostate, de la tête et du cou, les tumeurs neuro-endo­
crines, etc.
• Un autre signe hépatique comme un ictère, une hyp ertension portale.

1.2. Circonstances de découverte plus rares


• Découverte fortuite lors d'une imagerie de routine comme une échographie abdominale.
• Gros foie palpable (marronné).
• Une douleur hépatique (certains hépatocarcinomes peuvent être en voie de fissuration et être douloureux; abcès
du foie).

UE 9 - ITEM 301 1 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 231 ◄


1.3. Après contextualisation du patient, on demande une imagerie
• L'échographie (Figure 1 ). C'est l'examen de base, peu coûteux et facile d'accès. Il permet une première orientation
diagnostique sur la/les tumeurs et le parenchyme sain. L'échographie peut utiliser la technique de l'élastographie
pour identifier une fibrose du foie sain (Fibroscan).
• Le scanner (Figure 2). C'est l'imagerie obligatoire pour décrire le foie, mais aussi pour balayer les possibles patho­
logies extra-hépatiques. Il participe donc à la fois au diagnostic et au bilan d'extension.
• L'IRM est nécessaire quand le scanner n'est pas capable de différencier certaines tumeurs bénignes et malignes.
L'utilisation de produits de contraste spécifiques et les séquences de restriction de diffusion sont aujourd'hui
considérées comme les plus utiles pour la caractérisation des lésions néoplasiques du foie.

Figure 1. Métastase hépatique d'un cancer du côlon à l'échographie avec injection de produit de contraste

Figure 2. Métastases hépatiques d'un cancer du pancréas au scanner

► 232 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I UE 9 - ITEM 301


UE9 Item 301
.... ____________

1.4. Biopsie
• Le plus souvent écho-guidée ou scanno-guidée.
• Elle est nécessaire quand la séquence d'imagerie ne permet pas de retenir un diagnostic formel.
• Elle est médico-légale pour déclencher un traitement oncologique comme une chimiothérapie, une radiothérapie
sauf dans certains cas particuliers de carcinome hépatocellulaire (voir plus loin).
• On peut s'en passer si une indication chirurgicale est retenue d'emblée car elle va entraîner une vérification patho­
logique a posteriori.
• On peut s'en dispenser dans le cadre d'un raisonnement uniciste. Par exemple, un patient présente plusieurs
lésions en cocarde dans le cadre du suivi d'un cancer colorectal avec une élévation de !'ACE. La biopsie ne sera le
plus souvent pas jugée nécessaire pour déclencher un traitement spécifique.
• La biopsie est strictement contre-indiquée en cas de suspicion de kyste hydatique. Elle laisse place à l'enquête
épidémiologique et sérologique.

2. Éliminer, dans un premier temps, une «tumeur»


non néoplasique
2.1. Les tumeurs bénignes

2.1.1. Le kyste bjliaire


• C'est une tumeur assez fréquente (5 % de la population).
• C'est un kyste à paroi unicellulaire, à contenu liquidien clair (ce n'est pas de la bile), ne communiquant pas avec
l'arbre biliaire.
• Il est bénin et souvent multiple.
• S'ils sont très nombreux, ils peuvent constituer une polykystose hépatique, voire hépato-rénale, qui sont des affec­
tions héréditaires. Ils sont anéchogènes avec un cône de renforcement postérieur (les ultrasons sont accélérés par
leur transmission dans l'eau).
• Ils sont blancs en IRM T2.
• Pas de traitement sauf cas exceptionnel de complication mécanique ; une fenestration peut alors être réalisée.

2.1.2. L'hémang1ome (ou angiome)


• C'est une tumeur assez fréquente (3 % de la population, plutôt féminine) qui ne requiert aucun traitement.
• Elle est constituée de capillaires et de cavités vasculaires anarchiques dilatées tapissées d'endothélium.
• Le diagnostic est porté par l'échographie et l'IRM (lésion hyp erintense en T2 avec un remplissage en mottes péri­
phériques se remplissant vers le centre).
• La biopsie est contre-indiquée: inutile et pouvant entraîner des complications hémorragiques.

2.1.3. L'hyperplasie nodulaire focale (HNF)


• C'est une tumeur bénigne plus rare (1% de la population), à prédominance féminine et non liée aux œstropro­
gestatifs (contrairement à l'adénome).
• C'est une zone de foie ne recevant que du sang artériel et pas portal avec le plus souvent une cicatrice fibreuse centrale.
• Le diagnostic se fait sur l'imagerie. À la phase artérielle lésion hypervasculaire avec rehaussement important par
rapport au parenchyme adjacent. Lésion bien limitée pouvant avoir des contours lobulés. Une cicatrice centrale
qui demeure hypodense est très évocatrice. Au temps porte diminution rapide du rehaussement, la lésion devient
iso- ou discrètement hyperdense
• Parfois une biopsie est nécessaire.
• Aucun traitement, ni surveillance ne sont nécessaires.
LJE 9 - ITEM 301 1 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 233 ◄
2.1.4. L'adénome hépatocel/ulaire
• C'est une tumeur bénigne à potentiel de dégénérescence maligne et hémorragipare (possibilité de rupture), de
fréquence rare, touchant surtout les femmes prenant des contraceptifs oraux.
• Le diagnostic est plus difficile. Il s'appuie sur l'imagerie (lésion hypoéchogène, hyp odense au scanner, IRM hyp oîl
et hyper T2) mais nécessite une biopsie : le diagnostic est parfois difficile avec un carcinome hépatocellulaire bien
différencié ou une HNF.
• Les indications chirurgicales formelles sont: une taille supérieure à 5 cm et le sexe masculin en raison du risque de
complications, une mutation de la béta-caténine en raison du risque de transformation maligne. Dans les autres
cas : une surveillance s'impose après arrêt de la contraception orale si présente au diagnostic.

2.2. Les abcès hépatiques et autres syndromes infectieux

2.2.1. Abcès à pyogènes


• Situation rare qui comprend des contaminations hématogènes (la porte d'entrée n'est pas toujours retrouvée) ou
biliaire (antécédents d'anastomose bilio-digestive).
• Le contexte septique est marqué et s'accompagne de douleurs.
• Imagerie variable avec lésions hyp o-échogènes, hyp o-denses au scanner avec rehaussement périphérique.
• La ponction confirme la nature septique et oriente !'antibiothérapie.

2.2.2. Abcès amibien


• Une sérologie de l'amibiase doit être réalisée au moindre doute.
• Le tableau infectieux est bruyant avec une lésion souvent unique et volumineuse.
• Test thérapeutique au métronidazole.

2.2.3. Kyste hydatique


• Abcès dû au parasite echinococcus granulosus.
• Notion de contage avec un chien vivant en zone d'endémie (Afrique du Nord, sud de la France). Tumeurs de
tailles variables pouvant mimer un kyste biliaire simple, ou aspect typique de membrane décollée de la coque voire
kyste calcifié« mort».
• Diagnostic de confirmation par sérologie et surtout pas par ponction, qui présente un risque de dissémina­
tion intrapéritonéale très grave.

2.2.4. Échinococcose alvéolaire


• Abcès dû au parasite echnicoccus multilocularis.
• Endémie rurale (Vosges, Ardenne, Jura, Alpes, Massif central).
• Imagerie en faveur de nodules parfois infiltrants mimant une néoplasie.
• Diagnostic par sérologie, même si réaction croisée possible avec le kyste hydatique.

3. Diagnostiquer et évaluer une tumeur maligne

3. 1. Métastases hépatiques (ou tumeurs secondaires)


• C'est la pathologie maligne du foie la plus fréquente : le foie est en effet la cible de nombreuses métastases.
• On les découvre le plus souvent dans le cadre du suivi d'une tumeur primitive, plus rarement de manière inaugu­
ràle (foie marronné) appelant la recherche de la tumeur primitive.
• Un ictère, une altération de l'état général peuvent être associés.

► 234 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 301


UE9 Item 301
� .... .,., _________

• Les étiologies les plus fréquentes sont le cancer colorectal, mais toutes les autres tumeurs digestives (estomac, pan­
créas, œsophage, anus) en produisent ainsi que les tumeurs neuro-endocrines de toutes localisations, les cancers
du testicule, du sein, des bronches, de la tête et du cou, les sarcomes, les mélanomes, etc.

3.1. 1. Typologie des métastases

1. Lésion unique (syndrome oligométastatique de bon pronostic) ou lésions multiples?


2. Lésions synchrones (mauvais pronostic) ou métachrones (meilleure défense immunitaire) ?
3. Localisation hépatique isolée ou associée à d'autres métastases extra-hépatiques (poumon,
péritoine, surrénales, etc.) (moins bon pronostic) ?

3.1.2. Imagerie
• L'échographie permet souvent une première approche. Elle est toutefois opérateur dépendant. Les images sont
typiquement décrites en cocardes.
• Le scanner spiralé est l'examen de base. S'il existe des différences en fonction des étiologies, globalement les
métastases apparaissent hyp odenses, ne se rehaussant pas au temps artériel.
• L'IRM est nécessaire en cas de doute persistant, pour rechercher de plus petites lésions qui n'auraient pas été
vues au scanner et surtout après chimiothérapie où le scanner devient moins performant. L'IRM est globalement
plus sensible pour les lésions hépatiques et apporte des éléments de caractérisation souvent utiles (diagnostic de
carcinome hépatocellulaire, diagnostic différentiel tumeur bénigne versus métastase dans le suivi d'un cancer
opéré) (Figure 3).

Figure 3. Métastases hépatiques à l'IRM

• Le TEP-TDM au FDG n'est indiqué que si son résultat peut modifier la décision thérapeutique. Il est plus utilisé
pour rechercher des métastases extra-hépatiques qu'intra-hépatiques.

3.1.3. Démarche uniciste


• Si les métastases apparaissent de manière synchrone ou métachrone mais dans un délai de l'ordre de 2 ans, dans le
cadre d'une tumeur primitive connue et que l'imagerie est jugée compatible, le diagnostic est affirmé sans recours
à la biopsie.
• Dans le cas contraire (lésion métachrone de plus de deux ans, imagerie peu caractéristique), la biopsie est néces­
saire.

LJE 9 - ITEM 301 1 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 235 ◄


• Elle est aussi nécessaire si le patient a deux cancers primitifs différents dans ses antécédents, ce qui n'est pas rare,
et s'il est nécessaire de rechercher une mutation génétique à portée thérapeutique si la recherche n'est pas possible
sur le primitif. C'est le cas notamment pour des métastases d'un cancer du côlon afin de déterminer la présence ou
non d'une mutation des gènes RAS et RAF.

3.1.4. Traitement (Hors programme ECN)


• Il fait appel aux thérapies systémiques (chimiothérapie, thérapie ciblée) qui lorsqu'elles sont efficaces permettent
d'envisager un traitement local. Il est en effet inutile d'enlever des métastases du foie si la maladie continue à
évoluer par ailleurs.
• De toutes les métastases, celles du cancer colorectal sont les plus accessibles à un traitement curatif.
• De tous les traitements locaux, la chirurgie est celui qui offre le plus de chances de survie à 5 ans. C'est le cas
notamment des métastases du cancer colorectal dont la survie après opération atteint 40 % à 5 ans en sachant que
seulement 20 % à 30 % des patients sont opérables.
• D'autres traitements locaux sont disponibles comme l'ablation percutanée par radiofréquence ou micro-ondes, la
radiothérapie ciblée en conditions stéréotaxiques.

3.2. Tumeurs hépatiques primitives


3.2.1. Carcinome hépatocel/ulaire

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la tumeur hépatique primitive la plus fréquente.

3.2.1.1. Épidémiologie
• En France: rare, il survient après 45 ans et a touché 9 500 patients en 2015, soit 2 % de l'ensemble des cancers,
incidence annuelle de 10 pour 100 000 chez l'homme et 2 pour 100 000 chez la femme (sexe-ratio = 6). Il induit
2 300 décès annuels.
• Développé principalement sur cirrhose éthylique. L'incidence croit en raison de l'infection à virus C, mais devrait
diminuer à partir de 2020 en raison du traitement anti-viral efficace disponible.
• En revanche, des carcinomes hépatocellulaires sur stéatose hépatique non alcoolique (NASH) dans le contexte
d'un syndrome dysmétabolique apparaissent en raison de l'incidence croissante du surpoids dans la population.
• Le carcinome hépatocellulaire représente 80 % des tumeurs primitives du foie. Il est très fréquent en Afrique
Noire et en Asie: jusqu'à 150 cas pour 100 000, développé sur cirrhose post-hépatite B le plus souvent.

3.2.1.2. Diagnostic clinique


• Facteurs prédisposants
La cirrhose hépatique, qu'elle soit d'origine alcoolique ou due au virus C, comme en Europe le plus souvent, ou
d'origine virale (hépatite B surtout mais aussi hépatite C) comme en Afrique ou en Asie. Mais aussi sur cirrhose
d'autres origines, en particulier hémochromatose, mais aussi sur cirrhose biliaire primitive et maintenant sur
NASH.
Rôle possible des toxines alimentaires, comme !'aflatoxine (farines, arachides) ou la lutéoskyrine (riz).
• Physiopathologie
Il faut distinguer les carcinomes hépatocellulaires survenant sur cirrhose ou sans cirrhose préexistante :
- Sans cirrhose, le mécanisme le mieux connu concerne le virus de l'hépatite B qui est un virus à ADN. Le
génome du virus est capable de s'intégrer à !'ADN de la cellule hépatique du patient infecté entraînant des
modifications génétiques conduisant au cancer (plus ou moins rapides en fonction de l'emplacement de l'ADN
où le génome viral s'est intégré). L'aflatoxine donne également des carcinomes hépatocellulaires sur foie sain
en provoquant des mutations de p53.
- Sur cirrhose, les mécanismes impliqués sont moins bien connus et multiples. Les phénomènes de nécrose/
régénération semblent impliqués; il existe également des altérations des mécanismes de réparation de !'ADN.

► 236 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES LJE 9 - ITEM 301


UE9 Item 301

• Symptomatologie, examen clinique


- Les signes fonctionnels ou généraux sont au premier plan : douleurs abdominales, troubles digestifs, fièvre,
altération de l'état général.
- Hépatomégalie, ictère, ascite.
- Aggravation d'une cirrhose connue, avec les signes d'insuffisance hépatocellulaire et d'hyp ertension portale.
- Diagnostic de dépistage chez un cirrhotique connu lors du suivi échographique.
• Examen général
- Amaigrissement, perte de poids et signes <l'anémie.
3.2.1.3. Histoire naturelle
• La dissémination du carcinome hépatocellulaire se fait essentiellement en intra-hépatique via les vaisseaux
(thrombose portale tumorale ++), ce qui explique la fréquence des récidives locales et la multifocalité.
3.2.1.4. Anatomo-pathologie
• Carcinome hépatocellulaire ou hépato-carcinome
Développé aux dépens des hépatocytes, sur un foie cirrhotique ou dans moins de 5 % des cas sur foie sain.
• Carcinome fibro-lamellaire, développé aux dépens des hépatocytes, sur un foie sain (très rare).

3.2.1.5. Diagnostic différentiel ; autres tumeurs primitives


• Le cholangiocarcinome (15 % des cas), développé aux dépens des cellules des voies biliaires intra-hépatiques. Non
lié à la cirrhose (voir plus loin).
• Hépatocholangiocarcinome (5 % des cas), tumeur mixte.
• Hépatoblastome, tumeur pédiatrique.
• Hémangio-endothéliome épithélioïde, tumeur de faible malignité développée aux dépens des cellules endothé­
liales des vaisseaux sanguins.
• Angiosarcome primitif du foie.
3.2.1.6. Diagnostic positif

Toute image nodulaire sur cirrhose est un CHC jusqu'à preuve du contraire.

• Dosage de l'alpha-fœto-protéine
- Seul marqueur en cancérologie digestive qui a une certaine valeur diagnostique quand il est supérieur
à 400 ng/mL sur foie cirrhotique (mais ne suffit pas à porter le diagnostic de CHC).
- Normal dans 30 % des cas, n'élimine pas le diagnostic.
• Examen de débrouillage : l'échographie
- Montre un nodule sur un foie cirrhotique, une extension de ce nodule obstruant la veine porte.
- Recherche des nodules filles. Elle évalue la possibilité de réaliser une biopsie.
• L'examen suivant est le scanner thoraco-abdomino-pelvien
- Réalisation d'un temps artériel, un temps portal, un temps tardif.
- Mise en évidence des signes évocateurs de CHC : nodule hypo ou iso-dense rehaussé au temps artériel et se
lavant au temps portal et tardif ( wash-out) (Figure 4).
- Permet le bilan d'extension à distance, reste du foie, vaisseaux portes (Figure 5) et veines sus-hépatiques,
poumon, ganglions loco-régionaux, os.
• L 'IRM est ensuite systématique si un traitement loco-régional est envisagé :
- Caractérise plus précisément les lésions hépatiques, en particulier un aspect typique d'angiome.
- Le CHC est haoituellement en hyp osignal/isosignal Tl, se rehaussant à l'injection de gadolinium puis à
nouveau en hyp osignal au temps tardif (confirmant le wash-out) (Figure 6).

LJE 9 - ITEM 301 1 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 237 ◄


Figure 4. Image de carcinome hépatocellulaire du foie droit au scanner

Figure S. Image de thrombose portale due à un carcinome hépatocellulaire au scanner

Figure 6. Image de carcinome hépatocellulaire à l'IRM

► 238 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES UE 9 - ITEM 301


UE9 Item 301
� ...... __________ . .- . - .-� .

• L'examen anatomo-pathologique d'une biopsie hépatique n'est pas obligatoire pour affirmer le diagnostic si:
- patient cirrhotique et un examen d'imagerie (scanner ou IRM) évocateur, critères suffisants pour affirmer le
diagnostic de CHC, biopsie dans les autres cas;
- décision de transplantation sur nodule apparu sur cirrhose à fonction hépatique perturbée.
- une élévation de l'alpha-fœtoprotéine, même supérieure à 400 ng/ml, n'est pas suffisante pour poser le
diagnostic de CHC, celle-ci pouvant être liée à des tumeurs germinales ou d'autres tumeurs digestives.

Figure 7. Algorithme de diagnostic d'une lésion hépatique survenue sur cirrhose

Nodule découvert en échographie


chez un malade atteint de cirrhose

[_�<1cm�J ô!:1Cm

Echo/3 mois TDM ou IRM

Image
hypervascularisée
Stabilité
avec wash-out

Non Oui
Augmentation
diamètre/modification
d'aspect
Autre examen Ou PBH
(TDM/IRM)

Ref: BlancJF, BarbareJC, Boige V, Boudjema K, Créhange G, Decaens T, Farges 0, Guiu B, Merle P, Selves L, TrinchetJC.
«Carcinome hépatocellulaire». Thésaurus National de Cancérologie Digestive, juin 2015, en ligne [http://www.tncd].

• . Prélèvements hépatiques : par ponction biopsie hépatique échoguidée, ou guidée par scanner ou per-opératoire.
En foie tumoral et en foie sain si cirrhose non connue, afin de préciser l'état du parenchyme hépatique non tumo­
ral. Après contrôle de l'hémostase, chez un patient informé des risques (saignement, ensemencement tumoral du
trajet de ponction).
• La TEP-PDG ou mieux la TEP-choline: dans le cas d'une localisation hépatique isolée, peut aider à faire le diagnos­
tic différentiel entre une métastase hépatique, un cholangiocarcinome et une tumeur bénigne (rarement utilisée).

Bilan d'extension loco-régional


Examen clinique, échographie et scanner hépatique systématiques
• L'IRM est le plus souvent réalisée (cf. supra).
• D'autres examens peuvent être proposés pour compléter le bilan, en particulier en cas de nodule isolé: scan­
ner lipiodolé (le lipiodol se fixe dans le tissu tumoral hépatique) pour juger de l'extension intra-hépatique et
angiographie lipiodolée (à la recherche des tumeurs hépatiques de petite taille, en bilan pré-opératoire et per­
met un geste thérapeutique dans le même temps: la chimio-embolisation).

LJE 9 - ITEM 301 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 239 ◄


Bilan d'extension à distance
• La maladie reste longtemps localisée au niveau hépatique: le bilan d'extension générale est sommaire.
• Radiographie pulmonaire systématique.
• Scintigraphie osseuse en cas de point d'appel clinique.
• Biologie
- Bilan hépatique, exploration de la fonction hépatique par hémostase et albuminémie.
- Dosage de l'a-fœto-protéine, très bon indicateur. En cas d'a-fœto-protéine normale, le dosage de la
gammacarboxyprothrombine peut être réalisé en l'absence de déficit en vitamine K.

Biologie pré-thérapeutique
• En cas de transplantation hépatique: bilan exhaustif prétransplantation.
• En cas de cirrhose:
- Bilan étiologique si non fait.
- Endoscopie digestive haute à la recherche de varices œsophagiennes.
- NFS et électrophorèse des protéines sériques.
Classification de la cirrhose: score de Child-Pugh et score anatomo-pathologique (score de Knodell ou Métavir en
cas d'hépatite C).

3.2.1.7. Classificatio'n après résultats du bilan d'extension


• En cas de cirrhose, la classification de Child Pugh doit être utilisée pour évaluer la fonction hépatique en plus
de l'extension tumorale (cf chapitre cirrhose).
• Ensuite, le score du BCLC (équipe de Barcelone) permet de définir la prise en charge thérapeutique.
• D'autres classifications pré-opératoires sont utilisées pour définir les critères de résection en fonction de la via­
bilité du foie sous-jacent ainsi que le modèle AFP établi par !'Agence de Biomédecine et utilisé en France pour
inscrire un patient sur la liste de transplantation.

3.2.1.8. Facteurs pronostiques:


• De nombreux scores pronostiques ont été développés dans le CHC. Ils associent à des degrés divers les principaux
facteurs pronostiques suivants :
- Diamètre de la plus grosse lésion;
- Nombre de nodules;
- Envahissement portal;
- Score de Child-Pugh;
- Pourcentage d'envahissement tumoral;
- Taux d'alpha-foeto-protéine;
- Etat général.

3.2.1.9. Prévention
• Primaire
- Vaccination contre l'hépatite B (recommandée en France chez le bébé dès l'âge de 2 mois).
- Prévention de la transmission de l'hépatite C.
- Aide et prévention chez les populations exposées aux risques de transmission virale (toxicomanes).
- Lutte contre l'alcoolisme.
- Lutte contre l'obésité afin de prévenir la NASH qui peut provoquer une cirrhose.

► 240 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 301


! UE9 Item 301
.........................

• Secondaire
- Échographie abdominale.
- Tous les 6 mois, chez les cirrhotiques ou les porteurs d'une hépatite chronique.
3.2.1.10. Prise en charge thérapeutique (Hors programme ECN)
• En fonction du degré d'atteinte hépatique et de l'existence d'une cirrhose associée, plusieurs options thérapeu­
tiques sont possibles.
• Le choix sera fait par une équipe spécialisée en prenant en compte, en particulier, les comorbidités du patient.
Tableau 1. PROPOSITIONS THÉRAPEUTIQUES DU CHC EN FO�CTION DU STADE ET DE LA CIRRHOSE
CHC SUR CIRRHOSE

1 seul nodule • Transplantation hépatique si lésion< 5 cm, quel que soit le stade cirrhose Child A ou B.
• Chirurgie d'exérèse si Child-Pugh A.
• Techniques transcutanées si Child-Pugh A-B et lésion< 5 cm.
• Chimio-embolisation si Child-Pugh A-B.
• Radiothérapie en conditions stéréotaxiques.

2 à 3 nodules< 3 cm • Mêmes options que pour 1 seul nodule.

Dans les autres • Si Child-Pugh A-B.


cas de figure • Chimio-embolisation si pas de thrombose et fonction hépatique suffisante.
'
• Si Child-Pugh C: traitement symptomatique.

CHC SUR FOIE SAIN

1 localisation • Chirurgie d'exérèse systématique.



Localisations multiples • Techniques percutanées
• Chimio-embolisation
• Lipiodol radioactif
• Exérèse chirurgicale si réalisable en poussant les indications puisque le foie sous-jacent est
sain...

CHC MÉTASTATIQUE

• Le sorafenib (Nexavar®) a démontré son intérêt en termes de survie globale en première ligne de traitement du CHC sur
cirrhose stade A-B de Child-Pugh ou sur foie sain. Le lenvatinib (Lenvima®) autre anti-angiogénique déjà utilisé dans le
cancer du rein et le cancer de la thyroïde devrait obtenir son AMM en première ligne, il est aussi efficace que le sorafenib.
Le regorafenib (Stivarga®) a été récemment approuvé comme traitement de seconde ligne après échec du sorafenib. Le
cabozantinib (Cabometyx®) devrait obtenir la même indication.
• Traitement symptomatique dans les autres cas de figure.

• Indications de transplantation classiques remises en question en France par l'utilisation du modèle AFP de
l'Agence de Biomédecine. Le score AFP (tableau 2) intègre outre la taille et le nombre de lésions tumorales, 3
niveaux d'alfa-foeto protéine.
• Accès au greffon impossible si score AFP supérieur à 3.

UE 9 - ITEM 301 1 TUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 241 ◄


Tableau 2. SCORE AFP
Diamètre (cm) POINTS
:5 3 0

3-6 1

>6 4
Nombre de nodules
1-3 0

�4 2

AFP (µg/1)
:5 100 0

100-1000 2

>1000 3

3.2.1.11. Résultats
• Survie à 5 ans : < 20 % en cas de résection chirurgicale (apparition d'autres CHC sur le foie restant). Meilleurs
résultats pour la transplantation : 75 % environ de survie à 5 ans dans les bonnes indications.

3.2.2. Tumeurs des voies biliaires


3.2.2.1. Rappel anatomique
• Le cholangiocarcinome est, en fréquence, le second cancer primitif du foie après le carcinome hépatocellulaire
(CHC).
• Il se développe aux dépens des cellules biliaires, les cholangiocytes, qui tapissent la paroi des voies biliaires.
• Le cholangiocarcinome (CCA) peut atteindre les voies biliaires indépendamment de leur diamètre ou de leur
localisation.
• Lorsqu'il survient sur les canaux biliaires situés à l'intérieur du parenchyme hépatique on parle de cholangiocar­
cinome intra-hépatique.
• On parle de cholangiocarcinome extra-hépatique lorsque la tumeur apparaît sur la voie biliaire extrahépatique.
Parmi les CCA extra-hépatiques, on classe en sous-types les tumeurs qui surviennent au niveau de la convergence
biliaire appelées cholangiocarcinome péri-hilaire ou tumeurs de Klatskin. Ces tumeurs ont une prise en charge
spécifique du fait de cette localisation (mais ne sont pas à proprement parler des tumeurs hépatiques).
• Enfin, le CCA peut se développer aux dépens de la vésicule biliaire, on parle alors de carcinome de la vésicule
biliaire.

3.2.2.2. Épidémiologie et facteurs de risque


• On estime à environ 2 000 le nombre de cas de tumeurs des voies biliaires par an en France.
• Ce sont des tumeurs à globalement mauvais pronostic. Même en situation curative la survie à 5 ans n'atteint pas
50 %.
• La présence d'une maladie chronique du foie notamment les hépatites chroniques d'origine virale (hépatite B et
C) et plus largement la cirrhose sont des facteurs de risque d'apparition des CCA intra-hépatiques.
• La présence d'une inflammation chronique des voies biliaires comme dans la cholangite sclérosante primitive ou
dans certaines maladies parasitaires du foie sont également des facteurs de risque identifiés pour le CCA extra­
hépatique.
• La lithiase biliaire intra-hépatique fréquente en Asie est un facteur de risque de cholangiocarcinome. Jusqu'à 10 %
des patients ayant des calculs dans les voies biliaires intra-hépatiques vont développer ce cancer.
• Enfin le CCA peut aussi survenir en l'absence de tout facteur de risque identifié, et sur un foie histologiquement
sain.

► 242 ÎUMEURS DU FDIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES LJE 9 - ITEM 301


:
. UE9 Item 301
...... .. ................... - -- .

3.2.2.3. Symptômes
• Le diagnostic de CCA est souvent tardif car la maladie donne peu de symptômes particulièrement pour le CCA
intra-hépatique.
• Les signes cliniques apparaissent lorsque la tumeur est responsable de compression des gros canaux biliaires
provoquant un ictère.
• Par ailleurs, peut s'y associer un prurit lié à la cholestase, une pesanteur de l'hypochondre droit ou une altération
de l'état général.
• La découverte du CCA peut être faite de manière fortuite.
3.2.2.4. Biologie
• Aucun test biologique n'est spécifique d'une tumeur biliaire. Le CCA donne fréquemment des perturbations
du bilan hépatique à typ e de cholestase secondaire à l'obstruction biliaire. L'ictère prédomine sur la bilirubine
conjuguée.
• Par ailleurs, aucun marqueur tumoral n'est spécifique de CCA. Ils ne doivent pas être demandés pour le diagnos­
tic de manière isolée; notamment, le CA 19.9 n'a pas de performance diagnostique suffisante. C'est un examen
d'orientation et de suivi en complément de l'imagerie.
3.2.2.5. Démarche diagnostique
• L'imagerie est la clé de voûte du diagnostic. Un CCA peut être évoqué sur une échographie hépatique mettant
en évidence un syndrome de masse hépatique, avec souvent un retentissement sur les canaux biliaires et une
dilatation en amont.
• L'examen de référence pour le diagnostic est le scanner ou l'IRM. L'IRM hépatique avec séquences biliaires (Bili
IRM) permet de réaliser un bilan d'extension hépatique en précisant le niveau de l'atteinte biliaire en vue d'une
résection chirurgicale.
• La preuve formelle de cancer des voies biliaires nécessite une histologie après biopsie de la lésion cible. La
biopsie peut être faite par voie transpariétale, surtout pour les lésions intra-hépatiques.
• Lorsque le cancer est très fortement probable sur l'imagerie, avec une lésion accessible à la chirurgie, une
résection peut être proposée sans preuve histologique. Elle confirmera le diagnostic sur la pièce d'anatomo­
pathologie afin d'éviter le risque d'essaimage de la biopsie.
• En cas de traitement palliatif, une preuve histologique est obligatoire avant de débuter une chimiothérapie.
3.2.2.6. Grands principes du traitement du CCA (Hors programme ECN)
• Le seul traitement à visée curative actuellement validé est la chirurgie carcinologique. Un essai randomisé
récent a montré que l'administration en post-opératoire de capécitabine augmentait la survie des patients opérés
à visée curative. Dans certains cas particuliers, il peut être proposé au patient une transplantation hépatique.
• En cas de CCA non résécable, une chimiothérapie est proposée. Elle associe classiquement la gemcitabine à un
sel de platine (cisplatine ou oxaliplatine). Une irradiation est souvent proposée à la suite de la chimiothérapie.
• En situation palliative, parallèlement à la prise en charge carcinologique, il peut être nécessaire de traiter l'ictère
en réalisant un drainage de la bile. Le drainage peut être fait par voie endoscopique (CPRE) avec mise en place de
prothèse au travers de la zone tumorale. Lorsque ce typ e d'intervention s'avère impossible, un drain transpariétal
peut être posé par les radiologues. En plus de traiter l'ictère, le drainage biliaire est efficace sur le prurit.

LJE 9 - ITEM 301 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 243 ◄


POINTS CLÉS

1. Les examens d'imagerie ont des intérêts différents:


- l'échographie dépiste ou débrouille;
- le scanner fait le diagnostic mais est surtout indispensable pour le bilan d'extension;
- l'IRM est l'examen diagnostique de référence;
- le TEP-TDM sert surtout à éliminer d'autres lésions qu'hépatiques pouvant interférer avec le
traitement (si pas de modification du traitement possible, pas de TEP-TDM).
2. En l'absence de certitude diagnostique, la biopsie a le dernier mot pour déclencher un traite­
ment spécifique.
3. Le foie concentre de nombreuses métastases dont il faut connaître toutes les origines poten­
tielles.
4. La connaissance de la maladie hépatique sous-jacente est essentielle pour le diagnostic et le
traitement d'un hépatocarcinome sur cirrhose.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Proposer une ponction diagnostique d'un abcès pour lequel l'origine hydatique n'a pas été
éliminée par une sérologie est une faute grave qui coûtera cher dans un dossier.
2. La démarche uniciste qui consiste à relier sans biopsie une ou des lésions hépatiques appa­
rues après un diagnostic de tumeur primitive autre n'est pas frappée dans le marbre pour tous les
auteurs; notamment le délai admissible entre les deux diagnostics. Dans le doute, ne pas hésiter
à proposer une biopsie.
3. Si le traitement du carcinome hépatocellulaire n'est pas au programme, sa prévention repose
sur des interventions utiles qu'un médecin généraliste doit connaître.

► 244 ÎUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I UE 9 - ITEM 301


UE9 Item 302
...... .. .................

CHAPITRE ►,_______Tu_m_e_u _r_s _d_e_l_'œ_ s_o_p_h_a_g_ ____


e _
Pr Pierre-Emmanuel Colombo', Dr Julien Edeline', Dr Jérome Doyen3 , Dr Stéphanie Servagi Vernat•
'Département de Chirurgie oncologique, ICM Val d'Aurelle, Montpellier
'Service d'Oncologie digestive, Centre Eugène Marquis, Rennes
3Service de Radiothérapie, Centre Antoine Lacassagne, Nice

•Service de Radiothérapie, Institut Jean Godinot, Reims

1. Épidémiologie
1.1. Épidémiologie descriptive
1.2. Formes histologiques
Épidémiologie analytique: facteurs de risque et OBJECTIFS iECN
1.3.
lésions précancéreuses -+ Tumeurs de l'œsophage
2. Histoire naturelle - Diagnostiquer une tumeur de l'œsophage
3. Diagnostic d'un cancer de !'oesophage
3.1. Circonstances de diagnostic
3.2. Diagnostic de certitude
4. Bilan pré-thérapeutique
4.1. Examen clinique
4.2. Les examens complémentaires du bilan
d'extension
4.3. Classification TNM des cancers de l'œsophage
4.4. Bilan d'état général et d'opérabilité++
5. Particularité des tumeurs de la jonction Mots clés: Cancer de l'œsophage -Dysphagie
œsogastrique organique -Carcinome épidermoïde -
6. Prise en charge thérapeutique Adénocarcinome - Panendoscopie des VADS -
6.1. Règles générales Dénutrition -Alcool -Tabac - Radio-chimiothérapie
6.2. Présentation des différents traitements -Opérabilité -Comorbidité.
6.3. Traitements: arbre décisionnel
6.4. Effets indésirables des traitements
6.5. Prise en charge nutritionnelle
6.6. Surveillance

• Le cancer de l'œsophage est un cancer relativement peu fréquent et de mauvais pronostic.


• Il convient de distinguer les deux types histologiques les plus fréquents, qui ont une épidémiologie et une prise en
charge différentes. L'intoxication alcoolo-tabagique est le principal facteur de risque des cancers épidermoïdes, alors
que les adénocarcinomes sont le plus souvent liés à la dégénérescence d'un endobrachyœsophage et à l'obésité.
• L'épidémiologie se modifie depuis plusieurs années avec une augmentation relative de la fréquence des adéno­
carcinomes qui tend à rejoindre voire à dépasser celle du carcinome épidermoïde aux Etats-Unis et en Europe
Occidentale.
• Le diagnostic de cancer œsophagien doit systématiquement être évoqué devant une dysphagie progressive qui
doit conduire à la réalisation d'une fibroscopie œsogastrique avec biopsies.
• Le diagnostic de certitude repose sur l'examen anatomo-pathologique des biopsies lésionnelles réalisées au cours
de la fibroscopie œsogastrique. L'examen histologique permet de différencier les cancers épidermoïdes des adé­
nocarcinomes.
• Des pathologies associées se développant sur le même terrain à risque doivent être systématiquement recherchées
en cas d'intoxication alcoolo-tabagique (cancers ORL ou pulmonaire, cirrhose ...).

UE 9 - ITEM 302 1 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE 245 ◄


• Le scanner thoraco-abdomino-pelvien est le premier examen complémentaire à réaliser après l'endoscopie.
• Le bilan pré-thérapeutique comprend une appréciation de l'extension loco-régionale et de l'extension à distance
de la tumeur ainsi qu'une évaluation de l'état général, nutritionnel et des comorbidités du patient.
• Le sevrage de la consommation alcoolique et tabagique est un point essentiel de la prise en charge thérapeutique.

1. Épidémiologie
1.1. Épidémiologie descriptive
''' ..
· - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·······-·-·········-------········--·-- --- - - - - - - - - - - - - · · - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ---------- -------- ·
'
:' Le cancer de l'œsophage est une tumeur d'incidence relativement faiblé, de mauvais pronostic, touchant plus :
'
· particulièrement les hommes de plus de 50 ans.

1.1.1. Dans le monde


• On dénombre environ 480 000 nouveaux cas de cancer de l'œsophage par an. Il existe de grandes variations d'inci­
dence de par le monde avec des pays à forte incidence (continent asiatique, Chine, Iran ...) et des pays à plus faible
incidence (continent africain, États-Unis ...). En Europe, l'incidence est considérée comme moyenne.

1.1.2. En France
• L'incidence est en diminution progressive depuis 30 ans avec environ 4 550 nouveaux cas diagnostiqués chaque
année (données 2015).
• L'incidence est relativement faible par rapport aux autres cancers: 15e cancer solide, il représente 2 % des cancers
et 10 % des cancers digestifs.
• L'incidence est en diminution chez les hommes alors qu'elle est stable ou en légère augmentation chez les
femmes.
• Malgré cette diminution, la fréquence reste relativement élevée en France par comparaison aux autres pays euro­
péens. On observe une variabilité régionale importante avec une incidence plus élevée dans le nord et le nord­
ouest du pays (Bretagne et Normandie++ ). Néanmoins, c'est dans ces régions que la baisse d'incidence est la plus
importante (liée à la diminution de la consommation d'alcool).
• C'est une maladie à prédominance masculine : 75 % des patients atteints sont des hommes (le sexe-ratio est
de 3/1).
• La majorité des cas sont diagnostiqués après 50 ans. L'âge moyen au diagnostic est de 65 ans pour les hommes
et de 73 ans pour les femmes.

1.1.3. Pronostic
• Le pronostic général des cancers de l'œsophage est sombre. Il est responsable de 3 320 décès par an (données
2015). Le taux de mortalité a diminué ces dernières années parallèlement au taux d'incidence.
• La survie globale à 5 ans tous stades confondus est de l'ordre de 10 %-15 %. Ce mauvais pronostic est lié notam­
ment à son extension au diagnostic (> 60 % des cas sont diagnostiqués à un stade localement avancé ou métas­
tatique). La survie reste mauvaise même en cas de stade localisé au diagnostic (taux de survie< 40 % à 5 ans), les
récidives pouvant être locales ou métastatiques. Elle est quasiment nulle à 5 ans en cas de stade métastatique (taux
de survie< 5 % à 5 ans).

► 246 ÎUMEURS DE L'ŒSDPHAGE I LJE 9 - ITEM 302


' UE9 Item 302
...... ___________

1.2. Formes histologiques


• Deux types histologiques principaux sont retrouvés (Tableau 1) :
- Les carcinomes épidermoïdes, classiquement les plus fréquents ; leur fréquence est en diminution. Ces
tumeurs peuvent siéger tout le long de l'œsophage et se localisent le plus souvent au niveau des 2/3 supérieurs
de l'organe. On note une association fréquente, synchrone ou métachrone, avec des cancers des voies aéro­
digestives supérieures ou des cancers broncho-pulmonaires.
- Le deuxième type histologique est l'adénocarcinome dont la fréquence relative est en forte augmentation.
Les adénocarcinomes sont devenus plus fréquents que les carcinomes épidermoïdes aux États-Unis, et une
évolution semblable est prévisible en France. Ces tumeurs siègent le plus souvent au niveau du tiers inférieur.
L'incidence de l'adénocarcinome a considérablement augmenté ces dernières années aux États-Unis et
en Europe occidentale (Royaume Uni, France, Finlande, Pays-Bas) pour rejoindre voire dépasser celle du
carcinome épidermoïde en nette diminution.

Tableau 1. CANCER DE L'ŒSOPHAGE: TYPES HISTOLOGIQUES --

Cancers épidermoïdes Adénocarcinomes

• Incidence en diminution Augmentation relative


•Homme> femme après 60 ans Homme> femme
•1/3 supérieur et 1/3 moyen 1/3 inférieur++
Facteurs de risque : Facteurs de risque :
Alcool - tabac+++ RGO chronique avec EB01 de type intestinal++
Comorbidités et cancers associés : -Obésité+
- Cirrhose - BPCO - CHC - Rôle du tabac moins net
- Cancers ORL et bronchiques

1 EBO : Endobrachyoesophage

• Les autres types histologiques sont rares: tumeurs neuro-endocrines, tumeurs stromales: léiomyome (tumeur
bénigne) ou léiomyosarcomes ...

1.3. Épidémiologie analytique : facteurs de risque et lésions précancéreuses


(Tableau 2)

Les facteurs de risque du cancer de l'œsophage dépendent du type histologique++.

Tableau 2. CANCER DE L'ŒSOPHAGE


-
: LÉSIONS PRÉCANCÉREUSES
- --- -- --- - - -- �- �-------�---- --

Cancer épidermoïde Adénocarcinome

• Méga-œsophage idiopathique(= achalasie)


• Œsophagite caustique
• Endobrachyœsophage (métaplasie intestinale) ++
• Diverticules œsophagiens (diverticule Zenker)
• Évoluant vers la dysplasie de bas grade, puis de haut grade
• Sclérodermie
• Œsophagite radique
• Tylose

LJE 9 - ITEM 302 1 0


ÎUMEURS DE L ŒSOPHAGE 247 ◄
1.3.1. Carcinome épidermoïde
Ils sont principalement liés à l'intoxication alcoolo-tabagique avec un lien direct entre le risque de cancer et
l'importance de l'intoxication :

1.3.1.1. L'alcool
• Lien direct avec la consommation alcoolique avec un risque x 20 en cas d'alcoolisme chronique;
• Risque accru pour les alcools consommés chauds.
1.3.1.2. Le tabac
• Risque x 5 en cas de tabagisme actif.
1.3.1.3. L'association alcool - tabac++
• Principal facteur de risque des cancers épidermoïdes ++;
• Synergie du risque cancérigène : le risque est multiplié par 100 !
• Responsable de 90 % des carcinomes épidermoïdes;
• Lien direct entre le risque et l'importance de l'intoxication alcoolo-tabagique.

• Ce terrain nécessite de rechercher des comorbidités liées à l'intoxication alcool-tabac++ :


- Cancer des voies aéro-digestives supérieures (VADS), cancer broncho-pulmonaire
► Réalisation systématique d'un examen ORL avec naso-fibroscopie +/-associée à une pan­
endoscopie des VADS et d'une fibroscopie bronchique lors du bilan initial des cancers
épidermoïdes ;
- Bronchite chronique obstructive (BPCO);
- Pathologies hépatiques: hépatopathie alcoolique, cirrhose hépatique, carcinome hépatocellulaire...

1.3.1.4. Autres facteurs de risque


• ATCD de cancer des VADS ++ : association épidémiologique avec un risque de cancer œsophagien x 30.
• Radiothérapie médiastinale (œsophagite radio-induite, antécédent de radiothérapie médiastinale pour lym­
phome ou maladie de Hodgkin, cancer du sein irradié parfois de nombreuses années auparavant).
• Lésions précancéreuses à risque de dégénérescence tardive (au bout de nombreuses années) :
- Achalasie = méga-œsophage idiopathique;
- Brûlures caustiques;
- Diverticules œsophagiens (Zenker);
- Sclérodermie;
- Tylose (kératodermie palmoplantaire).
• Facteurs alimentaires (boissons chaudes [thé, maté chaud en Amérique du Sud], carences protidiques).
• Rôle discuté du virus HPV (Human papillomavirus) en l'absence d'intoxication alcool-tabac.
• Syndrome de Plummer-Vinson ou de Kelly-Paterson: dysplasie sidéropénique par carence en fer et vitaminique
(population scandinave).

► 248 ÎUMEURS DE L'ŒSDPHAGE I LJE 9 - ITEM 302


UE9 ltem302
..........................

1.3.2. Adénocarcinome
• Il provient le plus souvent de la transformation d'un endobrachyœsophage (EBO ou œsophage de Barrett) lui­
même secondaire à un reflux gastro-œsophagien (RGO) chronique.
• L'adénocarcinome œsophagien est plus fréquent chez les patients en surpoids, obèses et/ou diabétiques de
type 2. Il est alors lié à l'excès alimentaire, aux calories d'origine animale et à l'insuffisance d'activité physique.
• Le tabac est également un facteur de risque dans ce type histologique.

L'EBO est le facteur de risque principal de l'adénocarcinome+++ .

Endobrachyœsophage (oesophage de Barrett)


• C'est la cicatrisation pathologique de la muqueuse œsophagienne sur des lésions d'œsophagite peptique
(RGO chronique) avec remplacement (métaplasie) de l'épithélium malpighien du 1/3 inférieur en épithélium
glandulaire cylindrique. La métaplasie glandulaire est fundique ou intestinale, cette dernière étant particu­
lièrement à risque de dysplasie et de dégénérescence. La présence d'un EBO multiplie par 30 à 100 le risque
de cancer de l'œsophage par rapport à la population générale sans EBO et nécessite une surveillance rappro­
chée par endoscopie et biopsies. La plupart des adénocarcinomes sur EBO surviennent selon une séquence
métaplasie intestinale/dysplasie de grade croissant/cancer:

• 10 % des œsophagites peptiques évoluent vers l'EBO.


• 10 % des EBO évoluent vers la dysplasie avec le risque de dégénérescence.
• But de la surveillance des EBO: diagnostiquer tôt une dysplasie ou une lésion invasive débutante et améliorer
la survie. Surveillance par endoscopies avec biopsies multiples étagées.
- Pas de dysplasie : surveillance endoscopique tous les 2 à 5 ans (en fonction de la taille de l'EBO :
endoscopies rapprochées en cas d'EBO long).
- Dysplasie de bas grade suspectée : contrôle à 2 ou 3 mois après traitement par IPP à double dose
(endoscopie+ biopsies avec double lecture).
- Dysplasie de bas grade confirmée: (endoscopie+ biopsies étagées) tous les 6 mois la première année
puis une fois/an.
- Dysplasie de haut grade : contrôle à 1 mois ; si la dysplasie est confirmée (double lecture anatomo­
pathologique): traitement endoscopique (mucosectomie) ou chirurgical.

2. Histoire naturelle
• Le cancer de l'œsophage se développe à partir de l'épithélium œsophagien puis a une extension en profondeur
dans la paroi infiltrant progressivement les différentes couches de l'organe jusqu'au tissu médiastinal péri­
œsophagien. L'extension se fait alors vers les structures et organes médiastinaux adjacents (Figures la-lb-le).

UE 9 - ITEM 302 1 0
ÎUMEURS DE L ŒSOPHAGE 249 ◄
Figure 1. a. Cancer de l'œsophage: corrélation anatomo-clinique

Tumeur du tiers-supérieur

• Se situe approximativement de l'orifice supérieur


du thorax à la bifurcation trachéale (de 19 à 24 cm des
arcades dentaires (AD)).
• Défilé étroit en arrière de la membraneuse trachéale.
, Extension rapide vers la membraneuse trachéale en
avant.
• Puis vers les gros vaisseaux (tronc artériel brachio­
céphalique (TABC), carotide), le nerf récurrent droit ou
gauche.

Figure 1. b. Cancer de l'œsophage: corrélation anatomo-clinique

Tumeur du tiers-moyen

• Se situe sous la bifurcation trachéale de 25 à 32 cm


des AD.
• Se situe dans un défilé étroit entre la face postérieure
de la carène et la bronche souche gauche++ .
, En arrière peut envahir l'aorte descendante.
, Envahissement possible par la tumeur ou par des
adénopathies métastatiques du nerf récurrent gauche
(dysphonie par paralysie récurentielle gauche).

► 250 0
ÎUMEURS DE L CESOPHAGE I LJE 9 - ITEM 302
UE9 ltem302
............................

Figure 1. c. Cancer de l'œsophage: corrélation anatomo-clinique

Tumeur du tiers-inférieur

• Située de 32 cm à 40 cm des AD.


• À un stade évolué peut envahir l'aorte en arrière ou le
péricarde et le cœur en avant.
• Extension verticale vers le bas vers la jonction
œsogastrique et la petite courbure de l'estomac.

• L'extension est également longitudinale le long de l'organe vers le haut ou le bas (atteinte possible de la jonction
œsogastrique et de l'estomac) avec possibilité de ponts de muqueuse saine.
• L'extension lymphatique est fréquente vers les ganglions péri-œsophagiens, médiastinaux, puis vers la petite
courbure et la région cœliaque vers le bas ou les ganglions sus-claviculaires ou cervicaux vers le haut.
• L'extension par voie hématogène avec métastases à distance (poumon, foie, principalement puis os, cerveau ...).
• Le développement de la tumeur entraîne une altération de l'état général et une dénutrition sévère jusqu'à la
cachexie par dysphagie et évolution tumorale. Des infections médiastinales et pulmonaires et des pneumopathies
d'inhalation sont fréquentes (fausses-routes, fistule œso-trachéale ou bronchique). Des hématémèses sont pos­
sibles par rupture d'un gros vaisseau médiastinal.

3. Diagnostic d'un cancer de l'œsophage

3.1. Circonstances de diagnostic


3.1.1. Rarement de découverte fortuite
• Ce cancer est longtemps asymptomatique ++, expliquant un diagnostic souvent tardif.
• En France, il n'existe pas de protocole de dépistage organisé dans la population générale (contrairement aux
pays asiatiques).

LJE 9 - ITEM 302 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE 251 ◄


• Il peut être de découverte fortuite sur un bilan endoscopique ou radiologique: bilan endoscopique systématique
en cas d'ATCD de cancer ORL, bilan de cirrhose, surveillance régulière d'un EBO (dépistage individuel) ...

3.1.2. le plus souvent le diagnostic se fait sur des symptômes thoraciques++


• Témoins le plus souvent de tumeurs déjà avancées:
- Dysphagie +++, organique :
► c'est le principal signe clinique des cancers œsophagiens ++ ;
► progressive ;
► au début simple accrochage intermittent des aliments solides;
► d'abord aux solides (initialement viande, croûte du pain ...), puis aux liquides, puis aggravation jusqu'à
l'aphagie complète;
► permanente sans rétrocession.
- Isolée, puis associée à des régurgitations, un hoquet, une haleine fétide (stase alimentaire), une odynophagie
et des douleurs thoraciques.
- Plus rarement: hématémèse.

TOUTE DYSPHAGIE PROGRESSIVE DOIT FAIRE RÉALISER UNE FIBROSCOPIE ŒSOGASTRODUODÉNALE


(FOGD) AVEC BIOPSIES de toute lésion suspecte.

3.1.3. Signes en rapport avec une extension loco-régionale (tumeurs localement


avancées)
= Syndromes médiastinaux (envahissement des structures médiastinales)
• Dysphonie (voix bitonale et paralysie de la corde vocale gauche [par atteinte du nerf récurrent gauche]).
• Toux à la déglutition (2 mécanismes possibles: fausse-route par paralysie de la corde vocale gauche [envahisse­
ment du nerf récurrent] - fistule trachéo ou broncho-œsophagienne).
• Surinfections pulmonaires à répétition.
• Douleurs rétro-sternales ou inter-scapulaires.

3.1.4. Signes généraux (altération de l'état général= AEG)


• Amaigrissement, asthénie, anorexie
- Parfois unique signe d'appel.

3.1.5. Signes en rapport avec une extension métastatique révélatrice


• Adénopathie sus-claviculaire notamment gauche (ganglion de Troisier).
• Foie (douleurs abdominales, hépatomégalie nodulaire ...).
• Poumon (dyspnée, épanchement pleural...).
• Os (douleurs osseuses inflammatoires, hyp ercalcémie ...).

► 252 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE I LJE 9 - ITEM 302


UE9 Item 302
• ... .. ..........

3.2. Diagnostic de certitude

• Fibroscopie œsogastrique ++
- Patient à jeun, informé, après vérification du bilan d'hémostase, sous anesthésie locale ou générale.
- Visualisation de la tumeur œsophagienne : aspect, étendue sur la circonférence, franchissable ou non (une
tumeur non franchissable par l'endoscope est très souvent de stade:::: T3 selon la classification TNM [voir ci­
dessous]).
- TOPOGRAPHIE (distance / arcades dentaires), hauteur de la lésion, distance par rapport à la ligne Z
(=jonction des muqueuses œsophagienne et gastrique).
- Permet la réalisation de biopsies multiples ++ avec examen anatomo-pathologique ++ : type histologique,
grade selon !'OMS, évaluation de l'expression d'HER2 par immunohistochimie (pour les adénocarcinomes de
la jonction œsogastrique métastatiques).
- Cancers superficiels et dépistage en cas de lésions précancéreuses : le diagnostic est parfois difficile (intérêt des
colorations ++ : bleu et Lugo!, colorations virtuelles [NBI = narrow band imaging]).

4. Bilan pré-thérapeutique
C'est une étape primordiale de la prise en charge des cancers œsophagiens, car les modalités du
traitement dépendent de paramètres essentiels que sont le type histologique, l'extension du cancer, l'état
général et nutritionnel et les comorbidités du malade.

• Les objectifs du bilan pré-thérapeutique sont donc multiples :


- Bilan d'extension (Tableau 3) :
► bilan d'extension local;
► bilan d'extension loco-régional;
► bilan d'extension à distance;
- Bilan général (comorbidités, pathologies associées) et évaluation du statut nutritionnel.
• Ce bilan permettra de déterminer le stade, le pronostic de la tumeur et son éventuelle opérabilité.

Tableau 3. BILAN D'EXTENSION D'UN CANCER DE L'ŒSOPHAGE: INTÉRÊT DES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
BILAN LOCAL (extension œsophagienne de la tumeur) :
-Écho-endoscopie œsophagienne
-TDM thoracique

BILAN LOCO-RÉGIONAL (organes de voisinage, ADP médiastinales):


-TDM thoracique
-Écho-endoscopie
-Fibroscopie trachéo-bronchique (1/3 moyen et supérieur)

BILAN À DISTANCE (adénopathies à distance, métastases à distance, second cancer synchrone):


-TDM TAP
-TEP-TDM
-Marqueurs (SCC pour les épidermoïdes -ACE, CA19-9 pour les ADK)
-Pan-endoscopie des VADS -fibroscopie trachéo-bronchique (si carcinome épidermoïde)

LJE 9 - ITEM 302 1 0


ÎUMEURS DE L ŒSOPHAGE 253 ◄
4.1. Examen clinique

4.1.1. Interrogatoire
• Antécédents et facteurs de risque (RGO, consommation alcool, tabac à quantifier) ...
• Comorbidités connues (ATCD de cancers [ORL, pulmonaire], hépatopathie, diabète, coronaropathie, BPCO ... ).
• Signes fonctionnels (dysphagie, douleur, toux à la déglutition ...).
• Poids, IMC, perte de poids à quantifier.
• Statut de performance OMS.

4.1.2. Examen clinique


• Signes en faveur d'une extension loco-régionale importante:
- dysphonie (voie bitonale) par paralysie récurentielle gauche (envahissement du nerf récurrent gauche par la
tumeur ou des adénopathies métastatiques).
• Signes en faveur d'une extension métastatique: adénopathie sus-claviculaire gauche (ou ganglion de Troisier,
qui témoigneront toutefois d'une extension locorégionale et non à distance pour les carcinomes œsophagiens du
tiers supérieur de l'œsophage; à noter que le ganglion de Troisier se trouve parfois à droite).
• Signes cliniques à la recherche de comorbidités: signes cliniques de cirrhose ou de BPCO ...

3 signes cliniques sont évocateurs de tumeurs localement évoluées ou métastatiques non opérables:
• Toux à la déglutition;
• Dysphonie (voie bitonale) par paralysie de la corde vocale gauche (envahissement du récurrent gauche);
• Adénopathie sus-claviculaire gauche (Troisier).

4.2. Les examens complémentaires du bilan d'extension (Figure 2)

4.2.1. Le scanner cervical et thoraco-abdomino-pelvien ++ (CTAP)


• Avec et sans injection de produit de contraste iodé (en l'absence d'allergie et après vérification de la fonction
rénale).
- C'est le premier examen à demander après confirmation du diagnostic par la fibroscopie œsogastrique ;
- Il évalue l'extension loco-régionale de la tumeur:
► visualisation de la tumeur: localisation, hauteur ...
► rapport aux organes de voisinage (contact ou envahissement des structures médiastinales: trachée, bronches
souches, péricarde, aorte ...) ;
► recherche des adénopathies médiastinales (fenêtres médiastinales).
- Il évalue l'extension à distance de la tumeur: adénopathies cervicales ou cœliaques, adénopathies mésentériques,
métastases pulmonaires, métastases hépatiques ...

► 254 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE LJE 9 - ITEM 302


UE9
...... .. ................

Figure 2. Bilan d'extension d'un cancer de l'œsophage


Comment hiérarchiser les examens....

Signes cliniques

Diagnostic positif: biopsies sous FOGD

Doute sur une extension métastatique TDMCTAP Extension métastatique évidente

Extension loco-régionale majeure

Fibroscopie pulmonaire,
endoscopie ORL (naso-fibroscopie +/ - pan-endoscopie)

Écho-endoscopie

PROJET OPÉRATOIRE?

TEP-TOM

4.2.2. l'écho-endoscopie œsophagienne


• Examen non systématique (elle n'est pas indiquée en présence d'une tumeur manifestement localement avancée
ou métastatique).
• Évalue avec précision l'extension pariétale de la tumeur (T) et l'extension ganglionnaire loco-régionale (N).
• Peut guider la biopsie d'adénopathies médiastinales suspectes (biopsies trans-œsophagiennes).
• N'est possible que pour une tumeur franchissable (les tumeurs non franchissables sont le plus souvent de stade
avancé� T3). Ne pas dilater.
• Utilisation de sondes à hautes fréquences dans les tumeurs superficielles pour différencier un stade intra-muqueux
d'un stade sous-muqueux.

4.2.3. TEP-TDM
• Examen non systématique.
• Non indiqué en cas d'extension métastatique évidente au scanner TAP.
• Imagerie morphologique et métabolique après injection de FDG marqué au fluor (TEP-TDM au 18-FDG).
• Participe au bilan d'extension loco-régional (adénopathies médiastinales) et à distance (adénopathies cervicales
et cœliaques, métastases foie, poumon, os ... ).

LJE 9 - ITEM 302 TUMEURS DE L'ŒSOPHAGE 255 ◄


• De plus en plus utilisé (ciblage en cas de radiothérapie, recherche d'une contre-indication opératoire en cas de
chirurgie programmée, doute sur une lésion métastatique sur le scanner ...).
• Dans certains cas, il permet l'évaluation de la réponse à une radio-chimiothérapie néo-adjuvante.

4.2.4. Examen ORL : naso-fibroscopie et pan-endoscopie des voies aérodigestives


supérieures
• Recherche de cancers associés.
• SYSTÉMATIQUEMENT indiqué dans les cancers épidermoïdes quelle que soit la localisation (également dans
les adénocarcinomes chez un patient fumeur) pour rechercher un second cancer ORL associé. La naso-fibroscopie
permet d'examiner les fosses nasales, le larynx et le pharynx en consultation. La pan-endoscopie est un examen
sous anesthésie générale, de deuxième intention, qui permet d'examiner en plus les 2/3 supérieurs de l'œsophage
et l'arbre trachéo-bronchique ainsi que la réalisations de biopsies.
• Recherche une paralysie récurentielle (cancers du 1/3 moyen ou supérieur).
• Non indiqué pour les adénocarcinomes du 1/3 inférieur chez le non-fumeur.

4.2.5. Fibroscopie trachéo-bronchique


• Extension loco-régionale : indication systématique pour les deux types histologiques dans les cancers du tiers
supérieur et du tiers moyen pour rechercher une extension à la trachée (1/3 supérieur), la carène ou à la bronche
souche gauche (1/3 moyen).
• Recherche de cancers associés: systématiquement indiquée dans les cancers épidermoïdes (également dans les
adénocarcinomes chez un patient fumeur) pour rechercher un second cancer bronchique associé.
• Non indiquée pour les adénocarcinomes du 1/3 inférieur chez le non-fumeur.

4.2.6. Échographie cervicale +/- biopsies ou cytoponction


• Non systématique.
• En cas d'adénopathie cervicale ou sus-claviculaire suspecte.

4.2.7. Transit œsophagien


• Non systématique.
• Permet de préciser la localisation et la hauteur de la tumeur et son extension sur l'estomac.
• Parfois demandé avant la chirurgie.

4.2.8. Marqueurs tumoraux


• Non systématiques.
• SCC pour les cancers épidermoïdes, ACE et CA19-9 pour les adénocarcinomes.
• Ils n'ont pas d'indication pour le diagnostic++ .
• Mais sont utilisés pour le suivi du patient s'ils sont élevés initialement.

4.2.9. Laparoscopie exploratrice


• Non systématique.
• Conseillée dans le bilan initial des adénocarcinomes œsophagiens ou de la jonction œsogastrique à la recherche
d'une carcinose péritonéale.
• Chez un patient semblant, par ailleurs, accessible à un traitement curatif.
• En l'absence d'extension péritonéale évidente sur le bilan radiologique.

► 256 0
ÎUMEURS DE L ŒSOPHAGE I UE 9 - ITEM 302
UE9 Item 302

4.2.1o: Scintigraphie osseuse et scanner/lRM cérébrale


• Non systématiques.
• Ces examens ne sont prescrits que si point d'appel clinique++.
• Ils permettent de détecter des métastases à distance (cérébrales pour le scanner/IRM cérébrale et osseuses pour la
scintigraphie).
• La scintigraphie osseuse n'est pas utile si un TEP-TDM au 18-FDG a été réalisé auparavant, car cet examen
permet de détecter également les métastases osseuses.

4.3. Classification TNM des cancers de l'œsophage


• La nouvelle classification TNM (7' édition) ne considère plus comme métastases les adénopathies coeliaques (qui
sont considérées comme régionales). Par ailleurs, les adénopathies susclaviculaires gauches ne sont pas des adé­
nopathies métastatiques mais locorégionales pour les carcinomes du tiers supérieur de l'œsophage.

T Tumeur primitive
Tx Renseignements insuffisants pour classer la tumeur primitive
To Pas de signe de tumeur primitive
Tis Carcinome in situ/ dysplasie de haut grade
T1 T1a: Tumeur muqueuse envahissant la lamina propria ou la musculaire muqueuse
T1b: Tumeur envahissant la sous-muqueuse
T2 Tumeur envahissant la musculeuse
T3 Tumeur envahissant l'adventice
T4 T4a : Tumeur envahissant la plèvre, le péricarde ou le diaphragme
T4b: Tumeur envahissant les autres structures adjacentes telles que l'aorte, le corps vertébral
ou la trachée
N Adénopathies régionales
Nx Renseignements insuffisants pour classer les adénopathies
No Pas de signe d'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux
N1 Métastases dans 1-2 ganglions lymphatiques régionaux
N2 Métastases dans 3-6 ganglions lymphatiques régionaux
N3 Métastases dans 7 ou plus ganglions lymphatiques régionaux
M Métastases à distance
Mo Pas de métastase à distance
M1 Présence de métastase(s) à distance

4.4. Bilan d'état général et d'opérabilité++


Il évalue le terrain, l'état général et nutritionnel et apprécie la faisabilité des différentes options thérapeutiques.

4.4.1. Bilan général et pré-opératoire


• Clinique: évaluation du statut de performance OMS et examen général.
• Bilan cardio-vasculaire:
- Consultation cardiologique, ECG, échographie cardiaque trans-thoracique...

UE 9 - ITEM 302 1 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE 257 ◄


• Bilan respiratoire:
- explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) +++
- gazométrie artérielle.
• Fonction hépatique: bilan biologique: ASAT, ALAT, TP, bilirubine, gammaGT.
• Fonction rénale.

4.4.2. Bilan nutritionnel++


• Essentiel dans le bilan initial et dans le suivi ++ :
- Clinique : poids, indice de masse corporelle (IMC) et pourcentage d'amaigrissement par rapport au poids
de forme. La perte de poids d'au moins 10 % est un facteur de mauvais pronostic.
- Biologie: protidémie, albuminémie, pré-albuminémie.

4.4.3. Consultation d'aide au sevrage tabagique et alcoolique

5. Particularité des tumeurs de la jonction œsogastrique


• La distance entre l'épicentre de la tumeur et le cardia anatomique détermine le type selon la classification de
Siewert (Figure 3) :
- Type I: tumeur dont l'épicentre est situé entre 5 à 1 cm au-dessus du cardia anatomique;
- Type II: tumeur dont l'épicentre est situé entre 1 cm au-dessus à 2 cm en dessous;
- Type III: tumeur dont l'épicentre est situé de 2 à 5 cm en dessous du cardia anatomique.
• Les cancers de la jonction œsogastrique de type 1 sont apparentés aux cancers de l'œsophage et partagent des
modalités de diagnostic et de traitement identiques.
• À noter que dans la dernière classification TNM, les cancers de la jonction œsogastrique, quel que soit le type de
Siewert, doivent être classés selon la classification pTNM de l'œsophage.

Figure 3. Classification de Siewert pour les tumeurs de la jonction œsogastrique

Cardia anatomique

Il

Ill

► 258 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE I LJE 9 - ITEM 302


UE9 Item 302
........ _________ _

6. Prise en charge thérapeutique

N'étant pas directement au programme de l'ECN, les différents éléments spécifiques du traitement des cancers
de l'œsophage sont donnés à titre indicatif.

Néanmoins, il nous a paru important de rapporter les grands principes de la prise en charge, les effets secondaires
des traitements et également les modalités des traitements symptomatiques (cf items 248 et 291).

6.1. Règles générales


• La stratégie thérapeutique dans les cancers de l'œsophage relève d'une approche multidisciplinaire, s'attachant
à associer les prises en charge chirurgicales et médicales, mais également les traitements spécifiques et les soins
de support.
• Les indications des différentes stratégies sont complexes, varient selon le type histologique, la localisation, le
stade tumoral et les éventuelles comorbidités du patient. Cette complexité sous-entend la nécessité d'une prise en
charge en centre spécialisé.

Le traitement des cancers de l'œsophage est multidisciplinaire. li varie en fonction de l'extension, du stade de
la tumeur et également de l'état général du patient.

• Chaque dossier sera discuté en RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire) avant toute prise en charge
thérapeutique :
- Élaboration du PPS : programme personnalisé de soin remis au patient et adressé au médecin traitant.
- Information du malade :
► sur l'histoire naturelle de sa maladie ;
► sur le rapport bénéfice / risque des actes thérapeutiques ainsi que les alternatives possibles ;
► dispositif d'annonce médical et infirmier.
- Une évaluation oncogériatrique sera faite pour tout patient âgé de plus de 70 ans.

6.2. Présentation des différents traitements

6.2.1. Principes de la chirurgie des cancers de l'œsophage


• La chirurgie des cancers œsophagiens est une chirurgie complexe associée à une morbidité élevée (30 à 50 %) et
une mortalité significative ( < 5-10 % dans les centres experts). Elle n'est envisageable que pour une minorité des
patients atteints d'un cancer œsophagien (10 à 30 %).
• Règles générales : elle comprend une exérèse œsogastrique plus ou moins étendue associée à une médiastinec­
tomie postérieure monobloc et à un curage ganglionnaire (curage médiastinal, de la petite courbure et ganglions
cœliaques ...) suivis d'une reconstruction digestive.L'estomac est l'organe de remplacement le plus souvent utilisé
par tubulisation gastrique ( = gastroplastie). Cette chirurgie nécessite souvent plusieurs voies d'abord (abdomi­
nale, thoracique, cervicale ...).
• L'intervention de Lewis-Santy est l'intervention de référence. Elle comporte une œsophagectomie avec gastrec­
tomie polaire supérieure par double voie (abdominale et thoracique droite). La reconstruction se fait par gastro­
plastie et anastomose œsogastrique intra-thoracique haute. Elle est applicable pour les tumeurs du 1/3 moyen et
1/3 inférieur.
• Les cancers du tiers supérieur sont très rarement chirurgicaux, l'opération étant le plus souvent remplacée par une
radio-chimiothérapie exclusive.

LJE 9 - ITEM 302 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE 259 ◄


La chirurgie des cancers œsophagiens doit être réservée à des équipes entraînées dans des centres experts.

6.2.2. Principes de la radiothérapie et de la radio-chimiothérapie (RCTJ dans le cancer de


l'œsophage
• Elle est utilisée en situation curative en association à la chirurgie (néo-adjuvant) ou en remplacement (RCT exclu-
sive= sans chirurgie).
• Elle peut être également utilisée en situation palliative à visée symptomatique.
• Elle dure 5 semaines à raison de 5 séances par semaine, une séance par jour.
• Elle est le plus souvent associée à une chimiothérapie de type carboplatine-paclitaxel en pré-opératoire, ou sinon
FOLFOX si la radio-chimiothérapie est exclusive (pas de chirurgie).

6.2.3. Principes de la chimiothérapie dans les cancers de l'œsophage


• La chimiothérapie fait appel le plus souvent à des associations comportant du 5-fluorouracile et un sel de pla­
tine. Elle comprend soit un schéma de type FOLFOX (SFU, oxaliplatine), ou cisplatine (CDDP)-SFU, parfois un
schéma de type carboplatine-paclitaxel.
• La chimiothérapie est bien validée en situation d'association à un traitement à visée curative (traitement péri­
opératoire, association à la radiothérapie). Par contre, l'effet est plus incertain et modeste en situation avancée.
Elle doit alors être utilisée en complément des soins de support, dans une démarche d'intégration à des soins pal­
liatifs précoces chez ces patients souvent très symptomatiques sur le plan digestif, voire respiratoire.

6.2.4. Traitement endoscopique


6.2.4.1. A visée curative
• Une résection muqueuse endoscopique peut constituer un traitement à visée curative des cancers superficiels à
faible risque d'atteinte ganglionnaire. Le risque d'atteinte ganglionnaire varie en fonction du type histologique
(CE ou ADK), de la profondeur d'invasion, du grade de différentiation et de la présence ou non d'emboles lym­
pho-vasculaires.
- Pour le carcinome épidermoïde, le traitement endoscopique sera réservé aux lésions superficielles Ml ou
M2 n'atteignant pas la musculaire muqueuse pour lesquelles le risque d'atteinte ganglionnaire est quasi-nul.
A partir de lésions plus profondes, M3 (atteinte de la musculaire muqueuse) ou SMl, le risque d'extension
ganglionnairejustifie d'une résection chirurgicale. Néanmoins, en cas de haut risque opératoire, il est possible
de discuter un traitement endoscopique pour des lésions M3 ou SM 1 de grade bien différencié et sans emboles.
- Pour l'adénocarcinome, un traitement endoscopique peut être proposé en cas de carcinome intra-muqueux
(Ml-M3) ou de lésion SMI bien différencié et sans emboles.
• La résection doit être réalisée de façon monobloc avec des marges latérales et profondes de sécurité. La dissection
sous muqueuse est préférée à la mucosectomie. Si les critères histologiques ne sont pas respectés sur l'analyse défi­
nitive une prise en charge chirurgicale complémentaire doit être discutée. Cette prise en charge doit être discutée
avec des équipes expertes en endoscopie et en collaboration avec l'équipe chirurgicale.

6.2.4.2. A visée symptomatique ou palliative


• Le traitement endoscopique sera très utile dans la prise en charge des cancers œsophagiens à visée symptomatique
en complément des autres traitements ou à visée palliative : prise en charge de la dysphagie par dilatations œso­
phagiennes, mise en place d'endo-prothèses, techniques de destruction tumorale, mise en place d'une gastrosto­
mie percutanée endoscopique ...

► 260 0
ÎUMEURS DE L ŒSOPHAGE I LJE 9 - ITEM 302
:
•, UE 9 Item 302
........ __________

6.3. Traitements: arbre décisionnel (Figure 4)

Figure 4. Arbre décisionnel du traitement des tumeurs œsophagiennes

-------------------�[ Chirurgie ]

Radio-chimiothérapie
Chirurgie
néo-adjuvante
2options
- Chimio Chimio
Chirurgie
Plutôt ADK péri-opératoire péri-opératoire
Tumeur localisée
cT3 et/ou N+
Radio-chimiothérapie
exclusive

6.4. Effets indésirables des traitements

6.4.1. Complications de la chirurgie


• Mortalité< 5-10 % dans les services spécialisés.
• 30 à 50 % de complications:
- Complications post-opératoires:
► essentiellement respiratoires: pneumopathies, syndrome de détresse respiratoire ...
► fistule œsophagienne avec risque de médiastinite.
- À distance:
► troubles fonctionnels digestifs (par perte du réservoir gastrique), satiété précoce, syndrome du petit estomac,
dénutrition;
- sténose anastomotique;
- reflux gastro-œsophagien.

6.4.2. Complications de la chimiothérapie


• Complications communes : nausées, vomissements, toxicité hématologique (anémie, neutropénie, thrombopé·
nie), alopécie, mucite, élévation des ALAT et ASAT, élévation de la créatinine.
• Complications spécifiques:
- carboplatine et oxaliplatine: neuropathies périphériques, paresthésies;
- 5-FU: mucite, syndrome main-pieds;
- cisplatine: toxicité rénale chronique (néphropathie), ototoxicité, neuropathie périphérique.

LJE 9 - ITEM 302 1 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE 261 ◄


6.4.3. Principaux effets secondaires de la RTCT
• Les effets secondaires de la radiothérapie se limitent en regard de la zone irradiée. On distingue:
- les effets secondaires aigus, dus aux tissus à renouvellement rapide, qui sont réversibles après le traitement;
- et les effets secondaires chroniques, dus aux tissus à renouvellement lent, pouvant être irréversibles.
• En cours de RTCT, la prise en charge nutritionnelle est capitale du fait de la dysphagie provoquée par la maladie
et par la radiothérapie++++ .
• Complications de l'irradiation : ce sont celles des irradiations thoraciques et abdominales (en cas d'irradia­
tion d'un cancer du tiers inférieur) :
- pneumopathie et alvéolite radique (toux, asthénie, douleur thoracique, dyspnée);
- œsophagite++++ (douleur à la déglutition= odynophagie puis dysphagie): l'irradiation permet au début du
traitement de nettement améliorer les symptômes locaux liés au cancer qui, ensuite, se ré-aggravent de façon
systématique à cause de l'œsophagite radique;
- péricardite, épanchement pleural;
- surinfection mycotique de l'œsophagite;
- les complications radiques disparaissent après arrêt de l'irradiation, avec toutefois possibilité de séquelles
minimes à modérées à moyen ou long terme: alvéolite et/ou œsophagite tardive avec sténose, coronaropathies,
péricardite chronique, et rarement cancers radio-induits (après 5 ans).
• Traitement des complications radiques :
- une corticothérapie permet de diminuer les symptômes et de poursuivre l'irradiation;
- tout comme l'utilisation d'antiacides (inhibiteurs de la pompe à protons, alginate de sodium);
- ou celle des antimycotiques (fluconazole).

6.5. Prise en charge nutritionnelle


• À tous les stades de la maladie, la prise en charge nutritionnelle a une importance capitale. Le degré de dénutrition
a en effet un impact non seulement sur le pronostic de la maladie, mais également sur les effets indésirables des
traitements entrepris, et est responsable d'une dégradation de la qualité de vie.
• La première étape est le diagnostic nutritionnel. En plus des données cliniques (poids actuel, poids de base, %
de perte de poids) et paracliniques (albumine, pré-albumine), l'interrogatoire nutritionnel, aidé par une diététi­
cienne, permet de quantifier les apports.
• La prise en charge dépend du degré de dénutrition, des capacités d'absorption par voie orale ainsi que des risques
d'aggravation par les traitements envisagés (majoration de la dysphagie en aigu lors de la radiothérapie). On pri­
vilégiera toujours la méthode de réalimentation la plus naturelle possible, en fonction des capacités et des besoins
du patient:
- Optimisation des apports par voie orale. En plus de conseils nutritionnels d'enrichissement de l'alimentation,
les compléments nutritionnels hyp ercaloriques sont faciles à ingérer même en cas de dysphagie. Des adaptations
nutritionnelles sont parfois également nécessaires après chirurgie (fractionnement des repas).
- Alimentation entérale. Elle contourne l'obstacle œsophagien en cas de dysphagie gênant l'alimentation
solide. La sonde naso-gastrique peut être posée en situation aiguë, mais on privilégiera sur un plus long terme
une gastrostomie, posée par voie endoscopique ou radiologique. L'alimentation entérale permet des apports
nutritionnels importants, peut parfois entraîner des troubles du transit et un inconfort abdominal.
- Alimentation parentérale. Elle est réalisée sur voie veineuse centrale, expose à des risques infectieux et est plus
limitée en termes d'apports caloriques. Pour ces raisons, on préfère dans les cancers de l'œsophage privilégier
la voie entérale. La voie parentérale, si elle est choisie en situation d'attente, doit être réalisée sur de courtes
périodes, théoriquement moins de 10 jours.
• La prise en charge est débutée précocement, dès avant la mise en route des traitements spécifiques, pour diminuer
les complications liées à la dénutrition. Son bon déroulement doit être surveillé de manière régulière, le principal
critère d'évaluation étant la courbe pondérale. Il est fréquemment nécessaire de réadapter la prise en charge, en
fonction de l'aggravation ou de l'amélioration de la dysphagie.

► 262 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE I UE 9 - ITEM 302


UE9 ltem302
�. ____________

6.6. Surveillance
• Le cancer de l'œsophage est associé à un fort risque de récidive après traitement à visée curative. Cependant, la
plupart des récidives ne sont pas accessibles à un traitement curatif. Pour cette raison, l'intérêt de la réalisation
d'examens complémentaires systématiques est débattu.

• Les 3 objectifs du suivi sont :


le diagnostic d'une récidive;
le diagnostic d'un second cancer;
la prise en charge des effets secondaires et séquelles des traitements.

La surveillance va s'appuyer essentiellement sur une surveillance clinique.

• En plus de la réapparition de symptômes, on s'attachera à vérifier le bon état nutritionnel. Chez les patients pou­
vant bénéficier d'un traitement de rattrapage (reprise chirurgicale, radiothérapie), une surveillance endoscopique
(fibroscopie œsogastrique) et par scanner CTAP peut être proposée. Le rythme de surveillance est actuellement
discuté. Un examen clinique et un scanner CTAP seront proposés tous les 4 à 6 mois pendant 2 ans puis tous les
6 mois pendant 3 ans. La FOGD sera réalisée à 2 ans en cas de chirurgie ou tous les 4 mois les 2 premières années
en cas de radio-chimiothérapie exclusive. La surveillance est généralement planifiée pour 5 ans après la fin du
traitement. En cas de cancer épidermoïde, un examen ORL annuel est indiqué.

Il conviendra également de dépister un deuxième cancer métachrone (surtout ORL) chez les patients
atteints de cancer épidermoïde (examen ORL annuel).
· · · · · · · · · · · · · · ·-· ·-----------------------------------------------------------------------------------·· ········-···············- - · - - - - - - - - - - - - - · ···· · · · · · · · · · ·
' '

• Chez ces patients, la prise en charge s'efforcera également de limiter l'exposition aux facteurs de risque, notam­
ment par les conseils de prise en charge du tabagisme et de la consommation excessive d'alcool.

► Références
• Estimation nationale de l'incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 - Tumeurs solides Œsophage
- M. Robaszkiewicz, S. Bara, G. Launoy.
• G. Lledo, C. Mariette,J.-L. Raoul, L. Dahan, B. Landi,T. Conroy, G. Piessen, D. Tougeron, G. Créhange, V. Lepillez, P. Artru, A. Drouillard, J.-F.
Bosset.« Cancer de l'œsophage ». Thésaurus National de Cancérologie Digestive, 09-2016, [En ligne] http://www.tncd.org
• Recommandations SNFGE : Diagnostic et surveillance de l'endobrachyœsophage, SFED, 2007.
• http://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancers-de-l-oesophage/Le-cancer-de-l-oesophage-points-cles
• Cancer de l'œsophage, référentiel de l'INCA et de l'HAS, septembre 2011.

LJE 9 - ITEM 302 1 ÎUMEURS DE L'ŒSDPHAGE 263 ◄


POINTS CLÉS

1. Cancer peu fréquent touchant plus particulièrement l'homme, de pronostic péjoratif même
pour les formes localisées.
2. Deux formes cliniques:
- celle liée à l'alcool et au tabac, entraînant l'apparition de carcinome épidermoïde et qui
nécessite la détection des cancers associés (cancers ORL et pulmonaires) ;
- celle liée au RGO qui entraîne une œsophagite chronique, qui se complique parfois d'EBO, qui
se complique parfois d'adénocarcinome ; cette forme ne nécessite pas de détection d'autres
cancers.
3. La circonstance de découverte la plus fréquente est la dysphagie d'allure organique.
4. Le bilan initial comprend systématiquement une endoscopie œsogastrique et un scanner CTAP.
5. Le sevrage alcoolo-tabagique est systématique.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Ne pas confondre les 2 formes cliniques qui ont une histologie, un bilan initial et une prise en
charge différents.
2. Les marqueurs tumoraux ne sont pas utiles au diagnostic mais parfois pour le suivi.
3. La prise en charge nutritionnelle est indispensable avant de débuter le traitement étiologique
car ces traitements sont associés à une morbidité et mortalité importantes.

► 264 ÎUMEURS DE L'ŒSOPHAGE I LJE 9 - ITEM 302


UE9 Item 303
...... .. ....................

CHAPITRE ►--------------------------------------
Tumeurs de l'ovaire
Pr Christophe Pomel', Pr Pierre Emmanuel Colombo2, Pr Jean-Marc Classe', Pr Florence Joly•
'Centre Jean Perrin, Clermont-Ferrand
'Centre Val d'Aurelle, Montpellier
'Institut de Cancérologie de l'Ouest, Nantes
4
Centre François Baclesse, Caen

1. Introduction
2. Facteurs de risque
2.1. Facteurs environnementaux OBJECTIFS iECN
2.2. Facteurs de risque familiaux -+ Tumeurs de l'ovaire
3. Dépistage - Diagnostiquer une tumeur de l'ovaire
4. Présentation clinique
4.1. Symptômes
4.2. Examen clinique
S. Bilan paraclinique
5.1. Imagerie
5.2. Rôle des marqueurs biologiques
6. Diagnostic de certitude
7. Diagnostic différentiel
8. Classification des cancers de l'ovaire et pronostic Mots clés: Oncogénétique - CA 125 - Échographie
8.1. Classification anatomo-clinique - Carcinose péritonéale - Preuve histologique
8.2. Classification histologique
9. Prise en charge

1. Introduction
• Le cancer de l'ovaire est une tumeur rare (avec 4 400 cas/ an en France). C'est le 7' cancer de la femme. L'inci­
dence est de 15/100 000 femmes. Une femme sur 70 fera un cancer de l'ovaire. C'est la première cause de décès
par cancer gynécologique en France (3 400 décès annuels) et dans les pays développés.
• Les cancers épithéliaux de l'ovaire (adénocarcinomes, qui représentent plus de 90 % des cancers de l'ovaire) sur­
viennent le plus souvent chez la femme ménopausée avec un âge moyen de 65 ans au diagnostic. Cependant, les
tumeurs ovariennes peuvent se voir à tout âge de la vie et même dès l'enfance. Les tumeurs dérivées de la lignée
germinale sont généralement rencontrées chez des femmes jeunes.
• Malgré une diminution de l'incidence de 8 % sur les 10 dernières années et de 1,8 % de mortalité par an, le pro­
nostic des tumeurs épithéliales reste sombre avec un taux de survie à 5 ans de 35 %.
• Cette gravité est le fait d'un diagnostic souvent tardif (70 % des cas sont diagnostiqués à un stade avancé) et de
l'absence de symptômes spécifiques précurseurs. Il n'y a pas de possibilité de dépistage efficace dans la population
générale.
• Pourtant, lorsque le diagnostic est précoce (alors que la tumeur épithéliale est limitée aux ovaires), les chances de
guérison sont réelles avec une survie à 5 ans de l'ordre de 90 %.
• Les tumeurs germinales sont de meilleur pronostic que les tumeurs épithéliales et le diagnostic est plus souvent
fait à un stade précoce.
• Il est important devant toute symptomatologie abdominale et/ou pelvienne mal expliquée, de savoir penser au
cancer de l'ovaire et de pratiquer un examen gynécologique approprié complété par une échographie abdo­
mino-pelvienne qui est le maître examen du diagnostic de cette affection.

LJE 9 - ITEM 303 1 TUMEURS DE L'OVAIRE 265 ◄


2. Facteurs de risque

2.1. Facteurs environnementaux


• Dans la majorité des cas, le cancer de l'ovaire est sporadique.
• Certains facteurs de risques liés à la reproduction et aux traitements hormonaux de synthèse ont été identifiés:
- une puberté précoce ;
- une ménopause tardive ;
- un traitement de stimulation de l'ovulation pour infertilité;
- un traitement hormonal substitutif de la ménopause.
• À l'opposé, plusieurs facteurs liés au système reproducteur et à l'allaitement seraient protecteurs comme l'usage
de contraceptifs oraux, une ligature des trompes, une hystérectomie, un nombre élevé de grossesses et une durée
d'allaitement d'au moins 6 mois (Tableau 1).

2.2. Facteurs de risque familiaux


• Le cancer de l'ovaire est d'origine héréditaire chez 10 à 20 % des patientes.
• Les antécédents personnels de cancer du sein avant l'âge de 50 ans ou des antécédents familiaux (entre parents
au premier degré) de cancer de l'ovaire, du sein, de l'endomètre ou du côlon font évoquer une prédisposition
familiale au cancer de l'ovaire qui impose une consultation d'oncogénétique systématiquement. Toutefois une
forme héréditaire peut exister même en l'absence d'antécédent et une consultation d'oncogénétique peut égale­
ment être proposée en l'absence d'antécédents familiaux quel que soit l'âge pour toute tumeur épithéliale de haut
grade.
• Le syndrome sein-ovaire par mutation constitutionnelle BRCAI ou BRCA2 rend compte de 80 % des formes
héréditaires. Pour les femmes porteuses de la mutation BRCAl, le risque estimé de développer un cancer de
l'ovaire au cours de la vie se situe entre 26 et 54 % ; il se situe entre 10 et 23 % pour celles porteuses de la mutation
BRCA2. La transmission de ces mutations est autosomique dominante.
• D'autres syndromes sont moins fréquents comme le syndrome de Lynch, associant des cancers avec des instabi­
lités microsatellitaires (MSI) (dont les plus fréquents sont les cancers du côlon et de l'endomètre).
• L'endométriose a été associée du point de vue épidémiologique aux cancers de l'ovaire. Ce risque est néanmoins
faible ( < 1 % des patientes ayant une endométriose développeront un cancer de l'ovaire). Ce lien concerne princi­
palement des sous-types histologiques rares: carcinome endométrioïde et carcinome à cellules claires.

Tableau 1. FACTEURS DE RISQUE ET FACTEURS PROTECTEURS ASSOCIÉS AU CANCER DE L'OVAIRE


- -
Facteurs de risque Facteurs protecteurs

Histoire familiale de cancers du sein et/ou de l'ovaire(+++)

Antécédent personnel de cancer du sein

Nulliparité(++) Multiparité(++)

Infertilité(+/-) et stimulation de l'ovulation et traitement


Pilule œstroprogestative(++)
de l'infertilité(+)

Traitement hormonal substitutif(+/-) Allaitement(+)

Endométriose Hystérectomie - Ligature de trompe(+/-)

► 266 ÎUMEURS DE L'OVAIRE I LJE 9 - ITEM 303


UE9 Item 303
..........................

3. Dépistage
• Le dépistage de masse n'est actuellement pas préconisé dans le cancer de l'ovaire.
En effet, les moyens de dépistage disponibles (dosage du CA125 et échographie) ne sont pas assez spécifiques
en regard de la faible prévalence du cancer par rapport aux lésions bénignes de l'ovaire. La généralisation des
échographies conduirait à un trop grand nombre d'explorations chirurgicales inutiles (laparoscopie) pour
parvenir à un diagnostic histologique de certitude.
• Un dépistage est proposé uniquement aux familles à risque lors de la consultation d'oncogénétique, quand une
prédisposition génétique a été détectée chez une femme de la famille atteinte du cancer (ce qui représente 10 à
15 % des cas).
• La recherche de mutation génétique (essentiellement les gènes BRCA 1 et 2) est systématiquement préconisée
dès le diagnostic pour toutes les patientes présentant un cancer de l'ovaire quel que soit leur âge. Elle est réalisée
avec deux objectifs :
- rechercher une prédisposition génétique ce qui permet, en cas de positivité, d'informer, d'étendre la recherche
aux autres membres de la famille et de proposer dans certains cas des chirurgies prophylactiques (ablation
préventive des trompes et des ovaires) ;
--personnaliser le traitement : cette recherche est maintenant recommandée pour les tumeurs épithéliales
de haut grade en raison du développement de nouvelles thérapies (les inhibiteurs de PARP qui ciblent la
réparation de !'ADN en cas de mutation des gènes BRCA). Ces traitements sont indiqués en complément de
la chimiothérapie en première ligne en cas de mutation BRCA ou à la rechute chez des patientes sensibles à la
chimiothérapie par sels de platine.
• La recherche de mutation BRCA: peut se faire dans le sang (recherche constitutionnelle) ou sur la tumeur
(recherche somatique).
À ce jour, dans le but thérapeutique, la recherche se fait de plus en plus sur la tumeur en premier (en cas d'ab­
sence de contexte familial). S'il est découvert une mutation tumorale de BRCA, il faut impérativement adresser la
patiente en consultation d'onco-génétique pour évaluer le risque héréditaire.

'
'
...
·' · · ············---------------------------· · · · · · · - · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · - - - · · · · · · · · · · · ·--------------- -----------------------------· - · · - · - - · · · · · · · · - - - - - - - - - ·

· DEVANT TOUT CANCER DE L'OVAIRE il est donc impératif:


De rechercher, à l'interrogatoire, des antécédents familiaux de cancer de l'ovaire et de cancer du sein;
• De proposer une consultation d'oncogénétique chez toutes les patientes présentant une tumeur épithéliale de
haut grade, quel que soit leur âge.
De proposer dès le diagnostic, une consultation d'oncogénétique ainsi que la recherche de mutation des gènes
BRCA chez toutes les patientes en cas d'antécédents familiaux ou si la mutation de BRCA a été retrouvée sur
la tumeur.

4. Présentation clinique
4.1. Symptômes
• Du fait de la situation profonde des ovaires, ces tumeurs peuvent atteindre un volume important avant de
provoquer des symptômes qui sont très variés et ne sont jamais spécifiques. Trois quart des cas sont diagnos­
tiqués à un stade avancé de carcinose péritonéale. Un cortège clinique d'ascite, de masse pelvienne fixée et de
nodules palpables au niveau de la paroi abdominale est très évocateur de cancer de l'ovaire.

LJE 9 - ITEM 303 1 ÎUMEURS DE L'OVAIRE 267 ◄


• Les principaux symptômes sont les suivants:
-
des douleurs pelviennes ou abdomino-pelviennes irradiant dans les régions lombaires ou inguinales;
-
une augmentation progressive du périmètre abdominal pouvant être due au volume tumoral et/ou à de l'ascite;
-
des saignements ou des pertes génitales anormales;
-
des troubles dus à la compression des organes adjacents, provoquée par la tumeur plus ou moins enclavée dans
le petit bassin : troubles du transit, syndrome sub-occlusif, dysurie, pollakiurie, plus rarement œdèmes des
membres inférieurs, phlébite des membres inférieurs ou sciatalgie;
- une dyspnée en cas d'épanchement pleural concomitant à de l'ascite;
- parfois, il s'agit simplement d'un inconfort abdominal associé à une discrète altération de l'état général.
• Devant une symptomatologie aussi vague et peu caractéristique notamment après la ménopause, il faut savoir
penser au cancer de l'ovaire et procéder à un examen gynécologique.

4.2. Examen clinique


• Il comprend l'inspection et la palpation de l'abdomen et des aires ganglionnaires à la recherche:
- d'une distension abdominale liée à la tumeur dont le pôle supérieur est palpé au-dessus de la symphyse
pubienne, ou à de l'ascite. On peut également palper des nodules péritonéaux indurés qui peuvent former un
«gâteau tumoral épiploïque» s'ils sont nombreux et volumineux;
- parfois l'inspection découvre un nodule ou une induration ombilicale appelée«nodule de Sœur Mary Joseph»
qui correspond à une infiltration cancéreuse de l'ombilic;
- d'adénopathies inguinales ou sus-claviculaires.
• La suite de l'examen comprend un examen gynécologique:
- au spéculum : le col a un aspect normal ; il peut y avoir des métrorragies et parfois le col peut être dévié et
abaissé;
- la masse annexielle ou des nodules péritonéaux peuvent être perçus lors des touchers pelviens à travers le cul­
de-sac vaginal. Aux stades avancés, il peut exister un«blindage» pelvien induré. Généralement les paramètres
ne sont pas infiltrés.

L'examen clinique à lui seul ne permet pas d'affirmer le caractère malin d'une masse pelvienne
ou annexielle. En revanche, 4 éléments cliniques permettent de fortement l'évoquer:
la présence d'une ascite;
la fixité et la dureté aux touchers pelviens;
des nodules palpables de la paroi abdominale, de l'ombilic ou du cul-de-sac de Douglas;
l'altération de l'état général.

• Cas particuliers:
- En cas de découverte d'une tumeur ovarienne chez une jeune fille ou une jeune femme, il faut penser à la
possibilité d'une tumeur de la lignée germinale et faire pratiquer les dosages des marqueurs biologiques
spécifiques de ces affections (cf 5-3) : a-fœtoprotéine (aFP), hormone gonadotrophine chorionique (HCG);
on peut y associer le dosage de la lacticodeshydrogénase (LDH) et de la Neurone Specific Enolase (NSE).
- Certaines formes rares développées à partir des cordons sexuels peuvent entraîner des troubles endocriniens
(puberté précoce, troubles des règles, imprégnation œstrogénique anormale en postménopause) et il faudra
faire des dosages appropriés des hormones sexuelles qui peuvent avoir un intérêt diagnostique et dans la
surveillance ultérieure (comme l'inhibine Bou l'AN_[H).

► 268 0
ÎUMEURS DE L DVAIRE I LJE 9 - ITEM 303
UE9 Item 303
...........................

5. Bilan paraclinique
5.1. Imagerie
5. 1. 1. Échographie

Devant une masse ovarienne, l'échographie pelvienne est un examen diagnostique clé.

5.1.1.1. Technique
• Elle doit se faire par voie sus-pubienne à vessie pleine et par voie transvaginale à vessie vide. Elle doit être complé­
tée par une échographie abdominale. Elle peut éventuellement bénéficier de l'apport de l'écho-doppler couleur.
• Elle permet d'explorer les ovaires et l'utérus, ainsi que la cavité péritonéale, le foie, les reins et dans des circons­
tances favorables les chaînes ganglionnaires rétropéritonéales.

5.1.1.2. Résultats
• C'est un examen très sensible; cependant seule l'analyse histologique de la lésion affirmera son caractère bénin
ou malin.
• L'échographie permet le plus souvent de faire le diagnostic de masse annexielle et de caractériser sa structure:
- aspect liquidien pur en faveur de kystes ;
- solide, plus ou moins homogène ;
- mixte, plus ou moins hétérogène.
• Le signe majeur en faveur de la malignité est la présence d'irrégularités des parois interne ou externe de la
masse qui peuvent prendre l'aspect de végétations plus ou moins épaisses et plus ou moins confluentes (Figure 1)
• L'écho-doppler est intéressant pour explorer la vascularisation du kyste, de ses cloisons et/ou de ses végétations:
la néovascularisation qui accompagne les lésions néoplasiques se caractérise par sa richesse (hypervascularisation)
et la vitesse de circulation sanguine (diminution de la résistivité).

Figure 1. Échographie

• Echographie :
- Par voie abdominale et endo-vaginale ++,
avec doppler

- Critères de malignité des masses


annexielles:
• Taille> 6cm
• Parois épaisses et irrégulières
• Contenu hétérogène/ cloisons intrakystiques
• Végétation endo et/ou exo-kystiques
• Hypervascularisation centrale (doppler)
• Bilatérallté (atteinte de l'ovaire controlatéral)
• Masses solides ou mixtes
• Ascite
• Implants péritonéaux, gâteau épiploïque

UE 9 - ITEM 303 1 ÎUMEURS DE L'OVAIRE 269 ◄


• La constatation de signes suspects, en particulier l'hétérogénéité et les végétations, doit faire compléter l'explo­
ration aux niveaux pelvien et abdominal.
• L'autre ovaire et l'utérus doivent être examinés, car la bilatéralité des lésions malignes est fréquente et des méta­
stases au niveau de l'endomètre sont possibles.
• Le cul-de-sac de Douglas doit faire l'objet d'une attention particulière, car du liquide d'ascite peut s'y accumuler
et l'on peut y retrouver des nodules de carcinose.
• L'exploration abdominale doit être complète et rechercher un épanchement liquidien à l'étage supérieur (rétro­
et sous-hépatique, espace de Morisson) ainsi que des nodules de carcinose au niveau des coupoles diaphragma­
tiques, du péritoine pariétal et de l'épiploon.
• Le foie doit être examiné; il est souvent le siège de nodules sur la capsule de Glisson, plus rarement de métastases
intra-parenchymateuses.
• Les reins sont rarement intéressés; on recherchera cependant une dilatation de leurs cavités par compression des
uretères pelviens.
• Enfin, si la morphologie le permet, une exploration des chaînes ganglionnaires rétro-péritonéales peut mettre
en évidence des adénomégalies pelviennes ou lombo-aortiques.

5.1.2. IRM
• Lorsque l'échographie est incertaine ou indéterminée, l'IRM est le meilleur examen pour caractériser une
tumeur ovarienne isolée+++ alors que le scanner pelvien seul n'a aucun intérêt (Figure 2):
- le contenu hématique des kystes endométriosiques a un signal assez caractéristique à l'IRM qui permet
d'orienter vers ce diagnostic dans un contexte clinique évocateur;
- les différents temps d'injection permettent avec une forte probabilité d'écarter ou d'affirmer le diagnostic de
malignité;
- on réservera l'IRM pour l'exploration des masses ovariennes isolées; elle n'est pas nécessaire en routine pour
caractériser une masse ovarienne lorsque l'échographie suspecte d'emblée une maladie avancée avec carcinose
péritonéale;
- le kyste dermoïde peut être diagnostiqué grâce au scanner, lequel met facilement en évidence son contenu
graisseux caràctéristique ainsi que la présence de calcifications qui sont visibles dès la radiographie d'abdomen
sans préparation.

Figure 2. Clichés IRM montrant des masses annexielles solides et liquides se réhaussant après injection

2a. Coupe coronale

Masse solide

Masse liquide

► 270 ÎUMEURS DE L'OVAIRE LJE 9 - ITEM 303


UE9 ltem303
........ __________

2b. Coupe transversale

Masse solide

Masse liquide

2c. Coupe sagittale médiane


Masse pelvienne avec ascite et nodules de carcinose

Masse pelvienne

Nodules de carcinose

Ascite

5. 1.3. Scanner
• Lorsque l'échographie et ou l'IRM sont fortement suspects de malignité, la réalisation d'un scanner thoraco­
abdominal est nécessaire pour le bilan d'extension (Figure 3).
• Il permet d'apprécier au mieux l'importance et la distribution de la carcinose péritonéale surtout à l'étage supé­
rieur de l'abdomen et d'explorer les chaînes ganglionnaires rétro-péritonéales, pelviennes et lombo-aortiques.
• Les coupes abdominales hautes permettent d'évaluer l'étendue de l'atteinte sus-mésocolique, en particulier au
niveau de l'espace inter-hépato-diaphragmatique.
• Les coupes thoraciques complètent le bilan d'extension à la recherche notamment d'un épanchement pleural,
fréquemment associé dans les stades IV, et/ou de ganglions médiastinaux voire sus-claviculaires.

LJE 9 - ITEM 303 ÎUMEURS DE L'OVAIRE 2 71 ◄


Figure 3. Reconstruction coronale montrant de l'ascite en abondance et des nodules en regard du diaphragme

Nodule

Ascite

Coupes transversales: Nodules de carcinose dans l'épiploon, le mésentère et le pelvis

Nodules de carcinose

5.1.4. TEP-TDM
• Le TEP-TDM n'a pas d'indication en routine dans le cadre du diagnostic du cancer de l'ovaire. Il peut être utile
dans le suivi, en cas de suspicion de rechute avec un scanner normal et pour faire le bilan d'extension en cas de
récidive (si une chirurgie est envisagée).

5.2. Rôle des marqueurs biologiques

5.2.1. En cas de tumeur épithéliale


• Les marqueurs biologiques présents dans les cancers épithéliaux de l'ovaire (CA 125, CA 19-9 et ACE) manquent
à la fois de spécificité et de sensibilité. Ils ne sont pas nécessaires pour le diagnostic.

► 272 ÎUMEURS DE L'OVAIRE I LJE 9 - ITEM 303


UE9 ltem303
..........................

• Le CA 125 est plus le témoin d'une irritation de la séreuse péritonéale que de la tumeur de l'ovaire (il peut être
augmenté dans toute circonstance entraînant une irritation des séreuses [Normalité< 35 UI/ml]).
• Le CA 19-9 est plus souvent élevé dans les formes mucineuses.
• D'autres pathologies, malignes ou non, peuvent être à l'origine d'une élévation de ces marqueurs. A l'inverse, leur
sensibilité peut être prise en défaut par certaines tumeurs peu différenciées qui ne secrètent pas de marqueurs.
• Les marqueurs n'ont pas d'intérêt sauf pour le suivi des patientes déjà traitées.
• En pratique, ils sont cependant prescrits de façon systématique en cas de suspicion de malignité ou de malignité
avérée. Dans ce dernier cas, leur décroissance permet de juger en partie de l'efficacité des traitements médicaux
mis en place.

5.2.2. En cas de tumeur de la lignée germinale


• Dans cette situation, les marqueurs sont à la fois plus spécifiques et plus fiables, reflétant même parfois le type
histologique. Ils sont utiles pour le diagnostic. L'a-fœtoprotéine est élevée dans les dysembryomes; les HCG et
�HCG dans les choriocarcinomes. Les LDH reflètent la masse tumorale et sont un facteur pronostique.
• En cas de suspicion de tumeurs des cordons sexuels il faut ajouter le dosage de l'œstradiol, de l'hormone anti­
müllérienne (AMH) et de l'inhibine B.

6. Diagnostic de certitude
• Comme pour tout cancer solide, le diagnostic de certitude est histologique.
• Dès que le diagnostic de masse annexielle organique est évoqué, une exploration chirurgicale - au minimum
par cœlioscopie - s'impose pour permettre les biopsies et reconnaître une lésion maligne (Figure 4).

Figure 4. Nodule de carcinose sur le mésentère et les tuniques de l'intestin grèle

Il est essentiel de savoir qu'il existe une C:ONTRE-INDICATION ABSOLUE à la réalisation d'une biopsie
trans-pariétale ou trans-vaginale d'une masse annexielle suspecte isolée. Elle peut être responsable
d'un risque de dissémination et de propagation ++.

UE 9 - ITEM 303 1 ÎUMEURS DE L'OVAIRE 273 ◄


La preuve et l'analyse histologique sont donc obtenues :
• aux stades précoces (stades FIGO I et Il)
- exploration chirurgicale (sous laparotomie ou cœlioscopie en fonction du risque pré-opératoire de
malignité) pour réalisation d'une annexectomie et examen histologique (ATTENTION: il faut éviter
autant que possible la rupture des masses annexielles suspectes lorsqu'elles sont d'aspect
kystique++ ).
• aux stades tardifs (ou stades avancés, FIGO Ill ou IV)
- cœlioscopie diagnostique pour réalisation de biopsies.
• Chez des patientes ne pouvant supporter un acte chirurgical ou pour les stades IV radiologiques, la biopsie
percutanée (sous TDM ou échographie d'un nodule de carcinose) est une option discutée en RCP.
Nb : L'exploration chirurgicale par cœlioscopie en cas de stade avancé permet de réaliser une exploration de
l'ensemble de la cavité abdominale et de définir si l'étendue de la tumeur permet une exérèse chirurgicale complète
d'emblée.

7. Diagnostic différentiel
• Devant une ascite avec suspicion de carcinose péritonéale, il faut éliminer :
- une origine tumorale autre que le cancer de l'ovaire (cancer du côlon, cancer de l'estomac, cancer du sein ...);
- une ascite transsudative (insuffisance cardiaque ou cirrhose hépatique);
- une tuberculose péritonéale (qui peut se présenter sous la forme d'une miliaire);
- le syndrome de Demons-Meigs qui associe un fibrome ovarien, une ascite réactionnelle et un épanchement
pleural.
• Dans certains cas, il est difficile de trancher car l'ovaire peut être le siège de métastases secondaires à:
- un cancer de l'estomac (tumeur de Krükenberg) ou à d'autres cancers digestifs;
- un cancer de l'endomètre.
• Il existe également des carcinoses primitives du péritoine dont l'aspect histologique est identique à celui des carci­
nomes séreux ovariens sans que les ovaires soient vraiment tumoraux. Dans ce dernier cas, la conduite thérapeu­
tique est la même que pour un cancer primitif ovarien.

8. Classifications des cancers de l'ovaire et pronostic

8.1. Classification anatomo-clinique (correspondance FIGO 2014 -TNM) (cf.


Tableau 2}
• La stadification du cancer de l'ovaire est faite après l'exploration chirurgicale. La classification de la Fédération
Internationale de Gynécologie Obstétrique (FIGO) 2014 est la plus souvent utilisée. Elle classe les cancers de
l'ovaire en stade localisé (stade I au stade IIB), stade localement avancé (stades IIB-IIIC) et cancer métastatique
(stade IV). Elle a un rôle pronostique majeur et doit figurer clairement dans tous les comptes rendus opératoires.
La majorité des cancers de l'ovaire sont découverts à un stade III ou IV.

► 274 ÎUMEURS DE L'OVAIRE LJE 9 - ITEM 303


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...... .. ..................

1 : Tumeur limitée aux ovaires


IA La tumeur est confinée à l'intérieur d'un ovaire; la capsule est intacte
Cytologie péritonéale négative
18 La tumeur est confinée à l'intérieur des 2 ovaires; la capsule est intacte
Cytologie péritonéale négative
IC La tumeur correspond à 1 ou 2 ovaires
IC1 • Rupture de la tumeur en per-opératoire
Maladie localisée
IC2 • Capsule rompue avant la chirurgie ou extension à la surface de l'ovaire
IC3 • Cytologie péritonéale positive
Il : La tumeur atteint un ou deux ovaires avec propagation au niveau des organes
pelviens
IIA La tumeur atteint un ou les deux ovaires et s'est propagée à l'utérus et/ou
aux trompes de Fallope
118 La tumeur atteint un ou les deux ovaires et s'est étendue aux tissus pel­
viens autres que l'utérus et les trompes de Fallope
Ill : La tumeur touche un ou les deux ovaires avec une extension au-delà du pelvis
IIIA Atteinte péritonéale extra-pelvienne microscopique et/ou extension
ganglionnaire rétropéritonéale
IIIA1 • Extension ganglionnaire rétro-péritonéale isolée
IIIA2 • Lésions péritonéales microscopiques+/- extension ganglionnaire rétro­
péritonéale
1118 Atteinte péritonéale extra-pelvienne macroscopique (atteinte péritonéale
Maladie Avancée
extra-pelvienne ,:; 2 cm+/- extension ganglionnaire rétro-péritonéale
incluant l'extension à la capsule du foie et de la rate)
IIIC Atteinte péritonéale extra-pelvienne macroscopique (atteinte péritonéale
extra-pelvienne> 2 cm+/- extension ganglionnaire rétro-péritonéale
incluant l'extension à la capsule du foie et de la rate)
IV : Extension tumorale métastatique au-delà du péritoine
IVA Atteinte pleurale avec cytologie positive
IV8 Atteinte métastatique (hépatique, splénique) et en dehors des organes
abdominaux (incluant les ganglions inguinaux)

LJE 9 - ITEM 303 ÎUMEURS DE L'OVAIRE 275 ◄


8.2. Classification histologique
• La classification histologique a beaucoup évolué ces dernières années grâce aux nouvelles technologies de biologie
moléculaire qui ont permis de démembrer les tumeurs épithéliales de l'ovaire.
• Le type histologique et le grade de différenciation ont un rôle pronostique majeur et doivent être retrouvés dans
tous les dossiers et comptes rendus de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP).

8.2.1. Anatomo-pathologie et histoire naturelle du cancer de l'ovaire


8.2.1.1. Classification anatomo-pathologique
• L'ovaire est une glande mixte constituée de plusieurs tissus aux fonctions différentes.
• Chacun de ces tissus peut être à l'origine d'une transformation néoplasique bénigne ou maligne ce qui explique la
très grande variété des lésions ovariennes.

On distingue 3 types histologiques principaux en fonction de l'origine de la tumeur (Figure 5):


- les tumeurs épithéliales ovariennes;
- les tumeurs des cellules germinales;
- les tumeurs des cordons sexuels et du stroma gonadique.

Figure 5. 3 types histologiques en fonction de l'origine de la tumeur

[ Tumeurs ovariennes

1 1
Tumeurs des cordons
Tumeurs épithéliales (90 %) Tumeurs germinales sexuels et du stroma
gonadique

1
1
'I 1 1
Tumeurs malignes = - Séminome
Tumeurs bénignes Tumeurs à malignité
adénocarcinomes - Dysembryome
(50 %)
(35 %)
atténuée (15 %) - Choriocarcinome

1 1 1 1 1
Séreux Mucineux Endométrioïde À cellules claires Autres
(46 %) (36 %) (8 %) (3 %) (7 %)

• Tumeurs épithéliales de l'ovaire:


L'ovaire est recouvert d'un épithélium qui est en continuité avec la séreuse péritonéale.
De cet épithélium naissent les tumeurs épithéliales qui rendent compte de 90 % des cancers de l'ovaire. Celles-ci
peuvent être bénignes (dans 50 % des cas), malignes (dans 35 % des cas) ou à malignité atténuée, dites encore
«frontières» ou«borderline» (15 % des cas).
Les cancers sont des adénocarcinomes qui peuvent connaître une différenciation séreuse (la plus fréquente),
mucineuse, endométrioïde ou à cellules claires. La répartition des sous types histologiques des cancers
épithéliaux de l'ovaire est présentée dans le Tableau 3.

► 276 ÎUMEURS DE L'OVAIRE I LJE 9 - ITEM 303


UE9 Item 303
.. .. .... __________

En fonction de la différenciation cellulaire (haut ou bas grade), les adénocarcinomes séreux et endométrioïdes
ont des pronostics différents et le grade cellulaire doit ainsi être rapporté dans tous les comptes rendus
histologiques.

Tableau 3. FRÉQUENCE DES SOUS-TYPES HISTOLOGIQUES DES CANCERS ÉPITHÉLIAUX DE L'OVAIRE

Fréquence des tumeurs endomé- à cellules


à cellules transition- indiffé-
épithéliales selon les séreux mucineux trioïde claires renciés mixtes
sous-types histologiques nelles
OMS 46% 36% 8% 3% 2% 2% 3 °/o

• La lignée germinale peut être à l'origine de séminomes, de dysembryomes plus ou moins matures et de chorio­
carcinomes ; ces tumeurs surviennent plus volontiers chez la femme jeune.
• Les tissus de soutien et les thèques sont à l'origine des tumeurs des cordons sexuels et du stroma gonadique
comme les tumeurs de la granulosa, les fibrothécomes ou de tumeurs à cellules de Leydig ou de Sertoli qui sont
souvent responsables d'une sécrétion hormonale anormale.
• Enfin, l'ovaire peut être le siège de tumeurs secondaires, métastases d'autres cancers.
8.2.1.2. Histoire naturelle
• Les carcinomes ovariens sont le plus souvent kystiques ou mixtes. Dès que des cellules néoplasiques apparaissent
à la surface de l'ovaire, elles sont susceptibles de « desquamer » dans la cavité péritonéale qu'elles vont rapi­
dement ensemencer au gré des mouvements imprimés à cette cavité par la respiration diaphragmatique. Des
implants tumoraux péritonéaux vont proliférer au niveau de l'épiploon et du péritoine pariétal jusqu'aux coupoles
diaphragmatiques pour constituer une carcinose péritonéale avec ascite (le diagnostic est le plus souvent porté à
ce stade).
• L'extension se fait également par contiguïté sur les organes pelviens adjacents (utérus, rectum ...), par voie lym­
phatique (vers les ganglions pelviens, mais également directement vers la région lombo-aortique et les ganglions
sous-rénaux gauches en suivant les pédicules lombo-ovariens ++).
• L'extension hématogène est plus rare et tardive dans l'évolution de la maladie (métastases parenchymateuses du
foie, de la rate, de l'encéphale ...).

8.2.2. Particularités moléculaires des sous-types histologiques


• Ont été identifiés récemment, grâce à l'apport de la génomique, des profils moléculaires spécifiques correspon­
dant à des profils pronostiques différents (Figure 6).

Figure 6. Modifications moléculaires en fonction des sous-types histologiques des cancers de l'ovaire
(et caractère pronostique)

Mutations
ARIOT,\
CTNNBl
PTEN
PIKJCA
PPP2RIA Mudneux

Mutations
ARIDIA Mu1a1ion de laprotéine p53
PIK3CA Jns1abîlitê génétique
ZNF217
PPP2R1A Inactivation des gènes BRCA Ill
(mutation ou hypcrméthylationJ

Mutations
KRAS Pronostic en ionctioo du �.ous-t}'IX' hi.-..tologiqU{'


BRAF M<1uv,1is pronostic si stade- a\.lllC<;
ERBB2


PIKJCA Bon pronostic: pour 16 cartinonlG <k· bas gr,1CX'

■■ J½1u\ iltS pronosli<.: ,lu delà du �1ade J


Bonp<OnŒ-lk
Mluv,1i<, pwnostic.

UE 9 - ITEM 303 1 ÎUMEURS DE L'OVAIRE 277 ◄


• Ainsi les carcinomes séreux de haut grade présentent dans plus de 90 % des cas une mutation du gène P53 et une
inactivation des gènes BRCAl /2 par mutation ou par hyper-méthylation, alors que les carcinomes séreux de bas
grade présentent plutôt des mutations de Kras, Braf et ERBB2. Pour les carcinomes mucineux, on retrouve des
mutations de Kras ; et pour les cancers endométrioïdes des mutations de PI3KCA et de PTEN.

9. Prise en charge
• La prise en charge est pluridisciplinaire: tous les dossiers avec suspicion d'un cancer de l' ovaire doivent être dis­
cutés avant tout acte thérapeutique en réunion pluridisciplinaire incluant des chirurgiens et oncologues médicaux
habitués à la prise en charge de cette pathologie.
• Évaluer l'étendue de la maladie par l'imagerie, l'exploration chirurgicale et faire un diagnostic histologique
de certitude est indispensable pour décider de la prise en charge. L'objectif est d'obtenir autant que possible
une exérèse chirurgicale complète en lui associant, avant ou après la chirurgie, une chimiothérapie à base de
sels de platine.

POINTS CLÉS

1. Cancer épithélial de l'ovaire, le plus fréquent, de mauvais pronostic du fait d'un diagnostic souvent
tardif.
2. La recherche d'une mutation des gènes BRCA est systématique dès le diagnostic dans le but
d'identifier une prédisposition génétique ou à but théranostique pour ajuster le traitement en cas
de mutation. Une consultation d'oncogénétique est impérative devant toute tumeur épithéliale de
haut grade, en cas d'antécédents familiaux ou de découverte de mutation BRCA tumorale et doit être
discutée dans tous les autres cas antécédents.
3. Diagnostic clinique difficile. Échographie abdomino-pelvienne: examen initial pour orienter le
bilan.
4. Les symptômes sont généraux, abdominaux, souvent digestifs, une ascite, mais rarement gynéco­
logiques. Il faut y penser devant une symptomatologie abdominale, digestive, une ascite, chez une
femme ménopausée et proposer rapidement une échographie.
S. L'échographie est le premier examen à pratiquer devant une masse ovarienne.
6. Seule une preuve histologique permet le diagnostic.
7. Les classifications anatomo-cliniques, histologiques et cytologiques sont pronostiques, et donc
indispensables dans tous les comptes rendus.
8. Prise en charge pluridisciplinaire spécialisée indispensable comprenant chirurgien, oncologue,
radiologue et anatomo-pathologiste.

► 278 ÎUMEURS DE L'OVAIRE I LJE 9 - ITEM 303


UE9 Item 303

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Le cancer de l'ovaire est une tumeur rare mais grave.


2. Il n'y a pas de possibilité de dépistage efficace dans la population générale.
3. Il s'agit dans plus de 90 % de tumeurs épithéliales (adénocarcinomes).
4. Les facteurs de risque identifiés sont liés à la reproduction et aux traitements hormonaux
(i.e. puberté précoce, ménopause tardive, nulliparité) et à une prédisposition familiale.

S. Les antécédents personnels de cancer du sein avant l'âge de 50 ans ou des antécédents fami­
liaux (entre parents au premier degré) de cancer de l'ovaire, du sein, de l'endomètre ou du côlon
font évoquer une prédisposition familiale au cancer de l'ovaire. li faut systématiquement penser
à rechercher une forme héréditaire, au premier plan une mutation BRCA 1 ou BRCA2 constitu­
tionnelle qui est présente dans 15 % des cas environ. La mise en évidence d'une mutation BRCA 1
ou BRCA2 constitutionnelle ou tumorale a des conséquences importantes sur la prise en charge
thérapeutique de la patiente.
6. Trois quart des cas sont diagnostiqués à un stade avancé avec carcinose péritonéale.
7. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques, mais un cortège clinique d'ascite, de masse pel­
vienne fixée et de nodules palpables au niveau de la paroi abdominale sont très évocateurs de
cancer de l'ovaire.
8. L'IRM n'est utile que pour aider à la caractérisation des masses ovariennes isolées.
9. Dans les formes avancées, le diagnostic histologique de certitude est obtenu le plus souvent
par l'examen histologique de biopsies péritonéales réalisées au cours d'une cœlioscopie explo­
ratrice. Cette cœlioscopie évalue également l'extension des lésions sur le péritoine et leur résé­
cabilité.
1 O. La biopsie trans-pariétale ou trans-vaginale d'une masse annexielle isolée est formellement
contre-indiquée.

LJE 9 - ITEM 303 1 ÎUMEURS DE L'OVAIRE 279 ◄


-
UE9 Item 304
...... .. ....................

CHAPITRE ►--------------------------------------
Tumeurs des os
p rimitives et secondaires
Pr Jean-Yves Blay', Pr François Gouin2, Dr Marie-Hélène Vieillard', Pr Jean-Michel Coindre', Pr Nicolas Penel'
'Centre Léon Bérard, Lyon
'Service Orthopédie, CHU Nantes
•Service de Rhumatologie, CHRU de Lille
•institut Bergonié, Bordeaux
'Centre Oscar Lambret, Lille

1. Épidémiologie 3.4. Bilan biologique


1.1. Épidémiologie descriptive 3.5. IRM etTomodensitométrie (TDM)
1.2. Épidémiologie analytique des cancers osseux 3.6. Confirmation anatomo-pathologique
primitifs 4. Diagnostic des cancers osseux secondaires
2. Anatomo-pathologie et biologie moléculaire 4.1. Circonstances de diagnostic
des cancers primitifs et secondaires des os 4.2. Présentation clinique d'un cancer osseux secondaire
2.1. Considérations générales 4.3. Présentation radiologique
2.2. Ostéosarcome 4.4. Bilan complémentaire
2.3. Sarcome d'Ewing 5. Bilan pré-thérapeutique
2.4. Chondrosarcome 5.1. Bilan pré-thérapeutique des cancers primitifs des os
2.5. Autres cancers osseux et tumeurs bénignes 5.2. Bilan pré-thérapeutique des cancers secondaires
2.6. Les cancers secondaires des os des os
3. Diagnostic des cancers osseux primitifs 6. Pour en savoir plus: principes des traitements des
3.1. Circonstances de découverte cancers osseux, principes de la surveillance
3.2. Examen clinique 6.1. Cancers osseux primitifs
3.3. Radiographie de l'os et de l'articulation adjacente 6.2. Cancers osseux secondaires

OBJECTIF iECN
Mots clés: Sarcomes - Ostéosarcome - Sarcome
➔ Tumeurs des os primitives et secondaires d'Ewing - Chondrosarcome - Tumeurs bénignes -
- Diagnostiquer une tumeur des os primitive Métastases - IRM - TDM - Prédisposition génétique.
et secondaire

• Les cancers osseux primitifs sont rares et rassemblent des types histologiques différents. Leur incidence est
< 0,7/100 000/an. Les tumeurs osseuses primitives bénignes sont plus fréquentes et hétérogènes. Elles peuvent
rarement se transformer en tumeurs malignes.
• Les tumeurs bénignes ou malignes des os affectent le plus souvent des enfants ou des adolescents et adultes jeunes,
mais peuvent cependant survenir à tout âge.
• Les facteurs de risque des cancers osseux primitifs sont: une prédisposition génétique (mutation germinale de Rb,
p53), une radiothérapie antérieure (cancer en territoire irradié), une tumeur bénigne préexistante, isolée ou dans
le cadre d'un syndrome (maladie des exostoses multiples, maladie d'Ollier).
• Les facteurs de risque de développer des métastases osseuses dépendent de la tumeur primitive.
• Pour les cancers osseux primitifs ou pour les tumeurs bénignes primitives des os, l'obtention du type anatomo­
pathologique précis est indispensable au choix du traitement.
• Le diagnostic d'une tumeur osseuse est une des étapes clé de la prise en charge, et doit être réalisé par une équipe
entrainée. L'Institut National du Cancer a labellisé des centres de référence pour la prise en charge clinique des
sarcomes, pour la relecture anatomo-pathologique des sarcomes, et pour la prise en charge des sarcomes osseux
(réseaux NETSARC, RREPS et RESOS). La prise en charge doit se faire dans les centres de ces réseaux.
• La prise en charge diagnostique comprend l'examen clinique, un bilan d'imagerie adaptée, une biopsie par une
équipe entraînée. Une procédure diagnostique inadéquate peut conduire à une réduction importante des chances
de guérison, ou imposer une chirurgie mutilante.
UE 9 - ITEM 304 1 TUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 281 ◄
• 90 % des tumeurs osseuses primitives sont localisées au diagnostic, et le plus souvent curables. La stratégie à visée
curatrice repose essentiellement sur une chirurgie large, associée selon le diagnostic anatomo-pathologique à une
chimiothérapie et plus rarement à une radiothérapie.
• Environ 50 % des tumeurs osseuses primitives malignes présenteront une rechute métastatique. Les chances de
guérison sont alors voisines de 10 à 20 %.
• Les tumeurs osseuses primitives bénignes requièrent le plus souvent un traitement chirurgical exclusif ; elles
peuvent être dans certains cas simplement surveillées.
• Les os sont également un site privilégié pour la dissémination métastatique de nombreux cancers. Les straté­
gies diagnostiques et thérapeutiques dépendent du tableau clinique et de la localisation du cancer primitif. Les
tumeurs osseuses secondaires (ou métastases osseuses) sont fréquentes, notamment pour les cancers bronchiques,
du sein, de la prostate, du rein ... Les métastases osseuses surviennent le plus souvent après 50 ans avec une épi­
démiologie qui est celle de la tumeur primitive.

Devant une tumeur osseuse:


Eléments orientant vers une nature primitive de la tumeur osseuse
Pas d'antécédent néoplasique personnel
Enfant, adolescent, adulte jeune
Lésion unique
• Eléments orientant vers une tumeur osseuse secondaire
Antécédent néoplasique personnel
Âge> 50 ans
Lésions multiples

1. Épidémiologie

1. 1. Épidémiologie descriptive
1.1.1. Épidémiologie des cancers osseux primitifs
• Les cancers primitifs des os sont très majoritairement des sarcomes, cancers du tissu conjonctif. Il s'agit beau­
coup plus rarement de localisation osseuse de lymphomes. Le myélome multiple est une maladie de la moelle
osseuse. Myélomes et lymphomes font l'objet d'une question spécifique et ne sont pas traités ici.
• Les sarcomes osseux sont rares: 500 nouveaux cas par an en France, dont la majorité survient dans l'enfance
(Figure 1). Cependant, des sarcomes osseux peuvent être diagnostiqués à tout âge.
• On rencontre plus de 10 types anatomo-pathologiques de sarcomes osseux. Les plus fréquents sont les ostéo­
sarcomes (appelés également sarcomes ostéogéniques), les sarcomes d'Ewing, et les chondrosarcomes.
• On observe une prédominance masculine avec un sexe-ratio voisin de 1,5.
• Les ostéosarcomes et les sarcomes d'Ewing ont deux pics d'incidence : vers 14 ans puis vers 60 ans pour les
ostéosarcomes; vers 16 ans puis vers 50 ans pour les sarcomes d'Ewing. En revanche, les chondrosarcomes ont un
pic d'incidence plus tardif, vers 50 ans (Figure 2).
• Les autres tumeurs osseuses primitives surviennent souvent à des âges spécifiques de la vie, volontiers chez les
enfants et les adultes jeunes (tumeurs à cellules géantes,« ostéoclastomes » chez les adultes jeunes par exemple).
• Les patients affectés par les très rares syndromes de tumeurs osseuses multiples (syndrome des exostoses mul­
tiples, syndrome des enchondromes multiples), présentent des tumeurs osseuses bénignes dans plusieurs os dès
l'enfance, avec une évolutivité variable en fonction des syndromes. Ces tumeurs bénignes peuvent se transformer
en sarcomes; il s'agit le plus souvent alors de chondrosarcomes.

► 282 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 304


UE9 ltem304
.....................

Figure 1. Taux de prévalence en fonction de l'âge des sarcomes

20,0

18,0
0
0
0 16,0

....
0 - Ensemble des sarcomes
0
14,0 -- Sarcomes des tissus mous
Cl)
12,0 _,._ Sarcomes viscéraux
Cl)
10,0 -- Sarcomes osseux

•Cl) 8,0

Cl)
"O
6,0 Total
>< 4,0 STM
2,0

0,0
0-9 10-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80-89 90+

Age

Figure 2. Taux d'incidence en fonction de l'âge des principaux sarcomes osseux

_.,_ Chondrosarcome / 100,000


0,8
--- Osteosarcome / 100,000

0
0,7 -+- Ewing / 100,000
0

... 0,5
0
0
0,6

Il>
0,4
ï3
,!: 0,3
)( 0,2
0,1
0,0
0-9 10-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80-89 90+
Age

1.1.2. Épidémiologie des cancers osseux secondaires


• Elle correspond à l'épidémiologie du cancer primitif, de la fréquence des rechutes métastatiques, et de la fréquence
des localisations osseuses dans les rechutes métastatiques.
• En phase métastatique, on observe des métastases osseuses pour 50 à 80 % des cancers du sein, 50 à 70 % des can­
cers de la prostate, 40 % des cancers de la thyroïde, 30 à 40 % des cancers du rein, 30 % des cancers bronchiques
et des mélanomes.
• La plupart des cancers secondaires des os surviennent chez l'adulte de 50 ans et plus; cependant une dissémina­
tion secondaire initiale d'un neuroblastome est possible chez le jeune enfant.

UE 9 - ITEM 304 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 283 ◄


1 .2. Épidémiologie analytique des cancers osseux primitifs
• Les facteurs de risque des cancers osseux secondaires sont ceux des cancers primitifs. Nous ne les rappellerons
pas ici.

1.2.1. Irradiation antérieure


• L'administration d'une radiothérapie antérieure pour une autre tumeur maligne (par exemple, cancer du sein,
cancer de la prostate, lymphome de Hodgkin...) constitue un facteur de risque établi pour la survenue d'un sar­
come osseux. Il s'agit cependant d'une complication rare, survenant chez moins de 1 % des patients. Le diagnostic
de cancer osseux en territoire irradié est le plus souvent porté entre 4 et 20 ans suivant l'administration de la
radiothérapie.

1.2.2. Expositions professionnelles


• On ne connaît pas de facteur de risque professionnel des sarcomes osseux.

1.2.3. Expositions environnementales


• On ne connaît pas de facteur de risque environnemental des sarcomes osseux, notamment relatif à la pollution
atmosphérique.

1.2.4. Facteurs diététiques


• On ne connaît pas de facteur de risque diététique associé à un risque accru de cancer osseux primitif.

1.2.5. Facteurs de risque personnels


• La maladie de Paget osseuse est associée à un risque de transformation en ostéosarcome. Il s'agit d'un évènement
rare, notamment depuis l'utilisation des bisphosphonates.
• Infarctus osseux, fractures avec mise en place de matériel orthopédique ont été rapportés comme facteurs poten­
tiellement contributifs.

1.2.6. Susceptibilité génétique


• Les sarcomes osseux peuvent survenir dans un contexte de syndrome de prédisposition familiale au cancer
notamment:
- le syndrome de Li-Fraumeni (mutation germinale de p53), qui augmente le risque d'ostéosarcome et de
sarcome indifférencié des os;
- le rétinoblastome familial (mutation germinale du gène Rb), qui augmente le risque d'ostéosarcome et de
sarcome indifférencié des os, le plus souvent après 16 ans;
- la maladie des exostoses multiples et la maladie des enchondromes multiples (maladie d'Ollier), qui augmentent
le risque de développer des chondrosarcomes. Les gènes mutés en cause sont multiples, et comprennent des
gènes codant pour des protéines de la matrice extracellulaire .
• D'autres syndromes de prédisposition pour des cancers primitifs osseux existent, mais sont très rares.

► 284 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES LJE 9 - ITEM 304


UE9 Item 304
...... ___________

2. Anatomo-pathologie et biologie moléculaire


des cancers primitifs et secondaires des os
2.1. Considérations générales
• Les cancers primitifs des os rassemblent une large variété de sous-types histologiques. Les plus fréquents
sont l'ostéosarcome, le sarcome d'Ewing et le chondrosarcome. Les autres histologies de cancers osseux primitifs
sont plus rares : sarcomes indifférenciés osseux primitifs, léiomyosarcomes osseux primitifs, et d'une manière
générale la quasi-totalité des sous-types histologiques des sarcomes des tissus mous et des viscères.
• Les cancers primitifs des os comprennent également des tumeurs « à malignité intermédiaire » se présentant
comme des tumeurs malignes, mais avec un risque d'évolution surtout locale et plus rarement métastatique.
Parmi les formes histologiques à connaître: les chordomes et les tumeurs à cellules géantes des os (ancienne­
ment appelées tumeurs des ostéoclastes).

Plusieurs points importants sont à savoir:


• L'examen histologique requiert une biopsie qui ne doit être effectuée que par une équipe multidisciplinaire
(radiologue, chirurgien, anatomo-pathologiste) entraînée à ces cancers rares. Une Réunion de Concertation
Pluridisciplinaire (RCP) spécialisée doit être consultée en cas de suspicion de cancer primitif osseux. li y en a une
vingtaine sur le territoire national.
• Ce sont des cancers rares et le risque d'erreurs diagnostiques (bénin/ malin; sous-type ...) est important.
L'Institut National du Cancer recommande une deuxième lecture histologique par un expert dans un centre de
référence.
• Un grade histo-pronostique doit être attribué au cancer et permet de différencier des sous-groupes parmi
les types histologiques : on distingue ainsi des ostéosarcomes et des chondrosarcomes de bas grade, dont le
risque de rechute métastatique est limité. Le risque de rechute métastatique est plus élevé dans les tumeurs
de haut grade. Le système de grade est différent entre les ostéosarcomes, les chondrosarcomes, et les autres
sarcomes.

2.2. Ostéosarcome
• Les ostéosarcomes sont des sarcomes osseux qui produisent une matrice ostéoïde anormale (Figure 3).
• L'ostéosarcome peut affecter tous les os mais survient principalement sur les os longs, au niveau de la méta­
physe. Chez l'adolescent, il survient le plus souvent,« près du genou et loin du coude», sur l'extrémité inférieure
du fémur, l'extrémité supérieure du tibia, l'extrémité supérieure de l'humérus. Les ostéosarcomes peuvent cepen­
dant affecter tous les os longs et tous les os plats.
• Les ostéosarcomes sont le plus souvent (90 %) des cancers de haut grade histologique, avec un risque métas­
tatique élevé en l'absence de traitement par chimiothérapie (80 % de risque de rechute métastatique sans chimio­
thérapie).
• 10 % des ostéosarcomes sont de bas grade histologique. Leur risque de rechute métastatique est limité (les ostéo­
sarcomes de bas grade sont traités habituellement par chirurgie seule).
• Le traitement classique des ostéosarcomes de haut grade comporte plusieurs cures de chimiothérapie néo­
adjuvante avant l'intervention chirurgicale: l'examen histologique effectué sur la pièce de résection de la tumeur
permet de déterminer le pourcentage de cellules tumorales résiduelles viables après chimiothérapie, ce qui est un
facteur pronostique majeur.
• Sur le plan moléculaire, les ostéosarcomes présentent fréquemment des mutations de p53 et/ou Rb, ainsi que de
multiples anomalies génomiques encore mal comprises.

LJE 9 - ITEM 304 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 285 ◄


Figure 3. Coupe anatomo-pathologique d'un sarcome ostéogénique:
cellules tumorales pléiomorphes produisant une matrice ostéoïde

2.3. Sarcome d'Ewing


• Le sarcome d'Ewing est une tumeur à petites cellules rondes faisant partie des tumeurs primitives ou secon­
daires PNET (Peripheral Neuro-Ectodermal Tumor). Elles sont toujours de haut grade de malignité (Figure 4).

Figure 4. Coupe anatomo-pathologique d'un sarcome d'Ewing :


petites cellules rondes présentant des caractéristiques cytologiques de cellules néoplasiques

• Le sarcome d'Ewing peut affecter tous les os mais survient plus souvent que l'ostéosarcome sur les os plats,
bassin, vertèbre, omoplate. Sur les os longs, il peut avoir une topographie diaphysaire ou métaphysaire. Le sar­
come d'Ewing peut affecter cependant tous les os longs et tous les os plats.
• 30 % des sarcomes d'Ewing surviennent dans les parties molles ou dans les viscères. Leur examen histologique
et leur traitement sont les mêmes quel que soit la topographie de la tumeur primitive.
• Les sarcomes d'Ewing sont toujours des cancers de haut grade histologique, avec un risque métastatique élevé
en l'absence de traitement par chimiothérapie (80 % de risque de rechute métastatique sans chimiothérapie).

► 286 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES LJE 9 - ITEM 304


UE9 Item 304
...... ... ..........

• Sur le plan moléculaire, les sarcomes d'Ewing présentent une translocation spécifique caractéristique, qui est
un outil diagnostique. Cette translocation (11, 22) juxtapose le gène EWS et un gène appelé Flil, donnant lieu
à un gène codant pour un facteur de transcription anormal. Cette anomalie génomique est caractéristique et est
utilisée à visée diagnostique (FISH ou PCR). De nombreuses translocations variantes sont décrites: certaines sont
associées à un pronostic différent.
• Le traitement classique des sarcomes d'Ewing, comme pour les ostéosarcomes, comporte plusieurs cures de
chimiothérapie néo-adjuvante avant l'intervention chirurgicale : l'examen histologique effectué sur la pièce de
résection de la tumeur permet de déterminer le pourcentage de cellules tumorales résiduelles après chimiothéra­
pie, ce qui est un facteur pronostique majeur. C'est une tumeur sensible à la radiothérapie qui peut, dans certains
cas, être proposée.

2.4. Chondrosarcome
• Les chondrosarcomes sont des sarcomes osseux qui produisent une matrice cartilagineuse anormale (Figure 5).
• Le chondrosarcome peut affecter tous les os mais survient principalement sur les os plats (bassin, vertèbres,
omoplates, l'extrémité supérieure du fémur et de l'humérus).
• Les chondrosarcomes sont beaucoup plus hétérogènes que les ostéosarcomes : on distingue les chondrosar­
comes de grade 1, 2, et 3, et des formes rares (dédifférenciés, mésenchymateux, myxoïdes). Leurs pronostics
respectifs sont totalement différents.
• Ils peuvent survenir sur une tumeur bénigne pré-existante : maladie exostosante (ou exostoses multiples),
enchondromes multiples (ou maladie d'Ollier) sont les plus fréquentes.

Figure S. Coupe anatomo-pathologique d'un chondrosarcome de grade 2:


chondroblastes atypiques au sein d'une matrice chondroïde

• Les chondrosarcomes sont le plus souvent (70 %) des cancers de bas grade histopronostique avec un risque
métastatique très faible.L'examen histologique permet parfois difficilement de les distinguer d'un enchondrome,
tumeur bénigne dont la topographie est similaire.
• Le diagnostic des chondrosarcomes de grade 1 repose sur des critères histologiques, mais aussi cliniques (dou­
leurs) et radiologiques (érosions corticales). Douleurs et érosions corticales les distinguent des tumeurs cartilagi­
neuses bénignes.
• Très rarement les chondrosarcomes surviennent en dehors des os, dans les tissus mous ou les viscères.
• Sur le plan moléculaire, les chondrosarcomes présentent des mutations très différentes selon les sous types his­
tologiques et le grade (mutations IDHl et 2, p53, translocations ...).
• Sur le plan thérapeutique ces tumeurs sont peu ou pas sensibles à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Leur
traitement repose donc essentiellement sur la chirurgie.

LJE 9 - ITEM 304 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 287 ◄


2.5. Autres cancers osseux et tumeurs bénignes
• Les sarcomes osseux d'autres histologies (sarcomes osseux indifférenciés, leiomyosarcomes osseux primitifs,
etc.) se présentent cliniquement comme des ostéosarcomes, mais surviennent à un âge moyen plus tardif (40 ans).
Ils sont presque toujours de haut grade histopronostique. L'examen histologique de ces sarcomes osseux pri­
mitifs est similaire à celui de leurs équivalents histologiques dans les sarcomes des tissus mous (qui sont beaucoup
plus fréquents).
• Les chordomes sont des cancers rares dérivés de résidus de la notochorde, et se développent sur les os de la ligne
médiane (base du crâne, vertèbres, sacrum). Ils présentent un aspect histologique caractéristique, et rechutent
souvent sur un mode loco-régional, avec un pronostic redoutable.
• Les tumeurs à cellules géantes des os sont des tumeurs de l'adolescent et de l'adulte jeune le plus souvent. Elles
comportent un important contingent d'ostéoclastes, activés par des cellules tumorales stromales. Les ostéoclastes
résorbent l'os et donnent à l'examen radiologique simple une allure ostéolytique pure, épiphysaire, caractéris­
tique. Ces tumeurs donnent rarement des métastases.
• Les tumeurs osseuses bénignes sont plus fréquentes et hétérogènes : on peut citer les ostéochondromes (encore
appelés exostoses) affectant la surface de l'os, les enchondromes, tumeurs cartilagineuses bénignes, les ostéomes
ostéoïdes, les fibromes non ossifiants, les granulomes éosinophiles, les kystes anévrysmatiques (ou kyste osseux
anévrysmal (KOA)). Leur diagnostic, souvent complexe, est clinique et radiologique, parfois histologique. Ils
nécessitent un avis par une équipe spécialisée. Parmi les tumeurs bénignes, l'ostéome ostéoïde mérite d'être connu.
Il se manifeste par des douleurs de tonalité inflammatoire, avec une nette recrudescence nocturne, exquises, loca­
lisées au niveau de l'os atteint. Ces douleurs sont très sensibles à l'aspirine et aux anti-inflammatoires non-stéroï­
diens. L'aspect radiologique est caractéristique avec un épaississement périosté entourant une zone centrale claire,
le nidus. Le traitement repose sur la destruction du nidus par radiofréquence ou par chirurgie.
2.6. Les cancers secondaires des os
• Le diagnostic des cancers secondaires des os n'est pas nécessairement histologique (cf infra). Il repose sur
l'anamnèse, la présence d'autres métastases. Lorsque la métastase osseuse est unique, un diagnostic histolo­
gique, le plus souvent par biopsie radio-guidée sera nécessaire, pour confirmer l'origine métastatique de la lésion
osseuse, la concordance avec un cancer primitif connu ou poser le diagnostic différentiel avec une tumeur primi­
tive osseuse, une métastase osseuse d'un second cancer ou une localisation osseuse d'une hémopathie.

3. Diagnostic des cancers osseux primitifs

• L'anamnèse identifie l'absence d'antécédent de cancer (un antécédent de cancer n'exclut pas une tumeur pri-
mitive osseuse).
• Le tableau clinique évocateur doit conduire à un bilan sans délai.
• L'examen radiologique simple doit être le premier examen.
• Il est recommandé de rechercher d'éventuels documents radiologiques antérieurs.
• La biopsie ne doit être entreprise qu'après avis d'une RCP spécialisée dans les tumeurs osseuses et des parties
molles.

3. 1. Circonstances de découverte
3.1.1. Signes et symptômes en rapport avec l'extension locale et régionale
• Augmentation de volume d'une pièce osseuse ou d'une articulation sans facteur traumatique déclenchant :
ne pas se laisser piéger par un traumatisme minime présenté comme causal par le patient ou sa famille et qui est
en fait révélateur.
• Douleur, souvent de caractère inflammatoire, parfois résistante aux antalgiques.
• Impotence fonctionnelle, boiterie.

► 288 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES LJE 9 - ITEM 304


UE9 Item 304
..........................

• Rarement, état subfébrile.


• Contexte clinique: enfant ou adolescent/adulte jeune, tuméfaction de l'articulation.
• Ces symptômes, notamment lorsqu'ils sont persistants et/ou évolutifs, doivent attirer l'attention et conduire à un
examen radiologique.
• Plus rarement :
- Fracture spontanée ou après un traumatisme minime;
- Compression nerveuse ou vasculaire;
- Inégalité de longueur acquise ou déformation acquise chez l'enfant en croissance.

3.1.2. Signes en rapport avec une extension métastatique


• Métastases pulmonaires symptomatiques: signes respiratoires (rares).
• Métastases osseuses (douleurs diffuses, rares).
• Métastases médullaires avec insuffisance médullaire quantitative (surtout pour le sarcome d'Ewing ).
• Moins de 10 % des cancers osseux primitifs sont métastatiques au diagnostic initial.

3.1.3. Signes généraux


• Asthénie, anorexie, amaigrissement inexpliqué; leur absence, habituelle, ne doit pas rassurer à tort.
• Fièvre (habituellement peu élevée, sans signe infectieux caractérisé et répondant aux anti-inflammatoires non
stéroïdiens).

3.2. Examen clinique


• En fonction des signes d'appel, il s'attachera à rechercher:
- une tuméfaction palpable sur une zone douloureuse;
- une impotence fonctionnelle;
- une compression vasculaire ou nerveuse;
- un point d'appel infectieux récent (diagnostic différentiel d'ostéomyélite);
- les aires ganglionnaires: les sarcomes osseux n'envahissent pratiquement jamais les aires ganglionnaires;
- certains symptômes pouvant témoigner d'une atteinte métastatique: douleur osseuse sur d'autres segments
osseux, symptômes respiratoires.
• Il appréciera en outre l'importance de l'amaigrissement (qui sera chiffré par rapport au poids de base) et le
niveau d'altération de l'état général à partir de l'indice d'activité ou« de performance» (index de Karnofsky ou
grade OMS).

3.3. Radiographie de l'os et de l'articulation adjacente


• L'examen est toujours demandé de face et de profil.
• Il s'agit d'une étape essentielle et incontournable (l'IRM ne remplace pas la radiographie standard) en cas de
suspicion de tumeur primitive osseuse, car la normalité de la radiographie de la pièce osseuse rend peu probable
le diagnostic de tumeur osseuse.
• Les signes radiologiques classiques évoquant une lésion osseuse maligne sont (Figures 6 et 7) :
- Ostéolyse à limite floue;
- Rupture de la corticale;
- Appositions périostées (classiquement en bulbe d'oignon pour le sarcome d'Ewing );
- Envahissement des parties molles (classiquement en feu d'herbe ou rayons de soleil pour l'ostéosarcome).

LJE 9 - ITEM 304 1 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 289 ◄


Figure 6. Ostéosarcome de l'extrémité inférieure du fémur (6 a), de l'extrémité supérieure du tibia (6 b, 6 c)

Noter la topographie métaphysaire, l'ostéolyse mal limitée, la rupture corticale, et l'envahissement des parties
molles adjacentes (6 a et 6 b) ainsi que l'image en feu d'herbe qui correspond à un tissu ostéoïde tumoral dans les
parties molles (6 b), bien visible sur la pièce de résection (6 c).

Figure 7. Sarcome d'Ewing

Noter la topographie diaphysaire Ewing de la voute crânienne

L'aspect radiologique est ici caractéristique avec épaississement cortical et élargissement du canal médullaire, appo­
sitions périostées (dépôts de couches parallèles au cortex: aspect en bulbe d'oignon).

3.4. Bilan biologique


• Il comprend au minimum :
- un bilan de la fonction rénale pour permettre l'injection de produit de contraste ;
- un bilan d'hémostase (NFS-plaquettes, TP/INR, TCA) avant les prélèvements biopsiques.
• Il peut être complété par un dosage des phosphatases alcalines, des transaminases ASAT/ALAT, des LDH et
des gamma-GT: un taux élevé des phosphatases alcalines et des LDH est observé parfois en cas de sarcome osseux
en l'absence de pathologie hépatique.

► 290 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES I UE 9 - ITEM 304


UE9 Item 304
..... .. ...............

• Aucun dosage de marqueur tumoral n'est indiqué pour le diagnostic (ou l'évaluation pronostique). Les hyper­
calcémies sont exceptionnelles en cas de tumeur osseuse primitive (contrairement aux métastases osseuses).
• Une NFS et CRP peuvent être pratiquées s'il existe un doute avec une ostéite ou une ostéomyélite, diagnostic
différentiel des tumeurs osseuses primitives.
• Il sera complété après réception de l'examen histologique en fonction de la nature de la maladie.

3.5. IRM et Tomodensitométrie (TOM)


• Si la lésion suspecte est située sur un membre, le bilan morphologique est complété par une IRM avec séquences
Tl et T2 et injection de gadolinium prenant l'ensemble de la pièce osseuse et de l'articulation adjacente à la
tumeur.
• Cet examen permettra d'apprécier l'extension osseuse et dans les parties molles, l'atteinte articulaire, rarement
l'atteinte trans-articulaire. L'ensemble de la pièce osseuse doit être analysée pour recherche d'une métastase
osseuse dans le même os ( « skip métastase » ).
• Si la lésion suspecte est située sur le tronc, le bilan morphologique est complété par une TDM avec injection de
produit de contraste prenant l'ensemble de la pièce osseuse et de l'articulation adjacente à la tumeur. Cet examen
est souvent réalisé avec des coupes thoraciques, abdominales et pelviennes, permettant d'apprécier également
l'extension métastatique.

3.6. Confirmation anatomo-pathologique


• Le diagnostic du cancer primitif de l'os repose sur l'examen anatomo-pathologique d'une biopsie chirurgi­
cale. Dans tous les cas, la biopsie doit être transmise à l'état frais au laboratoire d'anatomo-pathologie afin de
permettre les analyses moléculaires nécessaires au diagnostic du sarcome d'Ewing .
• La cytologie seule (obtenue par cyto-ponction d'un site tumoral) n'est pas un standard.
• Le malade doit être d'emblée prévenu de la possibilité d'échec technique du prélèvement et de la nécessité absolue
qu'il y a à obtenir des prélèvements de bonne qualité et de taille suffisante pour affirmer le diagnostic et guider le
traitement.

iopsie mal réalisée peut affecter les chances de chirurgie conservatrice


nale et augmenter les risques de rechute locale et métastatique.
psie est indispensable: aucun traitement ne peut être entrepris sans diag

• Les prélèvements histologiques doivent être fixés dans le formol. Une partie peut être congelée pour analyse
moléculaire.

3.6. 1. Biopsie chirurgicale


• C'est l'examen retenu comme standard pour réaliser la biopsie diagnostique. Celle-ci doit être précédée d'une
RCP avec radiologue, chirurgien spécialisé, et anatomo-pathologiste. La cicatrice de biopsie, devra être réséquée
en monobloc au moment du geste chirurgical d'exérèse de la tumeur osseuse.

LJE 9 - ITEM 304 ÎUMEURS DES DS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 291 ◄


3.6.2. Micro-biopsie au trocart
• Elle ne doit être effectuée que par un praticien entraîné, après analyse et choix du trajet de biopsie par une
RCP diagnostique, rassemblant le radiologue interventionnel et le chirurgien qui sera en charge de l'exérèse
de la tumeur (puisque la chirurgie devra réséquer le trajet de biopsie).
• La micro-biopsie au trocart sous contrôle radiologique, TDM ou IRM est une alternative diagnostique dans cer­
taines tumeurs osseuses après avis de la RCP. Plusieurs prélèvements doivent être réalisés. La négativité de l'exa­
men (10 %) n'exclut pas le diagnostic. L'examen doit alors être refait.
• Le point de biopsie doit être tatoué et sera réséqué en monobloc au moment du geste chirurgical d'exérèse de la
tumeur osseuse.

4. Diagnostic des cancers osseux secondaires

4.1. Circonstances de diagnostic


• Les cancers osseux secondaires sont beaucoup plus fréquents que les cancers osseux primitifs. Leur diagnostic
sera porté dans des circonstances assez différentes :
1) Le patient a un (des) antécédent(s) personnel(s) de cancer:
- En cas de métastase(s) déjà documentée(s) histologiquement sur d'autres organes:
► Le diagnostic anatomo-pathologique des métastases osseuses ne sera pas nécessairement requis, il dépendra
de la présentation clinique, et de la concordance entre l'aspect radiologique des lésions osseuses et le type
de cancer primitif connu.
- En cas de suspicion de métastase(s) osseuse(s) chez un patient avec un antécédent de cancer sans métastases
connues:
► Le diagnostic anatomo-pathologique sera en général requis et reposera sur la même stratégie de biopsie au
trocart, le plus souvent.
2) Le patient n'a pas d'antécédent personnel de cancer:
- Le diagnostic anatomo-pathologique est requis et reposera sur la même stratégie que dans le chapitre 3.

4.2. Présentation clinique d'un cancer osseux secondaire


• Les signes sont similaires à ceux d'une tumeur osseuse primitive, mais les antécédents, l'âge du patient, et le
caractère multifocal des symptômes orientent cliniquement vers un diagnostic de cancer secondaire.

4.2.1. Signes et symptômes en rapport avec l'extension locale et régionale


• Douleur sur un site unique ou diffuse, souvent de caractère inflammatoire, parfois résistante aux antalgiques.
• Impotence fonctionnelle.
• Fracture spontanée ou après un traumatisme minime.
• Fracture vertébrale.
• Compression médullaire.
• Augmentation de volume d'une pièce osseuse ou d'une articulation sans traumatisme déclenchant.

4.2.2. Signes généraux


• Asthénie, anorexie, amaigrissement inexpliqué.
• Fièvre (habituellement peu élevée, sans signe infectieux caractérisé et répondant aux anti-inflammatoires non
stéroïdiens).
• Hypercalcémie.

► 292 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 304


UE9 Item 304
...... ___________

4.3. Présentation radiologique


• Radiographies simples et TDM identifient des formes ostéolytiques (Figure 8 a), ostéocondensantes (Figure 8 b),
plus rares, et mixtes de cancers osseux secondaires. Les cancers de la prostate (surtout), du sein et du poumon
(plus rarement) sont pourvoyeurs de métastases ostéocondensantes.

Figure 8. a : Métastases osseuses ostéolytiques

Figure 8. b: Métastases osseuses du bassin ostéocondensantes

4.4. Bilan complémentaire


• Un examen TEP-TDM ou une scintigraphie osseuse au 99mîc permettent de rechercher d'autres sites métasta­
tiques sur l'ensemble du squelette.

UE 9 - ITEM 304 1 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 29] ◄


• Des examens radiologiques (radiographies standard ou scanner) centrés sur les zones à risque de fracture sont
demandés. L'IRM recherche des signes de compression neurologique.
• Recherche systématique d'une hypercalcémie.

S. Bilan pré-thérapeutique

5.1. Bilan pré-thérapeutique des cancers primitifs des os


• C'est une étape essentielle de la prise en charge des cancers primitifs des os (Tableau 1) car les modalités du
traitement dépendent du type histologique, de l'extension du cancer, et comme toujours de l'état général du
patient et de ses comorbidités éventuelles.

Tableau 1: BILAN PRÉ-THÉRAPEUTIQUE D'UN CANCER OSSEUX PRIMITIF


BILAN D'EXTENSION LOCO-RÉGIONAL
- Radiographie simple de l'os et de l'articulation face et profil
-1 RM et/ou TOM avec injection de produit de contraste de la totalité de l'os atteint

BILAN D'EXTENSION MÉTASTATIQUE


-Scanner thoracique, abdominal et pelvien
-Scintigraphie osseuse au technétium 99m
Toute image métastatique apparemment isolée doit faire l'objet d'une preuve histologique si elle est
techniquement accessible

BILAN GÉNÉRAL
-Indice d'activité (grade OMS)
-Statut de croissance (maturité squelettique)
- Quantifier amaigrissement et dénutrition
- Bilan cardio-vasculaire, avec mesure de la fraction d'éjection ventriculaire gauche, (les anthracyclines sont
utilisées pour le traitement des sarcomes d'Ewing et des ostéosarcomes de haut grade)
-Sérologies VIH, hépatites B et Cet syphilis et cryoconservation de sperme

• Le bilan d'extension a trois objectifs principaux:


- d'une part, évaluer l'extension loco-régionale et la résécabilité de la tumeur;
- établir le type de geste chirurgical qui sera effectué : chirurgie conservatrice du membre avec reconstruction
ostéo-articulaire (90 %) ou amputation (10 %);
- rechercher une dissémination métastatique principalement au niveau des poumons (90 % des métastases), des
os, de la moelle osseuse (Ewing) ou d'autres organes.

5.1.1. Bilan d'extension /oco-régional


• L'évaluation du statut tumoral (T) repose sur les radiographies simples, l'IRM et/ou la TDM. Ces examens per­
mettent de préciser la topographie, la taille de la tumeur, son extension intra-osseuse et dans les parties molles, ses
rapports avec les structures vasculonerveuses.
• L'injection de produit de contraste est indispensable à la discrimination des structures vasculaires.
• Une scintigraphie osseuse au 99mTc permet d'apprécier l'activité fonctionnelle de la tumeur et pourra per­
mettre, après comparaison à un examen post-thérapeutique, d'apprécier la réponse au traitement néo-adjuvant
par chimiothérapie. Cet examen permet en outre d'identifier des métastases osseuses dans la même pièce osseuse
ou à distance parfois non identifiées sur la TDM.

► 294 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 304


UE9 ltem304
.... ____________

5.1.2. Bilan d'extension métastatique


• Le poumon et la plèvre sont les principaux sites métastatiques des cancers primitifs des os. Les autres sites
métastatiques classiques sont plus rares: os, parties molles, moelle osseuse (Ewing), encéphale.
• Le bilan d'extension comprend donc:
- Un examen tomodensitométrique thoracique, abdominal et pelvien qui doit être réalisé selon une technique
rigoureuse: acquisition spiralée volumique des apex aux glandes surrénales incluses, coupes fines avec fenêtres
parenchymateuses et médiastinales, injection de produit de contraste iodé afin de visualiser correctement
les structures médiastinales, les éventuelles adénopathies et la prise de contraste d'une opacité tumorale. Les
fenêtres osseuses doivent être regardées. C'est un examen essentiel au bilan d'extension loco-régional;
- Une scintigraphie osseuse au technétium 99m;
- Un examen médullaire (myélogramme et/ou biopsie de moelle) pour les sarcomes d'Ewing;
- L'IRM cérébrale ne doit pas être systématique en l'absence de symptôme.

5.1.3. Bilan général


• Il doit comprendre :
- Dans tous les cas, une évaluation clinique globale du malade ; l'amaigrissement éventuel est chiffré
en pourcentage par rapport au poids de base et sa vitesse d'installation est notée ; l'indice d'activité est
soigneusement évalué par un interrogatoire précis des capacités d'activité du patient.
- Bilan cardio-vasculaire: au minimum, électrocardiogramme et échographie cardiaque (permettant d'apprécier
la fraction d'éjection ventriculaire gauche et les pressions artérielles pulmonaires) obligatoires avant traitement
par anthracyclines.
- Un bilan biologique évaluant NFS plaquette, fonction rénale et hépatique chez les patients requérant une
chimiothérapie (ostéosarcomes et Ewing notamment).
- Un bilan biologique avec sérologies virales dans la perspective de conservation de spermatozoïdes au CECOS,
pour les tumeurs osseuses requérant une chimiothérapie cytotoxique (potentiellement stérilisante).
- Une consultation en gynécologie et en médecine de la reproduction pour évaluer les besoins de contraception,
et les techniques de protection de la fertilité chez les patientes en âge de procréer.
- Une consultation de psycho-oncologie.
- Une prise en charge spécifique par une équipe de soins de support en oncogériatrie, ou de cancérologie de
l'adolescent et de l'adulte jeune (en fonction de l'âge!).

5.1.4. Classification TNM des ostéosarcomes


• Au terme de ce bilan, le cancer est classé dans un stade TNM (Tableaux 2 et 3). Cette classification est donnée
à titre indicatif. Elle prend en compte le grade histologique comme 4' élément de classification. Ci-dessous est
donnée à titre d'exemple, la classification des ostéosarcomes.

LJE 9 - ITEM 304 1 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 295 ◄


Tableau 2: CLASSIFICATION TNMG DES OSTÉOSARCOMES
Tx Tumeur non évaluable
To Absence de tumeur identifiable
T1 Tumeur de 8 cm ou moins dans ses plus grandes dimensions
T2 Tumeur de plus de 8 cm
T3 Tumeurs multiples dans le même os
Nx Envahissement ganglionnaire inconnu
No Absence de localisation tumorale dans les ganglions lymphatiques régionaux
N1 Localisation(s) ganglionnaire(s) dans les ganglions lymphatiques régionaux
Mx Envahissement métastatique inconnu
Mo Pas de métastase (reconnue) à distance
M1 Présence de métastase(s) :
M1a : Pulmonaires exclusives
M1b : Autres sites
Grade histologique
Gx Grade histologique non évaluable
61 Bien différencié, bas grade
62 Modérément différencié, bas grade
63 Peu différencié (haut grade)
64 Indifférencié (haut grade)

Tableau 3: CLASSIFICATION PAR STADE


Stade IA T1NoMoG1, 2
Stade 18 T2 NoMoG1, 2
Stade IIA T1NoMoG3,4
Stade 118 T2 NoMoG3,4
Stade Ill T3,No,Mo,G3,4
Stade IVA tout T,No,M1a, tout grade
Stade IV8 tout T, tout N,M1b, tout grade

► 296 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES I UE 9 - ITEM 304


UE9 Item 304
...... .. ....................

5.2. Bilan pré-thérapeutique des cancers secondaires des os


• Le bilan pré-thérapeutique d'un cancer secondaire des os est celui du cancer initial (sein, poumon, prostate,
etc.).
• La prise en charge thérapeutique des métastases osseuses recherche et traite les complications :
a. Métaboliques : avant tout l'hypercalcémie ;
b. Fractures des os longs ;
c. Fractures vertébrales ;
d. Compression neurologique notamment médullaire.
• Ces complications peuvent être le mode d'entrée dans la maladie et les circonstances de diagnostic initiales.
• À l'issue de ce bilan, il faudra :
- prévenir les complications osseuses citées ci-dessus, par des inhibiteurs systémiques de la résorption osseuse
(bisphosphonates, ou inhibiteurs du ligand de RANK) ;
- prendre en charge la douleur ;
- prévenir les complications de décubitus éventuelles ;
- instaurer rapidement un traitement anti-tumoral systémique spécifique du cancer primitif.

6. Pour en savoir plus: principes des traitements


des cancers osseux, principes de la surveillance

6.1. Cancers osseux primitifs


• Pour les chondrosarcomes et les chordomes, le traitement est essentiellement chirurgical, avec une exérèse
chirurgicale monobloc enlevant le trajet de biopsie. Lorsque la chirurgie n'est pas réalisable ou trop mutilante, une
radiothérapie par protons peut être proposée. Les taux de guérison dépendent du grade,> 90 % pour les grades 1,
< 50 % pour les grade 3.
• Pour les ostéosarcomes de haut grade, Ewing ou autre typ e histologique, le traitement associe chimiothérapie
néo-adjuvante (doxorubicine, cisplatine, méthotrexate à haute dose, ifosfamide) puis chirurgie de résection avec
les mêmes règles, puis chimiothérapie adjuvante, post-opératoire. Une radiothérapie adjuvante est utilisée pour
les sarcomes d'Ewing. Les taux de guérison sont supérieurs à 50 %, mais dépendent de l'âge et de la présentation
clinique.
• Une surveillance semestrielle pendant au moins 5 ans, avec examen radiologique de la tumeur primitive et TDM
thoracique est proposée pour dépister des métastases de petite taille accessibles à un traitement curatif.

6.2. Cancers osseux secondaires


• Le traitement est adapté au type histologique du cancer métastatique. Un traitement préventif de la résorption
osseuse induite par les métastases est souvent proposé (bisphosphonate, dénosumab). Des gestes locaux de stabi­
lisation osseuse telles que la chirurgie, les ostéoplasties, la radiothérapie à visée consolidatrice peuvent être propo­
sés pour réduire le risque de complications osseuses (fractures, compression médullaire).

LJE 9 - ITEM 304 1 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 297 ◄


POINTS CLÉS
Les cancers osseux primitifs et secondaires s'opposent par de nombreuses caractéristiques:
1. leur fréquence (rares pour les primitifs, fréquents pour les secondaires);
2. l'âge de survenue, adolescence le plus souvent pour les cancers primitifs, tandis que l'âge
médian des cancers secondaires des os est le plus souvent voisin de 60 ans;
3. la prise en charge spécialisée par une équipe multidisciplinaire de centre de référence (impéra­
tive pour les cancers primitifs);
4. le pronostic: curable pour les cancers primitifs, généralement non curable pour les cancers
secondaires des os.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

Examen radiologique, biopsie première, et analyse du dossier en RCP avant biopsie si possible sont
les éléments clés de la prise en charge des cancers primitifs des os.

► 298 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 304


UE9 Item 305
............................

CHAPITRE
►�T_u_m_e_u _rs_d_ u_p_a _n_c_re_' _a s______
Pr Thierry Conroy', Pr Jean-Marc Régimbeau2, Pr Michel Ducreux•
'Département d'Oncologie médicale, Institut de Cancérologie de Lorraine, Vandœuvre-lès-Nancy
'Département de Chirurgie digestive, CHU d'Amiens
'Département de Médecine Oncologique, Institut Gustave-Roussy, Villejuif

1. Diagnostic d'un adénocarcinome primitif


du pancréas
1.1. Épidémiologie
1.2. Facteurs de risque OBJECTIFS iECN
1.3. Cancérogenèse ➔ Tumeurs du pancréas
1.4. Sous-catégories anatomiques - Diagnostiquer une tumeur du pancréas.
1.5. Diagnostic du cancer du pancréas exocrine
1.6. Bilan pré-thérapeutique
1.7. Diagnostic différentiel
1.8. Classification TNM
1.9. Anatomo-pathologie
1.10. Critères de résécabilité ou de non-résécabilité
1.11. Que faire au terme du bilan d'extension?
2. Les tumeurs neuro-endocrines du pancréas (TNE)
2.1. Épidémiologie
2.2. Diagnostic
2.3. Bilan pré-thérapeutique Mots clés: Cancer du pancréas - Chromogranine
- Dépistage - Douleur - Gastrinome - Grading -
2.4. TNM des TNE bien différenciées
Ictère - lnsulinome - Kyste du pancréas - NEMl
2.5. Anatomo-pathologie
- Pseudokyste du pancréas - Scanner - Tabac -
2.6. Focus sur l'insulinome
Tumeur kystique du pancréas.
3. Diagnostic d'une tumeur kystique du pancréas
3.1. Généralités
3.2. Bilan d'imagerie
3.3. Principales tumeurs kystiques

• Le terme « tumeurs du pancréas» comprend les tumeurs bénignes ou malignes, solides ou kystiques, développées
à partir du tissu exocrine ou endocrine.
• Les tumeurs neuro-endocrines (TNE) sont le plus souvent bénignes et hautement curables.
• Parmi les cancers, 2 groupes bien distincts sont définis: les TNE malignes (2-4 %) et les tumeurs issues du pan­
créas exocrine (95 %), dominées par l'adénocarcinome canalaire.

1. Diagnostic d'un adénocarcinome primitif du pancréas


• L'adénocarcinome pancréatique exocrine constitue un problème majeur de santé publique. C'est une urgence
diagnostique et thérapeutique. Le pronostic défavorable s'explique par l'apparition tardive des symptômes, la
localisation profonde du pancréas, l'absence de test de dépistage, le potentiel métastatique précoce et l'agressivité
de la maladie. Le seul espoir de guérison repose sur l'association exérèse chirurgicale et chimiothérapie.

UE 9 - ITEM 305 1 TUMEURS DU PANCRÉAS 299 ◄


1.1. Épidémiologie

1.1.1. Au niveau mondial


• La qualité des données d'incidence est inégale (sous-diagnostic).
• 459 000 nouveaux cas estimés en 2018 (GLOBOCAN).
• 7< cause de décès par cancer (432 000 décès estimés en 2018, GLOBOCAN).
• Survient surtout dans les pays à haut niveau de développement où l'incidence augmente.
• 3' cause de mortalité par cancer en Europe en 2018 et sera la seconde cause de mortalité par cancer aux USA d'ici 2030.

1.1.2. En France
• 6' cancer le plus fréquent; 4' cause de décès par cancer chez la femme et 5' chez l'homme (données 2012, pas de
données fiables de mortalité depuis).
• Estimation 2017: 14 200 nouveaux cas.
• Incidence:+ 3 % par an depuis 1980 (Figure 1), + 250 % entre 1980 et 2012.
• Âge médian au diagnostic: 71 ans.
• Sexe-ratio de 1,37 en France en 2017 (prédominence masculine).
• Survie nette à 5 ans: 7 à 8 % pour la période 2005-2010 (INVS).

Figure 1. Incidence en France de 1980 à 2010 (INVS)

Incidence

0
�-------------------------------L
0 , Ô
" -------------------------- ✓ -- "

"
Cl.-------------------------------- -
"q

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Année

□ -- Incidence estimée Homme

L>. -- Incidence estimée Femme

► 300 ÎUMEURS DU PANCRÉAS LJE 9 - ITEM 305


UE9 Item 305
............................

1.2. Facteurs de risque


• Âge: c'est une maladie du vieillissement, dont l'incidence augmente avec l'âge (Figure 2). La courbe d'incidence
décline après 85 ans (sous-diagnostic?).

Figure 2. Incidence par âge en 2012 {INVS)

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N

20 30 40 50 60 70 Bo 90

Âge en 2012

□ -- Incidence Homme Incidence Femme

• Tabagisme: i re cause du cancer du pancréas (qui explique 20 % des cas), avec un risque relatif (RR) de 1,74 pour
le fumeur et de 1,20 pour les anciens fumeurs.
• Obésité: un BMI > 30 kg/m2 est associé à un RR de 1,72.
• Pancréatite chronique : le risque de transformation néoplasique augmente avec la durée de la pancréatite (RR
14,4). Le risque est encore plus élevé en cas de pancréatite chronique héréditaire et est potentialisé par le tabac.
• Diabète de type 2: RR 1,12. Le diabète de type 1 n'est pas un facteur de risque.
• Hépatite B: facteur de risque possible, à confirmer.
• Facteurs alimentaires et alcool: pas de rôle démontré hors obésité et pancréatite chronique.
• Facteurs protecteurs: activité physique, groupe sanguin 0, antécédents personnels allergiques.
• Formes à prédisposition familiale: environ 10 %. Mutations constitutionnelles prédisposantes:
- gène BRCA2 (plus rarement BRCAl) associé au cancer du sein et de l'ovaire;
- mésappariement des gènes de réparation de !'ADN (syndrome de Lynch);
- gène CDKN2a (mélanome malin familial syndrome FAMMM);
- gène de l'ataxie télangiectasie;
- gène STKll (syndrome de Peutz-Jeghers);
- gènes PRSSl ou PRSS2, SPINKl et pancréatites chroniques héréditaires.

LJE 9 - ITEM 305 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 301 ◄


Ces mutations n'expliquent toutefois pas tous les cas d'agrégation familiale. Le risque de cancer du pancréas est aug­
menté par 3,2 si un parent au 1e, degré est atteint.

Indications de consultation en oncogénétique et d'éventuelle surveillance


• Les critères de cancer pancréatique familial sont:
- 2 apparentés touchés par un cancer du pancréas, dont au moins un au 1er degré.
- 3 cancers du pancréas chez des apparentés au 1er, 2e, ou 3e degré.
- ou mutation génétique prédisposante : apparentés des personnes mutées BRCA 1, CDKN2a, ou d'un
syndrome de Lynch ou d'une pancréatite héréditaire, ou ayant elles-mêmes une mutation.
• Une surveillance des sujets à haut risque de cancer du pancréas, dont l'efficacité n'est pas prouvée, peut être
proposée dans les familles concernées. Le bilan initial (non consensuel) comporte une échoendoscopie et une
IRM pancréatique annuelles, à partir de 40 ans en cas de pancréatite héréditaire et de 50 ans sinon. L'arrêt du
tabac, qui potentialise le risque familial, est impératif.

1.3. Cancérogenèse
• Les précurseurs reconnus du cancer du pancréas sont :
- les néoplasies intra-épithéliales pancréatiques (PanINs), progressant d'un bas grade PanINl à un haut grade
PanIN3;
- les tumeurs intra-canalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP);
- et les tumeurs mucineuses kystiques.
• Ces lésions sont susceptibles de progresser vers un cancer invasif, suite à l'accumulation de mutations dans les
gènes KRAS (> 90 % des cas), TP53, p16/CDKN2a et SMAD4. Les classifications moléculaires proposant des sous­
types de cancer du pancréas restent à valider.

1.4. Sous-catégories anatomiques


• Les tumeurs de la tête (60-70 %) apparaissent à droite du bord gauche de la veine mésentérique supérieure (VMS).
Le crochet (processus unciné) et l'isthme (col) sont considérés comme faisant partie de la tête du pancréas.
• Les tumeurs du corps (20 %) surviennent entre le bord gauche de la VMS et le bord gauche de l'aorte.
• Les tumeurs de la queue (10 %) se développent entre le bord gauche de l'aorte et le hile de la rate.
• Le cancer peut également toucher la totalité du pancréas.

1.5. Diagnostic du cancer du pancréas exocrine


• Les buts de l'étape diagnostique sont de:
- préciser le diagnostic lui-même;
- déterminer le stade de la maladie et son éventuelle résécabilité;
- et préciser le but du traitement.

1.5.1. Symptômes
• Le diagnostic est le plus souvent tardif; la symptomatologie diffère selon le siège de la tumeur.
• Douleur:
- signe révélateur le plus fréquent (70-75 %);
- souvent de type solaire, transfixiante, insomniante et favorisée par le décubitus (tumeur du corps);
- elle témoigne d'un envahissement des plexus nerveux cœliaques;
- elle peut se projeter sous les côtes et parfois uniquement dans le dos (certains patients consultent d'abord un
rhumatologue).

► 302 ÎUMEURS DU PANCRÉAS LJE 9 - ITEM 305


UE9 ltem305
. . . . .-. -�

• Ictère:
- présent au diagnostic une fois sur deux; il révèle la plupart des tumeurs de la tête;
- «nu», sans fièvre, ni colique hépatique (diagnostic différentiel avec la lithiase biliaire);
- cholestatique, avec urines foncées et selles décolorées, puis prurit et lésions de grattage;
- lentement progressif, il évolue sans rémission;
- il peut évoluer vers une angiocholite (fièvre, frissons, septicémie).
• Altération de l'état général: anorexie, fatigue, amaigrissement souvent rapide et important. L'origine est multi­
factorielle : anorexie, douleurs, ictère, production de cytokines, diabète et stéatorrhée. Un '-- avis nutritionnel ou
diététique doit être demandé.
• Autres symptômes:
- phlébites migratrices et récidivantes et embolies pulmonaires;
- vomissements, en particulier par sténose duodénale. Obstruction digestive haute parfois révélatrice;
- pancréatite aiguë révélatrice (1-5 % des cas);
- diarrhée avec ou sans stéatorrhée;
- syndrome dépressif ou anxiété fréquemment associés. Prise en charge adaptée à prévoir;
- douleurs, occlusion révélatrices de métastases (foie, péritoine ...);
- par hasard à l'occasion d'un examen d'imagerie, ou lors de la surveillance d'une lésion kystique du pancréas.

1.5.2. Examen clinique


• L'interrogatoire précisera:
- le performance status OMS;
- le score de douleur sur une EVA;
- le poids: le poids habituel, le % de perte de poids, l'IMC;
- les antécédents familiaux (rechercher une histoire familiale de pancréatite, de cancer du pancréas, du sein ou
de mélanome);
- les comorbidités (+++), un tabagisme;
- le score oncogériatrique GS si âge > 70 ans.
• L'examen clinique recherchera:
- un subictère ou ictère;
- une hépatomégalie soit à bord lisse (foie de cholestase), soit dure et/ou nodulaire (métastases hépatiques);
- une grosse vésicule tendue et indolore (loi de Courvoisier et Terrier), palpable une fois sur deux en cas de
cancer de la tête du pancréas;
- parfois, une masse pancréatique est palpable;
- une ascite, des métastases péritonéales palpables (abdomen, ombilic, cul de sac de Douglas);
- une adénopathie sus-claviculaire gauche (adénopathie de Troisier);
- au toucher rectal, des selles décolorées;
- des urines foncées.

LJE 9 - ITEM 305 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 303 ◄


1.6. Bilan pré-thérapeutique
• Échographie abdominale
Bilan d'extension • Scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP)
loco-régionale
• Échoendoscopie (éventuellement I RM pancréatique)
• CA 19.9
Bilan d'extension
• Scanner TAP
métastatique
• Éventuellement cœlioscopie
• Chiffrer le pourcentage de perte de poids
• Indice d'activité OMS
• Comorbidités
Bilan général
• Bilan cardiovasculaire
• Évaluation gériatrique si score GS s 14
• Éventuelle consultation en oncogénétique

1.6.1. Biologie
1.6.1.1. Marqueurs tumoraux
• Il n'existe pas de marqueur tumoral permettant le dépistage ou le diagnostic.
• CA 19-9: valeur pronostique
- sialoglycoprotéine onco-fœtale, c'est un déterminant antigénique du groupe sanguin Lewis a.
3 à 7 % de la population est Lewis a- b- et ne peut synthétiser le CA 19-9 (qui est alors toujours négatif);
- valeur normale< 37 U/ml;
- sensibilité 81 % ;
- spécificité de 80-90 % pour la valeur seuil de 37 U/ml et faible valeur prédictive positive; il existe de nombreux
faux positifs:
► autres adénocarcinomes (voies biliaires, estomac, côlon-rectum et mucineux de l'ovaire);
► hémochromatose, diabète, pancréatites, mucoviscidose (généralement< 100 U/ml);
► cholestase y compris bénigne (hépatite, lithiase biliaire, cirrhose). Le dosage doit donc être répété après
résolution d'une hyp erbilirubinémie.
- un taux élevé de CA 19-9 a une valeur pronostique défavorable. Il n'y a pas de consensus sur une valeur seuil
qui exclurait une exérèse chirurgicale, bien qu'une valeur élevée (> 400 U/mL ?) soit prédictive d'évolution
métastatique précoce. Il est corrélé à la masse tumorale en cas de maladie métastatique.

1.6.1.2. Bilan biologique


• Cholestase: élévation de la bilirubine totale, libre et conjuguée, des phosphatases alcalines et des yGT, en cas de
cancer obstructif de la tête.
• Lipase et amylases: pas d'intérêt sauf si pancréatite révélatrice.
• Hyp erglycémie: 15 à 50 % des cas.
• Syndrome inflammatoire.
• Coagulation (taux de prothrombine TP, TCA, taux de plaquettes) : TP abaissé en cas de cholestase prolongée
(coagulation à vérifier et normaliser avant toute biopsie ou geste interventionnel).
• Créatininémie, clairance calculée (avant scanner).
• Préalbumine et albuminémie pour évaluer la dénutrition.

Une dénutrition sévère est définie par une perte de poids supérieure à 15 % du poids de référence en 6 mois ou
supérieure à 10 % en un mois ou, sur le plan biologique, par un taux d'albuminémie inférieur à 25 g/1 ou de préal­
bumine inférieur à 50 mg/1. En cas d'ictère avec dénutrition, il faut réaliser un drainage biliaire pré-opératoire et une
renutrition avant la chirurgie.

► 304 ÎUMEURS DU PANCRÉAS I UE 9 - ITEM 305


UE9 Item 305

1.6.2. Imagerie
1.6.2.1. L'échographie abdominale
• Examen d'imagerie de 1 re intention, elle est opérateur dépendant, et donc non recommandée isolément.
• Sensibilité: 55 à 90 %. Ininterprétable dans 20 % des cas (obésité, interposition digestive). Sa normalité n'exclut
pas le diagnostic de cancer du pancréas.
• Signes échographiques de cancer:
- tumeur = formation hypoéchogène, à contours flous, déformant ou non les contours de la glande, rarement
avec partie kystique;
- signes indirects: dilatation de l'ensemble des voies biliaires intra et extra-hépatiques, grosse vésicule (une fois
sur deux), dilatation du canal de Wirsung > 2 mm, adénopathies, ascite, métastases hépatiques, thrombose
portale.
• Principales limites de l'échographie:
- tumeurs < 2 cm;
- tumeurs de la queue;
- lésions diffuses à tout le pancréas.
1.6.2.2. TDM TAP
Le scanner TAP (avec protocole pancréas) est l'examen indispensable pour le diagnostic et le bilan d'extension.
• Objectifs :
- évoquer le diagnostic de cancer du pancréas;
- effectuer le bilan d'extension à distance et le bilan loco-régional pour évaluer la résécabilité R0.

Points clés pour l'évaluation de la résécabilité:


1. L'espace graisseux péri-artériel (de l'artère mésentérique supérieure [AMS], du tronc cœliaque et de
l'artère hépatique commune). La disparition de l'espace graisseux sur> 180° de la circonférence de l'AMS
signe la non-résécabilité.
2. L'axe veineux mésentérico-portal. Rechercher:
- un contact tumoral;
- l'envahissement et la perméabilité de la veine mésentérique supérieure (VMS) et de la veine porte. Une
sténose ou thrombose veineuse est un signe d'envahissement;
une éventuelle circulation collatérale, ou des signes d'hypertension portale (contre-indication
chirurgicale).

• Modalités du scanner pancréatique :


- réalisé avant toute pose de prothèse biliaire;
- en mode hélicoïdal multi-coupes avec 3 temps, sans injection, artériel et portal, et coupes fines millimétriques;
- avec injection de produit de contraste iodé (sauf contre-indication);
- images axiales et reconstructions multi-planaires.
• Résultats attendus du scanner :
- taille de la lésion (dimensions maximales en coupes axiales);
- localisation de la tumeur et de ses contacts artériels et veineux (Figures 3 et 4) ;
- aspect du canal de Wirsung et de l'arbre biliaire;

UE 9 - ITEM 305 1 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 305 ◄


- présence ou non de variantes anatomiques artérielles : leur méconnaissance peut conduire à une ischémie
hépatique artérielle lors de la chirurgie;
- extension extra-pancréatique : lésions hépatiques ou péritonéales, ascite, adénopathies, envahissement
d'organes adjacents. Les métastases les plus fréquentes sont hépatiques, péritonéales et pulmonaires.

Figure 3. Adénocarcinome de la tête du pancréas résécable d'emblée


(masse hypodense sans contact artériel ni veineux [flèches]) sur un TDM abdominal injecté

Figure 4. Adénocarcinome de la tête du pancréas non-résécable d'emblée


(masse hypodense avec contact artériel et veineux [flèche]) sur un TOM abdominal injecté

• Les signes de cancer sont :


- lésion hyp odense pancréatique (80 à 95 %) à la phase parenchymateuse;
- dilatation des voies biliaires intra/extra-hépatiques et distension vésiculaire;
- dilatation du Wirsung : une dilatation bicanalaire pancréatique et des voies biliaires est très évocatrice de
cancer du pancréas. Le niveau d'arrêt de la dilatation canalaire pancréatique ou biliaire marque le niveau de
l'obstacle tumoral;
- une atrophie parenchymateuse d'amont;
- un pseudo-kyste d'amont (8 à 10 %) secondaire à une pancréatite.

► 306 ÎUMEURS DU PANCRÉAS LJE 9 - ITEM 305


UE9 ltem305
" ...... __________

1.6.2.3. Echo-endoscopie
• Examen de 2 e ou 3 e intention, opérateur-dépendant, et nécessitant une sédation.
• Impossible en cas de sténose digestive infranchissable ou d'antécédent de gastrectomie partielle.
• Sensibilité: 72 %.
• Spécificité: 90 % pour les tumeurs T 1-T2 ; c'est le meilleur examen pour les tumeurs< 2 cm et pour le diagnostic
d'envahissement ganglionnaire.
• Elle aide à préciser l'envahissement vasculaire si le scanner est douteux.
• Surtout utilisée pour obtenir une preuve cytologique ou histologique par cytoponction transgastrique ou trans­
duodénale d'une tumeur non-résécable.

1.6.2.4. IRM pancréatique


• Surtout utile pour:
- patients intolérants à l'iode;
- diagnostic des tumeurs< 2 cm (potentiellement non visibles au scanner);
- détection de métastases hépatiques;
- diagnostic probable de cancer du pancréas sans lésion identifiée au scanner;
- tumeurs kystiques du pancréas.
1.6.2.5. Autres examens
• Le scanner thoracique n'est pas coût-efficace (les métastases pulmonaires isolées sont exceptionnelles). En pra­
tique cependant, tous les patients ont un scanner TAP.
• Cholangio-pancréatographie rétrograde par voie endoscopique: elle n'a pas de place dans le bilan diagnostique.
À envisager avant pose de prothèse pour décompression biliaire.
• TEP scan: pas d'intérêt dans le cancer du pancréas car il ne différencie pas pancréatite chronique et cancer.
• À noter que malgré un bilan bien mené, des métastases hépatiques ou péritonéales sont découvertes en per­
opératoire dans 10 % des cas.

1.6.2.6. Drainage biliaire


• La pose d'une prothèse biliaire (pour drainage pré-opératoire si indiqué) ne doit être réalisée qu'après une ima­
gerie complète et de qualité, car une prothèse biliaire, surtout métallique, va gêner considérablement le bilan
d'extension loco-régionale.
• L'indication de drainage biliaire doit donc être posée en RCP avec l'équipe chirurgicale, ou en cas d'urgence avec
une certitude de maladie non-résécable.
• Le drainage systématique augmente le risque infectieux et la mortalité post-opératoire.
• Risques d'angiocholite et de pancréatite aiguë.

Indications de drainage biliaire


• Ictère avec l'une des situations suivantes:
- angiocholite, permettant d'obtenir un prélèvement bactériologique de bile et d'adapter
!'antibiothérapie;
- bilirubine> 250 µmol/L;
- dénutrition majeure;
- maladie non résécable ou patient inopérable;
- traitement néo-adjuvant envisagé.

LJE 9 - ITEM 305 1 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 307 ◄


1.6.3. Quand faut-il effectuer une biopsie ?
• Objectif: obtenir une preuve histologique avant tout traitement et éliminer les histologies rares (TNE, lym­
phome ...) ou les autres diagnostics (pancréatite chronique ...).
• Précédée d'une information du patient et d'un contrôle de coagulation.
• Indications de biopsie:
- de la tumeur pancréatique par voie percutanée (sous guidage échographique ou tomodensitométrique) :
tumeur non-résécable ou métastatique. Ne pas ponctionner une tumeur résécable chez un patient opérable.
- d'une métastase:
► si métastases péritonéales isolées: biopsies sous cœlioscopie;
► ponction biopsie d'une métastase hépatique, d'une adénopathie sus-claviculaire.

1.7. Diagnostic différentiel


• Évoquer les ictères rétentionnels d'autres étiologies: lithiase, pancréatite chronique, cholangiocarcinome, ampul­
lome vatérien, etc.
• Parfois difficile avec une pancréatite chronique: confronter les données cliniques, biologiques et morphologiques
et en discuter en RCP pour définir les indications de surveillance, de biopsie ou de chirurgie.
• Pancréatite chronique auto-immune (PCAI): maladie rare ( < 2 % des pancréatites chroniques). La forme pseudo­
tumorale correspond à la présence d'une ou plusieurs masses intra-pancréatiques avec possible infiltration péri­
pancréatique ressemblant à un envahissement tumoral. Y penser si:
- non-visualisation d'une longue portion ou absence de dilatation du Wirsung sur une IRM;
- peu d'altération de l'état général;
- association à d'autres maladies auto-immunes.

1.8. Classification TNM


• La classification TNM UICC 2017, s e édition, s'applique aux carcinomes du pancréas exocrine et aux carcinomes
neuro-endocrines de haut grade. La maladie doit être confirmée histologiquement ou par cytologie.

1.8. 1. Adénopathies régionales


• Les ganglions lymphatiques régionaux pour les tumeurs de la tête et de l'isthme sont ceux du canal biliaire
commun, de l'artère hépatique commune, de la veine porte, pyloriques, infra-pyloriques, sous-pyloriques, mésen­
tériques proximaux, cœliaques, antérieurs ou postérieurs aux vaisseaux pancréatico-duodénaux, et le long de la
VMS et du bord latéral droit de l'AMS.
• Les ganglions lymphatiques régionaux pour les tumeurs du corps et de la queue sont ceux situés le long de l'ar­
tère hépatique commune, de l'axe cœliaque, de l'artère splénique, du hile splénique, et ceux rétro-péritonéaux et
latéro-aortiques.

1.8.2. Classification clinique TNM


Tableau 1. CLASSIFICATION CLINIQUE TNM

T - Tumeur primitive .,.


Tis Carcinome in situ

Tt Tumeurs 2 cm
T1a Tumeurs 0,5 cm
T1b Tumeur> 0,5 cm et< 1 cm
Tic Tumeur> 1 cm ets 2 cm

► 308 TUMEURS DU PANCRÉAS I UE 9 - ITEM 305


UE9 Item 305
·........................

Î2 Tumeur> 2 cm et,; 4 cm

T3 Tumeur> 4 cm

T4 Tumeur étendue à l'axe cœliaque, à l'AMS et/ou à l'artère hépatique commune

N -Adénopathies régionales
No Pas de métastase ganglionnaire régionale

N1 Envahissement de 1 à 3 ganglions lymphatiques régionaux

N2 Envahissement" 4 ganglions lymphatiques régionaux

M - Métastases à distance
Mo Pas de métastase à distance

M1 Présence de métastases à distance

1.9. Anatomo-pathologie
• Aspect macroscopique :
- Nodule mal limité, induré, scléreux, pouvant déformer les contours de la glande.
- Le pancréas d'amont peut être le siège d'une pancréatite ou de lésions de type PanIN.
• Aspect microscopique :
- Adénocarcinome canalaire ou ductal (90 % des cas). Les cellules tumorales expriment les cytokératines 7 et
19, mais la cytokératine 20 est négative. Des emboles périnerveux et/ou un abondant stroma desmoplastique
sont caractéristiques.
- Un grade histologique est établi selon la différenciation glandulaire, la production de mucus, l'index mitotique
et les atypies nucléaires. Il a une valeur pronostique.
- Carcinomes neuro-endocrines (1-2 %), développés à partir des îlots de Langerhans.

1.1 O. Critères de résécabilité ou de non-résécabilité

1.10.1. Critères de résécabilité


• La proposition thérapeutique est faite en RCP après relecture de l'imagerie.
• La décision repose sur:
- l'état général du patient et les comorbidités;
- le dépistage oncogériatrique par le questionnaire G8 si score :s; 14.
• Tumeur d'emblée résécable si tous les critères suivants sont réunis:
- pas de métastase à distance, ni d'hyp ertension portale;
- présence d'un espace graisseux entre la tumeur et l'axe cœliaque, l'artère hépatique et l'AMS;
- VMS et veine porte libres (ou atteinte courte réparable).

1.10.2. Critères de non-résécabilité


• Métastases à distance.
• Engainement ou contact avec l'AMS > 180 °, contact ou engainement du tronc cœliaque, atteinte de l'aorte.
• Thrombose de la VMS ou de la veine porte non réparable, ou associée à un cavernome portal.
• Envahissement ganglionnaire à distance (adénopathie rétro-péritonéale ou inter-aortico-cave).

UE 9 - ITEM 305 1 TUMEURS DU PANCRÉAS 309 ◄


1.10.3. Tumeur à la limite de la résécabilité
• Ce sont les tumeurs potentiellement résécables pour lesquelles l'envahissement vasculaire est limité ou réparable,
mais avec un haut risque de résection Rl =tumeur« borderline ». Les critères sont les suivants:
- pas de métastase à distance;
- contact ou engainement de l'AMS < 180°;
- atteinte réparable de l'artère hépatique;
- atteinte unilatérale ou bilatérale de la VMS ou de la veine porte> 180° ;
- thrombose de la VMS courte et réparable.

1.11. Que faire au terme du bilan d'extension ?


• Déterminer clairement le but du traitement: curatif ou palliatif.
• La proposition thérapeutique sera établie en RCP.
- Les traitements proposés sont inscrits dans un plan personnalisé de soins (PPS).
- L'inclusion dans un essai thérapeutique est à proposer chaque fois que possible.
• En cas de traitement palliatif:
- discuter précocement la prise en charge en binôme (oncologue médical, spécialiste de soins palliatifs);
- donner des informations sur la maladie, son évolution et le devenir en cas de non-réponse au traitement;
- proposer la rédaction de directives anticipées.

• Situation au diagnostic :
10 à 15 % de tumeurs d'emblée résécables.
Environ 5 % de tumeurs à la limite de la résécabilité, nécessitant un traitement d'induction pour éviter
une résection incomplète (R1).
Environ 30 % de tumeurs« localement avancées» en raison d'un envahissement vasculaire rendant la
tumeur non résécable, du moins sans traitement d'induction.
50 % de maladies d'emblée métastatiques.

2. Les tumeurs neuro-endocrines du pancréas (TNE)

2.1. Épidémiologie
• Tumeurs rares: 0,32/100 000 habitants.
• 2-4 % des tumeurs du pancréas.
• Elles surviennent plutôt entre 30 et 60 ans.
• Elles sont associées dans 10-20 % des cas à des syndromes de prédisposition familiale tels que les néoplasies endo­
criniennes multiples de type 1 (NEM 1, pouvant associer TNE hypophysaires, parathyroïdiennes, duodénales,
pancréatiques, bronchiques, thymiques, gastriques, et cortico-surrénaliennes), la maladie de von Hippel-Lindau
et plus rarement la sclérose tubéreuse de Bourneville. Leur potentiel évolutif est très hautement variable.
• Certaines sécrétions tumorales (insuline, gastrine) peuvent mettre la vie en danger.

► 310 ÎUMEURS DU PANCRÉAS I LJE 9 - ITEM 305


' UE9 ltem305
.............................

2.2. Diagnostic
• À l'exception de l'insulinome 1 (risque métastatique de 10 %), les TNE du pancréas sont malignes dans plus de
60 % des cas.
• Les TNE regroupent des entités très différentes par leur agressivité (niveau de différenciation, grade tumoral),
l'extension locale ou métastatique et les symptômes.
• On distingue des tumeurs dites fonctionnelles (25 %) s'il existe des symptômes liés à la sécrétion tumorale et« non
fonctionnelles» (75 %) en leur absence, même si la tumeur est sécrétante.
• Diagnostic tardif:
- Interrogatoire et recueil des antécédents familiaux;
- Symptômes peu spécifiques : amaigrissement, douleur abdominale, ictère;
- Découverte fortuite, parfois à l'occasion de symptômes spécifiques liés à la production d'une hormone (par
exemple, hyp oglycémie dans le cas d'un insulinome);
- À l'occasion du bilan d'une forme familiale.

Indications de consultation en oncogénétique à la recherche d'une NEM 1 :


- âge :5 50 ans
- histoire familiale évocatrice
- atteinte de 2 organes ou tumeurs duodénopancréatiques multiples
- syndrome de Zollinger-Ellison
- hypercalcémie ou hyperparathyroïdie

Tableau 2. PRINCIPALES TNE FONCTIONNELLES


-
DU PANCRÉAS

Tumeur Incidence Présentation % Malignité

Fatigue, sueurs, tremblements, tachycardie, <10%


lnsulinome 70-80%
désorientation, crises comitiales, coma

Gastrinome (syndrome Maladie ulcéreuse sévère (hémorragie, 50-60%


20-25%
de Zollinger-Ellison) perforation), diarrhée chronique

Diarrhée sécrétoire aqueuse profuse, 80%


Vipome (syndrome de
4 °/o amaigrissement, déshydratation, douleurs
Verner-Morrison)
abdominales

Érythème nécrolytique migrateur aux points de 80%


Glucagonome 4 O/o friction (dermatose bulleuse), amaigrissement,
diabète, anémie, thrombo-embolie, diarrhée

Somatostatinome <5% Amaigrissement, lithiase vésiculaire, diarrhée 50%

ACTHome <1% Syndrome de Cushing >90%

GRFome <1% Acromégalie 30%

Hypercalcémie, douleurs osseuses >90%


PTH-like-ome <1%
(et parathyroïdes normales)

UE 9 - ITEM 305 1 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 311 ◄


2.3. Bilan pré-thérapeutique

2.3.1. Marqueurs
2.3.1.1. Dosages systématiques
• Chromogranine A (CGA):
- Seul marqueur biologique utile au suivi du traitement;
- C'est une glycoprotéine de la membrane des granules de sécrétion des cellules endocrines;
� Sensibilité: 55 % - 80 %;
- Spécificité de 95 % pour une valeur normale autour de 85 U/L;
- Nombreux faux positifs : insuffisance cardiaque ou rénale chronique, stress majeurs, NEM 1, syndrome de
Cushing, traitement par IPP ou par analogues de la somatostatine. La cause la plus fréquente de faux positif est
l'hypergastrinémie: une élévation de CGA n'est interprétable que si la gastrinémie est normale;
• Gastrine pour interpréter le résultat de la CGA ou en cas de suspicion de gastrinome;
• Calcémie ionisée et parathormone basale à la recherche d'une hyperparathyroïdie.
2.3.1.2. Autres marqueurs
• La NSE (Neurone Speci.fic Enolase) peut être dosée en cas de tumeur peu différenciée.
• Il n'y a pas d'intérêt à doser tous les marqueurs en l'absence de symptôme spécifique:
- Proinsuline et peptide C en cas d'hyp oglycémie;
- VIP en cas de diarrhée profuse;
- Glucagon si érythème nécrolytique migrant, etc.

2.3.2. L'imagerie
• Elle repose sur :
- Le scanner TAP, examen de référence, recherche le caractère vascularisé de la tumeur (temps artériel précoce et
temps portal). Certaines tumeurs bien différenciées et très vascularisées ne sont visibles qu'à la phase artérielle
de l'injection.
- IRM hépatique : elle est plus sensible que la TDM pour diagnostiquer et cartographier des métastases
hépatiques.
- TEP au fluorodéoxyglucose:
► intérêt surtout pour les carcinomes de haut grade ou si Ki67 > 10 %;
► aucun intérêt dans les tumeurs bien différenciées.
- TEP des récepteurs de la somatostatine (TEP DOTATOC Gallium) :
► Examen de référence pour les TNE pancréatiques bien différenciées;
► Sensibilité proche de 100 %.
- La tomographie par émission de positons à la 18 F-DOPA n'a pas d'intérêt en raison de la fixation physiologique
du pancréas. La scintigraphie au pentétréotide, un analogue de la somatostatine marqué à l'indium 111
(OctréoScan), n'est plus utilisée que pour connaître l'intensité de fixation permettant de recommander ou non
un traitement par radiothérapie métabolique.
- L'écho-endoscopie est l'examen le plus sensible pour les tumeurs de petite taille (insulinomes, gastrinomes) et
permet la réalisation de ponction-biopsie en cas de doute diagnostique. Elle est réalisée systématiquement en
cas de gastrinome, pour explorer la paroi duodénale et la tête du pancréas.
- La gastroscopie avec examen du duodénum et réalisation de biopsies fundiques (hyp erplasie des cellules ECL
et TNE fundiques) est demandée en cas de suspicion de gastrinome.
- Éventuellement repérage écho-guidé per-opératoire.

► 312 ÎUMEURS DU PANCRÉAS I LJE 9 - ITEM 305


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• Résultats :
- Tumeur solide bien délimitée, mais sans capsule;
- Absence de dilatation du canal pancréatique;
- Multiplicité possible (60 % des gastrinomes, moins de 10 % des insulinomes);
- Hypervascularisation;
- Malignité radiologiquement difficile à apprécier; la probabilité augmente si taille > 2 cm.

2.4. TNM des TNE bien différenciées


• La classification TNM UICC 2017, s e édition, s'applique aux TNE bien différenciées. Elle est proche de celle des
adénocarcinomes. La principale différence concerne les tumeurs T4, qui sont définies comme une tumeur perforant
le péritoine viscéral (séreuse) ou envahissant d'autres organes ou des structures adjacentes. Les néoplasies neuro­
endocrines peu différenciées sont exclues et doivent être classées comme les carcinomes du pancréas exocrine.

Grade histopathologique 2017


Le grading suivant s'applique à toutes les TNE digestives bien différenciées:
Grade Nombre de mitoses pour 10 champs(= 2 mm') Indice Kl-67(%)
-- ___ I __
G1 <2 ,; 3

G2 2 · 20 3- 20

G3 > 20 > 20

2.5. Anatomo-pathologie
• La localisation des TNE du pancréas est pancréatique sauf pour:
- l'insulinome: extra-pancréatique dans 2 % des cas;
- le gastrinome: 45 % des cas intrapancréatique, 45 % dans paroi duodénale et 10 % ailleurs.
• Microscopie : diagnostic morphologique:
- cellules néoplasiques avec des caractéristiques structurales, phénotypiques et fonctionnelles rappelant les
cellules endocrines normales;
- disposition en îlots entourés de fins capillaires;
- le degré de différenciation doit être évalué car il a une valeur pronostique: bien différencié (80 %) versus peu
différencié (20 %).
• L'immunohistochimie est essentielle au diagnostic de certitude:
- positivité nécessaire de 2/3 marqueurs: CGA, synaptophysine, ou NCAM (CD56);
- des marqueurs spécifiques peuvent être recherchés, selon le contexte clinique ou le type de sécrétion: insuline,
gastrine, VIP, glucagon, etc.
• Évaluation de l'agressivité tumorale par l'index mitotique (nombre de mitoses/ 10champs à fort grossissement)
et l'index de prolifération (Ki-67 labelling index).
• La classification OMS sépare :
- les TNE bien différenciées grade 1 ;
- les TNE bien différenciées grade 2 ;
- les TNE bien différenciées grade 3;
- les carcinomes neuro-endocrines peu différenciés grade 3.

LJE 9 - ITEM 305 1 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 31 3 ◄


• Principaux facteurs de pronostic défavorable :
- caractère peu différencié de la tumeur;
- grade histologique élevé;
- stade métastatique.

Que faire au terme du bilan d'extension ?


Les dossiers de malades doivent être discutés en RCP régionale dans le cadre du réseau national spécifique aux
TNE, RENATEN.

2.6. Focus sur l'insulinome


• L'insulinome représente environ 50 % des TNE du pancréas. Il est développé aux dépens des cellules bêta-
pancréatiques.
• L'incidence est estimée à 75 à 100 nouveaux cas par an en France. Il survient le plus souvent entre 30 et 50 ans.
• Tumeur unique dans 90 % des cas.
• Très majoritairement bénigne;< 10 % des insulinomes sont malins, avec une prédominance de métastases hépa­
tiques.
• Il est indispensable de localiser avec certitude la lésion sécrétant avant toute exérèse car la tumeur peut échapper
à la palpation per-opératoire.

2.6.1. Symptômes
• Le plus souvent, il est révélé par une hypoglycémie, qui peut engager le pronostic vital et s'accompagner de mani­
festations neuropsychiatriques trompeuses. Le diagnostic est généralement tardif, car les signes de l'hypoglycémie
chez l'adulte non diabétique sont polymorphes et peu typiques.

2.6.2. Triade de Whipple


- Symptômes neuroglycopéniques;
- Glycémie< 50 mg/dL;
- Résolution immédiate suite à l'apport ou l'ingestion de glucose.
• Des manifestations d'hyp oglycémie à distance des repas, à l'occasion d'une activité sportive, en fin de nuit ou le
matin à jeun, orientent vers une hypoglycémie organique. Le patient peut compenser les symptômes par une aug­
mentation de la consommation d'hydrates de carbone, pouvant amener une prise de poids.
• L'hypoglycémie est responsable de deux types de manifestations :
- neuroglucopénie;
- réponse adrénergique.

Neuroglucopénie Réponse adrénergique


• Coma • Sueurs froides
• État confusionnel • Pâleur
• Troubles visuels ou de la parole • Tachycardie, palpitations
• Crises comitiales • Asthénie
• Troubles du comportement • Anxiété
• Tremblements
• Paresthésies

► 314 TUMEURS DU PANCRÉAS I UE 9 - ITEM 305


UE9 Item 305
...........................

2.6.3. Examen clinique


• Interrogatoire: il recherche la prise de médicaments hypoglycémiants ou d'auto-injections d'insuline, un alcoo­
lisme, une endocrinopathie.
• L'examen clinique est le plus souvent normal. Il doit rechercher une éventuelle hépatomégalie (métastases hépa­
tiques). La tumeur pancréatique n'est pas palpable.

2.6.4. Biologie
• Glycémie: hyp oglycémie à jeun ou au moment d'un malaise.
• Insulinémie généralement élevée.
• Pro-insuline: taux élevé> 5 pmol/L lors d'une hypoglycémie.
• Dosage du peptide-C : il oriente vers un insulinome si taux > 0,6 ng/ml au moment d'une hypoglycémie. Ce
dosage permet le diagnostic différentiel avec des auto-injections d'insuline (en ce cas, le peptide-C a des taux bas
alors que l'insulinémie est élevée).
• L'épreuve de jeûne de 72 h est à réaliser en milieu hospitalier sous surveillance médicale stricte. Réalisation d'une
insulinémie, du dosage du peptide-C et de la pro-insuline lors d'un malaise avec hyp oglycémie. Une hypoglycémie
associée à une insulinémie et un peptide-C augmentés ou non freinés sont en faveur d'un insulinome.
• Recherche d'une NEM 1: voir chapitre TNE.

2.6.5. Imagerie : voir chapitre TNE.

2.6.6. Anatomo-pathologie
• Le plus souvent de petite taille< 15 mm, unique et bénin. L'insulinome peut être extra-pancréatique dans 2 % des
cas (pancréas aberrant, duodénum, antre, hile de la rate).
• Immunohistochimie : marquage de la tumeur par CGA, synaptophysine, insuline, pro-insuline. Il faut évaluer
l'index mitotique et l'indice de prolifération Ki67 comme pour les autres TNE.

2.6.7. Diagnostics différentiels


• Autres causes d'hypoglycémie : hyperinsulinisme exogène (auto-injection d'insuline), auto-anticorps anti-insuline
(myélome multiple ou lupus érythémateux), alcoolisation aiguë, insuffisance rénale ou hépatique, chirurgie gas­
trique, insuffisances surrénalienne ou antéhyp ophysaire, hyp oglycémie fonctionnelle médicamenteuse.

3. Diagnostic d'une tumeur kystique du pancréas

3.1. Généralités
• Les lésions kystiques du pancréas sont pour 90 % d'entre elles des pseudo-kystes pancréatiques compliquant des
pancréatites aiguës ou chroniques.
• Les tumeurs kystiques du pancréas représentent les 10 % restants et 5 % des tumeurs du pancréas.
• La découverte fortuite de lésions kystiques pancréatiques est de plus en plus fréquente.
• Prévalence:
- 2,4 % ;
- elle augmente avec l'âge: 10 % après 70 ans.
• Pour le malade, c'est une situation stressante, marquée par un risque de multiplication d'examens.

LJE 9 - ITEM 305 1 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 31 5 ◄


• L'évaluation du risque de cancérisation est l'enjeu principal de la stratégie diagnostique. On distingue:
- des lésions sans risque de dégénérescence ou avec un risque considéré comme négligeable (pseudokyste,
cystadénome séreux, kystes congénitaux, kystes rétentionnels);
- des lésions à risque de dégénérescence faible (TIPMP des canaux secondaires, tumeur endocrine kystique);
- des lésions à risque de dégénérescence élevé (cystadénome mucineux, TIPMP du canal principal). Les lésions
sécrétant de la mucine (cystadénome mucineux, TIPMP) sont les plus à risque;
- et des tumeurs kystiques dégénérées (cystadénocarcinome).
• Prise en charge diagnostique
- anamnèse: consommation d'alcool, antécédents de pancréatites aiguë ou chronique;
- examens morphologiques (TDM, IRM, écho-endoscopie).
• Diagnostic différentiel
Les pseudo-kystes pancréatiques compliquant des pancréatites aiguës ou chroniques ne dégénèrent jamais ; en
leur faveur: sexe masculin, facteurs de risque, aspect de la lésion kystique mais surtout du pancréas (parenchyme
et canaux pancréatiques).

3.2. Bilan d'imagerie


• Les examens de première intention sont le scanner thoraco-abdominal et l'IRM pancréatique, pour analyser le
parenchyme pancréatique non tumoral (atrophie, calcifications), les canaux pancréatiques, et décrire la lésion aux
phases non injectée et injectée.
• L'écho-endoscopie est indispensable sauf si les examens précédents concluent formellement à un cystadénome
séreux typique ou au diagnostic de cancer ; elle permet de recueillir du matériel, à partager entre l'analyse bio­
chimique (taux d'ACE bas permet la distinction entre tumeur séreuse et autre lésion kystique, CA 19-9, lipase) et
l'analyse cytologique.

3.3. Principales tumeurs kystiques

3.3. 1. Cystadénome séreux


• Atteint la femme de plus de 50 ans dans 75 % des cas.
• Il n'est symptomatique que s'il comprime une structure canalaire de voisinage.
• Le plus souvent unique, localisé au niveau de la tête du pancréas.
• C'est la tumeur kystique du pancréas la plus fréquente après les pseudokystes.
• Nombreux kystes millimétriques donnant un aspect loculaire, alvéolaire en nid d'abeille : lésions arrondies ou
polylobées en imagerie, à paroi fine, contenant de multiples logettes. La cicatrice centrale typique, parfois calcifiée,
peut être visualisée.
• Imagerie (Figure 5) :
- Lésion siège de microkystes ( < 2 mm) d'aspect aréolaire, en nid d'abeille;
- Taille > 2 cm, calcification centrale;
- Absence de nodule endokystique ou d'épaississement des septas;
- Absence de communication avec le canal pancréatique principal.

► 316 ÎUMEURS DU PANCRÉAS I LJE 9 - ITEM 305


UE9 Item 305
.. .. .. ___________

Figure S. Cystadénome séreux microkystique (flèches)

• En ce cas, la ponction est inutile et non dénuée de risque.


• L'analyse cytologique ou histologique est rarement contributive, car le liquide est pauci-cellulaire. Il est parfois
possible d'observer des cellules cuboïdales riches en glycogène.
• Les marqueurs tumoraux sont peu élevés :
- ACE intra-kystique < 5 ng/ml;
- CA 19-9 < 120 U/ml;
- lipase intra-kystique basse.
• Le cystadénome séreux ne dégénère qu'exceptionnellement et justifie une surveillance allégée comprenant un seul
examen d'imagerie de confirmation réalisé entre 6 mois et 1 an après le diagnostic initial.

3.3.2. Cystadénome mucineux


• Il survient dans 90 % des cas chez la femme de 30-50 ans.
• Il peut se révéler par un ictère, une pancréatite ou une hémorragie digestive dans 10 % des cas.
• Le plus souvent unique, 10-30 mm, localisé au niveau du corps ou de la queue du pancréas.
• C'est une lésion uni-kystique ou oligo-kystique ( < 6 kystes) limitée par un épithélium cylindrique muco-sécrétant
reposant sur un stroma pseudo-ovarien caractéristique.

UE 9 - ITEM 305 1 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 317 ◄


• Imagerie (Figure 6) :

Figure 6. Kyste mucineux non dégénéré du corps (TDM injecté; IRM en coupe coronale etT2 FS;
échoendoscopie): lésion unique, parois fines, sans cloisons ni bourgeon endokystique (flèches)

TDM injecté IRM en coupe coronale

IRM enT2 FS Échoendoscopie lésion unique, parois fines,


sans cloisons ni bourgeon endokystique

- aspect macro-kystique unique;


- présence de septas possible;
- absence de communication avec le canal pancréatique principal;
- discret hypersignal du contenu sur les séquences en pondération Tl avant injection de produit de contraste;
- absence de calcification;
- absence de prise de contraste;
- absence de bourgeon endokystique.
• L'analyse du liquide de ponction a un intérêt diagnostique, notamment lorsque ACE intr�-kystique > 300 ng/ml
ou CA 19-9 > 50 000 U/ml.
• Il requiert une chirurgie d'exérèse pancréatique réglée systématique, compte tenu du risque de transformation
maligne en cystadénocarcinome.

3.3.3. TIPMP
• Il survient vers 65 ans et touche les 2 sexes.
• Ce sont des lésions fréquentes, survenant jusqu'à 2 % des adultes et plus de 10 % des personnes:::: 70 ans.
• 50 % des TIPMP sont de découverte fortuite lors d'une imagerie et moins d'un tiers sont révélés par une pancréa­
tite aiguë. Révélation possible par des douleurs solaires, une stéatorrhée, un diabète, voire des signes cliniques de
tumeur maligne.

► 318 ÎUMEURS DU PANCRÉAS LJE 9 - ITEM 305


UE 9 Item 305
· ...... __________

• C'est un état précancéreux résultant de la prolifération anormale (susceptible de dégénérescence) de l'épithélium


d'un canal pancréatique secrétant du mucus (qui obstrue la lumière des canaux biliaires générant poussées de
pancréatites et dilatations kystiques). Il peut toucher tout ou partie du système canalaire.
• L'enjeu est de savoir si le canal principal est touché, ce qui augmente le risque de dégénérescence.

Que faire face à une TIPMP?


Se poser 4 questions:
sa localisation?
cette TIPMP atteint-elle le canal pancréatique principal et/ou secondaire?
existe-t-il des signes d'alarme en faveur d'une dégénérescence?
faut-il opérer, et si oui, quel geste proposer au patient?

3.3.3.1. Imagerie
Scannographie avec injection de produit de contraste, IRM et écho-endoscopie, ponction peu contributive.
• Objectifs : mettre en évidence:
- la communication entre le kyste et un canal pancréatique; '
- la présence ou non de bourgeons ( = cancer);
- le caractère multiple ou multifocal de l'atteinte canalaire: caractéristique, surtout au niveau du crochet et de la
queue du pancréas;
- des calcifications, présentes dans 10 à 15 % des cas.
• Résultats d'imagerie :
- Atteinte du canal pancréatique principal (Figure 7) :
► dilatation du canal de Wirsung > 3 mm, pathognomonique si > 15 mm, augmentant vers la papille
(accumulation du mucus dans le sens du flux);
► sans image de sténose;
► atteinte diffuse ou segmentaire;
► atrophie parenchymateuse dans 1/3 des cas.

Figure 7. IRM d'une TIPMP: dilatation du canal principal > 1 cm (flèches)

- Atteinte des canaux secondairés (Figure 8) :


► lésion d'allure kystique;
► caractère communiquant avec le canal pancréatique principal (l'IRM est l'examen de référence);
► uni ou multiloculé séparé par de fins septa prenant un aspect en grappe de raisin.

LJE 9 - ITEM 305 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 319 ◄


Figure 8. IRM d'une TIPMP: dilatations des canaux secondaires de la tête (flèches)

- Au total:
► atteinte isolée du canal principal rare ;
► atteinte des canaux secondaires : 30 % des cas ;
► atteintes du canal principal et des canaux secondaires : > 2/3 des cas.
• L'endoscopie visualise une béance papillaire avec écoulement pathognomonique de mucus.
• L'écho-endoscopie confirme la communication entre les canaux secondaires ectasiques et le canal de Wirsung.
Elle recherche des nodules muraux (dégénérescence) et fait le diagnostic différentiel avec des bouchons de mucus.
3.3.3.2. Diagnostic différentiel
• En cas d'atteinte du canal principal, le diagnostic différentiel en imagerie se fait avec l'adénocarcinome et la pan­
créatite chronique.
• En cas d'atteinte des canaux secondaires, le diagnostic différentiel se pose avec un cystadénome séreux ou muci­
neux, mais surtout avec un pseudo-kyste.
3.3.3.3. Diagnostic de malignité
• Envahissement du parenchyme pancréatique.
• Présence d'un bourgeon tissulaire endocanalaire ou d'un nodule mural (carcinome in situ).
• Prise de contraste de la paroi du canal pancréatique principal.
• Envahissement vasculaire veineux de contiguïté.
• Infiltration de la graisse péri-pancréatique, atteinte ganglionnaire.

3.3.3.4. Conduite à tenir


• L'atteinte du canal principal amène un risque de dégénérescence à 5 ans de 50 %, d'où une indication opératoire
formelle.
• En cas d'atteinte isolée des canaux secondaires, le risque de dégénérescence à 5 ans est de 5 à 15 %.

► 320 ÎUMEURS DU PANCRÉAS LJE 9 - ITEM 305


UE9 ltem305
..........................

► Références

• Kamisawa T, Wood LD, ltoi T, Takaori K. Pancreatic cancer. Lancet. 2016;388:73-85.


• Cadiot G, Baudin E, Couvelard A, Dromain C, Lepage C, Lombard Bohas C, Poncet G, Ruszniewski P, Smith D. «Tumeurs neuro­
endocrines». Thésaurus National de Cancérologie Digestive, 03-2016, [En ligne] http://www.tncd.org
• Scoazec JY, Vullierme MP, Barthet M, GonzalezJM, Sauvanet A. Cystic and ductal tumors of the pancréas: diagnosis and management.
J Vise Surg 2013;150:69-84.

POINTS CLÉS

1. Cancer du pancréas exocrine


• Épidémiologie:
- incidence en augmentation dans les pays développés;
- facteurs de risques majeurs : âge, tabagisme, obésité, pancréatite chronique, prédispositions
familiales.
• Diagnostic: douleurs, ictère, altération de l'état général.
• Examen clinique: état général, grade OMS, perte de poids, dénutrition, comorbidités, grosse vésicule.
• Bilan pré-thérapeutique:
- scanner TAP dédié pour le pancréas pour évaluer la résécabilité (étude de l'espace graisseux
péri-artériel et de l'axe veineux mésentérico-portal);
- écho-endoscopie si nécessité d'obtenir une preuve cytologique ou histologique pour un
cancer inopérable.
• Preuve histologique à obtenir en cas de maladie localement avancée inopérable, de traitement néo-
adjuvant ou de maladie métastatique.
• Après RCP, déterminer clairement si le but du traitement est curatif ou palliatif.
2. Tumeur neuro-endocrine du pancréas
• Connaître surtout l'insulinome.
• Intérêt de la CGA, couplée à un dosage de gastrine.
• Penser à une NEM 1.
• Importance pour le diagnostic de l'immunohistochimie (au moins 2 marqueurs nécessaires), de l'index mi­
totique et de l'index de prolifération Ki-67.
• L'imagerie repose surtout sur le scanner TAP, l'échoendoscopie pour repérage des petites lésions et la TEP
des récepteurs de la somatostatine.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Piège 1 : poser rapidement une prothèse biliaire en cas d'ictère: une prothèse biliaire n'est mise
en place qu'après une imagerie complète et de qualité. L'.indication de drainage biliaire doit être
posée en RCP en présence de chirurgiens spécialisés.
2. Piège 2: biopsier une tumeur résécable chez un patient opérable. C'est une perte de temps
inutile et un risque potentiel.

UE 9 - ITEM 305 1 ÎUMEURS DU PANCRÉAS 321 ◄


UE9 ltem306
...... .. ...................

CHAPITRE ►�T_u_m_eu__ r_s_d_u p_ _o_u_ m_o_n_,______


p rimitives et seco n daires
Pr Jean Trédaniel', Pr Philippe Giraud2
'Unité de Cancérologie thoracique, Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris
'Service d'Oncologie - Radiothérapie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris

1. Épidémiologie
1.1. Épidémiologie descriptive
OBJECTIFS iECN
1.2. Épidémiologie analytique
2. Anatomo-pathologie et biologie moléculaire -+ Tumeurs du poumon, primitives et secondaires
2.1. Classification anatomo-pathologique - Diagnostiquer une tumeur du poumon primitive
2.2. Sous-types moléculaires et secondaire
3. Diagnostic du cancer bronchique Planifier le suivi du patient
3.1. Circonstances de découverte
3.2. Examen clinique
3.3. Bilan biologique
3.4. Radiographie thoracique
3.S. Tomodensitométrie thoracique
3.6. Confirmation histologique
4. Bilan pré-thérapeutique
4.1. Bilan d'extension loco-régionale
Mots clés: Adénocarcinome - ALK- Cancer
4.2. Bilan d'extension métastatique
Bronchique Non à Petites Cellules (CBNPC) -
4.3. Bilan général
Cancer Bronchique à Petites Cellules (CBPC) -
4.4. Classification TNM Carcinome épidermoïde - Chirurgie - EGFR -
5. Particularités du cancer bronchique à petites EFR - Fibroscopie bronchique - Immunothérapie -
cellules Maladie professionnelle - Radio-chimiothérapie -
6. Principes des traitements des cancers du poumon TDM - TEP-TDM - Thérapie ciblée.
6.1. Cancer bronchique non à petites cellules
6.2. Cancer bronchique à petites cellules
7. Principes de la surveillance
8. Tumeurs secondaires du poumon

• Le cancer du poumon, ou cancer bronchique primitif, est la première cause de mortalité par cancer en France, en
Europe et dans le monde.
• Le tabagisme est le principal facteur de risque, mais des cancers bronchiques surviennent en nombre croissant
chez des non-fumeurs.
• On sépare les cancers bronchiques en cancers non à petites cellules, les plus fréquents, et en cancers à petites cel­
lules dont les stratégies thérapeutiques diffèrent.
• L'obtention du type microscopique précis est indispensable au choix du traitement; la recherche de mutations
conductrices, relevant de traitements spécifiques, est obligatoire en cas d'adénocarcinome métastatique.
• 40 % des cancers du poumon sont localisés au thorax au diagnostic et relèvent d'une stratégie à visée curatrice, par
chirurgie ou association radio-chimiothérapie concomitante.
• 60 % des cancers du poumon sont métastatiques au diagnostic.
• Il est indispensable d'encourager et d'accompagner le sevrage tabagique en prévention primaire.
• La poursuite du tabagisme, après traitement, majore le risque de complications des traitements, augmente le
risque de second cancer et diminue la survie.
• Le poumon est un site privilégié pour la dissémination métastatique de nombreux cancers. Les stratégies diagnos­
tiques et thérapeutiques dépendent du tableau clinique et de la localisation du cancer primitif.

LJE 9 - ITEM 306 1 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 323 ◄


1. Épidémiologie

1.1. Épidémiologie descriptive

• En 2018, le cancer du poumon était le premier cancer diagnostiqué dans le monde.


• Il y a eu 2,1 million de nouveaux cas de cancer du poumon en 2018 (11,6 % de tous les cas) et 1,8 million de
décès (18 % du total de la mortalité par cancer).
• 46 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués en France en 2018, plaçant le cancer du poumon au 3• rang
des cancers incidents (derrière les cancers du sein et de la prostate). Il a été responsable de 33 000 décès, au
premier rang de la mortalité par cancer.

• Il représente 12 % des cas incidents et 21 % de la mortalité par cancer (25 % chez l'homme, 15 % chez la femme).
• C'est encore une maladie majoritairement masculine (67 % des cas incidents et 69 % des décès surviennent chez
l'homme), mais la proportion de femmes atteintes augmente régulièrement, alors que la tendance est à la stabilité
de l'incidence et à la diminution de la mortalité chez l'homme (Figure 1).

Figure 1. Évolution de l'incidence et de la mortalité (taux standardisé monde)


par cancer du poumon selon le sexe, en France, 1980-2012.

60

50

40

30

:
20

10


0
1980 1990 2000 2005 2010 2012

-e-lncidence hommes -e-Mortalité hommes - Incidence femmes ...... Mortalité femmes

• D'une façon générale, l'incidence du cancer bronchique est élevée dans les pays à forte consommation taba­
gique alors que, au contraire, elle décroit dans les pays où les campagnes anti-tabac ont été instituées précocement
(Etats-Unis, Grande-Bretagne). L'augmentation de l'incidence et de la mortalité est particulièrement marquée
dans les pays émergents où l'épidémie tabagique s'est installée récemment (par exemple, plus d'un tiers des cas
incidents est survenu en 2012 en Chine).
• En France, l'âge médian au diagnostic était, en 2012, de 66 ans chez l'homme et 65 ans chez la femme; l'âge
médian au décès était de 68 ans chez l'homme et 67 ans chez la femme. La survie nette (standardisée sur l'âge) était
à 5 ans, sur la période 2005-2010, de 17 % (19 % chez la femme et 16 % chez l'homme). A 10 ans, sur la période
1989-2010, la survie était de 10 % (13 % chez la femme et 9 % chez l'homme). L� prévalence totale était en 2008
de 79 000 sujets (dont 76 % d'hommes).
• L'initiation précoce du tabagisme (qui provoque des cancers chez des malades jeunes) associée à la prise en
charge de sujets âgés a entraîné un étalement important de la pyramide des âges des patients traités.

► 324 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 306


UE9 Item 306
�..........................

1.2. Epidémiologie analytique

1.2. 1. Le tabagisme

• La fumée de tabac contient plus de 7 000 composants chimiques dont plus de 60 sont reconnus comme can­
cérigènes (notamment les hydrocarbures polycycliques aromatiques, dont le benzo(a)pyrène, les nitrosamines
spécifiques de la fumée de tabac, le benzène, le formaldéhyde et des composés radioactifs, comme le polonium).
Ces composants de la fumée de tabac contribuent à la carcinogenèse par de multiples voies, incluant la liaison à
l'ADN et la survenue de mutations, l'inflammation, le stress oxydatif, la survenue de modifications épigénétiques.
• C'est la combustion du tabac et l'inhalation de la fumée, rendue possible grâce à l'introduction au XX' siècle des
cigarettes manufacturées, qui est responsable de l'épidémie de cancers du poumon.
• Le risque relatif de cancer du poumon associé au tabagisme est considérable, évalué selon les études entre 10 et
20, par rapport au risque du non-fumeur (qui est défini comme ayant fumé moins de 100 cigarettes au cours de
la vie), par convention égal à 1 (or, passer d'un risque relatif de 1 à 2 signifie augmenter le risque de 100 %). Le
risque augmente de façon linéaire avec la consommation quotidienne (ou cumulée, exprimée en paquets-années)
mais surtout de façon exponentielle avec la durée du tabagisme (Figure 2) ; de ce fait, même une consommation
quotidienne « faible », mais étalée sur une longue durée, expose le fumeur au risque de cancer du poumon. Il n'y
a pas de seuil de consommation en dessous duquel le tabagisme serait sans risque.

Figure 2.: Les déterminants du risque de cancer bronchique associé au tabagisme.


A: la consommation quotidienne ou cumulée, B: la durée d'exposition au risque

RR RR

10 15 20 20 30 40 50 60 70

A: Cigarettes par jour B: Âge (années)

• Le sevrage tabagique est bénéfique à tout âge mais le risque ne revient jamais au niveau de celui des non-fumeurs.

Le rôle cancérigène du tabagisme involontaire, ou tabagisme passif, est reconnu dans la survenue de
cancers du poumon chez les non-fumeurs. L'exposition passive à la fumée de tabac augmente le risque de
cancer du poumon d'environ 25 % (risque relatif= 1,25). Le tabagisme passif serait responsable d'environ 25 %
des cancers du poumon du non-fumeur.

LJE 9 - ITEM 306 1 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 325 ◄


1.2.2. Expositions professionnelles

Globalement, on estime - sans préjuger de la consommation tabagique des malades - que 10 o/o des cancers
du poumon chez l'homme et 5 o/o chez la femme seraient attribuables à une exposition à un ou plusieurs
parmi 8 produits cancérigènes (amiante, arsenic, béryllium, cadmium, chrome hexavalent, composés du
nickel, silice cristalline et fumées diesel).

• En France, l'estimation est de 11 % des cancers de l'homme et 4 % des cancers de la femme qui seraient d'ori­
gine professionnelle (quel que soit par ailleurs le tabagisme des malades).
• La participation de ces expositions professionnelles ( qui donnent droit à réparation au titre des maladies pro­
fessionnelles) est sous-estimée, notamment du fait du rôle confondant du tabagisme souvent associé. Elle justifie
un interrogatoire professionnel systématique lors du diagnostic de tout cancer bronchique.

1.2.3. Expositions environnementales


1.2.3.1. Le radon
• Le radon est un gaz radioactif issu de la désintégration de l'uranium, du thorium et du radium. C'est un gaz invi­
sible, sans odeur et sans goût, qui se propage des roches et du sol. Il est en cause dans 5 à 10 % des cas de cancer
du poumon.
1.2.3.2. La pollution atmosphérique
• La pollution de l'air est un mélange complexe de gaz (SO2, NO2, NOx, 03) et de fines particules (PM), qui sont
particulièrement émises par les véhicules diesel. Son rôle cancérigène pour le poumon est désormais reconnu.

1.2.4. Facteurs diététiques


• Les fumeurs adoptent généralement des habitudes diététiques favorisant le cancer du poumon (faible consomma­
tion de fruits et légumes, forte consommation de viande).

1.2.5. Facteurs de risque personnels


• Le risque de cancer bronchique est accru en cas de lien de parenté au premier degré avec un malade.
• Il est également augmenté chez les sujets ayant déjà une maladie ou un antécédent de maladie respiratoire (bron­
chopneumopathie chronique obstructive - BPCO, emphysème, pneumonie, tuberculose).
• L'activité physique régulière diminue le risque de cancer bronchique.
• Le surpoids est inversement associé au risque de cancer bronchique.

1.2.6. Susceptibilité génétique


• Les études génétiques ont identifié des loci de susceptibilité au cancer du poumon en 15q, Sp et 6p.

2. Anatomo-pathologie et biologie moléculaire


2.1. Classification anatomo-pathologique

2.1.1. Considérations générales

Les cancers du poumon sont séparés en cancers bronchiques non à petites cellules (qui représentent 85 % des
cas) et cancers bronchiques (neuro-endocrines) à petites cellules (15 %).

► 326 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 306


, UE9 Item 306
• ..... ________ .,_

• Les cancers bronchiques non à petites cellules doivent eux-mêmes être distingués entre adénocarcinomes
(50 % de la totalité des cancers) et cancers épidermoïdes (25 %}. Cette distinction a une importance prédictive
de la réponse au traitement (le pémétrexed est contre-indiqué dans les cancers épidermoïdes ; les mutations de
l'EGFR et les translocations ALK sont plus fréquentes dans les adénocarcinomes)et de sa toxicité (le bévacizumab
est contre-indiqué dans les tumeurs épidermoïdes).
• L'appellation carcinome à grandes cellules doit être réservée aux pièces opératoires où la tumeur est suffisam­
ment échantillonnée pour exclure toute différenciation (en adénocarcinome ou épidermoïde); dans le cas des
prélèvements biopsiques, c'est l'acronyme NSCLC-NOS (non small cell lung cancer - not otherwise specified)qui
doit être employé.
• L'immunohistochimie permet le plus souvent, associée à l'aspect morphologique, la distinction entre adé­
nocarcinome et épidermoïde. Le marquage de la tumeur par le TTFl signe l'adénocarcinome bronchique; le
marquage par p40 (les marqueurs p63 et cytokératine 5/6 sont moins spécifiques)signe le cancer épidermoïde.
· · · · · · · · · ·---------------------------------------------------------------------- ---- - - - - - - ----------------------------------------------·--··············--·-·
' '

En l'absence de signature morphologique conventionnelle, une tumeur positive pourTTF1 et négative pour
p40 est classée comme cancer bronchique non à petites cellules, en faveur d'un adénocarcinome; une tumeur
positive pour p40 et négative pourTTF1 est classée comme cancer bronchique non à petites cellules, en faveur
d'un carcinome épidermoïde. Lorsque tous les marqueurs sont positifs, le cancer est dit adénosquameux.
Lorsque tous les marqueurs sont négatifs, la tumeur est considérée comme un carcinome à grandes cellules.

• La recherche par immunohistochimie de l'expression du PDL-1 (programmed death ligand l} sur les cellules
tumorales doit être systématique pour tous les cancers non à petites cellules (épidermoïdes et adénocarcinomes)
de stade avancé ou métastatique.
2.1.2. Adénocarcinome
• La plupart des adénocarcinomes sont diagnostiqués en périphérie du poumon (ils sont donc souvent inacces­
sibles à l'exploration par fibroscopie bronchique et leur diagnostic repose sur la ponction sous scanner).
• La classification des adénocarcinomes sépare des lésions pré-invasives, avec invasion minime et invasives
(Tableau 1).

Tableau 1: CLASSIFICATION DES ADÉNOCARCINOMES


- - - ----- --- - - --- ----�---------- - �
• Lésions pré-invasives
- Hyperplasie adénomateuse atypique
-Adénocarcinome in situ (AISs 3 cm)
► Non mucineux
► Mucineux

• Adénocarcinome avec invasion minime (AIMs 3 cm): tumeur à prédominance lépidique mais présentant une zone
invasives s mm

• Adénocarcinome invasif
-À prédominance lépidique
-À prédominance acinaire
-À prédominance papillaire
-À prédominance micro-papillaire
-À prédominance solide

• L'adénocarcinome in situ mesure moins de 3 cm dans son grand axe et a une croissance purement lépidique (le
long des parois alvéolaires), donnant au scanner une image en verre dépoli pur (Figure 3). Plusieurs adénocarci­
nomes in situ sont souvent reconnus de façon synchrone ou métachrone.

UE 9 - ITEM 306 1 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 327 ◄


Figure 3. Adénocarcinome in situ (plage en verre dépoli du culmen, < 3 cm)

• L'adénocarcinome avec invasion minime présente le même aspect en verre dépoli de moins de 3 cm de grand axe
mais contient un composant solide de moins de 5 mm (Figure 4).

Figure 4. Adénocarcinome avec invasion minime (zone invasive - solide - de moins de 5 mm,
au sein d'une plage en verre dépoli< 3 cm)

• Un adénocarcinome est invasif dès qu'existe au moins une zone solide de plus de 5 mm. Il doit être classé selon
son sous-type prédominant : lépidique, acinaire, papillaire, micro-papillaire ou solide prédominant. Plusieurs
sous-types sont habituellement présents dans la même tumeur et leur proportion respective doit être indiquée
dans le compte rendu; ceci doit permettre, en cas de tumeurs multiples synchrones ou métachrones, de distinguer
des carcinomes indépendants les uns des autres par rapport à des métastases d'un cancer primitif unique.
• Il existe une corrélation entre le sous-type de l'adénocarcinome et la survie marquée par des catégories de pro­
nostic favorable (carcinome in situ, avec invasion minime ou lépidique prédominant), intermédiaire (acinaire,
papillaire) ou plus péjoratif (micro-papillaire et solide).
• Le marquage par les cytokératines 7 et 20 peut parfois aider à la distinction entre un adénocarcinome bron­
chique primitif (CK7+, CK20-) ou métastatique d'une tumeur digestive ( CK7-, CK20+).

2.1.3. Carcinome épidermoïde


• Ils sont le plus souvent situés en zone centrale, dans les grosses bronches et accessibles à la fibroscopie bronchique.
• La différenciation épidermoïde se traduit morphologiquement par des ponts inter-cellulaires et des foyers de
kératinisation (avec parfois l'aspect de globes cornés).

► 328 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I UE 9 - ITEM 306


UE9 ltem306

2. 1.4. Tumeurs neuro-endocrines


2.1.4.1. Cancer bronchique (neuro-endocrine) à petites cellules
• Il s'agit de tumeurs habituellement proximales, mal limitées, infiltrant la sous-muqueuse et les structures avoi­
sinantes, à forte potentialité invasive et dont l'extension loco-régionale (lymphatique, ganglionnaire et vasculaire)
est précoce. La diffusion métastatique (foie, surrénales, os, système nerveux central) est également précocè et
quasi-constante (70-75 %) lors du diagnostic initial.
• Histologiquement, il s'agit de tumeurs neuro-endocrines dont elles possèdent les caractéristiques structurales et
ultra-structurales (présence de granules neurosécrétoires intracytoplasmiques en microscopie électronique). Les
zones de nécrose sont étendues.
• En immunohistochimie, 3 marquages signant la nature neuro-endocrine sont recherchés: CD56 (ou N-CAM),
chromogranine A et synaptophysine.
• La majorité des cancers à petites cellules expriment également TTFl.
• L'index mitotique est élevé (au minimum, 10 mitoses/ 2 mm2, en moyenne supérieur à 60 mitoses/ 2 mm2 ).
• L'index de prolifération, évalué par le marquage immunohistochimique de l'antigène Ki-67, est également élevé,
en moyenne :2: 80 %.
• Une différenciation neuro-endocrine peut être reconnue par immunohistochimie dans 5 à 10 % des carcinomes
bronchiques non à petites cellules qui ne présentent pas de morphologie neuro-endocrine ; leur signification
clinique et thérapeutique n'est pas établie (et la recherche des marqueurs neuroendocrines en l'absence de mor­
phologie concordante doit être évitée).
2.1.4.2. Carcinome bronchique neuro-endocrine à grandes cellules

Ce sont des tumeurs rares (1 à 2 % des cancers du poumon).

• Ce sont, en fait, des cancers bronchiques non à petites cellules qui ont une morphologie neuro-endocrine
mais des caractéristiques cytologiques de cancer non à petites cellules (cellules de grande taille, cytoplasme abon­
dant). Ils expriment en immunohistochimie les marqueurs neuro-endocrines. Les zones de nécrose sont étendues.
• L'index mitotique est élevé (au minimum, 10 mitoses/ 2 mm2, en moyenne supérieur à 60 mitoses/ 2 mm2 ).
• L'index de prolifération, évalué par le marquage immunohistochimique de l'antigène Ki-67, est également élevé,
le plus souvent entre 40 et 80 %.

2.1.4.3. Tumeurs carcinoïdes

• On distingue :
- les tumeurs carcinoïdes typiques qui ont moins de 2 mitoses / 2 mm2 et pas de nécrose. Elles mesurent plus
deSmm;
- les tumeurs carcinoïdes atypiques qui ont de 2 à 10 mitoses/ 2 mm2 et/ou des foyers de nécrose.
• Il n'y a pas de continuum évolutif entre les différentes tumeurs neuro-endocrines (les tumeurs carcinoïdes ne
sont pas les précurseurs des tumeurs neuro-endocrines de haut grade de malignité, carcinomes bronchiques à
petites cellules et carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules).

LJE 9 - ITEM 306 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 329 ◄


2.2. Sous-types moléculaires
• Les cancers du poumon sont classés de façon croissante selon les anomalies génétiques dont ils sont porteurs
et dont certaines peuvent conduire (« driver mutation ») et maintenir la cancérogenèse. Ce typage moléculaire se
modifie rapidement avec l'évolution des connaissances.
• Tous les cancers bronchiques non à petites cellules, non épidermoïdes (c'est-à-dire une majorité d'adéno­
carcinomes), métastatiques, doivent faire l'objet d'une recherche génétique qui comprend, au minimum, la
recherche de mutation ou de translocation de EGFR, ALK, ROSl, K-RAS, B-RAF, HER2; PIK3CA et MET sont
régulièrement ajoutés. L'analyse complète du génome et l'évaluation de la charge mutationnelle sont effectuées de
façon croissante par la technique de NGS (« next generation sequencing »).
• Une mutation de l'EGFR est présente dans 12 % des adénocarcinomes, une translocation de ALK dans 5 % et
appellent respectivement un traitement par un inhibiteur de la tyrosine kinase de l'EGFR ou de ALK. Les muta­
tions de K-RAS, retrouvées dans 30 % des cas, sont mutuellement exclusives avec les précédentes.
• Dans le cas des cancers survenant chez les non-fumeurs, une mutation de l'EGFR est retrouvée dans 44 % des
cas et une translocation de ALK dans 14 % (Figure 5).

Figure S. Répartition(%) des mutations conductrices dans les adénocarcinomes métastatiques

Tous adénocarcinomes Jamais fumeurs

■ EGFR • ALK ■ EGFR ■ ALK


■ KRAS ■ BRAF ■KRAS ■ BRAF
■ HER2 ■ PIK3CA ■ HER2 ■ PIK3CA
■ Inconnu • Aucune mutation ■ Inconnu ■ Aucune mutation

• La recherche des mutations peut être demandée dans le cas, rare, d'un cancer épidermoïde survenant chez un
non-fumeur.

3. Diagnostic du cancer bronchique

• Le bilan doit être entrepris sans délai.


Il est recommandé de rechercher d'éventuels documents radiologiques antérieurs.
• L'absence de facteur de risque n'exclut pas le diagnostic et ne doit pas retarder le bilan.
• Le cas échéant, c'est l'occasion d'évaluer la dépendance au tabagisme et d'encourager le sevrage.
. - - - . --. -.. -............ -.. -........... -.......... -............ -.................. - - .. - -. - - - -.. -. -. - - . - - -... - -. -.. -. - - - -. - -. - - -. -.. -.................. -...... .'
'

3.1. Circonstances de découverte


• Tout symptôme récent et persistant doit attirer l'attention notamment chez un sujet à risque (fumeur ou ex
fumeur). Aucun n'est spécifique. Il peut s'agir (Tableau 2):

► 330 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I UE 9 - ITEM 306


UE9 Item 306
..............................

Tableau 2: CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE D'UN CANCER DU POUMON


Symptômes respiratoires • Toux
• Hémoptysie
• Dyspnée
• Expectoration purulente
• Pneumopathie aiguë

Extension loco-régionale • Pleurésie


• Douleur thoracique
• Syndrome médiastinal
• Syndrome de Pancoast-Tobias

Extension métastatique • Osseuse, cérébrale, hépatique, cutanée...

Signes généraux • Asthénie, anorexie, amaigrissement


• Fièvre
• Manifestation thrombo-embolique

Syndrome paranéoplasique • Évocateurs d'un cancer non à petites cellules


-Hippocratisme digital/ OAHP
-Hypercalcémie
-Dermato-polymyosite
• Évocateurs d'un cancer à petites cellules
-SlADH
-Syndrome de Cushing
-Syndromes neurologiques
-Gynécomastie
• Syndromes hématologiques

Découverte fortuite et dépistage

3.1.1. De signes et symptômes respiratoires


• Toux d'apparition récente, souvent négligée, ou modification d'une toux ancienne.
• Hémoptysie, généralement de faible abondance.
• Dyspnée récente ou d'aggravation récente chez un sujet souffrant d'une BPCO.
• Expectoration purulente (due à une infection en aval d'une sténose ou à une nécrose tumorale).
• Pneumopathie aiguë, abcès du poumon, parfois récidivants dans un même territoire.

3.1.2. De signes en rapport avec une extension loco-régionale


• Épanchement pleural liquidien séro-fibrineux ou séro-hémorragique, parfois réactionnel à une atélectasie ou
une pneumopathie infectieuse, souvent secondaire à l'envahissement de la plèvre viscérale ; la présence de cellules
néoplasiques dans le liquide ou à la biopsie pleurale affirme le caractère néoplasique.
• Douleur thoracique par atteinte pleurale ou pariétale.
• Syndrome médiastinal lié à la compression ou à l'envahissement des organes du médiastin :
- syndrome cave supérieur (circulation veineuse collatérale thoracique, comblement des creux sus-claviculaires
et œdème en pèlerine, turgescence jugulaire, cyanose) en rapport avec l'engainement néoplasique ou la
compression de la veine cave supérieure ;
- dysphonie par compression du nerf récurrent gauche ;
- dysphagie par compression œsophagienne ;
- hoquet ou paralysie phrénique ;
- péricardite avec tamponnade ou arythmie récente.

UE 9 - ITEM 306 1 ÎUMEURS DU PDUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 3 31 ◄


• Syndrome de Pancoast-Tobias, spécifique des tumeurs de l'apex, associant des douleurs thoraco-scapulaires par
lyse des 2 premiers arcs costaux, une névralgie cervico-brachiale CS-Dl (par envahissement du plexus brachial),
un syndrome de Claude Bernard-Homer (ptosis, myosis, énophtalmie) homolatéral. Le diagnostic est tardif car
la douleur est souvent attribuée à une hernie discale cervicale ou une périarthrite scapulo-humérale; aussi, toute
douleur persistante de l'épaule chez un fumeur doit conduire à la réalisation d'un bilan thoracique, comprenant
un scanner car les images de l'apex sont souvent peu visibles sur les clichés thoraciques standard.

Tous les signes en rapport avec une extension loco-régionale éliminent d'emblée un recours chirurgical, à
l'exception parfois de l'envahissement pariétal.

3.1.3. De signes en rapport avec une extension métastatique


• Osseuse (douleurs, fracture spontanée, tassement vertébral, hypercalcémie).
• Neurologique (crise comitiale, déficit moteur, signes d'hyp ertension intracrânienne, compression médullaire,
syndrome de la queue de cheval).
• Hépatique (hépatalgies, hépatomégalie douloureuse, perturbation du bilan biologique).
• Plus rarement ganglionnaire (adénopathie superficielle), cutanée (nodules sous-cutanés), péritonéale (douleurs
abdominales, troubles du transit), méningée (le tableau neurologique s'aggrave rapidement et n'est pas concor­
dant avec une localisation spécifique).
• Les métastases surrénaliennes, également fréquentes, sont habituellement asymptomatiques.

3.1.4. De signes généraux


• Asthénie.
• Anorexie.
• Amaigrissement inexpliqué.
• Fièvre (habituellement peu élevée, sans signe infectieux caractérisé et répondant aux anti-inflammatoires non
stéroïdiens).
• Manifestations thrombo-emboliques souvent extensives et/ou de localisation inhabituelle, survenant sans
circonstance favorisante et résistant parfois au traitement anticoagulant.

3.1.5. D'un syndrome paranéop/asique

Ils peuvent précéder l'apparition radio-clinique du cancer et doivent inciter à ne pas relâcher la surveillance chez
les patients à risque. lis peuvent évoluer ensuite pour leur propre compte indépendamment du cancer primitif.

• Certains se rencontrent plus fréquemment dans les cancers bronchiques non à petites cellules :
- hippocraHsme digital d'apparition récente ou, plus rarement, tableau complet de l'ostéoarthropathie
hypertrophiante pneumique - OAHP - (de Pierre Marie) associant un hippocratisme digital, des douleurs
des articulations des membres (prédominant sur les segments distaux) et radiologiquement une périostose
engainante à ne pas confondre avec des métastases osseuses (liseré radio-opaque doublant la corticale osseuse
au niveau des os longs) ;
- hypercalcémie (par production tumorale d'un peptide PTH-like) parfois symptomatique (nausées, douleurs
abdominales, polyurie, syndrome confusionnel) ; cependant, l'hyp ercalcémie est plus souvent secondaire à une
lyse osseuse métastatique ;
- dermato-polymyosite.
• D'autres sont plus évocateurs du cancer bronchique à petites cellules:
- syndrome de sécrétion inappropriée de l'hormone anti-diurétique - SIADH - (ou syndrome de Schwartz­
Bartter: hyponatrémie avec natriurèse conservée) ;
- syndrome de Cushing (plus souvent biologique que clinique) ;

► 332 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECDNDAIRES LJE 9 - ITEM 306


UE9 Item 306
• .... ___________

- syndromes neurologiques auto-immuns: pseudo-myasthénie de Lambert-Eaton, neuropathie périphérique


sensitivo-motrice, polyoencéphalomyélite subaiguë du syndrome anti-Hu avec dégénérescence cérébelleuse et
neuropathie périphérique, etc.
- gynécomastie.
• Les syndromes hématologiques s'observent quel que soit le type histologique du cancer bronchique : anémie,
hyperleucocytose, thrombocytose, état d'hyp ercoagulabilité.

3. 1.6. Découverte fortuite et dépistage


• Certains cancers bronchiques, notamment les tumeurs périphériques, sont parfois détectés lors d'un examen
radiographique effectué à l'occasion d'une autre pathologie.
• Le dépistage du cancer du poumon n'est pas recommandé en France (et ne devrait être effectué que dans le cadre
d'essais cliniques). Dans tous les cas, il est admis qu'il ne doit pas être fait par la radiographie thoracique mais
par la réalisation d'un scanner à faible dose d'irradiation (« scanner low-dose » ), et sans injection de produit de
contraste, chez des sujets à risque (âgés de 55 à 74 ans, ayant fumé au moins 30 paquets-années, éventuellement
sevrés mais depuis moins de 15 ans et s'engageant, s'ils sont toujours fumeurs, à entamer un sevrage tabagique).

3.2. Examen clinique


• En fonction des signes d'appel, il s'attachera à rechercher:
- des anomalies thoraciques et notamment des symptômes pouvant témoigner d'une atteinte pleurale (matité,
abolition des vibrations vocales et du murmure vésiculaire) ou d'un envahissement médiastinal (circulation
veineuse collatérale);
- des adénopathies sus-claviculaires;
- certains symptômes pouvant témoigner d'une atteinte métastatique: hépatomégalie nodulaire, douleur osseuse
à la pression, déficit neurologique;
- des symptômes en rapport avec un syndrome paranéoplasique : hippocratisme digital, gynécomastie.
• Il appréciera en outre l'importance de l'amaigrissement (qui sera chiffré par rapport au poids de base) et le
niveau d'altération de l'état général à partir de l'indice d'activité ou« performance status » (index de Karnofsky
ou, plutôt, grade OMS).

3.3. Bilan biologique

• li comprend au minimum :
- un bilan de la fonction rénale pour permettre l'injection de produit de contraste;
- un bilan d'hémostase (NFS-plaquettes, TP-TCA) pour permettre les prélèvements biopsiques;
- aucun dosage des marqueurs tumoraux n'est indiqué pour le diagnostic (ou l'évaluation
pronostique) du cancer du poumon.
• li peut être complété par un bilan hépatique, un dosage de la calcémie et de !'albuminémie.

3.4. Radiographie thoracique


• L'examen est toujours demandé de face et de profil.
• Il s'agit d'une étape essentielle en cas de suspicion de carcinome bronchique car la normalité de la radiographie
thoracique standard est rare en présence d'un carcinome bronchique avéré ( < 5 %). La radiographie thoracique
peut mettre en évidence des signes directs et/ou des images indirectes en rapport avec l'obstruction bronchique
ou avec l'extension loco-régionale; elle permet en outre souvent de différencier d'emblée les cancers proximaux
des cancers périphériques.

LJE 9 - ITEM 306 1 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 333 ◄


• Les signes directs les plus habituels sont :
- une opacité hilaire ou péri-hilaire dense, homogène, à limites externes irrégulières, parfois spiculée et dont la
limite interne est noyée dans la silhouette médiastinale (Figure 6).

Figure 6. Tumeur lobaire supérieure droite

- une opacité périphérique arrondie non systématisée, dense, à limites irrégulières, parfois excavée par nécrose
centrale (Figure 7).

Figure 7. Tumeur lobaire supérieure gauche

• Les images indirectes les plus habituelles sont :


- un trouble de ventilation lié à l'obstruction bronchique avec atélectasie segmentaire, lobaire ou de l'ensemble
d'un poumon ;
- un épanchement pleural liquidien traduisant souvent une extension pleurale ;
- des adénopathies hilaires ou médiastinales ;
- une lyse costale ou vertébrale par atteinte de contiguïté ;
- l'ascension d'une coupole diaphragmatique par paralysie phrénique.

► 334 ÎUMEURS DU PDUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES LJE 9 - ITEM 306


UE9 Item 306

3.5. Tomodensitométrie thoracique (TDM)


• En cas de forte suspicion de cancer du poumon, le scanner est l'examen de référence. Il peut être demandé par
le médecin généraliste afin de préparer, à condition de ne pas la retarder, la consultation spécialisée.
• Il doit être pratiqué avant la fibroscopie bronchique qu'il va guider.
• L'examen tomodensitométrique doit être réalisé selon une technique rigoureuse: acquisition spiralée volu­
mique des apex aux glandes surrénales incluses, coupes fines avec fenêtres parenchymateuses et médiastinales,
injection de produit de contraste iodé afin de visualiser correctement les structures médiastinales, les éventuelles
adénopathies et la prise de contraste d'une opacité tumorale. Les fenêtres osseuses doivent être regardées.
• Il permet de préciser l'aspect (un aspect spiculé est en faveur de la malignité), la taille, la densité, le raccorde­
ment éventuel à la paroi (Figure 8) d'une image radiologique anormale présumée tumorale.

Figure 8. Tumeur lobaire supérieure droite, spiculée et présentant des raccordements pleuraux.
Adénopathie de la loge de Baréty (latéro-trachéale droite)

• Il peut mettre en évidence des anomalies associées (emphysème, fibrose, calcifications coronaires, etc).
• L'examen scanographique permet également la détection des quelques petites tumeurs à radiographie normale
ou sub-normale et peut dans certains cas guider la stratégie diagnostique.

3.6. Confirmation histologique


'
'
..
·' · · · · · · · - - - ---------------------- - - - - - - - - - - - - - - ------------------------------------------ - ------------· · · · · · · ·---- - · · · · · · · · · · · · · · · - - - - - · - - - - ----------------- ·
'
• Le diagnostic du cancer du poumon repose sur l'examen anatomo-pathologique.
La cytologie seule (obtenue par cytoponction d'un site tumoral) n'est pas un standard.
• Le malade doit être d'emblée prévenu de la possibilité d'échec technique du prélèvement et de la nécessité ab­
solue qu'il y a à obtenir des prélèvements de bonne qualité pour affirmer le diagnostic et guider le traitement.

3.6. 1. Fibroscopie bronchique (bronchoscopie souple)


• La fibroscopie bronchique est systématique en cas de suspicion de cancer bronchique, en dehors des quelques
rares contre-indications à l'examen (hypoxémie sévère réfractaire à une oxygénothérapie adaptée, anomalies
majeures de la coagulation). Elle permet un bilan macroscopique et peut objectiver différents aspects évocateurs,

LJE 9 - ITEM 306 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 335 ◄


principalement dans les cancers proximaux : bourgeon endobronchique irrégulier et hémorragique, végétation,
infiltration de la muqueuse bronchique, sténose irrégulière, épaississement des éperons de division, aspect de
compression extrinsèque.
• La fibroscopie bronchique peut être normale, notamment dans les cancers périphériques, ce qui n'élimine pas le
diagnostic ; dans ce cas, elle reste systématique pour la recherche d'autres lésions radio-occultes.
• Si la lésion est proximale, des biopsies de toute anomalie macroscopique seront réalisées (au minimum, 3 à
5 biopsies; chaque fois que possible, un maximum de biopsies sera prélevé pour permettre le diagnostic morpho­
logique initial, l'envoi de prélèvements à la plate-forme de biologie moléculaire et la conservation de prélèvements
en cas d'inclusion dans un protocole de recherche ou l'analyse ultérieure, par exemple, après mise en évidence
d'une nouvelle mutation conductrice); chaque fois que possible, des biopsies systématiques de l'éperon sus-jacent
et de la carène seront effectuées. Ces prélèvements permettent d'obtenir une confirmation diagnostique dans 75 %
des cas. La rentabilité diagnostique de l'examen endoscopique est améliorée par la réalisation d'un brossage à
visée cytologique, d'un recueil de l'aspiration bronchique pour examen cytologique, d'un lavage dirigé. En cas de
tumeur périphérique, des biopsies effectuées sous contrôle radioscopique peuvent permettre le diagnostic.
• Les prélèvements histologiques doivent être fixés dans le formol.

3.6.2. Echo-endoscopie bronchique (EBUS) ou œsophagienne (EUS)


• Effectuée le plus souvent sous anesthésie générale par le pneumologue (EBUS) ou le gastro-entérologue (EUS),
elle permet la ponction directe d'une tumeur centrale sous-muqueuse ou péri-bronchique ou d'une (ou plusieurs)
adénopathies médiastinales.

3.6.3. Ponction-biopsie transpariéta/e à l'aiguille


• En cas de négativité des procédures endoscopiques, la ponction-biopsie transpariétale à l'aiguille sous contrôle
scanographique est d'une bonne rentabilité diagnostique dans les tumeurs périphériques relativement proches
de la paroi (sensibilité 90 %). Plusieurs prélèvements doivent être réalisés. La négativité de l'examen (10-15 %)
n'exclut pas le diagnostic. L'examen peut se compliquer de pneumothorax (dans environ 10 % des cas, nécessitant
rarement un drainage) ou plus rarement d'hémoptysie.

3.6.4. Autres techniques diagnostiques


• D'autres techniques diagnostiques peuvent être envisagées si l'endoscopie bronchique et/ou la ponction
transpariétale ne sont pas contributives :
- biopsie pleurale en cas d'épanchement pleural suffisamment abondant;
- biopsie d'une adénopathie sus-claviculaire;
- biopsie ou ponction échoguidée d'une localisation métastatique, notamment hépatique ou osseuse ;
- voire abord chirurgical direct par médiastinoscopie (en cas d'adénopathies médiastinales significatives et
accessibles) ou thoracoscopie vidéo-assistée en cas de lésion périphérique.
• L'analyse cytologique de l'expectoration n'est pas indiquée.

4. Bilan pré-thérapeutique

C'est une étape essentielle de la prise en charge des cancers bronchiques car les modalités du traitement
dépendent, outre de la nature non à petites cellules (et, au delà, du type épidermoïde ou adénocarcinome)
ou à petites cellules du cancer, de paramètres essentiels que sont l'extension du cancer, l'état général et les
comorbidités du malade (Tableau 3).

► 336 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 306


'
UE9 Item 306
............................

Tableau 3: BILAN PRÉ-THÉRAPEUTIQUE D'UN CANCER DU POUMON

Bilan d'extension • Bronchoscopie souple


loco-régionale • Scanner thoracique (évaluation du T)
• TEP-TOM (évaluation du N)

Bilan d'extension • TEP-TDM


métastatique • 1 RM cérébrale ou TDM cérébrale avec injection de produit de contraste
• Toute image métastatique apparemment isolée doit faire l'objet d'une preuve histologique

Bilan général • Chiffrer l'amaigrissement


• Indice d'activité (grade OMS)
• Bilan fonctionnel respiratoire
• Bilan cardio-vasculaire
• Evaluation gériatrique

• Le bilan d'extension a deux objectifs principaux:


- d'une part, évaluer l'extension loco-régionale et l'éventuelle résécabilité de la tumeur;
- d'autre part, rechercher une dissémination métastatique principalement au niveau du poumon contra-latéral,
du foie, des surrénales, des os (Figure 9) et du cerveau, sites les plus fréquemment atteints.

Figure 9. Fracture sur métastase de la 6• côte droite et métastase sur la 6• côte gauche

• Ce bilan est aujourd'hui fondamentalement identique quelle que soit la nature microscopique du cancer
(petites cellules ou non à petites cellules). Il doit permettre d'aboutir à la classification TNM du cancer.

4.1. Bilan d'extension loco-régionale


• L'évaluation du statut tumoral (T) repose sur le scanner thoracique et la bronchoscopie souple. Le scanner
permet de préciser la topographie et la taille de la tumeur, ses rapports avec la paroi et les structures médiastinales.
L'injection de produit de contraste est indispensable à la discrimination des structures vasculaires. Un ganglion
est radiologiquement pathologique si son petit diamètre est supérieur à 10 mm (mais ceci ne préjuge pas de sa
nature néoplasique ou bénigne).

LJE 9 - ITEM 306 1 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 337 ◄


• La tomographie par émission de positons au 18-Fluorodéoxyglucose (PET-FDG) possède une sensibilité et une
spécificité supérieures à celles du TDM; le couplage du PET-FDG au TDM (TEP-TDM) permet d'obtenir des
résultats encore supérieurs.
• Le TEP-TDM n'est pas indiqué comme examen d'imagerie de première intention. Il ne se conçoit que dans un
deuxième temps, chez un patient ayant un cancer apparemment localisé au thorax et donc potentiellement éligible
à un traitement curatif (par chirurgie ou association radio-chimiothérapie concomitante) !
• Le TEP-TDM est plus performant que le scanner pour l'évaluation de l'atteinte ganglionnaire médias­
tinale (N). Il est cependant recommandé d'obtenir une preuve microscopique du statut ganglionnaire si cela
doit changer la stratégie thérapeutique (Figure 10) ; plusieurs techniques peuvent être envisagées (EBUS, EUS,
médiastinoscopie, vidéothoracoscopie).

Figure 10. Évaluation du statut ganglionnaire médiastinal

Évaluation du N :
TEP-TDM

+
1

Pas d'exploration médiastinale si :
- absence d'adénomégalie à l'imagerie(TDM et
Preuve histologique
TEP-TDM négatifs)
de l'atteinte N, notamment si :
- ou, au contraire, envahissement ganglionnaire
médiastinal massif(« bulky mediastin »)

• •
Tumeur centrale,
Hypermétabolisme Doute sur un envahissement
ganglionnaire médiastinal hilaire et/ou ganglion> 10 mm
(petit axe) en TDM

• En cas d'épanchement pleural présumé d'origine tumorale, le TEP-TDM peut montrer la fixation hyp erméta­
bolique des feuillets pleuraux. Si la tumeur est, par ailleurs, potentiellement accessible à une résection chirurgicale,
une exploration par thoracoscopie première sera proposée (après négativité cytologique d'au moins deux ponc­
tions pleurales). La thoracoscopie permet par ailleurs la réalisation d'une symphyse pleurale, indiquée dès lors
qu'il existe une pleurésie néoplasique de grande abondance et/ou récidivante.
• L'IRM thoracique n'a que des indications restreintes et, comme le TEP-TDM, n'est jamais demandée en pre­
mière intention : elle est utile en cas de suspicion d'envahissement pariétal ou vertébral pour le bilan d'extension
précis des tumeurs de l'apex, en cas de suspicion d'envahissement du cœur et des gros vaisseaux.

4.2. Bilan d'extension métastatique


• Toute tumeur localisée au thorax est potentiellement curable. Il importe de s'assurer par un TEP-TDM de
l'absence de métastase à distance; il est inutile de demander en plus la réalisation d'une scintigraphie osseuse ou
d'une échographie sus-mésocolique.
• IRM cérébrale (Figure 11) ou, à défaut, scanner cérébral à condition qu'il y ait injection de produit de contraste;
en l'absence d'injection, un scanner cérébral normal n'élimine pas l'existence de métastase cérébrale et ne doit
pas être réalisé.

► 338 TUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES UE 9 - ITEM 306


UE9 Item 306
............................

Figure 11. IRM cérébrale: localisations métastatiques multiples

• Toute image métastatique apparemment isolée doit faire l'objet d'une preuve histologique.
• La réalisation d'un bilan exhaustif est inutile en cas de tumeur d'emblée métastatique puisque sans incidence
thérapeutique. En particulier, un TEP-TDM n'est pas recommandé en cas de tumeur d'emblée métastatique sur
l'examen tomodensitométrique. Le bilan est alors fonction de la symptomatologie (par exemple, une scintigraphie
peut être demandée en cas de localisation osseuse si son résultat peut conduire à un changement de traitement).

4.3. Bilan général


• Il doit comprendre :
- dans tous les cas, une évaluation clinique globale du malade ; l'amaigrissement éventuel est chiffré en
pourcentage par rapport au poids de base et sa vitesse d'installation est notée; l'indice d'activité («performance
status ») est soigneusement évalué par un interrogatoire précis des capacités d'activité du patient ;
- selon les cas, en particulier en cas de tumeur localisée au thorax et accessible à un traitement chirurgical ou
par radiothérapie
► bilan fonctionnel respiratoire, comprenant au minimum une spirométrie associée à une mesure de la
diffusion de l'oxyde de carbone (DLCO) et parfois à une mesure de la consommation maximale d'oxygène
(VO2 max). Une scintigraphie de perfusion (+/- ventilation) quantifiée est parfois demandée pour évaluer la
participation respective de chaque poumon ou lobe pulmonaire à la fonction ventilatoire globale et calculer
la fonction respiratoire post-opératoire prévisible (si une intervention chirurgicale est envisagée);
► bilan cardio-vasculaire : au minimum, électrocardiogramme et échographie cardiaque (permettant
d'apprécier la fraction d'éjection ventriculaire gauche et les pressions artérielles pulmonaires) ; selon les
cas, épreuve d'effort, scintigraphie myocardique, coronarographie, échographie des troncs artériels supra­
aortiques peuvent être utiles ;
► une évaluation gériatrique est recommandée pour les sujets âgés de plus de 70 ans.

4.4. Classification TNM


• Au terme de ce bilan, le cancer est classé dans un stade cTNM (clinical TNM) (Tableaux 4 et 5), ce qui autorise
la présentation du dossier en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
• Les cancers bronchiques à petites cellules sont classés selon le même TNM que les cancers bronchiques non
à petites cellules. Cependant, l'usage est de distinguer les cancers localisés (définis comme incluables dans un
champ de radiothérapie) et les cancers disséminés (non irradiables).

UE 9 - ITEM 306 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 339 ◄


Tableau 4A: CLASSIFICATION TNM, ÉVALUATION DUT
Tx Tumeur primaire non connue ou prouvée par la présence de cellules tumorales dans les sécrétions
broncho-pulmonaires mais non visible aux examens d'imagerie et à l'endoscopie

To Absence de tumeur identifiable

Tis Carcinome in situ

Îl Tumeur de 3 cm ou moins dans ses plus grandes dimensions, entourée par du poumon ou de la plèvre
viscérale, et n'atteignant pas la bronche souche :

T1a < 1cm

T1b 2". 1cm mais< 2 cm

Î1C 2". 2 cm mais< 3 cm

Î2 Tumeur de plus de 3 cm mais moins de 5 cm et/ou envahissant la plèvre viscérale, envahissant une
bronche souche ou s'accompagnant d'une atélectasie (lobaire ou pulmonaire) :

T2a 2". 3 cm mais< 4 cm

T2b 2". 4 cm mais< 5 cm

T3 Tumeur de plus de 5 cm et moins de 7 cm ou atteignant la paroi thoracique (ce qui inclut les tumeurs du
sommet), atteignant le nerf phrénique, la plèvre pariétale ou le péricarde ou nodules tumoraux distincts
mais dans le même lobe

T4 Tumeur de plus de 7 cm ou envahissant le médiastin, le cœur ou les gros vaisseaux, la trachée, le


diaphragme, le nerf récurrent, l'œsophage, les corps vertébraux, la carène ou nodules tumoraux distincts
dans au moins deux lobes différents du même poumon

Tableau 4B: CLASSIFICATION TNM, ÉVALUATION DUN ET DUM


Nx Envahissement ganglionnaire inconnu

No Absence de localisation tumorale dans les ganglions lymphatiques régionaux

N1 Localisation(s) ganglionnaire(s) péri-bronchique(s), interlobaire(s) et/ou hilaire(s) homolatérale(s)


(y compris extension directe par contiguïté)

N2 Localisation(s) ganglionnaire(s) médiastinale(s) homolatérale(s) à la tumeur

N3 Localisation(s) ganglionnaire(s) hilaire(s) et/ou médiastinale(s) controlatérale(s) à la tumeur ou atteinte


sus-claviculaire (homo et/ou controlatérale à la tumeur)

Mo Pas de métastase (reconnue) à distance

M1 Présence de métastase(s) :

M1a atteinte du poumon controlatéral et/ou nodules tumoraux pleuraux ou péricardiques et/ou pleurésie ou
péricardite tumorale

M1b métastase unique dans un seul site métastatique

M1c plusieurs métastases dans un seul site ou plusieurs sites atteints

► 340 TUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 306


UE9 Item 306
...... .. ....................

T1a IA-1 118 IIIA 111B IV-A IV-8


T1b IA-2 118 IIIA 111B IV-A IV-8
Ttc IA-3 118 IIIA 111B IV-A IV-8
T2a 18 118 IIIA 111B IV-A IV-8
T2b IIA 118 IIIA 1118 IV-A IV-B
T3 11B IIIA 111B IIIC IV-A IV-B
T4 IIIA IIIA 1118 IIIC IV-A IV-B

S. Particularités du cancer bronchique à petites cellules


• Représentant 15 % des cancers du poumon, ils se caractérisent classiquement par:
- une très grande évolutivité locale et métastatique ;
- une présentation clinique souvent « explosive » :
► Volumineuses masses ganglio-tumorales médiastinales (syndromes de compression) (Figure 12) ;
► Fréquence des syndromes para-néoplasiques.
• Une grande chimiosensibilité initiale.
• Mais une évolution rapide avec risque élevé de rechute précoce, notamment cérébrale.

Figure 12. Cancer à petites cellules (volumineuse masse médiastinale}

LJE 9 - ITEM 306 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 341 ◄


6. Principes des traitements des cancers du poumon

• Toute tumeur localisée au. thorax peut bénéficier d'un traitement à visée curatrice, que ce soit par
chirurgie ou association radio-chimiothérapie concomitante.
• La stratégie thérapeutique fait appel à plusieurs modalités de traitement (tableau 6). Elle diffère selon
qu'il s'agit d'un cancer bronchique non à petites cellules ou à petites cellules. Les cancers non à petites cel­
lules peuvent (environ 20 % des cas) relever d'un traitement chirurgical. Un cancer à petites cellules n'est
qu'exceptionnellement opérable.
• La prise en charge optimale du cancer broncho-pulmonaire ne se conçoit qu'au travers d'une étroite colla­
boration multidisciplinaire, regroupant chirurgien, oncologue radiothérapeute, oncologue médical, anatomo­
pathologiste et pneumologue. Elle est définie en RCP et fait l'objet d'un Programme Personnalisé de Soins
(PPS) remis au patient lors de la consultation d'annonce.

Tableau 6: MÉTHODES THÉRAPEUTIQUES APPLICABLES AUX CANCERS DU POUMON

• Chirurgie
• Radiothérapie
• Chimiothérapie
• Thérapies biologiques« ciblées»
• Immunothérapie
• Traitement symptomatique(« best supportive care »)

6.1. Cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC)


• Trois tableaux clinico-radiologiques se détachent à l'issue du bilan (Figure 13).

Figure 13. Trois situations à l'issue de la RCP

Eléments indispensables pour statuer en RCP:


- Histologie
- Bilan d'extension
- Bilan général (OMS, EFR)

i ,
Cancer localisé au thorax
+
Cancer opérable Cancer métastatique
mais inopérable

6.1.1. Cancer opérable


• L'exérèse chirurgicale est le traitement de référence, à condition que le malade soit fonctionnellement opé­
rable. Le type de résection chirurgicale (lobectomie, bi-lobectomie, ou pneumonectomie) dépend du siège et de
l'extension loco-régionale de la tumeur. La résection doit être la plus conservatrice possible, à condition d'être
carcinologiquement satisfaisante. Un curage ganglionnaire hilaire et médiastinal homolatéral est systématique­
ment associé (Figure 14).

► 342 TUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I LJE 9 - ITEM 306


UE9 Item 306
.....................

Figure 14. Cancer bronchique non à petites cellules opérable

Cancer anatomiquement
et fonctionnellement opérable

Option : chimiothérapie
première (= d'induction,
-
= néo-adjuvante)

Chirurgie: (bi-)lobectomie (ou


pneumonectomie)+ curage
ganglionnaire hilaire et médiastinal

+ ,
pl 2': 4 cm ET /OU pN+ (N1 ou N2) :
t
Radiothérapie médiastinale adjuvante :
pl< 4 cm ET pNo : chimiothérapie adjuvante
- formellement interdite si pNo ou pN1,
surveillance (le plus souvent: cisplatine
- à discuter en RCP si pN2
+ vinorelbine, 4 cycles)

• Les constatations opératoires et l'examen anatomo-pathologique de la pièce opératoire permettent de définir


le pTN (pathological TN) guidant les modalités de prise en charge post-opératoire:
- en l'absence d'atteinte ganglionnaire (pNO) et si la tumeur fait moins de 4 cm de grand axe, le malade doit
simplement être surveillé (tout en étant prévenu du risque potentiel de rechute);
- en cas d'atteinte ganglionnaire NI ou N2 et/ou si la tumeur mesure plus de 4 ci:n, une chimiothérapie adjuvante
comprenant 4 cycles de chimiothérapie (l'association la plus couramment utilisée est cisplatine - vinorelbine)
doit être proposée au patient et débutée avant la fin du ze mois post-opératoire. Cette chimiothérapie adjuvante
diminue (mais n'annule pas) le risque de rechute à long terme;
- il n'y a aucune indication à la radiothérapie médiastinale post-opératoire en cas de statut ganglionnaire pNO ou
pNl. Son bénéfice n'est pas formellement démontré en cas d'atteinte N2 mais tend à rentrer dans la pratique
courante;
- une option parfois employée est la réalisation d'une chimiothérapie première, pré-opératoire (dite aussi,
chimiothérapie d'induction ou néo-adjuvante).

6.1.2. Cancer localisé au thorax mais inopérable


6.1.2.1. Cas général des tumeurs cN2
• Il s'agit essentiellement des cancers classés cN2 par adénopathie médiastinale homolatérale à la tumeur. Ce sont
les situations les plus difficiles en termes de prise de décision:
- le traitement fait appel à une association de radio-chimiothérapie concomitante ; celle-ci est suivie d'une
immunothérapie adjuvante par durvalumab qui est administré pendant un an.
- certaines de ces tumeurs sont (potentiellement) opérables lorsqu'il y a atteinte d'un seul site ganglionnaire.
L'intervention doit être précédée d'une chimiothérapie d'induction.
• Deux essais montrent que la chirurgie et le traitement médical (association radio-chimiothérapie concomitante)
permettent la même survie. Il y a (peut-être) un bénéfice à la chirurgie - après chimiothérapie première - si le
geste est une lobectomie et non une pneumonectomie et si le traitement d'induction a permis un« down-staging »
ganglionnaire (c'est-à-dire que les ganglions N2 sont redevenus NO ou NI).

LJE 9 - ITEM 306 1 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 343 ◄


6.1.2.2. Cas particuliers des tumeurs T4 et du syndrome de Pancoast-Tobias
• La chirurgie des tumeurs T4 est exceptionnellement possible. L'atteinte pleurale, du tronc de l'artère pulmo­
naire, de l'aorte, sont des contre-indications opératoires formelles. Par contre, une résection est parfois possible
en cas d'atteinte limitée des vaisseaux pulmonaires, de la veine cave supérieure (résection et remplacement pro­
thétique), de la trachée basse (résection de la carène) et des couches externes de l'œsophage. Un avis orthopédique
et une IRM sont nécessaires en cas d'atteinte d'un corps vertébral ; la chirurgie, très lourde, peut parfois être
envisagée (hémi-corporectomie vertébrale avec ostéosynthèse).
• En cas de tumeur apicale (syndrome de Pancoast-Tobias), le traitement optimal comporte une radio-chimiothé­
rapie d'induction précédant une exérèse chirurgicale. S'il existe une contre-indication opératoire (syndrome de
Claude Bernard-Homer, adénopathie N2, atteinte plexique au-dessus de CS, atteinte vertébrale intra-canalaire,
mauvais état physiologique), la prise en charge thérapeutique comporte une chimiothérapie associée à une radio­
thérapie concomitante.

6.1.3. Cancer métastatique (stade IV)


• L'arbre décisionnel (Figure 15) est susceptible d'évoluer très rapidement au gré de l'acquisition des connais­
sances. Le traitement, en première ligne, est fonction de l'état général du patient et de son âge.
• Les malades dont la tumeur exprime une mutation de l'EGFR, de ALK ou de ROSI reçoivent un inhibiteur de
l'EGFR (erlotinib, géfitinib ou afatinib) ou de ALK/ROSl (crizotinib).
• Dans environ 30 % des cas, plus de 50 % des cellules tumorales expriment PDL-1, un des points de contrôle du
système immunitaire ( « checkpoint inhibitor ») : le traitement fait appel à un anticorps anti PD-1 (récepteur sur le
lymphocyte du ligand PDL-1), le pembrolizumab.

Figure 15. Traitement en 1" ligne des cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques

Cancer bronchique non à petites cellules


stade IV, OMS = o ou 1, âge :;; 70 ans
1
+ t
Présence Absence
d'une mutation activatrice de mutation activatrice
1
• + t

B
Expression de PDL-1 Expression de PDL-1
[ALK/Ros,] par> 50 % des cellules < 50 % des cellules
tumorales tumorales
t t + • •
TKI anti-EGFR Immunothérapie
TKI anti-ALK/
(erlotinib, anticorps anti PD-1 Adénocarcinome Epidermoïde
ROS1


géfitinib ou (pembrolizumab)
(crizotinib)
afatinib)

Doublet à base
d'un sel de platine
(préférence cisplatine Doublet à base d'un
+ pémétrexed) +/- sel de platine
anticorps anti-VEGF (pémétrexed et
(bévacizumab) bévacizumab sont
x 4 cycles, puis contre-indiqués)
maintenance x 6 cycles
pémétrexed
+/- bévacizumab

► 344 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES LJE 9 - ITEM 306.


UE 9 . Item 306
.... ____________

• La prise en charge thérapeutique repose le plus souvent sur une chimiothérapie. L' immunothérapie sera pro­
gressivement associée au schéma thérapeutique. La plupart des chimiothérapies proposées en première ligne font
appel à un doublet à base de platine (cisplatine plus que carboplatine). L'agent cytotoxique associé au platine
est choisi parmi la vinorelbine, la gemcitabine, le pémétrexed (qui est cependant réservé aux cancers non épi­
dermoïdes), le paclitaxel ou le docétaxel. En l'absence de contre-indication (cancer épidermoïde, hémoptysie,
envahissement médiastinal), du bévacizumab (anticorps monoclonal dirigé contre le VEGF) peut être associé à la
chimiothérapie. Un maximum de 4 à 6 cures est délivré.
• À l'issue de cette phase d'induction, essentiellement en cas de cancer non épidermoïde, un traitement de main­
tenance par le médicament associé au platine peut être proposé au patient.
• En cas de métastase unique, il faut discuter - en RCP - un traitement bifocal (cancer bronchique primitif et
métastase) à visée curative, associé ou non à une chimiothérapie.
• Les patients âgés (> 70 ans), en bon état général, bénéficient d'un doublet par l'association carboplatine -
paclitaxel.
• Au moment de la rechute, le traitement de seconde ligne fait appel à l'immunothérapie (par un anticorps mono­
clonal anti-PDl, nivolumab ou pembrolizumab, ou anti-PDLl, l'atézolizumab) si elle n'a pas déja été donnée en
première ligne.
• Les poussées ultérieures sont traitées par docétaxel, pémétrexed (si cancer non épidermoïde) ou erlotinib.

6. 1.4. Traitement symptomatique


• Quel que soit le stade du cancer, une prise en charge des symptômes s'impose : kinésithérapie respiratoire,
oxygénothérapie, prise en charge de la douleur, prise en charge de l'anémie, prise en charge psychologique, sup­
pléments diététiques.
• Une radiothérapie peut être proposée à visée antalgique ou symptomatique, notamment en cas de métastase
osseuse ou cérébrale.
• L'endoscopie interventionnelle peut être utilisée à visée curative sur de petites lésions (carcinome in situ; lésions
multiples de petite taille) avec d'excellents résultats. Les techniques actuelles permettent essentiellement la des­
truction de tumeurs obstructives et/ou hémorragiques (thermocoagulation, cryothérapie, laser) ou la pose de
prothèses endobronchiques en cas de compression extrinsèque.
• Si l'état général du malade est médiocre (performance status à 3 ou plus), seul un traitement symptomatique
peut être proposé (corticothérapie, évacuation d'épanchements au niveau des séreuses, traitement antalgique).
L'équipe soignante se doit d'« accompagner» le malade et sa famille.

6.1.5. Mesures systématiques

• Demande d'exonération du ticket modérateur (ALD 30).


Interrogatoire professionnel et déclaration éventuelle en maladie professionnelle.
• Sevrage tabagique indispensable pour tout patient atteint d'un cancer localisé au thorax, en situation curativ.e.
• Introduction des soins de support dès le diagnostic : prise en charge de la douleur, soutien psychologique,
prise en charge diététique et sociale.
• Prise en charge de la douleur.

6.2. Cancer bronchique à petites cellules


• Les modalités de traitement d'un malade atteint de carcinome à petites cellules dépendent essentiellement du
stade de la maladie (localisé ou disséminé) et de l'état général.
- Le traitement des formes limitées(« incluables dans un champ de radiothérapie») repose sur l'association
d'une chimiothérapie et d'une radiothérapie thoracique concomitante. Celle-ci doit être pratiquée précocement,
simultanément à la chimiothérapie. Quatre à six cures de chimiothérapie sont indiquées. L'association la plus
couramment utilisée est un sel de platine (cisplatine ou carboplatine) et l'étoposide. Les malades en réponse
complète bénéficient d'une irradiation prophylactique cérébrale.

LJE 9 - ITEM 306 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 345 ◄


- Le traitement des formes diffuses repose sur la chimiothérapie associée à l'immunothérapie (par l'ajout de
l'atézolizumab). Le doublet de chimiothérapie le plus utilisé est également sel de platine+ étoposide. Une option
envisageable est de proposer aux patients en réponse une irradiation prophylactique cérébrale..

7. Principes de la surveillance
• L'objectif de la surveillance est de détecter:
- les complications du traitement, précoces (par exemple, aplasie fébrile en cours de chimiothérapie) ou tardives
(par exemple, neuropathie périphérique tardive liée au cisplatine);
- la survenue de poussées évolutives du cancer (hyp othèse dont il est préférable que le malade ait été d'emblée
prévenu);
- la survenue d'un second cancer lié au tabagisme.
• Il n'y a pas de consensus sur les modalités et la durée de cette surveillance. Chez les patients traités à visée cura­
tive, la majorité des rechutes survient dans les deux années suivant le diagnostic.
• Les marqueurs tumoraux sanguins n'ont aucune utilité pour le suivi et ne doivent pas être prélevés.

Le risque de survenue d'un second cancer incite à ne jamais arrêter la surveillance.


,
'
··--------· - · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · - - - - - - - - - - - - - - ---- ------------------------------ - - - - - - - - · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ········--------------------·'

• Chez les patients qui ont été traités à visée curative, l'obtention du sevrage tabagique est impérative.

8. Tumeurs secondaires du poumon


• Le poumon est un site fréquent de métastase.
• Les tumeurs primitives les plus fréquemment en cause sont le poumon, le sein, le côlon-rectum, la thyroïde, le
mélanome.
• L'expression radiologique se fait sous la forme de nodule(s) parenchymateux unique ou multiples ( « lâcher de
ballons ») (Figure 16), d'une atteinte interstitielle (« miliaire carcinomateuse »), d'adénopathies médiastinales ou
d'une pleurésie.
• Le bilan dépend de l'âge, du sexe, du contexte.
• Le traitement est celui de la tumeur primitive.

Figure 16. Lâcher de ballons métastatique

► 346 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES I UE 9 - ITEM 306


UE9 ltem306
........ __________

► Références
• Les cancers en France, Les Données, INCa, édition 201S*.
• Cancer du poumon, Bilan initial, INCa, juin 2011*.
• Cancer bronchique non à petites cellules, référentiel national de RCP, INCa, mars 201S*.
• Cancer bronchique à petites cellules, référentiel national de RCP, INCa, mars 2015*.
• World Cancer Report 2014, International Agency for Research on Cancer, Lyon 2014**.
* Ces documents sont en accès libre sur le site de l'Institut National du Cancer: www.e-cancer.fr
**Ce livre est en accès libre sur le site de l'Agence Internationale de Recherche sur le Cancer (International Agency for Research on
Cancer): http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World-Cancer-Reports/World-Cancer-Report-2014

POINTS CLÉS

1. Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer en France, en Europe et
dans le monde.
2. Le tabagisme est le premier facteur étiologique. C'est la durée de l'exposition au tabac qui est le
déterminant principal du risque (plus que la consommation cumulée).
3. Cependant, 10 % des cancers bronchiques surviennent chez des non-fumeurs. C'est dans cette
population que l'on retrouve, chez plus de 50 % des malades, les mutations conductrices (EGFR et
ALK) qui relèvent d'une thérapie ciblée spécifique.
4. 60 % des cancers sont métastatiques au diagnostic.
5. Les cancers non à petites cellules (adénocarcinome et épidermoïde) représentent 85 % des can­
cers du poumon. L'obtention du type histologique est indispensable pour le choix du traitement.
6. Les adénocarcinomes sont marqués en immunohistochimie par le TTFl ; les épidermoïdes par
p40.
7. Tous les cancers non-épidermoïdes métastatiques doivent faire l'objet d'une analyse moléculaire
(comprenant au minimum la recherche des mutations de EGFR, ALK, ROSl, KRAS, HER2, BRAF).
8. Tout signe respiratoire persistant chez un fumeur ou un ex-fumeur doit faire évoquer le diag­
nostic.
9. Le bilan doit être entrepris sans délai.
10. Le diagnostic repose sur la preuve histologique du cancer qui est obtenue par bronchoscopie
souple ou ponction transpariétale guidée par le scanner.
11. En cas de tumeur apparemment localisée au thorax, le bilan doit comprendre un TEP-TOM et
une IRM cérébrale (ou un scanner cérébral à condition qu'il y ait injection de produit de contraste).
12. Toute localisation métastatique apparemment isolée doit faire l'objet d'une vérification his­
tologique.
13. Les marqueurs tumoraux sanguins ne sont d'aucune utilité pour le dépistage, le diagnostic et
le suivi des cancers bronchiques.
14. La stratégie thérapeutique dépend du bilan d'extension et du bilan fonctionnel (état général,
fonction respiratoire).
15. Après chirurgie, la chimiothérapie adjuvante est indiquée si la tumeur mesure 4 cm ou plus et/
ou s'il y a envahissement ganglionnaire Nl ou N2.
16. La radiothérapie médiastinale adjuvante est formellement contre-indiquée en cas de tumeur
pN0 ou pNl.
17. Le sevrage tabagique est indispensable après traitement à visée curatrice.
18. Le risque de second cancer lié au tabagisme justifie une surveillance définitive.
19. Le poumon est un site privilégié de dissémination métastatique.

LJE 9 - ITEM 306 1 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES 347 ◄


LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Un cancer du poumon peut survenir chez un non-fumeur.


2. Le dépistage du cancer du poumon n'est pas recommandé (hors essai clinique) en France.
3. Un interrogatoire professionnel doit être systématique. Certaines expositions (au premier rang
desquelles l'amiante) justifient une déclaration (suivie d'indemnisation) de maladie profession­
nelle.
4. Le scanner thoracique est pratiqué avant la fibroscopie (qu'il doit guider).
5. Le TEP-TOM ne se demande jamais en 1 re intention.
6. Un scanner cérébral sans injection ne permet aucune conclusion s'il est normal.
7. Un cancer localisé au thorax peut guérir par chirurgie ou association radio-chimiothérapie
concomitante.

► 348 ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES LJE 9 - ITEM 306


UE9 Item 307
...... ___________

CHA,,rn, ►�Tu_m_ e_u_ r_s _d_e_la_p_ro_ s_t_at_ _e _____


Pr Karim Fizazi', Pr Jacques lrani2, Dr Julia Arfi-Rouche3, Pr Olivier Chapet•
'Service d'Oncologie médicale, Institut Gustave Roussy, Villejuif
'Service d'Urologie, CHU de Bicêtre
'Service de Radiologie, Institut Gustave Roussy, Villejuif
•service de Radiothérapie, CHU de Lyon

1. Épidémiologie 5.4. Pronostic des formes métastatiques de cancer de la


1.1. Épidémiologie descriptive prostate
1.2. Épidémiologie analytique 6. Diagnostics différentiels
2. Physiopathologie et histoire naturelle 7. Approches thérapeutiques des formes localisées de
2.1. Oncogénèse et rôle du récepteur des androgènes cancer de la prostate
2.2. Histoire naturelle 7.1. Les armes thérapeutiques et leurs effets secondaires
3. Diagnostic 7.2. Les indications de traitement des formes localisées
3.1. Mode de révélation 8. Approches thérapeutiques des rechutes
3.2. Les biopsies de la prostate écho-guidées biochimiques de cancer de la prostate
3.3. Anatomo-pathologie 9. Approches thérapeutiques des formes
3.4. Le score histopronostique de Gleason métastatiques de cancer de la prostate
3.5. Un marqueur majeur: le PSA 9.1. Les armes thérapeutiques des formes métastatiques
4. Bilan d'extension et leurs effets secondaires
4.1. Les examens classiques du bilan d'extension 9.2. Les indications de traitement des formes
4.2. Les imageries de nouvelle génération métastatiques non prétraitées par hormonothérapie
4.3. Les indications actuelles du bilan d'extension 10. Approches thérapeutiques des formes
métastatique métastatiques de cancer de la prostate devenues
4.4. La classification TNM résistantes à la castration
5. Évolution et pronostic 10.1. Les armes thérapeutiques des formes résistantes à la
5.1. Pronostic des formes localisées de cancer de la castration et leurs effets secondaires
prostate 10.2. Les indications de traitement des formes
5.2. Diagnostic de rechute après traitement local métastatiques résistantes à la castration
5.3. Pronostic des formes en rechute biochimique de
cancer de la prostate

OBJECTIFS iECN
� Tumeurs de la prostate Mots clés: Cancer de la prostate - Récepteur des
- Diagnostiquer une tumeur maligne de la prostate. androgènes - Hormonothérapie
- Planifier le suivi du patient.

Introduction
Le cancer de la prostate est le premier cancer en France et le deuxième cancer responsable de décès en Europe. Du
fait de son évolution portant souvent sur des décennies, des centaines de milliers de patients vivent avec un cancer
de la prostate en France, si bien que tout médecin sera amené à prendre en charge au moins l'un d'entre eux. Cela
souligne l'importance majeure pour les étudiants en médecine de bien connaître cette maladie et sa prise en charge.

UE 9 - ITEM 307 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 349 ◄


1. Épidémiologie
1.1. Épidémiologie descriptive
• Avec environ 57 000 nouveaux cas estimés/an en 2012 (chiffres de l'Institut National du Cancer), le cancer de la
prostate est le cancer le plus fréquent en France métropolitaine. Le taux d'incidence en France est de 100 pour
100 000 hommes. L'incidence du cancer de la prostate en France a triplé entre 1990 et 2005 (essentiellement du
fait du dépistage par le PSA) ; on assiste depuis à une diminution d'incidence. Sur le plan mondial, un nouveau
diagnostic de cancer de la prostate a été porté chez 1,3 million d'homme en 2013.
• La mortalité estimée en 2012 est de 8 900 décès environ en France métropolitaine, soit un taux de mortalité d'envi­
ron 10 pour 100 000 hommes. La mortalité diminue de manière continue depuis 1990. Le cancer de la prostate
est le ze cancer responsable de décès par cancer en Europe chez l'homme (données de Globocan).
• L'incidence projetée pour 2015 en France est de l'ordre de 54 000 nouveaux cas et la mortalité de 8 700 décès
environ, mais avec un degré d'incertitude important concernant l'incidence.
• Le cancer de la prostate est très rare avant 50 ans et son incidence augmente ensuite rapidement avec l'âge. L'âge
moyen au moment du diagnostic en France est de 70 ans environ.

1.2. Épidémiologie analytique


• L'étiologie du cancer de la prostate est inconnue. Des études autopsiques anciennes indiquent que presque tous
les hommes centenaires (le plus souvent décédés d'autres causes) présentent des cellules cancéreuses dans leur
prostate, sans que ces hommes aient nécessairement développé la « maladie » cancer de la prostate.
• Les facteurs de risque connus sont les suivants :
- l'âge: le risque augmente avec l'âge;
- l'ethnicité : risque des hommes de peau noire > caucasiens > asiatiques (les causes sont mal connues :
génétiques, liées par exemple à des variations de synthèse des androgènes ou du récepteur des androgènes ?).
La population antillaise est une des populations les plus à risque au monde;
- les antécédents familiaux de cancer de la prostate (les gènes de prédisposition pour beaucoup de formes
familiales n'ont pas été identifiés);
- une mutation constitutionnelle du gène BRCA2 (qui prédispose aussi au cancer du sein et de l'ovaire) :
environ 5 % des hommes atteints de forme localisée et 10 % des patients atteints de forme métastatique en
sont porteurs (contre 2 % dans la population générale). Cette incidence élevée fait poser la question d'une
consultation d'onco-génétique chez les hommes atteints de métastases afin d'identifier la présence d'une
mutation BRCA2, à la fois pour eux-mêmes mais aussi pour les autres membres de la famille, en particulier les
femmes;
- possiblement les habitudes alimentaires (une alimentation riche en graisses animales pourrait augmenter le
risque).

2. Physiopathologie et histoire naturelle

2.1. Oncogénèse et rôle du récepteur des androgènes


• L'axe du récepteur des androgènes joue un rôle majeur dans la prolifération tumorale (Figure 1) :
- presque tous les cancers de la prostate possèdent le récepteur des androgènes dans leurs cellules;
- le récepteur des androgènes est une protéine biologiquement inactive en situation cytoplasmique;
- l'androgène principal chez l'homme est la testostérone, produite par les testicules et transformée en son
métabolite le plus actif, la di-hydro-testostérone (DHT);
- les surrénales produisent également des androgènes ayant une moindre affinité pour le récepteur des
androgènes (DHEA, etc.);

► 350 ÎUMEURS DE LA PROSTATE UE 9 - ITEM 307


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' ..... � ..................

- La fixation des androgènes sur le récepteur des androgènes entraîne la dimérisation de celui-ci, son
internalisation dans le noyau de la cellule, et sa fixation à l'ADN sur des gènes cibles qui sont ainsi activés
(le récepteur des androgènes est un facteur de transcription) ;
- La transcription des gènes cibles induit une résistance à l'apoptose (mort cellulaire), permettant ainsi aux
cellules cancéreuses de survivre et de proliférer.

Figure 1. Cancer de la prostate: rôle majeur de l'axe du récepteur des androgènes

Commande hypothalamo-hypophysaire (LHRH)

\ LH , FSH

r
Agonistes LHRH urrenales esticules
�--s_ _ _ · � _ _ _ _�J [� ___r _ _ _ _ _ _ _�
Antagonistes LHRH

1
Ab;ratêrnoe � CastraUoo ch;,mgkale
Inhibiteurs du récepteur
des androgènes (Enzalutamide, Testostérone+++
Bicalutamide) et autres androgènes

Secrétion

Récepteur
1:..1-&•
des androgènes /
« autocrine »

Abiratérone


Cellule de cancer
Résistance à l'apoptose
de la prostate
.. Prolifération tumorale

Le dilemme du dépistage:
• L'emploi du PSA comme outil de dépistage fait l'objet d'un débat intense depuis 20 ans. Trois essais randomi­
sés ont testé la question:
- l'essai américain PLCO est ininterprétable;
- l'essai européen ERSPC (160 000 hommes) montre une réduction significative du risque relatif de décès
par cancer de la prostate de 29 % (il faut dépister 37 cancers pour sauver une vie);
- l'étude de Goteborg (20 000 hommes) montre une réduction significative du risque relatif de décès par
cancer de la prostate de 44 % (il faut dépister 12 cancers pour sauver une vie).
• L'interprétation pratique de ces données reste débattue car:
- la mortalité par cancer de la prostate est très faible au cours des 10 premières années de suivi;
- la plupart des cancers mis en évidence par le dépistage sont en fait indolents, si bien que le dépistage
aboutit à un sur-traitement massif.
• À ce jour, aucun système de santé au monde ne recommande de dépistage organisé. La réalisation d'un dosage
(au besoin unique) du PSA vers l'âge de 50 ans pourrait aboutir à une clarification de la situation: le dépistage
ne serait alors poursuivi que pour les hommes ayant déjà à cet âge un taux de PSA au-dessus de la médiane.

LJE 9 - ITEM 307 ÎUMEURS DE LA PRDSTATE 351 ◄


2.2. Histoire naturelle
• Les cancers de la prostate ont souvent une évolution lente : des cellules tumorales sont souvent présentes dès la
cinquantaine, les symptômes apparaissent en moyenne vers l'âge de 70 ans et la majorité des décès surviennent
au-delà de 75 ans.
• L'extension locale se fait volontiers à travers la capsule prostatique, vers les vésicules séminales et le trigone vésical.
• Les deux sites métastatiques prédominants sont les os et les ganglions lymphatiques (classiquement les ganglions
ilio-obturateurs, en fait une grande variété de ganglions pelviens peuvent être concernés).
• La morbidité est essentiellement osseuse. Les métastases osseuses sont classiquement ostéo-condensantes, en
fait biologiquement mixtes (avec un excès de résorption et un excès de fabrication osseuse).

3. Diagnostic
3.1. Mode de révélation

3.1.1. Les signes fonctionnels


• Le cancer de la prostate est très souvent asymptomatique dans les formes localisées et précoces de la maladie :
- L'évolution intra-prostatique de la tumeur peut induire des symptômes principalement urinaires : le
plus souvent une dysurie et une pollakiurie, plus rarement une rétention aigue d'urine, une incontinence,
une hématurie, ou une hémospermie. Ces troubles urinaires irritatifs ou obstructifs peuvent être liés à une
compression de l'urètre intra-prostatique ou, dans les formes plus avancées, à un envahissement du trigone
vésical.
Les symptômes restent cependant peu spécifiques et peuvent ne pas être liés au cancer mais à un adénome
prostatique associé (fréquemment présent en raison de l'âge des patients).
- En cas de métastases, différents symptômes sont possibles : altération de l'état général, douleurs osseuses,
révélatrices de métastases osseuses, signes neurologiques en lien avec une compression médullaire par des
métastases rachidiennes. En France, des métastases osseuses ou ganglionnaires sont présentes dans environ
10 % des cas au moment du diagnostic.

3.1.2. L'examen clinique


• L'examen clinique repose sur le toucher rectal. Il doit être systématique même si le PSA est normal. Un tou­
cher rectal normal n'élimine pas un cancer de la prostate. Un cancer de la prostate peut être évoqué devant un
nodule irrégulier, dur, non douloureux.
• Le médecin doit alors préciser la localisation du nodule dans la prostate, sa taille, s'il atteint un seul lobe ou les
deux lobes, s'il existe une atteinte manifeste de la capsule, voire des vésicules séminales (plus difficile à évaluer), si
la muqueuse rectale est respectée. Il est recommandé d'effectuer un dosage du PSA avant la réalisation du toucher
rectal (celui-ci peut légèrement en augmenter la valeur).
• En dehors du toucher rectal, l'examen clinique est souvent peu informatif surtout dans les formes précoces de
la maladie.
• La palpation de ganglions au niveau des aires ganglionnaires inguinales ou sus-claviculaires est rare. La présence
d'un œdème des membres inférieurs (surtout s'il est asymétrique) peut être le signe indirect d'une extension gan­
glionnaire pelvienne avec compression veineuse.
• L'extension métastatique osseuse peut générer des douleurs à la palpation des os atteints, des signes neurologiques
de compression médullaire.

3.2. Les biopsies de la prostate écho-guidées


• Le diagnostic de cancer de la prostate est anatomo-pathologique: les biopsies de la prostate sont donc indispen­
sables. Elles sont indiquées en cas de toucher rectal anormal ou de progression/élévation du taux de PSA.

► 352 ÎUMEURS DE LA PROSTATE I LJE 9 - ITEM 307


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...... .. ..............

• Elles permettent de :
- faire le diagnostic de cancer par la mise en évidence de cellules cancéreuses ;
- préciser l'agressivité de la tumeur par le score de Gleason (cf§ 3.4), la présence d'une infiltration périnerveuse
ou une atteinte de la capsule (rarement visible sur les biopsies) ;
- apporter des information sur l'extension tumorale intra-prostatique : nombre de biopsies positives sur la
totalité des biopsies réalisées, longueur d'envahissement du cancer sur les biopsies.
• Le nombre de biopsies recommandé est de 12: 2 à la base, 2 à la partie moyenne et 2 à l'apex dans chacun des
deux lobes de la prostate. Elles sont réalisées en consultation par voie transrectale, sous guidage échographique,
sous anesthésie locale (Figure 2). Une antibioprophylaxie et un lavement rectal doivent être réalisés avant le
geste. Les 12 biopsies peuvent être complétées par des biopsies ciblées sur une lésion visible en IRM.
• La réalisation des biopsies peut être source de complications : douleurs pelviennes, rétention d'urine, rectorragie,
hémospermie, hématurie (en particulier en présence d'un traitement anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire),
prostatite aiguë (2 % des biopsies) pouvant se compliquer d'une septicémie et exceptionnellement d'un décès.

Figure 2. Biopsies de la prostate et examen anatomo-pathologique

Diagnostic
Score de Gleason (de 6 à 10)

3.3. Anatomo-pathologie
• La forme anatomo-pathologique de très loin la plus fréquente(> 95 %) est l'adénocarcinome. Il se ctéveloppe
principalement dans la partie périphérique de la prostate. De manière beaucoup plus exceptionnelle, il peut être
retrouvé un carcinome à petites cellules, un carcinome à cellules spumeuses, un carcinome mucineux, un carci­
nome basaloïde, ou un sarcome.
3.4. Le score histopronostique de Gleason (Figure 3)
• Au sein de la prostate, des foyers cellulaires tumoraux d'architecture et d'agressivité différentes (différenciation
cellulaire) peuvent être présents. Un grade histologique allant de 1 à 5 a été créé pour caractériser le stade de dif­
férenciation de ces foyers. Toutefois, les anatomo-pathologistes considèrent actuellement que les cancers de prostate
sont au moins de grade 3 et que les grades 1 et 2 ne doivent plus être retenus (ce ne sont en fait pas des cancers).

• Sur les biopsies : le score de Gleason est obtenu en additionnant le grade le plus représenté+ le grade le plus
élevé.
• Sur la pièce de prostatectomie, si celle-ci est effectuée, le score de Gleason est obtenu en additionnant les deux
grades les plus représentés.

UE 9 - ITEM 307 1 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 353 ◄


Figure 3. Score de Gleason

Adénocarcinome prostatique
Grade histologique Somme des 2 contingents les plus représentés:
Grade contingent A
+ Grade contingent B
= Score de Gleason

Importance pronostique++

Gleason DF. Classification of prostatic carcinomas.


Cancer Chemother Rep 1966.

• S'il n'y a qu'un grade présent, il est doublé (3+3, 4+4, 5+5).
Le score de Gleason 6 (3+3) correspond au cancer le plus différencié et est associé à un excellent pronostic
(presque aucun décès).
Le score de Gleason 10 (5+5) correspond au cancer le moins différencié et est associé au pronostic le plus grave
(il est presque systématiquement léthal ).
Le score 7 se divise en 3+4 (lorsque le grade 3 est prédominant) ou 4+3 (lorsque le grade 4 est prédominant) ayant
une agressivité différente. De manière plus générale, la présence d'un grade 4 prédominant ou d'une grade 5 signe
une tumeur agressive.

• Le score de Gleason est donc un score histopronostique caractérisant le degré de différenciation de la


tumeur.
• Sa valeur pronostique est majeure dans la prise en charge thérapeutique du cancer de la prostate.
• En 2016, une nouvelle classification histopronostique ISUP issue du score de Gleason est entrée en ap­
plication au niveau international. Elle permet de séparer le score de Gleason 7 (3+4 et 4+3) dans deux
groupes de pronostic différent. Elle regroupe aussi les scores de Gleason 9 et 1 O.
Groupe .1 = Gleason 6
Groupe 2 = Gleason 3+4
Groupe 3 = Gleason 4+3
Groupe 4 = Gleason 8
Groupe 5 = Gleason 9 et J 0

► 354 ÎUMEURS DE LA PROSTATE UE 9 - ITEM 307


:
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...... ___________

3.5. Un marqueur majeur: le PSA (Figure 4)


• Le Prostate Specific Antigen(PSA) est une glycoprotéine qui participe à la liquéfaction du sperme. Il signe la pré­
sence d'épithélium prostatique(sain ou tumoral). Il n'est donc pas spécifique du cancer de la prostate.
• Le taux sérique « normal » du PSA proposé par les laboratoires est < 4 ng/ml, mais il augmente en fait avec
l'âge: un homme de moins de 50 ans a le plus souvent un taux< 1 ng/mL, alors qu'un taux de 4 ng/mL sans cancer
clinique est fréquent à 80 ans.
• Le PSA est un marqueur de pathologies prostatiques, son taux sérique augmente en cas de :
- cancer de la prostate;
- prostatite;
- hyp ertrophie bénigne de la prostate(à moindre degré).
• Lorsqu'il existe une suspicion modérée de cancer(par exemple TR normal, PSA peu élevé entre 4 et 10 ng/mL), le
rapport PSA libre/total peut orienter la décision de réaliser ou non des biopsies :
- un rapport PSA libre/PSA total bas(< 15-20 %) est en faveur d'un cancer(ou d'une prostatite);
- un rapport élevé(> 25 %) est en faveur d'une hyp ertrophie bénigne.
• En cas de diagnostic de cancer de la prostate, le taux du PSA est corrélé à la présence de métastases(un taux
> 15-20 ng/mL doit faire pratiquer un bilan d'extension).

Figure 4. Utilité du PSA

Situation clinique Utilité Commentaire


-- ------��� --

Dépistage + Très controversé

Pronostic/stadification ++ Utile

Surveillance après traitement local ++++ Très utile


(guérison/rechute)
Réponse aux hormonothérapies ++++ Très utile
'
Très variable
Réponse aux autres traitements systémiques ++
Dépend du traitement

4. Bilan d'extension
4.1. Les examens classiques du bilan d'extension
• Trois examens d'imagerie sont classiquement discutés lors du diagnostic de cancer de la prostate :
- L'IRM multi-paramétrique de la prostate (Figure 5) (qui ne nécessite plus de sonde endorectale) doit si
possible être réalisée à distance de la réalisation des biopsies (de plus en plus souvent avant les biopsies et
donc avant que le diagnostic ne soit posé) car les hématomes intra-prostatiques induits par les biopsies en
gênent l'interprétation. La suspicion de cancer va être cotée de manière croissante selon le score PIRADS de
1 à 5. L'IRM est désormais presque systématiquement réalisée en cas de forte suspicion de cancer ou, sinon,
lorsque des biopsies ont été effectuées et montrent la présence d'un cancer. Les principaux intérêts de l'IRM
prostatique sont :
► de fournir un argument supplémentaire en faveur ou en défaveur d'un cancer dans une situation où le
clinicien est hésitant à poser l'indication de biopsies de la prostate à partir des données du TR, du PSA et de
l'échographie;
► de permettre la réalisation de biopsies ciblées sur une tumeur visible( « cible »);

LJE 9 - ITEM 307 1 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 355 ◄


► surtout, de visualiser une atteinte extra-capsulaire ou des vésicules séminales (qui change le pronostic et
la prise en charge thérapeutique);
► éventuellement de visualiser la présence d'adénopathies pelviennes;
► enfin, dans la perspective d'une surveillance active, l'IRM permet de rechercher des tumeurs bien visualisées
(souvent plus agressives et donc susceptibles de justifier un traitement).

Figure 5. IRM (T2): Cancer de la prostate

Rupture capsulaire

Prostate saine

- La scintigraphie osseuse: permet de suspecter la présence de métastases osseuses (Figure 6).


- Le scanner (thoraco)-abdomino-pelvien : permet d'identifier la présence de métastases ganglionnaires,
osseuses, et plus rarement viscérales. Le scanner thoracique est optionnel, sachant que des métastases
médiastinales ou pulmonaires sans métastases sous-diaphragmatiques ont été rapportées.
- Une IRM osseuse est demandée en cas de doute diagnostique concernant une lésion suspecte de métastase.
Une IRM du rachis peut être demandée en cas d'atteinte vertébrale afin d'identifier une épidurite ou une lésion
à risque de compression médullaire.

Figure 6. La scintigraphie osseuse: une visualisation indirecte des métastases osseuses

• Technetium-99 injecté IV (3 h avant l'examen)


• Affinité pour l'os néoformé (activité ostéoblastique)
• Ne montre pas directement les cellules tumorales!
• Moins sensible que les techniques de nouvelle
génération (IRM corps entier, TEP-choline ou
TEP-PSMA)
• Peut être complétée par la visualisation des métastases
sur le scanner (typiquement ostéocondensantes)
ci-contre

► 3 56 ÎUMEURS DE LA PROSTATE I LJE 9 - ITEM 307


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....................

4.2. Les imageries de nouvelle génération


• Le PET scanner à la 18F Choline a une sensibilité supérieure au couple scintigraphie osseuse+ scanner. Cepen­
dant sa moindre disponibilité et son coût élevé rendent malaisé son emploi systématique. Il est indiqué princi­
palement en cas de récidive biologique après un premier traitement local à visée curative. L'objectif est alors de
rechercher le site (local ou métastatique) de la récidive à l'origine de l'augmentation du PSA. On recommande un
taux de PSA (post-thérapeutique) > 2 ng/ml pour que cet examen devienne informatif. Le PET scanner peut aussi
avoir un intérêt dans le bilan des formes localisées à haut risque (T3, Gleason 8-10, PSA > 20 ng/mL).
• L'IRM corps entier a également une sensibilité supérieure au couple scintigraphie osseuse+ scanner. Son emploi
est limité par la disponibilité des machines en France.
• Le PET-PSMA semble posséder une sensibilité encore supérieure et pourrait prochainement supplanter les
anciennes imageries, mais n'est pas encore disponible en France en routine.

4.3. Les indications actuelles du bilan d'extension métastatique


• Un bilan d'extension métastatique comprenant au minimum une scintigraphie osseuse et un scanner (thoraco)­
abdomino-pelvien est recommandé dès que le risque de métastase devient significatif, c'est-à-dire systématique­
ment pour les formes localisées à haut risque (cf définition en 6-1) et pour les formes de pronostic intermédiaire,
au moins les plus agressives (c'est-à-dire par exemple en cas de PSA sérique >15 ng/mL ou de score de Gleason
4+3).
• Ce bilan est inutile dans les formes localisées de bon pronostic.

4.4. La classification TNM


LA CLASSIFICATION TNM
- - - - - -- - -- - - -- - ---
- --

Tx Tumeur non évaluée


To Tumeur non retrouvée
Î1 Non palpable ni visible en imagerie
T1a < s % du tissu réséqué
T1b > s % du tissu réséqué
Î1C Tumeur découverte après augmentation du PSA sur biopsies
Î2 Tumeur limitée à la prostate
T2a 1/2 lobe
T2b > 1/2 lobe et < 2 lobes
Î2C 2 lobes
T3 Extension au-delà de la capsule
T3a Extracapsulaire
T3b Vésicule séminale
T4 Extension aux autres structures
No Pas d'atteinte ganglionnaire
N1 Atteinte ganglionnaire
Nx Statut ganglionnaire inconnu
Mo Pas d'atteinte métastatique
M1 Atteinte métastaüque
Mx Statut métastatique inconnu

LJE 9 - ITEM 307 1 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 357 ◄


5. Évolution et pronostic
5.1. Pronostic des formes localisées de cancer de la prostate
• Le pronostic des formes localisées dépend de 3 éléments indépendants :
- l'extension tumorale (le T du TNM);
- le score de Gleason ;
- le taux de PSA sérique.
• La figure 7 montre les 3 groupes pronostiques tels qu'ils sont utilisés internationalement. Cette classification est
dérivée de la classification originale décrite par D'Amico. Ainsi pour les cancers de risque faible selon la classi­
fication pronostique, la probabilité de rechute est de l'ordre de 5 %. Cette probabilité augmente à 20-30 % pour
les formes de risque intermédiaire. Elle dépasse 50 % à long terme pour les formes à haut risque. Concernant
l'extension locale, les classifications actuellement utilisées sur le plan international considèrent que les formes à
haut risque débutent à partir des stades T3a (alors que la classification originale proposée par D'Amico dans les
années 1990 débutait avec les stades T2c).

Figure 7. Classification pronostique des formes localisées

Faible risque Risque intermédiaire Haut risque


Tumeur< T2b Tumeur T2b-T2c Tumeur� T3
fil et/oil et/ou
PSA :5 10 ng/ml PSA entre 10 et 20 ng/ml PSA > 20 ng/ml
fil et/ou et/ou
Gleason :5 6 Gleason 7 Gleason� 8

5.2. Diagnostic de rechute après traitement local


• Une élévation du PSA sérique est habituellement le premier signe de rechute qui survient dans environ 30 % des
cas après traitement local.
• Cette rechute biochimique précède le plus souvent de plusieurs années les signes radiologiques ou cliniques
de rechute.
• La définition de la rechute biochimique dépend du traitement local initialement reçu (car la prostate normale peut
continuer de produire un peu de PSA)
- en cas de traitement initial par radiothérapie ou par curiethérapie, on parle de rechute si le PSA augmente
de plus de 2 ng/mL au-dessus de la valeur la plus basse observée au cours de la surveillance (définition dite
« nadir + 2 ») ;
- en cas de traitement initial par prostatectomie, on parle de rechute lorsque le PSA sérique est > 0,2 ng/mL,
contrôlé à deux reprises.

5.3. Pronostic des formes en rechute biochimique de cancer de la prostate

Toutes les rechutes biochimiques ne sont pas graves!

• En cas de ré-élévation du PSA après traitement local, trois facteurs pronostiques principaux permettent d'identi­
fier les rechutes graves :
- un temps de doublement du PSA court ( < 6 mois) ;
- un score de Gleason � 8 ;
- un délai court entre le traitement local et la rechute ( < 2 ans).
► 3 58 ÎUMEURS DE LA PROSTATE I UE 9 - ITEM 307
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·.....................

5.4. Pronostic des formes métastatiques de cancer de la prostate


• L'espérance de vie médiane des patients atteints de métastases est actuellement de l'ordre de 5 ans. En cas de
métastases, les principaux facteurs pronostiques sont
- le site des métastases (par ordre croissant de gravité: ganglions lymphatiques, os, foie) ;
- le nombre de métastases osseuses ;
- le taux de phosphatases alcalines (qui reflètent indirectement l'importance de l'atteinte osseuse).

6. Diagnostics différentiels
• Une élévation du PSA sérique est fréquemment observée en cas de prostatite, parfois à un taux très élevé (par
exemple 50 ng/mL) et, en bien moindre mesure, en cas d'hypertrophie bénigne de la prostate (typiquement
PSA<lO ng/mL).
• Les symptômes urinaires du cancer de la prostate (pollakiurie nocturne, dysurie) ne sont pas spécifiques et
peuvent en particulier être observés en cas d'hypertrophie bénigne/adénome de la prostate.
• Enfin, la découverte d'un tableau métastatique osseux ou ganglionnaire n'est bien sûr pas spécifique et une
preuve de l'origine primitive prostatique doit être apportée (biopsie des métastases avec immuno-marquage pour
le PSA ou le récepteur des androgènes par exemple).

7. Approches thérapeutiques des formes localisées


de cancer de la prostate
De vieux termes inappropriés à éviter

Plusieurs appellations anciennes ont perturbé des générations d'étudiants en médecine et devraient
disparaitre du langage médical, car biologiquement erronées :
« Anti-androgènes» est un terme ancien qui désignait les inhibiteurs du récepteur des androgènes: en
fait totalement inadapté car ces médicaments ne sont pas dirigés contre les ligands (les androgènes),
mais leur récepteur;
« Blocage androgénique complet»: ce terme également ancien désignait l'association d'une castration
avec un inhibiteur du récepteur des androgènes. Ce« blocage» n'a en fait rien de« complet» car, d'une
part, du côté des ligands les surrénales et les cellules tumorales produisent des androgènes malgré la
castration, et d'autre part côté récepteur, la DHT garde une affinité bien supérieure pour celui-ci à tous
les inhibiteurs du récepteur des androgènes inventés à ce jour!
Ces termes devraient être amenés à disparaître.

7.1. Les armes thérapeutiques et leurs effets secondaires

7.1.1. La radiothérapie externe (Figure 8)


• La radiothérapie externe peut être employée comme traitement principal du cancer de la prostate. La dose
d'irradiation classique est alors de 70 à 80 Gy à raison d'une séance par jour de 2 Gy et une durée totale de trai­
tement de 7 à 8 semaines. Cependant les données récentes (2016) indiquent qu'une radiothérapie hypofraction­
née (c'est-à-dire plus courte et avec des doses quotidiennes plus élevées) pourrait très prochainement remplacer
l'étalement classique, évitant ainsi la répétition des transports des patients à l'hôpital.
• La radiothérapie peut être utilisée seule ou associée à une hormonothérapie par agoniste ou antagoniste de la LHRH
d'une durée de 6 à 36 mois en fonction du risque de rechute (cf§ 7.2). Une technique de radiothérapie de confor­
mation avec modulation d'intensité (RCMI ou IMRT en anglais) est requise pour optimiser la dose aux organes

LJE 9 - ITEM 307 1 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 359 ◄


critiques (vessie, rectum, têtes fémorales et intestin grêle). À chaque séance, une précision de repositionnement est
exigée avec des systèmes d'imagerie embarquée sur l'accélérateur : radiothérapie guidée par l'image (IGRT). Les
volumes traités sont la prostate, les vésicules séminales et, au cas par cas, les aires ganglionnaires pelviennes.

Figure 8. Radiothérapie conformationnelle de la prostate

• La radiothérapie externe peut aussi être employée à la suite d'une prostatectomie radicale :
- soit comme traitement adjuvant (c'est-à-dire pour prévenir une rechute chez un patient dont le PSA est
indétectable après chirurgie), en particulier en cas de marge positive significative et/ou extension extra­
prostatique ;
- soit comme traitement de rattrapage d'une récidive biologique (augmentation du PSA au-delà de 0,2 ng/ml).
La dose de radiothérapie est de 60 Gy (radiothérapie adjuvante) à 66 Gy (radiothérapie de rattrapage) en 6 à
6,5 semaines (2 Gy par jour). Une technique de RCMI et IMRT est recommandée. Les volumes irradiés sont la
loge de prostatectomie et, au cas par cas, les aires ganglionnaires pelviennes.
• Les effets secondaires de la radiothérapie peuvent être :
- précoces : asthénie modérée, dysurie, pollakiurie et accélération du transit en cours d'irradiation. Une
majoration des fuites urinaires peut se voir en cas d'irradiation adjuvante après prostatectomie radicale. Ces
symptômes régressent habituellement dans les 3 semaines suivant la fin du traitement.
- tardifs : ils apparaissent plusieurs mois à plusieurs années après le traitement et sont définitifs : dysurie
chronique, rectite sous forme de traces de sang dans les selles, troubles de l'érection, cystite hémorragique. Les
.traces de sang dans les selles (5 à 10 % des patients) imposent la réalisation d'une exploration endoscopique afin
d'éliminer une autre pathologie (tumeur du rectum).

7.1.2. La curiethérapie (Figure 9)


• La curiethérapie consiste à implanter dans la prostate des sources radioactives sous anesthésie générale ou
rachianesthésie. On distingue la curiethérapie à bas débit utilisant des sources permanentes (laissées en place)
d'iode 125 et la curiethérapie à haut débit (HDR) utilisant des sources temporaires (retirées à la fin du traitement)
d'iridium 192. Les sources sont implantées sous contrôle échographique au bloc opératoire. L'intervention est
réalisée soit lors d'une courte hospitalisation (2 jours), soit en ambulatoire. La curiethérapie est principalement
utilisée comme un traitement exclusif du cancer de la prostate mais peut aussi être associée à de la radiothérapie
externe.
• Les effets secondaires de la curiethérapie sont essentiellement urinaires : pollakiurie et dysurie, rarement rétention
aiguë d'urine. Les effets tardifs possibles sont la persistance d'une dysurie, une rectite radique (moins de 5 %) et
des troubles de l'érection, moins fréquente (25-30 %) qu'après chirurgie ou radiothérapie externe.

► 360 ÎUMEURS DE LA PROSTATE I LJE 9 - ITEM 307


UE9 Item 307
........................

Figure 9. Curiethérapie de la prostate

7. 1.3. La prostatectomie radicale (Figure 1O)


• La prostatectomie radicale consiste en l'ablation de la prostate et des vésicules séminales suivie d'une
anastomose vésico-urétrale. Pour les cancers de risque intermédiaire ou haut risque un curage ganglionnaire est
associé. Il existe 3 voies d'abord chirurgicales classiquement utilisées: ouverte rétropubienne, laparoscopique et
laparoscopique assistée par robot. Aucune voie d'abord n'a montré une supériorité sur les autres sur le plan car­
cinologique ou en termes d'effets secondaires. La durée d'hospitalisation et la rapidité de récupération du patient
sont améliorées avec la laparoscopie robot assistée. En l'absence de risque d'extension extracapsulaire et pour des
tumeurs de faible agressivité, une préservation des bandelettes neurovasculaires peut être réalisée pour tenter de
conserver les érections. La prostatectomie est proposée de préférence avant 70 ans en raison de son impact sur la
qualité de vie au-delà de 70 ans.
• Les principaux effets secondaires de la prostatectomie sont :
- urinaires : les fuites urinaires sont fréquentes immédiatement après chirurgie et régressent dans les mois qui
suivent. Il peut persister de manière définitive une incontinence totale (rare) ou à l'effort (plus fréquentes: 15-
20 %). Exceptionnellement, il peut être observé une sténose de l'anastomose vésico-urétrale;
- sexuels : en l'absence de préservation des bandelettes neurovasculaires commandant l'érection (situées au
contact de la capsule prostatique), l'impuissance est quasi systématique. La conservation des bandelettes
neurovasculaires peut permettre la préservation des érections sans éjaculation dans environ un cas sur deux.
Le succès dépend en partie de la qualité des érections avant l'intervention et de la motivation du patient;
- autres (exceptionnels) : infection, saignements justifiant parfois une transfusion ou liés aux risques de
l'anesthésie générale.

LJE 9 - ITEM 307 1 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 361 ◄


Figure 10. Prostatectomie radicale

• Ablation de la prostate et des vésicules sé�inales


• Au b�soin précédée par un curage ganglionnaire

Incision réalisée pour ablation Le chirurgien reconstruit le tractus urinaire en tirant la


de la prostate vessie vers le bas pour réaliser une anastomose entre
l'urètre et la vessie.
-4-- +-

Vessie

D'après: Dr Patrick Walsh's Guide to Surviving prostate Cancer by Patrick C. Walsh M.D and Janet Farrar Worthington illustration by Dan Ion
The Wall street Journal

7.1.4. La surveillance active


• La surveillance active est proposée pour des cancers de prostate cliniquement localisés et à faible risque de
progression chez des patients ayant une espérance de vie supérieure à 10 ans. Elle repose sur la notion que le
risque de progression de la maladie est suffisamment faible pour ne pas justifier d'exposer les patients à un sur­
traitement avec ses effets secondaires urinaires, digestifs ou sexuels associés.
• Les indications de la surveillance active se limitent à des patients avec un PSA < 10 ng/ml, un score de Gleason < 7.
Le nombre de biopsies positives ( < 3) et la longueur de cancer par biopsie ( < 3 mm) sont souvent retenus en
France comme critères complémentaires.
• La surveillance active impose un dosage du PSA tous les 6 mois et la réalisation systématique d'une nouvelle
série de biopsies dans les 18 m_ois suivant le début de la surveillance active. La progression du PSA justifie la réa­
lisation de biopsies anticipées. L'augmentation du nombre ou de la longueur de biopsies positives ou l'apparition
d'un Grade 4 de Gleason justifieront une sortie de la surveillance active pour un traitement à visée curative.

7.1.5. Un traitement à visée symptomatique: la résection trans-uréthrale de la prostate


(RTUP)
• En cas de dysurie importante pouvant conduire à une rétention aigue d'urine ou altérant la qualité de vie du
patient, une résection trans-uréthrale de la prostate peut être proposée, par exemple:
- avant un traitement par radiothérapie externe ( un délai de 2 mois doit alors être respecté entre les deux
traitements) ;
- chez un patient en rechute locale après traitement local à visée curatrice ;
- chez un patient porteur de métastases jamais traité localement.
• La réalisation d'une résection trans-uréthrale est une contre-indication relative à la réalisation d'une curiethérapie
ultérieure.

► 362 ÎUMEURS DE LA PROSTATE I UE 9 - ITEM 307


', UE9 Item 307
............................

7.1.6. Les traitements expérimentaux (ultrasons, cryothérapie)


• Différents traitements locaux sont en cours d'évaluation, principalement dans les formes précoces et peu agres­
sives de la maladie :
- les utrasons focalisés traitent une partie ou la totalité de la prostate en créant un choc hyperthermique au
niveau des cellules cancéreuses. Les ultrasons sont produits par une sonde endorectale et sont guidés par une
imagerie échographique et IRM ;
- la cryothérapie consiste à implanter dans la prostate des aiguilles vectrices d'azote liquide. Il s'agit d'un choc
thermique par le froid ;
- la photothérapie dynamique est en phase précoce d'évaluation. Elle consiste à injecter un produit photo­
sensibilisant par voie intraveineuse. L'exposition de la prostate à un laser luminescent sous contrôle
échographique permettrait de traiter le cancer.

7.2. Les indications de traitement des formes localisées


• Les indications de traitement des formes localisées reposent sur la classification pronostique (Figure 11).

Figure 11. Cancer de la prostate localisé : petit résumé thérapeutique

PSA<to 10<PSA<20 PSA> 20


Gleason < 7 Gleason :s 7 Gleason � 8
Tt T2 T2 T3

Options:
Options:
- Surveillance active Options:
· Prostatectomie
- Curiethérapie • Radiothérapie
- Radiothérapie
- (Radiothérapie) + Hormona 3 ans
(+ hormona 6 mois)
• (Prostatectomie)

• Pour les cancers de faible risque, la surveillance active doit être proposée chaque fois qu'elle est possible et
indiquée. En cas de nécessité d'un traitement à visée curative (nombre de biopsies positives ou longueur des
biopsies trop important), il est alors proposé soit une curiethérapie, soit une radiothérapie externe, soit une pros­
tatectomie radicale. La curiethérapie est privilégiée chez les patients souhaitant conserver une activité sexuelle
et/ou éviter les fuites urinaires (patients actifs, sportifs ...). La prostatectomie est plus volontiers proposée à des
patients présentant des symptômes urinaires. Les trois traitements ont des taux de probabilité de contrôle de la
tumeur identiques (90 à 95 % à 5 ans).
• Pour les cancers de risque intermédiaire un traitement s'impose. Les deux traitements de référence sont la pros­
tatectomie radicale et la radiothérapie externe. La radiothérapie externe est le plus souvent associée à une hormo­
nothérapie de 6 mois. La curiethérapie à bas débit est limitée à des formes de risque intermédiaire « faible » (PSA
< 15 ng/ml ou Gleason 3+4).
• Pour les cancers de haut risque, le traitement de référence est l'association d'une radiothérapie externe à une
hormonothérapie de 2 à 3 ans. La prostatectomie radicale peut être discutée dans le cadre d'une prise en charge
multidisciplinaire (en association à une hormonothérapie et une radiothérapie), dans des cas sélectionnés en réu­
nion de concertation pluridisciplinaire, notamment chez des sujets jeunes.
• Quel que soit le niveau de risque, plusieurs règles sont indispensables à respecter :
- le patient doit bénéficier d'une information éclairée et honnête des différentes alternatives thérapeutiques
adaptées à son cas, ainsi que de leurs effets secondaires (Figure 12).

UE 9 - ITEM 307 1 TUMEURS DE LA PROSTATE 363 ◄


- le dossier doit être présenté et discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire.
- la décision thérapeutique doit être prise dans le cadre d'une discussion avec le patient afin de prendre en
compte ses attentes et souhaits.
- les patients âgés (> 70 ans) doivent bénéficier d'un test GS et si nécessaire d'une consultation oncogériatrique
avant décision thérapeutique.
• Après traitement local, la surveillance repose sur la clinique et le dosage du PSA (habituellement semestriel).
Les examens radiologiques ne sont effectués qu'en cas d'anomalie clinique ou de rechute biochimique (PSA).

Figure 12. Effets secondaires de la prostatectomie, la radiothérapie externe et la surveillance active.

oo,
ICIQ Incontinence Score ICSmaleSF Noduria Item


100
Radiothérapie
21

14


/
�- ! --!----:----:----!
Prostatectomie
P<0.001
:
0 6 12 24 36 48 60 72 0 6 12 24 36 48 60 72
Months since R.:andomb-;:ation
EPIC Item: Erection Firmness EPIC Item: Bloody Stools
100 100

l= "
0
..c �
�i 67
Radiothérapie
·i:;=�
::i:.,
00!5
33
"' .!!
tl
/

"
:
C
P<0.001
CD


o�! -i-----!:=t
0 6 12 24 36 48 60 72 0 6 12 24 36 48 60 72
Months since Randomization Months since Randomization

Ref: Hamdy F, NEJM 2016.

8. Approches thérapeutiques des rechutes biochimiques


de cancer de la prostate
• En cas de rechute biochimique isolée (élévation du PSA sans métastase décelable ou connue):
- après prostatectomie radicale : une radiothérapie de rattrapage de la loge peut être proposée dès que
le PSA atteint le taux de 0,2 ng/ml, confirmé à deux reprises (définition internationale de la récidive après
prostatectomie). C'est d'autant plus le cas qu'une rechute locale est suspectée;
- après radiothérapie exte_rne ou curiethérapie: un traitement par ultrasons, cryothérapie ou curiethérapie est
possible en cas de récidive intra-prostatique. Il faut auparavant réaliser une IRM pour confirmer la présence
d'une récidive tumorale, avoir une preuve histologique de cette récidive par biopsies et enfin éliminer une
évolution métastatique associée qui orienterait vers une prise en charge différente (cf paragraphe suivant).
- si une rechute métastatique est suspectée (rechute précoce, temps de doublement du PSA rapide), la place
d'un traitement systémique immédiat par hormonothérapie est discutée. Si une hormonothérapie est
employée, priorité doit être alors donnée à une forme intermittente.

► 364 ÎUMEURS DE LA PROSTATE I LJE 9 - ITEM 307


UE9 Item 307
.........................

• Quel que soit le traitement initial : une rechute ganglionnaire isolée ou associée à une récidive locale peut, au
cas par cas, faire discuter un traitement des aires ganglionnaires par une association radiothérapie plus hormo­
nothérapie (sous réserve qu'une radiothérapie des chaines ganglionnaires n'ait pas été réalisée lors du traitement
initial).

9. Approches thérapeutiques des formes métastatiques


de cancer de la prostate

9.1. Les armes thérapeutiques des formes métastatiques et leurs effets


secondaires

9.1.1. La castration ou privation androgénique


• La castration, qu'elle soit chimique ou chirurgicale, permet l'arrêt de production de la testostérone par les testi­
cules. Elle peut être réalisée de trois façons :
- agoniste de la LHRH (injections SC ou IM) ;
- antagoniste de la LHRH (injections SC);
- orchidectomie bilatérale.
• Les agonistes de la LHRH entraînent dans un premier temps une augmentation de la testostéronémie (phéno­
mène de« flare ») : afin d'éviter une éventuelle aggravation des symptômes du patient (symptomes urinaires
locaux ou symptomes liés aux métastases, en particulier douleur osseuse ou risque de compression médullaire),
la coprescription d'un inhibiteur du récepteur des androgènes tel que le bicalutamide doit être systématique au
cours des 2-3 premières semaines (Figure 13). La baisse secondaire de la testostéronémie est liée au fait que les
testicules produisent physiologiquement la testostérone suite à une sécrétion pulsatile de LH qui disparaît du fait
de l'emploi continu de l'agoniste de la LHRH.
• Les effets secondaires de la castration sont de deux types :
- 3 effets secondaires d'apparition rapide (quelques semaines):
► bouffées de chaleur;
► diminution de la libido;
► dysfonction érectile.
- Effets secondaires d'apparition plus tardive (quelques années):
► métaboliques (prise de poids, diabète) et cardio-vasculaires;
► musculaires: diminution du dynamisme physique;
► cognitifs : diminution du dynamisme intellectuel;
► ostéoporose et risque de tassements ostéoporotiques;
► diminution de taille des organes génitaux externes;
► légère anémie (typiquement perte d'un point d'hémoglobine).
• Ces effets secondaires doivent être connus, surveillés, et chaque fois que possible, prévenus.

LJE 9 - ITEM 307 1 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 365 ◄


Figure 13. Prévention du« flare-up » des agonistes de la LHRH

a,
C:

....
,a,
Ill

Ill

a,
-c
><
::::s

..
2-3 semaines
.. Temps

Co-prescription systématique d'un inhibiteur du récepteur des androgènes

9.1.2. La chimiothérapie: les taxanes


• Deux médicaments de chimiothérapie appartenant à la famille des taxanes sont employés pour le traitement
du cancer de la prostate :
- le docétaxel, à la fois dans les formes métastatiques sensibles et résistantes à la castration. Il est employé sous
forme d'une perfusion toutes les 3 semaines, réalisée en hôpital de jour. Ses principaux effets secondaires sont:
► la neutropénie (avec risque de neutropénie fébrile);
► la neuropathie périphérique (paresthésies);
► la toxicité unguéale (ongles plus fragiles ou cassants);
► les nausées, habituellement très bien prévenues grâce au traitement anti-émétique;
► l'alopécie, réversible (également prévenue par le port d'un casque réfrigérant pendant la perfusion);
- le cabazitaxel, uniquement dans les formes prétraitées par le docétaxel.

9.2. Les indications de traitement des formes métastatiques non prétraitées


par hormonothérapie
• Depuis 2017, les associations castration+ abiratérone ou castration+ docétaxel constituent le traitement de
référence des formes métastatiques non prétraitées par hormonothérapie car :
- La castration est presque systématiquement initialement active;
- L'adjonction de l'abiratérone ou du docétaxel augmente les chances de survie de manière démontrée.
• La castration seule est employée par défaut chez un patient dont l'état ne permet pas d'utiliser la chimiothérapie
par docétaxel ou lorsque la charge métastatique est très faible.
• Ce traitement pourrait encore évoluer dans les années qui viennent.

► 366 ÎUMEURS DE LA PROSTATE LJE 9 - ITEM 307


• UE9 Item 307
......... __________

1 O. Approches thérapeutiques des formes métastatiques


de cancer de la prostate devenues résistantes à la castration
10.1. Les armes thérapeutiques des formes résistantes à la castration
et leurs effets secondaires

10.1.1. Le ciblage de l'axe du récepteur des androgènes: abiratérone, enzalutamide


• Depuis le début des années 2010, deux médicaments ciblant l'axe du récepteur des androgènes ont profondé­
ment changé la prise en charge des formes devenues résistantes à la castration (Figure 1), grâce à leur efficacité
clinique majeure, y compris en terme de survie globale :
- l'abiratérone, qui inhibe CYP17, une enzyme clef de la synthèse des androgènes (Figure 14). Attention :
l'abiratérone induit une diminution du cortisol qui entraîne un feed-back positif sur l'ACTH, avec risque
d'hyper-minéralo-corticisme (HTA et hypokaliémie), à prévenir systématiquement par co-prescription de
prednisone à faible dose (10 mg par jour) ;
- l'enzalutamide, un inhibiteur du récepteur des androgènes. L'enzalutamide pénètre la barrière hémato­
encéphalique et peut entraîner des crises comitiales et des troubles cognitifs.
• Depuis l'avènement de ces deux médicaments, l'emploi des hormonothérapies plus anciennes et clairement moins
efficaces (bicalutamide, œstrogènes, kétoconazole, etc.) a beaucoup reculé.

Figure 14. Inhibition de la biosynthèse des androgènes par l'abiratérone

Cholestérol

Prégnénolone ------► -----..- Aldostérone

Abiratérone

170H­
Prégnénolone Cortisol

Abiratérone

..... Androstènedione ___,. Testostérone ___,.

Androgènes

LJE 9 - ITEM 307 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 367 ◄


10.1.2. Les taxanes (cf. 9.1.2)

10.1.3. Les traitements systémiques à visée osseuse


• Plusieurs traitements à visée osseuse ont fait la preuve de leur efficacité :
- l'acide zolédronique (IV), un bisphophonate, qui réduit le risque d'événement osseux grave;
- le dénosumab (SC), un inhibiteur de RANK-L (une molécule clef de la maturation des ostéoclastes), dont
l'efficacité est supérieure à celle de l'acide zolédronique;
- le radium-223 (IV), un radio-isotope à tropisme osseux, qui permet une irradiation des métastases osseuses,
avec à la fois réduction du risque d'événement osseux grave et amélioration prouvée de la survie globale.

10.1.4. Les traitements symptomatiques


• Le traitement des symptômes est bien sûr majeur :
- douleur osseuse : antalgiques, irradiation antalgique, AINS;
- anémie (inflammatoire, par insuffisance médullaire);
- fatigue, difficile à prendre en charge, souvent améliorée par les corticoïdes;
- symptômes urinaires : dysurie (RTUP), compression urétérale (sonde JJ), hématurie (irradiation à visée
hémostatique);
- perte d'autonomie.

10.2. Les indications de traitement des formes métastatiques résistantes à


la castration
• Définition de la résistance à la castration :
- progression tumorale (PSA, clinique, imagerie);
- alors que la testostéronémie est à des taux de castration ( < 0,50 ng/mL).
• Principes généraux de la prise en charge des formes métastatiques résistantes à la castration :
- après vérification que les critères de résistance sont remplis;
- refaire un bilan d'extension;
- poursuite de la castration;
- adjonction d'un traitement systémique (abiratérone, enzalutamide, docétaxel, radium-223);
- prévention de complications locales (fracture, compression médullaire, épidurite (Figure 15));
- traitement des symptômes.
• Le traitement des formes métastatiques devenues résistantes à la castration est en évolution permanente depuis le
début des années 2010.
• Les différentes armes thérapeutiques (taxanes, hormonothérapies de nouvelle génération par abiratérone ou enza­
lutamide, traitements à visée osseuse) sont habituellement utilisées de manière séquentielle.
• L'espérance de vie moyenne des patients atteints de formes métastatiques devenues résistantes à la castration est
ainsi passée d'environ 1 an en 2000 à environ 3 ans à l'heure actuelle.

► 368 ÎUMEURS DE LA PROSTATE I LJE 9 - ITEM 307


UE9 Item 307
...... ___________

Figure 15. IRM rachidienne

Métastase osseuse Epidurite

► Références
• Hamdy FC, Donovan JL, Lane JA, et al. 10-Year Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Localized Prostate Cancer. N
Engl J Med 2016; 375: 1415-1424.
• Donovan JL, Hamdy FC, Lane JA, et al. Patient-Reported Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Prostate Cancer. N
Engl J Med 2016; 375: 1425-1437.
• Gillessen 5, Omlin A, Attard G, et al. Management of patients with advanced prostate cancer: recommendations of the St Galien
Advanced Prostate Cancer Consensus Conference (APCCC) 2015. Ann Oncol 2015; 26: 1589-604.

UE 9 - ITEM 307 1 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 369 ◄


POINTS CLÉS

1. Cancer le plus fréquent en France chez l'homme.


2. Les facteurs de risque:
- l'âge;
- l'ethnicité: risque des hommes de peau noire> caucasiens> asiatiques;
- les antécédents familiaux de cancer de la prostate;
- une mutation constitutionnelle du gène BRCA2.
3. Physiopathologie: l'axe du récepteur des androgènes joue un rôle majeur dans la prolifération tu­
morale. La fixation des androgènes sur le récepteur lui permet d'agir comme facteur de transcription.
4. Histoire naturelle:
- les cancers de la prostate ont souvent une évolution lente.
- les deux sites métastatiques prédominants sont les os et les ganglions lymphatiques.
5. Diagnostic :
• Le cancer de la prostate est très souvent asymptomatique.
- le diagnostic est basé sur l'examen anatomo-pathologique des biopsies de la prostate écho-guidées: le
plus souvent adénocarcinome;
- un grade histologique allant de 3 à 5 permet de caractériser le stade de différenciation des foyers
tumoraux;
- le score de Gleason est obtenu en additionnant les deux grades les plus fréquents; il va être remplacé
par la classification ISUP;
- en 2016, une nouvelle classification histopronostique en 5 groupes est mise en application.
• Trois examens d'imagerie sont classiquement discutés lors du diagnostic de cancer de la prostate (formes à haut
risque ou intermédiaires):
- l'IRM multi-paramétrique de la prostate;
- la scintigraphie osseuse;
- le scanner (thoraco)-abdomino-pelvien.
• Pronostic des formes localisées:
Faible risque ! Risque intermédiaire [ Haut risque _
Tumeur< T2b Tumeur T2b et T2c Tumeur 2: T3
fil et/ou et/ou
PSA::; 10 ng/ml PSA entre 10 et 20 ng/ml PSA > 20 ng/ml
fil et/ou et/ou
Gleason ::; 6 Gleason 7 Gleason � 8
• Diagnostic de rechute après traitement local:
- en cas de traitement initial par radiothérapie ou par curiethérapie, on parle de rechute si le PSA
augmente de plus de 2 ng/ml au-dessus de la valeur la plus basse observée;
- en cas de traitement initial par prostatectomie, on parle de rechute lorsque le PSA sérique est
> 0,2 ng/ ml, contrôlé à deux reprises.
6. Diagnostics différentiels
• Prostatite.
• Hypertrophie bénigne de la prostate.
7. Approches thérapeutiques des formes localisées de cancer de la prostate
• Les armes thérapeutiques:
- la radiothérapie externe;
- la curiethérapie;
- la prostatectomie radicale;

► 3 70 ÎUMEURS DE LA PROSTATE UE 9 - ITEM 307


UE9 Item 307

- la surveillance active.
• Indications thérapeutiques pour les formes localisées:
- pour les cancers de faible risque : la surveillance doit être proposée chaque fois que possible. En cas
de nécessité d'un traitement peut être proposée une curiethérapie, une radiothérapie externe ou une
prostatectomie radicale.
- pour les cancers de risque intermédiaire un traitement s'impose. Les deux traitements de référence
sont la prostatectomie radicale et la radiothérapie externe.
- pour les cancers de haut risque, le traitement de référence est l'association d'une radiothérapie externe
avec une hormonothérapie de 2 à 3 ans. La prostatectomie radicale peut être discutée.
• Les armes thérapeutiques des formes métastatiques:
- Les traitements ciblant l'axe du récepteur des androgènes(hormonothérapies):
► la castration ou privation androgénique;
► abiratérone(inhibiteur de CYP17);
► inhibiteurs du récepteur des androgènes(enzalutamide, etc.);
► la chimiothérapie: les taxanes.
- Traitements ciblant les métastases osseuses:
► radium-223;
► inhibiteur de rank-L: dénosumab;
► acide zolédronique(bisphosphonate).

8. Définition de la résistance à la castration:


- progression tumorale(PSA, clinique, imagerie);
- et testostéronémie à des taux de castration(< 0,50 ng/mL).

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Regardez les figures et les encadrés 1 et 2.


2. Le récepteur des androgènes a un rôle majeur dans le cancer de la prostate, en termes de physio­
pathologie, de traitement et d'effets secondaires de celui-ci. Des questions d'examens portant sur ce
thème sont faciles à poser et nous recommandons aux étudiants de particulièrement bien maitriser
ce point de la question.

LJE 9 - ITEM 307 ÎUMEURS DE LA PROSTATE 371 ◄


UE9 ltem308
, .... .. ................

CHAPITRE ►----------------------------------------
Tumeurs du rein

Dr Antoine Thiery-Vuillemin', Dr Guillaume Mouillet2, Pr François Kleinclauss3


'Service Oncologie Médicale, CHU Minjoz, Besançon
'Service d'Oncologie Médicale, CHU Minjoz, Besançon
3 Service d'Urologie, CHU Minjoz, Besançon

1. Épidémiologie
OBJECTIF iECN
1.1. Épidémiologie descriptive
1.2. Facteurs de risque et formes génétiques � Tumeurs du rein
2. Physiopathologie Diagnostiquer une tumeur de rein
2.1. Anatomie et physiologie
2.2. Cancer dépendant de l'angiogenèse
2.3. Histoire naturelle
3. Signes cliniques
3.1. Signes cliniques loco-régionaux
3.2. Les symptômes liés aux métastases Mots clés: Angiogenèse - Biopsie - Carcinome
3.3. Syndromes paranéoplasiques à cellules claires - Grade nucléolaire -
3.4. Interrogatoire et examen clinique Immunothérapie - Néphrectomie -VHL.
4. Examens complémentaires
4.1. Biologiques
4.2. Iconographiques= imagerie
S. Diagnostic
5.1. Biopsies
Remerciements: Nous tenons à remercier pour
5.2. Anatomo-pathologie et facteurs pronostiques
toute l'aide qu'ils ont pu apporter à la rédaction
5.3. Stadification TNM de ce document, que ce soit par leur relecture,
5.4. Les kystes rénaux: classification de Bosniak leurs critiques ou l'aide pour la réalisation des
5.5. Petite masse rénale de découverte fortuite figures: Dr Isabelle Bedgedjian (anatomo­
6. Modalités et stratégies thérapeutiques pathologiste), Dr Philippe Montcuquet (oncologue
6.1. Généralités médical), Dr Marie-Justine Paillard (CCA oncologue
6.2. Maladie localisée médicale), Dr Fabien Calcagno (CCA oncologue
6.3. Maladie métastatique médical), Dr Elodie Klajer (interne).

1. Épidémiologie
Au sein des tumeurs solides, le cancer du rein n'est pas parmi les plus fréquents en termes d'incidence ou de
mortalité ; toutefois il n'est pas non plus à considérer comme rare.

1.1. Épidémiologie descriptive


• Dans les registres américains, les cancers du rein (CR) représentent moins de 5 % des tumeurs solides et sont en
troisième place des tumeurs urologiques après le cancer de la prostate et le cancer de la vessie. En France, en
2015, l'incidence a été estimée à 13 282 nouveaux cas (6° en terme d'incidence par rapport aux autres tumeurs)
pour 4 493 décès (6' cause de décès par cancer).

LJE 9 - ITEM 308 1 ÎUMEURS DU REIN 373 ◄


• Parmi les cancers urologiques, il se situe respectivement en 3 e et 1 re position en terme d'incidence chez l'homme
et la femme.
• L'âge médian au diagnostic est de 66 ans chez l'homme et de 70 ans chez la femme; au décès, il est respectivement
de 75 et 80 ans.
• En plus des signes cliniques classiques (hématurie, altération de l'état général) le mode de découverte a évolué
ces dernières années du fait de l'augmentation des diagnostics précoces faits de façon fortuite lors d'un examen
radiologique (échographie et/ou tomodensitométrie) de routine. Tous stades confondus, la survie nette à 5 ans est
de 70 % environ ; à 10 ans, elle est supérieure à 50 % quel que soit le sexe.

1.2. Facteurs de risque et formes génétiques


• Le tabac et l'obésité sont les principaux facteurs de risque. L'hypertension artérielle (et son traitement) ainsi
que des antécédents familiaux sont également incriminés. L'étude cas-témoin européenne, European Prospec­
tive Investigation into Cancer and Nutrition (EPIC) a montré que l'obésité semble être un facteur de risque plus
important chez les femmes que chez les hommes. L'exposition professionnelle au trichloroéthylène est à recher­
cher. Un sur-risque sur les reins natifs est décrit chez les patients hémodialysés ou transplantés rénaux.
• La prévention primaire passe par une meilleure maîtrise des facteurs de risques: lutte contre le tabagisme, acti­
vité physique, contrôle de l'hyp ertension ...
• Tout comme pour les autres cancers, il est important de distinguer les formes sporadiques, les plus fréquentes,
des formes héréditaires qui sont plus rares (-5 % ).

Pour les tumeurs rénales, 5 formes héréditaires sont à retenir:


• la maladie de Von Hippel Lindau (VHL) liée à une mutation du gène VHL;
• le cancer du rein papillaire de type I héréditaire lié à une mutation du gène Met;
• la leïomyomatose cutanée familiale (cancers du rein papillaires de type 11) liée à une mutation du gène de la
fumarate hydratase (FH);
• le syndrome de Birt Hogg Dubé (BHD) occasionnant des cancers du rein variante chromophobe et des oncocy­
tomes, lié à une mutation du gène BHD;
• la sclérose tubéreuse de Bourneville (angiomyolipomes) liée à la mutation du gène TSC1 ou TSC2 (Tableau 1 ).

Tableau 1. HÉRÉDITÉ ET TUMEURS DU REIN


-------* - - -�- �--�---- �� -- - - ----- -- - - �--� --- � ------ - - -- -

Affection (gène) Fréquence et type des Autres manifestations cliniques


tumeurs rénales
Maladie de Von Hippel- carcinomes à cellules claires, hémangioblastomes du SNC et de la rétine, kystes
Lindau (VHL) kystes rénaux et tumeurs endocrines du pancréas,
phéochromocytomes, tumeurs du sac
endolymphatique, cystadénomes de l'épididyme
Cancer rénal papillaire carcinomes papillaires
héréditaire (MET) de type 1
Léiomyomatose carcinomes papillaires léiomyomes cutanés et utérins
cutanéo-utérine de type 2 principalement,
héréditaire avec cancer carcinomes des tubes
rénal (FH) collecteurs
Syndrome carcinomes chromophobes, fibrofolliculomes cutanés, pneumothorax
de Birt-Hogg-Dubé tumeurs hybrides, spontanés, kystes pulmonaires
(BHD) oncocytomes, carcinomes à
cellules claires

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UE9 Item 308
� .... ___________

Sclérose tubéreuse angiomyolipomes fréquents, épilepsie, retard mental, angiofibromes faciaux,


de Bourneville carcinome à cellules claires, tumeurs de Koenen = fibro-kératomes unguéaux,
(TSC1, TSC2) carcinomes papillaires taches achromiques, plaques en peau de chagrin,
plaques fibreuses du front et du cuir chevelu,
nodules sous-épendymaires, tubers corticaux
multiples, astrocytome sous-épendymaire
à cellules géantes, hamartomes rétiniens,
rhabdomyome cardiaque

*SNC = système nerveux central.


• Il n'y a pas de dépistage systématique recommandé pour les formes sporadiques de cancer du rein, mais il est
recommandé en cas de forme héréditaire.

2. Physiopathologie
2.1. Anatomie et physiologie
• Les reins sont deux organes rétro-péritonéaux situés à proximité des gros vaisseaux, en avant des premières ver­
tèbres lombaires (Figure 1).
• Ils sont responsables de la fabrication de l'urine.
• Ils jouent un rôle fondamental dans la régulation hydro-électrolytique et le volume de l'environnement interne
(volume sanguin par exemple).
• À travers une fonction d'épuration, ils sont capables d'extraire puis d'excréter dans les urines des déchets métabo­
liques (créatine, urée, acide urique ...) ainsi que des substances chimiques (médicaments, pesticides ...).

Figure 1. Rappel anatomo-radiologique

A. TDM axiale injection artérielle : aorte brillante


hyperdense, bonne différenciat ion cortico­
médullaire rénale; B. TDM axiale injection portale;
C. TDM en reconstruction coronale.
rd = rein droit, rg = rein gauche, 1 = aorte, 2 = veine
cave inférieure, 3 = artère rénale gauche, 4 = veine
rénale gauche, 5 = veine rénale droite, 6 = artère
mésentérique supérieure, 7 = foie, 8 = coupole
diaphragmatique droite, 9 = muscle psoas droit, 10
= cortex rein gauche, 11 = cavité pyélocalicielle rein
gauche
*TDM = tomodensitométrie.

LJ E 9 - ITEM 308 1 ÎUMEURS DU REIN 375 ◄


• Ils participent à la néoglucogénèse.
• Enfin, ils produisent des hormones/enzymes: érythropoïétine, rénine, 1,25-dihydroxyvitamine D.

2.2. Cancer dépendant de l'angiogenèse


• Le CR, dans sa variante la plus fréquente (variante à cellules claires), se développe à partir des cellules du néphron
du tubule proximal par activation des voies de l'hypoxie.
• L'oncogène majeur est le gène VHL (Von Hippel Lindau) dont l'inactivation aboutit à l'expression constitu­
tive de la protéine HIF (hypoxia-inductible factor). Ceci a pour conséquence une surexpression des gènes pro­
angiogéniques (sécrétion de VEGF par exemple).
• La traduction clinique et iconographique se retrouve dans ces tumeurs qui sont hypervasculaires, mais avec une
vascularisation anarchique. Le risque hémorragique lors de la chirurgie sur la tumeur primitive ou les métastases
implique parfois la réalisation d'embolisation pré-opératoire.

2.3. Histoire naturelle


• Lors de leur croissance, les tumeurs rénales ont un tropisme vasculaire souligné par le développement de throm­
bus tumoraux (veine rénale puis veine cave inférieure = VCI). Les premiers relais ganglionnaires à surveiller se
situent au niveau du hile rénal et du rétropéritoine. Les principaux sites métastatiques à distance sont repré­
sentés par l'os, les poumons, le foie, les ganglions lymphatiques médiastinaux, le SNC (système nerveux central).
• Un site particulier mérite d'être souligné : les métastases glandulaires (surrénales, pancréas). Les atteintes
métastatiques surrénaliennes proviennent ainsi principalement des cancers primitifs du rein ou des poumons.
Les métastases pancréatiques proviennent pour la moitié de cancers primitifs du rein.

3. Signes cliniques

3.1. Signes cliniques loco-régionaux


• Moins de 10 % des cancers du rein sont révélés par la triade classique« hématurie, douleur, masse palpable».
• Peu de symptômes sont observés pour les petites tumeurs localisées car le plus souvent corticales et de découverte
fortuite.
• Une tumeur à proximité du hile peut se révéler par une hématurie, des douleurs de type colique néphrétique
s'il y a caillotage de la voie excrétrice.
• Une varicocèle gauche ou droite, d'apparition récente, est un mode de découverte classique d'un CR avec throm­
bus de la VCI ou de la veine rénale (pour le rein gauche). Elle s'explique par un défaut de vidange de la veine sper­
matique dans la veine rénale gauche ou dans la VCI. Ce signe est, cependant, en pratique très rarement retrouvé.
• Les signes en lien avec une thrombose veineuse profonde peuvent être observés (œdème des membres infé­
rieurs, dyspnée sur embolie pulmonaire ...).
• Les tumeurs volumineuses peuvent être responsables de gênes voire, de douleurs lombaires, puis d'hématurie.

3.2. Les symptômes liés aux métastases


• Ils sont dépendants des sites métastatiques :
- os : douleurs, fracture, compression médullaire, hypercalcémie, augmentation des PAL ( = phosphatases
alcalines) ;
- poumon: dyspnée, douleur thoracique, hémoptysie ;
- SNC: signes neurologiques focaux, épilepsie, confusion, hypertension intracrânienne ;
- ganglionnaires: syndrome de masse ;
- foie: ictère, hépatalgie, hépatomégalie, altération de la biologie hépatique.

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UE9 ltem308
� .... .. ....................

3.3. Syndromes paranéoplasiques


• Altération de l'état général: asthénie, fièvre, sueurs nocturnes, amaigrissement.
• Hématologiques: anémie ou au contraire polyglobulie par surproduction d'EPO.
• Hypercalcémie par production de PTHrp.
• Hypertension artérielle par augmentation du taux de rénine plasmatique.
• Syndrome inflammatoire biologique: hyp er-polynucléose, thrombocytose, augmentation de la VS et de la CRP.
• Syndrome de Stauffer (rare) : hépatomégalie douloureuse avec altération de la biologie hépatique en l'absence
de métastase hépatique.

3.4. Interrogatoire et examen clinique


• L'interrogatoire doit évaluer l'état de santé global (état général, facteurs de risques, antécédents personnels et
familiaux, comorbidités, qualité de vie) afin d'apprécier l'espérance de vie, et d'évaluer le retentissement clinique
éventuel de la tumeur rénale. Le patient âgé peut être orienté vers une consultation spécialisée de gériatrie selon
le score obtenu au questionnaire G8.
• Il précise les caractères de l'hématurie et son historique de survenue (récente, ancienne, intermittente, perma­
nente, premier épisode ... ?). Une hématurie totale oriente vers une origine rénale contrairement à une hématurie
initiale (de cause urétro-prostatique) ou terminale (de cause vésicale).
• L'examen clinique comprend en plus de l'examen général, un examen de l'appareil urologique par une palpation
abdominale à la recherche d'un syndrome de masse au niveau des fosses lombaires (perception d'une anomalie,
appréciation de la consistance et du volume), la recherche d'une hydrocèle.
• Les données recueillies orientent le choix des examens complémentaires pour le bilan d'extension et le bilan
biologique.

4. Examens complémentaires
4.1. Biologiques
• Généraux. Hémogramme, bilan de coagulation, créatininémie (avant imagerie avec injection de produit de
contraste - importance de la fonction rénale dans le choix thérapeutique). Bilan hépatique, calcémie corrigée
peuvent orienter quant au siège de potentielles métastases.
• Des examens optionnels peuvent être demandés selon les besoins en fonction des orientations thérapeutiques et
du tableau clinique.

4.2. Iconographiques = imagerie


• L'imagerie permet un bilan d'extension loco-régional et à distance.

4.2. 1. Bilan /oco-régional (Figure 2)


• L'échographie est souvent l'examen de première intention permettant de mesurer la taille tumorale, d'apprécier
son caractère solide ou kystique, d'évaluer sa vascularisation et de rechercher une thrombose de la veine rénale ou
de la veine cave inférieure (mode Doppler). L'utilisation de produit de contraste (type Sonovue•) peut être utile
principalement chez les patients avec une insuffisance rénale mais n'est pas un standard.
• L'examen de référence est le scanner (TDM = tomodensitométrie) avec injection de produit de contraste iodé
(PCI). Dans l'idéal il doit comprendre les 3 temps : artériel, portal et tardif ( = phase excrétoire). Les tumeurs
rénales classiques à cellules claires prennent le contraste de façon intense et précoce à la phase artérielle. L'étude
portale (= temps portal) permet une meilleure évaluation de l'envahissement vasculaire. La phase tardive permet
une meilleure évaluation des rapports avec les voies excrétrices (ce qui est utile en cas de doute sur une tumeur de
la voie excrétrice). La TDM permet des reconstructions avec divers objectifs: planifier une néphrectomie partielle,
préciser l'étendue d'un thrombus cave.

UE 9 - ITEM 308 1 ÎUMEURS DU REIN 377 ◄


• L'IRM est particulièrement utile dans l'évaluation des tumeurs kystiques, chez les patients insuffisants rénaux ou
présentant une contre-indication aux PCI, dans l'évaluation du degré d'étendue d'un thrombus vasculaire, ou
pour mieux caractériser les tumeurs pour lesquelles les autres techniques d'imagerie n'ont pas été concluantes.

Figure 2. Iconographie de masses rénales. A. Volumineux carcinome à cellules claires avec thrombus vasculaire remontant
jusque dans la veine cave inférieure (flèche rouge); B. Carcinome tubulopapillaire de type 1 ; C. Carcinome à cellules
claires accessible à une néphrectomie partielle; D. Tumeur bénigne avec composante hémorragique et nécrotique:
angiomyolipome du rein gauche; E. Kyste bénin de type Bosniak 1.

► 378 ÎUMEURS DU REIN LJE 9 - ITEM 308


• UE9 Item 308
.............................

4.2.2. Bilan métastatique (Figure 3)


• Le scanner thoraco-abdomino-pelvien (TDM TAP) avec injection de PCI permet un bilan d'extension
exhaustif sur les principaux sites métastatiques (osseux, ganglionnaires, hépatique et pulmonaire) en respectant
soigneusement les temps d'injection ainsi que l'examen des différentes régions anatomiques avec un fenêtrage
adapté.
• La recherche de métastases osseuses peut être optimisée par la réalisation d'une scintigraphie au 99mTC.
L'examen est recommandé en cas de tumeur à risque métastatique ou en cas de signes d'appels osseux: volu­
mineuse taille tumorale initiale, envahissement vasculaire, douleurs osseuses, hypercalcémie, augmentation des
phosphatases alcalines.
• La réalisation d'une imagerie encéphalique (TDM ou au mieux IRM cérébrale) en première intention n'est pas
recommandée hors points d'appel clinique ou cas particulier (recherche clinique).

Figure 3. Métastases d'un cancer du rein. A. Métastase osseuse sur scanner injecté; B. IRM injectée du même patient que A;
C. Métastases pulmonaires sur scanner en fenêtrage parenchymateux; D. Métastases hépatiques sur scanner injecté;
E. Rechute ganglionnaire à proximité de la loge de néphrectomie.

Cancer du Rein métastatique

5. Diagnostic
5.1. Biopsies
• La biopsie d'une masse rénale permet d'obtenir une confirmation histologique de la nature de la tumeur. Elle se
réalise le plus souvent sous anesthésie locale, sous contrôle échographique ou TDM, à l'aide d'une aiguille dite
« couverte » pour protéger le trajet de ponction transcutanée d'un éventuel ensemencement tumoral.

LJE 9 - ITEM 308 ÎUMEURS DU REIN 3 79 ◄


• Elle n'est pas systématique mais indiquée selon le contexte (tumeur de petite taille, suspicion de tumeur bénigne,
autres cancers associés, suspicion de lymphome, volumineuse tumeur non extirpable chirurgicalement).
• La morbidité de la biopsie d'une masse rénale est faible, de l'ordre de 3 à 5 %.
• La principale complication est le risque d'hémorragie tumorale suite à la ponction.
• Sa fiabilité est de l'ordre de 90 % dans le diagnostic de carcinome à cellules rénales et elle modifie la stratégie thé­
rapeutique dans 25 à 40 % des cas.
• Elle n'est pas conseillée : en cas de risque hémorragique élevé, de suspicion de carcinome urothélial ou d'angio­
myolipome, de tumeur kystique.
• En cas de biopsie non contributive mais d'imagerie suspecte de malignité : la chirurgie reste indiquée.

5.2. Anatomo-pathologie et facteurs pronostiques


• La classification histologique est corrélée au comportement biologique de la tumeur.

• Plusieurs variantes histologiques (Figure 4) peuvent être rencontrées dans le CR dont les 3 principales
identifiées sont
- le cancer du rein à cellules claires (70 - 80 %) ;
- les cancers papillaires, de type 1 ou 2 (1 0 - 15 %) ;
- les cancers chromophobes (3 - 5 %).

• Les carcinomes à cellules claires semblent avoir un pronostic plus sombre que les autres histologies. La dédiffé­
renciation de type sarcomatoïde est un facteur pronostique de rechute et de moins bonne réponse aux traitements
systémiques. Comme tous les autres organes le rein peut être le siège de métastases issues d'autres tumeurs. Les
tumeurs primitives du bassinet sont de type carcinome urothélial (cf item cancer de vessie 311). Les carcinomes
du rein à translocation, les cancers du rein de type médullaire ou des tubes collecteurs ( = tumeur dites de Bellini)
sont très rares.
• Parmi les facteurs pronostiques histologiques, l'évaluation du grade nucléolaire de l'ISUP (International
Society of Urological Pathology), anciennement grade nucléaire de Fuhrman, est essentielle. Il s'agit d'un grade
histopronostique fondé sur l'atypie des noyaux tumoraux. Il varie de I à IV (gravité croissante). Sa valeur, indiscu­
table pour le carcinome à cellules claires, est discutée pour les carcinomes papillaires et chromophobes.
• Les tumeurs bénignes du rein à retenir sont: l'oncocytome, l'adénome papillaire (moins de 5 mm de grand axe),
les tumeurs métanéphriques ainsi que l'angiomyolipome (risque hémorragique).

Figure 4. Principaux types histologiques des tumeurs rénales malignes. A. Carcinome rénal à cellules claires Fuhrman 2;
B. Carcinome rénal à cellules claires Fuhrman 3; C. Carcinome rénal avec dédifférenciation de type sarcomatoïde;
D. Carcinome rénal chromophobe; E. Carcinome rénal tubulopapillaire de type 1 ;
F. Carcinome rénal tubulopapillaire de type 2.

► 380 ÎUMEURS DU REIN I UE 9 - ITEM 308


UE9 ltem308
· ...........................

5.3. Stadification TNM


1
TNM (2009) ! Statut
Tumeur(T)
Tx Le statut tumoral ne peut être défini

T1a Tumeur de taille,, à 4 cm, localisée au rein

T1b Tumeur> à 4 cm et,, 7 cm, localisée au rein

T2a Tumeur> 7 à,, 10 cm, localisée au rein

T2b Tumeur> 10 cm, localisée au rein

T3a Envahissement du tissu adipeux périrénal et/ou du tissu adipeux hilaire mais pas du
fascia de Gerota et/ou thrombus macroscopique dans la veine rénale ou dans l'une
de ses branches

T3b Thrombus dans la veine cave sous le diaphragme

T3c Tumeur s'étendant dans la veine cave au-dessus du diaphragme ou envahissant la


paroi musculaire de la veine cave

T4 Tumeur infiltrant au-delà du fascia de Gerota et/ou envahissement par contiguïté de


la surrénale

LJE 9 - ITEM 308 ÎUMEURS DU REIN 381 ◄


Métastase ganglionnaire (N)
Nx Pas d'évaluation du statut ganglionnaire(GG)
No Pas de métastase GG
N1 Métastase régionale GG dans 1 seul GG
N2 Métastase régionale GG dans plus de 1 GG
Métastasé à distance (M)
Mx Pas d'évaluation du statut métastatique
Mo Pas de métastase
M1 Métastase tissulaire à distance

5.4. Les kystes rénaux : classification de Bosniak


• Les kystes rénaux sont fréquents et la plupart du temps bénins.
• Parfois, le kyste est considéré comme atypique sur des critères radiologiques.
• Les kystes sont évalués sur les critères scanographiques suivants : aspect homogène intrakystique, présence de
cloisons, épaisseur et prise de contraste des cloisons et présence de calcifications intrakystiques. À partir de ces
éléments, le kyste est classé selon la classification de Bosniak (Tableau 2). Les kystes Bosniak I et II sont considé­
rés comme bénins et ne nécessitent aucun traitement ni surveillance ; les kystes Bosniak III et IV sont suspects
de malignité et doivent bénéficier d'un traitement chirurgical.
• En 1993, la classification de Bosniak a été modifiée pour introduire une classe IIF pour les kystes sans critère
franc de malignité mais nécessitant une surveillance radiologique.

--- -
Tableau
- -
2. CLASSIFICATION DE BOSNIAK
---

Classification de Bosniak Critères diagnostiques Prise en charge


modifiée
Densité hydrique(< 20 UH)
Homogène kyste bénin, pas de suivi particulier
Type 1 « Kyste simple»
Limites régulières sans paroi visible recommandé

Absence de rehaussement(< 10 UH)


Cloisons fines
Fines calcifications pariétales kyste bénin, pas de suivi particulier
Type Il « Kyste atypique»
Kyste hyperdense(> 50 UH) recommandé

Absence de rehaussement(< 10 UH)


Cloisons nombreuses et fines
Paroi légèrement épaissie
Calcifications pariétales et des à surveiller, petite proportion à risque
Type IIF
cloisons, régulières de malignité

Kyste hyperdense, entièrement


intra-rénal et" 3 cm

► 382 ÎUMEURS DU REIN LJE 9 - ITEM 308


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.......................... - - -

Cloisons nombreuses et épaisses


Paroi épaisse
Limites irrégulières
chirurgie ou surveillance, jusqu'à 50 %
Type Ill « Kyste suspect » Calcifications épaisses, irrégulières de malignité
Contenu dense(> 20 UH)
Rehaussement de la paroi ou des
cloisons
Paroi épaisse et irrégulière
Végétations ou nodule mural
Type IV« Cancer à forme Rehaussement de la paroi ou des chirurgie, majorité de malignité
kystique» végétations
Contingent tissulaire avec
rehaussement

S.S. Petite masse rénale de découverte fortuite


• Les masses rénales de taille inférieure à 4 cm posent à la fois un problème diagnostique et thérapeutique. En
effet, il existe jusqu'à 40 % de tumeurs bénignes dans les masses rénales inférieures à 4 cm; la biopsie de la masse
rénale permet alors le plus souvent d'en faire le diagnostic. L'autre aspect est la possibilité de traitement conser­
vateur du rein.
• Pour les tumeurs de moins de 4 cm, le traitement recommandé est la néphrectomie partielle dont l'objectif
est l'exérèse de la masse tumorale sans atteinte du parenchyme sain. Selon la localisation de la tumeur (hilaire,
notamment), cette chirurgie partielle peut être techniquement difficile. Il est ainsi recommandé en cas de locali­
sation difficile de réaliser une biopsie de la masse rénale pour confirmer le diagnostic tumoral afin de discuter des
traitements ablatifs non chirurgicaux comme la radiofréquence ou la cryothérapie. Après 75 ans, un protocole
de surveillance active peut aussi être discuté.

6. Modalités et stratégies thérapeutiques


(Hors programme ECN)
6.1. Généralités
• La prise en charge thérapeutique est définie en accord avec le patient sur la base de l'avis rendu en réunion de
concertation pluridisciplinaire (RCP).
• Les indications sont établies en fonction :
- des caractéristiques du cancer;
- des caractéristiques du patient (âge, comorbidités);
- des préférences du patient.
• Les principales options, stratégies diagnostiques et thérapeutiques d'une tumeur rénale du rein sont détaillées
dans la Figure S.

LJE 9 - ITEM 308 ÎUMEURS DU REIN 383 ◄


Figure S. Stratégie diagnostique et thérapeutique face à une tumeur rénale

Découverte masse rénale fortuite / symptomatique

Imagerie : TOM avec 3 temps d'injection


+/- échographie, IRM

Masse solide Masse kystique

Aspect radiologique
1 ntérêt des biopsies Classification de Bosniak

�----�----�-----.. ............
Terrain / comorbidités
Critères de taille

.....
..

Si critères de malignité : bilan extension : clinique, biologique, Pas de critère de malignité


radiologique (TOM TAP+/- scintigraphie ou imagerie SNC) kyste simple, tumeur bénigne

Bilan opérabilité :
anesthésie, biologie, clinique

'
Chirurgie d'exérèse
- privilégier chirurgie Surveillance
Ttt ablatif Surveillance
conservatrice active
- néphrectomie élargie

En cas de cancer du rein métastatique :


- Toujours évoquer la possibilité de chirurgie de la tumeur
primitive.
- Sites métastatiques : thérapies systémiques (AAq, IMT, mTORi),
ttt loco-régionaux (si oligométastatique ou symptomatique)

Histologies malignes les + fréquentes : carcinome variante à


cellules claires, papillaire (type 1 ou 2), chromophobe.
Attention à la dédifférenciation sarcomatoïde qui est de mauvais
pronostic

*AAq=antiangiogéniques; IMT=immunothérapie; mTORi=inhibiteurs de mTOR; SNC=système nerveux central;


TAP=thoraco-abdomino-plevien; TOM=tomodensitométrie; Ttt=traitement.

► 384 ÎUMEURS DU REIN LJE 9 - ITEM 308


UE9 ltem308
....................

6.2. Maladie localisée

L'.exérèse chirurgicale de la tumeur rénale primitive est le traitement standard des maladies localisées ou
localement avancées.

• Les voies d'abord classiques (lombotomie, voie sous-costale) sont en train d'être supplantées par la voie cœliosco­
pique et la chirurgie robotique. La préservation du capital néphronique (néphrectomie partielle) se doit d'être
envisagée pour les tumeurs Tl voire T2 si elle est techniquement réalisable.
• Il n'y a pas de traitement systémique recommandé à la phase adjuvante ou néo-adjuvante.

6.3. Maladie métastatique


• Approximativement 25 % des patients avec un cancer du rein sont métastatiques d'emblée au diagnostic. Il
existe diverses classifications pronostiques dans ces situations métastatiques dont les 2 principales sont celle du
MSKCC, et celle de l'international Metastatic Rena! Cancer Database Consortium (IMDC) (aussi parfois appelée
classification de Heng) qui est plus récente et applicable aux patients recevant des thérapies ciblées.

6.3. 1. Place de la chirurgie


• Même chez les patients métastatiques, la néphrectomie doit être discutée. Deux études datant de la fin des années
1990 ont montré que la réalisation d'une néphrectomie chez des patients métastatiques permet d'améliorer leur
survie, ce qui est actuellement discuté depuis l'introduction de thérapies ciblées efficaces sur cette tumeur, classi­
quement très réfractaire au traitement médical.

6.3.2. Traitements systémiques


• La prise en charge du cancer du rein s'est complétement modifiée en l'espace d'une dizaine d'années. Actuelle­
ment 3 classes thérapeutiques sont particulièrement utilisées : les anti-angiogéniques, les inhibiteurs de mTOR,
et les immunothérapies de 2• génération de type checkpoint inhibiteurs.

6.3.3. Soins de support


• Prise en charge antalgique : les douleurs liées aux métastases osseuses peuvent nécessiter un traitement antal­
gique médicamenteux, la radiothérapie en cas de douleur localisée.
• La prévention des complications liées aux métastases osseuses peut faire appel aux biphosphonates (acide
zolédronique), ou anti-RANKL (= dénosumab).
• Traitement des autres symptômes :
- la rétention aiguë d'urine nécessite une dérivation urinaire par sonde ou cathéter vésical;
- l'insuffisance rénale aiguë obstructive nécessite une dérivation urinaire par sonde JJ lorsqu'il s'agit d'une
compression urétérale.

► Références

• Possibilité de consulter les recommandations ou« guidelines » sur ces sites, p arfois nécessité de s'inscrire.
• En français :
- INCA: www.e-cancer.fr
- AFU: http://urofrance.org
- Ep idémiologie des cancers: site de l'INCA
- http://www.e-cancer.fr/Actualites-et-evenements/Actualites/Les-cancers-en-France-2016-une-edition-100-interactive

LJE 9 - ITEM 308 1 ÎUMEURS DU REIN 385 ◄


• En anglais:
- EAU: http://www.uroweb.org/guidelines/
- NCCN: http://www.nccn.org/professionals/physician_gls/f_guidelines.asp
- ESMO: http://www.esmo.org/
- ASCO: https://www.asco.org/

POINTS CLÉS

1. La prise en charge des masses rénales est pluridisciplinaire.


2. La première étape de la démarche diagnostique est de différencier une masse liquidienne
d'une masse solide.
3. L'examen clé est le scanner avec injection de produit de contraste iodé.
4. La biopsie est informative et permet le plus souvent d'avancer dans la démarche diagnostique
avec une bonne corrélation avec la pièce opératoire lorsqu'elle est contributive.
5. L'histologie cancéreuse la plus fréquente est le carcinome rénal variante à cellules claires. La
mutation inactivatrice du gène VHL est un élément clé de !'oncogenèse.
6. Le facteur pronostique histologique à retenir est le grade nucléolaire de l'ISUP (anciennement
grade nucléaire de Fuhrman).
7. Le risque de malignité d'un kyste rénal est évalué par la classification de Bosniak.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Le cancer du rein regroupe plusieurs entités anatomo-pathologiques.


2. Toute masse rénale n'.est pas forcément cancéreuse.
3. Un angiomyolipome est une tumeur bénigne pouvant occasionner des saignements graves.
4. Il est essentiel de bien savoir caractériser une masse rénale en cas de question avec une image­
rie adaptée: type de l'imagerie, les temps d'injection, si la masse est solide ou liquide ...

► 386 ÎUMEURS DU REIN LJE 9 - ITEM 308


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� .. ____________

CHAPITRE ►-------�--------------------------------
Tumeurs du sein
Dr Elsa Curtit1 , Pr Yazid Belkacemi2 , Dr Céline Bourgier3 , Dr Marc Espié 4-, Pr Joseph Gligorov5, Pr Christophe Hennequin•,
Pr Gilles HouvenaegheF, Pr Michel Marty", Pr Thierry Petit", Pr Xavier Pivot'
'Service d'Oncologie médicale, CHRU de Besançon, Institut Régional Fédératif du Cancer de Franche-Comté
'Service d'Oncologie Radiothérapie, Hôpitaux Universitaires Henri Mondor, AP-HP, Centre Sein Henri Mondor, Créteil
'Service de Radiothérapie oncologique, Institut du cancer de Montpellier
•Sénopôle Saint Louis, territoire cancer nord, AP-HP
5IUC-UPMC, Hôpital Tenon, AP-HP, Paris
•service de Cancérologie-Radiothérapie, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris
'Institut Paoli Calmettes et CRCM, Marseille
•service d'Oncologie médicale, Centre Paul Strauss, Strasbourg

1. Épidémiologie et facteurs de risque 6. Traitement des formes localisées


1.1. Incidence 6.1. Stratégie thérapeutique et indications
1.2. Facteurs de risque 6.2. Traitement loco-régional chirurgical
2. Physiopathologie, cancérogenèse et histoire 6.3. Radiothérapie loco-régionale
naturelle 6.4. Traitement adjuvant systémique
3. Diagnostic 6.5. Prises en charge de formes cliniques particulières
3.1. Formes et symptômes cliniques 7. Traitement des formes métastatiques
3.2. Imagerie 7.1. Stratégi� thérapeutique et indications
3.3. Anatomo-pathologie et biologie 7.2. Traitement anti-hormonal
4. Évolution, pronostic 7.3. Chimiothérapie
4.1. Bilan d'extension 7.4. Inhibiteurs de HER2
4.2. Scores pronostiques et classifications 7.5. Autres thérapies ciblées
5. Généralités sur les traitements des cancers 7.6. Bisphosphonates et denosumab
du sein 8. Suivi des patients présentant un cancer du sein
5.1. Objectifs des traitements 8.1. Cancer du sein localisé traité
5.2. Prérequis avant de décider d'un traitement 8.2. Cancer du sein métastatique

OBJECTIFS iECN Mots clés: Cancer du sein - Récepteurs hormonaux -


Œstrogène - Progestérone - HER2 - Mammographie
-+ Tumeurs du sein
- Tumorectomie - Mastectomie - Curage
- Diagnostiquer une tumeur du sein axillaire - Ganglion sentinelle - Chimiothérapie -
- Planifier le suivi du patient Trastuzumab - Hormonothérapie - Radiothérapie.

• Avec plus de 50 000 nouveaux cas par an en France et 12 000 décès, le cancer du sein est le 1er cancer chez la
femme, à la fois en incidence et en mortalité. Le diagnostic est généralement fait dans deux contextes différents : le
dépistage par mammographie ou la présence de signes cliniques, au niveau mammaire ou plus rarement au niveau
ganglionnaire ou à distance.
• Le diagnostic positif est affirmé par l'histologie ; il nécessite donc une biopsie avec un examen anatomo­
pathologique. Le type histologique le plus fréquent est le carcinome infiltrant de type non spécifique (également
appelé carcinome canalaire infiltrant). Le diagnostic s'accompagne toujours de l'évaluation de l'expression des
récepteurs hormonaux (récepteur aux œstrogènes et récepteur à la progestérone) et de HER2 (Human Epidermal
growth factor Receptor 2).
• Pour connaître les indications thérapeutiques dans les cancers du sein, il faut à l'issue du diagnostic : savoir s'il
s'agit d'un cancer hormono-sensible, HER2 positif ou triple négatif; avoir défini les facteurs pronostiques.

UE 9 - ITEM 309 1 TUMEURS DU SEIN 387 ◄


1. Épidémiologie et facteurs de risque

1.1. Incidence
• Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers de la femme(il concerne rarement l'homme) et le 2' cancer
le plus fréquent tous sexes confondus. L'incidence a tendance à augmenter avec une stabilisation ces dernières
années, alors que la mortalité diminue depuis le début des années 1990.

En France*:
1 femme sur 8 à 10 développera un cancer du sein;
il y a environ 54 000 nouveaux cas par an;
il y a environ 12 000 décès par an;
l'âge médian au diagnostic est de 61 ans.
*(d'après les données de l'INCa, Institut National du Cancer,« Projection de l'incidence et de la mortalité par cancer en France
métropolitaine en 2015 ").

• Dans le monde, on estime le nombre annuel de nouveaux cancers du sein à environ 1,7 million et celui des décès
à 500 000.

1.2. Facteurs de risque


1.2.1. Facteurs liés aux antécédents, à l'âge et au mode de vie
• L'âge: environ la moitié des cancers du sein survient entre 45 et 65 ans.
• L'alcool, le tabagisme, le surpoids.
• Les antécédents familiaux, dont les prédispositions génétiques.
• Les antécédents personnels de cancer du sein, de carcinome in situ, d'hyp erplasie atyp ique.
• Les antécédents personnels de radiothérapie thoracique(par exemple: lymphome de Hodgkin).

1.2.2. Facteurs liés aux hormones


• La durée d'exposition aux hormones avec l'âge précoce de la puberté(< 12 ans) et l'âge tardif de la ménopause
(> 55 ans).
• L'âge tardif de la première grossesse(> 30 ans).
• L'absence d'allaitement.
• L'utilisation de traitements hormonaux.

Traitements hormonaux et risque de cancers


• D'après le World Cancer Report de 2014:
- les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause majorent légèrement le risque de cancer
du sein et de l'endomètre, surtout s'il s'agit d'une combinaison œstrogène + progestérone (versus
œstrogène seul) ; cela dépend également du schéma d'administration (nombre de jours/mois avec
progestérone) et de la durée totale du traitement;
- l'utilisation des contraceptifs œstro-progestatifs augmente légèrement le risque de cancers du sein, du
col utérin, du foie et diminue le risque de cancers de l'endomètre et de l'ovaire;
- le tamoxifène majore le risque de cancer de l'endomètre et diminue le risque de (récidive du) cancer
du sein.
• À titre individuel, le sur-risque reste très faible et ne contre-indique pas ces traitements.

► 388 ÎUMEURS OU SEIN I UE 9 - ITEM 309


UE9 Item 309

1.2.3. Facteurs génétiques


• Les deux principaux gènes identifiés comme facteurs de risque de cancer du sein sont BRCAl et BRCA2 (pour
BReast CAncer).
• Il existe également de multiples variants génétiques décrits (plus de 100 publiés à ce jour) qui confèrent un petit
sur-risque de cancer du sein et peuvent être additionnés en un score de risque.

BRCA 1 et BRCA2
• Ce sont des gènes suppresseurs de tumeurs impliqués dans la réparation de l'ADN. La mutation d'un allèle de
l'un de ces deux gènes entraîne une prédisposition à développer des cancers du sein et de l'ovaire. En cas de
suspicion de mutation (cancer du sein avant 35 ans, cancer du sein bilatéral ou association cancers du sein et de
l'ovaire, cancer du sein chez l'homme, antécédents familiaux évocateurs), la patiente sera orientée en consulta-
tion d'oncogénétique. Ces mutations sont présentes dans moins de 5 % des cas.
• Une patiente porteuse d'une mutation BRCA doit avoir une surveillance spécifique avec une proposition de
mastectomie bilatérale prophylactique et d'annexectomie bilatérale (comme Angelina Jolie!).

- -- - - - - - - --- ---- - --- - - - - - - - - - - - - - - ------- - - ------ ---- - ------- --------------· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ----- ----------- - - -----------------·'
''- - - - - -
' ''
: Attention !
L'.existence de lésions bénignes mammaires ne représente pas un facteur de risque (sauf pour les hyperplasies
atypiques, cf. 1.2).
-' - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ------------------------------- ----------------------------------------- - - - - -- - - - - - - - - - - - - - · · · · ·· ···------------------------- - - - -------- - '-

2. Physiopathologie, cancérogenèse et histoire naturelle


• Le cancer du sein naît des cellules de l'appareil sécrétoire du sein constitué des lobules et des canaux galactophores.
• Dans une première étape, l'évolution est intra-épithéliale, sans franchissement de la membrane basale: ces lésions
sont nommées cancers (ou carcinomes) in situ.
• Quand il n'existe pas d'invasion de la membrane basale, l'évolution est exclusivement mammaire et conditionne
les modalités du traitement local.
• Le risque est l'évolution en plusieurs années vers un cancer invasif après franchissement de la membrane basale,
qui constitue la pathologie étudiée dans ce chapitre.
• La diffusion des cellules néoplasiques devient alors possible par voie vasculaire et/ou lymphatique à l'ensemble de
l'organisme, expliquant la prise en charge multidisciplinaire de cette pathologie.

Figure 1. Physiopathologie du cancer du sein

Carcinome
in situ

[ Franchissement membrane basale:


]
'
Carcinome infiltrant

+
Extension hématogène :
Extension par contiguïté Métastases (os, peau, foie
(T4) poumons, plèvre, système
nerveux central)
'
Extension lymphatique
Adénopathies des chaînes axillaire, sous et sus-claviculaire, mammaire interne
Métastases

LJE 9 - ITEM 309 1 ÎUMEURS DU SEIN 389 ◄


3. Diagnostic
3.1. Formes et symptômes cliniques

3.1.1. Le dépistage (par définition en l'absence de signe clinique)


• Le dépistage du cancer du sein est justifié par son incidence, l'existence d'un test sensible et non invasif (la mam­
mographie) et l'impact démontré sur la morbidité et la mortalité des femmes dépistées.

Les recommandations nationales du dépistage de masse organisé sont les suivantes :


Le dépistage est réalisé:
en l'absence de signe clinique (examen clinique systématique);
- par mammographie bilatérale;
- avec deux incidences (au minimum);
- avec double lecture;
- tous les deux ans;
- de50à74ans.

• Un dépistage individuel basé sur une mammographie, échographie et IRM mammaire annuelles est proposé aux
femmes à haut risque (ex: mutation constitutionnelle BRCA 1/2) à partir de 30 ans.

• La mammographie n'affirme pas le diagnostic et doit entraîner la mise en œuvre d'autres explorations en cas
d'image suspecte. Toute image anormale doit faire l'objet d'exploration complémentaire.

3.1.2. Les signes cliniques


3.1.2.1. Recherche de signes mammaires
• L'examen physique du sein comporte une inspection en position assise (les bras ballants puis relevés) puis en
décubitus dorsal, à la recherche de:
- déformation cutanée (masse ou, au contraire fossette ou méplat cutané) (Figures 2 et 3) ;
- anomalies cutanées à caractère inflammatoire (œdème, rougeur, chaleur) (Figures 4, 5, 6 et 7);
- aspect en peau d'orange (Figure 7) ;

Figure 2. Déformation cutanée (fossette ou méplat cutané)

Fossette ou
Méplat cutané

► 390 ÎUMEURS DU SEIN I LJE 9 - ITEM 309


UE9 ltem309
.... ____________

- nodules de perméation, ulcérations (Figure 8) ;


- écoulement du mamelon (Figure 9, cas extrême, en général plus discret) ;
- rétraction du mamelon (Figures 2, 3, 6, 7 et 9) ;
- modification de l'aspect du mamelon avec notamment l'aspect ezcématiforme qui évoque une maladie de
Paget;
- squirrhe mammaire (tumeur dure, avec épaississement des tissus) (Figure 7) ;

Figure 3. Déformation cutanée

���=====l=====-f- Rétraction
cutanée

Rétraction
du mamelon

Figure 4. Sein inflammatoire PEV 3 Figure 5. Sein inflammatoire PEV 3

Figure 6. Majoration du volume du sein+ léger érythème= sein inflammatoire {PEV 2) {+ rétraction du mamelon)

UE 9 - ITEM 309 1 ÎUMEURS DU SEIN 391 ◄


Figure 7. Cancer du sein inflammatoire

Aspect en peau d'orange


(épaississement
de la peau+
accentuation des pores)

Inflammation discrète (PEV 2)

Figure 8. Nodule de perméation ulcéré (situé dans le prolongement axillaire de la glande mammaire)

Figure 9. Squirrhe mammaire (dans ce cas, tumeur d'évolution lente négligée sur plusieurs années)

Hématome Rétraction cutanée traduisant


Squirrhe post.biopsie une tumeur controlatérale

Zone d'écoulement Rétraction


du mamelon du mamelon

► 392 ÎUMEURS DU SEIN I LJE 9 - ITEM 309


UE9 ltem309

• Puis la palpation s'effectue dans les mêmes positions, en comprimant la glande contre le gril costal par petits mou­
vements circulaires (quadrant par quadrant) à la recherche d'une masse. En cas de détection d'une telle lésion,
il faudra préciser sa position dans le sein (quadrant atteint), sa taille, sa dureté, sa mobilité par rapport au plan
superficiel et aux plans profonds musculaires.

3.1.2.2. Recherche d'adénopathies et de signes évoquant des métastases à distance


• Un examen clinique régional recherche des adénopathies axillaires homolatérales et sous et sus-claviculaires.
• Un examen clinique général recherche des signes cliniques de métastases très rarement présentes d'emblée (1 à
35 % selon les cohortes).

3.2. Imagerie

3.2.1. Mammographie et échographie mammaire


• La mammographie bilatérale associée à l'échographie mammaire bilatérale et des aires ganglionnaires sont réali­
sées systématiquement devant toute suspicion clinique ou radiologique de tumeur mammaire. Deux incidences
au minimum sont réalisées, correspondant aux incidences du dépistage de masse : cliché de face (aussi appelé
crânio-caudal) et cliché oblique (aussi appelé oblique externe ou médiolatéral oblique). Des clichés de profil strict,
centrés ou agrandis sur l'anomalie détectée peuvent être faits en complément.
• Les images suspectes à la mammographie peuvent être notamment des opacités spiculées, irrégulières ou des amas
de microcalcifications irrégulières (Figure 10). Les macrocalcifications évoquent des lésions bénignes.
• Les images mammographiques sont classées avec la classification BI-RADS de l'ACR (Breast Imaging-Reporting
And Data System de l'American College of Radiology).

Figure 10. Mammographie

LJE 9 - ITEM 309 1 ÎUMEURS DU SEIN 393 ◄


Tableau 1. CLASSIFICATION SIMPLIFIÉE BI-RADS DE L'ACR
ACR Définitions
ACRo Pas de conclusion possible, des investigations complémentaires sont nécessaires
ACR1 Mammographie normale
ACR2 Images bénignes ne nécessitant ni surveillance ni examen complémentaire
ACR3 Images évoquant une lésion probablement bénigne pour laquelle une surveillance à court terme est conseillée
ACR4 Images évoquant une anomalie potentiellement suspecte qui nécessite une vérification histologique
ACR5 Anomalie extrêmement évocatrice d'un cancer qui nécessite une vérification histologique

3.2.2. IRM mammaire


• L'IRM mammaire n'est pas réalisée systématiquement et est réservée à des situations bien spécifiques, notam-
ment:
- dépistage des femmes porteuses de mutations BRCA;
- bilan d'extension local qes carcinomes infiltrants de type lobulaire devant le risque de multi-focalité;
- discordance clinico-radiologique (signes cliniques au niveau du sein sans anomalie retrouvée par la
mammographie et l'échographie mammaire);
- seins denses non évaluables en mammographie / échographie;
- suivi sous chimiothérapie néoadjuvante;
- recherche de tumeur primitive si la mammographie/échographie ne permettent pas de trouver de lésion
(ex: métastase ou adénopathie biopsiées retrouvant un primitif mammaire, suspicion de récidive locale...).

3.3. Anatomo-pathologie et biologie


• C'est l'anatomo-pathologie qui affirme le diagnostic de cancer du sein: devant toute anomalie clinique et/
ou radiologique, un prélèvement pour diagnostic histologique s'impose. Les prélèvements se font sous forme de
biopsies percutanées mammaires (microbiopsie pour des masses ou opacités suspectes, macrobiopsie pour des
foyers de microcalcifications) guidées par la clinique ou par échographie ou par mammographie (ponction en
conditions stéréotaxiques).
• L'analyse anatomo-pathologique permet d'affirmer le diagnostic et de préciser le risque évolutif. Des histo­
logies rares sont possibles comme les lymphomes, les sarcomes, les métastases intra-mammaires d'autres cancers
primitifs. Dans la majorité des cas, les cancers du sein sont des adénocarcinomes (abrégés en carcinomes le plus
souvent) canalaires ou lobulaires infiltrants.
• L'examen anatomo-pathologique précisera:
1) Sur la biopsie
- Le type de cancer du sein (carcinome infiltrant de type non spécifique - également appelé carcinome canalaire
infiltrant - dans 75 % des cas, carcinome lobulaire infiltrant dans 15 % des cas, autres formes rares dans 10 %
des cas).
- Le grade histopronostique. Le grade Elston et Ellis actuellement recommandé en Europe correspond au grade
SBR (Scarff-Bloom et Richardson) modifié. Il s'agit d'un score correspondant à la somme de trois critères,
architectural, nucléaire et compte mitotique, côtés de 1 à 3. Le grade est pronostic.
► un score total de 3, 4 ou 5 correspond à un grade Elston et Ellis I ;
► un score total de 6 ou 7 correspond à un grade Elston et Ellis II ;
► un score total de 8 ou 9 correspond à un grade Elston et Ellis III.
- L'expression immunohistochimique des récepteurs hormonaux, œstrogène et progestérone. Le seuil
de positivité retenu en Europe est de 10 % d'expression. Ces récepteurs sont l'outil de transmission de la
stimulation de la prolifération entre les hormones stéroïdiennes circulantes et l'ADN de la cellule tumorale.
Leur présence représente un facteur pronostique et un facteur prédictif de réponse à l'hormonothérapie (qui
est malgré son nom un traitement anti-hormonal).

► 394 ÎUMEURS DU SEIN I UE 9 - ITEM 309


UE9 Item 309

- Le statut HER2. HER2 est un oncogène qui code pour une protéine transmembranaire de type récepteur
tyrosine kinase impliquée dans la survie et la prolifération cellulaire. La recherche d'une surexpression de
la protéine HER2 est faite en immunohistochimie ; l'amplification du gène HER2 est recherchée par des
techniques d'hybridation in situ (cf 290). HER2 est un facteur à la fois pronostique et prédictif de la réponse
au trastuzumab.
- Le Ki67, qui traduit la prolifération cellulaire (protéine exprimée lors du cycle cellulaire), est également évalué
en immunohistochimie.
2) Sur la pièce opératoire
- Une fois le diagnostic et le type histologique confirmés, l'anatomo-pathologie précisera:
► le nombre de tumeurs ;
► la taille de la (les) tumeur(s) ;
► la présence ou non de métastases ganglionnaires axillaires ;
► la présence d'emboles vasculaires ;
► la qualité de l'exérèse : l'envahissement des marges d'exérèse augmente le risque de récidive locale et
nécessite une reprise chirurgicale ;
► en cas de chimiothérapie néo-adjuvante, l'examen anatomo-pathologique permet d'évaluer l'efficacité du
traitement (pourcentage de tumeur résiduelle, atteinte ganglionnaire).
- L'ensemble de ces éléments permet d'établir la classification pTNM ou ypTNM (cf item 289).

Comment connaître le statut HER2 ?


En immunohistochimie:
- si HER2 est évalué à O ou 1 +, le cancer est HER2-négatif;
- si HER2 est évalué à 3+, le cancer est HER2-positif;
- si HER2 est évalué à 2+, on ne peut pas conclure. Il est alors nécessaire de faire une technique
d'hybridation in situ(par exemple FISH) pour regarder si le gène HER2 est amplifié(cancer HER2-positif)
ou non amplifié(cancer HER2-négatif).

Mémo: les éléments obtenus par l'examen anatomo-pathologique


Nombre de lésions tumorales
Taille
Type histologique
Grade de Elston et Ellis(Scarff-Bloom et Richardson modifié)
Pourcentage de l'expression des récepteurs hormonaux(œstrogène et progestérone)
Statut HER2
Ki67
Nombre de ganglions axillaires envahis
Emboles vasculaires
Exérèse microscopiquement complète(RO) ou marges d'exérèse envahies(Rl)
Si chimiothérapie néo-adjuvante: effet du traitement(% cellules tumorales vivantes/ mortes)

UE 9 - ITEM 309 ÎUMEURS DU SEIN 395 ◄


4. Évolution, pronostic

4. 1. Bilan d'extension
• Le bilan d'extension a pour but de savoir si le cancer du sein est localisé: atteinte du sein+/- des ganglions de
drainage loco-régionaux, ou métastatique.

4.1.1. Bilan d'extension clinique


Cf paragraphe 2.1.2

4.1.2. Bilan d'extension paraclinique


• Il associe généralement un scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté en l'absence de contre-indication et une
scintigraphie osseuse. Ce bilan ne s'adresse qu'aux patientes ayant un cancer du sein localement avancé ou associé
à des facteurs de mauvais pronostic (cf chapitre diagnostic).
• Aucun bilan d'extension biologique n'est systématiquement recommandé. Un bilan pré-thérapeutique standard
est souvent réalisé (numération formule sanguine et plaquettaire, bilan de coagulation, calcémie corrigée, bilan
hépatique) ainsi que parfois le CA 15.3 (cf encadré).

Le CA 15.3 : Cancer Antigen 15.3


• Ce marqueur du « cancer du sein» est dosable dans le sang mais n'apparaît dans aucune recommandation. Et
pour cause, il est peu sensible (il peut être normal chez une patiente ayant un cancer du sein) et peu spécifique
(il peut être augmenté par certaines pathologies bénignes et par des cancers non mammaires). Au final, ce
marqueur n'a aucune valeur diagnostique, pronostique ou prédictive démontrée.
• Si vous passez en stage en oncologie, vous verrez peut-être le CA 15.3 dosé:
soit dans le cadre du bilan d'extension d'un cancer du sein (une valeur élevée fera alors rechercher plus
« activement>> des métastases);
soit dans le cadre du suivi d'un cancer du sein métastatique: dans certains cas, le CA 15.3 peut varier en
parallèle des phases de progression/ régression de la maladie métastatique.

Les recommandations de l'INCa (Institut National du Cancer) concernant le bilan d'extension


sont les suivantes :
• Compte tenu des faibles prévalences observées chez les patientes atteintes de tumeur Tl et T2 sans enva­
hissement ganglionnaire clinique, il n'est pas recommandé de réaliser un bilan d'extension systématique en
l'absence de point d'appel clinique chez ces patientes.
• En pratique, un bilan d'imagerie d'extension est recommandé:
- pour les tumeurs cî3-T4 ou cN+;
- après chirurgie, en cas d'envahissement ganglionnaire macrométastatique.
• Le bilan de première intention peut reposer sur l'une des trois options suivantes:
- radiographie de thorax, échographie abdominale et scintigraphie osseuse;
scanner thoraco-abdominal et scintigraphie osseuse;
TEP-TDM au FDG.

► 396 ÎUMEURS DU SEIN LJE 9 - ITEM 309


UE9 Item 309
• ..........................

4.2. Scores pronostiques et classifications

4.2. 1. Le pronostic
• La survie globale à 5 ans tous stades confondus est de 87 %.
• Dans les stades localisés, le traitement est réalisé dans un but curatif. Malgré un traitement mené selon les recom­
mandations, 15-30 % des cancers du sein vont avoir une évolution métastatique.
• Dans les stades métastatiques, le traitement n'est pas réalisé dans un objectif curatif. La survie globale médiane
est d'environ 3 ans mais varie de moins de 2 ans (cancers triple négatifs) à plus de 5 ans (cancers du sein HER2-
positif et cancers hormono-sensibles) avec la possibilité d'avoir des patientes longues survivantes à plus de 10 ans.
4.2.1.1. Les facteurs pronostiques et prédictifs dans les formes localisées

Rappel : la différence entre pronostique et prédictif (item 289)


- Un facteur pronostique permet d'évaluer la gravité de la maladie.
- Un facteur prédictif permet d'évaluer l'intérêt d'un traitement (il permet de« prédire» si le traitement
va marcher).

Tableau 2. FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS DES FORMES LOCALISÉES


Facteurs pronostiques Facteurs pronostiques et prédictifs
Envahissement ganglionnaire (N): Récepteurs hormonaux (aux œstrogènes et à la
facteur pronostique principal progestérone)
(Si N+ = mauvais pronostic) (= bon pronostic)

Grade HER2
(grade Ill = mauvais pronostic) (= mauvais pronostic)

Taille (T)
(2: T2 = mauvais pronostic)

Âge
(< 35 ans= mauvais pronostic)

Inflammation
(= mauvais pronostic)

Emboles
(= mauvais pronostic)

Un mot sur les signatures moléculaires


Elles ont pour objectif d'analyser plus en détail la biologie de la tumeur et permettent d'établir un score corrélé
au pronostic individuel de la patiente. La valeur prédictive de ces différentes signatures est en train d'être
établie par des essais cliniques de phase Ill. En effet, certaines chimiothérapies adjuvantes, notamment dans
les cancers dits« luminaux», sont faites par excès, alors que la chirurgie, la radiothérapie et l'hormonothérapie
suffisent à guérir la maladie. Un des objectifs de ces signatures est d'identifier les patientes qui bénéficient de
la chimiothérapie adjuvante et celles qui n'en ont pas besoin.

UE 9 - ITEM 309 ÎUMEURS DU SEIN 397 ◄


4.2.1.2. Les facteurs pronostiques et prédictifs dans les formes métastatiques
Tableau 3. FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS DES FORMES MÉTASTATIQUES
Facteurs pronostiques Facteurs pronostiques et prédictifs
Statut OMS Récepteurs hormonaux(aux œstrogènes et à la
(> 1 = mauvais pronostic) progestérone)
(bon pronostic)

Âge HER2
(élevé= mauvais pronostic) (mauvais pronostic compensé par les traitements
anti-HER2)

Antécédent de chimiothérapie(néo)adjuvante
(mauvais pronostic)

Délai de récidive par rapport au stade localisé < 2 ans


(mauvais pronostic)

Maladie symptomatique, défaillance d'organe liée aux


métastases(= crise viscérale)
(mauvais pronostic)

4.2.2. Classifications
À l'issue du bilan d'extension, le cancer pourra être classé selon la classification TNM en cTNM (cf item 289).

4.2.2.1. La classification TNM (Tableaux 4.1, 4.2, 4.3)


• Tumeur primitive (T)
(cT pour une classification clinique ou radiologique, pT pour une classification anatomo-pathologique).

Tableau 4.1. TUMEUR PRIMITIVE


��---� - - - -- - -

Tx Renseignements insuffisants pour classer la tumeur primitive

To Pas de signe de tumeur primitive

Tis Carcinome in situ

Î1 Tumeur,; 2 cm dans sa plus grande dimension

T1mi Micro-invasion111 s 0,1 cm dans sa plus grande dimension

T1a Tumeur> 0,1 cm et,; 0,5 cm dans sa plus grande dimension

T1b Tumeur> 0,5 cm et,; 1 cm dans sa plus grande dimension

T1c Tumeur> 1 cm et,; 2 cm dans sa plus grande dimension

Î2 Tumeur> 2 cm et,; 5 cm dans sa plus grande dimension

T3 Tumeur> 5 cm dans sa plus grande dimension

Tumeur de toutes tailles avec extension directe à la paroi thoracique(a) et/ou à la peau(b)(ulcération
T4
ou nodules cutanés)l I 2

T4a Extension à la paroi thoracique(invasion du muscle pectoral exclue)

Œdème cutané, y compris la« peau d'orange», ou ulcération cutanée du sein, ou nodules de
T4b
perméation cutanés limités au même sein

T4c À la fois 4a et 4b

T4d Carcinome inflammatoire

► 398 TUMEURS DU SEIN LJE 9 - ITEM 309


UE9 Item 309

'La micro-invasion est l'extension des cellules cancéreuses à travers la membrane basale dans les tissus adjacents sans former
de foyer> 0,1 cm dans sa plus grande dimension. Lorsqu'il s'agit de multiples foyers de micro-invasion, on ne tient compte que
du plus grand pour la classification (ne pas additionner la taille de tous les foyers). La présence de multiples foyers de micro­
invasion doit être notée, comme c'est le cas pour les tumeurs invasives multiples.
'L'invasion du derme seul ne classe pas en T4. La paroi thoracique comprend les côtes, les muscles intercostaux et grand den­
telé, mais ne comprend pas le muscle pectoral.

• Adénopathies régionales (N)


(détectées à l'examen clinique ou radiologique).
Tableau 4.2. ADÉNOPATHIES RÉGIONALES
Nx Appréciation impossible de l'atteinte ganglionnaire (du fait, par exemple, d'une exérèse antérieure)
No Absence de signe d'envahissement ganglionnaire régional
N1 Ganglions axillaires de niveau I et Il homolatéraux mobiles
Métastases dans un ou plusieurs ganglions axillaires de niveau I et Il homolatéraux fixé(s) ou confluents
N2 ou dans un ou plusieurs ganglions mammaires internes homolatéraux cliniquement détectables111 en
l'absence de métastase ganglionnaire axillaire cliniquement évidente
Métastases dans un ou plusieurs ganglion(s) axillaire(s) fixé(s) entre eux (confluents) ou à d'autres
N2a
structures
Métastases cliniquement détectables111 uniquement dans les ganglions mammaires internes, et en
N2b
l'absence de métastase ganglionnaire axillaire cliniquement décelable
Métastases dans les ganglions sous-claviculaires homolatéraux (niveau Ill) avec ou sans envahissement
ganglionnaire axillaire (niveau 1, Il) ou métastase ganglionnaire mammaire interne homolatérale
N3 cliniquement détectablel11 en présence de métastase axillaire (niveau 1, 11) cliniquement évidente ; ou
métastases ganglionnaires sous-claviculaires homolatérales avec ou sans envahissement ganglionnaire
axillaire ou mammaire interne
N3a Métastase(s) ganglionnaire(s) sous-claviculaire(s)
N3b Métastases ganglionnaires mammaires internes et axillaires
N3c Métastase(s) ganglionnaire(s) sus-claviculaire(s)

'Cliniquement détectable signifie : détecté par un examen clinique ou par l'imagerie (lymphoscintigraphie exclue) et présentant
des caractéristiques hautement suspectes de malignité, ou suspicion histopathologique de macrométastase fondée sur l'analyse
cytologique d'un prélèvement par cytoponction.

• Métastases à distance (M)


Tableau 4.3. MÉTASTASES À DISTANCE
- -- ----- --------- - -- -� --- - --- -----

MX Renseignements insuffisants pour classer les métastases à distance


Mo Absence de métastase à distance
M1 Présence de métastase(s) à distance

4.2.2.2. Classification PEV (Poussée EVolutive)

-- ----- -----------
Tableau 5. CLASSIFICAT ION PEV
PEV Définitions
PEV0 Pas d'inflammation
PEV1 Volume tumoral multiplié par 2 en moins de 6 mois
PEV2 Inflammation limitée à 1/3 du sein

PEV3 Inflammation diffuse, mastite carcinomateuse

LJE 9 - ITEM 309 ÎUMEURS DU SEIN 399 ◄


4.2.3. Définir le sous-type de cancer
On distingue 3 types de cancer du sein sur le plan thérapeutique, cette distinction permet de définir les indications
des traitements systémiques :
- les cancers HER2-positifs (environ 15 % des cancers du sein) reçoivent systématiquement un traitement par
trastuzumab associé à une chimiothérapie ;
- les cancers dits triple-négatifs (environ 15 % des cancers du sein) qui n'expriment ni HER2, ni les récepteurs
hormonaux, sont systématiquement traités par chimiothérapie ;
- les cancers dits hormono-sensibles ou parfois appelés par excès « luminaux » (environ 70 % des cancers du
sein) expriment les récepteurs aux hormones et n'expriment pas HER2. Le traitement adjuvant consiste en
une hormonothérapie. La chimiothérapie est effectuée s'il existe des facteurs de mauvais pronostique associés.

..
Figure 11. Comment définir les différents sous-types de cancer du sein?

Positif* Négatif*

Cancer du sein HER2 positif


(quel que soit le statut des
récepteurs hormonaux)

Négatif**

hormono-sensibles

*Cf. encadré du paragraphe 3.3.2 pour déterminer si HER2 est positif.


** Récepteurs hormonaux positifs= récepteurs aux œstrogènes ou à la progestérone> 10 % en immunohistochimie.

5. Généralités sur les traitements des cancers du sein

5.1. Objectifs des traitements


• Dans les stades localisés, le traitement est réalisé dans un but curatif et comprend toujours une chirurgie mam­
maire et une chirurgie des ganglions axillaires homolatéraux. La chirurgie conservatrice est systématiquement
suivie d'une radiothérapie mammaire. En fonction des différents facteurs pronostiques et prédictifs, peuvent être
réalisés en situation (néo)adjuvante, une chimiothérapie et/ou une hormonothérapie et/ou un traitement par
trastuzumab et/ou une radiothérapie post-mastectomie complémentaire.
• Dans le cas des cancers du sein métastatiques, le traitement ne peut être curatif et est essentiellement basé sur
les traitements systémiques (chimiothérapie, hormonothérapie, thérapies ciblées). L'objectif des traitements est
d'augmenter la survie des patientes et d'améliorer leur qualité de vie.

► 400 ÎUMEURS DU SEIN LJE 9 - ITEM 309


UE9 Item 309
..............................

Ne pas oublier les mesures associées:


Discussion de la stratégie thérapeutique en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) pour
définir le traitement optimal pour la patiente.
- Consultation d'annonce, explication du plan personnalisé de soin (PPS).
- Demande d'exonération du ticket modérateur (ALD 30).
Prise en charge globale, notamment psychologique, sociale, diététique.
Les soins de support prennent en charge les conséquences de la maladie et de ses traitements
et peuvent inclure, entre autres : prise en charge de la douleur, nutrition, fatigue, fertilité/sexualité,
séances d'activité physique adaptée, art-thérapie, conseils socio-esthétiques ...

5.2. Prérequis avant de décider d'un traitement


• Pour connaître les indications thérapeutiques dans les cancers du sein, il faut à l'issue du diagnostic :
1. savoir s'il s'agit d'une forme localisée (MO dans la classification TNM) ou métastatique (Ml);
2.savoir s'il s'agit d'un cancer HER2-positif ou triple-négatif ou hormono-sensible/luminal (sous-type de
cancer);
3. avoir défini les facteurs pronostiques.

6. Traitement des formes localisées


6.1. Stratégie thérapeutique et indications
• Le traitement du cancer du sein inclut des traitements loco-régionaux et des traitements systémiques.

Figure 12. Traitements loco-régionaux et traitements systémiques dans le cancer du sein localisé

Chirurgie

Traitements systémiques
Traitements loco-régionaux • Chimiothérapie à base
• Chirurgie mammaire+ procédure du d'anthracyclines +/- taxanes
ganglion sentinelle ou curage axillaire • Hormonothérapie: tamoxifene
• Radiothérapie externe (sein+/- aires et anti-aromatase
ganglionnaires) • Thérapies ciblées: trastuzumab
(anti-HER2)

• La chirurgie (du sein et des ganglions axillaires) est indiquée dans tous les cas. La radiothérapie est systématique
en cas de traitement chirurgical conservateur; en cas de mastectomie, elle sera indiquée selon les facteurs pronos­
tiques de récidive loco-régionale. Les traitements systémiques seront indiqués en fonction des facteurs pronos­
tiques de dissémination métastatique et prédictifs de réponse à un traitement.

LJE 9 - ITEM 309 1 ÎUMEURS DU SEIN 401 ◄


Tableau 6. LES INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DANS LE CANCER DU SEIN LOCALISÉ

Chimiothérapie Hormonothérapie Thérapie


Chirurgie Radiothérapie adjuvante adjuvante ciblée
anti-HER2
Cancers Si récepteurs
HER2- Après chirurgie Toujours Toujours
hormonaux positifs
positifs conservatrice :
systématique
Cancers
triple- Après Toujours Jamais Jamais
Chirurgie
négatifs mastectomie :
mammaire
indication de
et axillaire
radiothérapie
homolatérale
très fréquente
Cancers (tient compte Si facteurs
hormono- des facteurs de mauvais Toujours** Jamais
sensibles de mauvais pronostic*
pronostic)

*Cf. tableau 2 ; dans ce cas, les indications ne sont pas consensuelles, mais en cas d'envahissement ganglionnaire ou de
grade Ill, la chimiothérapie est proposée.
**Si une tumeur présente l'ensemble des facteurs de bon pronostic chez une patiente ménopausée, on peut se passer d'hor­
monothérapie adjuvante (non consensuel).

6.2. Traitement loco-régional chirurgical


• Le traitement chirurgical est le premier temps thérapeutique, permettant le recueil des éléments pronostiques
issus de l'examen anatomo-pathologique de la tumeur ainsi que l'étude des ganglions axillaires.

6.2.1. Traitement chirurgical conservateur


• Il consiste en l'exérèse de la tumeur et d'une marge de sécurité.
• Il s'agit d'une tumorectomie (tumeur palpable) ou d'une mastectomie partielle (exérèse de la zone repérée par
imagerie avec mise en place d'un clip dans le cas des tumeurs non palpables, aussi appelée zonectomie).
• En raison du dépistage organisé permettant de diagnostiquer des cancers du sein de petite taille, le traitement
conservateur est possible dans 60-65 % des cas.
• En revanche, l'indication de conservation mammaire n'est pas possible en cas d'atteinte multifocale ou de taille
> 3-5 cm en fonction du volume mammaire.

6.2.2. Traitement chirurgical radical (mastectomie)


• Il consiste en l'ablation du sein et de son revêtement cutané ainsi que du mamelon.
• Les indications de mastectomie sont les suivantes : après chimiothérapie néo-adjuvante dans les cancers du sein
inflammatoires, en cas de non réduction ou de réduction insuffisante du volume tumoral après chimiothérapie
néo-adjuvante, lorsque le traitement conservateur n'est pas réalisable (exemple: cancer du sein multifocal, exten­
sion diffuse de lésions de carcinome in situ... ).

6.2.3. Curage ganglionnaire axillaire - technique du ganglion sentinelle


• Le curage ganglionnaire homolatéral est un élément essentiel du bilan d'extension, effectué dans le même temps
chirurgical que le sein. L'examen anatomo-pathologique de tous les ganglions prélevés sera systématique.
• Le curage axillaire est la principale cause de morbidité du geste chirurgical par les douleurs résiduelles, le risque de
périarthrite scapulo-humérale, de lymphœdème avec les contraintes que cette complication impose. Pour éviter
ces complications, en l'absence de signe clinique d'infiltration axillaire, une stratégie de prélèvement des ganglions
sentinelies est la règle.

► 402 ÎUMEURS DU SEIN I UE 9 - ITEM 309


UE9 ltem309
........ __________

• L'étude du ganglion sentinelle a pour but de prélever les premiers relais ganglionnaires de drainage afin d'épargner
un curage extensif et de limiter les effets secondaires. En cas d'absence d'atteinte ganglionnaire significative, le
curage pourra être évité. La technique la plus fiable comporte une injection la veille de l'intervention d'un traceur
radioactif à proximité de la tumeur, puis le jour de l'intervention d'un colorant vital et seul(s) le(s) ganglion(s)
coloré(s) et/ou radioactif(s) et/ou suspect(s) cliniquement est (sont) prélevé(s) et examiné(s). En cas d'atteinte
histologique, le curage ganglionnaire sera complété de façon à préciser l'importance de celle-ci.

6.3. Radiothérapie loco-régionale


• L'intérêt de la radiothérapie dans le cancer du sein est de diminuer le risque de récidive loco-régionale, et d'aug­
menter ainsi la survie globale des patientes.
• La radiothérapie mammaire est systématique après une chirurgie conservatrice. Elle associe une radiothérapie
externe de l'ensemble du sein et un complément d'irradiation sur le lit opératoire ( « boost ») par des photons
ou des électrons ou une curiethérapie interstitielle. La radiothérapie pariétale (après mastectomie) associée à un
complément de dose dans le lit opératoire est indiquée en présence de plusieurs facteurs de mauvais pronostique:
T3-T4, atteinte ganglionnaire (pN+ ), âge jeune (< 35 ans), grade III, présence d'emboles tumoraux.
• Les effets aigus de la radiothérapie externe comprennent essentiellement un érythème cutané, pouvant aller
jusqu'à une épidermite exsudative en fin de radiothérapie (cf item 291). Parmi les effets secondaires tardifs (sur­
venant au-delà de 6 mois après la radiothérapie), l'hyperpigmentation, la fibrose mammaire et des douleurs post­
thérapeutiques sont les plus fréquentes (cf item 291).
• La radiothérapie des aires ganglionnaires est justifiée en cas d'atteinte ganglionnaire axillaire. Elle comporte une
irradiation du creux sus-claviculaire et de la chaîne mammaire interne.

6.4. Traitement adjuvant systémique


• Le traitement adjuvant systémique vise à détruire des micro-métastases qui ne sont pas décelées par le bilan
d'extension mais dont la probabilité peut être définie en fonction des caractéristiques de la tumeur.
• Pour que le risque de dissémination sous forme de micro-métastases soit faible (< 1 %) et ne justifie pas la pro­
position d'un traitement adjuvant, il faut que toutes les caractéristiques suivantes soient observées: tumeur infra
centimétrique, sans envahissement ganglionnaire, tumeur de grade 1, récepteurs hormonaux présents, chez une
patiente âgée de plus de 35 ans.
• Dans tous les autres cas, un traitement adjuvant est proposé et l'efficacité par éradication précoce des micro­
métastases en termes de réduction des rechutes et de la mortalité par cancer du sein est établie.
• Ces traitements adjuvants incluent trois familles d'agents qui seront proposées, et quelques fois associées, en fonc­
tion des caractéristiques tumorales et des facteurs pronostiques et prédictifs.

6.4. 1. Traitements adjuvants anti-hormonaux


• Un traitement anti-hormonal (paradoxalement appelé hormonothérapie) est indiqué en cas d'expression des
récepteurs hormonaux par la tumeur primitive. La durée est généralement de 5 ans, même si une prolongation
peut être discutée.
• Les options possibles incluent :
1) Anti-œstrogènes : tamoxifène
- Il agit par liaison compétitive aux récepteurs aux œstrogènes au niveau des cellules mammaires, tout en
possédant des effets estrogéniques sur d'autres tissus (os, endomètre...).
- Le tamoxifène est indiqué chez les patientes non ménopausées ou en périménopause.
- Il est parfois prescrit chez les patientes ménopausées en cas de contre-indications ou de mauvaise tolérance des
inhibiteurs de l'aromatase.
- Les effets indésirables sont dominés par une majoration des bouffées de chaleur, une prise de poids, des
leucorrhées, des accidents thromboemboliques et une augmentation du risque de cancer de l'endomètre.

UE 9 - ITEM 309 1 ÎUMEURS DU SEIN 403 ◄


2) Inhibiteurs de l'aromatase : anastrozole, letrozole, exemestane
- Ils inhibent la conversion des stéroïdes surrénaliens en œstrogènes dans les tissus périphériques.
- Ils n'ont pas d'effet sur la production d'œstrogènes par les ovaires et leur administration est donc réservée à la
femme ménopausée.
- Les principaux effets secondaires sont des bouffées de chaleur, des arthralgies, une dyslipidémie et une
ostéoporose.

6.4.2. Chimiothérapie (néo)adjuvante


• La chimiothérapie adjuvante est administrée sous forme d'association de médicaments cytotoxiques combinant
de manière concomitante ou séquentielle le cyclophosphamide, une anthracycline et/ou un taxane. Le nombre de
cycles varie entre 4 et 8 sur une durée de 3 à 6 mois.
• La chimiothérapie peut être réalisée après la chirurgie : elle est dite adjuvante.
• Elle peut être réalisée avant la chirurgie en cas de tumeur volumineuse par rapport au volume mammaire ou en
cas de cancer du sein localement avancé (T3-T4, notamment les cancers du sein inflammatoires): elle sera alors
néo-adjuvante.

Traitements adjuvants Traitements néo-adjuvants


Guérir la maladie = augmenter la survie des patientes (survie globale et survie sans récidive de la maladie)
Éradiquer les micrométastases à distance
Permettre une chirurgie conservatrice (si non possible d'emblée)
Évaluer la sensibilité des cellules tumorales au traitement

• Les effets secondaires sont fréquents et traités dans l'item 291. Pour mémoire, les principaux sont:
- toxicité veineuse justifiant la mise en place d'un site d'accès veineux central;
- toxicité hématologique (leucopénie et neutropénie) avec un risque d'infection;
- toxicité cutanée, muqueuse et sur les phanères (alopécie, quasiment constante);
- nausées et vomissements dont la prévention est assurée selon les chimiothérapies prescrites, par l'emploi de
sétrons, de corticoïdes et d'un inhibiteur NKl ;
- ménopause induite dépendant de l'âge au moment du traitement et altération de la fertilité;
- neurotoxicité pour les taxanes;
- syndrome d'hyperperméabilité capillaire pour le docetaxel;
- les anthracyclines ont une cardiotoxicité dépendant de la dose cumulative;
- risque de leucémie secondaire dépendant des types de chimiothérapies et des doses utilisées.

6.4.3. Trastuzumab en situation adjuvante


• Il s'agit d'un anticorps humanisé reconnaissant un récepteur de la famille des récepteurs des facteurs de croissance
épithéliaux HER2 exprimé par environ 15 % des cancers du sein.
• Dans les formes l'exprimant, cet anticorps est proposé en administration intraveineuse ou sous-cutanée pendant
un an en débutant ce traitement de manière concomitante à la chimiothérapie adjuvante ou de manière séquen­
tielle après la fin de la chimiothérapie adjuvante.
• La toxicité est essentiellement le risque de développer une toxicité myocardique qui justifie un contrôle trimestriel
de la fonction cardiaque pendant la durée d'administration du trastuzumab par échographie ou par scintigraphie
cardiaque (évaluation de la fraction d'éjection ventriculaire).
• D'autres thérapies ciblées anti-HER2 peuvent être proposées comme le pertuzumab ou TDM-1 (cf. 7.4) (AMM
en cours· en situation adjuvante).

► 404 ÎUMEURS DU SEIN I LJE 9 - ITEM 309


UE9 ltem309
............................ - - - --- - --- ---

6.5. Prises en charge de formes cliniques particulières

6.5. 1. Cancer du sein inflammatoire


• Le diagnostic repose sur la clinique: inflammation cutanée (rougeur, chaleur, œdème), peau d'orange, augmen­
tation du volume mammaire et parfois douleur.
• Au niveau histologique, une lymphangite diffuse est observée. Dans ce cas, la chirurgie première n'est pas indi­
quée, une chimiothérapie première qualifiée de néo-adjuvante est toujours administrée, suivie d'une chirurgie
radicale avec curage axillaire et radiothérapie de la paroi et des aires ganglionnaires sus / sous-claviculaire et de la
chaîne mammaire interne.
• En cas de sur-expression tumorale de HER2, le trastuzumab est proposé en néo-adjuvant avec la chimiothérapie
puis continué en adjuvant pour obtenir une année d'exposition au total.
• Une hormonothérapie est préconisée en cas d'expression tumorale des récepteurs hormonaux.

6.5.2. Cancer du sein volumineux


• Quand le rapport entre la taille tumorale et la taille du sein n'autorise pas à envisager une conservation mam­
maire, la réalisation de la chimiothérapie peut être indiquée en induction avant le traitement local, et il faut parler
alors de chimiothérapie néo-adjuvante.
• Cette chimiothérapie a pour objectif principal de permettre un traitement local conservateur. Elle conserve cepen­
dant le même objectif d'éradication des micro-métastases.

6.5.3. Carcinome in situ


• Il s'agit d'une lésion cancéreuse dans laquelle les cellules tumorales n'ont pas franchi la membrane basale.
• Le risque métastatique est nul, il n'y a pas lieu de faire de bilan d'extension.
• Le traitement consiste le plus souvent en une chirurgie conservatrice du sein suivie d'une radiothérapie mam­
maire.
• Les formes révélées par des microcalcifications diffuses (extensives) peuvent justifier d'une chirurgie radicale par
mastectomie totale+/- une reconstruction immédiate sans radiothérapie.

7. Traitement des formes métastatiques

7.1. Stratégie thérapeutique et indications


• Dans 1 % à 35 % 1 des cas selon les cohortes, le diagnostic de maladie métastatique est synchrone du diagnostic de
tumeur mammaire primitive.
• Le délai entre le diagnostic initial et l'apparition des métastases est variable, mais le risque est plus important lors
des 5 premières années, voire dans les 2-3 premières années pour certains cancers triple-négatifs par exemple.
• Les suspicions de métastase peuvent parfois justifier une confirmation histologique. Les sites métastatiques par
ordre de fréquence sont : os, peau, ganglions, foie, plèvre/poumon. Les métastases cérébrales peuvent être fré­
quentes dans certains sous-types comme les HER2-positifs.
• La réalisation d'un bilan d'extension complet par scanner thoraco-abdomino-pelvien et scintigraphie osseuse ( ou
par TEP-TDM) en cas de détection d'une lésion métastatique s'impose, de même que la recherche d'un deuxième
cancer du sein primitif ou d'une récidive locale (examen clinique, mammographie, échographie mammaire). Le
bilan biologique comportera: numération formule sanguine et plaquettaire, bilan de coagulation, calcémie corri­
gée, bilan hépatique, créatininémie+/- CA 15.3 (cf supra).

1. Pour comprendre ces chiffres très variables: dans les cohortes de patientes pour lesquelles le cancer est découvert par mam­
mographie de dépistage, c'est < 5 % de patientes métastatiques d'emblée ; dans les cohortes de patientes suivies'en oncologie
médicale, cela peut atteindre 35 % !

LJE 9 - ITEM 309 1 ÎUMEURS DU SEIN 405 ◄


• La stratégie utilise les mêmes armes systémiques que celles décrites dans la stratégie adjuvante. Le traitement loco­
régional est actuellement controversé car le pronostic repose sur le contrôle de l'évolutivité des lésions métasta­
tiques. Dans cette situation, la stratégie thérapeutique a un objectif non curatif, mais certaines patientes peuvent
obtenir de longues survies.

Tableau 8. LES INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DANS LE CANCER DU SEIN MÉTASTATIQUE


Bisphos-
Chimiothérapie Hormono- Anti-HER2 Autres thérapies phonates ou
thérapie ciblées denosumab

Toujours
Possible en relai
(trastuzumab
Cancers Toujours
de la chimiothérapie
et/ou autres Jamais
HER2-positifs si récepteurs
thérapies anti-
hormonaux positifs
HER2)

Systématique
Cancers Possibilité d'anti-
si métastases
triple- Toujours Jamais Jamais angiogénique+
négatifs osseuses
chimiothérapie

Possible si maladie
Cancers progressant sous Possibilité
Traitement
hormono- hormonothérapies Jamais de thérapie ciblée+
sensibles préférentiel
ou agressive (crise hormonothérapie
viscérale)

7.2. Traitement anti-hormonal


• Il n'est indiqué qu'en cas d'expression des récepteurs hormonaux par la tumeur primitive ou de manière plus
prédictive par un site métastatique.
• Les possibilités reposent sur:
- la suppression de l'activité ovarienne chirurgicale ou par analogues de la LHRH;
- les anti-œstrogènes: tamoxifène et fulvestrant;
- les anti-aromatases: letrozole, anastrozole et exemestane.

7 .3. Chimiothérapie
• Il utilise souvent une mono-chimiothérapie. Les molécules suivantes peuvent être utilisées : anthracyclines,
taxanes, capecitabine (prodrogue orale du 5-fluorouracile), vinorelbine, éribuline ...

7 .4. Inhibiteurs de HER2


• Dans les formes tumorales qui expriment HER2, l'anticorps trastuzumab associé à la chimiothérapie (en général
des taxanes) est proposé et a démontré une amélioration considérable du pronostic de ces tumeurs.
• D'autres traitements anti-HER2 ont été développés et contribuent à l'efficacité de la prise en charge des patientes
métastatiques comme
- le pertuzumab (anticorps anti-HER2 qui se fixe sur un site distinct de celui du trastuzumab);
- le TDM-1 (trastuzumab combiné par un liant biologique avec une molécule de chimiothérapie);
- le lapatinib (inhibiteur de tyrosine kinase intracellulaire du récepteur HER2).

► 406 ÎUMEURS DU SEIN UE 9 - ITEM 309


UE9 Item 309
..............................

7.5. Autres thérapies ciblées


• Des thérapies ciblées ont l'autorisation de mise sur le marché dans le cancer du sein métastatique HER2-négatif:
- un anticorps monoclonal anti-VEGFR (Vascular Endothelial Growth Factor Receptor), récepteur impliqué
dans l'angiogenèse (le bevacizumab);
- une molécule qui inhibe la voie mTOR impliquée entre autres dans la prolifération cellulaire (l'évérolimus);
- des molécules qui agissent sur des enzymes impliquées dans le cycle cellulaire, les CDK, cyclines dependent
kinases.

7 .6. Bisphosphonates et denosumab


• Bisphosphonates ou denosumab sont systématiquement indiqués en cas de métastases osseuses et ont pour objectif
de diminuer les complications induites par ces métastases (fractures, compressions médullaires, douleurs ...).
• Les deux principaux effets secondaires sont le risque d'ostéonécrose de la mâchoire et le risque d'hypocalcémie.
• Un bilan bucco-dentaire est systématique avant toute prescription.
• Les bisphosphonates (clodronate, pamidronate, zoledronate) inhibent l'activation des ostéoclastes, cellules qui
participent physiologiquement à la résorption osseuse et, dans des conditions métastatiques, à l'ostéolyse métas­
tatique.
• Le denosumab, un anticorps anti-RANK ligand, agit également en diminuant la résorption osseuse.

8. Suivi des patients présentant un cancer du sein

8.1. Cancer du sein localisé traité


• La surveillance a deux objectifs: détecter une récidive locale ou à distance, un deuxième cancer du sein et prendre
en charge les effets secondaires des traitements. Ses modalités et ses bénéfices doivent être expliqués à la patiente.
• Le rythme recommandé est une consultation tous les 6 mois pendant 5 ans pour un examen clinique complet
(incluant examen mammaire et des aires ganglionnaires). Une évaluation de la tolérance des traitements doit
être réalisée à chaque consultation (post-chirurgie : abduction de l'épaule, lymphœdème; post-radiothérapie :
troubles trophiques cutanés; post-chimiothérapie: correction de l'alopécie, signes d'insuffisance cardiaque; hor­
monothérapie: bouffées de chaleur, libido, dyspareunie, sécheresse vaginale ...).
• Seule une mammographie annuelle couplée à une échographie mammaire à vie est recommandée comme examen
d'imagerie.

8.2. Cancer du sein métastatique


• La surveillance est variable et elle est adaptée aux traitements proposés, à l'évolutivité tumorale, aux sites métas­
tatiques.

► Références

• Guide - affection longue durée - Tumeur maligne, affection maligne du tissu lymphatique ou hématopoïétique : Cancer du sein,
Janvier 201O. HAS
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_927251/fr/ald-n-30-cancer-du-sein
• Cancers du sein/Du diagnostic au suivi. Mars 2016. INCa
http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Recommandations-et-outils-d-aide-a-la-pratique/Cancers-du-sein
• Item 309 : Tumeurs du sein. Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF). 2011
http://campus.cerimes.fr/gynecologie-et-obstetrique/enseignement/item159/site/htm I/1.htm 1
• World Cancer Report 2014, International Agency for Research on Cancer, Lyon 2014.
http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World-Cancer-Reports/World-Cancer-Report-2014
LJE 9 - ITEM 309 1 ÎUMEURS DU SEIN 407 ◄
POINTS CLÉS

Epidémiologie Facteurs de risque


1er cancer chez la femme : + de 50 ooo • l'âge, les antécédents personnels et familiaux
nouveaux cas/an et 12 ooo décès/an • les facteurs hormonaux
en France • les facteurs génétiques (BRCA1, BRCA2)

Circonstances diagnostiques Examens complémentaires Diagnostic positif Bilan d'extension


Dépistage (mammographie)
ou signes cliniques
I+ Mammographie (si non faite)
+ écho mammaire et aires
1-+ Biopsie +
examen anatomo-
.... Clinique +/- imagerie
(scanner TAP + scintigraphie
ganglionnaires pathologique osseuse ou TEP-TDM)

� /
Cancer du sein localisé Cancer du sein métastatique

Facteurs pronostiques+/· prédictifs Facteurs pronostiques+/· prédictifs


N, grade, taille, âge, inflammation, emboles, Age, OMS, chimio pour un stade localisé, délai de
récepteurs hormonaux (RE/ RP) et HER2 récidive, crise viscérale, récepteurs hormonaux (RE/ RP)
et HER2

1� �I
1 Définition du type de cancer selon H ER2 et les récepteurs hormohaux

« Hormonbsensible » (70 %) : HER2-, RH+ 1


HER2-positifqs %) :
1
Triple-négatif (15 %)
HER2+ , RH+ ou RH- HER2-, RE-, RP-

+
Traitements des cancers localisés*
+
Traitements des cancers métastatiques
Traitement chirurgical (sein + ganglion axillaire Chimiothérapie : toujours si cancer HER2-positif ou
homolatéraux) : toujours triple-négatif et selon facteurs pronostiques dans les
cancers hormonosensibles (notamment si crise viscérale)
Chimiothérapie (néo)adjuvante : toujours si
cancer HER2-positif ou triple-négatif et selon facteurs Hormonothérapie : à privilégier si cancer
pronostiques dans les cancers hormonosensibles hormonosensible
Trastuzumab (néo)adjuvant : si HER2+
Traitements anti-HER2 : toujours si cancer HER2-positif
Radiothérapie (mammaire ou pariétale +/- aires
Bisphosphonates ou denosumab si métastases osseuses
ganglionnaires) : presque toujours

Hormonothérapie adjuvante : si RH+

*dans l'ordre dans lequel ils sont le plus fréquemment effectués


RH: récepteurs hormonaux ; RE: récepteurs aux estrogènes, RP : récepteurs à la progestérone

► 408 TUMEURS DU SEIN LJE 9 - ITEM 309


, UE9 Item 309
.. .. .... __________

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. C'est le cancer le plus fréquent chez la femme.


2. Penser à proposer une consultation d'onco-génétique en cas de diagnostic chez une femme
jeune ou d'antécédent familiaux.
3. Bien connaître les différents éléments de l'analyse anatomo-pathologique (cf. encadré Points
clés: les éléments obtenus par l'examen anatomo-pathologique).
4. Connaître la classification TNM.
5. Savoir distinguer un cancer HER2-positif, triple-négatif ou hormonosensible.
6. Pour les stratégies thérapeutiques, connaître les tableaux 6 et 8.

LJE 9 - ITEM 309 � ÎUMEURS DU SEIN 409 ◄


' UE9 Item 310
�.... _ ----------

CHA PITRE ►�--------------------------------------


Tumeurs du testicule
Pr Stéphane Culine1 , Dr Aude Fléchon2, Pr Nicolas Mottet', Pr Karim Fizazi4
'Service d'Oncologie Médicale, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris
'Département d'Oncologie Médicale, Centre Léon Bérard, Lyon
'Service d'Urologie, CHU Saint-Etienne
'Département de Médecine Oncologique, Gustave Roussy, Villejuif

1. Nosologie OBJECTIFS iECN


2. Epidémiologie et facteurs de risque ➔ Tumeurs du testicule
3. Histoire naturelle
- Diagnostiquer une tumeur du testicule
4. Diagnostic
4.1. Symptômes cliniques
4.2. Examen clinique
4.3. Marqueurs tumoraux sériques
4.4. Imagerie
4.5. Orchidectomie Mots clés: Alphafoetoprotéine - Chimiothérapie -
4.6. Anatomo-pathologie Cisplatine - Cryoconservation de sperme -
5. Stadification et pronostic Échographie scrotale - Guérison - Hormone
5.1. Bilan d'extension chorionique gonadotrope - Orchidectomie -
5.2. Scores pronostiques Séminome - Tomodensitométrie thoraco­
6. Diagnostics différentiels abdomino-pelvienne - Tumeur germinale - Tumeur
7. Principes thérapeutiques au décours de non séminomateuse.
l'orchidectomie
7.1. Stades localisés
7.2. Stades métastatiques
............................................................................
: :

1. Nosologie
• La très grande majorité(> 90 %) des tumeurs du testicule correspond à des tumeurs germinales (Tableau 1).

--
Tableau 1: CLASSIFICATION ANATOMO-PATHOLOGIQUE DES TUMEURS DU TESTICULE -

Tumeurs germinales Tumeurs non germinales

• Séminomes purs • Tumeurs à cellules de Leydig


• Tumeurs à cellules de Sertoli
• Tumeurs non séminomateuses • Gonadoblastomes
- Carcinome embryonnaire • Adénocarcinomes du rete testis
- Tumeur vitelline • Mésothéliomes de la vaginale
- Choriocarcinome • Lymphomes
- Tératome • Métastases

• Les tumeurs non germinales(< 10 %) constituent un groupe de tumeurs très hétérogènes, bénignes ou malignes,
principalement issues des tissus de soutien du testicule.

LJE 9 - ITEM 31 Ü TUMEURS DU TESTICULE 411 ◄


C'est la démarche diagnostique des tumeurs germinales qui sera traitée dans ce chapitre (Figure 1 ). Elle doit
être parfaitement conduite dans la mesure où la prise en charge thérapeutique qui en découle a pour objectif
la guérison du patient ... et que tout écart risque de la compromettre!

Figure 1. Démarche diagnostique d'une tumeur du testicule

Circonstances de découverte

Le plus souvent
Signes locaux (augmentation de volume, douleur)

Plus rarement
Gynécomastie (penser tumeur germinale+++)

+
Signes de dissémination métastatique

Échographie scrotale
Nodule hétérogène intra-testiculaire

t
Diagnostic présomptif de tumeur germinale...


jusqu'à preuve du contraire

Bilan avant orchidectomie

Cryoconservation de sperme
Dosage des marqueurs tumoraux sériques
Tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne

+
Orchidectomie

Séminome pur
Tumeur germinale non séminomateuse

+
Stadification

Stade localisé
Marqueurs tumoraux sériques normaux ou normalisés
et TDM thoraco-abdomino-pelvienne normale

Stade métastatique
Marqueurs tumoraux sériques non normalisés
et/ou TDM thoraco-abdomino-pelvienne anormale

Groupe pronostique de la classification internationale

2. Épidémiologie et facteurs de risque


• Les tumeurs germinales du testicule sont des cancers rares puisqu'elles représentent entre 1 et 1,5 % des cancers
de l'homme.
• L'incidence est cependant en constante augmentation, avec un nombre de nouveaux cas d'environ 2 000 par an
en France au début des années 2010 (2 300 en 2015), soit une incidence de 7/100 000 hommes. Elle est plus élevée
dans les pays scandinaves, similaire en Amérique du Nord et nettement moindre en Afrique et en Asie.

► 412 TUMEURS DU TESTICULE I LJE 9 - ITEM 31 Ü


UE9 Item 310
... ___ ................
,.

• Il s'agit d'un cancer qui touche l'homme jeune avec un pic de fréquence autour de la troisième décennie.
• Les principaux facteurs de risque identifiés sont décrits dans le tableau 2.

Tableau 2: FACTEURS DE RISQUE DES TUMEURS GERMINALES DU TESTICULE

• Antécédent de cryptorchidie, le risque persistant après abaissement testiculaire


• Antécédents familiaux du premier degré de tumeur germinale du testicule
• Antécédent personnel de tumeur germinale (ou de néoplasie germinale intratubulaire) du testicule controlatéral
• Consommation précoce et régulière de cannabis
• Trisomie 21
• Et à un moindre degré l'infertilité

• Les tumeurs germinales du testicule ont la particularité d'être associées à un très bon pronostic, avec une
survie à 5 ans de plus de 95 % tous stades confondus. Le nombre de décès en France a été de moins de 100 par an
au cours des dernières années, soit un taux de mortalité de 0,2/100 000 hommes, en constante diminution. Ces
données illustrent les progrès thérapeutiques très importants réalisés au cours des dernières décennies, notam­
ment depuis l'utilisation du cisplatine dans les protocoles de chimiothérapie.

3. Histoire naturelle
• Les tumeurs germinales du testicule dérivent des gonocytes primordiaux, précurseurs embryonnaires des gamètes
de l'adulte, et partagent une lésion pré-cancéreuse commune appelée néoplasie germinale intra-tubulaire indiffé­
renciée. La carcinogénèse est mal connue. Les premières étapes sont possiblement en relation avec une exposition
maternelle à des perturbateurs endocriniens.
• Après un développement le plus souvent local, la dissémination tumorale peut s'effectuer par voie sanguine ou
lymphatique. La voie lymphatique suit les pédicules vasculaires spermatiques, qui naissent directement de l'aorte
lombaire et se jettent dans la veine cave inférieure à droite et la veine rénale à gauche, tandis que la voie hémato­
gène est celle de la veine spermatique. Les premiers sites métastatiques atteints sont donc les ganglions rétro­
péritonéaux (Figure 2) et les poumons.

Figure 2. Métastases ganglionnaires rétropéritonéales (interaorticocaves) et métastase hépatique


d'une tumeur germinale non séminomateuse du testicule droit

LJE 9 - ITEM 310 1 ÎUMEURS DU TESTICULE 41 3 ◄


4. Diagnostic
4.1. Symptômes cliniques
• Classiquement, les tumeurs germinales du testicule sont diagnostiquées à l'occasion de symptômes locaux: aug­
mentation progressive du volume testiculaire, autopalpation d'une masse scrotale, douleurs.
• Elles peuvent se révéler également de manière plus aiguë, à l'occasion d'une orchite ou d'un traumatisme scrotal.
• Une découverte fortuite lors d'une échographie réalisée dans le cadre d'un bilan, d'infertilité par exemple, est aussi
possible.
• Plus rarement, le diagnostic est porté au cours du bilan d'une masse abdominale, d'une adénopathie sus-clavi­
culaire gauche (ganglion de Troisier), d'une gynécomastie (liée à la sécrétion tumorale d'hormone chorionique
gonadotrope), ou encore d'une altération de l'état général ou d'une dyspnée dans les formes massivement métas­
tatiques d'emblée.

4.2. Examen clinique


• La palpation scrotale doit être bilatérale et comparative. Elle met en évidence un nodule ou une masse dévelop­
pée au dépend du testicule, de consistance dure et irrégulière, et indépendante de l'épididyme (avec conservation
du sillon épididymo-testiculaire ou signe de Chevassu).
• L'examen clinique doit également comporter la palpation des aires ganglionnaires sus-claviculaires gauches et
la palpation abdominale (à la recherche d'une hépatomégalie ou d'une masse abdominale), ainsi qu'un examen
général (pleuropulmonaire ...) à la recherche de signes d'une ou plusieurs localisations métastatiques.

4.3. Marqueurs tumoraux sériques


• Les trois marqueurs d'intérêt sont l'alphafoetoprotéine (AFP), l'hormone chorionique gonadotrope (hCG)
totale et les lactates déshydrogénases (LDH).
- L'AFP n'est élevée qu'en cas de tumeur germinale non séminomateuse. Sa demi-vie est de 5 à 6 jours. Son
élévation peut également être retrouvée dans certaines pathologies hépatiques, bénignes ou malignes.
- L'hCG totale peut être élevée en cas de tumeur germinale séminomateuse ou non séminomateuse. Sa demi-vie
est de 2 à 3 jours.
- Les LDH n'ont pas de spécificité d'organe mais reflètent la masse tumorale.
• Ils ont un triple rôle diagnostique, pronostique et de suivi au cours de la prise en charge des tumeurs germinales
du testicule (Tableau 3).

Tableau 3: LA PLACE DES MARQUEURS TUMORAUX SÉRIQUES DANS LA PRISE EN CHARGE DES TUMEURS GERMINALES DU TESTICULE
• Rôle diagnostique
- Avant l'orchidectomie, l'élévation de l'AFP et/ou de l'hCG confirme quasiment avant l'anatomo-pathologie le
diagnostic de tumeur germinale.
- Leur élévation peut être suffisante comme critère diagnostique pour engager un traitement sans réaliser
l'orchidectomie si le tableau clinique le justifie (métastases menaçantes).
• Rôle dans la stadification de la maladie
- Si la tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne est normale, la normalisation des marqueurs est nécessaire
pour conclure au stade localisé de la maladie.
• Rôle pronostique
- Lorsque la tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne montre des métastases, le niveau d'élévation des
marqueurs permet d'intégrer le patient dans un des groupes pronostiques de la classification internationale pour les
tumeurs germinales non séminomateuses (cf. Tableau 5).
• Rôle dans la surveillance après traitement
-Après traitement, la surveillance des patients repose sur l'examen clinique, l'imagerie et le dosage régulier des
marqueurs tumoraux sériques.

► 414 ÎUMEURSDUTESTICULE I LJE9-ITEM31Q


UE9 Item 310
• ..........................

4.4. Imagerie
• L'examen de référence est l'échographie scrotale. Elle permet, outre de confirmer l'origine testiculaire de la masse
scrotale, d'explorer le testicule controlatéral. L'aspect échographique d'une tumeur germinale se présente volon­
tiers sous la forme d'un nodule hyp oéchogène, possiblement hétérogène, volontiers hypervascularisé en mode
doppler.

4.5. Orchidectomie
• Le diagnostic positif final d'une tumeur germinale du testicule repose sur l'analyse anatomo-pathologique de la
pièce d'orchidectomie.
• Une tumeur testiculaire ne doit jamais être biopsiée : toute découverte d'une masse intra-testiculaire est un
cancer jusqu'à preuve anatomo-pathologique du contraire et doit conduire à la réalisation d'une exploration
scrotale par voie inguinale. Celle-ci se fait sous anesthésie générale ou sous rachianesthésie, après clampage haut
et premier du cordon spermatique à l'orifice inguinal profond pour éviter toute dissémination hématogène lors de
la mobilisation de la masse. La pièce opératoire comporte ainsi le testicule, ses annexes et le cordon spermatique
jusqu'à l'orifice inguinal.
• Une prothèse testiculaire peut être mise en place dans le même temps ou à distance.
• Un recueil de sperme pour cryoconservation doit être systématiquement proposé au patient, au mieux avant
l'orchidectomie, au sein d'un CECOS (Centre d'Étude et de Conservation des Œufs et du Sperme humain). Il
s'agit d'une mesure médico-légale dans la mesure où la maladie elle-même et les traitements peuvent être respon­
sables de troubles de la fertilité.
• Une orchidectomie partielle peut être proposée dans des circonstances particulières, comme par exemple en cas
de testicule unique.

4.6. Anatomo-pathologie
• Le compte rendu anatomo-pathologique apporte le diagnostic positif de tumeur germinale et précise les diffé­
rentes composantes observées. La prise en charge clinique impose de distinguer les séminomes purs d'une part
et les tumeurs non séminomateuses d'autre part. Le stade pî est également précisé (Tableau 4).

Tableau 4: CLASSIFICATION DU STADE PATHOLOGIQUE DONNÉ À PARTIR DE LA PIÈCE D'ORCHIDECTOMIE

Stade pT
pTis • Néoplasie germinale intra-tubulaire indifférenciée

pT1 • Tumeur limitée au testicule et à l'épididyme SANS invasion vasculaire

pT2 • Tumeur limitée au testicule et à l'épididyme AVEC invasion vasculaire


ou
• Invasion de la tunique vaginale

pT3 • Envahissement du cordon spermatique

pT4 • Envahissement du scrotum

5. Stadification et pronostic
5.1. Bilan d'extension
• La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne est l'examen d'imagerie de référence pour le bilan d'ex­
tension de la maladie.
• Les principales régions d'intérêt à la recherche d'une dissémination métastatique sont le rétropéritoine, le foie, le
médiastin et les poumons.
LJE 9 - ITEM 31 Ü I TUMEURS DU TESTICULE 415 ◄
• L'imagerie par TEP-FDG n'a aucune place dans le bilan initial.
• L'imagerie cérébrale doit être réalisée en cas de maladie métastatique extra-ganglionnaire, de signes de localisa­
tion neurologique ou de forme de mauvais pronostic.
• La scintigraphie osseuse ou l'échographie hépatique ne sont demandées qu'en cas de point d'appel clinique.
• Le suivi des marqueurs tumoraux sériques et les résultats de la tomodensitométrie thoraco-abdomino­
pelvienne permettent de déterminer le stade localisé ou métastatique de la tumeur germinale. Les stades
localisés sont définis par la normalisation des marqueurs tumoraux sériques dans les suites de l'orchidectomie et
l'absence de métastase décelable sur la tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne.

5.2. Scores pronostiques


• Les patients dont la maladie est métastatique sont classés dans un des trois groupes pronostiques de la classi­
fication internationale établie en 1997, en fonction du site des métastases et du niveau d'élévation des marqueurs
tumoraux sériques au décours de l'orchidectomie (Tableau 5).

Tumeurs séminomateuses pures


Bon pronostic
Absence de métastases viscérales Absence de métastases viscérales
extra-pulmonaires extra-pulmonaires
et
AFP< 1000ng/ml
et
hCG< 5000 Ul/1
et
LDH < 1,5xN

Survie à sons: 86 % Survie à sans: 92 %

Pronostic intermédiaire
Présence de métastases viscérales Absence de métastases viscérales
extra-pulmonaires extra-pulmonaires
et
1000,; AFP s 10000ng/ml
ou
5000,; hCG,; 50000 Ul/1
ou
1,5,; LDH ,; 10xN

Survie à sans: 72 % Survie à sans: Bo %

Mauvais pronostic
Pas de sous-groupe de mauvais pronostic Présence de métastases viscérales
en cas de tumeur séminomateuse pure extra-pulmonaires
ou
AFP> 10000ng/ml
ou
hCG>50000 Ul/1
ou
LDH>10xN

Survie à sans : 48 %

AFP : alphafoetoprotéine; hCG: hormone chorionique gonadotrope; LDH : lactico-déshydrogénases.

► 416 ÎUMEURS DU TESTICULE I LJE 9 - ITEM 310



UE9 Item 310
...... .. ..........

6. Diagnostics différentiels
• Le principal diagnostic différentiel est l'orchi-épididymite, qui se distingue par la présence de signes infectieux
pouvant être marqués (fièvre, douleur), de troubles urinaires ou d'un ECBU positif, et un signe de Chevassu
négatif.
• En cas de doute, l'échographie testiculaire pourra trancher en mettant en évidence un épaississement et un aspect
hypervascularisé de l'épididyme.
• L'hydrocèle vaginale est facilement reconnaissable par son aspect régulier et de consistance hydrique.
• Les autres diagnostics différentiels peuvent facilement être éliminés cliniquement ou à l'échographie (kyste de
l'épididyme, varicocèle, hernie inguino-scrotale ...).

7. Principes thérapeutiques au décours


de l'orchidectomie (Hors programme ECNJ

7.1. Stades localisés


• L'orchidectomie seule permet de guérir 85 % des patients présentant un séminome pur et 70 % des patients pré­
sentant une tumeur non séminomateuse. Les patients sont donc le plus souvent surveillés et traités uniquement
si une récidive est détectée. Une chimiothérapie adjuvante peut également être proposée. La décision est prise
en concertation avec les patients dans la mesure où les taux de guérison sont proches de 100 % quelle que soit
l'attitude retenue.

7.2. Stades métastatiques


• Le traitement repose sur la chimiothérapie et la chirurgie.
• Les modalités de la chimiothérapie sont définies selon le groupe pronostique dans lequel le patient a été classé.
• Les trois principales molécules de chimiothérapie utilisées sont le cisplatine, l'étoposide et la bléomycine.
• L'objectif de la chimiothérapie est d'obtenir la normalisation des marqueurs tumoraux sériques.
• Au décours de la chimiothérapie, l'exérèse de l'ensemble des métastases résiduelles supra-centimétriques doit être
réalisée chez les patients présentant une tumeur non séminomateuse.
• Les taux de survie sont indiqués dans le tableau 5 et sont compris entre 50 % et plus de 90 % en fonction des
groupes pronostiques.

► Références

• Recommandations en onco-urologie 2016 du CCAFU: Tumeurs germinales du testicule. www.urofrance.org


• ALD n° 30. Guide patient. Cancer du testicule. HAS. 2011.

LJE 9 - ITEM 310 1 ÎUMEURS DU TESTICULE 417 ◄


POINTS CLÉS

1. Les tumeurs germinales du testicule représentent la première cause de tumeur maligne solide
de l'homme jeune.
2. Les marqueurs tumoraux sériques (AFP, hCG, LDH) ont un triple rôle dans le diagnostic, le pro­
nostic et le suivi.
3. La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne est l'examen d'imagerie de référence pour
le bilan d'extension de la maladie.
4. Le diagnostic positif repose sur l'analyse anatomo-pathologique de la pièce d'orchidectomie
(les biopsies sont interdites).
S. Une conservation du sperme doit être obligatoirement proposée, au mieux avant tout acte
thérapeutique.
6. Les formes métastatiques doivent être classées dans un des trois groupes pronostiques de la
classification internationale.
7. Le cisplatine est la molécule de chimiothérapie qui a permis de transformer le pronostic des
tumeurs germinales métastatiques.
8. Le pronostic est excellent (taux de guérison de l'ordre de 95 %) à condition d'une prise en
charge diagnostique et thérapeutique adaptée.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Toute tumeur du testicule de l'adulte jeune est un cancer (une tumeur germinale) jusqu'à
preuve du contraire.
2. Une gynécomastie ou des douleurs lombaires chez l'adulte jeune doivent faire évoquer le dia­
gnostic de tumeur germinale du testicule.
3. Les séminomes purs ne s'accompagnent jamais d'une élévation de l'AFP.
4. L'imagerie parTEP-FDG n'a pas de place dans le bilan d'extension de la maladie.
S. Sur le plan anatomo-pathologique, il faut séparer les séminomes purs (50 % des tumeurs envi­
ron) d'une part et les tumeurs non séminomateuses d'autre part.
6. Les tumeurs non séminomateuses peuvent être pures (1 seul composant) ou mixtes (plusieurs
composants dont possiblement du séminome).
7. La définition du stade localisé ou métastatique de la maladie inclut la tomodensitométrie
abdomino-pelvienne ET les marqueurs tumoraux sériques (AFP, hCG, LDH).
8. Dans la classification internationale des formes métastatiques, le niveau d'élévation des mar­
queurs tumoraux sériques est déterminé lors du nadir post-orchidectomie et non avant l'orchidec­
tomie.

► 418 ÎUMEURS DU TESTICULE I LJE 9 - ITEM 310


UE9 Item 311
• ................ ..
'

CHAPITRE ►--------------------------------------
Tumeurs vésicales
Dr François Audenet',Pr Catherine Durdux2, Pr Nadine Houede3,
Pr Marc-Olivier Timsit', Pr Stéphane Oudard4
'Service d'Urologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris
2
Service d'Oncologie Radiothérapie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris
3 Service d'Oncologie médicale, Centre Hospitalier Universitaire de Nîmes
•service d'Oncologie médicale, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris
............................................................................
.. ..
· 1. Épidémiologie - Facteurs de risque OBJECTIFS iECN
2. Anatomo-pathologie
� Tumeurs vésicales
3. Diagnostic
- Diagnostiquer une tumeur vésicale
3.1. Circonstances de découverte
3.2. Bilan initial
4. Bilan d'extension
4.1. TVNIM
4.2. TVIM Mots clés: BCG - Carcinome urothélial -
S. Bilan pré-thérapeutique Chimiothérapie - Cystectomie - Cystoscopie -
6. Évolution et pronostic Cytologie urinaire - Immunothérapie -
7. Bases du traitement Radiothérapie - Résection trans-urétrale de vessie -
7.1. Mesures générales Tumeur de vessie infiltrant le muscle - Tumeur de
7.2. Principes de traitement des TVNIM vessie n'infiltrant pas le muscle.
7.3. Principes de traitement des TVIM
7.4. Suivi des TVIM

• Les tumeurs vésicales représentent une entité hétérogène, avec deux formes cliniques extrêmement différentes en
termes de prise en charge et de pronostic.
• Ces tumeurs résultent le plus souvent du contact prolongé entre la muqueuse vésicale et les carcinogènes présents
dans les urines, au premier rang desquels on retrouve le tabac.
• Toute la démarche diagnostique et thérapeutique repose sur la distinction entre une tumeur de vessie n'infiltrant
pas le muscle vésical (TVNIM) et une tumeur de vessie infiltrant le muscle (TVIM). Par conséquent, il est primor­
dial, lors de l'évaluation initiale, d'obtenir un diagnostic histologique précis, dont dépendra le bilan d'extension,
le choix éventuel d'un traitement radical ou d'un traitement adjuvant, ainsi que les modalités de surveillance.
• Si les TVNIM sont habituellement prises en charge par les urologues, les TVIM nécessitent une prise en charge
multidisciplinaire impliquant urologues, oncologues médicaux et oncologues radiothérapeutes.
• Cependant, malgré l'émergence de nouveaux traitements, le pronostic reste sombre dans les formes localement
avancées et métastatiques.

1. Épidémiologie - Facteurs de risque


• En France, avec une incidence annuelle d'environ 13 000 cas/an, le cancer de la vessie représente le sixième cancer
en incidence et le troisième cancer urologique après le cancer de la prostate et le cancer du rein.
• Les tumeurs de vessie sont responsables de 3 % des décès par cancer.

LJE 9 - ITEM 311 1 ÎUMEURS VÉSICALES 419 ◄


• L'âge moyen au diagnostic est de 70 ans, et le sexe-ratio de 4 hommes pour 1 femme.
• L'incidence augmente d'environ 1 % par an depuis 1975, principalement chez les femmes, du fait de l'intoxication
tabagique.

FACTEURS DE RISQUE
Tabac++++ Risque relatif multiplié par 5 à 10

Expositions professionnelles • Hydrocarbures aromatiques polycycliques


• Amines aromatiques
• Nitrosamines
= Exposition aux teintures, caoutchouc, goudrons, métallurgie
Bilharziose Pays d'endémie : Moyen-Orient, en paticulier en Égypte
= Risque de carcinome épidermoïde
Radiothérapie pelvienne Délai> 5 ans

Cyclophosphamide Exposition au long cours

2. Anatoino-pathologie
• L'urothélium ou épithélium transitionnel est l'épithélium de recouvrement de l'arbre.urinaire. La maladie urothé­
liale peut donc toucher, de manière synchrone ou métachrone, calices, bassinets, uretères, vessie et urètre.
• La vessie est plus fréquemment atteinte en raison de la surface importante de l'urothélium et du temps de contact
prolongé avec les carcinogènes urinaires.

TYPES HISTOLOGIQUES
Carcinome UROTHÉLIAL 90 %des cas

Carcinome EPIDERMOÏDE 6 % (zone d'endémie bilharzienne)

Autres Adénocarcinomes, carcinomes micro-papillaires, carcinomes neuro-


endocrines, sarcomes

• Deux critères pronostiques majeurs doivent être renseignés lors de l'examen anatomo-pathologique: le stade
tumoral et le grade tumoral.
• Le stade tumoral correspond au degré de pénétration dans la paroi vésicale (Figure 1, Tableau 1).
- Les cancers de stade pTis, pTa et pTI sont des tumeurs de vessie n'infiltrant pas le muscle vésical (TVNIM).
- Les cancers de stade pT2 à pî4 sont des tumeurs de vessie infiltrant le muscle vésical (TVIM).

• Le grade tumoral: les TVNIM peuvent être de bas grade ou de haut grade; le haut grade étant associé à un risque
plus élevé de récidive et de progression. Par définition, les TVIM sont toujours des tumeurs de haut grade.

► 42 0 ÎUMEURS VÉSICALES I LJE 9 - ITEM 311


UE9 Item 311
� ...... __________

Figure 1. Schéma des différents stades tumoraux (d'après l'Institut National du Cancer)

TVNIM TVIM

Ta Tis T1 T2 T3 T4

Muqueuse
Sous-muqueuse

Muscle superficiel

Muscle profond

Graisse périvésicale

Organes voisins

80%des cas 20%des cas

Stade T
pTa • Tumeur papillaire de grade variable sans infiltration du chorion
pTis • Tumeur plane de haut grade sans infiltration du chorion -Carcinome in situ
TVNIM
pTt • Tumeur papillaire de grade variable avec infiltration du chorion mais sans
infiltration du muscle

pT2 • Tumeur envahissant la musculeuse


pT2a -Tumeur envahissant la musculeuse superficielle (moitié interne)
pT2b - Tumeur envahissant la musculeuse profonde (moitié externe)
pT3 • Tumeur envahissant le tissu péri-vésical
pT3a -Atteinte microscopique TVIM
pT3b -Atteinte macroscopique (masse extra-vésicale)
pT4 • Tumeur envahissant l'une ou l'autre des structures suivantes:
pT4a - Prostate, vésicules séminales, vagin ou utérus
pT4b - Paroi pelvienne ou paroi abdominale

Stade N
No • Pas d'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux
Nt • Atteinte d'un seul ganglion lymphatique pelvien (hypogastrique, obturateur,
iliaque externe ou présacré)
N2 • Atteinte de multiples ganglions pelviens (hypogastrique, obturateur, iliaque
externe ou présacré)
• Atteinte d'un ou plusieurs ganglions lymphatiques iliaques primitifs

Stade M
Mo • Absence de métastase à distance
Mt • Métastase(s) à distance

UE 9 - ITEM 311 1 TUMEURS VÉSICALES 421 ◄


3. Diagnostic
3.1. Circonstances de découverte
• L'hématurie macroscopique est le mode de révélation habituel des tumeurs de vessie et est présente dans la
grande majorité des cas (80 %).
• Il s'agit classiquement d'une hématurie terminale. Si l'hématurie est abondante, elle peut être totale et se compli­
quer d'une rétention aiguë d'urines par caillotage intra-vésical.
• Toute hématurie macroscopique doit faire rechercher une tumeur de vessie.
• Un autre mode de révélation possible est la survenue de troubles mictionnels de la phase de remplissage
(troubles irritatifs = 20 %), notamment la présence d'une pollakiurie ou de brûlures mictionnelles, après avoir
éliminé une infection urinaire.

3.2. Bilan initial

3.2.1. Interrogatoire - Facteurs de risque


• Facteurs de risque: intoxication tabagique, exposition professionnelle, voyage en zone d'endémie de la bilhar­
ziose.
• Date de début des symptômes.
• Symptômes locaux: type d'hématurie (terminale ou totale), présence de caillots (affirme l'origine urologique),
présence de signes irritatifs.
• Symptômes de maladie avancée: signes <l'anémie chronique, altération de l'état général, ou signes évocateurs
d'une extension loco-régionale (douleurs pelviennes) ou à distance (douleurs osseuses).
• Traitements en cours (anticoagulants, AINS).
• Sexualité (impactant le choix thérapeutique des TVIM).

3.2.2. Examen physique


• Il est habituellement pauvre, la majorité des patients présentant une hématurie isolée. En cas de TVIM, des signes
d'extension loco-régionale ou à distance peuvent apparaître.
• Palpation abdominale et lombaire: recherche d'une masse hypogastrique (tumeur palpable, globe vésical) ou
d'une obstruction urétérale (douleur à l'ébranlement des fosses lombaires).
• Touchers pelviens systématiques à la recherche d'un blindage pelvien.
• Palpation des aires ganglionnaires sus-claviculaires.

3.2.3. Examens complémentaires à visée diagnostique


3.2.3.1. Cytologie urinaire
• Analyse anatomo-pathologique des cellules urothéliales présentes par desquamation dans l'urine.
• Examen simple, rapide et peu coûteux, avec une excellente valeur prédictive positive.
• Positivité= présence d'une tumeur qui peut être située n'importe où dans la voie excrétrice urinaire.
• Négativité= n'exclut pas le diagnostic de tumeur de vessie.

3.2.3.2. Cystoscopie sous anesthésie locale


• Examen réalisé en consultation, après avoir vérifié l'ECBU.
• Permet de visualiser directement les lésions dans la vessie (Figure 2) : nombre, taille, topographie, aspect de
la tumeur (papillaire, sessile) et de la muqueuse adjacente (aspect érythémateux évocateur de carcinome in situ).
• Ne permet pas habituellement de diagnostic histologique.

► 422 ÎUMEURS VÉSICALES I UE 9 - ITEM 311


, UE9 Item 311
...... .. ................

• N'est pas nécessaire avant la résection endoscopique au bloc opératoire lorsqu'un examen d'imagerie (échogra­
phie vésicale ou TDM) montre un aspect caractéristique de tumeur de vessie.

Figure 2. Aspect endoscopique d'une tumeur de vessie papillaire

3.2.4. Résection trans-urétrale de vessie (RTUVJ


• Réalisée au bloc opératoire sous anesthésie.
• Geste diagnostique et thérapeutique :
- doit être macroscopiquement complet;
- suffisamment profond pour analyser le muscle vésical;
- copeaux de résection envoyés pour examen anatomo-pathologique afin de déterminer le grade et le stade
tumoral.

Le diagnostic anatomo-pathologique de la RTUV permet de faire la distinction entre TVNIM et TVIM, dont
dépend la suite de la prise en charge.

4. Bilan d'extension

4.1. TVNIM
• Uroscanner: rechercher une localisation tumorale synchrone dans le haut appareil urinaire (tumeur de la voie
excrétrice urinaire supérieure: TVES).
• Aucun bilan d'extension nécessaire.

4.2. TVIM
• TDM thoraco-abdomino-pelvienne avec injection de produit de contraste (en l'absence de contre-indication;
créatininémie normale) avec temps tardif excrétoire.
• Recherche :
- une dilatation des cavités pyélo-calicielles en cas d'obstruction urétérale par la tumeur (Figure 3);
- une tumeur synchrone dans le haut appareil urinaire;
- une extension loco-régionale et à distance de la tumeur: envahissement de la graisse péri-vésicale et des organes
de voisinage, adénopathies pelviennes ou rétro-péritonéales, métastases (foie, poumon, os).
• Autres examens uniquement en cas de point d'appel clinique (scintigraphie osseuse, scanner cérébral).

UE 9 - ITEM 311 1 ÎUMEURS VÉSICALES 423 ◄


Figure 3. Uroscanner (temps tardif) mettant en évidence une TVIM obstruant le méat urétéral gauche
(coupe transversale), responsable d'une dilatation urétérale d'amont (coupe sagittale)

5. Bilan pré-thérapeutique
• Évaluation du terrain (comorbidités associées du patient tabagique)+++.
• Fonction rénale.
• PSA en cas de chirurgie radicale ou de radiothérapie.

6. Évolution et pronostic
TVNIM TVIM

Fréquence lors du 75% 25%


diagnostic initial
Diagnostic RTUV RTUV

Bilan d'extension uro-TDM TDM TAP

Traitement RTUV ± instillations endovésicales •Localisée: cystectomie±


chimiothérapie néo-adjuvante
Alternative: radio-chimiothérapie
• Métastatique: chimiothérapie±
immunothérapie

Facteurs pronostiques Stade TNM, grade, CIS Stade TNM


Taille de la lésion U rétéro-hydronéphrose
U ni/multifocale Qualité de la RTUV (avant radio-
Antécédents de TVNIM chimiothérapie)

Risque évolutif Récidive locale (50%) Évolution métastatique (50%), létale


Progression vers une TVIM (15%)

Survie globale à 5 ans >80% Environ 50%

► 424 ÎUMEURS VÉSICALES I LJE 9 - ITEM 311


UE9 Item 311
...... .. ....................

7. Bases du traitement

7.1. Mesures générales


• Arrêt complet et définitif de l'exposition aux carcinogènes et sevrage tabagique +++.
• Déclaration en maladie professionnelle en cas d'exposition professionnelle.
• Discussion du dossier en réunion de concertation pluridisciplinaire, dispositif d'annonce et programme person­
nalisé de soins.

7.2. Principes de traitement des TVNIM


•But: à la fois diagnostique et thérapeutique
RTUV = premier temps du traitement
• Résection macroscopiquement complète incluant du muscle
•But: réduire le risque de récidive et de progression
Instillations endovésicales
• Fonction du stade T, du grade, de la taille, de la multifocalité et des
(Mitomycine Cou BCG)
antécédents de TVNIM
•But : dépister les récidives et prévenir la progression
Surveillance régulière et prolongée • Cytologie urinaire et cystoscopie tous les 3 à 12 mois
• Uro-TDM tous les 2 ans à la recherche d'une TVES

7.3. Principes de traitement des TVIM


• Tumeur localisée opérable :
- cystoprostatectomie totale chez l'homme et pelvectomie antérieure chez la femme ;
- curage ganglionnaire iliaque bilatéral systématique ;
- dérivation urinaire par entérocystoplastie ou iléostomie transiléale de type Bricker ;
- chimiothérapie néo-adjuvante éventuelle en fonction du terrain.
• Tumeur localisée mais patient inopérable ou refusant la chirurgie :
- Radio-chimiothérapie, éventuellement précédée d'une chimiothérapie néo-adjuvante ;
- Surveillance endoscopique prolongée.
• Tumeur métastatique :
- chimiothérapie à base de sels de platine, adaptée à la fonction rénale ;
- rôle prometteur de l'immunothérapie (inhibiteurs des check-points immunologiques);
- radiothérapie palliative vésicale si patient très symptomatique.

7.4. Suivi des TVIM

7.4. 1. Suivi oncologique


• Objectif= dépister et traiter précocement une récidive locale ou métastatique.
• Suivi paraclinique :
- fibroscopie et cytologie urinaire en cas de préservation de l'urètre ;
- TDM thoraco-abdomino-pelvienne avec injection de produit de contraste à la recherche d'adénopathies ou de
métastases.

UE 9 - ITEM 311 1 ÎUMEURS VÉSICALES 425 ◄


7.4.2. Suivi fonctionnel
• Objectif= apprécier le bon fonctionnement de l'appareil urinaire;
• Évaluation de la diurèse, de la créatininémie et de la morphologie du haut appareil urinaire à l'imagerie ;
• En cas d'entérocystoplastie: évaluer la continence et la bonne vidange de la néovessie (risque de rétention).

► Références

• Rouprêt M, Neuzillet Y, Pignot G, Compérat E, Audenet F, Houédé N, Larré S, Masson-Lecomte A, Colin P, Brunelle S, Xylinas E,
Roumiguié M, Méjean A. Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l'AFU - Actualisation 2018-2020: tumeurs de
la vessie. Prog Urol. 2018 Nov;28(12S):S46-78.
• Xylinas E, Larré S, Tumeurs vésicales in Référentiel du Collège Français des Urologues. Elsevier Masson 2018.
• Recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) - Institut National du Cancer. Cancer de la vessie. Mai 201O.

POINTS CLÉS

1. Le diagnostic de tumeur de vessie doit être évoqué devant toute hématurie macroscopique
en raison de sa fréquence et de sa gravité.
2. Le tabagisme est un facteur de risque majeur.
3. Des facteurs de risque professionnels doivent être systématiquement recherchés.
4. Dans 90 % des cas, les tumeurs de vessie sont des carcinomes urothéliaux.
5. On distingue deux stades au profil évolutif et au pronostic différents:
- tumeurs de vessie n'infiltrant pas le muscle (TVNIM) : risque de récidive et de progression.
- tumeurs de vessie infiltrant le muscle vésical (TVIM): risque d'évolution métastatique.
6. Le bilan diagnostique initial repose sur la cytologie urinaire et la cystoscopie sous anesthésie
locale.
7. La résection trans-urétrale de vessie (RTUV) est le premier temps de la prise en charge: c'est
un geste chirurgical à la fois diagnostique (examen anatomo-pathologique) et thérapeutique
(pour les TVNIM).
8. Le sevrage tabagique est primordial.
9. Le traitement des TVNIM repose sur la RTUV associée aux instillations endovésicales en fonc­
tion du risque. La surveillance doit être prolongée.
1O. Le traitement des TVIM localisées comprend la cystectomie avec curage ganglionnaire pel­
vien étendu et dérivation des urines.
11. La chimiothérapie néo-adjuvante à base de cisplatine est recommandée.
12. L'association radio-chimiothérapie est une alternative à la chirurgie chez des patients sélec­
tionnés.
13. Les TVIM métastatiques relèvent d'un traitement par chimiothérapie palliative.
14. L'immunothérapie donne des résultats très prometteurs dans les TVIM localement avancées
ou métastatiques, notamment en deuxième ligne post-chimiothérapie à base de sels de platine.

► 426 ÎUMEURS VÉSICALES UE 9 - ITEM 311


Arbre décisionnel pour la prise en charge des tumeurs vésicales
(d'après Référentiel du Collège Français des Urologues)

[ H É _M AT_u_ R_IE ]


___ _ � __

Éliminer une CAUSE RÉNALE (créat., écho. rénale)


Éliminer une IU (ECBU)

/
Échographie, cytologie, fibroscopie vésicale

Tumeur de vessie

CYSTOSCOPIE SOUS AG+ RTUV+ examen anapath.

TVIM (T� 2) TVNIM (Ta-Tt)


(20 % des cas) (majorité des cas, 80 %)

Bilan d'extension: TDM TAP+/· scinti os Instillations en fonction


du risque de RÉCIDIVE
et de PROGRESSION
Localisée Métastatique
Chimio, néo­
adjuvante Chimiothérapie Surveillance
(MVA (CISPLATINE) -Cystoscopie

,��
r--
Cisplatine) Soins de -Cytologie
Ttt curatif support -Uro-TDM (VES)
chirurgical:
cystectomie
+ dérivation '------•► Récidive
urinaire Surveillance
-Clinique
-TDM TAP
-Créat. Récidive
··············································································································································································
1. La découverte d'une tumeur de vessie doit faire systématiquement rechercher une exposition
professionnelle pour permettre une déclaration en maladie professionnelle.
2. La RTUV est le premier temps de la prise en charge des tumeurs de vessie: elle permet de faire
le diagnostic anatomo-pathologique et constitue une étape essentielle dans le traitement des
TVNIM.
3. Le but des instillations endovésicales est de diminuer le risque de récidive et de progression
desTVNIM.
4. Il faut toujours rechercher une atteinte synchrone de la voie excrétrice supérieure par un
uroscanner et surveiller l'ensemble de l'urothélium après traitement.
5. Pour les TVIM métastatiques, le traitement est palliatif et repose sur la chimiothérapie±
immunothérapie.
6. La radiothérapie vésicale peut avoir un rôle palliatif en cas d'hématurie abondante.

Les _pièges. à_ éviter


1. Le tabac et les .carcinogènes professionnels sont des facteurs de risque de carcinome urothélial.
2. La bilharziose et les facteurs mécaniques et chimiques irritatifs vésicaux sont des facteurs de
risque de carcinome épidermoïde.
3. La fibroscopie vésicale (cystoscopie) est un examen endoscopique réalisé en consultation per­
mettant l'exploration visuelle de la vessie.
4. La RTUV est une intervention chirurgicale permettant la résection des lésions pour examen
anatomo-pathologique.

Achevé d'imprimer en Bulgarie en août 2019 par Pulsio.


Dépôt légal: août 2019.

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