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Lycée Sainte-Geneviève Cours de Carine Bouillot

POUR ALLER PLUS LOIN – DOCUMENT COMPLEMENTAIRE 2


MYTHES DE LA CREATION DU MONDE ET SCIENCE

Présents dans toutes les cultures, les principes générateurs du monde apparaissent donc comme des
symboles primitifs et universels appartenant à l’inconscient collectif. Cela explique peut-être les
vagues analogies qu’il est toujours possible de relever entre tel ou tel mythe fondateur et les
descriptions scientifiques contemporaines de l’origine de l’Univers – par exemple la théorie du big
bang sur laquelle nous allons mettre l’accent. Rien de mystérieux ni de surprenant dans ces
correspondances, sinon la permanence de certaines prescriptions imposées à la pensée dans
l’élaboration de modèles du monde.

Ni concordance ni opposition

En réalité, il n’y a ni concordance ni opposition entre les cosmogonies scientifiques et les


cosmogonies mythiques. Elles ne remplissent pas la même fonction, ne sont pas soumises aux
mêmes contraintes. Le but du mythe n’est pas de dire ce qui s’est réellement passé au début, mais
de fonder une organisation sociale ou religieuse, voire une morale. Le mythe offre aussi plusieurs
degrés d’interprétation. La science, de son côté, prétend découvrir ce qui s’est passé d’un point de
vue matériel en des temps reculés, au moyen de théories appuyées par des observations. Construite
le plus souvent contre les mythes traditionnels, elle leur a substitué de nouveaux récits des origines  :
le big bang, la théorie de l’évolution, la préhistoire de l’humanité. Cela n’empêche pas l’imagination
créatrice des scientifiques de faire appel à des images mythiques, qui favorisent plus ou moins
obscurément telle ou telle direction de recherche. Nulle surprise, donc, si les nouveaux récits des
origines élaborés par les scientifiques tendent à devenir, pour l’opinion, des mythes modernes. Ce
modèle fut abandonné à la suite de la découverte de l’expansion de l’espace. Georges Lemaître, en
1931, proposa un scénario scientifique de la naissance de l’espace et du temps, dans lequel le monde
se développe selon une fragmentation d’un "atome primitif " rappelant fortement l’éclosion de l’œuf
cosmique initial. Ce modèle, revu et corrigé, donna naissance au scénario du big bang.

Le cas de la théorie de la création continue, qui connut une certaine faveur dans les années 1950,
est encore plus frappant. À l’époque, le modèle du big bang était encore mal étayé par les
observations et cristallisait les réticences métaphysiques de nombreux astrophysiciens. Pour
compenser l’expansion de l’espace observée et la dilution de la matière qui en résulte, les partisans
de l’Univers stationnaire, qui se référaient à Aristote, durent faire appel à un processus de création
continue de matière, au rythme d’un atome d’hydrogène par mètre cube d’espace tous les cinq
milliards d’années. L’astrophysicien britannique Fred Hoyle montra en 1948 que ce modèle pouvait
se réaliser à condition d’introduire dans les équations un "champ de création" inventé pour
l’occasion et conçu comme un réservoir d’énergie négative se manifestant tout au long de l’histoire
(perpétuelle) cosmique. Cette idée de création continue se trouvait déjà dans plusieurs traditions :
chez les Aztèques, pour qui des sacrifices humains étaient nécessaires afin de régénérer en
permanence le cosmos, chez Héraclite et les stoïciens en Occident. Les auteurs de la théorie de la
création continue se rattachaient clairement à ce courant de pensée, mais ils durent "forcer" leur
modèle scientifique pour l’accorder à leur point de vue philosophique, en introduisant des
processus physiques non justifiés. La découverte du rayonnement de fond cosmologique, en 1965,
infirma leurs hypothèses au profit des modèles de big bang proposés par Lemaître.

  
Le Chaos vu par la cosmologie quantique

La cosmologie quantique, qui est actuellement la forme la plus élaborée de la cosmogonie


scientifique, se fonde sur les théories de la relativité générale et de la physique quantique. Elle tente
de mettre en équations le surgissement spontané de l’Univers à partir des fluctuations du "vide
quantique". Ce dernier ne ressemble nullement au vide traditionnel ; il est semblable à un océan
virtuel sans cesse agité d’ondes d’énergie, lesquelles peuvent engendrer spontanément des paires de
particules et d’antiparticules. Ces couples éphémères, s’annihilant aussitôt apparus, laissent la place
à une écume bouillonnante d’énergie et perpétuellement changeante, poétiquement appelée
"écume de l’espace-temps". Au hasard des fluctuations, il peut arriver qu’une particule et son
antiparticule soient suffisamment séparées pour ne plus pouvoir s’annihiler mutuellement. De la
"matière" surgit alors du vide. Notre Univers tout entier pourrait être né ainsi d’une énorme
fluctuation du vide, démesurément grandie sous l’effet de l’expansion.

Temps et création

On s’interroge encore sur les liens entre le temps et la création du monde et les interrogations sont
restées les mêmes, et les questions : "Qu’y avait-il avant le big bang  ?" et "Dans quoi l’Univers se
dilate-t-il ?", reviennent plus simplement à demander  : "Y avait-il du temps avant le temps  ?" et "Y a-
t-il un espace en dehors de l’espace ?". La physique moderne, en identifiant l’Univers avec l’espace-
temps, lève toute ambiguïté : la création du monde ne peut être envisagée comme un phénomène
temporel. Les divers modèles de big bang font commencer l’histoire de l’Univers avec l’apparition
d’une entité matière-espace-temps, suivie d’une phase de différenciation (matière et rayonnements,
interactions fondamentales…). À partir de là, les théories cosmologiques rendent compte de la lente
et progressive structuration de la matière, depuis une "soupe de quarks" indifférenciée jusqu’à la
formation d’objets complexes (galaxies, étoiles, planètes…), mais elles reconnaissent leur
impuissance à parler de l’origine primordiale. Conséquemment on peut dire que les modèles de big
bang sont souvent considérés – à tort – comme décrivant l’origine de l’Univers. En réalité, s’ils en
décrivent l’évolution depuis un passé très reculé puisqu’on l’évalue à une quinzaine de milliards
d’années, ils ne prétendent pas y voir un "temps zéro", ni a fortiori une origine ou une création. Les
conditions extrêmes dans lesquelles la genèse de l’espace, du temps, de la lumière et de la matière
aurait pu se dérouler restent inaccessibles à l’investigation scientifique.

La reconstitution du passé cosmique se heurte tout d’abord aux limites de l'observation, du fait de la
non-transparence de l’Univers durant son premier million d’années. Les scientifiques peuvent
néanmoins reconstituer cette époque primitive en s’appuyant notamment sur les connaissances
acquises dans le domaine des particules élémentaires. Les grands accélérateurs fournissent en effet
une information sur le comportement de ces particules aux énergies très élevées correspondant aux
conditions de l’Univers primordial. On peut en effet recréer en laboratoire les conditions qu’a
connues l’Univers un millième de milliardième de seconde (100-12 s) après le début de son
expansion, quand il se présentait comme une "soupe" de quarks et d’électrons. Les scientifiques
peuvent néanmoins reconstituer cette époque primitive en s’appuyant notamment sur les
connaissances acquises dans le domaine des particules élémentaires. Les grands accélérateurs
fournissent en effet une information sur le comportement de ces particules aux énergies très élevées
correspondant aux conditions de l’Univers primordial. On peut en effet recréer en laboratoire les
conditions qu’a connues l’Univers un millième de milliardième de seconde (100-12 s) après le début
de son expansion, quand il se présentait comme une "soupe" de quarks et d’électrons. Un éventuel
"temps zéro", qui correspondrait à une température infinie, reste inaccessible. La physique est
totalement impuissante à décrire les phénomènes pour des températures dépassant une limite de
1032 degrés, appelée "température de Planck". À cette température, les énormes énergies mises en
jeu produisent des effets au cœur même de la structure de l’espace et du temps, rendant tout calcul
physique impossible dans le cadre des théories actuellement développées. Cette limite théorique,
véritable "barrière" de la connaissance, interdit d’accéder à un passé trop lointain. L’histoire
"intelligible" du monde ne débute donc pas au temps zéro, mais à la fin de cette "ère de Planck", soit
10-43 seconde (un cent millionième de milliardième de milliardième de milliardième de milliardième
de seconde) plus tard. D’avant ce "temps de Planck", au-dessus de la température de Planck, la
physique ne peut rien dire. Aujourd’hui, certains physiciens cherchent à éliminer purement et
simplement le temps de leurs théories. Car le temps c’est le changeant, le variable, tandis que la
physique prétend à l’immuable, à l’invariant. Son but n'est-il pas, en effet, d'extraire des lois
éternelles, c'est-à-dire affranchies du temps, à partir de phénomènes passagers ?

Datation de la création du monde

Aujourd’hui, les modèles de big bang fournissent un certain "âge" de l’Univers, plus précisément une
certaine durée de l’évolution cosmique. Du point de vue purement chronologique, le compteur
"temps" ne démarre qu’à partir du moment où l'univers entre en expansion et la physique devient
intelligible. On définit donc l’"âge" de l’Univers comme la durée écoulée depuis ce temps de Planck
jusqu’à aujourd’hui. Sa valeur approchée, de 15 milliards d’années, se déduit du taux d’expansion de
l’Univers, c’est-à-dire de la vitesse à laquelle les galaxies s’éloignent les unes des autres. Les
scientifiques ignorant la valeur exacte de ce taux d’expansion, l’âge de l’Univers n’est évalué que
dans une fourchette de valeurs comprise entre 10 et 20 milliards d’années. Ce qu’il est important de
souligner, c’est que cet âge "théorique", calculé à partir des modèles de big bang, coïncide avec les
âges des plus vieux objets dans l’Univers – étoiles et amas d’étoiles –, mesurés de manière
totalement indépendante. Le contraire eût sonné le glas des modèles de big bang ! Si l’âge de
l’Univers est imprécis, en revanche la succession chronologique des événements (découplement des
interactions fondamentales, apparition des particules élémentaires, formation des étoiles…) est
solidement établie, avec une précision parfois stupéfiante. Aux très hautes températures, les
processus se déroulent très rapidement et le premier millionième de seconde après le temps de
Planck voit se dérouler presque "autant" d’événements physiques que le milliard d’années suivant.
Une imprécision de quelques millions d’années sur la durée de vie d’une étoile revêt ainsi moins
d’importance qu’une imprécision de quelques milliardièmes de seconde sur le temps de vie d’une
particule élémentaire…

L’ordre de la Création : parallèle entre mythes et sciences

Si les récits mythiques ou religieux parlent de la création du monde (par un ou plusieurs dieux), les
"récits" scientifiques ont pour seule ambition de décrire la formation et l’évolution du contenu de
l’Univers. Malgré tout, il existe entre ces deux approches de nombreux parallèles envisageons
l’évolution cosmique selon des modèles de big-bang.

La chronologie de l’Univers est aujourd’hui assez bien établie dans le cadre des modèles de big bang.
Les astrophysiciens estiment avoir reconstitué de façon plausible une histoire cosmique longue de
15 milliards d’années, en remontant dans le passé jusqu’au premier dix-milliardième de seconde. À
cette époque, l’Univers était si dense et si chaud qu’il était opaque. Environ 1  million d’années plus
tard, il a émis sa première lumière, que l’on capte aujourd’hui dans les radiotélescopes. 1 milliard
d’années après se sont formées les premières galaxies, dont sans doute la nôtre. Au sein de la Voie
lactée, plusieurs générations d’étoiles se sont succédé. Le Soleil s’est condensé une dizaine de
milliards d’années plus tard, soit, en reprenant le chronomètre à partir du présent, il y a 5 milliards
d’années. Assez rapidement, les planètes se sont agglomérées, les datations les plus précises sur
l’âge de la Terre indiquant 4,56 milliards d’années. La vie aquatique a surgi dès que l’intense
bombardement météoritique initial a cessé et que la Terre s’est refroidie : des organismes
monocellulaires sont apparus dans les océans il y a 3,5 milliards d’années. Puis tout s’est précipité. Il
y a 600 millions d’années sont apparus les premiers vertébrés, il y a 200 millions d’années les
premiers mammifères. L’apparition de notre espèce, Homo sapiens, est récente : 10 millions
d’années. Tel est le nouvel heptaméron de la cosmologie moderne qui se déroule sur plus de 15
milliards d’années.

Prêtons-nous à une mise en relation entre le texte biblique et ces théories de big-bang :

Le premier jour Naissance de l'espace temps


"Au commencement, Dieu créa le ciel et la Dans la théorie de l'inflation chaotique, le vide
terre."La main de Dieu jaillit du ciel pour quantique explose à la fin de l'ère de Planck et
séparer la lumière et les ténèbres. C’est la engendre un ou plusieurs univers en expansion
première différenciation du vide, ne mettant rapide. Seule une simulation sur ordinateur
encore en jeu aucune substance matérielle. permet de visualiser un tel processus.

Le deuxième jour Naissance de la lumière


La main de Dieu sépare le firmament des eaux La "carte cobe" représente l’état de l’Univers
inférieures, différenciant les composantes jeune d’un million d’années, à l’époque où il
substantielles du vide. n’était qu’une soupe extraordinairement lisse
et homogène. Aucune structure astronomique
de type étoile, galaxie, planète, n’existait. Seuls
de très légers frissonnements agitaient la
soupe. En effet, la carte cobe exhibe de
minuscules inhomogénéités de température
(codées par des couleurs). Toutefois, l’écart
entre la région la plus chaude et la région la
plus froide n’est que d’un cent millième de
degré. Ces variations sont liées à des variations
de densité : les régions les plus froides sont
aussi les moins denses. On voit donc là l’origine
de toutes les structures astronomiques, en
quelque sorte les fœtus de galaxies !
Le troisième jour Naissance des galaxies
La main de Dieu réunit les eaux sous le Les images prises par le télescope Hubble en
firmament en un lieu, de sorte que la terre 1996 révèlent ce qui pourrait être les "briques
sèche peut apparaître, le monde étant dès lors de construction" des galaxies dans l’Univers
divisé entre la terre et les mers. Jusqu’ici, la primitif. Prises avec la Wide Field Planetary
terre, l’eau et les autres éléments étant encore Camera 2, elles montrent un regroupement de
mêlés en un chaos. dix-huit amas d’étoiles géants d’environ
2 000 années-lumière de diamètre,
suffisamment proches l’un de l’autre (2 millions
d’années-lumière) pour qu’ils finissent par
fusionner et former un objet de la taille d’une
galaxie. Situés à 11 milliards d’années-lumière,
ils datent donc d’une époque où l’on croit que
les premières galaxies se sont formées. Ce
résultat ajoute du poids à la théorie de
formation des galaxies selon laquelle ces
dernières se constituent par regroupements
d’amas d’étoiles, et non par fragmentation d’un
vaste nuage protogalactique. Si ce plan de
construction est correct, notre propre galaxie,
la Voie lactée, contient les pièces du processus
d’assemblage, sous forme de vieux amas
globulaires.
Le quatrième jour Naissance des étoiles
Dieu crée les luminaires célestes. Les corps Entre les étoiles, toutes les galaxies sont
célestes entament leur course circulaire dans le remplies de vastes nuages de gaz et de
ciel et commencent à marquer le passage du poussières. Ceux de la galaxie, éclairés par les
temps. étoiles avoisinantes, apparaissent comme de
magnifiques nébuleuses que les astronomes
photographient, analysent et cataloguent
depuis maintenant plus d’un siècle. Elles se
distinguent par leur densité, leur pression, leur
température, leur composition chimique.
Souvent, les régions intérieures nous restent
invisibles à cause de l’obscurcissement par la
poussière qu’elles contiennent. Leur intérieur
est alors sondé par l’intermédiaire du
rayonnement infrarouge qu’émet cette
poussière. Nombre d’entre elles sont des sites
de formation d’étoiles.
Le cinquième jour Naissance des planètes
Les créatures de la terre, de la mer et de l’air, L’étoile, située dans la constellation de l’Atelier
que Dieu a créées le cinquième jour, peuplent la de Peintre, dans l’hémisphère austral, est
Terre. entourée d’un disque de gaz et de poussières
analogues à celui du système solaire primitif,
mais vingt fois plus grand. Une ou plusieurs
planètes se sont peut-être déjà formées dans le
disque, tandis que d’innombrables comètes
semblent se volatiliser en tombant sur l’étoile
centrale.
Le sixième jour Naissance de la vie
Acte de création d’Adam, point culminant de Ces colonies de bactéries en bâtonnets ont été
l’heptaméron. isolées dans des roches datant de 3,465
milliards d’années dans le Nord-Ouest
australien.
De tels assemblages de cellules procaryotes
démontrent que des micro-organismes étaient
déjà largement répandus sur Terre à l’époque
archéenne, et que les bactéries autotrophes,
productrices d’oxygène, ont pu ensuite évoluer
à partir de ces organismes primitifs.
Le septième jour Apparition de la conscience
Ayant accompli sa tâche, Dieu se repose dans
toute sa gloire et contemple son œuvre. C’est le
septième jour. Le tableau de l’univers est
devenu "complet" dans l’espace et dans le
temps. Sous les pieds de Dieu tourbillonne le
cosmos qu’il a mis en mouvement le quatrième
jour. De part et d’autre de son trône, et
protégeant l’œuf cosmique, sont les neuf ordres
des anges, des quatre coins du monde soufflent
les vents cardinaux

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