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Encyclopédie de l’Islam

ʿAdjam
(419 words)

L’étymologie et l’évolution sémantique de ce terme collectif chez les Arabes sont parallèles en
tout point à celle du mot βάρβαροι chez les Grecs. Conformément à un sens fondamental de la
racine dont il dérive, ʿadjam signi e en fait «gens a fectés de ʿudjma», façon de parler obscure
et confuse, dans la prononciation et dans le langage. La ʿudjma est aussi le contraire de la
faṣāḥa arabe, et les ʿadjam sont les non-Arabes, les βάρβαροι dont la barbarie est surtout
caractérisée par une manière de parler incompréhensible et obscure. Pour les Grecs comme
pour les Arabes, les Barbares par ¶ excellence furent leurs voisins, les Persans, et déjà la poésie
antéislamique opposait al-ʿArab à al-ʿAdjam, bien que l’on préférât pour ces derniers la forme
Aʿādjim, pluriel de aʿdjam. Quant au sens et à la valeur a fective qui sont attribués au mot, ils
dépendent de celui qui l’emploie; bien qu’il garde le plus souvent la valeur primitive
méprisante inspirée par l’orgueilleuse présomption de supériorité des Arabes, il acquiert
parfois et de bonne heure le prix et la séduction de ce qui est exotique, et la marque d’une
culture plus civilisée et ra née. De toute façon, durant toute la période umayyade, la
supériorité des Arabes, qui détenaient l’hégémonie et di fusaient l’Islam, sur les ʿAdjam
vaincus, fut incontestée, et seules des voix isolées (par ex. le poète Ismāʿil b. Yasār, in Aghānī 2,
IV, 411-12) s’élevèrent pour revendiquer le sang et la culture des non-Arabes, c’est-à-dire des
Iraniens. Ayec l’avènement des ʿAbbāsides, la victoire des ʿAdjam sur les Arabes, victoire que
Naṣr ibn Sayyār (Dīnawarī, 360) avait déjà déplorée dans des vers célèbres, renversa la
situation; l’élément iranien ayant obtenu la primauté politique et sociale, revendiqua bien vite
la primauté dans les domaines culturel et spirituel. C’est le mouvement de la shuʿūbiyya [q.v.]
qui, en son essence, réa rme la supériorité des ʿAdjam sur les Arabes, tout en menant son
combat en langue arabe. Lorsque l’ardeur de la polémique se fut apaisée, les deux mots
demeurèrent employés dans l’usage, pour désigner simplement des groupes ethniques
di férents, le second étant synonyme de Furs (Persans). Le ʿIrāḳ ʿadjamī désignera à partir du
bas moyen âge la Médie iranienne que les plus anciens géographes avaient appelée al-Djibāl,
par opposition au ʿIrāḳ ʿarabī qui est le ʿIrāḳ proprement dit. Lāmiyyat al-ʿadjam sera le titre
donné, par opposition à la célèbre ḳaṣīda de Shanfarā, à un poème rimant en lām de l’iranien
(?) al-Ṭughrāʾī (mort en 1121).

(F. Gabrieli)

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Bibliography

I. Goldziher, Muhammedanische Studien, I, 101-146 (ʿArab und ʿAgam).

Cite this page

Gabrieli, F., “ʿAdjam”, in: Encyclopédie de l’Islam. Consulted online on 02 November 2020 <http://dx.doi.org.ressources-electroniques.univ-
lille.fr/10.1163/9789004206106_eifo_SIM_0322>
First published online: 2010

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