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L E R É F É R E N T I E L | L E C O U R S

LIVRE OFFICIEL DU

Collège National des Enseignants


en Cancérologie (CNEC)
Ouvrage coordonné par le Pr Philippe Giraud et le Pr Jean Trédaniel

Cancérologie
3e édition actualisée

R • Le nouveau programme de connaissances R2C


• L’ouvrage officiel de Cancérologie
2 • Les objectifs de connaissances hiérarchisés : rangs A et B

C • Les situations de départ en lien avec les objectifs


de connaissances

1
L E R É F É R E N T I E L | M E D - L I N E

LIVRE OFFICIEL DU COLLÈGE


Collège National des Enseignants
en Cancérologie (CNEC)

Cancérologie
3e édition actualisée
R2C

Ouvrage coordonné par


le Pr Philippe Giraud et le Pr Jean Trédaniel

Collection dirigée par le Pr Serge Perrot


Centre hospitalier Cochin, Paris

2
Éditions MED-LINE
Tél. : 09 70 77 11 48
e-mail : inline75@aol.com
www.med-line.fr

CANCÉROLOGIE - 3e ÉDITION ACTUALISÉE


ISBN : 978-2-84678-305-7
© 2021 ÉDITIONS MED-LINE

Mise en pages : Meriem Rezgui

Achevé d’imprimer par Pulsio en Juillet 2021. Dépôt légal Juillet 2021.

Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement des auteurs, ou de leurs ayants
droit ou ayants cause, est illicite (loi du 11 mars 1957, alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction,
par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.

3
Sommaire

Chapitre 1 : Épidémiologie, facteurs de risque, prévention et dépistage des cancers ...................... 13


Item 290
Chapitre 2 : Cancérogenèse, oncogénétique ................................................................................................................ 27
Item 291
Chapitre 3 : Diagnostic des cancers, signes d’appel et investigations paracliniques,
caractérisation du stade, pronostic ........................................................................................................ 45
Item 292

Chapitre 4 : Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour des examens d’anatomie
et cytologie pathologiques........................................................................................................................... 61
Item 293

Chapitre 5 : Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux


des cancers (chimiothérapie, thérapies ciblées, immunothérapie).
La décision thérapeutique pluridisciplinaire et l’information du malade ..................... 73
Item 294

Chapitre 6 : Prise en charge et accompagnement d’un malade cancéreux


à tous les stades de la maladie .............................................................................................................. 101
Item 295

Chapitre 7 : Cancers de l’enfant : particularités épidémiologiques,


diagnostiques et thérapeutiques .......................................................................................................... 111
Item 297

Chapitre 8 : Tumeurs de la cavité buccale, naso-sinusiennes et du cavum,


et des voies aérodigestives supérieures ........................................................................................... 121
Item 298
Chapitre 9 : Tumeurs intracrâniennes ............................................................................................................................ 135
Item 299

Chapitre 10 : Tumeurs du col utérin, tumeurs du corps utérin ........................................................................... 153


Item 300

Chapitre 11 : Tumeurs du côlon et du rectum ............................................................................................................... 175


Item 301

Chapitre 12 : Tumeurs cutanées, épithéliales et mélaniques ........................................................................... 193


Item 302

Chapitre 13 : Tumeurs de l’estomac ................................................................................................................................... 211


Item 303
Chapitre 14 : Tumeurs du foie, primitives et secondaires ................................................................................... 227
Item 304

Chapitre 15 : Tumeurs de l’œsophage ............................................................................................................................ 247


Item 305

4
3
Chapitre 16 : Tumeurs de l’ovaire ....................................................................................................................................... 269
Item 306

Chapitre 17 : Tumeurs des os primitives et secondaires ...................................................................................... 285


Item 307

Chapitre 18 : Tumeurs du pancréas .................................................................................................................................. 305


Item 308

Chapitre 19 : Tumeurs du poumon, primitives et secondaires .......................................................................... 329


Item 309

Chapitre 20 : Tumeurs de la prostate................................................................................................................................ 355


Item 310

Chapitre 21 : Tumeurs du rein ............................................................................................................................................... 379


Item 311

Chapitre 22 : Tumeurs du sein .............................................................................................................................................. 395


Item 312
Chapitre 23 : Tumeurs du testicule ..................................................................................................................................... 417
Item 313
Chapitre 24 : Tumeurs vésicales .......................................................................................................................................... 425
Item 314

Attention : les photographies présentées sur un fond vert dans l’ouvrage correspondent à un contenu
multimédia que l’étudiant doit connaître et sur lequel il peut être interrogé.

4 5
Préface

C’est un grand honneur et un immense plaisir de présenter le Référentiel d’Oncologie du Collège National des
Enseignants en Cancérologie (CNEC) dont l’objectif premier est de développer les chapitres les plus importants
de notre discipline.
Cet ouvrage est destiné aux étudiants du deuxième cycle des études médicales (DFASM) en leur permettant de
compléter leur formation et leurs connaissances en Oncologie avec une vue transversale de la discipline.
Cette approche est complémentaire de la Cancérologie enseignée par les spécialités d’organe, mais surtout est
indispensable à l’appréhension et la compréhension de la maladie cancéreuse selon une approche multidisciplinaire.
L’important travail accompli a permis d’aboutir à un savant mélange entre un haut niveau scientifique et
l’accessibilité pédagogique aux étudiants.
Il propose un support pédagogique basé sur des données actualisées et adapté à l’évolution récente des objectifs en
lien avec la nouvelle réforme des études médicales.
Je tiens à remercier chaleureusement tous les membres du CNEC et tous les auteurs pour leur travail et leur
implication conséquente dans le respect des nouvelles mesures de la R2C.
Les Professeurs Philippe Giraud et Jean Trédaniel doivent être particulièrement remerciés pour la coordination
sans faille et la rigueur avec laquelle ils ont mené ce projet à son terme.

En espérant que tous ces efforts aident les étudiants à réussir leurs épreuves dans le cadre de la réforme R2C et
surtout que ce manuel puisse éveiller chez certains d’entre eux intérêt et curiosité pour notre belle spécialité.

Bonne lecture à toutes et à tous.

Pr Jean-Philippe Spano
Président du CNEC
Au nom du bureau du CNEC

6
5
7
Introduction

Sous l’égide du Collège National des Enseignants en Cancérologie (CNEC) cette nouvelle édition du cours
Référentiel en cancérologie adopte le nouveau programme de connaissances de la « Réforme du second cycle des
études médicales » (R2C), paru au Journal Officiel du 2 septembre 2020*, qui a fait l’objet d’une suppression des
unités d’enseignement (UE), d’une nouvelle numérotation et d’une hiérarchisation des objectifs de connaissances
en rang A (connaissances indispensables pour tout futur médecin) et rang B (à connaître à l’entrée dans une
spécialité de troisième cycle).
Il est réalisé avec le concours d’équipes universitaires impliquées dans l’enseignement de la cancérologie, discipline
transversale s’il en est.
Les auteurs, dont l’expertise est reconnue, doivent être ici chaleureusement remerciés de leur implication dans la
réalisation de cet ouvrage.
Comparativement à l’ancien programme, la liste des items de connaissances de la R2C est inchangée mais
conformément aux recommandations du groupe de travail de la R2C, l’ensemble des connaissances a été en partie
réduit pour se conformer au nouveau programme. Pour chacun des 24 items du programme de connaissances
abordés, les objectifs hiérarchisés en rang A et rang B sont listés dans un tableau au début de chaque chapitre.
Cette hiérarchisation respecte la docimologie imposée de la R2C mais ne reflète pas l’ensemble du corpus de
connaissances nécessaires à la pratique de la Cancérologie. L’ouvrage prend en compte les situations de départ,
en lien avec les objectifs de connaissances. Elles sont appelées dans le texte et sont récapitulées à la fin de chaque
chapitre dans un tableau indiquant leur intitulé avec un bref descriptif. Le CNEC a fait également le choix de
garder les points clés et le coup de pouce de l’enseignant de l’édition précédente dans le tableau des situations de
départ afin de conserver les informations synthétiques essentielles.
Nous espérons que cet ouvrage répondra à vos attentes et vous guidera au mieux dans votre préparation.

Pr Philippe Giraud
Pr Jean Trédaniel
Coordonnateurs de l’ouvrage

*https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042320018: Arrêté du 2 septembre 2020 portant modification de


diverses dispositions relatives au régime des études en vue du premier et du deuxième cycle des études médicales et à
l’organisation des épreuves classantes nationales.

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7
9
Item 290

hapitre 1
Épidémiologie, facteurs de risque,
prévention et dépistage des cancers
C
Pr Philippe Giraud1, Pr Jean Trédaniel2
1
Service d’Oncologie – Radiothérapie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris
2
Unité de Cancérologie thoracique, Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris

OBJECTIFS : N° 290. Épidémiologie, facteurs de risque, prévention et dépistage des cancers


Î Décrire l'épidémiologie des cancers les plus fréquents (sein, côlon-rectum, poumon, prostate). Incidence, prévalence, mortalité.
Î Connaître et hiérarchiser les facteurs de risque de ces cancers.
Î Expliquer les principes de prévention primaire et secondaire.
Î Connaître les principes du dépistage du cancer (sein, côlon-rectum, col utérin).

1. Épidémiologie des cancers 2. Principes de prévention des cancers


1.1.   Notions générales 2.1.   Définitions
1.1.1. Définitions 2.2.   Prévention vis-à-vis des principaux facteurs de risque
1.1.2. Méthodes d’estimation 2.2.1. Tabac
1.2.   Incidence et mortalité des cancers en France 2.2.2. Alcool
1.3.   Épidémiologie des cancers les plus fréquents 2.2.3. Facteurs nutritionnels
1.3.1. Cancer du sein 2.2.4. Facteurs de risque environnementaux et expositions
1.3.2. Cancer de la prostate professionnelles
1.3.3. Cancer du poumon 2.2.5. Facteurs de risque infectieux
1.3.4. Cancer du côlon-rectum 3. Dépistage des cancers
1.4.   Facteurs de risque des cancers 3.1.   Notions générales
1.4.1. Tabac 3.2.   Les principaux biais
1.4.2. Alcool 3.3.   Cancers dépistés
1.4.3. Facteurs nutritionnels 3.3.1. Cancer du sein
1.4.4. Facteurs de risque environnementaux et expositions 3.3.2. Cancer du côlon-rectum
professionnelles 3.3.3. Cancer du côl utérin
1.4.5. Facteurs de risque infectieux 3.3.4. Autres cancers

Rang Rubrique Intitulé


B Prévalence, épidémiologie Méthodes d'estimation de l'incidence, de la prévalence et de la mortalité des
cancers
B Prévalence, épidémiologie Registres de cancers
A Prévalence, épidémiologie Incidence et mortalité des cancers en France : données générales des principaux
cancers, variations selon l'âge et le sexe et tendances évolutives
A Prévalence, épidémiologie Savoir quels sont les cancers les plus fréquents
A Prévalence, épidémiologie Connaître l'incidence, la prévalence et la mortalité du cancer du sein
A Prévalence, épidémiologie Connaître l'incidence, la prévalence et la mortalité du cancer de la prostate
A Prévalence, épidémiologie Connaître l'incidence, la prévalence et la mortalité du cancer du côlon et du
rectum
A Prévalence, épidémiologie Connaître l'incidence, la prévalence et la mortalité du cancer du poumon

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I É pi d é m i o lo g i e , f a c t e u r s d e r i s q u e , p r é v e n t i o n e t d é p i s ta g e d e s c a n c e r s
A Étiologies Connaître la notion de risque attribuable et les caractéristiques des 3 niveaux
de risque
A Étiologies Connaître les principaux facteurs de risque de cancer : tabac, alcool, nutrition,
environnement, expositions professionnelles, infection
A* Étiologies Connaître les facteurs de risque génétiques
A* Étiologies Connaître les facteurs de risque spécifiques des cancers du sein, du col, de
l'endomètre, de l'ovaire
A* Étiologies Connaître les facteurs de risque des cancers du côlon et du rectum et leurs
niveaux de risque
A* Étiologies Connaître les facteurs de risque du cancer de la prostate et leurs niveaux de
risque (impact important : ATCD familiaux ; impact limité : environnement)
A* Étiologies Connaître les facteurs de risque du cancer du sein et leurs niveaux de risque
(impact important : ex. : ATCD personnels ou familiaux ; impact limité ex. :
exposition hormonale)
A* Étiologies Connaître les facteurs de risque (tabac, environnement, expositions
professionnelles) du cancer du poumon et leurs niveaux de risque
B* Étiologies Connaître les facteurs de risque des cancers bronchiques et du mésothéliome
en milieu professionnel
A Définition Niveaux de prévention : définitions et principes de prévention primaire,
secondaire et tertiaire
B Éléments Connaître les principaux types d'HPV oncogènes
physiopathologiques
A Définition Prévention selon la population : universelle, sélective ou ciblée
A Définition Connaître les modalités de prévention primaire du cancer épidermoïde du col
de l'utérus (vaccination HPV et ses différents types)
A Définition Connaître les définitions du dépistage des cancers (organisé versus individuel),
modalités (organisé versus opportuniste), principes et principaux biais
A Définition Dépistage des cancers : conditions pour réaliser un dépistage organisé
A Définition Connaître les modalités de dépistage individuel du cancer du sein et le
programme de dépistage organisé
A Définition Connaître les modalités de dépistage individuel du cancer colorectal et le
programme de dépistage organisé
A Définition Connaître les modalités de dépistage individuel du cancer du col de l'utérus et
le programme de dépistage organisé

* Les rubriques marquées par une étoile sont abordées dans les chapitres concernés (items 291, 300, 301, 306, 309,
310 et 312).

Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

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f a c t e u r s d e r i s q u e , p r é v e n t i o n e t d é p i s ta g e d e s c a n c e r s I
Item 290

• Le cancer est une cause majeure de morbidité et mortalité. Pour la planète prise dans son ensemble, il a été res-
ponsable en 2018 de 18 millions de nouveaux cas (ou cas incidents) et de 9,6 millions de décès.

1. Épidémiologie des cancers

B 1.1. Notions générales

1.1.1. Définitions
• L’incidence est le nombre de nouveaux cas par unité de temps (habituellement, un an) dans une population. La
mortalité est le nombre de décès par unité de temps dans une population. La prévalence est le nombre de per-
sonnes vivantes qui se sont vues porter le diagnostic à un moment quelconque de leur vie (et dont certaines sont
peut-être déjà guéries).

1.1.2. Méthodes d’estimation


• L’incidence nationale est modélisée à partir de l’incidence observée par les registres départementaux alors que les
données de mortalité sont fournies par l’INSERM (CépiDc-Inserm).
• L’Institut National du Cancer (INCa) publie régulièrement les principales données du cancer en France.

A 1.2. Incidence et mortalité des cancers en France


• Le cancer est la première cause de mortalité en France.
• L’incidence des cancers est en diminution chez l’homme depuis 2005 et s’est stabilisée chez la femme. La morta-
lité par cancer diminue régulièrement tant chez l’homme que chez la femme.
• Le cancer est encore une maladie majoritairement masculine (Figure 1).
• C’est aussi une maladie de la seconde moitié de la vie. L’âge médian au diagnostic est, en 2018, de 68 ans chez les
hommes et 67 ans chez les femmes (l’âge médian au décès est respectivement de 73 ans et 75 ans). La part prise
par des sujets de plus en plus âgés rend compte de l’importance croissante de l’évaluation et de la prise en charge
gériatriques (« l’oncogériatrie »).
• En 2018, le nombre de nouveaux cancers en France métropolitaine est estimé à 382 000 (204 600 hommes et 177
400 femmes) (Figure 2). Chez l’homme, les trois tumeurs solides les plus fréquentes sont celles de la prostate
(50 430 nouveaux cas), du poumon (31 231) et du côlon-rectum (23 216). Chez la femme, il s’agit des cancers du
sein (58 459), du côlon-rectum (20 120) et du poumon (15 132). Ainsi, quatre localisations tumorales (prostate,
sein, poumon, côlon-rectum) rendent compte de la moitié des nouveaux cas de cancer.
• Le nombre de décès par cancer en 2018 est estimé à 157 400 (89 600 hommes et 67 800 femmes). Le cancer du
poumon est la première cause de décès par cancer chez l’homme (20 761 décès) devant le cancer colorectal (9 209)
et le cancer de la prostate (8 115). Chez la femme, le cancer du sein (12 146 décès) précède le cancer du poumon
(10 356) et le cancer colorectal (7 908).
• L’incidence et la mortalité des principaux cancers diminuent régulièrement chez l’homme comme chez la
femme, sauf le cancer du poumon de la femme qui continue à augmenter.
• Pour l’ensemble des cancers, la survie nette diminue avec l’âge. Pour la plupart des cancers, elle est meilleure chez
la femme que chez l’homme.
• En 2017, la prévalence totale, qui regroupe tous les malades et anciens malades ayant eu un diagnostic de cancer
au cours de leur vie, est de l’ordre de 3,8 millions.

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Figure 1. Projection de l’incidence et de la mortalité selon le sexe, France, 2018

Incidence Mortalité

Hommes Hommes
54% Femmes 57% Femmes

Figure 2. Données projetées de l’incidence des cancers en France, 2018

Sein Sein : 58 459 cas


Prostate Prostate : 50 430 cas
Poumon Poumon : 46 363 cas
Côlon-rectum Côlon-rectum : 43 336 cas
Autres Autres : 183 412 cas
Total : 382 000 cas

1.3. Épidémiologie des cancers les plus fréquents


1.3.1. Cancer du sein
• Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme (sans être totalement absent chez l’homme). Il
représente 33 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers féminins.
• Son incidence augmente légèrement (+ 0,6 % par an entre 2010 et 2018).
• L’âge médian au diagnostic est de 63 ans.
• En 2017, la prévalence est estimée à 913 089 personnes.
• Le cancer du sein est la première cause de mortalité par cancer chez la femme mais elle diminue (- 1,6 % par
an entre 2010 et 2018).

1.3.2. Cancer de la prostate


• Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Il représente 25 % de l’ensemble des nou-
veaux cas de cancers masculins.
• Son incidence diminue (- 3,5 % par an entre 2010 et 2018).
• L’âge médian au diagnostic est de 68 ans.
• En 2017, la prévalence est estimée à 643 156 personnes.
• Le cancer de la prostate est la troisième cause de décès par cancer chez l’homme mais elle diminue (- 3,7 % par
an entre 2010 et 2018).

1.3.3. Cancer du poumon


• Le cancer du poumon est le troisième cancer le plus fréquent en France.
• Chez l’homme, l’incidence du cancer du poumon diminue lentement (- 0,3 % par an entre 2010 et 2018) mais
augmente fortement sur la même période chez la femme (+ 5 % par an).

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Item 290

• L’âge médian au diagnostic est de 67 ans chez l’homme et 65 ans chez la femme.
• En 2017, la prévalence est estimée à 169 718 personnes.
• Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer ; il représente 21 % de l’ensemble des décès par
cancers (respectivement, 25 % et 15 % chez l’homme et la femme) (Figure 3).

Figure 3. Nombres projetés des décès par cancer en France, 2018

Poumon Poumon : 33 117


Côlon Côlon-rectum : 17 117
Sein Sein : 12 146
Prostate Prostate : 8 115
Autres Autres : 86 905
Total : 157 400

1.3.4. Cancer du côlon-rectum


• Le cancer du côlon est le quatrième cancer le plus fréquent en France.
• L’incidence diminue lentement chez l’homme (- 1,4 % par an entre 2010 et 2018) et est stable chez la femme.
• L’âge médian au diagnostic est de 71 ans chez l’homme et 73 ans chez la femme.
• En 2017, la prévalence est estimée à 418 491 personnes.
• Le cancer colorectal est la deuxième cause de décès par cancer.

1.4. Facteurs de risque des cancers


• Un facteur de risque est tout attribut, caractéristique ou exposition d’un sujet qui augmente la probabilité de
développer une maladie ou de souffrir d’un traumatisme. Le principal facteur de risque de développer un
cancer est l’âge !
• On appelle risque attribuable (ou pourcentage de risque attribuable) la proportion de cas de la maladie que l’on
peut directement attribuer à l’exposition au facteur de risque envisagé (Figure 4).

Figure 4. Nombre de cas de cancers attribuables aux différents facteurs de risque de cancer en France en 2000

Source : Les cancers en France, édition 2016, collection Les Données, Institut national du cancer

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1.4.1. Tabac
• Le tabac est le premier facteur de risque évitable de mortalité précoce par cancer, en France et dans le monde.
À l’échelle de la planète, 2,4 millions de décès par cancer attribuables au tabagisme sont comptabilisés chaque
année.
• La fumée de tabac contient plus de 8000 composés chimiques, dont plus de 70 sont reconnus comme cancéro-
gènes (hydrocarbures polycyliques aromatiques – « les goudrons » –, N-nitrosamines, amines aromatiques …).
• En France, le tabac a été responsable, toutes maladies confondues, de 75 000 décès en 2015, dont 46 500 décès
par cancer. Le tabac est impliqué, à des degrés divers (Figure 5) dans le développement de plusieurs localisa-
tions cancéreuses : cancer du poumon en premier, mais aussi cancers ORL (cavités nasales, bouche, pharynx,
larynx), cancers digestifs (œsophage, estomac, pancréas, côlon-rectum, foie), cancers urologiques et gynécolo-
giques (rein, vessie, sein, ovaire, col de l’utérus), leucémies myéloïdes. Il n’y a pas de seuil de consommation sans
risque puisque même le tabagisme passif (ou involontaire) augmente le risque de cancer.

Figure 5. Fraction (%) des décès attribuables au tabagisme, selon la localisation cancéreuse, France, 2015

100

80

60

40

20
Homme
0
Femme
s

in

DS

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1.4.2. Alcool
• L’alcool représente la deuxième cause de mortalité évitable par cancer.
• En 2016, la consommation d’alcool a causé environ 3 millions de décès dans le monde, dont 376 000 décès par
cancer.
• En France, l’alcool a été responsable en 2015 de 28 000 nouveaux cas de cancer et de 16 000 décès par cancer.
• La consommation d’alcool augmente le risque de développer un cancer dans 8 localisations : bouche, pharynx,
larynx, œsophage, estomac, côlon-rectum, sein et foie. Parmi les cancers attribuables à l’alcool, le cancer du
sein est le plus fréquent (plus de 8 000 cas par an).
• Le risque de cancer augmente quel que soit le type de boisson alcoolisée consommée et de manière linéaire avec
la dose, sans seuil en dessous duquel le risque serait nul : même une consommation faible augmente le risque.
• Les effets de l'alcool sont renforcés quand ils sont associés à ceux du tabac, particulièrement pour les cancers des
voies aérodigestives supérieures.

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Item 290

1.4.3. Facteurs nutritionnels


• La nutrition englobe l’alimentation (y compris l’alcool), le statut nutritionnel et l’activité physique. Elle est source
de facteurs de risque et de facteurs protecteurs.
• On estime que 20 à 25 % des cancers sont imputables aux comportements alimentaires.
• Les facteurs nutritionnels qui augmentent le risque de cancer sont : la consommation d’alcool, le surpoids et
l’obésité, la consommation de viandes rouges et de charcuteries, la consommation de sel et d’aliments salés.
• Au contraire, réduisent le risque de cancer : l’activité physique, la consommation de fruits et légumes, la consom-
mation de fibres alimentaires et l’allaitement.

1.4.4. Facteurs de risque environnementaux et expositions professionnelles


• On estime que 5 à 10 % des cancers seraient liés à des facteurs environnementaux.
• Les expositions professionnelles sont traitées par l’item 291.
• 3 % des cancers incidents sont attribuables à des expositions professionnelles et, dans plus de la moitié des cas, il
s’agit d’un cancer du poumon.
• L’amiante, facteur de risque essentiel du mésothéliome pleural est l’exposition la plus fréquemment reconnue en
pathologie professionnelle.

1.4.5. Facteurs de risque infectieux


• 4 % des cancers, en France, auraient une origine infectieuse.
• Les principaux agents infectieux en cause sont :
– les sous-types 16 et 18 du papillomavirus humain (HPV 16 et 18) qui sont responsables de la quasi totalité
des cancers du col de l’utérus. Ils sont également associés à d’autres cancers plus rares de la sphère ano-génitale
(vagin, vulve, pénis, anus) ainsi qu’à des cancers de la cavité buccale, de l’oropharynx et du larynx ;
– les hépatites virales chroniques B et C qui sont à l’origine d’environ un tiers des cancers du foie ;
– l’infection de la muqueuse gastrique par Helicobacter pylori qui est responsable de près de 80 % des cancers
de l’estomac.

Autres virus et parasites associés à la survenue de cancer chez l’homme :


–  virus d’Epstein-Barr et lymphome de Burkitt ;
–  virus d’Epstein-Barr et carcinome indifférencié du naso-pharynx ;
–  virus HTLV1 et leucémie à cellules T ;
–  virus herpès humain de type 8 (HSV8) et sarcome de Kaposi ;
–  virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et lymphome non hodgkinien ;
–  bilharziose et carcinome épidermoïde de la vessie.

A 2. Principes de prévention des cancers

2.1. Définitions
• On estime à moins de 10 % les cancers héréditaires et à environ 40 % les cancers qui pourraient être évités
grâce à des changements de comportements et de modes de vie.
• La prévention consiste à éviter l’apparition, le développement ou l’aggravation de maladies ou d’incapacités.
On distingue classiquement :

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– la prévention primaire qui agit en amont de la maladie (ex. : action sur les facteurs de risque) afin de diminuer


l’incidence ;
– la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de l’évolution (ex. : dépistage, traitement des états pré-
cancéreux) ;
– et la prévention tertiaire qui agit sur les complications des traitements et les risques de récidive.
• Ainsi la prévention primaire intéresse les populations tandis que la prévention secondaire vise l’individu à haut
risque.

2.2. Prévention vis-à-vis des principaux facteurs de risque

Hormis la prévention de l’infection HPV, la prévention des facteurs de risque ne figure pas dans les objectifs
de connaissance de cet item et ces informations sont données à titre indicatif.

2.2.1. Tabac
• Les mesures les plus importantes pour la lutte contre le tabagisme, et dont l’efficacité a été universellement
vérifiée, sont :
– l’augmentation, forte et régulièrement répétée, des prix (prix du paquet de 20 cigarettes à 10 euros en
novembre 2020) ;
– l’interdiction de la publicité, directe et indirecte ;
– l’interdiction de fumer dans les lieux publics clos ;
– l’interdiction de la vente de tabac aux moins de 18 ans ;
– l’apposition d'avertissements sanitaires illustrés sur les paquets de cigarettes.
• Cet arsenal de mesures a été renforcé par le lancement, en septembre 2014, du Programme national de réduction
du tabagisme (PNRT), dans le cadre du Plan cancer 2014-2019 :
– Depuis le 1er janvier 2017, les paquets de cigarettes « de marque » ont été remplacés par le paquet neutre.
– De nouvelles professions (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, dentistes, médecins du travail…) sont
autorisées à prescrire des substituts nicotiniques.
– Le forfait d’aide au sevrage a été porté à 150 € par an pour tous les assurés.
– L’opération « Mois sans tabac », conçue pour inciter les fumeurs à arrêter de fumer durant un mois (ce qui
multiplie par 5 les chances d’arrêter de fumer définitivement) a été lancée, pour la première fois, en novembre
2016 et a pour vocation de se dérouler tous les ans.
– Chez les malades et anciens malades, un bénéfice significatif de l’arrêt du tabac, augmentant avec la durée de
l’abstinence, a été observé pour tous les cancers majeurs associés au tabagisme. Ceci est particulièrement net
pour les patients atteints d’un cancer du poumon localisé au thorax et qui sont en situation curatrice ; il est
impératif, chez eux, d’obtenir un sevrage définitif.
– La cigarette électronique (e-cigarette) est un dispositif permettant d’inhaler de la vapeur obtenue par chauffage
d’une solution liquide composée principalement de propylène glycol, de glycérol, d’arômes et le plus souvent
de nicotine. À la différence des cigarettes, elles ne contiennent pas de tabac, ne créent ni fumée ni combustion.
Bien que la nicotine soit addictive et - à très haute dose - néfaste pour la santé, la cigarette électronique ne
contient pas le vaste cocktail de produits chimiques cancérogènes trouvés dans le tabac combustible. Il est
admis qu’utiliser la cigarette électronique est infiniment moins nocif que de continuer à fumer du tabac.

2.2.2. Alcool
• La lutte contre l’alcoolisme doit faire face à l’action de nombreux lobbies des producteurs. Là aussi, l’action passe
par la fiscalité et l’encadrement de la publicité.
• Les recommandations sont de ne pas dépasser dix verres par semaine (un verre standard contient 10 gr d’alcool
pur), pas plus de deux verres par jour et au moins deux jours sans alcool par semaine.

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2.2.3. Facteurs nutritionnels


• Plusieurs plans de santé publique regroupent leurs efforts sur le thème de la nutrition.
• Les principaux objectifs de prévention nutritionnelle des cancers sont de réduire la consommation de boissons
alcoolisées et la prévalence du surpoids et de l’obésité, favoriser une alimentation équilibrée et diversifiée (en
évitant de recourir aux compléments alimentaires) et promouvoir la pratique régulière d’une activité physique.
• Il est conseillé de :
– consommer au moins 5 portions de fruits et légumes par jour ;
– consommer au moins deux fois par semaine des légumes secs (lentilles, haricots secs…) et au moins un produit
céréalier complet par jour (pâtes complètes, riz complet, pain complet…) ;
– limiter la consommation de viandes rouges à moins de 500 g par semaine (soit environ 3 à 4 steaks) ;
– privilégier la volaille et alterner avec poissons, œufs et légumes secs ;
– limiter la consommation de charcuterie à moins de 150 g par semaine ;
– pratiquer tous les jours au moins 30 minutes d'activité physique dynamique.

2.2.4. Facteurs de risque environnementaux et expositions professionnelles


• C’est avant tout la pollution qui est l’objet de toutes les controverses. Quoique numériquement faible, son impact
est démontré (Figure 4). Les mesures envisagées pour lutter contre la pollution regroupent, entre autres, l’inter-
diction des véhicules polluants (ce qui pose, notamment, la question des véhicules à moteur diesel), les certificats
sur la qualité de l’air pour les voitures, les subventions pour les transports écologiques…
• Le troisième Plan santé au travail met l’accent sur la prévention en milieu professionnel, ce qui inclut bien sûr les
produits chimiques cancérogènes. La Société Française de Médecine du Travail a publié des recommandations
concernant la surveillance médico-professionnelle des travailleurs exposés, ou ayant été exposés, à des agents
cancérogènes pulmonaires.

A 2.2.5. Facteurs de risque infectieux


• Il existe une dizaine d'agents biologiques susceptibles de favoriser l'apparition d'un cancer. Les plus fréquemment
impliqués dans la survenue de cancers en France et accessibles à des mesures de prévention sont :
– les papillomavirus humains (HPV), responsables de huit localisations de cancers : col de l'utérus, vagin, vulve,
anus, pénis, cavité buccale, oropharynx, larynx ;
– les virus de l'hépatite B (VHB) et de l'hépatite C (VHC) ;
– la bactérie Helicobacter pylori, en cause dans la majorité des cancers de l'estomac.
• On peut, en fonction des cas, prévenir la survenue de ces cancers :
– en évitant la contamination :
➢ la vaccination contre HPV est recommandée pour les filles dès l'âge de 11 ans ; elle est étendue depuis le 1er
janvier 2021 aux garçons de 11 à 14 ans révolus avec un rattrapage vaccinal pour ceux âgés entre 15 et 19 ans
révolus (et jusqu’à 26 ans pour les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes). Deux doses
sont administrées entre 11 et 14 ans, trois doses entre 15 et 19 ans. Toute nouvelle vaccination contre les
papillomavirus doit se faire avec le vaccin GARDASIL 9, actif contre 9 souches de papillomavirus.
➢ Ce vaccin est actif pour la prévention :
• des lésions précancéreuses du col de l’utérus, de la vulve, du vagin et de l’anus et des cancers du col
de l’utérus et de l’anus dus à certains papillomavirus humains ;
• des verrues génitales dues à des papillomavirus spécifiques.

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➢ Il est pris en charge à 65 % par l’Assurance maladie.


➢ la vaccination contre l’hépatite B est obligatoire dès l’âge de 2 mois.
– en détectant et en traitant précocement une éventuelle infection (ex. : Helicobacter pylori) ;
– en surveillant régulièrement l'apparition de lésions précancéreuses (ex. : frottis cervico-utérin chez les femmes
de 25 à 65 ans).

A 3. Dépistage des cancers

3.1. Notions générales


• Le dépistage des cancers est une stratégie de prévention secondaire qui permet un traitement curatif lorsque la
lésion est pré-néoplasique ou que le cancer est encore localisé.
• Le dépistage organisé par les autorités de santé est une mesure de santé publique qui s’oppose au dépistage indi-
viduel (« opportuniste »), effectué à l’initiative du sujet et/ou de son médecin (Tableau 1).

Tableau 1. DÉPISTAGE ORGANISÉ VERSUS DÉPISTAGE INDIVIDUEL


Dépistage organisé Dépistage individuel
• relève d’un protocole de santé publique • adapté à chaque individu
• réalisé à l’initiative des pouvoirs publics • « anarchique » par nature
• sur des populations bien définies • orienté en fonction des antécédents et des facteurs de
• régulièrement évalué risque spécifiques
• laissé à l’initiative des médecins
• non évalué

• Dans la médecine de soins, un sujet malade demande à être examiné et une obligation de moyens s’impose. Dans
le dépistage, on demande à examiner des sujets (qui se croient) bien portants et une obligation de résultat – dimi-
nution de la mortalité liée à la maladie dépistée – s’impose : la réussite du dépistage est le non-évènement (le décès
ne se produit pas !).

3.2. Les principaux biais


• Le critère absolu de jugement d’une campagne de dépistage d’une maladie donnée est la réduction, dans la popu-
lation dépistée, de la mortalité spécifique liée à cette maladie, voire de la mortalité globale si son impact sur celle-ci
est majeur (par exemple, dans un essai américain, la réduction de 20 % de la mortalité par cancer du poumon s’est
traduite par une diminution de 7 % de la mortalité globale). Il peut aussi s’agir d’une réduction de l’incidence
(par exemple, le dépistage des adénomes coliques, qui sont des lésions pré-cancéreuses, peut se traduire par une
diminution de l’incidence des cancers du côlon).
• Par contre, ce n’est pas l’augmentation de la durée de survie des malades chez qui la maladie est dépistée car elle
est soumise à 3 biais :
– l’avance au diagnostic : le diagnostic est plus précoce mais le traitement n’est pas suffisamment efficace pour
empêcher ou retarder le décès. La survie des malades paraît allongée mais sans bénéfice réel (Figure 6) ;
– le biais d’évolutivité : la procédure de dépistage répétée à intervalles réguliers, fixés par le protocole (par
exemple, mammographie tous les deux ans), dépiste préférentiellement des tumeurs d’évolution spontanément
plus lente donnant l’impression d’un allongement de la durée de vie des malades dépistés (Figure 7) ;
– le biais de sur-diagnostic : c’est le dépistage de tumeurs qui n’auraient jamais été diagnostiquées en l’absence
de dépistage, soit que les sujets décèdent d’une autre maladie, soit que la tumeur serait restée spontanément
indolente (c’est, par exemple, une question particulièrement discutée pour le dépistage du cancer de la prostate).

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Figure 6. Biais d’avance au diagnostic : (lead-time bias)

Figure 7. Biais d’évolutivité : (lenght-time bias) 

3.3. Cancers dépistés


3.3.1. Cancer du sein
• Le programme national de dépistage organisé du cancer du sein a été instauré en 2004. Il repose sur l’invitation
systématique de l’ensemble des femmes de 50 à 74 ans, sans facteur de risque significatif autre que leur âge, à
bénéficier tous les deux ans d’un examen clinique des seins et d’une mammographie de dépistage par un radio-
logue agréé.
• Les femmes à risque élevé ou très élevé ne sont pas éligibles à ce dépistage et doivent bénéficier d’un suivi spéci-
fique.
• La mortalité par cancer du sein en France a diminué de 1,6 % par an entre 2010 et 2018. Environ 20 % de cette
réduction de mortalité est due au programme de dépistage organisé grâce auquel 150 à 300 décès par cancer du
sein sont évités pour 100 000 femmes participant de manière régulière pendant 7 à 10 ans.

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3.3.2. Cancer du côlon-rectum
• Le programme national de dépistage organisé du cancer colorectal s’adresse aux personnes âgées de 50 à
74 ans, à risque moyen de cancer colorectal, qui sont invitées tous les deux ans à consulter leur médecin traitant
pour réaliser un test de recherche de sang occulte dans les selles. Le test au gaïac (Hémoccult II) a été remplacé
par le test immunologique, plus performant et plus facile d’utilisation. Il est suivi, en cas de positivité, par une
coloscopie totale.

3.3.3. Cancer du col utérin


• Le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus repose actuellement sur une analyse cytologique ou test HPV
après frottis cervico-utérin (FCU). La Haute Autorité de Santé recommande, pour les femmes de 25 à 65 ans, un
FCU tous les 3 ans après 2 FCU normaux à un an d’intervalle.
• Un programme organisé de dépistage a été lancé en 2018.
• Le dépistage reste indispensable même après vaccination contre l’HPV.
3.3.4. Autres cancers pour lesquels aucun programme de dépistage n’est organisé
3.3.4.1. Cancer de prostate
• Les agences d’évaluation et les autorités sanitaires considèrent qu’il n’y a pas lieu, en France, de mettre en place
de programme de dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA (et/ou toucher rectal), ni de
recommander cette pratique, y compris pour les populations à risque.
• Néanmoins, les recommandations concluent également qu’une information éclairée du patient sur l’ensemble
de la démarche de dépistage et ses conséquences, par le médecin, est nécessaire pour tout homme qui envisage
(malgré tout) de faire ce dosage.

3.3.4.2. Cancer du poumon


• Au 1er janvier 2021, les conditions de qualité, d’efficacité et de sécurité nécessaires à la réalisation du dépistage
du cancer du poumon par scanner thoracique à faible dose de rayons X (‘low-dose CT scan’) chez des individus
fumeurs ne semblaient pas réunies.

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Principales situations de départ en lien avec l’item 290 :
« Épidémiologie, facteurs de risque, prévention et dépistage des cancers »

Situation de départ Descriptif


Prévention
303. Prévention/dépistage des cancers de l’adulte • Le cancer est la première cause de mortalité en
France.
313. Prévention des risques liés à l’alcool
• Quatre localisations cancéreuses (prostate, sein,
314. Prévention des risques liés au tabac poumon, côlon-rectum) rendent compte de la moitié
315. Prévention des risques professionnels des cancers en France.
• L’incidence et la mortalité de la plupart des cancers
319: Prévention du surpoids et de l’obésité
diminuent régulièrement à l’exception notable des
322: Vaccinations de l’adulte et de l’enfant cancers du poumon de la femme qui augmentent.
• 40 % des cancers sont dépendants des
comportements et modes de vie.
• Le principal facteur de risque de développer un
cancer est l’âge.
• « La seule cigarette sans risque est celle qu’on ne
fume pas ! »
• L’alcool est responsable de 16 000 décès annuels
par cancer. L’alcool serait responsable de 15 % des
cancers du sein en 2015.
• 20 à 25 % des cancers sont imputables aux
comportements alimentaires.
• Les papillomavirus humains (HPV) sont responsables
de huit localisations de cancers : col de l'utérus,
vagin, vulve, anus, pénis, cavité buccale, oropharynx,
larynx ;
• La prévention du cancer du col de l’utérus repose sur
la vaccination contre HPV et le dépistage par frottis
du col utérin.
• La vaccination contre HPV se fait avec le vaccin
Gardasil 9 TM.
• Le critère de jugement d’une campagne organisée de
dépistage d’un cancer est la réduction de la mortalité.
• Les cancers du sein, du côlon-rectum et du col de
l’utérus font l’objet d’un programme national de
dépistage.
• Le dépistage du cancer du sein concerne les femmes
de 50 à 74 ans, sans risque particulier, et leur propose
un examen clinique des seins et une mammographie
tous les deux ans.
• Le dépistage du cancer du côl concerne les femmes
de 25 à 65 ans et leur propose un frottis cervico-
utérin tous les 3 ans après 2 FCU normaux à un an
d’intervalle.

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Item 291

CHAPITRE ►.....___ca_n_ ce_ -- _ r_og_ e_n


_ è_ s_ e_ _, o_nc_o_g_én_ _ e_ __
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Pr Karen Leroy', Dr Odile Cohen Haguenauer2, Pr Rosine Guimbaud3,
Pr Lucie Karayan-Tapon•, Pr Jean-Claude Pairon•
'Unité Fonctionnelle d'Oncologie Moléculaire, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris
2
Unité Fonctionnelle d'Oncogénétique, Hôpital Saint-Louis, Paris
'Unité d'Oncogénétique, Institut C. Regaud et CHU de Toulouse, IUCT-Oncopôle, Toulouse
'Unité Fonctionnelle de Cancérologie Biologique, CHU de Poitiers
'Service de Pathologies professionnelles et de l'Environnement, CHI Créteil, Créteil

OBJECTIFS: N ° 291. CANCER: CANCÉROGENÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE

➔ Décrire l'histoire naturelle du cancer.


➔ Connaître les implications cliniques des données d'oncogénétique constitutionnelle et somatique.
➔ Décrire les principales étiologies professionnelles des cancers et expliquer les principes de dépistage des cancers professionnels.

·--------------------- ------------------------------------------------- -------------- -------------------- -------·


1. Cancérogénèse 2.2. Consultations d'oncogénétique (organisation,
1.1. Histoire naturelle des cancers réglementation)
1.2. Biologie des cellules cancéreuses 2.3. Syndromes de prédisposition génétique aux cancers du
1.3. Généralités: approche constitutionnelle et tumorale sein/ovaire
1.4. Oncogène et gène suppresseur de tumeur 2.4. Syndromes de prédisposition aux cancers colorectaux
1.5. Physiopathologie des cancers sporadiques: facteurs de 3. Cancers professionnels
risque 3.1. Définitions -généralités
1.6. Hétérogénéité tumorale 3.2. Principaux facteurs de risque
2. Oncogénétique constitutionnelle
2.1. Définitions (forme familiale de cancer, syndrome de
prédisposition génétique au cancer)
�-------------------------------------------------------------------------------------------------- ------ -------·

Rang -
Rubrique - - ~ --
Intitulé
- - � � ---- - �-

A Éléments Histoire naturelle des cancers : connaître les principaux mécanismes de


physiopathologiques cancérogenèse : initiation-promotion-progression/dysplasie - carcinome in
situ - carcinome invasif/invasion loco-régionale et dissémination métastatique/
prédisposition - lésion précancéreuse
-- -- -
B Définition Généralités : savoir définir et distinguer les variations somatiques et
constitutionnelles
B Éléments Physiopathologie des cancers sporadiques : facteurs de risque (tabac, soleil,
physiopathologiques
-- -- alcoo� infla�ma!io�chr9n��e...)_ _ _ _ __ __ _ _ _
B Éléments Biologie des cellules cancéreuses : lister les caractéristiques principales des
physiopathologiques cellules cancéreuses, connaître le concept de cellule souche tumorale et de
- --- - -- transition épithélio-mésenchymateuse
- - --- -- --------------
Connaître la définition et le rôle dans le processus de cancérisation d'un
B Définition
oncogène et d'un gène suppresseur de tumeur

- --Définition Définir le concept d'hétérogénéité génétique tumorale


B
---
Connaître la distinction entre cancer sporadique, familial et syndrome génétique
A Définition
--- de prédisposition au cancer
-----'--- ---- -- --
-- -----

24
Connaître les situations (cliniques et anamnestiques) devant faire suspecter un
B Diagnostic positif
syndrome héréditaire sein-ovaire
Connaître les situations (cliniques et anamnestiques) devant faire suspecter
B Diagnostic positif un syndrome de Lynch. Savoir distinguer phénotype tumoral MSI et syndrome
de Lynch
Connaître la définition du syndrome de Polypose Adénomateuse Familiale et les
B Définition
gènes à l'origine de ce syndrome
Éléments physiopatholo- Définir et distinguer les principaux types d'anomalies génétiques observées
B
giques dans les cellules cancéreuses (BRCA1-2 et Lynch)
A Définition Connaître la définition des cancers professionnels
Prévalence des cancers professionnels. Fréquence des expositions et part
B Prévalence, épidémiologie
attribuable liée aux expositions professionnelles
Lister les principaux facteurs de risque des cancers professionnels (cancer
bronchique, mésothéliome, tumeurs malignes de vessie et des voies urinaires,
A Étiologies
leucémies aigues, tumeurs malignes cutanées, cancers naso-sinusiens, cancers
du nasopharynx)

Les situations de départ sont listées à la fin du


A 1. Cancérogenèse

1.1. Histoire naturelle du cancer


• Le cancer résulte de la multiplication de cellules qui:
- échappent aux mécanismes régulant l'homéostasie tissulaire (prolifération, survie et différenciation cellulaire)
et,
- acquièrent les capacités d'envahir les tissus avoisinants ( envahissement loco-régional) et à distance (métastases).
• Le développement du cancer se déroule sur une période de temps qui peut être assez longue (plusieurs années
à plusieurs dizaines d'années). Cependant, le développement et l'évolution clinique sont très variables selon le
type de cancer (en fonction de l'organe d'origine, du type histologique et des caractéristiques phénotypiques de la
tumeur): celle-ci peut être très agressive ou au contraire, plutôt indolente.

1.1.1. Étapes de la carcinogenèse


• La carcinogenèse est un processus multi-étapes.
• L'étude de cellules d'origine humaine ou murine, cultivées in vitro, a permis de définir la notion d'immortalisa­
tion cellulaire (cellule capable de proliférer in vitro indéfiniment, du fait de l'absence de sénescence réplicative) et
de transformation cellulaire (cellule immortalisée, ayant perdu l'inhibition de contact, capable de proliférer sans
ancrage et de former des tumeurs chez la souris immunodéficiente).
• L'étude de modèles expérimentaux, cellulaires et animaux, a permis de définir trois étapes clés dans le dévelop­
pement d'un cancer:
- l'initiation: lésion rapide, irréversible et transmissible de !'ADN, induite par un facteur carcinogène (facteur
physique: radiations UV, radiations ionisantes; facteur chimique: hydrocarbures aromatiques polycycliques,
métaux lourds, amines aromatiques ...; facteur viral: infection par HBV, EBV, HPV ...);
- la promotion: exposition prolongée, répétée ou continue à une substance qui entretient et stabilise la lésion
initiée (stimuli mitogènes: cytokines, facteurs de croissance, hormones...). Elle aboutit à l'expansion clonale
des cellules pré-tumorales;

25
Item 291
- - -

- la progression: caractérisée par l'acquisition des capacités de prolifération/survie cellulaire, de résistance à


l'apoptose (mort cellulaire programmée), d'immortalisation, l'acquisition des capacités d'invasion locale et de
dissémination à distance (formation de métastases).

1..1..2. Étapes de l'évolution d'un cancer d'origine épithéliale


• L'étude de modèles expérimentaux et l'analyse histologique des lésions pré-tumorales a permis d'identifier
plusieurs étapes histologiques dans le développement de cancers à partir des épithéliums (de revêtement ou
glandulaires) (Figure 1) :

Figure 1. Lésions épithéliales

Lésions épithéliales

Normal Adénome

-
Adénome
Avec atypies sévères Adénocarcinome

Normal Hyperplasie Dysplasie Dysplasie sévère


modérée (Carcinome in situ)

Carcinome invasif

• La dysplasie (néoplasie intra-épithéliale) :


- caractérisée par des anomalies de la prolifération et de la différenciation cellulaire;
- mise en évidence par des anomalies architecturales tissulaires et des anomalies cytologiques (mitoses, anomalies
nucléaires ...);
- secondaire à un état inflammatoire chronique (ex.: gastrite, reflux gastro-oesophagien), une infection virale
(ex: infection à papillomavirus), une exposition à des substances carcinogènes (tabagisme);
- définie par sa sévérité: bas grade ou haut grade (parfois trois catégories: légère/modérée/sévère). La dysplasie
ou néoplasie intra-épithéliale sévère/de haut grade est équivalente au carcinome in situ;
- évolutions possibles: régression, stabilité, évolution vers un carcinome invasif.
• Le carcinome in situ:
- caractérisé par des anomalies de la prolifération et de la différenciation cellulaire associées à des anomalies
d'organisation des cellules entre elles, sans franchissement de la membrane basale ( = sans stroma, ni
vascularisation);
- parfois multifocal (cancérogenèse de champ);
- évolutions possibles: régression, stabilité, évolution vers un carcinome invasif.
• Le carcinome invasif:
- défini par le franchissement de la membrane basale et un envahissement du tissu conjonctif sous-jacent;
- la croissance tumorale nécessite une néoangiogenèse;
- la tumeur comporte un composant stroma! (vasculaire, mésenchymateux, immunitaire).

26
Ces différents stades d'évolution d'une lésion apparaîtront clairement à la lecture du compte-rendu
anatomo-pathologique d'une biopsie ou d'une exérèse chirurgicale de la lésion.

1..1..3. Dissémination des cellules tumorales


• Invasion loco-régionale:
- invasion des tissus adjacents par contiguïté;
- invasion des vaisseaux sanguins et lymphatiques;
- envahissement des gaines nerveuses.
• Dissémination et formation de métastases:
- dissémination par voie lymphatique (ganglion sentinelle: défini comme étant le premier relais ganglionnaire
drainant la tumeur);
- dissémination par voie sanguine (localisation préférentielle des métastases en fonction du drainage veineux
porte ou cave);
- dissémination intra-canalaire (voies excrétrices urinaires), intra-cavitaire (péritoine, plèvre, méninges);
- localisation préférentielle des métastases selon le cancer primitif.

1..1..4. Lésion pré-tumorale et pathologie prédisposante


• Pathologie prédisposante: pathologie associée à un risque accru de développer une lésion cancéreuse (endo-bra­
chyoesophage, pathologie inflammatoire telle que maladie inflammatoire chronique intestinale, hémochroma­
tose ...).
• Lésion pré-cancéreuse : lésion histologique associée à un risque élevé de survenue de cancer (hyp erplasie aty­
pique, dysplasie, polype adénomateux colorectal...).

B 1.2. Biologie des cellules cancéreuses


• Les cellules cancéreuses présentent un ensemble de caractéristiques fonctionnelles, associées de manière variable
(Tableau 1). Les mutations des proto-oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeur permettent aux cellules
d'acquérir ces caractéristiques, indispensables pour transformer une cellule normale en cellule cancéreuse. L'ac­
quisition de ces propriétés est facilitée par l'instabilité génétique des cellules tumorales et l'existence d'une inflam­
mation tissulaire.

Tableau 1. CARACTÉRISTIQUES DES CELLULES CANCÉREUSES

Principales caractéristiques des cellules cancéreuses, selon la publication d'Hanahan et Weinberg, Cell, 2011.
Selon ces auteurs, l'existence d'une inflammation tissulaire et d'une instabilité génétique sont considérées
comme des processus favorisant l'acquisition des différentes propriétés des cellules tumorales.

• Auto-suffisance en signaux de prolifération (mutation des proto-oncogènes et gain de fonction)


• Insensibilité aux signaux inhibant la croissance cellulaire (mutation des gènes suppresseurs des tumeurs et
perte de fonction)
• Échappement à l'apoptose
• Capacité réplicative illimitée (immortalisation-implication des télomères et télomérase)
• Capacité d'induire une néoangiogenèse (implication de VEGF/VEGFR)
• Propriétés d'invasion tissulaire locale et de formation de métastases à distance
• Métabolisme énergétique spécifique
• Capacité d'échapper à la réponse immunitaire anti-tumorale (implication de PD-1/PDL-1)
-- ---------
► 30 CANCÉROGENÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE
27
Item 291

• La notion de cellule souche tumorale a été établie à partir d'expériences de transplantation de cellules triées
(cellules leucémiques ou cellules issues de tumeurs solides) chez la souris immuno-déficiente. Dans ces modèles,
seules certaines cellules, en faible nombre (cellules souches tumorales) ont la capacité de donner naissance à une
tumeur: elles possèdent des propriétés d'auto-renouvellement, de multipotence (différenciation vers différents
linéages cellulaires), de quiescence ou de multiplication et d'initiation tumorale. Elles seraient à l'origine de la
résistance aux traitements, des rechutes tumorales et des disséminations métastatiques.
• La transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) définit un état transitoire des cellules épithéliales cancéreuses,
au cours duquel ces cellules perdent des caractéristiques épithéliales et acquièrent des caractéristiques phéno­
typiques de cellules mésenchymateuses, les rendant mobiles, propices à la migration et au développement de
métastases.

1.3. Généralités : approche constitutionnelle et tumorale


• Les cellules cancéreuses sont porteuses d'anomalies génétiques multiples, accumulées au cours des divisions
cellulaires (Figure 2).
• Le taux de mutation est variable selon le type de cancer. Il est très élevé dans les cancers associés à une exposition
carcinogène (ex.: cancers du poumon et tabac, cancers cutanés et radiations UV).

La définition des principales anomalies génétiques observées dans les cellules cancéreuses ne figure pas
dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations sont données à titre indicatif.

PRINCIPALES ANOMALIES
---
GÉNÉTIQUES DES CELLULES CANCÉREUSES
-�� ---

• Amplification génique : augmentation du nombre de copies d'un gène, pouvant conduire à sa surexpression.
L'amplification d'un gène peut être détectée par des techniques de biologie moléculaire (hybridation sur puce
(CG Harray), PCR quantitative, séquençage nouvelle génération - NGS...), par des analyses de cytogénétique
moléculaire (hybridation in situ avec des sondes fluorescentes ou chromogéniques, sur noyau interphasique
ou métaphasique; - FISH, SISH, CISH... ), par ses conséquences au niveau protéique (immunohistochimie);
• Délétion génique : perte de 1 ou des 2 copies d'un gène. La délétion d'un gène peut être détectée par des
techniques de biologie moléculaire (hybridation sur puce, PCR quantitative, séquençage nouvelle génération­
NGS...), par des analyses de cytogénétique moléculaire (hybridation in situ avec des sondes fluorescentes
ou chromogéniques, sur noyau interphasique ou métaphasique), par ses conséquences au niveau protéique
(immunohistochimie);
• Translocation/réarrangement chromosomique : fusion de deux segments de chromosomes normalement non
contigus, originaire du même chromosome ou de deux chromosomes différents. Ce type d'anomalie aboutit à
la surexpression de certaines protéines (translocation impliquant les gènes des lg ou des TCR, par exemple),
et/ou à la production de protéines de fusion chimériques (protéine oncogénique BCR-ABL dans le cas de la
translocation t(9;22) caractéristique des leucémies myéloïdes chroniques, par exemple). Ces réarrangements
peuvent être détectés par des techniques de biologie moléculaire (RT-PCR quantitative, séquençage ARN­
NGS...), par des analyses de cytogénétique moléculaire (hybridation in situ avec des sondes fluorescentes), et
dépistés par leurs conséquences au niveau protéique (immunohistochimie);
• Mutations : modification de la séquence nucléotidique, concernant un seul nucléotide ou un nombre limité de
nucléotides (petites insertions ou délétions, respectant ou non le cadre de lecture). Ces variations nucléotidiques
peuvent ne pas entraîner de modification protéique (mutation synonyme), induire un changement de la
séquence protéique (mutation faux sens, insertion/délétion en phase), aboutir à la production d'une protéine
tronquée (mutation non sens : création d'un codon stop, insertion/délétion ne respectant pas le cadre de
lecture, mutation touchant un site d'épissage). Elles peuvent donc aboutir à un gain de fonction (mutation
activatrice) ou une perte de fonction (mutation inactivatrice). Une mutation peut être détectée par des
techniques de biologie moléculaire (séquençage, différentes techniques de PCR...), ou par ses conséquences
au niveau protéique (immunohistochimie);
• Méthylation : des anomalies de la méthylation de l'ADN sont associées à des anomalies de régulation
transcriptionnelle (méthylation des régions promotrices de gènes suppresseurs de tumeurs associée à une
perte d'expression);


28
CANCÉROGENÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE ]1
• Les techniques de séquençage massif parallèle, également appelé séquençage « de nouvelle génération »
(NGS), sont en train de remplacer les techniques de biologie moléculaire classiques dans les laboratoires.
Ces techniques permettent de séquencer simultanément un ensemble de gènes, partiellement ou en totalité,
de détecter des mutations ponctuelles ou des anomalies du nombre de copies. Elles permettent également
de séquencer l'ensemble des ARN (RNA-Seq), l'ensemble des exons (exome), ou l'ensemble du génome.
L'application de ces techniques de haut ou très haut débit à la prise en charge des patients atteints de cancer
est évaluée dans le cadre de RCP (Réunions de Concertation Pluridisciplinaires) dites« moléculaires».

Figure 2. Génome tumoral

1-10 mutations �
Mitoses
motrices

10 000-100000 mutations
passagères +O
Œuf Développement Adulte Expansion clonale Tumeur Tumeur Rechute
fécondé Enfance pré-tumorale bénigne/ in situ invasive

Processus mutagène
Intrinsèque
Carcinogènes
environnementaux
Instabilité génétique

Chimio/ __..
radiothérapie

Les mutations sont acquises tout au long de la vie de l'individu, depuis la conception, et dépendent de
l'exposition à des substances carcinogènes environnementales ou liées au mode de vie (alimentation,
tabagisme, profession, etc.), ou aux traitements, y compris le traitement du cancer. La plupart des mutations
sont considérées comme passagères ou accompagnatrices et témoignent de l'exposition à des substances
mutagènes et/ou de défauts de détection et de réparation des dommages à l'ADN. Seuls quelques événements
génétiques (mutations, réarrangements chromosomiques, amplifications ou délétions géniques) jouent un
rôle moteur dans le développement de la tumeur. À titre d'illustration, le noyau d'une cellule où s'accumulent
des altérations génétiques au fur et à mesure des divisions cellulaires, les évènements génétiques « pilotes/
moteurs » sont figurés par des éclairs, les évènements passagers par des étoiles ou des ronds, la couleur du
symbole correspondant au processus mutagène indiqué en bas de la figure.

• Il existe parfois une altération génétique constitutionnelle, héritée de l'un des deux parents, présente dans
toutes les cellules de l'individu et prédisposant l'individu au développement de certains types de cancers (cf infra
oncogénétique).
• Dans la plupart des cas, les anomalies génétiques observées dans les cellules cancéreuses ont été acquises: il s'agit
de variations somatiques, qui sont survenues au cours de la vie de l'individu et se sont accumulées au cours
des divisions cellulaires : on parle ici de génétique somatique par opposition à la génétique constitutionnelle.
Ces mutations peuvent avoir un intérêt diagnostique (pour préciser un type histologique, par exemple dans les
sarcomes, les lymphomes, les gliomes ...), pronostique, ou théranostique, c'est-à-dire permettant de prédire la
réponse à un traitement.

29
Item 291

La définition des mutations « pilotes et passagères » ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet
item et ces informations sont données à titre indicatif.

Les mutations qui jouent un rôle dans le développement du cancer sont appelées mutations pilotes/motrices/
conductrices (driver). Il en existe peu (5-1 O) dans chaque tumeur. Elles touchent des proto-oncogènes ou des
gènes suppresseurs de tumeur (cf. infra). Les autres mutations, plus fréquentes, sont le reflet de l'exposition
aux substances carcinogènes et/ou de l'instabilité génétique tumorale et ne jouent pas de rôle dans le
développement du cancer, elles sont appelées mutations passagères/accompagnatrices (passenger).

B 1.4. Oncogène, gène suppresseur de tumeur


• Oncogène : forme « activée » d'un gène (gain de fonction) qui code pour des protéines induisant la prolifération
et/ou la survie cellulaire (par extension: favorise le processus oncogénique):
- les proto-oncogènes ( = gène normal non activé) codent des protéines impliquées dans les signaux de
prolifération et de survie cellulaire (facteurs de croissance et leurs récepteurs, protéines de la signalisation
intracellulaire, facteurs de transcription, etc.);
- ils sont souvent des homologues de gènes transformants d'origine virale (v-onc);
- leur activation les rend oncogéniques et ils sont alors appelés oncogènes;
- l'activation peut être quantitative (surexpression due à une amplification, une translocation ou à d'autres
mécanismes ...) ou qualitative (mutation faux sens, micro-délétion ou insertion conservant le cadre de lecture,
translocation avec fusion de gènes différents);
- un allèle activé suffit (effet dominant au niveau du phénotype cellulaire);
- l'oncogène peut être codé par un génome viral ayant infecté la cellule.
• Gène suppresseur de tumeur : gène dont la perte de fonction favorise la prolifération et/ou la survie cellulaire
(par extension: favorise le processus oncogénique) :
- les gènes suppresseurs de tumeurs codent des protéines contrôlant la prolifération et la survie cellulaire (RBl
codant pour la protéine du rétinoblastome, TP53, PTEN, etc.) et la différenciation (APC) ou pour des protéines
contrôlant la stabilité du génome (gènes impliqués dans les processus de réparation des dommages à l'ADN);
- l'inactivation peut être due à une délétion totale ou partielle du gène, à une méthylation du promoteur du
gène conduisant à une perte d'expression du gène, à une mutation (mutation non-sens, décalage du cadre de
lecture) ;
- l'inactivation est généralement bi-allélique (hypothèse « two hits » de Knudson);
- la plupart des syndromes de prédisposition génétique au cancer impliquent des gènes suppresseurs de tumeur :
un allèle est inactivé au niveau germinal (dans toutes les cellules de l'individu), le deuxième allèle sera par la
suite inactivé dans les cellules tumorales.

1.5. Physiopathologie des cancers sporadiques: facteurs de risque


• Les cancers d'origine sporadique sont dus à des altérations génétiques induites par l'exposition à des éléments
mutagènes (tabac, soleil), à des facteurs oncogéniques d'origine virale (papillomavirus...) et/ou à une inflamma­
tion chronique entretenue par des facteurs environnementaux ou comportementaux (alcool. ..). L'inflammation
chronique favorise la cancérogenèse par de multiples mécanismes (mutagénèse induite par les dérivés oxygé­
nés réactifs, présence de cytokines favorisant la prolifération cellulaire et inhibant la réponse immunitaire anti­
tumorale).

30
• L'exposition à des facteurs de risque professionnels, comportant des éléments mutagènes et/ou inflammatoires est
détaillée plus loin (cf infra, cancers professionnels).

1.6. Hétérogénéité tumorale


• Les études de séquençage de haut débit du génome tumoral ont montré qu'il existe des variations spatio-tempo­
relles du génome tumoral. En effet, ce génome subit des variations (mutations, gains et pertes de segments chro­
mosomiques, réarrangements intra ou inter-chromosomiques) au cours des divisions cellulaires, dans la tumeur
primitive et dans les différentes localisations secondaires, donnant naissance à des sous-clones génétiquement
hétérogènes (Figure 3).
• Cette hétérogénéité est plus ou moins marquée selon le type de cancer.

Figure 3. Hétérogénéité génétique tumorale

Cellule
normale

Les événements génétiques (mutations, réarrangements chromosomiques, amplifications ou délétions


géniques) s'accumulent dans les cellules tumorales au fur et à mesure des divisions. Les sous-clones produits
peuvent avoir des génotypes partiellement différents, et évoluent pour leur compte, contribuant de manière
variable à la masse tumorale dans ses différentes localisations. Certains sous-clones pourront être sélectionnés
sous l'effet des traitements. Les différentes couleurs représentent les différents sous-clones issus des altérations
successives du génome tumoral.

L'ADN tumoral circulant ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations sont
données à titre indicatif.

Il est actuellement possible de rechercher les anomalies génétiques tumorales au niveau de l'ADN plasmatique.
La quantité d'ADN tumoral circulant dans le plasma varie selon le type de cancer et elle est d'autant plus élevée
que la maladie est à un stade avancé. L'analyse de l'ADN tumoral circulant est actuellement recommandée au
diagnostic pour les adénocarcinomes du poumon métastatiques en absence de matériel tissulaire informatif,
ou lors de la progression sous traitement ciblé anti-EGFR. Les autres utilisations possibles de l'analyse de l'ADN
tumoral circulant (marqueur pronostique, suivi de la maladie résiduelle, recherche de mutations de résistance
aux traitements administrés) dans les différents cancers sont en cours d'évaluation.

► ]If (ANCËROGENÈSE, ONCOGËNËTIQUE


31
Item 291

A 2. Oncogénétique constitutionnelle
• L'oncogénétique constitutionnelle concerne les altérations génétiques héréditaires: «germinales» ou«consti­
tutionnelles », qui peuvent être mises en évidence dans les cellules normales de l'individu. Alors que la géné­
tique moléculaire des cancers ou génétique somatique concerne les altérations génétiques acquises des cellules
tumorales.

Définitions (forme familiale de cancer, syndrome de prédisposition


2.1.
génétique au cancer)
• La plupart des cancers surviennent de manière sporadique; peuvent y participer l'exposition aux facteurs carcino­
gènes liés à l'environnement ou au mode de vie. Dans environ 10 à 20 % des cancers, on peut mettre en évidence
une agrégation familiale de cas de cancers, dont certains liés à des facteurs génétiques participant au développe­
ment de tumeurs: on parle de formes familiales.
• Parmi ces formes familiales, on distingue les syndromes de prédisposition génétique aux cancers, dus à la présence
d'une mutation germinale (constitutionnelle) identifiée qui augmente fortement le risque de cancer(s) au cours
de la vie de l'individu. Ils représentent environ 5 à 10 % des cas de cancer; ce pourcentage est plus élevé lorsque le
diagnostic de cancer est porté avant l'âge de 40 ans.

2.2. Consultations d'oncogénétique (organisation, réglementation)

En cas de suspicion de forme familiale et/ou de syndrome génétique de prédisposition au cancer, une
consultation d'oncogénétique spécialisée doit être proposée au patient.

• Au cours de cette consultation, le risque de syndrome génétique spécifique sera évalué, et un test génétique consti­
tutionnel pour identifier le gène impliqué et la mutation causale pourra éventuellement être proposé au patient
(appelé«cas index») dans le respect de la confidentialité des données génétiques. Cette approche est encadrée de
façon très stricte par les lois de Bioéthique.
• Ce test ne peut être réalisé qu'avec un consentement signé du patient, dans un laboratoire agréé et sous réserve
qu'il accepte au préalable d'informer sa parentèle en cas de mutation identifiée. Le test sera généralement réalisé
sur !'ADN isolé des cellules normales, en règle les leucocytes circulants (ADN germinal) ; le prélèvement de
contrôle, obligatoire, peut être un frottis jugal ou un prélèvement salivaire (tube spécifique).
• L'identification de la mutation germinale chez le cas index permet dans un second temps de proposer aux appa­
rentés asymptomatiques un«test prédictif» afin de déterminer s'ils sont porteurs de cette caractéristique géné­
tique. Un suivi individuel adapté aux risques est alors proposé aux sujets porteurs de la caractéristique génétique
identifiée.
• En cas de forme familiale avérée évocatrice de syndrome de prédisposition au cancer mais sans« mutation »
identifiée chez le cas index, aucun test prédictif n'est disponible. Une surveillance clinique/radiologique appro­
priée sera alors proposée à l'ensemble des individus conformément aux recommandations de la Haute Autorité
de Santé (HAS).
• Avec la généralisation des analyses moléculaires tumorales (somatiques), devant l'identification d'un variant délé­
tère d'un gène de prédisposition au cancer, il est indispensable de prendre contact avec l'équipe d'oncogénétique
de référence pour un avis et, en fonction, engager les démarches oncogénétiques nécessaires au bénéfice à la fois
du patient affecté par la tumeur et de ses apparentés.

35 ◄
32
(ANCÊROGENÈSE, ONCOGËNËTIQUE
B 2.3. Syndromes de prédisposition génétique aux cancers du sein/ovaire
• 5 à 10 % des cancers du sein surviennent dans le contexte d'un syndrome de prédisposition génétique au cancer dû
à des mutations des gènes BRCAl ou BRCA2, transmis de manière autosomique dominante. Pour chacun de ces
gènes, les mutations sont présentes à une fréquence de 1/500 individus en moyenne dans la population générale.
• Les gènes BRCAI (chromosome 17) et BRCA2 (chromosome 13) codent des protéines impliquées dans la répara­
tion des cassures double brin de !'ADN par recombinaison homologue.
• Ces mutations augmentent le risque de développer (sans dépasser 70-80 % de risque cumulé sur la vie) :
- un cancer du sein (à un âge précoce et/ou multifocal) ;
- un deuxième cancer sur le sein controlatéral ;
- un cancer de l'ovaire (essentiellement après 40 ans).
• Pour BRCA2 : augmentation du risque de cancer du pancréas et mélanome ; chez l'homme, augmentation du
risque relatif de cancer du sein et de la prostate.
• Différents éléments doivent conduire à rechercher ce syndrome (Tableau 2).

Tableau 2. ÉLÉMENTS D'ORIENTATION DEVANT FAIRE SUSPECTER


UN SYNDROME HÉRÉDITAIRE DE CANCER DU SEIN ET DE L'OVAIRE (BRCA).
Selon les recommandations de l'INCa, 201.3.

• Présence de plusieurs cas de cancers du sein dans une même famille


- Même branche (paternelle ou maternelle)
• Précocité de survenue du cancer du sein
- 40 ans ou moins
• Diagnostic d'un second cancer sur le sein controlatéral et/ou cancer multifocal
• Présence d'un cancer de l'ovaire
• Survenue d'un cancer du sein chez l'homme

Le score lnserm dit« score d'Eisinger » est un score familial d'analyse de l'arbre généalogique dans une seule branche
parentale à la fois, basé sur l'âge de diagnostic, la présence de cancer du sein chez l'homme, de cancer de l'ovaire. Il permet
de graduer le risque de prédisposition génétique, et de guider ainsi l'indication à la consultation d'oncogénétique et à la
réalisation d'un test génétique.

Les modalités de surveillance des patientes BRCA ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de cet
item et ces informations sont données à titre indicatif.

Le diagnostic de syndrome BRCA implique une surveillance clinique et radiologique spécifique. Cette
surveillance comporte :
• un examen clinique bisannuel des seins dès l'âge de 20 ans par un médecin référent;
• une imagerie mammaire annuelle dès l'âge de 30 ans par I RM Qusqu'à l'âge de 65 ans) complétée
par une mammographie numérisée plein champ, incidence unique oblique externe± échographie;
• une surveillance gynécologique annuelle dès l'âge de 35 ans, avec au moindre doute échographie
pelvienne et endovaginale dont la fiabilité reste médiocre; ainsi dès 40-41 ans pour BRCA1 et 45-47
ans pour BRCA2, une annexectomie bilatérale est préconisée, à titre préventif.

B • Des mutations d'autres gènes, plus rares, prédisposent également au cancer du sein et doivent être référées à une
consultation d'oncogénétique.

► 36
33
(ANCÉROGENÈSE, ONCOGÉNËTIQUE
Item 291

• Outre les conséquences en termes de dépistage/prévention, la connaissance du statut génétique BRCA a des impli­
cations thérapeutiques : la prescription d'un traitement par inhibiteur de PARP dans les cancers du sein, de
la prostate, de l'ovaire ou du pancréas est aujourd'hui conditionnée à la présence d'une mutation (germinale
et/ou tumorale selon le type de cancer) de ces gènes (cf 2.2.3). Ces nouvelles données ont conduit l'INCa à recom­
mander une consultation d'oncogénétique chez les patientes présentant un cancer de l'ovaire diagnostiqué avant
70 ans.
• De manière plus générale, le décret intervenu le 1er septembre 2016 met en place l'exonération du ticket modéra­
teur pour les examens annuels d'imagerie mammaire chez les femmes à haut risque génétique ou à risque élevé de
cancer du sein (avec ou sans mutation identifiée).

2.3.1. Éléments physiopathologiques


• Les tumeurs présentant une inactivation bi-allélique des gènes BRCA1/BRCA2, du fait soit d'une altération consti­
tutionnelle suivie d'un deuxième évènement dans les cellules tumorales soit d'une double inactivation au niveau
tumoral présentent un déficit du système de réparation des cassures double brin de l'ADN par recombinaison
homologue. Ce déficit peut être mis en évidence par recherche des mutations ou délétions au niveau des gènes
BRCAl/2 ou d'autres gènes impliqués dans le recombinaison homologue ou analyse des cicatrices génomiques
résultant de cette anomalie (phénotype dit « HRD » pour Hornologous Recornbination Deficient apprécié par un
score d'instabilité génomique).

2.4. Syndromes de prédisposition aux cancers colorectaux


• Environ 5 % des cancers colorectaux surviennent dans le contexte d'un syndrome de prédisposition génétique au
cancer.

2.4.1. le syndrome de Lynch


• Ce syndrome est dû à une mutation germinale d'un des gènes impliqués dans la reconnaissance et la réparation
des mésappariements de l'ADN (Misrnatch Repair ou MMR): MLHl, MSH2, MSH6, PMS2.
• Il est transmis de manière autosomique dominante.
• Il augmente fortement le risque de développer :
- un cancer colorectal (risque cumulé d'environ 25 à 50 %), un cancer de l'endomètre (risque cumulé entre 30 et
40 %), des voies excrétrices urinaires, de l'intestin grêle (spectre étroit, risque élevé);
- mais aussi, de façon plus rare, un cancer de l'estomac, des voies biliaires, des ovaires (spectre large, risque
modéré).
• Les tumeurs développées dans le cadre d'un syndrome de Lynch ont un phénotype tumoral spécifique« dMMR »
(cf paragraphe 2.4.2).
• Différents éléments cliniques doivent conduire à rechercher ce syndrome (Tableau 3).
• Toute tumeur de phénotype« dMMR » doit également conduire à rechercher ce syndrome.

Tableau 3. ÉLÉMENTS D'ORIENTATION DEVANT FAIRE SUSPECTER UN SYNDROME DE LYNCH


---- - - - - -- - --- - - �------------ -
• Cancer colorectal < 60 ans
• Cancers multiples (synchrones ou métachrones) du spectre du syndrome de Lynch chez un même patient
• Cancer colorectal + antécédents familiaux de cancer(s) du spectre du syndrome de Lynch (au moins un apparenté au
premier degré< 50 ans ou deux apparentés, au premier ou second degré, quels que soient les âges)

Les éléments listés doivent conduire à la prescription d'un test d'analyse du« statut MMR » de la tumeur. Il convient
d'orienter le patient vers une consultation d'oncogénétique si le résultat est compatible avec un syndrome de Lynch:
statut« dMMR »; cf.2.4.2.

34
Les modalités de surveillance des patients porteurs d'un syndrome de Lynch ne figurent pas dans les
objectifs de connaissance de cet item et ces informations sont données à titre indicatif.

Le diagnostic de syndrome de Lynch implique une surveillance clinique et endoscopique spécifique. Cette
surveillance comporte :
• une coloscopie avec coloration (chromoscopie) à l'indigo-carmin tous les 2 ans (sous couvert d'une
très bonne préparation colique et sans excéder cet intervalle), dès l'âge de 20-25 ans. La colectomie
prophylactique systématique n'est pas préconisée. Une gastroscopie est préconisée, sur le même
rythme que la coloscopie, en cas d'antécédent de cancer gastrique familial, sinon tous les 3-4 ans, à
partir du même âge que la coloscopie.
• un examen de l'utérus par échographie endo-vaginale annuelle, dès l'âge de 30-35 ans, avec
prélèvement endométrial préconisé ; compte-tenu de son efficacité, l'hystéroscopie souple avec
biopsies ciblées tend à s'imposer. L'indication d'une hystérectomie et annexectomie prophylactique
est une option à évoquer et discuter après accomplissement du projet parental.

B 2.4.2. Éléments physiopathologiques


• Les cancers développés dans le cadre d'un syndrome de Lynch sont caractérisés par un défaut du système de répa­
ration des mésappariements (système MMR).
• Ce défaut est lié à une inactivation biallélique de gène MMR par mutation d'origine constitutionnelle sur un allèle
et, dans les cellules tumorales, inactivation (2< événement) sur l'autre allèle. Il se traduit par un phénotyp e tumoral
dit« dMMR » (pour déficient-MMR)
Lorsqu'il n'y a pas de défaut MMR, le phénotyp e tumoral est dit pMMR (proficient-MMR)

Le phénotype tumoral dMMR est mis en évidence soit par la présence d'une « instabilité des séquences
microsatellites (ou MSI) » (test de biologie moléculaire révélant l'accumulation d'erreurs de réplication sur des
séquences d'ADN appelées microsatellites) et/ou par une perte d'expression de la protéine issue du gène MMR
muté, détectée par analyse immunohistochimique (dMMR/IHC).

• Le phénotype tumoral dMMR n'est pas spécifique du syndrome de Lynch: l'inactivation du système MMR dans
les tumeurs peut provenir d'une inactivation biallélique d'origine sporadique (impliquant le plus souvent un
mécanisme d'hyperméthylation du promoteur du gène MLHl) et s'observe dans des cancers sporadiques (15 %
des cancers colorectaux, 35 % des cancers de l'endomètre).
• Afin de dépister le syndrome de Lynch, il est recommandé de rechercher le phénotype tumoral dMMR dans les
cancers colorectaux répondant à certains critères (Tableau 3).
• Le phénotype tumoral dMMR se caractérise par une forte sensibilité tumorale à l'immunothérapie anti-tumorale
(anticorps inhibiteurs des points de contrôle immunitaires). Il est donc de plus en plus recherché à visée théra­
peutique pour tout type de cancer.

2.4.3. Polypose adénomateuse familiale (PAF)


• Due à une mutation germinale du gène APC, transmise de manière autosomique dominante, beaucoup plus rare
que le syndrome de Lynch.
• Elle induit le développement de multiples polyp es adénomateux colorectaux (> 100 dans la forme classique) dès
un âge jeune (souvent dans l'enfance et/ou adolescence), et donc de développer un cancer avant l'âge de 40 ans. Il
existe aussi des adénomes duodénaux à risque de dégénérescence et d'autres pathologies bénignes.
• Le diagnostic de PAF implique une surveillance par coloscopie annuelle à partir de la puberté, une surveillance
digestive haute: duodénoscopie avec biopsie de la papille tous les ans à tous les 2 ans et le plus souvent, dans les
formes typiques, une colectomie (voire colo-proctectomie) prophylactique dès l'âge de 18-20 ans.

35
'
Item 291

2.4.4. Autres syndromes


• Il existe d'autre syndromes de prédisposition génétique à la survenue de polyp ose et de cancers colorectaux, avec
des gènes identifiés ou non: ils doivent être référées à une consultation d'oncogénétique.

Le séquençage à haut débit ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations
sont données à titre indicatif.

Transposition des données du séquençage à haut débit (NGS) au niveau constitutionnel en recommandations
de prise en charge clinique, individuelle et familiale
Avec l'avènement des techniques de séquençage à haut débit et leur généralisation, la mise en œuvre de
tests constitutionnels couvrant un éventail de multiples gènes susceptibles d'intervenir dans la prédisposition
héréditaire au cancer est devenue réalité.
Il faut aussi rappeler ici que devant l'identification d'un variant délétère d'un gène de prédisposition au
cancer à l'occasion d'une analyse génomique tumorale, il est indispensable de prendre contact avec l'équipe
d'oncogénétique pour engager les démarches nécessaires.

A 3. Cancers professionnels

3.1. Définitions, généralités


• Les cancers professionnels correspondent à des cancers primitifs de divers organes, qui résultent d'une exposition
professionnelle à certains produits ou procédés du milieu de travail. Sur le plan épidémiologique, des fractions de
risque attribuable ont été calculées pour divers sites de cancer, et permettent d'estimer la fraction de l'ensemble
des cancers qui ne serait pas survenue en l'absence des expositions professionnelles. Ainsi l'Institut National du
Cancer rapporte récemment une estimation de fraction de risque attribuable de 3,6 % pour l'ensemble des cancers
incidents, ce qui représente probablement entre 12 000 et 15 000 nouveaux cas par an en France.
B • La fraction de risque attribuable aux facteurs de risque professionnels varie largement d'un site de cancer à un
autre. Des estimations récentes du Centre International de Recherche sur le Cancer rapportent ainsi des valeurs
de 14,6 % pour le poumon (19,3 % chez l'homme et 2,6 % chez la femme), 71,1% pour le mésothéliome (83,1 %
chez l'homme et 41,7 % chez la femme), 2,4 % pour la vessie (2,9 % chez l'homme et 0,2 % chez la femme), 25 %
pour la cavité nasale (32,9 % chez l'homme et 7,9 % chez la femme). Elle est très généralement plus élevée chez
les hommes que chez les femmes, reflétant des expositions professionnelles antérieures nettement plus fréquentes
chez les hommes.
• Les estimations effectuées à partir de l'étude SUMER diligentée par la Direction Générale du Travail font état
d'environ 11 % de travailleurs exposés à au moins un agent cancérogène en France en 2017. Les agents cancéro­
gènes les plus fréquemment rapportés étant les émissions de moteurs diesel, les fumées de soudage et les pous­
sières de bois.
• Du fait du long temps de latence de survenue (10 à plus de 40 ans, selon le typ e de cancer), la plupart des cancers
liés au travail surviennent après la cessation de l'activité professionnelle. Le rôle des cliniciens prenant en charge
ces patients est alors essentiel pour réaliser le repérage de ces expositions antérieures, compte tenu des droits
médico-sociaux auxquels le patient peut prétendre (reconnaissance en maladie professionnelle, et indemnisation
complémentaire par le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante pour les affections liées à l'amiante).
• Il est actuellement connu que les statistiques annuelles des cas reconnus en maladie professionnelle (environ
2 000 cas par an) sous-estiment largement le nombre réel des cas de cancers professionnels (cela résultant de
multiples facteurs intriqués, notamment: absence d'identification des expositions antérieures, sous-déclaration
par les patients, refus de reconnaissance lié à l'absence de confirmation de l'exposition par la Sécurité sociale, en
particulier en cas d'exposition très ancienne survenue plusieurs dizaines d'années auparavant).

36
A 3.2. Principaux facteurs de risque
• Les principaux facteurs de risque sont résumés dans le Tableau 4.
• En France, actuellement, l'immense majorité des cancers indemnisés chaque année par le régime général de
la Sécurité sociale sont les cancers broncho-pulmonaires et les mésothéliomes pleuraux liés à des expositions
antérieures à l'amiante.

Tableau 4. PRINCIPAUX FACTEURS DE RISQUE DE CANCERS PROFESSIONNELS


Exemples d'autres agents ou situations
Principaux facteurs de risque professionnels identifiés, d'expositions professionnelles « hors
Types/Sites de cancers
faisant l'objet de tableaux de maladie professionnelle tableaux » mais cancérogènes certains
selon le CIRC
Cancers • amiante (nombreuses situations d'exposition • béryllium
du poumon antérieures, notamment dans les métiers du • fumées de gaz d'échappement
bâtiment) de moteurs diesel
• gaz et poussières radioactives (radon) (travaux au • activité de peintre
fond des mines de fer)
• certains métaux: arsenic, cadmium, certains • industrie de production du
dérivés du chrome et du nickel, cobalt associé au caoutchouc
carbure de tungstène (industrie des métaux durs)
• silice cristalline (en cas de silicose)
• goudron de houille, brais de houille, suies
(contenant des HAP)
• bischlorométhyléther, chlorométhylméthyléther
(rare++)

Mésothéliomes • amiante (nombreuses situations d'exposition


(plèvre, péritoine, antérieures, notamment dans les métiers du
péricarde) bâtiment: isolation, plombier chauffagiste, emploi
de fibrociment avant 1997, etc.)

Cancers • certaines amines aromatiques (expositions • activité de peintre


de la vessie anciennes:
et des voies 4-aminobiphényl, benzidine et dérivés, • industrie de production du
excrétrices 2naphtylamine; orthotoluidine....; MBOCA; caoutchouc
supérieures
concerne la synthèse des colorants, encres,
peintures, industrie textile, imprimerie, industrie
du cuir et papetière, caoutchouc)
• certains travaux exposant à des HAP: production
d'aluminium (ancien procédé Soderberg), travaux
en cokerie, ramonage-entretien de chaudières/
chauffages au charbon, goudrons routiers (avant
1985)

Cancers • poussières de bois (menuisiers, ébénistes) • poussières de cuir


naso-sinusiens • certains dérivés du nickel (lors du raffinage du
nickeO
• certains dérivés du chrome

Cancer • formaldéhyde • poussières de bois


du naso-pharynx

Leucémies aiguës • radiations ionisantes (radiologues, radiographies


industriel/es, utilisation de radioéléments)
• benzène

► 40 (ANCÊROGENÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE
37
Item 291

Cancers cutanés • arsenic


• HAP (goudrons, brais de houille, huiles minérales
peu raffinées, huiles de moteur usagées, suies de
combustion)
• radiations ionisantes
CIRC: Centre international de recherche sur le cancer. HAP: hydrocarbures aromatiques polycycliques. MBOCA: 4,4'-methylene
bis (2-chloroaniline).

38
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 291:
«CANCER: CANCÉROGENÈSE, ONCOGÉNÉTIQUE »

Situation de départ I Descriptif


En lien avec cancérogénèse et oncogénétique
178. Demande/prescription raisonnée et choix d'un La suspicion de syndrome de prédisposition au cancer
examen diagnostique repose sur des éléments cliniques (types de cancer,
âge au diagnostic), familiaux (ATCD de cancers) et
parfois somatiques (caractéristiques tumorales). Elle
conduit à une consultation d'oncogénétique spécialisée
qui, si besoin, prescrira des analyses génétiques
constitutionnelles dans un cadre réglementaire précis.
180. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo­ La lecture d'un compte rendu d'anatomie pathologique
pathologie doit permettre d'identifier le cas échéant 1) la présence
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie d'une pathologie prédisposant au développement
de lésions cancéreuses, 2) l'existence d'une lésion
précancéreuse et 3) l'existence d'une lésion cancéreuse
invasive.
La description des caractéristiques morphologiques et
architecturales de la tumeur permet de définir le type
de tumeur maligne présente sur la biopsie ou la pièce
opératoire et de connaître le degré d'invasion des tissus
en profondeur, la présence d'une invasion vasculaire ou
lymphatique, d'un envahissement des gaines nerveuses.
294. Consultation de suivi en gynécologie Les femmes porteuses d'un syndrome de prédisposition
génétique au cancer du sein et/ou ovaire lié aux gènes
BRCA relèvent d'un dépistage spécifique sénologique
clinique dès l'âge de 20 ans et par imagerie dès 30 ans ;
une annexectomie est proposée à partir de 40 ans.
303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte La recherche des antécédents personnels et familiaux
de cancer est indispensable pour dépister un éventuel
syndrome de prédisposition héréditaire au cancer. Si les
éléments d'anamnèse sont en faveur d'un tel syndrome,
une consultation d'oncogénétique spécialisée sera
proposée au patient.
En lien avec la prévention des cancers professionnels
178. Demande/prescription raisonnée et choix d'un Plus de 10 % des travailleurs sont exposés à au moins un
examen diagnostique agent cancérogène au cours de leur travail.
231. Demande d'un examen d'imagerie La priorité des actions à entreprendre vis-à-vis des
2 32. Demande d'explication d'un patient sur le cancers professionnels est la prévention de ces cancers
déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un en milieu de travail.
examen d'imagerie L'accent doit être prioritairement mis sur la prévention
303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte primaire, avec un repérage et une maîtrise des situations
315. Prévention des risques professionnels d'exposition potentielle aux cancérogènes sur le lieu
de travail. Les employeurs ont l'obligation d'évaluer
les risques (exposition aux substances Cancérogènes
Mutagènes ou Reprotoxiques CMR), de limiter au
maximum cette exposition par la mise en œuvre de
moyens de protection collectifs (substitution si possible,
système clos, sinon captage à la source), de mettre en
œuvre les moyens de protection individuels adaptés,
d'en informer les salariés et de mettre en œuvre un suivi
individuel renforcé des sujets exposés.

► lf2
39
(ANCÊROGENÈSE, ONCOGÊNÊTIQUE
Sur le plan de la surveillance médicale, il convient de
s'assurer que les travailleurs sont informés et portent le
cas échéant des équipements de protection adaptés. Les
dossiers médicaux doivent être conservés 50 ans. Une
surveillance post-exposition (c'est-à-dire pendant que le
sujet est encore en activité), assurée par le médecin du
travail, et une surveillance post-professionnelle (après la
cessation d'activité, en particulier à la retraite), assurée
par le médecin traitant, sont proposées aux personnes
antérieurement exposées. Il existe actuellement un
nombre limité de recommandations de bonne pratique
proposées par les Sociétés savantes concernées et
validées par la Haute Autorité de Santé, sur les examens
à mettre en œuvre après exposition à certains agents
cancérogènes
• pour les poussières de bois, il est recommandé de
proposer un examen ORL et une naso-fibroscopie
tous les 2 ans, à partir d'un délai de 30 ans après le
début de l'exposition lorsque l'exposition cumulée a
duré au moins 1 an ;
• pour les groupes professionnels associés à un
risque très élevé de cancer de vessie, il est proposé
de réaliser une cytologie urinaire semestrielle,
à partir d'un délai de 20 ans après le début de
l'exposition ;
• une réflexion est en cours sur le dépistage qu'il
convient de proposer chez les sujets ayant eu
une exposition antérieure à des cancérogènes
pulmonaires professionnels (incluant l'amiante, qui
est à l'origine du plus grand nombre des cancers
professionnels). La surveillance qui a été préconisée
par la Commission d'audition ad hoc réunie par la
Haute Autorité de Santé en 2010, pour les sujets
antérieurement exposés à l'amiante, visait en effet
exclusivement le dépistage des affections bénignes
(asbestose et fibrose pleurale, notamment plaques
pleurales) et était inadaptée au dépistage des
affections malignes. La recommandation de bonne
pratique récente concernant la «surveillance médico­
professionnelle des travailleurs exposés ou ayant été
exposés à des agents cancérogènes pulmonaires»,
labellisée fin 2015 par la Haute Autorité de Santé
et l'Institut National du Cancer, préconise qu'une
expérimentation soit mise en place pour évaluer la
faisabilité et l'intérêt d'un dépistage par examen
tomodensitométrique thoracique faiblement dosé,
chez des sujets exposés ou ayant été exposés à des
cancérogènes pulmonaires et classés à haut risque
de cancer bronchopulmonaire. Il n'est donc pas
préconisé de le réaliser à ce jour.
Lorsque le sujet part en retraite, la surveillance post­
professionnelle assurée par le médecin choisi par
l'assuré fait l'objet d'une prise en charge spécifique par
la Sécurité sociale, dans le cadre de protocoles après
accord de la Caisse primaire d'assurance maladie, et
délivrance de volets de soins spécifiques à l'assuré.

40
En lien avec la prise en charge médico-sociale des cancers professionnels
180. Interprétation d'un compte-rendu anatomo­ li est important de s'assurer que l'histologie d'un cancer
pathologique pour lequel une déclaration de maladie professionnelle
297. Consultation du suivi en cancérologie est envisagée est un cancer primitif (cas notamment des
333. Demande d'un certificat médical initial tumeurs pulmonaires).
316. Identifier les conséquences d'une pathologie/ Lors du suivi en cancérologie, il est important de
situation sur le maintien d'un emploi s'assurer, pour les sites de cancer pour lesquels
des étiologies professionnelles sont connues, qu'un
interrogatoire professionnel a bien été réalisé, et des
démarches médico-sociales proposées si une exposition
à un agent cancérogène connu est repérée (rédaction
de certificat médical spécifique en vue de demande de
reconnaissance en maladie professionnelle, et démarche
complémentaire auprès du FIVA pour les cancers liés à
l'amiante).
Tout patient peut demander à effectuer une démarche
de déclaration de maladie professionnelle, dès lors qu'il
estime avoir été exposé à un agent cancérogène au
cours d'une période d'activité salariée. Le médecin doit
mentionner clairement la nature de l'affection sur son
certificat, la date de diagnostic, mais ne doit pas certifier
l'exposition (qu'il n'a pas pu personnellement constater).

41
Item 292

CHAPITRE
►,____D_ai_ _g__n _o s_t_ic_d_e_s_c_a_n_c_e_r_s_____
Signes d'appel et investigations paracliniques,
caractérisation du stade, pronostic
Dr Romain Cohen', Pr Christophe Tournlgand 2
'Service d'Oncologle médicale, Hôpital Saint Antoine, AP-HP, Paris
'Service d'Oncologle médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil

°
OBJECTIFS: N 292. DIAGNOSTIC DES CANCERS: SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES;
CARACTÉRISATION DU STADE ; PRONOSTIC

-+ Décrire les principes du raisonnement diagnostique en cancérologie.


-+ Expliquer les bases des classifications qui ont une incidence pronostique.
-+ Connaître les principaux marqueurs diagnostiques et prédictifs des cancers.
-+ Les classifications de stade par cancer ne sont pas à connaître.
-' -- -- -- - - - - -- - - - - - - - - - - - ---- - - ------ - - ----- ------- - --- --- ------ - ---- -- ------- - ----- - --------- - ------ ------ ------ ·'
'
i i
1. Signes d'appel 2.2. Pr ncipes de nomenclature des tumeurs, princ paux types
1.1. Grands principes histologiques (et leu r définition), stade, qualité d'exérèse
1.2. Décrire les principaux tableaux cliniques généraux d'appel 3. Bilan d'extension, bilan pré-thérapeutique
i
évoquant un cance r 3.1. Connaître la dist nction entre bilan d'extension et bilan
1.3. Paraclinique pré-thérapeutique
2. Diagnostic 3.2. Connaître le rationnel d'un bilan d'extension et ses
2.1. Connaître le pos itionnement de l'examen anatomo- d ifférents n iveaux d'exploration: local, régional,
pathologique dans le diagnostic (notion de "preuve métastatique
anatomo-pathologique") du cance r et la prise en charge 3.3. Bilan pré-thérapeutique: basé su r le terrain, la stratégie
de la maladie (pronostic/ théranostic) thérapeutique envisagée, les complications suspectées

·' - - - - - - - - - · · · · · · · - - - - - - - - - - - - - - - · · · · · · · · · · · - - - - - - - - - - - - - - - -4.- - Conclusion


---------------------------------------- -----------

Rang Rubrique Intitulé


i i i i i
A Étiologies r
Connaître la not on de te ra n préd sposant en cancérolog e (profess onnel et
--- génétique)
i
A Défin ition Connaître la défin ition des 3 grands syndromes : tumoral, paranéoplas que,
cachectique
A Diagnostic pos itif Savoir distingue r les 3 démarches diagnostiques des cancers : sur point d'appel,
- - - fortu it, via le dépistage de masse
A Diagnostic pos it if Connaître les pri�cipaux syndromes pa_r:anéopl�siques
i if i i i i i i
B Diagnostic pos t Connaître les p r nc pales ma n festat ons cl n ques des synd r omes
paranéoplasiq� __ _ _ _
A Diagnostic pos it if Décrire les principaux s ignes généraux évoquant un cance r
-----
A Examens Décrire les principales altérations biologiques (générales ou spéc ifiques d'un
complémentaires cancer) permettant de suspecte r un cancer
A Défin ition Connaître la défin ition d'un marqueur tumoral et son intérêt dans le diagnostic et/
ou le su ivi des cancers
A Diagnostic positif Connaître le positionnement de l'examen anatomo-pathologique dans le diagnostic
(notion de «preuve anatomo-pathologique») du cancer et la prise en charge de la
maladie (pronostic/théranostic)

42
B Définition Connaître le vocabulaire minimum nécessaire à la compréhension d'un compte-
rendu anatomo-pathologique de tumeur (principes de nomenclature des tumeurs,
principaux types histologiques -et leur définition- stade, concepts de grade/scores
histopronostiques, qualité d'exérèse)
A Examens Connaître la distinction entre bilan d'extension et bilan pré-thérapeutique
complémentaires
B Examens Connaître le rationnel d'un bilan d'extension et ses différents niveaux
complémentaires d'exploration : local, régional, métastatique
B Définition Bilan préthérapeutique : connaître le performance status édicté par l'OMS et sa
corrélation avec le pronostic, ainsi que l'évaluation oncogériatrique globale
A Suivi et/ou pronostic Connaître les principes de la classification TNM internationale, ses objectifs ainsi
que les différentes méthodes d'évaluation du TNM
A Suivi et/ou pronostic Décrire les principaux facteurs pronostiques cliniques
B Suivi et/ou pronostic Connaître les principaux facteurs pronostiques anatomo-pathologiques (type
histologique, stade, facteurs histopronostiques, qualité d'exérèse)

• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

• Le cancer est une pathologie fréquente potentiellement grave dont les circonstances de découverte sont le plus
souvent une symptomatologie évocatrice, une découverte fortuite chez un patient exploré pour une autre raison
ou à l'occasion d'un examen de dépistage. La vigilance du médecin face à l'hyp othèse néoplasique doit donc être
constante. Une fois le cancer suspecté, des investigations cliniques et paracliniques doivent être organisées, dans
un but diagnostique, pronostique et pré-thérapeutique, l'ensemble de ces explorations étant liées les unes par
rapport aux autres.
• Au cours de ce chapitre, nous aborderons tout d'abord les signes d'appel évocateurs de cancer, puis les éléments
permettant d'affirmer le diagnostic, les bilans d'extension et pré-thérapeutique, et enfin, les éléments permettant
d'évaluer le pronostic.

A 1. Signes d'appel

1.1. Grands principes


1..1..1.. Savoir distinguer les 3 démarches diagnostiques
• Le diagnostic de cancer peut se faire :
- dans le cadre d'un dépistage organisé, auprès d'une population non sélectionnée, dans une classe d'âge précise;
- de manière fortuite lors d'un examen complémentaire effectué pour une autre raison qu'un dépistage ou
diagnostic de cancer ;
- dans le cadre d'une démarche initiée du fait d'une suspicion clinique ou radiologique.

1..1..2. ConnaÎtre la notion de terrain prédisposant en cancérologie


• De multiples signes peuvent et doivent faire évoquer le diagnostic de cancer. La présence de ces signes dits
« d'appel» devra faire rechercher:
- un terrain prédisposant:
► exposition à des agents cancérigènes, professionnelle ou personnelle (tabagisme, consommation d'alcool,
infections chroniques, etc.);

► 46
43
DIAGNOSTIC DES CANCERS
Item 292

► antécédents personnels ou familiaux de cancer pouvant faire suspecter un syndrome de prédisposition


génétique au cancer.
- d'autres signes cliniques, biologiques ou d'imagerie; une association de signes renforce la présomption de
cancer et, par conséquent, l'indication d'investigations complémentaires à visée diagnostique.

1..1..3. Connaitre la définition des 3 grands syndromes: tumoral, paranéoplasique,


cachectique
• Les signes cliniques, biologiques et d'imagerie retrouvés dans le cadre du bilan peuvent être regroupés en 3
grandes entités syndromiques
- syndrome cachectique et inflammatoire: ensemble des signes en lien avec une altération de l'état général et
un état inflammatoire liés au cancer ;
- syndrome tumoral: ensemble des signes cliniques, radiologiques ou biologiques liés à la présence d'une masse
tumorale primitive ou de métastases et à ses conséquences loco-régionales (compression, envahissement);
- syndrome paranéoplasique : ensemble des signes liés à une tumeur fonctionnelle sécrétante ou à une maladie
auto-immune associée au cancer (Tableau 1).

Tableau 1. CONNAÎTRE LES PRINCIPAUX SYNDROMES PARANÉOPLASIQUES


-----
Mécanisme
Syndromes paranéoplasiques Principaux cancers associés
(à titre indicatif)
Endocrinologiques
SIADH ADH Poumon, SNC
Syndrome cushingoïde ACTH ectopique Poumon
Hypercalcémie PTH-rp -- Poumon, sein, rein, ovaire
Syndrome carcinoïde Sérotonine, 5HIAA Tumeurs neuro-endocrines du grêle
Hypoglycémie Insuline Insulinome
Syndrome de Zollinger-Ellison
- Gastrine Gastrinome -
Erythème nécrolytique migrateur Glucagon Glucagonome
Panniculite de Weber Christian Lipase Pancréas
Gynécomastie hCG Tumeurs germinales
Neurologiques
--- --�-----
Ataxie cérébelleuse subaiguë
-
Ac anti-Hu, anti-Yo -- Poumon, sein, ovaire
Encéphalite limbique Ac anti-NMDA, Ac anti-Hu Poumon ------
Neuropathie sensitive subaiguë de Denny- Ac anti-Hu Poumon, sein, ovaire
---
Brown -- -- - - - - - -
Syndrome myasthéniforme de Lambert- Ac anti-canaux calciques Poumon
---
Eaton
Myasthénie
-- - ----- --
Ac anti AchR, Ac anti MuSK
- -Thymus
-- --- ---
Hématologiques --- - -- --- - ---
Ané_i:i,ie hémolytiqu�
--
lmmunologique --- Thy ��
_ - --= =- -- -
Polyglobulie Érythropoïétine Rein, hépatocarcinome,
--- -- --
MVTE, syndrome de Trousseau, CIVD, MAT Hypercoagulabilité
- - -----
hémangioblastome
Tout cancer (notamment estomac,
pancréas)

---
Néphrologique -- -
Glomérulonéphrite extra- membraneuse
--·
Auto-immunité
-- - - --
Poumon, estomac, ovaire, thymus
-

44
DIAGNOSTIC DES CANCERS
lmmunologique
Dermatomyosite et polymyosite Auto-immunité Poumon, sein, ovaire
0stéoarthopathie hypertrophiante Auto-immunité Poumon
pneumique de Pierre-Marie
Syndrome de Stauffer Auto-immunité Rein
Fièvre paranéoplasique IL-6, inflammation Tout cancer, surtout en cas de
métastases hépatiques
Ac: anticorps ; Ac anti AchR : anticorps anti récepteur à !'acétylcholine ; CIVD: coagulation intravasculaire disséminée ; MAT:
microangiopathie thrombotique; MVTE: maladie veineuse thrombo-embolique; SIADH : sécrétion inappropriée d'hormone anti-
diurétique; SNC: système nerveux central

1.2.Décrire les principaux tableaux cliniques généraux d'appel évoquant


un cancer
1..2.1.. Signes généraux d'appel
• Altération de l'état général: asthénie, anorexie, amaigrissement voire dénutrition et sarcopénie (il faut noter
le poids actuel, le pourcentage de la perte de poids par comparaison au poids de base et le délai d'installation).
• Fièvre et sueurs nocturnes.

1..2.2. Signes d'appel par systèmes


• Vasculaire: signes en faveur d'une thrombose veineuse profonde ou d'une embolie pulmonaire, signes hémorra­
giques en lien avec la tumeur ou une coagulopathie, etc.
• Neurologique: signes neurologiques centraux focaux, déficit neurologique sensitif ou moteur, atteinte centrale
des paires crâniennes, tableau d'hypertension intracrânienne, signes de compression médullaire, syndrome du
cône terminal ou de la queue de cheval, etc.
• ORL: dysphonie, dysphagie, douleur de la sphère ORL, ulcération muqueuse et saignements, tuméfaction, etc.
• Respiratoire: toux, hémoptysie, dyspnée, douleur thoracique, épanchement pleural.
• Digestif: douleurs abdominales, troubles du transit dont syndrome occlusif, syndrome rectal, saignement diges­
tif (hématémèse, méléna, rectorragies), ascite, ictère, syndrome de masse à la palpation abdominale ou aux
touchers pelviens, etc.
• Urologique: signes fonctionnels urinaires, hématurie, orchidomégalie, dysfonction érectile, fécalurie ou pneu­
maturie (en rapport avec une fistule vésico-rectale), etc.
• Orthopédique/rhumatologique: douleurs du rachis ou d'un membre (d'allure mécanique ou inflammatoire;
spontanées et/ou reproduites à la palpation), fracture sans élément traumatique majeur, tuméfaction, etc.
• Dermatologique: modification de l'aspect de la peau (apparition d'une tâche, modification d'un grain de beauté,
ulcération, surtout si on retrouve les éléments de la règle ABCDE du mélanome): lésion cutanée Asymétrique,
à Bords irréguliers, de Couleur non homogène, de Diamètre en Evolution), ulcération cutanée, douleurs, appari­
tion de nodules sous-cutanés (nodules de perméation, métastases en transit de mélanome), prurit, etc.
• Hématologique: présence d'adénopathies et leurs caractéristiques (taille, localisation, dureté, caractère fixé, adé­
nopathies douloureuses), signes hémorragiques et notamment purpuriques dans le cadre d'une thrombopénie,
syndrome anémique, splénomégalie, etc.

1..2.3. Syndromes paranéoplasiques


• Les syndromes paranéoplasiques sont des manifestations systémiques, à distance du cancer, qui ne sont pas dus
à la présence de métastases mais qui sont liés à la production tumorale d'une substance pseudo-hormonale ou à
des phénomènes auto-immuns en rapport avec une réaction immunitaire anti-tumorale.

45
Item 292

• Les syndromes paranéoplasiques peuvent être regroupés en 2 grandes catégories: endocrinologique (syndrome
sécrétant) et dysimmunitaire (Tableau 1).
• La maladie veineuse thrombo-embolique est le plus fréquent des syndromes paranéoplasiques. Elle est parti­
culièrement fréquente dans les cancers du pancréas et de l'estomac.
• Les syndromes paranéoplasiques liés à une auto-immunité sont rares, mais peuvent être inauguraux de n'im­
porte quel type de cancer et même parfois précéder leur détection. Les syndromes paranéoplasiques liés à un
syndrome sécrétant (production anormale d'une substance par la tumeur) sont fréquemment associés aux can­
cers bronchiques à petites cellules et aux autres tumeurs de typ e neuro-endocrine (insulinome, gastrinome, les
tumeurs carcinoïdes du grêle, carcinome médullaire thyroïdien, phéochromocytome, etc.).
• Les syndromes paranéoplasiques régressent en général avec le traitement du cancer.

1.3. Paraclinique
1.3.1. Décrire les principales altérations biologiques (générales ou spécifiques d'un
cancer) permettant de suspecter un cancer
• Les analyses biologiques peuvent amener à suspecter un cancer ou renforcer la suspicion de cancer en cas de
signes cliniques associés:
- signes biologiques liés à un syndrome cachectique et inflammatoire : baisse de l'albumine et de la
préalbumine, élévation de la CRP, du fibrinogène;
- signes biologiques liés à un syndrome de masse: perturbations de fonctions d'organe, élévation des LDH,
hypercalcémie (par métastase osseuse), syndrome de lyse tumorale spontanée biologique;
- signes biologiques liés à un syndrome paranéoplasique : hypercalcémie (par sécrétion de PTH-rp),
hyponatrémie (sécrétion inappropriée d'ADH), dosages hormonaux anormaux ou résultats évocateurs
d'auto- immunité.
• Les signes d'appels pourront ainsi être:
- hématologiques: anémie microcytaire ferriprive sur saignement chronique, lymphopénie (de dénutrition ou
liée à un envahissement médullaire), hyp erleucocytose et thrombocytémie secondaire à une inflammation
chronique, pancytopénie d'origine centrale par envahissement médullaire, anémie hémolytique mécanique et
thrombopénie dans le cadre d'une microangiopathie thrombotique.
- biochimiques :
► fonction rénale et ionogramme sanguin : hyp onatrémie, hypercalcémie, hyp erphosphorémie, élévation
de la créatininémie (obstacle sur les voies urinaires avec ou sans infection urinaire, microangiopathie
thrombotique, atteinte glomérulaire);
► fonction hépatique: cholestase ictérique ou anictérique, cytolyse, diminution des facteurs de coagulation,
hyp oglycémie en cas d'insuffisance hépatocellulaire;
► dans le cas des hémopathies : anomalies quantitative ou qualitative des lignées sanguines comme présence
de myélémie, de blastes, anémie, neutropénie, lymphopénie, thrombopénie centrale (aplasie), polyglobulie
(maladie de Vaquez), thrombocytémie, hyp erlymphocytose, hyperleucocytose;
► autres : élévation de la LDH en rapport avec un index de prolifération élevé (lymphome, etc.), élévation
de la CRP, hyp oalbuminémie, diminution de la pré-albumine (transthyrétine), apparition d'un diabète
(envahissement pancréatique), inhibition de la production d'insuline ou hyperproduction de gastrine ou
cortisol, présence de sang dans les selles (test immunologique de dépistage du cancer colorectal).

1.3.2. Imagerie
• Certains signes à l'imagerie (radiologie ou endoscopie) peuvent faire évoquer le diagnostic de cancer, princi­
palement par la mise en évidence d'un syndrome de masse(s).

46
• Il peut s'agir d'examens réalisés pour:
un tableau clinique évocateur de cancer : signes cliniques en lien avec un syndrome de masse ; signes
cliniques en lien avec un syndrome de cachexie ou une hyperthermie isolées ; signes cliniques en lien avec un
syndrome paranéoplasique;
- un dépistage organisé ou individuel du cancer;
- une autre raison (découverte fortuite).

A 2. Diagnostic

Connaitre le positionnement de l'examen anatomo-pathologique


2.1.
dans le diagnostic (notion de« preuve anatomo-pathologique »)
du cancer et la prise en charge de la maladie (pronostic/théranostic)
2.1..1.. Obtention d'un échantillon tumoral
• Le diagnostic de cancer est posé par l'examen histologique, ou cytologique, d'un échantillon de tissu tumoral
(cf. item 293), que ce soit la tumeur primitive ou une lésion métastatique.
• Le choix de l'examen invasif à visée diagnostique (ponction cytologique, biopsie, pièce opératoire) se fera en
fonction de la balance bénéfice / risque des différents examens possibles, dépendant de:
- l'accessibilité des différents sites tumoraux (privilégier le prélèvement d'une lésion mammaire, hépatique, ou
ganglionnaire sus-claviculaire, plutôt que celui d'une lésion pancréatique ou ganglionnaire rétro-péritonéale);
- la rentabilité du prélèvement : les biopsies permettent de ramener plus de tissu tumoral que les ponctions
cytologiques (en cas de masse pancréatique avec métastases hépatiques, la biopsie sous scanner d'une
métastase hépatique est préférable à une cytoponction sous écho-endoscopie de la masse pancréatique) ; les
biopsies osseuses ont une rentabilité modeste en raison de la nécessité de décalcifier le fragment biopsique.

2.1..2. L'examen cytopathologique, l'examen histopathologique


• Une analyse cytologique peut être réalisée à partir de cellules isolées prélevées dans des sécrétions naturelles
(frottis cervico-vaginal, expectorations) ou au cours de ponction à l'aiguille fine d'un liquide (séreuse: pleurésie,
ascite ; liquide céphalo-rachidien) ou dans un nodule plein (sein, foie). Un examen cytologique à la recherche
d'un cancer n'a de valeur que positif (mauvaise valeur prédictive négative). L'affirmation du caractère malin
des cellules repose sur l'existence d'anomalies nucléaires (anisocaryose, hyperchromatisme, augmentation du
nombre de mitoses et mitoses anormales) ou cytoplasmiques (anisocytose, augmentation du rapport nucléo­
cytoplasmique). Les caractéristiques de la tumeur telles que son type histologique, son degré de différencia­
tion, ne peuvent être appréciées sur la cytologie.
• L'examen histopathologique, à partir d'un échantillon tumoral au minimum biopsique (ponction biopsie, biop­
sie chirurgicale, pièce opératoire), permet d'étudier les anomalies cytologiques et également les anomalies de
l'architecture du tissu tumoral (degré d'invasion, degré de différenciation, vascularisation). Sa valeur prédictive
négative est supérieure à celle de l'examen cytologique.
• L'obtention de tissu tumoral est requise pour faire un diagnostic histologique, mais également pour la plupart
des cancers, faire des analyses à la recherche d'anomalies moléculaires qui aideront le choix des traitements.

2.1..3. La preuve anatomo-pathologique


• L'examen anatomo-cytopathologique de l'échantillon tumoral permet de répondre à trois questions majeures:
- confirmation du diagnostic(« preuve anatomo-pathologique »): tumeur bénigne/ maligne; tissu d'origine
du cancer;

► 50 DIAGNOSTIC DES CANCERS


47
Item 292

- évaluation pronostique :
► degré d'invasion au travers des différentes couches du tissu atteint et présence d'emboles vasculaires,
d'engainements périnerveux;
► degré de différenciation (perte des caractéristiques morphologiques du tissu d'origine, au niveau
cytologique et histologique) ;
► activité mitotique ;
► pour certaines tumeurs, des grades histopronostiques sont validés (score de Gleason pour le cancer de la
prostate, classification de Elston-Ellis (SBR modifié) pour le cancer du sein par exemple);
► pour certaines tumeurs, facteurs moléculaires pronostiques (mutation de BRAF associée à un mauvais
pronostic dans le cancer colorectal métastatique, par exemple).
- évaluation théranostique, à la recherche d'une anomalie moléculaire de la tumeur permettant
d'individualiser les traitements (thérapie ciblée) :
► pour certaines tumeurs, marqueurs anatomo-pathologiques ou moléculaires prédictifs de l'efficacité des
traitements anti-tumoraux : expression des récepteurs hormonaux et traitement anti-hormonal dans le
cancer du sein; mutation de l'EGFR et traitement par inhibiteur de l'EGFR dans le cancer du poumon par
exemple (Tableau 2).

B 2.2.Principes de nomenclature des tumeurs, principaux types


histologiques (et leur définition), stade, qualité d'exérèse
2.2.1. Principaux types histologiques
• La nomenclature des tumeurs repose sur les catégories suivantes: carcinome (épithélium)/ mélanome/ sarcome
(tissu conjonctif)/ gliome, astrocytome ... (tissu neurologique)/ myélome, lymphome et leucémie (tissu hémato­
poïétique)/ tumeur germinale et embryonnaire (séminome, blastome, tissu embryonnaire).
• Dans certains cas difficiles, le diagnostic de l'organe d'origine du cancer peut parfois être guidé par des mar­
quages immunohistochimiques (cytokératine, alpha-fœtoprotéine, récepteurs hormonaux ...).
• Le Tableau 2 résume les principaux types histologiques selon l'organe d'origine du cancer et les anomalies molé­
culaires qu'il faut rechercher pour l'évaluation pronostique et la décision thérapeutique.

Tableau 2. SYNTHÈSE DES PRINCIPALES HISTOLOGIES ET ANOMALIES MOLÉCULAIRES EN FONCTION DU PRIMITIF TUMORAL
-
1
Anomalies moléculaires à recher-
Primitif 1 Histologies par ordre de fréquence
cher en pratique courante
Tumeurs cérébrales Glioblastome -

-- --
Tumeurs dermatologiques Carcinome basocellulaire
Carcinome spinocellulaire
Mélanome Métastatique: BRAF
-- endocrines
-Tumeurs
Thyroïde
- Carcinome papillaire> vésiculaire>
- médullaire BRAF
Surrénale Phéochromocytome> corticosurrénalome

Seins
--
Tumeurs gynécologiques
-- - --
Carcinome canalaire infiltrant> carcinome
lobulaire infiltrant
Récepteurs aux œstrogènes,
�-
Ovaire
- -- Adénocarcinome/ cystadénocarcinome/
Récepteurs à la progésterone, HER2
Stade avancé: BRCA
I
--
endométrioïde ►

1 ◄
48
ÜIAGNOSTIC DES CANCERS
► Endomètre Adénocarcinome endométrioïde/mucineux MSI
/séreux
Col de l'utérus Carcinome épidermoïde> adénocarcinome
Tumeurs digestives
Côlon - Rectum Adénocarcinome lieberkühnien Tout stade: MSI
Métastatique: KRAS, NRAS, BRAF,
MSI
Pancréas Adénocarcinome> tumeur neuro-endocrine BRCA
Estomac Adénocarcinome Métastatique: HER2
Foie Carcinome hépatocellulaire -

Voies biliaires Cholangiocarcinome


Œsophage Carcinome épidermoïde -

Grêle Adénocarcinome> tumeur neuro-endocrine -

Anus Carcinome épidermoïde


Tumeurs des VADS
Base de langue, amygdale Carcinome épidermoïde P16 (HPV)
Parotide Carcinome épidermoïde> adénocarcinome
Tumeurs urologiques
Prostate Adénocarcinome
Vessie et uretère Carcinome urothélial -

Rein Carcinome à cellules claires> papillaire


Testicule Tumeurs germinales non séminomateuses
(TGNS) > séminome
Pénis Carcinome épidermoïde -

Tumeurs thoraciques
Poumon Non à petites cellules: adénocarcinome> Métastatique: EGFR, ALK, ROS1,
épidermoïde KRAS, BRAF, HER2, PDL-1
Neuro-endocrine (petites cellules)
Thymus Thymome, carcinome thymique -

Tissus osseux et mous


os Ostéosarcome
Cartilage Chondrosarcome
Mous GIST (tumeur stromale gastro-intestinale) cKIT, PDGFR
Sarcome pléioforme, liposarcome,
léiomyosarcome -

Cancers hématologiques
Myéloïdes Leucémies aiguës myéloïdes -

Leucémie myéloïde chronique Réarrangement de BCR-ABL


Lymphoïdes Leucémie lymphoïde chronique, Lymphome B
diffus à grandes cellules
Lymphome folliculaire
Myélome multiple
VADS: Voies aéro-digestives supérieures; RO: récepteurs des œstrogènes; RP: récepteur de la progestérone; MSI : microsatellite
instability; HPV: human papilloma virus

► 52
49
DIAGNOSTIC DES CANCERS
Item 292
" - � -- -

A 2.2.2. ConnaÎtre les principes de la classification TNM internationale, ses objectifs


ainsi que les différentes méthodes d'évaluation du TNM

La classification des tumeurs a plusieurs objectifs:

1. Adapter la stratégie thérapeutique à la situation clinique à partir des recommandations qui se basent
sur ces classifications;
2. Prévoir le pronostic ;
3. Comparer les résultats thérapeutiques dans les essais cliniques pour avoir des groupes homogènes.

• La classification de la tumeur doit être effectuée systématiquement pour adapter au mieux le traitement proposé
et éviter les traitements inutiles (par exemple une chirurgie lourde alors que la maladie est métastatique).
• La classification TNM est internationale. Elle est basée sur le degré d'extension de la tumeur primitive, l'enva­
hissement ganglionnaire loco-régional et l'atteinte métastatique à distance.

• T (Tumor): taille de la tumeur primitive et/ou envahissement des tissus sous-jacents, classée de Tl à T4 (échelle
propre à chaque tumeur);
• N (Node): degré d'envahissement ganglionnaire, NO: indemne, Nl à N3 selon le nombre et/ou la localisation
des ganglions atteints (propre à chaque tumeur);
• M (Metastasis): existence ou absence de localisations métastatiques;
Quand le T, le N ou le M ne sont pas précisés, on indique un x: Tx, Nx ou Mx.

• La classification TNM est en général précédée d'une lettre minuscule indiquant par quelle méthode elle a été effec­
tuée. Un malade peut ainsi avoir dans son dossier plusieurs classifications TNM selon la méthode d'évaluation:

• cTNM: classification clinique;


• pTN : classification pathologique (sur une pièce opératoire, ce qui explique l'impossibilité de donner
un score M);
• usTNM: classification échographique;
• ypTNM: classification pathologique après traitement néo-adjuvant (pré-chirurgical).

• La lettre R donnée après le pTN précise les marges de résection : RO si les marges sont microscopiquement
saines, Rl si les limites sont atteintes microscopiquement, R2 si les limites sont atteintes macroscopique­
ment.
• Une fois que la tumeur est classée selon le TNM, il est possible de proposer une stadification, parfois appelée
« staging », qui regroupe des classes TNM relativement homogènes en termes de pronostic et de traitement. Ces
stades ont également une reconnaissance internationale.

Schématiquement, il s'agit de:


• Stade O: cancer in situ;
• Stade 1 : tumeur unique et de petite taille, pas d'atteinte ganglionnaire ou de métastase;
• Stade 2: localisation limitée à l'organe d'origine, quasiment jamais d'atteinte ganglionnaire ;
• Stade 3: extension loco-régionale aux organes de voisinage et/ou atteinte ganglionnaire;
• Stade 4: atteinte métastatique à distance.

50
A 3. Bilan d'extension, bilan pré-thérapeutique

3.1. Connaitre la distinction entre bilan d'extension et bilan


pré-thérapeutique
• Une fois le diagnostic de malignité établi ou en cas de suspicion très forte de cancer (maladie multimétasta­
tique par exemple), des examens paracliniques sont prescrits avec deux objectifs:
- évaluer l'extension de la maladie afin de différencier une situation de curabilité (objectif de guérison du
cancer) et une situation d'incurabilité aussi appelée palliative;
- évaluer le terrain, la gravité des comorbidités, les éventuelles complications du cancer afin de déterminer
les traitements envisageables lors d'un bilan dit pré-thérapeutique.

B 3.2. Connaitre le rationnel d'un bilan d'extension et ses différents


niveaux d'exploration : local, régional, métastatique
3.2.1.. Au stade localisé
• Au stade apparemment localisé sur les données des premiers examens, le bilan d'extension doit être adapté au
cancer primitif, au type histologique, et à l'évaluation pronostique initiale qui en découle.
• Il comprend :
- au minimum un bilan d'extension loco-régionale pour déterminer le stade clinico-radiologique (taille de la
tumeur et/ou envahissement local par la tumeur, et recherche d'une atteinte ganglionnaire régionale) et les
possibilités de traitements curatifs loco-régionaux (chirurgie± radiothérapie);
- éventuellement un bilan d'extension à distance selon le risque de métastases synchrones (lui-même fonction
du cancer primitif, et de son stade).
• Le bilan paraclinique doit également prendre en compte le terrain sur lequel s'est développée la maladie can­
céreuse. Ainsi, pour les carcinomes épidermoïdes des voies aéra-digestives supérieures (VADS), la probabilité
que le patient présente un cancer synchrone du fait du terrain (second cancer des VADS, cancer du poumon)
est de l'ordre de 10-15 %. Aussi, le bilan d'extension local (scanner cervico-facial et IRM du massif facial) est
complété par un scanner thoracique en coupes fines (recherche d'un primitif bronchique synchrone) et une pan­
endoscopie des VADS.
• Le Tableau 3 indique le bilan d'extension recommandé pour les stades localisés en fonction du primitif et
dans certains cas de son évaluation pronostique initiale.

Pronostic selon le primitif concerné


Bilan d'extension recommandé
et le stade de la maladie
Cancer de bon pronostic = bilan d'imagerie loco-régional uniquement, voire aucun
Prostate - faible risque À discuter: IRM pelvienne+/- TOM abdomino-pelvienne
Sein T1, T2, No Mammographie+ échographie mammaire
Thyroïde N- Échographie cervicale et thyroïdienne
Col de l'utérus N- 1 RM pelvienne
Carcinome cutané Aucun,+/- échographie ganglionnaire du territoire de
drainage
Testicule TOM TAP (bon pronostic mais risque élevé de métastases) ►

51
Item 292

Cancer de pronostic intermédiaire = bilan d'extension selon les recommandations nationales


SeinT3-T4et/ouN+ Mammographie+ échographie mammaire
etTEP-TDM ou TDM TAP+ scintigraphie osseuse
Prostate - risque intermédiaire et élevé 1 RM pelvienne+TDM abdomino- pelvienne+ scintigraphie
osseuse
Rein TDM TAP
VADS Panendoscopie des VADS+TDM massif facial, cervical et
thoracique
+/- 1 RM massif facial si tissus mous
Endomètre stade 1-2 selon FIGO 1 RM pelvienne+ lomboaortique
Cancer de mauvais pronostic = bilan loco-régional et à distance
Sein inflammatoire Mammographie+ échographie mammaire
etTEP-TDM ou TOM TAP+ --scintigraphie osseuse
Cancer digestif Endoscopie digestive pour œsophage, estomac et
colorectal+TDM TAP
Vessie UroTDM couplé auTDM TAP+/- scintigraphie osseuse
Poumon TDM TAP+ 1 RM cérébrale (ou TDM cérébrale injectée) +
TEPTDM
Endomètre stade 3 selon FIGO IRM pelvienne+ lomboaortique+TDM TAP
Ovaire Échographie pelvienne+/- IRM pelvienne+ TDM TAP+/-
coelioscopie exploratrice
Pancréas localisé TDMTAP+ IRM hépatique

3.2.2. En cas de maladie métastatique suspectée ou avérée


• Le bilan d'extension doit être adapté à l'état général du patient et aux signes cliniques retrouvés. Une altéra­
tion de l'état général oriente vraisemblablement vers une tumeur avancée et le scanner thoraco-abdomino-pel­
vien sera alors licite. Des douleurs osseuses intenses orienteront vers des localisations osseuses qui devront être
explorées par une imagerie centrée sur les zones douloureuses.
• En cas de maladie métastatique, le traitement est la plupart du temps systémique. Le bilan d'extension, dans la
plupart des cas, sert principalement à avoir une imagerie de référence initiale et à choisir des cibles radiologiques.
L'évolution de ces cibles sera suivie sur les scanners ultérieurs et permettra de déterminer l'efficacité des traite­
ments. Dans la plupart des cancers, l'examen de référence est le scanner thoraco-abdomino-pelvien.

A 3.2.3. Connaitre la définition d'un marqueur tumoral et son intérêt dans le diagnostic
et/ou le suivi des cancers
• Le dosage des marqueurs tumoraux permet d'identifier dans le sang, les urines ou certains tissus de l'organisme,
différentes substances pouvant indiquer la présence d'un cancer. Cet examen peut s'avérer utile à différentes
étapes de la prise en charge: du dépistage du cancer à l'évaluation de l'efficacité du traitement, ou encore lors
du suivi des patients. Certains marqueurs tumoraux sont spécifiques d'un seul type de cancer, alors que d'autres
sont associés à plusieurs types différents de cancer. Le dosage des marqueurs tumoraux peut aussi être élevé
lors d'affections non cancéreuses. Certains marqueurs pourront être dosés à titre de dépistage ou de diagnostic,
tandis que d'autres marqueurs tumoraux ne seront dosés que dans des situations où un cancer est déjà suspecté,
à visée de suivi.

52
• Le Tableau 4 reprend les indications et les recommandations d'utilisation des marqueurs tumoraux à visée
de dépistage, diagnostique ou de suivi thérapeutique.

--------
Tableau 4. MARQUEURS
-- - -
SÉRIQUES
-
TUMORAUX, SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS
- -~--
- - - - --- - --

Type tumoral Marqueurs Intérêt du dosage


Dépistage Diagnostic Pronostic Surveillance
Selon l'histologie
Adénocarcinome ACE X
Épidermoïde sec X
Neuro-endocrine NSE,
chromogranine A X
Germinale hCG, alphaFP, LDH X X X
Selon la localisation
Poumon Non recommandé
Sein Non recommandé (CA 15-3)
Prostate PSA total X* X X
Côlon - rectum ACE
(CA19-9 non recommandé)
X X
Œsophage non recommandé (ACE et CA 19-9)
Estomac non recommandé (ACE et CA 19-9)
Pancréas CA 19-9 X X
Hépatocarcinome alphaFP X** X X
Canal anal sec Option
Ovaire CA 125 X
Endomètre CA 125 Option
Thyroïde Thyroglobuline X
Col utérin sec Option
*Le PSA peut être dosé dans le cadre du dépistage individuel du cancer de la prostate.
**L'alpha-foetoprotéine peut être surveillée chez le patient cirrhotique pour le dépistage d'hépatocarcinomes.

B 3.3. Bilan pré-thérapeutique : basé sur le terrain, la stratégie


thérapeutique envisagée, les complications suspectées
• Le bilan pré-thérapeutique vise à évaluer le terrain, les comorbidités et les complications éventuelles du cancer.
Son objectif est de déterminer si le patient est capable de recevoir les traitements recommandés. Il apporte
également des informations d'ordre pronostique.

3.3.1. ConnaÎtre le performance status édicté par /'OMS et sa corrélation avec le


pronostic, ainsi que l'évaluation oncogériatrique globale
• L'état général, évalué par le performance status (PS selon OMS/ ECOG) est corrélé au pronostic dans toutes les
maladies oncologiques.

53
Item 292

- .. - - . - - - .. - ... - - - - - - ....... - - .. - - . - - . - . - - - - - - - . - . - - . - - - - - - - - - . - -- --- . - - - - - - - - - ... - - . - - - - - - - . - - - - - - - - . - . - - - - . - .. - . - ... - .. - - - - - - - - - . - - - - - --- - . -. -- .


Performance status
• PS O: le patient est asymptomatique (activité normale: aucune restriction à poursuivre les activités précédant
l'affection).
• PS 1 : patient symptomatique (gêné pour les activités physiques soutenues mais capable de se déplacer seul et
d'assurer un travail léger ou sédentaire, par exemple un travail de bureau ou le ménage).
• PS 2: patient symptomatique, alité moins de 50 % de la journée (capable de se déplacer seul et de s'occuper
de soi-même mais incapable de produire un travail léger).
• PS 3: patient symptomatique, alité ou confiné au fauteuil plus de 50 % de la journée (capable de prendre soin
de soi-même de manière limitée).
• PS 4: malade grabataire, confiné au lit (totalement dépendant, incapable de prendre soin de soi-même).

• Certains traitements (chirurgicaux, chimio-radiothérapeutiques ou chimiothérapeutiques) ne sont possibles


qu'en cas de bon état général. En cas de PS supérieur à 2, pour un cas de maladie incurable, il est habituel d'arrê­
ter les traitements spécifiques du fait du risque de toxicité et de décès à moyen ou court terme.
• Cas particulier : évaluation oncogériatrique globale
- Les patients âgés atteints de cancer présentent des spécificités liées en particulier à leur comordidités, aux
syndromes gériatriques éventuellement associés. Après 75 ans, il est souhaitable que les patients soient évalués
par un gériatre spécialisé afin de déterminer si les traitements sont envisageables et/ou de les adapter pour en
faciliter la tolérance. Il existe plusieurs scores de fragilité notamment le score GS qui, selon le résultat, indique
que le patient doit être référé ou pas à un oncogériatre pour poursuivre le bilan.
• Consultation d'anesthésie avant toute chirurgie: obligatoire, elle détermine le risque lié à l'anesthésie générale
et les risques de complications post-chirurgicales en fonction du terrain et des comordidités.

A 3.3.2. Décrire les principaux facteurs pronostiques cliniques


• Au-delà du stade ou de la classification TNM, d'autres facteurs pronostiques peuvent être pris en compte dans la
décision thérapeutique et en moduler la proposition:
- propres au patient : le performance status, la dénutrition, les comorbidités;
- propres au retentissement clinique du cancer : présence de métastases osseuses avec complications
neurologiques, métastases à risque de saignement ou dysfonction d'organe liée à l'envahissement tumoral.

3.3.3. Bilan pré-thérapeutique paraclinique


• Le bilan pré-thérapeutique biologique dépend des effets secondaires potentiels du traitement, et du métabo­
lisme des chimiothérapies prescrites. Il évalue classiquement les fonctions rénale, hépatique et hématologique.
Il recherche aussi les anomalies liées au cancer, telles que l'hyp ercalcémie ou les conséquences de la dénutrition.
Un bilan virologique (sérologies VIH, VHB et VHC) peut également être proposé, selon le type de cancer et le
terrain.
• Des explorations fonctionnelles peuvent également être réalisées, en fonction des traitements envisagées:
- électrocardiogramme ;
- pour les chirurgies« lourdes», en particulier en cas d'antécédents d'athérome, de facteurs de risque (tabac), il
est fréquent de proposer une échographie cardiaque, une épreuve d'effort, parfois une coronarographie, une
échographie des troncs supra-aortiques ou un écho-doppler artériel des membres inférieurs.
• En cas de chirurgie et de radiothérapie thoraciques, une épreuve fonctionnelle respiratoire avec gazométrie arté­
rielle est, au minimum, réalisée.

54
4. Conclusion
• La démarche diagnostique devant une maladie tumorale est fondamentale pour le patient (phase d'entrée dans
la maladie cancéreuse) ou pour la prise en charge thérapeutique à venir. Elle permet d'évaluer le retentissement
de la pathologie tumorale sur différents niveaux, clinique, biologique, et en imagerie. Guidé par les données de
l'examen et de l'interrogatoire initiaux, le médecin doit proposer à la fois un bilan d'extension adapté à la gravité
de la maladie et un bilan pré-thérapeutique. Le diagnostic de certitude est anatomo-pathologique. Il est de plus
en plus souvent complété par une analyse moléculaire. L'ensemble de ces données permet de préciser le pronostic
du patient et de proposer une stratégie thérapeutique adaptée, conforme aux recommandations nationales et
internationales.

55
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 292:
« DIAGNOSTIC DES CANCERS: SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS PARACLINIQUES,
CARACTÉRISATION DU STADE, PRONOSTIC»

Situation de départ 1 Descriptif


303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte Un cancer peut être suspecté de manière fortuite, en
raison d'un signe clinique évocateur ou lors d'un examen
de dépistage.
4. Douleurs abdominales De multiples signes peuvent et doivent faire évoquer le
9.Masse/tuméfaction pariétale diagnostic de cancer. Les signes cliniques, biologiques et
d'imagerie retrouvés dans le cadre du bilan peuvent être
10. Méléna /rectorragie regroupés en 3 grandes entités syndromiques: syndrome
16. Adénopathies unique ou multiples cachectique et inflammatoire, syndrome tumoral et
syndrome paranéoplasique.
17. Amaigrissement
21. Asthénie
44. Hyperthermie/fièvre
47. Ictère
52. Odynophagie/dysphagie
7 1. Douleur d'un membre
7 2.Douleur du rachis
84. Lésion cutanée /« grain de beauté»

89. Purpura/ecchymose/hématome
92. Ulcère cutané
121. Déficit neurologique sensitif ou moteur
146. Dysphonie
161. Douleurs thoraciques
162. Dyspnée
167. Toux
200. Dyscalcémie Les anomalies biologiques faisant suspecter le cancer ou
202. Dysnatrémie retrouvées lors du bilan diagnostique peuvent être dues
au syndrome cachectique et inflammatoire, au syndrome
215. Anomalie des plaquettes tumoral ou au syndrome paranéoplasique.
216. Anomalie des leucocytes
217. Baisse de l'hémoglobine
198. Cholestase
21. Asthénie Le pronostic du cancer est évalué par de multiples
critères : cliniques avec l'indice de performance OMS,
classification TNM, stadification, anatomo-pathologiques
et moléculaires. La stratégie thérapeutique dépend
intimement de l'évaluation pronostique.

56
178. Demande/prescription raisonnée et choix d'un Les examens à visée diagnostique, pronostique et pré-
examen diagnostique thérapeutique doivent être menés de front afin de ne pas
231. Demande d'un examen d'imagerie
retarder la prise en charge de la maladie cancéreuse.

Le bilan d'extension doit être adapté au type de la tumeur


primitive, et affiné en fonction du stade, les stratégies
thérapeutiques pouvant différer en fonction du caractère
localisé ou métastatique de la tumeur.

La connaissance de l'histoire naturelle des cancers et de


leur pronostic (bon, intermédiaire ou mauvais), selon leur
organe d'origine, est nécessaire à la bonne réalisation
des investigations paracliniques.
180.Interprétation d'un compte rendu d'anatomo- Le diagnostic des cancers est anatomo-pathologique.
pathologie
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie
264. Adaptation des traitements sur un terrain particulier L'évaluation du patient dans sa globalité, en tenant
(insuffisant rénal, insuffisant hépatique, grossesse, compte de son performance status, de ses antécédents
personne âgée...) et comorbidités, est primordiale dans la prise en charge
diagnostique, pronostique et pré-thérapeutique du
cancer. Chez les patients âgés, une évaluation gériatrique
est nécessaire pour définir la stratégie thérapeutique.

57
. Item 293

e__me
h....,_______L _ ec_
_ ' d_ _ np__ ré_
i_ _ le_s_
_ ur_ _de__ ce_ ll_ u_
_ l_ev_e_
,,,- et/ou de tissus pour des examens d'anatomie
CHAPITRE

et cytologie pathologiques
Pr Lucie Karayan-Tapon 1, Pr Yves Allory 2, Pr Karen Leroy 3
'Unité fonctionnelle de Cancérologie Biologique, CHU de Poitiers
'Service de Pathologie, Institut Curie et Hôpital Foch, Suresnes
'Unité Fonctionnelle d'Oncologie Moléculaire, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris

OBJECTIFS: N ° 293. LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS POUR DES EXAMENS D'ANATOMIE
ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES

➔ Connaître les principes de réalisation, transmission et utilisation des prélèvements à visée sanitaire et de recherche.

.
'
·---------------------------------------------------------------------------------- --------------------- --------·
.
1. Modalités de réalisation d'un prélèvement cellulaire ou 4.1. Cytologie
tissulaire pour études morphologiques et moléculaires 4.2. Histologie
1.1. Modalités de réalisation d'un prélèvement pour l'étude des 4.3. lmmunohistochimie (IHC)
cellules isolées: examen cytologique 4.4. Hybridation in situ (HIS)
1.2. Modalités de réalisation d'un prélèvement pour l'étude 5. Techniques de biologie moléculaire sur les prélèvements
des tissus: examen histologique tissulaire /cellulaire
2. Modalités de transmission des prélèvements cellulaires et 5.1. Principales techniques de biologie moléculaires pour la
tissulaires pour études morphologiques et moléculaires recherche d'altérations génomiques
2.1. Conditionnement pour les examens cytologiques 5.2. Principales indications des techniques de biologie
2.2. Conditionnement pour l'étude des tissus moléculaires
3. La fiche de renseignements 6. Examen extemporané
4. Principes de base de réalisation et d'interprétation des 6.1. Définition et principales indications
techniques morphologiques 6.2. Principes de réalisation et limites ,
,
6---------------------------------------------------------------------------------------------------------------·

Rang 1 Rubrique - - - --- - - - - - -


Intitulé
-- --
B Examens complémentaires Décrire les modalités de réalisation de prélèvements cellulaires (frottis,
cytoponction, liquide) ou tissulaires (biopsie, pièce opératoire) pour études
morphologiques et moléculaires
B Examens complémentaires Décrire le conditionnement et les modalités d'acheminement des prélèvements
à visée morphologique ou moléculaire vers le laboratoire
A Examens complémentaires Lister les informations impératives à préciser sur la fiche de renseignements
pour la demande d'examen anatomo-pathologique
B Examens complémentaires Connaître les principes généraux de réalisation et les principaux résultats
attendus selon les différentes techniques morphologiques (cytologie,
histologie, 1 HC, HIS)
B Examens complémentaires Connaître les principales indications des techniques de biologie moléculaire
non morphologique sur les prélèvements tissulaires/cellulaires: diagnostic,
pronostic, théranostic
B Examens complémentaires Connaître les principales indications de l'examen extemporané, son principe de
réalisation et ses limites
B Examens complémentaires Connaître les tumeurs devant impérativement être adressées à l'état frais au
laboratoire d'ACP: hémopathies, sarcomes, tumeurs pédiatriques
58
Les situations de départ sont listées à la fin du

• Le diagnostic de cancer - et, donc, la prise en charge thérapeutique - passe obligatoirement par une preuve
microscopique.
• Le médecin anatomo-pathologiste, ainsi que le biologiste/pathologiste moléculaire, sont membres à part
entière de l'équipe cancérologique. Leur tâche est non seulement de valider le diagnostic mais aussi, pour un
nombre croissant de cancers, de guider la thérapeutique.
• Ils doivent pour cela avoir pris connaissance (idéalement au cours de la Réunion de Concertation Pluridiscipli­
naire (RCP)) du dossier du patient, recevoir des prélèvements dûment identifiés et accompagnés de demandes
précises de la part des cliniciens, s'assurer de leur bon conditionnement et maîtriser toutes les techniques
adaptées à la question posée (examen à visée diagnostique, pronostique et/ou théranostique).

1. Modalités de réalisation d'un prélèvement cellulaire


B
ou tissulaire pour études morphologiques et moléculaires
Les prélèvements se font dans la majorité des cas selon des techniques invasives. li s'agit de matériel précieux sur le­
quel seront fait des examens morphologiques pour le diagnostic anatomo-pathologique, mais aussi des recherches
complémentaires, notamment de biologie moléculaire d'aide pour la médecine personnalisée en cancérologie. 11
est donc indispensable de préserver la qualité et la quantité des prélèvements et de mettre en place des protocoles
de bonnes pratiques.

1.1.Modalités de réalisation d'un prélèvement pour l'étude des cellules


isolées : examen cytologique
• Recueil de liquides émis spontanément (urines, expectorations).
• Frottis, écouvillonnage, aspiration des cellules (frottis cervico-utérin, bulle cutanéo-muqueuse, lavage bron­
chiolo-alvéolaire).
• Ponction à l'aiguille d'un liquide (épanchement des séreuses, liquide céphalo-rachidien).
• Cytoponction à l'aiguille d'organes pleins avec ou sans contrôle d'imagerie (ganglion, thyroïde, foie...).

Modalités de réalisation d'un prélèvement pour l'étude des tissus :


1.2.
examen histologique
• Biopsie : prélèvement d'un fragment de tissu tumoral soit par ponction (trocart, aiguille) à l'aveugle ou après
repérage par imagerie, soit pendant une exploration endoscopique, soit par chirurgie.
• Pour être informatives, les biopsies doivent être faites en zones hors nécrose, en nombre suffisant afin de mettre en
évidence une éventuelle lésion tumorale et réaliser les analyses complémentaires nécessaires, dans les conditions
de préservation de tissus.
• Pièces opératoires : exérèse partielle ou complète d'une tumeur ou d'un organe.

► 62
59
LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ...
Item 293
. .

2. Modalités de transmission des prélèvements cellulaires


et tissulaires pour études morphologiques et moléculaires
• Les prélèvements doivent être conditionnés et transmis dans les meilleurs délais accompagnés d'une fiche de
renseignements remplie par le médecin préleveur.
Au même titre que l'acte médical du prélèvement, l'acheminement de l'échantillon vers le laboratoire exige
un protocole rigoureux: la transmission correcte du prélèvement engage la responsabilité médicale.
• Les prélèvements tissulaires et cellulaires doivent permettre la réalisation des tests moléculaires et être com­
patibles avec la réalisation des techniques de biologie moléculaire à la recherche d'altérations génomiques.
• Les prélèvements pour examen histologique doivent être envoyés fixés dans le formol neutre tamponné à
10 %, sauf pour les examens extemporanés et les prélèvements suspects d'hémopathies, sarcomes, tumeurs
pédiatriques qui doivent être transmis à l'état frais sans délai. Pour les études de biologie moléculaire le temps
de fixation doit-être compris entre 6 heures et 24 heures, notamment pour les biopsies.
• Le médecin anatomo-pathologiste, après un contrôle morphologique, sélectionne des zones tumorales ; le
prélèvement doit contenir au moins 25 % à 30 % de cellules tumorales, pour éviter les faux négatifs pour les
tests de biologie moléculaire.

2.1.Conditionnement pour les examens cytologiques (morphologique et


biologie moléculaire)
• Le conditionnement du liquide de cytoponction ou d'un frottis est réalisé par le médecin préleveur par dépôt
sur lames de verre dans des conditions permettant un bon étalement et en évitant l'écrasement des cellules. Les
liquides (ascite, urines...) doivent être acheminés à l'état frais et rapidement dans le laboratoire où ils seront
conditionnés dans les meilleurs délais.
• Pour les études morphologiques, il convient de fixer les cellules à l'air pour coloration par May-Grunwald­
Giemsa (MGG) ou par pulvérisation d'une laque alcool-éther pour coloration de Papanicolaou. Les techniques de
biologie moléculaire peuvent être réalisées à partir d'étalements cellulaires sur lames (frottis, cytocentrifugation)
non colorées ou directement à partir de culot cellulaire obtenu après centrifugation d'un liquide. Les liquides
peuvent être envoyés directement au laboratoire de biologie moléculaire qui procède à leur centrifugation et à
la récupération du culot cellulaire, soit conditionnés dans le service d'anatomie pathologique par inclusion en
paraffine après centrifugation (cytobloc).

Conditionnement pour l'étude des tissus (morphologique et biologie


2.2.
moléculaire)
• Le conditionnement par fixation des biopsies ou des pièces opératoires doit être très rapide afin de conserver la
morphologie cellulaire et d'éviter la dessiccation ou l'autolyse des tissus.
• La fixation des échantillons de tissus pour l'examen histologique sera faite dans le formol à 10 % v/v neutre tam­
ponné. Idéalement, la proportion de fixateur représentera 10 fois le volume de l'échantillon. Il convient, selon le
volume de l'échantillon, de le couper en tranches afin de faciliter la pénétration du fixateur.
• Pour les études de biologie moléculaire le temps de fixation au formol 10 % doit-être compris entre 6 heures et
24 heures, notamment pour les biopsies. Le conditionnement est réalisé par le médecin anatomo-pathologiste
qui sélectionne, après un contrôle morphologique au microscope, des zones tumorales d'intérêt, apprécie les
zones de nécrose ainsi que le pourcentage de cellules tumorales afin d'éviter des résultats faussement négatifs. Le
prélèvement doit contenir au moins 25 % à 30 % de cellules tumorales. Des coupes de tissus fixés et inclus en
paraffine (4 copeaux de 10 µm d'épaisseur) sont ensuite réalisées sous forme de copeaux ou de lames blanches.
Dans le cas d'une faible cellularité tumorale, une macrodissection de la région d'intérêt doit être réalisée à partir
des zones sélectionnées sur les coupes.
63 ◄
60
LE MÉDECIN PRËLEVEUR DE CELLULES •••
A 3. La fiche de renseignements
• Pour les demandes d'examen anatomo-pathologique une fiche de renseignement doit accompagner le prélè­
vement; elle doit être remplie avec rigueur par le médecin préleveur.
• Pour les études moléculaires, les prélèvements doivent être accompagnés d'une fiche de prescription selon les
recommandations de l'INCa; certains items sont remplis par le médecin anatomo-pathologiste.

• Il est indispensable de préciser le type d'analyse demandée. C'est ce type d'analyse qui va déterminer quel labo­
ratoire sera destinataire de l'échantillon (anatomie pathologique, bactériologie, biologie moléculaire, etc.). Le
contenant du prélèvement (tube, flacon, étui de lames...) doit porter l'identification du patient (nom, prénom,
date de naissance).
• Les informations impératives à préciser sur la feuille de demande pour un examen anatomo-pathologique
sont:
- l'identification du patient;
- son adresse ou celle du service d'hospitalisation ou de consultation;
- le nom du médecin préleveur et ses coordonnées;
- le nom du médecin prescripteur du prélèvement et ses coordonnées;
- éventuellement le caractère urgent de l'examen;
- la date et l'heure de prélèvement;
- la nature de l'échantillon;
- le siège anatomique du prélèvement (et la latéralité pour les organes pairs);
- les renseignements cliniques précis et pertinents;
- les recherches particulières à faire s'il y a lieu.
• Les informations impératives à préciser sur la fiche de prescription pour la biologie moléculaire selon les
recommandations de l'INCa (Bonnes pratiques pour la recherche à visée théranostique de mutations somatiques
dans les tumeurs solides) (http://www.e-cancer.fr/soins/plates-formes-hospitalieres-de-genetique-moleculaire)
dont certains par le médecin anatomo-pathologiste sont :
- la nature de la demande;
- nom, prénom et date de naissance du patient;
- nom, prénom et coordonnées du pathologiste responsable du diagnostic (pathologiste initial);
- date de prélèvement;
- fixateur utilisé;
- numéro d'identification du bloc dans le laboratoire d'origine;
- organe et état tumoral, site du prélèvement (primitif, métastase ...);
- type de prélèvement (chirurgie, biopsie, cytologie ...);
- type histologique;
- nom, prénom et coordonnées du prescripteur;
- type d'analyse demandée et indication de l'analyse;
- date de prescription;
- pourcentage de cellules tumorales dans l'échantillon analysé.


61
LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES •••
Item 293

B 4. Principes de base de réalisation et d'interprétation


des techniques morphologiques
• L'examen morphologique vise à établir un diagnostic et un pronostic. Il peut aussi apporter, particulièrement
en cancérologie, des éléments nécessaires à l'établissement de la stratégie thérapeutique.
• Le médecin anatomo-pathologiste recherche au microscope des lésions qui sont des altérations morpho­
logiques des cellules et des tissus. Il existe des lésions élémentaires (par exemple les atypies cytonucléaires,
l'invasion du tissu, la nécrose cellulaire ou les emboles tumoraux) regroupées en ensembles (ou syndromes)
lésionnels qui permettent de formuler un diagnostic. Le syndrome lésionnel doit souvent être interprété par le
pathologiste en fonction du contexte clinique et éventuellement radiologique et biologique.
• Le résultat de l'examen est consigné dans un compte rendu qui doit comporter des informations pour la prise
en charge du patient. Des données minimales sont requises par l'Institut National du Cancer (INCa). (http://
www.e- cancer.fr/soins/anatomo-pathologie). La terminologie utilisée dans les comptes rendus est traitée dans
l'item 292.
• Une seconde lecture anatomo-pathologique par des réseaux de référence a été mise en place par l'INCa pour
les lymphomes, les sarcomes, les mésothéliomes et les tumeurs neuro-endocrines rares.

4.1. Cytologie
• Après conditionnement et fixation des prélèvements cytologiques, les échantillons sur lames sont réhydratés
puis colorés selon diverses techniques (par exemple May-Grunwald-Giemsa pour la cytologie hématologique,
Papanicolaou pour les frottis cervico-utérins...). La technique est rapide et l'étude des préparations au microscope
permet d'obtenir une orientation diagnostique qui doit cependant souvent être confirmée par l'analyse histolo­
gique.

4.2. Histologie
• Le préalable à la technique histologique standard est une fixation correcte qui exige plusieurs heures. La durée de
fixation est variable en fonction du volume des échantillons.
• Les petits échantillons pourront être traités directement après fixation.
• Les pièces opératoires plus volumineuses doivent faire l'objet d'une étape complémentaire de dissection et
d'échantillonnage puis de fixation complémentaire; l'ensemble représentant en général un délai supplémentaire
de 24 heures.
• Ensuite, les échantillons passeront par des phases de déshydratation, imprégnation et inclusion en paraffine avant
l'obtention d'un bloc de paraffine qui fera l'objet de coupes de 4 micromètres (µm) d'épaisseur environ.
• Ces coupes seront étalées sur lames de verre puis déparaffinées, réhydratées et colorées. La coloration usuelle est la
coloration hématoxyline-éosine-safran (HES) permettant de faire l'analyse histologique du prélèvement (Figure 1).

4.3. lmmunohistochimie (IHC)

L'immunohistochimie (IHC) utilise une réaction immunologique antigène-anticorps pour identifier et localiser des
protéines sur des lames non colorées d'histologie ou de cytologie. Le complexe antigène-anticorps est visualisé
au microscope par un fluorochrome (étude en fluorescence) ou par un complexe coloré (immunohistochimie en
microscope standard).

62
Figure 1. Adénocarcinome peu différencié (Histologie standard - coloration HES)

• La technique peut être directe: l'anticorps spécifique est alors directement fixé à un fluorochrome, on parle alors
d'immunofluorescence directe, qui est essentiellement utilisée pour la recherche de dépôts d'immunoglobulines
et de complément sur coupes congelées de biopsies cutanées et rénales.
• La technique peut être indirecte, c'est l'immunohistochimie indirecte qui concerne notamment le diagnostic des
lésions tumorales. Après liaison de l'anticorps sur l'antigène étudié, le complexe antigène-anticorps est révélé par
un second anticorps dirigé contre l'anticorps spécifique de l'antigène recherché. Ce second anticorps est lié à une
enzyme à laquelle on fournit un substrat. L'activité enzymatique se traduit par une coloration différente selon le
substrat utilisé et localisée au niveau des structures exprimant l'antigène étudié. Enfin, une contre-coloration des
noyaux permet d'identifier les structures cellulaires et tissulaires et de localiser précisément l'antigène recherché
(Figure 2).

Figure 2. Récepteurs des œstrogènes dans un cancer du sein (lmmunohistochimie - marquage nucléaire)

► 66 LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ...


63
Item 293

4.4. Hybridation in situ (HIS)

• Cette technique permet d'identifier à l'aide de sondes une séquence d'acide nucléique (ADN ou ARN) présente
dans des cellules d'une préparation histologique ou cytologique. Le principe est basé sur la complémentarité
des bases (A-T/G-C) des acides nucléiques et l'utilisation de sondes complémentaires à la séquence d'intérêt.
• Le conditionnement du prélèvement est primordial. Pour de bons résultats, il convient d'utiliser pour la fixation
des prélèvements du formol neutre tamponné 10 % pour une durée entre 6 heures et 48 heures. L'HIS est réa­
lisée sur des coupes de 3-4 µm étalées sur les lames de verre.

• La technique comporte :
- une étape de déparaffinage et de réhydratation des lames;
- une étape de digestion protéolytique permettant un meilleur accès de la sonde à la séquence cible;
- une co-dénaturation de la sonde et de l'acide nucléique cible;
- et enfin une étape d'hybridation de la sonde à la séquence cible.
• Les sondes sont couplées à un traceur pour qu'elles puissent être repérées et visualisées. Ce traceur peut être un
fluorochrome (étude FISH : fluroescence in situ hybridization, analysée en microscopie à fluorescence) ou une
enzyme (étude CISH: chromogenic in situ hybridization, analysée en microscopie à fond clair).

• L'immunohistochimie et les analyses par hybridation in situ ont une place incontournable dans la prise
en charge en cancérologie. Par exemple, la recherche par FISH du statut du gène ALK dans les adénocarci­
nomes pulmonaires ou du statut du gène HER2 dans les cancers du sein et de l'estomac conditionne la prise en
charge thérapeutique de ces pathologies (Figure 3).

Figure 3. Recherche d'amplification de HER2 (FISH)

64
LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ... 67 ◄
e 5. Techniques de biologie moléculaire
sur les prélèvements tissulaire/ cellulaire
• La réalisation des tests moléculaires sur les prélèvements tumoraux est parfois primordiale pour la prise en
charge des patients.
• Le choix d'une thérapeutique ciblée est fondé sur la mise en évidence dans la tumeur d'anomalie(s)
responsable(s) de l'activation d'une voie de signalisation essentielle pour la survie de la tumeur qu'il convient
de bloquer (tests théranostiques).
• La réalisation des tests moléculaires est aussi décisive pour le diagnostic et l'établissement d'un pronostic
dans certaines pathologies.
• La détection des altérations génomiques se fait à partir de l'ADN extrait de tissus fixés et inclus en paraffine
dans la majorité des cas, et parfois à partir de l'ARN.11 convient donc de pouvoir obtenir de l'ADN de quantité
suffisante et de bonne qualité.

5.1. Principales techniques de biologie moléculaire pour la recherche


d'altérations génomiques
• La première étape est l'extraction des acides nucléiques à partir des coupes de tissus en copeaux ou sur lames ou
à partir de tissu macrodisséqué. Après une étape de déparaffinage, les tissus sont digérés enzymatiquement afin
d'en éliminer les protéines et la purification des ADN ou ARN se fait dans la majorité des cas sur des colonnes
ou des billes d'affinité (technique manuelle ou automatique). La fragilité des ARN rend leur extraction à partir de
tissus inclus en paraffine plus délicate. Il convient de travailler par la suite sur des amplicons PCR de petite taille.
• Après extraction des acides nucléiques, des techniques de biologie moléculaires sont mises en place pour répondre
aux différentes indications des tests moléculaires : diagnostic, pronostic et théranostic.
• La détection des altérations génomiques requiert au préalable, dans un grand nombre de cas, l'amplification par
PCR (Polymerase Chain Reaction) du gène d'intérêt, soit directement pour !'ADN, soit après une transcription
inverse (RT) suivie de PCR (RT-PCR) pour !'ARN.
• L'étude des différentes anomalies : mutations ponctuelles, amplifications, translocations, délétions ... s'effectue
ensuite par des techniques de biologie moléculaire comme le séquençage Sanger, le pyroséquençage, le Snaps­
hot, la PCR spécifique d'allèle, l'analyse de fragment ou le séquençage de nouvelle génération (NGS) sur ADN ou
sur ARN (RNAseq).

5.2. Principales indications des techniques de biologie moléculaire


5.2.1. Tests théranostiques permettant l'accès aux thérapies ciblées
• Cancers du côlon métastatique: recherche des mutations des gènes KRAS et NRAS (contre-indiquant la pres­
cription des anticorps monoclonaux anti-EGFR) (cf item 301).
• Cancers bronchiques non à petites cellules: recherche des mutations du gène EGFR (indication à un traitement
par inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-EGFR), recherche de translocation du gène ALK (indication à un
traitement par inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-ALK), recherche de translocation du gène ROS (indica­
tion à un traitement par inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-ROS) (cf item 309).
• Mélanome métastatique : recherche des mutations du gène BRAF (indication à un traitement par inhibiteur de
BRAF) (cf item 302).
• Cancer du sein métastatique: recherche de l'amplification du gène ERBB2 (indication à un traitement par anti­
corps monoclonaux anti-ERBB2) (cf item 312).

► 68
65
LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES •••
Item 293

• Cancer de l'estomac métastatique: recherche de l'amplification du gène ERBB2 (indication à un traitement par
anticorps monoclonaux anti-ERBB2) (cf item 303).
• GIST: recherche des mutations du gène c-KIT et des mutations de PDGFRB (indication à un traitement par
inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-KIT) (cf item 303).

5.2.2. Tests diagnostiques


• Sarcomes: amplification des gènes MDM2 et C DK4 (cf item 307).
• Cancer colorectaux: recherche d'une instabilité des microsatellites dans le cadre du dépistage des syndromes de
Lynch (cf item 291 et 301).
• Lymphomes: recherche de la clonalité Bou T (cf item 319).
• Gliomes: recherche de la co-délétion lp/19q, recherche de mutations IDHl et 2 (cf item 299).

5.2.3. Tests pronostiques


• Neuroblastomes: recherche de l'amplification du gène NMYC (cf item 297).

B 6. Examen extemporané

6.1. Définition et principales indications


• Les examens extemporanés sont essentiellement réalisés en pathologie tumorale pour décider d'une exérèse com­
plémentaire, en répondant à différentes questions dépendant du contexte chirurgical :
- la lésion est-elle de nature tumorale ou non?
- s'agissant d'une tumeur, est-elle de nature bénigne, ou maligne?
- les limites de résection sont-elles saines ou atteintes par la tumeur, imposant dans ce cas d'étendre la chirurgie?
- le(s) ganglion(s) lymphatique(s) prélevé(s) est (sont)-il(s) sain(s), ou au contraire métastatique(s) et conduisant
soit à étendre le curage, soit à arrêter l'intervention à cause du stade avancé de la maladie?
- dans le cadre d'un prélèvement diagnostique difficile à réaliser, l'échantillon est-il représentatif et suffisant
pour le diagnostic ultérieur, ou inadéquat?

6.2. Principes de réalisation et limites


• Le prélèvement est adressé sans délai, à l'état frais, sans fixateur ni sérum physiologique.
• Après examen macroscopique, le pathologiste sélectionne le fragment qu'il convient d'examiner au microscope.
• Le fragment est durci par congélation dans une enceinte réfrigérée (cryostat) (-15 à - 20 degrés C), et une coupe de
3-4 µm d'épaisseur est réalisée à l'aide d'un microtome.
• La coupe fait alors l'objet d'une coloration rapide et est examinée.
• Le résultat est communiqué au chirurgien en règle en moins de 30 mn.
• À cause des artefacts de congélation, les coupes extemporanées sont de moins bonne qualité que celles obtenues
en routine après fixation et inclusion en paraffine. Les résultats sont donc moins fiables et moins précis.
• L'examen extemporané n'apporte pas une réponse définitive, et une confirmation est toujours nécessaire après
fixation du tissu restant. Il peut y avoir des discordances entre extemporané et examen définitif.
• Si le prélèvement est trop petit, l'examen peut s'avérer impossible après fixation (matériel altéré par la congélation,
ou pas de matériel restant après les coupes en congélation). Il convient dans ce cas de renoncer à l'examen extem­
porané pour préserver l'examen définitif.

69 ◄
66
LE MÉDECIN PRËLEVEUR DE CELLULES ...
• Les prélèvements calcifiés, par exemple les prélèvements osseux, ne peuvent pas être examinés en congélation,
mais seulement après décalcification avant inclusion en paraffine.
• Les délais opératoires sont allongés suite à l'examen extemporané.

e 7. Tumeurs devant impérativement être adressées


à l'état frais au laboratoire d'ACP
• Dans certains cas, les tissus ne doivent pas être fixés, mais adressés en anatomie pathologique dans un contenant
sec dans les plus brefs délais et de façon impérative en moins de 30 minutes
- les tumeurs pédiatriques ;
- les sarcomes ;
- les hémopathies.

► 70
67
LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ...
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 293:
« LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES ET/ou DE TISSUS POUR DES EXAMENS D'ANATOMIE
ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES»

Situation de départ I Descriptif


180. Interprétation d'un compte • Les prélèvements cellulaires et tissulaires sont réalisés par des médecins,
rendu d'anatomo-pathologie dans le respect des bonnes pratiques, selon des protocoles validés, en
181. Tumeurs malignes sur pièce veillant à la préservation de leur qualité et de leur quantité.
opératoire/biopsie • Les prélèvements pour examen histologique doivent être transmis fixés dans
le formol à 10 % neutre tamponné, mais impérativement à l'état frais dans
le cas des examens extemporanés, de certaines pathologies (hémopathies,
sarcomes, tumeurs pédiatriques), de recherches particulières (étude des
graisses, examen en immunofluorescence directe) ou de cryopréservation
sanitaire et pour la recherche.
• La transmission doit être faite dans les meilleurs délais accompagnée d'une
fiche de renseignements remplie par le médecin préleveur. La présence du
médecin pathologiste à la RCP permet au mieux l'échange des informations
et facilite la discussion des résultats.
• L'acheminement de l'échantillon vers le laboratoire exige un protocole
rigoureux: la transmission correcte du prélèvement engage la responsabilité
médicale.
• Une partie des cellules et des tissus prélevés peut faire l'objet de recherches
de biologie moléculaire. Ces prélèvements doivent être fixés au formol 10 %
le plus rapidement possible et le temps de fixation doit être compris entre 6
heures et 24 heures notamment pour les biopsies.
• La cytologie permet une orientation diagnostique qui doit souvent être
confirmée par l'analyse histologique.
• L'examen morphologique est basé sur l'interprétation par le pathologiste
des images des coupes des tumeurs par la coloration hématoxyline-éosine­
safran en fonction du contexte clinique et éventuellement radiologique et
biologique.
• Le résultat de l'examen morphologique est consigné dans un compte rendu
qui doit comporter des informations pour la prise en charge du patient. Des
données minimales sont requises par l'INCa.
• La fixation des prélèvements doit être le formol à 10 % tamponné pour une
durée de 6 heures à 48 heures afin d'obtenir des résultats concluants en
immunohistochimie et en FISH.
• L'immunohistochimie directe et indirecte est une aide au diagnostic
morphologique par la recherche d'expression de protéines d'intérêt.
• La FISH permet de mettre en évidence des amplifications ou des délétions de
gènes ou des translocations.
• La réalisation des tests moléculaires sur les prélèvements tumoraux est
parfois primordiale pour la prise en charge des patients.
• Les prélèvements à visée d'étude en biologie moléculaire doivent contenir
au moins 25 % à 30 % de cellules tumorales, pour éviter les faux négatifs.
• Les prélèvements pour l'étude en biologie moléculaire doivent être
accompagnés d'une fiche de prescription selon les recommandations de
l'INCa.
• L'extraction des acides nucléiques est faite à partir de coupes de tissus fixés
et inclus en paraffine.
• Les indications des tests de biologie moléculaires sont diagnostiques,
pronostiques, théranostiques.

71 ◄
68
LE MÉDECIN PRÉLEVEUR DE CELLULES •••
69
Item 294

Traitement des cancers :


CHAPITRE h...�--------------------------------------
,,. Chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux
des cancers (chimiothérapie, thérapies ciblées,
immunothérapie). La décision thérapeutique
pluridisciplinaire et l'information du malade

Pr Céline Bourgier', Dr Marc-Antoine Benderra2, Dr Mathieu Jamelot2, Dr Sandrine Richard2,


Pr Frédéric Marchal', Pr David Azria', Pr Jean-Pierre Lotz2
1 Institut de Cancérologie de Montpellier, Unicancer, Montpellier
'Service d'Oncologie Médicale et de Thérapie Cellulaire, Hôpital Tenon, Groupe Hospitalier Est-Parisien, AP-HP, Paris
'Institut de Cancérologie de Lorraine, Centre Alexis Vautrin, Unicancer, Vandœuvre-lès-Nancy

OBJECTIFS: N ° 294. TRAITEMENT DES CANCERS: PRINCIPALES MODALITÉS, CLASSES THÉRAPEUTIQUES ET LEURS
COMPLICATIONS MAJEURES. LA DÉCISION THÉRAPEUTIQUE PLURIDISCIPLINAIRE ET L'INFORMATION DU MALADE

-+ Décrire les principes et risques des traitements en cancérologie (voir item 330).
-+ Justifier l'utilité d'une concertation pluridisciplinaire.
-+ Connaître les objectifs du dispositif d'annonce et de la mise en place d'un programme personnalisé des soins.

--------------------------------------------------------------------······------------------------------------- ·'
'
'
1. La chirurgie des cancers 2.4. Facteurs influençant l'effet des radiations
1.1. La prévention 2.5. Différents types de radiothérapie
1.2. Diagnostic et bilan d'extension 2.6. Doses de tolérance des tissus sains et doses nécessaires à
1.3. Traitements la stérilisation des tumeurs
1.4. Réhabilitation 2.7. Principaux effets secondaires
1.5. La chirurgie palliative 3. Traitements médicaux des cancers
1.6. La chirurgie de recours 3.1. Chimiothérapie
1.7. Le chirurgien cancérologue 3.2. Thérapies ciblées
2. Radiothérapie oncologique 3.3. Hormonothérapie
2.1. Introduction 3.4. Immunothérapie
2.2. Définitions 4. Décision thérapeutique et mise en œuvre
2.3. Mécanismes d'action des radiations ionisantes
�----------- ------------- ------------------------------------------- ------ --------------------------- - - ---------·

70
TRAITEMENT DES CANCERS
Rang Rubrique Intitulé
B Prise en charge Diagnostic et bilan d'extension
A Définition Connaître les différents types de radiothérapie (radiothérapie externe,
curiethérapie, radio-immunothérapie)
A Définition Connaître les principales thérapeutiques médicamenteuses spécifiques
du traitement des cancers: chimiothérapie antitumorale, thérapie ciblée,
hormonothérapie, immunothérapie
B Éléments Connaître les facteurs influençant l'effet des rayons X
physiopathologiques
B Éléments Connaître les doses d'efficacité permettant les contrôles tumoraux et de
physiopathologiques tolérance pour les tissus sains des rayons X
B Éléments Connaître les principes généraux de la radiothérapie interne vectorisée
physiopathologiques
B Éléments Connaître les effets secondaires radio-induits
physiopathologiques
B Définition Considérations générales sur la chimiothérapie antitumorale et les
traitements systémiques anticancéreux: action sur les cellules en cycle,
notion d'effet-dose, nécessité d'une preuve histologique
B Définition Connaître les définitions des différents types de traitement: adjuvant, néo-
adjuvant, concomitant ou séquentiel
B Définition Connaître les mesures d'initiation d'un traitement anticancéreux systémique
(mesures sociales, voie veineuse centrale, bilan des grandes fonctions
vitales)
B Définition Connaître les mécanismes d'action des différentes familles de chimiothérapie
(alkylants, inhibiteurs de topo-isomérases, antimétabolites, poisons du
fuseau)
A Définition Enumérer les complications des thérapeutiques médicamenteuses
spécifiques du traitement des cancers
B Éléments Décrire les toxicités spécifiques des chimiothérapies (cardiaques, rénales,
physiopathologiques vésicales, neurologiques, pulmonaires, gonadiques)
B Diagnostic positif Connaître le risque de syndrome de lyse tumorale et en apprécier le risque en
fonction du type et de la masse tumorale, du terrain et de la chimiothérapie
B Définition Énoncer les principales classes et principes d'action des thérapies ciblées
(anticorps monoclonaux et peptidomimétiques)
--
B Éléments Connaître les principes généraux d'action de l'hormonothérapie
physiopathologiques
B Éléments Connaître les principes généraux d'action de l'immunothérapie
physiopathologiques -
A Prise en charge Connaître le processus de décision de la mise en oeuvre du traitement
incluant la réunion de concertation multidisciplinaire (RCP), les principales
étapes du dispositif d'annonce, le plan personnalisé de soins

Les situations de départ sont listées à la fin du


► 7/f ÎRAITEMENT DES CANCERS


71
Item 294

A • Le traitement d'un cancer peut faire appel à plusieurs modalités thérapeutiques, isolément, simultanément ou
successivement (Figure 1). La décision thérapeutique ne peut donc reposer que sur une concertation multidisci­
plinaire. Les soins oncologiques de support ne sont pas réservés à la phase purement palliative de la fin de vie mais
font partie intégrante de la prise en charge thérapeutique du malade dès le diagnostic.

Figure 1. Traitement d'un cancer: plusieurs modalités thérapeutiques

Méthodes thérapeutiques

1 1
1 1 1
Soins
Traitements
Chirurgie Radiothérapie Oncologiques
médicaux
de Support

La chirurgie des cancers ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations sont
données à titre indicatif.

1. La chirurgie des cancers


• La chirurgie a une place essentielle dans le traitement des cancers. Elle s'intègre dans la pluridisciplinarité avec
les autres méthodes de traitement que sont l'oncologie radiothérapie, l'oncologie médicale et les soins de support,
ainsi qu'avec les spécialités diagnostiques, l'anatomie pathologique, l'imagerie et les spécialités d'organe.
• La chirurgie est un traitement local ou loco-régional. Elle vise la tumeur, les aires ganglionnaires du drainage
lymphatique et parfois des métastases. L'objectif est le contrôle de la maladie par !'exérèse du foyer pathologique
en première intention ou après un traitement d'induction. Le risque de maladie métastatique, s'il est significatif,
sera couvert par un traitement adjuvant.
• On peut schématiquement placer l'acte chirurgical dans quatre grands domaines (Figure 2: prévention (éviter),
diagnostic et bilan d'extension (affirmer et préciser), traitement (guérir et soulager) et réhabilitation (réparer).

Figure 2. Les domaines de la chirurgie des cancers

Les domaines de la chirurgie


des cancers

1 1
1 1 1
Diagnostic
Prévention Traitement Réhabilitation
et bilan d'extension

72
ÎRAITEMENT DES CANCERS
1.1. La prévention
1..1..1.. La chirurgieprophylactique
• L'objectif est !'exérèse d'un organe apparemment sain, mais ayant un très fort risque de développement d'un
cancer lié à l'identification d'une mutation génétique constitutionnelle.

Exemple : Mastectomies et ovariectomies prophylactiques chez des patientes jeunes porteuses d'une
mutation BRCA 1 ou 2.

1..1..2. La chirurgie préventive


• L'objectif est !'exérèse complète d'états précancéreux assurant ainsi une prévention secondaire. La guérison est de
100 %. En principe les gestes sont limités, mais ce n'est pas toujours le cas.

Exemples:
- Conisation en cas de carcinome in situ du col utérin.
- Colectomie totale+/- proctectomie en cas de polypose recto-colique.

• Toutes les lésions précancéreuses justifient un geste d'exérèse.

Exemples: Dysplasies, leucoplasies et érythroplasies muqueuses, carcinomes in situ de l'œsophage ou de la


vessie, carcinome intra-canalaire du sein (CCIS) ...

• L'alternative à la chirurgie est la résection endoscopique ou la destruction (laser, plasma argon, hyper­
fréquence ...).

1.2. Diagnostic et bilan d'extension


1..2.1.. Diagnostic
• L'objectif est d'affirmer la malignité, de préciser le type histologique ainsi que d'autres paramètres biologiques
pouvant modifier la décision thérapeutique.
• L'évolution des techniques radiologiques interventionnelles a limité ces indications chirurgicales. Le chirurgien
sera amené à faire un prélèvement là où le radiologue ne peut aller (accessibilité), si des prélèvements répétés
n'apportent pas l'information utile ou si le geste participe au traitement.

Exemples:
- Biopsie du col utérin sous colposcopie.
- Castration par voie inguinale pour le diagnostic de cancer du testicule.

• A contrario, la chirurgie peut permettre de corriger un diagnostic erroné de malignité ou de découvrir fortuite­
ment une tumeur maligne sur pièce opératoire.

1..2.2. Bilan d'extension


• L'objectif est d'obtenir un classement par stade (OMS, FIGO ...) précis, nécessaire à la définition d'un programme
thérapeutique. L'imagerie a ici une place essentielle en complément des données cliniques.

► 76 ÎRAITEMENT DES CANCERS


73
Item 294

Exemples:
- La cœlioscopie pour un cancer de l'ovaire oriente le choix du premier traitement et permet d'obtenir
une preuve histologique sur la tumeur, ses extensions et une cytologie sur le liquide péritonéal.
- Une suspicion de carcinose péritonéale (mésothéliome, cancer de l'estomac) nécessite une cœlioscopie
de classification de l'atteinte péritonéale pour estimer les chances de résection RO.

• Le curage apporte une information sur l'atteinte des ganglions et sera utilisé pour poser une indication de chimio­
thérapie adjuvante (exemple: cancer du sein) et/ou d'une radiothérapie externe adaptée (exemples: cancer du col
utérin, cancer de la prostate). Une atteinte ganglionnaire peut être une contre-indication relative à la chirurgie
d'exérèse de l'organe en première intention (vessie, estomac, carcinome hépatocellulaire ...).

1.3. Traitements
1.3.1. Radicalité et qualité de vie
• Les objectifs de la chirurgie sont la guérison et le maintien d'une bonne qualité de vie. Le principe de radicalité a
pour objectif d'éviter les récidives locales; l'exérèse du cancer doit être totale et passer en tissu sain, sans effraction
de la tumeur. L'évolution des pratiques chirurgicales a voulu préserver la radicalité du geste tout en réduisant les
séquelles fonctionnelles ou mutilantes.

Exemples:
- Abandon de la mastectomie totale élargie à des méthodes conservatrices pour le cancer du sein.
- Abandon des amputations et désarticulations de membre pour les sarcomes des tissus mous.

• La règle générale de la chirurgie d'exérèse des cancers est l'exérèse anatomique.

Exemples:
- Pneumonectomie et curage ganglionnaire médiastinal pour un carcinome bronchique développé sur
une bronche souche.
- Hémi-colectomie droite pour un adénocarcinome du cëecum.
- Ablation de toute la glande, y compris le prolongement axillaire, en cas de chirurgie non conservatrice
pour un cancer du sein.

1.3.2. les marges


• La marge est la distance entre la dernière cellule cancéreuse et le trait de coupe chirurgical ; elle se mesure
macroscopiquement et microscopiquement. La notion de berge décrit une surface sur la pièce opératoire. Une
berge envahie signifie que le chirurgien est passé dans la tumeur et qu'il reste un foyer tumoral massif; la marge
est nulle (résection R2). Quand la tumeur affleure la berge (la surface de la pièce opératoire), la marge est quasi
nulle (résection Rl) et le risque que des cellules résiduelles malignes soient restées en place est important. À l'in­
verse, si la berge est saine et si la marge est correcte, le geste est probablement localement efficace (résection RO).

Exemples:
- Lors de l'exérèse d'un cancer du sein, une marge entre 1 et 2 mm est suffisante à condition qu'il n'y ait
pas de carcinome intra-canalaire (CCIS) associé car la marge exigée serait alors de 2 mm.
- La marge d'exérèse d'un mélanome cutané dépend de l'indice de Breslow (plus la tumeur est épaisse,
plus grandes devront être les marges).

77 ◄
74
ÎRAITEMENT DES CANCERS
• On classe la qualité de !'exérèse en trois niveaux selon la présence ou non de foyers tumoraux résiduels
après la chirurgie:
- RO: il n'y a pas de résidu microscopique;
- Rl : il n'y a pas de résidu macroscopique, mais un très fort risque de résidu microscopique;
- R2: il persiste un résidu macroscopique.

1.3.3. Le curage ganglionnaire


• Différentes stratégies sont possibles vis-à-vis des zones anatomiques de drainage lymphatique:
- curage de nécessité : il existe une atteinte macroscopique prouvée qui justifie !'exérèse réglée des sites de
drainage anatomique ;
- curage de principe: il existe un risque d'atteinte ganglionnaire qui incite à faire un curage réglé si celui-ci a
une valeur thérapeutique ou si l'information obtenue peut être décisive pour le choix du traitement à suivre ;
- la technique du ganglion sentinelle a pour but de limiter le prélèvement au premier relais ganglionnaire (1 à
3 ganglions) et à n'élargir le curage que si ce premier relais est envahi.

1.3.4. La chirurgie mini-invasive


• La chirurgie « ouverte » reste souvent nécessaire pour des tumeurs volumineuses, des situations complexes, les
récidives ...
• La cœliochirurgie est reconnue comme un standard pour la chirurgie de petites tumeurs.
• Il est essentiel de garantir la même qualité de geste qu'en chirurgie ouverte et d'obtenir le même résultat carci­
nologique en survie sans récidive.

1.3.5. Les associations thérapeutiques


• Les objectifs sont divers: traiter en priorité une maladie potentiellement métastatique infra-clinique, réduire le
volume de la tumeur pour la rendre extirpable ou limiter l'importance de !'exérèse chirurgicale et permettre la
conservation partielle de l'organe dans un but fonctionnel ou de qualité de vie.

Exemples:
- Un cancer du rectum sous péritonéal > T2 justifie une radiothérapie associée à une chimiothérapie,
avant le temps chirurgical d'exérèse et sans préjuger de l'indication d'une chimiothérapie adjuvante.
- Les métastases hépatiques des cancers colorectaux, de l'adénocarcinome du bas œsophage, des
sarcomes des membres, etc. bénéficient d'un traitement d'induction pré-chirurgical.

1.3.6. Les alternatives à la chirurgie


• La chimiothérapie et la radiothérapie permettent, dans certains cas, d'obtenir une réponse histologique complète
ou une survie globale équivalente à la chirurgie avec une morbi-mortalité moindre.

Exemples:
Chimio-radiothérapie concomitante exclusive du carcinome épidermoïde du tiers supérieur de
l'œsophage, du cancer de vessie T2 (après RTUV complète).
- Le cancer de la prostate peut être traité par curiethérapie, par radiothérapie externe conformationnelle
avec modulation d'intensité, par cryothérapie, etc. en lieu et place de la chirurgie. Chaque technique a
des indications plus ou moins précises, mais qui dépendent également de l'accès au plateau technique
correspondant.

► 78 ÎRAITEMENT DES CANCERS 75


Item 294
. .

1..3.7. La chirurgie des masses résiduelles


• Elle vise à enlever ce qui reste après les premières phases du traitement pour gérer un temps suivant.

Exemple : La persistance de masses ganglionnaires après chimiothérapie pour une tumeur germinale
non séminomateuse du testicule de stade Il (atteinte des ganglions régionaux : ganglions para-aortiques,
pré-aortiques, inter-aortico-caves, pré-caves, para-caves, rétro-caves, rétro-aortiques et le long des veines
spermatiques) peut correspondre à :
► des résidus tumoraux actifs qui vont imposer une chimiothérapie de deuxième ligne, voire une
intensification de dose;
► du matériel nécrotique qui peut renseigner sur la nature d'images résiduelles en site métastatique
(poumon, ganglions médiastinaux) dont la surveillance sera suffisante;
► une tumeur mature à type de tératome dont l'évolution sous forme de tératome croissant peut
donner des complications à type de compression.

1..3.8. La chirurgie de rattrapage


• L'échec d'un premier traitement non chirurgical, sans intervalle libre, peut parfois être rattrapé par la chirurgie.
Dans tous les cas une évolution métastatique doit faire reconsidérer la chirurgie qui pourrait à la rigueur se justi­
fier à titre de « propreté ».

Exemple:
- Le cancer épidermoïde de la marge anale est traité en première intention par une association de chimio­
radiothérapie. Le résultat attendu est un contrôle de la maladie dans plus de 90 % des cas. L'échec est
la persistance de tumeur vivace, de douleurs et souvent une incontinence des matières et des gaz.
L'amputation ano-rectale par voie abdomino-périnéale est alors nécessaire. Elle se justifie d'autant plus
que la maladie est à un stade local et si l'atteinte ganglionnaire a été contrôlée par le traitement.

1..3.9. Chirurgie des métastases


• La chirurgie des métastases peut avoir une ambition curative.
• Elle est souvent encadrée par un traitement systémique dont l'objectif est de réduire le volume de la (des)
métastase(s) et de détruire la maladie métastatique infra-clinique. Elle s'adresse à des métastases synchrones ou
métachrones de la tumeur primitive. La chirurgie se fait en un ou plusieurs temps. L'état général doit être compa­
tible avec une chirurgie étendue. La totalité des lésions visibles doit être réséquée ; l'objectif est un résultat RO afin
d'améliorer la survie et la qualité de vie.
• La chirurgie des métastases peut n'être que palliative.
• L'objectif est la prévention de complications ou le traitement d'un symptôme.

Exemples:
- Laminectomie décompressive de la moëlle épinière pour éviter une paraplégie.
- Ostéosynthèse en prévention d'une fracture pathologique.

1..3.1.0. La chirurgie des rechutes


• La récidive se définit comme une reprise évolutive du cancer après un intervalle libre. Les indications chirurgi­
cales sont peu fréquentes. Il faut préalablement s'assurer de l'absence de métastase. La chirurgie doit être capable
d'enlever complétement le foyer tumoral (RO).

76 ÎRAIHMENT DES CANCERS 79 ◄


Exemple : La récidive locale d'un cancer du sein après traitement conservateur relève d'une chirurgie
radicale non conservatrice.

1.4. Réhabilitation
• La chirurgie réparatrice s'adresse aux conséquences et séquelles de la chirurgie d'exérèse et aux complications des
autres méthodes de traitement des cancers. Le geste peut être fait immédiatement par nécessité ou de manière
différée.

1.4.1. Chirurgie des complications et des séquelles


1.4.1.1. Complications de laradiothérapie
• Les facteurs favorisants sont une dénutrition, un diabète, un syndrome d'hyp ersensibilité à la radiothérapie, des
adhérences post-opératoires, le tabagisme.
• Les complications observées peuvent être: ulcération, fibrose, fistule, nécrose, perforation ...
• Il était fréquent à l'époque de la radiothérapie par rayons y (cobalthérapie) d'observer des radio-nécroses. Actuel­
lement, l'énergie des rayonnements X et les progrès de la dosimétrie ont rendu ces complications exceptionnelles.

Exemple : Le grêle radique, consécutif à une irradiation abdominale peut se manifester par une nécrose
muqueuse sténosante limitée, en général en regard d'une bride adhérentielle. Il peut se manifester par des
troubles de l'absorption et des troubles du transit par fibrose d'une longue portion du grêle. La chirurgie
réalise la résection de tout le segment pathologique et s'assure d'une suture en zone saine.

• La chirurgie est parfois nécessaire dans des situations où la complication est liée à l'efficacité de la radiothérapie
qui aboutit à la fonte tumorale et démasque une fistule, provoque un abcès sur nécrose, etc.

1.4.1.2. Complications de la chimiothérapie


• L'extravasation des produits de chimiothérapie provoque des brûlures chimiques extensives et d'aggravation pro­
gressive dont le traitement est la lipoaspiration en urgence ou un débridement chirurgical si le patient est référé
tardivement(> 12 h). Ensuite, il faut exciser les zones nécrosées quand elles sont bien délimitées et couvrir la perte
de substance. Parallèlement, l'ablation du cathéter ou du site implantable est indispensable.
• Le traitement par les bisphosphonates peut se compliquer d'une nécrose mandibulaire. La prévention est la mise
en état dentaire en préalable de leur prescription. À un stade avancé, on observe une nécrose muqueuse gingivale
et des séquestres osseux. Le traitement est l'arrêt des bisphosphonates, l'ablation des séquestres et la couverture
de l'os sain.

1.4.2. Reconstructions immédiates


• Les reconstructions immédiates sont des gestes courants en chirurgie des cancers. La plupart du temps, il s'agit
de restaurer une fonction essentielle : rétablissements de continuité digestive, urinaire, bronchique, pharyngo­
laryngée ou vasculaire, réfection pariétale, couverture cutanée, etc. L'utilisation d'une technique de reconstruction
a aussi l'avantage de pouvoir réaliser une exérèse plus large dont la valeur curative est potentiellement meilleure.

► 80 ÎRAITEMENT DES CANCERS 77


'
Item 294

Exemples:
- Une prostato-cystectomie totale pour un cancer de la vessie peut être compensée par une iléo-néo­
cystoplastie (reconstruction d'un réservoir in situ en utilisant le grêle« détubulé » et anastomoses urétro­
iléale et urétéro-iléales).
- Une pharyngo-laryngectomie totale sera partiellement reconstruite en rétablissant la continuité de la
voie digestive supérieure entre la cavité buccale et l'œsophage: lambeau libre jéjunal ou lambeau libre
cutané ou plastie cutanée locale, etc.
- Pour le cancer du sein nécessitant une mastectomie totale, il est possible de réaliser une reconstruction
immédiate:
► pour un carcinome canalaire in situ étendu;
► pour un cancer ayant nécessité une chimiothérapie première que l'on fait suivre par une
radiothérapie. La chirurgie clôt le traitement par une mastectomie totale et une reconstruction
mammaire immédiate (RMI).

1.4.3. Reconstructions différées


• Le premier objectif du traitement est de corriger des séquelles fonctionnelles ou esthétiques.

Exemple:
- La chirurgie du plancher de bouche nécessite parfois une interruption du maxillaire inférieur. Une
reconstruction secondaire, après cicatrisation et éventuellement une radiothérapie, associe une greffe
osseuse et dans les bons cas l'implantation d'orthèses.
- La reconstruction différée du sein est largement répandue; le choix des techniques est large.

1.5. La chirurgie palliative


• Les seules bonnes indications sont celles dont l'objectif est de soulager et d'améliorer la qualité de vie avec une
efficacité immédiate et durable. Il peut s'agir de:
- Dérivations
► des urines par urétérostomies en cas d'urétéro-hydronéphrose ou de fistule et si les techniques
interventionnelles (stent urétéral JJ, néphrostomie, cystostomie) ne sont pas applicables;
► des matières en cas d'occlusion. La colostomie ou l'iléostomie sont indiquées si la pose d'un stent colique
n'est pas possible;
► de l'alimentation, de préférence à une gastrostomie chirurgicale, une gastrostomie percutanée ou la pose
d'une prothèse œsophagienne permettra la reprise d'une alimentation per os.
- Exérèses
► pour une perforation d'un organe creux (estomac, côlon ...);
► pour un saignement important (estomac, rein ...);
► pour une occlusion (carcinose péritonéale limitée, cancer colique sténosant métastatique ...).
- Ligature vasculaire
► pour une rupture carotidienne dans l'évolution d'un cancer du pharynx.
- Trachéotomie
► pour un cancer du larynx ou un cancer du pharynx propagé au larynx.
- Ostéosynthèses
► pour fracture pathologique ayant un impact fonctionnel majeur (fémur, humérus, vertèbre ...).

81 ◄
78
ÎRAITEMENT DES CANCERS
1.6. La chirurgie de recours
• Cette chirurgie est celle qui s'adresse aux situations les plus difficiles, souvent après chimiothérapie et/ou radio­
thérapie préalables:
- tumeurs rares pour lesquelles il est recommandé de faire appel à des centres de référence;
- rattrapage et récidives (cf. supra);
- zones anatomiques frontières: thorax/abdomen, pelvis/racine du membre inférieur,etc.;
- chirurgie lourde: exentérations pelviennes, exérèses multi-viscérales, carcinose péritonéale;
- participation à la recherche clinique.

1.7. Le chirurgien cancérologue


• Tout chirurgien est confronté au cancer à un moment ou à un autre.
• Il connaît les bases fondamentales de la cancérologie et les principes de la chirurgie cancérologique.
• Il exerce dans un contexte de pluridisciplinarité et suit les référentiels. Il collabore avec l'oncologue médical,
l'oncologue radiothérapeute, le radiologue et les spécialistes d'organe.
• Il a une certaine polyvalence technique.
• Il ne confond pas un débat technique et une stratégie thérapeutique.
• Il contribue à l'information du patient et de ses proches.

2. Radiothérapie oncologique

2.1. Introduction
• C'est en 1895 que W.-C. Roentgen découvre les rayons X, mais ce n'est que vers les années 1920-1930 que la
radiothérapie, en tant que discipline de traitement anticancéreux, va réellement se structurer. Le but de la radio­
thérapie est d'utiliser les radiations ionisantes à visée thérapeutique, afin de détruire les cellules cancéreuses.
� · La fin du XX< siècle a vu se développer une double révolution en radiothérapie:
- une révolution technologique avec la mise à disposition d'appareillages de plus en plus performants, en
particulier les accélérateurs linéaires ;
- une révolution biologique avec la compréhension de plus en plus précise des mécanismes d'action des
rayonnements ionisants.
• La radiothérapie s'intègre de plus en plus souvent dans des protocoles thérapeutiques multidisciplinaires, impli­
quant avec elle chirurgie et/ou chimiothérapie anticancéreuse.
• La radiobiologie étudie les effets des radiations sur les cellules normales et tumorales. Son but ultime, en clinique,
est de permettre l'amélioration de l'efficacité des radiations sur les tumeurs et de minimiser les effets secondaires
sur les tissus sains traversés par les radiations ionisantes.

A 2.2. Définitions
• Les radiations ionisantes sont des radiations capables de créer des ionisations dans la matière qu'elles traversent
par« arrachement» d'électrons aux atomes des molécules du milieu.
• Les photons correspondent à des« grains» d'énergie sans masse, se déplaçant à la vitesse de la lumière et trans­
portés par une onde électromagnétique.
• On distingue les photons gamma, produits lors de la désintégration d'atomes radioactifs naturels ou artificiels,
cobalt (Co60), iridium (Ir 1 92), césium (Cs 137), et les photons X, produits lors des interactions électrons-matière.

► 82 ÎRAITEMENT DES CANCERS


79
Item 294

En radiothérapie, il s'agit de photons produits par des tubes à rayons X ou par des accélérateurs linéaires à usage
médical. À énergie égale, photons gamma ou X ont des propriétés biologiques identiques : seuls les distinguent
leurs modes de production.
• Les électrons correspondent à des particules élémentaires de matière chargée négativement. La masse d'un élec­
tron est environ deux mille fois plus petite que celle des particules constituant le noyau de l'atome (neutrons et
protons). En radiothérapie, on utilise essentiellement des électrons produits par les accélérateurs linéaires (dans
une gamme d'énergie allant de 4 à 32 MeV).
• Le Gray (Gy) est l'unité de dose en radiothérapie.
• Il s'agit d'une unité de dose absorbée, correspondant à une absorption d'énergie d'l joule par Kg (1 Gy= 1 J.Kg 1 ).

Le mécanisme d'action des radiations ionisantes ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet
item et ces informations sont données à titre indicatif.

2.3. Mécanismes d'action des radiations ionisantes


• On distingue 4 phases successives (physique, chimique, cellulaire, tissulaire) (Figure 3).

Figure 3. Phases successives d'action des radiations ionisantes

l
0 Irradiation
10-15 s Ionisations-Excitations
10-5 s Radicaux libres

.---�
seconde Réactions biochimiques
minute
Réparation cellulaire
heure �
jour Mort différée
semaine
Réparation tissulaire
mois
année
Cancéri�
descendance Mutations

2.3.1. la phasephysique
• Elle correspond aux évènements physiques initiaux (ionisations, excitations) déclenchés par l'interaction des
rayonnements avec les atomes des molécules cellulaires. Ces évènements se produisent avec une extrême rapidité
(de l'ordre de 10 15 à 10 16 seconde)
- Interaction photons-matière : dans la gamme d'énergie des photons utilisés en radiothérapie, deux effets
prédominent largement (Figure 4) : l'effet Compton (l'énergie d'un photon incident est transmise à un
électron arraché à une couche périphérique d'un atome et à un photon dit« diffusé»), et l'effet photoélectrique
(l'intégralité de l'énergie du photon incident est transférée à un électron arraché à une couche interne d'un
atome ; le réarrangement électronique qui s'ensuit entraîne l'émission soit d'un photon dit de« fluorescence »,
soit d'un électron Auger).
- Interaction électrons-matière: il peut s'agir soit des électrons« primaires», produits directement par les
appareils de traitement, soit des électrons« secondaires», produits au cours des interactions photons-matière.
Deux types de phénomènes prédominent : des interactions électron-électron, appelées collisions, entraînant

80
ÎRAITEMENT DES CANCERS 83 ◄
un transfert d'énergie qui s'épuise progressivement dans la matière et des interactions électron-noyau dits
phénomènes de freinage [l'électron est freiné lors d'un passage à proximité d'un noyau (chargé positivement
qui l'attire)]. L'énergie perdue lors du freinage de l'électron est à l'origine de la production de photons (X) dits
«de freinage».

Figure 4. Principales interactions photon-matière

Effet compton

✓ électron Compton

o,., . ..t:::\:r··,, ,..,. ., .�- - -- --�-�-­

.
,. ., . ,. , <\,...,. .,. . ,..• photon diffusé

Effet photoélectrique
photon électron

photon de fluorescence
, . . ,�
, ou

électron Auger

2.3.2. La phase chimique


• Elle correspond aux réactions chimiques consécutives aux réarrangements moléculaires produits lors de la
phase physique. Cette phase se situe de 10-s à 1 seconde après l'irradiation.
• Ces réactions chimiques vont conduire à la rupture de liaisons de covalence et donc à des scissions au sein des
molécules. Chaque fragment moléculaire emporte avec lui un des électrons de la liaison covalente: cet électron dit
«célibataire» sur une couche périphérique confère au fragment (appelé«radical libre») une réactivité chimique
élevée. Les radicaux libres interagissent entre eux et avec les molécules du milieu. À terme, les lésions molécu­
laires résiduelles après une cascade de réactions chimiques correspondent le plus souvent à des ruptures et à des
pontages moléculaires.
• Dans ce contexte, la radiolyse de l'eau cellulaire joue un rôle majeur. L'ionisation d'une molécule d'eau conduit en
effet à deux radicaux libres hautement réactifs; HO ° (oxydant) et H° (réducteur), et à la libération d'un électron
dit«aqueux». On estime qu'environ deux tiers des effets des radiations ionisantes sont liés à l'action des radi­
caux libres libérés par la radiolyse de l'eau.
• L'irradiation agit sur la perméabilité de la membrane cellulaire en induisant des chaînes de réactions encore
incomplètement connues, par l'intermédiaire de la dégradation des phospholipides (peroxydation lipidique)
ainsi qu'au niveau du cytoplasme sur les ribosomes et les mitochondries (ce site d'action semble peu important).
• Ce sont avant tout les lésions de l'ADN (acide désoxyribonucléique) nucléaire qui sont responsables des effets
biologiques des radiations ionisantes (Figure 5).

► 8 ÎRAITEMENT DES CANCERS


81
Item 294

Figure S. Lésions de l'ADN induites par les radiations ionisantes

cassure
simple brin

modificatio.n
de base

site abasique

• Ces lésions de l'ADN sont :


- soit, directes, liées à l'interaction d'un électron d'ionisation avec la molécule d'ADN;
- soit, le plus souvent indirectes, par l'intermédiaire des radicaux libres créés par la radiolyse de l'eau.
• Une dose de 1 Gy crée au sein de !'ADN d'une cellule:
- 40 lésions« double brin» (rupture des deux chaînes de l'ADN);
- 500 à 1 000 lésions« simple brin» (rupture d'une seule chaîne);
- 1 000 à 2 000 lésions de base;
- environ 200 pontages (ADN-ADN ou ADN-protéine).
• Les lésions« double-brin», les plus graves et les plus difficiles à réparer pour la cellule, sont considérées comme
les principales lésions responsables de l'effet cellulaire létal des radiations ionisantes.

2.3.3. La phasecellulaire
• Elle se déroule dans les heures suivant l'irradiation. Les lésions cellulaires sont la conséquence principale des
lésions de l'ADN nucléaire. Elles dépendent des capacités et des modalités de réparation de l'ADN lésé.

2.3.3.1. Réparation complète


• Les lésions radio-induites, même les plus sérieuses (lésions double brin) sont susceptibles d'être réparées complè­
tement, permettant une restitution ad integrum du génome de la cellule irradiée, et la poursuite normale de la vie
et de la division cellulaires.

2.3.3.2. Réparation fautive


• Les enzymes de réparation de l'ADN peuvent laisser persister des mutations en reconstituant un ADN« fautif».
• Dans leur grande majorité, ces mutations sont récessives, portant sur un seul chromosome, et n'ont aucun impact
biologique.

82
ÎRAITEMENT DES CANCERS
2.3.3.3. Mort cellulaire
• La différence de comportement (effet différentiel) entre une cellule normale, qui se répare, et une cellule cancé­
reuse, qui ne répare pas ou répare mal les radiolésions, permet aux radiations ionisantes d'entraîner la mort des
cellules cancéreuses tout en préservant les cellules normales.
• Les lésions sont dites létales si elles touchent des fonctions vitales pour la cellule et sont irréparables.
• Elles sont dites sub-létales si elles ne sont pas individuellement létales, mais que leur accumulation dans une
cellule aboutit à la mort de celle-ci.
• Les lésions potentiellement létales peuvent se réparer si les conditions (pH ...) sont favorables mais entraînent la
mort de la cellule s'il y a division rapide suivant l'irradiation.
• Différents types de mort cellulaire sont décrits après irradiation :
- la mort immédiate est rare et se produit après une irradiation à très haute dose (plusieurs centaines de Gy), ou
si les lésions de !'ADN sont létales d'emblée;
- la plupart du temps, la cellule irradiée cesse de se diviser après une ou plusieurs mitoses, ce qui correspond
à la perte de la capacité pour la cellule tumorale à proliférer de façon infinie : c'est le phénomène de mort
mitotique différée (mort en mitose). Ceci explique le délai observé entre l'irradiation et la régression clinique
du volume tumoral;
- l'apoptose est une mort cellulaire programmée, active, qui fait partie du processus normal de la vie cellulaire.
L'apoptose radio-induite nécessite le fonctionnement normal du gène p53. D'autres gènes radio-inductibles
entraînent de façon inéluctable la cellule dans le cycle de l'apoptose.

2.3.4. La phase tissulaire


• C'est la conséquence des lésions cellulaires au niveau des tissus ou organes. Elle s'étale de plusieurs jours à plu­
sieurs années après l'irradiation.
• On distingue habituellement les effets tissulaires précoces et les effets tardifs :
- les effets tissulaires précoces s'observent classiquement dans les 6 premiers mois, au niveau des tissus se
renouvelant activement, ce qui est le cas de la majorité des tumeurs malignes. Dans ces conditions, le déficit
cellulaire radio-induit se démasque rapidement;
- les effets tissulaires tardifs s'observent au niveau des tissus proliférant lentement (voire pas du tout). Dans ces
conditions, le déficit cellulaire peut se révéler des mois (classiquement après 6 mois), voire des années, après
l'irradiation;
- les effets au niveau des organes sont complexes car ils comportent souvent plusieurs typ es tissulaires,
susceptibles de réagir différemment au traitement.

B 2.4. Facteurs influençant l'effet des radiations


• La radiosensibilité intrinsèque est la capacité qu'a une cellule de réparer ou non les radiolésions, ce qui la rend
radiosensible (si elle ne répare pas les radiolésions), ou radio-résistante (si elle répare les radiolésions).
• Le cycle cellulaire : la radiosensibilité est maximale durant les phases G2 et M et minimale en phase S. L'irra­
diation provoque un ralentissement de la synthèse de !'ADN, donc un allongement de la phase S, et un blocage
temporaire des cellules en G2 , avec un retard à la mitose et une synchronisation cellulaire.
• L'effet oxygène: la présence d'oxygène est indispensable à l'action biologique des radiations ionisantes. Des radi­
caux libres à durée de vie très courte (lo-s s) sont formés par les particules chargées traversant la matière. Ils pro­
voquent, en présence d'0 2 , la formation de peroxydes responsables de lésions de l'ADN (cassures). L'efficacité de
ce processus est maximale si l'oxygène est présent au moment de l'irradiation.
• En l'absence d'oxygène (hyp oxie), les cellules sont moins sensibles aux radiations. La dose nécessaire pour
détruire une cellule en hyp oxie est 2,5 à 3 fois plus importante que celle nécessaire pour détruire la même cellule
bien oxygénée.

► 86
83
ÎRAITEMENT DES CANCERS
Item 294

• Le facteur temps: le fractionnement et l'étalement régissent le déroulement d'une irradiation.


- Le fractionnement est le nombre de fractions (ou de séances) d'une irradiation. Il définit également
l'intervalle de temps entre deux fractions. Il est possible de modifier l'efficacité biologique d'une irradiation en
agissant sur les composants du facteur temps.
Le fractionnement conventionnel délivre une fraction par jour de 2 Gy qui permet la restauration de !'ADN
des cellules normales.
Le hi-fractionnement (2 séances par jour) délivre à chaque séance une faible dose, moins toxique pour les
cellules normales qui sont capables de se réparer, et plus toxique pour les cellules tumorales qui réparent
mal. Ce mode d'irradiation protège donc les tissus sains tout en délivrant une dose d'irradiation efficace (à
condition que les deux séances soient espacées d'au moins 6 heures).
Différents protocoles de traitement utilisent soit une augmentation du nombre de fractions (hyper­
fractionnement) pour des traitements curatifs, soit une diminution du nombre de fractions (hypo­
fractionnement) pour des traitements palliatifs qui recherchent rapidement l'effet désiré (antalgique par
exemple) avec peu de séances de traitement. L'hyp ofractionnement est de plus en plus utilisé en situation
curative également.
- L'étalement est la durée totale du traitement. En réduisant l'étalement (accélération), on dépasse la
prolifération des cellules tumorales permettant une destruction plus importante.
Un allongement du temps de traitement (protraction) est utilisé dans le cadre de traitements palliatifs dits en
« split-course ».
• L'effet dose: In vitro, les cellules tumorales ne sont pas entourées de tissu sain, et de très fortes doses d'irradiation
permettent d'obtenir 100 % de stérilisation. En clinique, l'augmentation des doses se heurte à la tolérance des
tissus sains, qui est limitée. Néanmoins, il a été montré (cancers ORL, gynécologiques) que l'aug- mentation de la
dose totale d'irradiation, pour une même tumeur, améliore les chances de stérilisation. Cet effet est constamment
recherché en clinique pour les tumeurs radio-résistantes.

A 2.5. Différents types de radiothérapie

Il n'y a pas de radiothérapie possible sans preuve histologique sauf cas très particuliers.

2.5.1. La radiothérapie externe


• C'est la forme d'irradiation la plus utilisée. Elle fait appel à un équipement lourd, les accélérateurs de particules.
• La source d'énergie est à distance du volume à irradier. Les radiations ionisantes traversent l'air, puis les tissus
sains et déposent leur énergie en profondeur, détruisant ainsi les cellules tumorales. La multiplication des fais­
ceaux d'irradiation permet de concentrer l'énergie dans la tumeur et de ne pas irradier à haute dose les tissus sains
traversés.
• La radiothérapie de conformation est de plus en plus utilisée et demande l'acquisition d'un équipement lourd
qui associe un accélérateur linéaire (avec un système de collimation permettant d'obtenir un faisceau de forme
complexe grâce à l'interposition dans le faisceau primaire de lames ou« collimateur multi-lames ») et un système
informatique sophistiqué permettant l'acquisition des images anatomiques en trois dimensions. Des moyens de
contention (masques, matelas...) et de vérification du repositionnement du patient (imagerie portale) permettent
d'assurer une reproductibilité parfaite de l'installation d'un jour à l'autre du traitement.
• Le choix du rayonnement est fonction de la localisation de la tumeur. Les lésions superficielles peuvent être trai­
tées par des électrons qui pénètrent sur quelques centimètres. Les lésions plus profondes sont traitées par des
photons, d'énergie variable de 5 à 25 MV: 6 MV pour un cancer du sein ou un cancer de la sphère ORL, 10 à 25
MV pour un cancer bronchique, abdominal ou pelvien.

84
ÎRAITEMENT DES CANCERS
2.5.2. la curiethérapie
• Cette méthode utilise des sources radioactives mises en place à l'intérieur de l'organisme. On distingue la curie­
thérapie interstitielle (les sources sont placées à l'intérieur du tissu à irradier) et la curiethérapie endo-cavitaire
ou intra-luminale où les sources sont introduites dans une cavité naturelle au contact ou à proximité du tissu à
irradier. Durant le temps pendant lequel les sources sont à l'intérieur de l'organisme, l'irradiation est continue.
Elle dure de quelques minutes à quelques jours, en fonction du débit utilisé (haut débit= quelques minutes), et
de la dose à délivrer.
• En France, on utilise comme sources radioactives l'iridium (Ir 1 92) et le césium (Cs 137).
• L'intérêt de la curiethérapie par rapport à l'irradiation externe est de délivrer en un faible laps de temps une dose
forte dans un très petit volume, car la dose chute très vite en périphérie du volume irradié.

2.5.3. la radio-immunothérapie ou radiothérapie interne vectorisée


• De développement plus récent et administrée par des médecins isotopistes (médecine nucléaire), elle utilise
comme vecteur d'un agent irradiant un anticorps monoclonal dirigé contre une structure spécifiquement portée
par une cellule tumorale. Le but est d'irradier de façon sélective la cellule tumorale, grâce à un isotope radioactif
lié à l'anticorps monoclonal. Une fois l'anticorps fixé sur la cellule tumorale, l'isotope, choisi pour son rayonne­
ment puissant mais peu pénétrant (quelques microns), peut irradier la cellule tumorale sans endommager les
tissus sains.
• Cette technique est en voie de développement en France, surtout dans le cadre des hémopathies malignes.

B 2.6. Doses de tolérance des tissus sains et doses nécessaires


à la stérilisation des tumeurs
• Il est important de connaître les doses de tolérance de chaque organe ou tissu. En effet, l'irradiation d'une tumeur,
le plus souvent profonde et entourée de tissus sains, entraîne obligatoirement l'irradiation des tissus péri tumo­
raux.
• Le plan d'irradiation doit respecter les doses de tolérance de chaque organe sain. Il est possible de délivrer de
fortes doses sur une partie d'un organe, et une dose beaucoup plus faible sur la totalité de celui-ci. Ainsi, la moelle
épinière tolère 45 Gy, le parenchyme pulmonaire 20 Gy sur un poumon entier.
• La dose nécessaire à la stérilisation d'une tumeur dépend de la tumeur considérée (radiosensibilité propre) et de
son volume.
• Schématiquement, un séminome du testicule est détruit par une dose de 30 Gy, une maladie de Hodgkin par 40
Gy, un cancer du sein par 50-60 Gy, un très volumineux cancer ORL par 70-80 Gy. Une dose > 100 Gy serait
nécessaire à la destruction d'un glioblastome.

2.7. Principaux effets secondaires


• Leur gravité varie selon l'organe irradié, mais leur fréquence est de plus en plus faible avec l'amélioration des
techniques d'irradiation. Le principal facteur à considérer est la tolérance limitée des organes sains situés dans le
volume à irradier : la plupart des tissus sains sont lésés pour une dose inférieure à celle requise pour stériliser la
tumeur.
• On distingue les effets stochastiques et déterministes qui sont détaillés ci-après.

2.7.1.. les effets secondaires stochastiques


• Ils sont également appelés probabilistes: la probabilité d'apparition de l'effet augmente avec la dose. On retrouve
essentiellement:
- les effets carcinogènes : le risque (très faible) de cancer secondaire après radiothérapie paraît directement lié à
l'étendue de l'irradiation, aux thérapeutiques associées (chimiothérapie) et à l'âge du patient lors de l'irradiation;

► 88 ÎRAITEMENT DES CANCERS


85
Item 294

- les effets génétiques: ils restent très théoriques dans un contexte de radiothérapie. Les doses reçues aux gonades
sont souvent faibles, voire très faibles, car les volumes irradiés se situent à distance. Ce risque génétique ne
paraît devoir être pris en compte que lorsqu'une irradiation thérapeutique est amenée à délivrer aux testicules
ou aux ovaires une dose supérieure à 0,5-1 Gy (inférieure aux doses entraînant une castration).

2.7.2. Les effets secondaires déterministes


• Ils ont comme caractère commun :
- d'apparaître à partir d'une« dose-seuil» (variable selon l'organe ou le tissu);
- à partir de ce seuil, d'être d'autant plus sévères que la dose est élevée.
• Il s'agit des effets tissulaires, à traduction clinique immédiate ou différée.
• On doit différencier les effets précoces (transitoires et réversibles) survenus au cours du traitement et dans les
6 premiers mois qui suivent et les effets tardifs (le plus souvent définitifs) survenant après 6 mois (Tableau 1).

Tableau 1. RÉACTIONS PRÉCOCES ET RÉACTIONS TARDIVES


Organes Réactions précoces Réactions tardives
Peau Épilation Atrophie cutanée
Érythème Sclérose cutanéo-sous-cutanée
Pigmentation cutanée Troubles de la pigmentation (hypo ou hyper)
Radiodermite sèche Télangiectasies
Radiodermite exsudative Radionécrose
Radionécrose cutanée Gêne fonctionnelle
Cancers cutanés secondaires
Poumon Œdème et surinfection (bactérienne, Fibrose interstitielle
mycosique ou virale) Sclérose rétractile+/- surinfection aspergillaire
Signes cliniques: toux, fièvre, dyspnée
Encéphale Œdème Encéphalopathie radique avec:
Hypertension intracrânienne - Somnolence
- Troubles cognitifs
- Troubles de la mémoire
- Hydrocéphalie
- Démence
- Radionécrose
Moelle épinière Œdème Myélite radique
Signe de Lhermitte Brown-Séquard+/- complet
Brown-Séquard+/- complet
Nerfs - Plexite radique avec signes sensitifs et/ou
moteur
Œsophage Dysphagie Dysphagie
Nausées Hémorragie
Ulcération
Cœur Péricardite aiguë Troubles du rythme et de la conduction
Péricardite constrictive
Sténose des artères coronaires
Pancréas Nausées, vomissements -

Diarrhées
Estomac Nausées, vomissements Hémorragie
Foie Hépatomégalie Maladie veina-occlusive
Intestin Diarrhées Ulcération
Météorisme Sténose de la paroi
Douleurs Sclérose de la paroi

86
Rein - Néphropathie radique (HTA, Insuffisance rénale,
protéinurie)
Insuffisance rénale chronique
HTA par sténose de l'artère rénale
Hydronéphrose
+/- fibrose rétro-péritonéale
Vessie Cystite Hématurie
Atrophie vésicale
Rectum Faux besoins Sténose
Épreintes Rectorragies
Ténesmes
ORL Mucite « Larynx radique » (dysphonie, dyspnée)
Épidermite Asialie, Douleurs
Jabot,+ cf. peau
Trismus, Ostéo-radio-nécrose et fracture
Cristallin - Cataracte

A 3. Traitements médicaux des cancers


• Les traitements médicaux des cancers font appel à des modalités thérapeutiques distinctes, dont certaines -
comme l'immunothérapie - sont récentes et encore en cours d'évaluation (Figure 6).

Figure 6. Traitements médicaux des cancers

Traitements médicaux des cancers

1 1 1 1

Chimiothérapie Thérapies ciblées Hormonothérapie Immunothérapie

B 3.1. Chimiothérapie
3.1..1.. Considérations générales
• La chimiothérapie anti-tumorale utilise des médicaments qui entraînent un arrêt du cycle cellulaire (effet cytos­
tatique) et/ou une mort cellulaire (effet cytotoxique), principalement par apoptose.
• Il n'y a pas de chimiothérapie possible sans preuve histologique. Seules certaines tumeurs germinales peuvent
être traitées sans preuve histologique sur la base d'arguments cliniques, radiologiques et biologiques.
• Trois principes régissent l'utilisation de la chimiothérapie systémique :
- une fraction constante de cellules tumorales est tuée à chaque cycle thérapeutique. Par exemple, si un
cycle thérapeutique tue 99 % des cellules d'un cancer, une masse tumorale de 10 11 cellules sera réduite à
approximativement 10 cellules après 5 cycles;
- les cellules néoplasiques sont supposées répondre au traitement suivant une relation linéaire entre la dose et
son efficacité, ce qui justifie l'emploi de doses le plus élevées possibles, administrées aux intervalles de temps
les plus courts;

► 90
87
TRAITEMENT DES CANCERS
Item 294

- l'hyp othèse de Goldie-Coldman suggère que les tumeurs ont un taux spontané de mutation d'environ une
cellule pour 100 000 et par gène. Ainsi, une tumeur contenant 109 cellules (environ 1 gramme) comprendra
spontanément environ 10 000 cellules résistantes à un médicament donné. Mais la résistance simultanée d'une
cellule à deux médicaments ne s'observera que pour une cellule sur 10 10 . Ceci explique l'efficacité supérieure
des poly-chimiothérapies.

3.1.2. Définitions des différents traitements


• La chimiothérapie peut être administrée:
- En phase curative:
► Traitement néo-adjuvant: avant le traitement chirurgical de la tumeur. Cette approche permet de traiter la
tumeur primitive en place et les micro-métastases éventuellement présentes.
► Traitement adjuvant : au décours de la chirurgie. Il diminue (mais n'annule pas) le risque de rechute et
augmente la survie.
- En phase métastatique : l'objectif n'est plus la guérison mais la qualité de vie et le contrôle des symptômes.
On parle de chimiothérapie palliative (bien qu'elle ne soit pas administrée au moment de la fin de vie). Dans
certaines situations, la chimiothérapie utilisée en phase métastatique peut être curative (tumeurs germinales
métastatiques, cancer colorectal oligométastatique par exemple).
- De façon concomitante à la radiothérapie (association radiothérapie + chimiothérapie, appelée chimio­
radiothérapie), cette association a pour but de renforcer l'action respective de chacun des traitements.
La chimiothérapie a sa propre action de destruction des cellules cancéreuses, mais elle les rend aussi plus
sensibles aux rayonnements. La chimiothérapie peut être également administrée de manière séquentielle
(chimiothérapie suivie de la radiothérapie) : ce qui permet la coopération temporelle et spatiale entre
chimiothérapie et radiothérapie.

3.1.3. Mesures d'initiation d'une chimiothérapie


3.1.3.1. Mesures générales
• Demande de prise en charge en Affection de Longue Durée (ALD 30). Ce document est établi par le médecin
généraliste.
• Pose d'une voie d'abord veineux centrale: chambre implantable le plus souvent; ou un PICC-line (cathéter cen­
tral à abord périphérique).
• Bilan des grandes fonctions vitales:
- bilan nutritionnel avec mesure du poids, albuminémie et pré-albuminémie;
- évaluation cardiaque: ECG, échographie cardiaque (notamment en cas d'utilisation des anthracyclines ++);
- ionogramme sanguin, créatininémie, bilan hépatique (transaminases, PAL, GGT et bilirubine);
- épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) en cas de traitement par la bléomycine;
- HCG chez les femmes non ménopausées;
• Consultation fertilité, conservation des gamètes (CECOS) dans un nombre croissant de cas.
• Pour déterminer la dose administrée, il faut calculer la surface corporelle (poids, taille) et avoir la clairance de la
créatinine pour certaines molécules (carboplatine notamment).

3.1.3.2. Principales contre-indications


• Polynucléaires neutrophiles< 1 G/L, plaquettes< 100 G/L, encore qu'il soit possible dans des situations d'urgence
carcinologique de passer outre à cette règle. Il est parfois possible d'administrer des médicaments non hémato­
toxiques dans cette situation (bléomycine, par exemple).
• Syndrome infectieux.
• Indice d'activité ( « Performance Status ») > 2
• 1
er
trimestre de la grossesse ou allaitement.

1 ◄
88
ÎRAITEMENT DES CANCERS
• Certaines contre-indications sont directement liées au médicament utilisé: par exemple, clairance de la créatinine
< 60 ml/mn pour le cisplatine.

3.1.3.3. Prévention des effets secondaires


• Anti-émétiques, à adapter selon le potentiel émétisant : anti-NKl (aprépitant), antagonistes sérotoninergiques
(anti 5-HT3: sétrons), corticoïdes et anti-dopaminergiques.
• Injection de facteurs de croissance hématopoïétiques(G-CSF retard ou standard) après certaines chimiothérapies:
- en prévention primaire pour les protocoles de chimiothérapie à fort risque de neutropénie fébrile(> 20 %);
- en prévention secondaire si épisode de neutropénie fébrile lors du cycle de chimiothérapie précédent.
• Prévention et traitement de l'anémie: fer intra-veineux si carence martiale, érythropoïétine(EPO) possible si Hb
< 10 g/dl et anémie symptomatique, transfusion si Hb < 8 g/dl.

3.1..4. Mécanismes d'action des différentes familles de chimiothérapie


3.1.4.1. Les alkylants et sels de platine
• La cible principale des alkylants est la molécule d'ADN, ce qui offre à ces médicaments une place majeure en
cancérologie, mais il peut aussi s'agir d'une protéine, qu'elle soit cellulaire ou extra cellulaire.
• Les agents alkylants n'altèrent que des cellules engagées dans le cycle cellulaire. Ils se caractérisent par une grande
hétérogénéité notamment dans leurs indications cliniques qui les rend utiles tant dans la prise en charge des mala­
dies hématologiques malignes que des tumeurs solides. Ils regroupent principalement les moutardes à l'azote(ex:
chloraminophène), les oxazaphosphorines(ex: cyclophosphamide) et les nitroso-urées(ex: CCNU).
• Les organoplatines(ou sels de platine) sont parmi les médicaments les plus utilisés en cancérologie. On y trouve
le cisplatine et le carboplatine, dont les indications sont très larges, et l'oxaliplatine, réservé au traitement des
cancers colorectaux. La dose du carboplatine n'est pas calculée selon la surface corporelle mais en fonction de
l'exposition du patient traduite par l'aire sous la courbe (AUC) des concentrations de platine libre et impose le
calcul de la clairance de la créatinine.

3.1.4.2. Les inhibiteurs des topo-isomérases I et II


• Les topoisomérases I et II sont des enzymes essentielles dont le rôle fondamental est de résoudre les contraintes
topologiques de la molécule d'ADN qui se trouve physiologiquement dans un état dit« super-enroulé». Les topo­
isomérases assurent la création ou le retrait des supertours de !'ADN.
• Deux médicaments sont inhibiteurs de la topo-isomérase I: l'irinotécan et le topotécan.
• On trouve plusieurs classes de médicaments susceptibles d'inhiber la topo-isomérase II, parmi lesquels:
- les épipodophyllotoxines(ex: étoposide);
- les anthracyclines(dont le chef de file est l'adriamycine ou doxorubicine).
3.1.4.3. Les poisons du fuseau
• Ce sont des médicaments actifs sur les microtubules. On distingue schématiquement les agents inhibiteurs de la
polymérisation des microtubules qui regroupent les alcaloïdes de la pervenche ou vinca-alcaloïdes(ex : vinorel­
bine), par opposition aux agents inhibiteurs de la dépolymérisation représentés par les taxanes(ex: paclitaxel).

3.1.4.4. Les antimétabolites


• Ces médicaments ont une formule chimique dont l'analogie est plus ou moins étroite avec la structure de com­
posés endogènes nécessaires à la synthèse des acides nucléiques et des protéines tout en étant suffisamment dif­
férente pour agir avec eux comme des inhibiteurs compétitifs. La synthèse des acides nucléiques (et, donc, des
protéines) se voit secondairement interrompue.
• On y regroupe:
- les anti-pyrimidiques(ex: 5-fluoro-uracile);
- les antifoliques(ex: méthotrexate);

► 92 ÎRAITEMENT DES CANCERS


89
Item 294

A 3.1..5. Complications des thérapeutiques médicamenteuses spécifiques du traitement


cancer
3.1.5.1. Complications des chimiothérapies
• Toxicités communes : asthénie, hématotoxicité (leuco-neutropénie, anémie, thrombopénie), nausées/vomisse­
ments et toxicité gonadique à des degrés variables selon les molécules de chimiothérapies utilisées ;
• Toxicités spécifiques (cf Tableau 2) :

Tableau 2. TOXICITÉS SPÉCIFIQUES


Ill
1
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C 0
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Z-� c.. u ><
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Cisplatine ---+--' +/-
_ +--+_+"'"'""41------+----+---,f----1-=-------1--+--+-----+-----1
Carboplatin e ·-•"'"'""4-+�--+-+-----====-+���=af=--��===�-+--=--+��
Oxaliplatine ++
+ +
(paresth�sies au froid)
Cyclo phosphamide/
+ + ++ +/-
ifosfamide
- ------+--+-��--------- ===-· -4�----�----i-�----4=-=-1
lrinotécan + + ++ ++ (sd cholinergique)
Anthracyc_l_in_es��+--+-+=+_+=+-=---------+--++_ ..,_. _+.......,1----=+"'""/-______+"'"(c_u_m_u_l-at-if�)-++
- _1
l!oposide __-4-_+_+�_+=+-��-==-=--+=++-+==-+----=----1-�------,-�
Paclitaxel + /- ++ + +
Docétaxel + + ++ ++ + +
Vinore lbine/
+j- + ++
vincristine
�-==�==�- �=+-=•-4=======---�---=-====--�--------i
s Fluorouracile + (spasme
+/- +/- +/- +/-
= a= r= _ien= ""'+-=--i
l==•�==�==l===-1====+=- -========l==+==· "i=·=-=-·====-,=,.=-=+a--+-c= o=ron )

Capecita bine +/- + + + oral


Gemcitabine + +/- +/-
Methotrexate + + +L _+/:
Fréciuence des toxi c ités : ++ très fréquent ; + : fréciuent ; +/- : peu fréciuent ; - : rare ou absent

B 3.1.5.2. Toxicités spécifiques pouvant engager le pronostic vital (Tableau 3)

--�··��--·-- - - -
Tableau 3. TOXICITÉS SPÉCIFIQUES POUVANT ENGAGER LE PRONOSTIC VITAL
----��··�-- - � --�---·�---
--- --
Card aque
i
- TOXICITÉS
• angor par spasme coronarien voire syndrome coronarien aigu ST+: 5-FU

• cardioniJ�P.�_thie dilatée aux anthracyclines : cumulative, dose-dépendant�


--- =- --�
Pulmonaire • pneumopathie interstitielle diffuse puis fibrose: bléomycine
-·------ ----· ' - aiguë d'hypersensibilité : méthotrexate
• pneumopathie ' -
Néphrologique • insuffisance rénale aiguë par toxicité tubulaire directe: méthotrexate, cispla tine
• néphropathie immuno-allergique: cisplatine
- • syndrome hémolytique et urémique: mitomycine, gemci tabine
Urologique • cystite hémorragique : cyclo phosphamide, ifosfamide ·--- -
Neurologi que
�� • encéphalopathie--métabolique: ifosfamide - =-
-- --· · ......... --·
A llergique • choc anaphylactique: bléomycine, pacli ta�------
xe l --- -�- --

90
ÎRAITEMENT DES CANCERS
• Un déficit complet en DHPD (dihydro-pyrimidine déshydrogénase) peut provoquer des toxicités mortelles en
cas d'administration de 5-FU. Celui-ci étant réduit par la DHPD, il s'accumule en cas de déficit complet de l'en­
zyme. Un déficit partiel est possible; il sera géré par une administration du 5-FU à dose réduite de moitié. li est
recommandé depuis 2018 de réaliser un dépistage systématique du déficit en DHPD avant toute administration
de 5-FU ou Capécitabine.

3.1.5.3. Une complication sévère: le syndrome de lyse tumorale


• Le syndrome de lyse tumorale est la conséquence de la destruction massive de cellules tumorales, conduisant
au relargage dans la circulation sanguine de composés intracellulaires. Ce syndrome de lyse tumorale intervient
après l'instauration de la chimiothérapie dans des tumeurs de développement rapide comme notamment les
hémopathies ou dans les tumeurs à fort volume tumoral comme par exemple les tumeurs germinales.
• Le syndrome de lyse tumorale biologique est défini par � 2 manifestations biologiques :
- hyp ocalcémie;
- hyp erkaliémie;
- hyp eruricémie;
- hyp erphosphatémie.
• Sur le plan clinique, peuvent apparaitre une insuffisance rénale aiguë (quasi constante), des troubles du rythme
cardiaque, des troubles neurologiques notamment des convulsions, des crampes musculaires, des nausées/
vomissements ou de la diarrhée.
• La prévention passe par une hydratation importante avec du sérum physiologique pour maintenir une diurèse
satisfaisante et par l'administration de rasburicase (Fasturtec*) qui permet de prévenir l'hyp eruricémie.

B 3.2. Principales classes et principes d'action des thérapies ciblées


3.2.1. Généralités
• Les thérapies ciblées peuvent agir:
- sur les facteurs de croissance (qui sont des messagers déclenchant la transmission d'informations au sein d'une
cellule);
- sur leurs récepteurs (qui permettent le transfert de l'information à l'intérieur de la cellule) et ceci à différents
niveaux (domaine extracellulaire, intracellulaire);
- sur des éléments à l'intérieur de la cellule.
• Les thérapies ciblées bloquent la croissance ou la propagation tumorale en interférant avec :
- un des mécanismes de la croissance du cancer; ex: les inhibiteurs de l'angiogénèse;
- une anomalie moléculaire spécifique d'un type de cancer («mutation conductrice»); ex: mutation de l'EGFR
dans les cancers bronchiques non à petites cellules, mutation BRAF V600 dans les mélanomes métastatiques.

3.2.2. Les grandes classes


3.2.2.1. Anticorps monoclonaux (AcMo)
• Ils portent tous le suffixe - mab (monoclonal antibody).
• Leur terminologie permet de comprendre leur structure:
- omab: AcMo murin (exemple: ibritumomab);
- ximab: AcMo chimérique (exemple: rituximab);
- zumab: AcMo humanisé (exemple: bévacizumab);
- mumab: AcMo humain (exemple: panitumumab).

► 94 ÎRAITEMENT DES CANCERS 91


. Item 294

• Ils se fixent soit sur le domaine extra-cellulaire du récepteur ciblé empêchant la fixation du ligand (exemple :
cétuximab sur le récepteur de l'epidermal growth factor, EGFR), soit directement sur le ligand empêchant la
fixation sur son récepteur (exemple : bévacizumab sur le vascular endothelial growth factor, VEGF), soit sur le
domaine de dimérisation du récepteur, empêchant alors son activation (exemple: pertuzumab qui bloque l'hété­
rodimérisation de HER2 avec HER3).
• Ces médicaments sont dirigés contre:
- la voie VEGF (ex: bévacizumab);
- la voie EGF (ex: cétuximab);
- la voie HER2 (ex: trastuzumab, pertuzumab).
3.2.2.2. Inhibiteurs pharmacologiques
• Les inhibiteurs pharmacologiques sont des petites molécules qui - au contraire des anticorps monoclonaux -
agissent à l'intérieur de la cellule.
• Ils sont pour la plupart dirigés contre les récepteurs membranaires à activité tyrosine kinase et se fixent au niveau
du site de fixation de l'ATP, bloquant ainsi les mécanismes de phosphorylation à l'origine des cascades de signa­
lisation qui conduisent le signal au noyau cellulaire. Ils portent le suffixe - inib.
• D'autres ont une action cytoplasmique.
• Ils sont administrés par voie orale. Leur profil de tolérance est globalement plus favorable que la chimiothérapie
mais impose une éducation thérapeutique du patient.
• Ces médicaments sont dirigés contre:
- le récepteur de l'EGF (ex: erlotinib);
- la translocation de ALK (ex: crizotinib);
- la mutation BRAF V600 (ex: vémurafénib);
- la voie CDK4/6 (ex: palbociclib)

B 3.3. Principes généraux d'action de l'hormonothérapie


3.3.1.. Généralités
• Les cellules tumorales du cancer de la prostate, du cancer du sein (et de l'endomètre) expriment des récepteurs
aux hormones, les rendant sensibles aux traitements anti-hormonaux.
• Le terme« hormonothérapie» est donc un abus de langage: il s'agit plutôt d'un traitement anti-hormonal, dont
le principe est d'empêcher cette stimulation hormonale par deux grandes méthodes:
- diminuer la production hormonale au niveau:
► central (ex: utilisation des agonistes de la LH-RH qui inhibent la sécrétion de LH hyp ophysaire);
► périphérique (ex: suppression - irréversible - de la production hormonale ovarienne ou testiculaire par
chirurgie ou radiothérapie ; suppression temporaire par les inhibiteurs de l'aromatase chez les femmes
ménopausées dans le cancer du sein).
- bloquer le récepteur hormonal au niveau de la cellule tumorale par une« anti-hormone».

3.3.2. Cancer de la prostate


3.3.2.1. Médicaments actifs sur la LH-RH
• La LH-RH est sécrétée par !'hyp othalamus et régule la synthèse de la FSH et de la LH par l'antéhyp ophyse. La LH
est le stimulus principal de la synthèse et de la sécrétion de testostérone par les cellules testiculaires de Leydig.
Agonistes (ex: leuproréline) et antagonistes (ex: dégarélix) de la LH-RH conduisent à une castration médicale
réversible.

92
ÎRAITEMENT DES CANCERS 95 ◄
• Les agonistes (ou analogues) de la LH-RH stimulent, dans les premiers jours du traitement, la sécrétion hypophy­
saire de LH et FSH entraînant en retour l'augmentation de la synthèse de testostérone avec le risque de provoquer
une majoration initiale des symptômes (phénomène dit du « flare-up »). Dans un second temps, ils provoquent
l'internalisation dans la cellule des complexes ligand-récepteur ainsi que la diminution du nombre des récepteurs
aboutissant in fine à la suppression de la sécrétion de testostérone.
• Le risque de rebond symptomatique précoce est particulièrement élevé chez les malades porteurs d'une obstruc­
tion des voies urinaires excrétrices ainsi que chez ceux présentant des métastases vertébrales avec donc un risque
de compression médullaire. Aussi est-il impératif de faire précéder ou, au minimum, de CO-administrer au début
du traitement un anti-androgène jusqu'à ce que la testostéronémie atteigne le niveau de castration médicale ('.Ô
0,5 ng/ml). L'association d'un agoniste de la LH-RH et d'un anti-androgène est connue sous l'appellation de
blocage androgénique complet.
• Les antagonistes de la LH-RH entraînent un blocage direct et immédiat des récepteurs de la LH-RH, conduisant
à une suppression rapide de la LH et FSH, et de la sécrétion de testostérone, sans risque d'effet flare-up +++.

3.3.2.2. Hormonothérapies de nouvelle génération


• En cas de progression biologique, clinique ou radiologique de la maladie, une hormonothérapie dite de seconde
génération peut être introduite.
• Premier représentant d'une nouvelle génération d'anti-androgènes, l'enzalutamide se fixe au récepteur androgé­
nique avec une affinité très supérieure à celle des médicaments antérieurs.
• Le deuxième représentant est l'acétate d'abiratérone, qui est un inhibiteur irréversible du cytochrome P450
CYP 17 qui est impliqué dans la synthèse in situ des androgènes au niveau testiculaire, surrénalien et prostatique.
• La prescription de ces deux médicaments doit être associée au maintien d'une castration médicale par un ana­
logue de la LH-RH si elle n'avait pas été chirurgicale. Un suivi de la testostéronémie devra être fait régulièrement.

3.3.3. Cancer du sein


3.3.3.1. Les anti-œstrogènes
• Il s'agit, en fait, de modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes. On distingue:
- les SERM (« Selective estrogen receptor modulator »), dont le chef de file historique est le tamoxifène. Leur
structure chimique tertiaire leur permet de s'amarrer aux récepteurs œstrogéniques et d'entrer en compétition
avec les œstrogènes endogènes. Ils ont un effet antagoniste fort sur le sein mais agoniste faible, dit« oestrogène­
like », sur d'autres tissus cibles, notamment l'endomètre, ce qui explique nombre de leurs effets secondaires
(notamment l'augmentation du risque de maladie thrombo-embolique et de cancer de l'endomètre);
- le tamoxifène a par ailleurs un effet oestrogène-like sur l'os: il est donc protecteur vis-à-vis de l'ostéoporose
chez la femme ménopausée, et n'induit pas de risque d'ostéoporose chez la femme non ménopausée (sauf en
période pré-ménopausique, du fait d'un effet agoniste insuffisant).
- le fulvestrant est un « Selective estrogen receptor downregulator » (SERD) dont il est le seul représentant
disponible; de structure stéroïdienne, c'est un anti-œstrogène pur sans effet agoniste faible.
3.3.3.2. Les inhibiteurs des aromatases
• Le cancer du sein, tumeur typiquement hormona (œstrogéno) - dépendante, est paradoxal, car il survient de
manière plus fréquente après la ménopause alors même que les ovaires ont cessé leur production hormonale.
C'est l'expression et l'activité de l'aromatase, enzyme ubiquitaire au niveau des tissus périphériques normaux
(graisse, muscle, foie mais aussi tissu mammaire), qui est à l'origine de cette discordance apparente. En effet, si
l'ovaire est la principale source d'œstrogènes chez la femme en période d'activité génitale, ceux-ci proviennent
après la ménopause de la conversion des androgènes surrénaliens (androstènedione et testostérone) en œstro­
gènes sous l'effet de l'aromatase tissulaire. Cette réaction d'aromatisation périphérique est majorée dans certaines
circonstances telles que l'obésité. Plusieurs médicaments ont été développés pour contrecarrer cet effet (exémes­
tane, anastrozole, létrozole).

► 96 ÎRAITEMENT DES CANCERS


93
Item 294

• Chez la femme non ménopausée, les inhibiteurs de l'aromatase sont contre-indiqués en monothérapie, du fait de
leur inefficacité sur le blocage de la synthèse ovarienne d'oestrogènes.
• Les effets indésirables les plus fréquemment observés avec ces médicaments sont des myalgies et des arthralgies
dont les malades doivent être prévenues avant l'instauration du traitement et qui peuvent aller jusqu'à faire inter­
rompre celui-ci. Ils ont surtout en commun d'accélérer la perte osseuse postménopausique et d'être associés à un
risque fracturaire accru. En conséquence, les malades doivent bénéficier d'une surveillance de la densitométrie
osseuse et recevoir un apport suffisant en calcium et vitamine D.

B 3.4. Principes généraux d'action de l'immunothérapie


3.4.1. Généralités
• L'immunothérapie agit principalement sur le système immunitaire du patient pour le rendre apte à attaquer les
cellules cancéreuses.
• L'immunothérapie repose sur les anticorps monoclonaux, notamment les inhibiteurs de points de contrôle, les
anticorps bispécifiques, le transfert adoptif de cellules (CAR-T cells) ou encore la vaccination anti-tumorale,
encore très expérimentale (en dehors de la vaccination préventive anti-HPV des cancers du col de l'utérus).

3.4.2. Les inhibiteurs de points de contrôle : déverrouiller le système immunitaire


• Des freins immunologiques (ou immune checkpoints) sont présents à la surface des lymphocytes T, afin d'évi­
ter une réponse immunitaire inflammatoire excessive et prévenir le développement de maladies auto-immunes.
CTLA-4 ( Cytotoxic T lymphocyte-associated protein 4) et PD-1 (Programmed cell death receptor 1) sont, parmi
bien d'autres déjà reconnues, des cibles thérapeutiques dont le rôle physiologique est de limiter l'activation du
système immunitaire. La fixation à ces protéines de leurs ligands respectifs (par exemple, PDL-1/2 pour PD-1)
inhibe la voie de signalisation du récepteur antigénique des lymphocytes T.
• Cet effet bénéfique des points de contrôle est délétère lorsqu'ils sont détournés par les tumeurs à leur avantage,
par exemple en exprimant PDL-1/2 à leur surface.

L'exemple des anti-PD-1 (nivolumab, pembrolizumab) ou anti-PDL-1, (atézolizumab, avélumab,


duvarlumab) et des anti CTLA-4 (ipilimumab)
La liaison de la protéine PDL-1, présente sur les cellules tumorales, au récepteur PD-1 sur les lymphocytes
T entraîne l'inactivation de ces derniers. En bloquant le récepteur PD-1 ou la protéine PDL-1 (avec des
anti-PD-1 ou anti-PDL-1), l'inactivation des lymphocytes T est levée. Ces médicaments sont développés,
voire utilisés dans le contexte de I'AMM, dans les cancers du rein, de la vessie, du poumon non à petites
cellules ou encore le lymphome de Hodgkin.
- L'anticorps monoclonal ipilimumab, utilisé dans le traitement des mélanomes métastatiques, inhibe la
voie CTLA-4, restaurant ainsi l'activité lymphocytaire anti-tumorale.

• Les effets indésirables de cette nouvelle classe médicamenteuse (on parle de « checkpoint inhibitors ») résultent
d'une réponse immunitaire augmentée ou excessive dirigée contre l'organisme du malade. Ils concernent essen­
tiellement les systèmes gastro-intestinal, hépatique, cutané, nerveux et endocrinien (notamment au niveau de
l'hypophyse et de la thyroïde) mais ils peuvent atteindre toutes les fonctions de l'organisme. Ils apparaissent pour
la plupart pendant la phase d'induction du traitement mais peuvent également être retardés. Un diagnostic pré­
coce et une prise en charge appropriée, par corticothérapie à forte dose éventuellement associée à un traitement
immunosuppresseur, sont essentiels pour minimiser les complications menaçant le pronostic vital.

94
ÎRAITEMENT DES CANCERS
A 4. Décision thérapeutique et mise en œuvre
• La décision de recours à un traitement anti-tumoral (chirurgie, radiothérapie ou traitement médical) est le fruit
d'une décision collégiale, obligatoirement prise en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
• Selon les critères de Haute Autorité de Santé de 2014, la RCP doit remplir les critères suivants:
- inscription au sein d'un réseau de cancérologie;
- doit se tenir en présence d'au moins trois médecins de spécialités différentes permettant d'avoir un avis
pertinent sur toutes les procédures envisagées;
- chaque dossier doit être présenté que ce soit à la phase initiale du traitement, en cas de rechute ou de changement
de ligne thérapeutique;
- en cas de situation clinique faisant l'objet d'une prise en charge standard de validité incontestable, celle-ci
peut être mise en route sans attendre une réunion de concertation, mais le dossier devra ultérieurement être
présenté en RCP afin que la décision puisse y être entérinée et que cette prise en charge puisse y être enregistrée
et archivée;
- la décision prise est tracée, elle sera ensuite soumise et expliquée au patient.
• Depuis le Plan cancer 2003-2007, un dispositif d'annonce a été mis en place qui vise à améliorer l'annonce de la
maladie. Ce dispositif est construit autour de quatre temps correspondant à quatre étapes de prise en charge du
patient par des personnels médicaux ou soignants
- temps médical : une ou plusieurs consultations d'annonce ; en relais immédiat du dispositif d'annonce, le
programme personnalisé de soins (PPS) est remis à chaque patient. Il formalise la proposition de prise en
charge thérapeutique décidée en RCP. Il comprend entre autres les coordonnées du médecin référent et de
l'équipe soignante référente, les coordonnées de la personne de confiance ainsi qu'un calendrier prévisionnel
de soins et de suivi;
- temps d'accompagnement soignant : le patient et/ou ses proches peuvent rencontrer un soignant (le plus
souvent une infirmière d'annonce) après la consultation médicale d'annonce, informations sur le déroulement
des soins et mise en contact avec d'autres professionnels de santé si besoin (psychologue, assistant social);
- accès à une équipe de soins de support ;
- un temps d'articulation avec la médecine de ville: le médecin traitant est informé en temps réel et doit être
associé au parcours de soins.
• Au terme du traitement, un programme personnalisé de l'après-cancer (PPAC) sera établi.

► 98 ÎRAITEMENT DES CANCERS 95


PRINCIPALES SITUATIONS EN LIEN AVEC L'ITEM 294:
« TRAITEMENT DES CANCERS : PRINCIPALES MODALITÉS, CLASSES THÉRAPEUTIQUES ET
LEURS COMPLICATIONS MAJEURES»

Situation de départ 1 Descriptif


Cliniques, en lien avec les complications des traitements
1. constipation Les complications des traitements du cancer sont
12. diarrhée
nombreuses et fonction de la classe thérapeutique.
12. nausées La radiothérapie peut se compliquer d'une alopécie et/
13. vomissements ou de troubles cognitifs (radiothérapie cérébrale), de
18. découverte d'anomalie à l'auscultation cardiaque
diarrhées et de nausées (radiothérapie pelvienne ou
abdominale), de troubles respiratoires, d'une dyspnée,
20. découverte d'anomalies à l'auscultation pulmonaire de toux (radiothérapie thoracique). Les chimiothérapies
21. asthénie ont des toxicités aiguës ou chroniques, communes et
spécifiques. Les thérapies ciblées ont des toxicités liées
60. hémorragie aiguë à leur principe d'action : toxicité cardiaque pour les anti-
80. alopécie et chute des cheveux
Her2, toxicités rénales avec HTA et protéinurie pour les
antiangiogéniques, diarrhée pour la plupart des ITK....
81. anomalie des ongles
L'immunothérapie est dans une grande majorité des cas
91. anomalie des muqueuses bien tolérée mais peut entraîner des toxicités graves. Ces
119. confusion mentale/désorientation
toxicités sont nombreuses et liées à la stimulation du
système immunitaire: dysthyroïdie, colite, pneumopathie
160. détresse respiratoire aiguë immuno-allergique, myocardite, rash cutané...
161. douleur thoracique

162. dyspnée
167. toux
Paracliniques, en lien avec les complications des traitements
194. analyse du bilan thyroïdien La radiothérapie peut être à l'origine d'une hypothyroïde
195. analyse du bilan lipidique (radiothérapie ORL) ou d'une lymphopénie (radiothérapie
pelvienne). La chimiothérapie se complique souvent d'une
206. élévation des transaminases sans cholestase hématotoxicité: leuconeutropénie, anémie arégénérative,
208. hyperglycémie thrombopénie. Les thérapies ciblées peuvent donner des
toxicités hépatiques, thyroïdiennes et pour certaines des
221. interprétation de l'hémogramme
dyslipidémies/hyperglycémie (par exemple les inhibiteurs
de mTOR). L'immunothérapie peut provoquer des toxicités
hépatiques, dysthyroïdies, rénales...
En lien avec le suivi
297 . consultation du suivi en cancérologie Le suivi en cancérologie doit inclure l'évaluation de la
tolérance du traitement et de son efficacité. Il implique
donc un examen clinique, des examens d'imagerie et des
examens biologiques adaptés au traitement prescrit.

99 ◄
96
ÎRAITEMENT DES CANCERS
97
Item 295

(HAPITRE ►�Pr_s _ h_ _ a _rg


i_ e_ _ e_nc _ e_ _et ac _m_pa_ g_n_ e_ m
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_ _c_ _ e_ _ nt_ _
d'unmaladecan
céreux
à tous les stades de la maladie
Pr Laurent Zelek, Pr Guilhem Bousquet, Dr Boris Duchemann, Dr Eurydice Angeli
Service d'Oncologie, CHU Avicenne, Bobigny

OBJECTIFS: N ° 295. PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D'UN MALADE ATTEINT DE CANCER À TOUS LES STADES DE
LA MALADIE DONT LE STADE DE SOINS PALLIATIFS EN ABORDANT LES PROBLÉMATIQUES TECHNIQUES, RELATIONNELLES,
SOCIALES ET ÉTHIQUES. TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES. MODALITÉS DE SURVEILLANCE

-+ Expliquer les principes de la prise en charge globale du malade à tous les stades de la maladie en tenant compte des problèmes
psychologiques, éthiques et sociaux.
-+ Comprendre et intégrer la notion de discussion collégiale pour les prises de décision en situation de complexité et de limite des
savoirs.

1. L'entrée dans la maladie: aspects psycho-sociaux, le 3. La douleur en cancérologie


dispositif d'annonce 4. Des soins de support aux soins palliatifs
2. La prise en charge personnalisée: du diagnostic à la 4.1. Soins oncologiques de support
surveillance 4.2. Les soins palliatifs et l'arrêt des traitements actifs
2.1. Les grandes situations cliniques
2.2. Le programme personnalisé de l'après-cancer
2.3. Surveillance carcinologique et prévention tertiaire

Rang Rubrique Intitulé


A Définition Connaître les grands axes de prise en charge d'un patient cancéreux : offre de soins
pluridisciplinaire, 1 NCa, Plan Cancer
A Prise en charge Décrire le déroulement du dispositif d'annonce du cancer et de la coordination ville-hôpital
A Définition Savoir définir ce qu'est le Programme Personnalisé de Soins (PPS)
A Prise en charge Prise en charge symptomatique. Savoir évaluer un patient cancéreux de manière globale :
indice d'activité (OMS), douleur, altération de l'état général
A Prise en charge Connaître les grandes situations cliniques de prise en charge symptomatique pour une
évaluation du rapport bénéfice/risque des traitements en cancérologie: curative, palliative,
intermédiaire
A Prise en charge Connaître la manière d'évaluer et de caractériser la symptomatologie douloureuse en
cancérologie et la mise en place des modalités de traitement
B Définition Connaître la définition des soins de support en cancérologie (définition INCa)
B Prise en charge Soins de support : connaître les grands principes de prise en charge des principales
complications des traitements en cancérologie. Définir, évaluer et prendre en charge: NVCI
nausées - vomissements, neutropénie, anémie, alopécie, stomatite, fatigue chronique,
toxicité cutanéo-muqueuse ; savoir proposer une consultation d'oncofertilité
B Définition Soins de support : connaître le concept de médecine alternative, son utilisation et ses
risques potentiels
B Prise en charge Définir et replacer les différentes étapes (intra et extra hospitalières) dans la trajectoire de
soins du patient

98
• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

A Introduction
• Le parcours de soins d'un patient atteint d'un cancer est codifié. Certains aspects font l'objet de dispositions
réglementaires sous l'égide de l'Institut National du Cancer comme le« dispositif d'annonce» ou le« programme
personnalisé de l'après-cancer».
• La possibilité de guérison de nombreux cancers est aujourd'hui élevée et la survie des formes métastatiques
peut se chiffrer en années. De ce fait, de nouveaux besoins doivent être pris en compte. Les soins de support ont
une importance croissante à tous les stades de la maladie. Lors de la phase de surveillance, il convient d'intégrer
au projet de soins une dimension globale de prise en charge de la personne (prévention tertiaire).
• En cas de rechute, les soins de support contribuent à améliorer la qualité de vie et à optimiser l'efficacité du trai­
tement spécifique. Dans tous les cas, la dimension psycho-sociale doit être prise en compte.
• D'un point de vue sociétal, même si son image évolue, le cancer revêt une dimension particulière par rapport à
d'autres pathologies chroniques engageant le pronostic vital. À la fin du XXe siècle, le militantisme associatif et la
prise de conscience sociétale ont abouti à la mise en œuvre en 2003 du premier Plan Cancer, suivi de la création
de l'Institut National du Cancer (INCa) en 2005. De ce fait, les cancers font partie des pathologies placées sous
la responsabilité d'une agence sanitaire d'expertise au service de l'État. Outre ses missions liées à la recherche et
à la formation, l'INCa contribue à l'organisation et à l'amélioration des soins et participe à la mise en œuvre des
dispositions réglementaires relatives à la cancérologie comme le dispositif d'annonce ou le programme person­
nalisé de l'après-cancer.

À toutes les étapes de la maladie, il faut assurer la coordination entre les différents spécialistes et le lien entre
les établissements de soins et« la ville».

1. L'entrée dans la maladie : aspects psycho-sociaux


• Comme pour toute annonce d'un diagnostic de maladie grave, l'annonce du cancer est un traumatisme et
marque l'entrée dans une vie où il faudra composer avec la maladie et ses traitements. Les images de mort et de
souffrance, associées au cancer, aboutissent souvent à une sidération du patient qui ne pourra entendre le discours
du médecin lors de la consultation initiale. Le besoin d'information du malade évolue secondairement et de nou­
veaux temps de discussion et d'explication permettront de délivrer une information, adaptée, personnalisée, pro­
gressive et respectueuse. Une information mieux vécue et comprise facilitera une meilleure adhésion du patient
au projet thérapeutique et l'aidera à construire des stratégies d'adaptation face à la maladie.
• Le programme personnalisé de soins (PPS), document écrit remis au patient au début de sa prise en charge,
validé en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) et détaillant de façon personnalisée le(s) traitement(s)
prévu(s), est la pierre angulaire du dispositif d'annonce.
• Ce dispositif, tel qu'il est défini par une circulaire officielle, s'articule autour de quatre temps:
- médical : annonce du diagnostic, proposition de la stratégie thérapeutique;
- soignant: écoute du malade par une IDE d'annonce, reformulation de ce qui été dit pendant la consultation
médicale, information sur le déroulement des soins et orientation vers d'autres professionnels;
- accès aux soins de support : prise en charge symptomatique et repérage des besoins spécifiques du patient
notamment en terme psycho-social (soutien psychologie, associations de patients, évaluation de la précarité);
- articulation avec la médecine de ville : le médecin traitant doit être informé en temps réel, en particulier dès
le premier temps de la prise en charge hospitalière ; il reste un interlocuteur privilégié du patient et doit être
associé au parcours de soins.


99
102 PRISE EN CHARGE ...
Item 295

NB: LE DISPOSITIF D'ANNONCE S'APPLIQUE AUSSI AUX RECHUTES DE CANCER.

A 2. La prise en charge personnalisée :


du diagnostic à la surveillance
2.1. Les grandes situations cliniques
• On distingue schématiquement trois types de situations:
- curative: il s'agit essentiellement des cancers localisés et donc accessibles à un traitement local (principalement
chirurgie, souvent associée à la radiothérapie ou parfois radiothérapie exclusive); il est possible en fonction du
risque de rechute d'associer un traitement médical dit adjuvant (chimiothérapie ou hormonothérapie) destiné
à réduire le risque ultérieur de métastases;
- intermédiaire: cas des maladies métastatiques pour lesquelles une survie prolongée (parfois plusieurs années)
peut être obtenue au moyen de traitements médicaux, parfois associés à des traitements ablatifs (chirurgie,
radiothérapie ou radiologie interventionnelle) des tumeurs lorsqu'elles sont peu nombreuses et accessibles;
- palliatif: il s'agit de maladies avancées où la place des traitements symptomatiques assurant le confort du
patient et la qualité de vie est plus importante, alors que celle des traitements antitumoraux se réduit (ces
derniers ayant pour but de participer au contrôle des symptômes).
• Il en résulte que le rapport bénéfice/risque des traitements varie au cours de l'évolution de la maladie: des traite­
ments agressifs sont légitimes lorsqu'ils visent à augmenter les chances de guérison, ce qui n'est plus le cas lorsque
la priorité est au contrôle des symptômes. Dans les derniers mois de vie, les traitements antitumoraux (chimio­
thérapie ...) ne sont plus indiqués.
• Dans tous les cas, la prise en charge par les soins de support / soins palliatifs doit être proposée dès le diagnostic
de maladie métastatique.

8 2.2. Le programme personnalisé de l'après-cancer


• Le programme personnalisé de l'après-cancer (PPAC) illustre les difficultés et enjeux d'une prise en charge
multidisciplinaire.
• Ce document est remis au patient et adressé à son médecin traitant, il résume les éléments de la consultation
de suivi en cancérologie, mais évalue aussi d'autres problématiques comme les conséquences du cancer sur le
maintien dans l'emploi.
• Le contenu minimal d'un PPAC doit comprendre:
- un volet de surveillance médicale: informations sur la maladie et les traitements reçus, leurs complications et
modalités de surveillance;
- un volet qualité de vie et accès aux soins de support : soutien psychologique, soins esthétiques, conseils
diététiques, pratique d'une activité physique adaptée, sevrage tabagique et des autres addictions;
- un volet accompagnement social: maintien dans l'emploi, ouverture de droits (dont reconnaissance de la
qualité de travailleur handicapé (RQTH), et reconnaissance des maladies professionnelles+++ ).

2.3. Surveillance carcinologique et prévention tertiaire


2.3.1.. Diagnostic des récidives
• Le diagnostic précoce des récidives n'est qu'un élément de la surveillance dont l'impact sur la survie est par­
fois contesté. Par exemple, dans les cancers du sein et de l'ovaire, il est montré, avec un niveau de preuve élevé,
que le diagnostic précoce des récidives n'a pas d'impact sur la survie (la mise en œuvre plus précoce d'une chimio­
thérapie peut même être responsable d'une dégradation de la qualité de vie chez des malades asymptomatiques).

100
PRISE EN CHARGE... 10]
• De ce fait les recommandations de surveillance sont minimalistes :
- pour le cancer du sein : mammographie annuelle et examen clinique tous les six mois pendant cinq ans puis
tous les ans jusqu'à la dixième année; les autres examens sont indiqués en fonction de la clinique; le dosage
systématique des marqueurs tumoraux N'EST PAS recommandé (HAS et recommandations internationales);
- pour le cancer de l'ovaire: examen clinique tous les trois mois pendant deux ans puis tous les six mois jusqu'à
la 5e année avec dosage du CA 125; PAS d'imagerie chez les patientes asymptomatiques.
• Dans d'autres cancers, comme le cancer du côlon pour lequel il existe des possibilités de traitement chirurgical
(ou ablatif, par exemple par radiofréquence) de certaines métastases, la surveillance est plus invasive avec un
examen clinique, des dosages de marqueurs, et une imagerie à intervalles répétés auxquels il faut ajouter les colos­
copies de surveillance à la recherche de nouveaux polypes ou d'une récidive locale.

2.3.2. Prévention tertiaire


• Après le traitement d'un cancer se pose la question de la prévention et du dépistage des seconds cancers.
• La prévention tertiaire consiste, après le diagnostic, à agir sur les complications et les risques de récidive:
- dépister les seconds cancers et cibler leurs facteurs de risque (sevrage tabagique+++ );
- prévenir les complications iatrogènes;
- agir sur les facteurs de risque cardio-vasculaire : encourager la pratique de l'activité physique, réduire le
surpoids;
- identifier les patients qui relèvent d'une consultation spécialisée en oncogénétique (soit parce que certains cas
familiaux n'avaient pas été reconnus initialement, soit parce qu'ils sont survenus après le diagnostic chez le
patient index).

A 3. La douleur en cancérologie
La recherche d'une symptomatologie douloureuse doit être systématique chez tout patient atteint de cancer,
la douleur étant, avec la fatigue chronique, un des symptômes les plus fréquents.

• L'évaluation de la douleur repose sur l'interrogatoire, complété par l'auto-évaluation du patient sur une échelle
visuelle analogique (EVA). Il faut, en particulier, préciser son caractère aigu ou chronique et son mécanisme
d'action (excès de nociception, douleur neuropathique, douleur mixte), ainsi que son retentissement sur la qualité
de vie (troubles du sommeil, dépression) (cf Item n° 135: Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses et non
médicamenteuses).
• Les douleurs en cancérologie sont le plus souvent en rapport avec:
- une atteinte tumorale:
► excès de nociception (ex.: métastase osseuse);
► atteinte neuropathique (ex.: compression d'un tronc nerveux);
► douleur mixte (ex.: envahissement pariétal thoracique).
- des séquelles des traitements :
► douleurs post-chirurgicales (souvent sur cicatrice, mais d'autres mécanismes sont possibles: par exemple,
capsulite rétractile après curage axillaire);
► douleurs post-chimiothérapies (essentiellement liées à certaines chimiothérapies responsables de
neuropathies périphériques).
- il existe enfin une symptomatologie douloureuse propre à certaines atteintes neurologiques:
► céphalées de l'hyp ertension intracrânienne (HTIC) en cas de métastase(s) cérébrale(s);
► méningites carcinomateuses qui sont responsables de symptômes neurologiques mal systématisés avec une
composante neuropathique (un syndrome méningé« classique» est peu habituel dans ce contexte).

► 104 PRISE EN CHARGE ...


101
Item 295

• La prescription d'antalgiques fait appel aux paliers 1 et 2 de !'OMS qui ont une efficacité rapidement limitée; il
faut alors recourir rapidement aux antalgiques de palier 3 (morphiniques).
• Les co-antalgiques sont également utiles dans certaines situations :
- corticoïdes (prednisone lmg/kg/j ou plus) en cas d'HTIC, de douleurs par compression;
- anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dans les métastases osseuses (à utiliser avec prudence en raison
des effets secondaires possibles chez ces patients fragiles) ;
- inhibiteurs de la résorption osseuse (biphosphonates et dénosumab) qui ont surtout un effet préventif sur le
risque fracturaire mais agissent aussi sur les douleurs osseuses ;
- antibiotiques en cas de surinfection tumorale (pelvis, ORL);
- topiques locaux pour certaines douleurs neuropathiques localisées.
• Il ne faut pas omettre la radiothérapie antalgique ainsi que certaines techniques de radiologie interventionnelle :
cimentoplastie, radiofréquence ou embolisation.
• Il est recommandé de faire appel à un médecin algologue pour faire face aux douleurs complexes avec compo­
sante neuropathique.

A 4. Des soins de support aux soins palliatifs


• Les traitements antitumoraux sont une condition nécessaire mais non suffisante à une prise en charge optimale
des patients. Il faut savoir prescrire les soins associés à l'initiation d'une chimiothérapie mais également iden­
tifier, prendre en soin et suivre les patients en situation palliative.
• La mise en place précoce des soins de support (puis des soins palliatifs) chez des patients non curables augmente
non seulement la qualité de vie mais également la survie. La prise en charge symptomatique requiert l'interven­
tion de plusieurs spécialistes (notamment des équipes spécialisées pour la prise en charge de la douleur).
• En complément de l'examen clinique des lésions tumorales, l'évaluation doit systématiquement préciser:
- la symptomatologie douloureuse et la consommation d'antalgiques;
- l'évolution du poids, de l'appétit et la recherche des signes cliniques de dénutrition;
- l'indice d'activité (Performance Status - PS) selon l'échelle OMS/ECOG ou l'indice de Karnofsky (moins
utilisé) (Tableau 1).

Tableau 1. INDICE D'ACTIVITÉ SELON L'ÉCHELLE OMS/ECOG


OMS/ Description
ECOG
0 Asymptomatique (activité normale: aucune restriction à poursuivre les activités précédant l'affection)

Symptomatique (gêné pour les activités physiques soutenues mais capable de se déplacer seul et
1
d'assurer un travail léger ou sédentaire, par exemple un travail de bureau ou le ménage)

Symptomatique, alité moins de 50 % de la journée (capable de se déplacer seul et de s'occuper de


soi-même mais incapable de produire un travail léger)

Symptomatique, alité plus de 50 % de la journée, sans y être confiné (capable de prendre soin de soi-
3 même de manière limitée, alité ou confiné au fauteuil plus de 50 % de la journée).

Confiné au lit (totalement dépendant, incapable de prendre soin de soi-même, confiné au lit ou au
4 fauteuil).

102
PRISE EN CHARGE... 105 ◄
B 4.1. Soins oncologiques de support
• Ils sont définis par l'INCa comme l'ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long
de la maladie, conjointement aux traitements onco-hématologiques spécifiques. Ils assurent la meilleure qualité
de vie possible, et permettent de mieux prendre en charge les effets secondaires des traitements.
• Tous les patients atteints de cancer doivent avoir accès à des soins de support quel que soit le lieu de prise en
charge. L'évaluation des besoins doit être réalisée dès l'annonce de la maladie et reconduite au cours de l'évolu­
tion ultérieure.
• Les symptômes suivants sont les plus fréquemment rencontrés et font appel à des mesures adaptées et spécifiques:

4.1.1. Nausées et vomissements chimio-induits (NVCI)


• Les nausées et vomissements sont des effets secondaires fréquents des chimiothérapies. On distingue les NVCI
aigus, survenant au cours du traitement et dans les 24 premières heures après celui-ci, et les NVCI retardés sur­
venant dans les jours qui suivent. Les NVCI aigus sont liées à l'activation de la voie sérotoninergique (récepteurs
5HT3) et sont prévenus par les anti-5HT3 (classe des sétrons) alors que les NVCI retardés sont liées à l'activation
des récepteurs NKl, inhibés par les anti-NKl. Les sétrons ont une efficacité très limitée dans les NVCI retardés.
• Les chimiothérapies sont classées selon leur caractère émétogène (Tableau 2 ) :

Tableau 2. QUELQUES EXEMPLES DE MÉDICAMENTS SELON LEUR POTENTIEL ÉMÉTOGÈNE


Potentiel émétogène des médicaments anticancéreux

Élevé (> 90 %) • Anthracyclines (et, en particulier, la bithérapie anthracycline-cyclophosphamide


utilisée dans le cancer du sein)
• Cisplatine
- -- - - - - ----··--
Modéré (30-90 %) • Carboplatine

c--- --- -- • Oxaliplatine

Faible (10-30 %)

1
• Docétaxel
• 5-Fluoro-uracile
• Gemcitabine

• Les indications de traitement préventif peuvent être résumées comme suit:


- risque élevé: Anti-5HT3 +Anti-NKl +corticoïdes;
- risque modéré: Anti-5HT3 +corticoïdes;
- risque faible: antiémétique dopaminergique (ex.: métoclopramide) ou sétron seul.

NB : La prophylaxie doit être renforcée en cas de facteurs de risque aggravants individuels (anxiété,
antécédents de NVCI).

4.1.2. Hématotoxicité
• Les chimiothérapies sont toxiques sur les trois lignées sanguines, et il faut connaître les particularités de l'inter­
prétation de l'hémogramme en cancérologie:
- la neutropénie est une complication fréquente qui est observée vers le JS post-chimiothérapie. Elle est
considérée comme sévère si les polynucléaires neutrophiles (PNN) sont< 500/mm3 induisant un risque élevé
de fièvre (on parle de neutropénie fébrile qui est une urgence oncologique);
- l'anémie survient au cours des semaines suivant le début du traitement et est une cause fréquente d'asthénie.
Elle est observée plus fréquemment avec certaines chimiothérapies (organoplatines). Elle est généralement
multifactorielle car il s'y associe souvent une carence martiale et une composante inflammatoire;

► 106 PRISE EN CHARGE. •• 103


Item 295

- la thrombopénie est plus rare dans le traitement des tumeurs solides qu'en hématologie. Elle survient un peu
plus tardivement que la neutropénie, souvent après le JlO et peut nécessiter des transfusions plaquettaires
(selon le contexte et le risque hémorragique, habituellement si les plaquettes sont< 20 000/mm 3 ou en cas de
saignement actif).
• La toxicité hématologique des chimiothérapies est une indication aux traitements symptomatiques :
- neutropénie :
► Prophylaxie primaire par G-CSF :
• en cas de risque de neutropénie sévère > 20 %;
• à discuter selon le contexte clinique (pathologies associées, sujet âgé, isolement...) en cas de risque
compris entre 10 et 20 %.
► Prophylaxie secondaire en cas de neutropénie< 500/mm3 ou de neutropénie fébrile au cycle précédent.
- Anémie:
► Dans tous les cas, il faut au préalable dépister et corriger une carence martiale (dosage de la ferritinémie).
Chez les patients traités pour cancer, les réserves en fer sont habituellement élevées (ferritinémie haute
ou normale) du fait notamment du syndrome inflammatoire, sauf en cas de saignement chronique ou de
chirurgie« lourde». En cas de syndrome inflammatoire existe un défaut de mobilisation des réserves en
fer se traduisant par une CST < 20 % avec une ferritinémie élevée. La correction de la carence martiale se
fait préférentiellement avec du fer IV (carboxymaltose ferrique) qui est plus commode, mieux toléré et plus
rapidement efficace que le fer oral.
► En cas d'anémie mal tolérée peut se discuter un traitement par érythropoïétine recombinante (EPO)
ou une transfusion. L'EPO n'est pas indiquée chez les patients ne recevant pas de chimiothérapie ; son
utilisation doit tenir compte de son rapport risque-bénéfice notamment en situation de curabilité car elle
augmente légèrement le risque thromboembolique.
► De façon schématique, l'EPO est instaurée lorsque l'Hb est< 10 g/dl avec un taux cible de 12 g/dl (elle doit
augmenter de 1 g/dl au bout d'un mois de traitement).
► Les anémies sévères (< 8 g/dl) ont besoin d'être corrigées rapidement et sont des indications transfusionnelles.

ATTENTION : LA TOLÉRANCE DE L'ANÉMIE (et donc les indications d'EPO ou de transfusion) S'ÉVALUE
CLINIQUEMENT +++ (une anémie à 8 g/dl d'installation progressive peut être bien mieux tolérée qu'une
anémie à 9 g/dl d'apparition rapide).

4.1.3. Fatigue chronique


• L'asthénie, associée ou non à une anémie, est une plainte fonctionnelle majeure au même titre que la douleur. Elle
concerne, suivant les localisations et les stades, 50 à 80% des patients.
• Les causes curables doivent être éliminées au premier rang desquelles figurent l'anémie et la carence martiale.
• Les autres causes qui doivent être recherchées sont :
- un syndrome dépressif;
- une hyp othyroïdie, classiquement fréquente après traitement d'un cancer du sein ou ORL;
- une altération du statut nutritionnel ou une carence vitaminique (ne pas oublier les carences en vitamine D qui
sont fréquentes dans la population générale).
• Dans un grand nombre de cas, aucune cause évidente n'est retrouvée. La physiopathologie de ce syndrome reste
mal comprise (syndrome inflammatoire, désadaptation à l'effort après une inactivité prolongée). Un programme
d'activité physique adaptée peut apporter une amélioration significative.

104
PRISE EN CHARGE... 107 ◄
4.1.4. Toxicités cutanéo-muqueuses
• Il s'agit essentiellement de l'alopécie, induite par certaines chimiothérapies, et de la mucite (inflammation des
muqueuses +/- aphtes). Ces effets secondaires sont expliqués par l'effet des cytotoxiques sur les tissus à renouvel­
lement rapide.
- L'alopécie peut être prévenue dans certains cas par le port d'un casque réfrigérant pendant la séance
de chimiothérapie ; il agit par le biais d'une vasoconstriction du cuir chevelu qui réduit la diffusion des
cytotoxiques. Il ne faut pas oublier la prescription d'une prothèse capillaire dont une partie est prise en charge
par les organismes de Sécurité Sociale.
- Les mucites peuvent être sévères et gêner l'alimentation, ce qui contribue à la détérioration du statut
nutritionnel. Elles sont prévenues par une hygiène bucco-dentaire rigoureuse (dans certains cas, notamment
en cas de radiothérapie pour une tumeur ORL, des soins dentaires doivent être pratiqués avant de débuter
le traitement) et par des bains de bouche bicarbonatés. Les aphtes sont généralement secondaires à une
surinfection fongique sur une muqueuse fragilisée ; ils sont traités par des antifongiques locaux. Il ne faut pas
méconnaître les récurrences herpétiques.
• Certains traitements, comme les inhibiteurs de I'Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR) mais aussi d'autres
thérapeutiques ciblées, peuvent être responsables de rash cutané, d'éruption acnéiforme, d'irritation palma-plan­
taire ou de xérose cutanée. Pour ces patients, l'éducation thérapeutique est essentielle : choix des produits de
toilette, application de crèmes émollientes. Certains services ont recours aux compétences d'une psycho-socio­
esthéticienne ayant une formation spécifique pour ce type de situations.

4.1.5. Oncofertilité
• La préservation de la fertilité (recueil de sperme, congélation ovocytaire ...) doit être proposée avant tout traite­
ment en particulier chez l'enfant et l'adulte jeune, à fortiori chez les patients n'ayant pas d'enfant.
• Les indications sont plus complexes chez la femme que chez l'homme car elles doivent tenir compte du type de
cancer et de son projet thérapeutique ainsi que de l'âge de la patiente et de sa réserve ovarienne. La décision est
prise en consultation d'oncofertilité, avec l'oncologue référent.
• Il n'est cependant pas possible de la réaliser dans certaines situations: urgence thérapeutique, état général altéré.

4.1.6. Médecines complémentaires et alternatives (MCA)


• Selon la terminologie de !'OMS, les MCA regroupent « des approches, des pratiques, des produits de santé et
médicaux, qui ne sont pas habituellement considérés comme faisant partie de la médecine conventionnelle ».
Certaines équipes (et de nombreux patients) y ont recours. On peut, par exemple, citer l'acupuncture ou !'auri­
culothérapie pour les NVCI. Certaines de ces thérapeutiques alternatives ont fait l'objet d'essais cliniques bien
conduits et peuvent aider au contrôle de certains symptômes.
• Il faut être vigilant avec l'automédication, par exemple concernant des produits de phytothérapie qui peuvent
être responsables d'interactions pharmacologiques (exemple classique du millepertuis), ainsi qu'avec les régimes
restrictifs («jeûne thérapeutique ») qui peuvent majorer la dénutrition.
• Dans des cas plus rares, des patients ont pu se détourner de traitements actifs pour privilégier des MCA d'utilité
non démontrée.

► 108 PRISE EN CHARGE ••• 105


Item 295

A 4.2. Les soins palliatifs et l'arrêt des traitements actifs


• Les situations palliatives s'observent au cours de l'évolution des cancers avancés. Les soins palliatifs ont pour
objet d'améliorer la qualité de vie, quel que soit le stade de la maladie, même en dehors des situations de fin de
vie. Aussi, en phase métastatique, en dehors des derniers mois de vie, la distinction entre soins de support et soins
palliatifs est parfois floue. Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale. Leur objectif
premier est de soulager les douleurs physiques mais ils prennent en compte les autres symptômes, y compris dans
leur dimension de souffrance psychologique, sociale et spirituelle.
• L'accompagnement des patients en fin de vie se fait dans le respect des lois du 22/04/2005 (loi Leonetti) et
du 02/02/2016 (loi Leonetti-Clays) relatives aux droits des malades et de la fin de vie. Elles imposent le respect
de la volonté de la personne en fin de vie (éventuellement par le biais de directives anticipées). Elles interdisent
de provoquer délibérément la mort, mais prescrivent aux médecins de s'abstenir de poursuivre ou de mettre en
œuvre des traitements« déraisonnables». Lorsque la décision est prise d'interrompre ces traitements, les soins se
poursuivent mais la priorité pour l'équipe médicale et soignante est d'apaiser la souffrance de la personne.
• La décision de prise en charge palliative d'un patient pose la question de l'arrêt des traitements actifs, notam­
ment lorsqu'ils sont toxiques (chimiothérapies). Cependant, certains traitements antitumoraux peuvent être
utiles même en situation palliative, comme par exemple la radiothérapie antalgique ou hémostatique. On admet
qu'il ne faut pas proposer de traitement actif (en particulier chimiothérapie) aux patients dont l'espérance de vie
est inférieure à 3 mois. Dans cette situation, une chimiothérapie est non seulement inefficace mais peut dégrader
la qualité de vie, voire réduire la survie.
• Les autres critères d'arrêt des traitements actifs sont:
- le souhait du patient;
- l'altération de l'état général (en pratique, si le PS OMS /ECOG est 3 ou 4);
- le rapport risque/bénéfice paraît défavorable à la poursuite du traitement actif;
- l'inefficacité des traitements antérieurs.
• Les soins palliatifs sont par essence pluridisciplinaires et s'adressent tant au malade qu'à ses proches, à domicile
ou en milieu hospitalier.
• Ils peuvent être dispensés :
- dans les mêmes filières de soins que celles qui ont accueilli le patient au début de son parcours: par exemple,
intervention d'une Équipe Mobile d'Accompagnement et de Soins Palliatifs dans un service d'oncologie;
- en milieu spécialisé: unité de soins palliatifs (USP); il existe aussi des lits identifiés dans les services cliniques,
en dehors des USP;
- à domicile lorsque l'entourage et les conditions matérielles (logement. ..) le permettent.
• Dans le cas de soins palliatifs à domicile, le médecin traitant joue un rôle très important. Il peut s'appuyer sur
plusieurs structures:
- réseaux de soins palliatifs ou équipes d'appui pour le maintien à domicile des patients en soins palliatifs;
- Hospitalisation à Domicile (HAD);
- lits ambulatoires de soins palliatifs qui sont encore rares mais commencent à apparaître dans certaines
structures.

106
PRISE EN CHARGE... 109 ◄
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 295:
« PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D'UN MALADE ATTEINT DE CANCER»

Situation de départ 1 Descriptif


357. Annonce d'un diagnostic de maladie grave au patient Bien retenir les modalités spécifiques à la cancérologie:
et/ou à sa famille organisation du dispositif d'annonce, et remise du
programme personnalisé de soins (PPS).
En lien avec le suivi du patient en cancérologie
297. La consultation de suivi en cancérologie Les consultations de suivi n'ont pas pour seul but de
316. Identifier les conséquences d'une pathologie sur le
détecter d'éventuelles récidives. Il faut aussi corriger
maintien dans l'emploi les facteurs de risque de seconds cancers ou d'autres
maladies chroniques (tabac, sédentarité ...) et limiter
303. Prévention et dépistage des cancers de l'adulte les conséquences psycho-sociales de la maladie
(maintien dans l'emploi).
En lien avec la douleur
259. Évaluation et prise en charge de la douleur aiguë La douleur en cancérologie a des mécanismes
260. Évaluation et prise en charge de la douleur chronique multiples. Sa prise en charge peut être complexe,
faisant appel aux antalgiques de palier 3, aux co-
250. Prescrire des antalgiques. antalgiques voire à certains gestes techniques
(radiothérapie, radiologie interventionnelle, chirurgie
des métastases osseuses).
En lien avec les soins de support
254. Prescrire des soins associés à l'initiation d'une Cette question aborde la gestion des effets secondaires
chimiothérapie des traitements et la prise en charge globale du patient.
12. Nausées Les nausées et vomissements chimio-induits sont des
13. Vomissements
complications fréquentes des chimiothérapies et font
appel à des traitements spécifiques.
223. Interprétation de l'hémogramme La toxicité hématologique des chimiothérapies peut
toucher les trois lignées.
44. Fièvre La fièvre peut compliquer une neutropénie chimio-
induite, il s'agit d'une urgence qui requiert une
antibiothérapie probabiliste sans attendre les résultats
des prélèvements bactériologiques.
21. Asthénie L'asthénie est fréquemment due à une anémie, mais
la fatigue chronique est un syndrome multi-factoriel en
oncologie.
En lien avec les soins palliatifs
357. Identification, prise en soin et suivi d'un patient en Les soins palliatifs doivent être introduits le plus
situation palliative précocement possible dans l'évolution des cancers
avancés (on parlera cependant plutôt de soins de
support au début de la maladie métastatique).

► 110 PRISE EN CHARGE••• 107


Item 297

Cancers de l'enfant
CHAPITRE�---------------------------------------

P"' Particularités épidémiologiques, diagnostiques


et thérapeutiques
Dr Marilyne Poirée', Pr Nicolas Sirvent2 , Pr Guillaume Vogin', Pr Gilles Vassal4, Pr Marc-André Mahé5
1 Unité d'Oncohématologie pédiatrique, CHU Nice, 2 Unité d'Oncologie pédiatrique, CHU Montpellier,
'Centre François Baclesse, Centre National de radiothérapie du Luxembourg
4 Département de Recherche clinique, Institut Gustave Roussy, Villejuif
5 Service de Radiothérapie, Centre François Baclesse, Caen

OBJECTIFS: N ° 297. CANCER DE L'ENFANT: PARTICULARITÉS ÉPIDÉMIOLOGIQUES, DIAGNOSTIQUES ET THÉRAPEUTIQUES


� Expliquer les particularités épidémiologiques et diagnostiques des principaux cancers de l'enfant.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------·
1. Particularités épidémiologiques des tumeurs malignes de 4.1. Examens d'imagerie
l'enfant 4.2. Examens biologiques
2. Connaître les principales prédispositions génétiques et les 4.3. Examen anatomo-pathologique
autres facteurs de risque aux tumeurs malignes de l'enfant S. Particularités thérapeutiques dans les tumeurs malignes
2.1. Rôle de l'environnement de l'enfant
2.2. Facteurs génétiques 5.1. La chimiothérapie
3. Connaître les circonstances et signes cliniques devant faire 5.2. La radiothérapie
évoquer une tumeur maligne de l'enfant 5.3. La chirurgie
3.1. Particularités fréquentes propres aux tumeurs de l'enfant 5.4. Les soins palliatifs
3.2. Signes cliniques d'appel selon la localisation 6. Conséquences à long terme des traitements des tumeurs
4. Indications et objectifs des examens complémentaires malignes de l'enfant
devant une situation évocatrice d'une tumeur maligne de
l'enfant

Rang 1 - -
Rubrique
- - --�- l - - - - ----�� - - - - -
- --
Intitulé
- -- - - ---�

B Prévalence, Particularités épidémiologiques des tumeurs malignes de l'enfant. Prévalence des


épidémiologie cancers, principaux cancers selon l'âge
B Prévalence, Connaître les principales prédispositions génétiques et autres facteurs de risque
épidémiologie aux tumeurs malignes de l'enfant
A Diagnostic positif Connaître les circonstances et signes cliniques devant faire évoquer une tumeur
cérébrale chez l'enfant
A Diagnostic positif Connaître les circonstances et signes cliniques devant faire évoquer une tumeur
abdominale chez l'enfant
A Diagnostic positif Connaître les circonstances et signes cliniques devant faire évoquer une tumeur
thoracique chez l'enfant
A Diagnostic positif Connaître les circonstances et signes cliniques devant faire évoquer une tumeur
osseuse chez l'enfant
B Examens Indication et objectifs des examens d'imagerie devant une situation évocatrice de
complémentaires cancer de l'enfant (tumeurs cérébrale, abdominale, thoracique et osseuse)

Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
• à la fin du chapitre.

108
CANCERS DE L'ENFANT 111 ◄
s 1. Particularités épidémiologiques des tumeurs
malignes de l'enfant
• L'incidence des cancers de l'enfant et de l'adolescent est de 2 400/an en France.
• Le taux de guérison est de l'ordre de 80 %.
• Les tumeurs les plus fréquentes sont hématologiques et cérébrales.

• Les cancers de l'enfant et de l'adolescent sont des maladies rares qui représentent 1 % de l'ensemble des cancers,
en France et dans les pays comparables au plan socio-économique.
• Leur incidence est en moyenne de 120/million d'enfants par an, répartis en 1 700 nouveaux cas entre O et 15 ans
et 700 nouveaux cas chez les AJA (Adolescents et Jeunes Adultes) entre 15 et 20 ans.
• Ils représentent la deuxième cause de mortalité entre 1 et 14 ans, après les accidents, soit 20 % des décès.
• Certains types histologiques sont spécifiques à l'enfant. Inversement, la plupart des cancers de l'adulte n'existent
pas chez l'enfant.
• Leur pronostic est bien meilleur que celui des cancers de l'adulte avec un taux de guérison, tous cancers confon­
dus, de l'ordre de 80 %. Une maladie métastatique peut être curable. On estime actuellement en France à 50 000
le nombre d'adultes survivants d'un cancer traité avant l'âge de 20 ans.
• La répartition des principaux cancers de l'enfant est indiquée dans le tableau suivant:

Tableau 1. RÉPARTITION DES P RINCIPAUX CANCERS DE L'ENFANT -------


- - ----� -

Leucémies et lymphomes
- - - - - 40% Néphroblastomes
--- - 8%

,_ __
Tumeurs cérébrales 20% Tumeurs osseuses
Tumeurs germinales,
5%

Neuroblastomes 9 °/o 3,5%


-- - ----
trophoblastiques et gonadiques
-
Tumeurs des tissus mous 7 °/o Rétinoblastomes 3 OJo

• Les principaux cancers de l'enfant sont les leucémies aiguës, les tumeurs cérébrales et les tumeurs embryonnaires
spécifiques de l'enfant (néphroblastomes, neuroblastomes). Après l'âge de 10 ans, les lymphomes, les tumeurs
cérébrales et les tumeurs osseuses et conjonctives prédominent.
• Il existe globalement une prédominance masculine, avec un sex-ratio évalué à 1, 2/1. L'incidence et la réparti­
tion des cancers de l'enfant varient selon l'origine ethnique et géographique de l'enfant.

8 2. Principales prédispositions génétiques


et autres facteurs de risque aux tumeurs malignes de l'enfant
• La grande majorité des cancers de l'enfant survient de façon sporadique.
• Le rôle de l'environnement et des facteurs génétiques est faible.
• Il n'y a pas de place pour le dépistage, sauf dans les syndromes de prédisposition.

► 112 (ANCERS DE L'ENFANT


109
Item 297

L'étiologie de la plupart des cancers de l'enfant reste encore mal connue.

2.1. Rôle de l'environnement


• À la différence de l'adulte, le rôle des facteurs d'environnement apparaît minime dans la genèse des cancers de
l'enfant.
• On peut citer cependant:
- le rôle des radiations ionisantes: certains enfants présentent de manière constitutionnelle une radiosensibilité
individuelle élevée aux faibles doses d'irradiation ;
- le rôle de certains agents chimiques: l'exposition in utero au di-éthylstilbestrol entraîne un risque important
d'adénocarcinome à cellules claires du vagin;
- le rôle de certains agents infectieux, en particulier viraux: Epstein-Barr virus et lymphome de Burkitt africain
et carcinome indifférencié du nasopharynx, virus de l'hépatite B et hépatocarcinome, virus HIV et lymphome;
- le rôle de certains agents de chimiothérapie (alkylants) dans le développement de leucémies secondaires.

2.2. Facteurs génétiques


• Dans la majorité des cas, les cancers de l'enfant surviennent de façon sporadique, sans histoire familiale de
cancer, ni maladie génétique associée.
• Moins de 10 % des cancers de l'enfant sont associés à des facteurs génétiques:
- prédisposition héréditaire au cancer transmise sur un mode autosomique dominant, lié dans la majorité des
cas à une mutation germinale du gène p53 : syndrome de Li Fraumeni ;
- cancer héréditaire transmis sur un mode autosomique dominant: rétinoblastome;
- phacomatose et neurodermatose: maladie de Recklinghausen ;
- instabilité chromosomique: maladie de Fanconi, ataxie télangiectasie;
- aberrations chromosomiques: syndrome de Wiedeman-Beckwith, trisomie 21;
- déficit immunitaire: risque accru de lymphome.
• La réalisation d'un arbre généalogique à la recherche d'ATCD de cancers survenus à un âge jeune dans la famille
permet d'évoquer un syndrome de prédisposition.
• La constatation de certaines malformations congénitales doit alerter sur le risque accru de cancer spécifique :
- aniridie congénitale et néphroblastome ;
- cryp torchidie et tumeurs germinales ;
- hémi-hyp ertrophie corporelle et néphroblastome.

A 3. Circonstances et signes cliniques devant faire évoquer


une tumeur maligne de l'enfant
3.1. Particularités fréquentes propres aux tumeurs de l'enfant
• La rapidité souvent extrême de la croissance tumorale, parfois en quelques jours qui n'est pas forcément syno­
nyme de gravité. Une prolifération rapide laisse souvent présager au contraire d'une grande chimio sensibilité. En
corollaire, l'affection peut être révélée par des signes d'appel de gravité amenant à une consultation en urgence :
détresse respiratoire aiguë, syndrome hémorragique, CIVD, hypercalcémie, HTIC d'installation rapide, com­
pression médullaire, syndrome cave supérieur;
• L'absence fréquente d'altération de l'état général apparent.


110
CANCERS DE L'ENFANT 11]
3.2. Signes cliniques d'appel selon la localisation
• Les signes d'appel dépendent de la taille de la tumeur et de sa localisation. L'attention doit être attirée lorsqu'ils
persistent plus de 15 jours.

3.2.2. Tumeur cérébrale


• Hypertension intracrânienne: céphalées, nausées, vomissements; convulsions; déficits neurologiques moteurs
et/ou sensitifs; troubles de l'équilibre; troubles de la déglutition/fausses routes; troubles du comportement;
troubles de la conscience/coma; anomalies de la vision (strabisme, diplopie}; perte des acquisitions [langage,
propreté]); augmentation du périmètre crânien, exophtalmie.

3.2.2. Tumeur thoracique


• Toux; dyspnée; masse/tuméfaction pariétale; douleurs thoraciques; déformation thoracique.

3.2.3. Tumeur abdomino-pelvienne


• Troubles du transit : nausées, vomissements, diarrhée, constipation, syndrome occlusif; ictère ; distension
abdominale ; circulation veineuse collatérale, douleurs abdominales ; masse abdominale ; hépatomégalie ;
douleurs lombaires; douleurs pelviennes; troubles de la miction; incontinence urinaire; syndrome hémor­
ragique : méléna, rectorragies, hématurie, saignement vaginal.

3.2.4. Tumeur osseuse


• Douleurs d'un membre; douleurs rachidiennes; douleurs articulaires dont la persistance et le caractère insom­
niant doivent être particulièrement alarmants; raideur articulaire; boiterie ou refus de la marche; difficulté à
la marche; déformation articulaire; tuméfaction localisée; gestes maladroits.

3.2.5. Autres signes


• Grosse bourse ; adénopathie(s) unique ou multiples persistantes fixées, non inflammatoires, en dehors d'un
contexte infectieux loco-régional surtout si association à un prurit; asthénie, amaigrissement/cachexie, ano­
malies de la croissance staturo-pondérale ; anomalies cutanées (purpura, ecchymoses, hématomes) ; hyper­
thermie/fièvre; masse périphérique palpable, même de petite taille ; reflet blanc pupillaire; signes endocriniens
(diabète insipide, puberté précoce..); signes neurologiques périphériques ( syndrome de la queue de cheval...).

e 4. Indications et objectifs des examens complémentaires


devant une situation évocatrice d'une tumeur maligne de l'enfant

Les progrès de l'imagerie, du diagnostic cytologique et/ou anatomo-pathologique et de la caractérisation biolo­


gique de ces cancers permettent habituellement d'arriver rapidement au diagnostic. Cependant, en raison de la
rareté de ces tumeurs, l'enfant doit être impérativement adressé dès la suspicion diagnostique dans un centre
agréé spécialisé en cancérologie pédiatrique.

4.1. Examens d'imagerie


• Il faut souligner l'importance de la qualité de l'imagerie initiale qui permet une évaluation de l'extension loco­
régionale et un bilan d'opérabilité (Figure 1).
• Le choix de l'examen le plus judicieux va dépendre de la localisation tumorale; à titre d'exemple:

► 114 CANCERS DE L'ENFANT


111
Item 297

- échographie abdominale pour une tumeur abdomino-pelvienne;


- radiographies osseuses simples pour les tumeurs osseuses;
- imagerie par résonance magnétique pour les tumeurs cérébrales et osseuses ;
- scanner pour la recherche de localisations secondaires pulmonaires...
• Certaines explorations isotopiques permettent d'affirmer le diagnostic et/ou de participer au bilan d'exten­
sion:
- scintigraphie à la méthyliodobenzylguanidine (MIBG) spécifique des tumeurs sympathiques et carcinoïdes;
- scintigraphie osseuse au technetium 99 pour les tumeurs osseuses primitives et la recherche de métastases
osseuses.
• La tomographie par émission de positons ( ou TEP-TDM) est un examen scintigraphique, réalisé après l'injec­
tion intraveineuse d'un traceur faiblement radioactif (généralement le 18F-fluorodéoxyglucose, analogue du glu­
cose) qui permet d'obtenir des renseignements sur le fonctionnement et l'activité des organes. Le TEP-TDM, bien
que non spécifique d'une pathologie, est devenu un examen important dans le bilan d'extension et la surveillance
de certains cancers de l'enfant (lymphomes, sarcomes ... ).

Figure 1. Coupe coronale d'un néphroblastome droit chez un enfant de 5 ans

4.2. Examens biologiques


• Il existe peu de marqueurs tumoraux en oncologie pédiatrique. Cependant, dans certains cancers de l'enfant,
l'identification d'un marqueur tumoral spécifique permet d'affirmer le diagnostic, d'évaluer l'efficacité du traite­
ment, et de surveiller l'enfant une fois la rémission obtenue:
- catécholamines urinaires et leurs métabolites: neuroblastomes;
- alfa-fœtoprotéine: hépatoblastomes et certaines tumeurs germinales malignes (tumeurs du sac vitellin);
- beta HCG: certaines tumeurs germinales malignes (choriocarcinome).
• Certains marqueurs sont non spécifiques mais reflètent le volume et/ou l'activité tumorale, et sont parfois
corrélés au pronostic: LDH (lactates déshydrogénases): neuroblastomes, lymphomes.

4.3. Examen anatomo-pathologique


• Il permet avant tout d'affirmer le diagnostic, mais également dans certains cas d'établir un histopronostic à partir
de certains critères propres à chaque tumeur et d'évaluer pour certaines tumeurs la réponse au traitement.

112
CANCERS DE L'ENFANT 115 ◄
• De manière très schématique, on peut distinguer chez l'enfant 6 grands groupes de proliférations malignes:
- les proliférations d'origine hématologique: leucémies, lymphomes;
- les proliférations originaires du système nerveux central: gliomes, astrocytes, épendymomes ...
- les tumeurs de blastème d'organe : néphroblastome (tumeur rénale), hépatoblastome (tumeur du foie),
pneumoblastome (tumeur du poumon), rétinoblastome...
- les tumeurs malignes conjonctives, principalement représentées par les rhabdomyosarcomes;
- les tumeurs germinales malignes, gonadiques ou extra-gonadiques ;
- les tumeurs neuroectodermiques, ou tumeurs de la famille du sarcome d'Ewing.
• Une place particulière revient actuellement à l'analyse du génome des cellules cancéreuses, réalisée au dia­
gnostic ou à la rechute, au moyen de techniques variées: cytogénétique conventionnelle et/ou moléculaire, biolo­
gie moléculaire, séquençage du génome.
• Dans tous les cas, la décision d'une exérèse chirurgicale, d'une biopsie chirurgicale ou trans-cutanée doit être
prise en concertation multidisciplinaire et réalisée dans un centre expert en cancérologie pédiatrique.

• Les particularités diagnostiques des cancers de l'enfant sont:


leur croissance rapide;
l'habituelle conservation de l'état général;
la multiplicité et le caractère souvent « banal » des signes d'appel cliniques dont la persistance/fixité
au-delà de 15 jours doit alerter;
- l'importance d'adapter les examens d'imagerie à la localisation tumorale;
l'importance de la prise en charge précoce en milieu spécialisé pluridisciplinaire de cancérologie
: ......... ---- - _P�� i-���'.�-��·--- .............. -------- ........... ---- ---- - .. --- ... .......... ·····--·· - .................. --· ........................ - ,. ;
. . --

5. Particularités thérapeutiques
dans les tumeurs malignes de l'enfant
Le traitement des tumeurs de l'enfant ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informa­
tions sont données à titre indicatif.

• Les traitements principaux des cancers de l'enfant sont la chimiothérapie, la chirurgie et la radiothérapie.
• Chaque traitement comporte des risques de complications aiguës et tardives.
• Les modalités thérapeutiques et leur chronologie doivent être déterminées en réunion de concertation pluri­
disciplinaire.

• La prise en charge des cancers de l'enfant fait appel aux mêmes moyens thérapeutiques que chez l'adulte (chimio­
thérapie, chirurgie, radiothérapie, immunothérapie, thérapie ciblée ...). La stratégie thérapeutique est élaborée de
façon pluridisciplinaire. Les tumeurs pédiatriques doivent être considérées comme des urgences thérapeutiques.
• La prise en charge des enfants et adolescents atteints de cancer doit s'effectuer uniquement au sein des centres
spécialisés en cancérologie pédiatrique. La radiothérapie des patients de moins de 16 ans doit s'effectuer au sein
de centres spécialisés.
• Dans la majorité des cas, même en cas maladie métastatique, le contrôle local est fondamental.
• Il faut insister chez l'enfant sur le rôle majeur de la chimiothérapie, particulièrement efficace sur les tumeurs
embryonnaires.

► 116 CANCERS DE L'ENFANT


113
Item 297

• D'une manière générale, les facteurs pronostiques sont le stade de la maladie au diagnostic, mais aussi et parfois
plus importants, l'âge de l'enfant, le profil immuno-histochimique et génétique de la tumeur, le contrôle local, la
réponse aux traitements néo-adjuvants et la qualité de la prise en charge initiale.

Il est capital de toujours penser aux séquelles dans l'élaboration de la stratégie thérapeutique.

5.1. La chimiothérapie
• La chimiothérapie est adaptée au poids et à l'âge de l'enfant.
• Dans les tumeurs solides, elle peut être:
- néo-adjuvante: avant le traitement loco-régional;
- adjuvante: après le traitement loco-régional, parfois de façon concomitante à la radiothérapie;
- exclusive: sans traitement loco-régional;
- intensive avec autotransfusion de cellules souches hématopoiétiques.
• Chez l'enfant, les effets secondaires précoces de la chimiothérapie sont:
- les complications hématologiques : aplasie, anémie, thrombopénie;
- les complications digestives : nausées, vomissements, dénutrition, mucite;
- les complications infectieuses : bactériennes, fongiques, parasitaires ou virales.

5.2. La radiothérapie
• Même si ses indications diminuent, la radiothérapie, qui est une modalité thérapeutique loco-régionale,
s'intègre dans la stratégie thérapeutique des cancers de l'enfant dans près de 1/3 des cas, et dans 80 % des
tumeurs cérébrales.
• Les effets secondaires de la radiothérapie dépendent du volume à traiter, de la topographie de la région à traiter,
de la dose totale à délivrer, de la dose par séance (fractionnement).
• Tout comme chez l'adulte, on distingue des effets secondaires précoces qui surviennent dans les 3 mois qui
suivent l'initiation du traitement et guérissent généralement intégralement sous soins de support et les toxicités
tardives qui peuvent aboutir à des séquelles d'autant plus invalidantes que l'enfant est jeune au moment de son
traitement.

5.3. La chirurgie
• L'expertise chirurgicale, qui doit être partie intégrante du projet multidisciplinaire, peut intervenir à dif­
férentes étapes de ce projet: diagnostic, lors du traitement local et/ou loco-régional, après le traitement pour
vérifier l'existence d'un résidu tumoral...

Le geste chirurgical ne peut être qu'un geste technique ou thérapeutique isolé.

• Initialement, pour déterminer la nature d'une tumeur solide, une biopsie chirurgicale est, sauf exception,
indispensable. Elle peut parfois être avantageusement remplacée par une aspiration biopsie à l'aiguille fine,
réalisée sous repérage radiologique, moins invasive.
• Lors de l'exérèse tumorale, le geste chirurgical intervient après concertation entre l'oncologue médical, l'onco­
logue radiothérapeute et l'opérateur.


114
(ANCERS DE L'ENFANT 117
5.4. Les soins palliatifs

• La phase palliative concerne 20 % des enfants atteints de cancer.


Les traitements réalisés doivent rester raisonnables, sans tomber dans l'acharnement thérapeutique.
• Les principaux symptômes pris en charge sont la douleur, les phénomènes compressifs, les phénomènes
hémorragiques et l'anxiété.

• La phase palliative concerne 20 % des enfants atteints de cancer. Elle correspond à la période précédant le
décès, pendant laquelle aucun traitement efficace en termes de guérison ou de rémission ne peut être proposé. La
décision d'arrêt de tout traitement à visée curative doit être multidisciplinaire. Elle doit être clairement expli­
quée au patient et à sa famille de façon à maintenir une relation de confiance. Les décisions et modalités des
traitements doivent être adaptées à l'évolution des symptômes, en prenant en compte la dimension humaine et en
restant dans le domaine du raisonnable, sans tomber dans l'acharnement thérapeutique. L'échange sur la mort et
la préparation au deuil font partie intégrante de la prise en charge palliative et ne doivent pas être omis.
• Les principaux symptômes à rechercher et à prendre en charge sont les suivants: douleurs; phénomènes com­
pressifs; syndrome hémorragique; anxiété; dépression; troubles de la conscience.
• Les traitements disponibles sont médicamenteux (antalgiques, anxiolytiques ...), chirurgicaux et la radiothé­
rapie.

6. Les conséquences à long terme des traitements


des tumeurs malignes de l'enfant

• Le risque de séquelles est d'autant plus important que les enfants sont jeunes au moment du traitement.
• La toxicité à long terme peut toucher tous les organes et fonctions.
• Un programme de suivi à long terme a été mis en place au niveau national.

• Une préoccupation majeure des équipes spécialisées en cancérologie pédiatrique a été très rapidement l'éva­
luation des conséquences à long terme des traitements.
• Certaines complications de la chimiothérapie peuvent se manifester avec des délais variables: maladies cardio­
vasculaires, cérébro-vasculaires, troubles cognitifs, troubles endocriniens (croissance, hypothyroïdie), diminu­
tion de la fertilité. Le risque de développer des complications à long terme augmente avec le temps et peut être
exacerbé par les comorbidités liées à l'âge et aux facteurs environnementaux (tabac, alcool, obésité, sédentarité).
• La radiothérapie est également pourvoyeuse de séquelles tardives:
- le ralentissement de la croissance lié à l'irradiation des cartilages de croissance;
- les séquelles intellectuelles, après irradiation cérébrale, particulièrement avant l'âge de 4 ans;
- les séquelles endocriniennes: insuffisance thyroïdienne, hypophysaire, gonadique.
• La survenue de deuxièmes cancers, par définition différents d'une récidive ou d'une métastase du cancer primi­
tif, représente un réel problème avec un risque cumulatif évalué entre 3,7 et 12 % après un délai de 25 ans après
le traitement de la maladie initiale. Plus de 60 % des seconds cancers se développent en territoire irradié.
• Au final, la toxicité à long terme peut toucher tous les organes et toutes les fonctions. Des programmes de suivi
à long terme sont mis en place depuis quelques années dans les centres d'oncologie pédiatrique afin de diagnos­
tiquer et prendre en charge les séquelles des traitements, notamment lors du passage au monde adulte.

► 118
115
(ANCERS DE L'ENFANT
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 297:
CANCERS DE L'ENFANT: PARTICULARITÉS ÉPIDÉMIOLOGIQUES,
DIAGNOSTIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

Situation de départ ! Descriptif


Tumeur cérébrale 1. L'incidence des cancers de l'enfant et de l'adolescent
12. Nausées est de 2 400/an en France. Le taux de guérison est de
13• Vomissements l'ordre de 80 %, et les tumeurs les plus fréquentes sont
hématologiques et cérébrales.
28• Troubles de la conscience/coma
62. Troubles de la déglutition/fausses routes
2. Les tumeurs cérébrales ont un plus mauvais pronostic que
les autres cancers de l'enfant.
118. Céphalées
3. Les cancers de l'enfant se caractérisent par leur croissance
120_ Convulsions
rapide, l'habituelle conservation de l'état général, la
121. Déficits neurologiques moteurs et/ou sensitifs multiplicité et le caractère souvent « banal » des signes
130. Troubles de l'équilibre d'appel cliniques, dont la persistance/fixité au-delà de 15
133. Troubles du comportement jours doit alerter.
138. Anomalies de la vision 4. Tout symptôme dit « banal » qui dure doit attirer
143. Diplopie l'attention.
157. Strabisme de l'enfant 5. L'examen clinique est primordial pour le diagnostic
f---------------------1 précoce.
Tumeur abdominopelvienne
1• Constipation 6. Les examens à visée diagnostique, notamment l'imagerie
et les prélèvements (biopsie) doivent être adaptés à la
2. Diarrhée localisation tumorale
3· DiStension abdominale 7. La prise en charge diagnostique et thérapeutiques
4. Douleurs abdominales doit être pluridisciplinaire et réalisée dans des centres
6. Hépatomégalie spécialisés
8. Masse abdominale 8. Le risque de séquelles, pouvant intéresser tous les
10. Méléna/rectorragies organes, est d'autant plus important que les enfants sont
12. Nausées jeunes au moment du traitement, et nécessite un suivi
13. Vomissements à long terme, afin de dépister et prendre en charge les
séquelles éventuelles.
23. Anomalie de la miction
36. Douleurs de la région lombaire
47. Ictère
99. Douleurs pelviennes
102. Hématurie
103. Incontinence urinaire
Tumeur thoracique
9.Masse/tuméfaction pariétale
160. Détresse respiratoire aigue
161. Douleurs thoraciques
162. Dyspnée
167. Toux
Tumeur osseuse
56. Raideur articulaire
66. Apparition d'une difficulté à la marche
67. Douleur articulaires
68. Boiterie
70. Déformation articulaire
71. Douleurs d'un membre
72. Douleurs du rachis


116
CANCERS DE L'ENFANT 119
Données paracliniques
Demande/pre scription raisonnée et choix d'un
178.
examen diagnostique
181. Tumeur maligne sur pièce opératoire/biopsie
200. Dyscalcémie
224. Découverte d'une anomalie a b d ominale à
l'examen d'imagerie médicale
226. Découverte d'une anomalie du cerve au à
l'examen d'imagerie médicale
227. Découverte d'une anomalie médullaire ou
vertébrale à l'examen d'imagerie médicale
228. Découverte d'une anomalie osse use ou
articulaire à l'examen d'imagerie médicale
229. Découverte d'une anomalie pelvienne à l'examen
d'imagerie médicale

► 120 (ANCERS DE L'ENFANT


117
Item 298

Tumeurs de la cavité buccale,


c "•' '''
1
►-n-a_s_ o___s_i_n_u_s_ie_ _n_n_es_ _ e_ t_d _u_c_a _v_ u_m_,_e_t_d_ e_s_v _o_ie_s____
a t u u
ér od iges iv es s péri e res
Pr Christophe Le Tourneau', Pr Jean-Pierre Delord 2, Pr Anne Laprie3, Pr Philippe Maingon•
'Département d'Oncologie médicale, Institut Curie, Paris et Saint-Cloud
'Département d'Oncologie médicale, Institut Universitaire de Cancérologie de Toulouse - Oncopole, Toulouse
'Département d'Oncologie radiothérapie, Institut Universitaire de Cancérologie de Toulouse - Oncopole, Toulouse
4Département de Radiothérapie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris

OBJECTIFS: N ° 298. TUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO-SINUSIENNES ET DU CAVUM, ET DES VOIES


AÉRODIGESTIVES SUPÉRIEURES

-+ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur de la cavité buccale, naso-sinusienne ou du cavum, ou des voies aérodigestives
supérieures.

�---------------------------------------------------------------------------------------------------------------·
' .
1. Généralités anatomiques des VADS 7. Évolution et pronostic
2. Principaux types histologiques des tumeurs bénignes et 7.1. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et de la
malignes ORL par localisation (hors glandes salivaires) cavité buccale
3. Histoire naturelle, facteurs de risque des cancers des VADS 7.2. Tumeurs des fosses nasales et des sinus
3.1. Facteurs de risque 7.3. Tumeurs du cavum
3.2. Histoire naturelle 8. Généralités sur la prévention en cancérologie des VADS
4. Généralités épidémiologiques des cancers des VADS 9. Approches thérapeutiques
5. Diagnostic positif 9.1. Principes généraux
5.1. Circonstances de découverte 9.2. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et de la
5.2. Diagnostic de certitude cavité buccale
6. Élements du bilan des cancers des VADS 9.3. Tumeurs des fosses nasales et des sinus
6.1. Bilan d'extension 9.4. Tumeurs du cavum
6.2. Bilan pré-thérapeutique
, 6.3. Classification TNM
·------- ------------------------------------------------- - ------------- - ----------------------------------------·

Rang --
-
Rubrique
- - - ---- -
Intitulé - -- - - ---

A Définition Généralités anatomiques des cancers des VADS


B Définition Principaux types histologiques des tumeurs bénignes et malignes ORL par
localisation (hors glandes salivaires)
B Éléments Histoire naturelle, facteurs de risque des cancers des VADS
physiopathologiques
B Prévalence, épidémiologie Généralités épidémiologiques des cancers des VADS
A Diagnostic positif Connaître les signes cliniques des cancers de la cavité buccale, naso-sinusiens
ou des VADS
B � Contenu multimédia Iconographies cliniques typiques des principales formes de carcinome
épidermoïde de l'amygdale palatine
A � Contenu multimédia Iconographies cliniques typiques des principales formes de carcinome
épidermoïde de la langue
B Contenu multimédia Photographie d'une leucoplasie de la face interne de joue
B Examens complémentaires Indication de l'imagerie devant un cancers des VADS
A Prise en charge Généralités sur la prévention en cancérologie des VADS


118
TUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE. •• 121
• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

• Les cancers de la sphère cervico-maxillo faciale présentent de grandes disparités selon leur origine, leur locali­
sation, leur retentissement sur les fonctions aéra-digestives, et leurs modalités thérapeutiques.
• Classiquement, on distingue les cancers de la cavité buccale et de l'oropharynx, voies communes du tractus
aéro-digestif, et les cancers du larynx et de l'hypopharynx, spécifiques respectivement des voies aérienne et
digestive. Ces cancers sont principalement observés chez des patients éthylo-tabagiques. La double intoxication
multiplie les risques connus de l'une et de l'autre des intoxications. Un changement radical de l'épidémiologie de
ces cancers est constaté avec l'émergence récente de cancers de l'oropharynx associés au virus HPV.
• Les cancers des sinus de la face constituent une entité clinique particulière et doivent faire rechercher une
origine toxique. Les cancers du cavum (encore appelé rhinopharynx ou nasopharynx) sont associés au virus
Epstein-Barr (EBV). Ils se caractérisent par une épidémiologie particulière avec des zones de forte endémie
comme la Chine du Sud, des zones intermédiaires comme le pourtour méditerranéen et des zones d'endémie plus
faible comme l'Europe occidentale.
• Chaque type tumoral correspond à une segmentation anatomique précise pour laquelle les risques d'extension
sont spécifiques à l'anatomie loco-régionale. Les probabilités d'extension ganglionnaire, corrélées au site tumoral
primitif, à la taille tumorale et aux caractéristiques anatomo-pathologiques de la tumeur, sont décrites avec leurs
localisations précises.
• Le bilan de ces affections est bien codifié. Il ne doit pas négliger le contexte général du patient, ses conditions
de vie, ses comorbidités souvent nombreuses qui vont avoir des conséquences importantes sur les propositions
thérapeutiques.
• Les indications de traitement sont systématiquement discutées et établies au cours d'une Réunion de Concerta­
tion Pluridisciplinaire (RCP) associant au minimum un chirurgien, un oncologue et un radiologue.
• La prévention primaire et secondaire de ces tumeurs repose sur la lutte contre le tabagisme et l'éthylisme chro­
nique. La dimension sociale de la prise en charge de ces malades, prenant en compte toutes les réhabilitations
nécessaires, fait partie du socle thérapeutique.

A 1. Généralités anatomiques des VADS


• Les cancers des voies aéra-digestives supérieures (VADS) les plus fréquents touchent les structures suivantes
(Figure I):
- la cavité buccale: limitée par la voute palatine en haut, les arcades dentaires latéralement et le plancher buccal
en bas;
- l'oropharynx : situé en arrière de la cavité buccale ; il comporte le voile du palais en haut, les loges
amygdaliennes sur les côtés, la base de langue en avant, et la paroi pharyngée postérieure en arrière;
- le cavum : situé en arrière des fosses nasales et du voile du palais ; il remonte jusqu'à la base du crâne ;
il comprend l'orifice des trompes d'Eustache (ce qui explique l'otite séromuqueuse unilatérale en cas
d'obstruction);
- les sinus ethmoïdaux: cavités aériennes paires et médianes situées dans l'os ethmoïde entre les 2 orbites, en
arrière des os du nez et sous l'étage antérieur de la base du crâne;
- l'hypopharynx: conduit musculo-membraneux vertical, en avant du rachis, étendu de la base du crâne à la
partie supérieure du cou;
- le larynx: situé là où l'appareil respiratoire et l'appareil digestif se séparent dans le cou. Le larynx se trouve en
avant de !'oesophage et relie le pharynx à la trachée. Le larynx mesure environ 5 cm de longueur. Il se divise
en 3 régions :
► L'étage sus-glottique est situé dans le haut du larynx, au-dessus de la glotte. Sa principale composante est
une languette cartilagineuse mobile appelée épiglotte.

► 122 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE...


119
Item 298

► La glotte constitue la partie centrale du larynx. Elle contient les cordes vocales (parfois appelées replis
vocaux). Les cordes vocales sont formées par une paire de muscles situés de chaque côté de l'ouverture de la
trachée. Elles sont recouvertes d'une muqueuse.
► L'étage sous-glottique est situé à la base du larynx, entre la glotte et la trachée.

Figure 1. Voies aérodigestives supérieures. Coupe sagittale

.,.......t--__,,d-__ Orifice de la trompe d'Eustache


"-�:'i:--t-t-7'----f-\,------ Cavum

Pharynx

Trachée Œsophage

Le larynx est constitué de différents types de cartilage. Le cartilage thyroïde est situé à l'avant du larynx et
forme une bosse dans le cou qui est couramment appelée pomme d'Adam. Le cartilage cricoïde est un anneau
cartilagineux qui relie le larynx à la trachée. Le cartilage cricoïde et le cartilage thyroïde protègent la glotte et
l'ouverture de la trachée. l..'.épiglotte est attachée au cartilage thyroïde et à l'os hyoïde et protège l'ouverture
de la glotte. l..'.os hyoïde, qui est en forme de U, est attaché à la partie supérieure du larynx. Plusieurs muscles
et ligaments sont attachés à l'os hyoïde. Ces muscles relient le larynx à la mâchoire et au crâne. Ils relient aussi
les cartilages du larynx les uns aux autres. Ces muscles et ligaments font bouger le larynx durant la déglutition
et la phonation.

- les fosses nasales : cavités limitées par l'orifice piriforme en avant, l'orifice choane en arrière, l'os nasal et
!'ethmoïde en haut, le maxillaire, !'ethmoïde et le cornet nasal inférieur latéralement, le palais (os maxillaire et
os palatin), qui les séparent en bas de la cavité buccale.

120
B 2. Principaux types histologiques des tumeurs bénignes
et malignes ORL par localisation (hors glandes salivaires)
• Types histologiques bénins les plus fréquents en fonction de la topographie:

Topographie Histologie
Cavité buccale Kératose (état pré-cancéreux)
Oropharynx Papillome
Larynx
Hypopharynx
Fosses nasales et sinus Papillome
Cavum Polype antro-choanal
Fibrome naso-sinusien

• Types histologiques malins les plus fréquents en fonction de la topographie:

Topographie Histologie
Cavité buccale Carcinome épidermoïde+++
Oropharynx Lymphe.me malin de l'oropharynx (rare)
Larynx
Hypopharynx
Fosses nasales et sinus Adénocarcinome

Cavum Carcinome indifférencié (UCNT: undifferenciated


carcinoma of nasopharyngeal type)
Lymphome malin (rare)

B 3. Histoire naturelle, facteurs de risque des cancers


desVADS
3.1. Facteurs de risque
• Principaux facteurs de risque en fonction de la topographie:

Topographie Facteurs de risque


Cavité buccale Alcool et tabac
Mauvaise hygiène bucco-dentaire
Oropharynx Alcool et tabac
Papillomavirus (Virus HPV, le sérotype 16 étant de loin le plus fréquent)
Larynx Alcool (sauf corde vocale) et tabac
Hypopharynx Alcool et tabac
Fosses nasales et sinus Exposition professionnelle aux poussières de bois
Cavum Virus EBV

► 12lf ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE...


121
Item 298

• Le risque de développer un cancer de la cavité buccale, du pharynx ou du larynx augmente avec la consom­
mation d'alcool. On estime que le risque de développer ces cancers chez les grands consommateurs d'alcool est
multiplié par 45. Il a été démontré que le risque de développer un cancer des voies aérodigestives supérieures
diminue après 10 ans d'arrêt de la consommation d'alcool et qu'après 20 ans, il ne diffère plus significativement
de celui des personnes qui n'ont jamais bu.
• Le risque de développer un cancer de la cavité buccale, du pharynx ou du larynx est lié au nombre de ciga­
rettes fumées chaque jour mais surtout à la durée durant laquelle on a fumé.
• L'infection par HPV est une maladie sexuellement transmissible.
• Le diagnostic de l'infection par HPV est fait à partir d'un prélèvement tumoral, soit par PCR qui est la méthode
de référence, soit en recherchant l'expression en immunohistochimie de la protéine pl6 (mais dont la corrélation
n'est pas parfaite).
• Les facteurs de risque d'une infection par HPV sont les rapports bucco-génitaux et la multiplicité des parte­
naires sexuels.
• Certains patients ont une intoxication éthylique et/ou tabagique et sont infectés par l'HPV.
• À noter que beaucoup plus de personnes sont infectées par HPV que de patients qui ne développent un cancer
lié à l'HPV.
• La recherche de l'EBV se fait par hybridation in situ à partir d'un prélèvement tumoral pour le cancer du cavum.
• L'adénocarcinome de !'ethmoïde est considéré comme une maladie professionnelle (travailleurs du bois).

3.2. Histoire naturelle


• Histologiquement apparaît d'abord une lésion précancéreuse (leucoplasie, érythroplasie, kératose, papilloma­
tose) qui évolue vers une dysplasie puis un carcinome in situ qui se développe enfin en un carcinome invasif.
• L'extension loco-régionale se fait en superficie et en profondeur vers les muscles/os/cartilages avant d'atteindre
les organes de voisinage.
• L'extension à distance se fait par:
- voie lymphatique via les relais jugulo-carotidiens (les cancers des VADS sont très lymphophiles);
- voie hématogène (essentiellement vers le poumon+++, mais aussi le foie, les os, rarement le cerveau);
• Les cancers synchrones ou métachrones sont fréquents (ORL+++, oesophage, poumon, vessie).

s 4. Généralités épidémiologiques des cancers des VADS


• Les cancers des VADS sont au s e rang des cancers les plus fréquents en France.
• Ils surviennent principalement chez l'homme (80 %).
• Avec un pic de fréquence entre 60 et 70 ans.
• Chez des patients ayant le plus souvent un niveau socio-économique bas.
• On observe une baisse de l'incidence chez l'homme (- 5,3 % par an en moyenne sur la période 2005-2012) due à
la baisse du tabagisme et de la consommation d'alcool.
• Mais une augmentation de l'incidence chez la femme (+1,1 % par an en moyenne sur la période 2005-2012) du
fait d'une augmentation du tabagisme et de la consommation d'alcool.
• Chaque année, 15000 personnes ont un diagnostic de cancer des VADS en France. Chaque année, 5000 patients
en meurent.
• Répartition topographique des cancers des VADS :

122
ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE••• 125 ◄
Topographie Répartition
Cavité buccale 20-25 %
Oropharynx 25 %
Larynx 30-35 %
Hypopharynx 15 %
Fosses nasales et sinus <1%
Cavum <1%

• Particularités des cancers de l'oropharynx liés à l'HPV:


- parité hommes/femmes ;
- les patients sont plus jeunes (45-55 ans);
- l'incidence augmente (ces cancers liés à l'infection virale représentent environ 30 % des cancers de l'oropharynx
en France);
- le pronostic est meilleur à stade égal.

A 5. Diagnostic positif
5.1. Circonstances de découverte
• Les cancers des VADS sont souvent pauci-symptomatiques.

.,..------------------
• Principaux signes cliniques selon la topographie tumorale :
Topographie Signes cliniques
-----,
Cavité buccale, oropharynx Ulcération infiltrée, souvent indolore
Tuméfaction
Trouble de la mobilité linguale
Otalgie réflexe
Mobilité dentaire ou instabilité prothétique
Gingivorragie
Dysphagie
Odynophagie
Anesthésie du V3
Larynx Dysphonie
Dysphagie
Dyspnée
Hypopharynx Dysphagie
Otalgie réflexe
Dysphonie
� Cavum
-----------------+-----------------------; Douleur
Signes rhinologiques :
- Obstruction nasale
- Rhinorrhêe
-Epistaxis
Signes otologiques :
- Dysfonction tubaire
-Oreille bouchée
- Hypoacousie
Signes neurologiques :
-Diplopie
-Acouphènes
___ -Névr�gie d�ijumeau __

► 126 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE... 123


Item 298

Ethmoïde Signes rhinologiques :


- Obstruction nasale
- Rhinorrhée
-Epistaxis
-Anosmie
Signes ophtalmologiques :
- Paralysie oculomotrice
- Exophtalmie
Signes neurologiques :
- Syndrome frontal
- Névralgie du trijumeau
Toute topographie Adénopathie cervicale isolée
Otalgie réflexe
Douleur

• Le caractère unilatéral et/ou la persistance dans le temps de ces signes doivent faire évoquer l'hyp othèse d'un
cancer.
• Un cancer des VADS doit également être suspecté en cas d'altération de l'état général et/ou d'amaigrissement
chez un patient à risque.

5.2. Diagnostic de certitude

Il repose sur l'examen histologique de biopsies réalisées sous endoscopie des VADS :
(Attention : élément fondamental à ne jamais oublier}
• l'examen est systématique;
• il se fait sous anesthésie générale;
• il explore la cavité buccale (Figure 2), l'oro (Figure 3) et l'hypo-pharynx, le larynx (Figure 4), et la partie supé­
rieure de l'œsophage;
• il permet la réalisation de biopsies guidées;
• il s'accompagne d'un compte rendu avec schéma daté et signé et éventuellement d'un enregistrement vidéo.

Figure 2. � Contenu multimédia. Carcinome épidermoïde de la langue


Photographie fournie par le Dr L Benichou, Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie,
Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph

124 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE... 127 ◄


Figure 3. � Contenu multimédia. Examen direct de la cavité buccale et de l'oropharynx:
carcinome épidermoïde amygdalien droit

Figure 4. Nasofibroscopie pharyngo laryngée: carcinome épidermoïde de la corde vocale gauche

B 6. Éléments du bilan des cancers des VADS


6.1. Bilan d'extension
• Tomodensitométrie cervico-thoracique avec injection de produit de contraste.
• IRM s'il s'agit d'un cancer du cavum, de l'oropharynx ou de la cavité buccale.

(Se souvenir : plutôt IRM au-dessus de l'os hyoïde, plutôt scanner en dessous de l'os hyoïde).

• Tomographie par émission de positons (TEP) : elle est indiquée devant un ganglion métastatique d'un cancer
primitif inconnu ou en cas de maladie à haut risque métastatique (> N2b).

► 128 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE...


125
''
Item 298

6.2. Bilan pré-thérapeutique


• Bilan orthophonique;
• Bilan odontologique: consultation spécialisée avec réalisation d'un orthopantomogramme. Des soins conserva­
teurs, voire des avulsions dentaires, doivent être effectués si nécessaire.

Ce bilan est fondamental afin de limiter le risque d'infection ou d'avulsion sur mâchoire irradiée, avec un
risque d'ostéoradionécrose.

• Bilan nutritionnel;
• Bilan respiratoire: le scanner thoracique est fait de façon systématique, éventuellement complété par une épreuve
fonctionnelle respiratoire (EFR) ;
• Bilan cardiovasculaire;
• Bilan biologique complet;
• Bilan gériatrique (au-delà de 70 ans), le cas échéant.

6.3. Classification TN M
La classification TNM des VADS ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

• La classification TNM varie selon les localisations.


• Les classifications sont données à titre d'exemple pour les cancers de la cavité buccale, de l'oropharynx, du larynx
et de l'hyp opharynx.
• Les cancers du cavum ont une classification à part.
• Une classification récente a été rédigée pour les cancers de l'oropharynx liés à l'HPV.
• Le statut M est simple, MO signifiant l'absence de métastase à distance, et Ml la présence de métastase(s) à dis­
tance.
• Cavité buccale et oropharynx:

Î1 � 2 cm

Î2 2 à 4 cm

T3 > 4 cm

T4 Envahissement du voisinage

• Larynx et hyp opharynx:


Î1 1 seule localisation du pharynx ou du larynx avec mobilité laryngée conservée (cordes vocales mobiles)

Î2 Plusieurs localisations du pharynx ou du larynx avec mobilité laryngée conservée

T3 Plusieurs localisations du pharynx ou du larynx avec une ou les 2 cordes vocales fixées
f-------

T4 Extension aux structures du voisinage (cartilage, os, peau)

126
• La classification N est commune aux cancers de la cavité buccale, de l'oropharynx, du larynx et de l'hypopharynx:
1
No Pas d'adénopathie

N1 1 adénopathie homolatérale:,; 3 cm

N2a 1 adénopathie homolatérale entre 3 cm et 6 cm


N2b Adénopathies multiples homolatérales:,; 6 cm
N2c Adénopathies bilatérales:,; 6 cm

N3 Adénopathie(s) > 6 cm

7. Evolution et pronostic
;

Ces notions ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations sont données
à titre indicatif.

7.1. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et de la cavité buccale


• Le pronostic des cancers de stade localisé est essentiellement loco-régional, avec un risque de récidive faible, mais
présente un enjeu fonctionnel majeur. Le pronostic est loco-régional et à distance (essentiellement pulmonaire)
pour les cancers avec envahissement ganglionnaire important, avec un risque de récidive de l'ordre de 50 %. Le
pronostic est meilleur si le cancer est développé dans le contexte d'une infection à virus HPV.
• Chez les patients survivants à long terme, le risque de développer un second cancer sur la même muqueuse à
risque, dans un territoire adjacent à celui traité ou sur un autre organe, surtout en absence d'arrêt des intoxica­
tions alcoolique et tabagique, est de 20 % à 5 ans.
• Le pronostic des patients éthylo-tabagiques est également lié aux comorbidités cardiovasculaires et pulmonaires.

7.2. Tumeurs des fosses nasales et des sinus


• Le pronostic de ces cancers est essentiellement local. Le risque d'extension ganglionnaire est faible. Les évolutions
métastatiques concernent surtout le poumon.

7.3. Tumeurs du cavum


• Les cancers indifférenciés du cavum, liés à l'EBV, s'accompagnent souvent d'un envahissement ganglionnaire
(80 % des cas au diagnostic) qui est bilatéral dans 50 % des cas (ganglions rétro-pharyngés et postérieurs). Leur
pronostic est meilleur que celui de la majorité des cancers épidermoïdes des VADS liés au tabac et à l'alcool.
• La surveillance de tous ces cancers se fait par l'examen clinique et par l'imagerie.

A 8. Généralités sur la prévention en cancérologie des VADS


• La lutte contre le tabagisme et l'éthylisme chronique est un objectif de santé publique afin de diminuer la préva­
lence des cancers des voies aérodigestives supérieures.
• Concernant les cancers de l'oropharynx liés à l'HPV dont la prévalence augmente, un programme de vaccination
des garçons et des filles est en cours afin de tenter d'éradiquer complètement l'infection par l'HPV.

► 1]0 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE...


127
Item 298

9. Approches thérapeutiques
Le traitement des tumeurs des VADS ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

9.1. Principes généraux


9.1.1. Chirurgie
• La chirurgie est indiquée sur les tumeurs dont le stade autorise la résécabilité. En général, la chirurgie concerne le
site primitif et les aires ganglionnaires cervicales. L'utilisation de lambeaux de recouvrement est possible.

9. 1.2. Radiothérapie
• La radiothérapie est utilisée dans 95 % des cancers ORL en traitement exclusif ou post-opératoire, seule ou
associée à une chimiothérapie concomitante. Elle est fractionnée et s'étale sur 6 à 7 semaines selon qu'elle est
post-opératoire ou exclusive.
• La toxicité aiguë intervient après 3 semaines de traitement et comporte principalement 5 effets principaux:
- la radiomucite (qui disparaît un mois après la fin de la radiothérapie);
- la radiodermite (qui disparaît également un mois après la fin de la radiothérapie);
- la dysgueusie (qui disparaît plusieurs mois après la fin de la radiothérapie);
- l'hyposialie (qui disparaît 2 ans après la fin de la radiothérapie s'il y a eu traitement en radiothérapie
conformationnelle en modulation d'intensité (RCMI). En cas d'irradiation conventionnelle, elle est définitive);
- l'hypothyroïdie.
• La toxicité tardive n'est pas systématique et peut survenir plusieurs années après le traitement. Il peut s'agir:
- d'ostéoradionécrose, favorisée par des gestes d'avulsion dentaire;
- de fibrose buccale et cervicale.

9.1.3. Chimiothérapie
• La chimiothérapie des cancers ORL peut être prescrite dans plusieurs circonstances:
- En situation néo-adjuvante dans un contexte le plus souvent de tentative de préservation d'organe (carcinome
épidermoïde du larynx). Il s'agit d'un traitement faisant appel ici à une poly-chimiothérapie par cisplatine,
5 fluoro-uracile (SFU) et docétaxel dont l'objectif est de réduire la taille tumorale de 80 % à l'issue des 3 premiers
cycles pour envisager alors l'irradiation de la tumeur dans un objectif curatif.
- De façon concomitante à la radiothérapie, soit en post-opératoire (pour les carcinomes épidermoïdes à haut
risque de rechute), soit dans le cadre d'une chimio-radiothérapie exclusive (lorsque la tumeur est en place). Ici,
on utilise une mono chimiothérapie par cisplatine seul.
- Dans un contexte palliatif: pour un cancer métastatique d'emblée ou en raison d'une rechute (loco-régionale
et/ou métastatique). Le traitement de référence en première ligne associe le cisplatine, le SFU et le cétuximab
(anticorps monoclonal ciblant l'EGFR). En 1 re ligne de récidive, les inhibiteurs de PD-1 sont devenus le
traitement de référence seuls ou en association avec une chimiothérapie par platine et SFU chez les patients
dont la tumeur ou les cellules immunes expriment PDL-1 (85% des patients).

Dans tous les cas, le taux élevé de comorbidités des patients ORL nécessite que ces traitements soient délivrés
en milieu spécialisé par des oncologues ayant l'expérience de ces patients.
�· . � -- · ·- · ............ .. ···················· ···· · ·· · ········ ·· ···· ···· · · · · ·· ·· · · -� ·
,

128
ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE... 1]1 ◄
9.2. Cancers de l'oropharynx, hypopharynx, larynx et de la cavité buccale
• Le traitement des cancers de la cavité buccale met en jeu la préservation des fonctions manducatoire, d'élocu­
tion, de déglutition et la restauration prothétique dentaire. Classiquement, le traitement est chirurgical en pre­
mier, suivi - selon les facteurs pronostiques reconnus à l'examen de la pièce opératoire - d'une radiothérapie ou
d'une chimio-radiothérapie post-opératoire. Les réhabilitations sont envisagées après cicatrisation complète, au
minimum 3 mois après la fin des traitements.
• Le traitement des cancers de l'oropharynx peut être également chirurgical mais est plus fréquemment basé sur
une radiothérapie exclusive ou une chimio-radiothérapie devant une maladie localement avancée.
• La problématique des cancers du larynx et de l'hypopharynx repose sur le respect de l'intégrité des filières
aéra-digestives. Les protocoles de préservation laryngée évitent à plus de 70 % des patients une laryngectomie
totale avec trachéotomie définitive. L'apprentissage de la voix œsophagienne doit débuter dès la cicatrisation de
la mucite post-radique obtenue.

9.3. Tumeurs des fosses nasales et des sinus


• Le problème majeur de la prise en charge concerne la reconstruction suivant l'exérèse. Les techniques modernes
de radiothérapie ont considérablement réduit les risques de toxicité oculaire.

9.4. Tumeurs du cavum


• Le traitement repose sur une association chimio-radiothérapie avec des sels de platine. L'irradiation se complique
fréquemment d'une otite séreuse qui doit souvent être drainée.

► 132 ÎUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE•••


129
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 298:
« TUMEURS DE LA CAVITÉ BUCCALE, NASO·SINUSIENNES ET DU CAVUM,
ET DES VOIES AÉRO·DIGESTIVES SUPÉRIEURES»

Situation de départ f Descriptif


1
En lien avec la prévention
314. Prévention des risques liés au tabac La prévention primaire et secondaire de ces tumeurs repose
303. Prévention / dépistage des cancers de l'adulte sur la lutte contre le tabagisme et l'éthylisme chronique.
Signes cliniques en lien avec la localisation cervico-faciale
14. Émission de sang par la bouche Les cancers de l'oropharynx sont la plupart du temps
16. Adénopathies unique ou multiples révélés par une dysphagie haute, une otalgie homolatérale
et une adénopathie cervicale.
52. Odynophagie/dysphagie Toute gêne pharyngée ou otalgie réflexe apparue chez un
62. Troubles de déglutition ou fausse route adulte, sans terrain infectieux évident, doit faire penser à
une tumeur de l'oro ou de l'hypopharynx.
140. Baisse de l'audition/surdité
La dysphonie est le symptôme principal des tumeurs du
143. Diplopie plan glottique (cordes vocales).
144. Douleur cervico-faciale Le cancer du cavum peut se présenter sous la forme d'une
adénopathie cervicale isolée. Ce cancer peut être suspecté
145. Douleur pharyngée
devant des symptômee naso-sinusiens, otologiques
146. Dysphonie (surtout unilatéraux) et des signes neurologiques en
147. Épistaxis rapport avec une extension basi-crâniennes (paires V, VI et
IX essentiellement).
150. Limitation de l'ouverture buccale Un bilan chez un spécialiste ORL doit être envisagé en
153. Otalgie première intention dans ce contexte.
155. Rhinorrhée
17. Amaigrissement
21. Asthénie
30. Dénutrition/malnutrition
31. Perte d'autonomie progressive
En lien avec le bilan diagnostique du cancer des VADS
178. Demande / prescription raisonnée et choix d'un Le diagnostic de certitude d'un cancer des VADS repose sur
examen diagnostique l'examen histologique en anatomo- pathologie de biopsies
231. Demande d'un examen d'imagerie réalisées sous endoscopie des VADS. Ne pas oublier
l'évaluation du statut viral des tumeurs du cavum (EBV) ou
233. Identifier / reconnaître les différents examens de l'oropharynx (HPV).
d'imagerie (type/fenêtre/ séquences/in ci den ces/ Pour le bilan d'extension loco-régional, une imagerie par
injection) IRM est plutôt recommandée pour les tumeurs situées
232. Demande d'explication d'un patient sur le au-dessus de l'os hyoïde, tandis que le scanner est
déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un recommandé pour les tumeurs situées au-dessous de l'os
examen d'imagerie hyoïde.
238. Demande et préparation aux examens endo-
scopiques (ORL)
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire / biopsie
180. Interprétation d'un compte rendu d'anato-
mopathologie

130
131
'
Item 299

CHAPITRE ► Tumeurs intracrâniennes


>-----------------------------------------

Pr Olivier Chinot', Pr Georges NoeP, Pr Elizabeth Cohen-Jonathan MoyaP, Pr Bruno Chauffert


'Service de Neuro-Oncologie, AP-HM, CHU Timone, Marseille
'Service de Radiothérapie, Centre Paul Strauss, Strasbourg
3
Département de Radiothérapie, Centre Claudius Regaud, Toulouse

OBJECTIFS: N ° 299. TUMEURS INTRACRÂNIENNES


➔ Diagnostiquer une tumeur intracrânienne.
➔ Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------·
1. Définitions, nosologie 5. Évolution, pronostic
1.1. Les tumeurs intracrâniennes primitives 5.1. Pronostic des gliomes
1.2. Les métastases (tumeurs secondaires) 5.2. Pronostic des métastases
2. Classification histo-moléculaire 6. Principes thérapeutiques
2.1. Tumeurs primitives 6.1. Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) et Plan
2.2. Les métastases Personnalisé de Soins (PPS)
3. Épidémiologie 6.2. Chirurgie
3.1. Épidémiologie descriptive 6.3. Radiothérapie
3.2. Facteurs de risque 6.4. Chimiothérapie et chimio-radiothérapie
4. Diagnostic 6.5. Soins de support
4.1. Formes et symptômes cliniques 6.6. Situations d'urgence: identification et prise en charge
4.2. Imagerie
4.3. Bilan d'extension
4.4. Diagnostic différentiel
�-----------------------------------------· ·-----�-------�----------------------------------------�-------------·
'
Rang Rubrique Intitulé -- - -
A Définition Principaux types et localisations des tumeurs intracrâniennes. Savoir distinguer: tumeur
primitive/secondaire, de l'encéphale/des annexes, bénigne/maligne, fréquente/rare, sus
ou sous tentorielle
A Définition Connaître la distinction entre tumeur provenant du SNC et tumeur provenant de ses
annexes
B Définition Connaître les principaux types histologiques des tumeurs cérébrales : méningiome et
adénome hypophysaire/tumeurs gliales de bas grade et de haut grade (glioblastome) /
métastases
B Prévalence, Connaître les principaux types de tumeurs primitives intracrâniennes et leur origine
épidémiologie --- --- - -
A Diagnostic positif Connaître les principaux tableaux cliniques devant faire évoquer une tumeur intracrânienne
B Examens Connaître la stratégie d'exploration en imagerie devant une tumeur intracrânienne de
complémentaires l'adulte
A Diagnostic positif Décrire la recherche systématique de cancer primitif à effectuer devant une métastase
cérébrale
c-- _,__ -- - -- --- -
- - --
A Identifier une Connaître les deux principales urgences (HTIC, épilepsie) révélant ou compliquant
urgence l'évolution d'une tumeur cérébrale
--- ---
B Suivi et/ou Connaître les principes de la prise en charge de l'HTIC et de l'épilepsie chez un patient
pronostic porteur d'une tumeur intra-cérébrale

135 ◄
132
ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES
• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

A 1. Définitions, nosologie
• Les tumeurs intracrâniennes forment une large gamme de maladies rassemblant des tumeurs bénignes n'impac­
tant que peu la survie et des tumeurs malignes, d'agressivité très variable, mais ayant souvent un mauvais
pronostic à court ou moyen terme.
• Il faudra distinguer :
- les tumeurs de l'encéphale (intracrâniennes et intracérébrales) se développant dans le parenchyme cérébral,
des tumeurs des annexes (intracrâniennes et extra-cérébrales) se développant aux dépens des méninges, de
l'hypophyse ;
- les tumeurs primitives du système nerveux central (SNC) des tumeurs secondaires (métastases).

1.1. Les tumeurs intracrâniennes primitives


• Les tumeurs intracrâniennes primitives proviennent des cellules et des tissus du SNC et de ses annexes. Le
Tableau 1 indique les principaux typ es et sous-typ es et leur origine.

Tumeurs du tissu nerveux et des annexes


Gliomes de grade Astrocytes (astrocytomes) Parenchyme cérébral
1 astrocytome pilocytique ou cérébelleux
ou tronc cérébral

Gliomes de grade: Astrocytes (astrocytomes) Parenchyme cérébral


Il bas grade Oligodendrocytes ou cérébelleux
111 anaplasique (Oligodendrogliomes) ou tronc cérébral
IV glioblastome

Méningiome Cellules arachnoïdiennes Méninges (cortex, faux, tente,


base du crâne)
Tumeurs épendymaires Cellules épendymaires tapissant Parois ventriculaires
(épendymome) les cavités du SNC
Tumeurs pinéales Parenchyme pinéal Région pinéale

Médulloblastome et autres Cellules embryonnaires Cervelet


tumeurs embryonnaires

Schwannome Gaine des nerfs Neurinome du VIII

Tumeurs d'autres tissus


Lymphome cérébral et/ou Tissu lymphoïde Sus- et sous-tentorielle
oculaire primitif Périventriculaire
Germinome Cellules germinales totipotentes Pinéale
(cf. tumeurs germinales (+/- supra-sellaire)
gonadiques)
Adénome hypophysaire Parenchyme hypophysaire Hypophyse

► 136 TUMEURS INTRACRÂNIENNES


133
Item 299

1.2. Les métastases (tumeurs secondaires)


• Les métastases (tumeurs secondaires) sont les tumeurs les plus fréquentes.
• Elles peuvent concerner:
- le parenchyme cérébral (cerveau, cervelet);
- et/ou les méninges.
• Elles peuvent être révélatrices, ou découvertes lors du bilan d'extension de la tumeur primitive (métastases syn­
chrones) ou survenir au cours de l'évolution (métachrones).
• Les cancers qui métastasent le plus souvent au niveau du SNC sont les cancers du poumon, du sein, du rein et les
mélanomes. La survenue de métastases cérébrales au cours de l'évolution des cancers colorectaux ou de l'ovaire
est néanmoins possible.
• La survenue de métastases marque souvent un tournant péjoratif dans l'évolution clinique. Le traitement néces­
site la prise en compte du cancer primitif.

B 2. Classification histo-moléculaire

2.1. Tumeurs primitives


2.1.1. Les Gliomes
• La classification OMS 2016 appliquée aux tumeurs gliales impose la détermination de deux anomalies molécu­
laires qui ont une valeur diagnostique et pronostique majeure (mutations de IDHl ou de IDH 2 et codélétion au
niveau des chromosomes lp et 19q). Ces anomalies déterminent le type histologique, astrocytome ou oligoden­
drogliome (Figure 1). Le grade, ensuite appliqué, est basé sur des arguments morphologiques (mitoses, prolifé­
ration endothélio-capillaire, nécrose).
• Le grade histologique :
- I: astrocytome pilocytique de l'enfant;
- II: gliome de bas grade;
- III: gliome anaplasique;
- IV: glioblastome.
• D'autres anomalies, analysables en immuno-histochimie ou en biologie moléculaire, peuvent aider au diagnostic.
• Les glioblastomes peuvent survenir de nova ou résulter de l'aggravation histologique d'un gliome de grade
inférieur II ou III.
• La méthylation du promoteur de la méthyl-guanine-méthyl transférase (MGMT) est un critère de meilleur pro­
nostic et de meilleure sensibilité aux alkylants.

134
ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 137 ◄
Figure 1. Classification simplifiée des gliomes selon l'OMS 2016

1p/19q
codélété
Grade Il Grade Ill
Oligodendrogliome

IDH-muté
/ 1p/19q
non codélété

Grade Il Grade Ill Grade IV


Astrocytome IDH muté, 1 p/19q non codélété

1p/19q
\ IDH-wHd typo non codélété

Grade Il Grade Ill Grade IV


Astrocytome IDH wild type (1p/19q non codélété)

2.1..2. Autres tumeurs malignes primitives


• Pour les médulloblastomes, il faut chercher les mutations Sanie hedge hog (SHH) qui ont une valeur pronostique
et théranostique (indication de médicaments inhibiteurs des SHH).
• Pour les tumeurs germinales (tumeurs de la région pinéale ou supra-sellaire chez l'enfant ou l'adulte jeune), il
faut doser les marqueurs alpha-fœtoprotéine et HCG dans le sang et le liquide céphalorachidien qui contribuent
au diagnostic, au pronostic et au suivi thérapeutique.

2.1..3. Les méningiomes


• Les méningiomes doivent être gradés selon la classification histologique de l'OMS qui reflète le risque de
récidive:
- grade OMS I (bénin);
- grade OMS II (atypique);
- grade OMS III (anaplasique).
• Le risque de récidive dépend aussi de la topographie qui influence la qualité de la résection, évaluée selon la
classification de Simpson :
- grade 1 : exérèse macroscopiquement complète intéressant l'attache durale et de l'éventuel envahissement
osseux;
- grade 2 : exérèse macroscopiquement complète avec coagulation de l'insertion durale;
- grade 3 : exérèse macroscopiquement complète sans coagulation de l'insertion durale ou sans résection de
l'envahissement osseux;
- grade 4 : exérèse incomplète;
- grade 5 : simple biopsie.

► 1]8 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES


135
Item 299

2.2. Les métastases


• L'histologie des métastases répond à celle des cancers d'origine. En l'absence de tumeur primitive connue, elles
devront être réséquées ou biopsiées à visée diagnostique.
• On recherchera alors des signes d'orientation histologique:
- récepteurs à l'œstradiol et à la progestérone, surexpression de la protéine HER2 pour les cancers du sein;
- expression de TTFl et recherche des mutations activatrices de l'EGFR, ROS, ALK pour les adénocarcinomes
pulmonaires;
- mutations de B-RAF pour les mélanomes.

,_
B 3. Epidémiologie

3.1. Épidémiologie descriptive


3.1..1.. Pour les tumeurs primitives du SNC
• Les chiffres sont connus pour les tumeurs primitives du SNC grâce au recensement national. L'incidence est de
15/100 000, soit 1,2 % des cancers.
• Chez l'adulte, les gliomes sont les tumeurs les plus fréquentes (42 %, dont une majorité de glioblastomes qui
représentent 2 500 nouveaux cas par an en France), suivis des méningiomes (32 %). Le sex-ratio H/F est de
l'ordre de 1,3 à 1,8 selon l'histologie. Les méningiomes sont plus fréquents chez la femme.
• Chez l'enfant, les tumeurs cérébrales sont les cancers les plus fréquents après les leucémies. Elles sont repré­
sentées principalement par les gliomes diffus du tronc cérébral, les astrocytomes pilocytiques, les médulloblas­
tomes du cervelet et les épendymomes.

3.1..2. Pour les métastases


• Il est difficile de donner des chiffres précis pour les métastases qui ne sont pas recensées en tant que telles par les
registres de tumeurs.
• Les autopsies montrent que les atteintes infra-cliniques sont plus fréquentes que les lésions diagnostiquées du
vivant des patients.
• Les métastases au SNC intéresseraient au moins 20 % des cancers.

3.2. Facteurs de risque


• Les causes des tumeurs intracrâniennes primitives sont la plupart du temps inconnues.

3.2.1.. Susceptibilité génétique


• Une susceptibilité génétique est observée dans certains syndromes héréditaires (phacomatoses) :
- gliomes des voies optiques dans la neurofibromatose de type 1;
- gliomes, neurinomes du VIII et méningiomes dans la neurofibromatose de type 2;
- astrocytomes sous-épendymaires à cellules géantes dans la sclérose tubéreuse de Bourneville;
- gliomes dans le syndrome de Li-Fraumeni (mutation germinale de p53);
- formes familiales de gliomes sans gène identifié.

139 ◄
136
ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES
3.2.2. Facteurs environnementaux
• Les facteurs environnementaux identifiés sont les antécédents d'irradiation (méningiomes et gliomes). Il n'y a
pas de preuve absolue que l'alimentation, le tabac, l'exposition aux pesticides ou aux rayonnements non ionisants
(téléphones portables, lignes à haute tension) soient impliqués.
• Les méningiomes sont plus fréquents chez la femme et possèdent des récepteurs à l'œstradiol; leur découverte
doit faire arrêter une contraception œstroprogestative ou un traitement substitutif de la ménopause ou un traite­
ment par acétate de cyprotérone.
• Les lymphomes cérébraux primitifs peuvent survenir chez les patients immunocompétents et, avec un risque
majoré, chez les patients immunodéprimés (greffés, infection VIH non traitée).

A 4. Diagnostic

4.1. Formes et symptômes cliniques


• Les circonstances cliniques devant faire évoquer le diagnostic sont souvent les mêmes, quelle que soit
l'histologie.

4.1..1.. Le syndrome d'hypertension intracrânienne (HTIC)


• Le syndrome d'hyp ertension intracrânienne (HTIC) est souvent progressif, parfois brutal s'il y a hémorragie
ou poussée œdémateuse, avec :
- céphalées quotidiennes matinales (ou en deuxième partie de nuit), tendant à s'estomper dans la journée,
d'accentuation progressive;
- nausées, matinales ou en fin de nuit, sans autre symptôme digestif;
- vomissements, parfois en jet sans nausées, soulageant les céphalées. Des vomissements isolés, sans nausées, ni
céphalées, peuvent égarer le diagnostic ;
- troubles de la vigilance allant de l'obnubilation au coma;
- paralysie du VI (nerf droit latéral) avec diplopie, sans valeur localisatrice;
- signes d'engagement:
► temporal pour les tumeurs sus-tentorielles, avec compression du tronc cérébral (hémiparésie), atteinte
des faisceaux pyramidaux, paralysie du III (nerf moteur oculaire commun) entraînant ptosis, diplopie et
mydriase unilatérale aréactive;
► amygdalien pour les tumeurs de la fosse postérieure avec raideur de nuque, torticolis et au final perturbations
respiratoires, cardiaques et tensionnelles pouvant entraîner la mort.
• L'HTIC procède d'un œdème du parenchyme cérébral et/ou d'un trouble de la circulation du liquide céphalo­
rachidien (hydrocéphalie).

4.1..2. Les crises d'épilepsie


• Partielles, parfois à valeur localisatrice, sans perte de conscience.
• Motrices (Bravais-Jackson), simples à reconnaître, avec des convulsions cloniques débutant aux extrémités des
membres.
• Sensitivo-motrices, sensorielles ou à sémiologie complexe: hallucinations visuelles, auditives, gustatives, olfac­
tives ; troubles phonatoires ou phasiques, troubles végétatifs, mnésiques (impression de déjà-vu), anomalie du
comportement, crises douloureuses abdominales.

► 1lt0 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES


137
Item 299

Les crises comitiales complexes (exemple des crises temporales) peuvent faire errer le diagnostic.

- Le déroulement bref, résolutif et surtout stéréotypé de ces épisodes, doit faire évoquer une origine épileptique.
- Crises généralisées d'emblée ou secondairement.

Toute première crise comitiale doit faire demander une IRM cérébrale et un EEG (qui peut cependant être
normal en intercrise).

4.1.3. Les déficits neurologiques


• Ils sont souvent d'évolution progressive (en tâche d'huile) avec valeur localisatrice:
- déficits moteurs : monoparésie, hémiparésie, avec syndrome pyramidal (signe de Babinski) pour une
localisation frontale ;
- déficits sensitifs: hyp oesthésie ou dysesthésies pour une atteinte pariétale ;
- déficits phasiques: atteinte du lobe temporal dominant ;
- déficits visuels: diminution ou perte de l'acuité visuelle uni- ou bilatérale, hémianopsie: atteinte temporale
interne et/ou occipitale.

4.1.4. Les troubles cognitifs ou comportementaux


• Un syndrome dépressif, un syndrome confusionnel, un syndrome démentiel d'évolution rapide, un syndrome
frontal (aboulie ou instabilité émotionnelle, désinhibition, rétropulsion à la marche, grasping) doivent faire
demander au moins un scanner, ou - mieux - une IRM, avant de conclure à tort à une pathologie psychiatrique
ou dégénérative.

4.1.5. Les signes évocateurs d'une localisation et/ou d'un type tumoral
• Des troubles de l'équilibre, des vertiges, une ataxie et/ou un syndrome cérébelleux cinétique évoquent une tumeur
de la fosse postérieure.
• Des atteintes des paires crâniennes (surtout si elles sont multiples) font rechercher une tumeur du tronc cérébral
ou une atteinte méningée.
• Un déficit auditif unilatéral doit faire évoquer un neurinome du nerf auditif (VIII).
• Un adénome hypophysaire peut se traduire par un déficit du champ visuel lié à une compression chiasmatique
ou un syndrome endocrinien d'hypersécrétion (adénome à prolactine, adénome corticotrope avec syndrome de
Cushing, adénome à somathormone avec acromégalie). L'adénome hyp ophysaire peut être non secrétant après
un bilan endocrinien complet.
• Une polyglobulie peut conduire au diagnostic d'un hémangioblastome du cervelet.

4.1.6. Une découverte fortuite


• Un tableau neurologique brutal (coma) peut être en relation avec un saignement intra-tumoral, méningé ou
ventriculaire ou une poussée d'HTIC.
• Une découverte fortuite pour des tumeurs d'évolution lente comme les méningiomes ou les gliomes de bas grade
lors d'une imagerie réalisée pour des signes cliniques atyp iques (céphalées chroniques, vertiges) ou après un
traumatisme.

138
ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 141 ◄
B 4.2. Imagerie
4.2.1.. la tomodensitométrie
• La tomodensitométrie avant puis après injection de produit de contraste, est un examen de débrouillage rapide
mais insuffisant.

4.2.2. l'imagerie par résonance magnétique (IRM)


L'imagerie par résonance magnétique (IRM) est l'examen de référence.

• L'IRM doit comporter:


- des séquences en Tl, avant puis après injection de produit de contraste (gadolinium), pour rechercher un
réhaussement de la lésion, témoin d'une prolifération vasculaire et d'une rupture de la barrière hémato­
encéphalique (BHE) qui reflète le plus souvent un grade histologique élevé;
- des séquences T2 (FLAIR et/ou FST2) qui visualisent l'œdème péritumoral ou une infiltration tumorale
gliomateuse sans rupture de la BHE.
• Les éléments sémiologiques à analyser incluent:
- présence d'une lésion tumorale OU d'une image évoquant un autre diagnostic (lésion infectieuse, ischémique,
hémorragique, traumatique) OU d'une anomalie de développement (malformation artério-veineuse, DNET:
dysembryoplasie neuronale);
- localisation intra- ou extra-parenchymateuse;
- caractère unique ou multiple du processus;
- localisation sus- ou sous-tentorielle; corticale, sous-corticale et/ou profonde, extension anatomique;
- caractère infiltrant et/ou charnu; calcifications; composante hémorragique;
- rehaussement par le produit de contraste et, le cas échéant, rehaussement homogène ou hétérogène ; aspect
de nécrose;
- présence d'un œdème associé à la masse charnue;
- effet de masse (sillons, ventricules, ligne médiane, engagements).
• Les aspects IRM orientent souvent le diagnostic (Figure 2):
- glioblastome : image intra-parenchymateuse, à contours irréguliers, le plus souvent unique, prenant le
contraste, avec aspect de nécrose centrale, œdème péritumoral important et effet de masse (Figure 2 a);
- gliome de grade II : image infiltrative, en hyp osignal Tl, ne prenant pas le contraste en Tl gadolinium mais
bien visible (hyp ersignal) en T2 flair (Figure 2 b);
- méningiome : masse adossée à la méninge, refoulant le cortex, se rehaussant de façon intense et homogène
avec une base d'implantation sur la méninge souvent épaissie (Figure 2 c);
- médulloblastome: image du vermis cérébelleux, prenant le contraste chez l'enfant ou l'adulte jeune (Figure
2 d);
- lymphome : lésion prenant le contraste de façon homogène, sans nécrose, à bords nets, de topographie
périventriculaire, souvent multifocale (Figure 2 e);
- métastases : images uniques ou multiples, plutôt corticales, plus ou moins sphériques, prenant le contraste,
avec un aspect souvent en cocarde dû à une nécrose centrale (Figure 2 f). Œdème variable;
- neurinome du VIII: tumeur de l'angle ponto-cérébelleux;
- adénome hypophysaire: tumeur hyp ophysaire pouvant s'étendre au chiasma;

Une image, même caractéristique, doit être complétée par une analyse histologique obtenue par exérèse ou
biopsie stéréotaxique en cas de tumeur maligne appelant une radiothérapie et/ou une chimiothérapie.

► 142 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 139


Item 299

Figure 2. IRM caractéristiques de tumeurs cérébrales

Figure 2 a: Glioblastome temporo-pariétal Figure 2 b : Gliome de grade Il (oligo­


gauche. Homme de 70 ans. Céphalées, dendrogliome) fronto-pariétal droit.
troubles phasiques avec des paraphasies Femme de 47 ans. Céphalées chroniques.
sémantiques, discret manque de mots, Dépression. IRM, T2 flair : image
troubles de la compréhension aux ordres infiltrative bien visible (hypersignal) en
complexes invalidant peu le langage T2 flair mais ne prenant pas le contraste
spontané. IRM, T1 gadolinium : image en T1 gadolinium (non montré).
intra-parenchymateuse, à contours
irréguliers, prenant le contraste, avec
nécrose centrale, œdème péritumoral et
effet de masse.

Figure 2 c : Méningiome du sinus Figure 2 d : Médulloblastome cérébelleux


caverneux droit. Femme de 49 ans. droit. Homme de 25 ans. HTIC. IRM,
Céphalées, diplopie sur atteinte VI droit. T1 gadolinium : masse de la fosse
IRM, T1 gadolinium : image se rehaussant postérieure prenant le contraste chez un
de façon intense et homogène après enfant ou un adulte jeune.
injection et homogène avec une base
d'implantation sur la méninge.

140
ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 143 ◄
Figure 2 e : Lymphome B à grandes Figure 2 f: Métastases. Homme de 53 ans.
cellules. Homme de 62 ans. Apathie et Antécédentd'adénocarcinomerénalopéré.
troubles cognitifs. IRM T1 gadolinium : Hémiparésie gauche régressive sous corti­
image prenant le contraste de façon coïdes. IRM, T1 gadolinium : images
homogène, sans nécrose, de topographie multiples, plus ou moins ovoïdes, prenant
périventriculaire. le contraste, avec un aspect en cocarde dû
à une nécrose centrale.

If.]. Bilan d'extension


4.3.1. Les tumeurs intracrâniennes primitives
• Les tumeurs intracrâniennes primitives ont un pouvoir métastatique en dehors du système nerveux central
exceptionnel et un bilan d'extension est inutile. Par contre, elles peuvent métastaser en suivant l'écoulement du
LCR pour former des tumeurs secondaires intra-névraxiques (médulloblastome, épendymomes, lymphomes, ger­
minomes), voire des méningites tumorales (gliomes).
• Une IRM médullaire est requise pour le bilan et le suivi des médulloblastomes, des épendymomes et des lym­
phomes.

4.3.2. Les métastases cérébrales


• Les métastases cérébrales doivent faire rechercher le cancer primitif par:
- l'examen clinique complet avec palpation des seins, de l'abdomen, des aires ganglionnaires et de la thyroïde;
- un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) injecté;
- un TEP-TDM si le scanner TAP est douteux ou négatif.
• La biopsie de la tumeur primitive ou de métastases extracrâniennes est plus simple et moins risquée qu'une biop­
sie de la (des) localisation(s) cérébrale(s).

If.If. Diagnostic différentiel


• L'IRM, complétée par des séquences de diffusion, de perfusion et métaboliques (spectroscopie) permet le plus
souvent d'éliminer une atteinte non tumorale:

► 144 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES


141
Item 299

- abcès cérébral+++: prise de contraste annulaire (coque), contexte infectieux (mais fièvre inconstante);
- toxoplasmose cérébrale (contexte d'immunosuppression);
- encéphalite, notamment à virus Herpes ;
- sclérose en plaques à forme pseudo-tumorale;
- accident vasculaire ischémique ou hémorragique (même si une hémorragie peut révéler une tumeur);
- malformation vasculaire (MAV: malformation artério-veineuse);
- dysplasie cérébrale.
• En cas de doute, une biopsie stéréotaxique doit être discutée.

L'évolution et le pronostic des tumeurs cérébrales ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de cet
item et ces informations sont données à titre indicatif.

,.
5. Evolution, pronostic
• L'évolution et le pronostic des tumeurs intracrâniennes est variable selon leur nature, leur agressivité histologique
et les possibilités thérapeutiques.
• Certaines tumeurs peuvent être guéries par la chirurgie seule (astrocytome pilocytique de l'enfant, épendymome
de grade I, méningiome de grade 1), par la chirurgie associée à la radiothérapie et à la chimiothérapie (médullo­
blastome, germinomes), par la chimiothérapie seule (lymphome).
• D'autres tumeurs sont plus ou moins rapidement mortelles malgré les traitements (gliomes de haut grade).

5.1. Pronostic des gliomes


• Les facteurs influençant le pronostic des gliomes incluent:
- l'âge;
- l'état général (indice OMS ou indice de Karnofsky), l'état neurologique et cognitif;
- le type/grade du gliome (et donc le statut de mutation IDH et codélétion lp/19q).
• La combinaison de ces facteurs pronostiques définit des sous-groupes de patients dont la médiane de survie varie
de quelques mois (glioblastome du sujet âgé) à plus de 15 ans (oligodendrogliome de grade II avec mutation IDH
et codélétion lpl9q).

5.2. Pronostic des métastases


• Les facteurs de meilleur pronostic sont:
- âge < 60 ans;
- performance status OMS ::; 1;
- certains sous-types moléculaires avec médicaments disponibles comme l'expression des récepteurs hormonaux
ou du récepteur HER2 pour les cancers du sein;
- métastase unique;
- maladie métastatique systémique contrôlée.

Les principes thérapeutiques des tumeurs cérébrales ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de
cet item et ces informations sont données à titre indicatif.

142
ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 145 ◄
6. Principes thérapeutiques

6.1. Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) et Plan


Personnalisé de Soins (PPS)
• Les dossiers doivent être discutés à toutes les étapes de la maladie (diagnostic, premier traitement, récidive) en
Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) spécialisée de neuro-oncologie regroupant neurochirur­
giens, oncologues radiothérapeutes, neuro-oncologues et/ou oncologues médicaux et neuroradiologues. La pré­
sence à la RCP des anatomo-pathologistes et des équipes de soins de support est souhaitable.
• Un plan personnalisé de soins (PPS) doit être remis au patient et à la personne de confiance dont le rôle est très
important pour ces maladies qui peuvent altérer les capacités cognitives.

6.2. Chirurgie
• Le neurochirurgien intervient dans le diagnostic, la prise en charge de l'urgence, le traitement des tumeurs
initiales et des récidives.
• La biopsie s'impose quand !'exérèse tumorale ne paraît pas possible d'emblée. Le choix entre biopsie stéréo­
taxique et biopsie chirurgicale sera guidé par la localisation et le risque hémorragique.
• La résection chirurgicale optimale débute la séquence thérapeutique lorsqu'elle est possible.
- L'exérèse doit être la plus large possible, tout en respectant les fonctions neurologiques dont l'altération
compromettrait la qualité de vie post-opératoire. Des aides techniques (IRM fonctionnelle et IRM en tenseur de
diffusion préopératoires, neuronavigation, stimulation per-opératoire du cortex et des faisceaux de substance
blanche, cartographie per-opératoire en chirurgie éveillée, IRM per-opératoire, fluorescence per opératoire
par la 5-ALA) peuvent aider à optimiser !'exérèse chirurgicale.
- L'évaluation de la qualité de la résection doit être effectuée par une IRM post-opératoire précoce dans les 48
heures.
- L'exérèse chirurgicale seule est souvent curative dans les tumeurs à histologie favorable (astrocytome
pilocytique de l'enfant, épendymome, méningiome). Elle doit être suivie d'un traitement complémentaire
pour les gliomes, les médulloblastomes, les métastases.

Un avis neurochirurgical doit être pris en urgence en cas de syndrome de masse avec engagement qui
peut nécessiter une exérèse tumorale partielle ou en cas de trouble de l'écoulement du LCR (hydrocéphalie)
qui exige une dérivation externe ou interne (vers le péritoine) ou une ventriculocisternostomie endoscopique.

6.3. Radiothérapie
• La radiothérapie des tumeurs cérébrales primitives est utilisée comme complément de la chirurgie ou de
manière exclusive. Il s'agit d'une radiothérapie externe délivrant des rayonnements X issus d'un accélérateur
linéaire.
• La dose varie de 54 à 60 Gy, selon l'histologie, par fractions de 1,8 à 2 Gy par jour, 5 jours par semaine.
• Une IRM dosimétrique avec injection de gadolinium permet de délimiter les volumes cibles et les volumes à
protéger ou organes à risque qui doivent recevoir une dose limitée (chiasma, nerf optique, rétine, cristallin,
hippocampe, cochlée, tronc cérébral).
• Dans les médulloblastomes, une irradiation cranio-spinale est faite à titre prophylactique en complément de
l'irradiation de la zone tumorale (fosse postérieure).

► 146 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 143


Item 299

• Les effets secondaires précoces de la radiothérapie sont toujours réversibles. Ces symptômes sont liés à
l'œdème réactionnel induit par l'irradiation (céphalées, nausées, vomissements, accentuation transitoire des
troubles neurologiques, alopécie partielle) et sont contrôlés par les médicaments symptomatiques (sétron) et les
corticoïdes à la dose minimale efficace.
• Le maximum de cerveau non tumoral doit être préservé pour éviter des toxicités post-radiques tardives, souvent
irréversibles (troubles de la mémoire, voire démence par leuco-encéphalopathie) ou une radionécrose.
• Les métastases cérébrales peuvent bénéficier de la radiothérapie en conditions stéréotaxiques qui a tendance
à supplanter l'irradiation encéphalique in toto. La radiothérapie en conditions stéréotaxiques a une action anti
tumorale plus efficace grâce à l'hypofractionnement de la dose (exemple: 3 fractions de 10 Gy) et épargne le tissu
cérébral sain.

6.4. Chimiothérapie et chimio-radiothérapie


6.4.1. La chimiothérapie
• La chimiothérapie a un rôle dans le traitement de la plupart des tumeurs cérébrales malignes primitives, avec
toutefois un bénéfice très variable selon le type tumoral.
• Les principales stratégies sont :
- Astrocytomes IDH wild type de grade III et IV (glioblastome): radiothérapie avec témozolomide concomitant
et adjuvant (schéma de Stupp);
- Oligodendrogliomes de grade II et III (avec IDH muté et lp/19q codélété) : radiothérapie suivie de poly­
chimiothérapie PCV (procarbazine, carmustine, vincristine);
- Lymphomes oculo-cérébraux: poly-chimiothérapie incluant le méthotrexate; la radiothérapie n'a plus sa
place chez les patients de plus de 60 ans car la toxicité cérébrale est majeure;
- Médulloblastome : radiothérapie crâniospinale et chimiothérapie par sel de platine et étoposide;
- Germinome : chimiothérapie par cisplatine et étoposide et radiothérapie.
• Certaines tumeurs sont chimio-réfractaires (méningiome, épendymome).

6.4.2. Le traitement des métastases cérébrales


• Le traitement des métastases cérébrales doit être coordonné avec celui de la maladie générale (chimiothérapie,
hormonothérapie, traitements ciblés) par le biais des RCP. Il vise à augmenter la durée du contrôle de la maladie
et la qualité de vie.

6.4.3. Perspectives thérapeutiques


• Les traitements ciblés sur des anomalies moléculaires caractérisées dans les gliomes (IDH, VEGF, EGF) sont
en cours d'évaluation. Les médicaments ciblant la voie Sanie hedge hog (SHH) sont en développement pour le
médulloblastome.
• La place de l'immunothérapie semble limitée.

6.5. Soins de support


• Les tumeurs cérébrales sont éprouvantes pour le patient et ses aidants. Les soins de support doivent être intégrés
au PPS: traitement de la douleur (céphalées), kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie, prise en charge psycho­
logique du patient et des aidants, contact précoce avec les équipes de soins palliatifs pour les métastases multiples
et les gliomes de haut grade.
• Les mesures sociales sont communes à tous les cancers: prise en charge totale des frais dans le cadre des ALD 30,
évaluation gériatrique si plus de 70 ans.

144
ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES 147 ◄
B 6.6. Situations d'urgence : identification et prise en charge
6.6.1. HTIC
• Il s'agit d'un symptôme fréquent au cours de l'évolution des tumeurs cérébrales primitives ou secondaires.
• Un tableau clinique d'HTIC (céphalées matinales, nausées, vomissements, diplopie) impose une hospitalisa­
tion et la réalisation en urgence d'une imagerie cérébrale (IRM). L'impact sur la vigilance sera analysé (score de
Glasgow).
• Il faut analyser le mécanisme pour guider le traitement:
- Syndrome de masse :
► corticothérapie (+++) par voie IV ou orale, à forte dose initiale (1,5 à 2 mg/kg d'équivalent prednisone)
qui est efficace sur l'œdème réactionnel péritumoral. Les complications de la corticothérapie doivent être
recherchées et traitées (diabète, ostéoporose, infections, amyotrophie ...);
► Une exérèse doit être discutée.
- Hydrocéphalie aiguë :
► par obstruction (hydrocéphalie non-communicante) qui relève d'une dérivation chirurgicale si trouble
de circulation du LCR; la dilatation ventriculaire (un ou plusieurs ventricules) est visible en amont de
l'obstacle; la ponction lombaire est alors contre-indiquée;
► par dissémination tumorale méningée (hydrocéphalie communicante): l'ensemble des cavités ventriculaires
est alors dilaté, sans obstacle visible mais avec souvent des signes radiologiques en faveur d'une dissémination
méningée... La ponction lombaire est alors possible.
• La corticothérapie sera ensuite réduite à la dose minimale efficace ou arrêtée si possible (par exemple après chirur­
gie complète ou chimio-radiothérapie efficace).

6.6.2. Crise d'épilepsie


• Il s'agit d'un symptôme fréquent, souvent révélateur, en particulier pour les lésions corticales et/ou de
croissance lente.
• Le traitement de la tumeur améliore souvent l'épilepsie.
• Le diagnostic peut être facile : sémiologie évocatrice (crise Bravais-Jacksonienne, crise généralisée tonico­
clonique) et présence d'un témoin. Ailleurs, le diagnostic peut être difficile: symptomatologie inhabituelle (hallu­
cinations des crises temporales par exemple) ou frustre, rupture de contact, absence de témoin.

Le caractère bref, stéréotypé des épisodes, la concordance entre la sémiologie et la localisation anatomique
tumorale aident au diagnostic.

• Les éléments de gravité seront analysés : durée de l'épisode, crises répétées sur quelques jours, généralisation,
récupération post critique médiocre.
• Les facteurs favorisants seront recherchés : mauvaise observance du traitement, syndrome infectieux, troubles
métaboliques, interactions médicamenteuses, stress ...
• La prise en charge avec schématiquement 2 cas de figure :
- Crise isolée sans élément de gravité (crise partielle brève sans déficit post-critique):
► pas d'hospitalisation;
► benzodiazépines d'action rapide;
► prévention, éducation thérapeutique;
► ajustement du traitement en cours.

► 148 ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES


145
Item 299

- Crise avec éléments de gravité ou de diagnostic incertain :


► hospitalisation; discuter soins intensifs (pour état de mal en particulier) ;
► mise en place d'une voie veineuse ;
► traitement antiépileptique par voie IV avec monitoring par EEG;
► imagerie cérébrale.
• Il faut traiter dès la première crise (attitude différente de l'épilepsie non tumorale).
• Par contre, il est inutile de donner un traitement « préventif» s'il n'y a pas eu de crise.
• L'avis d'un neurologue est recommandé.
• Le léviracétam est souvent donné en première intention du fait de sa bonne tolérance, de son efficacité et de la
rareté des interactions médicamenteuses avec les médicaments antinéoplasiques.
• Une polythérapie peut être nécessaire en cas d'échec du léviracétam seul en ajoutant lamotrigine, valproate,
gabapentine, prégabaline, topiramate sur avis neurologique.

L'état de mal épileptique (durée de plus de 5 minutes si crises convulsives ou de plus de 30 minutes en
l'absence de convulsions) est une urgence devant faire discuter l'admission en service de réanimation pour
administration d'une benzodiazépine IV(+/- autres anti-épileptiques, voire sédation par barbituriques).

6.6.3. Hémorragie intra-tumorale


• Le caractère brutal de l'installation d'un déficit neurologique focal, de céphalées aiguës voire d'un tableau d'HTIC
doit faire rechercher une hémorragie intra-tumorale.
• Le diagnostic différentiel devant une aggravation neurologique brutale est une crise d'épilepsie; tout épisode neu­
rologique d'installation brutale doit donc faire pratiquer une imagerie (TDM ou IRM) sans injection et un EEG.
• L'imagerie mettra en évidence une hyp erdensité spontanée, plus ou moins volumineuse, avec un œdème et un
effet de masse; un saignement intraventriculaire peut être associé si la localisation est profonde.
• La prise en charge est en général symptomatique et repose sur la corticothérapie à dose adaptée, en attendant la
résorption de l'hématome. Le recours à un geste chirurgical est exceptionnel.

146
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L,ITEM 299:
«TUMEURS INTRACRÂNIENNES»

Situation de départ 1 Descriptif


En lien avec le diagnostic clinique
118. Céphalées Des céphalées quotidiennes d'intensité croissante, mal calmées
par des antalgiques de palier 1 doivent faire rechercher des signes
neurologiques focaux et motiver une imagerie cérébrale.
121. Déficit sensitif et/ou moteur Un déficit neurologique, sensitif, moteur, un trouble phasique
éventuellement associé à d'autres troubles cognitifs ou
comportementaux, dont l'installation est progressive (intensité
et extension en tâche d'huile) doit conduire à la réalisation d'une
imagerie cérébrale sans et avec injection (IRM préférentiellement).
La cinétique d'aggravation des signes neurologiques reflète
l'agressivité du processus tumoral et guide donc le délai
134. Troubles du langage et/ou phonation d'intervention.
143. Diplopie Une diplopie récente doit conduire à la réalisation d'une IRM cérébrale
à la recherche d'une tumeur de la base du crâne, d'une tumeur du
tronc cérébral, de signes en faveur d'une ménfngite tumorale ; elle
peut aussi être observée par atteinte de la VIème paire dans le cadre
d'une HTIC.
231. Demande d'un examen d'imagerie Chez un patient ayant un cancer traité antérieurement, en cours de
traitement ou en surveillance, l'apparition de céphalées quotidiennes,
d'une crise d'épilepsie ou de signes neurologiques focaux doit faire
pratiquer au minimum un scanner cérébral voire une IRM cérébrale
+/· médullaire à la recherche d'une dissémination métastatique
cérébrale ou méningée.
En lien avec la prise en charge d'une urgence
12. Nausées Un tableau de céphalées, +/· nausées +/· vomissements,
13. Vomissements quotidiennes, à prédominance matinale doit faire évoquer une HTIC,
118. Céphalées impose la réalisation d'une imagerie cérébrale en urgence et une
hospitalisation.
120. Convulsions Devant la survenue d'une première crise partielle ou généralisée
chez l'adulte, la réalisation d'une IRM cérébrale est recommandée.
La survenue d'une crise partielle isolée justifie l'installation /
l'ajustement d'un traitement antiépileptique. La survenue des crises
partielles prolongées ou répétées, d'une crise généralisée justifie une
hospitalisation avec mise en route d'un traitement antiépileptique
par voie intra-veineuse. Dans tous les cas, la recherche d'un facteur
déclenchant sera conduite.
En lien avec le bilan diagnostique d'une tumeur cérébrale
178. Demande/prescription raisonnée et Devant une suspicion de processus expansif cérébral (céphalées,
choix d'un examen diagnostique HTIC, crises, déficit focal), l'IRM cérébrale sans et avec injection,
231. Demande d'un examen d'imagerie
incluant une séquence T2/T2 FLAIR, T1, une séquence de perfusion,
constitue l'examen de référence.
233. Identifier /reconnaître les différents
Une IRM médullaire doit être réalisée dans le bilan initial de certaines
examens d'imagerie (type/fenêtre/ tumeurs (épendymome, medulloblastome, lymphome, germinome) ;
séquence/incidence/injection) en l'absence de contre-indication, une ponction lombaire sera réalisée
dans les mêmes indications.
236. Découverte d'une anomalie du cerveau à Devant une anomalie du parenchyme cérébral, on recherchera
l'examen d'imagerie médicale une composante réhaussée par le gadolinium, une composante
hémorragique, un effet de masse ; la concordance entre la
symptomatologie clinique et la localisation anatomique sera
analysée; l'IRM sera répétée à distance (2-3 mois en général), en cas
de doute sur un processus tumoral.

► 150
147
ÎUMEURS INTRACRÂNIENNES
18 0 .Interprétation d'un compte-rendu Le compte-rendu de l'examen anatomo-pathologique d'une tumeur
d'examen d'anatomo-pathologie cérébrale doit appliquer la classification WHO 2016 avec en particulier
pour les gliomes, le statut du gène I DH et si I DH muté, la recherche
d'une codélétion 1p/19q.
En lien avec le prise en charge thérapeutique
2 39.Explication préopératoire et recueil
de consentement d'un geste invasif
diagnostique ou thérapeutique
32 7. Annonce d'un diagnostic de maladie
grave au patient et/ou à sa famille
247. Prescription d'une rééducation La prescription d'une rééducation fonctionnelle et orthophonique,
doit faire partie de la prise en charge d'un patient porteur d'une
tumeur cérébrale ; ses modalités seront adaptées à l'état général du
patient, et au pronostic de la maladie.
251. Prescrire des corticoïdes par voie La corticothérapie est indiquée dans la prise en charge globale ;
générale son indication et le dosage reposent avant tout sur des arguments
cliniques (intensité des symptômes) et non radiologiques.
Sauf urgence vitale cette corticothérapie est contre-indiquée en
phase diagnostique d'un processus expansif cérébral si l'hypothèse
d'un lymphome primitif du SNC peut être évoquée.
Dans tous les cas, la dose de corticoïdes sera régulièrement ajustée
en recherchant la dose minimale requise pour le confort fonctionnel
du patient.
254. Prescrire des soins associés à une On préviendra les complications digestives (nausées/vomissements,
chimiothérapie constipation, mycose buccale) hématologiques (selon le risque
associé au schéma utilisé).
297. Consultation du suivi en cancérologie Le suivi des patients traités pour tumeur cérébrale doit être poursuivi
298. Consultation et suivi d'un patient ayant
et est justifié pour dépister une récidive, évaluer les séquelles en
des troubles cognitifs proposant autant que possible une prise en charge de celles-ci.
La présence d'un aidant est le plus souvent utile lors de ce suivi
330. Accompagnement global d'un aidant
pour mieux analyser les troubles cognitifs et leur impact sur la vie
quotidienne. Une information et un soutien appropriés doivent être
proposés aux aidants et, le cas échéant, aux enfants du malade.
337. Identification, prise en soin et suivi d'un Les tumeurs cérébrales sont fréquemment associées à une situation
patient en situation palliative palliative. Cette situation doit être évaluée au regard des éléments
pronostiques et fonctionnels, et de la demande du patient. Les
soins de confort incluent la corticothérapie, les antiépileptiques,
la physiothérapie qui doivent être ajustés à l'état du patient. Les
antalgiques de palier 3 sont principalement utiles en cas d'atteinte
méningée.

148
149
Item 300

► Tumeurs du col utérin,


>--------------- --------------------------

tumeurs du corps utérin


CHAPITRE

Pr Jérôme Alexandre', Pr Céline Bourgier2, Dr Frédéric Guyon3, Pr Didier Peiffert 4


'Service de Cancérologie Médicale, AP-HP Centre, Cochin-Port Royal, Paris
'Département de Radiothérapie Oncologique, ICM, Montpellier
'Département d'Onco-gynécologie, Institut Bergonie, Bordeaux
•service Universitaire de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de Lorraine, Vandoeuvre les Nancy

OBJECTIFS: N °300. TUMEURS DU COL UTÉRIN ET DU CORPS UTÉRIN


➔ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur du col utérin et du corps utérin.

·---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
'
·'
1. Epidémiologie du cancer du col utérin 7. Epidémiologie du cancer du corps utérin
1.1. Epidémiologie descriptive en France 7.1. Epidémiologie descriptive en France
1.2. Infection HPV et cofacteurs 7.2. Epidémiologie analytique: facteurs de risque
2. Principaux types histologiques de cancer du col 8. Connaître les 2 types histologiques de cancer de
2.1. Carcinome épidermoïde l'endomètre les plus fréquents
2.2. Adénocarcinome 9. Connaître les circonstances de découverte du cancer du
2.3. Autres types histologiques corps utérin
3. Prévention 9.1. Métrorragies et méno-métrorragies
3.1. Prévention: intérêt de la vaccination 9.2. Leucorrhées
3.2. Prévention: intérêt et modalités du frottis cervico-utérin 9.3. Douleurs pelviennes
(FCU) et test HPV 9.4. Autres symptômes
4. Connaître les circonstances de découverte du cancer du col 10. Diagnostic clinique du cancer du corps utérin
5. Diagnostic clinique du cancer du col utérin 10.1. Examen clinique
5.1. Interrogatoire 10.2. Confirmation histologique
5.2. Examen clinique 11. Connaître la stratégie d'exploration par imagerie d'une
6. Examens complémentaires du cancer du col utérin tumeur du corps utérin
6.1. Bilan biologique 11.1. Échographie pelvienne par voies vaginale et abdominale
6.2. Confirmation histologique 11.2. Bilan d'extension loco-régionale: l'IRM pelvienne
6.3. Bilan d'extension loco-régionale 11.3. Bilan d'extension métastatique: la tomodensitométrie
6.4. Bilan d'extension métastatique thoraco-abdo-pelvienne
6.5. Dépistage des autres tumeurs liées à HPV 11.4. Bilan général
6.6. Évaluation pronostique 11.5. Evaluation pronostique
·----- -- -------------------------------------------- ------------------------ ------- ------ -----------------------·

153 ◄
150
ÎUMEURS DU COL UTÉRIN •••
Rang
B
1 Rubrique Intitulé
Prévalence, épidémiologie Épidémiologie descriptive en France du cancer du col
B Eléments physiopathologiques Infection HPV et cofacteurs
B Définition Principaux types histologiques de cancer du col
A Prévalence, épidémiologie Prévention: intérêt de la vaccination
A Diagnostic positif Prévention: intérêt et modalités du frottis cervico-utérin (FCU) et test HPV
A Diagnostic positif Connaître les circonstances de découverte du cancer du col
A Diagnostic positif Diagnostic clinique du cancer du col utérin
B Examens complémentaires Examens complémentaires du cancer du col utérin (IRM)
B Prévalence, épidémiologie Épidémiologie descriptive en France du cancer de l'endomètre
A Étiologies Épidémiologie analytique: facteurs de risque du cancer du corps utérin
B Définition Connaître les 2 types histologiques de cancer de l'endomètre les plus
fréquents
A Diagnostic positif Connaître les circonstances de découverte du cancer du corps utérin
A Diagnostic positif Diagnostic clinique du cancer du corps utérin


B Examens complémentaires Connaître la stratégie d'exploration par imagerie d'une tumeur du corps
utérin

Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

B 1. Épidémiologie du cancer du col utérin

1.1. Epidémiologie descriptive en France


• Autrefois l'un des cancers les plus fréquents en France, son incidence a diminué drastiquement depuis 30 ans
grâce au développement du dépistage par le frottis cervico-utérin qui permet de diagnostiquer et de traiter des
lésions pré-invasives ou des cancers à un stade précoce (Tableau 1).
• En France, en 2018, le cancer du col de l'utérus représentait la 11e localisation tumorale en termes d'incidence avec
2920 nouveaux cas et la 12e en termes de mortalité avec 1117 décès.
• L'âge médian au diagnostic était de 53 ans, ce qui en fait un enjeu de santé publique.
• Au niveau mondial, le cancer du col reste le quatrième cancer féminin avec plus de 500 000 cas incidents et près
de 300 000 décès en 2012 (statistiques IARC 2012).
• Il est plus fréquent parmi les populations des pays à faibles ressources. C'est ainsi le premier cancer de la femme
dans 39 pays, principalement situés en Afrique sub-saharienne, en Amérique centrale et en Asie du Sud- Est.
20 % des cas de cancer du col dans le monde surviennent en Inde.
• La survie nette à 5 ans en France est actuellement estimée à 63 % et a tendance à se dégrader. Cette dégradation
est liée à une proportion plus importante de cancers de mauvais pronostic qui ont échappé au dépistage et à la
moindre fréquence des lésions de bon pronostic qui ont été supprimées de la population suivie grâce au dépistage.
• Le taux de survie relative à 5 ans est de 91,5 % à un stade local, 57,7 % à un stade régional et 17,2 % à un stade
métastatique.

► 15 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN •••


151
Item 300

Tableau 1. ÉVOLUTION ÉPIDÉMIOLOGIQUE DU CANCER DU COL DE L'UTÉRUS EN FRANCE


Taux pour 100 ooo habitants Taux d'incidence Taux de mortalité
standardisés Monde
1980 15 5

2017 6 1,7

1.2. Infection HPV et cofacteurs


1..2.1.. L'infection persistante à papillomavirus humain (HPV)
• L'HPV est retrouvé dans la quasi-totalité des cas de cancer du col de l'utérus et en constitue la principale cause,
quel que soit le type histologique.

• Une centaine de types d'HPV a été caractérisée. Parmi les HPV oncogènes, les types 16 et 18 sont les plus
fréquents et sont présents dans plus de 70 % des cas de cancer invasif du col utérin en France (HPV 16: 55 %,
HPV 18: 15 %).
• lis sont également associés à d'autres cancers: canal anal, vulve, vagin et certains cancers ORL.

• L'HPV est principalement transmis par contact sexuel (infection sexuellement transmise). L'infection se produit
le plus souvent dès le début de la vie sexuelle. La prévalence de l'infection est maximale avant 30 ans, avec un taux
de 17 %.
• La majorité des femmes exposées aux HPV développe une immunité suffisante pour éliminer le virus (clairance
virale). Cependant, celui-ci persiste chez certaines femmes et cette persistance peut conduire au développement
d'une lésion précancéreuse.
• Il existe plusieurs stades successifs de lésions précancéreuses, appelées néoplasies cervicales intra-épithéliales
(CIN) ou dysplasies. Ces lésions peuvent régresser spontanément (le plus souvent), persister ou bien encore évo­
luer vers un cancer du col de l'utérus.

À partir de l'infection persistante, l'évolution vers un cancer invasif du col utérin met en moyenne
15 ans à se produire, laissant donc une fenêtre d'action importante pour pouvoir détecter précocement (et
traiter) les lésions précancéreuses et cancéreuses du col.

• Certaines caractéristiques de la vie sexuelle sont associées à un risque accru d'infection à HPV oncogénique:
- précocité des premiers rapports sexuels;
- partenaires sexuels multiples;
- antécédents de maladies sexuellement transmissibles.
• Le bas niveau socio-économique et le faible niveau d'éducation sont associés à une moindre compliance au dépis­
tage et à la vaccination, responsables d'une plus grande fréquence des stades localement avancés et d'une mortalité
plus élevée.

1..2.2. Co-facteurs
• Ils favorisent la persistance de l'infection ou interviennent dans la carcinogénèse:
- tabagisme actif (à la fois facteur de risque et facteur pronostique);
- co-infection à Chlamydiae ou par un virus de l'herpès;
- utilisation au long cours (plus de 5 ans) de contraceptifs oraux;
- déficit immunitaire acquis (dont l'infection par le VIH).

152
ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ... 155 ◄
B 2. Principaux types histologiques de cancer du col

2.1. Carcinome épidermoïde


• Le carcinome épidermoïde représente environ 70 % des cancers du col. Il se développe à partir de l'épithélium
malpighien de l'exocol au niveau de la zone de jonction avec l'endocol (jonction squamo- cylindrique).

2.1..1.. Lésions précancéreuses


• Il s'agit des néoplasies intra-épithéliales cervicales (CIN) caractérisées par une désorganisation architectu­
rale et la présence de cellules atypiques. Leur sévérité est évaluée en fonction de l'extension des anomalies dans
l'épithélium:
- CINl : dysplasie légère, atteinte limitée au 1/3 inférieur de l'épithélium, (aspect cytologique habituel: LSIL);
- CIN2 : dysplasie modérée, extension aux deux tiers inférieurs de l'épithélium, (aspect cytologique habituel:
HSIL);
- CIN3 : dysplasie sévère ou carcinome in situ, extension à la totalité de l'épithélium, (aspect cytologique
habituel : HSIL ou ASC-H).

Le risque d'évolution vers le carcinome invasif est plus important pour les CIN2-3 (10-15 %) que pour les CIN1
(1 % des cas).

2.1..2. Carcinome micro-invasif et invasif


• La rupture de la membrane basale par la prolifération carcinomateuse caractérise le stade invasif.
• Le risque métastatique augmente avec la profondeur de l'invasion. Pour une profondeur < 5 mm, on parle de
micro-invasion. Le risque métastatique est alors très faible.
• Au-delà de 5 mm, on parle de carcinome invasif.
• La présence d'emboles tumoraux lymphatiques ou vasculaires est un important facteur pronostique d'évolution
métastatique.

2.2. Adénocarcinome
• Il est plus rare (20 % environ).
• Il se développe à partir de l'épithélium cylindrique qui recouvre le canal endocervical ou endocol.
• Il est également précédé de lésions précancéreuses mais, à la différence des cancers épidermoïdes, il n'a pas été
établi de niveaux de sévérité.

2.3. Autres types histologiques


• Ils sont beaucoup plus rares. Il s'agit en particulier des carcinomes à différenciation neuro-endocrine, carcinome
à cellules claires (lié à une exposition in utéro au diethylstilbestrol).

► 156 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN •••


153
Item 300

A 3. Prévention

3.1. Prévention : intérêt de la vaccination


• La vaccination permet de prévenir l'infection persistante par les HPV. Pour un maximum d'efficacité, elle doit
être réalisée avant la survenue d'une première contamination, et donc avant les premiers rapports sexuels. Elle
diminue le risque de néoplasie intra-épithéliale et de chirurgie mutilante associée à un risque d'accouchement
prématuré (conisation). En 2020, une étude de registre réalisée en Suède a montré une diminution du risque de
cancer invasif chez les femmes ayant reçu le vaccin quadrivalent.
• Son utilisation chez le jeune garçon pourrait permettre également de diminuer l'incidence des cancers HPV­
induits dans cette population et de mieux protéger les femmes non vaccinées.
• Trois vaccins sont actuellement disponibles :
- Cervarix® : vaccin bivalent (contre HPV 16 et 18);
- Gardasil® : vaccin quadrivalent (contre HPV 16, 18, 6 et 11) qui protège aussi des condylomes liés aux HPV
6 et 11;
- Gardasil 9: vaccin nonavalent qui protège en plus contre les sérotypes 31, 33, 45, 52, 58. Ces 9 sérotypes sont
en cause dans 90% des cancers du col.

Depuis janvier 2021, l'HAS recommande la vaccination par le Gardasil 9 des filles et des garçons de 11 à 14 ans
(2 injections à MO et M6), et en rattrapage vaccinal entre 15 et 19 ans révolus (3 injections à MO, M2 et M6).

• La vaccination repose sur une démarche individuelle (il n'y a pas de campagne de vaccination organisée) et est
prise en charge à hauteur de 65 % par l'Assurance maladie (y compris pour les garçons depuis janvier 2021).
• La vaccination contre les HPV n'entraîne pas d'augmentation du risque de survenue de maladies auto- immunes
et les différents plans de gestion des risques concluent en une balance bénéfice/risque de la vaccination favorable.

La vaccination n'élimine pas totalement le risque de développer un cancer du col de l'utérus. C'est pourquoi,
même pour les femmes vaccinées, le dépistage du cancer du col de l'utérus reste nécessaire.

3.2. Prévention : intérêt et modalités du frottis cervico-utérin (FCU)


• Du fait de son évolution lente et de l'existence de nombreuses lésions précancéreuses curables, le cancer du col
peut être dépisté à un stade précoce, et même être prévenu par la détection de lésions précancéreuses.
• Plus de 30 000 femmes par an sont diagnostiquées avec des lésions précancéreuses, soit une incidence 10 fois
supérieure à celle du cancer invasif.
• Ces lésions précancéreuses sont invisibles à l'examen clinique. Leur dépistage repose classiquement sur le frottis
cervico-utérin (FCU) qui permet une analyse cytologique des cellules du col utérin à la jonction exocol-endocol.
Les anomalies cytologiques sont classées selon le système de Bethesda (Tableau 2).
• L'examen cytologique présente toutefois des limites. Outre sa faible sensibilité, qui implique une fréquence rela­
tivement élevée du dépistage (tous les 3 ans), il est peu reproductible. Son interprétation est en effet subjective et
variable selon les observateurs.
• Il n'est pas recommandé avant 25 ans car il détecterait des lésions qui, pour la plupart, n'évolueront pas vers le
cancer et il entraînerait des traitements inutiles.
• Le test HPV est une méthode de détection moléculaire qui permet la détection des acides nucléiques des géno­
types d'HPV à haut risque. Ce test peut être réalisé à partir d'un prélèvement cervico-utérin fait par un clinicien
ou d'un auto-prélèvement vaginal. Il est plus sensible que l'examen cytologique pour la détection des CIN 2+ et
CIN 3+; en revanche, sa spécificité est moindre. Son intérêt n'est pas démontré avant 30 ans.

154
ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ... 157 ◄
Tableau 2. CLASSIFICATION DE BETHES DA DES ANOMALIES CYTOLOGIQUES AU FROTTIS CERVICO-UTÉRIN
-- - - - - �- ---- -- - --- - - ---- --- - - --- -- - -
- - -

Description des lésions Abréviation


Anomalies des cellules Atypies de signification indéterminée ASC-US
malpighiennes
Lésion intra-épithéliale de bas grade LSIL
Atypies ne permettant pas d'exclure une lésion ASC-H
de haut grade
Lésion intra-épithéliale de haut grade HSIL
Carcinome malpighien
Anomalies des cellules Atypies des cellules glandulaires AGC
glandulaires
Adénocarcinome endocervical in situ AIS
Adénocarcinome

• Le prélèvement cervico-utérin doit être effectué dans les conditions suivantes:


- à distance d'un rapport sexuel (48 h);
- en dehors des périodes menstruelles;
- en l'absence de tout traitement local ou signe d'infection;
- si nécessaire après traitement œstrogénique chez la femme ménopausée;
- il faut éviter de faire le toucher vaginal avant le frottis cervico-utérin et d'utiliser un lubrifiant.
• Un prélèvement en milieu liquide est actuellement recommandé. Il permet la réalisation sur le même prélèvement
d'un test HPV et de l'examen cytologique qui pourra éventuellement être contrôlé en cas de résultat positif ou
douteux.
• Un programme national de dépistage du cancer du col a été mis en place en 2018 pour l'ensemble des femmes
âgées de 25 à 65 ans.

Les recommandations HAS pour le dépistage de masse, revues en 2019 sont les suivantes:
- Cibles : femmes asymptomatiques de 25 à 65 ans, incluant les femmes enceintes et les femmes
ménopausées;
- Entre 25 et 30 ans: il reste fondé sur l'examen cytologique réalisé en milieu liquide: réalisation de deux
examens cytologiques à 1 an d'intervalle, puis 3 ans après si le résultat des deux premiers est normal;
- À partir de 30 ans : le test HPV remplace l'examen cytologique. Le premier sera réalisé 3 ans après le
dernier examen cytologique dont le résultat était normal puis tous les 5 ans si le test reste négatif;
- L'auto-prélèvement vaginal pour recherche d'HPV doit être proposé, à partir de 30 ans, aux femmes
non dépistées ou insuffisamment dépistées.

• La conduite à tenir recommandée par l'HAS en cas d'anomalies est résumée dans la figure 1. En cas d'auto-prélè­
vement vaginal positif pour l'HPV, une consultation médicale est recommandée.

► 158 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ••• 155


Item 300

Figure 1. Conduite à tenir en cas de prélèvement cervico-utérin anormal

25-30 ans : Examen cytologique en première intention À partir de 30 ans : test HPV
en première intention

Positif:
ASC-US ou AGC Autres anomalies Examen cytologique « reflexe »
(sur le même prélèvement)

Colposcopie+/· biopsie
Test HPV « reflexe »
et curetage endocervical
(sur le même prélèvement) ( Anormal J Normal
si AGC/AlS

Négatif :
Positif Contrôle test HPV à 1 an
Contrôle à 1 an

Positif Négatif

Test HPV
Tous les 5 ans

A 4. Circonstances de découverte du cancer du col


• Suite à un examen de dépistage : diagnostic de carcinome sur une biopsie sous colposcopie ou sur une pièce de
conisation.
• Métrorragies (saignement génital anormal) :
- symptôme le plus fréquent;
- provoquées (post-coïtales) ou spontanées;
- pouvant être responsable d'une anémie ferriprive.
• Dyspareunies.
• Leucorrhées (en cas d'infection associée).
• Symptômes traduisant une extension loco-régionale:
- douleurs pelviennes, symptômes vésicaux ou rectaux;
- douleurs lombaires par compression urétérale secondaire à une extension aux paramètres (urétéro-
hydronéphrose);
- lymphœdème et douleurs neurogènes des membres inférieurs par compression vasculo-nerveuse.

156 TUMEURS DU COL UTÉRIN ••• 159 ◄


A 5. Diagnostic clinique du cancer du col utérin

5.1. Interrogatoire
• Il précise les symptômes (caractère provoqué des métrorragies++ ) et les antécédents (attention au col restant
après une hystérectomie subtotale !).

5.2. Examen clinique


5.2.1. Examen gynécologique
• Il comprend :
- l'examen au spéculum (qui doit être fait avant le toucher vaginal):
► le col (exocol) est le plus souvent d'aspect anormal: tumeur d'aspect bourgeonnant ou ulcéré, saignant au
contact. Parfois, il s'agit d'une induration globale du col le déformant. Des biopsies sont systématiquement
réalisées ;
► le col peut être macroscopiquement normal dans les formes limitées découvertes lors d'un examen de
dépistage ou en cas de cancer de l'endocol.
- le toucher vaginal qui évalue la taille du col, l'atteinte des culs de sac, de la muqueuse vaginale, et la mobilité
utérine ;
- le toucher rectal recherche une atteinte des paramètres, de la cloison recto-vaginale; le toucher bidigital peut
mettre en évidence une atteinte paramétriale ou sacrée.

L'examen clinique doit être répété sous anesthésie générale s'il est difficile ou si la tumeur est volumineuse et
faire l'objet d'un schéma daté et signé.

5.2.2. Examen général


• Il recherche une extension loco-régionale (masse pelvienne), à distance (hépatomégalie, adénopathie sus-clavi­
culaire gauche/ ganglion de Troisier, adénomégalie inguinale) et apprécie l'état nutritionnel (poids, taille).
• De l'examen clinique initial découle la démarche diagnostique résumée dans la figure 2.

► 160 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ... 157


Item 300

Figure 2. Démarche diagnostique dans le cancer du col de l'utérus (*IRM abdopelvienne avant et après conisation)

Examen de dépistage anormal (cf. Fig 1) Symptômes (métrorragies


(examen clinique normal) provoquées++)

7
Examen clinique

Biopsie sous colposcopie,


Carcinome (micro) invasif
Normal ou suspicion
de tumeur endo-cervicale
( Tumeur cervicale

Biopsie à la pince
Conisation*
!
1
Diagnostic de malignité, type histologique,
profondeur de l'extension stromale

t
J
IRM abdomino-pelvienne
Examen clinique+/-AG si suspicion de tumeur avancée
Cystoscopie et rectoscopie si cliniquement indiqué
Biologie standard, VIH, sec
+
Tumeur limitée au col, tailles 4 cm (maximum IB2) Tumeur étendue au-delà du col et/ou > 4 cm (IB2 à IV)
Pas d'adénomégalie en IRM et/ou adénomégalie en IRM

+
Curage ganglionnaire pelvien+ lombo-aortique TEP-TDM au 18-FDG
si positif ]
Option: curage lombo-aortique coelioscopique
en l'absence d'atteinte ganglionnaire à l'IRM et TEP-TDM

B 6. Examens complémentaires du cancer du col utérin

6.1. Bilan biologique


• Numération-formule sanguine, plaquettes: l'anémie est un facteur de mauvais pronostic.
• Créatinine, ionogramme sanguin: recherche une insuffisance rénale en rapport avec une atteinte du paramètre
distal pouvant entraîner une urétéro-hydronéphrose.
• Marqueurs tumoraux: SCC pour les cancers de type épidermoïde, CA 125 pour les adénocarcinomes: la valeur
de référence est utile pour le suivi ultérieur des stades avancés.
• La sérologie VIH est systématique (après information de la patiente).

6.2. Confirmation histologique


6.2.1. S'il y a une anomalie macroscopique
• Biopsie à la pince de la lésion tumorale lors de l'examen au spéculum. Le frottis cervico-utérin ne doit pas être
réalisé à visée diagnostique devant une anomalie clinique.

158
TUMEURS OU COL UTÉRIN ... 161 ◄
6.2.2. Si le col est macroscopiquement normal
• Réalisation d'une colposcopie (examen du col à la loupe binoculaire).
• Elle ne permet de visualiser que les lésions exo-cervicales :
- sans préparation: visualisation du col et notamment de la zone de jonction, recherche d'ectropion, d'ulcération,
de saignement, d'un bourgeonnement;
- après application d'acide acétique dilué à 3-5% qui provoque le blanchissement des zones tumorales;
- après application de lugol qui, au contraire, ne colore pas les zones tumorales;
- elle permet la réalisation de biopsies orientées (il ne peut y avoir de traitement sur les seuls résultats d'un
examen cytologique anormal).

6.2.3. Conisation chirurgicale


• La conisation est systématique dans les formes infracliniques ou endocervicales pour préciser la taille maximale,
la profondeur de l'infiltration stromale et la présence d'emboles vasculaires tumoraux. Elle doit être précédée de
l'IRM abdomino-pelvienne.

6.3. Bilan d'extension loco-régionale


6.3.1.. IRM abdomino-pelvienne
• C'est la technique d'imagerie la plus fiable pour le bilan d'extension loco-régionale. Elle est systématique quel
que soit le stade.
• Elle comprend au minimum : des séquences en pondération T2 sans saturation de la graisse, en pondération
diffusion et en pondération Tl avec saturation de la graisse après injection de gadolinium.
• Elle permet de visualiser la tumeur, d'apprécier sa taille et son extension locale (vers les paramètres, l'utérus, la
vessie, le rectum), de rechercher des métastases ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques et une dilatation
urétérale (Figure 3).
• Dans les stades infra-cliniques, elle doit être réalisée avant mais aussi après la conisation afin de vérifier que cette
dernière n'a pas laissé en place une partie de la tumeur.

Figure 3. IRM pelvienne, séquence Tl en saturation de graisse

A: tumeur du col envahissant le paramètre droit, B: dilatation de l'uretère D, C: adénopathie iliaque externe droite

► 162 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ... 159


Item 300

6.3.2. Cystoscopie et rectoscopie


• Elles sont réalisées, lors de l'examen clinique sous anesthésie générale, uniquement en cas de suspicion clinique
ou radiologique d'extension vésicale et/ou rectale.

6.4. Bilan d'extension métastatique


6.4.1. TEP-TOM au 18 FDG
• Le TEP-TDM au 18-FDG n'est indiqué que dans les formes localement avancées à la recherche de métastases,
en particulier ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques.

6.4.2. Curage ganglionnaire pré-thérapeutique par laparoscopie


• L'IRM et le TEP-TDM ont un risque de faux négatifs pour la détection d'une extension ganglionnaire. Or celle-ci
a une importance pronostique mais intervient également pour les choix thérapeutiques. Un curage ganglionnaire
peut donc être discuté sauf si l'imagerie a déjà mis en évidence des métastases ganglionnaires ou autres.
- Dans les formes localisées, candidates à la chirurgie à intention curatrice: réalisation d'un curage ganglionnaire
pelvien avec examen extemporané. S'il est positif, il sera complété dans le même temps opératoire par un
curage lomboaortique et la chirurgie sera contre-indiquée.
• La technique de détection des ganglions sentinelles par double repérage calorimétrique et isotopique est une tech­
nique prometteuse en cours de validation.
- Dans les formes localement avancées qui seront traitées par chimio-radiothérapie pelvienne: réalisation d'un
curage lombo-aortique cœlioscopique (sans curage pelvien) si le TEP est négatif à ce niveau pour préciser le
champ d'irradiation.

6.5. Dépistage des autres tumeurs liées à HPV


• Il est nécessaire de proposer aux patientes un dépistage des autres sites pouvant présenter des tumeurs liées à
l'HPV (sphères ORL et anale).

6.6. Évaluation pronostique


• C'est la classification FIGO et non TNM qui est utilisée en pratique courante pour indiquer l'extension des can­
cers de l'utérus (col et corps). La classification de 2018 pour le cancer du col prend en compte la taille et l'exten­
sion de la tumeur locale, ainsi que l'extension ganglionnaire (Tableau 3).
• Les principaux facteurs pronostiques sont :
- la taille de la tumeur;
- le degré d'invasion du chorion;
- l'extension aux paramètres;
- la présence d'emboles tumoraux lymphovasculaires;
- la présence de métastases ganglionnaires.

• Sur le plan pronostique et thérapeutique, il est important de distinguer deux grandes catégories de
tumeurs:
- les tumeurs localisées sans atteinte ganglionnaire : :5 4 cm sans atteinte du paramètre ou du vagin
(IA et IB 1-IB2) : candidates à une chirurgie à intention curatrice (colpo-hystérectomie élargie) +/­
radiothérapie;
les formes localement avancées> 4 cm ou associées à une atteinte du vagin ou des paramètres (stade
IB3, Il, IIIA-B, IVA) ou présentant des métastases ganglionnaires (111(1, IIIC2): traitées par combinaison
chimio-radiothérapie.

160 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ••• 163 ◄


La classification FIGO des cancers du col de l'utérus ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet
item et ces informations sont données à titre indicatif.

Tableau 3. CLASSIFICATION FIGO DES CANCERS DU COL UTÉRIN (NOUVELLE VERSION 2018)
- - - - -- --- - -- - -

Stade 1 : Tumeur limitée au col


IA Carcinome micro-invasif non visible macroscopiquement
IA1 Envahissement du chorion 5 3 mm sur une largeur 5 7 mm
IA2 Envahissement du chorion > 3 mm et < 5 mm sur une largeur 5 7 mm
1B Carcinome visible cliniquement limité au col
1B1 Diamètre maximum de la lésion < 2 cm
1B2 Diamètre maximum de la lésion 2 à 3,9 cm
1B3 Diamètre maximum 2: 4 cm
Stade 11: Carcinome étendu aux paramètres ou au vagin mais sans atteinte de la paroi pelvienne ou du tiers
inférieur du vagin
IIA Extension vaginale sans atteinte des paramètres

IIA1 Diamètre maximal 5 4 cm


-
IIA2 Diamètre maximal > 4cm
11B Atteinte d'au moins un des paramètres avec ou sans extension vaginale
- --- ·
Stade 111 : Cancer étendu à la paroi pelvienne et/ou au tiers inférieur du vagin et/ou responsable d'une hydroné-
phrase ou d'un rein muet
-- --
IIIA Extension au tiers inférieur du vagin sans atteinte des parois pelviennes
1----� --- ·- ---- -
111B Extension aux parois pelviennes et/ou responsable d'une hydronéphrose ou d'un rein muet
--
111(1 Présence de métastases ganglionnaires pelviennes
- -- - -
111(2 Présence de métastases ganglionnaires lombo-aortiques
- -
Stade IV: Invasion de la vessie, du rectum et au-delà de la cavité pelvienne
--- - .�--
IVA
- - --
Extension à la muqueuse vésicale et /ou à la muqueuse rectale
- -- - -
IVB
- - -Métastases à distance (cavité péritonéale, foie, poumons et autres)
- - --
7. Épidémiologie du cancer du corps utérin

B 7.1. Épidémiologie descriptive en France


• C'est le cancer gynécologique le plus fréquent en France. L'incidence et la mortalité estimées en 2018 étaient
respectivement de 8 224 nouveaux cas (au 4' rang des cancers féminins) et de 2 415 décès (Se cause de décès par
cancer chez la femme).
• Deux tiers des cas surviennent dans les pays développés, probablement du fait qu'il atteint préférentiellement les
femmes âgées et de son lien avec la surcharge pondérale.

► 164 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ... 161


'
ltem300

• Ce cancer survient en effet après la ménopause avec un pic de fréquence entre 60 et 70 ans (âge moyen lors du
diagnostic de 68 ans).
• Dans 80 % des cas, il est limité au corps utérin. La survie relative à 5 ans est d'environ 75 % et atteint 85 % en cas
de stade localisé.

A 7.2. Épidémiologie analytique: facteurs de risque


7.2.1. Exposition prolongée aux œstrogènes

Les œstrogènes favorisent la prolifération des cellules épithéliales de l'endomètre (contrairement à


la progestérone). En conséquence, un déséquilibre hormonal prolongé en faveur des œstrogènes
(hyperœstrogénie relative) favorise le cancer de l'endomètre.

• Plusieurs situations peuvent être associées à une exposition accrue aux œstrogènes et à un déséquilibre
hormonal:
- une longue durée de la période ovulatoire définie par l'âge de la ménopause - âge de la puberté - nombre de
mois de grossesse - nombre de mois sous contraception orale combinée;
Une puberté précoce, une ménopause tardive et la nulliparité sont donc des facteurs de risque.
- la prise prolongée d'œstrogènes en monothérapie dans le cadre d'une contraception séquentielle ou d'un
traitement hormonal substitutif de la ménopause (d'où la nécessité d'associer systématiquement un progestatif);
- la prise de tamoxifène, par son activité agoniste sur l'épithélium de l'endomètre;
- le syndrome des ovaires polykystiques.
• Certaines lésions de l'endomètre sont rencontrées en cas d'hyp erœstrogénie et doivent être considérées comme
précancéreuses : hyp erplasie adénomateuse ou atyp ique, carcinome in situ.

7.2.2. Surcharge pondérale

La surcharge pondérale est le premier facteur étiologique du cancer de l'endomètre. Elle serait responsable
de 40 % des cancers de l'endomètre.

• Son effet cancérigène est lié en partie à l'hyp erœstrogénie induite : en préménopause, elle favorise une exposition
continue de l'endomètre aux œstrogènes en induisant des cycles anovulatoires. En postménopause, elle favorise
l'aromatisation des androgènes surrénaliens en œstrogènes. La chirurgie bariatrique qui vise à réduire la sur­
charge pondérale diminue le risque de cancer de l'endomètre et améliorerait son pronostic.
• L'insulino-résistance induite par la surcharge pondérale, et le manque d'activité physique favorisent également le
développement tumoral. Le diabète de typ e 2 est ainsi associé à un risque accru de cancer de l'endomètre.

7.2.3. Facteurs génétiques

Les formes familiales rentrent le plus souvent dans le cadre du cancer colique familial sans polypose (HNPCC
ou syndrome de Lynch). Elles représentent environ 5 % des cancers de l'endomètre.

• L'HNPCC est lié à la présence d'une mutation germinale hétérozygote sur un des gènes impliqués dans la répara­
tion des mésappariements de !'ADN (mismatch repair- MMR): MSH6, MSH2, PMS2 ou MLHl. La déficience du
système MMR est plus fréquemment somatique (30 % des cancers de l'endomètre environ), c'est-à-dire présente
uniquement dans la tumeur et non transmissible.

165 ◄
162
ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ...
• La détection d'un défaut du MMR se fait d'abord dans la tumeur. Deux techniques sont disponibles dont aucune
n'est fiable à 100 % : détection de la perte d'expression d'une des protéines impliquées par immunohistochimie ou
mise en évidence d'une instabilité des séquences microsatellites par une technique de PCR.
• L'analyse en immunohistochimie des 4 protéines du MMR est recommandée systématiquement dans le cancer de
l'endomètre. Le test PCR sera réalisé pour confirmer la déficience du système MMR ou, en cas de résultat douteux,
en immunohistochimie.
• Si un défaut du MMR est confirmé dans la tumeur, une consultation d'oncogénétique est nécessaire pour recher­
cher une mutation constitutionnelle.

e 8. Les 2 types histologiques de cancer de l'endomètre


les plus fréquents
• Le cancer du corps de l'utérus est généralement un adénocarcinome développé aux dépens de la muqueuse endo­
métriale.
• On distingue classiquement deux grands types histologiques d'adénocarcinomes de l'endomètre qui se distinguent
par leur présentation clinique et leur pronostic (Tableau 4).

Tableau 4. CARACTÉRISTIQUES HISTOLOGIQUES ET CLINIQUES DES CANCERS DE L'ENDOMÈTRE


- - DE TYPE 1 ET2 ----- - ---- - -
Type 1 (80 %) Type 2 (20 %)
Description Adénocarcinome endométrioïde, le • Carcinome papillaire séreux
histologique plus souvent de bas grade • Carcinome à cellules claires
• Carcinosarcome (ou tumeur mixte Müllérienne)
Dépendance OUI NON
aux œstrogènes Souvent précédé d'une étape Endomètre atrophique
-- --- d'hyperplasie atypique Carcinosarcome : tamoxifène
Âge moyen "'65 ans "'70 ans
--
de survenue
- -- - -
Présentation clinique Diagnostic habituel à un stade Diagnostic fréquent à un stade avancé, plus
et pronostic localisé, très bon pronostic mauvais pronostic

• Si cette classification reste très utile en pratique courante, elle doit être relativisée par les données récentes d'ana­
lyse génomique des tumeurs. Ainsi, certains carcinomes endométrioïdes, de type 1 sur le plan histologique, se
rapprochent en fait des carcinomes séreux sur le plan moléculaire. Ils en partagent alors le mauvais pronostic.
• Le carcinosarcome regroupe un contingent d'adénocarcinome et un contingent sarcomateux de différenciation
très variable (léïomyosarcome, rhabdomyosarcome, synovialosarcome ...). Il est actuellement considéré comme
un carcinome métaplasique dont le pronostic et la prise en charge se rapprochent des autres carcinomes de type
2. Il ne s'agit pas d'un sarcome.
• Les sarcomes sont des tumeurs rares du corps utérin : sarcome du stroma endométrial ou léïomyosarcome. Ils ne
seront pas détaillés ici.

► 166
163
ÎUMEURS DU COL UTÉRIN •••
Item 300

A 9. Circonstances de découverte du cancer du corps utérin


9.1. Métrorragies et méno-métrorragies
Après la ménopause toute métrorragie (saignement génital anormal) est un cancer de l'endomètre jusqu'à
preuve du contraire et doit toujours être explorée.

• Spontanées, indolores et souvent peu abondantes ; parfois moins évocatrices, faites de pertes brunâtres.
• C'est le symptôme révélateur dans 90 % des cas: les métrorragies surviennent précocement, à un stade où - le plus
souvent - la tumeur reste confinée à l'utérus.

9.2. Leucorrhées
• Hydroleucorrhée rosée et fétide, évocatrice mais rare.

9.3. Douleurs pelviennes


• Elles traduisent souvent une lésion évoluée :
- surinfection et rétention utérine ;
- envahissement au-delà de l'utérus.
• Elles peuvent s'accompagner de troubles urinaires ou rectaux.

9.4. Autres symptômes


• Plus rarement, le cancer est découvert sur la cytologie d'un frottis cervical de dépistage, dans le bilan étiologique
d'une carence martiale, devant des métastases symptomatiques.

A 10. Diagnostic clinique du cancer du corps utérin


10.1. Examen clinique
• Examen général: sénologique, recherche d'adénopathie (ganglion de Troisier, adénopathie inguinale ...) et d'une
éventuelle hépatomégalie.
• Examen gynécologique : souvent difficile chez les patientes âgées et obèses :
- au spéculum: le col est le plus souvent sain, l'envahissement tumoral du col (stade II) ou du vagin (IIIB) est rare
: le saignement provient de la cavité utérine ; un frottis cervico-utérin de dépistage sur un col sain est réalisé
selon les indications usuelles;
- au toucher vaginal et au toucher rectal, on retrouve rarement une anomalie ; parfois l'utérus apparaît comme
gros et mou. Ils permettent de rechercher une masse annexielle.

164
ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ••• 167 ◄
10.2. Confirmation histologique
10.2.1. Examens cytologiques
• Le frottis cervico-vaginal peut être positif dans les formes étendues au col mais n'apporte pas de certitude dia­
gnostique.
• La cytologie endo-utérine n'est pas toujours réalisable. Elle n'a de valeur que positive et une confirmation histo­
logique reste indispensable.

10.2.2. Biopsies de l'endomètre à l'aveugle


• La biopsie d'endomètre en ambulatoire, à l'aveugle, avec une canule de Novak ou une pipelle de Cornier, n'a de
valeur que positive. La précision du prélèvement est améliorée en effectuant la biopsie au cours d'une échographie.
• Elle est difficile ou impossible en cas de sténose du col(rare).
• Une histologie peut également être obtenue par le prélèvement d'un polype accouché par le col ou de l'endocol.

10.2.3. l'hystéroscopie diagnostique avec curetage

C'est l'examen essentiel : sa sensibilité et la spécificité sont de plus de 95 %.

• Réalisée le plus souvent en ambulatoire sous anesthésie locale, après avoir éliminé une infection cervico-vaginale.
• Elle permet de:
- visualiser les lésions endométriales: lésion végétante, friable, parfois ulcérante saignant au contact;
- préciser leur topographie, leur extension vers l'isthme et l'endocol;
- guider les biopsies.
• Elle est complétée par un curetage biopsique étagé de l'endocol, puis de la cavité utérine.
• Les risques sont faibles: perforation utérine, infection, embolie gazeuse( < 1 %).
• L'hystéro-résection, du fait de son risque de dissémination péritonéale, n'est pas recommandée en cas de suspi­
cion de cancer de l'endomètre.

B 11. Stratégie d'exploration par imagerie d 1 une tumeur


du corps utérin
11.1. Échographie pelvienne par voies vaginale et abdominale
• C'est l'examen de première intention pour l'exploration des métrorragies.
• Sont en faveur du diagnostic:
- la présence d'une formation intra-utérine;
- l'augmentation de l'épaisseur de l'endomètre(> 5 mm chez la patiente ménopausée): la sensibilité de ce critère
est de 90 à 100 %, mais sa spécificité n'est que de 50 % environ;
- l'adjonction d'un examen Doppler permet de préciser les anomalies de vascularisation, évocatrices d'une
tumeur maligne.
• Elle peut préciser les caractéristiques de la tumeur: taille et degré d'envahissement du myomètre, ainsi que l'ex­
tension loco-régionale: masse annexielle et recherche d'une carcinose péritonéale(ascite, nodule de carcinose du
cul de sac de Douglas ...).

► 168 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ...


165
ltem300

11.2. Bilan d'extension loco-régionale: l'IRM pelvienne


• Elle est systématique. Elle permet:
- une visualisation de la tumeur : elle se manifeste par un épaississement de l'endomètre, plus ou moins
hétérogène, le plus souvent hyp o-intense en T2. La tumeur peut ne pas être visible en IRM;
- une évaluation de la profondeur de l'extension au myomètre: c'est l'examen le plus performant;
- de rechercher une extension à l'isthme, au col, aux annexes;
- la recherche d'adénopathies lomboaortiques et pelviennes.

Bilan d'extension métastatique: la tomodensitométrie thoraco­


11.3.
abdomino-pelvienne
• Elle n'est pas systématique. Elle est demandée en cas:
- de contre-indication à l'IRM;
en cas d'extension loco-régionale ou ganglionnaire (stade III), de susp1oon clinique de métastase et
systématiquement dans les typ es 2 histologiques. Dans ces situations, la réalisation d'un TEP-TDM au lSFDG
couplé à une TDM peut également être discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire.

11.4. Bilan général


• Temps essentiel pour évaluer l'opérabilité car il s'agit souvent de femmes âgées, obèses, ayant de nombreux fac­
teurs de comorbidités pouvant interférer avec le plan de traitement chirurgical. Ce bilan permet également d'ap­
précier les autres indications thérapeutiques (radiothérapie, prise en charge médicale). Il inclut:
- une évaluation clinique complète: âge, obésité, HTA, état cardio-circulatoire, indice de performance selon le
score de Karnofsky ou l'échelle de !'OMS;
- une évaluation oncogériatrique à la recherche de signe de vulnérabilité si âge > 70 ans;
- une consultation pré-anesthésique (score ASA);
- au besoin des examens complémentaires (bilan biologique, consultation cardiologique, échographie cardiaque,
EFR ...);
- un bilan nutritionnel est également indiqué chez les patientes âgées (la surcharge pondérale pouvant masquer
certains critères de dénutrition, notamment protidique).

11.5. Évaluation pronostique


• Les principaux facteurs de mauvais pronostic sont:
- l'âge élevé et les comorbidités sévères: ils conditionnent la possibilité de réaliser le traitement optimal;

- La classification anatomo-chirurgicale de la FIGO (2009) est le principal facteur pronostique (Tableau 5). Elle
prend en compte le degré d'infiltration du myomètre (<ou> à 50 %), l'extension au col, la présence ou non
d'adénopathies.

- type histologique (2 versus 1);


- pour les typ es 1, endométrioïdes: grade histopronostique élevé;
- présence d'emboles tumoraux vasculaires ou lymphatiques.

La classification FIGO des cancers du corps de l'utérus ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet
item et ces informations sont données à titre indicatif.

166
ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ... 169 ◄
Tableau 5. CLASSIFICATION FIGO DES ADÉNOCARCINOMES DE L'ENDOMÈTRE (2009)

1
Probabilité de survie
FIGO Description sans rechute à 5 ans
(à titre indicatif)
Stade 1 : Tumeur limitée au corps utérin 85 %
IA Extension limitée à l'endomètre ou à moins de 50 % du myomètre
18 Extension à;:: 50 % du myomètre
Stade Il : Tumeur envahissant le stroma cervical mais ne s'étendant pas au-delà du col 70 %
Stade Ill: Extension au-delà du col 30 %
IIIA Extension à la séreuse ou aux annexes
1118 Extension au vagin ou aux paramètres
Présence de métastases ganglionnaires
IIIC
IIIC1 Pelviennes
111(2 Lombo-aortiques
Stade IV
-- Extension aux organes de voisinage ou métastases à distance <5%
IVA Extension à la muqueuse vésicale ou intestinale
IV8 Présence de métastases à distance

► 170 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN,.,


167
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 300:

« TUMEURS DU COL UTÉRIN, TUMEURS DU CORPS UTÉRIN»

Situation de départ Descriptif


Tumeurs du col utérin

En lien avec la prévention des tumeurs du col utérin

294. Consultation de suivi en gynécologie En France, l'incidence et la mortalité diminuent grâce au


,_______________________, développement du dépistage des lésions pré-invasives par
303 . Prévention / dépistage des cancers de l'adulte
t- _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ le frottis cervico-utérin (FC LJ).
__-1 Les papillomavirus humains (HPV), transmis par contact
3 05. Dépistage et conseils devant une infection
sexuellement transmissible sexuel, constituent le principal facteur étiologique. Les
t------------------------1 HPV 16 et 18, dits oncogènes, sont en cause dans 70 %
314. Prévention des risques liés au tabac des cas.
Chez une minorité de femmes, l'infection persistante
322. Vaccinations de l'adulte et de l'enfant
conduit au développement de lésions pré- cancéreuses,
les néoplasies cervicales intra-épithéliales (Cl N).
L'évolution vers un cancer se fait en moyenne en 15 ans.
Les cofacteurs favorisant sont les infections sexuellement
transmissibles, le tabac, l'immunosuppression.
La vaccination permet de prévenir l'infection persistante
par les HPV oncogéniques (Gardasil 9, vaccin nonavalent).
Elle est recommandée pour tous les jeunes (filles et
garçons) de 11 à 14 ans, et en rattrapage vaccinal entre 15
et 19 ans révolus.
La vaccination ne dispense pas du dépistage par FCU.
Le FCU qui va permettre une analyse cytologique des
cellules du col utérin à la jonction exocol-endocol et la
recherche du génome d'HPV (test HPV).
La HAS recommande le FCU pour les femmes de 25 à
65 ans (sauf celles n'ayant jamais eu de rapport sexuel) :
entre 25 et 30 ans, examen cytologique tous les 3 ans
après deux FCU normaux à un an d'intervalle ; à partir de
30 ans, test HPV tous les 5 ans.
Il est nécessaire de proposer aux patientes un dépistage
des autres sites pouvant présenter des tumeurs liées à
l'HPV (sphères ORL et anale).
En lien avec te diagnostic des tumeurs du col utérin

36. Douleur de la région lombaire Les métrorragies, postcoïtales ou spontanées, sont le


_______......, symptôme le plus fréquent.
/9· Douleur pelvienne_____ ---------1 Les douleurs ou une masse pelvienne traduisent une
104. Leucorrhées forme localement avancée.
---------------- Une insuffisance rénale aiguë et/ou une urétéro-
106. Masse pelvienne hydronéphrose chez une femme présentant des
- -------------------- - métrorragies doit faire songer à ce diagnostic.
112. Saignement génital anormal (hors grossesse connue)
Si le col est macroscopiquement normal, la biopsie se fait
199. Créatinine augmentée sous le contrôle d'une loupe binoculaire, le colposcope.
L'examen gynécologique sous AG constitue un temps
- fondamental du bilan d'extension dans les stades avancés.

168
ÎUMEURS DU CDL UTÉRIN ••• 171 ◄
En lien avec le bilan diagnostique des tumeurs du col utérin
178. Demande / prescription raisonnée et choix d'un La conisation chirurgicale est recommandée dans
examen diagnostique les formes infracliniques pour préciser les facteurs
231. Demande d'un examen d'imagerie
pronostiques histologiques.
Le carcinome épidermoïde (70 %) est plus fréquent que
233 . Identifier / reconnaître les différents examens
l'adénocarcinome (20 %).
d'imagerie (type/fenêtre/séquences/incidences/ L'IRM abdomino-pelvienne est systématique pour
injection) apprécier la taille de la tumeur et son extension locale
2 3 2 . Demande d'explication d'un patient sur le (paramètres, utérus, vessie, rectum), rechercher des
déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un métastases ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques
examen d'imagerie et une dilatation urétérale.
229. Découverte d'une anomalie pelvienne à l'examen
Le TEP-TDM au 18 FDG est réalisé dans les formes
d'imagerie médicale localement avancées.
Le curage ganglionnaire pré-thérapeutique par
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire / biopsie
laparoscopie est recommandé si le bilan d'extension est
1 8 0. Interprétation d'un compte rendu d'anato- négatif.

mopathologie La sérologie VIH est systématique.


2 3 9 . Explication pré-opératoire et recueil de

consentement d'un geste invasif diagnostique ou


thérapeutique
235. Découverte diagnostic positif dépistage rapide VIH
Tumeurs du corps utérin

En lien avec la prévention des tumeurs du corps utérin
278. Consultation de suivi d'une femme ménopausée Cancer gynécologique le plus fréquent.
294. Consultation de suivi en gynécologie Son principal facteur de risque est la surcharge pondérale.
Il est également favorisé par tous les facteurs associés
319. Prévention du surpoids et de l'obésité à une exposition prolongée aux œstrogènes endogènes
(puberté précoce, ménopause tardive... ) ou exogènes
(tamoxifène, utilisé dans le traitement adjuvant du cancer
du sein).
Environ 5 % des cancers de l'endomètre rentrent dans le
cadre d'un cancer colique familial sans polypose (H N PCC
ou syndrome de Lynch).
La recherche dans la tumeur d'une perte d'expression
des protéines du MMR par immunohistochimie doit être
systématique.
En lien avec le diagnostic des tumeurs du corps utérin
99. Douleur pelvienne Les (méno-) métrorragies sont les symptômes les plus
104. Leucorrhées
fréquents.
Après la ménopause toute métrorragie est un cancer de
106. Masse pelvienne
l'endomètre jusqu'à preuve du contraire et doit toujours
112. Saignement génital anormal (hors grossesse connue) être explorée.

L'examen gynécologique est le plus souvent normal. Il


permet de réaliser une biopsie de l'endomètre.

► 172 ÎUMEURS DU COL UTÉRIN, ••


169
En lien avec le bilan diagnostique des tumeurs du corps utérin
"'
178. Demande / prescription raisonnée et choix d'un L'échographie pelvienne est l'examen de prem1ere
examen diagnostique - intention. Elle montre très souvent une augmentation
231. Demande d'un examen d'imagerie
de l'épaisseur de l'endomètre (> s mm chez la patiente
ménopausée).
233. Identifier / reconnaître les différents examens
L'hystéroscopie diagnostique sous anesthésie locale est
d'imagerie (type/fenêtre/séquences/incidences/ l'examen fondamental pour la visualisation de la lésion
injection) tumorale et la réalisation de biopsies.
232. Demande d'explication d'un patient sur le Il s'agit d'un adénocarcinome, le plus souvent de type
déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un endométrioïde de bas grade (type 1). Les types 2, (séreux
examen d'imagerie papillaire, à cellules claires... ) sont plus agressifs. Les
229. Découverte d'une anomalie pelvienne à l'examen
carcinosarcomes doivent également être considérés
d'imagerie médicale comme des carcinomes agressifs et non comme des
sarcomes.
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire / biopsie
- L'I RM abdomino-pelvienne est systématique pour le bilan
180. Interprétation d'un compte rendu d'anato- d'extension.
mopathologie -·- -· Le scanner TAP est réalisé dans les types 2 histologiques
2 3 9. Explication pré-opératoire et recueil de
ou en cas d'extension loco-régionale ou ganglionnaire
consentement d'un geste invasif diagnostique ou (stade Ill).
thérapeutique Le bilan général est essentiel pour évaluer la faisabilité des
traitements dans le contexte de femmes âgées, souvent en
surcharge pondérale.

170
ÎUMEURS DU COL UTÉRIN ... 173 ◄
-

171
Item 301

CHAPITRE ►----Tumeurs
-------------------------------------
du côlon et du rectum
Pr Thierry André', Pr Jaafar Bennouna2, Pr Nicolas Magné', Pr Yann Parc•, Pr Christophe Tournigand5
'Oncologie médicale, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris
'Oncologie médicale, Centre Hospitalier Universitaire, Nantes
'Radiothérapie, Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth, Saint Priest en Jarez
'Chirurgie digestive, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris
'Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil

OBJECTIFS : N ° 301. TUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM


� Diagnostiquer une tumeur du côlon et une tumeur du rectum.

· --------------------------------------------------------------------- ------------------------------------- ---- - ·


1. Épidémiologie 4.1. Les circonstances de découverte
1.1. Épidémiologie descriptive 4.2. l.'.examen clinique
1.2. Épidémiologie analytique 4.3. Les examens complémentaires
2. Anatomo-pathologie 4.4. Bilan d'extension et bilan pré-thérapeutique
2.1. Les tumeurs bénignes: les polypes colorectaux S. Traitement
2.2. Les tumeurs malignes 5.1. Traitement des cancers colorectaux localisés (non
3. Histoire naturelle des cancers colorectaux métastatiques)
4. Le diagnostic du cancer colorectal 5.2. Principes thérapeutiques des cancers colorectaux
métastasés (stade IV)

1
Rang
-----
Rubrique
~ - ----��- - 1 Intitulé
- -------------------
- --
A Définition Connaître les principaux types histologiques des tumeurs bénignes et malignes
colorectales
B Etiologies Connaître la liste des principales lésions colorectales augmentant le risque de
survenue ultérieure d'un cancer
B Examens complémentaires Connaître le vocabulaire permettant de comprendre un compte-rendu ACP de
tumeur colorectale
A Définition Définitions des polypes et des polyposes
A Suivi et/ou pronostic Connaître la filiation adénome cancer
A Diagnostic positif Circonstances de découverte
B Suivi et/ou pronostic Connaître le rythme de surveillance en fonction du nombre et de la taille des
adénomes
B Prévalence, épidémiologie Epidémiologie descriptive: incidence et prévalence du cancer du rectum
A Étiologies Epidémiologie analytique: facteurs de risque
B Prise en charge Epidémiologie analytique: indication d'un test génétique
B Définition Epidémiologie analytique: polypose adénomateuse familiale (PAF) et syndrome
de Lynch
A Diagnostic positif Examen clinique
A Examens complémentaires Examens complémentaires de première intention
B Examens complémentaires Examens complémentaires endoscopiques et radiologiques
B Examens complémentaires Connaître la stratégie d'exploration en imagerie initiale du cancer colorectal
B Prise en charge Cancers localisés et principes de traitement

172 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 175 ◄


• ;
Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

1. Epidémiologie

B 1.1. Épidémiologie descriptive


• En 2018, le cancer colorectal (CCR) était le 3• cancer de l'homme diagnostiqué en France (après les cancers de
la prostate et du poumon) et le 2• chez la femme (après le cancer du sein). Tous sexes confondus, il est au 4•
rang des cancers les plus fréquents.
• Il y a eu 1,4 million de nouveaux cas de CCR dans le monde en 2019 (9,7 % du total des cancers incidents).
• 43 336 nouveaux cas ont été diagnostiqués en France en 2018 (23 216 chez l'homme, sex-ratio en faveur
d'une légère prédominance masculine): 11 % des cas incidents (nouveaux cas de cancers).
• Environ 35 % des CCR sont des tumeurs du rectum (tumeur dont l'extrémité distale est située à une distance
:s: 15 cm de la marge anale mesurée par recto-sigmoïdoscopie rigide).
• Les cancers du côlon représentent 65 % des CCR (rapport 2/3 - 1 /3 entre côlon gauche et côlon droit),

• Il a été responsable de 17 117 décès en France en 2018, 2' cause de mortalité par cancer en France (après le
cancer du poumon): 12 % de la mortalité par cancer.
• Le taux d'incidence a diminué entre 1990 et 2018 de - 0,6 % par an en moyenne chez l'homme et chez la femme.
• Le taux de mortalité a diminué entre 1990 et 2018 de -1,6 % par an en moyenne chez l'homme et chez la femme.
• En 2018, l'âge médian au moment du diagnostic de CCR était de 71 ans chez l'homme et de 73 ans chez la femme
(10 % des cancers colorectaux sont identifiés avant 50 ans).
• Le taux de survie relative à 5 ans varie en fonction de la classification TNM:
- Stade I: 94 %;
- Stade II: 80 % (après chirurgie);
- Stade III: 45 à 60 % après chirurgie seule (environ 75 % après chirurgie et chimiothérapie adjuvante);
- Stade IV: 10 %;
- Tous stades confondus: 63 %.

A 1.2. Épidémiologie analytique


• Dans 85 % des cas, le CCR est d'origine sporadique. Il existe des formes familiales, 10 % sans anomalie génétique
identifiée et 5 % seulement avec une anomalie génétique déterminée (syndrome de Lynch, polypose adénoma­
teuse familiale).

1..2.1.. L,age
...

Le principal facteur de risque d'avoir un cancer colorectal est l'âge supérieur à 50 ans (90 % des cancers co­
lorectaux). À partir de 50 ans, le risque d'avoir un cancer colorectal entre 50 à 74 ans sans autre facteur de risque que
l'âge est de 3,5 %.

► 176 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 173


Item 301

1.2.2. Antécédent familial ou personnel d'adénome ou de CCR


• Tout individu avec un antécédent familial de CCR a un risque relatif augmenté de CCR, égal à :
- 2,25 en cas d'antécédent familial au 1" degré de CCR;
- 4,25 en cas d'antécédents familiaux multiples au 1'' degré;
• Tout individu avec un antécédent familial de polyp e adénomateux recto-colique de diamètre > 10 mm ou à
contingence villleuse (dans la fratrie ou chez les enfants) a un risque augmenté de CCR.
• Tout individu aux antécédents personnels de CCR ou de polype adénomateux recto-colique de diamètre> 10 mm
ou à contingence villeuse a un risque augmenté de CCR.

B 1.2.3. Les syndromes héréditaires liés à une anomalie génétique


1.2.3.1. Le syndrome de Lynch
• Le syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer) est responsable d'en­
viron 3 à 4 % des CCR (forme la plus fréquente des cancers héréditaires). Il se traduit par la formation de polypes
adénomateux dans la paroi du côlon, mais en nombre moindre par comparaison à la Polypose Adénomateuse
Familiale (PAF). Les polyp es sont parfois plans et difficiles à voir en coloscopie.
• Pour les personnes avec un syndrome de Lynch, le risque de développer un CCR au cours de la vie est de l'ordre
de 70 % chez l'homme et d'environ 50 % chez la femme. Dans la majorité des cas, le cancer se développe au niveau
du côlon droit.
• L'anomalie est exprimée sur les gènes des protéines de réparation des mésappariements (MMR, MisMatch
Repair) survenant lors de la réplication de !'ADN. Sa transmission est autosomique dominante par mutation
constitutionnelle d'un des gènes du système MMR (principalement MLHl et MSH2, plus rarement MSH6 ou
PMS2).
• En cas de déficience du système MMR, des mutations somatiques s'accumulent favorisant le développement d'un
clone cellulaire tumoral. Ces erreurs ont été identifiées au niveau des microsatellites (qui sont des séquences
d'ADN formées par une répétition continue de motifs composés de 1 à 4 nucléotides). Les tumeurs portant ce
phénotype sont dites MSI (Microsatellite Instability) ou deficient Mismatch Repair (dMMR).
• L'analyse d'une déficience du système Mismatch Repair (MMR) permet de sélectionner les patients auxquels est
proposée une analyse génétique constitutionnelle. Deux méthodes sont disponibles pour déterminer le statut
MMR d'un cancer colorectal
- technique de biologie moléculaire (PCR) après extraction d'ADN à partir de matériel tumoral;
- immuno-histochimie, avec des anticorps spécifiques (MLHl, MSH2, PMS2 et MSH6) qui peut montrer une
perte d'expression protéique au niveau des cellules tumorales. L'absence d'expression de l'une de ces protéines
au niveau tumoral est fortement suggestive d'un statut Deficient Mismatch Repair (dMMR);
- la confirmation de la mutation germinale (qui est propre à chaque famille) repose sur l'identification - longue
et délicate - de la mutation (séquençage des gènes MMR). Cette altération sera recherchée par une prise de
sang. Si elle est retrouvée, elle permettra de faire beaucoup plus facilement le diagnostic de syndrome de Lynch
chez les apparentés, en allant directement rechercher la mutation qui aura été identifiée.
• La surveillance d'un sujet avec syndrome de Lynch impose un suivi régulier et spécifique :
- coloscopie complète tous les 2 ans dès l'âge de 20 ans avec chromoendoscopie par indigo-carmin (pour détecter
les adénomes plans);
- pour les femmes atteintes du syndrome de Lynch, surveillance de l'endomètre dès l'âge de 30 ans avec
échographie endo-vaginale tous les 2 ans. De plus, il est préconisé que le gynécologue réalise un prélèvement
endométrial, pour analyse histologique. En cas de dysplasie avérée, l'hystérectomie doit être réalisée.

174 TUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 177 ◄


• Le syndrome de Lynch prédispose également à d'autres cancers :
- spectre majeur: cancer colorectal et cancer de l'endomètre ;
- spectre mineur : voies urinaires, intestin grêle mais également ovaire, estomac, voies biliaires, pancréas,
tumeurs cérébrales, adénomes sébacés et kératoacanthomes.
1.2.3.2. La polypose adénomateuse familiale (PAF)
• La polyp ose adénomateuse familiale (PAF) est une maladie héréditaire autosomique dominante liée à une muta­
tion du gène APC (5q21-q22) dont la pénétrance est quasi complète (la présence de la mutation entraîne quasi
constamment l'apparition du phénotype).
• Le risque de transmission à la descendance est de 50 % pour chaque enfant. La mutation génétique est variable
d'une famille à l'autre. La prévalence de la maladie est d'environ 1/10 000. La PAF est rare (1 % des cancers colo­
rectaux).
• La PAF est caractérisée par le développement de centaines ou de milliers d'adénomes colorectaux dès l'adoles­
cence, le plus souvent supérieurs à 100 lors de la première coloscopie. Individuellement, ces polypes ne sont
pas plus susceptibles de devenir cancéreux que les polypes observés chez une personne non atteinte de PAF.
Cependant, en raison de leur nombre élevé, le risque que l'un d'entre eux devienne cancéreux s'accroît avec une
dégénérescence systématique à partir de 40 ans.
• Les tumeurs associées à la PAF sont :
- adénomes duodénaux et ampullaires à risque de dégénérescence (indication selon leur taille et leur extension
d'une résection endoscopique ou éventuellement d'une duodéno- pancréatectomie céphalique) et polyp es
gastriques bénins ;
- tumeurs desmoïdes dont la localisation est le plus souvent mésentérique. Elles sont bénignes mais leur
développement peut être à l'origine de complications loco-régionales;
- autres tumeurs non digestives: osseuses, du SNC, et de la thyroïde;
- autres: hyp ertrophie de l'épithélium de la rétine, anomalies dentaires, kystes sébacés.
• La surveillance des patients avec une PAF est définie :
- coloscopie avec chromoendoscopie par indigo-carmin et biopsies une fois par an à partir de la puberté (12 ans);
- chirurgie prophylactique (coloproctectomie totale avec anastomose colo-anale et réservoir) dès que le nombre
trop important de polyp es empêche une surveillance efficace (vers 20 ans le plus souvent). En l'absence de
chirurgie prophylactique, le risque de développer un cancer avant l'âge de 40 ans est de 100 % ;
- surveillance endoscopique avec chromoendoscopie annuelle du réservoir (après anastomose iléo-anale tous
les 2 ans et 1 fois par an en cas d'anastomose iléo-rectale) ;
- pour les autres tumeurs: fibroscopie œso-gastroduodénale annuelle ou tous les 2-3 ans.
1.2.3.3. Les autres polyp oses
• Il existe une autre polyp ose familiale (moins de 5 % des polyposes), le syndrome MAP (MYH associated polypo­
sis). La transmission est autosomique récessive avec une pénétrance variable, en général de typ e « PAF atténuée ».
Compte tenu du mode de transmission, le risque de développer la maladie est de 25 % pour la fratrie et quasi nul
pour la descendance (le risque de transmission aux enfants est lié au risque que le conjoint soit porteur d'une
mutation mono-allélique, moins de 1 % de la population). Le nombre de polyp es est plus modéré, en général
entre 10 et 100 polyp es.
• Les autres polyp oses sont encore plus rares que la PAF, également à transmission dominante avec risque moins
important de cancer colorectal:
- le syndrome de Peutz-Jeghers (mutations du gène LKBl/STKll, polypes hamartomateux de l'intestin grêle et
du côlon, lentiginose péri-orificielle) ;
- la maladie de Cowden (mutations du gène PTEN, hamartomes de la peau, de la thyroïde, du côlon, de
l'endomètre);

► 178 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 175


Item 301

- la polyp ose juvénile (mutations des gènes SMAD4 ou BMPRAl) ; les hamartomes colorectaux sont très
fréquents. Le risque cumulé de cancer colorectal est de l'ordre de 20 à 40 % ;
- la polypose hyp erplasique ou mixte (gènes non identifiés); le risque de cancer colorectal tient aux contingents
adénomateux des polyp es hyp erplasiques ou aux adénomes associés.

1..2.4. Les antécédents personnels de maladie inflammatoire chronique de l'intestin


(MICI)
1.2.4.1. La maladie de Crohn
• L'augmentation du risque de cancer colorectal apparaît après 10 ans d'évolution, souvent en cas d'atteinte colique
au-delà du sigmoïde. Le risque est d'autant plus élevé que la maladie de Crohn a été diagnostiquée précocement.

1.2.4.2. La rectocolite hémorragique


• De façon similaire, le risque de dégénérescence néoplasique survient après 10 ans d'évolution et il est d'autant
plus élevé que la maladie a commencé jeune.

1..2.5. Les facteurs de risque environnementaux


• La consommation d'alcool, le tabagisme, le surpoids, l'obésité, le diabète, la sédentarité, la consommation de
viande et de charcuterie sont décrits comme des facteurs de risque.

1..2.6. Autre facteur de risque : l'acromégalie

A Trois niveaux de risque ont été définis pour le CCR:


• risque modéré: risque de la population générale de plus de 50 ans (80% de la population);
risque élevé soit 2 à 4 fois plus de risque que la population moyenne de développer un cancer colorectal. On
retrouve dans cette catégorie (10 à 15 % de la population):
les patients présentant une maladie inflammatoire chronique de l'intestin (Crohn ou RCH);
les patients à qui on a déjà retiré un polype adénomateux colorectal ou qui ont été traités pour un cancer
colorectal et opéré;
- les patients qui présentent un antécédent de cancer colorectal ou d'adénome colorectal dans leur famille
au 1., degré (frères et sœurs, enfants, parents). La surveillance par coloscopie doit commencer entre 45 et
50 ans (ou 10 ans avant le cas index) (recommandation de l'HAS, 2017);
- les patients présentant 2 ou plusieurs antécédents de cancers colorectaux dans leur famille du 2• ou du
3• degré (du même côté de l'arbre généalogique). La surveillance par coloscopie doit commencer entre
45 et 50 ans (ou 10 ans avant le cas index) (recommandation de l'HAS, 2017);
NB: en cas d'antécédent familial de cancer colorectal au 1., degré à un âge supérieur à 65 ans il n'y a pas
de recommandation claire (choix entre coloscopie et test immunologique dans le cadre de la campagne
nationale de dépistage);
- l'acromégalie.
• risque très élevé : individus aux antécédents familiaux de PAF ou de syndrome HNPCC et autres polyposes
(5 % de la population).
Modalité organisationelle du dépistage en France :
• risque modéré: dépistage organisé par recherche de saignement occulte dans les selles (test: immunologique);
risque élevé : coloscopie;
• risque très élevé: programme de dépistage et de surveillance à déterminer après une consultation d'oncogé­
nétique.

176 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 179 ◄


A 2. Anatomo-pathologie

2.1. Les tumeurs bénignes : les polypes colorectaux


• Les polypes se développent dans la lumière intestinale. Certains d'entre eux correspondent à un stade pré­
cancéreux.
• Le polyp e peut être pédiculé, sessile ou plan (dans ce cas peu ou pas perceptible en endoscopie standard), de
nature bénigne ou maligne.

2.1.1. Différents types de polypes


• Il existe différents types de polypes:
- des polypes qui ne dégénèrent jamais en CCR : il s'agit des polyp es hyperplasiques, hamartomateux et
inflammatoires. Les polypes hyperplasiques sont très fréquents (20 à 30 % des personnes de plus de 50 ans) ;
B - des polypes avec un risque de dégénérescence en CCR :
► ce sont les polypes adénomateux, appelés aussi adénomes. Ils se développent à partir des glandes situées
dans la muqueuse du côlon et du rectum (les glandes de Lieberkühn). Ils représentent environ 70 % des
polypes et sont à l'origine de plus de 80 % des cancers colorectaux.
► les adénomes ont une incidence qui augmente avec l'âge (au moins un polyp e chez 30 % des sujets de
65 ans). Le sex-ratio H/F est de 2. Un adénome bénin est par définition en dysplasie de bas grade. Un
adénome en dysplasie de haut grade est le stade qui précède le statut de carcinome in situ. Le risque de
cancérisation d'un adénome est globalement de 2,5 à 10 % suivant la taille.
► il existe trois sous-types histologiques (classification OMS) : l'adénome tubuleux, l'adénome tubulo­
villeux, et l'adénome villeux. L'adénome villeux (5 % des polypes adénomateux) a le risque le plus élevé de
transformation cancéreuse (40 %), en particulier s'il est volumineux. L'adénome tubulo-villeux (20 % des
polypes adénomateux) présente à la fois des caractéristiques de l'adénome villeux et de l'adénome tubuleux
avec un risque intermédiaire de transformation cancéreuse entre l'adénome tubuleux et l'adénome villeux.
► l'adénome plan a été identifié récemment et correspond à une autre façon de caractériser un adénome. Il
s'agit d'une lésion très localisée ( < 1 cm de diamètre). Contrairement aux autres adénomes, l'adénome plan
ne se développe pas en relief sous forme de polype, mais plutôt à plat ( < 1,3 mm d'épaisseur). Les adénomes
plans présentent un risque plus important que les autres adénomes de se transformer en cancer.

Le risque de transformation cancéreuse d'un adénome dépend de plusieurs facteurs :


- la proportion du contingent villeux;
- la taille supérieure à 1 cm;
- le type de dysplasie (haut grade vs bas grade);
- le nombre: plus le nombre est élevé, plus la probabilité de transformation cancéreuse de l'un d'entre eux
augmente;
- polype à base d'implantation sessile ou plat.
Important de retenir :
- dans un adénome les cellules dysplasiques ou tumorales ne franchissent pas la membrane basale;
- la dysplasie est une néoplasie intra-épithéliale.

► 180 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 177


Item 301

2.1..2. Prise en charge et surveillance des polypes colorectaux


• Tout polype doit être retiré lors de la coloscopie par ablation à l'anse diathermique ou destruction à la pince
(polyp es très petits). Les risques sont l'hémorragie et la perforation. Les polypes pédiculés sont retirés par poly­
pectomie endoscopique. Les polypes sessiles ou plans peuvent être retirés par mucosectomie (injection de sérum
salé entre la musculeuse et le polype).
• Si !'exérèse d'un polype n'est pas possible par voie endoscopique, !'exérèse chirurgicale (colectomie segmentaire)
est nécessaire.

L'étude anatomo-pathologique systématique de la pièce de polypectomie est indispensable.

• Seuls les polypes adénomateux justifient une surveillance coloscopique :


- coloscopie à 3 ans si adénome de taille ;;:: à 1 cm ou plus de 3 polypes adénomateux, et ou si dysplasie de haut
grade;
- en cas de coloscopie normale ou dans les autres cas sus-cités, contrôle à prévoir à 5 ans;
- en cas de mauvaise préparation, de resection non mono-bloc, ou d'examen incomplet un contrôle rapproché
(0 - 3 mois) doit être programmé.

A 2.2. Les tumeurs malignes


• La très grande majorité des cancers colorectaux sont des adénocarcinomes:
- adénocarcinome lieberkühnien dans 80 % des cas;
- adénocarcinome mucineux ou colloïde muqueux.
• Le cancer se développe presque toujours à partir d'un adénome.
• Les autres variétés histologiques sont très rares (lymphome, tumeur stromale, tumeur neuro-endocrine, etc.) et
ne seront pas traitées dans ce chapitre.

3. Histoire naturelle des cancers colorectaux


• Les différentes étapes de l'histoire naturelle du cancer colorectal peuvent être résumées schématiquement :
- phase d'initiation : dans 80 % des cas, le cancer colorectal se développe à partir d'un polype adénomateux
colorectal. Les lésions, d'abord de dysplasie de bas grade, évoluent vers une dysplasie de haut grade pour
atteindre en 10 à 15 ans le stade de carcinome in situ (sans franchissement de la lame basale).
- phase de progression locale : le franchissement de la membrane basale et de la musculaire muqueuse avec
envahissement de la sous- muqueuse colorectale correspond au stade de cancer invasif Tl. La progression en
profondeur concerne ensuite la musculeuse puis la séreuse (mésorectum pour le rectum) pour atteindre les
organes de voisinage.
- l'invasion lymphatique débute par les premiers relais ganglionnaires au niveau paracolique. À un stade avancé,
la progression ganglionnaire peut dans certains cas atteindre le ganglion sus-claviculaire gauche (ganglion de
Troisier).
- les métastases sont décrites principalement au niveau hépatique. Les autres organes concernés sont le
péritoine (et les ovaires chez la femme), les poumons, et plus rarement l'os et le cerveau. Pour le rectum,
les veines rectales supérieures se drainent dans le système porte, alors que les veines rectales moyennes et
inférieures se drainent dans le système cave : il y a donc possibilité pour les cancers du rectum d'une évolution
métastatique pulmonaire sans atteinte hépatique.

La classification TNM des cancers colorectaux ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

178
ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 181 ◄
CLASSIFICATION TNM s• ÉDITION/AJCC-UICC 2017
1 STADETNM

ns Carcinome in situ: envahissement de la muqueuse (adénocarcinome intra- Stade o


muqueux envahissant le chorion ou la musculaire muqueuse)
pTisNoMo
Î1 Envahissement de la sous-muqueuse sans la dépasser
Stade 1
Î2 Envahissement de la musculeuse sans la dépasser T1-T2N0Mo
T3 Envahissement de la sous-séreuse± tissu péri-colique

T4a Envahissement de la séreuse et donc du péritoine viscéral Stade Il


T4b Envahissement des organes de voisinage T3T4N0Mo

N1 1 à 3 ganglions régionaux métastatiques

N1a 1 ganglion métastatique


Stade Ill
N1b 2-3 ganglions métastatiques
Tous T N+ Mo
N1c Dépôts tumoraux« satellites c'est-à-dire nodules tumoraux dans la sous-
séreuse (ou tissu péri-colique ou rectale) et en l'absence de ganglion
métastatique

N2 4 ou plus ganglions régionaux métastatiques

N2a 4 à 6 ganglions métastatiques

N2b Plus de 7 ganglions métastatiques

M1 Métastases à distance
Stade IV
M1a Atteinte d'un seul organe Métastatique
M1b Atteinte péritonéale ou de plusieurs organes Tous T tous N M+

A 4. Le diagnostic du cancer colorectal

4.1. Les circonstances de découverte


4.1.1. Découverte fortuite
• Le patient est asymptomatique. Le cancer colorectal est diagnostiqué lors d'un dépistage individuel par colosco­
pie (patient à risque élevé ou très élevé) ou dans le cadre du dépistage de masse en population générale (popula­
tion à risque modéré).
• En France, le dépistage de masse organisé utilise un test immunologique de recherche de sang dans les selles :
- le test immunologique repose sur la détection d'hémoglobine humaine dans les selles grâce à l'utilisation
d'anticorps monoclonaux ou polyclonaux, spécifiques de la partie globine de l'hémoglobine humaine;
- il est proposé tous les deux ans entre 50 et 74 ans, suivi d'une coloscopie en cas de positivité;
- la structure de gestion de ce dépistage encourage par courrier les sujets éligibles à consulter leur médecin
généraliste. Le patient peut également être directement sensibilisé par le médecin généraliste au test de
dépistage (sans courrier);
- ce dépistage nécessite un prélèvement de selle à domicile sur une plaquette (kit de dépistage) qui est adressée
par courrier à un laboratoire centralisé spécialisé;

► 182 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM


179
Item 301

- l'objectif du dépistage, si la participation de la population atteint 50 %, est de diminuer la mortalité par


CCR de20%;
- environ 4 à 5 % des tests sont positifs et conduisent à faire pratiquer une coloscopie;
- en cas de test positif, un adénome de taille supérieure à 1 cm ou un cancer (dans la plupart des cas de stade
précoce) est diagnostiqué par la coloscopie environ quatre fois sur dix.

4.1..2. Une anomalie biologique


• Anémie ferriprive par saignement digestif occulte (colon droit surtout).

4.1..3. Des signes fonctionnels digestifs à l'interrogatoire


• Douleurs abdominales.
• Troubles du transit d'apparition récente ou modifications d'une symptomatologie ancienne avec alternance diar-
rhée/constipation.
• Rectorragies (côlon gauche) ou méléna (côlon droit).
• Syndrome rectal (cancer du rectum) avec épreintes et ténesmes.
• L'interrogatoire recherche aussi la date du dernier dépistage et les facteurs de risque : antécédent personnel ou
familial de polyp es, de cancer colorectal, antécédent personnel de MICI.

4.1..4. Des complications digestives


• Occlusion, perforation, péritonite.
• L'occlusion est plus fréquente au niveau des tumeurs du côlon gauche (petit diamètre, selles solides et développe­
ment d'une masse tumorale sténosante en virole).

4.2. L'examen clinique


4.2.1.. Examen général
• Asthénie, anorexie, amaigrissement, parfois fièvre.
• Asthénie, pâleur cutanéo-muqueuse, et tachycardie peuvent s'intégrer dans le cadre d'un syndrome anémique.

4.2.2. Examen abdominal


• Recherche d'une masse palpable d'origine colique profonde, plus fréquente au niveau du côlon droit (plus grand
diamètre permettant le développement d'une masse ulcéra-bourgeonnante et selles liquides).
• Recherche d'une hépatomégalie (métastases).
• Recherche de signes de carcinose péritonéale (ascite, nodules péritonéaux).

4.2.3. Les touchers pelviens sont obligatoires


• Le toucher rectal est réalisé sur un rectum vide, en décubitus dorsal, cuisses fléchies ou en décubitus latéral gauche
ou en position génu-pectorale.
• Le toucher rectal (TR) évalue :
- la distance de la tumeur par rapport à la marge anale et à la sangle pubo-rectale, la taille de la tumeur mesurée
en cm; si possible on mesure les 2 plus grands diamètres;
- l'aspect macroscopique polypoïde sessile, parfois pédiculé, ulcéré, ulcéro-bourgeonnant, ou purement infiltrant;
- la mobilité de la tumeur par rapport aux plans pariétaux profonds, une fixation pariétale (paroi pelvienne ou
organes pelviens antérieurs) évoquant un risque de résection R2, l'extension circonférentielle (les tumeurs
circonférentielles ont un pronostic plus défavorable);
- le TR peut également détecter l'existence de nodules indurés secondaires dans le méso-rectum.

180
ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 183 ◄
4.2.4. Examen ganglionnaire
• Adénopathie sus-claviculaire gauche (Troisier).

4.2.5. Autres points d'appel clinique


• Poumon, os (plus rares).

lf•3· Les examens complémentaires


• Diagnostic positif:
- Coloscopie totale (Figure 1) avec biopsies multiples de la masse suspecte et résection des polypes visualisés
pour analyse histologique (bilan d'hémostase au préalable, arrêt des anticoagulants/antiagrégants).
- Le patient est informé des modalités pratiques de la coloscopie et de ses risques. La préparation colique
préalable associe régime sans résidu et laxatifs osmotiques per os (PEG).
- Le diagnostic de certitude est histologique : adénocarcinome lieberkühnien dans la majorité des cas.
- Le cola-scanner (scanner hélicoïdal avec remplissage par du CO2 du côlon après insufflation au niveau du
rectum et reconstruction 3D des images) est proposé en cas de tumeur obstructive ne laissant pas passer le
coloscope. Il permet la recherche de lésions synchrones du rectum et du côlon (polyp e ou cancer synchrone),
mais la biopsie n'est pas possible.

Figure 1. Lésion ulcéro-bourgeonnante et sténosante du côlon droit, en lobe d'oreille,


spontanément hémorragique, très fortement suspecte de cancer; biopsies
(Image fournie par le Pr E. Coron, Service d'hépato-gastro-entérologie - CHU Nantes)

If.If. Bilan d'extension et bilan pré-thérapeutique


4.4.1.. Dans tous les cas
• Réalisation d'un scanner thoraco-abdomino-pelvien, sans et avec injection de produit de contraste iodé, à la
recherche de métastases (sites principaux: foie, poumon et péritoine).
• Les autres examens sont déterminés par les signes d'appel clinique : le TEP-TDM n'est indiqué qu'en cas de
suspicion d'évolution métastatique (ex: élévation de ]'ACE) avec un scanner thoraco-abdomino-pelvien normal.

► 184 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM


181
Item 301

• Bilan biologique: dosage de l'antigène carcino-embryonnaire (ACE) en pré-opératoire, recommandé mais non
obligatoire, avec une valeur pronostique et un intérêt pour le suivi.
• Bilan hépatique complet, NFS-plaquettes, ionogramme sanguin, urée et créatinine sanguines.
• Bilan nutritionnel pré-thérapeutique, bilan gériatrique le cas échéant.

B 4.4.2. Bilan d'extension spécifique au cancer rectal

Le siège de la tumeur est défini à partir de son extrémité inférieure (bas rectum : 0 à 5 cm de la marge anale ou à
2 cm ou moins du bord supérieur du sphincter; moyen rectum : > 5 à 1 O cm de la marge anale ou de> 2 à 7 cm du
bord supérieur du sphincter; haut rectum > 1 O à 15 cm de la marge anale ou à plus de 7 cm du bord supérieur du
sphincter (Figure 2).

Figure 2. Anatomie du rectum

sigmoïde

Haut
rectum

Moyen
rectum point de réflexion péritonéale

fascia recti

muscle releveurs de
Bas �Ctcl'rectum
rectum
colonnes de Morgani
sphincter externe

sphincter interne
canal anal
marge anale

• IRM pelvienne, systématique pour les grosses tumeurs :


- elle est réalisée en séquence T2 et Tl en saturation de graisse, avec et sans injection de gadolinium;
- c'est un examen indispensable pour les tumeurs circonférentielles, sténosantes, suspectes d'être T3 ou T4;
- elle évalue les caractéristiques de la tumeur rectale (siège, dimensions, lo.calisation exacte par rapport au
sphincter anal);
- et permet le bilan d'extension loco-régionale:
► extension de la tumeur dans la paroi rectale et le mésorectum, envahissement des organes de voisinage;
► évaluation de la marge latérale : distance la plus courte entre tumeur et fascia recti (limite externe du
mésorectum) ;
► évaluation de la marge distale: distance entre le pôle inférieur de la masse rectale et la ligne ilio-pectinée;
► visualisation d'éventuelles adénopathies de voisinage (mais faible spécificité et nombreux faux positifs).

182
ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 185 ◄
• L'écho-endoscopie rectale est surtout utile pour les petites tumeurs Tl et T2 et permet un bilan d'extension
précis:
- en particulier pour les tumeurs limitées à la paroi rectale (Tl et T2). Elle utilise une classification usTN dérivée
du TNM;
- elle évalue le degré d'envahissement de la paroi rectale (usî) et le statut ganglionnaire.

B 5. Traitement

5.1. Traitement des cancers colorectaux localisés (non métastatiques)

5.1..1.. Traitement endoscopique des petites lésions (in situ et T1.)


• La résection endoscopique peut être suffisante si les limites de résection sont saines.

5.1..2. Critères d'opérabilité et de résécabilité des CCR


• Le bilan de la consultation d'anesthésie conditionne l'opérabilité.
• L'extension locale (T) et métastatique (M) conditionne la résécabilité:
- absence de lésion métastatique (MO): résection première de la tumeur primitive avec une chirurgie de type RO
(limites de résection saines).

5.1..3. Traitement chirurgical des cancers du côlon (technique chirurgicale)


5.1.3.1. Principe
• Voie d'abord: laparotomie médiane ou cœlioscopie.
• Exploration de la cavité abdominale et prélèvements des lésions suspectes (nodules péritonéaux, ascite ...). Une
échographie per-opératoire peut être pratiquée en cas de doute sur des métastases hépatiques.
• Exérèse de la tumeur primitive avec une marge distale et proximale d'au minimum 5 cm. L'exérèse est monobloc
(avec méso-côlon attenant); avec curage ganglionnaire (au moins 12 ganglions) après ligature première des vais­
seaux.
• L'exérèse chirurgicale doit être monobloc, enlevant la tumeur et son extension locale. Selon la localisation tumo­
rale: colectomie segmentaire (hémi-colectomie droite, hémi-colectomie gauche) avec curage ganglionnaire.
- Les types de résection sont :
► décision d'expert.

5.1.3.2. Traitement chirurgical des CCR compliqués


• En cas d'occlusion: l'intervention est une colostomie première, faite le plus près possible en amont de la tumeur,
suivie après 8-15 jours d'une résection avec anastomose emmenant la colostomie.
• En cas de perforation ou de péritonite : l'intervention est une colectomie carcinologique sans rétablir la conti­
nuité digestive avec double stomie (une d'amont et une d'aval avec rétablissement de la continuité digestive dans
un deuxième temps).

5.1.3.3. Traitement chirurgical des cancers du rectum


• Exérèse du rectum et du méso-rectum jusqu'à 5 cm sous le pôle inférieur de la lésion, curage ganglionnaire para­
rectal. Confection d'une stomie provisoire pour diminuer le risque de fistule.
• En cas de cancer du moyen rectum: l'adjonction d'un réservoir colique en J de 5 à 6 cm de longueur est recom­
mandée lorsque la résection ne préserve pas au moins 3 cm de moignon rectal au-dessus du plan des releveurs.

► 186 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 183


184
- consultation avec examen clinique tous les 3 mois pendant 3 ans puis tous les 6 mois les 2 années suivantes;
- dosage de l'ACE (non consensuel);
- Échographie abdomino-pelvienne ou scanner abdomino-pelvien (ou en alternance) tous les 3 à 6 mois
pendant 3 ans puis tous les 6 mois pendant 2 ans;
- Scanner thoracique annuel pendant 5 ans;
- Coloscopie :
► si la coloscopie initiale était incomplète, ou de mauvaise qualité, ou non réalisée en pré-opératoire: à répéter
dans les 6 mois post-opératoires;
► si la coloscopie initiale était complète : contrôle à 2 ou 3 ans puis tous les 5 ans, si normale. Le rythme
dépend de la présence ou non d'adénomes;
► arrêt de la surveillance endoscopique après 75 ou 80 ans (pas de consensus sur l'âge) si la coloscopie est
normale.
- La TEP - FDG n'a pas de place dans la surveillance du CCR, sauf en cas d'augmentation de l'ACE avec scanner
thoraco- abdomino-pelvien normal ou en cas de doute sur la nature métastatique d'une lésion.

Le traitement des cancers colorectaux métastasés ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet
item et ces informations sont données à titre indicatif.

5.2. Principes thérapeutiques des CCR métastasés (stade IV)


• Les métastases sont observées soit au diagnostic, soit dans l'évolution dans 40 à 60 % des CCR:
- métastases synchrones : elles sont diagnostiquées en même temps que la tumeur primitive;
- métastases métachrones : elles sont diagnostiquées à distance de la résection de la tumeur primitive.
• Malgré les progrès des chimiothérapies et des thérapies ciblées, seule la résection chirurgicale des métastases peut
parfois guérir les patients. Elle doit toujours être discutée en RCP en présence d'un oncologue médical, d'un gas­
tro-entérologue, d'un chirurgien, d'un anatomo-pathologiste et d'un radiologue.

5.2.1. Traitement à visée curative des métastases


• L'exérèse chirurgicale des métastases hépatiques et/ou pulmonaires et/ou ovariennes n'est indiquée que si une
exérèse macroscopiquement complète (RO) est possible.
• En cas d'exérèse chirurgicale complète des métastases, la survie globale à 5 ans est d'environ 30 %.
• La destruction complémentaire de certaines des métastases par radiofréquence percutanée ou per-opératoire peut
être discutée dans certains cas.
• Une embolisation portale pré-opératoire est parfois nécessaire pour provoquer une hypertrophie du foie que le
chirurgien compte conserver.
• Un minimum de 30 % de foie restant est nécessaire à une fonction hépatique post-opératoire satisfaisante.
• Une chimiothérapie avant ou après !'exérèse des métastases (par fluoropyrimidines et oxaliplatine; FOLFOX ou
CAPOX) est recommandée.
• Certaines métastases initialement non résécables peuvent devenir résécables après chimiothérapie, éventuelle­
ment associée à des thérapies ciblées.
• En cas de carcinose péritonéale isolée, une chirurgie d'exérèse de cette carcinose, associée à une chimiothérapie
péri-opératoire (3 mois de chimiothérapie avant la chirurgie et 3 mois après), quand elle est possible, doit être
effectuée.

► 188 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM


185
. Item 301

5.2.2. Traitement
5.2.2.1. Conduite à tenir vis-à-vis de la tumeur primitive
• La chirurgie de la tumeur primitive est indiquée en cas de symptomatologie fonctionnelle (syndrome rectal pour
un cancer rectal, syndrome obstructif ou tumeur hémorragique pour un cancer colique ou rectal).
• Si la tumeur primitive est asymptomatique, il n'y a pas d'indication à la résection de la tumeur primitive, sauf si
les métastases sont resécables et qu'il y a un projet de chirurgie des métastases (mais on se situe alors ici dans une
stratégie à but curatif).

5.2.2.2. Chimiothérapie et thérapie ciblées


• La chimiothérapie :
- le médicament de référence est le SFU. Son équivalent oral est la capécitabine (prodrogue du SFU). L'acide
folinique (folinate de calcium) augmente l'efficacité du SFU.
- les protocoles de chimiothérapie utilisés sont :
► FOLFIRI : SFU, acide folinique et irinotécan;
► FOLFOX: SFU, acide folinique et oxaliplatine;
► CAPOX: capécitabine plus oxaliplatine;
► FOLFIRINOX: SFU, acide folinique et irinotécan et oxaliplatine.
• Les thérapies ciblées :
- les anti-angiogéniques, qui bloquent la formation de nouveaux vaisseaux dans et autour de la tumeur
(bévacizumab, aflibercept et régorafénib);
- les anticorps anti récepteurs de l'Epidermal Growth Factor (EGFR) : ils ralentissent la prolifération tumorale
(cétuximab et panitumumab). La recherche d'une mutation dans la tumeur des gènes KRAS et NRAS permet
de prédire la non réponse à ces traitements. L'indication est réservée aux patients avec une tumeur KRAS et
NRAS sauvages (gènes non mutés);
- l'utilisation des thérapies ciblées associées aux chimiothérapies (stratégies avec plusieurs lignes) permet
d'obtenir des médianes de survie de 25 à 30 mois chez les patients avec métastases non résécables;
- le phénotype MSI/dMMR a émergé comme un facteur prédictif majeur de l'efficacité des inhibiteurs de
checkpoints immunitaires (anticorps anti-PD-1 et PDL-1 et anti CTLA4), qui n'ont pas encore d'autorisation
de mise sur le marché dans cette indication en octobre 2020.

186
ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 189 ◄
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 301:
« TUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM»

Situation de départ Descriptif


En lien avec la prévention
303. Prévention, dépistage de l'adulte En 2018, le cancer colorectal (CCR) était le 3• cancer de
l'homme diagnostiqué en France (après les cancers de la
prostate et du poumon) et le 2• chez la femme (après le
cancer du sein). Tous sexes confondus, il est au 4e rang des
cancers les plus fréquents.
43 336 nouveaux cas ont été diagnostiqués en France en
2018 (23216 chez l'homme, sex-ratio en faveur d'une légère
prédominance masculine) : environ 11 % des cas incidents
(nouveaux cas de cancers). L'incidence du CCR diminue
légèrement depuis 2018.
Le programme national de dépistage organisé du CCR
s'adresse aux personnes de 50 à 74 ans, à risque moyen
de CCR qui sont invités à consulter leur médecin traitant
tous les 2 ans pour réaliser un test (immunologique) à la
recherche de sang occulte dans les selles avec coloscopie à
suivre en cas de test+.
En lien avec le diagnostic de cancer du côlon et du rectum :
Signes cliniques
213. Anémie ferriprive La carence martiale est la première cause de l'anémie
1. Constipation ferriprive (VGM < 80 fi). L'origine est souvent digestive chez
l'homme et la femme ménopausée (origine gynécologique,
2. Diarrhée 1ère cause chez la femme non ménopausée). La ferritine est
10. Mélaena/rectorragies abaissée en cas de carence martiale et augmentée en cas de
syndrome inflammatoire (fréquent dans les cancers).
4. Douleur abdominale
s. Masse abdominale Les troubles du transit sont fréquents au diagnostic de
cancer du côlon ou du rectum.

La recherche d'une cause organique est systématique


devant toute constipation (avant tout sténose colique).

La douleur abdominale peut être aigüe en fosse iliaque


gauche localisée dans les cas de cancer du côlon gauche
avec abcédation, perforation ou d'occlusion.

Dans le cadre de tumeurs évoluées, une masse peut être

-
palpable au niveau de la fosse iliaque droite (côlon droit) ou
----- de la fosse iliaque gauche (côlon gauche).
Signes généraux et/ou en rapport avec une extension métastatique
7. Hépatomégalie Environ 1/3 des cancers du côlon ou du rectum sont
16. Adénopathie(s)--·
unique ou multiples métastatiques au diagnostic. Le plus souvent, il s'agit d'une
1--- - ·~·· --- -�-- atteinte métastatique hépatique. Dans le cas de métastases
17. Amaigrissement- - hépatiques, il peut exister une hépatomégalie qui est
2. Asthénie irrégulière et sensible. La présence d'une adénopathie sus-
claviculaire gauche (ganglion de Troisier) correspond à une
atteinte métastatique.

► 190 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 187


En lien avec le bilan diagnostique du cancer du côlon et du rectum
230. Rédaction de la demande d'un examen d'imagerie Le diagnostic repose sur la preuve histologique du cancer qui
231. Demande d'un examen d'imagerie est obtenue par coloscopie ou plus rarement par ponction
transpariétale guidée par le scanner ou l'échographie d'une
232. Demande d'explication d'un patient sur le lésion métastatique (foie le plus souvent). L'adénocarcinome
déroulement, les risques et les bénéfices attendus est l'histologie largement prédominante. Au stade
d'un examen d'imagerie métastatique, une analyse moléculaire complémentaire
233. Identifier /reconnaître les différents examens (comprenant au minimum la recherche des mutations de
d'imagerie (type/fenêtre/séquences/incidences/ KRAS, NRAS, et BRAF) doit être pratiquée. L'analyse d'une
injection) déficience du système MMR (Mismatch Repair) permet
de sélectionner les patients pour une analyse génétique
180. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo-
constitutionnelle.
pathologie
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie
224. Découverte d'une anomalie abdominale à
l'examen d'imagerie médicale
En lien avec la prise en charge thérapeutique
327. Annonce d'un diagnostic de maladie grave au La stratégie thérapeutique dépend du bilan d'extension, du
patient et/ou à sa famille bilan fonctionnel et de l'âge. Après chirurgie de la tumeur
254. Prescrire des soins associés à l'initiation d'une
primitive, si la tumeur est localisée, la chimiothérapie
chimiothérapie a djuvante est indiquée en cas d'envahissement
ganglionnaire (N+). La radiothérapie est parfois indiquée
297. Consultation du suivi en cancérologie en situation pré-opératoire dans les cancers du rectum
337. Identification, prise en soin et suivi d'un patient en en association avec la chimiothérapie. La chirurgie des
situation palliative métastases doit toujours être discutée en réunion de
concertation pluri-disciplinaire.

188 ÎUMEURS DU CÔLON ET DU RECTUM 191 ◄


189
Item 302

(HAPITRE ►�T_um
_ _e_u _rs
_ cu_t_ a_né_ e_ _sé _ t_
_ p _i hé
_ _li_ a_le_s
__
etmélaniqu es
Dr Luca Campedel', Pr Bernard Dubray2, Dr Claire Mignard', Pr Luis Teixeira•
'Sénopôle Saint Louis, Hôpital Saint Louis, AP-HP, Paris
' Département de Radiothérapie et Physique Médicale, Centre Henri-Becquerel, Rouen
' Département de Dermatologie, Hôpital Charles Nicolle, Rouen
4 Sénopôle Saint Louis, Service d'Oncologie Médicale, Hôpital Saint Louis. AP-HP, Paris

OBJECTIFS: N ° 302. TUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES


� Diagnostiquer une tumeur cutanée, épithéliale ou mélanique.

·----------------------------·······--······--------------------------------------------------------------------·
1. Tumeurs épithéliales bénignes à HPV 3.3. Facteurs de risque
1.1. Définition 3.4. Évolution, pronostic
1.2. Épidémiologie 3.5. Diagnostics différentiels
1.3. Physiopathologie, histoire naturelle 3.6. Approches thérapeutiques
1.4. Diagnostic 3.7. Suivi
1.5. Évolution, pronostic 4. Tumeurs mélaniques malignes: mélanomes
1.6. Diagnostics différentiels 4.1. Définition
1.7. Approches thérapeutiques 4.2. Épidémiologie
1.8. Suivi 4.3. Physiopathologie, histoire naturelle
2. Carcinomes cutanés 4.4. Diagnostic
2.1. Carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires 4.5. Facteurs de risque
2.2. Carcinomes basocellulaires 4.6. Évolution, pronostic
3. Tumeurs mélaniques bénignes: naevus 4.7. Diagnostics différentiels
3.1. Physiopathologie 4.8. Bilan d'extension
3.2. Formes cliniques 4.9. Suivi et prévention
·-----------------------------·········-------·········---··········-------------------------------------------- -

1
Rang j Rubrique --- --- - - -- --------- -- -- -- Intitulé
- ------ - -------- - - --- 1
A Définition Connaître les principales tumeurs cutanées (basocellulaire, épidermoïde,
mélanome, tumeurs induites par HPV) et leur fréquence relative
A Diagnostic positif Connaître la définition, l'épidémiologie, la présentation clinique et la prise en
charge globale des tumeurs épithéliales bénignes à HPV
B Prévalence, Connaître l'épidémiologie des tumeurs cutanées
épidémiologie
A Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge globale des tumeurs cutanées
A Diagnostic positif Connaître la présentation clinique et la démarche diagnostique devant un
carcinome cutané (basocellulaire, épidermoïde)
B Suivi et/ou pronostic Connaître le pronostic (facteurs de risque d'évolution péjorative) des carcinomes
basocellulaires et épidermoïdes
A Prise en charge Prévention des carcinomes épidermoïdes et basocellulaires
A Définition Connaître la définition et les principaux facteurs de risque des naevi
B Diagnostic positif Naevi : diagnostics différentiels
B Éléments Physiopathologie des naevi. Retracer l'histoire naturelle du processus de
physiopathologiques cancérisation dans le cadre du mélanome

190
TUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 193 ◄
A Diagnostic positif Connaître les signes cliniques du mélanome : savoir rechercher les 5
caractéristiques (règle ABCDE) orientant vers une tumeur mélanique maligne.
Connaître les modalités d'obtention du diagnostic de certitude
B Suivi et/ou pronostic Distinguer les différentes entités anatomo-cliniques des mélanomes et
connaître les critères histopronostiques ainsi que leur implication pronostique.
Connaître les principaux facteurs cliniques de mauvais pronostic
A Prise en charge Connaître les modalités de prévention du mélanome
B � Contenu multimédia Photographie de kératose actinique typique
B � Contenu multimédia Photographie d'un carcinome basocellulaire typique
B � Contenu multimédia Photographie d'un carcinome épidermoïde typique


A q,, Contenu multimédia Photographie d'un mélanome typique

Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

A • La plupart des tumeurs cutanées se développent aux dépens des kératinocytes et des mélanocytes de l'épiderme.
Seules seront abordées dans cet item les tumeurs épithéliales bénignes (verrues à HPV) et malignes (carcinome
épidermoïde et basocellulaire cutanés) et les tumeurs mélanocytaires bénignes (nrevus) et malignes (mélanome).
• Toutes ces tumeurs, saufles verrues à HPV, partagent un facteur de risque commun, l'exposition au rayonnement
ultraviolet (UV).
• Pour ce qui est des tumeurs malignes, les tumeurs épithéliales sont de loin les plus fréquentes, le cancer basocel­
lulaire de la peau étant même la tumeur humaine la plus fréquente, et en général de bon pronostic. À l'inverse, le
mélanome, quand il devient métastatique, a un pronostic très sombre, même si les nouvelles thérapies ont révo­
lutionné son pronostic.

Pour comprendre: les UV sont définis en UV A/B/C en fonction de leur longueur d'onde (de la plus longue à
la plus courte, de A à C). Via des mécanismes différents, directs ou indirects, ces trois types d'UV peuvent être
responsables de lésions cutanées bénignes ou malignes liées à la photoexposition. Ils ne seront donc pas
différenciés par la suite.

1. Tumeurs épithéliales bénignes à HPV (« verrues »)

1.1. Définition
• Elles correspondent aux lésions dues à HPV (Human papillomavirus) dont il existe plus de 120 génotypes
différents.

1.2. Épidémiologie
• Elles touchent environ 10 % de la population générale et sont plus fréquentes en cas d'immunodépression au long
cours (greffes d'organe).

► 194 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 191


Item 302

1.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• La transmission virale se fait par contact direct. Les HPV infectent les kératinocytes de la couche basale, qui se
transforment en koïlocytes, après rupture de la barrière cutanée lors d'un micro-traumatisme local. Les HPV ont
un tropisme exclusif pour les épithéliums malpighiens, dont l'épithélium cutané.

1.4. Diagnostic
• Le diagnostic est clinique et il n'est en aucun cas nécessaire de réaliser une biopsie en cas de lésion typique.
• Il existe différents types de verrues :
- les verrues plantaires : on distingue :
� la myrmécie liée à HPVl, la plus fréquente, profonde, douloureuse spontanément et à la pression,
circonscrite par un anneau kératosique dont la surface de la zone centrale est le siège de micro-hémorragies
(ponctuations noirâtres), généralement unique ou peu nombreuses;
� ou la verrue en mosaïque, liée à HPV2, superficielle, moins fréquente et non douloureuse, formée de
multiples verrues regroupées en un placard kératosique. La coexistence de ces deux types de lésions est
exceptionnelle.
- les verrues vulgaires: uniques ou multiples, infracentimétriques, sous forme d'élevures hémisphériques ou
aplaties avec saillies villeuses kératosiques, situées le plus souvent sur la face dorsale des mains et des doigts et
dues à HPV2. L'atteinte péri-unguéale ou sous-unguéale entraîne des douleurs et une dystrophie unguéale;
- les verrues planes communes, dues à HPV3, sous forme de papules roses, jaunes, brunes ou chamois, à surface
lisse, siégeant le plus souvent sur le visage, mais aussi sur le dos des mains et sur les membres.

1.5. Évolution, pronostic


• Les verrues à HPV peuvent persister plusieurs années, mais, dans la plupart des cas, elles disparaissent spontané­
ment en un à deux ans. Les récidives sont fréquentes, en raison de l'auto-inoculation.

1.6. Diagnostics différentiels


• Les principaux diagnostics différentiels à évoquer sont :
- durillon, également appelé « cor », qui est un épaississement de la couche superficielle de la peau lié aux
frottements, qui contrairement aux verrues garde l'aspect de la peau avoisinante (architecture en lignes
cutanées);
- cicatrice fibreuse;
- granulome secondaire à l'inclusion de corps étrangers, soit exogènes (talc, fil de suture ...), soit endogènes
(tophus goutteux ...) dans l'épiderme et d'aspect nodulaire. Au moindre doute, la biopsie avec analyse anatomo­
pathologique fera le diagnostic (granulome hyp erbasophile à cellules géantes);
- une autre tumeur cutanée bénigne ou maligne ; le diagnostic doit être formel et reposera sur la biopsie au
moindre doute.

1.7. Approches thérapeutiques

Il n'existe pas de moyen d'éradiquer le virus HPV. Les papillomavirus humains (HPV) sont retrouvés de façon
ubiquitaire dans les tissus épithéliaux humains.

192
ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 195 ◄
• Le traitement est celui de la lésion et doit éviter d'être trop agressif, en particulier chez les enfants.
• En cas de persistance des lésions, on peut envisager différents traitements:
- destruction chimique par kératolytiques, simple et non douloureuse ;
- cryothérapie ;
- laser CO 2 •
• Le traitement préventif comprend l'éviction des situations à risque (salles de sport, douches communes ...) et les
soins d'hygiène dans les familles dont un membre est atteint.

1.8. Suivi
• Pour les patients immunodéprimés, une surveillance dermatologique annuelle est préconisée.

A 2. Carcinomes cutanés
• Les cancers épithéliaux de la peau se développent à partir des kératinocytes de l'épiderme. Ce sont les cancers les
plus fréquents dans les deux sexes (homme> femme). Ils surviennent préférentiellement chez les sujets de plus de
60 ans (l'âge étant un facteur de risque) et sur les zones exposées au soleil, qui est le principal facteur étiologique.
Ils représentent 90 % des cancers cutanés.

2.1. Carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires


2.1.1. Définition
• Les carcinomes épidermoïdes correspondent à une prolifération de cellules kératinocytaires de grande taille,
organisées en lobules ou en travées, de disposition anarchique.

B 2.1.2. Épidémiologie
• Les carcinomes épidermoïdes apparaissent le plus souvent après 60 ans. L'âge moyen de découverte est de 76 ans.
L'incidence annuelle en France est estimée à 30/100 000 dans la population générale. La prise en charge est sou­
vent complexe du fait des comorbidités, de la présence de troubles cognitifs et de l'isolement social de patients
très âgés (fréquence des lésions négligées).

A 2.1.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• La plupart du temps, le carcinome épidermoïde se développe à partir d'une lésion précancéreuse cutanée ou
muqueuse qui, elle-même, va se transformer en carcinome non invasif ne franchissant pas la membrane basale
(carcinome intra-épithélial, intra-épidermique, in situ ou maladie de Bowen).

2.1.3.1. Lésion précancéreuse cutanée


• La kératose actinique se développe sur les zones photoexposées (front, tempes, scalp chauve, pavillon des oreilles,
dos des mains et des bras) (Figure 1). Elle correspond à des lésions squameuses ou croûteuses multiples mal
limitées, parfois érythémateuses et micro-ulcérées, ou de fines rugosités à la palpation saignant facilement après
grattage. L'évolution peut se faire selon trois modalités: la disparition spontanée, la persistance ou la progression
vers un carcinome épidermoïde cutané. Dix à 25 % des kératoses actiniques se transforment en carcinome in situ,
puis en cancer infiltrant. La présence de kératose actinique est un facteur de risque de cancer cutané.

► 196 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES


193
Item 302

Figure 1. � Contenu multimédia. Kératose actinique typique


(Photographie fournie par le Dr Charlotte Fite, Service de Dermatologie, Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph).

• Les signes de cancérisation sont l'apparition d'un bourrelet induré, d'une ulcération, d'une rougeur
excessive, ou d'une kératinisation en corne. Toute modification d'une kératose actinique impose une biopsie ou
l'exérèse chirurgicale.

2.1.3.2. Lésion précancéreuse muqueuse


• Les leucoplasies sont des lésions blanchâtres bien limitées, asymptomatiques, adhérentes et ne saignant pas au
contact. Elles correspondent à une kératinisation de la muqueuse, en particulier labiale, due au tabac et aux UV.

2.1.3.3. Maladie de Bowen


• La maladie de Bowen est un carcinome épidermoïde intra-épithélial (in situ).
• L'aspect est celui d'une plaque rouge, bien limitée, à contours nets et irréguliers, recouverte de fines squames.
La lésion s'élargit lentement. Les localisations sont multiples dans un tiers des cas et peuvent être cutanées ou
muqueuses (vulve et gland). La fréquence de la progression vers un carcinome épidermoïde cutané n'est pas
connue avec précision.

2.1.4. Diagnostic
• Les carcinomes épidermoïdes siègent préférentiellement au niveau des zones photo-exposées (tête, cou, dos des
mains et des bras). Un examen clinique de l'ensemble du revêtement cutané est cependant indispensable à la
recherche d'autres lésions cancéreuses ou précancéreuses, en particulier chez les patients immunodéprimés.
• L'aspect est celui d'une tumeur bourgeonnante, indurée, saignant facilement, avec un centre ulcéré recouvert
de croûtes (Figure 2) mais la lésion peut également être végétante ou bourgeonnante. En cas de kératose ou de
maladie de Bowen préexistante, la survenue d'un cancer épidermoïde est suspectée devant une ulcération, une
surélévation, une induration ou un saignement.
• Dans tous les cas, une analyse anatomo-pathologique est indispensable au diagnostic.

194
ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 197 ◄
Figure 2. � Contenu multimédia. Carcinome épidermoïde ulcéré

2.1..5. Facteurs de risque


• Le principal facteur de risque est la dose d'UV reçue au cours de la vie(expliquant en partie la survenue dans les
zones découvertes et chez des patients âgés), avec une susceptibilité particulière en cas de phototype cutané clair.
• Dans certains cas, le développement de carcinomes épidermoïdes des muqueuses peut être lié à HPV(col de l'uté­
rus, organes génitaux externes masculins et féminins, anus, oropharynx).
• Il existe d'autres facteurs de risque comme !'immunodépression(après greffe d'organe++++ ), certaines maladies
génétiques, certaines maladies inflammatoires, les plaies chroniques, certains carcinogènes chimiques(arsenic...).

Pour comprendre: la classification des phototypes de Fitzpatrick, qui ne sera pas détaillée, définit 6 types de
phototypes, le type 1 le plus clair correspondant à un individu qui ne bronze pas, attrape systématiquement
des coups de soleil, a la peau très claire avec des taches de rousseur et des cheveux blonds ou roux.

B 2.1..6. Évolution, pronostic


• L'évolution peut se faire:
- par voie locale(infiltration);
- par voie ganglionnaire, ce qui implique un examen systématique (clinique, échographie ou scanner) des aires
ganglionnaires;
- par voie hématogène, et donner des métastases à distance vers d'autres organes, plus fréquemment dans le cas
des carcinomes épidermoïdes muqueux.
• Il existe également un risque de récidive locale après traitement à visée curative.
• Les facteurs de risque d'évolution péjorative sont:
- les localisations péri-orificielles du visage, muqueuses;
- les lésions multiples;
- la survenue sur cicatrice (radiodermite, brûlures), le développement sur ulcère (insuffisance veineuse des
membres inférieurs) et l'inflammation chronique;
- la taille > 2 cm(> 1 cm pour les zones péri-orificielles);

► 198 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES


195
Item 302

- l'infiltration en profondeur (adhérence au plan profond) (aponévrose, organes) ;


- une exérèse chirurgicale incomplète ou avec des marges trop étroites (4 à 6 mm) ;
- la récidive locale d'un cancer déjà traité ;
- !'immunodépression chronique (greffe d'organe).

A 2.1.7. Diagnostics différentiels


• Ils sont représentés par les autres tumeurs cutanées et la kératose actinique. Au moindre doute, une biopsie sera
réalisée.

2.1.8. Bilan d'extension


• Le bilan d'extension est avant tout clinique, en particulier à la recherche d'autre(s) carcinome(s) associé(s) et
d'adénopathie(s) dans le territoire de drainage. Une échographie du territoire de drainage est fréquemment
demandée. Un bilan d'extension radiologique plus complet ne sera demandé qu'en cas d'atteinte ganglionnaire
avérée.
• En cas d'adénopathie suspecte, une confirmation histologique est nécessaire.
• Une évaluation du patient est indispensable du fait de la fréquence des patients très âgés (état général, autonomie,
comorbidités, troubles cognitifs, entourage), d'où l'intérêt d'une consultation d'oncogériatrie.
• Les décisions thérapeutiques sont validées en RCP, idéalement complétée par une consultation conjointe
(dermatologue, chirurgien, oncologue radiothérapeute). Dans tous les cas, l'information du patient doit précéder
la prise en charge (difficulté en cas de troubles cognitifs).
• La prise en charge est essentiellement chirurgicale.
• Une radiothérapie (radiothérapie externe ou curiethérapie) peut être proposée en postopératoire (résection insuf­
fisante, reprise impossible) ou à titre de traitement exclusif pour des tumeurs non extirpables, avec chirurgie
mutilante ou contre-indiquée (âge, comorbidités, refus, troubles cognitifs).

B 2.1.9. Suivi et prévention


• La majorité des patients traités pour un carcinome épidermoïde cutané localisé est guérie par le traitement.
• Le suivi repose sur un examen clinique annuel à vie à la recherche de récidive ou de nouveau cancer cutané
(risque> 50 %). Les lésions pré-cancéreuses dépistées (kératose actinique...) doivent être traitées.
• Les patients immunodéprimés (greffe d'organes) sont suivis à vie.
• Le dépistage systématique dans la population générale n'a pas fait la preuve de la réduction de la morbidité ou de
la mortalité.
• Chez les sujets à risque (phototype clair, exposition solaire cumulée élevée, sujets immunodéprimés, antécédent
personnel de cancer cutané...), le dépistage, réalisable lors de toute consultation médicale, est recommandé après
50 ans, au moins sur un rythme annuel. L'auto-examen doit être enseigné.
• La prévention doit être enseignée à tous et repose sur la diminution de l'exposition solaire, la photoprotection
notamment pendant l'enfance et l'adolescence.

A 2.2. Carcinomes basocellulaires


2.2.1. Définition
• Le carcinome basocellulaire est formé d'amas cellulaires kératinocytaires issus de la zone basale ou des follicules
pileux.

196
ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 199 ◄
B 2.2.2. Épidémiologie
• Le cancer basocellulaire de la peau est la tumeur humaine la plus fréquente dans les deux sexes. Il représente
près de 30 % de l'ensemble des cancers. Il survient dans la plupart des cas après 50 ans. À l'instar des carcinomes
épidermoïdes, la prise en charge des cancers basocellulaires chez les personnes (très) âgées peut être très com­
plexe (comorbidités, troubles cognitifs).

A 2.2.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• À la différence des carcinomes épidermoïdes, il n'existe pas de précurseur ou lésion précancéreuse.

2.2.4. Diagnostic
• La lésion typique est un nodule cutané surélevé siégeant sur la face, le cou, le décolleté, c'est-à-dire les zones
photo-exposées. Le carcinome basocellulaire n'atteint jamais les muqueuses.
• En relief par rapport à la peau avoisinante, le nodule a un aspect translucide imitant une perle avec de fines
télangiectasies. Souvent, une fine croûte recouvre l'ulcération néoplasique, qui saigne après son ablation. Dans les
formes ulcéra-bourgeonnantes, on trouve sur le bourrelet périphérique un aspect perlé caractéristique.
• Les variantes cliniques sont multiples :
- le carcinome basocellulaire nodulaire, forme la plus fréquente, qui prend la forme d'une papule translucide
ferme, bien limitée, lisse, perlée et recouverte de télangiectasies (Figure 3) ;
- le carcinome basocellulaire sclérodermiforme a un aspect de cicatrice fibreuse blanchâtre indurée aux limites
imprécises. L'extension profonde et en surface est plus importante que la partie visible;
- le carcinome basocellulaire superficiel est une plaque erythématosquameuse plane, bien limitée, bordée de
perles en périphérie.

Figure 3. � Contenu multimédia. Carcinome basocellulaire

2.2.5. Facteurs de risque


• L'exposition solaire courte, intense et répétée, plutôt que l'exposition chronique.
• Le phototype clair.

► 200 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 197


Item 302

• L'immunodépression (patients sous immunosuppresseurs, après greffe d'organe, patients VIH, patients sous
chimiothérapie ...), avec un risque relatif évalué à 10.
• Certaines maladies génétiques sont associées à la survenue de carcinomes basocellulaires cutanés (xeroderma
pigmentosum).

B 2.2.6. Évolution, pronostic


• L'évolution spontanée se fait par extension loco-régionale, avec destruction des structures anatomiques de
voisinage. Les récidives après traitement sont possibles, notamment dans les formes sclérodermiformes. Les
carcinomes basocellulaires ne métastasent jamais au niveau ganglionnaire ni au niveau viscéral.
• Les facteurs de mauvais pronostic sont la localisation céphalique, la forme sclérodermiforme, la taille supérieure
à 2 cm (1 cm dans les zones à haut risque de récidive), une exérèse chirurgicale incomplète ou avec des marges
insuffisantes et le caractère récidivant.

A 2.2.7. Diagnostics différentiels


• Les diagnostics différentiels sont représentés par les autres tumeurs cutanées. Les formes sclérodermiformes
peuvent être confondues avec une atrophie cicatricielle, et les formes superficielles avec un eczéma, un psoriasis
(item 117) ou une dermatophytose (item 155). ,t\.u moindre doute, une biopsie devra être réalisée.

2.2.8. Bilan d'extension


• Le bilan d'extension est uniquement clinique, à la recherche d'autres localisations de carcinomes cutanés. Aucun
examen complémentaire systématique n'est nécessaire.
• Lorsqu'elle est possible, la chirurgie est le traitement de choix. Les médicaments ciblant la voie Hedgehog peuvent
être d'une efficacité remarquable dans les formes très évoluées.

Il n'y a jamais d'extension métastatique dans ce type de tumeurs.

B 2.2.9. Suivi
• Le suivi repose sur un examen clinique annuel pendant au moins 5 ans à la recherche de récidive ou de nouveau
cancer cutané. La fréquence des examens peut être augmentée pour les patients à risque.
• Le patient doit être formé à l'auto-dépistage et consulter en cas d'apparition d'une nouvelle lésion ou la modifica­
tion d'une lésion ancienne.
• La prévention primaire repose sur la diminution de l'exposition solaire et la protection solaire.
• Une surveillance cutanée rapprochée (annuelle) doit être réalisée chez les patients immunodéprimés (prévention
primaire).
Le Tableau 1 synthétise les caractéristiques comparées du carcinome épidermoïde et du carcinome basocellulaire.

198
ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 201 ◄
Tableau 1. CARACTÉRISTIQUES COMPARÉES DU CARCINOME ÉPIDERMOÏDE ET DU CARCINOME BASOCELLULAIRE
Carcinome épidermoïde Carcinome basocellulaire
Lésions Oui Non
précancéreuses Cutanées: kératose actinique,
Maladie de Bowen
Muqueux: leucoplasies
Localisation Cutanée ou muqueuse Uniquement cutanée
Présentation Lésion ulcéra-bourgeonnante, Éléments sémiologiques: perle
clinique parfois croûteuse épithéliomateuse, télangiectasies
lnfiltrante Formes: nodulaire, superficielle,
sclérodermiforme
Diagnostic Kératose actinique, autres tumeurs Autres tumeurs cutanées,
différentiel cutanées eczéma, psoriasis, dermatophytose,
Adénome sébacé
Évolution Risque métastatique: Pas de métastase
territoire de drainage lymphatique Évolutivité loco-régionale, infiltrante,
puis à distance délabrante
Facteurs de Terrain : immunodépression Localisation: extrémité céphalique, en
mauvais pronostic Localisation: cicatrice, ulcère, particulier zones médiane de la face et
extrémité céphalique, muqueuses, péri-orificielles
membres Formes sclérodermiformes, mal limitées
Formes mal limitées Taille:
Taille: > 1 cm dans les zones à > 1 cm dans les zones à risque
haut risque > 2 cm dans les autres zones
CE récidivant CBC récidivant
Traitement commun
Exérèse chirurgicale avec marges de sécurité
au stade localisé
Surveillance Recherche d'une récidive locale, à Recherche d'une récidive locale
distance (ganglionnaire) Recherche d'un autre carcinome
- Recherche d'un autre carcinome
Prévention
Réduction de l'exposition solaire, photoprotection, éducation à l'autosurveillance
commune

A 3. Tumeurs mélaniques bénignes : ncevus

3.1. Physiopathologie
• Les nœvus correspondent à une prolifération ou une accumulation mélanocytaire anormale : ce sont des tumeurs
bénignes. À l'état basal, les mélanocytes, situés entre les kératinocytes et la jonction dermo-épidermique, sont
chargés de fabriquer la mélanine, pigment protecteur des rayonnements ultraviolets. Les cellules mélanocytaires
se regroupent en amas ou thèques, pour former les nœvus, qui peuvent être jonctionnels (couche basale de l'épi­
derme), dermiques, ou mixtes.

► 202 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 199


Item 302

3.2. Formes cliniques


• Les nœvus sont des lésions bénignes mélanocytaires congénitales ou acquises. L'aspect clinique est très variable,
mais toujours régulier(symétrie, forme, couleur) et de profil évolutif différent des mélanomes.

3.2.1. Nœvus communs acquis


• Les nœvus pigmentés bruns plats ou bombés, ou les nœvus tubéreux peu ou pas pigmentés, lisses ou verruqueux,
siègent plutôt sur le visage.

3.2.2. Nœvus congénitaux


• Ils touchent moins de 1 % des nouveau-nés, à type d'hamartomes pigmentaires le plus souvent. Ils peuvent dans
de rares cas être de grande taille(> 20 cm à l'âge adulte), voire géants.

3.2.3. Nœvus atypiques


• Ils ont des caractéristiques proches de celles des mélanomes. Ils sont :
- de grande taille ;
- de couleur rosée et/ ou brune ;
- et présentent une ou plusieurs caractéristiques de mélanome(ABCDE).

3.2.4. Nœvus multiples


• Le « syndrome du nœvus atypique » est défini par la présence en grand nombre de nœvus (N > 50), souvent de
grande taille(> 6 mm de diamètre), ayant des aspects atypiques(bords irréguliers, polychromie) et pouvant aussi
siéger en peau non exposée au soleil(cuir chevelu, fesses et seins chez la femme).

3.2.5. Autres nœvus


• Il existe d'autres formes de nœvus, plus rares. Ils peuvent être parfois bleus, parfois achromiques, situés au niveau
de l'ongle et prendre la forme de bandes(mélanonychies), atteignant parfois les muqueuses.

3.2.6. Remarques
• Il est important de retenir que ni les micro-traumatismes répétés, ni l'exposition solaire ne sont des facteurs de
risque de transformation des nœvus. Par contre, un nœvus qui saigne doit faire discuter le diagnostic alternatif
de mélanome.

3.3. Facteurs de risque


• Le phototype clair, l'exposition solaire, et !'immunodépression sont les principaux facteurs favorisants la pré­
sence de nœvus.

B 3.4. Évolution, pronostic


• L'évolution normale du nœvus se fait par une croissance régulière pour atteindre une taille définitive.
• La transformation des nœvus en tumeurs malignes est extrêmement rare, sauf pour les nœvus congénitaux géants,
pour lesquels le risque s'accroît avec la taille de la lésion. Par contre, les nrevus communs sont des facteurs de
risque de mélanome, en particulier quand
- ils sont présents en grand nombre ;
- ils sont atypiques ;
- il existe des antécédents familiaux de mélanomes.

200
ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 20] ◄
3.5. Diagnostics différentiels
• Ils sont représentés par :
- les lentigos, improprement appelées « taches de vieillesse », qui sont des macules pigmentées sur les zones
photoexposées et qui brunissent avec le temps;
- les éphélides ou « taches de rousseur », macules millimétriques brun clair qui apparaissent sur les zones
photoexposées chez les individus roux, qui s'accentuent avec le soleil et ont tendance à disparaître avec le
temps;
- l'histiocytofibrome, tumeur bénigne formée de cellules fibrohistiocytaires, se présentant comme un nodule
central ferme entouré d'un halo brunâtre (qui apparaît typiquement à distance d'une piqûre d'insecte);
- une kératose séborrhéique, tumeur épithéliale bénigne qui n'évolue jamais vers la malignité, qui apparaît
après 40 ans, non liée au soleil, située sur le visage, le décolleté et le dos, dont la couleur va du beige clair
au noir, initialement plane puis verruqueuse et rugueuse recouverte d'un enduit squamo-kératosique gras, à
bordure nette et abrupte;
- un carcinome basocellulaire nodulaire;
- un angiome thrombosé (tumeur vasculaire bénigne);
- surtout, un mélanome malin doit être envisagé en cas de caractéristiques suspectes. Au moindre doute,
une exérèse doit être pratiquée; le meilleur facteur pronostique de mélanome étant un diagnostic précoce.

Le traitement et le suivi des naevus ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

3.6. Approches thérapeutiques


• L'exérèse des nœvus congénitaux à visée esthétique est envisageable, et doit se faire le plus rapidement possible,
étant plus facile dans les premiers mois de la vie.
• En raison du très faible risque de transformation, il n'y a aucun intérêt à pratiquer !'exérèse systématique des
nœvus communs, hormis à visée esthétique à la demande du patient.
• Cette exérèse doit se faire avec des marges de 2 mm et la pièce envoyée pour analyse anatomo-pathologique.

3.7. Suivi
• Il n'y a pas d'intérêt à surveiller de manière systématique tous les individus. Par contre, l'auto-surveillance doit
être enseignée et encouragée, en s'appuyant sur la règle ABCDE (développée dans le chapitre sur les mélanomes),
et une information doit être délivrée sur les risques de l'exposition solaire prolongée.
• Les patients porteurs de plusieurs nœvus atypiques ou ayant des facteurs de risque de mélanome doivent bénéfi­
cier, en plus de l'auto-surveillance, d'un examen cutané annuel.

► 204 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 201


Item 302

A 4. Tumeurs mélaniques malignes : mélanomes

4.1. Définition
• Les mélanomes sont des tumeurs malignes développées aux dépens des mélanocytes.
• L'évolution est, dans un premier temps, horizontale et intra-épidermique, puis, dans un second temps,
verticale avec envahissement du derme superficiel (phase micro-invasive), enfin du derme profond et de
l'hyp oderme (phase invasive).

B 4.2. Épidémiologie
• Le mélanome représente entre 2 et 3 % de l'ensemble des cancers et se situe au 11' rang des cancers les plus
fréquents chez l'homme et au 9' rang chez la femme.
• L'âge moyen au diagnostic est de 50-60 ans (en baisse).
• L'incidence est en augmentation régulière de 10 % par an, depuis 50 ans.
• C'est le premier des cancers en termes d'augmentation de fréquence.
• L'incidence est directement corrélée au phototype et à l'exposition solaire, plus élevée chez les sujets à la peau
claire (notamment en Australie), et plus faible dans les pays asiatiques ou dans les populations à la peau noire.

4.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• La voie de signalisation MAPK est activée via la fixation de facteurs de croissance sur des récepteurs transmem­
branaires. Elle comprend des protéines cytoplasmiques dites tyrosines kinases (RAS, RAF, MEK et ERK), qui
permettent la transduction d'un signal par le transfert d'un groupement phosphate de l'adénosine triphosphate
(ATP) vers une protéine effectrice. La transmission de ce signal jusqu'au noyau de la cellule va aboutir à la proli­
fération, à la différenciation et à la survie cellulaire. De manière physiologique dans le mélanocyte, cette voie est
activée de façon transitoire par différents facteurs de croissance. Dans le mélanome, cette voie est activée de façon
permanente dans la majorité des cas et est responsable des caractéristiques particulières de ce type de tumeurs.
• La majorité des mélanomes naissent de nova en peau saine, et plus exceptionnellement de la transformation d'un
nœvus, plus fréquemment les nœvus congénitaux que les nœvus communs.

A If.If. Diagnostic
• Il est extrêmement important de diagnostiquer le mélanome de manière précoce afin d'augmenter les chances
de guérison.

Le diagnostic doit être évoqué à l'examen clinique devant la présence de plusieurs (généralement 3, 4 ou 5) des
caractéristiques suivantes (règle ABCDE) (Figure 4) :
- Asymétrie
- Bords irréguliers
- Couleur inhomogène
- Diamètre supérieur à 6 mm
Evolution récente

• L'examen visuel doit être aidé par la dermoscopie ou « microscopie en épiluminescence », et est confirmé par
l'examen anatomo-pathologique. Ce dernier est fait après exérèse complète afin de pouvoir déterminer l'épais­
seur de la lésion. La biopsie est exceptionnelle car elle peut conduire à des erreurs diagnostiques.

202
ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 205 ◄
Figure 4. � Contenu multimédia. Mélanome dorsal

4.5. Facteurs de risque


• L'exposition solaire est le principal facteur de risque, qu'elle soit intermittente et intense avec en particulier
les brûlures reçues pendant l'enfance (mélanome superficiel extensif) ou prolongée et cumulative (mélanome de
Dubreuilh strictement intra-épidermique).
• Le phototype clair.
• La prédisposition familiale, définie par au moins deux personnes atteintes de mélanome dans la famille, augmente
de manière importante le risque de mélanome et serait impliquée dans 10 % des cas de mélanome.
• Antécédent personnel de mélanome.
• La présence de nombreux nœvus et le syndrome du nœvus atypique.
• L'immunodépression: patients greffés sous immunosuppresseurs, patients atteints du VIH, patients recevant de
la chimiothérapie...

B 4.6. Évolution, pronostic


Le pronostic est extrêmement différent en fonction de la présence ou non d'une atteinte métastatique.
La probabilité de survie à 5 ans chute de 88 % pour les formes localisées à 18 % pour les formes métastatiques.

• La classification anatomo-clinique des mélanomes au stade localisé permet de définir le profil évolutif en deux
catégories:
- les tumeurs avec phase d'extension horizontale. Elles regroupent:
► le mélanome superficiel extensif (SSM), le plus fréquent (60-70 % des cas);
► le mélanome de Dubreuilh avec une phase d'extension horizontale pouvant durer plusieurs années (10 %
des cas);
► le mélanome acral lentigineux des paumes, des plantes, des bords latéraux des doigts et des orteils, et sous
les ongles (2 à 5 % des cas) (Figure 5) ;
► plus rarement, les mélanomes des muqueuses buccales et génitales (bouche, nez, fosses nasales et pharynx,
vagin et anus) et le mélanome uvéal (cancer de l'œil le plus fréquent chez l'adulte);
- les tumeurs sans phase d'extension horizontale : il s'agit du mélanome nodulaire d'emblée, rapidement
invasif (10 à 20 % des cas).

► 206 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 203


Item 302

Figure 5. Mélanome unguéal

• Les critères histo-pronostiques sont :


- l'indice de Breslow (épaisseur tumorale) principalement, qui fixe la classification par stades (cf Tableau 2);
- la présence d'ulcération ;
- l'index mitotique ;
- l'atteinte du ganglion sentinelle.
• L'évolution peut se faire vers:
- la récidive après exérèse ;
- l'évolution métastatique cutanée/sous-cutanée (métastases en transit), ganglionnaire, ou viscérale.

4.7. Diagnostics différentiels


• Ils sont représentés par :
- les mevus atypiques ;
- les kératoses séborrhéiques ;
- les carcinomes basocellulaires pigmentés ;
- les histiocytofibromes pigmentés ;
- les angiomes thrombosés.
• Tous ces diagnostics différentiels ont été définis plus haut. Dans tous les cas et au moindre doute, !'exérèse doit
être envisagée.

4.8. Bilan d'extension

Toute décision thérapeutique est discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) et annoncée au
patient lors d'une consultation d'annonce.

• Les schémas thérapeutiques sont fonction de l'extension en profondeur (Breslow), de la présence d'une ulcération
(Tableau 2), et d'une éventuelle atteinte ganglionnaire ou à distance (TDM thoraco-abdomino-pelvien, TEP­
TDM au 18FDG, TDM ou IRM cérébrale).

204 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 207 ◄


La classification TNM et le traitement des mélanomes ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de
cet item et ces informations sont données à titre indicatif.

Tableau 2. CLASSIFICATION pTNM DE L'UICC (Union internationale contre le cancer)


ET DE L'AJCC (American Joint Committee on Cancer)
- - - -- --- ----- -
Stades Critères
Stade o Tumeur in situ
Stade IA Tumeur,-; 1 mm d'épaisseur, sans ulcération et mitoses< 1/mm2
Stade 18 Tumeur,-, 1 mm d'épaisseur, avec ulcération et/ou mitoses" 1/mm2
Tumeur> 1 mm et,-; 2 mm d'épaisseur, sans ulcération
Stade IIA Tumeur> 1 mm et,-; 2mm d'épaisseur, avec ulcération
Tumeur>2mm et,-; 4 mm d'épaisseur, sans ulcération
Stade 118 Tumeur>2mm et,-; 4 mm d'épaisseur, avec ulcération
Tumeur> 4 mm d'épaisseur, sans ulcération
Stade IIC Tumeur> 4 mm d'épaisseur, avec ulcération
Stade IIIA Tumeur sans ulcération, métastases microscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux
Stade 1118 Tumeur sans ulcération, métastases macroscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux ou métastases« en transit»
Tumeur avec ulcération, métastases microscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux ou métastases« en transit»
Stade IIIC Tumeur avec ulcération, métastases macroscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux
Tumeurs avec ou sans ulcération (tous pT), métastases dans 4 ganglions lymphatiques régio-
naux ou plus ou métastases en transit avec métastase(s) ganglionnaire(s) régionale(s)
Stade IV Métastases à distance

• Le traitement de la tumeur primitive consiste en une exérèse chirurgicale dont les marges sont conditionnées par
l'épaisseur tumorale (Tableau 3). Les mélanomes superficiels de Dubreuilh nécessitent une marge de 1 cm.

Tableau 3. MARGES CHIRURGICALES


---- ---------- -----POUR LA PRISE EN CHARGE
--- DU MÉLANOME LOCALISÉ
--- -- ----
Épaisseur tumorale (8reslow) Marge
ln situ 0,5 cm
o-1 mm 1 cm
1,01-2mm 1-2cm
>2mm 2cm

• Il n'y a plus d'indication à réaliser des marges supérieures à 2 cm.


• La procédure du ganglion sentinelle :
- est recommandée pour les mélanomes de plus de 1 mm de Breslow sans ganglion identifié ;
- peut être proposée dans les mélanomes de Breslow 0,8 à 1 mm, quel que soit le statut de l'ulcération et les
mélanomes de moins de 0,8 mm ulcérés ;
- n'a pas d'indication dans les mélanomes de moins de 0,8 mm de Breslow non ulcérés.
• Compte-tenu de l'efficacité de l'immunothérapie (anti-PDL-1 et anti-CTL4) et des médicaments ciblant les voies
RAS, MEK, ..., il faut s'attendre à des questions génériques sur ces médicaments, même si les stratégies thérapeu­
tiques ne sont pas au programme.

► 208 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 205


Item 302

A 4.9. Suivi et prévention


• Les modalités de suivi dépendent du stade de la tumeur (Tableau 4).
• La prévention passe par l'information sur les risques des UV, la réduction de l'exposition solaire et la protection
solaire, en particulier pendant l'enfance.
• Dans les cas de prédisposition familiale, une surveillance rapprochée doit être mise en place.
• L'auto-dépistage doit être fortement encouragé.

Les modalités du suivi des mélanomes ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

Tableau 4. SUIVI EN FONCTION DES STADES


StadeAJCC Modalités de surveillance
Stade1 Examen clinique tous les 6 mois pendant 3 ans puis annuel à vie
Autodépistage et autosurveillance
StadeIA/B Examen clinique tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans puis annuel à vie
L'échographie de la zone de drainage pourra éventuellement être utilisée
Autodépistage et autosurveillance
Stades IIC/IIIA Examen clinique complet tous les 3 mois pendant 3 ans, puis tous les 6 mois pendant 2 ans,
puis annuel à vie.
Autodépistage et autosurveillance. Échographie tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans.
Scanner ou 18FDG-TEP-TDM Scan 1 fois/an pendant 3 ans
Stades 111B/C Examen clinique complet tous les 3 mois pendant 3 ans, puis tous les 6 mois pendant 2 ans,
puis annuel à vie.
Autodépistage et autosurveillance.
Échographie tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans.
Scanner ou 18FDG-TEP-TDM Scan tous les 6 mois pendant 3 ans.

206
ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 209 ◄
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 302:
« TUMEURS CUTANÉES, ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES»

1
Situation de départ Descriptif
En lien avec la prévention
303. Prévention des cancers de l'adulte La protection solaire est l'élément essentiel, en particulier en cas
de phénotype « clair » : limitation des expositions, protection
vestimentaire, couvre-chef, crème anti-solaire à renouveler toutes
les 2 heures.
En lien avec les signes et symptômes cliniques
81. Anomalies des ongles Penser à un mélanome sous-unguéal.
84. Lésion cutanée / Grains de beauté Bien connaître les signes en faveur d'un mélanome.
92. Ulcère cutané Biopsie au moindre doute, notamment sur cicatrice de brûlure ou
dans le suivi d'un ulcère variqueux.

En lien avec les données paracliniques


1 80. Interprétation d'un compte-rendu La qualité de !'exérèse chirurgicale est un facteur pronostique majeur.
anatomo-pathologique Il faut donc vérifier l'absence d'atteinte tumorale et l'existence de
marges suffisamment larges (4 à 6 mm pour les carcinomes, jusqu'à
2 cm pour les mélanomes), y compris en profondeur. Bien que les
stratégies thérapeutiques ne soient pas au programme, l'importance
prise par les médicaments ciblés (anti-hedgehog dans les carcinomes
basocellulaires, anti-EGFR dans les carcinomes épidermoïdes, visant
les mutations K-RAS, MEK dans les mélanomes) et l'immunothérapie
(anti-PDL-1, anti-CTLA4) dans les mélanomes peut se traduire par des
questions précises concernant l'analyse du prélèvement.
En lien avec la prise en charge aiguë et chronique
291. Consultation de suivi d'un patient Prévoir une consultation annuelle systématique par un dermatologue.
immunodéprimé
295. Consultation de suivi gériatrique La fréquence des tumeurs cutanées augmente avec l'âge et les
lésions cutanées sont fréquemment négligées par le patient et son
entourage. Prendre un avis dermatologique au moindre doute.
297. Consultation de suivi cancérologique Les récidives locales sont possibles, surtout en présence de facteurs
de mauvais pronostic. Penser aussi à la fréquence des tumeurs
multiples synchrones ou asynchrones.
298. Consultation de suivi d'un patient avec
troubles cognitifs: cf. N ° 295

► 210 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 207


Item 303

CHAPITR, ►---------
Tumeurs ------------------------------
de l'estomac
Pr Christophe Tournigand', Pr Frédéric MarchaP
'Service d'Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP- HP, Créteil
2
Département de Chirurgie, Institut de Cancérologie de Lorraine, CRAN, UMR 7039, Reims

OBJECTIFS: N ° 303. TUMEURS DE L'ESTOMAC


-+ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur de l'estomac.

·---------------------------------------------------------------------------------------------------------------·
'
' .
1. Epidémiologie 3.4. Formes particulières de cancers de l'estomac
1.1. Connaître l'incidence et la prévalence des cancers de 3.5. Pronostic
l'estomac 4. Diagnostic du cancer de l'estomac
1.2. Connaître les facteurs environnementaux et héréditaires 4.1. Circonstances de découverte
2. Décrire les grands principes de la cancérogenèse gastrique 4.2. Examen clinique
2.1. Lésions gastriques prédisposantes 4.3. Bilan biologique
2.2. Helicobacter pylori 4.4. Bilan diagnostique
2.3. Évolution clinique 4.5. Bilan général
3. Description anatomique et principaux types histologiques 5. Principes du traitement
3.1. Les différents types histologiques 5.1. Traitement à visée curative
3.2. Formes intestinales et formes diffuses 5.2. Traitement palliatif
3.3. H ER2 et cancer de l'estomac métastatique
�-------------········------------------------------------------------------------------------------------------·

Rang J �� - -Rubrique
- - 1 Définition des tumeurs de l'estomacIntitulé
A Définition
B Prévalence, épidémiologie Épidémiologie descriptive : incidence et prévalence
A Étiologies Épidémiologie analytique : facteurs de risque (connaître les facteurs
environnementaux et héréditaires)
B Éléments Différents types de tumeurs : décrire les grands principes de la carcinogenèse
physiopathologiques gastrique, lésions prédisposantes
B Prise en charge Infection bactérienne: indications de la recherche d'HP
B Éléments Différents types de tumeurs : détailler le type histologique le plus fréquent
physiopathologiques (adénocarcinome)
B Éléments Différents types de tumeurs : détailler l'évolution naturelle du cancer gastrique
physiopathologiques
A Diagnostic positif Circonstances de découverte
A Diagnostic positif Examen clinique
A Diagnostic positif Bilan biologique
B Examens complémentaires Indications des examens endoscopiques et paracliniques
B Examens complémentaires Identifier les diagnostics différentiels
B � Contenu multimédia Gastroscopie avec biopsies ++

Sincères remerciements pour la relecture et l'iconographie aux: 1


Professeur lradj Sobhani, service de gastro-entérologie de !'Hôpital Henri Mondor, Créteil.
Docteur Michaël Levy, service de gastroentérologie, Hôpital Henri Mondor, Créteil.

208 1 TUMEURS DE L'ESTOMAC 211 ◄


• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

B 1. Épidémiologie
• Malgré une incidence en baisse, la mortalité par cancer de l'estomac reste élevée.

1.1. Incidence et prévalence des cancers de l'estomac


• Le cancer de l'estomac est le 5' cancer le plus fréquent dans le monde, avec environ 952 000 nouveaux cas (7 %
de l'incidence des cancers) et 783 000 décès en 2018. Il existe d'importantes variations d'incidence selon les pays:
environ les trois quarts des nouveaux cas surviennent en Asie, en Amérique du sud et Amérique centrale. Globa­
lement, l'incidence des cancers de l'estomac est en baisse.
• En France, on estime en 2018 une incidence de 6 557 nouveaux cas, 4 272 décès, et un sex-ratio H/F 1,86. Chez
l'homme, le cancer de l'estomac survient majoritairement entre 65 et 74 ans, et chez la femme entre 75 et 84 ans.
• Depuis 50 ans, on assiste à une baisse de l'incidence des cancers de l'estomac, en France comme dans les autres
pays occidentaux, en rapport avec le mode de conservation des aliments par le froid et une alimentation plus
riche en légumes et fruits frais, ainsi qu'une diminution de l'infection à Helicobacter pylori.
• Au début du XX' siècle, la localisation distale, corps et antre, était prédominante. Actuellement, c'est la loca­
lisation proximale qui est le plus souvent rencontrée. L'adénocarcinome gastrique situé au niveau du cardia
(jonction œso-gastrique) est en augmentation.
• Malgré les progrès thérapeutiques, moins de 30 % des patients sont en vie après 5 ans. Il n'y a pas de dépistage
de masse; il faut donc s'attacher à porter un diagnostic précoce.

A 1.2. Facteurs environnementaux et héréditaires


1..2.1.. Facteurs environnementaux
• Les principaux facteurs favorisants regroupent:
- l'alimentation:
► la consommation élevée de sel: le sel peut entraîner des altérations de la muqueuse gastrique, et la formation
dans l'estomac de composés N-nitrosés cancérigènes.
► une faible consommation de fruits et légumes.
- le tabagisme (hydrocarbures);
- un bas niveau socio-économique.
• L'interaction entre ces facteurs et l'infection par Helicobacter pylori est probable.
• Le rôle des facteurs environnementaux est étayé par le fait que les cancers de l'estomac sont moins fréquents chez
les descendants de Japonais ayant émigré aux États-Unis que chez les Japonais vivant dans leur pays d'origine.

1..2.2. Facteurs héréditaires


• Les cancers gastriques héréditaires représentent 3 % des cancers de l'estomac. La recherche d'une prédisposition
familiale est suspectée dans 10 % des cas environ et doit faire adresser le patient en consultation d'oncogénétique.
• Les cancers gastriques diffus héréditaires sont dus à une mutation germinale du gène CDHl à transmission
autosomique dominante, à pénétrance variable, responsable de la perte de fonction de la protéine E-Cadhérine
(molécule d'adhésion).

► 212 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 209


Item 303
,

• Le diagnostic doit être évoqué quand:


- au moins deux cas de cancers gastriques de type diffus sont avérés chez des apparentés au premier ou second
degré, dont un cas diagnostiqué avant l'âge de 50 ans;
- au moins trois cas de cancers gastriques de type diffus sont avérés chez des apparentés au premier ou deuxième
degré, quels que soient les âges au diagnostic;
- un cancer gastrique de type diffus est diagnostiqué à un âge inférieur à 45 ans;
- il y a association d'un cancer gastrique de typ e diffus et d'un carcinome mammaire de type lobulaire infiltrant
ou d'un carcinome colorectal à cellules indépendantes chez un même individu ou chez deux apparentés au
premier ou au second degré.
• Le risque de cancer gastrique est aussi augmenté chez:
- les apparentés au premier degré de malades ayant un cancer de l'estomac;
- les patients ayant un syndrome de Lynch (ou Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer= cancer colorectal
non polyp osique familial);
- les patients atteints de polypose adénomateuse familiale (PAF).

s 2. Les grands principes de la cancérogenèse gastrique


• La carcinogenèse gastrique est un processus par étapes comportant l'évolution d'un épithélium gastrique
normal vers une gastrite chronique (inflammation chronique), une atrophie gastrique (avec perte des glandes
gastriques), une métaplasie intestinale (évolution d'un épithélium gastrique vers un épithélium de type intestinal),
puis une dysplasie (carcinome intra-épithelial) et enfin un carcinome invasif. Cette évolution peut se faire sur
plusieurs années.
• Deux types d'adénocarcinomes gastriques peuvent être distingués selon leur localisation:
- l'adénocarcinome du cardia (jonction œso-gastrique) a une incidence qui reste stable ou est en légère
augmentation. Il se développe indépendamment de l'infection par Helicobacter pylori et est favorisé par le
reflux gastro-œsophagien et la surcharge pondérale;
- l'adénocarcinome de l'estomac distal voit son incidence diminuer. Ceci serait lié à l'éradication de l' Helicobacter
pylori qui diminue la fréquence des gastrites atrophiques distales.
• Enfin, la maladie de Biermer, autre cause de gastrite chronique, peut favoriser la survenue d'un cancer de
l'estomac.

2.1. Lésions gastriques prédisposantes


• Les lésions prédisposantes au cancer de l'estomac sont:
- l'anémie de Biermer (gastrite auto-immune comprenant une atrophie des glandes et de l'épithélium gastrique
qui est à l'origine d'une métaplasie intestinale majorant le risque de cancer);
- la gastrite atrophique;
- la métaplasie intestinale;
- la maladie de Ménétrier (gastropathie hyp ertrophique qui dégénérerait dans 10 % des cas);
- la gastrectomie partielle (risque de développement d'un cancer de l'estomac quinze ans après une gastrectomie
partielle; le risque étant multiplié par huit après 25 ans);
- les polyp es gastriques adénomateux.
• L'ulcère gastrique a longtemps été considéré comme faisant le lit du cancer. En fait, cette éventualité est rare.
• La dysplasie est un état précancéreux le plus souvent de découverte fortuite, précédant la forme superficielle du
cancer.

210
ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 21] ◄
2.2. Helicobacter pylori
2.2.1. l'infection à Helicobacter pylori, une cause reconnue de cancer de l'estomac
• Helicobacter pylori est un bacille gram négatif à transmission oro-orale. L'infection à Helicobacter pylori est une
cause reconnue de cancer de l'estomac par !'OMS depuis 2004 et justifie un traitement antibiotique. Toutefois,
seulement 1 à 3 % des patients infectés par Helicobacter pylori développent un cancer gastrique. L'infection à
Helicobacter pylori n'est donc pas suffisante à elle seule pour induire un cancer, mais elle intervient à un stade
précoce de la cancérogenèse, associée à d'autres facteurs de risque. La gastrite (inflammation de la muqueuse)
induite par Helicobacter pylori peut évoluer vers la gastrite chronique atrophique, la métaplasie puis la dysplasie
et le cancer. L'adénocarcinome distal de type intestinal fait suite à l'évolution de cette gastrite chronique.

2.2.2. la recherche de l'infection à Helicobacter pylori chez les apparentés


• Dans la famille d'un patient atteint de cancer de l'estomac, la recherche de l'infection à Helicobacter pylori chez les
apparentés au 1'' degré (enfants, frères/sœurs, parents) du patient est recommandée car:
- 80 % des cancers de l'estomac sont dus à la bactérie Helicobacter pylori (la plupart des 20 % restants sont des
cancers du cardia associés au reflux gastro-œsophagien);
- l'infection à Helicobacter pylori s'acquiert dans l'enfance et persiste toute la vie;
- les apparentés au l" degré des personnes ayant un cancer de l'estomac ont un risque de cancer de l'estomac
doublé, voire triplé par rapport au risque de la population générale;
- la recherche puis l'éradication de la bactérie Helicobacter pylori constituent une méthode de prévention efficace
contre le cancer gastrique, surtout lorsqu'elles sont mises en œuvre tôt, c'est-à-dire avant l'apparition d'une
lésion gastrique précancéreuse.

2.2.3.Chez qui chercher Helicobacter pylori dans le cadre de la prévention


du cancer?
• Antécédent de résection localisée d'un cancer gastrique.
• Mutation des gènes de réparation de !'ADN (syndrome de Lynch).
• Lymphome de MALT.
• Lésions muqueuses gastriques prénéoplasiques (atrophie-métaplasie-dysplasie).
• Traitement par inhibiteurs de la pompe à protons au long cours (au moins 6 mois).
• Avant by-pass gastrique (car une endoscopie ultérieure sera de réalisation difficile).

2.2.4. Comment ?
• La méthode habituelle est celle de l'endoscopie avec biopsies.
• Chez les apparentés d'un patient ayant un cancer gastrique, les méthodes de recherche de l'infection à Helicobac­
ter pylori seront choisies en fonction de l'âge:
- Âge< 40 ans: test respiratoire à l'urée marquée au carbone 13 (Cl3) ou par sérologie Helicobacter pylori;
- Âge> 40/45 ans: endoscopie et biopsies.
• Test respiratoire à l'urée marquée (Heliki() : Helicobacter pylori est capable de transformer l'urée en dioxyde de
carbone (C0 2 ) et en ammoniac. Le test respiratoire à l'urée consiste à faire ingérer de l'urée marquée avec du Cl3,
puis à mesurer le Cl3 expiré. En cas d'infection à Helicobacter pylori, le C0 2 expiré contiendra du Cl3, ce qui n'est
pas le cas en l'absence d'infection.

► 2-1lf - ÎUMEURS DE L'ESTOMAC


211
Item 303

2.2.5. Les traitements


2.2.5.1. Stratégie d'éradication d'Helicobacter pylori

2.2.5.1.1. L'éradication de la bactérie, pour être voisine de 90 %, nécessite l'utilisation de quadrithérapies


compte tenu du fort taux de résistance à la clarithromycine en France (Figure 1).

Figure 1. Traitement probabiliste d'Helicobacter pylori (en l'absence d'étude de sensibilité aux antibiotiques}

Patient non allergique à la pénicilline Patient allergique à la pénicilline'

QUADRITHÉRAPIE TRAITEMENT QUADRITHÉRAPIE


BISMUTHÉE ou CONCOMITANT BISMUTHÉE
10 jours 14 jours 10 jours

TRAITEMENT QUADRITHÉRAPIE
CONCOMITANT BISMUTHÉE
14 jours 10 jours

PRISE EN CHARGE PAR GASTRO-ENTÉROLOGUE


ENDOSCOPIE AVEC BIOPSIE
pour culture avec antibiogramme ou PCR avec étude des résistances
après un délai de 4 semaines sans antibiotique et de 2 semaines sans IPP
Thérapie orientée par les résultats
's'assurer de la réalité de l'allergie www.helicobacter.fr

• Quadrithérapie bismuthée: 10 jours


- Pylera• (association bismuth 140 mg, métronidazole 125 mg, tétracycline 125 mg): 3 gélules 4 fois par jour;
- Oméprazole 20 mg : matin et soir ;
• Traitement concomitant: 14 jours
- Amoxicilline 1 gramme : matin et soir ;
- Métronidazole 500 mg : matin et soir ;
- Clarithromycine 500 mg : matin et soir ;
- Inhibiteur de la pompe à proton (ésoméprazole 40 mg ou rabéprazole 20 mg): matin et soir.

212
TUMEURS DE L'ESTOMAC 215 ◄
2.2.5.1.2. Lorsqu'on dispose d'une étude de la sensibilité aux antibiotiques chez un patient, le traitement
recommandé est une trithérapie guidée associant un inhibiteur de la pompe à protons et deux antibiotiques
pendant 10 jours.

2.2.5.2. Le contrôle de l'éradication


• La vérification de l'éradication de la bactérie Helicobacter pylori est réalisée par un test respiratoire à l'urée mar­
quée au Cl3 (4 semaines après l'arrêt de !'antibiothérapie et 2 semaines après l'arrêt du traitement IPP). Elle peut
aussi être réalisée par biopsies lors d'une endoscopie de contrôle. La sérologie n'est pas adaptée au contrôle de
l'éradication.

2.3. Évolution clinique


• L'extension locale se fait vers la profondeur de la paroi gastrique pour se propager par contiguïté aux organes de
voisinage, le péritoine étant le premier organe envahi. Le cancer peut ensuite s'étendre au pancréas, au foie, au
diaphragme.
• L'envahissement ganglionnaire est précoce et est présent dans 60 à 80 % des cas au moment du diagnostic. Il
débute par les ganglions périgastriques proximaux puis s'étend vers les ganglions pédiculaires et enfin vers les
ganglions distaux situés le long des gros axes vasculaires.
• L'extension métastatique viscérale se fait principalement vers :
- le foie;
- le péritoine;
- les poumons;
- les os;
- plus rarement les ovaires (tumeur de Krükenberg), la thyroïde et la peau.

A 3. Description anatomique
et principaux types histologiques

3.1. Les différents types histologiques


• Il s'agit le plus souvent d'un adénocarcinome (95 % des cas) :
- adénocarcinome tubuleux;
- adénocarcinome papillaire;
- adénocarcinome mucineux (colloïde muqueux);
- adénocarcinome à cellules indépendantes (cellules en bague à chaton).
• Plus rarement :
- carcinome adéno-squameux;
- carcinome épidermoïde;
- carcinome à petites cellules;
- carcinome indifférencié;
- lymphome de MALT.

► 216 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 213


Item 303

3.2. Formes intestinales et formes diffuses


• La classification de Lauren distingue 2 formes d'adénocarcinomes de l'estomac:
- les formes intestinales (tumeurs le plus souvent bourgeonnantes) (Figure 2);
- les formes diffuses (tumeurs linitiques) (Figure 3).
• La linite gastrique est une forme diffuse, touchant plus souvent les sujets jeunes, avec une prédominance fémi­
nine, et de pronostic péjoratif. Cliniquement, la linite se révèle souvent par une altération importante de l'état
général avec amaigrissement, parfois des signes d'occlusion haute. L'endoscopie visualise de gros plis rigides
sans aspect tumoral. L'insufflation complète de l'estomac n'est pas obtenue. Les biopsies sont souvent négatives
compte tenu du respect fréquent de la muqueuse. Le diagnostic peut être facilité par l'écho-endoscopie qui montre
un épaississement de la paroi gastrique prédominante au niveau de la sous-muqueuse.
• L'examen anatomo-pathologique montre un aspect d'adénocarcinome peu différencié infiltrant, constitué le plus
souvent de cellules indépendantes dites « en bague à chaton», envahissant les différentes couches de la paroi sans
les détruire, et un stroma fibreux.
• Les cellules en bague à chaton, bien que plus souvent présentes dans les formes linitiques, peuvent se voir dans
une forme locale indifférenciée sans aspect de linite.

Figure 2. � Contenu multimédia. Adénocarcinome de type intestinal :volumineuse tumeur ulcérée de l'antre
avec une infiltration majeure en échoendoscopie

Figure 3. � Contenu multimédia. Linite:gros plis épais, indurés, pas d'expansion de l'estomac lors de l'insufflation;
paroi épaisse en échoendoscopie de façon globale

214
ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 217 ◄
3.3. HER2 et cancer de l'estomac métastatique
• Chez tout patient présentant un cancer de l'estomac métastatique, il est nécessaire d'effectuer une recherche
de l'expression du récepteur HER2 (ErbB2). Elle est retrouvée dans environ 10-20 % des cancers de l'estomac. La
recherche s'effectue en immunohistochimie (0, +, ++, +++).Une tumeur +++ est considérée comme positive pour
HER2, une tumeur 0 ou + est considérée comme négative.Un test de FISH doit être effectué en cas de résultat ++.
• En cas d'expression de HER2 chez un patient ayant des métastases, le trastuzumab sera ajouté à une chimio­
thérapie de première ligne.

3.4. Formes particulières de cancers de l'estomac


3.4.1. Adénocarcinome superficiel
• L'adénocarcinome superficiel de l'estomac se définit comme un cancer ne dépassant pas la sous-muqueuse. Il se
manifeste souvent sous une forme pseudo-ulcéreuse avec, en endoscopie, un aspect d'ulcère superficiel plus ou
moins étendu. Il peut être aussi polypoïde, surélevé, plan ou déprimé.
• Le pronostic après le traitement chirurgical des formes superficielles est bon avec une survie à 5 ans supérieure à
90 %.

3.4.2. lymphomes gastriques primitifs


• Les lymphomes gastriques représentent 3 % des tumeurs gastriques, mais sont les plus fréquents des lym­
phomes non hodgkiniens non ganglionnaires.
• Ils peuvent être de 2 types: lymphomes gastriques du Mucosa Associated Lymphoid Tissue (MALT) à petites
cellules qui sont de bas grade de malignité et lymphomes à grandes cellules qui sont de haut grade de malignité.
• Les lymphomes gastriques de type MALT sont souvent peu symptomatiques et sans signe biologique spéci­
fique. Le diagnostic repose sur l'endoscopie (lésions pseudo-inflammatoires ou tumorales) avec biopsies multiples.
Ce lymphome est lié à l'infection chronique à Helicobacter pylori, avec une évolution très lente. Le traitement des
formes localisées repose sur l'éradication de Helicobacter pylori qui permet la régression du lymphome dans 70 %
des cas.
• Les lymphomes gastriques à grandes cellules sont plus rares.

3.4.3. Tumeurs stroma/es gastro-intestinales (GIST)


• Les tumeurs stromales gastro-intestinales sont des tumeurs mésenchymateuses rares se développant dans les
deux tiers des cas aux dépens de la couche musculeuse de l'estomac. Elles sont caractérisées par l'expression
positive en immunohistochimie d'un récepteur transmembranaire, c-kit.
• Elles sont souvent asymptomatiques et de découverte fortuite. Les circonstances de découverte possibles sont
une hémorragie digestive, une masse palpable ou une perforation. Le diagnostic repose sur l'endoscopie et l'écho­
endoscopie qui mettent en évidence une masse ronde sous-muqueuse, parfois ulcérée, avec développement
exogastrique fréquent.

3.4.4. Tumeurs endocrines


• Les tumeurs endocrines gastriques surviennent dans la majorité des cas sur un terrain de gastrite atrophique
fundique auto-immune (maladie de Biermer). Elles sont alors multiples, de petite taille et d'évolution lente. Elles
métastasent exceptionnellement et, de ce fait, ne nécessitent pas de traitement chirurgical. Il existe aussi des
tumeurs endocrines sporadiques, notamment des carcinomes peu différenciés de mauvais pronostic.

Le pronostic des cancers gastriques ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

► 218 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 215


Item 303

3.5. Pronostic
• Le pronostic dépend de l'extension tumorale pariétale et ganglionnaire qui est à la base de la classification TNM
et du stade. Le nombre de ganglions examinés sur la pièce opératoire est primordial; en effet un ratio « nombre
élevé de ganglions envahis/nombre total prélevé » a une valeur pronostique péjorative.
• Tous stades confondus, le pronostic est mauvais avec une survie à 5 ans de 15 %.
• Après exérèse chirurgicale à visée curative, le pronostic dépend surtout de l'envahissement ganglionnaire:
- en l'absence de ganglion envahi (NO), la survie à 5 ans est de 60 %;
- si Nl, la survie à 5 ans est de 35 %;
- si N2 la survie à 5 ans est de 10 %.

A 4. Diagnostic du cancer de l'estomac

4.1. Circonstances de découverte


• Le développement du cancer de l'estomac se fait de manière insidieuse. Le diagnostic n'est cliniquement évoqué
que devant des signes non spécifiques témoignant d'une maladie avancée:
- altération de l'état général;
- douleurs épigastriques, pseudo-ulcéreuses (65 % des cas);
- dysphagie des cancers du cardia;
- vomissements des cancers prépyloriques;
- anorexie;
- dégoût des viandes;
- amaigrissement (par réduction des apports alimentaires plus que par augmentation du catabolisme);
- asthénie, pâleur et teint paille;
- tumeur palpable;
- ascite.
• Pour porter un diagnostic précoce, on attachera une grande importance à une dyspepsie d'apparition récente
et qui a tendance à s'accentuer.
• Des symptômes fonctionnels devront être pris en compte:
- une pesanteur épigastrique;
- un inconfort prandial ou post-prandial;
- une baisse de l'appétit;
- une tendance aux éructations avec parfois pyrosis;
- une digestion lente.
• Les phénomènes douloureux à typ e de crampes épigastriques post-prandiales dont on ne retrouve pas la périodi­
cité classique de la maladie ulcéreuse doivent alerter autant qu'une symptomatologie typ ique d'ulcère.
• Le siège du cancer peut avoir une traduction particulière:
- une dysphagie progressive avec régurgitations et hoquet évoque une localisation œso-cardiale. Les douleurs
sont rétrosternales;
- un syndrome de sténose pylorique évoque une localisation antro-pylorique (50 % des cas). Lorsque celle-ci est
complète, les vomissements ne contiennent pas de bile, mais des aliments ingérés lors des repas précédents. La
dilatation gastrique est parfois spontanément visible, sous forme d'une tuméfaction de l'hyp ochondre gauche.
La palpation abdominale à jeun met en évidence, lors de la mobilisation de l'abdomen, un clapotage traduisant
la stase gastrique.

216
ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 219 ◄
• Le cancer peut se révéler par une complication:
- hémorragique, révélée par une anémie hyp ochrome ou plus rarement par une hématémèse (émission de sang
par la bouche) ou un méléna;
- péritonite par perforation en péritoine libre ou cloisonné.
• Le cancer peut se révéler par son extension régionale ou métastatique:
- hépatomégalie (foie marronné);
- ascite, nodule de carcinose péritonéale perçu dans le cul-de-sac de Douglas, au TR;
- tumeur de Krükenberg (métastase ovarienne, masse pelvienne);
- tumeur épigastrique, ganglion de Troisier (adénopathie).
• Les syndromes paranéoplasiques sont rares. On citera l'acanthosis nigricans (plaques hyperpigmentées symé­
triques localisées préferentiellement autour du nez, des aires axillaires ou de la région ano-génitale) et les
syndromes ichtyosiformes, la diarrhée, des syndromes d'hypercoagulation (phlébite de Trousseau).

4.2. Examen clinique


• L'examen clinique complet recherchera en particulier:
- un ganglion de Troisier;
- une ascite;
- une masse épigastrique;
- une hépatomégalie.
• Il est primordial d'évaluer:
- l'état général (ou indice de performance) selon l'échelle de Karnofsky ou selon l'échelle OMS;
- la douleur selon l'échelle visuelle analogique ou échelle numérique;
- l'état nutritionnel (quantifier la perte de poids, albuminémie).
• Il faut également effectuer une évaluation:
- cardiologique (pré-opératoire ou avant chimiothérapie cardiotoxique);
- rénale (clairance de la créatinine, avant chimiothérapie néphrotoxique);
- évaluation oncogériatrique chez les patients de plus de 70 ans dont le score G8 est inférieur ou égal à 14.

4.3. Bilan biologique


• Il comprendra au minimum:
- un bilan de la fonction rénale pour permettre l'injection de produit de contraste;
- un bilan d'hémostase (NFS-plaquettes, TP-TCA) pour permettre les prélèvements biopsiques;
- aucun dosage des marqueurs tumoraux n'est indiqué pour le diagnostic (ou l'évaluation pronostique) du
cancer de l'estomac.
• Le dosage de l'ACE et du CA19-9 permet seulement de suivre l'efficacité du traitement en situation métastatique
en cas d'élévation de l'un et/ou l'autre de ces marqueurs avant traitement.
• Il peut être complété par un bilan hépatique et un dosage de la calcémie.

► 220 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 217


Item 303

B If.If. Bilan diagnostique


4.4.1. Endoscopie œsogastrique
• L'examen clef du diagnostic est l'endoscopie œsogastrique. Associée à des biopsies, l'endoscopie permet le
diagnostic dans 95 % des cas. Elle permet de préciser:
- le siège de la lésion:
► antre (40 %);
► corps (20 %);
► grosse tubérosité (20 %);
► cardia (20 %).
- son étendue, ainsi que la distance par rapport au cardia et au pylore.
• L'aspect macroscopique peut être ulcéreux, végétant, le plus souvent ulcéra-végétant.
• Le caractère irrégulier de la lésion, le saignement spontané ou au contact sont des signes très évocateurs. Une
infiltration donne une rigidité plus ou moins étendue de la paroi, une muqueuse irrégulière aux plis épais. En
pratique, tout aspect anormal de la muqueuse doit être biopsié. Les biopsies doivent être très nombreuses (au
minimum 5 à 10), profondes, dirigées sur l'anomalie principale et à distance.
• L'examen doit être recommencé en cas de biopsies négatives dès que l'on suspecte un cancer.
• Les prélèvements bactériologiques à la recherche d'Helicobacter pylori seront systématiques.

4.4.2. le scanner thoraco-abdomino-pelvien


• Il doit être effectué pour le bilan de résécabilité et la recherche de métastases à distance (hépatiques et pulmo­
naires).

4.4.3. l'échoendoscopie
• Elle n'est pas systématique, mais elle est utile :
- en cas de suspicion de linite avec hyp ertrophie des plis gastriques sans histologie positive;
- pour évaluer l'extension des lésions sur l'œsophage, le pylore et le duodénum en cas de linite;
- pour évaluer les tumeurs superficielles afin de déterminer les indications de mucosectomie;
- pour déterminer l'infiltration pariétale d'une tumeur lorsqu'on envisage un traitement néo-adjuvant. Elle
permet d'apprécier l'infiltration pariétale en visualisant les 5 couches de la paroi gastrique: épithélium, lamina
propria, sous-muqueuse, musculeuse, sous-séreuse, séreuse (stade T de la classification TNM).
• Cette échoendoscopie doit être réalisée dans des délais courts.

4.4.4. Diagnostic différentiel


• Ulcère gastrique: si la découverte de cellules malignes permet d'affirmer le cancer, leur absence n'autorise pas à
l'éliminer. Un suivi endoscopique est nécessaire pour formellement éliminer un cancer gastrique.
• Tumeur gastrique bénigne: elle se révèle par des douleurs épigastriques atyp iques ou une hémorragie digestive.
La fibroscopie montre la tumeur sans préjuger de sa nature histologique. Celle-ci n'est affirmée que par l'examen
anatomo-pathologique aprés exérèse.
• Envahissement gastrique de contiguité par une tumeur pancréatique ou colique transverse. Le scanner abdo­
mino-pelvien et la coloscopie permettent de mettre en évidence la lésion primitive. Les biopsies en confirment la
nature histologique.
• Bézoards ou corps étrangers sont diagnostiqués par l'endoscopie.

218 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 221 ◄


4.5. Bilan d'extension
4.5.1. Bilan d'extension
• Il comporte :
- un scanner thoraco-abdomino-pelvien, sans et avec injection, à la recherche de localisations secondaires
hépatiques, pulmonaires, ganglionnaires, peritonéales;
- une laparoscopie éventuelle en cas de volumineuse tumeur. La laparoscopie permet une exploration précise
de la cavité abdominale pour identifier des nodules tumoraux et faire un lavage péritonéal pour une étude
cytopathologique. Une atteinte péritonéale contre-indique !'exérèse chirurgicale. De petites métastases
hépatiques superficielles passées inaperçues au scanner peuvent être visualisées. Cet examen peut éviter une
laparotomie inutile jusqu'à 38 % des patients, notamment en cas de diagnostic de carcinose péritonéale ou de
métastases hépatiques.
• Le TEP-TDM n'est pas systématique. Il peut être discuté au cas par cas.

4.5.2. Bilan d'opérabilité


• Le bilan d'opérabilité consiste à apprécier:
- l'état nutritionnel (pourcentage d'amaigrissement, protidémie et albuminémie);
- l'âge physiologique avec éventuelle évaluation cardiologique (ECG, échocardiographie) et pulmonaire
(exploration fonctionnelle respiratoire) en fonction du terrain du patient.

La classification TNM des cancers gastriques ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et
ces informations sont données à titre indicatif.

'. - - · -- · - · · - - - · · -- - · . . - --· -- .. . - . . . ··- ----- . . . - . . ... . ---- ---- - --- ---- - - - ... - .. . . .. . .. . . .. . ... .. . . . . . . .. . . -- . . . - -- - - -- - . -- ---- --- - -- · -- - . -- - . ----·-- -- - ----- -- '.

Au terme de ce bilan, le cancer est classé dans un stade cTNM (clinical TNM) puis pTNM après examen anatomo­
pathologique sur la pièce opératoire, ce qui autorise la présentation du dossier en réunion de concertation pluridis­
ciplinaire (RCP).

• Le stade TNM (Tumor Nodes Metastases) est établi de façon sûre et définitive après la chirurgie (pTNM =
envahissement tumoral établi sur la pièce opératoire après examen anatomo-pathologique).

CLASSIFICATION TNM CLINIQUE UICC S E ÉDITION (2017)


- ------� �-- - �-� - -- --- - - - -- -- - -- - - -- ---

Tis Carcinome in situ: tumeur intra-épithéliale sans invasion de la lamina proprio (dysplasie de haut
grade)
Tt Tumeur limitée à la muqueuse ou à la sous-muqueuse (cancer superficiel)
T1a Tumeur envahissant la lamina proprio ou la musculaire muqueuse
T1b
- Tumeur envahissant la sous-muqueuse
Î2 Tumeur envahissant la musculeuse (muscularis proprio)
-
T3 Tumeur envahissant la sous-séreuse
T4 Tumeur perforant la séreuse ou envahissant les organes de voisinage
T4a Tumeur perforant la séreuse
T4b Tumeur envahissant un organe de voisinage (rate, côlon transverse, foie, diaphragme, pancréas,
paroi abdominale, surrénale, rein, intestin grêle, rétropéritoine)

► 222 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 219


Item 303

No Pas de signe d'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux


N1 Envahissement de 1 à 2 ganglions lymphatiques régionaux
N2 Envahissement de 3 à 6 ganglions lymphatiques régionaux
N3 Envahissement de 7 ou plus ganglions lymphatiques régionaux
N3a 7 à 15 ganglions atteints
N3b 16 ganglions ou plus atteints
Mo Pas de métastases à distance
M1 Présence de métastases à distance'
1
Les métastases à distance incluent les implants péritonéaux, une cytologie péritonéale positive ou une atteinte péritonéale
non contiguë à la tumeur.

STADES CLINIQUES UICC S E ÉDITION (2017)


--- -------- -- --- ---- �- -- ---- -- -- - - ~- - - ---
Stade 1 T1 ou Î2, NoMo

Stade IIA T1, T2, N1, N2, N3, Mo

Stade 11B T3, T4a, No, Mo

Stade Ill T3, T4a, N1, N2, N3, Mo

Stade IVA T4b, tout N, Mo

Stade IVB Tout T, tout N, M1

Le traitement des cancers gastriques ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

5. Principes de traitement

5.1. Traitement à visée curative


• Le traitement à visée curative repose sur !'exérèse chirurgicale plus ou moins associée à un traitement par chimio­
thérapie ou chimio-radiothérapie.

5.1..1.. Traitement chirurgical


• Le principe est !'exérèse complète de la tumeur associée à un curage ganglionnaire (au minimum 15 ganglions
examinés).
• L'étendue de l'exérèse dépend de la localisation initiale de la tumeur:
- gastrectomie des 4/Y avec anastomose gastro-jéjunale pour les cancers de l'antre (Figure 4);
- gastrectomie totale avec anse grêle montée en Y (Figure 5) pour les autres localisations.

220 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 22] ◄


Figure 4. Gastrectomie des 4/S•

Figure S. Gastrectomie totale avec anse en Y

5.1..2. Traitement péri-opératoire


• Une chimiothérapie péri-opératoire (pré et post-opératoire) doit être proposée à tous les malades de stade
supérieur à I (cf infra) par cisplatine, 5 FU-épirubicine ou FLOT (5-FU, acide folinique, oxaliplatine, docétaxel)
pré-opératoires et 4 cycles post-opératoires. Les alternatives sont 3 cycles de 2-3 mois de 5-FU/cisplatine ou 5-FU/
oxaliplatine pré-opératoire, suivi de 2-3 mois en post-opératoire.

5.1..3. Traitement adjuvant


• Si le patient a dû être opéré sans traitement néo-adjuvant alors qu'il aurait dû être envisagé, une chimio-radiothé­
rapie post-opératoire (45 Gy+ 5-f!uorouracile) doit être proposée :
- si le curage est insuffisant et que la tumeur est de stade supérieur à I;
- en cas d'envahissement ganglionnaire pN2 ou pN3 quel que soit le type de curage réalisé;
- en cas d'envahissement ganglionnaire pNl avec un curage ganglionnaire suffisant à discuter au cas par cas
selon l'état général, nutritionnel du malade et son avis après information claire.

► 224 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 221


Item 303

5.2. Traitement palliatif


• Il comporte la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie, et s'applique aux cancers gastriques non résé­
cables et/ou métastatiques.
• La chirurgie d'exérèse palliative est indiquée pour les tumeurs symptomatiques (hémorragie nécessitant des
transfusions itératives, perforation); elle est préférable à la chirurgie de dérivation.
• La chimiothérapie permet d'améliorer la survie et la qualité de vie par rapport au simple traitement symptoma­
tique chez des patients sélectionnés à l'état général conservé. Les associations les plus fréquentes sont:
- 5-fluorouracile et cisplatine;
- 5-fluorouracile et oxaliplatine (Folfox);
- 5-fluorouracile et irinotécan (Folfiri);
- Le trastuzumab sera rajouté à la chimiothérapie en cas de surexpression d'HER2.
• La radiothérapie est parfois indiquée dans les tumeurs hémorragiques à visée hémostatique, et/ou à titre antal­
gique en cas de métastase osseuse symptomatique ou en cas de métastase(s) cérébrale(s).
• La pose d'une endoprothèse métallique par voie endoscopique permet dans certains cas de lever un obstacle
tumoral responsable d'une occlusion haute.

222
ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 225 ◄
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 303:
« TUMEURS DE L'ESTOMAC»

Situation de départ 1 Descriptif


En lien avec la prévention
314. Prévention des risques liés au tabac Le cancer de l'estomac est favorisé par une
303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte alimentation riche en sel, pauvre en consommation
de fruits et légumes. Il est également favorisé par
le tabac. Helicobacter pylori est responsable dans
80 % des cas et doit être recherché et éradiqué
dans l'entourage. Les localisations distales sont en
diminution d'incidence, à l'inverse des localisations
proximales en augmentation d'incidence. Les lésions
prédisposantes sont les lésions gastriques de la
maladie de Biermer, la gastrite atrophique.
En lien avec le diagnostic de cancer de l'estomac
Signes digestifs
52. Odynophagie/dysphagie Le développement du cancer de l'estomac se fait le
4. Douleur abdominale plus souvent de façon insidieuse avec la survenue
de signes cliniques peu spécifiques initialement :
12. Nausées dysphagie lorsque la tumeur est proximale,
13. Vomissements vomissements alimentaires pour une tumeur distale
sténosante.
10. Méléna/rectorragie
Signes généraux et/ou en rapport avec une extension métastatique
3. Distension abdominale Les signes cliniques non spécifiques peuvent
6. Hépatomégalie résulter d'une extension loco-régionale ou à distance
(métastases): extension ganglionnaire, par contiguïté
8. Masse abdominale (carcinose péritonéale), hématogène (foie, poumon);
9. Masse/tuméfaction pariétale tumeur de Krükenberg (métastase ovarienne).
16. Adénopathies unique ou multiples
21. Asthénie
17. Amaigrissement
30. Dénutrition/malnutrition
106. Masse pelvienne
En lien avec le bilan diagnostique du cancer de l'estomac
178. Demande/prescription raisonnée et choix d'un examen Le diagnostic repose sur la preuve histologique
diagnostique du cancer qui est obtenue par endoscopie
224. Découverte d'une anomalie abdominale à l'examen œsogastroduodénale avec biopsies multiples et
d'imagerie médicale recherche d'Helicobacter pylori, échoendoscopie si
petite tumeur pour connaître le stade exact.
231. Demande d'un examen d'imagerie La présentation initiale peut être également la
233. Identifier/reconnaître les différents examens d'imagerie découverte de métastases hépatiques, ganglionnaires
(type/fenêtre/séquences/incidences/injection) ou péritonéales pour lesquelles un primitif gastrique
est affirmé par une biopsie d'un site métastatique ou
232. Demande d'explication d'un patient sur le déroulement,
de la tumeur primitive.
les risques et les bénéfices attendus d'un examen d'imagerie
Bilan d'extension: scanner thoraco-abdomino-pelvien
238. Demande et préparation aux examens endoscopiques +/- laparoscopie en cas de volumineuse tumeur pour
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie éliminer une carcinose péritonéale infraclinique.
180. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo-pathologie

► 226 ÎUMEURS DE L'ESTOMAC 223


Item 304

Tumeurs d u fo ie,
(HAPITRE ► �p-r-im-it_i_v_e _s _ e_ t_ s_ e_c_o_n_d_a_ir_e _s____
Pr Michel Ducreux', Pr Serge Evrard2, Pr Françoise Mornex', Pr Michel Rivoire•
'Service d'Oncologie Digestive, Institut Gustave Roussy, Villejuif
2Groupe des Tumeurs Digestives, Institut Bergonié, Bordeaux
'Département de Radiothérapie Oncologique, Centre Hospitalier Lyon Sud, Lyon
•unité de Chirurgie Digestive, Centre Léon Bérard, Lyon

OBJECTIFS: N ° 304. TUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES

➔ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur du foie primitive et secondaire.

1. Connaître les principaux types histologiques des tumeurs 5.1. En cas de cancer primitif connu
bénignes et malignes 5.2. En cas d'hépatopathie chronique connue
1.1. Les tumeurs bénignes 5.3. En l'absence de pathologie associée
1.2. Les tumeurs malignes 6. Connaître la présentation clinique d'une tumeur primitive
2. Connaître la prévalence et l'épidémiologie des différentes du foie
tumeurs bénignes et malignes du foie 6.1. Histoire naturelle
2.1. Tumeurs bénignes 6.2. Symptomatologie, examen clinique
2.2. Tumeurs malignes 6.3. Examen général
3. Connaître la liste des principales hépatopathies 7. Tumeurs des voies biliaires
augmentant le risque de survenue ultérieure d'un cancer 7.1. Connaître la physiopathologie et les facteurs de risque des
du foie tumeurs biliaires
3.1. Carcinome hépatocellulaire 7.2. Connaître la présentation clinique des tumeurs des voies
3.2. Tumeurs des voies biliaires biliaires
4. La démarche diagnostique initiale 8. Démarche diagnostique positive d'une métastase
4.1. Circonstances de découverte fréquentes hépatique
4.2. Circonstances de découverte plus rares 8.1. Typologie des métastases
4.3. Après contextualisation du patient, on demande une 8.2. Imagerie
imagerie 8.3. Démarche uniciste
4.4. Diagnostic différentiel : les abcès hépatiques et autres 9. Traitement: principes de la prise en charge
syndromes infectieux 9.1. Carcinome hépatocellulaire
4.5. Biopsie 9.2. Tumeurs biliaires
5. Connaître la stratégie d'exploration en imagerie devant 9.3. Métastases hépatiques
une tumeur du foie

Rang Rubrique
----- -- ---- ---
B Définition Connaître les principaux types histologiques des tumeurs bénignes
(hémangiome, hyperplasie nodulaire focale, adénome hépatocytaire) et
malignes (carcinome hépato-cellulaire, cholangiocarcinome, métastases)
B Prévalence, épidémiologie Connaître la prévalence et l'épidémiologie des différentes tumeurs bénignes
et malignes du foie
A Étiologies Connaître la liste des principales hépatopathies (cirrhose, stéato-hépatite)
augmentant le risque de survenue ultérieure d'un cancer primitif du foie
A Diagnostic positif Démarche diagnostique initiale : circonstances de découverte, imagerie,
biopsie d'une image hépatique
B Examens complémentaires Connaître la stratégie d'exploration en imagerie devant une tumeur du foie
B Diagnostic positif Démarche diagnostique positive (caractéristiques cliniques et radiologiques
principales) d'une métastase hépatique

224 TUMEURS DU FOIE 227 ◄


A Diagnostic positif Connaître la présentation clinique d'une tumeur primitive du foie.
Énumérer les principaux facteurs prédisposants. Connaître l'histoire
naturelle, la symptomatologie et l'examen clinique du carcinome
hépatocellulaire
B � Contenu multimédia Scanner typique de métastases hépatiques
B Éléments Connaître la physiopathologie et les facteurs de risque des tumeurs des
physiopathologiques voies biliaires
A Diagnostic positif Connaître la présentation clinique des tumeurs des voies biliaires


B Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge des principales tumeurs
bénignes et malignes du foie et des voies biliaires

Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

Ce chapitre recouvre un grand nombre de pathologies malignes et bénignes, primitives hépatiques ou


secondaires à d'autres organes. La connaissance du terrain et les circonstances de découverte, les séquences
d'imagerie et souvent la biopsie vont permettre de remonter progressivement au diagnostic.

B 1. Principaux types histologiques des tumeurs


bénignes et malignes
1.1. Les tumeurs bénignes
1.1.1. le kyste biliaire
• C'est un kyste à paroi unicellulaire, à contenu liquidien clair (ce n'est pas de la bile), ne communiquant pas avec
l'arbre biliaire.
• Il est bénin et souvent multiple.
• S'ils sont très nombreux, ils peuvent constituer une polykystose hépatique, voire hépato-rénale, qui sont des affec­
tions héréditaires. Ils sont anéchogènes avec un cône de renforcement postérieur (les ultrasons sont accélérés par
leur transmission dans l'eau).
• Ils sont blancs en IRM T2.
• Pas de traitement sauf cas exceptionnel de complication mécanique ; une fenestration peut alors être réalisée.

1.1.2. l'hémangiome (ou angiome)


• Il est constitué de capillaires et de cavités vasculaires anarchiques dilatées tapissées d'endothélium.
• Le diagnostic est porté par l'échographie et l'IRM (lésion hyp erintense en T2 avec un remplissage en mottes péri­
phériques se remplissant vers le centre).
• La biopsie est contre-indiquée: inutile et pouvant entraîner des complications hémorragiques.

1.1.3. l'hyperplasie nodulaire focale (HNF)


• C'est une zone de foie ne recevant que du sang artériel et pas portal avec le plus souvent une cicatrice fibreuse
centrale.

► 228 ÎUMEURS DU FOIE 225


Item 304

• Le diagnostic se fait sur l'imagerie. À la phase artérielle: lésion hyp ervasculaire avec rehaussement important par
rapport au parenchyme adjacent. Lésion bien limitée pouvant avoir des contours lobulés. Une cicatrice centrale
qui demeure hyp odense est très évocatrice. Au temps porte: diminution rapide du rehaussement, la lésion devient
iso- ou discrètement hyp erdense.
• Parfois une biopsie est nécessaire.
• Aucun traitement ni surveillance ne sont nécessaires.

1.1.4. L'adénome hépatocytaire


• Le diagnostic est plus difficile. Il s'appuie sur l'imagerie (lésion hypoéchogène, hypodense au scanner, IRM hypoîl
et hyp er T2) mais nécessite une biopsie: le diagnostic est parfois difficile avec un carcinome hépatocellulaire bien
différencié ou une HNF.
• Les indications chirurgicales formelles sont: une taille supérieure à 5 cm et le sexe masculin en raison du risque de
complications, une mutation de la béta-caténine en raison du risque de transformation maligne. Dans les autres
cas, une surveillance s'impose après arrêt de la contraception orale si présente au diagnostic.

1.2. Les tumeurs malignes


1.2.1. Les métastases hépatiques
• C'est la pathologie du foie la plus fréquente. Le foie est un site de métastase(s) habituel pour tous les cancers de la
cavité abdominale (estomac, pancréas, colon, rectum, tumeurs neuro-endocrines de l'iléon ou du pancréas). Mais
aussi pour des tumeurs non abdominales : cancer du sein, cancer des voies aérodigestives supérieures, cancer du
poumon.
• Si le cancer primitif est connu et que l'examen anatomo-pathologique de la tumeur primitive a été possible, il
n'est le plus souvent pas nécessaire de biopsier les métastases dont l'aspect anatomo-pathologique et le profil en
biologie moléculaire est similaire.
• Si le cancer primitif n'est pas connu, la biopsie est rapidement réalisée permettant souvent une orientation dia­
gnostique et aidant à la décision thérapeutique, en particulier grâce aux études immunohistochimiques complé­
mentaires.
• Sur le plan anatomo-pathologique : le parenchyme hépatique est reconnaissable en dehors des nodules métasta­
tiques avec ses travées d'hépatocytes disposées en lobules, ses capillaires sinusoïdes et les veines centrolobulaires,
ses espaces portes entourant une veine porte, une artère hépatique, un canal biliaire. Les nodules métastatiques,
grossièrement sphériques, possèdent une architecture complètement différente, sans aucun vestige de paren­
chyme résiduel. Le tissu tumoral habituellement riche en atyp ies cellulaires, peut élaborer des structures plus ou
moins différenciées, telles que des lobules à centre kératinisé (carcinome épidermoïde) ou des tubes glanduli­
formes (adénocarcinomes).

1.2.2. Le carcinome hépatocellulaire (CHC)


• Diagnostiqué le plus souvent sur cirrhose pré-existante, le carcinome hépatocellulaire est le cancer primitif du foie
le plus fréquent. Si la cirrhose est connue et l'aspect morphologique typ ique, la biopsie n'est pas toujours réalisée.
Le CHC sur foie sain correspond à 5 % des cas.
• Dans tous les autres cas : cirrhose non connue, découverte fortuite, aspect non typique à l'imagerie, la biopsie est
réalisée. Le CHC correspond à une tumeur épithéliale maligne de différenciation hépatocytaire. Au sens large,
c'est un adénocarcinome glandulaire car les cellules hépatocytaires fabriquent et exportent des substances telles
que la bile, l'albumine, etc.
• Il existe une variante à connaître :
- le carcinome hépatocellulaire fibro-lamellaire. Il survient chez le sujet jeune, habituellement sur foie non
cirrhotique. Il n'est pas du tout sensible aux traitements médicaux habituels du CHC.

226
ÎUMEURS DU FOIE 229 ◄
1.2.3. Les tumeurs biliaires
• Les tumeurs hépatiques correspondant à des tumeurs biliaires sont des cholangiocarcinomes (CCA) intra-hépa­
tiques. Ils sont le plus souvent découverts de manière fortuite à l'occasion d'un examen d'imagerie, ou plus rare­
ment devant des symptômes tels que des hépatalgies ou un ictère.
• La biopsie est systématique dans ce contexte afin de permettre le diagnostic. Le cholangiocarcinome correspond
à une tumeur épithéliale maligne à différentiation biliaire: il s'agit d'un adénocarcinome.
• Les tumeurs des voies biliaires peuvent être intra-hépatiques: cholangiocarcinome intra-hépatique correspon­
dant le plus souvent à une forme massive périphérique ; le type infiltrant péricanalaire qui s'étend le long des
canaux biliaires, mal limité, correspond le plus souvent à l'atteinte de la voie biliaire haute (cholangiocarcinome
hilaire ou tumeur de Klatskin). La forme intracanalaire qui atteint la voie biliaire principale ne donne donc pas
de tumeur du foie à proprement parler.

1.2.4. Les tumeurs exceptionnelles


• L'hépato-cholangiocarcinome: la tumeur présente deux contingents cellulaires intriqués: un contingent corres­
pondant à du CHC, un contingent correspondant à du cholangiocarcinome intra-hépatique. Ce cancer a un très
mauvais pronostic.
• Hépatoblastome, tumeur pédiatrique.
• Hémangio-endothéliome épithélioïde, tumeur de faible malignité développée aux dépens des cellules endothé­
liales des vaisseaux sanguins.
• Angiosarcome primitif du foie.

s 2. Prévalence et épidémiologie des différentes


tumeurs bénignes et malignes du foie

2.1. Tumeurs bénignes


2.1.1. Le kyste biliaire
• C'est une tumeur assez fréquente (5 % de la population).

2.1.2. l'hémangiome (ou angiome)


• C'est une tumeur assez fréquente (3 % de la population, plutôt féminine) qui ne requiert aucun traitement.

2.1.3. L'hyperplasie nodulaire focale (HNF)


• C'est une tumeur bénigne plus rare (1 % de la population), à prédominance féminine et non liée aux œstropro­
gestatifs (contrairement à l'adénome).

2.1.4. l'adénome hépatocytaire


• C'est une tumeur bénigne à potentiel de dégénérescence maligne et hémorragipare (possibilité de rupture), de
fréquence rare, touchant surtout les femmes prenant des contraceptifs oraux.

► 2]0 ÎUMEURS DU FOIE


227
Item 304
- -

2.2. Tumeurs malignes du foie


2.2.1. Métastases hépatiques (ou tumeurs secondaires)
• C'est la pathologie maligne du foie la plus fréquente: le foie est en effet la cible de nombreuses métastases.

2.2.2. Carcinome hépatocellulaire

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la tumeur hépatique primitive la plus fréquente.

• Le carcinome hépatocellulaire représente 80 % des tumeurs primitives du foie.


• En France: rare, il survient après 45 ans et a touché 10 580 patients en 2018, soit 2,8 % de l'ensemble des cancers,
incidence annuelle de 12,5 pour 100 000 chez l'homme et 2,9 pour 100 000 chez la femme (sex-ratio = 6). Il induit
8 697 décès annuels.
• Développé principalement sur cirrhose éthylique. L'incidence croît en raison de l'infection à virus C, mais devrait
diminuer à partir de 2020 en raison du traitement anti-viral efficace disponible.
• En revanche, des carcinomes hépatocellulaires sur stéatose hépatique non alcoolique (NASH) dans le contexte
d'un syndrome dysmétabolique apparaissent en raison de l'incidence croissante du surpoids dans la population.
• Il est très fréquent en Afrique Noire et en Asie: jusqu'à 150 cas pour 100 000, développé sur cirrhose post-hépa­
tite B le plus souvent.

2.2.3. Tumeurs des voies biliaires


• On estime à environ 3 000 le nombre de cas de tumeurs des voies biliaires par an en France.

A 3. Principales hépatopathies augmentant le risque


de survenue ultérieure d'un cancer du foie
3.1. Carcinome hépatocellulaire

3.1.1. Facteurs prédisposants


• La cirrhose hépatique, qu'elle soit d'origine alcoolique ou due au virus C, comme en Europe le plus souvent, ou
d'origine virale (hépatite B surtout mais aussi hépatite C) comme en Afrique ou en Asie. Mais aussi sur cirrhose
d'autres origines, en particulier hémochromatose, mais aussi sur cirrhose biliaire primitive et maintenant sur
NASH. Le rôle de la NASH dans la survenue du carcinome hépatocellulaire va devenir de plus en plus important
dans les années à venir, alors que les causes virales devraient régresser (en particulier les causes virales C en raison
des traitements actifs de l'hépatite chronique C).
• On estime que le risque cumulatif de développer un CHC à 5 ans sur cirrhose est de 5 à 30 % selon les facteurs liés
à l'hôte, l'environnement et la maladie du foie elle-même_.
• Rôle possible des toxines alimentaires, comme !'aflatoxine (farines, arachides) ou la lutéoskyrine (riz).

3.1.2. Physiopathologie
• Il faut distinguer les carcinomes hépatocellulaires survenant sur cirrhose ou sans cirrhose préexistante :
- Sans cirrhose, le mécanisme le mieux connu concerne le virus de l'hépatite B qui est un virus à ADN. Le
génome du virus est capable de s'intégrer à !'ADN de la cellule hépatique du patient infecté entraînant des
modifications génétiques conduisant au cancer (plus ou moins rapides en fonction de l'emplacement de l'ADN
où le génome viral s'est intégré). L'aflatoxine donne également des carcinomes hépatocellulaires sur foie sain
en provoquant des mutations de p53.

228
ÎUMEURS DU FOIE 231 ◄
- Sur cirrhose, les mécanismes impliqués sont moins bien connus et multiples. Les phénomènes de nécrose/
régénération semblent impliqués; il existe également des altérations des mécanismes de réparation de l'ADN.

3.2. Tumeurs des voies biliaires


• La présence d'une maladie chronique du foie (hépatites virales) ou d'une cirrhose sont des facteurs de risque
d'apparition des CCA intra-hépatiques.

A 4. Démarche diagnostique initiale

4.1. Circonstances de découverte fréquentes


• Suivi d'une pathologie hépatique connue comme une cirrhose, une hépatopathie virale ou métabolique.
• Suivi d'une néoplasie primitive connue. De nombreuses tumeurs primitives peuvent donner des métastases hépa­
tiques : les cancers digestifs, du sein, des bronches, de la prostate, de la tête et du cou, les tumeurs neuro-endo­
crines, etc.
• Un autre signe hépatique comme un ictère, une hypertension portale.

4.2. Circonstances de découverte plus rares


• Découverte fortuite lors d'une imagerie de routine comme une échographie abdominale.
• Gros foie palpable (marronné).
• Une douleur hépatique (certains carcinomes hépato-cellulaires peuvent être en voie de fissuration et être doulou­
reux; abcès du foie).

4.3. Après contextualisation du patient, on demande une imagerie


• L'échographie (Figure 1). C'est l'examen de base, peu coûteux et facile d'accès. Il permet une première orientation
diagnostique sur la/les tumeurs et le parenchyme sain. L'échographie peut utiliser la technique de l'élastographie
pour identifier une fibrose du foie sain (Fibroscan).
• Le scanner (Figure 2). C'est l'imagerie obligatoire pour décrire le foie, mais aussi pour balayer les possibles patho­
logies extra-hépatiques. Il participe donc à la fois au diagnostic et au bilan d'extension.
• L'IRM est nécessaire quand le scanner n'est pas capable de différencier certaines tumeurs bénignes et malignes.
L'utilisation de produits de contraste spécifiques et les séquences de restriction de diffusion sont aujourd'hui
considérées comme les plus utiles pour la caractérisation des lésions néoplasiques du foie.

Figure 1. Métastase hépatique d'un cancer du côlon à l'échographie avec injection de produit de contraste

► 2]2 ÎUMEURS DU FOIE 229


ltem304

Figure 2. � Contenu multimédia. Métastases hépatiques d'un cancer du pancréas au scanner

4.4. Diagnostic différentiel : les abcès hépatiques et autres syndromes


infectieux
4.4.1. Abcès à pyogènes
• Situation rare qui comprend des contaminations hématogènes (la porte d'entrée n'est pas toujours retrouvée) ou
biliaire (antécédents d'anastomose bilio-digestive).
• Le contexte septique est marqué et s'accompagne de douleurs.
• Imagerie variable avec lésions hypo-échogènes, hyp o-denses au scanner avec rehaussement périphérique.
• La ponction confirme la nature septique et oriente !'antibiothérapie.

4.4.2. Abcès amibien


• Une sérologie de l'amibiase doit être réalisée au moindre doute.
• Le tableau infectieux est bruyant avec une lésion souvent unique et volumineuse.
• Test thérapeutique au métronidazole.

4.4.3. Kyste hydatique


• Abcès dû au parasite echinococcus granulosus.
• Notion de contage avec un chien vivant en zone d'endémie (Afrique du Nord, sud de la France). Tumeurs de
tailles variables pouvant mimer un kyste biliaire simple, ou aspect typique de membrane décollée de la coque
voire kyste calcifié« mort».
• Diagnostic de confirmation par sérologie et surtout pas par ponction, qui présente un risque de dissémina­
tion intrapéritonéale très grave.

230
ÎUMEURS DU FOIE 233 ◄
4.4.4. Échinococcose alvéolaire
• Abcès dû au parasite echnicoccus multilocularis.
• Endémie rurale (Vosges, Ardenne, Jura, Alpes, Massif central).
• Imagerie en faveur de nodules parfois infiltrants mimant une néoplasie.
• Diagnostic par sérologie, même si réaction croisée possible avec le kyste hydatique.

4.5. Biopsie
• Le plus souvent écho-guidée ou scanna-guidée.
• Elle est nécessaire quand la séquence d'imagerie ne permet pas de retenir un diagnostic formel.
• Elle est médico-légale pour déclencher un traitement oncologique comme une chimiothérapie, une radiothérapie
sauf dans certains cas particuliers de carcinome hépatocellulaire (voir plus loin).
• On peut s'en passer si une indication chirurgicale est retenue d'emblée car elle va entraîner une vérification
pathologique a posteriori.
• On peut s'en dispenser dans le cadre d'un raisonnement uniciste. Par exemple, un patient présente plusieurs
lésions en cocarde dans le cadre du suivi d'un cancer colorectal avec une élévation de !'ACE. La biopsie ne sera le
plus souvent pas jugée nécessaire pour déclencher un traitement spécifique.
• La biopsie est strictement contre-indiquée en cas de suspicion de kyste hydatique. Elle laisse place à l'enquête
épidémiologique et sérologique.

B 5. Stratégie d'exploration en imagerie


devant une tumeur du foie
• La stratégie d'exploration est très dépendante du contexte.

5.1. En cas de cancer primitif connu


• Une image hépatique anormale doit être considérée comme une métastase hépatique jusqu'à preuve du contraire.
Deux situations principales se présentent :
- les images sont multiples et évocatrices de par leurs caractéristiques radiologiques en particulier scano­
graphiques de métastases et il n'y a pas lieu pour le diagnostic de poursuivre les investigations. Une IRM pourra
être demandée à visée thérapeutique (cartographie des lésions avant chirurgie des métastases de cancers du
côlon);
- les images anormales sont en nombre limité et elles ne sont typiques à l'échographie et au scanner ni de lésions
bénignes (kystes biliaires ou angiomes) ni de métastases et il faut poursuivre les explorations par IRM et
éventuellement TEP-TDM, voire biopsie en cas de doute.
• Les explorations vont être d'autant plus poussées qu'elles sont susceptibles d'influer la prise en charge thérapeu­
tique. Par exemple, un doute sur une métastase hépatique même unique en cas de cancer du pancréas étant une
contre-indication à la chirurgie de la tumeur primitive, tout va être fait pour confirmer ou infirmer le diagnostic
de métastase.

5.2. En cas d'hépatopathie chronique connue


• Toute image nodulaire sur cirrhose est un carcinome hépatocellulaire jusqu'à preuve du contraire. Le diagnostic
est initialement évoqué lors de la réalisation d'une échographie de surveillance faite à titre systématique au cours
du suivi d'une cirrhose. L'existence de cette anomalie va nécessiter alors la mise en œuvre des différents examens
(scanner, IRM, dosage de l'alpha-fœtoprotéine et biopsie) (Figure 3).

► 234 ÎUMEURS DU FOIE 231


ltem304

Figure 3. Algorithme de diagnostic d'une lésion hépatique survenue sur cirrhose

Nodule découvert en échographie


chez un malade atteint de cirrhose

< 1cm J 2:1cm


---- � � ____

Echo/3 mois TDMou IRM

Image
hypervascularisée
Stabilité
avec wash-out

// Non Oui*
Augmentation
diamètre/modification
d'aspect � ________,______
Autre examen Ou PBH
(TDM/IRM)*
* En l'absence de contre-indication à la
biopsie chez un patient accessible à un
traitement spécifique, la réalisation d'une
biopsie en foie tumoral et non tumoral est
cependant recommandée.

Ref: Blanc JF, Barbare JC, Baumann AS, Boige V, Boudjema K, Bouattour Met al. «Carcinome hépatocellulaire». Thésaurus
National de Cancérologie Digestive, mars 02019, en ligne [http://www.tncd] ..

Toute image nodulaire sur cirrhose est un CHC jusqu'à preuve du contraire.

• Dosage de l'alpha-fœtoprotéine
- Seul marqueur en cancérologie digestive qui a une certaine valeur diagnostique quand il est supérieur
à 400 ng/mL sur foie cirrhotique (mais ne suffit pas à porter le diagnostic de CHC).
- Normal dans 30 % des cas, n'élimine pas le diagnostic.
• Examen de débrouillage: l'échographie
- Montre un nodule sur un foie cirrhotique, une extension de ce nodule obstruant la veine porte.
- Recherche des nodules filles. Elle évalue la possibilité de réaliser une biopsie.
• L'examen suivant est le scanner thoraco-abdomino-pelvien
- Réalisation d'un temps artériel, un temps portal, un temps tardif.
- Mise en évidence des signes évocateurs de CHC : nodule hypo ou iso-dense rehaussé au temps artériel et se
lavant au temps portal et tardif (wash-out) (Figure 4).
- Permet le bilan d'extension à distance, reste du foie, vaisseaux portes (Figure 5) et veines sus-hépatiques,
poumon, ganglions loco-régionaux, os.
• L 'IRM est systématique si un traitement loco-régional est envisagé
- Caractérise plus précisément les lésions hépatiques, en particulier un aspect typ ique d'angiome.
- Le CHC est habituellement en hyp osignal/isosignal Tl, se rehaussant à l'injection de gadolinium puis à
nouveau en hyposignal au temps tardif (confirmant le wash-out) (Figure 6).
232
ÎUMEURS DU FOIE 235 ◄
Figure 4. Image de carcinome hépatocellulaire du foie droit au scanner

Figure S. Image de thrombose portale due à un carcinome hépatocellulaire au scanner

Figure 6. Image de carcinome hépatocellulaire à l'IRM

• L'examen anatomo-pathologique d'une biopsie hépatique n'est pas obligatoire pour affirmer le diagnostic si:
- patient cirrhotique et un examen d'imagerie (scanner ou IRM) évocateur, critères suffisants pour affirmer le
diagnostic de CHC, biopsie dans les autres cas;
- décision de transplantation sur nodule apparu sur cirrhose à fonction hépatique perturbée;
Remarque : une élévation de l'alpha-fœtoprotéine, même supérieure à 400 ng/ml, n'est pas suffisante pour
poser le diagnostic de CHC, celle-ci pouvant être liée à des tumeurs germinales ou d'autres tumeurs digestives.

► 236 ÎUMEURS DU FOIE 233


Item 304

• Prélèvements hépatiques: par ponction biopsie hépatique échoguidée, ou guidée par scanner ou per-opératoire.
En foie tumoral et en foie sain si cirrhose non connue, afin de préciser l'état du parenchyme hépatique non tumo­
ral. Après contrôle de l'hémostase, chez un patient informé des risques (saignement, ensemencement tumoral du
trajet de ponction).
• La TEP-PDG ou mieux la TEP-choline: dans le cas d'une localisation hépatique isolée, peut aider à faire le
diagnostic différentiel entre une métastase hépatique, un cholangiocarcinome et une tumeur bénigne (rarement
utilisée).

Bilan d'extension loco-régional


• Examen clinique, échographie et scanner hépatique systématiques
• L'IRM est le plus souvent réalisée (cf. supra).
• D'autres examens peuvent être proposés pour compléter le bilan, en particulier en cas de nodule isolé: scan­
ner lipiodolé (le lipiodol se fixe dans le tissu tumoral hépatique) pour juger de l'extension intra-hépatique et
angiographie lipiodolée (à la recherche des tumeurs hépatiques de petite taille, en bilan pré-opératoire et qui
permet un geste thérapeutique dans le même temps: la chimio-embolisation).

5.3. En l'absence de pathologie associée


• L'image anormale est le plus souvent mise en évidence de manière fortuite à l'occasion d'un examen fait pour une
autre pathologie (par exemple échographie hépatique à l'occasion d'une exploration de douleurs abdominales,
ou de pathologie gynécologique). Après mise en évidence de l'anomalie hépatique à l'échographie, les caractéris­
tiques de l'image anormale devront être précisées par réalisation d'un scanner puis d'une IRM. Si l'ensemble de
ces examens ne permet pas d'apporter un diagnostic précis, la biopsie est le plus souvent recommandée sauf si la
situation du patient (comorbidités, état général, par exemple) ne permet pas d'envisager un traitement. Par ordre
de fréquence, ces patients présentent des lésions bénignes, des métastases, un carcinome hépatocellulaire et enfin
un cholangiocarcinome.

s 6. Présentation clinique d'une tumeur primitive du foie


6.1. Histoire naturelle
• En cas de cirrhose constituée, l'échographie de surveillance est l'examen de premier choix pour le suivi des
patients. La recherche bi-annuelle des complications de l'hépatopathie permet un diagnostic précoce (pas tou­
jours malheureusement) de carcinome hépatocellulaire avec une diminution des décès secondaires à ce cancer.
La dissémination du carcinome hépatocellulaire se fait essentiellement en intra-hépatique via les vaisseaux
(thrombose portale tumorale++), ce qui explique la fréquence des récidives locales et la multifocalité.

6.2. Symptomatologie, examen clinique


• Les signes fonctionnels ou généraux sont au premier plan : douleurs abdominales, troubles digestifs, fièvre, alté-
ration de l'état général.
• Hépatomégalie, ictère, ascite.
• Aggravation d'une cirrhose connue, avec les signes d'insuffisance hépatocellulaire et d'hypertension portale.
• Diagnostic de dépistage chez un cirrhotique connu lors du suivi échographique.

234 ÎUMEURS DU FOIE 237 ◄


6.3. Examen général
• Amaigrissement, perte de poids et signes <l'anémie.

Bilan d'extension à distance


• La maladie reste longtemps localisée au niveau hépatique: le bilan d'extension générale est sommaire.
• Radiographie pulmonaire systématique.
• Scintigraphie osseuse en cas de point d'appel clinique.
• Biologie
- Bilan hépatique, exploration de la fonction hépatique par hémostase et albuminémie.
- Dosage de l'alpha-fœtoprotéine, très bon indicateur. En cas d'alpha-fœtoprotéine normale, le dosage
de la gammacarboxyprothrombine peut être réalisé en l'absence de déficit en vitamine K.

Biologie pré-thérapeutique
• En cas de transplantation hépatique: bilan exhaustif prétransplantation.
• En cas de cirrhose:
- Bilan étiologique si non fait.
- Endoscopie digestive haute à la recherche de varices œsophagiennes.
- NFS et électrophorèse des protéines sériques.
Classification de la cirrhose : score de Child-Pugh et score anatomo-pathologique (score de Knodell ou Métavir en
cas d'hépatite C).

B 7. Tumeurs des voies biliaires

7.1. Physiopathologie et facteurs de risque des tumeurs biliaires


7.1.1. Rappel anatomique
• Le cholangiocarcinome est, en fréquence, le second cancer primitif du foie après le carcinome hépatocellulaire
(CHC).
• Il se développe aux dépens des cellules biliaires, les cholangiocytes, qui tapissent la paroi des voies biliaires.
• Le cholangiocarcinome (CCA) peut atteindre les voies biliaires indépendamment de leur diamètre ou de leur
localisation.
• Lorsqu'il survient sur les canaux biliaires situés à l'intérieur du parenchyme hépatique on parle de cholangiocar­
cinome intra-hépatique.
• On parle de cholangiocarcinome extra-hépatique lorsque la tumeur apparaît sur la voie biliaire extra-hépatique.
Parmi les CCA extra-hépatiques, on classe en sous-types les tumeurs qui surviennent au niveau de la convergence
biliaire appelées cholangiocarcinomes péri-hilaires ou tumeurs de Klatskin. Ces tumeurs ont une prise en charge
spécifique du fait de cette localisation (mais ne sont pas à proprement parler des tumeurs hépatiques).
• Enfin, le CCA peut se développer aux dépens de la vésicule biliaire, on parle alors de carcinome de la vésicule
biliaire.

7.1.2. Facteurs de risque


• Ce sont des tumeurs à globalement mauvais pronostic. Même en situation curative la survie à 5 ans n'atteint pas
50 %.

► 2]8 ÎUMEURS DU FOIE 235


ltem304

• La présence d'une maladie chronique du foie notamment les hépatites chroniques d'origine virale (hépatite B et
C) et plus largement la cirrhose sont des facteurs de risque d'apparition des CCA intra-hépatiques.
• La présence d'une inflammation chronique des voies biliaires comme dans la cholangite sclérosante primitive ou
dans certaines maladies parasitaires du foie sont également des facteurs de risque identifiés pour le CCA extra­
hépatique.
• La lithiase biliaire intra-hépatique, fréquente en Asie, est un facteur de risque de cholangiocarcinome. Jusqu'à
10 % des patients ayant des calculs dans les voies biliaires intra-hépatiques vont développer ce cancer.
• Enfin le CCA peut aussi survenir en l'absence de tout facteur de risque identifié, et sur un foie histologiquement
sain.

A 7.2. Présentation clinique des tumeurs des voies biliaires


7.2.1.. Symptômes
• Le diagnostic de CCA est souvent tardif car la maladie donne peu de symptômes, particulièrement pour le CCA
intra-hépatique.
• Les signes cliniques apparaissent lorsque la tumeur est responsable de compression des gros canaux biliaires
provoquant un ictère.
• Par ailleurs, peut s'y associer un prurit lié à la cholestase, une pesanteur de l'hypochondre droit ou une altération
de l'état général.
• La découverte du CCA peut être faite de manière fortuite.

7.2.2. Biologie
• Aucun test biologique n'est spécifique d'une tumeur biliaire. Le CCA donne fréquemment des perturbations
du bilan hépatique à typ e de cholestase secondaire à l'obstruction biliaire. L'ictère prédomine sur la bilirubine
conjuguée.
• Par ailleurs, aucun marqueur tumoral n'est spécifique de CCA. Ils ne doivent pas être demandés pour le diagnos­
tic de manière isolée; notamment, le CA 19.9 n'a pas de performance diagnostique suffisante. C'est un examen
d'orientation et de suivi en complément de l'imagerie.

B 8. Démarche diagnostique positive d'une métastase


hépatique
• On les découvre le plus souvent dans le cadre du suivi d'une tumeur primitive, plus rarement de manière inaugu­
rale (foie marronné) appelant la recherche de la tumeur primitive.
• Les étiologies les plus fréquentes sont le cancer colorectal, mais toutes les autres tumeurs digestives (estomac,
pancréas, œsophage, anus) en produisent ainsi que les tumeurs neuro-endocrines de toutes localisations, les can­
cers du testicule, du sein, des bronches, de la tête et du cou, les sarcomes, les mélanomes, etc.

8.1. Typologie des métastases

1. Lésion unique (syndrome oligométastatique de bon pronostic) ou lésions multiples ?


2. Lésions synchrones (mauvais pronostic) ou métachrones (meilleure défense immunitaire) ?
3. Localisation hépatique isolée ou associée à d'autres métastases extra-hépatiques (poumon, péritoine,
surrénales, etc.) (moins bon pronostic) ?

236 ÎUMEURS DU FOIE 239 ◄


8.2. Imagerie
• L'échographie permet souvent une première approche. Elle est toutefois opérateur dépendant. Les images sont
typ iquement décrites en cocardes.
• Le scanner spiralé est l'examen de base. S'il existe des différences en fonction des étiologies, globalement les
métastases apparaissent hypodenses, ne se rehaussant pas au temps artériel.
• L'IRM est nécessaire en cas de doute persistant, pour rechercher de plus petites lésions qui n'auraient pas été
vues au scanner et surtout après chimiothérapie où le scanner devient moins performant. L'IRM est globalement
plus sensible pour les lésions hépatiques et apporte des éléments de caractérisation souvent utiles (diagnostic de
carcinome hépatocellulaire, diagnostic différentiel tumeur bénigne versus métastase dans le suivi d'un cancer
opéré) (Figure 7).

Figure 7. Métastases hépatiques à l'IRM

• Le TEP-TDM au FDG n'est indiqué que si son résultat peut modifier la décision thérapeutique. Il est plus utilisé
pour rechercher des métastases extra-hépatiques qu'intra-hépatiques.

8.3. Démarche uniciste


• Si les métastases apparaissent de manière synchrone ou métachrone mais dans un délai de l'ordre de 2 ans, dans le
cadre d'une tumeur primitive connue et que l'imagerie est jugée compatible, le diagnostic est affirmé sans recours
à la biopsie.
• Dans le cas contraire (lésion métachrone de plus de deux ans, imagerie peu caractéristique), la biopsie est néces­
saire.
• Elle est aussi nécessaire si le patient a deux cancers primitifs différents dans ses antécédents, ce qui n'est pas rare,
et s'il est nécessaire de rechercher une mutation génétique à portée thérapeutique si la recherche n'est pas possible
sur le primitif. C'est le cas notamment pour des métastases d'un cancer du côlon afin de déterminer la présence ou
non d'une mutation des gènes RAS et RAF.

► 240 ÎUMEURS DU FOIE 237


Item 304

B 9. Traitement : principes de la prise en charge

9.1. Carcinome hépatocellulaire


• En fonction du degré d'atteinte hépatique et de l'existence d'une cirrhose associée, plusieurs options thérapeu­
tiques sont possibles.

9.1.1. Classification après résultats du bilan d'extension


• En cas de cirrhose, la classification de Child Pugh doit être utilisée pour évaluer la fonction hépatique en plus
de l'extension tumorale (cf chapitre cirrhose).
• Ensuite, le score du BCLC (équipe de Barcelone) permet de définir la prise en charge thérapeutique.
• D'autres classifications pré-opératoires sont utilisées pour définir les critères de résection en fonction de la via­
bilité du foie sous-jacent ainsi que le modèle AFP établi par !'Agence de Biomédecine et utilisé en France pour
inscrire un patient sur la liste de transplantation.

9.1.2. Facteurs pronostiques


• De nombreux scores pronostiques ont été développés dans le CHC. Ils associent à des degrés divers les principaux
facteurs pronostiques suivants :
- diamètre de la plus grosse lésion;
- nombre de nodules;
- envahissement portal;
- score de Child-Pugh;
- pourcentage d'envahissement tumoral;
- taux d'alpha-fœtoprotéine;
- état général.
• Le choix sera fait par une équipe spécialisée en prenant en compte, en particulier, les comorbidités du patient.

Tableau 1. PROPOSITIONS
-- -
THÉRAPEUTIQUES
------ DU CHC EN FONCTION DU STADE
--- ET DE LA CIRRHOSE
- - --- - - - ---
CHC SUR CIRRHOSE
1 seul nodule • Transplantation hépatique si lésion< s cm, quel que soit le stade cirrhose Child A ou B.
• Chirurgie d'exérèse si Child-Pugh A.
• Techniques transcutanées si Child-Pugh A-B et lésion< s cm.
• Chimio-embolisation si Child-Pugh A-B.
• Radiothérapie en conditions stéréotaxiques.
2 à 3 nodules < 3 cm • Mêmes options que pour 1 seul nodule.

Dans les autres • Si Child-Pugh A-B: chimio-embolisation si pas de thrombose et fonction hépatique

--
cas de figure suffisante.
- -· -
• Si Child-Pugh C: traitement symptomatique.
CHC SUR FOIE SAIN
1 localisation • Chirurgie d'exérèse systématique.
,__ - f.-

Localisations multiples • Techniques percutanées


• Chimio-embolisation
• Lipiodol radioactif
• Exérèse chirurgicale si réalisable en poussant les indications puisque le foie sous-jacent est
sain... -

238
TUMEURS DU FOIE 241 ◄
CHC MÉTASTATIQUE
• Le sorafénib (Nexavar®) a démontré son intérêt en termes de survie globale en première ligne de traitement du CHC sur
cirrhose stade A-B de Child-Pugh ou sur foie sain.
• Il a récemment été démontré que l'association d'atézolizumab (Tecentriq®), une immunothérapie anti-PDL-1 et de
bévacizumab (Avastin®) donnent de meilleurs résultats en termes de survie et de réponse que le sorafénib, faisant de cette
bithérapie le nouveau standard de traitement en première ligne.
• Le régorafenib (Stivarga®) a été récemment approuvé comme traitement de seconde ligne après échec du sorafénib.
• Le cabozantinib (Cabometyx®) a obtenu la même indication.
• Traitement symptomatique dans les autres cas de figure.

• Indications de transplantation classiques remises en question en France par l'utilisation du modèle AFP de
l'Agence de Biomédecine. Le score AFP (Tableau 2) intègre, outre la taille et le nombre de lésions tumorales, 3
niveaux d'alfa-fœtoprotéine.
• Accès au greffon impossible si score AFP supérieur à 3.

Tableau 2. SCORE AFP


Diamètre (cm) POINTS
:,; 3 0

3-6 1

>6 4
Nombre de nodules
1-3 0

�4 2

AFP (µg/1)
:,; 100 0

100-1000 2

> 1000 3

9.1..3. Résultats
• Survie à 5 ans: < 20 % en cas de résection chirurgicale (apparition d'autres CHC sur le foie restant). Meilleurs
résultats pour la transplantation: 75 % environ de survie à 5 ans dans les bonnes indications.

9.1..4. Prévention
• Primaire
- Vaccination contre l'hépatite B (recommandée en France chez le bébé dès l'âge de 2 mois).
- Prévention de la transmission de l'hépatite C.
- Aide et prévention chez les populations exposées aux risques de transmission virale (toxicomanes).
- Lutte contre l'alcoolisme.
- Lutte contre l'obésité afin de prévenir la NASH qui peut provoquer une cirrhose.
• Secondaire
- Échographie abdominale.
- Tous les 6 mois, chez les cirrhotiques ou les porteurs d'une hépatite chronique.

► 2lf2 TUMEURS DU FOIE 239


Item 304

9.2. Tumeurs biliaires


• Le seul traitement à visée curative actuellement validé est la chirurgie carcinologique. Un essai randomisé
récent a montré que l'administration en post-opératoire de capécitabine augmente la survie des patients opérés à
visée curative. Dans certains cas particuliers, il peut être proposé au patient une transplantation hépatique.
• En cas de CCA non résécable, une chimiothérapie est proposée. Elle associe classiquement la gemcitabine à un
sel de platine (cisplatine ou oxaliplatine). Une irradiation est souvent proposée à la suite de la chimiothérapie.
• En situation palliative, parallèlement à la prise en charge carcinologique, il peut être nécessaire de traiter l'ictère
en réalisant un drainage de la bile. Le drainage peut être fait par voie endoscopique (CPRE) avec mise en place de
prothèse au travers de la zone tumorale. Lorsque ce type d'intervention s'avère impossible, un drain transpariétal
peut être posé par les radiologues. En plus de traiter l'ictère, le drainage biliaire est efficace sur le prurit.

9.3. Métastases hépatiques


• Il fait appel aux thérapies systémiques (chimiothérapie, thérapie ciblée, immunothérapie) qui, lorsqu'elles sont
efficaces, permettent d'envisager un traitement local. Il est en effet inutile d'enlever des métastases du foie si la
maladie continue à évoluer par ailleurs.
• De toutes les métastases, celles du cancer colorectal sont les plus accessibles à un traitement curatif.
• De tous les traitements locaux, la chirurgie est celui qui offre le plus de chances de survie à 5 ans. C'est le cas
notamment des métastases du cancer colorectal dont la survie après opération atteint 40 % à 5 ans en sachant que
seulement 20 % à 30 % des patients sont opérables.
• D'autres traitements locaux sont disponibles comme l'ablation percutanée par radiofréquence ou micro-ondes, la
radiothérapie ciblée en conditions stéréotaxiques.

240
ÎUMEURS DU FOIE 2lt] ◄
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 304:
« TUMEURS DU FOIE, PRIMITIVES ET SECONDAIRES»

Situation de départ
En lien avec la prévention
1 Descriptif

303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte Les cancers du foie, en particulier le carcinome
hépatocellulaire, se développent sur cirrhose. La cirrhose
alcoolique reste une cause fréquente à côté du virus de
l'hépatite C, et plus récemment de l'apparition de formes
en rapport avec une stéatose non alcoolique du foie liée
au surpoids ou à l'obésité. Les mesures de dépistage
primaire concernent la prévention de la maladie
alcoolique du foie, le traitement curatif des hépatites
chroniques C, la réduction du surpoids et la prise en
charge de l'obésité. Au stade d'hépatopathie chronique
le suivi de ces patients est nécessaire avec mise en œuvre
au diagnostic de cirrhose d'un suivi échographique tous
les 6 mois cherchant à mettre en évidence de petits
cancers primitifs du foie.
En ce qui concerne les tumeurs secondaires du foie,
on peut considérer que les traitements adjuvants post-
résection de la tumeur primitive sont un élément de
prévention de la survenue des métastases, mais ces
points sont traités dans chacune des localisations
tumorales.

En lien avec le diagnostic


Signes tumoraux
6. Hépatomégalie Tout signe« hépatologique » : douleur, ictère, prurit doit
faire évoquer le diagnostic de tumeur hépatique. Chez le
47. Ictère cirrhotique, une « décompensation de la cirrhose », est
également un élément qui doit faire évoquer le diagnostic
4. Douleur abdominale
de survenue d'un CHC sur cirrhose. L'existence à la
88. Prurit palpation d'une hépatomégalie, surtout dans le contexte
du bilan d'extension d'un cancer connu, doit faire
craindre la présence de lésions hépatiques secondaires.
Signes généraux et/ou en rapport avec une extension métastatique
16. Adénopathie(s) unique ou multiples Les tumeurs primitives du foie (CHC) et les
cholangiocarcinomes peuvent avoir un retentissement
17. Amaigrissement sur l'état général du patient. Elles peuvent (rarement)
s'accompagner d'adénopathies à distance (ou d'autres
21. Asthénie
signes de métastases, osseuses par exemple).
En ce qui concerne les métastases hépatiques, elles sont
en soi un signe d'extension à distance de la maladie
et sont donc fréquemment associées avec un début
d'altération de l'état général et un amaigrissement.
Selon la localisation de la tumeur primitive, elles peuvent
plus ou moins souvent s'associer à des adénopathies
périphériques (ganglion de Troisier des cancers
gastriques et colorectaux, par exemple).

► 244 ÎUMEURS FOIE 241


En lien avec le bilan diagnostique et d'extension
Demande/prescription raisonnée et choix d'un
178. Le diagnostic de tumeurs du foie ne repose pas toujours
examen diagnostique sur la réalisation d'une biopsie. En cas de cancer primitif
231. Demande d'un examen d'imagerie connu, la mise en évidence d'images hépatiques
évocatrices à l'échographie et au scanner (parfois
233. Identifier/reconnaître les différents examens complété de l'i RM) suffit. L'aspect morphologique d'un
d'imagerie (type/fenêtre/séquences/incidences/ nodule sur cirrhose peut aussi suffire à faire le diagnostic
injection) même si la biopsie est redevenue plus fréquente afin de
réaliser des analyses de biologie moléculaire.
232. Demande d'explication d'un patient sur le

déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un


examen d'imagerie
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie
180. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo-
pathologie
En lien avec la prise en charge thérapeutique
327. Annonce d'un diagnostic de maladie grave au patient La stratégie thérapeutique dépend du bilan d'extension
et à sa famille et du bilan fonctionnel (état général, fonction
respiratoire). Les tumeurs hépatiques sont toujours des
pathologies graves qui nécessitent une prise en charge
multidisciplinaire adaptée.

242
243
Item 305

(HAPl,,, ►�T_u _m_e_ u_r_s_d_e_l'œ_s_o_p_h_a_g_e_____


Pr Pierre-Emmanuel Colombo', Dr Julien Edeline2, Dr Jérome Doyen3, Dr Stéphanie Servagl Vernat4
'Département de Chirurgie oncologique, ICM Val d'Aurelle, Montpellier
'Service d'Oncologie digestive, Centre Eugène Marquis, Rennes
'Service de Radiothérapie, Centre Antoine Lacassagne, Nice
•·Service de Radiothérapie, Institut Jean Godinot, Reims

OBJECTIFS: N ° 305. TUMEURS DE L'ŒSOPHAGE

-¼ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur de l'œsophage.

1. Épidémiologie 3.5. Signes en rapport avec une extension métastatique


1.1. Connaître l'incidence et la prévalence des cancers de révélatrice
l'œsophage en France 4. Diagnostic de certitude: connaître les indications de la
1.2. Pronostic fibroscopie œsogastrique
1.3. Connaître les deux principaux types histologiques de S. Bilan pré-thérapeutique
cancer de l'œsophage 5.1. Examen clinique
1.4. Connaître les facteurs de risque et les principales lésions 5.2. Connaître la stratégie d'exploration par imagerie d'une
augmentant le risque de survenue ultérieure d'un cancer tumeur de l'œsophage
de l'œsophage 5.3. Les autres examens complémentaires
2. Histoire naturelle 5.4. Bilan d'état général et d'opérabilité
3. Connaître les principales circonstances de découverte et 6. Classification TNM des cancers de l'œsophage
les manifestations cliniques du cancer de l'œsophage 7. Particularité des tumeurs de la jonction œsogastrique
3.1. Rarement de découverte fortuite 8. Prise en charge thérapeutique
3.2. Le plus souvent le diagnostic se fait sur des symptômes 8.1. Règles générales
thoraciques 8.2. Présentation des différents traitements
3.3. Signes en rapport avec une extension loco-régionale 8.3. Effets indésirables des traitements
(tumeurs localement avancées) 8.4. Prise en charge nutitionnelle
3.4. Signes généraux (altération de l'état général = AEG) 9. Surveillance
�-- ----------------------------------------------------·-···-----------···---·-···-·········-·-·--�---------··--

Rang Rubrique - - - -
Intitulé
-� -- ---- --- -� --�- - ----
B Définition Connaître les deux principaux types histologiques (carcinome épidermoïde,
adénocarcinome) de cancer de l'œsophage
A Étiologies Connaître les principales lésions augmentant le risque de survenue ultérieure d'un
cancer de l'œsophage: dysplasie malpighienne, endobrachyœsophage (œsophage
de Barrett), et lésions précancéreuses
----
B Prévalence, Connaître l'incidence et la prévalence des cancers de l'œsophage en France
épidémiologie
A Diagnostic positif Connaître les principales circonstances de découver te et les manifestations
cliniques du cancer de l'œsophage
-- ------
B Examens Connaître la stratégie d'exploration par imagerie d'une tumeur de l'œsophage :
complémentaires écho-endoscopie, scanner, TEP-TDM au 18FDG
-----
B Examens Connaître les indications de la fibroscopie œso-gastrique
complémentaires
- - --

244
1
• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

• Le cancer de l'œsophage est un cancer relativement peu fréquent et de mauvais pronostic.


• Il convient de distinguer les deux types histologiques les plus fréquents: les cancers épidermoïdes en lien avec
l'intoxication alcoolo-tabagique et les adénocarcinomes, le plus souvent liés à la dégénérescence d'un endobra­
chyœsophage et à l'obésité.
• L'épidémiologie se modifie depuis plusieurs années avec une augmentation relative de la fréquence des adéno­
carcinomes.
• Le diagnostic de cancer œsophagien doit systématiquement être évoqué devant une dysphagie progressive qui
doit conduire à la réalisation d'une fibroscopie œsogastrique avec biopsies.
• Le diagnostic de certitude repose sur l'examen anatomo-pathologique des biopsies lésionnelles réalisées au cours
de la fibroscopie œsogastrique.
• Des pathologies associées se développant sur le même terrain à risque doivent être systématiquement recherchées
en cas d'intoxication alcoolo-tabagique (cancers ORL ou pulmonaire, cirrhose ...).
• Le scanner thoraco-abdomino-pelvien est le premier examen complémentaire à réaliser après l'endoscopie.
• Le bilan pré-thérapeutique apprécie l'extension loco-régionale et l'extension à distance de la tumeur. Une évalua­
tion de l'état général, nutritionnel et des comorbidités du patient est indispensable.
• Le sevrage de la consommation alcoolique et tabagique est un point essentiel de la prise en charge thérapeutique.

B 1. Epidémiologie

1.1. Incidence et prévalence des cancers de l'œsophage en France


Le cancer de l'œsophage est une tumeur d'incidence relativement faible, de mauvais pronostic, touchant plus
particulièrement les hommes de plus de 50 ans.

• On dénombre environ 480 000 nouveaux cas de cancer de l'œsophage par an dans le monde. Il existe de grandes
variations d'incidence avec des pays à forte incidence (continent asiatique, Chine, Iran ...) et des pays à plus faible
incidence (continent africain, États-Unis ...). En Europe, l'incidence est considérée comme moyenne.
• En France, l'incidence est en diminution progressive depuis 30 ans avec 5 445 nouveaux cas estimés en 2018. Le
taux d'incidence standardisé monde est de 6,8 cas pour 100 000 chez l'homme et de 1,5 cas pour 100 000 chez la
femme (données 2018).
• Il représente 2 % des cancers et 10 % des cancers digestifs. C'est une maladie à prédominance masculine: le sex­
ratio est de 4/1.
• L'incidence est en diminution chez les hommes alors qu'elle est stable ou en légère augmentation chez les femmes.
• On observe une variabilité régionale importante avec une incidence plus élevée dans le nord et le nord-ouest du
pays (Bretagne et Normandie). Néanmoins, c'est dans ces régions que la baisse d'incidence est la plus importante
(liée à la diminution de la consommation d'alcool).
• La majorité des cas sont diagnostiqués après 50 ans. L'âge moyen au diagnostic est de 67 ans pour les hommes et
de 70 ans pour les femmes (données 2018).

245
Item 305

1.2. Pronostic
• Le pronostic général des cancers de l'œsophage est sombre. Il est responsable de 3 725 décès par an (données
2018). Le taux de mortalité a diminué ces dernières années parallèlement au taux d'incidence.
• La survie globale à 5 ans tous stades confondus est de l'ordre de 10 % - 15 %. Ce mauvais pronostic est lié notam­
ment à son extension au diagnostic(> 60 % des cas sont diagnostiqués à un stade localement avancé ou métasta­
tique). La survie reste mauvaise même en cas de stade localisé(taux de survie< 40 % à 5 ans). Elle est quasiment
nulle à 5 ans en cas de stade métastatique(taux de survie< 5 % à 5 ans).

1.3. Principaux types histologiques de cancer de l 1œsophage


• Deux types histologiques principaux sont retrouvés (Tableau 1):
- les carcinomes épidermoïdes, classiquement les plus fréquents; leur fréquence est en diminution. Ces tumeurs
peuvent siéger tout le long de l'œsophage et se localisent le plus souvent au niveau de ses 2/3 supérieurs. On note
une association fréquente, synchrone ou métachrone, avec des cancers des voies aéra-digestives supérieures et
broncho-pulmonaires;
- le deuxième type histologique est l'adénocarcinome dont la fréquence relative est en forte augmentation. Ces
tumeurs siègent le plus souvent au niveau du tiers inférieur. L'incidence de l'adénocarcinome a considérablement
augmenté ces dernières années aux États-Unis et en Europe occidentale pour rejoindre voire dépasser celle du
carcinome épidermoïde en diminution;

Tableau 1. CANCER DE L'ŒSOPHAGE: TYPES HISTOLOGIQUES


Cancers épidermoïdes 1 Adénocarcinomes

Incidence en diminution Augmentation relative


Homme> femme après 60 ans Homme> femme
1/3 supérieur et 1/3 moyen 1/3 inférieur++
Facteurs de risque : Facteurs de risque : :
Alcool - tabac+++ RGO chronique avec EBO' de type intestinal++
Comorbidités et cancers associés : -Obésité +
- Cirrhose - BPCO - CHC - Rôle du tabac moins net
- Cancers ORL et bronchiques

1 EBO : Endobrachyoesophage

- les autres types histologiques sont rares: tumeurs neuro-endocrines, tumeurs stromales ...

A 1.4. Facteurs de risque et principales lésions augmentant le risque


de survenue ultérieure d'un cancer de l'œsophage (Tableau 2)

Les facteurs de risque du cancer de l'œsophage dépendent du type histologique.

1..4.1.. Carcinome épidermoïde


• Ils sont principalement liés à l'intoxication alcoolo-tabagique avec un lien direct entre le risque de cancer et
l'importance de l'intoxication :
- l'alcool: lien direct avec la consommation alcoolique avec un risque x 20 en cas d'alcoolisme chronique; risque
accru pour les alcools consommés chauds ;
- le tabac: risque x 5 en cas de tabagisme actif;

246
- l'association alcool - tabac++:
► principal facteur de risque des cancers épidermoïdes++
► synergie du risque cancérigène: le risque est multiplié par 100 !
► responsable de 90 % des carcinomes épidermoïdes;
► lien direct entre le risque et l'importance de l'intoxication alcoolo-tabagique.

• Ce terrain nécessite de rechercher des comorbidités liées à l'intoxication alcool-tabac ++ :


- Cancer des voies aéro-digestives supérieures (VADS}, cancer broncho-pulmonaire:
► Réalisation systématique d'un examen ORL avec naso-fibroscopie + /-associée à une pan­
endoscopie des VADS et d'une fibroscopie bronchique lors du bilan initial des cancers
épidermoïdes;
- Bronchite chronique obstructive (BPCO);
- Pathologies hép.atiques: hépatopathie alcoolique, cirrhose hépatique, carcinome hépatocellulaire...

- autres facteurs de risque :


► ATCD de cancer des VADS++: association épidémiologique avec un risque de cancer œsophagien x 30;
► radiothérapie médiastinale (antécédent de radiothérapie pour lymphome ou maladie de Hodgkin, cancer
du sein irradié parfois de nombreuses années auparavant);
► lésions précancéreuses à risque de dégénérescence tardive (au bout de nombreuses années):
• achalasie = méga-œsophage idiopathique;
• brûlures caustiques;
• diverticules œsophagiens (Zenker);
• sclérodermie;
• tylose (kératodermie palmoplantaire).
► facteurs alimentaires (boissons chaudes [thé, maté chaud en Amérique du Sud], carences protidiques);
► rôle discuté du virus HPV (Human papillomavirus) en l'absence d'intoxication alcool-tabac.

Tableau 2. CANCER DE L'ŒSOPHAGE : LÉSIONS PRÉCANCÉREUSES


Cancer épidermoïde Adénocarcinome

• Méga-œsophage idiopathique(= achalasie)


• Œsophagite caustique
• Endobrachyœsophage (métaplasie intestinale)++
• Diverticules œsophagiens (diverticule Zenker)
• Évoluant vers la dysplasie de bas grade, puis de haut grade
• Sclérodermie
• Œsophagite radique
• Tylose

1.4.2. Adénocarcinome
• Il provient le plus souvent de la transformation d'un endobrachyœsophage (EBO ou œsophage de Barrett) lui­
même secondaire à un reflux gastro-œsophagien (RGO) chronique.
• L'adénocarcinome œsophagien est plus fréquent chez les patients en surpoids, obèses et/ou diabétiques de type 2.
Il est alors lié à l'excès alimentaire, aux calories d'origine animale et à l'insuffisance d'activité physique.
• Le tabac est également un facteur de risque dans ce type histologique.

L'EBO est le facteur de risque principal de l'adénocarcinome+++.

247
Item 305

Endobrachyœsophage (œsophage de Barrett)


• C'est la cicatrisation pathologique de la muqueuse œsophagienne sur des lésions d'œsophagite peptique
(RGO chronique) avec remplacement (métaplasie) de l'épithélium malpighien du 1/3 inférieur en épithélium
glandulaire cylindrique. La métaplasie glandulaire est fundique ou intestinale, cette dernière étant particuliè­
rement à risque de dysplasie et de dégénérescence. La présence d'un EBO multiplie par 30 à 100 le risque de
cancer de l'œsophage par rapport à la population générale sans EBO et nécessite une surveillance rapprochée
par endoscopie et biopsies. La plupart des adénocarcinomes sur EBO surviennent selon une séquence méta­
plasie intestinale/dysplasie de grade croissant/cancer:

RGO chronique➔ œsophagite peptique➔ EBO (= métaplasie, sans dysplasie)➔ EBO avec dysplasie
bas grade➔ EBO avec dysplasie de haut grade➔ dégénérescence en adénocarcinome

• 10 % des œsophagites peptiques évoluent vers l'EBO.


• 10 % des EBO évoluent vers la dysplasie avec le risque de dégénérescence.
• But de la surveillance des EBO: diagnostiquer tôt une dysplasie ou une lésion invasive débutante et améliorer
la survie. Surveillance par endoscopies avec biopsies multiples étagées.
Pas de dysplasie : surveillance endoscopique tous les 2 à 5 ans (en fonction de la taille de l'EBO :
endoscopies rapprochées en cas d'EBO long).
- Dysplasie de bas grade suspectée : contrôle à 2 ou 3 mois après traitement par IPP à double dose
(endoscopie+ biopsies avec double lecture).
Dysplasie de bas grade confirmée : (endoscopie+ biopsies étagées) tous les 6 mois la première année
puis une fois/an.
Dysplasie de haut grade : contrôle à 1 mois ; si la dysplasie est confirmée (double lecture anatomo­
pathologique): traitement endoscopique (mucosectomie) ou chirurgical.

A 2. Histoire naturelle
• Le cancer de l'œsophage se développe à partir de l'épithélium œsophagien puis a une extension en profon­
deur dans la paroi infiltrant progressivement les différentes couches de l'organe jusqu'au tissu médiastinal péri­
œsophagien. L'extension se fait alors vers les structures et organes médiastinaux adjacents (arbre trachéo-bron­
chique, péricarde, aorte ...) (Figures la-lb-le).
• L'extension est également longitudinale le long de l'organe vers le haut ou le bas (atteinte possible de la jonction
œsogastrique et de l'estomac) avec possibilité de ponts de muqueuse saine.
• L'extension lymphatique est fréquente vers les ganglions péri-œsophagiens, médiastinaux, puis vers la petite
courbure et la région cœliaque vers le bas ou les ganglions sus-claviculaires ou cervicaux vers le haut.
• L'extension par voie hématogène avec métastases à distance (poumon, foie, principalement puis os, cerveau ...).
• Le développement de la tumeur entraîne une altération de l'état général et une dénutrition sévère jusqu'à la
cachexie par dysphagie et évolution tumorale. Des infections médiastinales et pulmonaires et des pneumopathies
d'inhalation sont fréquentes (fausses-routes, fistule œso-trachéale ou bronchique). Des hématémèses sont pos­
sibles par rupture d'un gros vaisseau médiastinal.

248
Figure 1 a. Cancer de l'œsophage: corrélation anatomo-clinique

Tumeur du tiers-supérieur

• Se situe approximativement de l'orifice supérieur


du thorax à la bifurcation trachéale (de 19 à 24 cm des
arcades dentaires (AD)).
• Défilé étroit en arrière de la membraneuse trachéale.
• Extension rapide vers la membraneuse trachéale en
avant.
• Puis vers les gros vaisseaux (tronc artériel brachio­
céphalique (TABC), carotide), le nerf récurrent droit ou
gauche.

Figure 1 b. Can cer de l'œsophage: corrélation an atomo-clinique

Tumeur du tiers-moyen

• Se situe sous la bifurcation trachéale de 25 à 32 cm


des AD.
• Se situe dans un défilé étroit entre la face postérieure
de la carène et la bronche souche gauche ++.
, En arrière peut envahir l'aorte descendante.
• Envahissement possible par la tumeur ou par des
adénopathies métastatiques du nerf récurrent gauche
(dysphonie par paralysie récurentielle gauche).

249
Item 305
- - -

Figure 1 c. Cancer de l'œsophage: corrélation anatomo-clinique

Tumeur du tiers-inférieur

• Située de 32 cm à 40 cm des AD.


• À un stade évolué peut envahir l'aorte en arrière ou le
péricarde et le cœur en avant.
• Extension verticale vers le bas vers la jonction
œsogastrique et la petite courbure de l'estomac.

A 3. Principales circonstances de découverte


et manifestations cliniques du cancer de l'œsophage

3.1. Rarement de découverte fortuite


• Ce cancer est longtemps asymptomatique ++, expliquant un diagnostic souvent tardif:
- en France, il n'existe pas de protocole de dépistage organisé dans la population générale (contrairement aux
pays asiatiques);
- il peut être de découverte fortuite sur un bilan endoscopique ou radiologique: bilan endoscopique systématique
en cas d'ATCD de cancer ORL, bilan de cirrhose, surveillance régulière d'un EBO (dépistage individuel) ...

3.2. Le plus souvent le diagnostic se fait sur des symptômes thoraciques


• Témoins le plus souvent de tumeurs déjà avancées:
- dysphagie +++, organique
C'est le principal signe clinique des cancers œsophagiens ++;
Elle est progressive: au début simple accrochage intermittent des aliments; d'abord aux solides (initialement
viande, croûte du pain ...), puis aux liquides, puis aggravation jusqu'à l'aphagie complète; permanente sans
rétrocession.
250
Isolée, puis associée à des régurgitations, un hoquet, une haleine fétide (stase alimentaire), une odynophagie
et des douleurs thoraciques.
- plus rarement: hématémèse.

TOUTE DYSPHAGIE PROGRESSIVE DOIT FAIRE RÉALISER UNE FIBROSCOPIE ŒSOGASTRODUODÉNALE


(FOGD) AVEC BIOPSIES de toute lésion suspecte.

3.3. Signes en rapport avec une extension loco-régionale


(tumeurs localement avancées)
• Syndromes médiastinaux (envahissement des structures médiastinales):
- dysphonie (voix bitonale et paralysie de la corde vocale gauche [par atteinte du nerf récurrent gauche]);
- toux à la déglutition (2 mécanismes possibles : fausse route par paralysie de la corde vocale gauche
[ envahissement du nerf récurrent] - fistule trachéo ou broncho-œsophagienne) ;
- surinfections pulmonaires à répétition ;
- douleurs thoraciques rétro-sternales ou inter-scapulaires.

3.4. Signes généraux (altération de l'état général = AEG)


• Amaigrissement, asthénie, anorexie.
• Parfois unique signe d'appel.

Toute AEG importante chez un patient alcoolo-tabagique doit faire rechercher un cancer de
l'œsophage.

3.5. Signes en rapport avec une extension métastatique révélatrice


• Adénopathie sus-claviculaire notamment gauche (ganglion de Troisier).
• Foie (douleurs abdominales, hépatomégalie nodulaire ...).
• Poumon (dyspnée, épanchement pleural...).
• Os (douleurs osseuses inflammatoires, hyp ercalcémie ...).

B 4. Diagnostic de certitude : indications de la fibroscopie


œsogastriq ue
Le DIAGNOSTIC de certitude repose sur l'endoscopie +++ œsogastrique et l'examen anatomo­
pathologique de biopsies.

• Fibroscopie œsogastrique ++
- Patient à jeun, informé, après vérification du bilan d'hémostase, sous anesthésie locale ou générale.
- Visualisation de la tumeur œsophagienne : aspect, étendue sur la circonférence, franchissable ou non (une
tumeur non franchissable par l'endoscope est très souvent de stade � T3 selon la classification TNM [voir
ci- après]).

251
Item 305
- -

- TOPOGRAPHIE (distance / arcades dentaires), hauteur de la lésion, distance par rapport à la ligne Z
(= jonction des muqueuses œsophagienne et gastrique).
- Permet la réalisation de biopsies multiples++ avec examen anatomo-pathologique++: type histologique,
grade selon !'OMS, évaluation de l'expression d'HER2 par immunohistochimie (pour les adénocarcinomes de
la jonction œsogastrique métastatiques).
- Cancers superficiels et dépistage en cas de lésions précancéreuses: le diagnostic est parfois difficile (intérêt des
colorations++: bleu et Lugo!, colorations virtuelles [NBI = narrow band imaging}).

B 5. Bilan pré-thérapeutique

C'est une étape primordiale de la prise en charge des cancers œsophagiens, car les modalités du traitement
dépendent de paramètres essentiels que sont le type histologique, l'extension du cancer, l'état général et
nutritionnel et les comorbidités du malade.

• Les objectifs du bilan pré-thérapeutique sont donc multiples:


- Bilan d'extension (Figure 2):
► bilan d'extension local ;
► bilan d'extension loco-régional;
► bilan d'extension à distance ;

- Bilan général (comorbidités, pathologies associées) et évaluation du statut nutritionnel.


• Ce bilan permettra de déterminer le stade, le pronostic de la tumeur et son éventuelle opérabilité.

5.1. Examen clinique


• Interrogatoire
- Antécédents et facteurs de risque (RGO, consommation alcool, tabac à quantifier) ...
- Comorbidités connues (ATCD de cancers [ORL, pulmonaire], hépatopathie, diabète, coronaropathie,
BPCO ...).
- Signes fonctionnels (dysphagie, douleur, toux à la déglutition ...).
- Poids, IMC, perte de poids à quantifier.
- Statut de performance OMS.
• Examen clinique
- Signes en faveur d'une extension loco-régionale importante:
► dysphonie (voie bitonale) par paralysie récurentielle gauche (envahissement du nerf récurrent gauche par
la tumeur ou des adénopathies métastatiques).
► Signes en faveur d'une extension métastatique: adénopathie sus-claviculaire gauche (ou ganglion de
Troisier, qui témoigne toutefois d'une extension loco-régionale et non à distance pour les carcinomes
œsophagiens du tiers supérieur de l'œsophage; à noter que le ganglion de Troisier se trouve parfois à droite).
► Signes cliniques à la recherche de comorbidités: signes cliniques de cirrhose ou de BPCO ...

3 signes cliniques sont évocateurs de tumeurs localement évoluées ou métastatiques non opérables :
• toux à la déglutition;
• dysphonie (voie bitonale) par paralysie de la corde vocale gauche (envahissement du récurrent gauche);
• adénopathie sus-claviculaire gauche (Troisier).

252
5.2. Stratégie d'exploration par imagerie d'une tumeur de l'œsophage

5.2.1.. le scanner cervical et thoraco-abdomino-pelvien ++ (CTAP)


• Avec et sans injection de produit de contraste iodé (en l'absence d'allergie et après vérification de la fonction
rénale).
• C'est le premier examen à demander après confirmation du diagnostic par la fibroscopie œsogastrique.
• Il évalue l'extension loco-régionale de la tumeur:
- visualisation de la tumeur: localisation, hauteur ...
- rapport aux organes de voisinage ;
- recherche des adénopathies médiastinales (fenêtres médiastinales).
• Il évalue l'extension à distance de la tumeur: adénopathies cervicales ou cœliaques, adénopathies mésentériques,
métastases pulmonaires, métastases hépatiques ...

5.2.2. le TEP-TOM
• Examen non systématique.
• Non indiqué en cas d'extension métastatique évidente au scanner TAP.
• Imagerie morphologique et métabolique après injection de FDG marqué au fluor (TEP-TDM au 18-FDG).
• Participe au bilan d'extension loco-régional (adénopathies médiastinales) et à distance.
• De plus en plus utilisé.
• Dans certains cas, il permet l'évaluation de la réponse à une chimio-radiothérapie néo-adjuvante.

5.2.3. Échographie cervicale +/- biopsies ou cytoponction


• Non systématique.
• En cas d'adénopathie cervicale ou sus-claviculaire suspecte.

5.2.4. Transit œsophagien


• Non systématique.
• Permet de préciser la localisation et la hauteur de la tumeur et son extension sur l'estomac.
• Parfois demandé avant la chirurgie.

5.2.5. Scintigraphie osseuse et scanner/lRM cérébrale


• Non systématiques.
• Ces examens ne sont prescrits que si point d'appel clinique++.
• Ils permettent de détecter des métastases à distance (cérébrales pour le scanner/IRM cérébrale et osseuses pour
la scintigraphie).
• La scintigraphie osseuse n'est pas utile si un TEP-TDM au 18-FDG a été réalisé auparavant, car cet examen
permet de détecter également les métastases osseuses.

253
Item 305

5.3. Les autres examens complémentaires


5.3.1.. L'écho-endoscopie œsophagienne
• Examen non systématique (elle n'est pas indiquée en présence d'une tumeur manifestement localement avancée
ou métastatique).
• Évalue avec précision l'extension pariétale de la tumeur (T) et l'extension ganglionnaire loco-régionale (N).
• Peut guider la biopsie d'adénopathies médiastinales suspectes (biopsies trans-œsophagiennes).
• N'est possible que pour une tumeur franchissable (les tumeurs non franchissables sont le plus souvent de stade
avancé� T3).
• Intéressante dans les tumeurs superficielles pour différencier un stade intra-muqueux d'un stade sous-muqueux.

5.3.2. Examen ORL : naso-fibroscopie et pan-endoscopie des voies aérodigestives


supérieures
• Recherche de cancers associés.
• SYSTÉMATIQUEMENT indiqué dans les cancers épidermoïdes quelle que soit la localisation (également dans
les adénocarcinomes chez un patient fumeur) pour rechercher un second cancer ORL associé.
• La naso-fibroscopie permet d'examiner les fosses nasales, le larynx et le pharynx en consultation.
• La pan-endoscopie est un examen sous anesthésie générale, de deuxième intention, qui permet d'examiner en plus
les 2/3 supérieurs de l'œsophage et l'arbre trachéo-bronchique ainsi que la réalisation de biopsies.
• Recherche une paralysie récurentielle (cancers du 1/3 moyen ou supérieur).
• Non indiqué pour les adénocarcinomes du 1/3 inférieur chez le non-fumeur.

5.3.3. Fibroscopie trachéo-bronchique


• Extension loco-régionale : indication systématique pour les deux types histologiques dans les cancers du tiers
supérieur et du tiers moyen pour rechercher une extension à la trachée (1/3 supérieur), la carène ou à la bronche
souche gauche (1/3 moyen).
• Recherche de cancers associés: systématiquement indiquée dans les cancers épidermoïdes (également dans les
adénocarcinomes chez un patient fumeur) pour rechercher un second cancer bronchique associé.
• Non indiquée pour les adénocarcinomes du 1/3 inférieur chez le non-fumeur.

NE PAS OUBLIER DE RECHERCHER DES CANCERS ASSOCIÉS EN CAS DE CARCINOME ÉPIDERMOÏDE (20 %
de cancers associés synchrones).

5.3.4. Marqueurs tumoraux


• Non systématiques.
• SCC pour les cancers épidermoïdes, ACE et CA19-9 pour les adénocarcinomes.
• Ils n'ont pas d'indication pour le diagnostic++ .
• Mais sont utilisés pour le suivi du patient s'ils sont élevés initialement.

5.3.5. Laparoscopie exploratrice


• Non systématique.
• Conseillée dans le bilan initial des adénocarcinomes œsophagiens ou de la jonction œsogastrique à la recherche
d'une carcinose péritonéale.

254
• Chez un patient semblant, par ailleurs, accessible à un traitement curatif.
• En l'absence d'extension péritonéale évidente sur le bilan radiologique.

Figure 2. Bilan d'extension d'un cancer de l'œsophage


Comment hiérarchiser les examens....

Signes cliniques

Diagnostic positif: biopsies sous FOGD

Doute sur une extension métastatique TDMCTAP Extension métastatique évidente

Extension loco-régionale majeure

Fibroscopie pulmonaire,
endoscopie ORL (naso-fibroscopie +/- pan-endoscopie)

Écho-endoscopie

PROJET OPÉRATOIRE?

TEP-TDM

5.4. Bilan d'état général et d'opérabilité ++


• Il évalue le terrain, l'état général et nutritionnel et apprécie la faisabilité des différentes options thérapeutiques.

5.4.1. Bilan général et pré-opératoire


• Clinique: évaluation du statut de performance OMS et examen général.
• Bilan cardio-vasculaire:
- Consultation cardiologique, ECG, échographie cardiaque trans-thoracique ...
- Bilan respiratoire:
► explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) +++
► gazométrie artérielle.
• Fonction hépatique.
• Fonction rénale.

► 258 TUMEURS DE L'ŒSOPHAGE


255
Item 305

5.4.2. Bilan nutritionnel ++


• Essentiel dans le bilan initial et dans le suivi ++ :
- Clinique : poids, indice de masse corporelle (IMC) et pourcentage d'amaigrissement par rapport au poids
de forme. La perte de poids d'au moins 10 % témoin d'une dénutrition sévère est un facteur de mauvais
pronostic.
- Biologie : protidémie, albuminémie, pré-albuminémie.

5.4.3. Consultation d'aide au sevrage tabagique et alcoolique


• Consultation d'aide au sevrage tabagique et alcoolique.

La classification TNM des cancers de /'oesophage ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet
item et ces informations sont données à titre indicatif.

6. Classification TNM des cancers de l'œsophage


• La classification TNM (7 < édition) ne considère plus comme métastases les adénopathies cœliaques (qui sont
considérées comme régionales). Par ailleurs, les adénopathies sus-claviculaires gauches ne sont pas des adénopa­
thies métastatiques mais loco-régionales pour les carcinomes du tiers supérieur de l'œsophage.

T Tumeur primitive
Tx Renseignements insuffisants pour classer la tumeur primitive
To Pas de signe de tumeur primitive
Tis Carcinome in situ/dysplasie de haut grade
Îl T1a: Tumeur muqueuse envahissant la lamina propria ou la musculaire muqueuse
T1b : Tumeur envahissant la sous-muqueuse
Î2 Tumeur envahissant la musculeuse
T3 Tumeur envahissant l'adventice
T4 T4a : Tumeur envahissant la plèvre, le péricarde ou le diaphragme
T4b: Tumeur envahissant les autres structures adjacentes telles que l'aorte, le corps vertébral
ou la trachée
N Adénopathies régionales
Nx Renseignements insuffisants pour classer les adénopathies
No Pas de signe d'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux
N1 Métastases dans 1-2 ganglions lymphatiques régionaux
N2 Métastases dans 3-6 ganglions lymphatiques régionaux
N3 Métastases dans 7 ou plus ganglions lymphatiques régionaux
M Métastases à distance
Mo Pas de métastase à distance
M1 Présence de métastase(s) à distance

256
La classification de Siewert ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations
sont données à titre indicatif.

7. Particularités des tumeurs de la jonction œsogastrique


• La distance entre l'épicentre de la tumeur et le cardia anatomique détermine le type selon la classification de
Siewert (Figure 3)
- Type I: tumeur dont l'épicentre est situé entre 5 à 1 cm au-dessus du cardia anatomique. Ils sont apparentés
aux cancers de l'œsophage et partagent des modalités de diagnostic et de traitement identiques;
- Type II: tumeur dont l'épicentre est situé entre 1 cm au-dessus à 2 cm en dessous;
- Type III: tumeur dont l'épicentre est situé de 2 à 5 cm en dessous du cardia anatomique.

Figure 3. Classification de Siewert pour les tumeurs de la jonction œsogastrique

cardia anatomique
1
1
11

1114

Le traitement des cancers de /'oesophage ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

8. Prise en charge thérapeutique


• Il nous a paru important de rapporter les grands principes de la prise en charge, les effets secondaires des traite­
ments et également les modalités des traitements symptomatiques (cf items 251 et 294).

8.1. Règles générales


• La stratégie thérapeutique des cancers de l'œsophage relève d'une approche multidisciplinaire, s'attachant à
associer les prises en charge chirurgicales et médicales, mais également les traitements spécifiques et les soins de
support.
• Les indications des différentes stratégies sont complexes, varient selon le type histologique, la localisation, le
stade tumoral et les éventuelles comorbidités du patient. Cette complexité sous-entend la nécessité d'une prise en
charge en centre spécialisé.

257
Item 305

Le traitement des cancers de l'œsophage est multidisciplinaire. Il varie en fonction de l'extension, du stade de
la tumeur et également de l'état général du patient.

• Chaque dossier est discuté en RCP(réunion de concertation pluridisciplinaire) avant toute prise en charge
thérapeutique
- Élaboration du PPS : programme personnalisé de soins remis au patient et adressé au médecin traitant.
- Information du malade :
► sur l'histoire naturelle de sa maladie ;
► sur le rapport bénéfice/risque des actes thérapeutiques ainsi que les alternatives possibles ;
► dispositif d'annonce médical et infirmier.
• Une évaluation oncogériatrique sera faite pour tout patient âgé de plus de 70 ans.

8.2. Présentation des différents traitements (Figure 4)


8.2.1. Principes de la chirurgie des cancers de l'œsophage
• La chirurgie des cancers œsophagiens est une chirurgie complexe associée à une morbidité élevée(30 à 50 %) et
une mortalité significative( < 5-10 % dans les centres experts). Elle n'est envisageable que pour une minorité des
patients atteints d'un cancer œsophagien(10 à 30 %).
• Règles générales : elle comprend une exérèse œsogastrique plus ou moins étendue associée à une médiastinec­
tomie postérieure monobloc et à un curage ganglionnaire(curage médiastinal, de la petite courbure et ganglions
cœliaques ...) suivis d'une reconstruction digestive. L'estomac est l'organe de remplacement le plus souvent utilisé
par tubulisation gastrique(= gastroplastie). Cette chirurgie nécessite souvent plusieurs voies d'abord(abdomi­
nale, thoracique, cervicale ...).
• L'intervention de Lewis-Santy est l'intervention de référence. Elle comporte une œsophagectomie avec gastrec­
tomie polaire supérieure par double voie(abdominale et thoracique droite). La reconstruction se fait par gastro­
plastie et anastomose œsogastrique intra-thoracique haute. Elle est applicable pour les tumeurs du 1/3 moyen et
1/3 inférieur.
• Les cancers du tiers supérieur sont très rarement chirurgicaux, l'opération étant le plus souvent remplacée par une
chimio-radiothérapie exclusive.

'
'
. . . . .. . . . . . . . - . .. . .. . . . . . . . . ... . . ... . .. . . . . .. - - · · ·· - .. . . .. . . .. . . .. . . . . .. . . .. . . . ... . ... . . .. . . . .... . . . . .. . . .. .. .. . . . .. . . . .. . . .. . . .... . . .. . .... . . .... . . .. . . ... . . .. . . .
'

La chirurgie des cancers œsophagiens doit être réservée à des équipes entraînées dans des centres experts.

8.2.2. Principes de la radiothérapie et de la chimio-radiothérapie (RCT) dans le cancer


de l'œsophage
• Elle est utilisée en situation curative en association à la chirurgie (néo-adjuvant) ou en remplacement (RCT
exclusive= sans chirurgie).
• Elle peut être également utilisée en situation palliative à visée symptomatique.
• Elle dure 5 semaines à raison de 5 séances par semaine, une séance par jour.
• Elle est le plus souvent associée à une chimiothérapie de type carboplatine-paclitaxel en pré-opératoire, ou sinon
FOLFOX(5FU, oxaliplatine) si la chimio-radiothérapie est exclusive(pas de chirurgie).

258
8.2.3. Principes de la chimiothérapie dans les cancers de l'œsophage
• La chimiothérapie fait appel le plus souvent à des associations comportant du 5-fluorouracile et un sel de platine.
Elle comprend soit un schéma de type FOLFOX (SFU, oxaliplatine), ou cisplatine -SFU, parfois un schéma de
type carboplatine-paclitaxel.
• La chimiothérapie est bien validée en situation d'association à un traitement à visée curative (traitement péri­
opératoire, association à la radiothérapie). Par contre, l'effet est plus incertain et modeste en situation avancée.
Elle doit alors être utilisée en complément des soins de support, dans une démarche d'intégration à des soins pal­
liatifs précoces chez ces patients souvent très symptomatiques sur le plan digestif, voire respiratoire.
• L'immunothérapie devrait être bientôt disponible en situation avancée et adjuvante, en association aux autres
traitements, ayant démontré son intérêt dans plusieurs études de phase 3.

8.2.4. Traitement endoscopique


8.2.4.1. À visée curative
• Une résection muqueuse endoscopique peut constituer un traitement à visée curative des cancers superficiels
à faible risque d'atteinte ganglionnaire. Le risque d'atteinte ganglionnaire varie en fonction du type histolo­
gique (CE ou ADK), de la profondeur d'invasion, du grade de différentiation et de la présence ou non d'emboles
lympho-vasculaires.
• Pour le carcinome épidermoïde, le traitement endoscopique sera réservé aux lésions superficielles Ml ou M2
n'atteignant pas la musculaire muqueuse pour lesquelles le risque d'atteinte ganglionnaire est quasi-nul. À partir
de lésions plus profondes, M3 (atteinte de la musculaire muqueuse) ou SMl, le risque d'extension ganglionnaire
justifie d'une résection chirurgicale.
• Pour l'adénocarcinome, un traitement endoscopique peut être proposé en cas de carcinome intra-muqueux (Ml­
M3) ou de lésion SMI bien différenciée et sans emboles.
• La résection doit être réalisée de façon monobloc avec des marges latérales et profondes de sécurité. La dissection
sous muqueuse est préférée à la mucosectomie. Si les critères histologiques ne sont pas respectés sur l'analyse défi­
nitive, une prise en charge chirurgicale complémentaire doit être discutée. Cette prise en charge doit être discutée
avec des équipes expertes en endoscopie et en collaboration avec l'équipe chirurgicale.

Figure 4. Arbre décisionnel du traitement des tumeurs œsophagiennes

,--------------------►[ Chirurgie ]

Chimio-radiothérapie
Chirurgie
néo-adjuvante
2options
- Chimio Chimio
Plutôt AOK Chirurgie
péri-opératoire péri-opératoire
Tumeur localisée
cT3 et/ou N+
Chimio-radiothérapie
exclusive

Tumeur localement
avancée cT4

,....----------►►
ri& I
Chimiothérapie palliative+/- traitements locaux palliatifs
(radiothérapie, dilatation, prothèse...)
-
� '·

259
Item 305

8.2.4.2. À visée symptomatique ou palliative


• Le traitement endoscopique est très utile dans la prise en charge des cancers œsophagiens à visée symptomatique
en complément des autres traitements ou à visée palliative : prise en charge de la dysphagie par dilatations œso­
phagiennes, mise en place d'endoprothèses, techniques de destruction tumorale, mise en place d'une gastrostomie
percutanée endoscopique ...

8.3. Effets indésirables des traitements


8.3.1. Complications de la chirurgie
• Mortalité< 5-10 % dans les services spécialisés.
• 30 à 50 % de complications:
- Complications post-opératoires:
► essentiellement respiratoires: pneumopathies, syndrome de détresse respiratoire ...
► fistule œsophagienne avec risque de médiastinite.
- À distance:
► troubles fonctionnels digestifs (par perte du réservoir gastrique), satiété précoce, syndrome du petit estomac,
dénutrition;
► sténose anastomotique;
► reflux gastro-œsophagien.

8.3.2. Complications de la chimiothérapie


• Complications communes: nausées, vomissements, toxicité hématologique, alopécie.
• Complications spécifiques:
- sels de platine : neuropathies périphériques, paresthésies; ototoxicité (cisplatine) ; toxicité rénale chronique
(cisplatine)
- 5-FU: mucite, syndrome main-pieds.

8.3.3. Complications de l'immunothérapie


• Les effets secondaires de l'immunothérapie sont marqués par des réactions auto-immunes qui peuvent toucher
tous les organes.

8.3.4. Principaux effets secondaires de la RTCT


• Les effets secondaires de la radiothérapie se limitent en regard de la zone irradiée. On distingue:
- les effets secondaires aigus, dus aux tissus à renouvellement rapide, qui sont réversibles après le traitement;
- et les effets secondaires chroniques, dus aux tissus à renouvellement lent, pouvant être irréversibles.
• En cours de RTCT, la prise en charge nutritionnelle est capitale du fait de la dysphagie provoquée par la maladie
et par la radiothérapie++++ .
• Complications de l'irradiation : ce sont celles des irradiations thoraciques et abdominales (en cas d'irradiation
d'un cancer du tiers inférieur):
- pneumopathie et alvéolite radique (toux, asthénie, douleur thoracique, dyspnée);
- œsophagite++++ (douleur à la déglutition= odynophagie puis dysphagie): l'irradiation permet au début du
traitement de nettement améliorer les symptômes locaux liés au cancer qui, ensuite, se ré-aggravent de façon
systématique à cause de l'œsophagite radique;
- péricardite, épanchement pleural;
- surinfection mycotique de l'œsophagite;

260
- les complications radiques disparaissent après arrêt de l'irradiation, avec toutefois possibilité de séquelles
minimes à modérées, à moyen ou long terme: alvéolite et/ou œsophagite tardive avec sténose, coronaropathies,
péricardite chronique, et rarement cancers radio-induits (après 5 ans).
• Traitement des complications radiques :
- une corticothérapie permet de diminuer les symptômes et de poursuivre l'irradiation;
- tout comme l'utilisation d'antiacides (inhibiteurs de la pompe à protons, alginate de sodium);
- ou celle des antimycotiques (fluconazole).

8.4. Prise en charge nutritionnelle


• À tous les stades de la maladie, la prise en charge nutritionnelle a une importance capitale. Le degré de dénutrition
a un impact sur le pronostic de la maladie, sur les effets indésirables des traitements entrepris, et est responsable
d'une dégradation de la qualité de vie.
• La première étape est le diagnostic nutritionnel. En plus des données cliniques (poids actuel, poids de base, %
de perte de poids) et paracliniques (albumine, pré-albumine), l'interrogatoire nutritionnel, aidé par un(e)
diététicien(ne), permet de quantifier les apports.
• La prise en charge dépend du degré de dénutrition, de la dysphagie ainsi que des risques d'aggravation par les
traitements envisagés (majoration de la dysphagie en aigu lors de la radiothérapie). On privilégiera toujours la
méthode de réalimentation la plus naturelle possible
- optimisation des apports par voie orale. En plus de conseils nutritionnels d'enrichissement de l'alimentation,
les compléments nutritionnels hyp ercaloriques sont faciles à ingérer même en cas de dysphagie. Des adaptations
nutritionnelles sont parfois également nécessaires après chirurgie (fractionnement des repas).
- alimentation entérale. À privilégier, habituellement par gastrostomie (posée par voie endoscopique ou
radiologique).
- alimentation parentérale. Elle est réalisée sur voie veineuse centrale, expose à des risques infectieux et est plus
limitée en termes d'apports caloriques. Ne doit être utilisée que par courtes périodes.
• La prise en charge est débutée précocement, dès avant la mise en route des traitements spécifiques. Son bon
déroulement doit être surveillé de manière régulière, le principal critère d'évaluation étant la courbe pondérale.

9. Surveillance
• Le cancer de l'œsophage est associé à un fort risque de récidive après traitement à visée curative. Cependant, la
plupart des récidives ne sont pas accessibles à un traitement curatif. Pour cette raison, l'intérêt de la réalisation
d'examens complémentaires systématiques est débattu.

• Les 3 objectifs du suivi sont:


- le diagnostic d'une récidive;
- le diagnostic d'un second cancer;
- la prise en charge des effets secondaires et séquelles des traitements.

La surveillance va s'appuyer essentiellement sur une surveillance clinique.

261
Item 305

• En plus de la réapparition de symptômes, on s'attachera à vérifier le bon état nutritionnel. Chez les patients pou­
vant bénéficier d'un traitement de rattrapage (reprise chirurgicale, radiothérapie), une surveillance endoscopique
(fibroscopie œsogastrique) et par scanner CTAP peut être proposée. Le rythme de surveillance est actuellement
discuté. Un examen clinique et un scanner CTAP seront proposés tous les 4 à 6 mois pendant 2 ans puis tous les
6 mois pendant 3 ans. La FOGD sera réalisée à 2 ans en cas de chirurgie ou tous les 4 mois les 2 premières années
en cas de chimio-radiothérapie exclusive. La surveillance est généralement planifiée pour 5 ans après la fin du
traitement. En cas de cancer épidermoïde, un examen ORL annuel est indiqué.

Il conviendra également de dépister un deuxième cancer métachrone (surtout ORL) chez les patients
atteints de cancer épidermoïde (examen ORL annuel).
· · · · · · · · · · • · • • · · - · · · · · · · · · · - · · · · · · · · · ·· · · · · · ·· · · · · · ·- - - - - - · - • · · · · · · - · · · · · - · · ·· · · · · · · · · · · · · · · · · ·· · · · · · · ·· · · · · · · · · · · - · - · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·· · · · · · ·· · · · · · · · ·

• Chez ces patients, la prise en charge s'efforcera également de limiter l'exposition aux facteurs de risque, notam­
ment par les conseils de prise en charge du tabagisme et de la consommation excessive d'alcool.

262
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 305:
« TUMEURS DE L'OESOPHAGE »

1
Situation de départ Descriptif
En lien avec la prévention
313. Prévention des risques liés à l'alcool Le cancer de l'œsophage est un cancer de mauvais
314. Prévention des risques liés au tabac pronostic. Le tabagisme, la consommation d'alcool et
l'association alcool-tabac sont les premiers facteurs
303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte étiologiques du carcinome épidermoïde de l'œsophage
et de certains adénocarcinomes. L'alcool et le tabac ont
un effet synergique sur le risque de développement d'un
cancer épidermoïde de l'œsophage. Le dépistage du cancer
de l'œsophage n'est pas recommandé en France.
Toute AEG importante chez un patient alcoolo-tabagique
doit faire rechercher un cancer de l'œsophage. Le carcinome
épidermoïde de l'œsophage est fréquemment associé
à des comorbidités liées à l'intoxication alcool-tabac
(cancers liés épidémiologiquement (cancers des voies aéro-
digestives supérieures, cancer broncho-pulmonaire), BPCO,
cirrhose...).
En lien avec le diagnostic de cancer de l'œsophage
Signes en rapport avec l'extension thoracique de la tumeur
52. Odynophagie/dysphagie La dysphagie est le principal signe clinique des cancers
146. Dysphonie œsophagiens. Il s'agit d'une dysphagie organique
d'aggravation progressive jusqu'à l'aphagie, sans
14. Émission de sang par la bouche rétrocession. Elle est isolée ou associée à d'autres
13. Vomissements symptômes (régurgitation, hoquet, odynophagie, douleur
thoracique...). Toute dysphagie progressive impose la
162. Dyspnée
réalisation d'une fibroscopie œsogastroduodénale. Plus
161. Douleur thoracique rarement, le diagnostic se fait sur des hématémèses ou des
167. Toux signes d'hémorragie digestive (méléna, anémie ferriprive...).
À un stade localement avancé, le cancer de l'œsophage
10. Méléna/rectorragie peut être diagnostiqué sur des symptômes témoins
214. Anomalie des indices érythrocytaires (taux d'une extension loco-régionale (dysphonie par paralysie
hémoglobine, hématocrite...) récurentielle gauche, toux à la déglutition par fausse-route
ou fistule œso-trachéale ou œso-bronchique).
Signes généraux et/ou en rapport avec une extension métastatique
158. Tuméfaction cervico-faciale L'altération de l'état général (asthénie, amaigrissement,
16. Adénopathie(s) unique ou multiples anorexie) est parfois le seul signe clinique d'appel d'un
cancer de l'œsophage. Toute AEG importante chez un
17. Amaigrissement patient alcoolo-tabagique doit faire rechercher un cancer
21. Asthénie de l'œsophage. La dysphagie entraîne rapidement un
amaigrissement et une dénutrition qui seront à prendre en
30. Dénutrition/malnutrition
charge de façon spécifique.
L'extension métastatique peut être également révélatrice :
adénopathie sus-claviculaire gauche (ganglion de
Troisier), métastases hépatiques, pulmonaire ou osseuses
- .
révélatrices... - -- - - -

263
En lien avec le bilan du cancer de l'œsophage
178. Demande/prescrip tion raisonnée et choix d'un Le diagnos t ic de cer t itude repose sur l'endoscopie/
examen diagnostique fibroscopie œsogas t rique+++ e t l'examen ana tomo-
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ -------1 pathologique de biopsies. La fibroscopie apprécie la
1-2-3_1__ Dem_an-de- d-'un examen d'- im-ager-ie
1-----------------------l localisa tion de la lésion, son aspec t , sa hau teur, sa
230. Rédaction de la demande d'un examen d'imagerie topographie par rappor t aux arcades den taires e t à la
232. Demande d'explica t ion d'un pa t ien t sur le jonc tion œsogastrique. Deux t ypes his tologiques son t

déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un les plus fréquemment retrouvés sur l'examen anatomo­
examen d'imagerie pathologique des biopsies : les carcinomes épidermoïdes
1-----------------------l et l'adénocarcinome dont la prise en charge thérapeutique
233. Iden t ifier/reconnaît re les différen t s examens
es t pot en tiellement différen te. L'analyse d'HER2 par
d'imagerie ( t ype/fenê t re/séquences/i nci den ces/
immunohistochimie est utile pour les adénocarcinomes du
injection)
1----------------------1 tiers inférieur et de la jonction œsogastrique métastatiques.
232. Demande d'explica t ion d'un pa t ient sur le Le scanner cervical et thoraco-abdomino-pelvien, sans et
déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un avec injection de produit de contraste iodé (en l'absence
examen d'imagerie d'allergie et après vérification de la fonction rénale), est
1-----------------------l
238. Demande e t prépara t ion aux examens le premier examen à demander après confirmation du
endoscopiques (digestifs, bronchiques) diagnostic par la fibroscopie œsogastrique. Il visualise la
1------'-----'---------------------l tumeur (localisation, hauteur...), évalue son extension loco-
239· Explica t ion pré-opératoire e t recueil de
régionale et ses rappor t aux organes de voisinage (arbre
consentement d'un ges te invasif diagnos tique ou trachéo-bronchique, aor te, péricarde...) et recherche une
1-thérap_eut_iq_ue_ ______________--1 extension ganglionnaire (péri-œsophagienne, médiastinale,
_ _ _ _ _ _
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie cervicale, cœliaque... ) ou métastatique (poumon, foie,
1- - - - _l_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ --1 adénopa thies distales...).
18 .0 n te r p r é t at ion d ' u n com p te rend u d 'ana to-
mopathologie L'écho-endoscopie œsophagienne est un examen utile
pour apprécier l'ex t ension loco-régionale (ex t ension
pariétale et ganglionnaire) de la tumeur ou dans le bilan
précis de tumeurs superficielles. Elle peut guider la biopsie
d'éven t uelles adénopat hies médias tinales. Elle n'es t
possible qu'en cas de tumeur franchissable.
Le TEP-TDM au 18-FDG, est un examen non systématique
mais dont la prescription est croissante. Il n'est pas indiqué
en cas d'extension métastatique évidente au scanner TAP.
Il participe en complément du scanner au bilan d'extension
loco-régionale (adénopathies médiastinales) et à distance
(adénopathies cervicales et cœliaques, métastases foie,
poumon, os...). Il est par ticulièrement utilisé pour le ciblage
en cas de radiothérapie, pour la recherche d'une contre­
indication opératoire en cas de chirurgie programmée et
également en cas de doute sur une lésion métastatique sur
le scanner.

264
265
Item 306

CHAPITRE ►�--------------------------------------
Tumeurs de l'ovaire
Pr Christophe Pomel', Pr Pierre Emmanuel Colombo2, Pr Jean-Marc Classe', Pr Florence Joly"
'Service de Chirurgie Oncologique, Centre Jean Perrin, Clermont-Ferrand
'Service de chirurgie Oncologique, Centre Val d'Aurelle, Montpellier
'Service de Chirurgie Oncologique, Institut de Cancérologie de l'Ouest, Nantes
4Département d'Oncologie, Centre François Baclesse, Caen

OBJECTIFS: N ° 306. TUMEURS DE L'OVAIRE


➔ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur de l'ovaire.

1. Épidémiologie (PE) 3.4. Connaître l'intérêt diagnostique et pronostique de


1.1. Épidémiologie et pronostic des tumeurs bénignes l'anatomie pathologique
1.2. Connaître les particularités épidémiologiques et 4. Démarche diagnostique
pronostiques du cancer de l'ovaire 4.1. Connaître les principaux facteurs de risque/protecteurs
2. Clinique associés au cancer de l'ovaire
2.1. Présentation clinique 4.2. Connaître les indications de l'imagerie d'une tumeur de
2.2. Examen clinique l'ovaire (bilan pré-thérapeutique)
3. Anatomo-pathologie des tumeurs de l'ovaire 4.3. Connaître les indications de la cœlioscopie
3.1. Physiopathologie des cancers de l'ovaire S. Connaître les principaux marqueurs sériques et leur bon
3.2. Principaux types de tumeurs primitives bénignes et usage dans les tumeurs de l'ovaire
malignes de l'ovaire 5.1. Bilan initial
3.3. Connaître les principaux types histologiques des tumeurs 5.2. Surveillance
bénignes et malignes

Rang 1
L
Rubrique - -
1
- -1 ----- - -- - - - -
Intitulé
- - -- - --- - - -- - - -------- - - -
A Définition Principaux types de tumeurs primitives bénignes et malignes de l'ovaire :
tumeurs fonctionnelles, tumeurs organiques bénignes (adénomes,
cystadénomes), cancers (adénocarcinomes).
B Définition Connaître les principaux types histologiques des tumeurs bénignes et
malignes (adénocarcinomes séreux, mucineux ; variétés kystiques :
cystadénocarcinomes; tumeurs à la limite de la malignité; métastases).
B Prévalence, Épidémiologie et pronostic des tumeurs bénignes et malignes.
épidémiologie

B Éléments Physiopathologie des cancers de l'ovaire. Connaître l'existence de formes


physiopathologiques génétiques.
A Diagnostic positif Connaître les principaux facteurs de risque/protecteurs associés au cancer
de l'ovaire, notamment impact du THM, de la contraception, parité, infertilité,
ligature tubaire, salpingectomie et FDR familiaux.
B Diagnostic Connaître les indications de la cœlioscopie (bilan diagnostique et initial
d'une masse ovarienne suspecte).

266
B Examens Connaître les indications de l'imagerie d'une tumeur de l'ovaire: échographie
complémentaires qui détecte et caractérise une majorité de tumeurs ovariennes ; IRM
complémentaire en cas de masses annexielles indéterminées ou complexes;
TDM pour le diagnostic de carcinose/ascite ou en cas de tératome ;
indications limitées de la TEP-FDG.
B Examens Savoir que le diagnostic de certitude du cancer de l'ovaire nécessite une
complémentaires preuve histologique et en connaître les modalités d'obtention.
B Examens Connaître le bon usage des marqueurs sériques dans certaines formes de
complémentaires cancers (CA 125, CA19-9, H E4, AFP, hCG) et leur place dans le diagnostic


d'une masse annexielle suspecte. Savoir ne pas prescrire de dosage de
CA 125 en l'absence de tumeur ovarienne.

Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

e 1. Épidémiologie

1.1. Épidémiologie et pronostic des tumeurs bénignes


• Les tumeurs bénignes (fibrothécome, cystadénome séreux ou mucineux...) sont définitivement guéries après
exérèse chirurgicale.

1.2. Particularités épidémiologiques et pronostiques du cancer


de l'ovaire
• Le cancer de l'ovaire est une tumeur rare (avec: 5193 cas de cancers de l'ovaire ou des annexes en France en
2018). Le taux d'incidence est de 15/100 000 femmes. C'est la première cause de décès par cancer gynécologique
en France (3 479 décès en 2018) et dans les pays développés.
• Les cancers épithéliaux de l'ovaire (adénocarcinomes, qui représentent plus de 90 % des cancers de l'ovaire) sur­
viennent le plus souvent chez la femme ménopausée avec un âge moyen de 65 ans au diagnostic. Les tumeurs
dérivées de la lignée germinale sont généralement rencontrées chez des femmes jeunes.
• Malgré une diminution de l'incidence de 8 % sur les 10 dernières années et de 1,8 % de mortalité par an, le pro­
nostic des tumeurs épithéliales reste sombre avec un taux de survie à 5 ans de 35 %.
• Cette gravité est le fait d'un diagnostic souvent tardif (70 % des cas sont diagnostiqués à un stade avancé) et de
l'absence de symptômes spécifiques précurseurs. Il n'y a pas de possibilité de dépistage efficace dans la population
générale.
• Pourtant, lorsque le diagnostic est précoce (alors que la tumeur épithéliale est limitée aux ovaires), les chances de
guérison sont réelles avec une survie à 5 ans de l'ordre de 90 %.
• Les tumeurs germinales sont de meilleur pronostic que les tumeurs épithéliales et le diagnostic est plus souvent
fait à un stade précoce.
• Il est important devant toute symptomatologie abdominale et/ou pelvienne mal expliquée, de savoir penser
au cancer de l'ovaire et de pratiquer un examen gynécologique approprié complété par une échographie
abdomino-pelvienne qui est le maître examen du diagnostic de cette affection.
• Les tumeurs de malignité intermédiaire dite« borderline » peuvent donner des implants péritonéaux non inva­
sifs et évoluer vers des tumeurs invasives de bas grade. Néanmoins elles sont de bon pronostic en cas d'exérèse
complète au stade non-invasif.

267
Item 306

A 2. Clinique

2.1. Présentation clinique


• Du fait de la situation profonde des ovaires, ces tumeurs peuvent atteindre un volume important avant de provo­
quer des symptômes qui sont très variés et ne sont jamais spécifiques. Trois quarts des cas sont diagnostiqués à un
stade avancé de carcinose péritonéale.
• Un cortège clinique d'ascite, distension abdominale, de masse pelvienne/masse abdominale fixée et de nodules
palpables au niveau de la paroi abdominale (tuméfaction pariétale) est très évocateur de cancer de l'ovaire.
• Les principaux symptômes sont les suivants :
- des douleurs pelviennes ou des douleurs abdominales irradiant dans les régions lombaires ou inguinales;
- une augmentation progressive du périmètre abdominal pouvant être due au volume tumoral et/ou à de l'ascite;
- des saignements ou des pertes génitales anormales;
- des troubles dus à la compression des organes adjacents, provoquée par la tumeur plus ou moins enclavée dans
le petit bassin : troubles du transit, syndrome sub-occlusif, dysurie, pollakiurie, plus rarement œdèmes des
membres inférieurs, phlébite des membres inférieurs ou sciatalgie;
- une dyspnée en cas d'épanchement pleural concomitant à de l'ascite;
- parfois, il s'agit simplement d'un inconfort abdominal associé à une discrète altération de l'état général.
• Devant une symptomatologie aussi vague et peu caractéristique notamment après la ménopause il faut savoir
penser au cancer de l'ovaire et procéder à un examen gynécologique.

2.2. Examen clinique


• Il comprend l'inspection et la palpation de l'abdomen et des aires ganglionnaires à la recherche :
- d'une distension abdominale liée à la tumeur dont le pôle supérieur est palpé au-dessus de la symphyse
pubienne, ou à de l'ascite. On peut également palper des nodules péritonéaux indurés qui peuvent former un
« gâteau tumoral épiploïque» s'ils sont nombreux et volumineux;
- parfois l'inspection découvre un nodule ou une induration ombilicale appelée« nodule de Sœur Mary Joseph»
qui correspond à une infiltration cancéreuse de l'ombilic;
- d'adénopathies inguinales ou sus-claviculaires.
• La suite de l'examen comprend un examen gynécologique:
- au spéculum : le col a un aspect normal ; il peut y avoir des métrorragies et parfois le col peut être dévié et
abaissé;
- la masse annexielle ou des nodules péritonéaux peuvent être perçus lors des touchers pelviens à travers le cul­
de-sac vaginal. Aux stades avancés, il peut exister un« blindage» pelvien induré. Généralement les paramètres
ne sont pas infiltrés.
• L'examen clinique à lui seul ne permet pas d'affirmer le caractère malin d'une masse pelvienne ou annexielle ;
en revanche, 4 éléments cliniques permettent de fortement l'évoquer:
- la présence d'une ascite;
- la fixité et la dureté aux touchers pelviens;
- des nodules palpables de la paroi abdominale, de l'ombilic ou du cul-de-sac de Douglas;
- l'altération de l'état général.

268
3. Anatomo-pathologie des tumeurs de l'ovaire

A 3.1. Physiopathologie des cancers de l 1ovaire


• Les facteurs de risque des cancers ovariens sont liés à la vie reproductive ou sont d'origine génétique. Le risque
de cancer de l'ovaire a été clairement montré comme inversement proportionnel au nombre total d'ovulations
au cours de la vie génitale. Il a été évoqué que la stimulation de la surface ovarienne par des ovulations ininter­
rompues au cours de la vie génitale favoriserait la transformation maligne de l'épithélium ovarien ( « théorie de
l'ovulation incessante » ).
• Les antécédents familiaux de cancers du sein et/ou de l'ovaire représentent le facteur de risque le plus important
des cancers de l'ovaire (voir 4.1.2).

B 3.2. Principaux types de tumeurs primitives bénignes et malignes


de l'ovaire
3.2.1. Rappel anatomique
• L'ovaire est une glande mixte constituée de plusieurs tissus aux fonctions différentes. Il est revêtu par un épithé­
lium pavimenteux ou cubique simple. L'ovaire comprend deux zones: la corticale et la médullaire.
• La zone corticale est épaisse, située à la périphérie, elle comporte des follicules ovariens contenant les ovocytes et
le stroma ovarien.
• La zone médullaire située au centre de l'ovaire est faite d'un tissu conjonctif lâche. Elle contient des nerfs, des
vaisseaux sanguins et lymphatiques (Figure 1).

Figure 1. Coupe transversale d'un ovaire

Vaisseaux sanguins Cellules germinales

1---- Capsule

_,._____ Épithélium

• Chacun de ces tissus peut être à l'origine d'une transformation tumorale bénigne ou maligne, ce qui explique la
très grande variété des lésions ovariennes.
• On distingue 3 types histologiques principaux en fonction de l'origine de la tumeur:
- les tumeurs épithéliales ovariennes développées à partir de la surface épithéliale du stroma (les plus fréquentes :
90 % des tumeurs organiques);
- les tumeurs des cellules germinales;
- les tumeurs des cordons sexuels et du stroma gonadique.

269
Item 306

3.2.2. Les tumeurs bénignes


• Les tumeurs bénignes regroupent des tumeurs fonctionnelles et les tumeurs organiques.
• Les tumeurs bénignes sont les tumeurs les plus fréquentes et il s'agit le plus souvent de tumeurs fonctionnelles.
• Les tumeurs fonctionnelles correspondent à des kystes folliculaires qui surviennent en première partie de cycle et
les kystes du corps jaune (ou kystes lutéaux) qui apparaissent en deuxième partie de cycle (après l'ovulation). Ils
disparaissent spontanément lors du contrôle échographique et ne nécessitent aucun traitement.
• Les tumeurs bénignes organiques peuvent être d'origine épithéliale (cas le plus fréquent) : il s'agit d'adénomes ou
de cystadénomes (en cas de composante kystique). Les autres origines sont issues des cellules germinales (ex.: les
kystes dermoïdes, les tératomes matures) ou dérivées du stroma (fibrothécomes).

3.2.3. Les tumeurs malignes


• Les formes histologiques les plus fréquentes sont les tumeurs épithéliales de type adénocarcinome qui repré­
sentent plus de 3/4 des tumeurs ovariennes malignes primitives. Elles sont volontiers bilatérales. On parlera de
cystadénocarcinome s'il y a une composante kystique et de tumeur papillaire s'il y a une architecture papillaire,
c'est-à-dire dessinant des projections bordées de cellules épithéliales et centrées par un axe conjonctif.
• En plus de l'histologie, les tumeurs seront caractérisées en fonction de leur différenciation cellulaire (grade cel­
lulaire) leur conférant des pronostics différents.

3.3. Les principaux types histologiques des tumeurs bénignes


et malignes
• Les principaux différents types histologiques des tumeurs organiques de l'ovaire sont présentés dans la Figure 2.

Figure 2. 3 types histologiques en fonction de l'origine de la tumeur

[ Tumeurs ovariennes

1 1
Tumeurs des cordons
Tumeurs épithéliales (90 %) Tumeurs germinales sexuels et du stroma
gonadique

1
1
1 1 1
Tumeurs malignes = - Séminome
Tumeurs bénignes Tumeurs à malignité
adénocarcinomes - Dysembryome
(50 %) atténuée (15 %)
(35 %) - Choriocarcinome

1 1 1 1

Séreux Mucineux Endométrioïde À cellules claires Autres


(46 %) (36 %) (8 %) (3 %) (7 %)

270
3.3.1.. Les tumeurs épithéliales de l'ovaire
• Ces tumeurs sont développées à partir de l'épithélium qui recouvre les ovaires et qui est en continuité avec la
séreuse péritonéale.
• De cet épithélium naissent les tumeurs épithéliales qui rendent compte de 90 % des cancers de l'ovaire. Celles-ci
peuvent être bénignes (dans 50 % des cas), malignes (dans 35 % des cas) ou à malignité atténuée, dites encore
«frontières» ou«borderline» (15 % des cas). Ces dernières tumeurs sont une entité particulière, situées entre les
lésions morphologiquement bénignes et les tumeurs malignes mais sans infiltration du stroma. Le diagnostic doit
être fait sur la lésion ovarienne même s'il y a des implants à distance.
• La répartition des sous-types histologiques des cancers épithéliaux de l'ovaire est présentée dans le Tableau 1. En
fonction de la différenciation cellulaire (haut ou bas grade), les adénocarcinomes séreux et endométrioïdes ont
des pronostics différents.

Tableau 1. FRÉQUENCE DES SOUS-TYPES HISTOLOGIQUES DES CANCERS ÉPITHÉLIAUX DE L'OVAIRE


à cellules
à cellules transition- indiffé-
Fréquence des tumeurs
épithéliales selon les séreux mucineux endomé-
trioïde claires renciés mixtes
sous-types histologiques nelles
OMS 46% 36% 8% 3% 2% 2% 3%

3.3.2. Les tumeurs non épithéliales de l'ovaire


• Elles sont beaucoup plus rares.
• La lignée germinale peut être à l'origine de séminomes, de dysembryomes plus ou moins matures et de choriocar­
cinomes. Ces tumeurs surviennent plus volontiers chez la femme jeune.
• Les tissus de soutien et les thèques sont à l'origine des tumeurs des cordons sexuels et du stroma gonadique
comme les tumeurs de la granulosa, les fibrothécomes ou de tumeurs à cellules de Leydig ou de Sertoli qui sont
souvent responsables d'une sécrétion hormonale anormale.
• Enfin, l'ovaire peut être le siège de tumeurs secondaires, métastases d'autres cancers. En cas de tumeur bilatérale
mucineuse il faut rechercher de principe une origine digestive colorectale ou gastrique (syndrome de Kruken­
berg).

3.4. L'intérêt diagnostique et pronostique de l'anatomie pathologique


• Grâce à l'apport de la génomique, des profils moléculaires spécifiques tumoraux correspondant à des profils pro­
nostiques différents ont été identifiés et certaines anomalies moléculaires sont des cibles thérapeutiques spéci­
fiques.
• Ainsi, par exemple, les carcinomes séreux de haut grade présentent dans plus de 90 % des cas une mutation du
gène P53 et dans environ 20 % des cas une inactivation des gènes BRCAl/2 par mutation ou par hyper-méthyla­
tion. En cas d'anomalie tumorale des gènes BRCA 1/2, des traitements ciblant la réparation de !'ADN (i.e. inhibi­
teur de PARP) sont envisagés.

► 27/t
271
ÎUMEURS DE L'OVAIRE
'
Item 306

A 4. Démarche diagnostique

4.1. Principaux facteurs de risque/protecteurs associés au cancer


de l'ovaire
4.1..1.. Facteurs environnementaux
• Dans la majorité des cas, le cancer de l'ovaire est sporadique.
• Certains facteurs de risque liés à la reproduction et aux traitements hormonaux de synthèse ont été identifiés :
- une puberté précoce ;
- une ménopause tardive ;
- un traitement de stimulation de l'ovulation pour infertilité ;
- un traitement hormonal substitutif de la ménopause.
• À l'opposé, plusieurs facteurs liés au système reproducteur et à l'allaitement seraient protecteurs comme l'usage
de contraceptifs oraux, une ligature des trompes, une hystérectomie, un nombre élevé de grossesses et une durée
d'allaitement d'au moins 6 mois (Tableau 2).

Tableau 2. FACTEURS DE RISQUE ET FACTEURS PROTECTEURS ASSOCIÉS AU CANCER DE L'OVAIRE


- -

Facteurs de risque Facteurs protecteurs

Histoire familiale de cancers du sein et/ou de l'ovaire(+++)

Antécédent personnel de cancer du sein

Nulliparité(++) Multiparité(++)

Infertilité(+/-) et stimulation de l'ovulation et traitement


Pilule œstroprogestative(++)
de l'infertilité(+)

Traitement hormonal substitutif(+/-) Allaitement(+)

Endométriose Hystérectomie - Ligature de trompe(+/-)

4.1..2. Facteurs de risque familiaux


• Le cancer de l'ovaire est d'origine héréditaire chez 10 à 20 % des patientes.
• Les antécédents personnels de cancer du sein avant l'âge de 50 ans ou des antécédents familiaux (entre parents
au premier degré} de cancer de l'ovaire, du sein, de l'endomètre ou du côlon font évoquer une prédisposition
familiale au cancer de l'ovaire qui impose systématiquement une consultation d'oncogénétique systématique­
ment. Toutefois une forme héréditaire peut exister même en l'absence d'antécédent et une consultation d'onco­
génétique peut également être proposée pour toute tumeur épithéliale de haut grade en l'absence d'antécédents
familiaux et quel que soit l'âge.
• Le syndrome sein-ovaire par mutation constitutionnelle BRCAI ou BRCA2 rend compte de 80 % des formes
héréditaires. Pour les femmes porteuses de la mutation BRCAl, le risque estimé de développer un cancer de
l'ovaire au cours de la vie se situe entre 26 et 54 %. Il se situe entre 10 et 23 % pour celles porteuses de la mutation
BRCA2. La transmission de ces mutations est autosomique dominante. Une consultation d'oncogénétique et/ou
une recherche mutationnelle tumorale sont ainsi systématiquement réalisées chez les patientes diagnostiquées.
• D'autres syndromes sont moins fréquents comme le syndrome de Lynch, associant des cancers avec des instabi­
lités microsatellitaires (MSI) (dont les plus fréquents sont les cancers du côlon et de l'endomètre}.

272
• L'endométriose a été associée du point de vue épidémiologique aux cancers de l'ovaire. Ce risque est néanmoins
faible ( < 1 % des patientes ayant une endométriose développeront un cancer de l'ovaire). Ce lien concerne princi­
palement des sous-types histologiques rares: carcinome endométrioïde et carcinome à cellules claires.

B 4.2. Indications de l'imagerie d'une tumeur de l'ovaire


(bilan pré-thérapeutique)
4.2.1. Échographie

Devant une masse ovarienne, l'échographie pelvienne est un examen diagnostique clé.

4.2.1.1. Technique
• Elle doit se faire par voie sus-pubienne à vessie pleine et par voie transvaginale à vessie vide. Elle doit être complé­
tée par une échographie abdominale. Elle peut éventuellement bénéficier de l'apport de l'écho-doppler couleur.
• Elle permet d'explorer les ovaires et l'utérus, ainsi que la cavité péritonéale, le foie, les reins et dans des circons­
tances favorables les chaînes ganglionnaires rétropéritonéales.

4.2.1.2. Résultats
• C'est un examen très sensible ; cependant seule l'analyse histologique de la lésion affirmera son caractère bénin
ou malin.
• L'échographie permet le plus souvent de faire le diagnostic de masse annexielle et de caractériser sa structure:
- aspect liquidien pur en faveur de kystes ;
- solide, plus ou moins homogène ;
- mixte, plus ou moins hétérogène.
• Le signe majeur en faveur de la malignité est la présence d'irrégularités de la paroi interne ou externe de la masse
qui peuvent prendre l'aspect de végétations plus ou moins épaisses et plus ou moins confluentes (Figure 3).
• L'écho-doppler est intéressant pour explorer la vascularisation du kyste, de ses cloisons et/ou de ses végétations:
la néovascularisation qui accompagne les lésions néoplasiques se caractérise par sa richesse (hyp ervascularisation)
et la vitesse de circulation sanguine (diminution de la résistivité).

Figure 3. Échographie

• Echographie :
- Par voie abdominale et endo-vaginale ++,
avec doppler

- Critères de malignité des masses


annexielles:
• Taille > 6 cm
• Parois épaisses et Irrégulières
• Contenu hétérogène/ cloisons intrakystiques
• Végétation endo et/ou exo-kystiques
• Hypervascularisation centrale (doppler)
• Bilatérallté (atteinte de l'ovaire controlatéral)
• Masses solides ou mixtes
• Ascite
• Implants péritonéaux, gâteau épiploique

273
Item 306
- - --- -

• La constatation de signes suspects, en particulier l'hétérogénéité et les végétations, doit faire compléter l'explo­
ration aux niveaux pelvien et abdominal.
• L'autre ovaire et l'utérus doivent être examinés, car la bilatéralité des lésions malignes est fréquente et des méta­
stases au niveau de l'endomètre sont possibles.
• Le cul-de-sac de Douglas doit faire l'objet d'une attention particulière, car du liquide d'ascite peut s'y accumuler
et l'on peut y retrouver des nodules de carcinose.
• L'exploration abdominale doit être complète et rechercher un épanchement liquidien à l'étage supérieur (rétro­
et sous-hépatique, espace de Morisson) ainsi que des nodules de carcinose au niveau des coupoles diaphragma­
tiques, du péritoine pariétal et de l'épiploon.
• Le foie doit être examiné; il est souvent le siège de nodules sur la capsule de Glisson, plus rarement de métastases
intra-parenchymateuses.
• Les reins sont rarement intéressés; on recherchera cependant une dilatation de leurs cavités par compression des
uretères pelviens.
• Enfin, si la morphologie le permet, une exploration des chaînes ganglionnaires rétro-péritonéales peut mettre
en évidence des adénomégalies pelviennes ou lombo-aortiques.

4.2.2. IRM
• Lorsque l'échographie est incertaine ou indéterminée, l'IRM est le meilleur examen pour caractériser une tumeur
ovarienne isolée+++ alors que le scanner pelvien seul n'a aucun intérêt (Figure 4)
- le contenu hématique des kystes endométriosiques a un signal assez caractéristique à l'IRM qui permet
d'orienter vers ce diagnostic dans un contexte clinique évocateur;
- les différents temps d'injection permettent avec une forte probabilité d'écarter ou d'affirmer le diagnostic de
malignité;
- on réservera l'IRM pour l'exploration des masses ovariennes isolées; elle n'est pas nécessaire en routine pour
caractériser une masse ovarienne lorsque l'échographie suspecte d'emblée une maladie avancée avec carcinose
péritonéale.

Figure 4. Clichés IRM montrant des masses annexielles solides et liquides se réhaussant après injection

4a. Coupe coronale

Masse solide

Masse liquide

274
4b. Coupe transversale

Masse solide

Masse liquide

4c. Coupe sagittale médiane


Masse pelvienne avec ascite et nodules de carcinose

Masse pelvienne

Nodules de carcinose

Ascite

4.2.3. Scanner
• Lorsque l'échographie et/ou l'IRM sont fortement suspects de malignité, la réalisation d'un scanner thoraco­
abdominal est nécessaire pour le bilan d'extension (Figure 5).
• Il permet d'apprécier au mieux l'importance et la distribution de la carcinose péritonéale surtout à l'étage supé­
rieur de l'abdomen et d'explorer les chaînes ganglionnaires rétro-péritonéales, pelviennes et lombo-aortiques.
• Les coupes abdominales hautes permettent d'évaluer l'étendue de l'atteinte sus-mésocolique, en particulier au
niveau de l'espace inter-hépato-diaphragmatique.
• Les coupes thoraciques complètent le bilan d'extension à la recherche notamment d'un épanchement pleural,
fréquemment associé dans les stades IV, et/ou de ganglions médiastinaux voire sus-claviculaires.
• Le kyste dermoïde peut être diagnostiqué grâce au scanner, lequel met facilement en évidence son contenu grais­
seux caractéristique ainsi que la présence de calcifications qui sont visibles dès la radiographie d'abdomen sans
préparation.

275
Item 306

Figure 5. Reconstruction coronale montrant de l'ascite en abondance et des nodules en regard du diaphragme

Nodule

Ascite

Coupes transversales: Nodules de carcinose dans l'épiploon, le mésentère et le pelvis

Nodules de carcinose

4.2.4. TEP-TOM
• Le TEP-TDM n'a pas d'indication en routine dans le cadre du diagnostic du cancer de l'ovaire. Il peut être utile
dans le suivi, en cas de suspicion de rechute avec un scanner normal et pour faire le bilan d'extension en cas de
récidive (si une chirurgie est envisagée).

4.3. Indications de la cœlioscopie


• Le diagnostic de certitude anatomo-pathologique est chirurgical dans la grande majorité des cas.
• Dès que le diagnostic de masse annexielle organique est évoqué, une exploration chirurgicale - idéalement par
cœlioscopie (ou laparoscopie) - s'impose.
• Pour les tumeurs de moins de 10 cm, la cœlioscopie est la voie d'abord privilégiée. Pour les tumeurs plus volumi­
neuses et de diagnostic incertain, la laparotomie est réalisée afin d'éviter de rompre la tumeur.

276
• À l'opposé, en cas de suspicion de carcinose péritonéale, la cœlioscopie ne sera que diagnostique pour évaluer la
résécabilité chirurgicale. En effet seule les patientes présentant une carcinose dite résécable en totalité peuvent
bénéficier d'une chirurgie de réduction tumorale maximale réalisée par laparotomie médiane.

Lorsque la carcinose est jugée inextirpable (Figure 6), seules des biopsies tumorales sont effectuées en volume
suffisant pour l'analyse tumorale et la recherche de mutation somatique (BRCA). Dans cette situation le traitement
débutera par une chimiothérapie dite néo-adjuvante.

Figure 6. Nodules de carcinose sur le mésentère et les tuniques de l'intestin grèle

Il est essentiel de savoir qu'il existe une CONTRE-INDICATION ABSOLUE à la réalisation d'une biopsie
trans-pariétale ou trans-vaginale d'une masse annexielle suspecte isolée. Elle peut être responsable
d'un risque de dissémination et de propagation ++.

• La preuve et l'analyse histologique sont donc obtenues:


- aux stades précoces (stades FIGO 1 et 2) par exploration chirurgicale (sous laparotomie ou cœlioscopie en
fonction du risque pré-opératoire de malignité) pour réalisation d'une annexectomie et examen histologique
(ATTENTION: il faut éviter autant que possible la rupture des masses annexielles suspectes lorsqu'elles
sont d'aspect kystique++);
- aux stades avancés (ou stades FIGO III ou IV) par cœlioscopie diagnostique pour réalisation de biopsies.
• Chez des patientes ne pouvant supporter un acte chirurgical ou pour les stades IV radiologiques, la biopsie percu­
tanée (sous TDM ou échographie d'un nodule de carcinose) est une option qui doit être discutée en RCP.
• L'exploration chirurgicale par cœlioscopie en cas de stade avancé permet de réaliser une exploration de l'ensemble
de la cavité abdominale et de définir si l'étendue de la tumeur permet une exérèse chirurgicale complète d'emblée.

277
'
Item 306

s 5. Principaux marqueurs sériques et leur bon usage


dans les tumeurs de l 1ovaire

5.1. Bilan initial


5.1..1.. En cas de tumeur épithéliale
• Les marqueurs biologiques présents dans les cancers épithéliaux de l'ovaire (CA 125, CA 19-9 et ACE) manquent
à la fois de spécificité et de sensibilité. Ils ne sont pas nécessaires pour le diagnostic de tumeur maligne.
• Pour les tumeurs épithéliales, le CA 125 est plus le témoin d'une irritation de la séreuse péritonéale que de
la tumeur de l'ovaire. Le CA 19-9 est le plus souvent élevé dans les formes mucineuses. D'autres pathologies,
malignes ou non, peuvent être à l'origine d'élévation de ces marqueurs. À l'inverse, leur sensibilité peut être prise
en défaut par certaines tumeurs peu différenciées qui ne sécrètent aucun marqueur. En pratique, les dosages des
marqueurs tumoraux sont prescrits de façon systématique en cas de suspicion de malignité.

5.1..2. En cas de tumeur de la lignée germinale


• Dans cette situation, les marqueurs sont à la fois plus spécifiques et plus fiables. Ils peuvent également être le
reflet du type histologique donc utiles au diagnostic. Ainsi, l'alpha-fœtoprotéine et les LDH sont élevés dans les
dysembryomes. Les bêta HCG dans les choriocarcinomes.
• Pour les tumeurs des cordons sexuels il faut ajouter le dosage de l'estradiol, de l'hormone anti-Müllérienne et de
l'inhibine B.

5.2. Surveillance
• La décroissance des marqueurs tumoraux permet de juger en partie de l'efficacité des traitements médicaux mis
en œuvre.
• Dans le cadre de la surveillance, la mise en évidence d'une élévation du marqueur CA 125 peut correspondre à
une récidive. Cette élévation peut précéder les signes cliniques de récidive. Dans la mesure où le traitement par
chirurgie complète d'une récidive améliore le pronostic de la patiente, il est important de diagnostiquer tôt la
récidive de façon à ce qu'elle soit éventuellement accessible à un traitement chirurgical. Lorsque le CA 125 en fin
de traitement est inférieur à 10 UI/ml, toute élévation supérieure à 20 UI/ml contrôlée à 15 jours d'intervalle est
suspecte de récidive.

278
PRINCIPALES SITUATIONS EN LIEN AVEC L'ITEM 306:

« TUMEURS DE L'OVAIRE»

Situation de départ 1 Descriptif


En lien avec le type histologique
180. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo- Le diagnostic de certitude d'une tumeur ovarienne
pathologie (diagnostic de malignité, type histologique) repose
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie sur l'examen histologique de la tumeur ovarienne
ou de prélèvements péritonéaux (en cas d'extension
métastatique de la tumeur sur le péritoine).
On distingue : i) les tumeurs bénignes (tumeurs
fonctionnelles, tumeurs organiques bénignes (adénomes/
cystadénomes), ii) les tumeurs à la limite de la malignité
(tumeurs borderline) iii) et les tumeurs malignes ou
cancers. Parmi les tumeurs cancéreuses, les tumeurs
épithéliales sont les plus fréquentes : adénocarcinomes
(principaux types : cystadénocarcinomes séreux,
mucineux, carcinomes à cellules claires ...). Les métastases
ovariennes d'autres cancers sont également possibles
(tumeurs de Krukenberg) dont l'origine est variable :
estomac, côlon...
En lien avec l'épidémiologie, les facteurs de risque et la physiopathologie du cancer de l'ovaire
303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte Il n'y a pas de possibilité de dépistage efficace dans la
population générale du cancer de l'ovaire. Les facteurs
suivants ont été associés au risque de cancer de l'ovaire
: nulliparité, infertilité et traitements de l'infertilité,
ménopause tardive et puberté précoce, endométriose
ainsi que les FDR familiaux.
Jusqu'à 20 % des cancers de l'ovaire sont héréditaires
(mutation constitutionnelle des gènes BRCA1 ou 2,
syndrome de Lynch...). Le diagnostic d'un cancer de l'ovaire
de haut grade justifie d'une consultation oncogénétique
systématique. Les femmes porteuses d'une mutation
constitutionnelle délétère du gène BRCA1 ou 2 justifient
d'une annexectomie prophylactique après un certain âge
en raison de leur risque élevé de développer un cancer
de l'ovaire.
En lien avec le diagnostic clinique du cancer de l'ovaire
3. Distension abdominale Le diagnostic clinique des tumeurs de l'ovaire et du
4. Douleur abdominale cancer de l'ovaire est souvent tardif. L'évolution est
souvent insidieuse et il n'existe pas de signes cliniques
8. Masse abdominale
·- précurseurs ou spécifiques.
16. Adénopathies unique ou multiples En présence d'une masse pelvienne importante ou en
cas de stade avancé (extension péritonéale ou pleurale),
17. Amaigrissement
- des symptômes pelviens ou abdominaux peuvent donner
21. Asthénie
-- l'alerte : pesanteur et douleurs abdominopelviennes,
23. Anomalie de la miction inconfort abdominal, métrorragies, troubles du transit,
troubles urinaires: (pollakiurie, urgences mictionnelles).
30. Dénutrition/malnutrition
En cas d'ascite on peut observer une augmentation du
95. Découverte d'une anomalie au toucher rectal périmètre abdominal, une prise de poids. L'examen
99. Douleur pelvienne gynécologique peut orienter le diagnostic en mettant
en évidence une masse pelvienne au toucher vaginal ou
106. Masse pelvienne
rectal.
112. Saignement génital anormal (hors grossesse
connue)

279
Parfois les signes généraux sont au premier plan
(anorexie, asthénie, amaigrissement...). Le diagnostic
peut également se faire sur une extension métastatique
(ganglion inguinal ou sus-claviculaire palpable ou
épanchement pleural (dyspnée)).
Tous ces signes cliniques sont peu spécifiques mais
doivent donner l'alerte chez une patiente ménopausée.
En lien avec le diagnostic paraclinique du cancer de l'ovaire : Imagerie/ marqueurs sériques
178. Demande/prescription raisonnée et choix d'un L'échographie est l'examen de débrouillage de choix
examen diagnostique pour le diagnostic de tumeurs ovariennes. L'I RM permet
230. Rédaction de la demande d'un examen d'imagerie
de mieux la caractériser quand le doute de néoplasie est
évoqué.
231. Demande d'un examen d'imagerie
Le scanner thoraco-abdomino-pelvien est l'examen de
233. Identifier/reconnaître les différents examens référence en bilan d'extension de tumeur malignes de
d'imagerie (type/fenêtre/séquences/incidences/ l'ovaire ou considérées comme telle.
injection) Le CA 125 est le marqueur sanguin sérique des cancers
232. Demande d'explication d'un patient sur le
de l'ovaire et dans leur suivi. Néanmoins, son élévation
déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un ne remplace pas l'histologie qui établit le diagnostic de
examen d'imagerie certitude.
229. Découverte d'une anomalie pelvienne à l'examen
d'imagerie médicale
224. Découverte d'une anomalie abdominale à l'examen
d'imagerie médicale
En lien avec le diagnostic de certitude
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie Exploration chirurgicale/cœlioscopie:
239.Explication pré-opératoire et recueil de La laparoscopie est la voie d'abord privilégiée pour retirer
consentement d'un geste invasif diagnostique ou les tumeurs de moins de 10 cm isolées et/ou pour explorer
thérapeutique la cavité abdominale dans les situations de cancer de
l'ovaire avancé avec carcinose péritonéale. Dans cette
situation, la cœlioscopie permet d'apprécier l'importance
des lésions de carcinose et leur résécabilité et permet
d'obtenir le diagnostic histologique par la réalisation de
biopsies sur les implants péritonéaux.

280
-

281
Item 307

Tumeurs des os
(HAPITRE ► -p- r-im-it_i_v_e_s e_ _ t_ s_e_c_o_n_d_a_ir _e _s____
Pr Jean-Yves Blay', Pr François Gouin2, Dr Marie-Hélène Vieillard', Pr Jean-Michel Coindre•, Pr Nicolas Penel5
'Centre Léon Bérard, Lyon
'Service d'Orthopédie, CHU Nantes
3Service de Rhumatologie, CHRU de Lille
•Institut Bergonié, Bordeaux
•Centre Oscar Lambret, Lille

OBJECTIFS: N ° 307. TUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES

➔ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur des os primitive et secondaire.

1. Définition 4.3. L'.examen clinique


2. Épidémiologie 4.4. La radiographie standard (l'os et l'articulation adjacente)
2.1. Épidémiologie descriptive des tumeurs osseuses primitives 4.5. Bilan biologique
2.2. Facteurs de risque des tumeurs osseuses primitives 4.6. Tomodensitométrie et IRM
2.3. Épidémiologie des métastases osseuses 4.7. Diagnostic de certitude: biopsie et examen anatomo­
3. Diagnostic anatomo-pathologique pathologique
3.1. Tumeurs osseuses primitives S. Diagnostic des métastases osseuses
3.2. Diagnostic anatomo-pathologique des métastases 5.1. Circonstances de découverte
osseuses 5.2. Imagerie des métastases osseuses
4. Diagnostic des tumeurs osseuses primitives 6. Orientations thérapeutiques
4.1. Points-clés 6.1. Sarcomes osseux
4.2. Circonstances de découverte 6.2. Métastases osseuses

Rang 1 Rubrique 11 Intitulé


A Définition Connaître les 2 grandes catégories de tumeurs osseuses (primitive,
secondaire)
B Diagnostic positif Connaître les circonstances de découverte, les manifestations cliniques et
radiologiques des tumeurs osseuses

B Examens Connaître le bilan biologique à pratiquer devant une suspicion de tumeur


complémentaires osseuse
B Examens Connaître les principaux examens d'imagerie à pratiquer devant une
complémentaires suspicion de tumeur osseuse
A Prise en charge Savoir orienter un patient vers une prise en charge spécialisée
A Prévalence, Connaître les cancers qui sont le plus fréquemment responsables des
épidémiologie métastases osseuses et les circonstances de découverte
B Diagnostic positif Connaître les principaux éléments de l'enquête étiologique devant une
métastase osseuse inaugurale

• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

282
A 1. Définition
• Les tumeurs osseuses comprennent deux catégories :
- les tumeurs osseuses primitives, développées au sein d'une pièce osseuse. Elles peuvent être bénignes ou
malignes. Les principales tumeurs osseuses primitives sont des sarcomes (cancers du tissu conjonctif) dont
l'ostéosarcome, le sarcome d'Ewing et le chondrosarcome. Il s'agit beaucoup plus rarement de localisation
osseuse de lymphomes. Le myélome multiple est une maladie de la moelle osseuse. Myélomes et lymphomes
font l'objet d'une question spécifique et ne sont pas traités ici.
- les métastases osseuses, issues de la dissémination par voie hématogène de cellules tumorales provenant d'un
cancer primitif situé dans un autre organe. Les principaux cancers responsables de métastases osseuses sont
les cancers bronchiques, du sein, du rein, de la prostate et de la thyroïde. Elles peuvent révéler le cancer ou
survenir lors de la rechute métastatique de ce cancer. Les métastases osseuses multiples signent le caractère
incurable de la maladie et la nécessité d'une prise en charge palliative.

Epidémiologie
;

2.

L'épidémiologie des tumeurs osseuses primitives ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item
et ces informations sont données à titre indicatif.

2.1. Épidémiologie descriptive des tumeurs osseuses primitives


• Les sarcomes osseux sont rares : 500 nouveaux cas par an en France, dont un tiers environ surviennent dans
l'enfance et l'adolescence. Les sarcomes osseux peuvent être diagnostiqués à tout âge.
• On observe une prédominance masculine avec un sex-ratio voisin de 1,5.
• Les ostéosarcomes et les sarcomes d'Ewing ont deux pics d'incidence : vers 14 ans puis vers 60 ans pour les
ostéosarcomes; vers 16 ans puis vers 50 ans pour les sarcomes d'Ewing. En revanche, les chondrosarcomes ont un
pic d'incidence plus tardif, vers 50 ans.

2.2. Facteurs de risque des tumeurs osseuses primitives


• Ces facteurs de risque sont assez mal établis.

2.2.:1. Radiothérapie antérieure


• L'administration d'une radiothérapie antérieure pour une autre tumeur maligne (par exemple, cancer du sein,
cancer de la prostate, lymphome de Hodgkin... ) constitue un facteur de risque établi pour la survenue d'un
sarcome osseux. Il s'agit cependant d'une complication rare, survenant chez moins de 1 % des patients. Le dia­
gnostic de cancer osseux en territoire irradié est le plus souvent porté entre 4 et 20 ans suivant l'administration
de la radiothérapie.

2.2.2. Facteurs de risque personnels


• La maladie de Paget osseuse est associée à un risque de transformation en ostéosarcome. Il s'agit d'un évènement
rare, notamment depuis l'utilisation des bisphosphonates.
• Infarctus osseux, fractures avec mise en place de matériel orthopédique ont été rapportés comme facteurs poten­
tiellement contributifs.

283
Item 307

2.2.3. Susceptibilité génétique


• Les sarcomes osseux peuvent survenir dans un contexte de syndrome de prédisposition génétique familiale au
cancer, notamment:
- le syndrome de Li-Fraumeni (mutation germinale de p53), qui augmente le risque d'ostéosarcome et de
sarcome indifférencié des os;
- le rétinoblastome familial (mutation germinale du gène Rb), qui augmente le risque d'ostéosarcome et de
sarcome indifférencié des os, le plus souvent après 16 ans;
- la maladie des exostoses multiples et la maladie des enchondromes multiples (maladie d'Ollier), qui augmentent
le risque de développer des chondrosarcomes. Les gènes mutés en cause sont multiples, et comprennent des
gènes codant pour des protéines de la matrice extracellulaire.

A 2.3. Épidémiologie des métastases osseuses


• Il s'agit d'une situation clinique très fréquente en cancérologie. L'épidémiologie des métastases osseuses corres­
pond à l'épidémiologie du cancer primitif. La plupart des métastases osseuses surviennent chez l'adulte de 50 ans
et plus; cependant chez le jeune enfant (4-5 ans), on peut observer des métastases osseuses de neuroblastomes.
• En phase métastatique, on observe des métastases osseuses dans 50 à 80 % des cancers du sein, 50 à 70 % des can­
cers de la prostate, 40 % des cancers de la thyroïde, 30 à 40 % des cancers du rein, 30 % des cancers bronchiques.
Une dissémination métastatique osseuse peut s'observer dans quasiment tout cancer.
• Les facteurs de risque des métastases osseuses sont les facteurs de risque du cancer primitif.

A 3. Diagnostic anatomo-pathologique

3.1. Tumeurs osseuses primitives


3.1.1. Considérations générales
• Les tumeurs osseuses primitives rassemblent une large variété de sous-types histologiques. Les plus fréquents
sont l'ostéosarcome, le sarcome d'Ewing et le chondrosarcome. Certains sont de haut grade (comme les sarcomes
d'Ewing et la plupart des ostéosarcomes). D'autres sont de bas grade comme la plupart des chondrosarcomes.
• Les tumeurs osseuses primitives comprennent également des tumeurs « à malignité intermédiaire » se présentant
comme des tumeurs malignes, mais avec un risque d'évolution surtout locale et plus rarement métastatique.
Parmi les formes histologiques à connaître: les chordomes et les tumeurs à cellules géantes des os (anciennement
appelées tumeurs des ostéoclastes).
• Plusieurs points importants sont à savoir:
- l'examen anatomo-pathologique requiert une biopsie chirurgicale qui ne doit être effectuée que par une équipe
multidisciplinaire (radiologue, chirurgien, anatomo-pathologiste) entraînée à ces cancers rares. Une Réunion
de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) spécialisée doit être consultée en cas de suspicion de tumeur osseuse
primitive. Il y en a une vingtaine sur le territoire national (adulte et pédiatrique);
- ce sont des tumeurs rares et le risque d'erreurs diagnostiques (bénin/malin ; sous-type ...) est important.
L'Institut National du Cancer recommande une deuxième lecture histologique par un expert dans un centre
de référence;
- un grade histo-pronostique doit être attribué au cancer et permet de différencier des sous-groupes parmi les
types histologiques: on distingue ainsi des ostéosarcomes et des chondrosarcomes de bas grade, dont le risque
de rechute métastatique est limité. Le risque de rechute métastatique est plus élevé dans les tumeurs de haut
grade. Le système de grade est différent entre les ostéosarcomes, les chondrosarcomes, et les autres sarcomes.

284
3.1.2. Ostéosarcomes
• Les ostéosarcomes sont des sarcomes osseux qui produisent une matrice ostéoïde tumorale anormale (Figure 1).
• L'ostéosarcome peut affecter tous les os mais survient principalement sur les os longs, au niveau de la méta­
physe. Chez l'adolescent, il survient le plus souvent, « près du genou et loin du coude », sur l'extrémité inférieure
du fémur, l'extrémité supérieure du tibia, l'extrémité supérieure de l'humérus.
• Les ostéosarcomes sont le plus souvent (90 %) des cancers de haut grade histologique, avec un risque métas­
tatique élevé en l'absence de traitement par chimiothérapie (80 % de risque de rechute métastatique sans chimio­
thérapie). Le traitement classique des ostéosarcomes de haut grade comporte plusieurs cures de chimiothérapie
néo-adjuvante avant l'intervention chirurgicale : l'examen histologique effectué sur la pièce de résection de la
tumeur permet de déterminer le pourcentage de cellules tumorales résiduelles viables après chimiothérapie, ce
qui est un facteur pronostique majeur et permet d'orienter le traitement par chimiothérapie adjuvante post­
opératoire.
• Environ 10 % des ostéosarcomes sont de bas grade histologique. Leur risque de rechute métastatique est faible (les
ostéosarcomes de bas grade sont traités habituellement par chirurgie seule).

Figure 1. Coupe anatomo-pathologique d'un sarcome ostéogénique:


cellules tumorales pléiomorphes produisant une matrice ostéoïde

3.1.3. Le sarcome d'Ewing


• Le sarcome d'Ewing est une tumeur à petites cellules rondes (Figure 2).
• Le sarcome d'Ewing peut affecter tous les os mais survient plus souvent que l'ostéosarcome sur les os plats -
bassin, vertèbre, omoplate. Sur les os longs, il peut avoir une topographie diaphysaire ou métaphysaire. Le sar­
come d'Ewing peut affecter cependant tous les os longs et tous les os plats.
• Les sarcomes d'Ewing sont toujours des cancers de haut grade histologique, avec un risque métastatique élevé en
l'absence de traitement par chimiothérapie (80 % de risque de rechute métastatique sans chimiothérapie).
• Sur le plan moléculaire, les sarcomes d'Ewing présentent une translocation spécifique caractéristique. Cette trans­
location (11, 22) juxtapose le gène EWS et un gène appelé Flil, donnant lieu à un gène codant pour un facteur de
transcription anormal. Cette anomalie génomique est caractéristique et est utilisée à visée diagnostique (FISH ou
PCR). La confirmation moléculaire du diagnostic de sarcome d'Ewing explique pourquoi les biopsies osseuses
réalisées pour le diagnostic d'une tumeur osseuse primitive doivent être transmises à l'état frais au laboratoire
d'anatomo-pathologie.

285
Item 307

• Le traitement classique des sarcomes d'Ewing, comme pour les ostéosarcomes, comporte plusieurs cures de
chimiothérapie néo-adjuvante avant l'intervention chirurgicale: l'examen histologique effectué sur la pièce de
résection de la tumeur permet de déterminer le pourcentage de cellules tumorales résiduelles après chimiothéra­
pie, ce qui est un facteur pronostique majeur.

Figure 2. Coupe anatomo-pathologique d'un sarcome d'Ewing


petites cellules rondes présentant des caractéristiques cytologiques de cellules néoplasiques

3.1..4. les chondrosarcomes


• Les chondrosarcomes sont des sarcomes osseux qui produisent une matrice cartilagineuse anormale (Figure 3).
• Le chondrosarcome peut affecter tous les os mais survient principalement sur les os plats {bassin, vertèbres, omo­
plate), l'extrémité supérieure du fémur et de l'humérus.
• Les chondrosarcomes sont beaucoup plus hétérogènes que les ostéosarcomes: on distingue les chondrosarcomes
de grade 1, 2, et 3, et des formes rares {dédifférenciés, mésenchymateux, myxoïdes). Leurs pronostics respectifs
sont totalement différents.
• Ils peuvent survenir sur une tumeur bénigne pré-existante : maladie exostosante (ou exostoses multiples),
enchondromes multiples (ou maladie d'Ollier) sont les plus fréquentes.
• Les chondrosarcomes sont le plus souvent {70 %) des cancers de bas grade histopronostique avec un risque
métastatique faible. L'examen histologique permet parfois difficilement de les distinguer d'un enchondrome,
tumeur bénigne dont la topographie est similaire.
• Le diagnostic des chondrosarcomes de grade 1 repose sur des critères histologiques, mais aussi cliniques (dou­
leurs) et radiologiques (érosions corticales). Douleurs et érosions corticales les distinguent des tumeurs cartila­
gineuses bénignes.
• Sur le plan thérapeutique, ces tumeurs sont peu ou pas sensibles à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Leur
traitement repose donc essentiellement sur la chirurgie.

286
Figure 3. Coupe anatomo-pathologique d'un chondrosarcome de grade 2 :
chondroblastes atypiques au sein d'une matrice chondroïde

3.1.5. Autres tumeurs primitives osseuses


• Les sarcomes osseux d'autres histologies (sarcomes osseux indifférenciés, leiomyosarcomes osseux primitifs,
etc.) se présentent cliniquement comme des ostéosarcomes, mais surviennent à un âge moyen plus tardif (40 ans).
Ils sont presque toujours de haut grade histopronostique.
• Les chordomes sont des cancers rares dérivés de résidus de la notochorde, et se développent sur les os de la ligne
médiane (base du crâne, vertèbres, sacrum). Ils présentent un aspect histologique caractéristique, et rechutent
souvent sur un mode loco-régional, avec un pronostic redoutable.
• Les tumeurs à cellules géantes des os sont des tumeurs de l'adolescent et de l'adulte jeune le plus souvent. Elles
comportent un important contingent d'ostéoclastes, activés par des cellules tumorales stromales. Les ostéoclastes
résorbent l'os et donnent à l'examen radiologique simple une allure ostéolytique pure, épiphysaire, caractéris­
tique. Ces tumeurs donnent rarement des métastases.
• Les tumeurs osseuses bénignes sont plus fréquentes et hétérogènes: on peut citer les ostéochondromes (encore
appelés exostoses) développés à la surface de l'os ; les enchondromes, tumeurs cartilagineuses bénignes ; les
ostéomes ostéoïdes ; les fibromes non ossifiants ; les granulomes éosinophiles, les kystes anévrysmatiques (ou
kyste osseux anévrysmal (KOA)). Leur diagnostic, souvent complexe, est clinique et radiologique, parfois histo­
logique. Ils nécessitent un avis par une équipe spécialisée. Parmi les tumeurs bénignes, l'ostéome ostéoïde mérite
d'être connu. Il se manifeste par des douleurs de tonalité inflammatoire, avec une nette recrudescence nocturne,
exquises, localisées au niveau de l'os atteint. Ces douleurs sont très sensibles à l'aspirine et aux anti-inflamma­
toires non-stéroïdiens. L'aspect radiologique est caractéristique avec un épaississement périosté entourant une
zone centrale claire, le nidus. Le traitement de cette lésion qui ne présente aucun risque d'évolution ou de trans­
formation repose sur la destruction du nidus par radiofréquence/cryothérapie ou par chirurgie pour supprimer
les douleurs très invalidantes.

3.2. Diagnostic anatomo-pathologique des métastases osseuses


• Le diagnostic de métastases osseuses n'est pas nécessairement anatomo-pathologique (cf infra).
• Lorsque le cancer primitif est connu, en cours de bilan d'extension ou en cas de rechute, un diagnostic anatomo­
pathologique soit sur biopsie (radio-guidée) ou pièce opératoire sera nécessaire si la métastase est unique afin
d'exclure d'autres diagnostics.


287
290 ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES
Item 307

• Lorsque le cancer n'est pas connu (métastases osseuses« inaugurales»), on cherchera la tumeur primitive que
l'on biopsiera prioritairement. Si la tumeur primitive est difficilement repérable ou accessible, on biopsiera le
site métastatique le plus accessible (ganglionnaire, pulmonaire, hépatique, osseux). La préparation des biopsies
osseuses pour examen anatomo-pathologique nécessite une étape de décalcification.

B 4. Diagnostic des tumeurs osseuses primitives


4.1. Points-dés
• L'anamnèse identifie l'absence d'antécédent de cancer (un antécédent de cancer n'exclut pas une tumeur
osseuse primitive).
• Le tableau clinique évocateur doit conduire à un bilan sans délai.
• L'examen radiologique simple doit être le premier examen.
• Il est recommandé de rechercher d'éventuels documents radiologiques antérieurs.
• La biopsie ne doit être entreprise qu'après avis d'une équipe inter-disciplinaire spécialisée dans les tumeurs
osseuses (Centres labellisés par l'Institut National du Cancer).

4.2. Circonstances de découverte

4.2.1. Signes et symptômes en rapport avec l'extension locale ou régionale


• Les symptômes révélateurs sont :
- la douleur, en fonction de la localisation de la tumeur : douleur d'un membre, d'une articulation, du rachis,
souvent de caractère inflammatoire, parfois résistante aux antalgiques;
- une augmentation de volume d'une pièce osseuse ou d'une articulation sans facteur traumatique déclenchant :
ne pas se laisser piéger par un traumatisme minime présenté comme causal par le patient ou sa famille et qui
est en fait révélateur;
- impotence fonctionnelle, boiterie.
• Ces symptômes, persistants ou évolutifs, doivent attirer l'attention et conduire à un examen radiologique. Ils sont
particulièrement évocateurs chez l'adolescent et le jeune adulte (une douleur persistante au-delà de 3 semaines est
suspecte en l'absence de traumatisme).
• Plus rarement les tumeurs osseuses primitives sont révélées par :
- une fracture spontanée ou après un traumatisme minime (fracture pathologique sur un os fragilisé par la
tumeur);
- une compression nerveuse ou vasculaire (par exemple, compression radiculaire ou médullaire d'un sarcome
vertébral);
- une inégalité de longueur ou déformation acquise chez l'enfant en croissance.

4.2.2. Signes en rapport avec une extension métastatique


• Les métastases sont exceptionnellement révélatrices de tumeurs osseuses primitives.

4.2.3. Signes généraux


• Contrairement aux métastases osseuses, les tumeurs osseuses primitives malignes sont rarement associées à des
signes généraux. D'ailleurs, l'absence de signes généraux peut rassurer à tort. Néanmoins, rarement, peuvent être
observés - surtout dans le sarcome d'Ewing :
- asthénie, anorexie, amaigrissement inexpliqué;
- fièvre (habituellement peu élevée, sans signe infectieux caractérisé et répondant aux anti-inflammatoires non
stéroïdiens). Le principal diagnostic différentiel est alors l'ostéomyélite ou l'ostéite.
288
4.3. L'examen clinique
• En fonction des signes d'appel, il s'attachera à rechercher:
- une tuméfaction palpable sur une zone douloureuse;
- une impotence fonctionnelle;
- une compression vasculaire ou nerveuse;
- un point d'appel infectieux récent (diagnostic différentiel d'ostéomyélite) ;
- les aires ganglionnaires: les sarcomes osseux n'envahissent pratiquement jamais les aires ganglionnaires;
- certains symptômes pouvant témoigner d'une atteinte métastatique: douleur osseuse sur d'autres segments
osseux, symptômes respiratoires.
• Il appréciera en outre l'importance de l'amaigrissement (qui sera chiffré par rapport au poids de base) et le niveau
d'altération de l'état général à partir de l'indice d'activité ou« de performance» (index de Karnofsky ou grade
OMS) .

4.4. La radiographie standard (l'os et l'articulation adjacente)


• L'examen est toujours demandé de face et de profil.
Il s'agit d'une étape essentielle et incontournable (l'IRM ne remplace pas la radiographie standard) en cas
de suspicion de tumeur primitive osseuse, car la normalité de la radiographie de la pièce osseuse rend peu
probable le diagnostic de tumeur osseuse.

• Les signes radiologiques classiques évoquant une lésion osseuse maligne sont:
- ostéolyse à limite floue (Figure 4);
- rupture de la corticale;
- appositions périostées (classiquement en bulbe d'oignon pour le sarcome d'Ewing);
- ossifications ou calcifications des parties molles par envahissement (classiquement en feu d'herbe ou rayons de
soleil pour l'ostéosarcome) (Figures 5, 6a, 6b).

Figure 4. Métastase ostéolytique d'une vertèbre dorsale - « vertèbre borgne»


(rechute métastatique d'un cancer du sein)

289
Item 307
- --

Figure S. 21 ans, douleurs sourdes de la jambe droite, empêchant la pratique sportive.


Lésion mixte à limite floue du 1/3 inférieur du tibia. Ossifications extra-osseuses (qui signent l'extension extra-osseuses)
et appositions périostées en feu d'herbe. À la biopsie: diagnostic d'ostéosarcome de haut grade.

Figure 6 a et b. Homme 20 ans. Douleurs du genou droit d'horaire inflammatoire depuis 2 mois. Impotence fonctionnelle.
Lésion mixte, mal limitée, aux limites floues de l'extrémité proximale du tibia. Ossifications extra-osseuses et appositions
périostées en feu d'herbe. Ostéosarcome de haut grade.

290
A Devant toute suspicion de tumeur osseuse primitive, le patient doit être adressé vers un centre spécialisé
de prise en charge des sarcomes osseux (Centres de référence du réseau NETSARC+ qui organisent les RCP
labellisées par l'Institut National du Cancer).

B 4.5. Bilan biologique


• Il comprend au minimum :
- un bilan de la fonction rénale pour permettre l'injection de produit de contraste ;
- un bilan d'hémostase (NFS-plaquettes, TP/INR, TCA) avant les prélèvements biopsiques.
• Il peut être complété par un dosage des phosphatases alcalines, des transaminases ASAT/ALAT, des LDH et des
gamma-GT : un taux élevé des phosphatases alcalines et des LDH est parfois observé en cas de sarcome osseux
en l'absence de pathologie hépatique.
• Aucun dosage de marqueur tumoral n'est indiqué pour le diagnostic (ou l'évaluation pronostique). Les hypercal­
cémies sont exceptionnelles en cas de tumeur osseuse primitive (contrairement aux métastases osseuses).
• Une NFS et CRP peuvent être pratiquées s'il existe un doute avec une ostéite ou une ostéomyélite, diagnostic
différentiel des tumeurs osseuses primitives.
• Il sera complété après réception de l'examen histologique en fonction de la nature de la maladie.

4.6. Tomodensitométrie et I RM
• Si la lésion suspecte est située sur un membre, le bilan morphologique est complété par une IRM avec séquences
Tl et T2 et injection de gadolinium prenant l'ensemble de la pièce osseuse et de l'articulation adjacente à la
tumeur.
• Cet examen permettra d'apprécier l'extension osseuse et dans les parties molles, l'atteinte articulaire, rarement
l'atteinte trans-articulaire. L'ensemble de la pièce osseuse doit être analysée pour recherche d'une métastase
osseuse dans le même os ( « skip métastase » ).
• Si la lésion suspecte est située sur le tronc, le bilan morphologique est complété par une TDM avec injection de
produit de contraste prenant l'ensemble de la pièce osseuse et de l'articulation adjacente à la tumeur. Cet examen
est souvent réalisé avec des coupes thoraciques, abdominales et pelviennes, permettant d'apprécier également
l'extension métastatique.

4.7. Diagnostic de certitude: biopsie et examen anatomo-pathologique

Le diagnostic de sarcome osseux repose sur l'examen anatomo-pathologique d'une biopsie chirurgicale.
Dans tous les cas, la biopsie doit être transmise à l'état frais au laboratoire d'anatomo-pathologie afin de
permettre les analyses moléculaires (nécessaires au diagnostic du sarcome d'Ewing).

• Le malade doit être d'emblée prévenu de la possibilité d'échec technique du prélèvement et de la nécessité absolue
qu'il y a à obtenir des prélèvements de bonne qualité et de taille suffisante pour affirmer le diagnostic et guider le
traitement.
• Une biopsie mal réalisée peut affecter les chances de chirurgie conservatrice du fait de la contamination régionale
et augmenter les risques de rechute locale et métastatique.

La biopsie est indispensable: aucun traitement ne peut être entrepris sans diagnostic anatomo-pathologique.

291
ÎUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES
Item 307

• Le standard est la biopsie chirurgicale. Celle-ci doit être précédée d'une RCP avec radiologue, chirurgien spé­
cialisé, et anatomo-pathologiste. La cicatrice de biopsie devra être réséquée en monobloc au moment du geste
chirurgical d'exérèse de la tumeur osseuse. Idéalement, l'équipe chirurgicale qui réalise la biopsie est la même qui
réalisera le geste à visée carcinologique.

À NE PAS FAIRE : L'enclouage ou la mise en place de matériel orthopédique (vis, plaque) sur un os fracturé
suspect de tumeur osseuse primitive est absolument proscrit, car il expose à la contamination loco-régionale
et/ou de tout l'os. Un tel geste majore le risque de rechute et peut contraindre à une amputation ou une
désarticulation pour un cancer primitif qui aurait été candidat à un traitement conservateur du membre.

A 5. Diagnostic des métastases osseuses


• Tout cancer peut se compliquer de dissémination métastatique osseuse, mais les principaux cancers concernés
sont les cancers du poumon, du sein, de la prostate, de la thyroïde et du rein.

5.1. Circonstances de découverte


• Les métastases osseuses sont beaucoup plus fréquentes que les tumeurs osseuses primitives. Leur diagnostic sera
porté dans des circonstances assez différentes:
- le patient a un (des) antécédent(s) personnel(s) de cancer:
► en cas de métastase(s) déjà documentée(s) histologiquement sur d'autres organes:
le diagnostic anatomo-pathologique des métastases osseuses ne sera pas nécessairement requis, il dépendra
de la présentation clinique, et de la concordance entre l'aspect radiologique des lésions osseuses et le type
de cancer primitif connu.
► en cas de suspicion de métastase(s) osseuse(s) chez un patient avec un antécédent de cancer sans métastase
connues : le diagnostic anatomo-pathologique sera en général requis et reposera sur la même stratégie de
biopsie au trocart radio-guidée, le plus souvent.
- le patient n'a pas d'antécédent personnel de cancer: une démarche diagnostique est nécessaire pour trouver
la tumeur primitive (Tableaux 1 et 2).

Tableau 1. EXAMENS À DISCUTER DEVANT UNE DISSÉMINATION SECONDAIRE OSSEUSE MÉTASTATIQUE


Cancer
- préalablement connu
Examen demandé Question(s) posée(s)
Examen clinique État général? Métastases extra-osseuses menaçantes ?
Tumeur primitive si non connue --
Numération formule sanguine Aplasie par envahissement médullaire? Erythro-myélémie,
- -�-- 1
très
--
évocatrice d'un------- -
envahissement médullaire?
Calcémie- Albuminémie - Hypercalcémie aigüe associée?
Scintigraphie osseuse corps entier
--- -·-·- -----,..._ -- - --
Autres métastases osseuses
-
Tomographie par émission de positions Métastases osseuses et extra-osseuses
Radiographies standard des os douloureux ou des os Dépistage des zones ostéolytiques avec risque de fracture
longs associés à une hyperfixatio� scintig�phique__..2_athologique ·-
Imagerie par résonance magnétique du rachis complet Au moindre signe d'appel, prévention de la compression
médullaire par envahissement vertébral ou épidurite
néoplasique -------
+/- Biopsie osseuse Lésion unique, ou d'aspect atypique ; dissémination
--- - - - - - - - --- -- secondaire-osseuse
--inattendue
-- ---

292
Cancer non connu préalablement
Les mêmes examens que ci-dessus, auxquels s'ajoute pour le diagnostic étiologique :
Examen clinique complet Élément suggérant la tumeur primitive (par exemple,
tabagisme et hémoptysie, hématurie, nodule mammaire,
induration prostatique au toucher rectal... ) - Site
métastatique extra-osseux facilement accessible à une
biopsie (métastase cutanée, adénopathie superficielle ...?)
Mammographie chez la femme Cancer du sein?
Dosage des PSA chez l'homme Combiné au toucher rectal, au caractère ostéocondensant
des métastases, fait évoquer le diagnostic de cancer de
la prostate
Tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne Bilan d'extension, bilan étiologique
Dosage de 2 marqueurs: alpha-fœtoprotéine et �-HCG Éliminer une tumeur germinale métastatique
Biopsie de la lésion la plus accessible Diagnostic anatomo-pathologique
Electrophorèse des protéines sériques, recherche d'une Éliminer un myélome multiple
protéinurie de Bence-Jones, immunoélectrophorèse et
éventuellement médullogramme

Tableau 2. ÉLÉMENTS D'ORIENTATION DEVANT CERTAINS ASPECTS RADIOLOGIQUES DE MÉTASTASES OSSEUSES--


----- - � ----- - ---- -------- -- ----------- - ---
Métastases Cancers
Ostéocondensantes Prostate+++ (1)
Ostéolytiques Rein, thyroïde, sein, poumon
Corticales Poumon
Des doigts et des orteils Poumon
(1) Diagnostics différentiels classiques : la maladie de Paget, intoxication par le fluor et ostéites primitives (SAPHO), spondylite
infectieuse (tuberculose essentiellement), lymphome (de Hodgkin surtout), myélome condensant (POEMS syndrome), ostéite et
ostéomyélite bactérienne.

5.1..1.. Signes et symptômes en rapport avec l'extension locale ou régionale


• Il s'agit globalement des mêmes symptômes que pour les tumeurs osseuses primitives, mais dans le cas des métas­
tases osseuses, les signes peuvent être diffus car les métastases osseuses sont le plus souvent multiples. Ces signes
sont:
- douleurs diffuses, plus rarement unique, souvent de caractère inflammatoire, parfois résistante au traitement
antalgique : douleur d'un membre, d'une articulation, du rachis ;
- impotence fonctionnelle, boiterie, apparition d'une difficulté à la marche ;
- fracture spontanée ou après un traumatisme minime, vertébrale ou d'un os long ;
- compression médullaire, compression radiculaire, syndrome de la queue de cheval ( constipation, douleur,
brûlure, crampes et paresthésies, rétention aiguë d'urines, déficit neurologique sensitif et/ou moteur) ;
- augmentation de volume d'une pièce osseuse sans traumatisme déclenchant.

5.1..2. Signes généraux


• Les signes généraux peuvent être marqués :
- asthénie, anorexie, amaigrissement inexpliqué ;
- fièvre;
- hypercalcémie.

293
Item 307

B 5.2. 1 magerie des métastases osseuses


• Radiographies simples et TDM identifient des formes ostéolytiques (Figures 7, 8), ostéocondensantes (Figures 9,
10a, 10b, 10c, IOd), plus rares, et mixtes de métastases osseuses. Les cancers de la prostate (surtout), du sein et
du poumon (plus rarement) sont pourvoyeurs de métastases ostéocondensantes. Quelle que soit la forme, elles
présentent des signes d'agressivité radiographiques: contours mal limités - effraction corticale - extension dans
les parties molles, plus rarement appositions périostées.

Figure 7. Métastases osseuses ostéolytiques

Figure 8. Patiente de 67 ans aux antécédents de cancer du sein. Admise aux urgences pour douleur aiguë de hanche
et impotence fonctionnelle, suite à une chute de sa hauteur. Fracture pathologique sous-trochantérienne droite sur vaste
zone d'ostéolyse. Diagnostic de rechute métastatique

294
Figure 9. Métastases osseuses du bassin ostéocondensantes

Figure 10. a, b, c, d. Homme de 68 ans consultant pour douleurs osseuses du bassin et du rachis lombaire.
Radiographie standard: aspect de métastases ostéocondensantes du bassin et du rachis lombaire, avec aspect
de vertèbre d'ivoire. PSA à 1800 ng/ml. A la scintigraphie osseuse: zones d'hyperfixation scintigraphique.
Scanner du bassin et du rachis lombaire, confirmant la présence de métastases osseuses condensantes caractéristiques
d'un cancer de la prostate.

295
Item 307

Croi♦ Dl'oll• Orob

F A.r:ti ANT'l:A:ISIJRE F'AC PO"SlliRIEURE FACE ANfEIŒURE

296
5.3. Autres examens
• La scintigraphie osseuse au 99mTc permet de rechercher d'autres sites métastatiques sur l'ensemble du squelette. Le
TEP-TDM explore le squelette mais également les autres sites métastatiques non osseux (ganglions, poumon, foie...).
• Des examens radiologiques (scanner) centrés sur les zones à risque de fracture sont demandés. L'IRM recherche
des signes de compression neurologique.
• On recherche systématiquement une hypercalcémie.
• D'autres examens peuvent être indiqués. La démarche varie en fonction du fait que le cancer primitif soit connu
ou pas. L'indication de chaque examen se discute au cas par cas, en fonction de l'état général du patient et des
possibilités de traitement.

Le traitement des tumeurs osseuses primitives ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item
et ces informations sont données à titre indicatif.

6. Orientations thérapeutiques
• De manière schématique (Tableau 3), on peut dissocier la prise en charge des deux grands types de tumeurs
osseuses.
Tableau 3. PRINCIPAUX ÉLÉMENTS D'ORIENTATION VERS UNE TUMEUR OSSEUSE PRIMITIVE
-- OU SECONDAIRE
--
- --
Métastases osseuses Tumeurs osseuses primitives malignes
Âge ;, 40 ans Enfant, adolescent, adulte jeune
Altération de l'état général + -

Lésions osseuses Habituellement multiples Habituellement unique


Lésions extra-osseuses + +
Diagnostics différentiels Myélome, ou infections osseuses Métastase osseuse inaugurale isolée
majeurs multifocales (cancer de la thyroïde, du rein),
- - -- - plasmocytome, tumeur osseuse bénigne
Bilan Mener de front: bilan étiologique, bilan Orienter dès la suspicion vers un centre de
et prise en charge des complications et référence
traitement systémique de la maladie

Prise en charge-
-
cancéreuse
Palliative
- - - -
Curative -

297
Item 307

6.1. Sarcomes osseux


6.1..1.. Bilan pré-thérapeutique des tumeurs osseuses primitives malignes
• C'est une étape essentielle de la prise en charge des tumeurs osseuses primitives (Tableau 4) car les modalités
du traitement dépendent du type histologique, de l'extension du cancer, et comme toujours de l'état général du
patient et de ses comorbidités éventuelles.

Tableau 4. BILAN PRÉ-THÉRAPEUTIQUE D'UNE TUMEUR OSSEUSE PRIMITIVE


BILAN D'EXTENSION LOCO-RÉGIONAL
- Radiographie simple de l'os et de l'articulation face et profil
- IRM et/ou TDM avec injection de produit de contraste de la totalité de l'os atteint
BILAN D'EXTENSION MÉTAS TATIQUE
- Scanner thoracique, abdominal et pelvien
- Scintigraphie osseuse au technétium 99m
Toute image métastatique apparemment isolée doit faire l'objet d'une preuve histologique si elle est
techniquement accessible
BILAN GÉNÉRAL
- Indice d'activité (grade OMS)
- Statut de croissance (maturité squelettique)
- Quantifier amaigrissement et dénutrition
- Bilan cardio-vasculaire, avec mesure de la fraction d'éjection ventriculaire gauche (les anthracyclines sont utilisées
pour le traitement des sarcomes d'Ewing et des ostéosarcomes de haut grade)
- Sérologies VIH, syphilis, hépatites B et C, cryoconservation de sperme

• Le bilan d'extension a trois objectifs principaux :


- d'une part, évaluer l'extension loco-régionale et la résécabilité de la tumeur;
- établir le type de geste chirurgical qui sera effectué : chirurgie conservatrice du membre avec reconstruction
ostéo-articulaire (90 %) ou amputation (10 %);
- rechercher une dissémination métastatique principalement au niveau des poumons (90 % des métastases), des
os, de la moelle osseuse (Ewing) ou d'autres organes.

6.1.1.1. Bilan d'extension loco-régional


• L'évaluation du statut tumoral (T) repose sur les radiographies simples, l'IRM et/ou la TDM. Ces examens per­
mettent de préciser la topographie, la taille de la tumeur, son extension intra-osseuse et dans les parties molles, ses
rapports avec les structures vasculonerveuses.
• L'injection de produit de contraste est indispensable à la discrimination des structures vasculaires.
• Une scintigraphie osseuse au 99mTc permet d'apprécier l'activité fonctionnelle de la tumeur et pourra per­
mettre, après comparaison à un examen post-thérapeutique, d'apprécier la réponse au traitement néo-adjuvant
par chimiothérapie. Cet examen permet en outre d'identifier des métastases osseuses dans la même pièce osseuse
ou à distance parfois non identifiées sur la TDM.

6.1.1.2. Bilan d'extension métastatique


• Le poumon et la plèvre sont les principaux sites métastatiques des tumeurs osseuses primitives malignes. Les
autres sites métastatiques classiques sont plus rares: os, parties molles, moelle osseuse (Ewing), encéphale.
• Le bilan d'extension comprend donc:
- Un examen tomodensitométrique thoracique, abdominal et pelvien qui doit être réalisé selon une technique
rigoureuse: acquisition spiralée volumique des apex aux glandes surrénales incluses, coupes fines avec fenêtres
parenchymateuses et médiastinales, injection de produit de contraste iodé afin de visualiser correctement
298
les structures médiastinales, les éventuelles adénopathies et la prise de contraste d'une opacité tumorale. Les
fenêtres osseuses doivent être regardées. C'est un examen essentiel au bilan d'extension loco-régional;
- Une scintigraphie osseuse au technétium 99m;
- Un examen médullaire (myélogramme et/ou biopsie de moelle) pour les sarcomes d'Ewing;
- L'IRM cérébrale ne doit pas être systématique en l'absence de symptôme.
6.1.1.3. Bilan général
Il doit comprendre :
- dans tous les cas, une évaluation clinique globale du malade ; l'amaigrissement éventuel est chiffré
en pourcentage par rapport au poids de base et sa vitesse d'installation est notée ; l'indice d'activité est
soigneusement évalué par un interrogatoire précis des capacités d'activité du patient;
- bilan cardio-vasculaire: au minimum, électrocardiogramme et échographie cardiaque (permettant d'apprécier
la fraction d'éjection ventriculaire gauche et les pressions artérielles pulmonaires) obligatoires avant traitement
par anthracyclines;
- un bilan biologique évaluant NFS-plaquettes, fonction rénale et hépatique chez les patients requérant une
chimiothérapie (ostéosarcomes et Ewing notamment);
- un bilan biologique avec sérologies virales dans la perspective de conservation de spermatozoïdes au CECOS
pour les tumeurs osseuses requérant une chimiothérapie cytotoxique (potentiellement stérilisante);
- une consultation en gynécologie et en médecine de la reproduction pour évaluer les besoins de contraception,
et les techniques de protection de la fertilité chez les patientes en âge de procréer;
- une consultation de psycho-oncologie;
- une prise en charge spécifique par une équipe de soins de support en oncogériatrie, ou de cancérologie de
l'adolescent et de l'adulte jeune (en fonction de l'âge).

6.1.2. Grandes lignes du traitement


• Pour les chondrosarcomes et les chordomes, le traitement est essentiellement chirurgical, avec une exérèse chirur­
gicale monobloc enlevant le trajet de biopsie. Lorsque la chirurgie n'est pas réalisable ou trop mutilante, une
radiothérapie par protons peut être proposée. Les taux de guérison dépendent du grade,> 90 % pour les grades 1,
et < 50 % pour les grades 3.
• Pour les ostéosarcomes de haut grade, Ewing ou autre type histologique, le traitement associe chimiothérapie
néo-adjuvante (doxorubicine, cisplatine, méthotrexate à haute dose, ifosfamide) puis chirurgie de résection avec
les mêmes règles, puis chimiothérapie adjuvante, post-opératoire. Une radiothérapie adjuvante est utilisée pour
les sarcomes d'Ewing. Les taux de guérison sont supérieurs à 50 %, mais dépendent de l'âge et de la présentation
clinique.
• Une surveillance semestrielle pendant au moins 5 ans, avec examen radiologique de la tumeur primitive et TDM
thoracique est proposée pour dépister des métastases de petite taille accessibles à un traitement curatif. Un suivi
à long terme doit être organisé pour la gestion des complications à long terme des traitements généraux et ortho­
pédiques.

6.2. Métastases osseuses


• Le traitement systémique est adapté au type histologique du cancer primitif. Un traitement inhibiteur de la résorp­
tion osseuse induite par les métastases est souvent proposé (bisphosphonate, dénosumab). Des gestes locaux de
stabilisation osseuse telles que la chirurgie (ostéosynthèse, arthroplasties ...), les gestes de radiologie intervention­
nelle (ostéoplasties ...), la radiothérapie à visée consolidatrice, peuvent être proposés pour réduire le risque de
complications osseuses (fractures, compression médullaire).
• Cependant la dissémination métastatique signe le caractère incurable de la maladie même si dans certains cancers
métastatiques à l'os, la survie peut être prolongée (cancer du sein par exemple). Les traitements systémiques sont
adaptés à la phase métastatique et la qualité de vie doit être préservée.

299
PRINCIPALES SITUATIONS EN LIEN AVEC L'ITEM 307:

« TUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES »


Situation de départ 1 Descriptif
En lien avec le diagnostic clinique
71. Douleur d'un membre Ces signes doivent faire évoquer le diagnostic de tumeur
67. Douleur d'une articulation osseuse. Une douleur osseuse ou articulaire persistante
chez un adolescent, un jeune adulte doit faire évoquer
68. Boiterie un sarcome osseux sans délais. Des douleurs osseuses
66. Apparition d'une difficulté à la marche diffuses, associées à un fléchissement de l'état général
font évoquer des métastases osseuses.
21. Asthénie Les signes généraux sont présents en cas de métastases
17. Amaigrissement osseuses et plus rares en cas de sarcomes osseux.
44. Fièvre
En lien avec le diagnostic biologique
215. Anomalie des plaquettes Les anomalies biologiques sont aspécifiques avec un
216. Anomalie des leucocytes syndrome inflammatoire, et plus rarement des cytopénies
en rapport avec un envahissement médullaire massif.
217. Baisse de l'hémoglobine
203. Élévation de la CRP
186. Syndrome inflammatoire chronique
i
200. Dyscalcémie L'hypercalcémie est rare pour les sarcomes osseux; ma s
au contraire très fréquente pour les métastases osseuses.
Elle doit être recherchée et traitée.
En lien avec le diagnostic de certitude
180. Interprétation d'un compte-rendu anatomo- Le dia gnostic des sa r comes osseux est anatomo-
i i i
pathologique patholog que, su r biopsie ch r u r g cale. Une seconde
i i
i
181. Tumeurs malignes su r pièce opérato re/biopsie lecture en centre spéc alisé est obligato re pour valider le
- diagnostic de sarcome.
En lien avec les complications - situations d'urgence
i i
71. Douleu r d' un membre (supérieu r ou inférieur) Un tableau de douleu r ou d' mpotence fonct onnelle
i i i i
72. Douleu r du rachis (ce rvical, dorsal ou lombaire) a guës do t fa re évoque r une fracture patholog que (y
compris une fracture ve tébrale).
r
66. Apparition d'une d ifficulté à la marche .,___ --
121. Déficit neurologique sens it if et/ou moteu r Évoque r un syndrome de la queue de cheval l ié à une
1. Constipation tumeu r ve r tébrale lombaire.

97. Rétention aiguë d'urines


i i i i
119. Confusion mentale/désorientation Dans le contexte d'une d ssém nat on métastat que
i i
61. Syndrome po lyuro-po lydypsique osseuse, évoque r et tra ite r une hypercalcém e a güe
i
en cas de co nfus on mentale, sy ndrome polyuro-
i
po lydipsique à g lycémie normale, const pation opiniâtre,
i
déshydratation extracellulaire avec nsuffisance rénale
,- - aigüe fonctionne
-� - - -lle ... -- ----
En lien avec la prise en charge
250. Prescrire des antalgiques -- Les tumeurs sont douloureuses et nécess itent la
i
245. Prescription d'un appareillage simple prescription d'anta lgiques. La ch rurgie, la radiologie
i
inte rve ntionnelle, les inhib teurs de la résorption osseuse
et la radiothérapie antalgique contribuent à la gestion des
- -- osseuses.
dou leurs des métastases --
247. Prescription d'une rééducation La prise en charge globale des sarcomes osseux implique
- e.
une rééducation fonctionnell -
300
301
Item 308

(HAPITRE ►_T_u_m_e_u _rs_d_ u_p_ a_n_c_r_é_a_s ______


Pr Thierry Conroy', Pr Jean-Marc Régimbeau2, Pr Michel Ducreux 3
'Département d'Oncologie médicale, Institut de Cancérologie de Lorraine, Vandœuvre-lès-Nancy
'Département de Chirurgie digestive, CHU d'Amiens
3Département de Médecine Oncologique, Institut Gustave-Roussy, Villejuif

OBJECTIFS : N ° 308. TUMEURS DU PANCRÉAS


-+ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur du pancréas.

·---------------------------------------------------------------------------------------------------------------·
' .
1. Diagnostic d'un adénocarcinome primitif du pancréas 2. Les tumeurs neuro-endocrines du pancréas {TNE)
1.1. Épidémiologie 2.1. Épidémiologie
1.2. Facteurs de risque 2.2. Connaître les principaux signes cliniques des tumeurs
1.3. Sous-catégories anatomiques neuro-endocrines
1.4. Connaître la démarche diagnostique devant une tumeur 2.3. Bilan préthérapeutique
du pancréas exocrine 2.4. Principaux types histologiques
1.5. Bilan préthérapeutique 2.5. Focus sur l'insulinome
1.6. Diagnostic différentiel 3. Diagnostic d'une tumeur kystique du pancréas
1.7. Principaux types histologiques des cancers pancréatiques 3.1. Épidémiologie descriptive et notions générales
1.8. Critères de résécabilité ou de non-résécabilité 3.2. Prescription raisonnée d'un examen d'imagerie
1.9. Que faire au terme du bilan d'extension ? 3.3. Principales tumeurs kystiques
·---------------------------·······-----------------------------------------------------------------------------

Ran gJ
A
_ ----
Rubrique
-- � - 1 ~ ---------� -
Intitulé - -�-
Définition Connaître les deux principaux types histologiques (adénocarcinome, tumeur neuro-
endocrine) des tumeurs du pancréas
B Prévalence, Épidémiologie et facteurs de risque de l'adénocarcinome du pancréas et des tumeurs
épidémiologie neuro-endrocines
A Diagnostic positif Connaître les principaux signes cliniques de l'adénocarcinome du pancréas et des
tumeurs neuro-endrocines
A Examens Connaître les indications des examens de biologie devant une tumeur du pancréas
complémentaires
--
A Examens Connaître les indications des examens d'imagerie d'une tumeur du pancréas
complémentaires
B Prévalence, Épidémiologie descriptive d'une tumeur kystique du pancréas
épidémiologie

• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

• Le terme « tumeurs du pancréas » comprend les tumeurs bénignes ou malignes, solides ou kystiques, développées
à partir du tissu exocrine ou endocrine.
• Les tumeurs neuro-endocrines (TNE) peuvent être bénignes et sont souvent curables.
• Parmi les cancers, 2 groupes bien distincts sont définis: les TNE malignes (2-4 %) et les tumeurs issues du pan­
créas exocrine (95 %), dominées par l'adénocarcinome canalaire.
302
1. Diagnostic d'un adénocarcinome primitif du pancréas
• L'adénocarcinome pancréatique exocrine constitue un problème majeur de santé publique. C'est une urgence
diagnostique et thérapeutique. Le pronostic défavorable s'explique par l'apparition tardive des symptômes, la
localisation profonde du pancréas, l'absence de test de dépistage, le potentiel métastatique précoce et l'agressivité
de la maladie. Le seul espoir de guérison repose sur l'association exérèse chirurgicale et chimiothérapie.

B 1.1. Épidémiologie
1.1.1. Au niveau mondial
• 459 000 nouveaux cas estimés en 2018 (GLOBOCAN).
• 7e cause de décès par cancer (432 000 décès estimés en 2018, GLOBOCAN).
• Survient surtout dans les pays à haut niveau de développement où l'incidence augmente.
• 3e cause de mortalité par cancer en Europe en 2018 et sera la seconde cause de mortalité par cancer aux USA d'ici 2030.
• Survie nette à 5 ans: 9 % en 2018 (GLOBOCAN).

1.1.2. En France
• 6e cancer le plus fréquent ; 4e cause de décès par cancer chez la femme et 5e chez l'homme.
• Estimations 2018: 14 200 nouveaux cas et 11500 décès.
• Incidence:+ 3 % par an depuis 1980 (Figure 1), + 250 % entre 1980 et 2012.
• Âge médian au diagnostic: 71 ans.
• Sex-ratio de 1,37 en France en 2017 (prédominance masculine).

Figure 1. Incidence en France de 1980 à 2010 (INVS)


Incidence

o _ ________ _ ____ _ _________________ _ 0..


� �

� �
ô-------------------------------- - ô
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Année

□ -- Incidence estimée Homme

L>. -- Incidence estimée Femme

303
Item 308

1.2. Facteurs de risque


• Âge: c'est une maladie du vieillissement, dont l'incidence augmente avec l'âge (Figure 2). La courbe d'incidence
décline après 85 ans (sous-diagnostic?).

Figure 2. Incidence par âge en 2012 (INVS)

0 0
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20 30 40 50 60 70 80 90

Âge en 2012

□ -- Incidence Homme 1:1 Incidence Femme

• Tabagisme: 1re cause du cancer du pancréas (qui explique 20 % des cas), avec un risque relatif (RR) de 1,74 pour
le fumeur et de 1,20 pour les anciens fumeurs.
• Obésité: un BMI > 30 kg/m2 est associé à un RR de 1,72.
• Pancréatite chronique : le risque est encore plus élevé en cas de pancréatite chronique héréditaire et est poten-
tialisé par le tabac.
• Diabète de type 2: RR 1,12. Le diabète de type 1 n'est pas un facteur de risque.
• Alcool: l'alcool est un facteur de risque, en particulier via la survenue d'une pancréatite chronique.
• Formes à prédisposition familiale : environ 10 %. Mutations constitutionnelles prédisposantes :
- gène BRCA2 (plus rarement BRCAl) associé au cancer du sein et de l'ovaire;
- gènes de réparation des mésappariements de l'ADN (syndrome de Lynch);
- gène CDKN2a (mélanome malin familial syndrome FAMMM);
- gène de l'ataxie télangiectasie;
- gène STKl1 (syndrome de Peutz-Jeghers);
- gènes PRSSl ou PRSS2, SPINKl et pancréatites chroniques héréditaires.
- Ces mutations n'expliquent toutefois pas tous les cas d'agrégation familiale. Le risque de cancer du pancréas est
augmenté par 3,2 si un parent au 1er degré est atteint.

304
Indications de consultation en oncogénétique et d'éventuelle surveillance
• Les critères de cancer pancréatique familial sont:
- 2 apparentés touchés par un cancer du pancréas, dont au moins un au 1 ., degré.
- 3 cancers du pancréas chez des apparentés au 1 er, 2•, ou 3• degré.
ou mutation génétique prédisposante : apparentés des personnes mutées BRCA 1, CDKN2a, ou d'un
syndrome de Lynch ou d'une pancréatite héréditaire, ou ayant elles-mêmes une mutation.
• Une surveillance des sujets à haut risque de cancer du pancréas, dont l'efficacité n'est pas prouvée, peut être
proposée dans les familles concernées. Le bilan initial (non consensuel) comporte une échoendoscopie et une
IRM pancréatique annuelles, à partir de 40 ans en cas de pancréatite héréditaire et de 50 ans sinon. L'arrêt du
tabac, qui potentialise le risque familial, est impératif.

1.3. Sous-catégories anatomiques


• Les tumeurs de la tête (60-70 %) apparaissent à droite du bord gauche de la veine mésentérique supérieure (VMS).
Le crochet (processus unciné) et l'isthme (col) sont considérés comme faisant partie de la tête du pancréas.
• Les tumeurs du corps (20 %) surviennent entre le bord gauche de la VMS et le bord gauche de l'aorte.
• Les tumeurs de la queue (10 %) se développent entre le bord gauche de l'aorte et le hile de la rate.
• Le cancer peut également toucher la totalité du pancréas.

A 1.4. Démarche diagnostique devant une tumeur du pancréas exocrine


• Les buts de l'étape diagnostique sont de:
- préciser le diagnostic lui-même;
- déterminer le stade de la maladie et son éventuelle résécabilité;
- et préciser le but du traitement.

1.4.1. Principaux signes cliniques de l'adénocarcinome du pancréas


• Le diagnostic est le plus souvent tardif; la symptomatologie diffère selon le siège de la tumeur.
• Douleur:
- signe révélateur le plus fréquent (70-75 %);
- souvent de type solaire, transfixiante, insomniante et favorisée par le décubitus (tumeur du corps);
- elle témoigne d'un envahissement des plexus nerveux cœliaques;
- elle peut se projeter parfois uniquement dans le dos (certains patients consultent d'abord un rhumatologue).
• Ictère:
- présent au diagnostic une fois sur deux; il révèle la plupart des tumeurs de la tête;
- «nu», sans fièvre, ni colique hépatique (diagnostic différentiel avec la lithiase biliaire);
- cholestatique, avec urines foncées et selles décolorées, puis prurit et lésions de grattage;
- lentement progressif, il évolue sans rémission;
- il peut évoluer vers une angiocholite (fièvre, frissons, septicémie).
• Altération de l'état général : anorexie, asthénie, amaigrissement souvent rapide et important. L'origine est
multi-factorielle : anorexie, douleurs, ictère, diabète et stéatorrhée. Un avis nutritionnel ou diététique doit être
demandé.

305
Item 308

• Autres symptômes :
- phlébites migratrices et récidivantes et embolies pulmonaires;
- vomissements, en particulier par sténose duodénale parfois révélatrice;
- pancréatite aiguë révélatrice (1-5 % des cas);
- diarrhée avec ou sans stéatorrhée;
- syndrome dépressif ou anxiété fréquemment associés, Prise en charge adaptée à prévoir;
- douleurs, occlusion révélatrices de métastases (foie, péritoine .. ,);
- par hasard à l'occasion d'un examen d'imagerie, ou lors de la surveillance d'une lésion kystique du pancréas.

1.4.2. Examen clinique


• L'interrogatoire précisera:
-
le performance status OMS ;
le score de douleur sur une EVA;
-
-
le poids: le poids habituel, le % de perte de poids, l'IMC;
-
les antécédents familiaux (rechercher une histoire familiale de pancréatite, de cancer du pancréas, du sein ou
de mélanome);
- les comorbidités (+++), un tabagisme;
- le score oncogériatrique G8 si âge > 70 ans.
• L'examen clinique recherchera:
- un subictère ou ictère ;
- une hépatomégalie soit à bord lisse (foie de cholestase), soit dure et/ou nodulaire (métastases hépatiques);
- une grosse vésicule tendue et indolore (loi de Courvoisier et Terrier), palpable une fois sur deux en cas de
cancer de la tête du pancréas;
- parfois, une masse abdominale pancréatique est palpable;
- une ascite, des métastases péritonéales palpables (abdomen, ombilic, cul de sac de Douglas);
- une adénopathie sus-claviculaire gauche (adénopathie de Troisier);
- au toucher rectal, des selles décolorées;
- des urines foncées.

1.5. Bilan préthérapeutique


----
• Échographie abdominale
Bilan d'extension
loco-régionale • Scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP)
• Échoendoscopie (éventuellement IRM pancréatique)
,-
• CA 19.9
Bilan d'extension
• Scanner TAP
métastatique
--- --- - • Éventuellement cœlioscopie
• Chiffrer le pourcentage de perte de poids
• Indice d'activité OMS
• Comorbidités
Bilan général
• Bilan cardiovasculaire
• Évaluation gériatrique si score G8,; 14
• Éventuelle consultation en oncogénétique

306
1..5.1.. Biologie : prescription raisonnée d'un examen biologique
1.5.1.1. Marqueurs tumoraux
• Il n'existe pas de marqueur tumoral permettant le dépistage ou le diagnostic.
• CA 19-9: valeur pronostique
- sialoglycoprotéine onco-fœtale, c'est un déterminant antigénique du groupe sanguin Lewis a.
3 à 7 % de la population est Lewis a- b- et ne peut synthétiser le CA 19-9 (qui est alors toujours négatif);
- valeur normale< 37 U/ml;
- sensibilité 81 %;
- spécificité de 80-90 % pour la valeur seuil de 37 U/ml et faible valeur prédictive positive ; nombreux faux
positifs:
► autres adénocarcinomes (voies biliaires, estomac, côlon-rectum et mucineux de l'ovaire);
► hémochromatose, diabète, pancréatites, mucoviscidose (généralement< 100 U/ml);
► cholestase y compris bénigne (hépatite, lithiase biliaire, cirrhose). Le dosage doit donc être répété après
résolution d'une hyperbilirubinémie.
- un taux élevé de CA 19-9 a une valeur pronostique défavorable. Il n'y a pas de consensus sur une valeur seuil
qui exclurait une exérèse chirurgicale. Il est corrélé à la masse tumorale en cas de maladie métastatique.
1.5.1.2. Bilan biologique
• Cholestase: élévation de la bilirubine totale, libre et conjuguée, des phosphatases alcalines et des yGT, en cas de
cancer obstructif de la tête.
• Lipase et amylases: pas d'intérêt sauf si pancréatite révélatrice où les valeurs seront élevées.
• Hyperglycémie: 15 à 50 % des cas.
• Syndrome inflammatoire.
• Coagulation (taux de prothrombine TP, TCA, taux de plaquettes) : TP abaissé en cas de cholestase prolongée
(coagulation à vérifier et normaliser avant toute biopsie ou geste interventionnel).
• Créatininémie, clairance calculée (avant scanner).
• Préalbumine et albuminémie pour évaluer la dénutrition.

Une dénutrition sévère est définie par une perte de poids supérieure à 15 % du poids de référence en 6 mois
ou supérieure à 10 % en un mois ou, sur le plan biologique, par un taux d'albuminémie inférieur à 25 g/1 ou de
préalbumine inférieur à 50 mg/1. En cas d'ictère avec dénutrition, il faut réaliser un drainage biliaire préopératoire
et une renutrition avant la chirurgie.

1..5.2. Prescription raisonnée d'un examen d'imagerie


1.5.2.1. L'échographie abdominale
• Examen d'imagerie opérateur dépendant, et donc non recommandé isolément.
• Sensibilité: 55 à 90 %. Ininterprétable dans 20 % des cas (obésité, interposition digestive). Sa normalité n'exclut
pas le diagnostic de cancer du pancréas.
• Signes échographiques de cancer:
- tumeur = formation hypoéchogène, à contours flous, rarement avec partie kystique;
- signes indirects: dilatation de l'ensemble des voies biliaires intra et extra-hépatiques, grosse vésicule (une fois
sur deux), dilatation du canal de Wirsung > 2 mm, adénopathies, ascite, métastases hépatiques, thrombose
portale.

307
Item 308

• Principales limites de l'échographie:


- tumeurs < 2 cm ;
- tumeurs de la queue;
- lésions diffuses à tout le pancréas.
1.5.2.2. TDM TAP
• Le scanner TAP (avec protocole pancréas) est l'examen indispensable pour le diagnostic et le bilan d'extension.
• C'est l'examen de première intention lorsqu'une tumeur est fortement suspectée, par exemple ictère nu avec
altération de l'état général.
• Objectifs :
- évoquer le diagnostic de cancer du pancréas;
- effectuer le bilan d'extension à distance et le bilan loco-régional pour évaluer la résécabilité RO.

Points clés pour l'évaluation de la résécabilité :


1. L'espace graisseux péri-artériel (de l'artère mésentérique supérieure [AMS], du tronc cœliaque et de
l'artère hépatique commune). La disparition de l'espace graisseux sur> 180 ° de la circonférence de l'AMS
signe la non-résécabilité.
2. L'axe veineux mésentérico-portal. Rechercher:
- un contact tumoral;
- l'envahissement et la perméabilité de la veine mésentérique supérieure (VMS) et de la veine porte. Une
sténose ou thrombose veineuse est un signe d'envahissement;
- une éventuelle circulation collatérale, ou des signes d'hypertension portale (contre-indication
chirurgicale).
· · · · · · • · • · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·· · · ·· · · ·· · · · · · ···· · · · · · ·· ·· - · · ·· · · · · · · · · · · · · ·· ·· · ··· · · · · · · · · · · · · · · · ·· · · · · · · · · · · ·· · · · ·· · · · · · · · · · · · · · · · ·· · · · · · · · ·

• Modalités du scanner pancréatique :


- réalisé avant toute pose de prothèse biliaire ;
- en mode hélicoïdal multi-coupes avec 3 temps, sans injection, artériel et portal, et coupes fines millimétriques;
- avec injection de produit de contraste iodé (sauf contre-indication);
- images axiales et reconstructions multi-planaires.
• Résultats attendus du scanner :
- taille de la lésion (dimensions maximales);
- localisation de la tumeur et de ses contacts artériels et veineux (Figures 3 et 4) ;
- aspect du canal de Wirsung et de l'arbre biliaire;
- présence ou non de variantes anatomiques artérielles : leur méconnaissance peut conduire à une ischémie
hépatique artérielle lors de la chirurgie ;
- extension extra-pancréatique : lésions hépatiques ou péritonéales, ascite, adénopathies, envahissement
d'organes adjacents. Les métastases les plus fréquentes sont hépatiques, péritonéales et pulmonaires.

308
Figure 3. Adénocarcinome de la tête du pancréas résécable d'emblée
{masse hypodense sans contact artériel ni veineux [flèches]) sur un TDM abdominal injecté

Figure 4. Adénocarcinome de la tête du pancréas non-résécable d'emblée


{masse hypodense avec contact artériel et veineux [flèche]) sur un TDM abdominal injecté

• Les signes de cancer sont :


- lésion hypodense pancréatique (80 à 95 %) à la phase parenchymateuse;
- dilatation des voies biliaires intra/extra-hépatiques et distension vésiculaire;
- dilatation du Wirsung : une dilatation bicanalaire pancréatique et des voies biliaires est très évocatrice de
cancer du pancréas. Le niveau d'arrêt de la dilatation canalaire pancréatique ou biliaire marque le niveau de
l'obstacle tumoral;
- une atrophie parenchymateuse d'amont;
- un pseudo-kyste d'amont (8 à 10 %) secondaire à une pancréatite.
1.5.2.3. Écho-endoscopie
• Examen opérateur-dépendant, et nécessitant une sédation.
• Impossible en cas de sténose digestive infranchissable ou d'antécédent de gastrectomie partielle.
• Sensibilité: 72 %.
• Spécificité: 90 % pour les tumeurs; c'est le meilleur examen pour les tumeurs< 2 cm et pour le diagnostic d'enva­
hissement ganglionnaire.

309
Item 308

• Elle est surtout utilisée pour obtenir une preuve cytologique ou histologique par cytoponction transgastrique ou
trans-duodénale (lorsqu'une chirurgie n'est pas indiquée en première intention).
• Elle peut aider à préciser l'envahissement vasculaire si le scanner est douteux.

1.5.2.4. IRM pancréatique


• Elle est recommandée avant chirurgie pour éliminer des métastases hépatiques occultes. Elle est aussi utile en cas
de doute diagnostique et pour :
- les patients intolérants à l'iode;
- le diagnostic probable de cancer du pancréas sans lésion identifiée au scanner;
- les tumeurs kystiques du pancréas.

1.5.2.5. Autres examens


• Le scanner thoracique n'est pas coût-efficace (les métastases pulmonaires isolées sont exceptionnelles). En
pratique cependant, tous les patients ont un scanner TAP.
• Cholangio-pancréatographie rétrograde par voie endoscopique : pas de place dans le bilan diagnostique. À
envisager avant pose de prothèse pour décompression biliaire.
• TEP-TDM: pas d'intérêt dans le cancer du pancréas car il ne différencie pas pancréatite chronique et cancer.
• À noter que malgré un bilan bien mené, des métastases hépatiques ou péritonéales sont découvertes en per­
opératoire dans 10 % des cas.

1.5.2.6. Drainage biliaire


• La pose d'une prothèse biliaire (pour drainage préopératoire si indiqué) ne doit être réalisée qu'après une ima­
gerie complète et de qualité, car une prothèse biliaire, surtout si métallique, va gêner considérablement le bilan
d'extension loco-régionale.
• L'indication de drainage biliaire doit donc être posée en RCP avec l'équipe chirurgicale, ou en cas d'urgence avec
une certitude de maladie non-résécable.
• Le drainage systématique augmente le risque infectieux et la mortalité postopératoire.
• Risques d'angiocholite et de pancréatite aiguë.
....
' ········································································································································· ···-···········'
'' ''
Indications de drainage biliaire
• Ictère avec l'une des situations suivantes:
angiocholite, permettant d'obtenir un prélèvement bactériologique de bile et d'adapter
!'antibiothérapie;
- bilirubine> 250 µmol/L;
- dénutrition majeure;
- maladie non-résécable ou patient inopérable;
traitement néo-adjuvant envisagé.

1..5.3. Quand faut-il effectuer une biopsie ?


• Objectif : obtenir une preuve histologique avant tout traitement et éliminer les histologies rares (TNE,
lymphome ...) ou les autres diagnostics (pancréatite chronique ...).
• Précédée d'une information du patient et d'un contrôle de coagulation.
• Indications de biopsie :
- de la tumeur pancréatique par voie percutanée (sous guidage échographique ou tomodensitométrique) :
tumeur non-résécable ou métastatique. Ne pas ponctionner une tumeur résécable chez un patient opérable.

310
- d'une métastase :
► si métastases péritonéales isolées : biopsies sous cœlioscopie;
► ponction biopsie d'une métastase hépatique, d'une adénopathie sus-claviculaire.

1.6. Diagnostic différentiel


• Évoquer les ictères rétentionnels d'autres étiologies: lithiase, pancréatite chronique, cholangiocarcinome, ampul­
lome vatérien, etc.
• Parfois difficile avec une pancréatite chronique: confronter les données cliniques, biologiques et morphologiques
et en discuter en RCP pour définir les indications de surveillance, de biopsie ou de chirurgie.
• Pancréatite chronique auto-immune (PCAI): maladie rare ( < 2 % des pancréatites chroniques). La forme pseudo­
tumorale correspond à la présence d'une ou plusieurs masses intra-pancréatiques avec possible infiltration péri­
pancréatique ressemblant à un envahissement tumoral. Y penser si :
- non-visualisation d'une longue portion ou absence de dilatation du Wirsung sur une IRM;
- peu d'altération de l'état général;
- association à d'autres maladies auto-immunes.

La classification TNM des adénocarcinomes du pancréas ne figure pas dans les objectifs de connaissance de
cet item et ces informations sont données à titre indicatif.

Classification TNM
• La classification TNM UICC 2017, 8e édition, s'applique aux carcinomes du pancréas exocrine et aux carcinomes
neuro-endocrines de haut grade. La maladie doit être confirmée histologiquement ou par cytologie.
• Adénopathies régionales
- Les ganglions lymphatiques régionaux pour les tumeurs de la tête et de l'isthme sont ceux du canal
biliaire commun, de l'artère hépatique commune, de la veine porte, pyloriques, infra-pyloriques, sous­
pyloriques, mésentériques proximaux, cœliaques, antérieurs ou postérieurs aux vaisseaux pancréatico­
duodénaux, et le long de la VMS et du bord latéral droit de l'AMS.
- Les ganglions lymphatiques régionaux pour les tumeurs du corps et de la queue sont ceux situés le
long de l'artère hépatique commune, de l'axe cœliaque, de l'artère splénique, du hile splénique, et ceux
rétro-péritonéaux et latéro-aortiques.
• Classification clinique TNM (Tableau 1)

Tableau 1. CLASSIFICATION CLINIQUE TNM


- - - --- - - - -- - - - -

-T - Tumeur primitive
--
-Tis ---- - Carcinome in situ

T1 Tumeurs 2 cm
T10 Tumeurs 0,5 cm
T1b Tumeur> 0,5 cm et :S 1 cm

---- T1e Tumeur> 1 cm ets 2 cm


T2 Tumeur> 2 cm ets 4 cm
-
T3 Tumeur> 4 cm

T4
- --- ---- -- --
Tumeur étendue à l'axe cœliaque, à l'AMS et/ou à l'artère hépatique commune

311
'
Item 308

N - Adénopathies régionales
No Pas de métastase ganglionnaire régionale

N1 Envahissement de 1 à 3 ganglions lymphatiques régionaux

N2 Envahissement" 4 ganglions lymphatiques régionaux


M - Métastases à distance
Mo Pas de métastase à distance

M1 Présence de métastases à distance

A 1.7. Principaux types histologiques des cancers pancréatiques


• Aspect macroscopique :
- Nodule mal limité, induré, scléreux.
- Le pancréas d'amont peut être le siège d'une pancréatite ou de lésions de type PanIN.
• Aspect microscopique :
- Adénocarcinome canalaire ou ductal (90 % des cas). Les cellules tumorales expriment les cytokératines 7 et
19, mais la cytokératine 20 est négative. Des emboles périnerveux et/ou un abondant stroma desmoplastique
sont caractéristiques.
Un grade histologique est établi selon la différenciation glandulaire, la production de mucus, l'index mitotique
et les atypies nucléaires. Il a une valeur pronostique.
- Carcinomes neuro-endocrines ( 1-2 % ) , développés à partir des îlots de Langerhans.

Les critères de résécabilité des cancers du pancréas ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de cet
item et ces informations sont données à titre indicatif.

1.8. Critères de résécabilité ou de non-résécabilité


1.8.1. Critères de résécabilité
• La proposition thérapeutique est faite en RCP après relecture de l'imagerie.
• La décision repose sur:
- l'état général du patient et les comorbidités;
- le dépistage oncogériatrique si score� 14 au questionnaire G8.
• Tumeur d'emblée résécable si tous les critères suivants sont réunis:
- pas de métastase à distance, ni d'hypertension portale;
- présence d'un espace graisseux entre la tumeur et l'axe cœliaque, l'artère hépatique et l'AMS;
- VMS et veine porte libres (ou atteinte courte réparable).

1.8.2. Critères de non-résécabilité


• Métastases à distance.
• Engainement ou contact avec l'AMS > 180 °, contact ou engainement du tronc cœliaque, atteinte de l'aorte.
• Thrombose de la VMS ou de la veine porte non réparable, ou associée à un cavernome portal.
• Envahissement ganglionnaire à distance (adénopathie rétro-péritonéale ou inter-aortico-cave).

312
1..8.3. Tumeur à la limite de la résécabilité
• Ce sont les tumeurs potentiellement résécables pour lesquelles l'envahissement vasculaire est limité ou réparable,
mais avec un haut risque de résection Rl =tumeur« borderline ». Les critères sont les suivants:
- pas de métastase à distance;
- contact ou engainement de l'AMS < 180° ;
- atteinte réparable de l'artère hépatique;
- atteinte unilatérale ou bilatérale de la VMS ou de la veine porte> 180° ;
- thrombose de la VMS courte et réparable.

1.9. Que faire au terme du bilan d'extension ?


• Déterminer clairement le but du traitement: curatif ou palliatif.
• La proposition thérapeutique sera établie en RCP:
- les traitements proposés sont inscrits dans un plan personnalisé de soins (PPS) remis au patient;
- l'inclusion dans un essai thérapeutique est à proposer chaque fois que possible.
• En cas de traitement palliatif:
- discuter précocement la prise en charge en binôme (oncologue médical, spécialiste de soins palliatifs);
- donner des informations sur la maladie, son évolution et le devenir en cas de non-réponse au traitement;
- proposer la rédaction de directives anticipées.

• Situation au diagnostic :
- 10 à 15 % de tumeurs d'emblée résécables.
- Environ 5 % de tumeurs à la limite de la résécabilité, nécessitant un traitement d'induction pour éviter
une résection incomplète (R1 ).
- Environ 30 % de tumeurs« localement avancées » en raison d'un envahissement vasculaire rendant la
tumeur non-résécable, du moins sans traitement d'induction.
- 50 % de maladies d'emblée métastatiques.

2. Les tumeurs neuro-endocrines du pancréas (TNE)

B 2.1. Épidémiologie
• Tumeurs rares: 1,2/100 000 habitants, en incidence croissante.
• 2-4 % des tumeurs du pancréas.
• Elles surviennent plutôt entre 30 et 60 ans.
• Elles sont associées dans 5 % des cas à des syndromes de prédisposition familiale tels que les néoplasies endo­
criniennes multiples de type 1 (NEM 1, pouvant associer TNE hypophysaires, parathyroïdiennes, duodénales,
pancréatiques, bronchiques, thymiques, gastriques, et cortico-surrénaliennes), la maladie de von Hippel-Lindau
et plus rarement la sclérose tubéreuse de Bourneville. Leur potentiel évolutif est très hautement variable.
• Certaines sécrétions tumorales (insuline, gastrine) peuvent mettre la vie en danger.

313
Item 308

A 2.2. Principaux signes cliniques des tumeurs neuro-endocrines


• À l'exception de l'insulinome (risque métastatique de 10 %), les TNE du pancréas sont malignes dans plus de
60 % des cas.
• Les TNE regroupent des entités très différentes par leur agressivité (niveau de différenciation, grade tumoral),
l'extension locale ou métastatique et les symptômes.
• On distingue des tumeurs dites fonctionnelles (25 %) s'il existe des symptômes liés à la sécrétion tumorale et
« non fonctionnelles» (75 %) en leur absence, même si la tumeur est sécrétante.
• Diagnostic tardif:
- interrogatoire et recueil des antécédents familiaux;
- symptômes peu spécifiques : amaigrissement, douleur abdominale, ictère;
- découverte fortuite, parfois à l'occasion de symptômes spécifiques liés à la production d'une hormone (par
exemple, hypoglycémie dans le cas d'un insulinome);
- à l'occasion du bilan d'une forme familiale.

Indications de consultation en oncogénétique à la recherche d'une NEM 1 :


âges; 50 ans
histoire familiale évocatrice
atteinte de 2 organes ou tumeurs duodénopancréatiques multiples
syndrome de Zollinger-Ellison
hypercalcémie ou hyperparathyroïdie

B Tableau 2. PRINCIPALES
- - ---
TNE FONCTIONNELLES DU PANCRÉAS ------ -
- -- - - - ---- �--- �-- -- -

Tumeur Incidence Présentation % Malignité

Asthénie, sueurs, tremblements, tachycardie, <10%


lnsulinome 70-80%
désorientation, crises comitiales, coma

Gastrinome (syndrome Maladie ulcéreuse sévère (hémorragie, 50-60%


20-25%
de Zollinger-Ellison) perforation), diarrhée chronique

Diarrhée sécrétoire aqueuse profuse, 80%


Vipome (syndrome de
4 °/o amaigrissement, déshydratation, douleurs
Verner-Morrison)
abdominales

Érythème nécrolytique migrateur, 80%


Glucagonome 4 O/o amaigrissement, diabète, anémie, thrombo-
embolie, diarrhée

Somatostatinome <5% Amaigrissement, lithiase vésiculaire, diarrhée 50%

ACTHome <1% Syndrome de Cushing >90%

GRFome <1% Acromégalie 30%

Hypercalcémie, douleurs osseuses >90%


PTH-like-ome <1%
(et parathyroïdes normales)

314
A 2.3. Bilan préthérapeutique
2.3.1. Marqueurs
2.3.1.1. Dosages systématiques
• Chromogranine A (CGA):
-seul marqueur biologique utile au suivi du traitement;
-glycoprotéine de la membrane des granules de sécrétion des cellules endocrines;
-sensibilité: 55 % - 80 % ;
-spécificité de 95 % pour une valeur normale autour de 85 U/L;
-nombreux faux positifs : insuffisance cardiaque ou rénale chronique, stress majeurs, NEM 1, syndrome de
Cushing, traitement par IPP ou par analogues de la somatostatine. La cause la plus fréquente de faux positif est
l'hypergastrinémie: une élévation de CGA n'est interprétable que si la gastrinémie est normale;
• Gastrine pour interpréter le résultat de la CGA ou en cas de suspicion de gastrinome;
• Calcémie ionisée et parathormone basale à la recherche d'une hyperparathyroïdie.

2.3.1.2. Autres marqueurs


• La NSE (Neurone Specific Enolase) peut être dosée en cas de tumeur peu différenciée.
• Il n'y a pas d'intérêt à doser tous les marqueurs en l'absence de symptôme spécifique:
- proinsuline et peptide C en cas d'hypoglycémie;
- VIP en cas de diarrhée profuse;
- glucagon si érythème nécrolytique migrant, etc.

2.3.2. Imagerie
• Elle repose sur :
- Le scanner TAP, examen de référence, recherche le caractère vascularisé de la tumeur (temps artériel précoce
et temps portal). Certaines tumeurs bien différenciées et très vascularisées ne sont visibles qu'à la phase
artérielle de l'injection.
- IRM hépatique : elle est plus sensible que la TDM pour diagnostiquer et cartographier des métastases
hépatiques.
- TEP-TDM au fluorodéoxyglucose:
► intérêt surtout pour les carcinomes de haut grade ou si Ki67 > 10 % ;
► moindre intérêt dans les tumeurs bien différenciées.
- TEP des récepteurs de la somatostatine (TEP DOTATOC Gallium) :
► Examen de référence pour les TNE pancréatiques bien différenciées;
► Sensibilité proche de 100 % ;
► Permet de mettre en évidence des récepteurs à la somatostatine.
- La tomographie par émission de positons à la 18 F-DOPA n'a pas d'intérêt en raison de la fixation physiologique
du pancréas. La scintigraphie au pentétréotide (OctréoScan), n'est plus utilisée.
- L'écho-endoscopie est l'examen le plus sensible pour les tumeurs de petite taille (insulinomes, gastrinomes) et
permet la réalisation de ponction-biopsie en cas de doute diagnostique. Elle est réalisée systématiquement en
cas de gastrinome, pour explorer la paroi duodénale et la tête du pancréas.
- La gastroscopie avec examen du duodénum et réalisation de biopsies fundiques (hyperplasie des cellules ECL
et TNE fundiques) est demandée en cas de suspicion de gastrinome.
- L'imagerie peut être complétée en per-opératoire par un repérage écho-guidé.

315
Item 308

• Résultats :
- tumeur solide bien délimitée, mais sans capsule;
- absence de dilatation du canal pancréatique;
- multiplicité possible (60 % des gastrinomes, moins de 10 % des insulinomes);
- hyp ervascularisation;
- malignité radiologiquement difficile à apprécier; la probabilité augmente si taille > 2 cm.

La classification TNM des TNE du pancréas ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

TNM des TNE bien différenciées


• La classification TNM UICC 2017, s• édition, s'applique aux TNE bien différenciées. Elle est proche de celle des
adénocarcinomes. La principale différence concerne les tumeurs T4, qui sont définies comme une tumeur per­
forant le péritoine viscéral (séreuse) ou envahissant d'autres organes ou des structures adjacentes. Les néo­
plasies neuro-endocrines peu différenciées sont exclues et doivent être classées comme les carcinomes du
pancréas exocrine.
• Le grading suivant s'applique à toutes les TNE digestives bien différenciées :
Grade histopathologique 2019
Grade 1
Nombre de mitoses pour 10 champs(= 2 mm') 1 Indice Kl-67 (%)
-------------- --- � - - -- ------------ --- - 1 ------�---- - - --
G1 <2 :S 3
G2 2-20 3- 20
G3 bien différenciée > 20 > 20
G3 peu différenciée > 20 > 20

• La localisation des TNE du pancréas est pancréatique sauf pour :


- l'insulinome: extra-pancréatique dans 2 % des cas;
- le gastrinome: 45 % des cas intrapancréatique, 45 % dans paroi duodénale et 10 % ailleurs.
• Microscopie : diagnostic morphologique :
- cellules néoplasiques avec des caractéristiques rappelant les cellules endocrines normales;
- disposition en îlots entourés de fins capillaires;
- le degré de différenciation doit être évalué car il a une valeur pronostique: bien différencié (80 %) versus peu
différencié (20 %).
• L'immunohistochimie est essentielle au diagnostic de certitude :
- positivité nécessaire de 2/3 marqueurs: CGA, synaptophysine, ou NCAM (CD56);
- des marqueurs spécifiques peuvent être recherchés, selon le contexte clinique ou le type de sécrétion: insuline,
gastrine, VIP, glucagon, etc.
• Évaluation de l'agressivité tumorale par l'index mitotique (nombre de mitoses/10 champs à fort grossissement)
et l'index de prolifération (Ki-67 labelling index).
• La classification OMS sépare :
- les TNE bien différenciées grade 1;
- les TNE bien différenciées grade 2;
- les TNE bien différenciées grade 3;
- les carcinomes neuro-endocrines peu différenciés grade 3.


316
• Principaux facteurs de pronostic défavorable :
- caractère peu différencié de la tumeur;
- grade histologique élevé;
- stade métastatique.

Que faire au terme du bilan d'extension ?


Les dossiers de malades doivent être discutés en RCP régionale dans le cadre du réseau national spécifique aux
TNE, RENATEN.

A 2.4. Focus sur l'insulinome


• L'insulinome représente environ 50 % des TNE du pancréas. Il est développé aux dépens des cellules bêta-
pancréatiques.
• L'incidence est estimée à 75 à 100 nouveaux cas par an en France. Il survient le plus souvent entre 30 et 50 ans.
• Tumeur unique dans 90 % des cas.
• Très majoritairement bénigne;< 10 % des insulinomes sont malins, avec une prédominance de métastases hépa­
tiques.
• Il est indispensable de localiser avec certitude la lésion sécrétant avant toute exérèse car la tumeur peut échapper
à la palpation per-opératoire.

2.4.1. Symptômes
• Le plus souvent, il est révélé par une hypoglycémie, qui peut engager le pronostic vital et s'accompagner de mani­
festations neuropsychiatriques trompeuses. Le diagnostic est généralement tardif, car les signes de l'hypoglycémie
chez l'adulte non diabétique sont polymorphes et peu typ iques.

2.4.2. Triade de Whipple


- Symptômes neuroglycopéniques;
- Glycémie< 50 mg/dL;
- Résolution immédiate suite à l'apport ou l'ingestion de glucose.
• Des manifestations d'hypoglycémie à distance des repas, à l'occasion d'une activité sportive, en fin de nuit ou
le matin à jeun, orientent vers une hypoglycémie organique. Le patient peut compenser les symptômes par une
augmentation de la consommation d'hydrates de carbone, pouvant amener une prise de poids.
• L'hypoglycémie est responsable de deux types de manifestations :
- neuroglucopénie;
- réponse adrénergique.

Neuroglucopénie Réponse adrénergique


• Coma • Sueurs froides
• État confusionnel • Pâleur
• Troubles visuels ou de la parole • Tachycardie, palpitations
• Crises comitiales • Asthénie
• Troubles du comportement • Anxiété
• Tremblements
• Paresthésies

317
Item 308

2.4.3. Examen clinique


• Interrogatoire: il recherche la prise de médicaments hyp oglycémiants ou d'auto-injections d'insuline, un alcoo­
lisme, une endocrinopathie.
• L'examen clinique est le plus souvent normal. Il doit rechercher une éventuelle hépatomégalie (métastases hépa­
tiques). La tumeur pancréatique n'est pas palpable.

2.4.4. Indications des examens de biologie devant une tumeur


du pancréas endocrine
• Glycémie: hypoglycémie à jeun ou au moment d'un malaise.
• Insulinémie généralement élevée.
• Pro-insuline: taux élevé> 5 pmol/L lors d'une hyp oglycémie.
• Dosage du peptide-C : il oriente vers un insulinome si taux > 0,6 ng/ml au moment d'une hypoglycémie. Ce
dosage permet le diagnostic différentiel avec des auto-injections d'insuline.
• L'épreuve de jeûne de 72 h est à réaliser en milieu hospitalier sous surveillance médicale stricte. Réalisation d'une
insulinémie, du dosage du peptide-C et de la pro-insuline lors d'un malaise avec hypoglycémie. Une hyp oglycé­
mie associée à une insulinémie et un peptide-C augmentés ou non freinés sont en faveur d'un insulinome.
• Recherche d'une NEM 1: voir chapitre TNE.

2.4.5. Imagerie : voir chapitre TNE.

2.4.6. Anatomo-pathologie
• Le plus souvent de petite taille< 15 mm, unique et bénin. L'insulinome peut être extra-pancréatique dans 2 % des
cas (pancréas aberrant, duodénum, antre, hile de la rate).
• Immunohistochimie : marquage de la tumeur par CGA, synaptophysine, insuline, pro-insuline. Il faut évaluer
l'index mitotique et l'indice de prolifération Ki67 comme pour les autres TNE.

2.4.7. Diagnostics différentiels


• Autres causes d'hypoglycémie: hyperinsulinisme exogène (auto-injection d'insuline), auto-anticorps anti-insuline,
alcoolisation aiguë, insuffisance rénale ou hépatique, chirurgie gastrique, insuffisances surrénalienne ou antéhypo­
physaire, hypoglycémie fonctionnelle médicamenteuse.

s 3. Diagnostic d'une tumeur kystique du pancréas

3.1. Épidémiologie descriptive et notions générales


• La découverte fortuite de lésions kystiques pancréatiques est de plus en plus fréquente depuis l'utilisation
courante de l'imagerie (scanner abdominal, IRM abdominale, écho-endoscopie pancréatique).
• Les lésions kystiques du pancréas sont pour 90 % d'entre elles des pseudo-kystes pancréatiques compliquant des
pancréatites aiguës ou chroniques.
• Les tumeurs kystiques du pancréas représentent les 10 % restants et 5 % des tumeurs du pancréas.
• La découverte fortuite de lésions kystiques pancréatiques est de plus en plus fréquente.
• Prévalence:
- 2,4 % ;
- elle augmente avec l'âge: 10 % après 70 ans.

318
• Pour le malade, c'est une situation stressante, marquée par un risque de multiplication d'examens.
• L'évaluation du risque de cancérisation est l'enjeu principal de la stratégie diagnostique. On distingue:
- des lésions sans risque de dégénérescence ou avec un risque négligeable (pseudokyste, cystadénome séreux,
kystes congénitaux, kystes rétentionnels);
- des lésions à risque de dégénérescence faible (TIPMP des canaux secondaires, tumeur endocrine kystique);
- des lésions à risque de dégénérescence élevé (cystadénome mucineux, TIPMP du canal principal). Les lésions
sécrétant de la mucine (cystadénome mucineux, TIPMP) sont les plus à risque;
- et des tumeurs kystiques dégénérées (cystadénocarcinome).
• Prise en charge diagnostique
- anamnèse: consommation d'alcool, antécédents de pancréatites aiguë ou chronique;
- examens morphologiques (TDM, IRM, écho-endoscopie).
• Diagnostic différentiel
Les pseudo-kystes pancréatiques compliquant des pancréatites aiguës ou chroniques ne dégénèrent jamais ; en
leur faveur: sexe masculin, facteurs de risque, aspect de la lésion kystique mais surtout du pancréas (parenchyme
et canaux pancréatiques).

A 3.2. Prescription raisonnée d'un examen d'imagerie


• Les examens de première intention sont le scanner thoraco-abdominal et l'IRM pancréatique, pour analyser
le parenchyme pancréatique non tumoral (atrophie, calcifications), les canaux pancréatiques, et décrire la lésion
aux phases non injectée et injectée.
• L'écho-endoscopie est indispensable sauf si les examens précédents concluent formellement à un cystadénome
séreux typique ou au diagnostic de cancer; elle permet de recueillir du matériel, à partager entre l'analyse bio­
chimique (taux d'ACE bas permet la distinction entre tumeur séreuse et autre lésion kystique, CA 19-9, lipase) et
l'analyse cytologique.

3.3. Principales tumeurs kystiques


3.3.1. Cystadénome séreux
• Atteint la femme de plus de 50 ans dans 75 % des cas.
• Symptomatique seulement s'il comprime une structure canalaire de voisinage.
• Le plus souvent unique, localisé au niveau de la tête du pancréas.
• C'est la tumeur kystique du pancréas la plus fréquente après les pseudokystes.
• Nombreux kystes millimétriques donnant un aspect loculaire, alvéolaire en nid d'abeille: lésions arrondies ou
polylobées, à paroi fine, contenant de multiples logettes. La cicatrice centrale typique, parfois calcifiée, peut être
visualisée.
• Imagerie (Figure 5) :
- Lésion siège de microkystes ( < 2 mm) d'aspect aréolaire, en nid d'abeille;
- Taille > 2 cm, calcification centrale;
- Absence de nodule endokystique ou d'épaississement des septas;
- Absence de communication avec le canal pancréatique principal.

319
Item 308

Figure S. Cystadénome séreux microkystique (flèches)

• En ce cas, la ponction est inutile et non dénuée de risque.


• L'analyse cytologique ou histologique est rarement contributive, car le liquide est pauci-cellulaire.
• Les marqueurs tumoraux sont peu élevés :
- ACE intra-kystique < 5 ng/ml;
- CA 19-9 < 120 U/ml;
- lipase intra-kystique basse.
• Le cystadénome séreux ne dégénère qu'exceptionnellement et justifie une surveillance allégée comprenant un seul
examen d'imagerie de confirmation réalisé entre 6 mois et 1 an après le diagnostic initial.

3.3.2. Cystadénome mucineux


• Il survient dans 90 % des cas chez la femme de 30-50 ans.
• Il peut se révéler par un ictère, une pancréatite ou une hémorragie digestive dans 10 % des cas.
• Le plus souvent unique, 10-30 mm, localisé au niveau du corps ou de la queue du pancréas.
• C'est une lésion uni-kystique ou oligo-kystique ( < 6 kystes) limitée par un épithélium cylindrique muco-sécrétant
reposant sur un stroma pseudo-ovarien caractéristique.
• Imagerie (Figure 6) :

320
Figure 6. Kyste mucineux non dégénéré du corps (TDM injecté; IRM en coupe coronale et T2 FS;
échoendoscopie) : lésion unique, parois fines, sans cloisons ni bourgeon endokystique (flèches)

TDM injecté IRM en coupe coronale

IRM en T2 FS Échoendoscopie lésion unique, parois fines,


sans cloisons ni bourgeon endokystique

- aspect macro-kystique unique ;


- présence de septas possible ;
- absence de communication avec le canal pancréatique principal ;
- discret hypersignal du contenu sur les séquences en pondération Tl ;
- absence de calcification ;
- absence de prise de contraste ;
- absence de bourgeon endokystique.
• L'analyse du liquide de ponction a un intérêt diagnostique, notamment lorsque ACE intra-kystique > 300 ng/ml
ou CA 19-9 > 50 000 U/ml.
• Il requiert une chirurgie d'exérèse pancréatique réglée systématique, compte tenu du risque de transformation
maligne en cystadénocarcinome.

3.3.3. TIPMP
• Il survient vers 65 ans et touche les 2 sexes.
• Ce sont des lésions fréquentes, survenant jusqu'à 2 % des adultes et plus de 10 % des personnes� 70 ans.
• 50 % des TIPMP sont de découverte fortuite lors d'une imagerie et moins d'un tiers sont révélés par une pancréa­
tite aiguë. Révélation possible par des douleurs solaires, une stéatorrhée, un diabète, voire des signes cliniques de
tumeur maligne.

321
Item 308

• C'est un état précancéreux résultant de la prolifération anormale (susceptible de dégénérescence) de l'épithélium


d'un canal pancréatique secrétant du mucus (qui obstrue la lumière des canaux biliaires générant poussées de
pancréatites et dilatations kystiques). Il peut toucher tout ou partie du système canalaire.
• L'enjeu est de savoir si le canal principal est touché, ce qui augmente le risque de dégénérescence.

Que faire face à une TIPMP?


Se poser 4 questions:
- sa localisation?
- cette TIPMP atteint-elle le canal pancréatique principal et/ou secondaire?
- existe-t-il des signes d'alarme en faveur d'une dégénérescence?
- faut-il opérer, et si oui, quel geste proposer au patient?

3.3.3.1. Imagerie
Scanographie avec injection de produit de contraste, IRM et écho-endoscopie, ponction peu contributive.
• Objectifs : mettre en évidence:
- la communication entre le kyste et un canal pancréatique;
- la présence ou non de bourgeons (= cancer);
- le caractère multiple ou multifocal de l'atteinte canalaire: caractéristique, surtout au niveau du crochet et de
la queue du pancréas;
- des calcifications, présentes dans 10 à 15 % des cas.
• Résultats d'imagerie :
- Atteinte du canal pancréatique principal (Figure 7) :
► dilatation du canal de Wirsung > 3 mm, pathognomonique si > 15 mm, augmentant vers la papille
(accumulation du mucus dans le sens du flux);
► sans image de sténose;
► atteinte diffuse ou segmentaire;
► atrophie parenchymateuse dans 1/3 des cas.

Figure 7. IRM d'une TIPMP: dilatation du canal principal> 1 cm (flèches)

- Atteinte des canaux secondaires (Figure 8):


► lésion d'allure kystique;
► caractère communiquant avec le canal pancréatique principal (l'IRM est l'examen de référence);
► uni ou multiloculé séparé par de fins septa prenant un aspect en grappe de raisin.

322
Figure 8. IRM d'une TIPMP : dilatations des canaux secondaires de la tête (flèches)

- Au total:
► atteinte isolée du canal principal rare ;
► atteinte des canaux secondaires : 30 % des cas ;
► atteintes du canal principal et des canaux secondaires : > 2/3 des cas.
• L'endoscopie visualise une béance papillaire avec écoulement pathognomonique de mucus.
• L'écho-endoscopie confirme la communication entre les canaux secondaires ectasiques et le canal de Wirsung.
Elle recherche des nodules muraux (dégénérescence) et fait le diagnostic différentiel avec des bouchons de mucus.

3.3.3.2. Diagnostic différentiel


• En cas d'atteinte du canal principal, le diagnostic différentiel en imagerie se fait avec l'adénocarcinome et la pan­
créatite chronique.
• En cas d'atteinte des canaux secondaires, le diagnostic différentiel se pose avec un cystadénome séreux ou muci­
neux, mais surtout avec un pseudo-kyste.

3.3.3.3. Diagnostic de malignité


• Envahissement du parenchyme pancréatique.
• Présence d'un bourgeon tissulaire endocanalaire ou d'un nodule mural (carcinome in situ).
• Prise de contraste de la paroi du canal pancréatique principal.
• Envahissement vasculaire veineux de contiguïté.
• Infiltration de la graisse péri-pancréatique, atteinte ganglionnaire.

3.3.3.4. Conduite à tenir


• L'atteinte du canal principal (dilatation> 1 cm)) amène un risque de dégénérescence à 5 ans de 50 %, d'où une
indication opératoire formelle.
• En cas d'atteinte isolée des canaux secondaires, le risque de dégénérescence à 5 ans est de 5 à 15 %.

323
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 308:
« TUMEURS DU PANCRÉAS»

Situation de départ 1 Descriptif


En lien avec la prévention
314. Prévention des risques liés au tabac Le tabagisme est le premier facteur étiologique. Le surpoids
et l'obésité expliquent en grande partie l'augmentation
313. Prévention des risques liés à l'alcool
d'incidence du cancer du pancréas dans les pays à haut niveau de
319 . Prévention du surpoids et de l'obésité développement. L'alcool est un facteur de risque important via la
303. Prévention/ dépistage des cancers de pancréatite chronique. Les formes familiales doivent faire l'objet
l'adulte d'un dépistage et d'une surveillance lorsqu'une mutation délétère
est découverte.
En lien avec le diagnostic de cancer du pancréas
Signes cliniques
17. Amaigrissement Un ictère nu avec amaigrissement est très évocateur du
4. Douleurs abdominales diagnostic de cancer du pancréas et impose la réalisation rapide
d'un scanner thoraco-abdomino-pelvien. Une dépression doit
47. Ictère systématiquement être recherchée au diagnostic et en cours
13. Vomissements d'évolution, compte tenu de son incidence élevée.
2. Diarrhée
Piège à éviter, celui qui serait de poser rapidement sans
8. Masse abdominale concertation une prothèse biliaire en cas d'ictère : une prothèse
123. Humeur triste/douleur morale biliaire n'est mise en place qu'après une imagerie complète et de
qualité. L'indication de drainage biliaire doit être posée en RCP en
présence de chirurgiens spécialisés.
Signes généraux et/ou en rapport avec une extension métastatique
30. Dénutrition 50% des cancers du pancréas exocrine sont métastatiques au
35. Douleurs chroniques diagnostic, avec surtout des métastases hépatiques, péritonéales,
et ganglionnaires.
16. Adénopathie(s) unique ou multiples
21. Asthénie
En lien avec le bilan diagnostique du cancer du pancréas
178. Demande/prescription raisonnée et choix Les marqueurs tumoraux sanguins ne sont d'aucune utilité pour le

-
d'un examen diagnostique dépistage. Le CA 19.9 est le moins mauvais marqueur diagnostique
et pronostique.
231. Demande d'un examen d'imagerie Le scanner thoraco-abdominopelvien est effectué en première
-- intention. Le TEP-TDM ne se demande jamais en 1ère intention.
198. Cholestase Le diagnostic de cholestase repose sur l'augmentation des
phosphatases alcalines qui constitue l'élément clé du diagnostic
de cholestase. L'augmentation de la bilirubine conjuguée,
responsable de l'ictère, évoque une obstruction biliaire.
Cliniquement, la présence d'une grosse vésicule évoque un cancer
- - - -- de laJ_ête du Pjncréas. - -- - -
224. Découverte d'une anomalie abdominale à Pour un examen du pancréas par scanographie, les critères
l'examen d'imagerie médicale qualité (3 temps, sans injection, artériel et portal, coupes fines,
injection d'iode) ont une importance majeure pour la performance
diagnostique, d'où l'importance de renseigner la demande de
scanner en indiquant la suspicion clinique de cancer du pancréas.
Piège : il ne faut pas biopsier une tumeur résécable chez un
patient opérable. C'est une perte de temps inutile et un risque
-- --- - - potentiel. - -- -----

324
-

325
Item 309

,
u_ m
_ e
_ _u_ s
r _ d
_ _ u_p o _
_ u m
_ _ on
_ _
(HAPITRE�_T ______

I" pr imitives e t secondaires

Pr Jean Trédaniel', Pr Philippe Giraud2


'Unité de cancérologie thoracique, Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris
'Service d'oncologie - radiothérapie, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris

OBJECTIFS: N ° 309. TUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES


-+ Eléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur du poumon primitive et secondaire.

1. Epidémiologie 3.4. Connaître les principales investigations à visée


1.1. Epidémiologie descriptive diagnostique d'un cancer bronchique
1.2. Connaître les principaux facteurs de risque professionnels 4. Connaître les examens d'imagerie et leurs indications dans
et environnementaux l'exploration d'une tumeur primitive du poumon
2. Principaux types histologiques des cancers broncho­ (bilan pré-thérapeutique)
pulmonaires 4.1. Bilan d'extension loco-régionale
2.1. Classification anatomo-pathologique 4.2. Bilan d'extension métastatique
2.2. Sous-types moléculaires 4.3. Bilan général
3. Connaître la démarche diagnostique devant une tumeur 5. Particularités du cancer bronchique à petites cellules
du poumon 6. Connaître les principes de la prise en charge d'une tumeur
3.1. Connaître les circonstances de découverte et les primitive ou secondaire
manifestations cliniques des tumeurs du poumon 6.1. Cancers bronchiques non à petites cellules
(y compris syndromes paranéoplasiques) 6.2. Cancers bronchiques à petites cellules
3.2. Examen clinique 7. Principes de la surveillance
3.3. Bilan biologique 8. Tumeurs secondaires du poumon

Rang' Rubrique - --
- - -- -- --- - - - -
Intitulé
- - - - -- --- --
B Définition Principaux types histologiques des cancers broncho-pulmonaires
B Prévalence, épidémiologie Epidémiologie descriptive
A Etiologie Connaître les principaux facteurs de risque professionnels et environnementaux
A Diagnostic positif Connaître les circonstances de découverte et les manifestations cliniques des
tumeurs du poumon (y compris syndromes paranéoplasiques)
A Diagnostic positif Connaître la démarche diagnostique devant une tumeur du poumon
B Définition Particularités du cancer à petites cellules
B Examens complémentaires Connaître les examens d'imagerie et leurs indications dans l'exploration d'une
tumeur primitive du poumon
A ½ Contenu multimédia Exemple de radiographie de face d'un adénocarcinome pulmonaire

B
Exemple de TDM thoracique en fenêtre parenchymateuse d'une tumeur
� Contenu multimédia
primitive du poumon
A Examens complémentaires Connaître les principales investigations à visée diagnostique d'un cancer
bronchique
A Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge d'une tumeur primitive ou
secondaire

326
• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

• Le cancer du poumon, ou cancer bronchique primitif, est la première cause de mortalité par cancer en France, en
Europe et dans le monde.
• Le tabagisme est le principal facteur de risque, mais des cancers bronchiques surviennent en nombre croissant
chez des non-fumeurs.
• On sépare les cancers bronchiques en cancers non à petites cellules, les plus fréquents, et en cancers à petites
cellules dont les stratégies thérapeutiques diffèrent.
• L'obtention du type microscopique précis est indispensable au choix du traitement; la recherche de mutations
conductrices, relevant de traitements spécifiques, est obligatoire en cas d'adénocarcinome métastatique. L'évalua­
tion du marquage PDL-1 est également indispensable pour guider une éventuelle immunothérapie.
• 40 % des cancers du poumon sont localisés au thorax au diagnostic et relèvent d'une stratégie à visée curatrice, par
chirurgie ou association chimio-radiothérapie concomitante.
• 60 % des cancers du poumon sont métastatiques au diagnostic.
• Il est indispensable d'encourager et d'accompagner le sevrage tabagique en prévention primaire.
• La poursuite du tabagisme, après traitement, majore le risque de complications des traitements, augmente le
risque de second cancer et diminue la survie.
• Le poumon est un site privilégié pour la dissémination métastatique de nombreux cancers. Les stratégies diagnos­
tiques et thérapeutiques dépendent du tableau clinique et de la localisation du cancer primitif.

s Epidémiologie
;

1.

1.1. Epidémiologie descriptive

• En 2018, le cancer du poumon était le premier cancer diagnostiqué dans le monde.


Il y a eu 2,1 million de nouveaux cas de cancer du poumon en 2018 (11,6 % de tous les cas) et 1,8 million de
décès (18 % du total de la mortalité par cancer).
• 46 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués en France en 2018, plaçant le cancer du poumon au 3• rang
des cancers incidents (derrière les cancers du sein et de la prostate). Il a été responsable de 33 000 décès, au
premier rang de la mortalité par cancer.

• Il représente 12 % des cas incidents et 20 % de la mortalité par cancer (25 % chez l'homme, 15 % chez la femme).
• C'est encore une maladie majoritairement masculine (67 % des cas incidents et 69 % des décès surviennent chez
l'homme) mais la proportion de femmes atteintes augmente régulièrement, alors que la tendance est à la stabilité
de l'incidence et à la diminution de la mortalité chez l'homme (Figure 1).
• D'une façon générale, l'incidence du cancer bronchique est élevée dans les pays à forte consommation taba­
gique alors que, au contraire, elle décroit dans les pays où les campagnes anti-tabac ont été instituées précocement
(États-Unis, Grande-Bretagne). L'augmentation de l'incidence et de la mortalité est particulièrement marquée
dans les pays émergents où l'épidémie tabagique s'est installée récemment (par exemple, plus d'un tiers des cas
incidents est survenu en 2012 en Chine).
• En France, l'âge médian au diagnostic était, en 2018, de 67 ans chez l'homme et 65 ans chez la femme. L'intro­
duction des nouveaux traitements (thérapies ciblées, notamment) se traduit (enfin) par une amélioration de la
survie, déjà démontrée pour les cancers non à petites cellules : la survie à 2 ans est passée, chez l'homme, de 26 %
à 35 % de 2001 à 2014 et, chez la femme, de 35 % à 44 %. L'effet indéniable de l'immunothérapie n'est pas encore
mesuré. Cette amélioration de la survie se traduit par une augmentation de la prévalence.

327
Item 309

• L'initiation précoce du tabagisme (qui provoque des cancers chez des malades jeunes) associée à la prise en
charge de sujets âgés a entraîné un étalement important de la pyramide des âges des patients traités.

Figure 1. Évolution de l'incidence et de la mortalité (taux standardisé monde)


par cancer du poumon selon le sexe, en France, 1980-2018.

60

50

40

30

20

10

0
1980 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2018
-Mortalité hommes -Incidence femmes -Mortalité femmes
-incidence hommes

A 1.2. Principaux facteurs de risque professionnels et environnementaux


1.2.1. Le tabagisme

Le tabagisme est la principale cause des cancers du poumon. La fraction des décès par cancer du poumon
attribuable au tabagisme était, en France en 2015, de 88 % chez l'homme et 67 % chez la femme.

• La fumée de tabac contient plus de 7000 composants chimiques dont plus de 60 sont reconnus comme can­
cérigènes (notamment les hydrocarbures polycycliques aromatiques, dont le benzo(a)pyrène, les nitrosamines
spécifiques de la fumée de tabac, le benzène, le formaldéhyde et des composés radioactifs, comme le polonium).
Ces composants de la fumée de tabac contribuent à la carcinogenèse par de multiples voies, incluant la liaison à
l'ADN et la survenue de mutations, l'inflammation, le stress oxydatif, la survenue de modifications épigénétiques.
• C'est la combustion du tabac et l'inhalation de la fumée, rendue possible grâce à l'introduction au _xxe siècle des
cigarettes manufacturées, qui est responsable de l'épidémie de cancers du poumon.
• Le risque relatif de cancer du poumon associé au tabagisme est considérable, évalué selon les études entre 10
et 20, par rapport au risque du non-fumeur (qui est défini comme ayant fumé moins de 100 cigarettes au cours
de la vie), par convention égal à 1 (or, passer d'un risque relatif de 1 à 2 signifie augmenter le risque de 100 %). Le
risque augmente de façon linéaire avec la consommation quotidienne (ou cumulée, exprimée en paquets-années)
mais surtout de façon exponentielle avec la durée du tabagisme (Figure 2); de ce fait, même une consommation
quotidienne « faible », mais étalée sur une longue durée, expose le fumeur au risque de cancer du poumon. Il n'y
a pas de seuil de consommation en dessous duquel le tabagisme serait sans risque.
• Le sevrage tabagique est bénéfique à tout âge mais le risque ne revient jamais au niveau de celui des non-fumeurs.

328
Figure 2. Les déterminants du risque de cancer bronchique associé au tabagisme.
A: la consommation quotidienne ou cumulée, B: la durée d'exposition au risque

RR RR

0 10 15 20 20 30 40 50 60 70

A: Cigarettes par jour B : Âge (années)

Le rôle cancérigène du tabagisme involontaire, ou tabagisme passif, est reconnu dans la survenue de
cancers du poumon chez les non-fumeurs. L'exposition passive à la fumée de tabac augmente le risque de
cancer du poumon d'environ 25 % (risque relatif= 1,25). Le tabagisme passif serait responsable d'environ 25 %
des cancers du poumon du non-fumeur.

1.2.2. Expositions professionnelles

Globalement, on estime - sans préjuger de la consommation tabagique des malades - que 10 % des cancers
du poumon chez l'homme et 5 % chez la femme seraient attribuables à une exposition à un ou plusieurs
parmi 8 produits cancérigènes (amiante, arsenic, béryllium, cadmium, chrome hexavalent, composés du
nickel, silice cristalline et fumées diesel).

• En France, l'estimation est de 11 % des cancers de l'homme et 4 % des cancers de la femme qui seraient d'ori­
gine professionnelle (quel que soit par ailleurs le tabagisme des malades).
• La participation de ces expositions professionnelles (qui donnent droit à réparation au titre des maladies
professionnelles) est sous-estimée, notamment du fait du rôle confondant du tabagisme souvent associé. Elle
justifie un interrogatoire professionnel systématique lors du diagnostic de tout cancer bronchique.

1.2.3. Expositions environnementales


1.2.3.1. Le radon
• Le radon est un gaz radioactif, invisible, sans odeur et sans goût, qui se propage des roches et du sol. Il est en cause
dans 5 à 10 % des cas de cancer du poumon.

1.2.3.2. La pollution atmosphérique


• La pollution de l'air est un mélange complexe de gaz (SO2, N02, NOx, 03) et de fines particules (PM), qui sont
particulièrement émises par les véhicules diesel. Son rôle cancérigène pour le poumon est désormais reconnu.

329
Item 309 '

1..2.4. Facteurs diététiques


• Les fumeurs adoptent généralement des habitudes diététiques favorisant le cancer du poumon (faible consomma­
tion de fruits et légumes, forte consommation de viande).

1..2.5. Facteurs de risque personnels


• Le risque de cancer bronchique est accru en cas de lien de parenté au premier degré avec un malade.
• Il est également augmenté chez les sujets ayant déjà une maladie ou un antécédent de maladie respiratoire (bron­
chopneumopathie chronique obstructive - BPCO, emphysème, pneumonie, tuberculose).
• L'activité physique régulière diminue le risque de cancer bronchique.
• Le surpoids est inversement associé au risque de cancer bronchique.

1..2.6. Susceptibilité génétique


• Les études génétiques ont identifié des loci de susceptibilité au cancer du poumon en 15q, Sp et 6p.

B 2. Principaux types histologiques des cancers


broncho-pulmonaires

2.1. Classification anatomo-pathologique


2.1..1.. Considérations générales

Les cancers du poumon sont séparés en cancers bronchiques non à petites cellules (qui représentent 85 % des
cas) et cancers bronchiques (neuro-endocrines) à petites cellules (15 %).

• Les cancers bronchiques non à petites cellules doivent eux-mêmes être distingués entre adénocarcinomes
(50 % de la totalité des cancers) et cancers épidermoïdes (25 %). Cette distinction a une importance prédictive
de la réponse au traitement (le pémétrexed est contre-indiqué dans les cancers épidermoïdes ; les mutations de
l'EGFR et les translocations ALK sont plus fréquentes dans les adénocarcinomes) et de sa toxicité (le bévacizumab
est contre-indiqué dans les tumeurs épidermoïdes).
• L'appellation carcinome à grandes cellules doit être réservée aux pièces opératoires où la tumeur est suffi­
samment échantillonnée pour exclure toute différentiation (en adénocarcinome ou épidermoïde) ; dans le cas
des prélèvements biopsiques, c'est l'acronyme NSCLC-NOS (non small cell lung cancer - not otherwise specified)
qui doit être employé.
• L'immunohistochimie permet le plus souvent, associée à l'aspect morphologique, la distinction entre adé­
nocarcinome et épidermoïde. Le marquage de la tumeur par le TTFl signe l'adénocarcinome bronchique; le
marquage par p40 (les marqueurs p63 et cytokératine 5/6 sont moins spécifiques) signe le cancer épidermoïde.

En l'absence de signature morphologique conventionnelle, une tumeur positive pour TTFl et négative pour
p40, est classée comme cancer bronchique non à petites cellules, en faveur d'un adénocarcinome; une tumeur
positive pour p40 et négative pourTTFl, est classée comme cancer bronchique non à petites cellules, en faveur
d'un carcinome épidermoïde. Lorsque tous les marqueurs sont positifs, le cancer est dit adénosquameux.
Lorsque tous les marqueurs sont négatifs, la tumeur est considérée comme un carcinome à grandes cellules.

• La recherche par immunohistochimie de l'expression de PD L-1 (programmed death ligand 1) sur les cellules
tumorales doit être systématique pour tous les cancers non à petites cellules (épidermoïdes et adénocarci­
nomes) de stade avancé ou métastatique.
330
2.1.2. Adénocarcinome
• La plupart des adénocarcinomes sont diagnostiqués en périphérie du poumon (ils sont donc souvent inacces­
sibles à l'exploration par fibroscopie bronchique et leur diagnostic repose sur la ponction sous scanner).
• La classification des adénocarcinomes sépare des lésions pré-invasives, avec invasion minime et invasives
(Tableau 1).
Tableau 1. CLASSIFICATION DES ADÉNOCARCINOMES - - - -

• Lésions pré-invasives
- Hyperplasie adénomateuse atypique
-Adénocarcinome in situ (AIS::; 3 cm)
► Non mucineux
► Mucineux

• Adénocarcinome avec invasion minime (AIM::; 3 cm): tumeur à prédominance lépidique mais présentant une zone
invasive::; 5 mm

• Adénocarcinome invasif
-À prédominance lépidique
-À prédominance acinaire
-À prédominance papillaire
-À prédominance micro-papillaire
-À prédominance solide

• L'adénocarcinome in situ mesure moins de 3 cm dans son grand axe et a une croissance purement lépidique (le
long des parois alvéolaires), donnant au scanner une image en verre dépoli pur (Figure 3). Plusieurs adénocarci­
nomes in situ sont souvent reconnus de façon synchrone ou métachrone.

Figure 3. Adénocarcinome in situ (plage en verre dépoli du culmen, < 3 cm)

• L'adénocarcinome avec invasion minime présente le même aspect en verre dépoli de moins de 3 cm de grand
axe mais contient un composant solide de moins de 5 mm (Figure 4).
• Un adénocarcinome est invasif dès qu'existe au moins une zone solide de plus de 5 mm. Il doit être classé selon
son sous-type prédominant : lépidique, acinaire, papillaire, micro-papillaire ou solide prédominant. Plusieurs
sous-types sont habituellement présents dans la même tumeur et leur proportion respective doit être indiquée
dans le compte-rendu; ceci doit permettre, en cas de tumeurs multiples synchrones ou métachrones, de distin­
guer des carcinomes indépendants les uns des autres par rapport à des métastases d'un cancer primitif unique.

331
Item 309

• Il existe une corrélation entre le sous-type de l'adénocarcinome et la survie marquée par des catégories de pro­
nostic favorable (carcinome in situ, avec invasion minime ou lépidique prédominant), intermédiaire (acinaire,
papillaire) ou plus péjoratif (micro-papillaire et solide).
• Le marquage par les cytokératines 7 et 20 peut parfois aider à la distinction entre un adénocarcinome bron­
chique primitif (CK7+, CK20-) ou métastatique d'une tumeur digestive (CK7-, CK20+).

Figure 4. Adénocarcinome avec invasion minime (zone invasive - solide - de moins de 5 mm,
au sein d'une plage en verre dépoli< 3 cm)

2.1.3. Carcinome épidermoïde


• Ils sont le plus souvent situés en zone centrale, dans les grosses bronches et accessibles à la fibroscopie bronchique.
• La différenciation épidermoïde se traduit morphologiquement par des ponts inter cellulaires et des foyers de
kératinisation (avec parfois l'aspect de globes cornés).

2.1.4. Tumeurs neuro-endocrines


2.1.4.1. Cancer bronchique (neuro-endocrine) à petites cellules
• Il s'agit de tumeurs habituellement proximales, mal limitées, à forte potentialité invasive et dont l'extension
loco-régionale (lymphatique, ganglionnaire et vasculaire) est précoce. La diffusion métastatique est également
précoce et quasi-constante (70-75 %) lors du diagnostic initial.
• Histologiquement, il s'agit de tumeurs neuro-endocrines (présence de granules neurosécrétoires intracytoplas­
miques en microscopie électronique). Les zones de nécrose sont étendues.
• En immunohistochimie, 3 marquages signant la nature neuro-endocrine sont recherchés: CD56 (ou N-CAM),
chromogranine A et synaptophysine.
• La majorité des cancers à petites cellules expriment également TTFl.
• L'index mitotique est élevé (au minimum, 10 mitoses/ 2 mm2, en moyenne supérieur à 60 mitoses/ 2 mm2 ).
• L'index de prolifération, évalué par le marquage immunohistochimique de l'antigène Ki-67, est également élevé,
en moyenne ;::: 80 %.
• Une différenciation neuro-endocrine peut être reconnue par immunohistochimie dans 5 à 10 % des carcinomes
bronchiques non à petites cellules qui ne présentent pas de morphologie neuro-endocrine ; leur signification
clinique et thérapeutique n'est pas établie (et la recherche des marqueurs neuro-endocrines en l'absence de mor­
phologie concordante doit être évitée).

332
2.1.4.2. Carcinome bronchique neuro-endocrine à grandes cellules

Ce sont des tumeurs rares (1 à 2 % des cancers du poumon).

• Ils ont une morphologie neuro-endocrine mais des caractéristiques cytologiques de cancer non à petites cel­
lules (cellules de grande taille, cytoplasme abondant). Ils expriment en immunohistochimie les marqueurs neuro­
endocrines. Les zones de nécrose sont étendues.
• L'index mitotique est élevé (au minimum, 10 mitoses/2 mm2 , en moyenne supérieur à 60 mitoses/ 2 mm2 ).
• L'index de prolifération, évalué par le marquage immunohistochimique de l'antigène Ki-67, est également élevé,
le plus souvent entre 40 et 80 %.

Ils partagent avec les cancers à petites cellules la plupart de leurs caractéristiques biologiques et évolutives
agressives et sont généralement traités comme eux.

2.1.4.3. Tumeurs carcinoïdes

Elles représentent moins de 1 % des tumeurs bronchiques et ne sont pas associées au tabagisme.

• On distingue :
- les tumeurs carcinoïdes typiques qui ont moins de 2 mitoses/ 2 mm2 et pas de nécrose. Elles mesurent plus
des mm;
- les tumeurs carcinoïdes atypiques qui ont de 2 à 10 mitoses/ 2 mm2 et / ou des foyers de nécrose.
• Il n'y a pas de continuum évolutif entre les différentes tumeurs neuro-endocrines (les tumeurs carcinoïdes ne
sont pas les précurseurs des tumeurs neuro-endocrines de haut grade de malignité, carcinomes bronchiques à
petites cellules et carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules).

2.2. Sous-types moléculaires


• Les cancers du poumon sont classés de façon croissante selon les anomalies génétiques dont ils sont porteurs
et dont certaines peuvent conduire ( « driver mutation ») et maintenir la cancérogenèse. Ce typage moléculaire se
modifie rapidement avec l'évolution des connaissances.
• Tous les cancers bronchiques non à petites cellules, non épidermoïdes (c'est-à-dire une majorité d'adéno­
carcinomes), métastatiques, doivent faire l'objet d'une recherche génétique qui comprend, au minimum, la
recherche de mutation ou de translocation de EGFR, ALK, ROSI, K-RAS, B-RAF, HER2; PIK3CA et MET sont
régulièrement ajoutés. L'analyse complète du génome et l'évaluation de la charge mutationnelle sont effectuées de
façon croissante par la technique de NGS ( « next generation sequencing »).
• Une mutation de l'EGFR est présente dans 12 % des adénocarcinomes, une translocation de ALK dans 5 % et
appellent respectivement un traitement par un inhibiteur de la tyrosine kinase de l'EGFR ou de ALK. Les muta­
tions de K-RAS, retrouvées dans 30 % des cas, sont mutuellement exclusives avec les précédentes.
• Dans le cas des cancers survenant chez les non fumeurs, une mutation de l'EGFR est retrouvée dans 44 % des
cas et une translocation de ALK dans 14 % (Figure 5).
• La recherche des mutations peut être demandée dans le cas, rare, d'un cancer épidermoïde survenant chez un
non fumeur.

333
Item 309

Figure S. Répartition(%) des mutations conductrices dans les adénocarcinomes métastatiques

Tous adénocarcinomes Jamais fumeurs

■ EGFR ■ ALK ■ EGFR ■ ALK


■ KRAS • BRAF ■ KRAS ■ BRAF
■ HER2 • PIK3CA ■ HER2 ■ PIK3CA
■ Inconnu • Aucune mutation • Inconnu • Aucune mutation

A 3. Démarche diagnostique devant une tumeur du poumon

• Le bilan doit être entrepris sans délai.


• Il est recommandé de rechercher d'éventuels documents radiologiques antérieurs.
• L'absence de facteur de risque n'exclut pas le diagnostic et ne doit pas retarder le bilan.
• Le cas échéant, c'est l'occasion d'évaluer la dépendance au tabagisme et d'encourager le sevrage.

3.1. Circonstances de découverte et manifestations cliniques


des tumeurs du poumon (y compris syndromes paranéoplasiques)
• Tout symptôme récent et persistant doit attirer l'attention notamment chez un sujet à risque (fumeur ou ex
fumeur). Aucun n'est spécifique. Il peut s'agir (Tableau 2):

3.1..1.. De signes et symptômes respiratoires


• Toux d'apparition récente, souvent négligée, ou modification d'une toux ancienne.
• Hémoptysie, généralement de faible abondance.
• Dyspnée récente ou d'aggravation récente chez un sujet souffrant d'une BPCO.
• Expectoration purulente (due à une infection en aval d'une sténose ou à une nécrose tumorale).
• Pneumopathie aiguë, abcès du poumon, parfois récidivants dans un même territoire.

334
Tableau 2. CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE D'UN CANCER DU POUMON
Symptômes respiratoires • Toux
• Hémoptysie
• Dyspnée
• Expectoration purulente
• Pneumopathie aiguë

Extension loco-régionale • Pleurésie


• Douleur thoracique
• Syndrome médiastinal
• Syndrome de Pancoast-Tobias

Extension métastatique • Osseuse, cérébrale, hépatique, cutanée...

Signes généraux • Asthénie, anorexie, amaigrissement


• Fièvre
• Manifestation thrombo-embolique

Syndrome paranéoplasique • Évocateurs d'un cancer non à petites cellules


-Hippocratisme digital/ OAHP
-Hypercalcémie
-Dermato-polymyosite
• Évocateurs d'un cancer à petites cellules
-SIADH
-Syndrome de Cushing
- Syndromes neurologiques
- Gynécomastie
• Syndromes hématologiques

Découverte fortuite et dépistage

3.1.2. De signes en rapport avec une extension loco-régionale


• Épanchement pleural liquidien séro-fibrineux ou séro-hémorragique, parfois réactionnel à une atélectasie ou à
une pneumopathie infectieuse, souvent secondaire à l'envahissement de la plèvre viscérale; la présence de cellules
néoplasiques dans le liquide ou à la biopsie pleurale affirme le caractère néoplasique.
• Douleur thoracique par atteinte pleurale ou pariétale.
• Syndrome médiastinal lié à la compression ou à l'envahissement des organes du médiastin:
- syndrome cave supérieur (circulation veineuse collatérale thoracique, comblement des creux sus-claviculaires
et œdème en pèlerine, turgescence jugulaire, cyanose) en rapport avec l'engainement néoplasique ou la
compression de la veine cave supérieure ;
- dysphonie par compression du nerf récurrent gauche ;
- dysphagie par compression œsophagienne ;
- hoquet ou paralysie phrénique;
- péricardite avec tamponnade ou arythmie récente.
• Syndrome de Pancoast-Tobias, spécifique des tumeurs de l'apex, associant des douleurs thoraco-scapulaires
par lyse des deux premiers arcs costaux, une névralgie cervico-brachiale C8-Dl (par envahissement du plexus
brachial), un syndrome de Claude Bernard-Homer (ptosis, myosis, énophtalmie) homolatéral. Le diagnostic est
tardif car la douleur est souvent attribuée à une hernie discale cervicale ou une périarthrite scapulo-humérale ;
aussi, toute douleur persistante de l'épaule chez un fumeur doit conduire à la réalisation d'un bilan thoracique,
comprenant un scanner car les images de l'apex sont souvent peu visibles sur les clichés thoraciques standard.

335
Item 309

Tous les signes en rapport avec une extension loco-régionale éliminent d'emblée un recours chirurgical, à
l'exception parfois de l'envahissement pariétal.

3.1.3. De signes en rapport avec une extension métastatique


• Osseuse (douleurs, fracture spontanée, tassement vertébral, hypercalcémie).
• Neurologique (céphalée, crise comitiale, déficit moteur, signes d'hypertension intracrânienne, compression
médullaire, syndrome de la queue de cheval).
• Hépatique (hépatalgies, hépatomégalie douloureuse, perturbation du bilan biologique).
• Plus rarement ganglionnaire (adénopathie superficielle), cutanée (nodules sous-cutanés), péritonéale (douleurs
abdominales, troubles du transit), méningée (le tableau neurologique s'aggrave rapidement et n'est pas concor­
dant avec une localisation spécifique).
• Les métastases surrénaliennes, également fréquentes, sont habituellement asymptomatiques.

3.1.4. De signes généraux


• Asthénie.
• Anorexie.
• Amaigrissement inexpliqué.
• Fièvre (habituellement peu élevée, sans signe infectieux caractérisé et répondant aux anti-inflammatoires non
stéroïdiens).
• Manifestations thrombo-emboliques souvent extensives et/ou de localisation inhabituelle, survenant sans cir­
constance favorisante et résistant parfois au traitement anticoagulant.

3.1.5. D'un syndrome paranéoplasique

Ils peuvent précéder l'apparition radio-clinique du cancer et doivent inciter à ne pas relâcher la surveillance
chez les patients à risque. Ils peuvent évoluer ensuite pour leur propre compte indépendamment du cancer
primitif.

• Certains se rencontrent plus fréquemment dans les cancers bronchiques non à petites cellules :
- Hippocratisme digital d'apparition récente ou, plus rarement, tableau complet de l'ostéoarthropathie
hypertrophiante pneumique - OAHP - associant un hippocratisme digital, des douleurs des articulations
des membres (prédominant sur les segments distaux) et radiologiquement une périostose engainante à ne pas
confondre avec des métastases osseuses (liseré radio-opaque doublant la corticale osseuse au niveau des os
longs) ;
- Hypercalcémie le plus souvent secondaire à une lyse osseuse métastatique, plus rarement par production
tumorale d'un peptide PTH-like, parfois symptomatique (nausées, douleurs abdominales, polyurie, syndrome
confusionnel) ;
- Dermato-polymyosite.
• D'autres sont plus évocateurs du cancer bronchique à petites cellules:
- Syndrome de sécrétion inappropriée de l'hormone anti-diurétique - SIADH - (ou syndrome de Schwartz­
Bartter: hyponatrémie avec natriurèse conservée) ;
- Syndrome de Cushing (plus souvent biologique que clinique) ;
- Syndromes neurologiques auto-immuns: pseudo-myasthénie de Lambert-Eaton, neuropathie périphérique
sensitivo-motrice, polyoencéphalomyélite subaiguë du syndrome anti-Hu avec dégénérescence cérébelleuse et
neuropathie périphérique, etc. ;
- Gynécomastie.
336
• Les syndromes hématologiques s'observent quelquesoit le type histologique du cancer bronchique : anémie,
hyperleucocytose, thrombocytose, état d'hypercoagulabilité.

3.1.6. Découverte fortuite et dépistage


• Certains cancers bronchiques, notamment les tumeurs périphériques, sont parfois détectés lors d'un examen
d'imagerie effectué à l'occasion d'une autre pathologie.
• Le dépistage du cancer du poumon n'est pas recommandé en France(et ne devrait être effectué que dans le cadre
d'essais cliniques). Dans tous les cas, il est admis qu'il ne doit pas être fait par la radiographie thoracique mais par
la réalisation d'un scanner à faible débit de dose d'irradiation(« scanner low-dose » ), et sans injection de produit
de contraste, chez des sujets à risque(âgés de 55 à 74 ans, ayant fumé au moins 30 paquets-années, éventuellement
sevrés mais depuis moins de 15 ans et s'engageant, s'ils sont toujours fumeurs, à entamer un sevrage tabagique).

3.2. Examen clinique


• En fonction des signes d'appel, il s'attachera à rechercher:
- des anomalies thoraciques et notamment des symptômes pouvant témoigner d'une atteinte pleurale(matité,
abolition des vibrations vocales et du murmure vésiculaire) ou d'un envahissement médiastinal (circulation
veineuse collatérale);
- des adénopathies sus-claviculaires;
- certains symptômes pouvant témoigner d'une atteinte métastatique: hépatomégalie nodulaire, douleur osseuse
à la pression, déficit neurologique;
- des symptômes en rapport avec un syndrome paranéoplasique : hippocratisme digital, gynécomastie.
• Il appréciera en outre l'importance de l'amaigrissement(qui sera chiffré par rapport au poids de base) et le
niveau d'altération de l'état général à partir de l'indice d'activité ou« performance status »(grade OMS).

3.3. Bilan biologique

• Il comprend au minimum :
- un bilan de la fonction rénale pour permettre l'injection de produit de contraste;
- un bilan d'hémostase (NFS-plaquettes, TP-TCA) pour permettre les prélèvements biopsiques;
aucun dosage des marqueurs tumoraux n'est indiqué pour le diagnostic (ou l'évaluation
pronostique) du cancer du poumon.
Il peut être complété par un bilan hépatique, un dosage de la calcémie et de l'albuminémie.

3.lf. Principales investigations à visée diagnostique


d'un cancer bronchique
3.4.1. Radiographie thoracique
• L'examen est toujours demandé de face et de profil.
• Il s'agit d'une étape essentielle en cas de suspicion de carcinome bronchique car la normalité de la radiographie
thoracique standard est rare en présence d'un carcinome bronchique avéré(< 5 %). La radiographie thoracique
peut mettre en évidence des signes directs et/ou des images indirectes en rapport avec l'obstruction bronchique
ou avec l'extension loco-régionale; elle permet en outre souvent de différencier d'emblée les cancers proximaux
des cancers périphériques.

337
Item 309

• Les signes directs les plus habituels sont:


- une opacité hilaire ou péri-hilaire dense, homogène, à limites externes irrégulières, parfois spiculée et
dont la limite interne est noyée dans la silhouette médiastinale (Figure 6);
- une opacité périphérique arrondie non systématisée, dense, à limites irrégulières, parfois excavée par
nécrose centrale (Figure 7).
• Les images indirectes les plus habituelles sont:
- un trouble de ventilation lié à l'obstruction bronchique avec atélectasie segmentaire, lobaire ou de
l'ensemble d'un poumon;
- un épanchement pleural liquidien traduisant souvent une extension pleurale;
- des adénopathies hilaires ou médiastinales;
- une lyse costale ou vertébrale par atteinte de contiguïté;
- l'ascension d'une coupole diaphragmatique par paralysie phrénique.

Figure 6. � Contenu multimédia. Tumeur lobaire supérieure droite

Figure 7. � Contenu multimédia. Tumeur lobaire supérieure gauche

338
3.4.2. Tomodensitométrie thoracique (TOM)
• En cas de forte suspicion de cancer du poumon, le scanner est l'examen de référence.
• Il doit être pratiqué avant la fibroscopie bronchique qu'il va guider.
• L'examen tomodensitométrique doit être réalisé selon une technique rigoureuse : acquisition spiralée volu­
mique des apex aux glandes surrénales incluses, coupes fines avec fenêtres parenchymateuses et médiastinales,
injection de produit de contraste iodé afin de visualiser correctement les structures médiastinales, les éventuelles
adénopathies et la prise de contraste d'une opacité tumorale. Les fenêtres osseuses doivent être regardées.
• Il permet de préciser l'aspect ( un aspect spiculé est en faveur de la malignité) (Figure 8), la taille, la densité, le
raccordement éventuel à la paroi (Figure 9) d'une image radiologique anormale présumée tumorale.

C'est un examen essentiel au bilan d'extension loco-régional.

• Il peut mettre en évidence des anomalies associées (emphysème, fibrose, calcifications coronaires, etc.).
• L'examen scanographique permet également la détection des quelques petites tumeurs à radiographie normale
ou sub-normale et peut dans certains cas guider la stratégie diagnostique.

Figure 8. � Contenu multimédia. Tumeur lobaire moyenne, 16 mm, fenêtre parenchymateuse

Figure 9. Tumeu r lobaire supérieure dro ite, spiculée et présentant des raccordements pleuraux.
Adénopathie de la loge de Baréty {latéro-trachéale droite)

339
I
Item 309

3.4.3. Confirmation histologique

• Le diagnostic du cancer du poumon repose sur l'examen anatomo-pathologique.


• La cytologie seule (obtenue par cytoponction d'un site tumoral) n'est pas un standard.
• Le malade doit être d'emblée prévenu de la possibilité d'échec technique du prélèvement et de la nécessité
absolue qu'il y a à obtenir des prélèvements de bonne qualité pour affirmer le diagnostic et guider le traite­
ment.

3.4.3.1. Fibroscopie bronchique (bronchoscopie souple)


• La fibroscopie bronchique est systématique en cas de suspicion de cancer bronchique, en dehors des quelques
rares contre-indications à l'examen (hypoxémie sévère réfractaire à une oxygénothérapie adaptée, anomalies
majeures de la coagulation). Elle permet un bilan macroscopique et peut objectiver différents aspects évocateurs,
principalement dans les cancers proximaux : bourgeon endobronchique irrégulier et hémorragique, végétation,
infiltration de la muqueuse bronchique, sténose irrégulière, épaississement des éperons de division, aspect de
compression extrinsèque.
• La fibroscopie bronchique peut être normale, notamment dans les cancers périphériques, ce qui n'élimine pas le
diagnostic; dans ce cas, elle reste systématique pour la recherche d'autres lésions radio-occultes.
• Si la lésion est proximale, des biopsies de toute anomalie macroscopique seront réalisées (au minimum, 3 à 5
biopsies; chaque fois que possible, un maximum de biopsies sera prélevé pour permettre le diagnostic morpholo­
gique initial, l'envoi de prélèvements à la plate-forme de biologie moléculaire et la conservation de prélèvements
en cas d'inclusion dans un protocole de recherche ou l'analyse ultérieure, par exemple, après découverte d'une
nouvelle mutation conductrice) ; chaque fois que possible, des biopsies systématiques de l'éperon sus-jacent et
de la carène seront effectuées. Ces prélèvements permettent d'obtenir une confirmation diagnostique dans 75 %
des cas.
• Les prélèvements histologiques doivent être fixés dans le formol.

3.4.3.2. Echo-endoscopie bronchique (EBUS) ou œsophagienne (EUS)


• Effectuée le plus souvent sous anesthésie générale par le pneumologue (EBUS) ou le gastro-entérologue (EUS),
elle permet la ponction directe d'une tumeur centrale sous-muqueuse ou péri-bronchique ou d'une (ou plusieurs)
adénopathies médiastinales.

3.4.3.3. Ponction-biopsie transpariétale à l'aiguille


• En cas de négativité des procédures endoscopiques, la ponction-biopsie transpariétale à l'aiguille sous contrôle
scanographique est d'une bonne rentabilité diagnostique dans les tumeurs périphériques relativement proches
de la paroi (sensibilité 90 %). Plusieurs prélèvements doivent être réalisés. La négativité de l'examen (10-15 %)
n'exclut pas le diagnostic. L'examen peut se compliquer de pneumothorax (dans environ 10 % des cas, nécessitant
rarement un drainage) ou plus rarement d'hémoptysie.

3.4.3.4. Autres techniques diagnostiques


• D'autres techniques diagnostiques peuvent être envisagées si l'endoscopie bronchique et/ou la ponction
transpariétale ne sont pas contributives :
- biopsie pleurale en cas d'épanchement pleural suffisamment abondant;
- biopsie d'une adénopathie sus-claviculaire;
- biopsie ou ponction échoguidée d'une localisation métastatique, notamment hépatique ou osseuse;
- voire abord chirurgical direct par médiastinoscopie (en cas d'adénopathies médiastinales significatives et
accessibles) ou thoracoscopie vidéo-assistée en cas de lésion périphérique.
• L'analyse cytologique de l'expectoration n'est pas indiquée.

340
e 4. Les examens d'imagerie et leurs indications
dans l'exploration d'une tumeur primitive du poumon
{bilan pré-thérapeutique)

C'est une étape essentielle de la prise en charge des cancers bronchiques car les modalités du traitement
dépendent, outre de la nature non à petites cellules (et, au-delà, du type épidermoïde ou adénocarcinome) ou à
petites cellules du cancer, de paramètres essentiels que sont l'extension du cancer, l'état général et les comorbidités
du malade (Tableau 3).

Tableau 3. BILAN PRÉ-THÉRAPEUTIQUE D'UN CANCER DU POUMON


Bilan d'extension • Bronchoscopie souple
loco-régionale • Scanner thoracique (évaluation du T)
• TEP-TDM (évaluation du N)
Bilan d'extension • TEP-TDM
métastatique • IRM cérébrale ou TDM cérébrale avec injection de produit de contraste
-
• Toute image métastatique apparemment isolée doit faire l'objet d'une preuve histologique
r-- --
Bilan général • Chiffrer l'amaigrissement
• Indice d'activité (grade OMS)
• Bilan fonctionnel respiratoire
• Bilan cardio-vasculaire
• Évaluation gériatrique _____________________ __,

• Le bilan d'extension a deux objectifs principaux:


- d'une part, évaluer l'extension loco-régionale et l'éventuelle résécabilité de la tumeur;
- d'autre part, rechercher une dissémination métastatique principalement au niveau du poumon contra-latéral,
du foie, des surrénales, des os (Figure 10) et du cerveau, sites les plus fréquemment atteints.
• Ce bilan est aujourd'hui fondamentalement identique quelle que soit la nature microscopique du cancer
(petites cellules ou non à petites cellules). Il doit permettre d'aboutir à la classification TNM du cancer.

Figure 10. Fracture sur métastase de la 6• côte droite et métastase sur la 6° côte gauche

341
·
Item 309

4.1. Bilan d'extension loco-régionale


• L'évaluation du statut tumoral (T) repose sur le scanner thoracique et la bronchoscopie souple. Le scanner
permet de préciser la topographie et la taille de la tumeur, ses rapports avec la paroi et les structures médiastinales.
L'injection de produit de contraste est indispensable à la discrimination des structures vasculaires. Un ganglion
est radiologiquement pathologique si son petit diamètre est supérieur à 10 mm (mais ceci ne préjuge pas de sa
nature néoplasique ou bénigne).
• La tomographie par émission de positons au 18-Fluorodéoxyglucose (PET-FDG), couplée au scanner (TEP­
TDM), possède une sensibilité et une spécificité supérieures à celles du TDM.
• Le TEP-TDM n'est pas indiqué comme examen d'imagerie de première intention. Il ne se conçoit que dans un
deuxième temps, chez un patient ayant un cancer apparemment localisé au thorax et donc potentiellement éligible
à un traitement curatif (par chirurgie ou association chimio-radiothérapie concomitante) !
• Le TEP-TDM est plus performant que le scanner pour l'évaluation de l'atteinte ganglionnaire médiastinale
(N). Il est cependant recommandé d'obtenir une preuve microscopique du statut ganglionnaire si cela doit chan­
ger la stratégie thérapeutique; plusieurs techniques peuvent être envisagées (EBUS, EUS, médiastinoscopie, vidéo­
thoracoscopie).
• En cas d'épanchement pleural présumé d'origine tumorale, le TEP-TDM peut montrer la fixation hypermé­
tabolique des feuillets pleuraux. Si la tumeur est potentiellement accessible à une résection chirurgicale, une
exploration par thoracoscopie première sera proposée. La thoracoscopie permet par ailleurs la réalisation d'une
symphyse pleurale, indiquée dès lors qu'il existe une pleurésie néoplasique de grande abondance et/ou récidivante.
• L'IRM thoracique n'a que des indications restreintes et, comme le TEP-TDM, n'est jamais demandée en pre­
mière intention: elle est utile en cas de suspicion d'envahissement pariétal ou vertébral, bilan d'extension précis
des tumeurs de l'apex, suspicion d'envahissement du cœur et des gros vaisseaux.

4.2. Bilan d'extension métastatique


• Toute tumeur localisée au thorax est potentiellement curable. Il importe de s'assurer par un TEP-TDM de
l'absence de métastase à distance; il est inutile de demander en plus la réalisation d'une scintigraphie osseuse ou
d'une échographie sus-mésocolique.
• IRM cérébrale (Figure 11) ou, à défaut, scanner cérébral à condition qu'il y ait injection de produit de contraste;
en l'absence d'injection, un scanner cérébral normal n'élimine pas l'existence de métastase cérébrale et ne doit
pas être réalisé.

Figure 11. IRM cérébrale: localisations métastatiques multiples

342
• Toute image métastatique apparemment isolée doit faire l'objet d'une preuve histologique.
• La réalisation d'un bilan exhaustif est inutile en cas de tumeur d'emblée métastatique puisque sans incidence
thérapeutique. En particulier, un TEP-TDM n'est pas recommandé en cas de tumeur d'emblée métastatique sur
l'examen tomodensitométrique. Le bilan est alors fonction de la symptomatologie (par exemple, une scintigraphie
peut être demandée en cas de localisation osseuse si son résultat peut conduire à un changement de traitement).

4.3. Bilan général


• Il doit comprendre :
- dans tous les cas, une évaluation clinique globale du malade ; l'amaigrissement éventuel est chiffré en
pourcentage par rapport au poids de base et sa vitesse d'installation est notée; l'indice d'activité («performance
status ») est soigneusement évalué par un interrogatoire précis des capacités d'activité du patient.
- selon les cas, en particulier en cas de tumeur localisée au thorax et accessible à un traitement chirurgical ou
par radiothérapie :
► bilan fonctionnel respiratoire, comprenant au minimum une spirométrie associée à une mesure de la
diffusion de l'oxyde de carbone (DLCO) et parfois à une mesure de la consommation maximale d'oxygène
(VO2 max). Une scintigraphie de perfusion (+/- ventilation) quantifiée est parfois demandée pour évaluer la
participation respective de chaque poumon ou lobe pulmonaire à la fonction ventilatoire globale et calculer
la fonction respiratoire post-opératoire prévisible (si une intervention chirurgicale est envisagée);
► bilan cardio-vasculaire : au minimum, électrocardiogramme et échographie cardiaque (permettant
d'apprécier la fraction d'éjection ventriculaire gauche et les pressions artérielles pulmonaires) ; selon les
cas, épreuve d'effort, scintigraphie myocardique, coronarographie, échographie des troncs artériels supra­
aortiques peuvent être utiles;
► une évaluation gériatrique est recommandée pour les sujets âgés de plus de 75 ans.

La classification TNM des cancers bronchiques ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item
et ces informations sont données à titre indicatif.

• Au terme de ce bilan, le cancer est classé dans un stade cTNM (clinical TNM) (Tableaux 4 et S), ce qui autorise
la présentation du dossier en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
• Les cancers bronchiques à petites cellules sont classés selon le même TNM que les cancers bronchiques
non à petites cellules. Cependant, l'usage est de distinguer les cancers localisés (définis comme incluables
dans un protocole de radiothérapie) et les cancers disséminés (non irradiables).

Tableau 4A. CLASSIFICATION TNM, ÉVALUATION DUT


------ -- ---- --- -- -- - --
Tx Tumeur primaire non connue ou prouvée par la présence de cellules tumorales dans les sécrétions
broncho-pulmonaires mais non visible aux examens d'imagerie et à l'endoscopie
To
-Absence de tumeur
- identifiable
- -
Tis Carcinome in situ
- - --- -- ------1
T1 Tumeur de 3 cm ou moins dans ses plus grandes dimensions, entourée par du poumon ou de la plèvre
viscérale, et n'atteignant pas la bronche souche :
-
-
T1a < 1 cm
---- -- - - - -- -
T1b 2 1 cm mais< 2 cm
---- ---
T1c 2 2 cm mais< 3 cm
-- -------

343
Item 309 �

Î2 Tumeur de plus de 3 cm mais moins des cm et/ou envahissant la plèvre viscérale, envahissant une
bronche souche ou s'accompagnant d'une atélectasie (lobaire ou pulmonaire)

T2a ;:,: 3 cm mais< 4 cm

T2b ;:,: 4 cm mais< 5 cm

T3 Tumeur de plus des cm et moins de 7 cm ou atteignant la paroi thoracique (ce qui inclut les tumeurs du
sommet), atteignant le nerf phrénique, la plèvre pariétale ou le péricarde ou nodules tumoraux distincts
mais dans le même lobe

T4 Tumeur de plus de 7 cm ou envahissant le médiastin, le cœur ou les gros vaisseaux, la trachée, le


diaphragme, le nerf récurrent, l'œsophage, les corps vertébraux, la carène ou nodules tumoraux distincts
dans au moins deux lobes différents du même poumon

Tableau 4B. CLASSIFICATION TNM, ÉVALUATION DU N ET DU M


Nx Envahissement ganglionnaire inconnu

No Absence de localisation tumorale dans les ganglions lymphatiques régionaux

N1 Localisation(s) ganglionnaire(s) péri-bronchique(s), interlobaire(s) et/ou hilaire(s) homolatérale(s)


(y compris extension directe par contiguïté)

N2 Localisation(s) ganglionnaire(s) médiastinale(s) homolatérale(s) à la tumeur

N3 Localisation(s) ganglionnaire(s) hilaire(s) et/ou médiastinale(s) controlatérale(s) à la tumeur ou atteinte


sus-claviculaire (homo et/ou controlatérale à la tumeur)

Mo Pas de métastase (reconnue) à distance

M1 Présence de métastase(s) :

M1a atteinte du poumon controlatéral et/ou nodules tumoraux pleuraux ou péricardiques et/ou pleurésie ou
péricardite tumorale

M1b métastase unique dans un seul site métastatique

M1c plusieurs métastases dans un seul site ou plusieurs sites atteints

T1a IA-1 11B IIIA 111B IV-A IV-B


T1b IA-2 11B IIIA 111B IV-A IV-B
Î1C IA-3 11B IIIA 111B IV-A IV-B
T2a 1B 11B IIIA me IV-A IV-B
T2b IIA 11B IIIA mB IV-A IV-B
T3 11B IIIA 111B me IV-A IV-B
T4 IIIA IIIA 111B me IV-A IV-B

344
B 5. Particularités du cancer bronchique à petites cellules
• Représentant 15 % des cancers du poumon, ils se caractérisent classiquement par:
- une très grande évolutivité locale et métastatique ;
- une présentation clinique souvent « explosive » :
► volumineuses masses ganglio-tumorales médiastinales (syndromes de compression) (Figure 12) ;
► fréquence des syndromes para-néoplasiques.
- une grande chimiosensibilité initiale ;
- mais une évolution rapide avec risque élevé de rechute précoce, notamment cérébrale.

Figure 12. Cancer à petites cellules {volumineuse masse médiastinale)

A 6. Principes de la prise en charge d'une tumeur primitive


ou secondaire
• Toute tumeur localisée au thorax peut bénéficier d'un traitement à visée curatrice, que ce soit par
chirurgie ou association chimio-radiothérapie concomitante.
• La stratégie thérapeutique fait appel à plusieurs modalités de traitement (Tableau 6). Elle diffère selon qu'il
s'agit d'un cancer bronchique non à petites cellules ou à petites cellules. Les cancers non à petites cellules
peuvent (environ 20 % des cas) relever d'un traitement chirurgical. Un cancer à petites cellules n'est qu'ex­
ceptionnellement opérable.
• La prise en charge optimale du cancer broncho-pulmonaire ne se conçoit qu'au travers d'une étroite colla­
boration multidisciplinaire, regroupant chirurgien, oncologue radiothérapeute, oncologue médical, anatomo­
pathologiste et pneumologue. Elle est définie en RCP et fait l'objet d'un Programme Personnalisé de Soins
(PPS) remis au patient lors de la consultation d'annonce.

345
Item 309

Tableau 6. MÉTHODES THÉRAPEUTIQUES APPLICABLES AUX CANCERS DU POUMON


• Chirurgie
• Radiothérapie
• Chimiothérapie
• Thérapies biologiques« ciblées»
• Immunothérapie
• Traitement symptomatique(« best supportive care »)

6.1. Cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC)


• Trois tableaux clinico-radiologiques se détachent à l'issue du bilan (Figure 13).

6.1.1. Cancer opérable


• L'exérèse chirurgicale est le traitement de référence, à condition que le malade soit fonctionnellement opé­
rable. Le type de résection chirurgicale (lobectomie, bi lobectomie, ou pneumonectomie) dépend du siège et de
l'extension loco-régionale de la tumeur. La résection doit être la plus conservatrice possible, à condition d'être
carcinologiquement satisfaisante. Un curage ganglionnaire hilaire et médiastinal homolatéral est systématique­
ment associé.
• Les constatations opératoires et l'examen anatomo-pathologique de la pièce opératoire permettent de définir
le pTN (pathological TN) guidant les modalités de prise en charge post-opératoire:
- en l'absence d'atteinte ganglionnaire (pNO) et si la tumeur fait moins de 4 cm de grand axe, le malade doit
simplement être surveillé (tout en étant prévenu du risque potentiel de rechute);
- en cas d'atteinte ganglionnaire Nl ou N2 et/ou si la tumeur mesure plus de 4 cm, une chimiothérapie adjuvante
comprenant 4 cycles de chimiothérapie doit être proposée au patient et débutée avant la fin du 2e mois post­
opératoire. Cette chimiothérapie adjuvante diminue (mais n'annule pas) le risque de rechute à long terme;
- il n'y a aucune indication à la radiothérapie médiastinale post-opératoire en cas de statut ganglionnaire pNO ou
pNl. Son indication est à discuter au cas par cas, en RCP, en cas d'atteinte N2;
- une option parfois employée est la réalisation d'une chimiothérapie première, pré-opératoire (dite aussi,
chimiothérapie d'induction ou néo-adjuvante).

Figure 13. 3 situations à l'issue de la RCP

Éléments indispensables pour statuer en RCP:


- Histologie
- Bilan d'extension
· Bilan général (OMS, EFR)

i , +
Cancer localisé au thorax
Cancer opérable Cancer métastatique
mais inopérable

346
6.1..2. Cancer localisé au thorax mais inopérable
6.1.2.1. Cas général des tumeurs cN2
• Il s'agit essentiellement des cancers classés cN2 par adénopathie médiastinale homolatérale à la tumeur. Ce sont
les situations les plus difficiles en termes de prise de décision
- le traitement fait appel à une association de chimio-radiothérapie concomitante ; celle-ci est suivie d'une
immunothérapie adjuvante par durvalumab qui est administrée pendant un an ;
- certaines de ces tumeurs sont (potentiellement) opérables lorsqu'il y a atteinte d'un seul site ganglionnaire.
L'intervention doit être précédée d'une chimiothérapie d'induction.
6.1.2.2. Cas particuliers des tumeurs T4 et du syndrome de Pancoast-Tobias
• La chirurgie des tumeurs T4 est exceptionnellement possible. L'atteinte pleurale, du tronc de l'artère pulmo­
naire, de l'aorte, sont des contre-indications opératoires formelles. Par contre, une résection est parfois possible
en cas d'atteinte limitée des vaisseaux pulmonaires, de la veine cave supérieure (résection et remplacement pro­
thétique), de la trachée basse (résection de la carène) et des couches externes de l'œsophage. Un avis orthopédique
et une IRM sont nécessaires en cas d'atteinte d'un corps vertébral ; la chirurgie, très lourde, peut parfois être
envisagée (hémi-corporectomie vertébrale avec ostéosynthèse).
• En cas de tumeur apicale (syndrome de Pancoast-Tobias), le traitement optimal comporte une chimio-radio­
thérapie d'induction précédant une exérèse chirurgicale. S'il existe une contre-indication opératoire, la prise en
charge thérapeutique comporte une chimiothérapie associée à une radiothérapie concomitante.

6.1..3. Cancer métastatique (stade IV)


• L'arbre décisionnel est susceptible d'évoluer très rapidement au gré de l'acquisition des connaissances. Le
traitement, en première ligne, est fonction de l'état général du patient et de son âge.
• Les malades dont la tumeur exprime une mutation de l'EGFR, de ALK ou de ROSI reçoivent un inhibiteur de
l'EGFR (erlotinib, géfitinib ou afatinib) ou de ALK/ROSI (alectinib, crizotinib).
• Dans environ 30 % des cas, plus de 50 % des cellules tumorales expriment PDL-1, un des points de contrôle du
système immunitaire ( « checkpoint inhibitor ») : le traitement fait appel à un anticorps anti PD-1 (récepteur sur le
lymphocyte du ligand PDL-1), le pembrolizumab, qui est donné en monothérapie.
• Dans les autres cas, la prise en charge thérapeutique repose sur une chimiothérapie, désormais associée à une
immunothérapie. La plupart des chimiothérapies proposées en première ligne font appel à un doublet à base
de platine (cisplatine plus que carboplatine). L'agent cytotoxique associé au platine est choisi parmi la vinorel­
bine, la gemcitabine, le pémétrexed (qui est cependant réservé aux cancers non épidermoïdes), le paclitaxel ou le
docétaxel. En l'absence de contre-indication (cancer épidermoïde, hémoptysie, envahissement médiastinal), du
bévacizumab (anticorps monoclonal dirigé contre le VEGF) peut être associé à la chimiothérapie. Un maximum
de 4 à 6 cures est délivré.
• A l'issue de cette phase d'induction, essentiellement en cas de cancer non épidermoïde, un traitement de main­
tenance par le médicament associé au platine et la poursuite de l'immunothérapie peut être proposé au patient.
• En cas de métastase unique, il faut discuter - en RCP - un traitement bifocal (cancer bronchique primitif et
métastase) à visée curative, associé ou non à une chimiothérapie.
• Les patients âgés(> 70 ans), en bon état général, bénéficient d'un doublet par l'association carboplatine -pacli­
taxel.
• Au moment de la rechute, le traitement de seconde ligne fait appel à l'immunothérapie (par un anticorps mono­
clonal anti-PD-1, nivolumab ou pembrolizumab ou anti-PDL-1, l'atézolizumab) si elle n'a pas déjà été donnée en
première ligne.
• Les poussées ultérieures sont traitées par la reprise de la chimiothérapie (docétaxel, pémétrexed - si cancer non
épidermoïde).

347
Item 309

6.1..4. Traitement symptomatique


• Quel que soit le stade du cancer, une prise en charge des symptômes s'impose : kinésithérapie respiratoire,
oxygénothérapie, prise en charge de la douleur, prise en charge de l'anémie, prise en charge psychologique, sup­
pléments diététiques.
• Une radiothérapie peut être proposée à visée antalgique ou symptomatique, notamment en cas de métastase
osseuse ou cérébrale.
• L'endoscopie interventionnelle peut être utilisée à visée curative sur de petites lésions (carcinome in situ; lésions
multiples de petite taille) avec d'excellents résultats. Les techniques actuelles permettent essentiellement la des­
truction de tumeurs obstructives et/ou hémorragiques (thermocoagulation, cryothérapie, laser) ou la pose de
prothèses endobronchiques en cas de compression extrinsèque.
• Si l'état général du malade est médiocre (performance status à 3 ou plus), seul un traitement symptomatique
peut être proposé (corticothérapie, évacuation d'épanchements au niveau des séreuses, traitement antalgique).
L'équipe soignante se doit d'« accompagner» le malade et sa famille.

6.1..5. Mesures systématiques

• Demande d'exonération du ticket modérateur (ALD 30).


• Consultation d'annonce.
• Interrogatoire professionnel et déclaration éventuelle en maladie professionnelle.
• Sevrage tabagique indispensable pour tout patient atteint d'un cancer localisé au thorax, en situation curative.
• Introduction des soins de support dès le diagnostic: prise en charge de la douleur, soutien psychologique, prise
en charge diététique et sociale.

6.2. Cancer bronchique à petites cellules


• Les modalités de traitement d'un malade atteint de carcinome à petites cellules dépendent essentiellement du
stade de la maladie (localisé ou disséminé) et de l'état général.
- Le traitement des formes limitées (« incluables dans un champ de radiothérapie») repose sur l'association
d'une chimiothérapie et d'une radiothérapie thoracique concomitante. Celle-ci doit être pratiquée précocement,
simultanément à la chimiothérapie. Quatre à six cures de chimiothérapie sont indiquées. L'association la plus
couramment utilisée est un sel de platine (cisplatine ou carboplatine) et l'étoposide. Les malades en réponse
complète bénéficient d'une irradiation prophylactique cérébrale.
- Le traitement des formes diffuses repose sur la chimiothérapie associée à l'immunothérapie. Le doublet de
chimiothérapie le plus utilisé est également sel de platine + étoposide.

La surveillance ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations sont données
à titre indicatif.

7. Principes de la surveillance
• L'objectif de la surveillance est de détecter:
- les complications du traitement, précoces (par exemple, aplasie fébrile en cours de chimiothérapie) ou tardives
(par exemple, neuropathie périphérique tardive liée au cisplatine);
- la survenue de poussées évolutives du cancer (hypothèse dont il est préférable que le malade ait été d'emblée
prévenu);
- la survenue d'un second cancer lié au tabagisme.

348
• Il n'y a pas de consensus sur les modalités et la durée de cette surveillance. Chez les patients traités à visée cura­
tive, la majorité des rechutes survient dans les deux années suivant le diagnostic.
• Les marqueurs tumoraux sanguins n'ont aucune utilité pour le suivi et ne doivent pas être prélevés.

Le risque de survenue d'un second cancer incite à ne jamais arrêter la surveillance.

• Chez les patients qui ont été traités à visée curative, l'obtention du sevrage tabagique est impérative.

A 8. Tumeurs secondaires du poumon


• Le poumon est un site fréquent de métastase.
• Les tumeurs primitives les plus fréquemment en cause sont le poumon, le sein, le colon-rectum, la thyroïde, le
mélanome, le rein.
• L'expression radiologique se fait sous la forme de nodule(s) parenchymateux unique ou multiples (« lâcher de
ballons ») (Figure 14), d'une atteinte interstitielle (« miliaire carcinomateuse »), d'adénopathies médiastinales ou
d'une pleurésie.
• Le bilan dépend de l'âge, du sexe, du contexte.
• Le traitement est celui de la tumeur primitive.

Figure 14. Lâcher de ballons métastatique

349
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 309:
« TUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES»

Situation de départ / Descriptif


En lien avec la prévention
314. prévention des risques liés au tabac
1--
Le cancer du poumon est la première cause de
-----------------------l mortalité par cancer en France, en Europe et dans
0
3 3 . prévention / dépistage des cancers de l'adulte
le monde. Le tabagisme est le premier facteur
étiologique. C'est la durée de l'exposition au tabac
qui est le déterminant principal du risque (plus que la
consommation cumulée). Le dépistage du cancer du
poumon n'est pas recommandé (hors essai clinique)
en France. Un interrogatoire professionnel doit être
systématique. Certaines expositions (au premier rang
desquelles l'amiante) justifient une déclaration (suivie
d'indemnisation) de maladie professionnelle.
En lien avec le diagnostic de cancer bronchique :
Signes respiratoires
167. toux Tout signe respiratoire persistant chez un fumeur ou un
------------------1 ex-fumeur doit faire évoquer le diagnostic. Le bilan doit
t-1-6_3 _ e_xp_ e_ _c-to_r_a-ti-on
1--------------------------l être entrepris sans délai. 10 % des cancers bronchiques
,_14_ ._ é_ _m_is_s_io_n_d_e s_ _an_g_p _ar_ l _a_ b_o_u_ch_ e_ ________ -< surviennent chez des non fumeurs; c'est dans cette
-
162. dyspnée population que l'on retrouve, chez plus de 50 % des
1---------------------------< malades, les mutations conductrices (EGFR et ALK) qui
,_1_6_1-_ d_o_ul_ e_u_r_t_ho_ _ra_c_iq_ ue_ _____ ____ ___,
_ _ relèvent d'une thérapie ciblée spécifique.
146. dysphonie
20. découverte d'anomalies à l'auscultation pulmonaire
Signes généraux et/ou en rapport avec une extension métastatique
118. céphalée 60 % des cancers sont métastatiques au diagnostic. Le
121. déficit neurologique scanner thoracique est pratiqué avant la fibroscopie
1-----------------------J (qu'il doit guider). Le TEP-TDM ne se demande jamais
226. découverte d'une anomalie du cerveau à l'examen en 1ère intention. En cas de tumeur apparemment
,_d_'i_ m_ag_er_ _ie_m_éd_ _ic_al_ e___________ ___, localisée au thorax, le bilan doit comprendre un TEP-
_
6l . adénopathie(s) unique ou multiples TDM et une I RM cérébrale (ou un scanner cérébral à
condition qu'il y ait injection de produit de contraste).
,17._ amaigrissement
__ _____________________, Toute localisation métastatique apparemment isolée
21. asthénie doit faire l'objet d'une vérification histologique. Les
1-------------------------l marqueurs tumoraux sanguins ne sont d'aucune utilité
200• dyscalcémie
1-------------------------i pour le dépistage, le diagnostic et le suivi des cancers
202. dysnatrémie bronchiques.
En lien avec le bilan diagnostique du cancer du poumon
178. demande / prescription raisonnée et choix d'un examen Le diagnostic repose sur la preuve histologique du
diagnostique cancer qui est obtenue par bronchoscopie souple
---------l
_ _e _n _ d'_ _ima_ g_ e_ r_ -ie--
_ a_ -nd_e_d-'u_n_e_xa_ m
t-23_ _1_. d_em ou ponction trans pariétale guidée par le scanner.
1-------------------------< Les cancers non à petites cellules (adénocarcinome
233. identifier / reconnaître les différents examens et épidermoïde) représentent 85 % des cancers
d'imagerie (type/fenêtre/séquences/incidences/injection) du poumon. L'obtention du type histologique est
232. demande d'explication d'un patient sur le déroulement, indispensable pour le choix du traitement. Les
les risques et les bénéfices attendus d'un examen adénocarcinomes sont marqués en immunohistochimie
d'imagerie par le TTF1; les épidermoïdes par p40. Tous les cancers
1------------------------i non-épidermoïdes métastatiques doivent faire l'objet
238. demande et préparation aux examens endoscopiques d'une analyse moléculaire (comprenant au minimum
bronchique_s)
,__( _ _ _ _ _ _ _ ___________________, la recherche des mutations de EGFR, ALK, ROS1, KRAS,
181. tumeurs malignes sur pièce opératoire / biopsie HER2, BRAF).
1---------------------------l
180 .interprétation d'un compte rendu d'anatomo-pathologie
�---------------------�-------------------�
350
En lien avec la prise en charge thérapeutique
327. annonce d'un diagnostic de maladie grave au patient La stratégie thérapeutique dépend du bilan d'extension
et à sa famille et du bilan fonctionnel (état général, fonction
254. prescrire des soins associés à l'initiation d'une
respiratoire). Après chirurgie, la chimiothérapie
chimiothérapie adjuvante est indiquée si la tumeur mesure 4 cm ou
plus et/ou s'il y a envahissement ganglionnaire Nt
297. consultation du suivi en cancérologie ou N2. La radiothérapie médiastinale adjuvante est
337. identification, prise en soin et suivi d'un patient en formellement contre-indiquée en cas de tumeur pNo
situation palliative ou pN1. Le sevrage tabagique est indispensable après
traitement à visée curatrice. Le risque de second cancer
lié au tabagisme justifie une surveillance définitive.

351
ÎUMEURS DU POUMON, PRIMITIVES ET SECONDAIRES
Item 310

CHAPITRE ► -T _u _m _e _ _
u r _ s _d_ e_ l a_ p _r _o_s _ta _t_e____ _

Pr Karim Fizazi', Pr Jacques lrani2, Dr Julia Arfi-Rouche3, Pr Olivier Chapet•


'Service d'Oncologie médicale, Institut Gustave Roussy, Villejuif
'Service d'Urologie, CHU de Bicêtre
'Service de Radiologie, Institut Gustave Roussy, Villejuif
'Service de Radiothérapie, CHU de Lyon

OBJECTIFS: N ° 310. TUMEURS DE LA PROSTATE


-+ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur maligne de la prostate.

··········------------------------------------------------------------------------------------------------------·
1. Connaître l'épidémiologie du cancer de la prostate 6. Évolution et pronostic
1.1. Données épidémiologiques générales 6.1. Pronostic des formes localisées de cancer de la prostate
1.2. Connaître les principaux facteurs de risque du cancer de 6.2. Diagnostic de rechute après traitement local
la prostate 6.3. Pronostic des formes en rechute biochimique de cancer
2. Connaître l'axe oncogénique majeur (l'axe du récepteur de la prostate
des androgènes) et le mode d'extension du cancer de la 7. Diagnostics différentiels
prostate 8. Connaissances générales sur les modalités de prise
2.1. Oncogenèse et rôle du récepteur des androgènes en charge des stades localisés de cancer de la prostate
2.2. Histoire naturelle 8.1. Les armes thérapeutiques et leurs effets secondaires
3. Connaître les grandes présentations cliniques du cancer de 8.2. Les indications de traitement des formes localisées
la prostate 9. Approches thérapeutiques des rechutes biochimiques
3.1. Les signes fonctionnels de cancer de la prostate
3.2. l'examen clinique 10. Connaissances générales sur les modalités de prise en
4. Connaître les examens paracliniques de première intention charge des stades métastatiques de cancer de la prostate
devant une suspicion de cancer de la prostate, les règles 10.1. Les armes thérapeutiques des formes métastatiques et
de bon usage du dosage du PSA et les modalités du bilan leurs effets secondaires
d'extension 10.2. Les indications de traitement des formes métastatiques
4.1. Les biopsies de la prostate écho-guidées non prétraitées par hormonothérapie
4.2. Anatomo-pathologie - score histopronostique de Gleason 11. Approches thérapeutiques des formes métastatiques de
4.3. Un marqueur majeur: le PSA cancer de la prostate devenues résistantes à la castration
5. Bilan d'extension 11.1. Les armes thérapeutiques des formes résistantes à la
5.1. Les examens classiques du bilan d'extension castration et leurs effets secondaires
5.2. Les imageries de nouvelle génération 11.2. Les indications de traitement des formes métastatiques
5.3. Les indications actuelles du bilan d'extension résistantes à la castration
métastatique
5.4. La classification TNM

352
Rang 1 Rubrique 1 Intitulé
B Définition Connaître les principales lésions bénignes (hyperplasie prostatique bénigne) et
malignes (adénocarcinome) de la prostate.
B Prévalence, épidémiologie Connaître l'épidémiologie du cancer de la prostate : rang de classement par
rapport aux principaux cancers, incidence, prévalence, mortalité, âge du pic de
fréquence, éléments pronostiques.
A Étiologie Connaître les principaux facteurs de risque du cancer de la prostate. Savoir qu'il
n'y a pas de chimio-prévention.
B Éléments Connaître le mode d'extension du cancer de la prostate: extension locale,
physiopathologiques principales voies lymphatiques et sites de dissémination métastatique.
A Diagnostic positif Connaître les grandes présentations cliniques du cancer de la prostate.
Savoir que la plupart des cancers de la prostate sont asymptomatiques.
Savoir suspecter un cancer de la prostate dans sa forme avancée devant un
tableau de rétention urinaire, d'insuffisance rénale, de métastases osseuses
diffuses. Savoir que l'hémospermie n'est pas un signe de cancer de la prostate.
A Examens complémentaires Connaître les examens paracliniques de première intention devant une
suspicion de cancer de la prostate et les règles de bon usage et de pertinence
du dosage de PSA pour le diagnostic individuel précoce.
B Prise en charge Connaissances générales sur les différentes prises en charge au stade localisé.
Connaître les modalités:
• d'abstention-surveillance active chez les patients fragiles et son bénéfice/
risque,
• de prostatectomie radicale et son rapport bénéfice/risque,
• de radiothérapie externe et son rapport bénéfice/risque,
• de prise en charge par curiethérapie interstitielle et son bénéfice/risque,
L'hormonothérapie peut être associée au traitement local dans certaines
situations.

• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

• Le cancer de la prostate est le premier cancer masculin en France. Du fait de son évolution portant souvent sur
des décennies, des centaines de milliers de patients vivent avec un cancer de la prostate en France, si bien que tout
médecin sera amené à prendre en charge au moins l'un d'entre eux.

e 1. Épidémiologie du cancer de la prostate

1.1. Données épidémiologiques générales


• Avec environ 50 000 nouveaux cas estimés en 2015 (chiffres de l'Institut National du Cancer), le cancer de la
prostate est le cancer le plus fréquent en France métropolitaine. L'incidence du cancer de la prostate en France
a triplé entre 1990 et 2005 (essentiellement du fait du dépistage par le PSA) ; on assiste depuis à une légère
diminution d'incidence. Le cancer de la prostate représente 1/4 des cancers masculins.
• La mortalité estimée en 2018 est de 8 115 décès environ en France métropolitaine. La mortalité diminue de
manière continue depuis 1990.
• Le cancer de la prostate est très rare avant 50 ans et son incidence augmente ensuite rapidement avec l'âge. L'âge
moyen au moment du diagnostic en France est de 68 ans.

353
'
Item 310

1.2. Principaux facteurs de risque du cancer de la prostate


• Les facteurs de risque connus sont les suivants :
- l'âge: le risque augmente avec l'âge;
- l'ethnicité: risque des hommes de peau noire> caucasiens> asiatiques. La population antillaise est une des
populations les plus à risque au monde;
- les antécédents familiaux de cancer de la prostate (les gènes de prédisposition pour beaucoup de formes
familiales n'ont pas été identifiés);
- une mutation constitutionnelle du gène BRCA2 (qui prédispose aussi au cancer du sein et de l'ovaire) :
environ 5 % des hommes atteints de forme localisée et 10 % des patients atteints de forme métastatique en sont
porteurs (contre 2 % dans la population générale). Cette incidence élevée fait recommander une consultation
d'onco-génétique chez les hommes atteints de métastases afin d'identifier la présence d'une mutation de
BRCA2, susceptible de déboucher sur un dépistage précoce chez les membres de la famille du malade;
- probablement l'exposition au chlordécone, un pesticide employé pendant 20 ans aux Antilles françaises à
partir de 1973 et qui reste actuellement présent dans l'environnement;
- possiblement les habitudes alimentaires (une alimentation riche en graisses animales pourrait augmenter le
risque).
• Des études autopsiques anciennes indiquent que presque tous les hommes centenaires (le plus souvent décédés
d'autres causes) présentent des cellules cancéreuses dans leur prostate, sans que ces hommes aient nécessairement
développé la « maladie » cancer de la prostate.
• Il n'existe pas de chimio-prévention du cancer de prostate.

A 2. L'axe oncogénique majeur (l'axe du récepteur des


androgènes) et le mode d'extension du cancer de la prostate

2.1. Oncogénèse et rôle du récepteur des androgènes


• L'axe du récepteur des androgènes joue un rôle majeur dans la prolifération tumorale (Figure 1):
- presque tous les cancers de la prostate possèdent le récepteur des androgènes dans leurs cellules;
- le récepteur des androgènes est une protéine biologiquement inactive en situation cytoplasmique;
- l'androgène principal chez l'homme est la testostérone, produite par les testicules et transformée en son
métabolite le plus actif, la di-hydro-testostérone (DHT);
- les surrénales produisent également des androgènes ayant une moindre affinité pour le récepteur des
androgènes (DHEA, etc.);
- La fixation des androgènes sur le récepteur des androgènes entraîne la dimérisation de celui-ci, son
internalisation dans le noyau de la cellule, et sa fixation à l'ADN sur des gènes cibles qui sont ainsi activés
(le récepteur des androgènes est un facteur de transcription);
- La transcription des gènes cibles induit une résistance à l'apoptose (mort cellulaire), permettant aux cellules
cancéreuses de survivre et de proliférer.

354
Figure 1. Cancer de la prostate: rôle majeur de l'axe du récepteur des androgènes

Commande hypothalamo-hypophysaire (LHRH)

ACTH / \ LH , FSH

Inhibiteurs du réce pte ur


des androgènes (Enzalutamide,
_
surre- nales _

Ablra(é,o,e �
_
__ _ _ � _ _ _

1
r
J (__ _ resticules
_
_ _ _ _ _ _
_

Cast,atloa chlru,,Ocale

Te stostérone +++
Bicalutamide) et autres androgènes

i:...J-&•
Secrétion
« autocrine »

Réce pteur
des a,dmgèaes & /
Abiratérone

Cellule de cancer
de la prostate
.. Résistance à l'apoptose
Prolifération tumorale

B 2.2. Histoire naturelle


• Les cancers de la prostate ont souvent une évolution lente : des cellules tumorales sont souvent présentes dès la
cinquantaine, les symptômes apparaissent en moyenne vers l'âge de 65 ans et la majorité des décès surviennent
au-delà de 75 ans.
• L'extension locale se fait volontiers à travers la capsule prostatique, vers les vésicules séminales et le trigone
vésical.
• Les deux sites métastatiques prédominants sont les os et les ganglions lymphatiques (classiquement les ganglions
ilio-obturateurs, en fait une grande variété de ganglions pelviens peuvent être concernés).
• La morbidité est essentiellement osseuse. Les métastases osseuses sont classiquement ostéo-condensantes, en
fait biologiquement mixtes {avec un excès de résorption et un excès de fabrication osseuse).

► 358
355
ÎUMEURS DE LA PROSTATE
Item 310

A 3. Présentations cliniques du cancer de la prostate


3.1. Signes fonctionnels
• Le cancer de la prostate est très souvent asymptomatique dans les formes localisées et précoces de la maladie:
- L'évolution intra-prostatique de la tumeur peut induire des symptômes principalement urinaires : le plus
souvent une pollakiurie ou une dysurie, plus rarement une rétention aiguë d'urine, une incontinence,
une hématurie, ou une insuffisance rénale obstructive. En cas de métastases, différents symptômes sont
possibles : douleurs osseuses révélatrices de métastases osseuses, signes neurologiques en lien avec une
compression médullaire par des métastases rachidiennes, altération de l'état général. En France, des
métastases osseuses ou ganglionnaires sont présentes dans environ 10 % des cas au moment du diagnostic.

3.2. Examen clinique


• L'examen clinique repose sur le toucher rectal. Un toucher rectal normal n'élimine pas un cancer de la
prostate. Un cancer de la prostate peut être évoqué devant un nodule irrégulier, dur, non douloureux.
• Le médecin doit préciser la localisation du nodule dans la prostate, sa taille, l'atteinte d'un seul lobe ou des deux
lobes, l'existence d'une atteinte manifeste de la capsule, voire des vésicules séminales (plus difficile à évaluer). Il
est recommandé d'effectuer un dosage du PSA avant la réalisation du toucher rectal (celui-ci peut légèrement en
augmenter la valeur).
• En dehors du toucher rectal, l'examen clinique est souvent peu informatif surtout dans les formes précoces de
la maladie.
• La palpation de ganglions au niveau des aires ganglionnaires inguinales ou sus-claviculaires est rare. La présence
d'un œdème des membres inférieurs (surtout s'il est asymétrique) peut être le signe indirect d'une extension gan­
glionnaire pelvienne avec compression veineuse.
• L'extension métastatique osseuse peut générer des douleurs à la palpation des os atteints, des signes neurolo­
giques de compression médullaire.

A 4. Examens paracliniques de première intention


devant une suspicion de cancer de la prostate; règles de bon usage du dosage
du PSA et modalités du bilan d'extension

4.1. Biopsies de la prostate écho-guidées


• Le diagnostic de cancer de la prostate est anatomo-pathologique: les biopsies de la prostate sont donc indispen­
sables. Elles sont indiquées en cas de toucher rectal anormal ou d'élévation du taux de PSA.
• Elles permettent de:
- faire le diagnostic de cancer par la mise en évidence de cellules cancéreuses ;
- préciser l'agressivité de la tumeur par le score de Gleason (cf.§ 4.2);
- apporter des informations sur l'extension tumorale intra-prostatique: nombre de biopsies positives sur la
totalité des biopsies réalisées, longueur d'envahissement du cancer sur les biopsies.

356
• Le nombre de biopsies recommandé est de 12: 2 à la base, 2 à la partie moyenne et 2 à l'apex dans chacun des
deux lobes de la prostate. Elles sont réalisées en consultation par voie transrectale, sous guidage échographique,
sous anesthésie locale (Figure 2). Une antibioprophylaxie et un lavement rectal doivent être réalisés avant le geste.
Les 12 biopsies doivent être complétées par des biopsies ciblées sur une lésion visible en IRM.
• La réalisation des biopsies peut être source de complications: douleurs pelviennes, rétention d'urine, rectorragie,
hémospermie, hématurie (en particulier en présence d'un traitement anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire),
prostatite aiguë (2 % des biopsies) pouvant se compliquer d'une septicémie et exceptionnellement d'un décès.

Figure 2. Biopsies de la prostate et examen anatomo-pathologique

4.2. Anatomo-pathologie - score histopronostique de Gleason


• L'adénocarcinome est de très loin la forme la plus fréquente (> 95 %). Il se développe principalement dans
la partie périphérique de la prostate. Au sein de la prostate, des foyers cellulaires tumoraux d'architecture et
d'agressivité différentes (différenciation cellulaire) peuvent être présents. Un grade histologique (Figure 3) allant
de 1 à 5 a été créé pour caractériser le stade de différenciation de ces foyers. Toutefois, les anatomo-pathologistes
considèrent actuellement que les cancers de prostate sont au moins de grade 3 et que les grades 1 et 2 ne doivent
plus être retenus (ce ne sont en fait pas des cancers).

• Sur les biopsies: le score de Gleason est obtenu en additionnant le grade le plus représenté+ le grade le plus élevé.
• En cas de prostatectomie, le score de Gleason est obtenu en additionnant les deux grades les plus représentés.

• S'il n'y a qu'un grade présent, il est doublé (3+3, 4+4, 5+5).
Le score de Gleason 6 (3+3) correspond au cancer le plus différencié et est associé à un excellent pronostic
(presque aucun décès).
Le score de Gleason 10 (5+5) correspond au cancer le moins différencié et est associé au pronostic le plus grave
(il est presque systématiquement létal).
Le score 7 se divise en 3+4 (lorsque le grade 3 est prédominant) ou 4+3 (lorsque le grade 4 est prédominant) ayant
une agressivité différente. De manière plus générale, la présence d'un grade 4 prédominant ou d'une grade 5 signe
une tumeur agressive.

► ]60
357
ÎUMEURS DE LA PROSTATE
Item 310

Figure 3. Score de Gleason

Adénocarcinome prostatique
Grade histologique Somme des 2 contingents les plus
représentés :
Grade contingent A
+ Grade contingent B
= Score de Gleason

Importance pronostique ++

Gleason DF. Classification of prostatic


carcinomas. Cancer Chemother Rep 1966.

• Le score de Gleason est donc un score histopronostique caractérisant le degré de différenciation de la


tumeur.
• Sa valeur pronostique est majeure dans la prise en charge thérapeutique du cancer de la prostate.
• La classification histopronostique ISUP issue du score de Gleason permet de séparer le score de Gleason
7 (3+4 et 4+3) dans deux groupes de pronostic différent. Elle regroupe aussi les scores de Gleason 9 et
10.
Groupe 1 = Gleason 6
Groupe 2 = Gleason 3+4
Groupe 3 = Gleason 4+3
Groupe 4 = Gleason 8
Groupe 5 = Gleason 9 et 10

4.3. Un marqueur majeur: le PSA


• Le Prostate Specific Antigen (PSA) (Figure 4) est une glycoprotéine qui participe à la liquéfaction du sperme. Il
signe la présence d'épithélium prostatique (sain ou tumoral). Il n'est donc pas spécifique du cancer de la pros­
tate.
• Le taux sérique « normal » du PSA proposé par les laboratoires est < 4 ng/ml, mais il augmente en fait avec
l'âge: un homme de moins de 50 ans a le plus souvent un taux< 1 ng/mL, alors qu'un taux de 4 ng/mL sans cancer
clinique est fréquent à 80 ans.

358
• Le PSA est un marqueur de pathologies prostatiques, son taux sérique augmente en cas de :
- cancer de la prostate;
- prostatite;
- hypertrophie bénigne de la prostate(à moindre degré).
• Lorsqu'il existe une suspicion modérée de cancer(par exemple TR normal, PSA peu élevé entre 4 et 10 ng/mL), le
rapport PSA libre/total peut orienter la décision de réaliser ou non des biopsies :
- un rapport PSA libre/PSA total bas( < 15-20 %) est en faveur d'un cancer(ou d'une prostatite);
- un rapport élevé(> 25 %) est en faveur d'une hypertrophie bénigne.
• En cas de diagnostic de cancer de la prostate, le taux du PSA est corrélé à la présence de métastases (un taux
> 15-20 ng/mL doit faire pratiquer un bilan d'extension).

Figure 4. Utilité du PSA

-- -

Dépistage
-
Situation clinique
- -- -- - ___l__
+
Utilité
-
Commentaire
- -

Très controversé
-

Pronostic/stadification ++ Utile
Surveillance après traitement local ++++ Très utile
(guérison/rechute)
Réponse aux hormonothérapies ++++ Très utile
Très variable
Réponse aux autres traitements systémiques ++
Dépend du traitement

Le dilemme du dépistage :
• L'emploi du PSA comme outil de dépistage fait l'objet d'un débat intense depuis 20 ans. Trois essais randomi-
sés ont testé la question:
l'essai américain PLCO est ininterprétable;
l'essai européen ERSPC (160 000 hommes) montre une réduction significative du risque relatif de décès
par cancer de la prostate de 29 % (il faut dépister 37 cancers pour sauver une vie);
- l'étude de Goteborg (20 000 hommes) montre une réduction significative du risque relatif de décès par
cancer de la prostate de 44 % (il faut dépister 12 cancers pour sauver une vie).
• L'interprétation pratique de ces données reste débattue car:
la mortalité par cancer de la prostate est très faible au cours des 10 premières années de suivi;
- la plupart des cancers mis en évidence par le dépistage sont en fait indolents, si bien que le dépistage
aboutit à un sur-traitement massif.
• À ce jour, aucun système de santé au monde ne recommande de dépistage organisé. La réalisation d'un dosage
(au besoin unique) du PSA vers l'âge de 50 ans pourrait aboutir à une clarification de la situation: le dépistage
ne serait alors poursuivi que pour les hommes ayant déjà à cet âge un taux de PSA au-dessus de la médiane.

359
Item 310

A 5. Bilan d'extension

5.1. Examens classiques du bilan d'extension


• Trois examens d'imagerie sont classiquement discutés lors du diagnostic de cancer de la prostate:
- L'IRM multi-paramétrique de la prostate (Figure 5) (qui ne nécessite plus de sonde endorectale) doit
si possible être réalisée avant la réalisation des biopsies. La suspicion de cancer va être cotée de manière
croissante selon le score PIRADS de 1 à 5. Les principaux intérêts de l'IRM prostatique sont :
► de fournir un argument supplémentaire en faveur ou en défaveur d'un cancer dans une situation où le
clinicien est hésitant à poser l'indication de biopsies de la prostate à partir des données du TR, du PSA et de
l'échographie;
► de permettre la réalisation de biopsies ciblées sur une tumeur visible ( « cible »);
► surtout, de visualiser une atteinte extra-capsulaire ou des vésicules séminales (qui change le pronostic et
la prise en charge thérapeutique) ;
► éventuellement de visualiser la présence d'adénopathies pelviennes;
► enfin, dans la perspective d'une surveillance active, l'IRM permet de rechercher des tumeurs bien visualisées
(souvent plus agressives et donc susceptibles de justifier un traitement).

Figure 5. IRM {T2): Cancer de la prostate

Cancer de la prostate

Rupture capsulaire
Prostate saine

- La scintigraphie osseuse: permet de suspecter la présence de métastases osseuses (Figure 6).


- Le scanner (thoraco)-abdomino-pelvien : permet d'identifier la présence de métastases ganglionnaires,
osseuses, et plus rarement viscérales. Le scanner thoracique est optionnel, sachant que des métastases
médiastinales ou pulmonaires sans métastase sous-diaphragmatiques peuvent exister.
- Une IRM osseuse est demandée en cas de doute diagnostique concernant une lésion suspecte de métastase.
Une IRM du rachis peut être demandée en cas d'atteinte vertébrale afin d'identifier une épidurite ou une lésion
à risque de compression médullaire.

360
Figure 6. La scintigraphie osseuse: une visualisation indirecte des métastases osseuses

• Technetium-99 injecté IV (3 h avant l'examen)


• Affinité pour l'os néoformé (activité ostéoblastique)
• Ne montre pas directement les cellules tumorales !
• Moins sensible que les techniques de nouvelle
génération (IRM corps entier, TEP-choline ou
TEP-PSMA)
• Peut être complétée par la visualisation des métastases
sur le scanner (typiquement ostéocondensantes).

B 5.2. Imageries de nouvelle génération


• Le PET scanner à la 18F Choline a une sensibilité supérieure au couple scintigraphie osseuse+ scanner et tend
à les remplacer. Il est indiqué principalement en cas de récidive biologique après un premier traitement local à
visée curative. Il recherche le site (local ou métastatique) de la récidive à l'origine de l'augmentation du PSA. Le
PET scanner peut aussi avoir un intérêt dans le bilan des formes localisées à haut risque (T3, Gleason 8-10, PSA
> 20 ng/mL).

5.3. Indications actuelles du bilan d'extension métastatique


• Un bilan d'extension métastatique comprenant au minimum une scintigraphie osseuse et un scanner (thoraco)­
abdomino-pelvien est recommandé dès que le risque de métastase devient significatif, c'est-à-dire systémati­
quement pour les formes localisées à haut risque (cf Figure 7) et pour les formes de pronostic intermédiaire, au
moins les plus agressives (c'est-à-dire par exemple en cas de PSA sérique> 15 ng/mL ou de score de Gleason 4+3).
• Ce bilan est inutile dans les formes localisées de bon pronostic.

La classification TNM des cancers de prostate ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et
ces informations sont données à titre indicatif.

5.4. Classification TNM


CLASSIFICATION TNM
---�
--- ---
-� --------- - �-� �
Tx Tumeur non évaluée

--
To Tumeur non retrouvée
T1 Tumeur non palpable ni visible en imagerie

-- - T1a < 5 % du tissu réséqué --


--·- T1b- > 5 % du tissu réséqué
T1c �
--- Tumeur découverte
- -- ----- après augmentation du PSA sur biopsies
- - -- - -

361
Item 310 }

Î2 Tumeur limitée à la prostate


T2a Jusqu'à la moitié d'un lobe
T2b > la moitié d'un lobe
Î2C 2 lobes touchés
T3 Extension au-delà de la capsule
T3a Extracapsulaire
T3b Vésicule séminale
T4 Extension aux autres structures
No Pas d'atteinte ganglionnaire
N1 Atteinte ganglionnaire pelvienne
Nx Statut ganglionnaire inconnu
Mo Pas d'atteinte métastatique
Ml Atteinte métastatique
M1a Atteinte ganglionnaire extra-pelvienne
M1b Atteinte osseuse
M1c Atteinte métastatique d'autres organes
Mx Statut métastatique inconnu

Les considérations sur l'évolution et le pronostic des cancers de prostate ne figurent pas dans les objectifs de
connaissance de cet item et ces informations sont données à titre indicatif.

..
6. Evolution et pronostic

6.1. Pronostic des formes localisées de cancer de la prostate


• Le pronostic des formes localisées dépend de 3 éléments indépendants :
- l'extension tumorale (le T du TNM);
- le score de Gleason ;
- le taux de PSA sérique.
• La figure 7 montre les 3 groupes pronostiques. Pour les cancers de risque faible, la probabilité de rechute est de
l'ordre de 5 %. Cette probabilité augmente à 20-30 % pour les formes de risque intermédiaire. Elle dépasse 50 %
à long terme pour les formes à haut risque. Même si historiquement un T2c (c'est-à-dire touchant les deux lobes)
fait classer une tumeur en haut risque, en pratique clinique seul un dépassement capsulaire (T3) est le critère
d'extension locale qui définit réellement ce haut risque.

Figure 7. Classification pronostique historique des formes localisées

Faible risque Risque intermédiaire Haut risque


Tumeur< T2b TumeurT2b Tumeur;:: T2c
fil fil[ou et/ou
PSA $ 10 ng/ml PSA entre 10 et 20 ng/ml PSA > 20 ng/ml
fil et/ou et/ou
Gleason $ 6 Gleason 7 Gleason ;:: 8

362
6.2. Diagnostic de rechute après traitement local
• Une élévation du PSA sérique est habituellement le premier signe de rechute qui survient dans environ 30 % des
cas après traitement local.
• Cette rechute biochimique précède le plus souvent de plusieurs années les signes radiologiques ou cliniques
de rechute.
• La définition de la rechute biochimique dépend du traitement local initialement reçu (car la prostate normale peut
continuer de produire un peu de PSA) :
- en cas de traitement initial par radiothérapie ou par curiethérapie, on parle de rechute si le PSA augmente
de plus de 2 ng/mL au-dessus de la valeur la plus basse observée au cours de la surveillance (définition dite
« nadir + 2 ») ;
- en cas de traitement initial par prostatectomie, on parle de rechute lorsque le PSA sérique est > 0,2 ng/mL,
contrôlé à deux reprises.

6.3. Pronostic des formes en rechute biochimique de cancer


de la prostate
Toutes les rechutes biochimiques ne sont pas graves!

• En cas de ré-élévation du PSA après traitement local, trois facteurs pronostiques principaux permettent d'identi­
fier les rechutes graves :
- un temps de doublement du PSA court ( < 6 mois) ;
- un score de Gleason � 8 ;
- un délai court entre le traitement local et la rechute (< 2 ans).

7. Diagnostics différentiels
• Une élévation du PSA sérique est fréquemment observée en cas de prostatite, parfois à un taux très élevé
(par exemple 50 ng/mL) et, à bien moindre mesure, en cas d'hyp ertrophie bénigne de la prostate (typ iquement
PSA < 10 ng/mL).
• Les symptômes urinaires du cancer de la prostate (pollakiurie nocturne, dysurie) ne sont pas spécifiques et
peuvent en particulier être observés en cas d'hypertrophie bénigne/adénome de la prostate.
• La découverte d'un tableau métastatique osseux ou ganglionnaire n'est bien sûr pas spécifique et une preuve de
l'origine primitive prostatique doit être apportée (biopsie des métastases avec immuno-marquage pour le PSA ou
le récepteur des androgènes par exemple).

363
Item 310

e 8. Modalités de prise en charge des stades localisés


de cancer de la prostate

De vieux termes inappropriés à éviter


Plusieurs appellations anciennes devraient disparaître du langage médical, car biologiquement
erronées:
- « Anti-androgènes» est un terme ancien qui désignait les inhibiteurs du récepteur des androgènes: en
fait totalement inadapté car ces médicaments ne sont pas dirigés contre les ligands (les androgènes),
mais leur récepteur;
- « Blocage androgénique complet»: ce terme désignait l'association d'une castration avec un inhibiteur
du récepteur des androgènes. Ce « blocage » n'a en fait rien de « complet » car, d'une part, du côté
des ligands les surrénales et les cellules tumorales produisent des androgènes malgré la castration, et
d'autre part côté récepteur, la DHT garde une affinité pour celui-bien supérieure à celle des inhibiteurs
du récepteur des androgènes inventés à ce jour!

8.1. Les armes thérapeutiques et leurs effets secondaires


8.1.1. La radiothérapie externe
• La radiothérapie externe (Figure 8) peut être employée comme traitement principal du cancer de la prostate.
La dose d'irradiation classique est de 70 à 80 Gy à raison d'une séance par jour de 2 Gy et une durée totale de
traitement de 7 à 8 semaines. Une radiothérapie hypofractionnée (plus courte et avec des doses quotidiennes plus
élevées) peut remplacer l'étalement classique, évitant ainsi la répétition des transports des patients à l'hôpital.
• La radiothérapie peut être utilisée seule ou associée à une hormonothérapie par agoniste ou antagoniste de la
LHRH d'une durée de 6 à 36 mois en fonction du risque de rechute. Une technique de radiothérapie de confor­
mation avec modulation d'intensité (RCMI ou IMRT en anglais) est requise pour optimiser la dose aux organes
critiques (vessie, rectum, têtes fémorales et intestin grêle). À chaque séance, une précision de repositionnement
est exigée avec des systèmes d'imagerie embarquée sur l'accélérateur: radiothérapie guidée par l'image (IGRT).
Les volumes traités sont la prostate, les vésicules séminales et, au cas par cas, les aires ganglionnaires pelviennes.

Figure 8. Radiothérapie conformationnelle de la prostate

364
• La radiothérapie externe peut aussi être employée à la suite d'une prostatectomie radicale :
- soit comme traitement adjuvant (après chirurgie), en particulier en cas de marge positive significative et/ou
extension extra-prostatique;
- soit, et surtout, comme traitement de rattrapage d'une récidive biologique (augmentation du PSA au-delà
de 0,2 ng/ml). La dose est de 60 Gy (radiothérapie adjuvante) à 66 Gy (radiothérapie de rattrapage) en 6 à 6,5
semaines (2 Gy par jour). Une technique de RCMI est recommandée. Les volumes irradiés sont la loge de
prostatectomie et, au cas par cas, les aires ganglionnaires pelviennes.
• Les effets secondaires de la radiothérapie peuvent être :
- précoces : dysurie, pollakiurie et accélération du transit en cours d'irradiation, asthénie modérée. Une
majoration des fuites urinaires peut se voir en cas d'irradiation adjuvante après prostatectomie radicale. Ces
symptômes régressent habituellement dans les 3 semaines suivant la fin du traitement.
- tardifs : ils apparaissent plusieurs mois à plusieurs années après le traitement et sont définitifs : dysurie
chronique, rectite sous forme de traces de sang dans les selles, troubles de l'érection, cystite hémorragique. Les
traces de sang dans les selles (5 à 10 % des patients) imposent la réalisation d'une exploration endoscopique afin
d'éliminer une autre pathologie (tumeur du rectum).

8.1.2. La curiethérapie
• La curiethérapie (Figure 9) consiste à implanter dans la prostate des sources radioactives sous anesthésie
générale ou rachianesthésie. On distingue la curiethérapie à bas débit utilisant des sources permanentes (laissées
en place) d'iode 125 et la curiethérapie à haut débit (HDR) utilisant des sources temporaires (retirées à la fin du
traitement) d'iridium 192. Les sources sont implantées sous contrôle échographique au bloc opératoire. La curie­
thérapie est principalement utilisée comme un traitement exclusif du cancer de la prostate mais peut aussi être
associée à de la radiothérapie externe.
• Les effets secondaires de la curiethérapie sont essentiellement urinaires: pollakiurie et dysurie, rarement rétention
aiguë d'urine. Les effets tardifs possibles sont la persistance d'une dysurie, une rectite radique (moins de 5 %) et
des troubles de l'érection, moins fréquente (25-30 %) qu'après chirurgie ou radiothérapie externe.

Figure 9. Curiethérapie de la prostate

365
Item 310

8.1.3. La prostatectomie radicale


• La prostatectomie radicale (Figure 10) consiste en l'ablation de la prostate et des vésicules séminales suivie
d'une anastomose vésico-urétrale. Pour les cancers de risque intermédiaire ou haut risque, un curage ganglion­
naire est associé. Il existe 3 voies d'abord chirurgicales: ouverte rétropubienne, laparoscopique et laparoscopique
assistée par robot. Aucune voie d'abord n'a montré une supériorité sur les autres. En l'absence de risque d'exten­
sion extracapsulaire et pour des tumeurs de faible agressivité, une préservation des bandelettes neurovasculaires
peut être réalisée pour tenter de conserver les érections. La prostatectomie n'est habituellement pas proposée au­
delà de 70 ans en raison de son impact défavorable sur la qualité de vie.
• Les principaux effets secondaires de la prostatectomie sont :
- urinaires : les fuites urinaires sont fréquentes immédiatement après chirurgie et régressent dans les mois qui
suivent. Il peut persister de manière définitive une incontinence totale (rare) ou à l'effort (plus fréquentes :
15- 20 %);
- sexuels : en l'absence de préservation des bandelettes neurovasculaires commandant l'érection (situées au
contact de la capsule prostatique), l'impuissance est quasi systématique. La conservation des bandelettes
neurovasculaires peut permettre la préservation des érections sans éjaculation dans environ un cas sur deux.

Figure 1 O. Prostatectomie radicale


• Ablation de la prostate et des vésicules séminales
• Au besoin précédée par un curage ganglionnaire

Incision réalisée pour ablation Le chirurgien reconstruit le tractus urinaire en tirant la


de la prostate vessie vers le bas pour réaliser une anastomose entre
l'urètre et la vessie.

Vessie


Uretère

D'après : Dr Patrick Walsh's Guide te Surviving prostate Cancer by Patrick C. Walsh M.D and Janet Farrar Worthington
illustration by Dan Ion The Wall street Journal

8.1.4. La surveillance active


• La surveillance active est proposée pour des cancers de la prostate cliniquement localisés et à faible risque de
progression chez des patients ayant une espérance de vie supérieure à 10 ans. Elle repose sur la notion que le
risque de progression de la maladie est suffisamment faible pour ne pas justifier d'exposer les patients à un sur­
traitement avec ses effets secondaires urinaires, digestifs ou sexuels associés.
• Les indications de la surveillance active se limitent à des patients avec un PSA < 10 ng/ml, un score de Gleason
< 7. Le nombre de biopsies positives ( < 3) et la longueur de cancer par biopsie ( < 3 mm) sont souvent retenus en
France comme critères complémentaires.
• La surveillance active impose un dosage du PSA tous les 6 mois et la réalisation systématique d'une nouvelle série
de biopsies dans les 18 mois suivant le début de la surveillance active. La progression du PSA justifie la réalisation

366
de biopsies anticipées. L'augmentation du nombre ou de la longueur de biopsies positives ou l'apparition d'un
Grade 4 de Gleason justifient un traitement à visée curative.

8.1..5. Un traitement à visée symptomatique : la résection trans-uréthrale


de la prostate (RTUP)
• En cas de dysurie importante pouvant conduire à une rétention aiguë d'urine ou altérant la qualité de vie du
patient, une résection trans-uréthrale de la prostate peut être proposée, par exemple:
- avant un traitement par radiothérapie externe ;
- chez un patient en rechute locale après traitement local à visée curatrice ;
- chez un patient porteur de métastases et jamais traité localement.

8.1..6. les traitements expérimentaux (ultrasons, cryothérapie)


• Différents traitements locaux sont en cours d'évaluation, principalement dans les formes précoces et peu agres­
sives de la maladie:
- les utrasons focalisés traitent une partie ou la totalité de la prostate en créant un choc hyp erthermique au
niveau des cellules cancéreuses. Les ultrasons sont produits par une sonde endorectale et sont guidés par une
imagerie échographique et IRM ;
- la cryothérapie consiste à implanter dans la prostate des aiguilles vectrices d'azote liquide. Il s'agit d'un choc
thermique par le froid ;
- la photothérapie dynamique est en phase précoce d'évaluation.

8.1..7. l'hormonothérapie peut être associée au traitement local dans certaines


situations

8.2. Indications de traitement des formes localisées


• Les indications de traitement des formes localisées reposent sur la classification pronostique NCCN (Figure 11).

Figure 11. Cancer de la prostate localisé: petit résumé thérapeutique

PSA<10 10<PSA<20 PSA> 20


Gleason < 7 Gleason s 7 Gleason 2: 8
Î1 Î2 Î2 T3

Options:
Options:
- Surveillance active Options:
- Prostatectomie
- Curiethérapie - Radiothérapie
- Radiothérapie
- (Radiothérapie) + Hormono 3 ans
(+ hormono 6 mois)
- (Prostatectomie)

367
ÎUMEURS DE LA PROSTATE
Item 310

• Pour les cancers de faible risque, la surveillance active doit être proposée chaque fois qu'elle est possible et
indiquée. En cas de nécessité d'un traitement à visée curative, il est proposé soit une curiethérapie, soit une radio­
thérapie externe, soit une prostatectomie radicale. La curiethérapie est privilégiée chez les patients souhaitant
conserver une activité sexuelle et/ou éviter les fuites urinaires. La prostatectomie est plus volontiers proposée à
des patients présentant des symptômes urinaires. Les trois traitements ont des taux de succès de 90 à 95 % à 5 ans.
• Pour les cancers de risque intermédiaire, un traitement s'impose. Les deux traitements de référence sont la
prostatectomie radicale et la radiothérapie externe. La radiothérapie externe est le plus souvent associée à une
hormonothérapie de 6 mois.
• Pour les cancers de haut risque, le traitement de référence est l'association d'une radiothérapie externe à une
hormonothérapie de 18 mois à 3 ans. La prostatectomie radicale peut éventuellement être discutée dans le cadre
d'une prise en charge multidisciplinaire (en association à une hormonothérapie et une radiothérapie), dans des
cas sélectionnés, notamment chez des sujets jeunes.
.' - - - - . - . . - . - .. . . - . - - . . - - . - - - - . - . - - . . . . - . . - - . - - - - - - - . - - - - - . - - - - - - - . - . - . . - - . . - - - . - . - - . - - - - - - - - . . - - . - - - - - . - . - - - - - - - . - - - - - . - - - - . . - - . - . - - . - - . - - - . - - - . - - - . - - - - - - .. - '.

Quel que soit le niveau de risque, plusieurs règles sont indispensables à respecter:
le patient doit bénéficier d'une information éclairée et honnête des différentes alternatives
thérapeutiques adaptées à son cas, ainsi que de leurs effets secondaires;
- le dossier doit être présenté et discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire;
- la décision thérapeutique doit être prise dans le cadre d'une discussion avec le patient afin de prendre
en compte ses attentes et souhaits;
les patients âgés (> 70 ans) doivent bénéficier d'un test G8 et si nécessaire d'une consultation
oncogériatrique avant décision thérapeutique.

• Après traitement local, la surveillance repose sur la clinique et le dosage du PSA (habituellement semestriel).
• Les examens radiologiques ne sont effectués qu'en cas d'anomalie clinique ou de rechute biochimique (PSA).

Les modalités et indications thérapeutiques des formes avancées ou en rechute des cancers de prostate ne
figurent pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations sont données à titre indicatif.

9. Approches thérapeutiques des rechutes biochimiques


de cancer de la prostate
• En cas de rechute biochimique isolée (élévation du PSA sans métastase décelable ou connue):
- après prostatectomie radicale : une radiothérapie de rattrapage de la loge peut être proposée dès que le PSA
atteint le taux de 0,2 ng/ml, confirmé à deux reprises;
- après radiothérapie externe ou curiethérapie: un traitement par ultrasons, cryothérapie ou curiethérapie est
possible en cas de récidive intra-prostatique;
- si une rechute métastatique est suspectée (rechute précoce, temps de doublement du PSA rapide), la place
d'un traitement systémique immédiat par hormonothérapie est discutée. Si une hormonothérapie est
employée, priorité doit être alors donnée à une forme intermittente.
• Quel que soit le traitement initial : une rechute ganglionnaire isolée ou associée à une récidive locale peut, au
cas par cas, faire discuter un traitement des aires ganglionnaires par une association radiothérapie plus hormo­
nothérapie (sous réserve qu'une radiothérapie des chaines ganglionnaires n'ait pas été réalisée lors du traitement
initial).

368
10. Modalités de prise en charge des stades
métastatiques de cancer de la prostate

Les armes thérapeutiques des formes métastatiques et leurs effets


10.1.
secondaires
1.0.1..1.. Castration ou privation androgénique
• La castration, qu'elle soit chimique ou chirurgicale, permet l'arrêt de production de la testostérone par les testi­
cules. Elle peut être réalisée de trois façons :
- agoniste de la LHRH (injections SC ou IM) ;
- antagoniste de la LHRH (injections SC) ;
- orchidectomie bilatérale.
• Les agonistes de la LHRH entraînent dans un premier temps une augmentation de la testostéronémie (phéno­
mène de« flare »): afin d'éviter une éventuelle aggravation des symptômes, la co-prescription d'un inhibiteur
du récepteur des androgènes doit être systématique au cours des 2-3 premières semaines (Figure 12). La baisse
secondaire de la testostéronémie est liée au fait que les testicules produisent physiologiquement la testostérone
suite à une sécrétion pulsatile de LH qui disparaît du fait de l'emploi continu de l'agoniste de la LHRH.
• Les effets secondaires de la castration sont de deux types :
- Effets secondaires d'apparition rapide (quelques semaines):
► bouffées de chaleur;
► diminution de la libido;
► dysfonction érectile.

- Effets secondaires d'apparition plus tardive (quelques années):


► métaboliques (prise de poids, diabète) et cardio-vasculaires;
► musculaires: diminution du dynamisme physique;
► cognitifs : diminution du dynamisme intellectuel;
► ostéoporose;
► diminution de taille des organes génitaux externes;
► légère anémie (typiquement perte d'un point d'hémoglobine).
- Ces effets secondaires doivent être connus, surveillés, et prévenus.

369
Item 310

Figure 12. Prévention du« flare-up » des agonistes de la LHRH

CIi
C

,(Il

CIi
"C
><
:::,
IO
1-

Temps
2-3 semaines
Co-prescription systématique d'un inhibiteur du récepteur des androgènes

10.1.2. Ciblage de l'axe du récepteur des androgènes : abiratérone, enzalutamide, etc.


• Deux médicaments ciblent l'axe du récepteur des androgènes:
- l'abiratérone, qui inhibe CYP17, une enzyme clef de la synthèse des androgènes (Figure 13);
- l'enzalutamide, inhibiteur du récepteur des androgènes. Il pénètre la barrière hémato-encéphalique et peut
entraîner des troubles cognitifs, en plus du risque d'hyp ertension.

Figure 13. Inhibition de la biosynthèse des androgènes par l'abiratérone

Cholestérol

Prégnénolone Aldostérone

Abiratérone

170H·
Prégnénolone Cortisol

Abiratérone

Androstènedione � Testostérone �

Androgènes

370
• Deux médicaments de chimiothérapie appartenant à la famille des taxanes ont prouvé leur efficacité:
- le docétaxel, à la fois dans les formes métastatiques sensibles et résistantes à la castration. Il est employé sous
forme d'une perfusion toutes les 3 semaines, réalisée en hôpital de jour. Ses principaux effets secondaires sont:
► la neutropénie(avec risque de neutropénie fébrile);
► la neuropathie périphérique(paresthésies);
► la toxicité unguéale(ongles plus fragiles ou cassants);
► les nausées, habituellement très bien prévenues grâce au traitement anti-émétique;
► l'alopécie, réversible(également prévenue par le port d'un casque réfrigérant pendant la perfusion);
- le cabazitaxel, uniquement dans les formes prétraitées par le docétaxel.

10.2.Indications de traitement des formes métastatiques


non prétraitées par hormonothérapie
• L'espérance de vie médiane des patients atteints de métastases est actuellement de l'ordre de 5 ans.
• Les associations castration + abiratérone ou castration + docétaxel constituent le traitement de référence des
formes métastatiques non prétraitées par hormonothérapie car :
- la castration est presque systématiquement initialement active;
- l'adjonction d'une hormonothérapies de nouvelle génération ou du docétaxel augmente la survie de plusieurs
années.
• La castration seµle est parfois employée par défaut chez un patient dont l'état ne permet pas l'emploi des autres
médicaments.
• L'association au traitement systémique d'un traitement local de la tumeur primitive par la radiothérapie est deve­
nue standard chez les patients avec une charge métastatique faible(� 3 métastases osseuses).

11. Approches thérapeutiques des formes métastatiques


de cancer de la prostate devenues résistantes
à la castration

11.1.Les armes thérapeutiques des formes résistantes à la castration


et leurs effets secondaires
1.1..1..1.. le ciblage de l'axe du récepteur des androgènes : abiratérone, enzalutamide
(cf. 1.0.1..2)

1.1..1..2. les taxanes (cf. 10.1.2)

1.1..1..3. les traitements systémiques à visée osseuse


• Plusieurs traitements à visée osseuse ont fait la preuve de leur efficacité :
- l'acide zolédronique (IV), un bisphophonate, qui réduit le risque d'événement osseux grave;
- le dénosumab dont l'efficacité est supérieure à celle de l'acide zolédronique;
- le radium-223 (IV), un radio-isotope à tropisme osseux, qui permet une irradiation des métastases osseuses,
avec à la fois réduction du risque d'événement osseux grave et amélioration prouvée de la survie globale.

371
Item 310

1.1..1..4. Les traitements symptomatiques


• Le traitement des symptômes est bien sûr majeur:
- douleur osseuse : antalgiques, irradiation antalgique, AINS;
- anémie;
- fatigue, difficile à prendre en charge, souvent améliorée par les corticoïdes;
- symptômes urinaires : dysurie (RTUP), compression urétérale (sonde JJ), hématurie (irradiation à visée
hémostatique);
- perte d'autonomie.

11.2.Indications de traitement des formes métastatiques résistantes à


la castration
• Définition de la résistance à la castration:
- progression tumorale (PSA, clinique, imagerie);
- alors que la testostéronémie est à des taux de castration ( < 0,50 ng/mL).
• Principes généraux de la prise en charge des formes métastatiques résistantes à la castration:
- après vérification que les critères de résistance sont remplis;
- refaire un bilan d'extension;
- poursuite de la castration;
- adjonction d'un traitement systémique (abiratérone, enzalutamide, docétaxel, radium-223);
- prévention de complications locales (fracture, compression médullaire, épidurite (Figure 14));
- traitement des symptômes.
• Les différentes armes thérapeutiques (taxanes, hormonothérapies, traitements à visée osseuse) sont habituelle­
ment utilisées de manière séquentielle.
• Les patients porteurs de mutations de BRCA2 ou BRCAl bénéficient de l'emploi d'un inhibiteur de PARP.
• L'espérance de vie moyenne des patients atteints de formes métastatiques devenues résistantes à la castration est
ainsi passée d'environ 1 an en 2000 à environ 3 ans à l'heure actuelle.

Figure 14. IRM rachidienne

Métastase osseuse Epidurite

372
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 310:
« TUMEURS DE LA PROSTATE»

Situation de départ 1 Descriptif


En lien avec la prévention et le dépistage
303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte Le cancer de la prostate est le premier cancer masculin.
Les facteurs de risque sont : l'âge, l'ethnicité (hommes
de peau noire), les antécédents familiaux de cancer de
la prostate, une mutation constitutionnelle du gène
BRCA2. Le dépistage de population n'est actuellement
pas recommandé.
En lien avec le diagnostic de cancer de ta prostate
Signes pelviens
23. Anomalies de la miction Les cancers de la prostate ont souvent une évolution
lente et sont souvent peu symptomatiques localement
63. Troubles sexuels et troubles de l'érection
jusqu'à un stade avancé.
95. Découverte d'une anomalie au toucher rectal
96. Brûlures mictionnelles
97. Rétention aiguë d'urines
98. Douleur pelvienne
102. Hématurie
103. Incontinence urinaire
106. Masse pelvienne
Signes liés à l'atteinte métastatique
16. Adénopathies unique ou multiple Les deux sites métastatiques prédominants sont les os
et les ganglions lymphatiques. Les métastases osseuses
21. Asthénie
sont classiquement ostéocondensantes, en fait le plus
31. Perte d'autonomie progressive souvent mixtes.
35. Douleur chronique
36. Douleur de la région lombaire
71. Douleur d'un membre
72. Douleur du rachis
199. Créatinine augmentée
227. Découverte d'une anomalie médullaire ou vertébrale
à l'examen d'imagerie médicale

--
228. Découverte d'une anomalie osseuse et articulaire à
l'examen d'imagerie médicale
--
En lien avec le bilan diagnostique de cancer de la prostate
178. Demande/prescription raisonnée et choix d'un Le diagnostic est basé sur l'examen anatomo-
examen diagnostique pathologique des biopsies de la prostate écho-guidées :
le plus souvent adénocarcinome.
180. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo-
pathologie Un grade histologique allant de 3 à 5 permet de
caractériser le stade de différenciation des foyers
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie tumoraux. Le score de Gleason est obtenu en
231. Demande d'un examen d'imagerie additionnant les deux grades les plus fréquents ; il va
être remplacé par la classification ISUP.
232. Demande d'explication d'un patient sur le
Le dosage du PSA a une valeur pronostique et est d'une
déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un
-- -
grande utilité pour le suivi des patients.
----d'imagerie
examen
- -- - - - - - - -- - -

373
En lien avec la prise en charge thérapeutique du cancer de la prostate
239. Explication pré-opératoire et recueil de consentement L'axe du récepteur des androgènes joue un rôle majeur
d'un geste invasif diagnostique ou thérapeutique dans la prolifération tumorale: son inhibition a un rôle
250. Prescrire des antalgiques
thérapeutique majeur.
260. Évaluation et prise en charge de la douleur chronique
Dans les formes localisées, en fonction du pronostic
tumoral et de l'espérance de vie du patient, différents
traitements vont être discutés: surveillance active des
formes les moins graves, traitement local (radiothérapie
externe, curiethérapie, prostatectomie radicale),
association de la radiothérapie à l'hormonothérapie.

374
375
Item 311

CHAPITRE ►----------------------------------------
Tumeurs du rein

Dr Antoine Thiery-Vuillemin', Dr Guillaume Mouillet', Dr Aline David 2, Pr François Kleinclauss'


'Service Oncologie Médicale, CHU Minjoz, Besançon
'Service Radiologie, CHU Minjoz, Besançon
'Service Urologie, CHU Minjoz, Besançon

OBJECTIFS: N ° 311. TUMEURS DU REIN DE L'ADULTE


� Eléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur du rein.

·---------------------------------------------------------------------------------------------------------------�'
'
1. Connaître l'épidémiologie des tumeurs du rein 5. Connaître les indications des examens complémentaires
2. Connaître les facteurs de risque nécessaires en cas de suspicion clinique de tumeur du rein
3. Connaître les principaux types histologiques des tumeurs 5.1. Interrogatoire et examen clinique
3.1. Cancer dépendant de l'angiogenèse 5.2. Examens biologiques
3.2. La classification histologique 5.3. Examens iconographiques= imagerie
3.3. Les tumeurs bénignes du rein 5.4. Bilan métastatique
4. Connaître les présentations cliniques des tumeurs du rein 5.5. Biopsies
4.1. Anatomie et physiologie 5.6. Les kystes rénaux: classification de Bosniak
4.2. Histoire naturelle 5.7. Petite masse rénale de découverte fortuite
4.3. Signes cliniques loco-régionaux 5.8. Suivi
4.4. Les symptômes liés aux métastases 6. Contenu multimédia
4.5. Syndromes paranéoplasiques
,·-------- -------------------------- ------------- ---------------------------------------------------------------- ·

Rang
- - -
1 - - --
-
Rubrique
- - - - - -
1
-
Intitulé - -

B Prévalence, épidémiologie Connaître l'épidémiologie des tumeurs du rein


B Prévalence, épidémiologie Connaître les facteurs de risque (y compris génétiques)
B Définition Connaître les principaux types histologiques des tumeurs
A Diagnostic positif Connaître les présentations cliniques des tumeurs du rein
A Examens complémentaires Connaître les indications des examens complémentaires nécessaires en cas de
suspicion clinique de tumeur du rein
B � Contenu multimédia Exemple d'échographie d'un kyste rénal simple

• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

376
• Au sein des tumeurs solides, le cancer du rein n'est pas parmi les plus fréquents en termes d'incidence ou de mor­
talité ; toutefois il n'est pas non plus à considérer comme rare. Le carcinome rénal est la lésion solide rénale la plus
courante et représente environ 90 % de toutes les tumeurs malignes rénales.

B 1. Épidémiologie des tumeurs du rein


• Dans les registres américains, les cancers du rein(CR) représentent:::: 4 % des tumeurs solides et sont en troisième
place des tumeurs urologiques après le cancer de la prostate et le cancer de la vessie. En France, en 2018, l'inci­
dence a été estimée à 15 323 nouveaux cas (6' en termes d'incidence par rapport aux autres tumeurs) pour 5 589
décès (7' cause de décès par cancer). Le ratio homme/femme est de 1,5. Parmi les cancers urologiques, il se situe
respectivement en 3' et 1 position en termes d'incidence chez l'homme et la femme.
ère

• L'âge médian au diagnostic est de 66 ans chez l'homme et de 70 ans chez la femme; au décès, il est respectivement
de 75 et 80 ans.
• En plus des signes cliniques classiques (hématurie, altération de l'état général) le mode de découverte a évolué
ces dernières années du fait de l'augmentation des diagnostics précoces faits de façon fortuite lors d'un examen
radiologique(échographie et/ou tomodensitométrie) de routine. Tous stades confondus, la survie nette à 5 ans est
de 70 % environ ; à 10 ans, elle est supérieure à 50 % quel que soit le sexe.

e 2. Facteurs de risque
• Le tabac et l'obésité sont les principaux facteurs de risque. L'hypertension artérielle ainsi que des antécédents
familiaux sont également incriminés. L'obésité semble être un facteur de risque plus important chez les femmes
que chez les hommes. L'exposition professionnelle au trichloroéthylène est à rechercher. L'insuffisance rénale
chronique augmente le risque de survenue de cancer du rein. Un sur-risque sur les reins natifs est aussi décrit chez
les patients hémodialysés ou transplantés rénaux.
• La prévention primaire passe par une meilleure maîtrise des facteurs de risque : lutte contre le tabagisme, activité
physique, contrôle de l'hyp ertension ...
• Formes héréditaires :
Tout comme pour les autres cancers, il est important de distinguer les formes sporadiques, les plus fréquentes, des
formes héréditaires qui sont plus rares(== 5 %).

Pour les tumeurs rénales, 5 formes héréditaires sont principalement à retenir:


• la maladie de Von Hippel Lindau (VHL) liée à une mutation du gène VHL;
• le cancer du rein papillaire de type I héréditaire lié à une mutation du gène Met;
• la leïomyomatose cutanée familiale (cancers du rein papillaires de type Il) liée à une mutation du gène de la
fumarate hydratase (FH);
• le syndrome de Birt Hogg Dubé (FLCN) occasionnant des cancers du rein variante chromophobe et des oncocy­
tomes, lié à une mutation du gène FLCN;
• la sclérose tubéreuse de Bourneville (angiomyolipomes) liée à la mutation du gène TSCl ou TSC2 (Tableau 1 ).

377
Item 311

Tableau 1. HÉRÉDITÉ ETTUME URS DU REIN


Affection (gène) Fréquence et type des Autres manifestations cliniques
tumeurs rénales
Maladie de Von Hippel- carcinomes à cellules claires, hémangioblastomes du SNC et de la rétine,
Lindau (VHL) kystes rénaux kystes et tumeurs endocrines du pancréas,
phéochromocytomes, tumeurs du sac endolymphatique,
cystadénomes de l'épididyme

Cancer rénal papillaire carcinomes papillaires


héréditaire (MET) de type 1

Léiomyomatose carcinomes papillaires léiomyomes cutanés et utérins


cutanéo-utérine de type 2 principalement,
héréditaire avec cancer carcinomes des tubes
rénal (FH) collecteurs

Syndrome carcinomes chromophobes, fibrofolliculomes cutanés, pneumothorax spontanés,


de Birt-Hogg-Dubé tumeurs hybrides, oncocytomes, kystes pulmonaires
(FLCN) carcinomes à cellules claires

Sclérose tubéreuse angiomyolipomes épilepsie, retard mental, angiofibromes faciaux,


de Bourneville fréquents, kystes rénaux, tumeurs de Koenen = fibro-kératomes unguéaux,
(TSC1, TSC2) angiomyolipomes épithélioïdes, taches achromiques, plaques en peau de chagrin,
carcinome à cellules claires plaques fibreuses du front et du cuir chevelu, nodules
sous-épendymaires, tubers corticaux multiples,
astrocytome sous-épendymaire à cellules géantes,
hamartomes rétiniens, rhabdomyome cardiaque,
lymphangioléiomyomatose pulmonaire

SNC : Système nerveux central.

• Il n'y a pas de dépistage systématique recommandé pour les formes sporadiques de cancer du rein, mais celui-ci
est recommandé en cas de forme héréditaire (détaillé sur le site web du réseau PREDIR [https://predir.org/View/
index.aspx]).
• Une consultation d'oncogénétique doit être proposée en cas de : âge de survenue avant 45 ans, sous-typ e histolo­
gique autre que le carcinome à cellules claires, tumeurs rénales multiples et/ou bilatérales, manifestations extraré­
nales évoquant une forme syndromique personnelle ou familiale, plusieurs cas dans la famille.

B 3. Principaux types histologiques des tumeurs


3.1. Cancer dépendant de l'angiogenèse
• Le cancer du rein, dans sa variante la plus fréquente (variante à cellules claires), se développe à partir des cellules
du tubule proximal du néphron par activation des voies de l'hypoxie.
• L'oncogène majeur est le gène VHL (Von Hippel Lindau) dont l'inactivation aboutit à l'expression constitutive de
la protéine HIF (Hypoxia-Inductible Factor). Ceci a pour conséquence une surexpression des gènes pro-angiogé­
niques (sécrétion de VEGF par exemple).
• La traduction clinique et iconographique se retrouve dans ces tumeurs qui sont hypervasculaires, mais avec une
vascularisation anarchique. Le risque hémorragique lors de la chirurgie sur la tumeur primitive ou les métastases
implique parfois la réalisation d'embolisation pré-opératoire.

378
3.2. La classification histologique
• La classification histologique est corrélée au comportement biologique de la tumeur.
• Plusieurs variantes histologiques (Figure 1) peuvent être rencontrées dans le cancer du rein dont les trois prin­
cipales identifiées sont :
- le cancer du rein à cellules claires (70 - 80 %) ;
- les cancers papillaires, de type 1 ou 2 (10 - 15 %) ;
- les cancers chromophobes (3 - 5 %).

Figure 1. Principaux types histologiques des tumeurs rénales malignes. A. Carcinome rénal à cellules claires Fuhrman 2;
B. Carcinome rénal à cellules claires Fuhrman 3; C. Carcinome rénal avec dédifférenciation de type sarcomatoïde;
D. Carcinome rénal chromophobe; E. Carcinome rénal tubulopapillaire de type 1;
F. Carcinome rénal tubulopapillaire de type 2.

379
, Item 311

• Les carcinomes à cellules claires semblent avoir un pronostic plus sombre que les autres histologies. La dédiffé­
renciation de type sarcomatoïde est un facteur pronostique de rechute et de moins bonne réponse aux traitements
systémiques. Comme tous les autres organes, le rein peut être le siège de métastases issues d'autres tumeurs. Les
tumeurs primitives du bassinet sont de type carcinome urothélial (cf item cancer de vessie N ° 314). Les carci­
nomes du rein à translocation, les cancers du rein de type médullaire ou des tubes collecteurs ( = tumeur dites de
Bellini) sont très rares et de pronostic péjoratif.
• Parmi les facteurs pronostiques histologiques, l'évaluation du grade nucléolaire de l'ISUP (International Society of
Urological Pathology), anciennement grade nucléaire de Fuhrman, est essentielle. Il s'agit d'un grade histopronos­
tique fondé sur l'atypie des noyaux tumoraux. Il varie de I à IV (gravité croissante). Sa valeur, indiscutable pour
le carcinome à cellules claires, est discutée pour les carcinomes papillaires et chromophobes.

3.3. Les tumeurs bénignes du rein à retenir


• Ce sont: l'oncocytome, l'adénome papillaire (moins de 15 mm de grand axe), les tumeurs métanéphriques ainsi
que l'angiomyolipome (risque hémorragique, prédominance féminine).

A 4. Présentations cliniques des tumeurs du rein

4.1. Anatomie et physiologie


• Les reins sont deux organes rétro-péritonéaux situés à proximité des gros vaisseaux, en avant des premières ver­
tèbres lombaires (Figure 2). Ils sont responsables de la fabrication de l'urine et jouent un rôle fondamental dans
la régulation hydroélectrolytique et le volume de l'environnement interne (volume sanguin par exemple).
• À travers une fonction d'épuration, ils sont capables d'extraire puis d'excréter dans les urines des déchets méta­
boliques (créatine, urée, acide urique ...) ainsi que des substances chimiques (médicaments, pesticides ...). Ils
participent à la néoglucogénèse. Enfin, ils produisent des hormones/enzymes: érythropoïétine, rénine, 1,25-dihy­
droxyvitamine D.

Figure 2. Rappel anatomo-radiologique

A. TDM axiale injection artérielle : aorte brillante


hyperdense, bonne différenciation cortico­
médullaire rénale; B. TDM axiale injection portale;
C. TDM en reconstruction coronale.
rd = rein droit, rg = rein gauche, 1 = aorte, 2 = veine
cave inférieure, 3 = artère rénale gauche, 4 = veine
rénale gauche, 5 = veine rénale droite, 6 = artère
mésentérique supérieure, 7 = foie, 8 = coupole
diaphragmatique droite, 9 = muscle psoas droit, 10
= cortex rein gauche, 11 = cavité pyélocalicielle rein
gauche

*TOM = tomodensitométrie.

380
lf.2. Histoire naturelle
• Lors de leur croissance, les tumeurs rénales ont un tropisme vasculaire souligné par le développement de throm­
bus tumoraux (veine rénale puis veine cave inférieure = VCI). Les premiers relais ganglionnaires à surveiller se
situent au niveau du hile rénal et du rétropéritoine. Les principaux sites métastatiques à distance sont représen­
tés par l'os, les poumons, le foie, les ganglions lymphatiques médiastinaux, le SNC (système nerveux central). Les
métastases sont synchrones dans 15-20 % des cas.
• Un site particulier mérite d'être souligné: les métastases glandulaires (surrénales, pancréas).
· · ·- - · ·· · · - - - - - - · · · · · · - - - - - · - ·- - - ·· - - - - - - - · · - · · · · · · ·· - - ·· · - ··· · · · · - - - · - - - - -- - - - · - · ·· · - - · · · · · · - · · · · - · ·· · · · · · · ·· · - • · · · - - · -- - · -· - · ·· - - - - - - · · · · · · · · · ··- -- -·- · ·· - · '·
''' ''

: Les atteintes métastatiques surrénaliennes proviennent ainsi principalement des cancers primitifs du rein ou :
: des poumons. Les métastases pancréatiques proviennent pour la moitié de cancers primitifs du rein.

lf•3· Signes cliniques loco-régionaux


• Moins de 10 % des cancers du rein sont révélés par la triade classique « hématurie, douleur, masse palpable ».
Peu de symptômes sont observés pour les petites tumeurs localisées car le plus souvent corticales et de découverte
fortuite à l'imagerie.
• Une tumeur à proximité du hile peut se révéler par une hématurie, des douleurs de type colique néphrétique s'il
y a caillotage ou compression de la voie excrétrice.
• Une varicocèle plus fréquemment à gauche qu'à droite, d'apparition récente, est un mode de découverte classique
d'un cancer du rein avec thrombus de la veine rénale (pour le rein gauche) ou de la VCI. Elle s'explique par un
défaut de vidange de la veine spermatique dans la veine rénale gauche ou dans la VCI. Ce signe est, cependant, en
pratique très rarement retrouvé.
• Les signes en lien avec une thrombose veineuse profonde peuvent être observés (œdème des membres infé­
rieurs, dyspnée sur embolie pulmonaire ...).
• Les tumeurs volumineuses peuvent être responsables de gênes voire, de douleurs lombaires, puis d'hématurie.

If.If. Les symptômes liés aux métastases


• Ils sont dépendants des sites métastatiques :
- os : douleurs, fracture, compression médullaire, hypercalcémie, augmentation des PAL (= phosphatases
alcalines) ;
- poumon : dyspnée, douleur thoracique, hémoptysie ;
- SNC : signes neurologiques focaux, épilepsie, confusion, hyp ertension intracrânienne ;
- ganglionnaires : syndrome de masse ;
- foie: ictère, hépatalgie, hépatomégalie, altération de la biologie hépatique.

lf•S· Syndromes paranéoplasiques


• Altération de l'état général: asthénie, fièvre, sueurs nocturnes, amaigrissement.
• Hématologiques: anémie ou au contraire polyglobulie par surproduction d'EPO.
• Hypercalcémie par production de PTHrp.
• Hyp ertension artérielle par augmentation du taux de rénine plasmatique.
• Syndrome inflammatoire biologique: hyper-polynucléose, thrombocytose, augmentation de la VS et de la CRP.
• Syndrome de Stauffer (rare): hépatomégalie douloureuse avec altération de la biologie hépatique en l'absence de
métastase hépatique.

381
Item 311

A 5. Indications des examens complémentaires


nécessaires en cas de suspicion clinique de tumeur du rein (Figure 3)

Figure 3. Stratégie diagnostique et thérapeutique face à une tumeur rénale

Découverte masse rénale fortuite/ symptomatique

Imagerie : TDM avec 3 temps d'injection


+/- échographie, IRM

Masse solide Masse kystique

Aspect radiologique
Intérêt des biopsies Classification de Bosniak
Terrain/ comorbidités
Critères de taille
�-----.------�····· ....
........ .... ... .. ..... .. . .
t
Si critères de malignité : bilan extension : clinique, biologique, Pas de critère de malignité :
radiologique (TDM TAP +/- scintigraphie ou imagerie SNC) kyste simple, tumeur bénigne

Bilan opérabilité :
anesthésie, biologie, clinique

'
Chirurgie d'exérèse
- privilégier chirurgie Surveillance
Ttt ablatif Surveillance
conservatrice active
- néphrectomie élargie

En cas de cancer du rein métastatique :


- Toujours évoquer la possibilité de chirurgie de la tumeur
primitive.
- Sites métastatiques : thérapies systémiques (AAq, IMT, mTORi),
ttt loco-régionaux (si oligométastatique ou symptomatique)

Histologies malignes les + fréquentes : carcinome variante à


cellules claires, papillaire (type 1 ou 2), chromophobe.
Attention à la dédifférenciation sarcomatoïde qui est de mauvais
pronostic

*AAq = antiangiogéniques ; IMT = immunothérapie ; mTORi = inhibiteurs de mTOR ; SNC = système nerveux central ;
TAP = thoraco-abdomino-plevien ; TDM = tomodensitométrie ; Ttt = traitement.

382
La partie traitement de la figure 3 est hors programme.

5.1. Interrogatoire et examen clinique


• L'interrogatoire doit évaluer l'état de santé global (état général, facteurs de risque, antécédents personnels et
familiaux, comorbidités, qualité de vie) afin d'apprécier l'espérance de vie, et d'évaluer le retentissement clinique
éventuel de la tumeur rénale. Le patient âgé peut être orienté vers une consultation spécialisée de gériatrie selon
le score obtenu au questionnaire G8.
• Il précise les caractères de l'hématurie et son historique de survenue (récente, ancienne, intermittente, perma­
nente, premier épisode ... ?). Une hématurie totale oriente vers une origine rénale contrairement à une hématurie
initiale (de cause métro-prostatique) ou terminale (de cause vésicale).
• L'examen clinique comprend en plus de l'examen général, un examen de l'appareil urologique par une palpation
abdominale à la recherche d'un syndrome de masse au niveau des fosses lombaires (perception d'une anomalie,
appréciation de la consistance et du volume), la recherche d'une varicocèle.
• Les données recueillies orientent le choix des examens complémentaires pour le bilan d'extension et le bilan bio­
logique.

5.2. Examens Biologiques


• Généraux : hémogramme, bilan de coagulation, créatininémie (avant imagerie avec injection de produit de
contraste - importance de la fonction rénale dans le choix thérapeutique). Bilan hépatique, calcémie corrigée
peuvent orienter quant au siège de potentielles métastases.
• Des examens optionnels peuvent être demandés selon les besoins en fonction des orientations thérapeutiques et
du tableau clinique.
• La synthèse des éléments cliniques et biologiques permet de réaliser la classification pronostique de l'IMDC =
Heng (!'International Metastatic RCC Database Consortium) en cas de situation métastatique (Tableau 2).

Tableau 2. CLASSIFICATION DE L'IMDC = HENG.


o facteur: bon pronostic;
- -
1 ou 2 facteurs: pronostic intermédiaire; 3 facteurs ou plus: mauvais pronostic
- ---- - - - - - - - ~- --

Classification pronostique de l'IMDC = Heng


Index de Karnofsky Inférieur à 80 %
(performance status)
Intervalle libre entre Inférieur à un an
le diagnostic et le traitement
systémique
Taux d'hémoglobine Inférieur à la normale
Calcémie corrigée Supérieure à la normale
Taux de plaquettes Supérieur à la normale
Taux de polynucléaires neutrophiles Supérieur à la normale

383
'
Item 311

5.3. Examens iconographiques = imagerie (Figure 4)


• L'imagerie permet un bilan d'extension loco-régional et à distance.
• L'échographie est souvent l'examen de première intention permettant de mesurer la taille tumorale, d'apprécier
son caractère solide ou kystique, d'évaluer sa vascularisation et de rechercher une thrombose de la veine rénale ou
de la veine cave inférieure (mode Doppler). L'utilisation de produit de contraste (type Sonovue") peut être utile
principalement chez les patients avec une insuffisance rénale mais n'est pas un standard.
• L'examen de référence est le scanner (TDM = tornodensitornétrie) avec injection de produit de contraste iodé
(PCI). Dans l'idéal il doit comprendre les 4 temps: sans injection, artériel, portal et tardif (=phase excrétoire).
Les tumeurs rénales classiques à cellules claires prennent le contraste de façon intense et précoce à la phase arté­
rielle. L'étude portale (= temps portal) permet une meilleure évaluation de l'envahissement vasculaire. La phase
tardive permet une meilleure évaluation des rapports avec les voies excrétrices (ce qui est utile en cas de doute sur
une tumeur de la voie excrétrice et en cas de chirurgie partielle envisagée). La TDM permet des reconstructions
avec divers objectifs: planifier une néphrectomie partielle, préciser l'étendue d'un thrombus cave.
• À la phase portale, les tumeurs rénales apparaissent plus hyp odenses ou isodenses par rapport au parenchyme
rénal sain à cause du wash-out (= lavage du produit de contraste). Le plus souvent, le cancer du rein à cellules
claires est une masse solide hétérogène, hypervasculaire prenant intensément le contraste au temps artériel. Des
zones de nécrose peuvent être visibles. Il est important de ne pas confondre ces zones de nécrose avec la classique
cicatrice centrale stellaire décrite dans l'oncocytome. Les tumeurs de type chromophobe ou papillaire ont plutôt
un aspect homogène. La visualisation d'image de type graisseuse est très évocatrice d'angiomyolipome.
• L'IRM est particulièrement utile dans l'évaluation des tumeurs kystiques, chez les patients insuffisants rénaux ou
présentant une contre-indication aux PCI, dans l'évaluation du degré d'étendue d'un thrombus vasculaire, ou
pour mieux caractériser les tumeurs pour lesquelles les autres techniques d'imagerie n'ont pas été concluantes.

Figure 4. Iconographie de masses rénales. A. Volumineux carcinome à cellules claires avec thrombus vasculaire remontant
jusque dans la veine cave inférieure (flèche rouge); B. Carcinome tubulopapillaire de type 1 ; C. Carcinome à cellules
claires accessible à une néphrectomie partielle; D. Tumeur bénigne avec composante mixte de densité hémorragique
et graisseuse: angiomyolipome du rein gauche; E. Kyste bénin de type Bosniak 1.

384
La classification TNM des cancers du rein ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

TNM Statut
1

Tumeur(T)
Tx i
Le statut tumoral ne peut être défin

T1a Tumeur de tailles à 4 cm, localisée au rein

T1b Tumeu r > à 4 cm ets 7 cm, localisée au rein

T2a Tumeu r > 7 à s 10 cm, localisée au rein

T2b
l
Tumeur > 10 cm, loca isée au rein

T3a Envahissement du tissu adipeux périrénal et/ou du tissu adipeux hilaire mais pas du fascia
de Gerota et/ou thrombus macroscopique dans la veine rénale ou dans l'une de ses branches
et/ou infiltration des cav ités pyélocalicielles

T3b Thrombus dans la veine cave sous le diaphragme


i
T3c Tumeu r s'étendant dans la veine cave au-dessus du diaphragme ou envahissant la paro
musculaire de la veine cave

T4 Tumeur infiltrant au-delà du fascia de Gerota et/ou envahissement par contiguïté de la


surrénale

Métastase ganglionnaire (N)

Nx Pas d'évaluation du statut ganglionnaire (GG)


- - -
No Pas de métastase GG

385
Item 311
. .

N1 Métastase régionale GG dans 1 seul GG

N2 Métastase régionale GG dans plus de 1 GG

Métastase à distance (M)


Mx Pas d'évaluation du statut métastatique

Mo Pas de métastase

M1 Métastase tissulaire à distance

A 5.4. Bilan métastatique (Figure s)


• Le scanner thoraco-abdomino-pelvien (TDM TAP) avec injection de PCI permet un bilan d'extension exhaus­
tif sur les principaux sites métastatiques (osseux, ganglionnaires, hépatique et pulmonaire) en respectant soigneu­
sement les temps d'injection ainsi que l'examen des différentes régions anatomiques avec un fenêtrage adapté.
• La recherche de métastases osseuses peut être optimisée par la réalisation d'une scintigraphie au 99mTC. Cet
examen est recommandé en cas de signes d'appels osseux: douleurs osseuses, hypercalcémie, augmentation des
phosphatases alcalines ... La tomographie par émission de positons (TEP-TDM) au fluorine-18-fluorodeoxyglu­
cose (F-FDG) n'est pas recommandé en 1ère intention dans le bilan d'extension.
• La réalisation d'une imagerie encéphalique (TDM ou au mieux IRM cérébrale) en première intention n'est pas
recommandée hors point d'appel clinique ou cas particulier (recherche clinique).

Figure 5. Métastases d'un cancer du rein. A. Métastase osseuse sur scanner injecté; B. IRM injectée du même patient que A;
C. Métastases pulmonaires sur scanner en fenêtrage parenchymateux; D. Métastases hépatiques sur scanner injecté;
E. Rechute ganglionnaire à proximité de la loge de néphrectomie.

Cancer du Rein métastatique

386
5.5. Biopsies
• La biopsie d'une masse rénale permet d'obtenir une confirmation histologique de la nature de la tumeur. Elle se
réalise le plus souvent sous anesthésie locale, sous contrôle échographique ou TDM, à l'aide d'une aiguille de type
coaxiale pour protéger le trajet de ponction transcutanée d'un éventuel ensemencement tumoral.
• Elle n'est pas systématique mais indiquée selon le contexte (tumeur de petite taille, suspicion de tumeur bénigne,
incertitude diagnostique à l'imagerie, autres cancers associés, suspicion de lymphome, avant tout traitement sys­
témique pour avoir une preuve histologique, avant un traitement ablatif, avant une néphrectomie partielle difficile
où il y a un risque élevé de totalisation).
• La morbidité grave de la biopsie d'une masse rénale est faible, de l'ordre de 2-3 %.
• La principale complication est le risque hémorragique consécutif à la ponction.
• Sa fiabilité est supérieure à 95 % dans le diagnostic de malignité. La concordance biopsie - pièce opératoire pour
le diagnostic du sous-type histologique est de l'ordre de 90 %.
• Elle n'est pas conseillée : en cas de risque hémorragique élevé, de suspicion de carcinome urothélial ou d'angio­
myolipome, de tumeur kystique.

5.6. Les kystes rénaux : classification de Bosniak


• Les kystes rénaux sont fréquents et la plupart du temps bénins. Parfois, le kyste est considéré comme atypique sur
des critères radiologiques. Quand il s'agit d'un kyste simple, l'échographie peut être suffisante.
• Les kystes sont évalués sur les critères scanographiques suivants : aspect homogène intrakystique, présence de
cloisons, épaisseur et prise de contraste des cloisons, présence de végétations et présence de calcifications intrakys­
tiques. À partir de ces éléments, le kyste est classé selon la classification de Bosniak (Tableau 3, à titre indicatif).
Les kystes Bosniak I (Figure 6) et II sont considérés comme bénins et ne nécessitent aucun traitement ni surveil­
lance ; les kystes Bosniak III et IV sont suspects de malignité et doivent bénéficier d'un traitement chirurgical. La
classe IIF concerne les kystes sans critère franc de malignité mais nécessitant une surveillance radiologique.

La classification de Bosniak ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations
sont données à titre indicatif.

Tableau 3. CLASSIFICATION DE BOSNIAK ET PRISE EN CHARGE TUMEUR KYSTIQUE �


--------- ---� ---- � -�-- - - - -- � -- -------- -- -- -� - -- -

Classification Critères diagnostiques %de Prise en charge


de Bosniak modifiée malignité
Kyste bénin avec une paroi fine

Pas de cloisons ni de calcifications


kyste bénin, pas de suivi
Type 1 « Kyste simple » Contenu liquidien Bénin
particulier recommandé
Pas de rehaussement après injection du
produit de contraste

Kyste bénin pouvant contenir une fine


cloison

Kyste hyperdense
Type Il kyste bénin, pas de suivi
Des petites calcifications peuvent être Bénin
« Kyste atypique » particulier recommandé
présentes dans la paroi du kyste

Pas de rehaussement après injection du


produit de contraste

387
Item 311

Cloisons nombreuses et fines

Minime épaississement des parois ou des


cloisons
Lésion probablement bénigne
Minime rehaussement de la paroi et/ou
Surveillance pendants ans
Type IIF des cloisons 5-14 %
Exérèse chirurgicale en cas
Calcifications régulières de la paroi et des d'évolution du kyste
cloisons

Kyste hyperdense et entièrement


intrarénal et> 3 cm

Paroi épaisse et irrégulière

Type Ill Calcifications épaisses et irrégulières 1) Exérèse chirugicale


42-61 %
« Kyste suspect » 2) Surveillance régulière
Rehaussement significatif de la paroi et
des cloisons

Kyste avec végétations intrakystiques se


Type IV« Cancer rehaussant 81-89 % Exérèse chirurgicale
à forme kystique »
Paroi épaisse et irrégulière se rehaussant

A 5.7. Petite masse rénale de découverte fortuite


• Les masses rénales de taille inférieure à 4 cm posent à la fois un problème diagnostique et thérapeutique. En effet,
il existe jusqu'à 20-25 % de tumeurs bénignes dans les masses rénales inférieures à 4 cm ; la biopsie de la masse
rénale permet alors le plus souvent d'en faire le diagnostic (contribution diagnostique de 90 %) et d'orienter vers
un traitement où une surveillance.

L:évolution et le suivi des patients ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.

5.8. Suivi
• Le suivi d'un patient présente un intérêt si un traitement spécifique à l'événement attendu peut être proposé
pour augmenter la quantité et/ou la qualité de vie. Il est important de distinguer 2 situations plus fréquemment
rencontrées
- patient avec un cancer du rein localisé en post-chirurgie: le suivi a pour objectif principal de détecter de
potentielles complications post-opératoires ainsi que les événements carcinologiques (récidive locale et à
distance) reposant principalement sur l'imagerie (TDM, échographie, IRM). Il suit l'évolution de la fonction
rénale.
- patient avec un cancer du rein métastatique recevant une thérapie systémique : le suivi s'attache à évaluer la
tolérance et l'activité du traitement. Il dépend de la molécule et du schéma d'administration utilisés. La réponse
tumorale est évaluée en fonction des cibles métastatiques avec des examens adaptés (TDM, scintigraphie,
IRM ...).

388
s 6. Contenu multimédia
• Exemple d'échographie d'un kyste rénal simple (Figure 6).

Figure 6. � Contenu multimédia. Kyste rénal simple typique en échographie: aspect anéchogène (noir)
homogène sans sédiment, paroi fine

Remerciements: Nous tenons à remercier pour toute l'aide qu'ils ont pu apporter à la rédaction de ce document, que ce soit par
leur relecture, leurs critiques ou l'aide pour la réalisation des figures: Dr Bedgedjian Isabelle (anatomopathologiste), Dr Montcuquet
Philippe (oncologue médical), Mme Paillard Marie-Justine (CCA oncologue médicale), M. Calcagno Fabien (CCA oncologue médicale),
Mme Klajer Elodie (interne).

389
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 311 :
« TUMEUR DU REIN »

Situation de départ 1 Descriptif


En lien avec la prévention et les facteurs de risque
314. Tabac La prévention primaire passe par une meilleure maîtrise
319. Obésité des facteurs de risque: lutte contre le tabagisme, activité
physique, contrôle de l'hypertension... Il faut être vigilant
303. Prévention primaire en cas de découverte de masse rénale chez un patient
303. Dépistage avec les facteurs de risque. Il n'y a pas de dépistage
systématique recommandé pour les formes sporadiques
de cancer du rein.
En lien avec l'anatomo-pathologie
180. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo- Il faut bien connaitre les indications de nécessité de la
pathologie biopsie rénale en cas de suspicion de tumeur maligne,
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie
ses limites ainsi que ses contre-indications. La tumeur
la plus fréquente est le carcinome rénal à cellules
claires. L'évaluation du grade nucléolaire est un facteur
pronostique essentiel.
En lien avec les présentations cliniques de tumeur rénale
102. Hématurie Les 2 principales modalités de découvertes sont : (1)
36. Douleur lombaire fortuite pour les tumeurs de petite taille qui ne sont
------- - - quasiment jamais symptomatiques; (2) sur signes
8. Masse cliniques en cas de tumeur de plus grande taille, de
108. Varicocèle métastases ou de syndrome paranéoplasiques.
Les signes cliniques en cas de métastases dépendent
54. Œdème des membres inférieurs
des sites atteints.
162. Dyspnée
·- Attention à la varicocèle dont l'étiologie est influencée
47. Ictère par sa latéralité: une varicocèle gauche peut être est un
mode de découverte d'un cancer du rein avec thrombus
44. Fièvre
--- de la veine rénale gauche (pour le rein gauche) ou de la
17. Amaigrissement veine cave inférieure; la veine spermatique droite étant
7 1. Douleur d'un membre drainée directement dans la veine cave inférieure.

72. Douleur du rachis


121. Déficit neurologique et/ou moteur

-En lien---avec--les-examens
---biologiques
--- dans un contexte de tumeur rénale---
---r-- --- - - -- --·-
217.
---
Anémie Certaines tumeurs rénales sont découvertes dans le
cadre de bilan d'anémie, de syndrome inflammatoire
200. Hypercalcémie
- biologique.
186. Syndrome inflammatoire biologique En cas d'hypercalcémie en lien avec une tumeur rénale,
l'étiologie peut être soit paranéoplasique soit en lien
- - -- -- -
avec des métastases osseuses. ---
En- lien avec les examens-d'imagerie
- ---- -
dans un contexte de tumeur rénale -
224. Découverte d'une anomalie abdominale à l'examen Il est essentiel de connaître les bonnes indications de
d'imagerie
- médicale
- --- -- demande d'examen complémentaire en cas de tumeur
181. Tumeur maligne sur pièce opératoire/ biopsie
rénale.
Le scanner thoraco-abdomino-pelvien (TDM TAP) avec
injection de produit de contraste iodé est l'examen clé.
Les temps d'injection sont importants (cf section 5.3.)
L'I RM est un examen de 2e intention. L'échographie est
un examen de débrouillage souvent demandé en 1ère
intention mais pas aussi précis qu'un scanner et pouvant
être pris en défaut en cas de petite tumeur.

-
C'est au terme du bilan d'imagerie que se posera, ou
----- -- -- pa� l'indication de biopsie rénale
390
- ---
391
Item 312

CHAPITRE ►---------
Tumeurs ------------------------------
du sein

Dr Elsa Curtit', Pr Yazid Belkacemi2, Pr Céline Bourgier3, Dr Marc Espié •, Pr Joseph Gligorov5, Pr Christophe Hennequin6,
Pr Gilles HouvenaegheF, Pr Michel Marty4, Pr Thierry Petit", Pr Xavier Pivot•
'Service d'Oncologie médicale, CHRU de Besançon
'Service d'Oncologie Radiothérapie, Hôpitaux Universitaires Henri Mondor, AP-HP, Centre Sein Henri Mondor, Créteil
'Service de Radiothérapie oncologique, Institut du cancer de Montpellier
•Sénopôle Saint Louis, territoire cancer nord, AP-HP
5 1UC-UPMC, Hôpital Tenon, AP-HP, Paris

•service de Cancérologie-Radiothérapie, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris


'Institut Paoli Calmettes et CRCM, Marseille
•institut de Cancérologie de Strasbourg Europe•

OBJECTIFS: N ° 312. TUMEURS DU SEIN


-+ Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur du sein.

·---------------------------------------------------------------------------------------------------------------·
'
'
1. Connaître l'épidémiologie et les facteurs de risque des 4.1. Classification anatomo-pathologique
tumeurs du sein 4.2. Principaux types de tumeurs malignes: éléments
1.1. Incidence et prévalence des cancers du sein en France diagnostiques obtenus par l'examen anatomo­
1.2. Facteurs de risque intrinsèques et extrinsèques pathologique
2. Connaître la physiopathologie des tumeurs du sein 4.3. Principaux types de tumeurs malignes: classification
2.1. Connaître l'histoire naturelle du cancer du sein et ses basée sur le statut HER2 et l'expression des récepteurs
modes de dissémination hormonaux
2.2. Connaître les prédispositions génétiques du cancer du S. Connaître les principes du bilan d'extension d'un cancer
sein du sein
3. Connaître la démarche diagnostique devant une tumeur 5.1. Bilan d'extension clinique
du sein 5.2. Bilan d'extension paraclinique
3.1. Connaître les différentes modalités de dépistage 6. Objectifs et principes de traitement du cancer du sein
3.2. Connaître les présentations cliniques des tumeurs du sein 6.1. Objectifs des traitements
3.3. Connaître les indications de la mammographie 6.2. Principes de traitement d'un cancer du sein localisé
3.4. Connaître les indications de la biopsie mammaire 6.3. Principes de traitement des formes métastatiques
4. Connaître les principaux types de lésions bénignes et de 6.4. Soins de support
tumeurs malignes du sein 6.5. Suivi des patients présentant un cancer du sein
·------------------------------- ------- ------- - ----------------··· ···----- -------------- - -----------------------·

Rang 1 Rubrique 1 Intitulé


B Prévalence, épidémiologie Connaître l'épidémiologie (incidence et prévalence) des tumeurs du sein en
France
B Prévalence, épidémiologie Connaître les principaux facteurs de risque intrinsèques et extrinsèques du
cancer du sein
B Éléments Connaître les prédispositions génétiques associées à un sur-risque de cancer du
physiopathologiques sein: mutations BRCA1/2, syndrome sein-ovaire. Connaître le rôle de BRCA1/2
dans ['oncogenèse du cancer du sein
A Éléments Connaître l'histoire naturelle du cancer du sein et ses modes de dissémination
physiopathologiques

395 ◄
392
ÎUMEURS DU SEIN
A Diagnostic positif Connaître les différentes modalités de dépistage (palpation, mammographie ... )
A Diagnostic positif Connaître les présentations cliniques des tumeurs du sein: nodule, écoulement,
inflammation, lésions cutanées...
B � Contenu multimédia Clichés photographiques de lésions/anomalies cutanées du sein (écoulements
sanglants/lactescents, méplat, sein inflammatoire...)
A Examen complémentaire Connaître les indications et non-indications de la mammographie
B Examen complémentaire Connaître les indications et non-indications de la biopsie mammaire
B Définition Connaître les principaux types de lésions bénignes (mastopathie fibrokystique,
adénofibrome) et de tumeurs malignes (carcinome infiltrant de type non
spécifique, carcinome lobulaire infiltrant) du sein


B Examens complémentaires Connaître les principes du bilan d'extension d'un cancer du sein
A Prise en charge Objectifs et principes de traitement du cancer du sein

Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

• Avec plus de 58 000 nouveaux cas par an en France et environ 12 000 décès, le cancer du sein est le 1cr cancer chez
la femme, à la fois en incidence et en mortalité. Le diagnostic est généralement fait dans deux contextes différents:
le dépistage par mammographie ou la présence de signes cliniques, au niveau mammaire ou plus rarement au
niveau ganglionnaire ou de métastase(s).
• Le diagnostic positif est affirmé par l'histologie; il nécessite donc une biopsie avec un examen anatomo-patholo­
gique. Le type histologique le plus fréquent est le carcinome infiltrant de type non spécifique (également appelé
carcinome canalaire infiltrant). Le diagnostic s'accompagne toujours de l'évaluation de l'expression des récep­
teurs hormonaux (récepteurs aux œstrogènes et récepteur à la progestérone) et de HER2 (Human Epidermal
growth factor Receptor 2).
• Pour définir les grands principes de prise en charge des cancers du sein, il faut à l'issue du diagnostic :
1. avoir déterminé grâce au bilan d'extension s'il s'agit d'un cancer du sein localisé ou métastatique;
2. savoir s'il s'agit d'un cancer hormono-sensible, HER2 positif ou triple négatif;
3. connaître les facteurs pronostiques.

B 1.
..
Epidémiologie et facteurs de risque des tumeurs du sein

1.1. Incidence et prévalence des cancers du sein en France


• Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers de la femme (il concerne rarement l'homme), en incidence et
en mortalité. C'est le 2e cancer le plus fréquent tous sexes confondus. Son incidence a presque doublé entre 1990
et 2018 (soit une augmentation d'environ +1,1 % par an) mais sa mortalité diminue d'année en année (-1,5 %
environ par an). Le taux de survie nette à 5 ans est de 87 %.

En France*:
1 femme sur 8 à 10 développera un cancer du sein;
il y a environ 58 000 nouveaux cas par an;
- il y a environ 12 000 décès par an;
l'âge médian au diagnostic est de 61 ans;
- l'âge médian au décès est de 74 ans.
*d'après les données de l'INCa, Institut National du Cancer au 13/01/2021.

393
ÎUMEURS DU SEIN
Item 312

1.2. Facteurs de risque intrinsèques et extrinsèques


1.2.1. Facteurs liés aux antécédents, à l'âge et au mode de vie
• L'âge: environ la moitié des cancers du sein survient entre 45 et 65 ans.
• L'alcool, le tabagisme, le surpoids.
• Les antécédents familiaux, dont les prédispositions génétiques.
• Les antécédents personnels de cancer du sein, de carcinome in situ, d'hyperplasie atypique.
• Les antécédents personnels de radiothérapie thoracique(par exemple: lymphome de Hodgkin).

Attention!
L'existence de lésions bénignes mammaires ne représente pas un facteur de risque (sauf pour les hyperplasies
atypiques, cf. 1.2).

1.2.2. Facteurs liés aux hormones


• La durée d'exposition aux hormones avec l'âge précoce de la puberté(< 12 ans) et l'âge tardif de la ménopause
(> 55 ans).
• L'âge tardif de la première grossesse(> 30 ans).
• L'absence d'allaitement.
• L'utilisation de traitements hormonaux.

Traitements hormonaux et risque de cancers


• D'après le World Cancer Report de 2014:
- les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause majorent légèrement le risque de cancer
du sein (combinaison œstrogène + certains progestatifs) ; cela dépend également du schéma
d'administration (nombre de jours/mois avec progestérone) et de la durée totale du traitement;
l'utilisation des contraceptifs œstro-progestatifs augmente très légèrement le risque de cancers du
sein, du col utérin, du foie et diminue le risque de cancers de l'endomètre et de l'ovaire;
• À titre individuel, le sur-risque reste très faible et ne contre-indique pas ces traitements.

1.2.3. Facteurs génétiques


• Certaines personnes sont porteuses des mutations constitutionnelles (présentes dans toutes les cellules de leur
organisme et héréditaires) qui les prédisposent aux cancers du sein et de l'ovaire.
• Les 2 principaux gènes en cause sont BRCAl et BRCA2 (cf paragraphe 2.2).

A 2. Physiopathologie des tumeurs du sein


2.1. Histoire naturelle du cancer du sein et ses modes de dissémination
• Le cancer du sein naît des cellules de l'appareil sécrétoire du sein constitué des lobules et des canaux galactophores.
• Dans une première étape, l'évolution est intra-épithéliale, sans franchissement de la membrane basale: ces lésions
sont nommées cancers(ou carcinomes) in situ.
• Quand il n'existe pas d'invasion de la membrane basale(donc dans les carcinomes in situ), l'évolution est exclusi­
vement mammaire et conditionne les modalités du traitement local.

394
• Le risque est l'évolution en plusieurs années vers un cancer invasif après franchissement de la membrane basale,
qui constitue la pathologie étudiée dans ce chapitre.
• La diffusion des cellules néoplasiques devient alors possible par voie vasculaire et/ou lymphatique à l'ensemble de
l'organisme, expliquant la prise en charge multidisciplinaire de cette pathologie (Figure 1).

Figure 1. Physiopathologie du cancer du sein

Carcinome
in situ


( Franchissement membrane basale
Carcinome infiltrant


1
J•
Extension lymphatique
Extension hématogène :
Extension par contigu'1lé Adénopathies des chaînes Métastases (os, peau, foie
axillaire, sous et sus-claviculaire, poumons, plèvre, système
(T4)
mammaire interne nerveux central)
Métastases

B 2.2. Prédispositions génétiques du cancer du sein


• Des mutations germinales dans les gènes suppresseurs de tumeur BRCAl et BRCA2 (pour BReast CAncer) sont
les deux principales causes de cancers du sein et de l'ovaire familiaux, classiquement appelés par les anglo-saxons
« hereditary breast and ovarian cancer syndrome» (HBOC).
• Elles expliquent environ 20 % des cancers du sein familiaux mais moins de 5 % de l'ensemble des cancers du sein.
À l'interrogatoire, il est important de rechercher les antécédents familiaux de cancer du sein et de l'ovaire et, le
cas échéant, de réaliser un arbre généalogique.
• D'autres gènes beaucoup plus rarement mutés peuvent être impliqués. Le généticien proposera à la personne chez
qui il suspecte une prédisposition génétique aux cancers du sein de rechercher des mutations dans un panel d'une
quinzaine de gènes.
• Il existe également de multiples variants génétiques décrits (plus de 200 publiés à ce jour) qui confèrent un petit
sur-risque de cancer du sein et peuvent être additionnés en un score de risque.

BRCA1. et BRCA2
• Ce sont des gènes suppresseurs de tumeurs impliqués dans la réparation de l'ADN. La mutation d'un allèle de
l'un de ces deux gènes entraîne une prédisposition à développer des cancers du sein et de l'ovaire.
• Lorsqu'une cellule mammaire est porteuse d'une mutation sur l'un des allèles de BRCA 1 ou de BRCA2, l'allèle
non muté permet de coder pour une protéine fonctionnelle et les fonctions cellulaires sont assurées.
• Lors de !'oncogenèse, la première anomalie est germinale (perte du 1 °' allèle fonctionnel), la 2• anomalie est
acquise dans les cellules mammaires au cours des divisions cellulaires successives (perte du 2• allèle qui était
initialement non muté). Ceci entraîne des anomalies de réparation de l'ADN qui aboutissent à une cancérisa­
tion de la cellule.
• En cas de suspicion de mutation (cancer du sein avant 40 ans, cancer du sein bilatéral ou association cancers
du sein et de l'ovaire, cancer du sein chez l'homme, antécédents familiaux évocateurs), la patiente sera orientée
en consultation d'oncogénétique.
• Une patiente porteuse d'une mutation BRCA doit bénéficier soit d'une surveillance spécifique annuelle incluant
notamment une IRM mammaire soit d'une mastectomie bilatérale prophylactique (comme Angelina Jolie !).
Une annexectomie bilatérale prophylactique est systématiquement recommandée (entre 40 et 45 ans).

► 398 ÎUMEURS DU SEIN


395
Item 312

A 3. Démarche diagnostique devant une tumeur du sein

3.1. Les différentes modalités de dépistage


• Prévention/dépistage des cancers de l'adulte: Le dépistage du cancer du sein est justifié par son incidence, l'exis­
tence d'un test sensible et non invasif (la mammographie) et l'impact démontré sur la morbidité et la mortalité
des femmes dépistées. Par définition, le dépistage de masse s'envisage en l'absence de signes cliniques et chez des
femmes n'ayant pas de sur-risque particulier de développer un cancer du sein.
• Un dépistage individuel basé sur un examen clinique associé à une mammographie, échographie et IRM mam­
maire annuelles est proposé aux femmes à haut risque (ex.: mutation constitutionnelle BRCA1/BRCA2; antécé­
dents d'irradiation thoracique) à partir de 30 ans.
• La mammographie n'affirme pas le diagnostic et doit entraîner la mise en œuvre d'autres explorations en cas
d'image suspecte. Toute image anormale doit faire l'objet d'exploration complémentaire.

Les recommandations nationales du dépistage de masse organisé sont les suivantes :


Le dépistage est réalisé:
- en l'absence de signe clinique (examen clinique systématique avec palpation mammaire dans la 1 ère

étape du dépistage);
- par mammographie bilatérale;
- avec deux incidences (au minimum);
- avec double lecture;
- tous les deux ans;
- de 50 à 74 ans.

3.2. Présentations cliniques des tumeurs du sein


3.2.1. Examen clinique et présentations cliniques
• L'examen physique du sein comporte une inspection en position assise (les bras ballants puis relevés) puis en
décubitus dorsal, à la recherche de :
- déformation cutanée (par un nodule, ou au contraire fossette ou méplat cutané) (Figures 2 et 3);
- inflammation cutanée (œdème, érythème, chaleur) (Figures 4, 5, 6 et 7);
- aspect en peau d'orange (Figure 7);
- nodules de perméation, ulcère cutané (Figure 8);
- écoulement mamelonnaire (Figure 9, Figure 10);
- rétraction du mamelon (Figures 2, 3, 6, 7 et 9);
- modification de l'aspect du mamelon avec notamment l'aspect eczématiforme qui évoque une maladie de
Paget (Figure 11);
- squirrhe mammaire (tumeur dure, avec épaississement+/- bourgeonnement des tissus) (Figure 7).
• Puis la palpation s'effectue dans les mêmes positions, en comprimant la glande contre le gril costal par petits
mouvements circulaires (quadrant par quadrant) à la recherche d'un nodule, d'une masse. En cas de détection
d'une telle lésion, il faudra préciser sa position dans le sein (quadrant atteint), sa taille, sa dureté, sa mobilité par
rapport au plan superficiel et aux plans profonds musculaires.

396
ÎUMEURS DU SEIN 399 ◄
• On recherche ensuite des adénopathies unique ou multiples et des signes évoquant des métastases à distance :
- un examen clinique régional recherche des adénopathies axillaires homolatérales et sous et sus-claviculaires ;
- un examen clinique général recherche des signes cliniques de métastases. Sont à rechercher une altération de
l'état général (asthénie, amaigrissement), une hépatomégalie, des douleurs du rachis (cervical, dorsal ou
lombaire), une diminution du murmure vésiculaire (découverte d'anomalies à l'auscultation pulmonaire)
associée à une matité évoquant un épanchement pleural.

3.2.2. Clichés photographiques avec anomalies cutanées du sein à l'inspection


Figure 2. � Contenu multimédia. Déformation cutanée {fossette ou méplat cutané)

Fossette ou
Méplat cutané

Figure 3. Déformation cutanée

�======t=======-- Rétraction
cutanée

-----+-- Rétraction
du mamelon

Figure 4. � Contenu multimédia. Figure 5. � Contenu multimédia.


Sein inflammatoire PEV 3 Sein inflammatoire PEV 3

► 400 ÎUMEURS DU SEIN


397
Item 312

Figure 6. � Contenu multimédia. Majoration du volume du sein+ léger érythème= sein inflammatoire (PEV 2) (+
rétraction du mamelon)

Figure 7. � Contenu multimédia. Cancer du sein inflammatoire

Aspect en peau d'orange


(êpalsslssement
de la peau+
accentuation des pores)

Inflammation discrète (PEV a)

Figure 8. � Con'tenu multimédia. Nodule de perméation ulcéré


( situé dans le prolongement axillaire de la glande mammaire)

398
Figure 9. Squirrhe mammaire (dans ce cas, tumeur d'évolution lente négligée sur plusieurs années)

Hématome Rétraction cutanée traduisant


Squirrhe post-biopsie une tumeur controlatérale

Zone d'écoulement Rétractation


du mamelon du mamelon

Figure 10. � Contenu multimédia. Écoulement mammaire (lactescent, séro-hématique et hématique)

Figure 11. � Contenu multimédia. Aspect eczématiforme du mamelon évoquant une maladie de Paget

► 402 ÎUMEURS DU SEIN


399
Item 312

3.3. Indications de la mammographie


• La mammographie bilatérale associée à l'échographie mammaire bilatérale et des aires ganglionnaires sont réali­
sées systématiquement devant toute anomalie de l'examen clinique mammaire (ou toute anomalie radiologique
faisant suspecter une tumeur du sein). Deux incidences au minimum sont réalisées, correspondant aux incidences
du dépistage de masse: cliché de face (aussi appelé crânio-caudal) et cliché oblique (aussi appelé oblique externe
ou médiolatéral oblique). Des clichés de profil strict, centrés ou agrandis sur l'anomalie détectée peuvent être
faits en complément. Chez les femmes non ménopausées, la mammographie doit être réalisée de préférence en
1
ère
partie de cycle.
• Les images suspectes à la mammographie peuvent être notamment des opacités spiculées, irrégulières ou des amas
de microcalcifications irrégulières (Figure 12). Les macrocalcifications évoquent des lésions bénignes.
• Les images mammographiques sont classées avec la classification BI-RADS de l'ACR (Breast Imaging-Reporting
And Data System de l'American College of Radiology).

La classification simplifiée BI-RADS de l'ACR ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et
ces informations sont données à titre indicatif.

Tableau 1. CLASSIFICATION SIMPLIFIÉE BI-RADS DE L'ACR


ACR Définitions
ACRo Pas de conclusion possible, des investigations complémentaires sont nécessaires
ACR1 Mammographie normale
ACR 2 Images bénignes ne nécessitant ni surveillance ni examen complémentaire
ACR3 Images évoquant une lésion probablement bénigne pour laquelle une surveillance à court terme est conseillée
ACR4 Images évoquant une anomalie potentiellement suspecte qui nécessite une vérification histologique
ACR5 Anomalie extrêmement évocatrice d'un cancer qui nécessite une vérification histologique

Figure 12. Mammographie

400
B 3.4. Indications de la biopsie mammaire
• Toute anomalie clinique mammaire doit faire l'objet d'une mammographie bilatérale associée à une échographie
mammaire et des aires ganglionnaires axillaires.
• En cas d'anomalie à la mammographie faisant suspecter une lésion précancéreuse ou cancéreuse (qu'il y ait ou
non des signes cliniques), une biopsie est systématiquement indiquée. Toute anomalie radiologique classée ACR4
ou ACRS doit faire réaliser sans délai une biopsie (Figure 13).

Figure 13. Démarche diagnostique et indications de biopsie mammaire

Anomalie mammaire clinique Dépistage

Échographie mammaire et des aires


Mammographie bilatérale _
_ T ganglionnaires axillaires si:
• Signe clinique
• Image douteuse à la mammographie
• Mammographie non informative/
seins denses

• Si anomalie clinique: avis


spécialisé+/- IRM mammaire Biopsie percutanée mammaire:
• Sinon, poursuite du dépistage • Systématique si ACR4 ou ACR5
(mammographie à 2 ans si dans le • À discuter si ACR3
cadre du dépistage de masse)

s 4. Principaux types de lésions bénignes


et de tumeurs malignes du sein
4.1. Classification anatomo-pathologique
• L'anatomo-pathologie permet de déterminer s'il s'agit:
- de lésions bénignes: mastopathie fibrokystique et adénofibrome pour les plus fréquentes (à noter que l'imagerie
est généralement rassurante dans ce contexte, ce qui permet d'éviter les biopsies);
- de lésions précancéreuses : carcinome in situ;
- de lésions cancéreuses.

401
Item 312

4.2. Principaux types de tumeurs malignes : éléments diagnostiques


obtenus par l'examen anatomo-pathologique
• C'est l'anatomo-pathologie qui affirme le diagnostic de cancer du sein : devant toute anomalie clinique et/ou
radiologique, un prélèvement pour diagnostic histologique s'impose. Les prélèvements se font sous forme de
biopsies percutanées mammaires (microbiopsie pour des masses ou opacités suspectes, macrobiopsie pour des
foyers de microcalcifications) guidées par la clinique ou par échographie ou par mammographie (ponction en
conditions stéréotaxiques).
• L'analyse anatomo-pathologique permet d'affirmer le diagnostic et de préciser le risque évolutif. Des histolo­
gies rares sont possibles comme les lymphomes, les sarcomes, les métastases intra-mammaires d'autres cancers
primitifs. Dans la majorité des cas, les cancers du sein sont des adénocarcinomes (abrégés en carcinomes le plus
souvent) infiltrants non spécifiques (aussi appelés carcinome canalaire infiltrant).
• L'examen anatomo-pathologique précisera:
- Sur la biopsie:
► le type de cancer du sein (carcinome infiltrant de type non spécifique - également appelé carcinome
canalaire infiltrant - dans 75 %-80 % des cas, carcinome lobulaire infiltrant dans 15 % des cas, autres formes
rares dans 10 % des cas);
► le grade histopronostique. Le grade Elston et Ellis actuellement recommandé en Europe correspond au
grade SBR (Scarff-Bloom et Richardson) modifié. Il s'agit d'un score correspondant à la somme de trois
critères, architectural, nucléaire et compte mitotique, côtés de 1 à 3. Le grade est pronostic :
• un score total de 3, 4 ou 5 correspond à un grade Elston et Ellis I;
• un score total de 6 ou 7 correspond à un grade Elston et Ellis II;
• un score total de 8 ou 9 correspond à un grade Elston et Ellis III.
► l'expression immunohistochimique des récepteurs hormonaux, œstrogène et progestérone. Le seuil
de positivité retenu en Europe est de 10 % d'expression. Ces récepteurs sont l'outil de transmission de la
stimulation de la prolifération entre les hormones stéroïdiennes circulantes et !'ADN de la cellule tumorale.
Leur présence représente un facteur pronostique et un facteur prédictif de réponse à l'hormonothérapie (qui
est malgré son nom un traitement anti-hormonal);
► le statut HER2. HER2 est un oncogène qui code pour une protéine transmembranaire de type récepteur
tyrosine kinase impliquée dans la survie et la prolifération cellulaire. La recherche d'une surexpression de
la protéine HER2 est faite en immunohistochimie; l'amplification du gène HER2 est recherchée par des
techniques d'hybridation in situ (cf 290). HER2 est un facteur à la fois pronostique et prédictif de la réponse
au trastuzumab;
► le Ki67, qui traduit la prolifération cellulaire (protéine exprimée lors du cycle cellulaire), est également
évalué en immunohistochimie.

Comment connaître le statut HER2 ?


En immunohistochimie:
- si HER2 est évalué à O ou 1 +, le cancer est HER2-négatif;
si HER2 est évalué à 3+, le cancer est HER2-positif;
si HER2 est évalué à 2+, on ne peut pas conclure. Il est alors nécessaire de faire une technique
d'hybridation in situ (par exemple FISH) pour regarder si le gène HER2 est amplifié (cancer HER2-positif)
ou non amplifié (cancer HER2-négatif).

• Sur la pièce opératoire:


Une fois le diagnostic et le type histologique confirmés, l'anatomo-pathologie précisera:
► le nombre de tumeur(s);
► la taille de la (les) tumeur(s);

402
► la présence ou non de métastase(s) ganglionnaire(s) axillaire(s) ;
► la présence embole(s) vasculaire(s);
► la qualité de !'exérèse : l'envahissement des marges d'exérèse augmente le risque de récidive locale et
nécessite une reprise chirurgicale;
► en cas de chimiothérapie néo-adjuvante, l'examen anatomo-pathologique permet d'évaluer l'efficacité du
traitement (pourcentage de tumeur résiduelle, atteinte ganglionnaire).
• L'ensemble de ces éléments permet d'établir la classification pTNM ou ypTNM

Mémo : les éléments obtenus par l'examen anatomo-pathologique


- Nombre de lésion(s) tumorale(s)
- Taille
- Type histologique
- Grade de Elston et Ellis (Scarff-Bloom et Richardson modifié)
- Pourcentage de l'expression des récepteurs hormonaux (œstrogène et progestérone)
Statut HER2
- Ki67
- Nombre de ganglion(s) axillaire(s) envahi(s)
- Embole(s) vasculaire(s)
Exérèse microscopiquement complète (RO) ou marges d'exérèse envahies (Rl)
Si chimiothérapie néo-adjuvante: effet du traitement (% cellules tumorales vivantes/mortes)

4.3. Principaux types de tumeurs malignes : classification basée


sur le statut HER2 et l'expression des récepteurs hormonaux
• On distingue 3 types de cancer du sein selon l'expression des récepteurs hormonaux (aux œstrogènes et à la pro­
gestérone) et selon le statut HER2. Cette distinction est à la fois pronostique et prédictive.
• Elle permet de définir les indications des traitements systémiques; à titre indicatif:
- les cancers HER2-positifs (environ 15 % des cancers du sein) reçoivent systématiquement un traitement par
trastuzumab associé à une chimiothérapie ;
- les cancers dits triple-négatifs (environ 15 % des cancers du sein) qui n'expriment ni HER2, ni les récepteurs
hormonaux, sont systématiquement traités par chimiothérapie;
- les cancers dits hormona-sensibles ou parfois appelés par excès« luminaux » (environ 70 % des cancers du sein)
expriment les récepteurs aux hormones et n'expriment pas HER2. Ils seront traités à base d'hormonothérapie
et parfois avec chimiothérapie selon les facteurs pronostiques.

Rappel : la différence entre pronostique et prédictif (item 292)


- Un facteur pronostique permet d'évaluer la gravité de la maladie.
- Un facteur prédictif permet d'évaluer l'intérêt d'un traitement (autrement dit, il permet de« prédire» si
le traitement va marcher).

403
·
Item 312

Figure 14. Comment définir les différents sous-types de cancer du sein?

Positif* Négatif*

Cancer du sein HER2 positif


(quel que soit le statut des
récepteurs hormonaux)

Négatif**

hormona-sensibles

*Cf. encadré du paragraphe 3.3.2 pour déterminer si HER2 est positif.


** Récepteurs hormonaux positifs = récepteurs aux œstrogènes ou à la progestérone > 10 % en immunohistochimie.

B 5. Principes du bilan d'extension


d'un cancer du sein
• Le bilan d'extension a pour but de savoir si le cancer du sein est localisé, défini par une atteinte du sein+/- des
ganglions de drainage loco-régionaux, ou métastatique.

5.1. Bilan d'extension clinique


• Cf paragraphe 3.2.

5.2. Bilan d'extension paraclinique


5.2.1.. Bilan loco-régional
• La mammographie bilatérale et l'échographie mammaire bilatérale associées à une échographie des aires gan­
glionnaires axillaires suffisent dans la grande majorité des cas.
• L'IRM mammaire n'est pas réalisée systématiquement et est réservée à des situations bien spécifiques, notamment:
- dépistage des femmes porteuses de mutations BRCA;
- bilan d'extension local des carcinomes infiltrants de type lobulaire devant le risque de multi-focalité;
- discordance clinico-radiologique (signes cliniques au niveau du sein sans anomalie retrouvée par la
mammographie et l'échographie mammaire);
- seins denses non évaluables en mammographie/échographie;
- suivi sous chimiothérapie néoadjuvante;
- recherche de tumeur primitive si la mammographie/échographie ne permettent pas de trouver de lésion
(ex: métastase ou adénopathie biopsiées retrouvant un primitif mammaire, suspicion de récidive locale...).

404
5.2.2. Bilan à distance
• Le bilan d'extension à la recherche de métastase(s) viscérale(s) ou osseuse(s) n'est pas systématique. Il ne doit pas
retarder l'orientation en milieu spécialisé où il sera décidé si nécessaire (d'après les recommandations IN Ca Juin
2020).
• Il s'adresse aux patientes ayant un cancer du sein associé à des facteurs de mauvais pronostic. Il doit toujours être
réalisé en cas d'envahissement ganglionnaire ou de lésion de plus de 5 cm.
• Il peut être réalisé :
- soit par un scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté en l'absence de contre-indication et une scintigraphie
osseuse;
- soit par TEP-TDM.
• Aucun bilan d'extension biologique n'est systématiquement recommandé. Un bilan pré-thérapeutique standard
est souvent réalisé (numération formule sanguine et plaquettaire, bilan de coagulation, calcémie corrigée à la
recherche d'une dyscalcémie de typ e hypercalcémie, bilan hépatique).

Le CA 15.3 : Cancer Antigen 15.3


• Ce marqueur du « cancer du sein» est dosable dans le sang mais n'apparaît dans aucune recommandation. Et
pour cause, il est peu sensible (il peut être normal chez une patiente ayant un cancer du sein) et peu spécifique
(il peut être augmenté par certaines pathologies bénignes et par des cancers non mammaires). Au final, ce
marqueur n'a aucune valeur diagnostique, pronostique ou prédictive démontrée.
• Si vous passez en stage en oncologie, vous verrez peut-être le CA 15.3 dosé:
- soit dans le cadre du bilan d'extension d'un cancer du sein (une valeur élevée fera alors rechercher plus
« activement» des métastases) ;
- soit dans le cadre du suivi d'un cancer du sein métastatique: dans certains cas, le CA 15.3 peut varier en
parallèle des phases de progression/régression de la maladie métastatique.

A 6. Objectifs et principes de traitement du cancer du sein

6.1. Objectifs des traitements


• La survie globale à 5 ans tous stades confondus est de 87 %. Dans les stades localisés, le traitement est réalisé dans
un but curatif. Malgré un traitement mené selon les recommandations, 15-30 % des cancers du sein localisés vont
avoir une évolution métastatique.
• Dans les stades localisés, le traitement comprend toujours une chirurgie mammaire et une chirurgie des ganglions
axillaires homolatéraux. En fonction des différents facteurs pronostiques et prédictifs (cités dans le tableau 2 ci­
dessous, en lien avec l'item 292) et du typ e de chirurgie, peuvent être réalisés en situation (néo)adjuvante, une
chimiothérapie et/ou une hormonothérapie et/ou un traitement par trastuzumab (anticorps anti-HER2) et/ou
une radiothérapie.

405
Item 312

Tableau 2. FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS DES FORMES LOCALISÉES


Facteurs pronostiques Facteurs pronostiques et prédictifs
Envahissement ganglionnaire (N) : Récepteurs hormonaux (aux œstrogènes et à la
facteur pronostique principal progestérone)
(Si N+= mauvais pronostic) (= bon pronostic)
Grade HER2
(grade Ill= mauvais pronostic) (= mauvais pronostic)
Taille (T)
c� T2 = mauvais pronostic)
Âge
(< 35 ans= mauvais pronostic)

Inflammation
(= mauvais pronostic)
Emboles
(= mauvais pronostic)

• Dans le cas des cancers du sein métastatiques, le traitement ne peut être curatif et est essentiellement basé sur
les traitements systémiques (chimiothérapie, hormonothérapie, thérapies ciblées). L'objectif des traitements est
d'augmenter la survie des patientes et d'améliorer leur qualité de vie. La survie globale médiane est d'environ 3 ans
mais varie de moins de 2 ans (cancers triple négatifs) à plus de 5 ans (cancers du sein HER2-positif et cancers
hormona-sensibles) avec la possibilité d'avoir des patientes longues survivantes à plus de 10 ans.

Ne pas oublier les mesures associées :


- Discussion de la stratégie thérapeutique en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) pour
définir le traitement optimal pour la patiente.
- Consultation d'annonce, explication du Programme Personnalisé de Soins (PPS).
- Demande d'exonération du ticket modérateur (ALD 30).
- Prise en charge globale, notamment psychologique, sociale, diététique.
- Les soins de support prennent en charge les conséquences de la maladie et de ses traitements
et peuvent inclure, entre autres : prise en charge de la douleur, nutrition, fatigue, fertilité/sexualité,
séances d'activité physique adaptée, art-thérapie, conseils socio-esthétiques ...

6.2. Principes de traitement d'un cancer du sein localisé


• Le traitement du cancer du sein localisé inclut des traitements loco-régionaux et des traitements systémiques. La
chirurgie est systématique. Les autres traitements se discutent au cas par cas selon les facteurs pronostiques et
prédictifs précédemment notés (Tableau 2).

6.2.1. Traitement loco-régional chirurgical


• Le traitement chirurgical permet le recueil des éléments pronostiques issus de l'examen anatomo-pathologique de
la tumeur ainsi que de l'étude des ganglions axillaires.
- Traitement chirurgical conservateur
Il consiste en !'exérèse en totalité de la tumeur. Il s'agit d'une tumorectomie (tumeur palpable) ou d'une
mastectomie partielle (exérèse de la zone repérée par imagerie avec mise en place d'un clip dans le cas des
tumeurs non palpables, aussi appelée zonectomie).

lf09 ◄
406
ÎUMEURS DU SEIN
- Traitement chirurgical radical (mastectomie)
Il consiste en l'ablation du sein et de son revêtement cutané ainsi que du mamelon. À titre indicatif, il est
nécessaire si le cancer du sein est volumineux et non suffisamment réduit par les traitements systémiques
initiaux ou s'il y a une inflammation cutanée.
- Curage ganglionnaire axillaire - technique du ganglion sentinelle
Le curage ganglionnaire homolatéral est un élément essentiel du bilan d'extension, effectué dans le même
temps chirurgical que le sein. L'examen anatomo-pathologique de tous les ganglions prélevés sera systéma­
tique. Le curage axillaire est la principale cause de morbidité du geste chirurgical par les douleurs résiduelles, le
risque de périarthrite scapulo-humérale, de lymphœdème avec les contraintes que cette complication impose.
Pour éviter ces complications, en l'absence de signe clinique d'infiltration axillaire, une stratégie de prélève­
ment des ganglions sentinelles est la règle. L'étude du ganglion sentinelle a pour but de prélever les premiers
relais ganglionnaires de drainage afin d'épargner un curage extensif et de limiter les effets secondaires. En cas
d'absence d'atteinte ganglionnaire significative, le curage pourra être évité. La technique la plus fiable com­
porte une injection, la veille de l'intervention, d'un traceur radioactif à proximité de la tumeur, puis le jour
de l'intervention d'un colorant vital et seul(s) le(s) ganglion(s) coloré(s) et/ou radioactif(s) et/ou suspect(s)
cliniquement est (sont) prélevé(s) et examiné(s). En cas d'atteinte histologique, le curage ganglionnaire sera
complété de façon à préciser l'importance de celle-ci.

6.2.2. Radiothérapie loco-régionale


• L'intérêt de la radiothérapie dans le cancer du sein est de diminuer le risque de récidive loco-régionale et d'aug­
menter ainsi la survie globale des patientes.
• La radiothérapie mammaire est systématique après une chirurgie conservatrice. Elle associe une radiothérapie
externe de l'ensemble du sein et un complément d'irradiation sur le lit opératoire ( « boost ») par des photons
ou des électrons ou une curiethérapie interstitielle. La radiothérapie pariétale (après mastectomie) associée à un
complément de dose dans le lit opératoire est indiquée en présence de plusieurs facteurs de mauvais pronostic (à
titre indicatif: les tumeurs de plus de 5 cm, atteinte ganglionnaire (pN+ ), âge jeune ( < 35 ans), grade III, présence
d'emboles tumoraux.
• Les effets aigus de la radiothérapie externe comprennent essentiellement un érythème cutané, pouvant aller
jusqu'à une épidermite exsudative en fin de radiothérapie. Parmi les effets secondaires tardifs (survenant au-delà
de 6 mois après la radiothérapie), l'hyperpigmentation, la fibrose mammaire et des douleurs post-thérapeutiques
sont les plus fréquentes.
• La radiothérapie des aires ganglionnaires est justifiée en cas d'atteinte ganglionnaire axillaire. Elle comporte une
irradiation du creux sus-claviculaire et de la chaîne mammaire interne.

6.2.3. Traitements adjuvants systémiques


• L'objectif d'un traitement adjuvant est de détruire des micro-métastases à distance qui ne sont pas décelées par le
bilan d'extension. L'efficacité des traitements adjuvants en termes de réduction des rechutes et de réduction de la
mortalité par cancer du sein est établie.
• Ces traitements adjuvants incluent trois familles d'agents qui seront proposées, et quelques fois associées, en fonc­
tion des caractéristiques tumorales et des facteurs pronostiques et prédictifs. Les principaux traitements utilisés
sont (rappel de l'item 294):

6.2.3.1. Traitements adjuvants anti-hormonaux


• Un traitement anti-hormonal (paradoxalement appelé hormonothérapie) peut comporter un traitement par:
- Anti-œstrogènes: tamoxifène
Il agit par liaison compétitive aux récepteurs aux œstrogènes au niveau des cellules mammaires, tout en
possédant des effets estrogéniques sur d'autres tissus (os, endomètre...).
Les effets indésirables sont dominés par une majoration des bouffées de chaleur, une prise de poids, des
leucorrhées, des accidents thromboemboliques et une augmentation du risque de cancer de l'endomètre.


407
410 ÎUMEURS DU SEIN
-
Item 312

- Inhibiteurs de l'aromatase : anastrozole, létrozole, exémestane


Ils inhibent la conversion des stéroïdes surrénaliens (androgènes) en œstrogènes dans les tissus périphériques.
Ils n'ont pas d'effet sur la production d'œstrogènes par les ovaires et leur administration est donc réservée
à la femme ménopausée. Les principaux effets secondaires sont des bouffées de chaleur, des arthralgies, une
dyslipidémie et une ostéoporose.

6.2.3.2. Chimiothérapie (néo)adjuvante


• La chimiothérapie peut être réalisée après la chirurgie: elle est dite adjuvante.
• Elle peut être réalisée avant la chirurgie en cas de tumeur volumineuse par rapport au volume mammaire ou en
cas de cancer du sein localement avancé (à titre indicatif: tumeurs de plus de 5 cm, cancers du sein inflamma­
toires): elle sera alors néo-adjuvante.
• Les effets secondaires sont fréquents et traités dans l'item 294. Pour mémoire, les principaux sont:
- toxicité veineuse justifiant la mise en place d'un site d'accès veineux central;
- toxicité hématologique (leucopénie et neutropénie) avec un risque d'infection;
- toxicité cutanée, sur les muqueuses et sur les phanères (alopécie, quasiment constante);
- nausées et vomissements dont la prévention est assurée selon les chimiothérapies prescrites par l'emploi de
sétrons, de corticoïdes et d'un inhibiteur NKl ;
- ménopause induite dépendant de l'âge au moment du traitement et altération de la fertilité;
- neurotoxicité pour les taxanes;
- cardiotoxicité dépendant de la dose cumulative pour les anthracyclines;
- risque de leucémie secondaire dépendant des types de chimiothérapies et des doses utilisées.
6.2.3.3. Thérapie ciblée par anticorps anti-HER2: trastuzumab
Il s'agit d'un anticorps humanisé reconnaissant un récepteur de la famille des récepteurs des facteurs de croissance
épithéliaux, HER2, exprimé par environ 15 % des cancers du sein.
La toxicité est essentiellement le risque de développer une toxicité cardiaque qui justifie un contrôle de la fonction
cardiaque pendant la durée d'administration du trastuzumab par échographie ou par scintigraphie cardiaque
(évaluation de la fraction d'éjection ventriculaire).

6.2.4. Prise en charge de formes cliniques particulières


• Cancer du sein inflammatoire
Le diagnostic repose sur la clinique : inflammation cutanée (rougeur, chaleur, œdème), peau d'orange,
augmentation du volume mammaire et parfois douleur. C'est une urgence diagnostique, la mammographie
bilatérale associée à une échographie mammaire et des aires ganglionnaires doivent être faites en urgence avec
biopsie si indiquée (cf paragraphe 3.4). La (le) patient(e) doit être rapidement référé(e) dans un centre spécialisé.
• Carcinome in situ
Il s'agit d'une lésion pré-cancéreuse dans laquelle les cellules tumorales n'ont pas franchi la membrane basale. Le
risque métastatique est nul, il n'y a pas lieu de faire de bilan d'extension. Seuls un traitement local (chirurgie+/­
radiothérapie) est à envisager.

6.3. Principes de traitement des formes métastatiques


• Dans 1 % à 35 %* des cas selon les cohortes, le diagnostic de maladie métastatique est synchrone du diagnostic de
tumeur mammaire primitive.

* Pour comprendre ces chiffres très variables : dans les cohortes de patientes pour lesquelles le cancer est
découvert par mammographie de dépistage, c'est < 5 % de patientes métastatiques d'emblée ; dans les
cohortes de patientes suivies en oncologie médicale, le pourcentage peut atteindre 35 % !

408
ÎUMEURS DU SEIN lf11 ◄
• Le délai entre le diagnostic initial et l'apparition des métastases est variable, mais le risque est plus important lors
des 5 premières années, voire dans les 2-3 premières années pour les cancers triple-négatifs.
• Les suspicions de métastase justifient une confirmation histologique à chaque fois que possible. Les sites métas­
tatiques par ordre de fréquence sont : os, peau, ganglions, foie, plèvre/poumon. Les métastases cérébrales sont
fréquentes dans certains sous-typ es comme les HER2-positifs.
• La réalisation d'un bilan d'extension complet par scanner thoraco-abdomino-pelvien et scintigraphie osseuse ou
par TEP-TDM en cas de détection d'une lésion métastatique s'impose, de même que la recherche d'un deuxième
cancer du sein primitif ou d'une récidive locale (examen clinique, mammographie, échographie mammaire). Le
bilan biologique comportera: numération formule sanguine et plaquettaire, bilan de coagulation, calcémie corri­
gée, bilan hépatique, créatininémie +/- CA 15.3 (cf supra).
• Les traitements systémiques sont privilégiés et permettent d'améliorer la survie ainsi que la qualité de vie. Selon
les cas seront préconisés :
- une hormonothérapie, souvent associée à une thérapie ciblée;
- une chimiothérapie, souvent une mono-chimiothérapie;
- des traitements à base de thérapies anti-HER2 (par exemple sous formes d'anticorps anti-HER2 associés à une
chimiothérapie).
• Les traitements locaux ne sont pas systématiques et sont discutés au cas par cas.
• Dans cette situation, la stratégie thérapeutique a un objectif non curatif, mais certaines patientes peuvent obtenir
de longues survies.

6.4. Soins de support


• De nombreux soins de support permettent d'améliorer la qualité de vie des patient(e)s mais aussi, dans certains
cas, d'augmenter leur survie globale et spécifique. Il est donc indispensable de les proposer au même titre que les
traitements spécifiques oncologiques. Deux types de soins de support détaillés ci-dessous sont très fréquemment
utilisés dans le cadre des cancers du sein (rappel de l'item 295).

6.4.1.. Bisphosphonates et dénosumab


• Plus de la moitié des cancers du sein métastatiques présentent une atteinte osseuse. Bisphosphonates ou dénosu­
mab sont systématiquement indiqués en cas de métastases osseuses et ont pour objectif de diminuer les compli­
cations induites par ces métastases (fractures, compressions médullaires, douleurs ...).
• Les bisphosphonates sont également indispensables en cas d'hyp ercalcémie (dyscalcémie).
• Les deux principaux effets secondaires sont le risque d'ostéonécrose de la mâchoire et le risque d'hypocalcémie.
Un bilan bucco-dentaire est systématique avant toute prescription.

6.4.2. Activité physique adaptée


• Une activité physique adaptée et régulière permet, chez les patientes qui ont eu un cancer du sein localisé, de
diminuer la mortalité et le risque de récidive et d'agir sur les symptômes liés au cancer et aux effets indésirables
des traitements.
• Une situation de déconditionnement à l'effort résulte de l'adaptation de l'ensemble des systèmes de l'organisme
à un état de moindre activité et de faible dépense énergétique. Le processus de déconditionnement peut aboutir à
un état d'intolérance à l'exercice qui se caractérise par la survenue rapide d'un état de fatigue invalidant, imposant
la réduction ou l'arrêt d'activités de la vie quotidienne. Différents signes peuvent évoquer un déconditionnement
à l'effort chez un patient atteint de cancer:
- une asthénie retentissant sur les activités de la vie quotidienne (activité physique habituelle, reprise du
travail. ..) ;
- une modification du poids (prise ou perte) non directement liée au cancer;

► 412 ÎUMEURS DU SEIN


409
Item 312

- une tachycardie au repos;


- une diminution de la tolérance à l'effort, une dyspnée au moindre effort (sous réserve que les autres diagnostics
- anémie, embolie pulmonaire ... - ne soient pas retenus);
- une diminution de la force et/ou de la souplesse et/ou de l'endurance musculaire;
- une atrophie musculaire, des douleurs musculo-squelettiques à l'effort.
• L'identification d'une situation de déconditionnement à l'effort permet de proposer un bilan complémentaire
spécialisé et un réentrainement à l'effort. Une prescription d'activité physique adaptée à la pathologie, individua­
lisée, réaliste et réalisable permet de lutter contre le déconditionnement à l'effort (cf item 249).

6.5. Suivi des patient(e)s présentant un cancer du sein


6.5.1.. Cancer du sein localisé traité
• Une consultation de suivi en cancérologie (d'après les recommandations de l'INCa) dans le cadre d'un cancer
du sein localisé a plusieurs objectifs :
- détecter les récidives locales ou à distance et la survenue d'un nouveau cancer du sein homo ou controlatéral ;
- rechercher et gérer les complications tardives liées aux traitements et les séquelles, veiller à la qualité de vie,
encourager l'observance du traitement hormonal;
- organiser les soins de support nécessaires;
- permettre un accompagnement médicosocial et une aide à la réinsertion professionnelle;
- détecter précocement un second cancer;
- avoir une approche médicale globale sur les différents risques à prévenir pour la santé (en priorité,
accompagnement à l'arrêt du tabac, encouragement de la pratique d'une activité physique, mise à jour de la
vaccination...).
• Le suivi consiste en :
- un examen clinique (palpation des seins, des aires ganglionnaires, surveillance des cicatrices) doit être réalisé
tous les 3 à 6 mois pendant 5 ans puis tous les ans à vie;
le seul examen radiologique recommandé est la mammographie bilatérale (sous réserve d'absence de
mastectomie!) et échographie mammaire annuelle à vie.

6.5.2. Cancer du sein métastatique


• La surveillance est variable et elle est adaptée aux traitements proposés, à l'évolutivité tumorale, aux sites métas­
tatiques.


410
ÎUMEURS DU SEIN lf1]
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 312:
« TUMEUR DU SEIN »

Situation de départ Descriptif


En lien avec la prévention
303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte Le dépistage de masse du cancer du sein est réalisé,
en France, par mammographie bilatérale tous les
2 ans chez les femmes de 50 à 74 ans sans facteur
de sur-risque identifié. Il a permis de réduire la
mortalité liée au cancer du sein. Parmi les facteurs
de risque modifiables du cancer du sein figurent le
surpoids, l'obésité, la consommation d'alcool et de
tabac (lien indirect avec les situations de départ 51,
313, 314, 319).
En lien avec le diagnostic de cancer du sein localisé
16. Adénopat
--'- hies unique ou multiples L'examen physique du sein comporte une inspection
1---- ----'-- -
40. coulement mammelonaire
--=--------------, suivie d'une palpation mammaire et des aires
É
r------- ---------------1 ganglionnaires axillaires et sous et sus-claviculaires.
1--85_.É_ _ry_t_h_èm
_ e_ ____- ____ _ __ _______, Tout signe clinique (no du I e, é cou I e ment,
92. Ulc ère cutané inflammation, lésions cutanées, ulcération...) doit
1-- -- ------------------
- de l'examen clinique mammaire -l conduire à la réalisation d'une mammographie
164. Anomalie
bilatérale avec échographie mammaire.
En lien avec le diagnostic de cancer du sein métastatique
6. Hépatomégalie
:..._-,---------------------1
Ma l gré un tra t e me n t mené s e l o n l e s
i

r ecommandations, 15- 0 % des cance r s du sein


r1-7-. A�m-aig- r- -is-se- me_ n_ _t --- - ---- ---- ---- 1 3
localisés vont avo une évolution métastatique et,
ir

20. Découve r te d'anomalies à l'auscultation pu l mona re _ en l'absence de dépistage, 20-35°;0 des cancers sont
i

21. Asthénie d'emblée métastatiques. Les sites métastatiques par


- - - --- -------- ordre de fréquence sont : os, peau, gang l ions, fo e,
i
72. Douleu r du rachi� (c_ _er_vical, dorsal ou lombaire)
plèvre/poumon. Une biopsie do t chaque fois que
i

- -- -
200. Dyscalcémie
-- - poss ble confirme r la réc d ive métastat que.
i i i
- - -- -- -------- -- --- ___:,____-1
En lien avec le bilan diagnostique du cancer du sein
-
178. Demande/prescription raisonnée et choix d'un examen Le d i agnost i c repose sur une preuve anatomo­
diagnostique patholog que obtenue pa r b ops e mamma re
i i i i

18o. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo-pathologie ou b opsi e d 'une lés on métastat que. Le b lan
i i i i i

d'extens on comprend au choix un scanne r thoraco-


_18_1. _ T_u_m_eu_ _r_
s_m_a_l-'ig_ne
_ s_ _su_ _r pi
'- _è_ce_op-'-é_ ra_ to
_ i_ r_ e/_ b
_ _io-'p_s_ie___--1 a bdom i no-pelv i en assoc i é à une sc i nt igraph i e
-
231. Demande d'un ex- a----
-- - men d' magerie
- -------- osseuse ou un TEP-TDM. Il est ndispensable en cas
i
-
i

de lésion mamma re de grande ta lle (> 5 cm) ou


i i
232. Demande d'explication d'un patient su r le déroulement,
d'atte nte ganglionna re. L'anatomo-pathologique
i i
les risques et les bénéfices attendus d'un examen d' magerie
i
pe r met, en plus d'affi r me r le d i agnost i c pos i t i f,
i i i
i
233. Ident fier/reconnaître les d fférents examens d' mager e d'obten ir des données pronostiques et prédict ives
(type/fenêtre/séquences/incidences/injection) permettant de guide r le tra itement.
239. Explication pré-opératoire et recue l de consentement
i

d'un geste invas if d�gnostique ou thérapeutique

► 414 ÎUMEURS DU SEIN 411


En lien avec la prise en charge thérapeutique
2 54. Prescrire des soins associés à l'initiation d'une La prise en charge dépend du stade de la maladie
chimiothérapie (localisé versus métastatique) et du sous-type de
297. Consultation du suivi en cancérologie
cancer du sein (hormona-sensible versus triple-
négatif versus HER2-positif ). Les traitements des
324. Modification thérapeutique du mode de vie (sommeil, formes localisées sont basés sur des traitements
activité physique, alimentation...) locaux (chirurgie+/- radiothérapie) auxquels peuvent
327. Annonce d'un diagnostic de maladie grave au patient et être associés selon les facteurs pronostiques et
à sa famille prédictifs de la maladie des traitements systémiques
adjuvants ou néoadjuvants. Les soins de support
337. Identification, prise en soin et suivi d'un patient en
à proposer sont très larges. Ils comprennent
situation palliative entre autres : des prémédications associées aux
353. Identifier une situation de déconditionnement à l'effort chimiothérapies (anti-émétiques notamment); des
bisphosphonates ou dénosumab pour prévenir
les complications des métastases osseuses ; des
prescriptions d'activité physique adaptée pour lutter
contre le déconditionnment à l'effort; une prise en
charge par des équipes spécialisées en soins palliatifs
pour les formes métastatiques.

412
ÎUMEURS DU SEIN lf15 ◄
413
'
Item 313

(HAPIT RE ►---------------------------------------
Tumeurs du testicule
Pr Stéphane Culine', Dr Aude Fléchon2, Pr Nicolas Mottet3, Pr Karim Fizazi•
'Service d'Oncologie Médicale, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris
2
0épartement d'Oncologie Médicale, Centre Léon Bérard, Lyon
'Service d'Urologie, CHU Saint-Etienne
4
0épartement de Médecine Oncologique, Gustave Roussy, Villejuif

OBJECTIFS: N ° 313. TUMEURS DU TESTICULE

� Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur du testicule.

''·---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
' 1. Définition S. Bilan d'extension
2. Prévalence, épidémiologie 6. Diagnostics différentiels
3. Étiologie 7. Synthèse de la démarche diagnostique
3.1. Histoire naturelle 8. Prise en charge andrologique
3.2. Facteurs de risque
4. Diagnostic
4.1. Circonstances de découverte
4.2. Examen clinique
4.3. Échographie scrotale
4.4. Marqueurs tumoraux
·---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Rang Rubrique Intitulé


A Définition Connaître les principaux types histologiques des tumeurs du testicule
B Prévalence, épidémiologie Connaître les principales données épidémiologiques des tumeurs germinales
du testicule
B Étiologie Connaître l'histoire naturelle des tumeurs germinales du testicule
B Étiologie Connaître les principaux facteurs de risque des tumeurs germinales du testicule
A Diagnostic positif Connaître les présentations cliniques des tumeurs germinales du testicule
A Diagnostic positif Savoir réaliser l'examen clinique d'un testicule tumoral
A Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser à visée diagnostique
B Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser dans le cadre du bilan d'extension
B Diagnostic positif Connaître les autres causes d'anomalies des bourses


A Diagnostic positif Connaître la démarche diagnostique
B Suivi et/ou pronostic Connaître la prise en charge andrologique au décours de l'orchidectomie

Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

lf17 ◄
414
ÎUMEURS DU TESTICULE
A 1. Définition
• La très grande majorité(> 90 %) des tumeurs du testicule correspond à des tumeurs germinales(Tableau 1).
• Les séminomes purs sont constitués d'une seule composante tumorale. Les tumeurs non séminomateuses sont
caractérisées par la présence d'une ou plusieurs composantes tumorales.
• Les tumeurs non germinales(< 10 % ) constituent un groupe de tumeurs très hétérogènes, bénignes ou malignes,
principalement issues des tissus de soutien du testicule.

-- - -
Tableau
-
1. CLASSIFICATION
-
ANATOMO-PATHOLOGIQUE
-- - - - - -
DES
-
TUMEURS
-
DU TESTICULE - --
-- --- � - - --- ----

Tumeurs germinales Tumeurs non germinales


• Séminomes purs • Tumeurs à cellules de Leydig
• Tumeurs à cellules de Sertoli
• Tumeurs non séminomateuses • Gonadoblastomes
- Carcinome embryonnaire • Adénocarcinomes du rete testis
- Tumeur vitelline • Mésothéliomes de la vaginale
- Choriocarcinome • Lymphomes
- Tératome • Métastases

e 2. Prévalence, épidémiologie
• Les tumeurs germinales du testicule sont des cancers rares (1 % des cancers de l'homme) mais représentent les
tumeurs malignes les plus fréquentes chez l'homme jeune.
• L'incidence est en augmentation, avec un nombre de nouveaux cas d'environ 2 500 par an en France (7/100 000
hommes).
• L'âge de survenue se situe classiquement au cours de la 3 e décennie, avec un deuxième pic autour de la cinquan­
taine pour les séminomes purs.

3. Étiologie

3.1. Histoire naturelle


• La croissance volumique locale des tumeurs germinales est variable, volontiers plus rapide pour les tumeurs non
séminomateuses.
• La dissémination tumorale s'effectue préférentiellement par voie lymphatique. Les premiers relais ganglion­
naires sont rétropéritonéaux(Figure 1). La dissémination hématogène donne lieu à des métastases avant tout
pulmonaires.

► 418 TUMEURS DU TESTICULE


415
Item 313

Figure 1. Métastases ganglionnaires rétropéritonéales (interaorticocaves) et métastase hépatique


d'une tumeur germinale non séminomateuse du testicule droit

3.2. Facteurs de risque


• Les principaux facteurs de risque identifiés sont décrits dans le tableau 2.

Tableau 2. FACTEURS DE RISQUE DES TUMEURS GERMINALES DU TESTICULE


-- - - - - - - ---- -- - - -

• Antécédent de cryptorchidie (risque persistant après abaissement testiculaire)


• Antécédents familiaux du premier degré
• Antécédent personnel de tumeur germinale du testicule controlatéral
• Consommation régulière et prolongée de cannabis (pour les tumeurs non séminomateuses)
• Trisomie 21
• Et à un moindre degré l'infertilité

A 4. Diagnostic

4.1. Circonstances de découverte


• Les tumeurs germinales du testicule sont souvent diagnostiquées à l'occasion de symptômes en rapport avec le
développement local de la tumeur: anomalies des bourses (augmentation de volume) et/ou douleurs testicu­
laires.
• Une découverte fortuite, lors d'une échographie réalisée dans le cadre d'un bilan d'infertilité par exemple, est aussi
possible.
• Plus rarement, le diagnostic est porté au cours du bilan d'une masse abdominale responsable de douleurs abdo­
minales et/ou de la région lombaire, d'une adénopathie sus-claviculaire gauche (ganglion de Troisier), d'une
gynécomastie (liée à la sécrétion tumorale d'hormone chorionique gonadotrope), ou encore d'une altération de
l'état général avec asthénie et amaigrissement ou d'une dyspnée dans les formes métastatiques d'emblée.

416
TUMEURS DU TESTICULE IJ19 ◄
4.2. Examen clinique
• La palpation scrotale doit être bilatérale et comparative.
• Les éléments en faveur d'une tumeur maligne sont la palpation d'un nodule ou d'une masse développée aux
dépens du testicule, de consistance dure, et indépendant(e) de l'épididyme (avec conservation du sillon épidi­
dymo-testiculaire ou signe de Chevassu).
• La recherche d'une dissémination métastatique à l'examen clinique doit comporter la palpation de l'aire gan­
glionnaire sus-claviculaire gauche et la palpation abdominale (à la recherche d'une hépatomégalie ou d'une masse
abdominale).

4.3. Échographie scrotale


• Toute suspicion clinique de tumeur testiculaire doit faire réaliser une échographie scrotale.
• Cet examen permet :
- de confirmer la localisation intra-testiculaire du nodule palpé (et d'éliminer ainsi une origine extra-testiculaire
comme un kyste de l'épididyme);
- d'orienter vers la nature maligne du nodule (aspect souvent homogène et hypoéchogène pour les séminomes,
plus hétérogène pour les tumeurs non séminomateuses, volontiers hypervascularisé en mode doppler) ;
- d'explorer le testicule controlatéral.

4.4. Marqueurs tumoraux


e
• Les trois marqueurs d'intérêt sont l'alpha-fœtoprotéin (AFP), l'hormone chorionique gonadotrope (hCG)
totale et les lactates déshydrogénases (LDH).
- L'AFP n'est élevée qu'en cas de tumeur germinale non séminomateuse; sa demi-vie est de 5 à 6 jours; une
élévation peut également être retrouvée de manière physiologique et dans certaines pathologies hépatiques.
- L'hCG totale peut être élevée en cas de tumeur germinale séminomateuse ou non séminomateuse; sa demi-vie
est de 2 à 3 jours.
- Les LDH n'ont pas de spécificité d'organe mais reflètent la masse tumorale.

e 5. Bilan d'extension
• La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne est l'examen d'imagerie de référence pour le bilan
d'extension de la maladie. Les principales régions d'intérêt à la recherche d'une dissémination métastatique sont
le rétropéritoine, le foie, le médiastin et les poumons.
• Les marqueurs tumoraux interviennent également dans le bilan d'extension. Ainsi, leur absence de normalisation
au décours de l'orchidectomie témoigne d'une maladie métastatique, même si la tomodensitométrie est normale.

6. Diagnostics différentiels
• Le principal diagnostic différentiel est l'orchi-épididymite, qui se distingue par la présence de signes infectieux
pouvant être marqués (fièvre, douleur), de troubles urinaires ou d'un ECBU positif, et l'absence du signe de Che­
vassu. En cas de doute, l'échographie testiculaire pourra trancher en mettant en évidence un épaississement et un
aspect hyp ervascularisé de l'épididyme.
• L'hydrocèle vaginale est facilement reconnaissable par son aspect régulier et de consistance hydrique.
• Les autres diagnostics différentiels peuvent facilement être éliminés cliniquement ou à l'échographie (kyste de
l'épididyme, varicocèle, hernie inguino-scrotale ...).

► ,420 ÎUMEURS DU TESTICULE


417
Item 313

A 7. Synthèse de la démarche diagnostique

Figure 2. Démarche diagnostique d'une tumeur du testicule

Circonstances de découverte
Le plus souvent
Signes locaux (augmentation de volume, douleur)
Plus rarement
Gynécomastie (penser tumeur germinale+++)
Signes de dissémination métastatique

!
Échographie scrotale
Nodule intra-testiculaire
t
Diagnostic présomptif de tumeur germinale...
jusqu'à preuve du contraire

+
Bilan avant orchidectomie
Cryoconservation de sperme
Dosage des marqueurs tumoraux sériques
Tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne
+
Orchidectomie
Séminome pur
Tumeur germinale non séminomateuse
+
Stadification
Stade localisé
Marqueurs tumoraux sériques normaux ou normalisés
et TOM thoraco-abdomino-pelvienne normale

Stade métastatique
Marqueurs tumoraux sériques non normalisés
et/ou TOM thoraco-abdomino-pelvienne anormale

B 8. Prise en charge andrologique


• Le diagnostic positif final d'une tumeur germinale du testicule repose sur l'analyse anatomo-pathologique de la
pièce d'orchidectomie.
• Une tumeur testiculaire ne doit jamais être biopsiée : toute découverte d'une masse intra-testiculaire est un
cancer jusqu'à preuve anatomo-pathologique du contraire et doit conduire à la réalisation d'une exploration par
voie inguinale. Celle-ci se fait après clampage haut et premier du cordon spermatique à l'orifice inguinal profond
pour éviter toute dissémination. La pièce opératoire comporte ainsi le testicule, ses annexes et le cordon sperma­
tique jusqu'à l'orifice inguinal.

418
TUMEURS DU TESTICULE If 21 ◄
• Une prothèse testiculaire peut être mise en place dans le même temps ou à distance.
• Un recueil de sperme pour cryoconservation doit être systématiquement proposé au patient, au mieux avant
l'orchidectomie, au sein d'un CECOS (Centre d'Étude et de Conservation des Œufs et du Sperme humain). Il
s'agit d'une mesure médico-légale dans la mesure où la maladie elle-même et les traitements peuvent être respon­
sables de troubles de la fertilité.
• Après l'orchidectomie, il n'est pas nécessaire d'envisager une supplémentation hormonale dans la mesure où le
testicule controlatéral assure le plus souvent une synthèse suffisante de testostérone.
• Les tumeurs germinales du testicule sont associées à un très bon pronostic, avec une survie à 5 ans de plus de
95 % tous stades confondus.

► /t22 ÎUMEURS DU TESTICULE 419


PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 313:
« TUMEURS DU TESTICULE »

-~
Situation de départ Descriptif
En lien avec le diagnostic de tumeur du testicule
Signes locaux
100. Douleur testiculaire Toute douleur/augmentation de volume du testicule
108. Anomalie des bourses chez un homme jeune doit faire évoquer une tumeur
germinale du testicule.
Signes généraux et/ou en rapport avec une extension métastatique
41. Gynécomastie Une gynécomastie bilatérale chez un homme jeune
doit faire évoquer le diagnostic de tumeur germinale
du testicule ; elle est liée à la sécrétion par les cellules
tumorales d'hormone chorionique gonadotrope.
16. Adénopathie(s) unique ou multiples
36. Douleur de la région lombaire La diffusion métastatique ganglionnaire est
prédominante et peut se traduire par une masse
4. Douleur abdominale ganglionnaire rétropéritonéale volumineuse et/ou une
8. Masse abdominale adénopathie de Troisier.

17. Amaigrissement
21. Asthénie Une maladie métastatique étendue peut entraîner une
altération de l'état général.

En lien avec le bilan diagnostique d'une tumeur germinale


178. Demande/prescription raisonnée et choix d'un L'échographie scrotale est le premier examen d'imagerie
examen diagnostique à demander en cas de suspicion de tumeur germinale du
testicule.
En cas de tumeur testiculaire confirmée, les dosages
- sériques de l'alpha-fœtoprotéine et de l'hormone
231. Demande d'un examen d'imagerie chorionique gonadotrope permettent d'orienter le
diagnostic vers une tumeur germinale.
180. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo- La confirmation définitive du diagnostic est apportée
pathologie par l'analyse anatomo-pathologique de la pièce
d'orchidectomie ; les deux grands types de tumeurs
germinales sont les séminomes purs d'une part et les
tumeurs non séminomateuses d'autre part.

420
ÎUMEURS DU TESTICULE 423 ◄
-

421
Item 314

CHAPITRE ►------------- --------------------------


Tumeurs vésicales
Dr François Audenet', Pr Catherine Durdux 2, Pr Nadine Houede 3, Pr Marc-Olivier Timsit•
Dr Constance Thibault', Pr Stéphane Oudard'
'Service d'Urologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris
'Service de Radiothérapie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris
'Service d'Oncologie médicale, Centre Hospitalier Universitaire de Nîmes
•service d'Urologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris
'Service d'Oncologie médicale, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris

OBJECTIFS: N ° 314. TUMEURS VÉSICALES


� Éléments cliniques et de diagnostic d'une tumeur vésicale.

·----------------------------------------------------------------------------------------------------------------'
'
1. Définition 3. Démarche diagnostique
1.1. Lésion cancéreuse de l'urothélium 3.1. Connaître les signes fonctionnels (hématurie et autres
1.2. Connaître le principal type histologique de tumeur signes fonctionnels) révélateurs d'une tumeur de vessie
vésicale 3.2. Connaître les anomalies de l'examen clinique associées
1.3. Classification tumorale 3.3. Connaître l'indication des examens d'imagerie d'une
2. Épidémiologie: connaître l'épidémiologie et les facteurs de tumeur vésicale
risque des tumeurs vésicales 3.4. Stratégie des examens complémentaires, cytologie
2.1. Incidence et mortalité urinaire et cystoscopie
2.2. Facteurs de risque 3.5. Connaître l'indication d'une résection transurétrale de
2.3. Connaître les expositions professionnelles prédisposantes vessie (RTUV)

Rang [ Rubrique � - -Intitulé


-���-� - ---
------- -
A Définition Connaître le principal type histologique de tumeur vésicale : carcinome
urothélial
B Prévalence, épidémiologie Connaître l'épidémiologie et les facteurs de risque des tumeurs vésicales
B Prévalence, épidémiologie Connaître les principales lésions tissulaires précancéreuses
B Étiologie Connaître les expositions professionnelles prédisposantes
A Diagnostic positif Connaître les signes fonctionnels (hématurie et autres signes fonctionnels)
révélateurs d'une tumeur de vessie et les anomalies de l'examen clinique
associées
B Diagnostic positif Connaître l'indication d'une résection transurétrale de vessie
B Diagnostic positif Stratégie des examens complémentaires, cytologie urinaire et cystoscopie
B Examens complémentaires Connaître l'indication des examens d'imagerie d'une tumeur vésicale

• Les situations de départ sont indiquées en violet et gras dans le texte. Elles sont ensuite listées
à la fin du chapitre.

422
ÎUMEURS VÉSICALES ,425 ◄
A 1. Définition

1.1. Lésion cancéreuse de l'urothélium


• L'urothélium ou épithélium transitionnel est l'épithélium de recouvrement de l'arbre urinaire. Les lésions cancé­
reuses de l'urothélium peuvent donc toucher, de manière synchrone ou métachrone, calices, bassinets, uretères,
vessie et urètre.
• La vessie est plus fréquemment atteinte (95 %) en raison de la surface importante d'urothélium et du temps de
contact prolongé avec les carcinogènes présents dans les urines (rôle de réservoir capacitatif).

1.2. Principaux types histologiques des tumeurs vésicales


• Le carcinome urothélial est le type histologique de tumeur vésicale le plus fréquent: il est retrouvé dans 90 % des
cas en France et dans les pays occidentaux.
• Le carcinome épidermoïde représente environ 6 % des tumeurs vésicales en France. Ce type histologique est plus
fréquent dans les zones d'endémie de la bilharziose (Égypte, Moyen-Orient).
• D'autres typ es histologiques peuvent être retrouvés plus rarement: adénocarcinomes, carcinomes micro-papil­
laires, carcinomes neuro-endocrines, sarcomes.
• Les lésions précancéreuses représentent un continuum depuis l'hyperplasie, les atyp ies, la dysplasie et finalement
le cancer. Le carcinome in situ correspond à une lésion maligne de haut grade.

B 1.3. Classification tumorale


1..3.1.. Stade tumoral
• Le stade tumoral correspond au degré de pénétration dans la paroi vésicale (Figure 1).
• Les tumeurs de stade pTis, pTa et pîl sont des tumeurs de vessie n'infiltrant pas le muscle vésical (TVNIM).
• Les tumeurs de stade pT2 à pT4 sont des tumeurs de vessie infiltrant le muscle vésical (TVIM).

Toute la démarche diagnostique et thérapeutique des tumeurs vésicales repose sur la distinction entre TVNIM et
TVIM, dont le pronostic et la prise en charge sont extrêmement différents.
• · · • • · · · · · · · · · · ········ · · · · · · ·· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ···· ·· · · · · ·· · · ·· · · - · · ·· · · ·· - - · · · ·· · · · · · · · · · · --·· · · · · · · · · · · · · · · • · · · · · · - - · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·· · · ·· ·

1..3.2. Grade tumoral


• Les TVNIM peuvent être de bas grade ou de haut grade ; le haut grade étant associé à un risque plus élevé de
récidive et de progression.
• Par définition, les TVIM sont toujours des tumeurs de haut grade.

La classification TNM des tumeurs de vessie ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et
ces informations sont données à titre indicatif.

► 426 ÎUMEURS VÉSICALES


423
Item 314

Figure 1. Schéma des différents stades tumoraux (d'après l'Institut National du Cancer)

TVNIM TVIM

Ta Tis T1 T2 T3 T4

Muqueuse
Sous-muqueuse

Muscle superficiel

Muscle profond

Graisse périvésicale

Organes voisins

80% des cas 20%des cas

Tableau 1. CLASSIFICATION TNM DES TUMEURS DE VESSIE

Stade Description Dénomination


Stade T
pTa • Tumeur papillaire de grade variable sans infiltration du chorion
pTis • Tumeur plane de haut grade sans infiltration du chorion -Carcinome in situ
TVNIM
pT1 • Tumeur papillaire de grade variable avec infiltration du chorion mais sans
infiltration du muscle

pT2 • Tumeur envahissant la musculeuse


pT2a -Tumeur envahissant la musculeuse superficielle (moitié interne)
pT2b -Tumeur envahissant la musculeuse profonde (moitié externe)
pT3 • Tumeur envahissant le tissu péri-vésical
pT3a -Atteinte microscopique TVIM
pT3b -Atteinte macroscopique (masse extra-vésicale)
pT4 • Tumeur envahissant l'une ou l'autre des structures suivantes:
pT4a - Prostate, vésicules séminales, vagin ou utérus
pT4b - Paroi pelvienne ou paroi abdominale
Stade N
No • Pas d'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux
N1 • Atteinte d'un seul ganglion lymphatique pelvien (hypogastrique, obturateur,
iliaque externe ou présacré)
N2 • Atteinte de multiples ganglions pelviens (hypogastrique, obturateur, iliaque
externe ou présacré)
N3 • Atteinte d'un ou plusieurs ganglions lymphatiques iliaques primitifs

Stade M
- -
Mo • Absence de métastase à distance
M1 • Métastase(s) à distance

424
TUMEURS VÉSICALES /f 27 ◄
e 2. Épidémiologie et facteurs de risque des tumeurs
vésicales
2.1. Incidence et mortalité
• En France, avec une incidence annuelle d'environ 13 000 cas/an, les tumeurs vésicales représentent le sixième
cancer en incidence et le troisième cancer urologique après le cancer de la prostate et le cancer du rein.
• Les tumeurs vésicales sont responsables de 3 % des décès par cancer.
• Elles touchent essentiellement les sujets âgés, avec une nette prédominance masculine: l'âge moyen au diagnostic
est de 70 ans, et le sex-ratio de 4 hommes pour 1 femme.
• Au moment du diagnostic, 80 % des tumeurs vésicales sont des TVNIM et 20 % sont des TVIM.
• L'incidence augmente d'environ 1 % par an depuis 1975, principalement chez les femmes, du fait de l'intoxication
tabagique.

2.2. Facteurs de risque


• L'intoxication tabagique est le principal facteur de risque: il multiplie par 3 le risque de tumeur de vessie.
• D'autres facteurs de risque sont également associés aux tumeurs de vessie:
- la bilharziose, qui est associée au carcinome épidermoïde ;
- la radiothérapie pelvienne, souvent de manière tardive (délai> 5 ans);
- le cyclophosphamide, en cas d'exposition au long cours.

2.3. Expositions professionnelles prédisposantes


• La découverte d'une tumeur de la vessie doit faire évoquer systématiquement une exposition professionnelle.
• Les facteurs de risque professionnels sont liés à l'exposition professionnelle aux produits suivants:
- amines aromatiques : colorants, industrie textile, caoutchouc, produits chimiques, pétrochimie, plasturgie,
mines de charbon ;
- hydrocarbures polycycliques: production d'aluminium, de coke, combustion du charbon, industries du fer
et de l'acier;
- solvants chlorés: imprimerie, fabrication des encres, des colles, nettoyage à sec.
• La reconnaissance en maladie professionnelle (tableau 15 ter et 16 bis) ouvre des droits d'indemnisation spéci­
fiques.

A 3. Démarche diagnostique

3.1. Signes fonctionnels (hématurie et autres signes fonctionnels)


révélateurs d'une tumeur de vessie
• L'hématurie macroscopique est le signe révélateur le plus fréquent des tumeurs de vessie (80 %).
• Il s'agit classiquement d'une hématurie terminale, associée à des caillots.
• Si l'hématurie est abondante, elle peut être totale et se compliquer d'une rétention aiguë d'urines par caillotage
intravésical.

► 428 ÎUMEURS VÉSICALES 425


Item 314

• La démarche diagnostique est comparable en cas d'hématurie microscopique persistante : toute hématurie
microscopique ou macroscopique doit faire rechercher une tumeur de vessie, mais aussi du rein ou de l'uretère.
• Un autre mode de révélation possible est la survenue de troubles mictionnels de la phase de remplissage : les
signes irritatifs vésicaux (pollakiurie, urgenturies, brûlures mictionnelles) moins fréquents (20 %), doivent
faire évoquer le diagnostic s'ils sont d'apparition récente et persistent après avoir éliminé une infection urinaire
(ECBU).

3.2. Examen clinique


3.2.1. Interrogatoire
• L'interrogatoire a pour but de rechercher:
- les facteurs de risque de tumeurs de vessie : intoxication tabagique, exposition professionnelle, voyage en
zone d'endémie de la bilharziose;
- la date de début des symptômes;
- les symptômes locaux : type d'hématurie (terminale ou totale), présence de caillots (affirme l'origine
urologique), présence de signes irritatifs;
- les signes <l'anémie;
- les symptômes de maladie avancée: altération de l'état général (asthénie, amaigrissement, anorexie), signes
évocateurs d'une extension loco-régionale (douleurs pelviennes) ou à distance (douleurs osseuses);
- les traitements en cours (anticoagulants, AINS).

3.2.2. Examen physique


• Il est habituellement pauvre, la majorité des patients présentant une hématurie isolée. En cas de TVIM, des
signes d'extension loco-régionale ou à distance peuvent apparaître.
• L'examen physique comprend systématiquement:
- la palpation abdominale et lombaire à la recherche d'une masse hyp ogastrique (tumeur palpable, globe
vésical) ou d'une obstruction urétérale (douleur à l'ébranlement des fosses lombaires);
- les touchers pelviens à la recherche d'une masse pelvienne ou d'un envahissement pelvien (blindage);
- la palpation des aires ganglionnaires à la recherche d'adénopathies (sus-claviculaires);
- la recherche de signes cliniques <l'anémie, de dénutrition;
- la palpation des zones douloureuses osseuses, en précisant leur localisation précise.

B 3.3. Imagerie d'une tumeur vésicale

3.3.1. Échographie réno-vésicale


• Il s'agit d'un examen de débrouillage devant une hématurie ou des signes fonctionnels urinaires.
• Elle peut visualiser directement la tumeur vésicale et mettre en évidence une dilatation des cavités pyélocalicielles
en cas d'obstruction de la voie excrétrice urinaire supérieure.
• Cependant, sa sensibilité reste faible : un examen normal n'élimine pas le diagnostic de tumeur vésicale et ne
dispense pas de poursuivre les explorations.

3.3.2. Uro-scanner
• C'est l'examen morphologique de référence pour l'exploration de l'ensemble de l'appareil urothélial (possibilité
de lésions synchrones).
• Un uro-scanner complet comprend un temps sans injection, un temps artériel, un temps parenchymateux et un
temps tardif excrétoire.

426
ÎUMEURS VÉSICALES 429 ◄
• L'uro-scanner permet la détection avec une bonne sensibilité des lésions urothéliales > 5 mm.
• Il recherche :
- les lésions urothéliales qui apparaissent sous forme de lacunes ;
- une dilatation des cavités pyélocalicielles en cas d'obstruction urétérale par la tumeur (Figure 2);
- une tumeur synchrone dans la voie excrétrice urinaire supérieure ;
- une extension loco-régionale ou à distance en cas de TVIM : envahissement de la graisse périvésicale et des
organes de voisinage, adénopathies pelviennes ou rétropéritonéales, métastases (foie, poumon, os). En cas de
TVIM, le bilan sera complété par un TDM thoracique.

3.3.3. Uro-lRM
• En cas de contre-indication à l'injection de produit de contraste iodé, l'uro-IRM est une alternative à l'uro­
scanner.

Figure 2. Uro-scanner {temps tardif) mettant en évidence une TVIM obstruant le méat urétéral gauche
{coupe transversale), responsable d'une dilatation urétérale d'amont {coupe sagittale)

3.4. Stratégie des examens complémentaires, cytologie urinaire


et cystoscopie
3.4.1. Cytologie urinaire
• Elle permet l'analyse anatomo-pathologique des cellules urothéliales présentes par desquamation dans les
urines.
• Il s'agit d'un examen simple, rapide et peu coûteux, avec une excellente valeur prédictive positive.
• Sa positivité alerte sur la très probable présence d'une tumeur urothéliale qu'il convient de confirmer et de loca­
liser dans la voie excrétrice urinaire.
• Sa normalité n'exclut pas le diagnostic de carcinome urothélial et ne dispense pas d'un contrôle endoscopique.

3.4.2. Cystoscopie sous anesthésie locale


• Il s'agit d'un examen endoscopique réalisé en consultation, après avoir vérifié l'ECBU.
• Il permet de visualiser directement les lésions dans la vessie (Figure 3) : nombre, taille, topographie, aspect de la
tumeur (papillaire, sessile) et de la muqueuse adjacente (aspect érythémateux évocateur de carcinome in situ).
• Il ne permet habituellement pas de diagnostic histologique.

► If 30 ÎUMEURS VÉSICALES 427


Item 314

• Cet examen n'est pas nécessaire avant la résection transurétrale de vessie au bloc opératoire lorsqu'un examen
d'imagerie (échographie vésicale ou uro-scanner) montre un aspect caractéristique de tumeur de vessie.

Figure 3. Aspect endoscopique d'une tumeur de vessie papillaire

3.5. Indication d'une résection transurétrale de vessie (RTUV)


• Il s'agit d'une intervention chirurgicale réalisée au bloc opératoire, par endoscopie, sous anesthésie.
• C'est un geste à la fois diagnostique et thérapeutique (pour les TVNIM).
• La résection doit être macroscopiquement complète et suffisamment profonde pour analyser le muscle vésical.
• Les copeaux de résection sont envoyés pour examen anatomo-pathologique afin de déterminer le type histolo­
gique, le grade et le stade tumoral.

À l'issue de l'évaluation initiale, le diagnostic anatomo-pathologique de la RTUV permet de faire la distinction


entre TVNIM et TVIM, dont dépendra le bilan d'extension, le choix éventuel d'un traitement radical ou d'un
traitement adjuvant, ainsi que les modalités de surveillance.

TVNIM TVIM

Fréquence lors du 80% 20%


diagnostic initial
Diagnostic RTUV RTUV

Bilan d'extension uro-TOM TOM TAP

Traitement RTUV ± instillations endovésicales • Localisée: cystectomie±


(Mitomycine ou BCG) chimiothérapie néo-adjuvante
Alternative: chimio-radiothérapie
• Métastatique: chimiothérapie±
immunothérapie

Facteurs pronostiques Stade TNM, grade, CIS Stade TNM


Taille de la lésion U rétéro-hydronéphrose
Uni/multifocale Qualité de la RTUV (avant chimio-
Antécédents de TVNIM radiothérapie)
- - -
Risque évolutif Récidive locale (50%) Évolution métastatique (50%), létale
Progression vers une TVIM (15 %) ►

lf31 ◄
428
TUMEURS VÉSICALES
Surveillance • Cytologie urinaire et cystoscopie tous les TOM TAP
3 à 12 mois
• uro-TOM tous les 2 ans à la recherche

--- ---
d'une TVES

Survie globale à 5 ans >80% Environ 50 %

Organigramme pour la démarche diagnostique et thérapeutique devant une tumeur de vessie

[ H ém at rie
�-- - _ _ u_ _ _
_]

ECBU, créat ininémie, échographie,


uro-scanner, cytologie, cystoscopie

;
e de ie_
[�
_ _ _ _ T_u _m_ _u_, � _ _v_e_ss_ _ _
___�)

RTUV

TVNIM
\
TVIM
pîa, pîl, pîis � pT2
80 % des cas 20 % des cas

+/- installations endovésicales en fonction du Biland'extension : TDMTAP


risque de récid ive et de la progression

Localisée Métastatique

Surveillance i
- Cystoscopie Ch miothérapie
i Chimiothérapie
-Cytologie néo-adjuvante si élig ble
+/- immunothérapie
- Uro-scanner Cystectomie+
Soins de support
dérivation urnaire

Surveillance :
Récidive
-Clinique
- Créatininémie
-TDMTAP

► /f32 ÎUMEURS VÉSICALES


429
PRINCIPALES SITUATIONS DE DÉPART EN LIEN AVEC L'ITEM 314:
« TUMEURS VislCALES »

Situation de départ
1
Descriptif
En lien avec la prévention
303. Prévention/dépistage des cancers de l'adulte L'intoxication tabagique est le principal facteur de risque
314. Prévention des risques liés au tabac des tumeurs de vessie (il multiplie par 3 le risque de
tumeur de la vessie).
315. Prévention des risques professionnels La découverte d'une tumeur de vessie doit faire évoquer
systématiquement une exposition professionnelle.
En lien avec le diagnostic positif
Signes fonctionnels évocateurs
23. Anomalies de la miction L'hématurie macroscopique est le signe révélateur le
plus fréquent (80 %). Toute hématurie microscopique ou
96. Brûlures mictionnelles macroscopique doit faire rechercher une tumeur de la
vessie (mais aussi du rein ou de la voie excrétrice urinaire
97. Rétention aiguë d'urines supérieure).
L'hématurie macroscopique caillotante peut se
compliquer de rétention aigüe d'urines.
102. Hématurie Les signes irritatifs vésicaux (pollakiurie, urgenturies,
brûlures mictionnelles) sont moins fréquents (20 %),
mais ils doivent faire évoquer le diagnostic s'ils sont
d'apparition récente et persistent après avoir éliminé une
-- -- ----- -
infection urinaire (ECBU). -��---- - --
En lien avec les signes généraux et/ou en rapport avec une extension loco-régionale ou métastatique
16. Adénopathie(s) unique ou multiples Environ 5 % des patients atteints d'une tumeur de vessie
17. Amaigrissement sont métastatiques d'emblée et 40 % vont progresser
secondairement vers une forme métastatique.
21. Asthénie Les principales localisations secondaires des tumeurs de
106. Masse pelvienne vessie sont ganglionnaires, pulmonaires, hépatiques et
osseuses.
En cas de maladie localement avancée, les touchers
pelviens peuvent trouver une masse pelvienne ou un
-- - -- -- - ---�- envahissement pelvien (bl�ndage). -- - -- --
En lien avec les examens complémentaires -----
Examen cytobactériologique des urines (ECBU)
189. Analyse d'un examen cytobactériologique des urines L'hématurie est définie par la présence dans les urines
(ECBU) de sang émis lors de la miction avec un seuil d'hématies
;, 10/mm3 •
Il n'y a pas de corrélation entre l'intensité de l'hématurie
et la gravité de la cause.
- --- ---

lt33 ◄
430
ÎUMEURS VÉSICALES
Imagerie
178. Demande/prescription raisonnée et choix d'un L'uro-scanner est l'examen morphologique de référence
examen diagnostique pour rechercher une tumeur vésicale. Il permet de
visualiser l'ensemble de la voie excrétrice urinaire (rein,
229. Découverte d'une anomalie pelvienne à l'examen uretère, vessie).
d'imagerie médicale En cas de signe évocateur, un uro-scanner normal ne
dispense pas de poursuivre les explorations par une
231. Demande d'un examen d'imagerie
fibroscopie vésicale.
233. Identifier/reconnaître les différents examens
d'imagerie (type/fenêtre/séquences/incidences/
injection)
232. Demande d'explication d'un patient sur le
déroulement, les risques et les bénéfices attendus d'un
examen d'imagerie
En lien avec la prise en charge thérapeutique
181. Tumeurs malignes sur pièce opératoire / biopsie La résection transurétrale de vessie au bloc opératoire
est le premier temps de la prise en charge des tumeurs de
vessie: c'est un geste chirurgical à la fois diagnostique
(examen anatomo-pathologique) et thérapeutique (pour
les TVNIM).
180. Interprétation d'un compte rendu d'anatomo- L'analyse anatomo-pathologique permet de faire la
pathologie distinction entre TVNIM et TVIM dont le pronostic et la
prise charge sont radicalement différents.

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