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ESS

 Introduction générale
Economie Sociale et Solidaire : Une vision renouvelée des liens entre économie, entreprise et société.
Objectif : Répondre à un intérêt général, un besoin d’utilité générale + Changer le monde.
Cela représente 10% du PIB en France et regroupe 221 136 établissements pour 2,3 millions
de salariés. L’ESS intervient dans tous les secteurs économiques.

1. Pourquoi une formation en ESS ? 5 raisons principales

1ère raison : On est dans une période de mutation, notre monde change, et Luycks Ghisi
explique que le monde est au croisement de deux situations. On a d’un côté une crise de la
société patriarcale avec ses valeurs de domination, de contrôle, de compétition, et on connaît
d’autre part le surgissement d’une nouvelle société, porteur d’un paradigme post-moderne
avec ses valeurs de collaboration, de coopération, et de bien-être, impactant le monde des
organisations.

Exemples d’organisations, d’institutions, Exemples d’organisations, d’institutions,


d’entreprises qui fonctionnement selon le d’entreprises qui fonctionnement selon le
modèle patriarcal modèle post-patriarcal
- Les entreprises (Amazon, Tesla) - Les associations
- L’Etat - Les coopératives (agriculteurs à la tête)
- La bourse - Les ONG
- Les multinationales - Les Nations Unies
- L’OMS
- Le domaines du sport
- Les partis politiques
- Le modèle parental

2ème raison : La crise actuelle demande aux agents économiques (entreprises, consommateurs,
épargnants…) d’être innovants et d’avoir une culture économique large pour réformer en
profondeur notre économie. Le monde de demain ne peut être un retour au monde d’hier.

Qu’est-ce qu’une culture économique large ? Être très à l’aise sur les théories économiques
néoclassiques (= orthodoxes) et les théories économiques hétérodoxes (keynésiens,
postkeynésiens, nouveaux keynésiens, courants de l’ESS dont le marxisme, l’approche de K.
Polanyi), connaître le fonctionnement de l’économie de marché, etc.

3ème raison : Depuis les dérives de la financiarisation des entreprises, la mission de


l’entreprise évolue pour tenter de mieux prendre en compte les impacts (sociaux,
environnementaux) liés à son activité (Loi 2014 ESS, Loi Pacte).

4ème raison : L’ESS est innovante car ses entreprises entendent répondre à la crise en
proposant un autre modèle d’entreprise, un autre modèle de développement plus local basé
sur la construction de circuits économiques courts : circuits financiers, circuits
commerciaux, circuits monétaires.

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5ème raison : L’ESS aide les agents économiques (consommation responsable, épargne
responsable, investissement responsable) à devenir des agents de transformation sociale
aussi au niveau individuel.

6ème raison : Au niveau de l’emploi, il y a une demande importante d’embauche dans ce


secteur. En effet, les organisations d’économie solidaire et les collectivités territoriales
souhaitent embaucher des cadres intermédiaires et des cadres supérieurs formés aux besoins
spécifiques de ce secteur. 70 000 postes seront à pourvoir en 2023.

L’ESS concerne des entreprises collectives, démocratiques, à but social.

 Exemples :
- Les mutuelles de santé ou d’habitation, de biens
- Les coopératives
- Les associations
- Les fondations
- Les sociétés commerciales d’utilité sociale

2. Présentation très globale de l’ESS

° Acteurs
Organisations impulsées par des citoyens, des chefs d’entreprises, pour démocratiser
l’économie et les institutions politiques. Ces initiatives ont vu le jour au 19 ème siècle (1830).
Depuis les années 80, elle est reconnue par les pouvoirs publics nationaux (Olivia Grégoire :
Secrétaire d’Etat à l’économie sociale, solidaire et responsable rattachée au ministre
d’économie et des finances) + Conseils régionaux + Communes + Le réseau des territoires
de l’ESS + Europe + Réseau international de promotion de l’ESS (RIPESS).

° L’ESS est une des composantes du système économique.


Tout pays fonctionne à partir de 3 piliers :
- Economie capitaliste
- Economie publique
- ESS

° La place de l’ESS selon le courant économique :


Selon le courant économique, elle peut être vue comme un moyen de répondre aux
défaillances de l’économie marchande et de l’économie publique (courant économique
néoclassique). Elle peut être vue comme une économie à part entière pouvant aider les
deux autres économies à produire des activités économiques en respectant les hommes et
la nature (courant économique hétérodoxe).

° Economie sous tensions :


Nous verrons que cette économie connaît des tensions internes et externes. Une partie de ces
organisations connaissent des dérives de gestion vers l’économie de marché. Cette économie
connait une instrumentalisation de la part des pouvoirs publics néolibéraux.

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Dans quels domaines interviennent les entreprises de l’ESS ?
Les entreprises de l’ESS portent une vision politique de l’économie pour inventer un partage
plus équitable des richesses et de l’affectation des profits. Le profit est un moyen, le profit
n’est pas le but.

 Les associations caritatives : Croix rouge.


 Les mutuelles : Mutuelle qualité France, Maïf, Macif, Matmut.
 Les supermarchés : Leclerc, qui s’approvisionne à une centrale d’achats qui est une
coopérative.
 Les banques coopératives : Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Banque Populaire
 L’alimentation : ToGoodToGo, les épiceries sociales et solidaires, la ruche qui dit
oui, les associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP).
 Le logement : Coopératives d’habitation, Intermédiation locative

L’ESS, en 1980, a développé une créativité énorme dans la finance solidaire.


Elle intervient aussi sur le plan de l’insertion professionnelle (= Territoire zéro chômeurs).

Chapitre 1 : Apports de l’ESS à la science économique, à


l’économie de marché et à l’économie publique

I- L’ESS complète les définitions classiques de l’économie

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1. L’économie classique

 Science de l’échange (P. Samuelson, L. Walras)


 Science l’évolution historique des rapports de production entre les classes (K. Marx)
 Science de l’acquisition (= production) des richesses (Aristote (= science de la répartition
des richesses), Smith (= néoclassique))
 Science de la production et de la justice sociale (Léon Walras).
 Science de l’affectation des ressources rares aux besoins des Hommes en société (Lionel
Robbins, E. Malinvaud)
 Science du comportement humain (A. Marchal, Smith).
 Science de l’équilibre et de l’échange
 Science des antagonismes (marxistes) : l’économie est conflictuelle, violente, basée sur des
rapports de soumission
 Science qui étudie le comportement humain comme une relation entre des fins et des
moyens (L. Robbins)
 Science des moyens de vivre : la science du bien vivre ensemble en interaction le social et
l’environnemental

2. L’apport du courant précapitaliste sur l’ESS


La société encadrait l’économie. L’ordre social déterminait la place et la fonction de l’économie.
L’ESS va retenir du courant précapitaliste l’approche politique et morale de l’encadrement de
l’économie. Cela veut dire que les personnes sont autorisées à définir les règles qui correspondent à
leurs valeurs.
L’entreprise et l’économie ont la possibilité de fonctionner à partir de 4 principes :
o Marché encadré (transactions encadrées)
o Principe du don contre don (principe de la réciprocité) : égalité des rapports sociaux et
égalité des savoirs
o Principe de redistribution : prélèvement/redistribution
o Principe de l’autoproduction : produire pour son propre compte

Economie du Moyen-Age : Saint-Thomas d’Aquin qui a repris le principe de « juste prix »


d’Aristote : prix raisonnable et profitable.
L’ESS va retirer des travaux de Saint-Thomas d’Aquin et d’Aristote la question de l’équité dans les
échanges économiques et du juste prix.

Mercantilisme/Physiocratie : Le courant mercantiliste/physiocrate va remettre en cause l’approche


politique et morale de l’économie pour nous ramener sur une approche restrictive où les échanges
économiques vont se résumer au commerce et au profit individuel. Le courant mercantiliste a préparé
l’arrivée de l’économie de marché. Pour donner un pouvoir à chaque homme, les philosophes ont mis
en avant le droit de propriété : droit de montrer une entreprise, d’acheter un terrain. Les travaux de
Hobbes et de Locke vont aller en opposition avec la thèse développée par Jean-Jacques Rousseau.

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II- Impacts des courants économiques traditionnels sur l’ESS et apport de
l’ESS à la science économique

1. Le courant économique classique


Le courant économique classique va instituer une nouvelle organisation qui devra prendre en charge
tous les échanges économiques (marché). On va rentrer dans une approche qu’est la science positive.
La science positive comprend et explique le fonctionnement de l’économie à partir de lois universelles
(loi de l’offre et de la demande, par exemple). C’est une approche qui est restrictive parce qu’on
aborde l’économie que d’une seule manière. Les travaux de l’ESS vont dire que le marché ne se suffit
pas lui-même, le marché a besoin d’être encadré pour fonctionner, l’être humain ne se résume pas
à l’homo economicus.
Les acteurs de l’ESS remettront en cause la concurrence pure et parfaite et mettront en avant le
caractère non-concurrentiel du marché. Ils remettent également en cause la loi des débouchés (toute
offre crée sa propre demande) et la non-intégration de la justice sociale dans les échanges
économiques. Ils retiendront de l’économie de marché la détermination du prix à partir de la quantité
de travail (Smith). Ils vont prendre en compte les intérêts dans l’échange économique.

2. Le courant marxiste
Les acteurs de l’ESS reprennent la théorie de l’exploitation du travailleur par le capital, par le patron.
On retrouve l’idée que les travailleurs créent la richesse mais n’en reçoivent qu’une petite partie. Les
économistes de l’ESS vont reprendre le fait que l’économie est hiérarchisée.

3. Le courant néoclassique
Les auteurs de l’ESS vont mettre en évidence l’importance des ressources disponibles et de leur
affectation (science de la bonne utilisation des richesses disponibles et de leur affectation, notion de
rareté du facteur travail qu’il faut soigner).
La notion d’utilité : pour produire un bien ou un service, il doit correspondre à une demande et être
utile.

4. Le courant keynésien
Comme Keynes, ils vont critiquer la loi des débouchés et rejoignent l’approche de Keynes concernant
l’analyse du chômage (le chômage n’est pas volontaire). Les économistes de l’ESS abordent
l’économie sous forme de circuit économique (niveau territorial/local et niveau macroéconomique),
comme Keynes.

5. Le courant néokeynésien
Le chômage n’est pas uniquement dû à une insuffisance de la demande comme le disait Keynes :
insuffisance de l’offre et insuffisance de la demande. Le marché connaît une insuffisance

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d’informations aux agents économiques pour se déterminer, il y a ce que l’on appelle une asymétrie
d’informations.

6. Le courant postkeynésien
Les postkeynésiens sont plus critiques, et notamment les auteurs de l’ESS sont plus proches d’eux. Les
économistes de l’ESS partagent avec eux l’intervention publique expansionniste au niveau de leur
politique monétaire et au niveau de leur politique budgétaire. Pour eux, la croissance économique n’est
pas une finalité en soi, ce n’est qu’un moyen et ils abordent tous les deux une approche commune
concernant l’entreprise comme lieu de pouvoir : les rapports sociaux ne sont pas égalitaires, les
patrons dominent.

7. Le courant environnemental et humain


Il correspond au cœur de la pensée de l’ESS (Karl Polanyi). L’économie est une construction sociale.
Cela veut dire que les Hommes ont la capacité de définir les règles économiques qui leur
correspondent. Au sein de l’entreprise, on va pouvoir collectivement définir la production, mais aussi
la répartition des richesses  Cœur de l’ESS.
On retrouve la pluralité des principes économiques (marché, don, redistribution, autoproduction).
On intègre dans ce courant-là la solidarité et la fraternité dans le monde de l’entreprise et du vivant :
l’être humain doit respecter le cycle du vivant.

8. Le courant néolibéral
Il a inspiré 2 courants de l’ESS :
- Un courant qu’est le libéralisme social, qui donne aux associations un rôle de prise en charge de
l’intérêt général, permettant à l’Etat de se désengager.
- Une critique la politique néolibérale en disant que non seulement ils veulent que l’économie de
marché se développe sans intervention de l’Etat, mais qu’on construise une société de marché (tout
serait marchand et basé sur l’intérêt).
On veut réduire le déficit public, la dette publique…

III- Défaillances de l’économie marchande, de l’économie capitaliste

11 défaillances sur lesquelles l’ESS va travailler et apporter une réponse. Elles ne sont pas
hiérarchisées, elles sont à prendre en fonction des besoins sociaux que l’ESS veut traiter.

1. Approche restrictive de l’Homme

Cette approche s’appuie sur une critique de l’agent économique maximisateur (homo economicus).
Cela porte sur une critique des rapports sociaux « dominant/dominé », et fait référence aux travaux de
T. Hobbes. Face à cette approche restrictive de l’Homme, l’ESS propose l’approche kantienne de

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l’Homme (« Tout Homme est égal à un autre »  Chaque personne a des ressources et des manques).
L’ESS propose aussi une approche en termes d’homo situs (H. Zaoual).

La notion d’homo situs (opposition d’homo economicus) est une notion très intéressante qui renvoi à
plusieurs choses :
 L’Homme est mû d’une pluralité de motivations. Il est un être complexe animé par un
intérêt personnel, mais il est aussi capable de prendre en compte l’intérêt de l’organisation
(intérêt général). Il est également capable de prendre en compte l’impact de sa décision sur
autrui, de faire des choix éthiques.
 L’Homme est déterminé par son milieu (milieu familial mais aussi le milieu de l’entreprise).
Il est déterminé mais en même temps, il surdétermine lui-même le milieu, l’entreprise.
 L’Homme est un acteur qui agit sur son milieu.

2. Approche restrictive de l’entreprise


Dans le cadre de l’approche classique de l’économie, l’entreprise est vue uniquement comme un outil
de maximisation financier au service des apporteurs de capitaux (propriétaires de l’entreprise).
Dans le cadre de l’ESS et des approches innovantes, l’entreprise peut être vue comme une création
collective au service des besoins sociaux. L’entreprise va donc être là pour rendre des services. Elle
peut également être vue comme une manière d’améliorer le bien-être des salariés. L’entreprise est
capable de prendre en compte les contraintes environnementales (bien-être de la planète). Elle est vue
dans un cadre sociétal.

3. Croyances économiques très fortes dans l’accumulation du capital


Le taux de marge permet de mesurer la richesse qui va rester dans l’entreprise et qui va pouvoir
rémunérer les actionnaires (CBE / VA). Si les profits sont élevés dans une économie, les autres
agrégats suivent (revenus, salaires, investissements…). Quand il y a un bon taux de marge, il va y
avoir un processus économique vertueux, tout le monde va en profiter. A partir du profit, tout le reste
en découle de manière mécanique (théorie du ruissellement).
R. Solow et S. Kuznets : approche enchanteresse de la croissance économique et de l’importance du
profit dans une économie (théorie du ruissellement).

4. Prise en charge que de la demande solvable ou de la demande effective


L’économie marchande ne prend en charge que la demande solvable ou la demande effective
(demande appuyée par un pouvoir d’achat).

5. Ne traite pas directement les questions de répartition des richesses


L’économie ne traite pas directement les questions de répartition des richesses entre les différents
décils de la population.
L’ESS va être dans une approche du réalisme critique (comme les postkeynésiens). Le réalisme
critique, c’est de regarder les statistiques. Elles vont être une bonne manière de poser le problème.
Pour montrer qu’il y a des inégalités, on se sert de 3 indicateurs (chiffres de 2018) :
- Inégalités en termes de revenu disponible brut. Le RDB mesure le pouvoir d’achat du ménage. Ce
pouvoir d’achat est mesuré en prenant les revenus d’activité (si salarié : salaire brut, si chef
d’entreprise : EBE…), en rajoutant les revenus de la propriété (intérêts d’un produit d’épargne
quelconque), auxquels on va rajouter les prestations sociales et l’impôt sur le revenu. Le RDB va
mesurer la capacité de consommation et d’épargne.

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En 2018, les 10% les plus pauvres ont un niveau de vie inférieur à 934 € par mois, tandis que les 10%
les plus riches ont 3 260 €. Depuis 10 ans, les 10% les plus pauvres ont connu une baisse de 3% de
leur pouvoir d’achat, et les plus riches une hausse de 8%.
- Inégalités salariales (avant prestations et avant impôts). Les 10% les plus riches touchent par mois
4 686 €, et les plus pauvres 698 €.
- Inégalités patrimoniales. Elles sont encore plus importantes que les 2 autres inégalités. Les 10% les
plus fortunés détiennent plus de la moitié du total du patrimoine des ménages français. Les 50% les
moins riches détiennent 8% du patrimoine des Français. Les 10% les plus riches possèdent 1,25
millions d’euros de patrimoine. Les 10% les moins riches détiennent 2 000.
Quand on veut analyser les problèmes d’inégalités, on peut mesurer ce que l’on appelle l’insécurité
sociale. L’insécurité sociale, c’est de voir l’évolution du taux d’emplois précaires. On voit que ce taux
augmente. En 2018, on était à 13,6%. Le taux de chômage diminue au prix d’un mal emploi. Le
développement du salarié précaire est lié à la politique néolibérale.

6. Absence d’analyse sur la nature des biens et des services


Cette économie marchande est une économie qui privilégie le quantitatif. Elle ne travaille pas sur le
qualitatif.

7. Absence d’analyse sur la nature de la croissance économique


Les économistes ne se posent pas la question de pourquoi y’a-t-il eu un accroissement des richesses
(hausse prix du pétrole, taux de change, problèmes de spéculation, niveau d’endettement plus
important ?). On ne se pose pas la question de la nature de la croissance économique. Est-ce dû à des
facteurs positifs ? Cette question de la croissance publique n’est pas débattue. La croissance
économique est vue comme une fin en soi et non pas comme un moyen.
L’ESS va travailler sur ces questions. Les entreprises vont se poser la question de l’impact social et
environnemental lié à l’activité économique.

8. Economie du sous-emploi ou du mal emploi


On va regarder les statistiques :
- Population active : 29,6 millions veulent travailler,
- Nombre d’emplois : 25,3 millions.
Dans le mal emploi, on a les 3,7 millions de salariés précaires, les 1,6 de découragés qui ne se
présentent plus et les 2,4 millions de chômeurs catégorie A qui ne se présent plus. ¼ de la population
active est mal employée. Economie de sous-emploi
L’ESS va créer tout un secteur économique où on va faire travailler tous ceux qui n’ont pas réussi à
pénétrer le marché du travail, afin de leur redonner une qualification (secteur de l’IAE). Ce secteur va
créer un marché du travail transitoire.

9. La concurrence imparfaite

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La thèse développée par les économistes néoclassiques explique que les agents économiques
n’interviennent pas directement sur la formation des prix. Dans la réalité, certaines entreprises ont une
taille suffisante pour peser sur les prix, entraînant un manque à gagner pour le consommateur.
Dans l’ESS on va travailler sur la question du juste prix (prix raisonnable qui prend en compte les
besoins des entreprises et le pouvoir d’achat du consommateur). On va définir un prix raisonnable.
L’ESS va créer des circuits économiques courts locaux, et il va y avoir, par exemple, un
rapprochement des agriculteurs et des consommateurs qui vont décider ensemble du prix dans l’intérêt
des 2. Aristote (4 siècles avant notre ère) a dit des choses qui sont d’actualité au XXIème siècle.

10. L’asymétrie d’information


Il y a deux situations qui existent : aléa moral et sélection adverse. Les relations de confiance sont un
critère pour réduire les asymétries informationnelles.

11. La question des externalités négatives


Dans le cadre de l’économie marchande, quand on subit un préjudice, on a une compensation
financière. On n’intègre pas le prix de cette compensation financière dans le prix. Dans l’externalité
négative, le prix du bien ou service n’a pas intégré l’impact négatif sur autrui ou sur l’environnement.

IV- Défaillances de l’économie publique

Il y a 6 défaillances.

1. L’économie publique ne s’intéresse qu’à l’électeur médiant


C’est la théorie du choix public développée par les économistes américains. L’électeur médian se situe
à 50% de la population. Le gouvernement va faire une politique économique pour cet électeur médian.

2. Faiblesse de la redistribution pour les 10% les plus pauvres


En France, il y a 5,3 millions de personnes qui ont moins de 883 euros par mois, ce qui correspond à
50% du seuil de pauvreté calculé à partir du niveau de vie médian. En France, le niveau de vie médian
est à 1 700 €. 50% ont moins de 1 700 € et 50% ont plus de 1 700 €. L’indicateur le plus pris en
compte est le seuil du niveau de vie médian.

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3. Crise financière avec le déficit public et la dette publique
En 2020, le déficit public a explosé avec la pandémie (3% à 11% du PIB de déficit public). La dette
publique est passée à 120% du PIB.  Remboursement progressif sur 50-60 ans.

4. Crise de la solidarité institutionnelle


Les gens ne voient pas le lien entre les impôts/taxes qu’ils payent et les services publics rendus.

5. Critique des modes d’évaluation des biens et des services publics


Les pouvoirs ont développé le management et ils gèrent les administrations comme des entreprises
privées (encadrement des associations : contrôles très importants). Les pouvoirs publics mettent en
place des critères d’efficience qui posent un problème sur le secteur de l’intérêt général.

6.

Chapitre 2 : Portrait général de l’ESS

Objectifs pédagogiques principaux :


 Au niveau mondial, l’ESS française constitue la forme la plus aboutie
 Nouveau périmètre des entreprises de l’ESS (loi du 31 juillet 2014)
 Poids économique de l’ESS
 Appréhender les différentes caractéristiques socio-économiques des entreprises de l’ESS
 Identifier les principaux modèles économiques

Introduction :
L’ESS, en France et dans le monde, joue un rôle majeur dans l’économie et dans la société. Selon les
pays, elle a des appellations différentes : on parle de third secteur aux Etats-Unis, de sector non-
profit au Canada, d’économie populaire en Amérique latine, et d’économie lucrative en Asie. L’ESS
se développe dans tous les pays et avec des appellations différentes.

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C’est une économie qui se veut performante, surtout sur le plan qualitatif parce qu’elle propose aux
entreprises de faire du business et en même temps d’intégrer l’impact social et environnemental. Elle
inclus la RSE tout en la dépassant.

I- Panorama de l’ESS

1) Une double tradition


La première tradition relève de ce que l’on appelle l’économie sociale.

a) L’économie sociale
L’économie sociale fait référence à des statuts juridiques qui sont : les coopératives, les mutuelles, les
associations et les fondations.
Les coopératives sont très diverses : coopératives d’entrepreneurs (artisans, taxis, pêcheurs…),
coopératives d’utilisateurs (clients, habitants), coopératives de salariés, coopératives d’épargnants
(banques), etc. Le but de ces coopératives est d’assurer une solidarité entre les membres, c’est lié à un
intérêt collectif.
Les mutuelles : de santé, de personnes, de biens. Le but des mutuelles et de se protéger contre un
risque (protection sociale). Les mutuelles se sont développées dès 1830 en France.
Les associations (1901) ont une vocation très large et il est très facile d’en créer une. On a permis à la
société civile de créer une organisation pour prendre en charge un sport, pour défendre une cause, une
maladie. Les associations interviennent dans bon nombre de secteurs. La loi de 1901 est très libre, si
ce n’est que le but doit être autre que le partage des bénéfices.
Dans les fondations, on va avoir celles qui ont une vocation d’intérêt général.

b) Le courant de l’économie solidaire


Il va émerger en France à partir de 1980-1990. Cette économie solidaire se rapporte à des activités qui
veulent expérimenter une nouvelle manière d’entreprendre, de produire, de consommer, et de créer de
l’emploi :
- Recyclage
- Circuits-courts alimentaires (AMAP)
- Finance solidaire
- Insertion par l’activité économique
- Dispositif « Territoire 0 chômeurs de longue durée)
- Economie d’énergie (énergies renouvelables)
- Ecoconstruction
- Monnaies sociales
Argument qui explique notre rayonnement au niveau mondial : L’ESS est à la fois sur le secteur non-
marchand et le secteur marchand.

 Le secteur non-marchand de l’ESS : mutuelles (but : rendre service), associations, secteur de


l’insertion par l’activité économique, fondations.

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 Le secteur marchand : coopératives et les entreprises de l’ESS définies par la loi de 2014.
L’ESS, dans le monde, se limite au secteur non-marchand. En France, on va être en compétition avec
les entreprises du secteur marchand.

2) Nouveau périmètre de l’ESS avec la loi du 31 juillet 2014


Loi de 2014, Hamon. L’Article 1 a été un article très innovant. Avec cet Article 1, l’ESS est définie
comme un mode d’entreprendre et un mode de développement économique adapté à toutes les
activités économiques.
Pour en faire partie, toute entreprise ou organisation doit répondre à 3 critères :
- Le but poursuivit de l’entreprise ne doit pas se limiter au seul partage des bénéfices par les
apporteurs de capitaux.
- La gouvernance doit être « démocratique ». Cela veut dire que les parties prenantes de l’entreprise
(essentiellement les salariés) doivent être informés et consultés. Le poids relatif de chaque membre
n’est pas fonction du capital apporté.
- La gestion doit se conformer à 2 principes : une large partie des bénéfices doit être affectée à l’objet
social ; l’entreprise doit mettre une partie de ses bénéfices en réserve impartageable.
Les réserves impartageables sont des bénéfices que l’on met sur un compte où seule l’entreprise
pourra en bénéficier (investissement, par exemple). Les propriétaires de l’entreprise ne peuvent jamais
en bénéficier.
Désormais, ce ne sont plus les statuts juridiques des organisations qui déterminent l’appartenance à
l’ESS, mais les objectifs de ces-dernières et des critères d’organisation internes qui vont faire que
l’entreprise va être dans l’ESS.
Loi Hamon : Il n’y aura pas que des sociétés de personnes, mais également des sociétés de capitaux
qui vont rentrer.
Peuvent faire partie de l’ESS 4 catégories d’entreprises :

 1ère catégorie : Les acteurs historiques  Coopératives, mutuelles, associations et


fondations.
 2ème catégorie : Les sociétés commerciales d’utilité sociale  Les entreprises de capitaux
(SARL, SA) peuvent faire partie de l’ESS, mais elles devront intégrer les 3 critères
précédemment cités (but autre que le profit, gouvernance démocratique, gestion)
+ 3 autres critères :
- Rechercher à titre principal une utilité sociale : l’entreprise devra prendre en charge des
publics fragiles, des personnes handicapées, etc.
- Appliquer des principes de gestion de principes de performance innovants : élaborer de
nouveaux indicateurs de performance en intégrant les salariés, les clients, les usagers.
- Ces sociétés commerciales d’utilité sociale doivent être immatriculées avec la mention
« Qualité d’entreprise de l’ESS » au RCS.
 3ème catégorie : Les entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS)  Pour avoir le label
ESUS, il faut répondre aux 6 critères précédemment définis + Une politique de rémunération
encadrée, c’est-à-dire que la loi a voulu éviter un large éventail des salaires : la moyenne des 5
salaires les plus élevés ne doit pas dépasser 5x le SMIC. Un directeur d’une mutuelle, si la
mutuelle veut avoir le label ESUS, ne doit pas dépasser 6 000 € de rémunération.

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 4ème catégorie : Les entreprises sociales et solidaires qui relèvent de l’insertion par
l’activité économique (IAE)  Ceux qui sont dans la finance solidaire et dans le commerce
équitable.

3) Un réel poids dans l’économie française


L’ESS, c’est 9% de la population active salariée (2,3 millions de salariés). C’est 222 000
établissements-membres ou 165 000 entreprises. C’est 10% du PIB. C’est 40 millions de français qui
sont couverts par une mutuelle de santé, 22 millions sont sociétaires d’une banque coopérative. C’est
également 20 millions de bénévoles. Le commerce équitable en France, c’est 1 milliard d’euros et
l’épargne solidaire c’est 12 milliards d’euros.
La forme juridique la plus importante dans le monde de l’ESS (94%), ce sont les associations. En
France il y a 1,5 millions d’associations, mais il n’y a que 10% de ces associations qui font partie de
l’ESS.
2 critères pour qu’elles fassent partie de l’ESS : qu’elles aient une activité économique (vente de
prestations et de biens) et qu’elles soient employeuses (au moins 1 salarié).

Concernant les fondations, leur nombre augmente d’année en année. Il y a 474 fondations en France.
Concernant le secteur coopératif, il y a 26 000 établissements coopératifs et 8 600 entreprises
coopératives. Dans le monde des coopératives, une partie est en pleine expansion : ce sont les
coopératives d’activité d’emplois (CAE), les sociétés coopératives participatives (SCOP), les sociétés
coopératives d’intérêt collectif (SCIC). Ces 3 catégories de coopératives se développent dans tous les
territoires en France, elles sont innovantes.
Une CAE est une nouvelle forme juridique qui a vu le jour en 2014 (Hamon). Ceux qui créent
l’entreprise sont des entrepreneurs/salariés. Les CAE permettent à des créateurs de tester leur projet de
création dans le cadre d’une CAE qui leur donne la possibilité d’être salariés.
SCOP (2 salariés minimums) : Les salariés sont leur propre patron.
SCIC : Les associés vont être une SCOP + Autre : on va donner le pouvoir au salarié/patron, au
client. Elle va donner le pouvoir aux associés-fondateur.
Ce sont les 3 formes d’entreprises les plus innovantes et les plus créatives.
Dans les familles de coopératives, on a aussi les coopératives d’utilisateurs. Les associés vont être les
consommateurs. Cela peut-être :
o Coopératives de consommateurs,
o Coopératives scolaires,
o Coopératives d’habitants,
o Coopératives d’entreprises : les entrepreneurs vont être associés (on peut avoir des
commerçants, des artisans, des entreprises). Ces coopératives d’entrepreneurs mutualisent un
intérêt commun (centrale d’achat, par exemple),
o Coopératives de crédits : banques coopératives (Crédit Agricole, Caisse d’Epargne, Crédit
Mutuel, Banque Populaire, Crédit Coopératif).
Il y a 813 mutuelles en France qui interviennent dans le secteur de la santé et de l’assurance des
personnes.

13
L’action sociale correspond à 15% des entreprises de l’ESS. 12% sont dans les activités financières et
d’assurance. 16% dans le sport. 10% dans la culture et 10% dans l’enseignement.
L’ESS peut se développer dans tous les secteurs économiques mais a des secteurs phares (assurance,
action sociale, finance, culture, enseignement et sport). L’ESS est riche d’une biodiversité sectorielle.
Cela veut dire que l’ESS se développe dans l’agriculture par exemple biologique (AMP, jardins de
cocagne), dans le commerce équitable (Ethicable, Ecocup, Enercop…), dans la finance solidaire
(A.D.I.E., N.E.F.). L’ESS est également sur des secteurs classiques, mais aussi sur des secteurs
innovants.
L’ESS est souvent le 1 er employeur dans les zones rurales désertifiées. C’est là où l’activité
économique persiste (= les gens se regroupent ensemble). Les entreprises d’IAE s’installent souvent
dans des quartiers en difficulté.

II- ESS : un modèle entrepreneurial spécifique

1) Principales caractéristiques socioéconomiques des entreprises de l’ESS


Rappel : Les entreprises de l’ESS

 Mutuelles
 Associations
 Fondations
 Coopératives
 Sociétés commerciales et d’utilité sociale
 Entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS)  4 acteurs historiques + sociétés
commerciales
 Entreprises du secteur de l’IAE
 Entreprises du commerce équitable
 Entreprises de finance solidaire

Caractéristiques
o 1ère caractéristique :
Ce sont des entreprises privées indépendantes des pouvoirs publics.
o 2ème caractéristique :
Ces entreprises ont une approche large de l’activité de production, certaines entreprises sont
dans le secteur non-marchand, et d’autres sont dans le secteur marchand.

Secteur non-marchand Secteur marchand Secteur non-marchand et marchand


 Mutuelles  Sociétés commerciales  Coopératives d’activité et d’emploi
 Fondations d’utilité sociale  Sociétés coopératives d’intérêt
 Associations  Coopératives collectif
 Ateliers et chantiers d’insertion  Entreprises d’insertion
 Associations intermédiaires

o 3ème caractéristique :
Les entreprises offrent des biens et des services dans la durée en mobilisant des salariés et des
bénévoles.

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o 4ème caractéristique :
Elles constituent une activité risquée. Ce risque est mutualisé entre les financeurs, les salariés
et les bénévoles.
o 5ème caractéristique :
Ce sont des entreprises privées non-lucratives ou à lucrativité encadrée. Un pourcentage du
bénéfice doit être mis en réserve impartageable et un pourcentage du bénéfice doit être mis
dans l’objet social.
o 6ème caractéristique :
Elles se caractérisent par la liberté d’entrée et par la liberté de sortie.
o 7ème caractéristique :
Ce sont des entreprises qui intègrent la solidarité. Cela peut être une solidarité entre les
membres, qui ont des intérêts communs. Ou cela peut être une solidarité pour tiers (pour la
collectivité au sens large). Ou bien, cela peut être une solidarité qui combine les 2 (à la fois
pour les membres et à la fois pour tiers).
o 8ème caractéristique :
La démocratie économique. On va donner le pouvoir à chaque personne (membre) : 1
personne = 1 voix. On met sur un même pied d’égalité ceux qui apportent du capital, ceux qui
y travaillent, et les clients. On donne le pouvoir à toutes les parties prenantes de l’entreprise.
On donne le pouvoir à d’autres personnes que les propriétaires du capital.
o 9ème caractéristique :
Ces entreprises collaborent avec l’économie publique.
a) Elles partagent la fonction d’allocation des ressources, notamment quand elles produisent
des biens et des services d’intérêt collectif ou d’intérêt général.
b) La fonction de redistribution des ressources, notamment quand elles mobilisent le
bénévolat et des dons (pour offrir des biens et des services gratuitement pour les publics
en difficulté).
c) Une fonction de régulation de la vie économique, en proposant la création d’un marché du
travail transitoire.

2) Différences entre les entreprises classiques et les entreprises de l’ESS

Entreprises classiques Entreprises de l’ESS


o Maximiser le gain financier o Produire pour satisfaire des besoins
sociaux
But
o Produire pour garantir aux associés
le plus d’avantages possibles
o Création de valeur o Création de valeur économique +
Objectif
économique sociale
Marché o Demande solvable o Demande non solvable,
Clientèle partiellement solvable
o Mettre tous les moyens au o Les moyens doivent être en
Démarche service de l’objectif financier adéquation avec les valeurs de
l’entreprise
o Prix du marché o Soit prix du marché
Prix B&S o Soit prix social
o Soit prix politique
Mode de o Apports des associés + o Bénéfice net
financement chiffre d’affaires o Cotisations
o Dons

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o Bénévolat
o Apport des associés
o Subventions
Gouvernanc o Modèle hiérarchisé o Modèle démocratique
e
RH o Salariés o Salariés
o Salariés en insertion
o Bénévoles
Critère o Profit dégagé (bénéfice net / o Valeur économique
réussite CA HT) o Utilité sociale
o Utilité environnementale

3) Les différentes approches théoriques et conceptuelles de l’ESS

a) L’approche de l’ESS par Karl Polanyi


Karl Polanyi fait partie du courant environnemental et humain qui dit que l’économie est politique et
morale. Cela veut dire qu’ils sont contre l’approche développée par l’économie de marché et
l’économie néoclassique. Pour cet auteur, il n’existe pas de loi économique, notamment la loi de
l’offre et de la demande, la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say. Selon lui, l’économie est un
construit social, les agents économiques définissent les règles de fonctionnement de l’entreprise et de
l’économie. L’ESS est une illustration de la thèse de la thèse développée par Karl Polanyi.
b) L’approche juridictionnelle des entreprises de l’ESS
Pendant longtemps, les entreprises de l’ESS étaient définies par leur statut juridique. Il suffisait d’être
une entreprise de personnes qui était soit une association, une coopérative, une mutuelle ou une
fondation pour faire partie de l’ESS.
Mais depuis la loi du 31 juillet 2014, cette approche est remise en question. Aujourd’hui, ce sont les
objectifs de l’entreprise et ses critères d’organisation interne qui expliquent l’adhésion à l’ESS.

c) L’approche par les valeurs et les principes communs


 Finalité de rendre service à ses membres
 Gouvernance démocratique (1 personne = 1 voix)
 Autonomie à l’égard des pouvoirs publics

d) La théorisation par le concept d’économie solidaire (définition de Jean-Louis LAVILLE)


Définition : L’économie solidaire peut être définie comme l’ensemble des activités économiques
soumis à la volonté d’un agir démocratique où les rapports sociaux de solidarité priment sur l’intérêt
individuel ou le profit matériel.
Cela veut dire qu’un groupe social va décider des besoins sociaux à satisfaire en jouant la carte de la
solidarité.
Dans cette définition, il y a deux dimensions importantes :
- la dimension politique,
- la dimension économique.
16
La dimension politique fait référence à la création d’un espace public où les parties prenantes vont
définir la demande sociale à satisfaire et l’offre de service.
Sur le plan économique, l’insistance est mise sur la réciprocité et l’engagement mutuel. + Hybridation
des ressources. Cela veut que ces entreprises vont fonctionner à partir des cotisations, mais aussi à
partir du bénévolat des administrateurs, des dons.

e) Les interfaces de l’ESS avec les autres secteurs de l’économie (H. Desroche)
L’approche d’H. Desroche (en 1983) va nous montrer que l’ESS est au carrefour de 2 économies et
entretien des liens d’interdépendance.

 Une première interface est l’ESS et le secteur public. Les mutuelles sont conventionnées
avec les administrations de sécurité sociale pour assurer la protection sociale.
 Lien d’interdépendance.
Au niveau communal ou même départemental, la commune va déléguer une partie de leur
gestion du social à des associations (= associations gestionnaires).
L’ESS partage les mêmes prérogatives que l’économie publique.
 Une deuxième interface est l’ESS et le secteur privé lucratif, notamment les fondations par
les fondations d’entreprises. Au travers de leur volet RSE, ces grandes entreprises capitalistes
veulent financer des structures d’intérêt général (à travers la création de fondations).
Des acteurs économiques privés vont se regrouper sous forme de coopératives pour gérer
ensemble une centrale d’achats (= coopératives de commerçants). Exemples : Leclerc,
Système U.

4) Les différents modèles économiques de l’ESS


Les entreprises de l’ESS évoluent dans 4 domaines économiques : un modèle service public, un
modèle commercial, un modèle hybride et un modèle mutualiste.
Le modèle de service public va rentrer en crise très rapidement. Les pouvoirs publics veulent réduire
leurs subventions.
Le modèle purement commercial est le modèle classique, il ne bénéficie pas de subventions.
Le modèle hybride est le modèle d’avenir.

17
Chapitre 3 : Atouts et limites des associations : approche
économique et juridique

Objectifs de ce chapitre :

 Montrer que les associations ou les organisations sans but lucratif (OSBL) ont été victimes,
pendant longtemps, d’une discrimination économique. Peu de travaux, en sciences sociales,
portaient sur cette forme d’entreprise. Mais depuis les années 80, partout dans le monde, des
économistes anglosaxons et francophones ont comblé ces lacunes. Leurs travaux ont montré
que non seulement les associations répondaient aux échecs du marché et de l’Etat (approche
économique néoclassique), mais les associations participaient également à la consolidation
d’une économie soucieuse de l’impact social et environnemental de son activité (approche
économique hétérodoxe développée par les francophones : français, belges, québécois…).
 Rappeler les caractéristiques juridiques et économiques des associations.

18
 Montrer qu’aujourd’hui en France les associations sont à la croisée de chemins. Bon nombre
d’entre-elles connaissent une double crise : une crise de gouvernance et de gestion (en interne
et en externe). Seule une partie est porteuse d’innovations.

Introduction :
Les associations sont les premières formes juridiques des entreprises de l’ESS. 94% des structures de
l’ESS sont de type associatif. Cela a été la première forme historique. Les associations ont émergé de
manière expérimentale en France à partir de 1830 et elles se sont beaucoup développées jusqu’en 1848
sous un terme que l’on appelait à l’époque l’associationnisme ouvrier. Cet associationisme ouvrier
développait une activité économique (entreprises où les artisans créaient une association de production
(= coopératives aujourd’hui), une association de commerce, les premières sociétés de secours mutuel).
L’asso a été combattu par les pouvoirs publics, mis de côté et marginalisé. En 1851, Bonaparte a
emprisonné/tué les leaders de ces organisations. Il a fallu attendre 1901 avec Waldeck Rousseau pour
que les associations soient reconnues et que le droit de s’associer en dehors de tout contrôle de la
puissance publique le soit également. L’esprit de la loi de 1901 est relatif à la liberté d’association et a
pour but de permettre aux personnes d’unir leurs forces autour d’un objet commun et de leur donner le
pouvoir de faire vivre ce projet collectivement.
Les associations sont des sociétés de personnes et doivent respecter les principes fondamentaux de
l’ESS. Ces principes sont : l’adhésion est libre, le pouvoir est démocratiquement organisé dans le
cadre des statuts, la finalité est non-lucrative (= tous les excédants sont réinvestis dans l’objet social et
son impartageables entre les membres de l’association).

I- Analyse économique des associations


On a 1,5 millions d’associations en France, mais seulement 159 000 structures font partie de l’ESS.
Pourquoi ? Parce qu’on ne va prendre que les associations qui ont une activité économique et qui sont
employeuses (environ 10%). C’est un secteur dynamique, environ 65 000 créations d’associations par
an. Ces associations s’appuient sur 14 millions ETP de bénévoles. Les bénévoles sont importants dans
le secteur associatif.
1,6 millions de salariés. L’emploi associatif s’est fortement développé ces dernières années. C’est un
secteur qui embauche, d’autant plus qu’un bon nombre de cadres partent à la retraite.
Les associations contribuent au PIB à hauteur de 113 milliards d’euros.
C’est un modèle d’entreprise qui a longtemps été mal compris. On voyait l’association comme étant
une entreprise en manque d’efficacité marquée par l’amateurisme (= le fait de faire appel à des
bénévoles pour créer de nouvelles entreprises).
On a abordé l’association comme un service public au rabais destiné à cacher le retrait de l’Etat. Les
gens assimilait l’association comme une entreprise privée ou un service public.
Michel Rocard est le premier homme politique a avoir reconnu institutionnellement cette forme
d’entreprise (années 80). Il fallait distinguer les entreprises associatives des entreprises publiques et
privées. L’objectif des associations était de rendre service (= utilité montrée).
Vivianne Tchernonog rappelle que les associations sont d’abord au service d’une cause. Cela peut
être au service des droits humains, des droits de l’environnement, l’affirmation des droits des malades
ou d’un modèle éducatif bienveillant… Ces associations s’appuient sur une énergie militante et
concourent à la vie démocratique.

19
Ce n’est qu’à partir des années 80 aux Etats-Unis que des économistes néoclassiques comme Nelson
ou James Young vont reconnaître l’existence de ce modèle entrepreneurial.
En France, les atouts des associations ont été reconnus par Jean-Louis Laville et d’autres auteurs,
mais également les limites. Jean-Louis Laville, au travers de la théorie sur l’économie solidaire, a
théorisé les innovations socioéconomiques et organisationnelles (définition Chapitre 2).
Ces structures interviennent à 29% dans le sport, 28% dans la culture et le loisir, 23% dans l’action
sociale et 14% dans la défense des droits.
Ces associations renvoient à différents modèles économiques (3 grands modèles) :
1) Le premier modèle dépend de la quasi-totalité des financements publics.
2) Un deuxième modèle reçoit à la fois un soutien public, des dons privés et du bénévolat
(Secours Populaire, Restos du Cœur).
3) Un troisième modèle retrouvé dans les associations d’économie solidaire et notamment dans la
finance solidaire et le commerce équitable concerne des associations qui vont mixer du CA,
des subventions et du bénévolat.
Ce troisième modèle est le modèle d’avenir.

II- Les atouts du modèle juridique des associations


- Le succès du secteur associatif s’explique par la grande liberté au niveau de la création. Cette liberté
est définie par la loi de 1901 : La convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en
commun d’une façon permanente leur connaissance ou leur activité dans un but autre que le partage
des bénéfices.
- La rédaction des statuts est libre. On peut créer dans tous les domaines du moment que l’on respecte
les PGD. Un certain nombre de questions doit être posé avant d’élaborer les statuts : définir les règles
d’adhésion, de radiation, d’élection des dirigeants. Il est possible de créer une association avec un
coordinateur qui va changer d’année en année. Il n’est pas nécessaire d’élire un représentant, une seule
personne. Il est nécessaire de réfléchir au type de démocratie souhaité. La durée de vie de
l’association, les ressources et les membres doivent être définis.
- Aucun capital financier n’est demandé pour créer une association.
- Le but doit être autre que le partage des bénéfices.  Non-partage des bénéfices.
- L’association doit être déclarée pour exister juridiquement. Il faut faire une déclaration en préfecture
ou en sous-préfecture via une inscription par Internet (mention de plusieurs éléments : titre de
l’association, objet, siège, les noms et professions et domiciles des personnes chargées de
l’administration).
- Sur le plan de la responsabilité juridique, les membres d’une association ne sont pas tenus
responsables des engagements de l’association. Seul le patrimoine répond de ces engagements. Seuls
les dirigeants d’associations peuvent voir leur responsabilité civile ou pénale être mise en jeu pour
infraction grave ou faute de gestion caractérisée.
Il existe 4 formes d’associations :

 Les associations de faits : regroupement de personnes qui n’a pas envie de se déclarer. La loi
autorise un regroupement informel. La non-déclaration ne permet pas d’être une personne
morale et d’avoir une capacité juridique (pas de cotisations, pas de subventions, pas
d’ouverture d’un compte bancaire, pas d’embauche et pas d’agissements en justice).

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 L’association déclarée : capacité juridique dès qu’elle est publiée au Journal Officiel (JO).
 L’association reconnue d’utilité publique : il y a des critères exigeants à respecter => but
d’intérêt général, rayonnement dépassant le cadre local, avoir 200 adhérents minimum, 46 000
€ de fonds propres (l’activité économique doit générer des ressources économiques liés à la
production et à la vente de produits et de services à hauteur de 46 000 €), résultat positif sur
les 3 dernières années.
 L’association agréée : des secteurs comme l’éducation, la jeunesse, le sport, la santé, le
handicap, l’IAE nécessitent une autorisation (agréments) pour ouvrir un établissement. Il faut
montrer que des professionnels ayant des compétences puissent gérer la structure.

Les ressources sont plurielles pour une association. Elle peut avoir :
- Des cotisations (contrepartie d’un droit moral qui permet de participer à des organes de gouvernance
(participation au fonctionnement démocratique de la structure)).
- Des apports mobiliers ou immobiliers. Quelqu’un (membre ou tiers) peut donner un meuble ou un
immeuble à une association. Le donateur doit spécifier, au travers d’une lettre, qu’il donne à cette
association pour tel objet social.
- Des dons manuels. Un particulier ou une entreprise qui fait un don à une association a droit à une
réduction d’impôts sur le revenu équivalent à 66% du montant du don dans la limite de 20% du revenu
imposable. Exemple : Revenu imposable de 20 000. Don jusqu’à 4 000 €. Réduction de 2 460 €.

La détermination de la situation fiscale des associations :


Les associations ont une fiscalité avantageuse (exonérations) tant qu’elles sont dans la gestion
désintéressée ou qu’elles ont un CA qui ne dépasse pas 60 000 € ou si elles produisent des biens et de
services d’utilité sociale.
Sur le plan juridique, l’association à but lucratif n’existe pas. En revanche, des associations peuvent
avoir une activité lucrative (contrôle de l’administration fiscale pour vérifier si elle sont dans une
gestion désintéressée (but non-lucratif) ou intéressée selon 4 critères).
- 1er critère : L’administration fiscale va regarder si les dirigeants de la structure sont bénévoles
ou non. La rémunération du dirigeant peut aller jusqu’à ¾ du SMIC.
- 2ème critère : Si l’association a un niveau de fonds propres à la hauteur de 200 000 €, elle peut
rémunérer son président/dirigeant.
- 3ème critère : Si les activités de l’association rentrent en concurrence avec les entreprises
privées lucratives.
- 4ème critère : Vérification de la règle des 4 P.
o Produit : Le produit ou le service est-il pris en charge par les entreprises locales ?
o Public : Le public reçoit-il les mêmes services que le public reçu dans le cadre des
entreprises lucratives ?
o Prix : Est-ce un prix du marché ou un prix social ?
o Publicité : Y a-t-il eu une simple information ou une démarche commerciale de la part
de l’association pour capter une clientèle ?

21
III- Les théories économiques néoclassiques et hétérodoxes des associations : des
approches différenciées des atouts

1) Les théories économiques néoclassiques anglo-saxonnes


Depuis 3 à 4 décennies, la reconnaissance du rôle des associations s’affirme au niveau national et
international, ce qui a amené les économistes néoclassiques à intégrer ces formes d’organisations non-
lucratives. Pour ce faire, les économistes anglo-saxons se sont appuyés sur la théorie du rendement
social. Cette théorie s’appuie sur 2 sous-théories qui est la théorie de l’échec du marché
(concurrence imparfaite + asymétrie d’information) et la théorie des organisations de Coase et
Williamson. Cette théorie admet qu’à côté du marché les organisations sont efficaces car elles
réduisent les coûts de transaction, notamment en élaborant des contrats avec des clients, des
fournisseurs, des salariés… Grâce à cette théorie du rendement social, les économistes néoclassiques
vont expliquer les raisons du développement des associations au travers de 2 grandes théories : les
théories de la demande et les théories de l’offre. Dans les théories de la demande, il y a 3 sous-
théorie : théorie de la confiance, théorie de la demande excédentaire de biens et services publics et
quasi publics, théorie de l’interdépendance des pouvoirs publics avec les associations. Dans les
théories de l’offre, il y a aussi 3 motivations : motivations non-monétaires, théorie des parties-
prenantes, théorie du passager clandestin.

a) Les théories économiques néoclassiques de la demande


- La théorie de la confiance développée par Henri Hansmann (1980) :
Définition : En présence d’asymétrie d’information entre offreurs et demandeurs, certains demandeurs
peuvent légitiment suspecter les offreurs de ne pas respecter la qualité ou les quantités annoncées
(Exemple : nounou)  Henri Hasmann.
M. Nyssen va expliquer que les asymétries d’informations sont soit liées à la nature des biens (c’est-à-
dire qu’on ne peut évaluer la qualité des services rendus qu’au moment où il est réalisé) soit liées à la
configuration des parties-prenantes (c’est-à-dire que les familles ne sont pas présentes lors de la
transaction).
M. Nyssen va définir 3 situations d’imperfection d’information à partir de ces constats :
- L’incomplétude des contrats : Elle explique qu’il peut y avoir des comportements
opportunistes qui peuvent se développer si des situations inattendues émergent.
- La question de l’aléa moral : L’aléa moral provient lorsque l’une des parties-prenantes n’est
pas présente, elle ne peut que constater que le résultat de l’action et non l’effort déployé lors
de l’action.
- La structure de l’environnement : Cela fait référence au fait que dans un territoire il y a peu
d’associations qui ont généralement un pouvoir de marché ; les familles n’ont pas un grand
choix et par conséquent les structures associatives peuvent profiter de la situation.
Pour séduire les consommateurs, M. Nyssen a repéré plusieurs stratégies de la part des associations :
- Faire appel à des salariés qualifiés.
- Travailler sur la réputation (montrer que l’association réalise un travail de qualité).

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- Le statut juridique associatif rassure les familles (les associations sont des organisations à but
non-lucratif : rendre service et non dégager un profit).
- Les familles, en rentrant dans le Conseil d’Administration, demandent qu’on évalue les
performances au travers de contrats procéduraux.
- Les salariés ont des valeurs pros sociales et elles ont un point d’honneur à réaliser un travail
de qualité et de défendre les valeurs de l’association.

- Théorie de la demande excédentaire des biens et des services publics (Burton Weisbrod) :
Cette théorie a été élaborée par Burton Weisbrod. Il dit que la fonction des associations consiste à
répondre à des demandes auxquelles le marché et l’Etat restent sourds, notamment dans la production
de biens publics collectifs.
Exemples : Gestion de pathologies (autisme), de maladies invisibles/spécifiques…
Mais il est généralement reconnu que les failles du marché provoquées par ces biens collectifs laissent
place à l’action étatique. Weisbrod explique que l’Etat lui-même est en échec en prenant en compte
que les préférences de l’électeur médian (= celui qui se situe au milieu). Les citoyens insatisfaits par la
production publique préfèrent financer des associations (demande hétérogène).

- Théorie de l’interdépendance des pouvoirs publics avec les associations :


Cette approche est à l’opposé de celle développée par la théorie excédentaire, tout en la complétant.
Cette théorie de l’interdépendance joue un rôle de révélateur des bénéfices collectifs. Les pouvoirs
publics vont développer une politique publique qui va avoir pour objectif de répondre aux limites de la
philanthropie développée par les associations (apports de Salomon, économiste qui a travaillé sur les
limites de la philanthropie).
La philanthropie (courant de l’ESS) connaît des limites liées :
- A une offre associative insuffisante.
- Au particularisme philanthropique : les fondateurs de l’association vont définir la manière de prendre
en charge les besoins.
- A l’inefficacité philanthropique : étant donné que les associations ne sont pas sanctionnées par le
marché, il n’y a donc pas de récompenses financières. Les associations, si elles ne sont pas contrôlées,
peuvent dériver et il y peut y avoir des abus. Les associations doivent être encadrées par les pouvoirs
publics.

b) Les théories de l’offre


- Motivations non-monétaires :
Dennis Young (1983) a analysé les motivations des entrepreneurs selon les organisations. Pour lui, il y
a 4 profils d’entrepreneurs qui justifient la création d’associations :
- L’artiste cherche des espaces de créativité.

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- Le profil professionnel : le professionnel respecte scrupuleusement les normes et les standards de la
profession.
- Le convaincu : celui qui est développé corps et âme pour une cause.
- Le chasseur de revenus : motivé par des gains.
Edouard James va expliquer la création d’une association par la volonté de maximiser la foi des
adhérents. Il va montrer que les entrepreneurs associatifs ne veulent pas forcément maximiser les gains
financiers, mais veulent convaincre des gens (maximiser la foi des adhérents).
Pour Henri Anheir, le but des entrepreneurs est de maximiser un profit non-monétaire.
S. Rose Ackerman va montrer que ce sont des motivations altruistes.

- Théorie des parties-prenantes :


A. Ben Ner et T. Van Hoomisen ont élaboré la théorie des parties prenantes. Ces auteurs distinguent 2
types de dynamiques à l’œuvre par rapport aux parties prenantes :
- Les associations naissent des parties-prenantes de la demande, c’est-à-dire des familles, des
bénévoles, des militants qui veulent contrôler l’organisation et qui vont embaucher des
professionnels.
- Des professionnels qui vont s’entourer des parties les moins informées pour construire leur
offre de services.

- Théorie des entrepreneurs mus par des gains financiers (théorie du passager clandestin)

2) Théories économiques hétérodoxes et francophones

a) La dimension socio-économique francophone : réciprocité et hybridation


 Jean-Louis Laville, Marc Nyssen, Anne-Marie Alcoléa-Bureth
Les économistes hétérodoxes ont une approche beaucoup plus large et créative de l’économie. Ils vont
construire un modèle économique qui puisse rendre service à ses usagers tout en étant pérein.
Les associations vont devoir hybrider et se construire à partir d’un collectif qui va fonctionner à partir
de la réciprocité.
Ces auteurs ont mis en évidence, dans leurs travaux, le bien fondé des théories économiques
néoclassiques associatives tout en proposant un complément d’analyse, notamment ces auteurs
expliquent que l’essor des associations ne peut uniquement s’expliquer par le manque d’efficacité des
entreprises classiques. L’essor des associations s’explique par une nouvelle manière de maîtriser
collectivement l’activité économique en y introduisant de la démocratie. L’économie associative n’est
pas une économie de seconde zone, elle est constituée d’une pluralité de modèles économiques et
sociaux. Le principe économique numéro 1 pour la création de ces organisations est la réciprocité.

24
Chapitre 4 : Approche économique et juridique des coopératives

Introduction :
La loi de 1867, sous Napoléon III, a créé les sociétés anonymes qui pouvaient être sous forme
coopérative.
En 1947, l’évolution du droit coopératif va définir les principales caractéristiques des coopératives.
Les 1ères formes étaient des sociétés ouvrières de production (SCOP). Aujourd’hui, ce sont les
sociétés coopératives participatives (SCOP).
Entre 1867 et 1947, les coopératives se sont développées dans tous les domaines économiques.
En 2001, il y a une loi du 31 juillet qui va créer une nouvelle forme de coopérative qui va s’appeler
« société coopérative d’intérêt collectif ». Cette loi est fondamentale, parce que l’on va passer d’une
logique du mono sociétariat à une logique du multi sociétariat.
Il y a 13 familles de coopératives. Avant 2001, les coopératives étaient créées pour satisfaire les
besoins des associés propriétaires.
Une coopérative sert les intérêts d’une catégorie (mono sociétariat). Avec les coopératives d’intérêt
collectif, on va pouvoir prendre en compte jusqu’à 3 intérêts (multi sociétariat).
En 2012, la loi Hamon a légalisé les coopératives d’activité et d’emploi (CAE).
Aujourd’hui, les coopératives se développent dans tous les secteurs économiques.
Exemples : Inter Sport, Groupe Up, Super U, Yoplait, Francine, Chris, Ethiquable, Enercoop, Fabrique
du Sud, 1336 (Thé Lipton)…
Banques coopératives : Crédit Agricole, Banque Populaire, Crédit Mutuel, Caisse d’Epargne, Crédit
Coopératif, La Nef.

25
Les lois de 1947 et de 1967 reconnaissent les spécificités du modèle entrepreneurial de la coopérative,
fondé sur des valeurs de démocratie, solidarité, responsabilité et pérennité.
Définition de la loi cadre de 1947 : La coopérative est une société constituée par plusieurs personnes
volontairement réunies en vue de satisfaire leurs besoins économiques ou sociaux par leurs efforts
communs et la mise en place des moyens nécessaires.
Cette forme entrepreneuriale articule 2 dimensions : une association de personnes ayant des besoins et
une entreprise commune qui est le moyen de réaliser le projet.
8 principes fondamentaux définis par la loi de 1947 :
- L’adhésion volontaire.
- Le pouvoir démocratique (chaque associé possède une voix).
- La participation économique des membres.
- L’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, excepté pour les SCIC ou les CAE (les pouvoirs
publics vont aider les coopératives à prendre en charge des publics qui ne peuvent pas payer).
- L’éducation et la formation.
- La coopération avec les autres coopératives (se développent dans un cadre territorial).
- L’engagement vis-à-vis de la communauté.
- Le travail avec des tiers non-associés n’est autorisé que si une disposition légale spéciale le prévoit et
si la coopérative l’inscrit dans ses statuts.

J. Stiglitz explique (économise néoclassique) que le modèle coopératif est un modèle résiliant parce
qu’il permet de répondre aux défaillances des entreprises privées lucratives qui connaissent la
gouvernance des actionnaires et qui étouffent le modèle productif. Le modèle coopératif est un modèle
résiliant pour les pays du Nord et les pays du Sud du fait de son souci de répondre à des échanges
plus justes. Ce modèle s’inscrit sur du long terme grâce aux réserves impartageables. Il prend en
compte le bien-être social  Gouvernance démocratique. Ces entreprises ont la capacité de
construire des filières commerciales, financières, culturelles, courtes…

Cf. cours sur les différentes coopératives

I- Analyses juridiques et économiques des Sociétés Coopératives Participatives (SCOP)


Les SCOP ont été rebaptisées depuis 2011 et sont des sociétés coopératives participatives. Leur
nombre reste limité (3 391 entreprises en 2021 qui ont généré un chiffre d’affaires de 5 milliards
d’euros). C’est une forme qui suscite beaucoup d’intérêt aujourd’hui et qui se développe grâce aux
formations en ESS. La loi PACTE de 2019 a commencé à intégrer de manière très minoritaire l’apport
des SCOP. C’est une loi faite pour les entreprises de capitaux en leur donnant la possibilité d’intégrer
une mission sociale. Elle donne la possibilité aux entreprises d’intégrer une mission sociale et la RSE.
Il y a 18 SCOP dans les Pyrénées-Orientales.
Les SCOP sont des modèles d’entreprises qui impliquent des nouveaux rapports sociaux de
production. Le salarié n’est pas vu comme un facteur de production, le salarié a une double qualité : il
est salarié-patron et il est aussi propriétaire du capital et bénéficiaire.

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1) L’analyse juridique des SCOP

a) Gouvernance salariale
Une SCOP est créée par des individus qui veulent mettre en commun leurs capacités professionnelles
pour développer leurs outils de travail et leurs moyens de subsistance économique. Chaque sociétaire
doit soutenir financièrement leurs outils de travail, c’est-à-dire que chaque sociétaire devra apporter un
peu d’épargne personnelle. Les salariés doivent détenir 51% du capital pour avoir 65% des droits de
vote.
La loi Hamon de 2014 a donné la possibilité au salarié de mettre 10 ans pour obtenir les 51% (= SCOP
d’amorçage).
b) Mutualisation des risques
Le collectif va être là pour minimiser le risque financier s’il y en a un.

c) Variabilité du capital
Chaque nouvel associé va prendre une part sociale. Les parts sociales sont nominatives et ne peuvent
pas être échangées sur les marchés financiers. Ceux qui partent doivent être remboursés de leur apport
initiale. Les parts sociales ne font l’objet d’aucune plus-value (rachat à la valeur nominale).

d) Capital social minimum


SARL : 30,48 € et SA : 18 500 €.

e) Gestion démocratique
1 homme = 1 voix quel que soit le montant acheté en parts sociales. Cette gestion démocratique est
particulièrement poussée puisque ce sont les salariés qui désignent eux-mêmes leur propre patron.
Dans les statuts, le gérant est nommé pour 3 ans, reconductible autant de fois qu’il le souhaite sauf
éviction.

f) Limitation de la lucrativité
Les bénéfices sont encadrés par la règle des 3 tiers :
=> Bénéfice net comptable : une partie va servir à verser ce que l’on appelle la part travail, une partie
va en réserve impartageable et une autre partie va en part capital.

g) Solidité financière
Plusieurs éléments :
- Tous les mois, un prélèvement est fait sur les résultats de l’entreprise.

27
- Une SCOP a une solidité financière grâce à une réserve impartageable.
- La part travail et la part capital ne sont pas versées en numéraire mais en parts sociales.

h) Fiscalité
Comme toute entreprise, elle est redevable des impôts commerciaux et de la TVA, mais pas de la
contribution territoriale.

i) Indemnisation chômage
Les associés salariés et les dirigeants, en cas de faillite, auront droit au chômage.
2) Atouts des SCOP selon les économistes hétérodoxes

a) Stabilité de l’emploi
Bonin et Putterman constatent au travers d’études empiriques (= enquêtes de terrain) que l’objectif
majeur d’une SCOP est l’emploi (conserver l’emploi de l’ensemble des salariés, en baissant les
rémunérations).

b) Faible rotation des travailleurs


Hirschman et Freeman soulignent qu’un climat plus démocratique, une meilleure circulation de
l’information et une résolution plus aisée des conflits réduisent la rotation des travailleurs.
Autre élément : la faible liquidité des parts coopératives.

c) Forte accumulation du capital humain


Cette accumulation du capital humain provient à la fois d’une incitation morale et matérielle. Les
salariés s’identifient plus facilement à l’entreprise (puisqu’elle leur appartient) et ils peuvent bénéficier
de l’enrichissement de l’entreprise au travers des bénéfices. Cette accumulation du capital humain
prend la forme de formations polyvalentes des travailleurs, c’est-à-dire que les salariés peuvent pendre
les pauses du travail du voisin s’il est absent.

d) Productivité importante des salariés-associés


J. Stuart Mill et W. Stanley Jevons soulignent qu’une organisation participative permet aux salariés de
fournir des efforts plus intenses et de soigner leurs qualités.

e) Accroissement de l’efficacité organisationnelle


Vanek a démontré que dans les SCOP les salariés appliquaient au mieux les décisions des instances
dirigeantes.

28
3) Les points faibles des SCOP selon le courant économique néolibéral

a) Faiblesse de l’emploi
Cette première théorisation a mis en évidence une courbe de demande de travail inverse. En cas de
hausse du prix de vente du bien ou du service, la SCOP aura intérêt à licencier le travailleur marginal
dont la productivité en valeur n’atteint plus le revenu moyen net.

b) Faiblesse de l’investissement
Pejovich et Furubotn  Théorie des droits de propriété : aborder l’entreprise comme étant un bien
privé appartenant aux actionnaires.
Ils vont regarder les SCOP avec cette approche-là.
Ces auteurs disent que les salariés-associés ne sont pas incités à autofinancer des investissements car
ils n’ont aucun droit individuel de propriété sur les actifs de l’entreprise. En effet, ils possèdent des
parts sociales (parts de capital), mais celles-ci ne sont remboursables qu’à leur valeur nominale.

c) Difficulté à gérer les risques


Meade explique que les salariés-associés n’ont pas la possibilité de répartir les risques en termes
d’investissements en capital dans diverses sociétés comme le font les entreprises capitalistes.

d) Faiblesse de la productivité individuelle et collective des salariés-associés


Alchian et Demetz démontrent que, dans le cadre du travail en équipe, la mesure des productivités
individuelles est très difficile et coûteuse. Comment attribuer la fraction du produit global aux efforts
de chaque travailleur ? Les salariés sont incités à tirer au flan dans la stratégie de « free rider »
(passager clandestin qui profite des autres pour ne pas travailler).

e) Coût de l’information important


Les travaux de Marshall et Meckling ont mis en évidence les facteurs qui ralentissent la prise de
décision efficace. Pour eux, ces SCOP doivent fournir des informations considérables à un groupe
important de salariés décideurs peu expérimentés en gestion.
De même, dans les SCOP, il est très difficile, à partir de préférences individuelles, de construire une
préférence collective.

 La solution est de mettre en place une organisation hiérarchique contrôlée, où l’expert va imposer
sa vision aux autres.

II- Le renouveau coopératif à partir des années 80 dans le monde

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Renouveau lié à :
- L’effondrement économique de certains pays et notamment l’Argentine, le Chili, le
Venezuela.
- L’émergence de nouveaux secteurs économiques, notamment :
 La diffusion des coopératives d’habitation du Québec vers la France, la Suisse.
 Les coopératives dans le domaine du tourisme en Angleterre.
 Les coopératives de femmes agricultrices au Japon.
- De nouveaux statuts juridiques dans le commerce coopératif qui ont émergé partout dans le
monde, où les coopératives vont concilier de nouveaux objectifs sociaux et économiques.
Jusqu’alors les coopératives n’étaient que dans la satisfaction d’une clientèle qui pouvait
payer.  Secteur marchand (clientèle solvable) et secteur non-marchand (pour ceux qui ne
peuvent pas payer).
Les coopératives vont développer le multi sociétariat (donner le pouvoir à plusieurs catégories
d’associés).

Multi sociétariat – XXIème siècle :


 Italie : Cela s’est beaucoup développé dans le secteur de l’IAE, dans le sanitaire, dans le social
et dans le médical.  Coopérative sociale italienne.
 Belgique : Société à finalité sociale.
 France : Société coopératives d’intérêt collectif (SCIC)  2001. + Coopérative d’activité et
d’emploi (CAE)  Apparue en 1995 puis légalisée en 2014.
 Mais aussi en Pologne, en Corée du Sud.

1) SCIC
Elles sont nées le 17 janvier 2001. Aujourd’hui, il y a environ 1 000 SCIC en France. Dans les
Pyrénées-Orientales il y a Catener et O’Vrac.
Les SCIC sont des sociétés régies par le Code du commerce. La loi encadre le but de ces SCIC,
puisqu’on est à cheval sur 2 secteurs. Elles ont pour objectif la production ou la fourniture de biens et
de services d’intérêt collectif. Elles doivent présenter une utilité sociale. Cela veut dire qu’elles vont
prendre en charge des besoins sociaux pas pris en charge par les entreprises classiques ou les pouvoirs
publics. Pendant longtemps, il fallait demander l’agrément du préfet pour ouvrir une SCIC.
Pourquoi créer une SCIC ? Une SCIC est une transformation d’une association. Cette association
rencontrait des difficultés de démocratie interne, notamment, c’était les salariés qui travaillaient et les
usagers qui voulaient exprimer leurs attentes et leurs besoins, mais la structure associative refusait de
leur donner une place dans la gouvernance.
La loi de 2001 impose 3 collèges différents : 1 collège salarié (donner le pouvoir aux salariés), 1
collège usagers/bénéficiaires/clients et 1 collège autres (choix).
La structure va développer une activité d’intérêt général (dans n’importe quel secteur économique).
La SCIC permet de donner le pouvoir à des financeurs. Les pouvoirs publics peuvent donner des
subventions de fonctionnement.
La loi de 2001 impose aux SCIC que 57% des bénéfices doivent être affectés en réserve
impartageable.
Le multi sociétariat est à la fois une force et en même temps une fragilité.

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2) CAE
Les CAE accueillent des porteurs de projet d’activité et sécurisent leurs démarches entrepreneuriales
par la mutualisation de ressources. La CAE va offrir à ces porteurs de projet un hébergement juridique,
un numéro de TVA, un enregistrement au registre du commerce, une prise en charge de la
comptabilité, un contrat de travail à durée illimité et un accompagnement individuel et collectif à la
création d’entreprise.
La CAE est un mélange d’une SCOP et d’une coopérative d’artisans. C’est une coopérative de
salariés-associés.  L’équipe de salariés va jouer le rôle de formateur et les salariés entrepreneurs
(ceux qui sont en création et qui sont salariés de leur propre activité). La CAE est cogérée par
l’ensemble de ces salariés. Il y a à l’intérieur une coopérative d’artisans dans le sens où les créateurs
mutualisent des moyens de production ensemble.
Les CAE accueillent des porteurs de projet d’activité et sécurisent leurs démarches entrepreneuriales
par la mutualisation de ressources. La CAE va offrir à ces porteurs de projet un hébergement juridique,
un numéro de TVA, un enregistrement au registre du commerce, une prise en charge de la
comptabilité, un contrat de travail à durée illimité et un accompagnement individuel et collectif à la
création d’entreprise.
Quels sont les avantages pour un créateur d’aller dans ce type de structure ? Les créateurs vont être
dans une démarche où ils apprennent leur métier tout en l’exerçant. Surtout, on leur permet de
développer toute leur énergie sur la recherche de clients. Toutes les autres fonctions sont prises en
charge par la CAE.
Dispositif CAD : Maintenir ses droits sociaux tout en testant son activité, jusqu’à tant que le CA soit
suffisant.
Il est possible de retourner au chômage si l’activité ne marche pas.

31
Chapitre 5 : Différents courants économiques et sociopolitiques de
l’ESS

Introduction :
Comment les auteurs ont-ils pu intégrer les questions de solidarité et de justice sociale dans
l’entreprise ?
Durant une période, les associations étaient contrôlée par l’Etat et par l’Eglise. En Angleterre, au
XVIIIème, on a vu au travers des friendly societies un mouvement qui va vouloir défendre une
nouvelle approche de l’économie et de la société (= mouvement plus émancipateur). Avant les
premiers courants de l’ESS, il y avait un mouvement associationniste qui a toujours existé.
Il y a 9 manières de penser l’économie sociale et solidaire :
- L’école du socialisme associationniste. A l’intérieur de cette école, on a eu une sous-tendance :
c’est ce que l’on appelle le socialisme utopique, qui va se développer de manière complémentaire
entre l’Angleterre (Owen, King) et la France (Saint-Simon et Charles Fourier). Il y a également
l’associationnisme ouvrier (Proudhon, Buchez et Leroux). Ce sont des courants qui permettent de
comprendre les nouvelles entreprises qui se développent.
Socialisme utopique
En Angleterre :
Owen était un patron philanthropique. Il avait sa propre entreprise et a fait fortune. Il souhaitait que sa
fortune aide à l’émancipation de ses ouvriers. Il leur disait qu’une des raisons de l’injustice provenait
de l’accumulation du capital et de la propriété privée des moyens de production. + Le fait que les
salariés ne soient pas payés à leur juste valeur. Pour aider les ouvriers à améliorer leur sort, il a
proposé de créer des coopératives de consommation. En permettant à la classe ouvrière d’accéder à
une catégorie de produits à des prix abordables, on peut résoudre un problème de pauvreté. Il a
expérimenté ça en Angleterre. Ces coopératives de consommation se sont exportées aux Etats-Unis
entre le XIXème et le XXème siècle. Cette approche de l’économie sociale, par l’approche des
coopératives de consommation, se fera bien plus tard.
King (1786-1865) était inspiré par Owen (1871-1858). William King est connu pour 2 éléments. Il
défend l’idée que l’excédent dans les coopératives doit être mis en réserve impartageable. Cela sera
repris, en France, en 1867 dans le droit des coopératives et en 1947 sur la loi sur les coopératives. Une
autre idée est l’autodétermination des salariés en mettant en avant le rôle central du travail par rapport
au capital. C’est-à-dire que, dans une entreprise, ceux qui créent le plus de richesse sont les salariés, ils
peuvent donc administrer l’entreprise. Au travers de ces propos, King va être à l’origine des SCOP,
qui vont notamment intervenir à partir de 1830 en France de manière expérimentale.
En France :

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Saint-Simon (1760-1829) remet en question la domination d’une élite riche et introductive. Il
préconisait l’association comme moteur. Il a œuvré pour favoriser l’association comme un mode
d’organisation des activités économiques.
Charles Fourier (1772-1837) a écrit un ouvrage qui s’appelle l’« Harmonie sociale ». Il a voulu
démontrer qu’il y avait des lois sociales qui permettaient le bon fonctionnement d’une entreprise (=
lois de l’harmonie sociale). Pour lui l’homme est bon, il est doté de talents naturels et il est important
d’avoir une organisation qui valorise ces talents. Il va préconiser une forme d’organisation
économique qui est ce que l’on appelle le « phalanstère ». Cela s’est développé au XIXème en France
et aujourd’hui on peut dire que les dispositifs publics relèvent de la même logique. L’idée du
phalanstère, c’est un territoire qui va appartenir aux sociétaires : on va développer plusieurs
coopératives (production, consommation, loisirs, industrielles). Les idées de Fourier ont été appliquées
par un chef d’entreprise nommé Godin.
Associationnisme ouvrier
Proudhon (1809-1865) était très en avance au niveau de son temps. Il va préconiser, sur le plan
économique, une forme d’organisation qui s’appelle le mutualisme. Il va proposer que la propriété
privée soit restituée aux salariés. C’était le défenseur des coopératives de production. Pour lui,
l’entreprise doit fonctionner selon un contrat réciproque où les salariés s’engagent dans le
fonctionnement de l’entreprise (= échanges réciproques). L’idée est que chaque salarié doit donner le
meilleur de lui-même. Il doit porter un apport en capital. En échange, les salariés ont le droit de
récupérer la totalité des fruits de leur travail. Sur le plan politique, il va être novateur et critiquait la
démocratie représentative en disant que cela n’entretenait pas la capacité politique des gens à définir la
société dont ils ont besoin. Il disait que les citoyens élisent des représentants qui ne respectent pas les
programmes pour lesquels ils sont élus et gèrent les affaires de l’Etat pour leurs propres intérêts. Il
proposait de redonner la capacité politique à chaque citoyen et de créer des pactes sociaux au niveau
d’un quartier, au niveau d’une commune…
Buchez (1796-1865) était un médecin et un autodidacte éclairé en économie. Il intervenait pour
soigner et aider les gens. Ils a voulu participer à la création d’une économie sociale à Paris et en
France. Il va dire que les Hommes associent leur travail et leur capital et doivent constituer un capital
commun qui sera inaliénable (= notion de réserve impartageable mise en avant). Les gens doivent unir
leurs forces pour faire valoir ce capital.
Leroux (1797-1871) préconisait une forme de solidarité nouvelle qui n’aura rien à voir avec la
solidarité organique préconisée par les libéraux ni avec la solidarité mécanique que l’on retrouve dans
les sociétés précapitalistes. Il va développer un concept qui s’appelle la solidarité relationnelle
intersubjective. La solidarité est un fait naturel et nous avons été créés pour être solidaires les uns avec
les autres. Leroux dit qu’il faut créer un groupe de travail et où chacun exprime sa vision des choses,
puis essayer de construire une vision partagée qui prenne en compte l’ensemble des visions
individuelles.
 Déclin de l’associationnisme ouvrier à partir de 1848 parce que Napoléon III a souhaité
marginaliser ce mouvement économique en le combattant politiquement et physiquement.
- 2ème courant : Marxisme (à partir de 1870-1880)
La réponse du marxisme à la question sociale va être une réponse très différente, violente, où le
marxisme va proposer que le prolétariat prenne le pouvoir politique afin de supprimer les rapports de
force entre le travail et le capital dans les entreprises. L’objectif est de mettre en place une économie
planifiée centrale. C’est un modèle descendant qui est proposé, c’est l’Etat qui imposera ces modèles
d’entreprises, les types de biens à produire, les prix des biens et services mais aussi les salaires.
- 3ème courant : Catholicisme social (à partir de 1880)

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On ne veut plus remplacer le capitalisme mais le réformer. Le chef de file du catholicisme social est F.
Leplay et son ouvrage « Nouvelle constitution de l’humanité ». Il va proposer aux chefs d’entreprises
et aux ouvriers 2 principes : le principe de la moralité selon les 10 commandements et le principe du
respect de l’autorité. Il a défini une forme de solidarité qu’il appelle le patronage. Ce patronage est un
contrat qui va lier les patrons et les ouvriers. Ils s’engageait à construire des logements pour fixer la
main d’œuvre, mais aussi des écoles, des épiceries… En échange l’ouvrier s’engageait à respecter
l’organisation du travail.
- 4ème courant : Raiffeisen et coopératives de crédit
Il préconisait, pour mettre fin à la pauvreté, de permettre aux personnes (ouvriers) d’accéder à des
prêts bancaires. A l’époque, les prêts bancaires étaient uniquement pour les riches. Raiffeisen a
proposé aux gens d’unir leurs forces et de créer une caisse d’épargne collective gérée par eux-mêmes.
L’idée est de pouvoir offrir des prêts bancaires à des taux les plus bas possibles.
- 5ème courant : Pape Léon XIII
L’Eglise, en 1891, au travers du Pape Léon XIII, offre son soutient à l’économie sociale. Les prêtres
de terrain vont être à l’origine du développement de l’économie sociale.
- 6ème courant : Libéralisme social
Certains des économistes libéraux ont été en faveur, à côté de l’économie de marché, du
développement de l’économie sociale.

 John Stuart Mill


 Léon Wahas : Associations de production et de consommation
 Charles Dunoyer
 Frédéric Passy
Ces auteurs vont défendre l’économie sociale parce qu’ils veulent défendre la liberté économique
avant tout. Dans le cadre du libéralisme social, l’Etat se désengage.
- 7ème courant : Solidarisme
Il revoit à 2 approches : la République coopérative et l’Etat providence. Le solidarisme provient de
l’école de Nîmes. Il y avait 2 chefs de file : Charles Gide et Léon Bourgeois.
Charles Gide est une très grande figure de l’économie sociale. Il a eu un poids dans l’économie sociale
de 1880 jusqu’en 1932. Il est connu pour être le défenseur des coopératives de consommation. Il
voulait toucher tout le monde (mouvement ouvrier dans son ensemble) par la consommation. De 1880
à 1910 il souhaitait développer une République coopérative. Il avait un programme :
1ère étape : La conquête de l’industrie commerciale. Il voulait créer un gros réseau commercial géré par
les consommateurs eux-mêmes.
2ème étape : La conquête de l’industrie manufacturelle.
3ème étape : La conquête de l’activité agricole.

Léon Bourgeois abordait l’approche de la solidarité sous l’angle légal et institutionnel. Il va réhabiliter
la thèse de Leroux qui disait que la solidarité est un fait naturel. Chaque personne reçoit de la société
et échange elle doit rendre. Il va dire que l’Etat va pouvoir garantir ces quasi-contrats entre les
individus. Il va être à l’origine de dire que l’Etat va faire des prélèvements obligatoires qui permettront
de développer des dépenses publiques.

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- 8ème courant : Tradition philanthropique
Cela a été porté par l’Eglise au travers de la charité, mais également par les grands patrons français.
Aujourd’hui, la philanthropie se développe beaucoup parce que l’Etat se désengage. Il y a 20 ans, les
subventions publiques étaient 36% des ressources d’une association, aujourd’hui c’est 20%.
- 9ème courant : Georges Fauquet et Claude Vienney
Ils vont dire que els entreprises de l’ESS sont des entreprises complémentaires aux entreprises
classiques. Ils sont spécialistes des coopératives et vont dire qu’elles sont complémentaires. On voit
l’économie sociale comme un secteur qui va accompagner les 2 autres.
- 10ème courant : Retour de l’ESS comme visée transformationnelle
A partir des années 60 et jusqu’en 1980, Henri Desroche va réhabiliter et va être à l’origine du retour
du concept d’économie sociale. Depuis Gide on ne parlait plus d’économie sociale. Il va convaincre
Michel Rocard de créer un ministère de l’économie sociale. De 1990 à nos jours, ce sont les travaux
des économistes et sociologues de l’économie solidaire. Ces travaux sont regroupés sous le terme
économie solidaire. L’ESS est réhabilitée comme étant une troisième économie à part entière pouvant
inspirer les deux autres économies.

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