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Plan du travail 

Introduction 

La bio-économie : de la conceptualisation dans les sciences économiques…

Les enjeux socio-économiques 

Bio-économie 

L’économie séculaire 

Conclusion 

Références bibliographiques
Introduction :

Depuis une dizaine d'années, le terme « bioéconomie » apparait très souvent dans les
publications académiques et s'est rapidement diffusé dans différentes sphères,
institutionnelles, scientifiques et entrepreneuriales. C'est aussi dans ces sphères où
émergent des théories et définitions controverses de la bioéconomie, malgré des
similarités concernant les problèmes majeurs qu'elle entend résoudre tels que :
l'épuisement des énergies fossiles, le réchauffement climatique ou la croissance
démographique puisqu'elle repose sur la sollicitation des ressources biologiques
renouvelables comme matières premières pour la fabrication d'une multitude de
produits (énergie, chimie, matériaux et alimentation).

Cet article vise à apporter des éléments de réponse à quelques questions principales
sur la notion de bioéconomie : comment est-elle définie selon les différentes sphères,
quels sont les cadres théoriques sur lesquels elle est fondée, quels sont les potentiels
de développement économique et les principaux défis/risques éventuellement
associés ?  

La bioéconomie : de la conceptualisation dans les sciences économiques…

Aujourd'hui, la juxtaposition du préfixe « bio », évoquant le vivant, aux différents


termes comme « bioproduits », « biologie », « biodiversité », « biochimie »,
« l'agriculture biologique », etc.,  est  tellement utilisée qu'elle laisse penser que
« bioéconomie » n'est pas plus qu'un effet de mode.

Bioéconomie n'est pas un concept nouveau. En sciences économiques, le terme


bioéconomie est intégré au début des années 1970s dans les modèles théoriques
développés par le mathématicien-économiste américain Nicholas Georgescu-Roegen
dans son ouvrage paru en 1971 « The Entropy Law and the Economic Process », et
l'économiste français René Passet, dans son ouvrage « L'économique et le vivant »
paru en 1979. La bioéconomie, selon Georgescu-Roegen, s'appuie sur l'ensemble des
acteurs et des activités économiques : le rôle des entreprises dans l'application des
technologies efficaces, économes et propres dans le processus de production et de
transformation, le rôle des politiques publiques dans l'orientation des dépenses et la
régulation de l'activité industrielle, le rôle des consommateurs dans leurs changement
des comportements vers une plus grande sobriété et plus forte équité
intergénérationnelle.   

Les enjeux socio-économiques :

Répartition des richesse :

La planète offre le spectacle du développement inégal, celui de disparités criantes en


matière de répartition des richesses de tous ordres. Cette situation d’inégalités a des
implications multiples, que ce soit sur la santé des humains, sur leur espérance de vie,
sur leur alimentation comme sur leur éducation et leur culture ; en un mot sur leur
bien-être. Elle pose aussi la question essentielle de la justice sociale, de l’égalité de
traitement des individus et des groupes humains, aux différentes échelles de l’espace
terrestre. S’il existe bien des situations absolues de pauvreté qui crèvent les yeux,
celle-ci, comme d’ailleurs la richesse, ne se définit pas aisément. Il s’agit de notions
complexes, correspondant à des réalités diverses et changeantes d’un pays ou d’un
territoire à l’autre. Pourtant, des constantes de ces deux états s’observent partout : leur
confrontation, révélatrice d’inégalités, s’érige en principe général de différenciation
des espaces géographiques. Repérables par les outils classiques de la géographie (les
cartes en particulier) à l’échelon du monde, les inégalités sociospatiales s’observent
aussi à l’intérieur de chaque territoire national, d’un lieu à l’autre. Ajoutons que
l’inégalité sociale de l’accès aux services publics, aux soins, à l’école, aux biens
environnementaux, frappe peu ou prou tous les espaces de la terre.
Dans ces conditions, l’analyse des inégalités entre riches et pauvres constitue un enjeu
majeur pour la compréhension des espaces géographiques

Accés à l’éducation :

L‘économie de l’éducation en tant que branche de la science économique, donc


discipline scientifique, a en partage avec les autres disciplines scientifiques la
démarche expérimentale nécessaire pour élaborer ou identifier des lois naturelles qui
régissent le fonctionnement des éléments constitutifs de l’univers, mais aussi le
nécessaire emploi d’outils mathématiques indispensables à la modélisation du réel. De
même, comme chacune des autres sciences, elle présente des spécificités qui font
d’elle une discipline particulière, nonobstant les interconnexions qu’on peut lui
reconnaître avec d’autres disciplines notamment celles des sciences sociales ou
humaines.

2Initiée aux États-Unis en tant que discipline scientifique dans les années 60,
notamment avec les travaux du sociologue Coleman (1966) à l’université de Chicago,
sur l’analyse de la réussite différenciée entre les étudiants blancs et les étudiants noirs,
l’économie de l’éducation a assez rapidement pris corps. On notera les premiers
travaux sur la notion de production au sein des établissements d’enseignement dans
les années 70 avec, notamment, l’apport de Hanushek (1979).

3En France, cette nouveauté s’installe avec la création de l’Institut de Recherche en


Économie de l’Éducation à l’Université de Bourgogne, dans la ville de Dijon, par
Jean Claude Eicher disciple de Gary Becker (1964, 1975), père de la théorie du capital
humain. Jean Claude Eicher a porté haut cette discipline au point où un vibrant
hommage lui fut rendu par Jean Bourdon et Claude Thélot à l’occasion d’une
publication intitulée « Education et formation : l’apport de la recherche aux politiques
éducatives », Hommage à Jean Claude Eicher, au CNRS éditions (1999), dans
laquelle ont été intégrées nombreuses contributions des chercheurs chevronnés de la
discipline, à l’exemple de Marie Duru-Bellat, François Orivel, Jean-Pierre Jarousse,
Christine Leroy-Audouin et Jean-Claude Eicher lui-même, sur la nécessité d’accroître
les connaissances sur l’optimisation de la production du bien éducatif et les méthodes
d’évaluation, compte tenu de l’immensité des exigences des systèmes éducatifs, de
leurs difficultés et surtout de la rareté des ressources nécessaires (question du
financement).

4Sans vouloir être exhaustif notamment sur le plan historique, cet article vise
particulièrement à mettre en lumière, de la manière la plus simple mais rigoureuse, les
spécificités de l’économie de l’éducation en tant que discipline scientifique qui, a
priori, peut paraître irréelle notamment pour ceux qui en entendent parler pour la
première fois ou de façon très superficielle, voire « accidentelle ». Quels sont les
enjeux de l’économie de l’éducation en tant que discipline à part entière ? En quoi se
distingue-t-elle des autres disciplines proches comme l’économie de la santé,
économie de sport, économie du transport, économie du travail, économie forestière,
économique maritime, économie ou nouvelle économie géographique, économie de la
justice, économie spatiale, économie de l’environnement…

5La présentation de cette discipline doit conduire à exposer préalablement le champ


d’étude, donc le produit, à savoir le bien éducatif, autour duquel se construisent toutes
les problématiques de recherche. En quoi ce produit est-il rare et quelle serait son
utilité pour justifier sa demande ? Ensuite, il est bon d’indiquer la démarche qu’elle
impose au chercheur, en tant que discipline scientifique.

La santé :

La santé n’est pas le soin, comme l’économie de la santé n’est pas l’économie du
soin. Sa définition a évolué dans le temps. Pour l’OMS, « la santé est une forme de
bien-être . La définition de 1986, mise en exergue, mentionne la dimension physique
(ou biologique) de la santé ; mais elle met au premier plan ses dimensions sociales et
personnelles. L’objet de l’économie de la santé est alors de savoir, à côté d’autres
disciplines scientifiques, comment accroître ce bien-être. Cependant, bien que
l’objectif global de toutes les disciplines scientifiques vis-à-vis de la santé soit le
même, des objets spécifiques caractérisent ces différentes disciplines.

L’objet de l’économie de la santé n’est pas partagé de façon œcuménique par tous les
spécialistes de cette discipline. Toujours selon l’OMS (1995), « l’économie de la
santé est l’application de la théorie économique aux phénomènes et problèmes
associés à la santé et aux services de santé. Parmi les sujets traités par cette discipline
figurent notamment la signification et la mesure de l’état de santé, la production de la
santé et des services de santé, la demande sanitaire et la demande de services de santé,
les analyses coût-efficacité et coût-avantages dans le domaine de la santé, l’assurance
maladie, l’analyse des marchés de services de santé, le financement des services de
santé, la détermination du coût des maladies […] l’économie hospitalière, la
budgétisation des soins de santé, la distribution territoriale des ressources, et les
modes de rémunération du personnel médical .

3Pour un courant de pensée récent, l’économie de la santé au sens large émane des
diverses disciplines scientifiques, notamment les sciences sociales, car « la santé est
un fait social total. Elle enchevêtre différentes dimensions, médicale, juridique,
économique, sociologique, voire religieuse, pour réaliser, dans l’organisation du
système de santé, le pacte social constitutif d’une société » (Batifoulier et Domin,
2014, en ligne).

4L’économie de la santé ne peut être réduite à la seule « analyse technique faite de


modèles théoriques » (ibid.). L’évolution des politiques sociales au sein des pays,
ainsi que la dynamique que les questions de santé insufflent à la croissance et au
développement économique des mêmes pays, font de la santé un enjeu social majeur.
L’économie de la santé s’inscrit dans une perspective plus large, car son champ
d’investigation est interdisciplinaire, ce qui impose une coopération et des échanges
intenses entre différentes disciplines (médecine, sciences économiques, juridiques et
de gestion, sociologie et anthropologie, etc.). Certaines disciplines, relevant des
sciences sociales et humaines, posent les questions d’équité et les fondements
philosophiques du bien-être social et individuel. Elles sont ainsi mieux à même
d’orienter les politiques publiques vers la réunion des conditions matérielles,
financières et humaines en faveur de l’obtention de plus de bien-être. D’autres,
notamment les sciences techniques, les sciences exactes et la médecine, venant en
complément des précédentes, agissent au niveau de la mise en œuvre de ces moyens,
c’est-à-dire sur la concrétisation de ce bien-être.

5Après ces précisions, la première section présente la notion de système de santé, puis
l’intérêt d’une approche interdisciplinaire pour mieux l’appréhender. La deuxième
expose les centres d’intérêt de l’économie de la santé en mettant l’accent sur
l’importance de l’équité pour réguler les risques objectifs de dérive vers une gestion
purement technicienne. La troisième section propose l’évaluation comme instrument
de la mesure de l’équité dans la gouvernance du système de santé.

Bioéconomie :

Le mot bioéconomie aurait été créé vers 1925 par le biologiste russe T.I. Baranoff.


Depuis, il désigne plusieurs théories et pratiques : approche économique des
comportements biologiques (comme l'entendait initialement Baranoff) ; gestion des
ressources halieutiques commerciales (à la suite des travaux de H. Scott Gordon)... ou
plus largement aujourd'hui la somme des activités fondées sur les bioressources
(produits des vies terrestre ou marine, végétale, fongique, animale, bactérienne, etc.)1.

En France, présentée en conseil des ministres le 18 janvier 2017, une stratégie


bioéconomique doit permettre de passer d'une économie dépendante des ressources
fossiles à une économie basée sur la biomasse, c'est-à-dire basée sur un
carbone cycliquement et des ressources renouvelables (de la production à la
transformation, jusqu’à la valorisation des coproduits et des biodéchets) et doit
permettre d'atteindre une sécurité alimentaire. Une Stratégie nationale de mobilisation
de la biomasse (SNMB) vise à mieux connaître et mobiliser cette ressource, sans la
surexploiter et en respectant ses autres usages (alimentaires notamment)1.

L'économie écologique[modifier | modifier le code]


L'une des filiations les plus importantes, même si elle n'est pas dénuée d'ambiguïtés,
est celle qui fait de la bioéconomie de Georgescu-Roegen une source de l'économie
écologique, courant qui a réussi à affirmer son existence au sein des économistes
depuis les années 19808. Cette filiation est d'abord liée au fait que Herman Daly, l'une
des figures importantes de ce courant, a été l'élève de Georgescu-Roegen dans les
années 1960 et, inspiré par son mentor, a choisi de poursuivre son programme de
recherche. Aux côtés de Kenneth Boulding ou des frères Odum, Georgescu-Roegen
fait rapidement figure de précurseur de l'économie écologique. Ses thèses sont
abondamment discutées dans la revue Ecological Economics qui voit le jour en 1989,
et qui lui consacre un numéro entier en 199717. Dès les premiers numéros des débats
s'engagent pour savoir si les propositions théoriques de Georgescu-Roegen sont
pertinentes pour le paradigme émergent, en particulier en ce qui concerne l'accent mis
sur la loi de l'entropie pour rendre compte de l'épuisement des ressources18,19. La
question de l'adhésion à la proposition d'une 4e loi de la thermodynamique devient un
problème théorique central sans que les économistes écologues puissent trancher de
manière décisive, certains suspendant leur jugement tandis que d'autres nient
l'existence théorique d'une telle loi pour y voir plutôt un problème pratique
d'impossibilité du recyclage intégral4.

Si l'économie écologique met avant tout l'accent sur la dimension environnementale


des travaux de Georgescu-Roegen, elle reconnaît aussi la pertinence d'une critique
épistémologique de l'économie néoclassique. Celle-ci apparaît comme remettant en
question les fondements même la théorie néoclassique, en mettant en lumière des
défauts originels et indépassables8. Elle permet donc à l'hétérodoxie émergente de
faire table rase. Reprenant Georgescu-Roegen, Daly estime que l'influence de la
mécanique sur l'économie est à la source d'une représentation circulaire de l'économie
qui l'isole de son substrat naturel, en masquant les flux de ressources et de déchets. La
loi de l'entropie devient alors le cadre théorique dans lequel penser ces flux, avec tout
ce qu'ils entraînent d'irréversibilité et de changements qualitatifs. Il convient de
coupler cette approche à celle en termes d'évolution qui cherche aussi à rendre compte
des transformations qualitatives des sociétés humaines. Conjointement ces référents
épistémologiques définissent un programme de recherche formulé en termes de
coévolution des sociétés et de leur environnement20. Cependant l'idée fondamentale du
paradigme bioéconomique selon laquelle la dimension évolutive des sociétés n'est pas
qu'une question d'analogie avec la biologie, mais plutôt que l'activité économique est
dans une relation de continuité avec l'activité biologique, se fait moins prononcée.
Ainsi les concepts d'instruments exosomatique et endosomatique sont rarement
mobilisés.

L'une des explications de cet affaiblissement du lien avec le programme


bioéconomique est le fait que l'économie écologique a été dès l'origine influencée par
une diversité de travaux, Georgescu-Roegen n'étant qu'une source parmi d'autres. Par
ailleurs des divergences sont apparues assez rapidement entre Daly et son mentor, en
particulier autour de la politique de l'état stationnaire promue par le premier et
fortement décriée par le second21. Pour Daly en effet la perspective d'une stabilisation
de la production était cohérente avec la préservation de l'environnement, et reprenant
à John Stuart Mill son concept d'état stationnaire, il en faisait une pierre angulaire de
sa politique économique, critiquant l'idée d'une croissance infinie. Mais pour
Georgescu-Roegen les enseignements de la loi de l'entropie étaient tout autre et
appelaient à une décroissance de l'activité industrielle dans les pays développés. Or
Georgescu-Roegen n'était pas homme de consensus, et il a parfois même laissé le
souvenir d'une personnalité difficile4. Cela l'avait déjà amené à adopter une posture
radicalement critique vis-à-vis de ses collègues néoclassiques, et cette fois il décida de
prendre ses distances avec ceux qui se réclamaient de son héritage. Il refusa
notamment de siéger au comité d'édition de la revue Ecological Economics comme on
le lui proposait22. Du point de vue de l'économie écologique, l'adoption de la
perspective de l'état stable apparaissait comme un moyen de paraître « raisonnable »
et ainsi de pouvoir gagner en reconnaissance institutionnelle8. La position de
Georgescu-Roegen apparaissait politiquement insoutenable pour ce courant émergent,
même si depuis quelques années elle refait surface sous l'aspect d'un programme de
recherche sur la « décroissance soutenable »

L’économie séculaire :

Mentionnée pour la première fois en 1939 dans un discours rédigé par Alvin Hansen
sous le nom de « Economic Progress and Declining Population Growth « , la théorie
de la « stagnation séculaire » a pour origine un constat fait par l’économiste : la
concomitance d’une faible croissance et d’un faible effort de formation brute de
capital fixe (ou investissement). Selon A. Hansen, la situation économique fortement
dégradée des années 30 n’était pas seulement la conséquence d’une violente
récession, phase basse du cycle économique, mais le fait d’une réalité structurelle.
Dans son essai, il explique cette dernière par la fermeture des frontières, le
ralentissement de l’innovation technologique et surtout, une diminution
substantielle de la croissance démographique (« drastic decline in population
growth »). La Première Guerre mondiale représenta en effet un point de rupture
démographique en raison premièrement du nombre de morts induit par la guerre
s’ajoutant à ceux de la pandémie de grippe espagnole et par ailleurs, du recul des
naissances lors des quatre années du conflit. Il faudra attendre l’après Seconde Guerre
mondiale pour que la courbe démographique reparte à la hausse.

La théorie pensée dans les années 30 par A. Hansen repose sur l’idée que les
économies industrielles souffrent d’un déséquilibre résultant d’une forte
propension à épargner [i] et d’une faible propension à investir, d’où un excès
d’épargne dans l’économie. En raison de la dynamique démographique, les
opportunités d’investissement rentable se font plus rares, augmentant le niveau
d’épargne disponible et faisant converger l’économie vers un équilibre caractérisé par
une faible croissance, une faible inflation, des ressources employées de manière non
efficaces (faiblesse de la productivité) et un taux de chômage élevé. Selon A. Hansen,
la présence d’une épargne excédentaire (conséquence d’une dynamique
démographique défavorable) place l’économie en situation de sous régime, lui rendant
impossible de revenir au plein emploi en raison de l’insuffisance de la demande
(maintenant le niveau de chômage à un niveau plus élevé que son taux naturel, alors
que les taux d’intérêt se situent à des niveaux bas). 

Loin des idées malthusiennes, A. Hansen voit en l’accroissement démographique


un moyen d’influer sur la composition de la production à la fois via un canal
direct (augmentation de la production et de l’investissement) et un canal indirect
(facilitation de l’innovation technologique). Il ne soutient cependant pas la mise en
place de politiques natalistes dont l’objectif serait d’influer sur la dynamique
démographique – ce type de politiques étant considéré comme moins efficaces que les
politiques économiques.

Il convient également de relever que le constat de L.H. Summers s’inscrit dans un


environnement dégradé par la Grande Récession et marqué par une politique
monétaire expansionniste des banques centrales. Dans ce contexte de baisse des taux
d’intérêt nominaux [iv] et de difficultés d’ajustement à la baisse des taux d’intérêt
réels (trappe à liquidités [v]), le champ des possibles en matière monétaire pour
contrer l’insuffisance de la demande agrégée apparait alors nettement restreint,
risquant de rendre permanente l’atonie des économies industrialisées. L.H. Summers
défend ainsi une réponse par la politique budgétaire afin de palier à la pénurie
d’investissement (en favorisant notamment l’investissement public comme soutien de
la demande).

Depuis sa réapparition sur le devant de la scène, la théorie de la « stagnation


séculaire », adaptée aux difficultés économiques du 21ème siècle, a été discutée par de
nombreux économistes. La « stagnation séculaire » pourrait être une tendance
mondiale et non pas uniquement régionale. Une des questions principales concerne
notamment sa portée géographique, à savoir si il faut considérer la « stagnation
séculaire » comme un phénomène strictement régional (cantonné par exemple aux
membres de l’OCDE) ou si il faut l’appréhender comme mondial et possiblement
l’expliquer par des modèles de transmission. En effet, l’emploi de l’exemple des
Etats-Unis par L.H. Summers a d’abord favorisé une approche régionale de la
« stagnation séculaire ». Par la suite, certains économistes, particulièrement Jaubertie
et Shimi (2016) [vi], vont développer une approche internationale de cette théorie en
analysant le rôle de transmission joué par le marché des capitaux, la recherche d’actifs
sûrs et la trappe à sécurité.

Même si cette théorie apporte des explications valides aux faits économiques des
dernières années, il semble encore tôt pour distinguer l’aspect structurel de
l’aspect cyclique. K. Rogoff (2015) a notamment souligné que les crises financières,
dont la Grande Récession, étaient caractérisées par une reprise en forme de U en
raison des difficultés liées au désendettement caractéristique de ces crises. Ainsi,
l’atonie de l’économie observée après 2008 pourrait s’expliquer par la nature de la
crise tout en s’inscrivant dans le cycle économique. En outre, la théorie de la
« stagnation séculaire » au 21ème siècle utilise comme clé de voute le concept
développé en 2005 par B. Bernanke de surabondance de l’épargne au niveau mondial
(« savings glut »). Cependant, comme souligné par F. Claeys (2016), B. Bernanke
(2015) suggère que ce phénomène pourrait être la conséquence de mauvais choix en
matière de politiques économiques (pilotage trop expansionniste de la politique
monétaire par la FED jusqu’en 2007 et incitations à l’endettement privé pour
l’accession à la propriété des classes moyennes) et non pas d’une dynamique
structurelle.

Enfin, la pénurie d’investissement ainsi que la faible croissance de la


productivité, caractéristique de la « stagnation séculaire », pourraient
s’expliquer par la part croissante des actifs intangibles au sein de l’économie
réelle. J.Haskel et S.Westlake expliquent dans leur livre, « Capitalism without
Capital »[vii], que l’importance croissante du capital immatériel pourrait aider à
comprendre la dynamique potentiellement structurelle derrière la « stagnation
séculaire ». Ils proposent quatre canaux de compréhension : 1/ les difficultés
croissantes à correctement mesurer l’investissement via des actifs intangibles, 2/ la
spécificité du capital immatériel a généré plus d’externalités et 3/ a exacerbé l’écart
entre les entreprises à la frontière technologique de leur secteur et les autres, et enfin
4/ des externalités décroissantes des actifs intangibles liées possiblement à la
difficulté des nouvelles entreprises à s’approprier le capital immatériel ou à la nature
de type « recherche de rente » d’une part des actifs intangibles.
Conclusion :

L'attention que les économistes portent actuellement à la stagnation séculaire s'inscrit


dans un contexte de renouvellement des cadres théoriques de pensée de la
macroéconomie face aux mutations du capitalisme. En termes simples, la stagnation
séculaire décrit un équilibre de sous-emploi stable dans lequel les économies sont
«piégées» à cause d'une trappe à liquidité et d'un environnement caractérisé par une
tendance désinflationniste historique sur les marchés des biens et services et du
travail. Parallèlement, l'inflation des actifs financiers est élevée.  

Par rapport à ce que l'on observait dans les années 1940 et 1950, la nouveauté vient du
rôle de la finance. Bien sûr, des facteurs exogènes comme la productivité et la
démographie modifient les trajectoires de croissance potentielle des économies. Mais
les effets de levier financiers, facilités par la liquidité abondante des marchés,
contribuent au fait que les économies connaissent des taux d'intérêt de long terme bas.
La situation d'une trappe à liquidité d'une durée exceptionnellement longue s'explique
par la conjugaison de deux tendances de prix en sens opposé : l'inflation est faible
dans le secteur réel et élevée dans le secteur financier. Si l'on ajoute à cela le rôle du
cycle de l'endettement public et privé, on aboutit à la conclusion que stagnation
séculaire et instabilité financière sont liées. Les travaux de Fisher ou Minsky étaient
déjà consacrés à l'étude de ces liens et ils trouvent aujourd'hui un nouvel écho dans la
littérature (voir par exemple, Atif et Sufi [2014], Borio et al. [2017], Eggertsson et
Krugman [2012]).

La stagnation séculaire donne lieu aujourd'hui à deux grilles de lecture, quelles que
soient les causes évoquées. La première interprétation est qu'il s'agit d'un déséquilibre
macroéconomique (ou un équilibre instable) dû à des imperfections de marchés. Un
concept qui résume ce point de vue est l'écart entre le taux d'intérêt naturel et le taux
d'intérêt réel observé. Ce dernier n'est pas au niveau où il devrait se situer au vu de
l'écart entre l'épargne et l'investissement. Les raisons d'un écart positif entre taux
observé et taux naturel sont variées : trappe à liquidité monétaire, trappe à sûreté
(safety trap), ancrage excessif des anticipations sur le régime inflationniste de la
période de Grande Modération, contraintes de financement subies par les ménages et
les entreprises. La seconde interprétation est qu'il s'agit d'un équilibre stable endogène
aux mutations du capitalisme et résultant de plusieurs facteurs : les changements dans
la répartition personnelle et fonctionnelle des revenus, les mutations technologiques et
démographiques, les liens entre cycle financier et activité réelle, la baisse séculaire
des prix dans le secteur réel. Ces deux lectures orientent la nature des recherches
menées depuis plusieurs années.

Prenons l'exemple des travaux sur les conséquences d'une trappe à liquidité avec un
taux d'intérêt nominal de court terme «coincé» à zéro. D'un côté certains chercheurs
montrent qu'elle entraîne l'apparition d'un nouveau régime de croissance faible
caractérisé par une trappe déflationniste. De l'autre, des auteurs s'intéressent avant tout
à déterminer des configurations de paramètres pour lesquelles les économies sont
caractérisées par des équilibres déterminés ou indéterminés, la stagnation séculaire
étant interprétée comme une équilibre «non désiré» (pour un aperçu de ces
discussions, le lecteur consultera à titre de référence, Bullard [2010], Schmitt-Grohé
et Uribe [2009], [2017], Arifovic et al. [2018]).

Autre exemple, celui des travaux sur l'estimation du taux d'intérêt naturel de
l'économie. La littérature sur le sujet est abondante (pour un aperçu, voir Holston et
al. [2016]). Un résultat important est que, dans le contexte actuel de stagnation
séculaire, ce taux est négatif pour la plupart des pays industrialisés. Cette découverte
provoque deux attitudes. La première attitude consiste à déclarer qu'il ne peut s'agir
d'un équilibre stable car il est incompatible avec la stabilité du capitalisme. Ceux qui
défendent ce point de vue avancent ses limites sur le plan théorique : l'équilibre
macroéconomique obtenu provoque des bulles et favorise des effets de levier
financiers nuisibles à la stabilité macroéconomique ; le taux naturel d'équilibre négatif
engendre des situations d'inefficience dynamique ; les modèles théoriques utilisés
reposent sur une structure démographique très particulière – à générations imbriquées
– (voir Pichelmann [2015]). L'autre attitude est de considérer qu'un taux naturel
négatif est simplement le reflet que les économies industrialisées font sérieusement
face aujourd'hui à un problème de demande contrainte. Une demande agrégée faible
chronique a pour effet de faire baisser continuellement le PIB potentiel. La fermeture
de l'écart existant entre l'épargne et l'investissement passe par donc par un ajustement
du revenu national. Une politique anti-stagnation va au-delà des politiques de relance
par la demande keynésienne. Elle repose avant tout sur une réforme des mécanismes
endogènes au fonctionnement du capitalisme qui ont conduit à la faiblesse de la
demande agrégée : correction des inégalités dans la répartition fonctionnelle des
revenus, contrôle du cycle d'endettement, redéfinition des liens entre finance et
économie réelle (Hein [2015] résume ces différents points de vue). 
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