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Présents dans toutes les cultures, les principes générateurs du monde apparaissent donc comme des
symboles primitifs et universels appartenant à l’inconscient collectif. Cela explique peut-être les
vagues analogies qu’il est toujours possible de relever entre tel ou tel mythe fondateur et les
descriptions scientifiques contemporaines de l’origine de l’Univers – par exemple la théorie du big
bang sur laquelle nous allons mettre l’accent. Rien de mystérieux ni de surprenant dans ces
correspondances, sinon la permanence de certaines prescriptions imposées à la pensée dans
l’élaboration de modèles du monde.
Ni concordance ni opposition
Le cas de la théorie de la création continue, qui connut une certaine faveur dans les années 1950,
est encore plus frappant. À l’époque, le modèle du big bang était encore mal étayé par les
observations et cristallisait les réticences métaphysiques de nombreux astrophysiciens. Pour
compenser l’expansion de l’espace observée et la dilution de la matière qui en résulte, les partisans
de l’Univers stationnaire, qui se référaient à Aristote, durent faire appel à un processus de création
continue de matière, au rythme d’un atome d’hydrogène par mètre cube d’espace tous les cinq
milliards d’années. L’astrophysicien britannique Fred Hoyle montra en 1948 que ce modèle pouvait
se réaliser à condition d’introduire dans les équations un "champ de création" inventé pour
l’occasion et conçu comme un réservoir d’énergie négative se manifestant tout au long de l’histoire
(perpétuelle) cosmique. Cette idée de création continue se trouvait déjà dans plusieurs traditions :
chez les Aztèques, pour qui des sacrifices humains étaient nécessaires afin de régénérer en
permanence le cosmos, chez Héraclite et les stoïciens en Occident. Les auteurs de la théorie de la
création continue se rattachaient clairement à ce courant de pensée, mais ils durent "forcer" leur
modèle scientifique pour l’accorder à leur point de vue philosophique, en introduisant des
processus physiques non justifiés. La découverte du rayonnement de fond cosmologique, en 1965,
infirma leurs hypothèses au profit des modèles de big bang proposés par Lemaître.
Le Chaos vu par la cosmologie quantique
Temps et création
On s’interroge encore sur les liens entre le temps et la création du monde et les interrogations sont
restées les mêmes, et les questions : "Qu’y avait-il avant le big bang ?" et "Dans quoi l’Univers se
dilate-t-il ?", reviennent plus simplement à demander : "Y avait-il du temps avant le temps ?" et "Y a-
t-il un espace en dehors de l’espace ?". La physique moderne, en identifiant l’Univers avec l’espace-
temps, lève toute ambiguïté : la création du monde ne peut être envisagée comme un phénomène
temporel. Les divers modèles de big bang font commencer l’histoire de l’Univers avec l’apparition
d’une entité matière-espace-temps, suivie d’une phase de différenciation (matière et rayonnements,
interactions fondamentales…). À partir de là, les théories cosmologiques rendent compte de la lente
et progressive structuration de la matière, depuis une "soupe de quarks" indifférenciée jusqu’à la
formation d’objets complexes (galaxies, étoiles, planètes…), mais elles reconnaissent leur
impuissance à parler de l’origine primordiale. Conséquemment on peut dire que les modèles de big
bang sont souvent considérés – à tort – comme décrivant l’origine de l’Univers. En réalité, s’ils en
décrivent l’évolution depuis un passé très reculé puisqu’on l’évalue à une quinzaine de milliards
d’années, ils ne prétendent pas y voir un "temps zéro", ni a fortiori une origine ou une création. Les
conditions extrêmes dans lesquelles la genèse de l’espace, du temps, de la lumière et de la matière
aurait pu se dérouler restent inaccessibles à l’investigation scientifique.
La reconstitution du passé cosmique se heurte tout d’abord aux limites de l'observation, du fait de la
non-transparence de l’Univers durant son premier million d’années. Les scientifiques peuvent
néanmoins reconstituer cette époque primitive en s’appuyant notamment sur les connaissances
acquises dans le domaine des particules élémentaires. Les grands accélérateurs fournissent en effet
une information sur le comportement de ces particules aux énergies très élevées correspondant aux
conditions de l’Univers primordial. On peut en effet recréer en laboratoire les conditions qu’a
connues l’Univers un millième de milliardième de seconde (100-12 s) après le début de son
expansion, quand il se présentait comme une "soupe" de quarks et d’électrons. Les scientifiques
peuvent néanmoins reconstituer cette époque primitive en s’appuyant notamment sur les
connaissances acquises dans le domaine des particules élémentaires. Les grands accélérateurs
fournissent en effet une information sur le comportement de ces particules aux énergies très élevées
correspondant aux conditions de l’Univers primordial. On peut en effet recréer en laboratoire les
conditions qu’a connues l’Univers un millième de milliardième de seconde (100-12 s) après le début
de son expansion, quand il se présentait comme une "soupe" de quarks et d’électrons. Un éventuel
"temps zéro", qui correspondrait à une température infinie, reste inaccessible. La physique est
totalement impuissante à décrire les phénomènes pour des températures dépassant une limite de
1032 degrés, appelée "température de Planck". À cette température, les énormes énergies mises en
jeu produisent des effets au cœur même de la structure de l’espace et du temps, rendant tout calcul
physique impossible dans le cadre des théories actuellement développées. Cette limite théorique,
véritable "barrière" de la connaissance, interdit d’accéder à un passé trop lointain. L’histoire
"intelligible" du monde ne débute donc pas au temps zéro, mais à la fin de cette "ère de Planck", soit
10-43 seconde (un cent millionième de milliardième de milliardième de milliardième de milliardième
de seconde) plus tard. D’avant ce "temps de Planck", au-dessus de la température de Planck, la
physique ne peut rien dire. Aujourd’hui, certains physiciens cherchent à éliminer purement et
simplement le temps de leurs théories. Car le temps c’est le changeant, le variable, tandis que la
physique prétend à l’immuable, à l’invariant. Son but n'est-il pas, en effet, d'extraire des lois
éternelles, c'est-à-dire affranchies du temps, à partir de phénomènes passagers ?
Aujourd’hui, les modèles de big bang fournissent un certain "âge" de l’Univers, plus précisément une
certaine durée de l’évolution cosmique. Du point de vue purement chronologique, le compteur
"temps" ne démarre qu’à partir du moment où l'univers entre en expansion et la physique devient
intelligible. On définit donc l’"âge" de l’Univers comme la durée écoulée depuis ce temps de Planck
jusqu’à aujourd’hui. Sa valeur approchée, de 15 milliards d’années, se déduit du taux d’expansion de
l’Univers, c’est-à-dire de la vitesse à laquelle les galaxies s’éloignent les unes des autres. Les
scientifiques ignorant la valeur exacte de ce taux d’expansion, l’âge de l’Univers n’est évalué que
dans une fourchette de valeurs comprise entre 10 et 20 milliards d’années. Ce qu’il est important de
souligner, c’est que cet âge "théorique", calculé à partir des modèles de big bang, coïncide avec les
âges des plus vieux objets dans l’Univers – étoiles et amas d’étoiles –, mesurés de manière
totalement indépendante. Le contraire eût sonné le glas des modèles de big bang ! Si l’âge de
l’Univers est imprécis, en revanche la succession chronologique des événements (découplement des
interactions fondamentales, apparition des particules élémentaires, formation des étoiles…) est
solidement établie, avec une précision parfois stupéfiante. Aux très hautes températures, les
processus se déroulent très rapidement et le premier millionième de seconde après le temps de
Planck voit se dérouler presque "autant" d’événements physiques que le milliard d’années suivant.
Une imprécision de quelques millions d’années sur la durée de vie d’une étoile revêt ainsi moins
d’importance qu’une imprécision de quelques milliardièmes de seconde sur le temps de vie d’une
particule élémentaire…
Si les récits mythiques ou religieux parlent de la création du monde (par un ou plusieurs dieux), les
"récits" scientifiques ont pour seule ambition de décrire la formation et l’évolution du contenu de
l’Univers. Malgré tout, il existe entre ces deux approches de nombreux parallèles envisageons
l’évolution cosmique selon des modèles de big-bang.
La chronologie de l’Univers est aujourd’hui assez bien établie dans le cadre des modèles de big bang.
Les astrophysiciens estiment avoir reconstitué de façon plausible une histoire cosmique longue de
15 milliards d’années, en remontant dans le passé jusqu’au premier dix-milliardième de seconde. À
cette époque, l’Univers était si dense et si chaud qu’il était opaque. Environ 1 million d’années plus
tard, il a émis sa première lumière, que l’on capte aujourd’hui dans les radiotélescopes. 1 milliard
d’années après se sont formées les premières galaxies, dont sans doute la nôtre. Au sein de la Voie
lactée, plusieurs générations d’étoiles se sont succédé. Le Soleil s’est condensé une dizaine de
milliards d’années plus tard, soit, en reprenant le chronomètre à partir du présent, il y a 5 milliards
d’années. Assez rapidement, les planètes se sont agglomérées, les datations les plus précises sur
l’âge de la Terre indiquant 4,56 milliards d’années. La vie aquatique a surgi dès que l’intense
bombardement météoritique initial a cessé et que la Terre s’est refroidie : des organismes
monocellulaires sont apparus dans les océans il y a 3,5 milliards d’années. Puis tout s’est précipité. Il
y a 600 millions d’années sont apparus les premiers vertébrés, il y a 200 millions d’années les
premiers mammifères. L’apparition de notre espèce, Homo sapiens, est récente : 10 millions
d’années. Tel est le nouvel heptaméron de la cosmologie moderne qui se déroule sur plus de 15
milliards d’années.
Prêtons-nous à une mise en relation entre le texte biblique et ces théories de big-bang :