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L’enfant et son environnement familial et social

Travail sur les


modèles familiaux
Étude du court-métrage « Thermostat 6 », réalisé par AV-RON Maya,
COMINOTTI Mylène, COUDERT Marion, DANO Sixtine.

Rédigé par Martin Royer, Technique d’Éducation à l’Enfance


Lien du court métrage :
https://www.youtube.com/watch?v=j6Hz_gdqS1k
Le 24 mars 2023
Diane ne peut plus faire semblant de ne pas voir la fuite qui coule au-dessus de la table du repas
familial… Cela la pousse à agir. Analysons cette scène sous le prisme des modèles familiaux.

Partie 1 : l’environnement familial et ses composantes, comme sources


d’influence du personnage
Tout d’abord, étudions les différents éléments qui font le contexte du court-métrage, que ce soit
par l’analyse du comportement des personnages, ou bien l’observation de l’environnement dans
lequel la scène a lieu, afin de mieux cerner les modèles familiaux qui influencent la famille
représentée ici, et qui par extension influencent Diane (celle qui s’adresse au défi présent dans la
scène), qui nécessairement s’est construite en relation avec cet environnement familial.

La scène a lieu dans un appartement, où trois générations sont réunies. Le foyer familial qui réunit
en son sein toutes les générations de la famille est un trait caractéristique de la famille traditionnelle.
En effet, le modèle traditionnel est indissociable d’un mode de vie rural, de la vie à la campagne,
qui donnait l’avantage à la vie en micro-sociétés (à savoir les familles, appelées « familles
communautés »). Tout le fonctionnement de la famille y était axé sur la survie du groupe, son
maintien et sa pérennité à travers les générations qui se succédaient. La contribution de tous au
fonctionnement de la cellule familial favorisait son fonctionnement optimal, aussi les trois
générations se côtoyaient dans la même maison, et chaque génération apportait sa pierre à l’édifice
familial.

D’autre part, vivre en milieu rural s’accompagnait généralement de conditions de vie modestes
(valeur d’ailleurs promue par l’Église catholique, qui avait une forte emprise sur le modèle de
famille traditionnel), ce qui se reflète dans le type d’habitation, un appartement dans un immeuble
résidentiel. On apprend par le grand-père que l’appartement lui appartient, par la mère que c’est
elle qui s’occupe du lieu maintenant, et le père de répliquer à sa fille : « Et toi, ma fille, quand tu
seras grande, ce sera ton tour. ». La maison du grand-père fait partie des ressources de la famille,
et est léguée de générations en générations. Cette transmission à travers les âges s’inscrit dans une
volonté de la famille traditionnelle de faire perdurer dans le temps ses particularités, son
patrimoine, il y a une volonté conservatrice. Ce patrimoine est non seulement matériel, mais aussi
biologique et symbolique. On veut maintenir certaines pratiques et savoir-faire.
Autre occurrence qui indique des influences traditionnelles, l’importance du rassemblement
familial, autant que de l’importance du groupe, de la solidarité de ses membres, ce qui est dissimulé
dans une réplique de la mère : « Je vous ai pas éduqué comme ça, on ne sort pas de table avant le
dessert. ». Rester ensemble à tout prix, pas d’espace pour les initiatives individuelles, le groupe
l’emporte sur l’individu.

On retrouve donc dans un premier temps un certain nombre d’éléments qui affluent pour
catégoriser la famille de famille traditionnelle, et dans le même temps on observe aussi certains
indices d’une transition vers le modèle de famille moderne. La scène en elle-même fait penser aux
dimanches en famille, moment privilégié de réunion de la famille, moment convivial et de partage,
que l’on peut comprendre comme une adaptation de la famille au passage du modèle traditionnel
au modèle moderne. En effet, le modèle moderne se construit dans un contexte d’adaptation à un
environnement qui change : on se déplace de la campagne à la ville. Les familles deviennent plus
éclatées, il faut bien le rituel du repas en famille pour continuer à entretenir le lien entre les
membres de la famille.

En ce qui a trait à la répartition des rôles, la mère s’inscrit dans une vision moderne de la famille.
Pendant tout le court-métrage, la seule préoccupation qui est la sienne est ce qui est en lien avec la
cuisine, le repas, et le service. En effet, les hommes sont à table et se laissent servir, tandis que la
mère est en charge de tout le travail domestique. C’est représentatif de la répartition des rôles dans
la famille moderne, où la femme s’occupe de tout ce qui appartient à la sphère privée, aux tâches à
l’intérieur de la maison. Elle occupe le rôle de ménagère, femme au foyer, qui doit s’occuper de
son mari quand il rentre du travail, lui s’occupant de ce qui appartient à la sphère publique. Ce
modèle mari pourvoyeur - femme ménagère s’inspire fortement du modèle traditionnel, auquel le
modèle moderne demeure attaché.

Enfin, on peut remarquer la présence d’un piano, soit les arts qui s’insèrent dans le quotidien de la
famille. Les arts, l’accès aux loisirs, ce que l’on peut associer aux modèles de famille moderne et
post-moderne. Le plaisir personnel, la satisfaction des désirs personnels, sont des valeurs
importantes qui naissent à partir du moment où la famille traditionnelle déménage en ville,
devenant moderne (puis post-moderne).

Pour résumer, les influences de la famille sont à dominante traditionnelles et modernes, qui
s’harmonisent plutôt bien dans la situation présentée. Il est même intéressant de remarquer que
chaque génération présente dans ce court-métrage semble incarner un modèle de famille particulier.
Ainsi, le grand-père se trouve incarner le modèle de famille traditionnel, la mère et le père
expriment davantage le modèle moderne, et les deux enfants incarnent la transition vers un esprit
plutôt post-moderne, ce que nous verrons dans la prochaine partie, en regardant la façon dont Diane
réagit au défi dont il est question : cette fuite d’eau qui n’a toujours pas été réparée depuis
maintenant 3 semaines.

Partie 2 : la réaction face au défi


Intéressons-nous maintenant au défi de la fuite d’eau, à comment la jeune fille choisit d’aborder le
défi, pour pallier à l’échec des parents à la résolution du problème, ainsi qu’à la façon dont ses
parents (au sens large) interagissent avec elle à cette occasion, et à comment ces comportements
sont représentatifs d’un modèle de famille.

Dans le court-métrage, on apprend donc de Diane que la fuite existe depuis 3 semaines. Le père a
pris la responsabilité de s’en occuper, en faisant appel à un professionnel. Cette sollicitation d’une
aide extérieure est à mettre en corrélation avec une société de services. C’est une évolution par
rapport au modèle traditionnel, où on fait tout par soi-même, où on valorise la famille qui est
capable de s’auto-gérer au quotidien et qui tend à satisfaire tous les besoins matériels ; non, à partir
de la famille moderne, il y a de plus en plus de professionnalisation, spécialisation des tâches, on
observe une perte de connaissances élémentaires, ce qui augmente la dépendance à des agents
extérieurs. D’ailleurs, en l’absence de l’intervention du professionnel dans ce cas-ci, il en résulte
que rien ne change et le problème demeure.

Autre point concernant la conduite adoptée par le père, la fille s’exclame à propos de la vétusté des
tuyaux et le père de répondre : « tu sais ce que ça coûte de refaire la plomberie ? ». Ainsi, il exprime
ses réserves vis-à-vis de dépenses excessives, et son souci de gérer au mieux les finances de la
famille, traits propres au modèle traditionnel, où l’une des fonctions du père est l’administration
des biens de la famille, la gestion financière.

Ç’en est trop pour Diane, le jour est arrivé où elle prend l’initiative de réparer la fuite elle-même,
bien décidée à ne pas dépendre du moment où arrivera effectivement une aide extérieure. Par son
action, elle manifeste de l’autonomie, et en un sens elle s’émancipe de la conduite imposée par ses
parents face à la situation, allant à l’encontre de la volonté du père. Cette entreprise individuelle,
qui s’affranchit de la décision choisie pour le groupe, est caractéristique d’un esprit moderne/post-
moderne. De plus, Diane sort des dictats sociétaux concernant l’assignation des tâches selon le
genre, et s’attaque à un défi, la plomberie, traditionnellement considéré comme masculin, ce qui
relève là aussi d’une vision post-moderne.

La communication entre les membres pendant la scène nous indique une relation conflictuelle entre
leurs modes préférentiels. Diane fait des remarques à l’intention de ses parents, n’hésite pas à
monter sur la table, le père et la mère lui ordonnent de descendre, et celle-ci n’obtempère pas. À
un moment, le père s’exclame : « Depuis quand les enfants nous font la morale ? », dans la même
veine que le grand-père : « Y’a plus de respect ! ». Tout cela montre combien l’autorité parentale
a perdu de son poids et de son importance. Si pour les générations du père, de la mère, et du grand-
père, penchant davantage vers les modèles traditionnel ou moderne, l’autorité parentale est une
valeur importante, il y a encore peu de partage du pouvoir entre enfants et parents. Diane par son
comportement, revendique sa place et le droit à son individualité, et illustre le changement qui se
manifeste à travers l’évolution du traditionnel au post-moderne, à savoir une perte progressive
d’autorité des familles sur leurs membres, et un pouvoir qui devient de plus en plus partagé.

Une fois lancée, Diane va solliciter l’aide de ses parents : s’il y a bien une valeur qui perdure, même
de façon nuancée, c’est l’importance de la famille, la solidarité entre ses membres,
l’accompagnement mutuel. Mais personne ne lui répond. Son initiative personnelle est ignorée et
n’est pas encouragée. On n’observe pas de soutien à l’autonomisation, ce qui s’avère être une
démarche plutôt traditionnelle. En effet, dans un modèle post-moderne (ce qu’incarne davantage
Diane), on pourrait s’attendre à ce que l’autonomisation des membres de la famille, qui « donnera »
des individus compétents et sachant s’adapter pour la vie en société, soit favorisée, or ici, le refus
d’accompagner la démarche de leur fille exprime la préférence accordée au groupe, préférence
propre à la vision traditionnelle. On n’a pas besoin que les membres s’autonomisent, puisque la
fonction principale de la famille traditionnelle est la survie de la communauté. Ses membres
doivent donc être alignés sur cet objectif commun et se contenter de répondre aux exigences de
l’autorité parentale. Non seulement l’autonomisation n’est pas encouragée ici, mais en plus de ça
l’initiative de Diane est dénigrée, dévalorisée, par la mère : « Elle fait sa crise d’adolescence, ça y
est... ».
Le grand-père, pour sa part, est très en retrait, résigné à lire son journal, comme si d’une certaine
façon son comportement était le reflet d’un retranchement dans sa vision traditionnelle, d’un repli
face au mouvement de la famille vers des valeurs plus modernes et post-modernes.

Finalement, Diane se débrouille seule. Certes cette capacité est valorisée dans le modèle de la
famille moderne, et en même temps ici c’est davantage par défaut, c’est la situation qui pousse
Diane à trouver les ressources par elle-même. Les parents, malgré des indicateurs qui montrent leur
esprit moderne, témoignent aussi d’un attachement à des valeurs traditionnelles, ce qui entre en
conflit avec une fille qui s’inscrit dans la post-modernité, où l’accompagnement est valorisé.

Pour conclure, il apparaît clairement que l’intervention de Diane rentre en contradiction avec les
influences de son milieu familial. L’essentiel de sa démarche indique un penchant vers la post-
modernité, tandis que la réaction des parents et du grand-père montrent leur appartenance à des
valeurs traditionnelles et modernes, notamment en ce qui a lien à l’autorité et à l’importance du
groupe.

Partie 3 : mon point de vue


Maintenant, déterminons si mon expérience de vie me prédispose favorablement ou
défavorablement par rapport aux membres de la famille, dans l’hypothèse où j’aurais à les
rencontrer, dans une médiation de conflit par exemple.

Je constate que ma tendance première est de prendre parti pour la jeune fille. Je trouve ça
remarquable qu’elle choisisse de prendre la situation en main par elle-même, pour moi l’autonomie
est quelque chose de fondamental, peut-être même parfois à l’extrême où j’aurais du mal à
demander de l’aide à des gens. Par son acte, elle exprime du courage, un esprit d’initiative, et une
force de caractère que je serais enclin à encourager et valoriser.

Inversement, j’ai tendance à ne voir chez les parents que des éléments avec lesquels je suis en
désapprobation. Cela me choque que la mère semble être la seule à s’occuper des tâches liées au
moment du repas, je valorise le partage des tâches, une participation équilibrée aux différents
moments de la vie quotidienne. Je suis en désaccord avec le moment où le fils est défendu de quitter
la table alors qu’il n’a plus fin, car je crois en le respect des ressentis de chacun et que personne ne
devrait être forcé de faire quoique ce soit. Et surtout, je désapprouve l’ignorance quasi-totale dont
font preuve les parents à l’égard de la jeune fille, ainsi que certaines de leurs remarques que j’ai
tendance à juger de « réactionnaires ».

J’ai déjà pu rencontrer de la part de mes parents ce genre de comportements, d’absence de soutien
à des moments où je pouvais manifester un esprit déterminé et décalé, en marge de ce qui se fait
habituellement, et en ce sens cela me rapproche de Diane. Dans mon éducation, cela dit, on m’a
aussi fortement encouragé et soutenu dans une auto-détermination, d’être maître de mes choix, si
bien qu’à cet égard ce que j’ai reçu semble être ce dont aurait besoin Diane. En ce sens, nous
valorisons le même modèle d’une famille post-moderne.

En somme, si j’avais à interagir avec la famille, il y a de fortes chances que ma réaction première
soit d’avoir des préjugés favorables envers la jeune fille, et des préjugés défavorables à l’égard des
parents et du grand-père. Ce qui me prédisposerait davantage à trouver des solutions en faveur de
Diane, mais probablement en défaveur des parents et du grand-père.

En conclusion, cette analyse montre comment les différents modèles de famille peuvent
s’imbriquer au sein de la même famille, et comment étonnement (ou peut-être pas tant que ça), la
transition du modèle traditionnel vers le modèle post-moderne se retrouve figuré dans les
différences entre chaque génération. Ajoutons que dans le cas d’une médiation, cette analyse ne se
substituerait pas à un dialogue approfondi avec les protagonistes, qui nécessiterait de plus que l’on
tâche au mieux de mettre de côté tout préjugé envers les membres de la famille.

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