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études d’égyptologie
études d’égyptologie
études d’égyptologie
chaire de Civilisation pharaonique :
archologie, philologie et histoire
Cahiers de Karnak
XII fascicule 2 2007
S C A
Institut français
d’archéologie orientale
37 rue el-Cheikh Ali-Youssef
bp Qasr el-Aïny 11562
Le Caire (Rae)
www.ifao.egnet.net
Isbn 978-2-7247-0435-8
IF 960, BiGen 28, Issn 1110-2470
Isbn 978-2-7247-0435-8 éditions Soleb
5 rue Guy-de-la-Brosse
75005 Paris
livres@soleb.com
www.soleb.com
Cahiers de Karnak
XII fascicule 2 2007
Soleb
Document de couverture : la zone de la Ouadjyt
vue du sud (© Cnrs/Cfeetk, A. Chéné).
éditions Soleb
5 rue Guy-de-la-Brosse
75005 Paris
livres@soleb.com, www.soleb.com
Isbn 2-9523726-4-0
407
Nouvelles observations
sur les monuments du Moyen
et du Nouvel Empire dans la zone
centrale du temple d’Amon
François Larché
1 Les fouilles ont été conduites par six archéologues qui ont bénéficié 6 Cl. Traunecker, « Le temple égyptien », Histoire et archéologie, n° 61,
d’une bourse de recherche franco-égyptienne : Guillaume Charloux, mars 1982, p. 21-33.
Jean- François Jet, Emmanuel Lanoë, Rosemary Le Bohec, Romain Mensan 7 J.-Fr. Carlotti, L’Akh-menou de Thoutmosis III à Karnak, ERC, Paris,
et Ophélie de Peretti. Le relevé architectural au 1/50e a été entrepris 2001 ; L. Gabolde, J.-Fr. Carlotti, E. Czerny, « Aux origines de Karnak : les
sur l’ensemble du IVe pylône et de sa cour par Emmanuel Laroze recherches récentes dans la « cour du Moyen Empire » », BSEG 23, 1999,
et Laurent Baqué. La couverture photographique a été faite par p. 35-36 ; J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, « Nouvelles données sur la Ouadjyt »,
Antoine Chéné, Gaël Pollin, Olivier Cablat et Nathalie Gambier. Je Karnak XI, 2003, p. 255-319.
remercie tout particulièrement Nicolas Grimal, Christiane Wallet-Lebrun, 8 L. Gabolde, « À propos de deux obélisques de Thoutmosis II, dédiés
Emmanuelle Arnaudiès et Claude Traunecker pour leurs précieux com- à son père Thoutmosis I et érigés sous le règne d’Hatshepsout-pharaon
mentaires. S’y ajoute ma reconnaissance à Christiane Wallet-Lebrun pour à l’ouest du IVe pylône », Karnak VIII, 1987, p. 149, n. 5 ; « La « cour de
m’avoir autorisé à citer les traductions de sa publication en préparation fêtes » de Thoutmosis II », Karnak IX, 1993, p. 1-82 ; Le « Grand Château
aux éditions Soleb, à Antoine Chéné pour la réalisation des planches d’Amon » de Sésostris Ier à Karnak, MAIBL XVII, 1998 ; L. Gabolde,
photographiques, à Luiz Eleya pour la vectorisation des dessins et à C. Grataloup, « Compléments sur les obélisques et la « cour de fêtes de
Héléna Delaporte-Zacharias pour le dessin des niches du IVe pylône. Thoutmosis II à Karnak », Karnak XI, 2003, p. 417-435.
2 L. Borchardt, Zur Baugeschichte des Amonstempels von Karnak, Leipzig, 9 C. Graindorge, « Les monuments d’Amenhotep Ier à Karnak », Égypte,
1905. Afrique et Orient n°16, 1999.
3 J. Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne, II, Les grandes époques. 10 Chr. Wallet-Lebrun, « Contribution à l’étude de l’histoire de
L’architecture religieuse et civile, A et J. Picard, 1954-55. la construction à Karnak », dans M. Dewachter, A. Fouchard (éds),
4 P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak : essai d’exégèse, RAPH XXI, L’Égyptologie et les Champollion, Recueil d’études publié à l’occasion
1962. du Colloque international célébrant le bicentenaire de la naissance
5 J. Lauffray, Karnak d’Égypte, domaine du divin : dix ans de recherches de Jean-François Champollion « De l’Égypte des Pharaons à celle de
archéologiques et de travaux de maintenance en coopération avec l’Egypte, 1990, Hommage de Grenoble aux frères Champollion », Grenoble, 1990,
Paris, 1979. p. 245-9.
408 Karnak xii
Chaîne : membre horizontal ou vertical formé de Tore : moulure pleine de profil curviligne (seg-
plusieurs assises ou d’une superposition d’éléments, mentaire, demi-circulaire ou outrepassé) qui est le
construit avec un matériau différent ou avec des contre-profil de la gorge.
éléments plus gros que le reste de la maçonnerie Gorge : moulure creuse à profil curviligne qui est le
sur le parement de laquelle il apparaît. On dis- contre-profil du tore.
tingue la chaîne horizontale formée d’assises, la Colonnade : file de colonnes et leur couvrement.
chaîne d’angle, formant la rencontre de deux murs Péristyle : colonnade à plusieurs retours, sur le
en angle, la jambe ou chaîne verticale placée dans périmètre complet ou presque complet d’un bâti-
le cours d’un mur. Afin de simplifier la lecture de ment ou d’une cour.
cet article, le terme chaînage sera utilisé pour défi- Portique : galerie ouverte mais qui n’est pas néces-
nir la liaison des blocs d’angle des assises de deux sairement bordée par une colonnade.
structures perpendiculaires. Ces deux structures Corps de portique : passage couvert entre deux
seront alors dites chaînées. colonnades. Ce terme sera utilisé pour la structure
Chambranle : partie en léger ressaut sur le jambage en granite qui est souvent appelée l’avant-porte ou
et le linteau pour former un encadrement de porte. l’arche en granite du VIe pylône.
Cadre mouluré de la baie. Les dénominations des structures architectu-
Embrasure : espace ménagé dans l’épaisseur rales qui seront rencontrées sont ainsi définies :
d’une construction par le percement d’une baie. portique de Sésostris Ier : il formait la façade
L’embrasure intérieure est comprise entre la fer- du temple de Sésostris Ier, appelé « Grand Château
meture et le parement intérieur alors que l’embra- d’Amon » et dont il ne reste aucun autre vestige
sure extérieure l’est entre la fermeture et le pare- assuré.
ment externe. Cour du « Moyen Empire » : espace vide compris
Tableau : côté vertical d’une embrasure. Les tableaux entre les salles d’Hatshepsout, à l’ouest et les maga-
intérieurs sont compris entre la feuillure et le pare- sins du pourtour à l’est, au nord et au sud. Aucun
ment intérieur alors que les tableaux extérieurs le vestige du Moyen Empire n’y apparaissant en place,
sont entre la feuillure et le parement externe. il aurait été préférable de l’appeler cour du « Nouvel
Feuillure : ressaut pratiqué dans l’embrasure d’une Empire » ; cependant cet espace étant déjà depuis
baie pour recevoir les bords d’un vantail. longtemps cité sous ce nom de cour du « Moyen
Gradin : sorte de longue marche qui n’a pas pour Empire », il sera ici légèrement transformé en cour
fonction de donner passage et qui est généralement « dite du Moyen Empire ».
trop haute pour être gravie facilement. Ce terme Radier calcaire : un radier est une plate-forme
sera appliqué au socle de la base d’un obélisque. de maçonnerie couvrant toute la surface du sol à
Piédestal : socle formé d’une base, d’un dé et bâtir et servant de fondations. Le « radier calcaire »
d’une corniche. désignera l’épaisse fondation (h : 3 coudées) consti-
Socle : massif surélevant un support. tuée d’assises de petits blocs plats en calcaire, qui est
Chapiteau papyriforme : chapiteau dont le corps enterrée sous la surface de la cour « dite du Moyen
galbé en demi-cœur et godronné paraît formé par Empire ». Les blocs sont tous des remplois prove-
des fleurs en bouton : le gorgerin dessiné par plu- nant du débitage de plus gros blocs parementés.
sieurs baguettes superposées imite les liens qui réu- Plate-forme : fondation composée de blocs plats
nissent ces fleurs en faisceau ; le tailloir cubique est en grès, en calcaire et en granite, qui occupe une
moins large que le corps. petite surface de moins de 100 m2 encastrée dans
Chapiteau campaniforme : chapiteau formé d’une le côté occidental du radier calcaire. Les blocs sont
haute corbeille galbée en doucine et d’un tailloir tous des remplois et au moins deux blocs en calcaire
cubique moins large que la corbeille : sur celle-ci sont décorés.
sont peintes deux rangées de feuilles pointues d’où Pourtour du radier : ce terme groupe les dix
sortent des tiges montant jusqu’à la lèvre et portant magasins construits autour des côtés est, nord et
alternativement un bouton et une fleur épanouie. sud du radier ainsi que le couloir en forme de U qui
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 409
les dessert. Leur fondation, posée sur une épaisse au mur de clôture sud. Ces murs de clôture nord et
couche de sable, est faite de deux assises en grès vert sud sont de simples parements s’appuyant contre
qui entourent le radier calcaire. des murs antérieurs.
Clôture 11 liée au Ve pylône : cette clôture est Couloir des Annales : ce couloir longe le côté nord
composée de quatre murs perpendiculaires déli- du sanctuaire de la barque.
mitant un vaste espace rectangulaire. Le mur de Cour des Annales : cette cour est délimitée à
clôture occidental est divisé en deux par le pylône. l’ouest par le VIe pylône, à l’est par le vestibule
Chaque moitié est liée d’un côté au môle et de périptère de Thoutmosis III, et par les murs fermant
l’autre soit au mur de clôture nord soit au mur de les cours nord et sud du VIe pylône. Elle est éga-
clôture sud. Le mur de clôture oriental est perpen- lement dénommée « avant-cour du VIe pylône » par
diculaire aux murs de clôture nord et sud. L’Akh- les auteurs de Karnak XII.
menou s’appuie contre le parement est de ce mur Iounyt : cour à péristyle caractérisée par des piliers
de clôture oriental. ou des colonnes circulaires et assimilées, ou poly-
Couloir de service : le côté nord de ce couloir gonales.
longe le mur externe des magasins sud du pourtour Ouadjyt : cour à péristyle (ou salle) supportée par
du radier. Son côté sud est bordé d’un alignement des colonnes papyriformes ou éventuellement cam-
de salles avec ou sans colonnes. Il sert actuellement paniformes. Celle du IVe pylône est mentionnée
de voie d’accès à l’Akh-menou. par des textes connus, mais l’ensemble architectural
Clôture liée au IVe pylône : cette clôture est com- délimité par le VIe pylône, ses cours et ses chapelles
posée de trois murs perpendiculaires délimitant l’es- a été nouvellement identifié comme étant aussi une
pace barlong compris entre les Ve et IVe pylônes. Le Ouadjyt.
mur de clôture occidental est divisé en deux par le Pièces latérales : accolées aux petits côtés d’un py-
pylône. Chaque moitié est liée d’un côté au môle et lône, elles prolongent latéralement ses môles.
de l’autre soit au mur de clôture nord soit au mur
de clôture sud.
Podium d’Hatshepsout : un podium est un haut
soubassement avec un ou plusieurs degrés d’accès. 1. Le portique en
Un soubassement est la partie massive d’un bâti- calcaire de Sésostris Ier
ment, construite au sol et ayant pour fonction réelle
ou apparente de surélever les parties supérieures.
S’appuyant à l’est contre le radier calcaire et la plate- Le sondage effectué en 2003 à l’angle nord-est
forme, le « podium d’Hatshepsout » sert à surélever du podium sur lequel reposent les salles d’Hatshep-
le niveau des salles d’Hatshepsout de trois coudées sout a mis au jour le bloc d’angle, en calcaire, de
au-dessus du dallage du temple. la première assise du radier qui est toujours enterré
Clôture liée au VIe pylône : cette clôture est com- sous la cour « dite du Moyen Empire » 12.
posée de trois murs perpendiculaires délimitant Ce bloc se trouve sept coudées (1 coudée : 52, 5
l’espace compris entre le VIe pylône et le radier en cm) plus à l’est que son emplacement proposé dans
calcaire. Le mur de clôture occidental est divisé en une récente hypothèse 13 qui identifiait le radier en
deux par le pylône. Chaque moitié est liée d’un côté calcaire à la fondation du temple de Sésostris Ier, le
au môle et de l’autre soit au mur de clôture nord soit « Grand Château d’Amon ». Ce temple, dont il ne
11 Vocabulaire de l’architecture, principes d’analyse scientifique, Architecture, 12 G. Charloux, « Karnak au Moyen Empire, l’enceinte et les fondations
méthode et vocabulaire, Paris 1972 : clôture : « ouvrage divisant ou déli- des magasins du temple d’Amon-Rê », Karnak XII, pl. XVI-XVII.
mitant un espace et faisant obstacle au passage. Ne pas appeler enceinte 13 L. Gabolde, Le « Grand Château d’Amon » de Sésostris Ier à Karnak,
une clôture : à la différence de l’enceinte, la clôture n’a pas de fonction op. cit.
militaire ».
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reste que de rares vestiges démantelés du portique osiriaques 15 du portique de façade afin de pouvoir
de façade, sera désormais appelé plus modestement adosser le côté oriental de ses salles contre le mur
« portique de Sésostris Ier ». Dans cette restitution de fond du portique 16. Dans cette hypothèse, la
hypothétique, ce portique étant placé sept coudées construction du podium d’Hatshepsout aurait ainsi
à l’ouest du joint entre le podium d’Hatshespout nécessité la destruction, sur une largeur de 7 cou-
et le radier calcaire, l’angle nord-ouest de ce radier dées, des six assises formant le côté ouest du radier
aurait dû se trouver à l’aplomb de l’ante gauche du calcaire.
portique de façade, et non pas 3,70 m plus à l’est. Or, si l’observation des vestiges de ce côté
En réalité, le bloc découvert à l’angle nord- ouest ne confirme pas cette destruction sur une aussi
ouest du radier calcaire marque le chaînage d’angle grande profondeur (3,70 m), elle montre néanmoins
qui lie la première assise du côté nord du radier avec le sectionnement d’une mince tranche (~ 50 cm) de
celle du côté ouest (pl. XX). ce côté ouest, ce découpage s’arrêtant exactement à
Dans l’hypothèse où le radier calcaire serait l’aplomb du parement ouest de la structure primi-
bien la fondation du temple de Sésostris Ier, le recul tive qui était posé sur le radier.
vers l’est du côté ouest du radier obligerait alors à
Le bloc d’angle nord-ouest
aligner son portique de façade sur le bloc d’angle
du radier (pl. XX)
nord-ouest du radier. Or, ce déplacement remettant
en question certains arguments sur lesquels repose La position du bloc en calcaire formant l’angle nord-
l’hypothèse de restitution du « Grand Château ouest de la première assise 17 du radier qui occupe
d’Amon », il était indispensable d’observer à nou- la cour « dite du Moyen Empire », est incompatible
veau les vestiges découverts autrefois dans cette cour avec l’emplacement proposé 18 pour la façade du
« dite du Moyen Empire » ainsi que les vestiges archi- temple de Sésostris Ier (pl. XX). En effet, pour ins-
tecturaux du portique de Sésostris Ier. taller ce bloc d’angle (et probablement l’ensemble
de la première assise), le constructeur a dû araser
1.1. Radier trop court une structure antérieure en brique crue. Cette des-
vers l’ouest pour y placer truction a été faite seulement sous la surface du bloc
le portique de Sésostris Ier à poser puisque des vestiges de la structure en brique
sont encore visibles contre les parements ouest et
Dans la récente hypothèse sur l’emplacement du nord du bloc d’angle.
temple de Sésostris Ier, le portique de façade est Ces briques en place indiquent que, bien
situé à l’emplacement de la partie orientale des avant la construction du podium d’Hatshepsout,
salles d’Hatshepsout 14. Il y est également avancé la première assise du radier ne s’étendait pas plus à
qu’Hatshepsout aurait fait démanteler les piliers l’ouest du bloc d’angle ni plus au nord.
14 Ibidem, pl. I. engravure est bien alignée avec le seuil en granite nº 1, au sud, elle est creu-
15 Le pilier osiriaque nº 11 a été découvert par G. Legrain enfoui sous le sée beaucoup plus bas et en escalier mais pas sur toute la longueur de l’as-
sol de la cour nord du Ve pylône, très proche des éléments en grès de la sise. Au sud, les blocs de l’assise 5 du radier en calcaire sont encore en place
colonnade de Sésostris Ier, éléments qui sont remployés comme fondation entre les blocs de grès rouge et le podium d’Hatshepsout. Leur disposition
de la colonnade de Thoutmosis Ier. L’observation récente par O. de Peretti montre que l’engravure en escalier a été creusée spécialement pour permet-
et Emmanuel Lanoë de la fosse où était enfoui ce pilier semble montrer tre d’adapter le podium aux assises du radier en calcaire. Cette engravure
qu’il a été réutilisé en même temps que les autres éléments de Sésostris Ier irrégulière n’aurait jamais pu servir à adosser le podium d’Hatshepsout à
et non pas au moment de la construction du VIe pylône et de sa clôture. une hypothétique plinthe en débord qui aurait orné la base du mur du
Ceci indiquerait alors que le portique de façade de Sésostris Ier aurait été fond du portique de façade de Sésostris Ier.
démonté au plus tard par Thoutmosis I . er 17 G. Charloux, « Karnak au Moyen Empire… », op. cit., pl. XIX.
16 L’engravure creusée à la base de l’assise de réglage du côté oriental du 18 L. Gabolde, Le « Grand Château d’Amon » de Sésostris Ier à Karnak, op.
podium d’Hatshepsout se trouve à des niveaux différents. Si au nord, cette cit., pl. I ; G. Charloux, ibidem, pl. XIX, fig. 27.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 411
19 P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak…, op. cit., p. 121-122. figure de Sésostris Ier ait été gravée en creux par Hatshepsout sur la moitié
20 La décoration d’origine étant en relief sur la partie ouest du parement, orientale du parement et que les deux systèmes de gravure aient cohabité
il est tentant de restituer cette décoration à l’ensemble du parement. sur le même parement.
Cependant, on ne peut pas définitivement exclure l’hypothèse que la
412 Karnak xii
la gravure en creux du trône de Thoutmosis III. La de cuir de Berlin (Papyrus Berlin 3056 (verso), VIII,
représentation de ce roi assis marque le début de la 4-5) évoque une scène identique où Amon et Thot
scène du texte de la Jeunesse 21. sont sur la muraille appelée « Kheperkarê est pur dans
Il semble alors impossible de raccorder cette le temple d’Amon » 24.
décoration d’origine, parce qu’elle est en relief et
qu’elle se déroule sur plusieurs registres, avec la 1.4. Changement
décoration en creux du parement externe 22 de d’orientation du portique
l’ante du portique en calcaire tel que L. Gabolde de Sésostris Ier : nouvel
l’a restitué pour former la façade du temple de emplacement du pilier
Sésostris Ier. osiriaque n° 11 (pl. IV)
21 Le « texte de la Jeunesse » ayant remplacé la décoration primitive 24 P. Barguet, ibidem, p. 156, n. 4.
d’Hatshepsout, il est probable que ce texte a été gravé après le démantèle- 25 PM II 2, p. 89 ; Musée du Caire (JE 48851) et numérotation de
ment de la chapelle Rouge. L. Gabolde : nº 11 (ibidem, p. 63, n. 92).
22 L. Gabolde, ibidem, § 51 : « La paroi sud présentait une grande scène 26 L. Gabolde, ibidem, pl. I.
d’audience royale. Elle était bordée à droite par un grand texte qui se pro- 27 Cl. Traunecker, Fr. Le Saout, O. Masson, La chapelle d’Achôris à
longeait sur le mur sud de la cour du Moyen Empire, selon une compo- Karnak, II, Paris 1981, p. 53 : dans ses observations à propos de la consé-
sition reproduite à trois reprises par Thoutmosis III » et § 59 : « Les blocs cration des pièces de choix, Cl. Traunecker remarque que l’obliquité de
en calcaire de Sésostris Ier n’en conservent qu’une partie de la première la canne est due à l’obligation du rituel des paroles consécratoires avec
colonne, tandis que la copie à l’est du texte de la Jeunesse n’a gardé en la main tendue.
plus que quelques bribes peu exploitables de la seconde… Toute la suite a 28 Près de la salle solaire, un cinquième pilier est décoré d’un roi seul qui
disparu avec le reste du temple du Moyen-Empire ». entre. B. Letellier m’a fait remarquer que ce roi seul a été regravé sur une
23 L. Gabolde, ibidem, p. 28, § 38-39. scène primitive où Thoutmosis III faisait face à une divinité, comme sur
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 413
— la face extérieure des jambages encadrant la porte indique clairement la position de ce pilier osiriaque
nord de la chapelle de Thoutmosis IV, au sud du passage, ce qui exclut l’orientation du
— la face ouest des jambages encadrant la porte portique vers l’ouest.
médiane de la chapelle Rouge, À Licht, six piliers osiriaques en calcaire
— la face ouest des jambages encadrant la porte orien- étaient adossés aux murs de la grande cour devant
tale de la Ouadjyt sud (pl. XII, 1) et face nord des jam- la pyramide de Sésostris Ier. Leur position au nord
bages de la porte sud de la Ouadjyt sud (pl. XII, 2), et au sud de la cour étant établie par leur couronne
— les faces tournées vers l’axe des jambages enca- blanche ou rouge, il est fort probable qu’à Karnak,
drant les portes percées dans les murs reliant l’avant- des couronnes rouges, dont il ne reste aucun vestige,
porte du VIe pylône à ce dernier (pl. XIII, 5 : « porte coiffaient les statues osiriaques adossées aux piliers
de la cour nord du Ve pylône » et pl. XIII, 7 : « porte placés au nord de l’axe du portique.
de la cour sud du Ve pylône »).
Nouvel emplacement du pilier
On peut également observer cette dispo-
osiriaque n° 15 (pl. VII)
sition, au niveau de la troisième terrasse de Deir
el-Bahari, sur le chambranle de la porte du sanc- Un fragment d’une face de pilier est décoré des res-
tuaire ainsi que sur celui de la porte de la chapelle tes de la canne d’un roi seul qui entre. Sa direction
d’Hathor. permettrait de l’attribuer de façon hypothétique au
Les passages se trouvant aussi bien sur l’axe côté gauche du pilier osiriaque fragmentaire (nº 15,
sud-nord que sur l’axe ouest-est, il n’est pas pos- MAIBL XVII, pl. XXIV-XXV) et de le placer à droite du
sible d’attribuer au nord ou au sud cette canne passage axial 29, en face du pilier osiriaque nº 11. Le
verticale ou oblique. En fait, cette position diffé- roi seul tient sa canne verticalement sur le pilier
rente de la canne dans la main du roi seul qui entre osiriaque nº 11 alors qu’il la tient en oblique sur le
(verticale à gauche du passage et oblique à droite) fragment nº 15 lui faisant face. Le face à face de ces
semble liée au geste que le roi fait avec sa main deux piliers de part et d’autre de l’axe semble ainsi
droite pendant que sa main gauche doit tenir à la bien confirmé par la position de la canne dans la
fois la canne et le sceptre. main du roi seul.
Dans la récente hypothèse, aucune porte n’a
Orientation vers l’est comme le
été restituée dans le mur de fond du portique près
sanctuaire adossé de Thoutmosis III
de l’angle formé avec l’ante droite. Une telle porte
aurait pu justifier la position du pilier osiriaque nº 11 Sur les antes du portique, le roi semble toujours
face à l’ante sud dans la mesure où le parement inté- porter la double-couronne, aussi bien au nord qu’au
rieur de l’ante était également décoré d’un roi seul sud (MAIBL XVII, pl. V, VI, XIII, XIV). Cette couronne
qui entre, faisant face à celui du pilier. Comme ce est encore visible sur le parement externe de l’ante
n’est pas le cas, puisque l’ante est décoré d’une toute droit et sur la face de l’ante gauche (pl. II).
autre scène, ce pilier doit par conséquent regagner À Karnak, la position des couronnes des rois
sa vraie place, le long du seul passage du portique qui ne font pas face à l’ouest, permet d’orienter le
de Sésostris Ier c’est-à-dire à gauche du passage axial. portique de Sésostris Ier vers l’est ou bien vers le nord
Cette nouvelle position du pilier osiriaque nº 11 mais certainement pas vers le sud. Les piliers osiria-
place alors la couronne blanche du colosse à gauche ques faisant face à l’est ne sont pas rares à Karnak,
du passage, ce qui empêche d’orienter au nord la surtout à l’est du temple, où on les remarque aussi
moitié gauche du portique. La couronne blanche bien dans le temple d’« Amon qui écoute les prières »
les autres faces de ce pilier. emplacement à ce fragment n°15 dans le pilier médian sous le portique à
29 L’existence d’un portique double expliqué plus loin permet un second droite de l’axe.
414 Karnak xii
30 A. Varille, « Description sommaire du sanctuaire oriental d’Amon-Rê à 31 Dans le temple de Séthy Ier à Abydos, le portique de façade est différent
Karnak », ASAE 50, 1950, p. 137-172, pl. XLI. P. Barguet, Le temple d’Amon- puisqu’il ne comporte qu’une seule rangée de piliers sans colosse osiriaque
Rê à Karnak…, op. cit., p. 221 : « Les six piliers osiriaques renouvelés par adossé. Sur la face tournée vers l’intérieur de chaque pilier, le roi se dirige
Séthy Ier, ont été usurpés par Ramsès II. La porte d’entrée a été ornée vers l’axe du temple.
d’un texte par Domitien, où l’on peut reconnaître une sorte d’hymne au 32 L. Gabolde y voit l’indice assurant la profondeur (3,03 m) du portique
soleil levant ». et, par conséquent, la position de son mur du fond.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 415
découpé en angle droit et son lit d’attente est creusé Il n’est pas impossible que l’ensemble ait été posé
d’une mortaise destinée à recevoir un crampon de sur un podium élevé comme le temple funéraire de
liaison avec un bloc perpendiculaire. Si une découpe Montouhotep II à Deir el-Bahari.
aussi profonde du joint est bien inutile pour simple- En ajoutant l’architrave (h : 2 coudées) et la cor-
ment harper l’assise d’un mur perpendiculaire, elle niche (h : 1 coudée) au pilier osiriaque (h : 9 coudées) la
se justifie parfaitement pour l’encastrement d’une hauteur de la façade atteint 12 coudées (pl. LXXII-
architrave perpendiculaire à l’ante (pl. VIII, IX). LXXV).
Cette seconde rangée d’architraves, parallèle
à la façade, pourrait être supportée par les simples 1.6. Date et raison
piliers carrés que la récente restitution dressait à du démantèlement
l’intérieur d’une cour placée derrière le portique de du portique de Sésostris Ier
façade de Sésostris Ier (MAIBL XVII, pl. XXXVIII-XXXIII).
Chaque pilier carré (h : 8 coudées) aurait alors été placé Bien que le pilier osiriaque nº 11 ait fort probable-
derrière chaque pilier osiriaque (h : 9 coudées) de la ment été remployé par Thoutmosis Ier pour le rem-
façade 33 (pl. V, VI, LXXII-LXXV). Cette différence blai de la cour sud du Ve pylône, L. Gabolde attribue
de hauteur d’une coudée s’explique parfaitement à Hatshepsout le démantèlement des piliers du por-
puisque le colosse osiriaque adossé au pilier de façade tique, au moment de la construction de son podium
est posé sur un socle (h : 1,5 coudées). D’autre part, la sur lequel repose le reposoir de barque, entre ses sal-
hauteur séparant le lit de pose d’un pilier carré du les nord et sud. Parmi ses arguments, l’un 34 est lié
départ de la décoration de ses quatre parements est à la regravure d’une figure de roi sur la face d’un
d’environ 90 cm alors qu’elle atteint 140 cm pour des piliers carrés, le nº 20 (pl. VI). Il y voit le profil
un pilier osiriaque. On retrouve ici cette différence de Thoutmosis II, bien que la forme d’un nez droit
de 50 cm (1 coudée) qui correspond à la hauteur du et court ne semble pas un critère assez convaincant
podium sur lequel les piliers carrés sont posés. Le pour attribuer ce visage à ce roi dont les représenta-
socle (h : 1,5 coudées) supportant chaque colosse osi- tions sont rares 35. Il serait tout aussi probable que
riaque étant plus haut que le podium (h : 1 coudée), le ce remaniement du pilier nº 20 ait été effectué avant
pied du colosse n’était placé qu’une demi-coudée ou au tout début de la XVIIIe dynastie. L’absence
au-dessus du podium. Quatre marches totalisant la de barbe royale étant très courante sur les blocs en
hauteur du podium étaient nécessaires pour accéder calcaire 36 d’Amenhotep Ier, il est tentant de lui attri-
de l’extérieur vers l’intérieur du double-portique. buer ce profil, ce roi ayant très bien pu remployer
33 M. Boccon-Gibod, « Le grand temple d’Amon-Rê à Karnak reconstruit figure humaines sur les autres faces — lui fut substituée. Comme cette
par l’ordinateur », Les dossiers de l’archéologie, nº 153, octobre 1990, p. 12 : nouvelle intervention remettait plus ou moins cette face en conformité
deux rangs de piliers y sont proposés comme hypothèse. avec les autres et reprenait une composition du pilier, il faut supposer
34 L. Gabolde, ibidem, p. 78, § 115 : « Un des piliers de Sésostris Ier pré- que cette phase correspondit à la réouverture de l’entrecolonnement. Les
sente, par ailleurs, une double retouche particulièrement révélatrice : dans caractéristiques du nouveau relief, très plat — très différent, en cela, des
un premier temps, l’espace compris entre ce pilier et son voisin fut comblé canons artistiques d’Amenhotep Ier — et des particularités des traits du
par une maçonnerie, puis une scène, de module plus réduit que l’original visage, avec, notamment, un nez court et droit —permettent d’attribuer
et placée beaucoup plus haut, fut regravée tant sur le pilier que sur le mur avec beaucoup de vraisemblance la retouche à Thoutmosis II : le monu-
de comblement qui avait été élevé tout contre. Comme cette maçonnerie, ment était donc encore debout pendant son règne. »
que l’on est bien obligé de restituer pour compléter la scène, était fatale- 35 La découverte récente, au pied de l’obélisque nord de la Ouadjyt, d’une
ment venue masquer la face adjacente, bien décorée, elle, dans le style de niche contenant deux statues dont celle qui a pu être dégagée représente
Sésostris Ier, on est amené à conclure que le comblement de l’entrecolon- Neferhotep, roi de la XIIIe dynastie, a montré une certaine élasticité des
nement et la gravure de la nouvelle scène sont selon toute vraisemblance caractéristiques stylistiques. En effet, avant l’apparition du cartouche de
postérieurs à son règne. Quoi qu’il en soit ce décor de petit module fut Neferhotep, les détails du pagne et du visage, à l’exception des oreilles,
à son tour arasé, de manière assez sommaire, à coups de ciseaux grossiers. penchaient en faveur d’une datation du début de la XVIIIe dynastie.
Après un lissage au plâtre, une nouvelle représentation de roi, cette fois- 36 Amenhotep Ier ne porte jamais la barbe sur son reposoir en calcite
ci de grand module — ce dernier est identique à celui adopté pour les reconstruit dans le Musée en plein air.
416 Karnak xii
certains piliers de Sésostris Ier dans son nouveau « en l’an V, le 2e mois de Akhet, le 3e jour, le niveau
sanctuaire (au moins dix blocs d’Amenhotep Ier du grand Nil » a été observé par « le chancelier du
sont en calcaire de Toura, dont trois portent les tra- roi de Basse-Égypte, le général en chef Ah[mès] » et
ces d’une décoration primitive, pl. XCII). Témoin qu’il avait atteint la base des parois de la chapelle 39.
d’une manipulation malheureuse, deux plaquettes
de réparation en calcaire ont d’ailleurs été encastrées 1.7. Blocs de Sésostris Ier
dans l’une des faces de ce pilier nº 20. ne provenant pas
Les observations 37 sur l’état de conserva- du portique de façade
tion des blocs du portique indiquent que la montée
du niveau des eaux est probablement une des cau- D’autres blocs de Sésostris Ier trouvés à Karnak ne
ses du démantèlement des monuments du Moyen présentent aucun raccord direct avec le portique de
Empire 38 dont la partie inférieure des murs avait façade 40.
été très endommagée et affaiblie. Cela semble jus-
Deux chapelles en calcaire
tifié, bien qu’une autre cause puisse également
expliquer la disparition de la partie inférieure de — La chapelle Blanche a presque entièrement été
la chapelle Blanche. En effet, un premier socle en remployée dans les fondations du IIIe pylône à l’excep-
débord semble manquer sous la première assise tion des piliers découverts dans la salle Hypostyle 41.
conservée en calcaire. Il est tentant de restituer un — Un reposoir de barque a été trouvé dans le
système semblable à celui de la chapelle Rouge qui IXe pylône.
était posée sur le podium d’Hatshepsout. Ici aussi,
Deux grandes portes en calcaire
il pourrait y avoir eu deux podiums superposés, le
encastrées probablement
supérieur étant le seul conservé. La petite chapelle
dans un mur en pierre
de Sésostris Ier, dont deux parois ont été retrouvées
dans le IXe pylône, apporte la confirmation que les — Linteau de porte : sept fragments en calcaire d’un
édifices du Moyen Empire étaient inondés : un graf- linteau 42 ont été reconstruits au musée en plein air
fito du début de la XVIIIe dynastie y rapporte que près de la chapelle en calcite d’Amenhotep Ier. Ils
37 L. Gabolde, ibidem, p. 137-138, § 214 : « La base des quatre faces du évident à l’examen des vestiges (…). Un texte de Sobekhotep VIII rap-
pilier à colosse osiriaque, tout comme la partie inférieure du pilier carré du porte ainsi que le flot avait atteint sous son règne la cour même du temple
Musée du Caire sont profondément rongées. Par ailleurs, dans la « Cour d’Amon : « Sa Majesté se rendit dans la cour de ce temple pour regarder le
de la Cachette », le moignon de pilier dressé verticalement est encore lar- grand Nil venu pour sa Majesté. La cour de ce temple étant remplie d’eau,
gement attaqué à la base. Les deux premiers de ces monolithes retrou- sa Majesté se mit à patauger en compagnie de ses courtisans » (L. Habachi,
vés couchés horizontalement sous le sol du temple, n’ont pas pu subir SAK 1, 1974, p. 209 et W. Helck, KÄT, p. 47, n° 63) ».
les dommages qu’ils présentent pendant la période où ils sont demeurés 38 Dans une étude inédite, Cl. Traunecker remarque qu’une situation
enfouis, car toute la surface aurait alors été atteinte. Au contraire, le rem- semblable s’est présentée à Coptos, comme le montrent les travaux de
blai qui les recouvrait constituait un milieu suffisamment sain pour que Sennoucheri (cf. I. Guermeur, « Glanures », « La statue d’Esnou(n) »,
leurs couleurs aient résisté jusqu’à leur mise au jour par G. Legrain (BIE BIFAO 103, p. 286, ligne x+18). Le passage en question étant en rapport
4/3, 1902, p. 162). Il est donc clair que les dégradations sont antérieures à avec les problèmes liés à la nappe phréatique, il semble qu’à la XVIIe
l’enterrement des blocs et donc antérieures au règne de Thoutmosis III. dynastie et au début de la XVIIIe, tout semblait concourir pour que des
On relève encore qu’à peu près aucun des blocs de la base des parois n’a mesures importantes et indispensables soient prises.
subsisté, comme si cette partie des murs avait particulièrement souffert. 39 Cl. Traunecker, « Rapport préliminaire sur la chapelle de Sésostris Ier
Seul le relief avec la « montée royale » appartient à une première assise. Il découverte dans le IXe pylône », Karnak VII, 1982, p. 121-123.
présente justement, à sa partie inférieure, des zones de desquamation et des 40 L. Gabolde, ibidem, p. 119-120, § 189.
taches dues aux migrations salines, qui sont accompagnées d’un écaillage 41 H. Chevrier, ASAE 28, p. 123 : « Ce fut ensuite un pilier de Senousret
de la pierre (n. 120 : Cette dégradation apparaît sur tous les clichés anciens Ier, en calcaire, découvert [dans la salle hypostyle] à côté du grand linteau
(…). On remarquera encore que les parties basses de la chapelle blanche de l’an passé… Sous le mur est, au droit d’une niche de mât, on a décou-
de Sésostris Ier ont presque entièrement disparu). À l’inverse, les parties vert un autre pilier qui se trouve être le voisin de celui découvert dans le
supérieures des parois et les architraves sont en relativement bon état et ne IIIe pylône sous l’autre mur de parement ». Il est possible que les blocs
montrent en tout cas aucune des desquamations observées sur les parties de la chapelle Blanche découverts dans la fondation du IIIe pylône aient
basses de l’édifice… », § 216 : « Que l’eau soit responsable des dégâts est été enfouis à cet endroit avant la construction du pylône. Il est tout aussi
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 417
possible que ces éléments aient déjà été remployés dans le remplissage du linteau de Sésostris Ier ; Fr. Le Saout, A. el-H. Ma’arouf, Th. Zimmer, « Le
pylône disparu de Thoutmosis II et qu’ils aient été remployés une seconde Moyen-Empire à Karnak : Varia 1 », Karnak VIII, 1987, p. 302-305, pl. VI.
fois dans le IIIe pylône. Dans ces deux hypothèses, la chapelle Blanche 44 Sur l’axe sud-nord, la couronne rouge se situe généralement à gauche
aurait été démontée au début du Nouvel Empire, comme les autres monu- de la porte, c’est à dire à l’ouest lorsque l’on se dirige vers le nord et à l’est
ments de Sésostris Ier. lorsque l’on se dirige vers le sud.
42 L. Gabolde, ibidem, p. 120, n. 41 : PM II / 2, 1972, p. 135; H. Chevrier, 45 Fr. Le Saout, A. el-H. Ma’arouf, Th. Zimmer, « Le Moyen-Empire à
ASAE 53, 1956, p. 41 ; G. Björkman, Kings at Karnak, BOREAS 2, Uppsala, Karnak : Varia 2 », Karnak IX, 1993, p. 223-225, 234, fig. 1 : arch. Lacau n°
1971, p. 128, 3. A IX-a4 et a4d.
43 PM II 2, p. 135 ; A. Fakhry, « A report on the Inspectorate of Upper 46 Idem, ibidem, p. 225-226, 234, fig. 2a.
Egypt », ASAE 46, 1947, p. 30 : le linteau de Sésostris Ier brisé en trois frag- 47 H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak (1937-1938) »,
ments trouvé en 1946 par Abou el-Naga Abdallah dans le sous-sol de la ASAE 38, 1938, p. 598.
cour sud entre les IVe et Ve pylônes semble correspondre parfaitement à ce 48 Fr. Le Saout, A. el-H. Ma’arouf, Th. Zimmer, ibid., p. 226, fig. 2b.
418 Karnak xii
la mesure où aucun monument d’un autre Sésostris porte par Ch. Van Siclen, alors que L. Gabolde le
n’est connu à Karnak, il est probable que ce linteau place sur l’axe ouest-est dans le « Grand Château
date de Sésostris Ier. Ce fragment est peut-être aussi d’Amon ». Il me semble que ce bloc pourrait prove-
l’un de ceux trouvés par H. Chevrier non loin de la nir soit du mur du fond du portique de Sésostris Ier,
salle à six colonnes situé au nord de la cour entre les soit de la façade arrière (celle tournée vers l’ouest)
IIIe et IVe pylônes. du monument auquel le portique sert d’entrée. La
— Jambages 49 : des fragments (87CL 340, 95CL 331) gravure en relief indiquant un espace couvert, c’est
proviennent des parements de deux portes encas- peut-être devant cette façade arrière qu’il faut res-
trées peut-être dans le mur en brique dégagé sous la tituer la colonnade en grès dont les éléments ont
fondation nord du pourtour du radier. été découverts remployés à l’est et à l’ouest du
— Jambage : un fragment de jambage au nom de Ve pylône.
Sésostris, en calcaire de Toura, a été remployé dans — Un bloc en calcaire local 53 : ce bloc (87CL 315)
l’autel à cornes, à l’est de Karnak (nég. 42793/9). est décoré en relief des vestiges de deux grands regis-
tres superposés (pl. VII). Sur le registre inférieur
Éléments de mur
subsiste la couronne rouge du roi, sans uraeus, sur-
— Jambage en calcaire de Toura (pl. XCI) : deux montée des restes d’une aile déployée, le cartouche
faces opposées sont décorées, l’une de trois scènes de Sésostris Ier étant parfaitement lisible. Décorée
superposées représentant Sésostris Ier faisant une d’une rangée d’étoiles, le ciel de cette scène est placé
offrande à Amon et l’autre d’un cartouche d’un plus sous la ligne de sol du registre supérieur dont seul
grand module. Ces faces ont été sectionnées lors de le pied du roi courant est conservé. Contrairement
la transformation du bloc en stèle par Kamose. La à tous les autres blocs de Sésostris Ier, celui-ci est
trop grande largeur du bloc et sa décoration (1,12 m) en calcaire local, ce qui pourrait être un argument
ne semblent pas le rattacher à un pilier 50 mais plutôt contre son appartenance au « Grand Château
à un jambage de porte qui proviendrait d’un édifice d’Amon ». De plus, bien que la qualité des détails
modifié ou démonté par Kamose ou un de ses pré- gravés soit très proche du style de Sésostris Ier, la
décesseurs. Ce jambage pourrait provenir de la porte gravure est ici plus plate et les plumes du rapace ne
axiale du portique de Sésostris Ier. Remployé en fon- sont pas aussi détaillées que sur les monuments de
dation du colosse nord dit de Ramsès II devant la Sésostris Ier. L’absence d’uraeus sur la couronne est
porte du IIe pylône, la stèle est aujourd’hui exposée très rare sur les représentations de Sésostris Ier alors
au musée de Louqsor 51 (J 43, nég. 53139-53143). que les trois figures d’Amenhotep Ier conservées sur
— Grand bloc creusé d’une niche en calcaire de le linteau de la grande porte sud n’en portent pas
Toura 52 : ce bloc décoré en relief a été découvert sur leurs couronnes. La première hypothèse serait
dans la « cour de la Cachette» et est exposé au musée de rapprocher ce bloc de ceux d’Amenhotep Ier, ce
en plein air. Il a été restitué sur l’axe sud soit dans dernier ayant pu représenter le roi Sésostris Ier, dont
une paroi par Th. Zimmer, soit dans le passage d’une il venait de détruire le temple, tout en copiant son
49 Idem, « Le Moyen-Empire à Karnak : Varia 1 », Karnak VIII, 1987, d’art égyptien ancien de Louxor, BdE 95, Le Caire, 1985, p. 21, fig. 32 et
p. 297-302 ; au sujet de leurs dimensions, cf. E. N. Hirsch, « Bemerkungen 33 ; Chr. Wallet-Lebrun, dans M. Dewachter, A. Fouchard (éds), op. cit.,
zu Toren in den Tempeln des Alten und Mittleren Reiches », Festschrift p. 230, n. 20.
R. Gundlach, ÄAT 35, 1996, p. 88-97. 52 PM II 2, p. 135 ; P. Lacau, H. Chevrier, Une chapelle de Sésostris Ier à
50 L. Gabolde, ibidem, § 13. Karnak, Le Caire, 1956, p. 209, § 584 : Ce bloc mentionne une chapelle qui
51 PM II 2, p. 37; M. Hammad, « Découverte d’une stèle du roi est connue d’après la liste donné par la chapelle Blanche ; Fr. Le Saout, A.
Kamose », CdE 30, 1955, p. 198-208 ; L. Habachi, « Preliminary report el-H. Ma’arouf, Th. Zimmer, « Le Moyen-Empire à Karnak : Varia 2 », op.
on Kamose Stela and other Inscribed Blocks found reused in the cit., p. 227-232, fig. 3-4 ; L. Gabolde, ibidem, § 125-128.
Fondations of two Statues at Karnak », ASAE 53, 1956, p. 195-202, pl. I ; 53 Ce bloc a été identifié par L. Coulon, le 4 avril 1994, dans la fiche
Idem, The Second Stela of Kamose and the struggle against the Hyksos Ruler 87 CL 315 de la banque de données du « Cheikh Labib » (cliché Cfeetk
and His Capital, ADAIK 8, 1972, p. 28-29 et 51; G. Björkman, Kings nº 25 883 et 29 026). Il n’est pas mentionné dans la publication de
at Karnak, op. cit., p. 56 et 128 ; B. von Bothmer, Catalogue du Musée L. Gabolde, ibidem. La couronne rouge ne porte pas d’uraeus.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 419
style de décoration. Un argument supplémentaire sur laquelle le nom d’Amon a été martelé. Selon
pour le dater d’Amenhotep Ier peut-être tiré de la Th. Zimmer, la gravure du texte est caractéristique
paléographie du hiéroglyphe de la ville. Les axes de la XVIIIe dynastie, mais cette hypothèse peut-
perpendiculaires y sont larges et en léger creux, être remise en cause par la gravure semblable du
comme sur tous les autres blocs de ce roi, alors que texte des architraves en grès de Sésostris Ier qui ont
sur les reliefs de Sésostris Ier, ces axes sont étroits été découvertes dans la cour du Ve pylône.
et gravés dans le plan du signe. Cependant des élé- — Architraves en grès : deux fragments gravés
ments architecturaux 54 en calcaire local ayant déjà en creux sur les deux faces ont été trouvés par A.
été attribués au Moyen Empire, on ne peut pas Mariette vers 1870 dans la cour « dite du Moyen
définitivement écarter ce bloc 87CL 315 du temple Empire ». Le premier fragment mentionne une
de Sésostris Ier. L’orientation de la couronne rouge « vingtième année » d’un règne et fait état d’un
empêchant de le placer sous le portique de façade, « renouvellement », le texte de l’une des faces étant
la seconde hypothèse restituerait ce bloc soit dans regravé sur une inscription plus ancienne. Le second
les chapelles desservies par le portique, soit dans la fragment comporte un cartouche de Sésostris Ier, le
façade arrière (celle tournée vers l’ouest) du monu- nom d’Amon ayant été martelé puis regravé. Ces
ment auquel le portique sert d’entrée. Dans ce der- architraves semblent correspondre aux colonnes
nier emplacement, hypothétique, ce bloc devrait à pans précédentes découvertes au même endroit.
être placé dans la moitié nord de cette façade arrière Selon Th. Zimmer, la dédicace de « renouvellement »
comme le précédent grand bloc creusé d’une niche. (qui aurait eu lieu pendant la vingtième année du
— Un fragment de bloc en calcaire local : ce règne) serait postérieure à Sésostris Ier et daterait
fragment (87 CL 490) est gravé en creux d’une par- d’entre le début de la XVIIIe dynastie et Akhenaton.
tie d’un cartouche de Sésostris Ier. Comme pour le Cependant, cette hypothèse peut-être remise en
bloc précédent, la nature du calcaire laisse planer un cause depuis la découverte d’une autre colonnade
doute sur sa datation Moyen Empire bien que des en grès de Sésostris Ier dans la cour du Ve pylône.
éléments architecturaux en calcaire local aient déjà
été attribués au Moyen Empire (cf. note 54). 1.8. Mobilier au nom
— Des fragments de décor, au nom d’un Sésostris, de Sésostris Ier
ont été découverts dans la cour située entre les VIIe
et VIIIe pylônes.
Naos en diorite (pl. XIV)
Éléments d’un portique en grès 55
Ce naos 56 a été découvert parmi les remblais tardifs
— Au moins deux colonnes en grès à 16 pans : dans la cour située entre le VIIe et le VIIIe pylônes,
des tambours et leurs fragments ont été trouvés dans tout comme le bloc d’ante gauche du portique de
la cour « dite du Moyen Empire ». Un pan est ins- ce roi. Ses dimensions sont les suivantes, h : 175 cm,
crit d’une colonne de texte au nom de Sésostris Ier l : 77 cm, p : 93 cm. Il est couronné d’une corniche
54 Fr. Le Saout, « Un magasin à onguents de Karnak et le problème du et ces architraves de Thoutmosis III.
nom de Tyr : mise au point », Karnak VIII, 1987, p. 328. 56 M. Pillet, « Le naos de Senousert Ier », ASAE 23, 1923, p. 143-158 : « Cette
55 PM II 2, p. 108 ; A. Mariette, Karnak : étude topographique et archéo- pièce capitale a été trouvée à Karnak, à quelques pas au sud de l’obélisque
logique, avec un appendice comprenant les principaux textes hiéroglyphi- occidental du VIIe pylône, le 29 janvier 1922. Elle était enterrée au milieu
ques découverts ou recueillis pendant les fouilles exécutées à Karnak, Leipzig, d’une petite pièce faisant partie des habitations élevées dans cette cour à
1875, vol. I, p. 32-33 et 41, vol. II, pl. 8 (a-b-c); R. Lepsius, Denkmäler une basse époque et devait servir de bassin, le rebord de sa face faisant
aus Ägypten und Äthiopien, Text, vol. III, rééd. Genève, 1975, p. 28 – 29 ; une saillie de quelques centimètres seulement au-dessus du sol de cette
H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak (1947-1948) », ASAE 46, époque. »
1947, p. 176; P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak…, op. cit., p. 154,
n. 3 ; J.-M. Kruchten, Les annales des prêtres de Karnak (XXI-XXIIIe dynas-
ties) et autres textes contemporains relatifs à l’initiation des prêtres d’Amon,
OLA 32, Louvain, 1989, p. 8 : Th. Zimmer propose de dater ces colonnes
420 Karnak xii
et sa porte est encadrée par un tore qui repose sur en quartzite du naos dans l’Akh-menou ainsi que
une plinthe haute de 5 cm. La face arrière du naos sur le petit socle en diorite découvert au nord du
n’étant ni décorée ni polie, elle devait s’appuyer seuil nº 3. Ces cavités permettaient la pose d’un
contre un mur. Chaque face latérale est décorée de naos en bois (pl. XV).
deux registres superposés comportant chacun deux Cet imposant socle en calcite ressemble
scènes représentant Sésostris Ier faisant des offrandes davantage à un autel à escalier 57, semblable à celui
à Amon. Le roi porte la couronne blanche à gauche autrefois installé dans le sanctuaire axial de l’Akh-
de la porte et rouge à droite. L’emplacement des menou 58. La façade du socle est gravée d’un texte
couronnes royales indique ainsi que le naos s’ouvrait au nom de Sésostris Ier, texte qui a été martelé sous
vers l’est ou le nord. Les figures et les noms du dieu Akhenaton puis regravé. Sa face arrière, plane mais
ont dû être martelés sous Akhenaton puis regravés grossièrement polie, s’appuyait contre un mur au
ensuite. Le volume intérieur du naos (L : 68 cm, l : parement vertical. L’escalier n’est pas installé au
54 cm, h : 129 cm) limite la taille de la statue divine au milieu de sa façade puisque trois colonnes de texte
deux tiers de la taille humaine, à l’image de celle en sont gravées à sa gauche et une seule à sa droite.
bois contenue dans un naos en bois du musée du Cette asymétrie est également remarquable sur son
Caire (JE nº 68 ou 280). lit d’attente, où les deux engravures parallèles ne sont
pas creusées à égale distance des parements latéraux.
Socle à escalier en calcite (pl. XV)
Il manque probablement une plaquette en calcite
Les photos anciennes montrent que les fragments adossée contre le côté sud pour rétablir la symétrie.
d’un socle en calcite ont été trouvés, très profondé-
Autel à corniche
ment enfouis, à l’est du seuil nº 4 de la cour « dite
en calcaire de Toura 59
du Moyen Empire ». Ce socle a souvent été identifié
comme le support d’un naos en bois. Cependant, Ses trois gros fragments et plusieurs éclats ont été
cette fonction ne correspond pas aux caractéristiques assemblés, en avril 2006, sur une banquette devant
du socle puisque la rainure, de section rectangulaire, le dépôt lapidaire du Cheikh Labib (pl. XC). Les
creusée sur le pourtour de son lit d’attente pos- trois quarts de l’assise de couronnement de l’autel
sède une forte pente (environ 5 cm/m) qui indiquerait sont ainsi reconstitués (3 x 4 coudées). L’appui d’une
l’écoulement d’un liquide plutôt que l’encastrement rampe ou d’un escalier (l : 2 coudées) est visible au
des panneaux en bois d’un naos. Ce liquide aurait milieu d’une des faces alors que sur la face opposée,
ensuite été dirigé vers un étroit canal aménagé de l’encastrement d’une pièce a été creusé. Une dépres-
part et d’autre des marches d’accès au socle, dont il sion rectangulaire (l : 152 cm, l : 95 cm, h : 7 cm) est taillée
suivait la forte pente. Celui placé à droite de l’esca- peu profondément sur le lit d’attente de l’autel. Elle
lier peut être restitué dans les vestiges d’un ressaut a probablement servi à l’encastrement d’une lourde
latéral des marches, aujourd’hui très abîmé. D’autre table d’offrande comme semblent l’indiquer les
part, aucune cavité de crapaudine n’existant sur le cavités de levier creusées sur un côté. Elle est bordée
socle, la pose des vantaux nécessaires à la ferme- d’un ressaut brisé (l : 15 cm) placé 13 cm à l’arrière
ture d’un naos n’est pas possible. En revanche, de du plan du listel de couronnement de la corniche.
telles cavités sont bien visibles sur le grand socle Ce ressaut pourrait être l’amorce de merlons arron-
57 Ch. Van Siclen estime qu’un naos avec un son propre sol pouvait avoir 59 Rapport de commission 2001, p. 20. J.-Fr. Carlotti, E. Czerny,
été posé sur ce socle. Cette disposition n’obligeait pas le creusement de L. Gabolde, « Trois études sur le Moyen Empire à Karnak », sous presse dans
cavités de crapaudines dans le socle. Cela est proposé plus loin avec le les Orientalia Montpeliensia 16. L’une d’elles concerne les blocs 87CL
naos de Sésostris Ier. 338+344+398+429, 92CL 344+645, 94CL 1108. L. Gabolde estime que
58 N. Beaux, Le cabinet de curiosités de Thoutmosis III. Plantes et animaux l’inscription est au nom de Sésostris Ier. Certains fragments proviendraient,
du « Jardin Botanique » de Karnak, OLA 36, Louvain 1990, p. 10. d’après M. Azim, du sous-sol de la cour du VIIIe pylône et d’autres de la
cour « dite du Moyen Empire ».
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 421
dis, comme on en voit sur l’autel à corniche, chargé ouverte dans l’axe du mur de fond. M. Pillet pen-
d’offrandes, gravé sur le bloc d’Amenhotep Ier sait que le socle à escalier en calcite avait pu servir
(MPA 203A1, pl. XC) ou bien sur les représenta- de support au naos en diorite 62, hypothèse qui est
tions de la « grande offrande » de Thoutmosis III. compatible avec les observations faites sur le lit d’at-
L’inscription gravée en creux sur ce listel a conservé tente de ce socle.
intact le nom d’Amon, indice que l’autel n’était pas
visible sous Akhenaton. Il faudrait être sûr que cer-
tains fragments proviennent bien de la cour « dite
du Moyen Empire » pour émettre l’hypothèse que, 2. La colonnade en grès
le nom d’Amon n’ayant pas été martelé, l’autel a de Sésostris Ier
peut-être été remployé dans le radier en calcaire de
cette cour.
Cinq éléments d’une colonnade en grès de
1.9. Conclusion Sésostris Ier ont été découverts remployés, sous le
(pl. LXXII-LXXV) niveau du dallage, devant les môles du Ve pylône 63.
Ces éléments (deux architraves, une base, un frag-
Du « Grand Château d’Amon », il ne reste que les ment de colonne-ioun et une corniche à pan coupé)
maigres vestiges d’un double-portique de piliers, ont été réutilisés au moment de la construction du
placé devant un mur 60. À l’image du sanctuaire pylône (pl. XVI, XVII).
adossé de Thoutmosis III, ce portique devait Des fragments de deux architraves en grès
être tourné vers l’est, ce qui laisse penser que au nom de Sésostris Ier ainsi que des fragments de
Thoutmosis III a pu copier, en plus petit, le por- colonnes-ioun à seize pans en grès 64 (Ø 1,5 coudée) ont
tique de Sésostris Ier. La restitution du texte gravé été remployés par paires, dans les cours du Ve pylône,
sur les architraves disparues de Sésostris Ier permet comme fondation du péristyle de Thoutmosis Ier,
de restituer au moins huit piliers osiriaques in antis toujours en place 65 (pl. XVI, XVII-XIX). Ces élé-
placés devant autant de piliers carrés installés sous le ments en grès proviennent d’une colonnade qui
portique 61. Derrière cette façade, il n’est toujours existait avant la construction du Ve pylône. Les cinq
pas possible de déterminer si le naos de Sésostris Ier, fragments d’architraves décorés d’un texte en creux
ouvert vers l’est, était appuyé dans l’axe contre le ont été assemblés pour reconstituer deux architraves
mur de fond du portique ou bien s’il était installé d’angle 66, à la décoration symétrique, qui pouvaient
au fond d’une autre salle accessible par une porte avoir été placées de part et d’autre de l’axe du tem-
60 Les temples connus du Moyen Empire ont de petites dimensions. Voir bâtre gravé au nom de Senousret Ier et qui, croyons-nous, put servir de
« Le temple double de Sobek sur la colline de Medinet Madi », E. Bresciani, socle au naos. »
Dossiers d’archéologie n° 265, juillet-août 2001, p. 132-140 ; R. Naumann, 63 Deux architraves et une base ont été découverts en novembre 2005
« Der Tempel des Mittleren Reiches in Medinet Madi », MDAIK 8, 1939, par R. Le Bohec.
p. 185-189 ; D. Arnold, The Encyclopedia of Ancient Egyptian Architecture, 64 P. Barguet, op. cit., p. 109, n. 3. Les fragments de cette colonnade ont
Le Caire, 2003, figure p. 156 (brève notice sur le temple p. 145) ; M. Bietak, été partiellement vus en 1985 par M. Azim lors du dégagement de la cour
« Kleine ägyptische Tempel und Wohnhäuser des späten Mittleren Reiches. sud, puis complètement découverts au cours des fouilles de 2003 et 2004,
Zur Genese eines beliebten Raumkonzeptes von Tempeln des Neuen par J.-Fr. Jet, E. Lanoë et O. de Peretti.
Reiches », dans Hommages à Jean Leclant, I, BiEtud 106 / 1, Le Caire, 1994, 65 H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak (1948-1949) »,
p. 413-435, 8.3. ASAE 49, 1949, p. 261 : « À l’ouest (plutôt à l’est) [de la pièce latérale
61 L. Gabolde, Le « Grand Château d’Amon » de Sésostris Ier à Karnak, op. nord du VIe pylône], nous avons nettoyé jusqu’à un niveau mettant au
cit., § 21 : « À Karnak même, le temple adossé de Thoutmosis III, avec ses jour les fondations des colonnes centrales. Sous deux de celles-ci nous
six piliers à colosse osiriaque adossé en façade, s’est à l’évidence inspiré du avons vu des tambours de colonnes à seize pans remployés pour leurs
modèle de Sésostris Ier… ». fondations. »
62 M. Pillet, « Le naos de Senousert Ier », op. cit., p. 155 : « le point où fut 66 Ces architraves et quelques fragments des tambours ont été extraits
découvert le naos ne fournit aucun renseignement sur son emplacement pour être entreposés sur une banquette placée entre le IIIe pylône et le
primitif, mais à l’endroit que je viens d’indiquer se trouve un bloc d’al- temple de Ptah, à l’ouest de la meule.
422 Karnak xii
ple. L’élément de corniche à pan coupé, remployé L’addition de ces faits archéologiques démontre que
dans le dallage sous la colonne PM nº IV, avait le le temple de Sésostris Ier a été démantelé au plus tard
même rôle que les corniches similaires en place dans par Thoutmosis Ier. Plus loin, d’autres raisons per-
la Heret-ib de l’Akh-menou et dans la cour d’entrée mettront d’identifier son prédécesseur, Amenhotep
du temple de Ptah. En prolongeant la dalle de cou- Ier, comme le destructeur probable des monuments
verture du portique formé par les colonnes-ioun et du Moyen Empire.
les architraves, ces corniches encadraient une cour
dont le plan a peut-être inspiré celui des deux cours
à portique du Ve pylône. Aucun indice ne permet
de replacer cette colonnade en grès de Sésostris Ier 3. La fondation du début
à proximité de l’emplacement de sa découverte où du Nouvel Empire
elle aurait pu, très hypothétiquement, être installée dans la cour « dite du
à un niveau inférieur (± 73,45) proche du sol associé Moyen Empire »
aux deux bases en calcite enfouies entre le Ve et le
IVe pylônes 67.
Un pilier osiriaque (nº 11) en calcaire À la lumière des fouilles archéologiques 70 et
(pl. IV) représentant Sésostris Ier coiffé de la de l’observation des photographies anciennes de
couronne blanche a été autrefois trouvé dans la cour la cour « dite du Moyen Empire », de nouvelles
sud par G. Legrain 68. La vaste fosse récemment constatations ont pu être établies au sujet de cet
nettoyée 69 (pl. XIX), le long du mur de clôture espace vide compris entre le podium d’Hatshepsout,
occidental du VIe pylône, correspond à l’emplace- à l’ouest, et la fondation de magasins, à l’est, au
ment du pilier couché sous le niveau du sol. Cet nord et au sud. Un vaste radier constitué d’assises
emplacement est clairement déconnecté de la tran- de petits blocs plats en calcaire est enterré sous la
chée de fondation du mur de clôture occidental surface de la cour. Une petite plate-forme composée
construit par Hatshepsout et Thoutmosis III. Cette de blocs en grès, en calcaire et en granite, est encas-
déconnection de la tranchée et de la fosse ne permet trée dans le côté occidental du radier.
plus d’affirmer que le pilier osiriaque a été remployé
par Thoutmosis III. Au contraire, il semble très pro- 3.1. Le radier calcaire
bable que ce pilier nº 11 a été enfoui comme dépôt (pl. XXII, XXIV-XXVIII)
votif par Thoutmosis Ier en même temps qu’il réuti-
lisait les fragments de la colonnade de Sésostris Ier en
Les dimensions du radier
fondation des péristyles des cours du Ve pylône. La
proximité de remploi du pilier osiriaque en calcaire Un vaste radier (h : ~ 3 coudées) était constitué d’au
nº 11 et de la colonnade en grès de Sésostris Ier laisse moins six assises superposées (pl. XXIV), faites
penser qu’ils proviennent du démantèlement d’un d’un assemblage irrégulier de blocs plats en cal-
même ensemble architectural. caire qui ne semblent provenir ni des carrières de
Gebelein ni de celles de Toura ou de Ma’asara au
nord de l’Égypte 71. Ce radier est fondé à un niveau
67 En novembre 2005, R. Le Bohec a découvert, entre la fondation du 68 G. Maspero, Guide du Musée du Caire, 1915, p. 8-9, nº 11 ; PM II 2, p. 89.
môle nord du V pylône et celle de l’obélisque nord, trois éléments en grès
e
69 J.-Fr. Jet, « Fouilles de la cour nord du Ve pylône », à paraître dans
remployés en dallage et posés sur la couche de sable remplissant l’espace Karnak XIII ; O. de Peretti, E. Lanoë, « Fouilles des cours du Ve pylône » à
entre les deux fondations. Deux proviennent d’architraves (l : 75 cm) déco- paraître dans Karnak XIII.
rées sur un seul parement et l’autre est une base retournée. La nature du 70 Fouilles par H. Chevrier en 1946, J. Lauffray en 1976-79, M. Azim en
grès, leurs dimensions et leur décoration permettent de les rapprocher des 1982-83, L. Gabolde et J-Fr. Carlotti en 1998, G. Charloux et R. Mensan
éléments de la colonnade de Sésostris Ier remployés dans la fondation du en 2004-2005.
péristyle des cours du Ve pylône. 71 Ce calcaire de couleur blanc crème montre des cassures irrégulières
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 423
inférieur (+72,82 à l’ouest, +72,69 au centre et +72,76 au sud Comme les trois blocs en grès rouge, ce seuil nº 1
72
de la plate-forme ) à celui de la fondation en grès vert repose sur la troisième assise du radier, assise qui
des magasins du pourtour (lit de pose 73,46 m et fond prolonge l’assise inférieure de la plate-forme.
de la tranchée 73,04 m). Les vestiges de ces petits blocs Les traits de pose gravés sur le lit d’attente
plats, bien organisés en assises, occupent toujours du seuil occidental nº 1 (pl. XX, XXI) et sur celui
un espace carré (72 x 72 coudées) où ils ont souvent été du bloc en grès rouge jointif au sud indiquent que
découverts en place parmi d’autres petits blocs très le jambage sud de l’ancienne porte axiale reposait à
bousculés (pl. XXVII). cheval sur ces deux blocs. Cet indice confirme l’ap-
Ce radier est la seule substructure en cal- partenance des trois blocs en grès rouge à l’assise de
caire connue à Karnak, les fondations étant presque réglage du monument disparu. Tout en marquant
toujours en grès, à l’exception de quelques blocs nettement le bord occidental du radier, il est possible
épars utilisés en bourrage de joints. S’il était logique que cet alignement de longs blocs en grès rouge se
d’apporter des blocs en beau calcaire des lointaines soit poursuivi sur les quatre côtés du radier. En cein-
carrières du nord de l’Égypte pour construire en turant l’assise de réglage du radier, cet alignement
superstructure, il semble curieux de leur faire faire de blocs cramponnés les uns aux autres aurait ainsi
ce long trajet uniquement pour les cacher dans un formé une sorte de chaînage assurant une meilleure
radier de fondation. Au contraire, les nombreuses stabilité au mur de clôture en superstructure. Des
faces parementées 73 de ces blocs (pl. XXIV-XXV) mortaises pour crampons creusées sur le lit d’attente
montrent qu’ils proviennent, en réalité, du débitage des blocs en grès indiquent qu’ils étaient solidement
de blocs beaucoup plus gros qui appartenaient à des liés à la sixième assise du radier.
monuments démantelés. Il sera expliqué plus loin
Les quatre seuils en granite
pourquoi le radier a été construit à l’emplacement
(pl. XXII, XXVII, XXIX)
de structures antérieures volontairement arasées,
sans qu’apparemment aucune fosse de fondation ne Le niveau supérieur du radier est donné par celui
soit creusée. des quatre seuils en granite (nº 1 à 4 de l’ouest vers l’est)
qui sont alignés sur l’axe ouest-est, le seuil le plus à
Le lit d’attente du radier
l’ouest étant une marche (15 cm) plus bas que les trois
Le sondage 74 le long du parement oriental de la par- autres 76. Ces seuls vestiges des superstructures du
tie sud du podium d’Hatshepsout (pl. XXIV) mon- monument disparu reposent sur la troisième assise
tre encore quatre assises superposées assemblant de du radier. Les seuils étaient encastrés dans les trois
petits blocs en calcaire, sur lesquels repose, parallèle assises supérieures (pl. XXIX).
au podium, un alignement de trois longs blocs en Ces quatre seuils sont creusés d’une glis-
grès de couleur rouge. Deux assises en calcaire man- sière perpendiculaire aux tableaux, glissière qui
quent pour atteindre le lit d’attente (+74,44) de ces servait à mettre en place les vantaux en bois. Cette
blocs en grès. Ce lit d’attente est placé au niveau du disposition transversale est dite caractéristique
seuil nº 1, celui qui sert aujourd’hui de marche à la des seuils au Moyen Empire alors qu’au Nouvel
porte axiale de l’est des salles d’Hatshepsout, appelée Empire, cette glissière est généralement parallèle
« porte des offrandes alimentaires » 75 (pl. XX-XXIV). aux tableaux.
mais il semble à l’œil nu bien différent de celui des carrières de Toura ou 73 M. Azim, Rapport Cfeetk n° 1599 : Les travaux de mise en valeur de
de Ma’asara. Sa provenance n’a malheureusement pas pu être déterminée la zone centrale du temple d’Amon en 1983-1984 : « Ce mur d’enceinte
par l’analyse récente de Th. De Putter et Chr. Karlshausen dans la mesure peut avoir entouré un temple de pierre fondé sur un radier général de
où les blocs du radier n’y ont pas été examinés : « Provenance et caractères calcaire, dont les blocs sont des remplois ». Ces remplois ont été remarqués
distinctifs des calcaires utilisés dans l’architecture du Moyen et du Nouvel au cours du démontage du côté méridional du radier.
Empire à Karnak », Karnak XI, p. 373-383. 74 Le sondage de J. Lauffray a été nettoyé au printemps 2004.
72 Cette plate-forme qui sera décrite plus loin, se trouve accolée, dans 75 P. Barguet, op. cit., p. 153.
l’axe, au côté oriental du podium d’Hatshepsout. 76 Seuils n°1 : 74,44 – n°2 :74,57 – n°3 : 74,61 – n°4 : 74,59 ; le seuil
424 Karnak xii
Cependant, des exceptions relativisent l’importance — à l’est du temple, ce sol a pu être à l’altitude +73,50
à accorder à l’orientation de la glissière pour dater comme semble l’indiquer le sommet des structures
un seuil : en brique encore en place 81 sous les magasins du
— à Médamoud 77, les vestiges d’une porte en gra- pourtour du radier. Le sommet du remblai de galets
nite au nom de Sésostris III possèdent un seuil posé sur lequel repose la plate-forme atteint parfois l’alti-
sur une assise en calcaire, la glissière de pose étant tude +73,41 (pl. XXX-XXXI).
parallèle aux tableaux, comme au Nouvel Empire. Les quatre seuils en granite étant encastrés
— À Karnak-nord 78, des glissières perpendiculai- dans un radier composé de blocs en remploi (anté-
res aux tableaux, comme au Moyen Empire, sont rieurs au Nouvel Empire), il est probable que ces
encore visibles dans le Trésor de Thoutmosis Ier. seuils ont également été réutilisés et qu’ils provien-
Le seuil nº 1 qui marque le sommet du radier nent aussi d’une construction antérieure démante-
est placé (pl. XX-XXIII) : lée 82. La position de la glissière de pose de leurs van-
— 11 cm au-dessus de l’assise de réglage de la fonda- taux permet de les attribuer vraisemblablement au
tion en grès vert au pourtour du radier, Moyen Empire bien que l’exemple de Médamoud
— au niveau de l’assise de réglage du mur de clôture laisse planer un doute sur ce critère de datation.
oriental lié au Ve pylône, C’est vraisemblablement au cours de l’ex-
— 6 cm plus bas que le seuil en granite de la porte traction des seuils nº 2 et nº 3 de cette construction
sud de l’Akh-menou. primitive, ou bien de leur nouvelle mise en place
Dans l’hypothèse où les quatre seuils de type dans le radier, qu’ils se sont fissurés. L’ouverture
Moyen Empire sont à leur place d’origine, il fau- de chaque fissure a été prévenue par l’encastrement
drait donc admettre que le sol du Moyen Empire d’un ou deux crampons en bois (pl. XXIX). Le lit
était 11 cm plus haut que le sol au début du Nouvel de pose du seuil nº 2 a été consolidé par deux cram-
Empire 79 (altitude +74,33 de l’assise de réglage de la fondation pons alors que, sur le seuil nº 3, un premier crampon
au pourtour du radier). a été encastré sur le joint vertical ouest et un second
En réalité, le sol des installations antérieures sur le lit d’attente directement sous le jambage nord
au Nouvel Empire semble avoir été en légère pen- de la porte 83. Probablement arrachés, au début du
te ascendante de l’ouest vers l’est: Nouvel Empire, de leur emplacement primitif dans
— à l’ouest du temple, ce sol était à l’altitude +73,37 le sanctuaire du Moyen Empire, ces seuils n’ont pu
comme l’indique l’amorce du dallage autour des être remployés qu’au sein d’une nouvelle structure
deux bases en calcite enfouies dans le radier de la datant également du début du Nouvel Empire, cette
cour du IVe pylône 80 ; structure étant les six assises du radier calcaire.
n°1 est au niveau du dallage actuel de la cour du VIe pylône. Ce seuil 80 Ibidem, p. 25.
a été coupé en deux, dans sa longueur, le long de la glissière transver- 81 G. Charloux, « Karnak au Moyen Empire … », op. cit., pl. X, XII.
sale, au moment de la construction du podium d’Hatshepsout. Voir 82 Ce remploi a déjà été proposé par Th. Zimmer dans J.-M. Kruchten,
H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak, 1952-1953 », ASAE 53, Les annales des prêtres de Karnak…, op. cit., p. 9 : « Les récents travaux dans
1955, p. 16, fig. 3 à 5. cet espace, menés par M. Azim et l’auteur de ces lignes, ont conduit à con-
77 F. Bisson de la Roque, Médamoud, FIFAO, 1925, p. 24. Il faudrait véri- tester le fait que ces seuils soient en leur place originelle et à penser qu’ils
fier si cette porte n’a pas été remontée après le Moyen Empire. ont été déplacés après le Moyen Empire, s’il s’agit bien de leur date de cons-
78 J. Jacquet, Le Trésor de Thoutmosis Ier. Étude architecturale, Karnak- truction. Voir M. Azim et Th. Zimmer, La cour du Moyen Empire : qua-
Nord V, fasc. 1, 1983, p. 37, fig. 5 : l’usage des glissières perpendiculaires aux trième campagne de travaux dans la zone centrale, (à paraître) » ; J. Lauffray,
tableaux, semble cependant avoir survécu au Moyen Empire puisque deux op. cit., p. 24 ; Orientalia 47, p. 288 et Orientalia 54, p. 371-372.
exemples ont été parfaitement identifiés dans les seuils des salles 1 et 2 du 83 H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak (1947-1948) »,
Trésor de Thoutmosis Ier. ASAE 49, p.13 ; ASAE 53, p. 16, fig. 3 à 5 et J. Lauffray, op. cit., p. 24, n. 1 :
79 J. Lauffray, « Les travaux du Centre Franco-Égyptien d’Étude des « Chevrier croyait que la fondation des seuils avait été enlevée partielle-
Temples de Karnak, de 1972 à 1977 », Karnak VI, 1980, p. 24 : « il est un ment en sape par des chercheurs de dépôts. Nous avons constaté que le
fait constant dans tous les lieux de culte et sous toutes les latitudes, les seuil le plus à l’ouest repose au nord sur deux assises de pierre et que sa
abords des temples s’élèvent avec le temps plus rapidement, surtout pen- partie médiane est placée sur du sable jaune très homogène. Ce ne peut
dant les périodes troublées, que les sanctuaires, mieux entretenus ». être le résultat d’un comblement hâtif ».
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 425
84 La moitié occidentale du seuil primitif ainsi que les jambages externes nes. Cependant, les tableaux de ces jambages internes ont dû être découpés
de la porte primitive ont été obligatoirement démontés alors que la moitié afin d’élargir le passage dans le prolongement de l’embrasure de la nouvelle
orientale du seuil a été conservée avec, probablement, les jambages inter- porte d’Hatshepsout.
426 Karnak xii
Ce découpage du radier n’était pas nécessaire Une autre canalisation en grès rouge existe toujours
dans l’axe (pl. XXII), où l’étroite porte primitive avec son bassin de même nature (pl. XXXVIII),
(+74,44) a été presque entièrement démantelée par mais enterrée sous le niveau du dallage à l’extré-
Hatshepsout 84, pour être remplacée par une porte mité orientale du couloir qui longe le côté sud du
plus large (+74,10). Le nouveau seuil encastré à cheval podium d’Hatshepsout 86. Dans la mesure où les
dans le radier calcaire et le podium supportait de fouilles en cours n’ont toujours pas permis d’établir
nouveaux jambages en grès et en granite qui étaient que cette canalisation pénétrait dans le côté sud du
encastrés dans la structure primitive, tout en étant podium d’Hatshepsout, il serait imprudent d’avan-
probablement adossés aux jambages internes de la cer l’hypothèse que cette canalisation était peut-être
porte primitive. l’extrémité du canal creusé dans le dallage de la cha-
pelle Rouge 87.
La canalisation encastrée sous le lit
d’attente du radier Le plan hypothétique des murs
(pl. XXIII, XXXII, XXXIII) construits sur le radier
Jointif au côté nord du seuil nº 1, un long bloc Les deux premières assises du radier calcaire sont
en calcaire (L : 245 cm, l : 66 cm, h : 45,5 cm) de la cin- faites d’un assemblage très lâche de blocs séparés
quième assise est creusé d’une canalisation orientée par d’épais joints horizontaux et verticaux, rem-
est-ouest (lit d’attente +74,05 ; fond du canal +73,89 ; l : 12 plis de sable 88 (pl. XXIV, XXX, XXXI, LXXXVI).
cm, h : 14 cm), dont la couverture était la sixième et Les blocs sont placés de façon discontinue afin de
dernière assise du radier. La découpe de son joint former des caissons très irréguliers et remplis de
oriental indique que la canalisation (pl. XXIII) se sable. Les assises conservées au-dessus des deux pre-
poursuivait à l’intérieur du radier alors que son pro- mières sont beaucoup mieux appareillées avec des
longement vers l’ouest a été détruit au moment de joints serrés et remplis d’un mortier de plâtre et de
la construction du podium d’Hatshepsout. Le joint déchets de taille.
ouest de la canalisation semble intégré au parement La première assise n’est pas régulièrement
occidental du radier, celui qui a été diminué d’une posée mais elle est souvent remplacée par une très
tranche large d’environ 50 cm au nord et au sud de épaisse couche de sable. Cette première assise sem-
la porte axiale. ble cependant former des alignements au pour-
Une canalisation semblable, mais en grès et tour du radier et autour de la plate-forme. Dans
orientée sud-nord, a été coupée au nord du podium l’hypothèse où cette première assise existerait aussi
d’Hatshepsout par la fosse de fondation de ce der- dans le prolongement des seuils en granite, il serait
nier 85. Cette canalisation se poursuit vers le nord tentant de restituer le plan des murs en élévation à
au-delà de la clôture de Thoutmosis III, celle qui l’aplomb des alignements formés par les blocs de la
entoure l’Akh-menou et les magasins nord. première assise. Les caissons de sable, encadrés par
Il est possible que ces deux canalisations les alignements de la première assise, correspon-
aient été autrefois connectées par un regard qui draient alors aux surfaces délimitées par les murs.
aurait été détruit au moment de la construction du Dans l’attente de la confirmation de cette hypo-
podium d’Hatshepsout. thèse par de prochaines fouilles, il est encore trop
85 G. Charloux, « Une canalisation en grès du début de la XVIIIe dynastie une pierre et on apercevait des pierres remployées qui ont été laissées en
et résultats complémentaires des fouilles du chantier « Ha » », Karnak XII, place » (cf. ASAE).
pl. I. 87 Cl. Traunecker rapproche ces canalisations des dispositifs dans les
86 H. Chevrier : « Les fouilles furent poursuivies vers l’ouest, jusque dans cours des temples hauts de l’Ancien Empire.
le couloir (du « texte de la jeunesse ») entre le mur de la construction de la 88 R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005 : le sondage au sud
Reine. On trouvait là une rigole aboutissant à un petit bassin creusé dans de la plate-forme.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 427
tôt pour affirmer que les murs reposaient là où le Quatre seuils en granite : en revanche, la posi-
radier comporte six assises de fondation alors que tion perpendiculaire aux tableaux de la glissière de
le sable remplaçant la première assise correspon- pose des vantaux sur les quatre seuils en granite a
dait aux espaces entre les murs. toujours leurré les observateurs, et l’hypothèse peu
crédible d’une destruction par Sésostris Ier de ses
Les blocs en remploi dans le radier
propres monuments pour les réutiliser dans le radier
Blocs d’assise en calcaire : les blocs plats en de son nouveau temple, a souvent prévalu.
calcaire du radier sont des remplois 89. Des faces Cependant, dater systématiquement du
parfaitement lisses (pl. XXX, XXXI) mais souvent Moyen Empire tous les seuils dont les glissières de
incisées de lignes, sont encore bien visibles sur la pose des vantaux sont perpendiculaires aux tableaux
bordure occidentale du radier ainsi que d’autres est une généralisation abusive puisque deux seuils
parements dont les traces d’outils sont caractéristi- de ce type ont été installés au cours du règne de
ques des faces de joint. Ces blocs proviennent du Thoutmosis Ier dans le Trésor de Karnak-nord 92 et
débitage de blocs parementés beaucoup plus gros. qu’à Médamoud, le seuil en granite de la porte de
Stèle frontière 90 : une photographie de Sésostris III possède une glissière de pose parallèle
H. Chevrier illustre la découverte, le 13 aux tableaux (dans la mesure où cette porte n’a pas
mars 1949, d’une stèle frontière en calcaire au été remontée après le Moyen Empire).
nom de Sésostris Ier réutilisée comme bloc d’as-
Les blocs trouvés épars sur le radier
sise (probablement l’assise 2) dans la partie nord-
ouest du radier (pl. XXVIII). Bien qu’elle ait été De nombreux éléments mobiliers du Moyen Empire
souvent citée, cette réutilisation, probablement ont été découverts au cours des fouilles successives
trop évidente, d’un bloc de Sésostris Ier au cœur de la cour 93 :
du radier 91 n’a pas conduit à la conclusion logi- table d’offrandes 94
que qui aurait dû s’imposer, c’est-à-dire celle — table d’offrandes en calcaire 95 trouvée par
du remploi systématique par un roi postérieur H. Chevrier le 14 mars 1949.
des blocs en calcaire des monuments démante- Piédestaux
lés antérieurs au Nouvel Empire (dont ceux de — piédestal nº 1 en granite 96, découvert en 1950, et
Sésostris Ier, entre autres), dans le but de cons- qui est peut-être celui posé sur l’arase de la fonda-
truire ce radier. tion des magasins sud du pourtour du radier.
89 M. Azim, « Les travaux de mise en valeur de la zone centrale du temple est représentée figure 5 ; P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak, op. cit.,
d’Amon en 1983-1984 », Rapport Cfeetk n° 1599 : « Ce mur d’enceinte p. 155, n. 5 ; L. Gabolde, Le grand château d’Amon de Sésostris Ier, op. cit.,
peut avoir entouré un temple de pierre fondé sur un radier général de cal- p. 115, § 185 et 188 : « Une stèle-frontière de Sésostris a été exhumée de la
caire, dont les blocs sont des remplois ». M. Azim a remarqué ces remplois « cour du Moyen Empire » où elle était remployée en assise de fondation ».
au cours du démontage du côté méridional du radier. 91 Une seconde stèle du même type conservée au Musée du Caire
90 PM II , p. 108 ; H. Chevrier, ASAE 49, op. cit., p. 257-258, fig. 3 :
2 (Reg. Temp. 10/4/22/7) provient peut-être de Karnak.
« Le lendemain, on trouvait les premières pierres en place, parmi d’autres 92 J. Jacquet, Le Trésor de Thoutmosis Ier…, op. cit., p. 37, fig. 5 : seuils
très bousculées : le 14, une autre table d’offrande, en calcaire celle-ci, de des salles 1 et 2.
Sésostris Ier avec très peu de texte très effacé et du même type que la précé- 93 Pour Cl. Traunecker, le lieu de découverte des pièces de Karnak
dente… Le 13.[04.49], vers l’ouest, on découvrait en place dans les fonda- apportées par Mariette au Louvre doit être pris avec méfiance puisque
tions une pierre qui avait la silhouette d’une stèle retournée : on se trouvait ces antiquités furent mélangées dans le magasin du temple d’Opet (Voir
en présence d’une stèle frontière de Sésostris I , la seule que nous con-
er J.-J. Fiechter, La moisson des dieux, 1994, Julliard).
naissions de cette époque ». Musée du Caire, JE 88802 (56 x 27 x 147 cm) ; 94 H. Chevrier, ibidem, p. 258 : « le 14, une autre table d’offrande, en cal-
J. Leclant, « Compte rendu des fouilles et travaux menés en Égypte durant caire celle-ci, de Sésostris Ier avec très peu de texte très effacé et du même
les campagnes de 1948-1950 », Orientalia 19, 1950, p. 364 ; P. Montet, type que la précédente ».
Géographie de l’Égypte ancienne, t. II, 1961, p. 38-39, fig. 3; L. Habachi, 95 PM II 2, p. 108 ; J. Leclant, « Compte rendu des fouilles et travaux menés
« Building activities of Sesostris I in the Area to the South of Thebes », en Égypte durant les campagnes de 1848-1950 », Orientalia 19, 1950, p. 36.
MDAIK 31, 1975, p. 33-37, fig. 5 : il renvoie à la figure 4 alors que la stèle 96 PM II 2, p. 110 ; P. Barguet, op. cit., p. 155, n. 5.
428 Karnak xii
— piédestal nº 2 en granite, posé sur l’arase de la — statue acéphale en diorite 103 d’un roi assis
fondation des magasins sud du pourtour du radier. (Sobekhotep Ier ou IV), les bras croisés sur la poi-
— socle de naos en diorite, découvert au nord du seuil trine et les pieds posés sur les neufs arcs. Elle est
en granite nº 3, et aujourd’hui posé sur l’arase de la conservée au musée du Louvre (AF 8969).
fondation des magasins sud du pourtour du radier. — statuette en granite 104 d’un roi assis, découverte
Statues 97 par A. Mariette et conservée au musée du Louvre
— dyade en granite 98 représentant Amenemhat Ier (A. 121 [E 7824]).
assis à côté d’un personnage martelé que P. Barguet Éléments épars d’architecture
identifie à Amon. S’il date d’Akhenaton, ce mar- — bloc 105 en grès mentionnant les noms de
telage mettrait en doute le remploi de cette dyade Sobekhotep IV et de Neferhotep Ier. Découvert par
dans le radier calcaire. Cette dyade est entreposée A. Mariette, le lieu de conservation de ce bloc est
dans une des salles adossées au mur de clôture sud inconnu.
lié au Ve pylône. — six fragments décorés en calcaire dont l’un est gravé
— deux statues en quartzite 99 de l’époque de d’un cartouche au nom d’un Sésostris. Ils sembleraient
Sésostris III représentant, celle de l’est, un person- avoir été remisés au dépôt du Caracol en 1975.
nage assis en scribe et, celle de l’ouest, ce qui ressem- — un fragment de jambage en granite et plusieurs
ble à un vizir agenouillé, tous deux enveloppés dans fragments en grès 106, inscrits de textes en relief gros-
une longue robe. Ces statues sont posées sur l’arase sier, mentionnent Sésostris Ier. Un fragment en grès,
de la fondation des magasins nord du pourtour du trouvé à côté des précédents, mentionne une restau-
radier. ration du temple sous Tibère (Cfeetk nég. nº 44343, doc.
— dyade en diorite 100 représentant Hathor assise à nº 43402). Aujourd’hui introuvables, ces fragments
côté de Sésostris Ier debout, découverte en 1897 et ont été découverts par G. Legrain, en 1899, au sud
conservée au musée du Caire (CGC 42008, JE 32751). du seuil en granite nº 4 de la cour « dite du Moyen
— fragment de trône 101 au nom du roi Ougaf, Empire ».
découvert par Legrain en 1897 et conservée au
musée du Caire (JE 33740). Le lieu de découverte de certains éléments mobiliers,
— statue en granite 102 découverte par A. Mariette. comme la stèle en calcaire, le socle à escalier en cal-
Son lieu de conservation est inconnu. cite et le socle de naos en diorite, est parfaitement
97 P. Barguet, ibidem, p. 154, n. 3 : « Voir aussi des fragments de montant ASAE 6, 1905, p. 130 ; W. V. Davies, British Museum Occasional Paper 28,
de porte et d’architrave (encore visibles sur place), au nom de Sésostris Ier, 1981, n° 1.
dans LD., Text, III, 28 a et 29, et mentionnant l’année 20. Une statue- 102 PM II 2, p. 109 ; A. Mariette, Karnak, op. cit., p. 45, pl. 8 (m) ;
groupe de Sésostris Ier et Hathor fut aussi retrouvée à cet endroit (JE Caire H. Gauthier, Le Livre des Rois d’Égypte, t. II, MIFAO 18, 1912, p. 19 [III].
42008, G. Legrain, Statues et Statuettes de rois et de particuliers, I, CGC 103 PM II 2, p. 109 ; A. Mariette, ibidem, p. 44-45, pl 8 (k) ; H. Gauthier,
42001-42138, Le Caire, 1906, p. 6-7 et pl. IV). Deux statues en quartzite ibidem, p. 32-33, n. 3 ; W. V. Davies, ibidem, p. 28, n° 6 ; J. von Beckerath,
rouge (actuellement au nord de la cour) représentant deux personnages Untersuchungen zur politischen Geschichte der zweiten Zwischenzeit
assis en scribe, enveloppés d’une longue robe, ont été laissées à l’endroit in Ägypten, Glückstadt, 1964, p. 248 ; É. Delange, Musée du Louvre.
où elles furent trouvées ; elles sont de l’époque de Sésostris III (A. Mariette, Catalogue des statues égyptiennes du Moyen Empire, Paris, 1987, p. 48-50 ;
Karnak, op. cit., pl. 8 (s)). » H. Sourouzian, « Inventaire iconographique des statues en manteau jubi-
98 PM II 2, p. 107 ; A. Mariette, ibidem, p. 41, pl 8 (d) ; G. Legrain, « Notes laire », dans Hommages à Jean Leclant, I, op. cit., p. 513.
prises à Karnak », RecTrav 23, 1901, p. 63 ; P. Barguet, op. cit., p. 115, n. 2. 104 PM II 2, p. 109 ; A. Mariette, ibid., p. 45, pl. 8 (l) ; H. Gauthier, ibid.,
99 A. Mariette, Karnak, op. cit., pl. 8 (s) ; P. Barguet, op. cit., p. 154, n. 3 ; p. 49 [45,I] ; J. von Beckerath, ibid., p. 255 ; W. V. Davies, ibid., n° 37 ;
Fr. Le Saout, « Deux statues en quartzite du Moyen Empire », Karnak VIII, É. Delange, ibid., p. 22-23.
1987, p. 308-312. 105 PM II 2, p. 109, 180, 293 ; A. Mariette, ibid., p. 45, pl. 8 (n-o) : il attri-
100 PM II 2, p. 108 ; G. Legrain, Statues et statuettes, I, op. cit., p. 6-7, bue abusivement le bloc à Neferhotep Ier et Sobekhotep III ; H. Gauthier,
pl. III ; G. Maspero, Guide du visiteur du Musée du Caire, Le Caire, 1915, ibid., p. 25 [XIII] et 32 [V] ; W. Helck, op. cit., p. 30, n° 35 ; J. von
p. 113-114 ; H. G. Evers, Staat aus dem Stein, t. II, München, 1929, p. 92, Beckerath, ibid., p. 244.
fig. 24 ; A. Scharff, « Gott und König in Aegyptischen Graffenplastiken », 106 PM II 2, p. 110 ; G. Legrain, « Notes prises à Karnak - Une restau-
Studi in Memoria I. Rosellini, Pise, 1949, p. 310. ration de Tibère au sanctuaire d’Ousertesen Ier à Karnak », RecTrav 22,
101 PM II 2, p. 110 ; G. Legrain, « Notes d’inspection : Le roi Ouga-f », 1900, p. 63-64 ; G. Legrain, « Rapport sur les nouveaux travaux exécutés à
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 429
identifiable sur les photos anciennes. Il n’est pas la construction des superstructures. En effet, la lar-
impossible que, comme la stèle en calcaire, plusieurs geur du passage des portes (2 coudées mesurables sur les
de ces éléments aient été intégrés dans le radier au quatre seuils en granite de la cour) n’aurait pas permis au
moment de sa construction. Ce radier aurait ainsi socle en calcite d’y passer. Ce dernier n’a donc pu
servi de reliquaire à ces éléments consacrés mais être installé qu’après l’achèvement du radier mais
devenus encombrants. avant la construction des murs dans lesquels les
Ces remplois vraisemblablement votifs portes étaient ouvertes. Sa face arrière bien plane
sont habituels à Karnak, à toutes les époques. On mais grossièrement polie devait s’appuyer contre
peut citer le sous-sol de la cour séparant le Ve du un mur.
IVe pylône, où des statues osiriaques et un linteau
de Sésostris Ier ont été déposés dans la couche de 3.2. Les structures
sable supportant le radier de fondation du dallage en brique antérieures
de la cour sud. Une niche contenant une dyade de au radier calcaire
Neferhotep a également été posée, dans le sable, au
nord de la fondation de l’obélisque de la cour nord
Autour du radier
(pl. LXXI). Il ne faut pas oublier le temple « dit de
Montou » à Karnak-nord dont le soubassement est La couche de sable très épaisse (~ 80 cm) sur laquelle
constitué de blocs décorés en remploi 107. repose la fondation en grès vert des magasins du
pourtour du radier (pl. XXV) aurait semblé pro-
Le cas particulier du socle à escalier
longer, au même niveau, la première assise du
en calcite 108 au nom de Sésostris Ier
radier posée sur sa couche de sable si ces deux cou-
(pl. XV)
ches de sable n’étaient séparées par un épais empi-
Cette utilisation en remploi à l’intérieur du radier n’a lement de déchets de taille en calcaire, comme on
pas été le cas du socle à escalier 109 en calcite (supra, le voit au nord sur une photographie ancienne
1.8.), bien que les photos anciennes montrent ses frag- (pl. XXVII, XXVIII).
ments très profondément enfouis à l’est du seuil nº 4 Ce niveau commun (± 72,75) sur lequel a été
de ce radier. Cependant le martelage du nom d’Amon versée la couche de sable sous-jacente donne l’im-
prouve que ce socle était visible sous Akhenaton 110. pression que l’ensemble de la surface de la cour
Dans l’hypothèse où le socle en calcite était « dite du Moyen Empire » a été arasé au même
bien en place sur le radier calcaire, à l’est du seuil niveau (infra, 4.1.). Il est désormais important
nº 4, ses grandes dimensions ont obligé le cons- d’établir si cet arasement a été fait partout à la
tructeur à l’installer sur le sommet du radier avant même époque.
Louqsor à l’ouest du temple d’Amon, octobre 1916-mars 1917 », ASAE 17, mité. Ces trois blocs se raccordent d’une part entre eux, d’autre part avec
1917, p. 51 ; P. Barguet, op. cit., p. 155, n. 3. les deux blocs qui se trouvaient sur le sol, à cet emplacement même et que
107 A. Varille, Karnak-Nord I, FIFAO 19, Le Caire, 1943. j’avais dû faire repousser sur l’arasement du mur de l’est pour effectuer les
108 Supra, 1. 8 et L. Gabolde, « Le problème de l’emplacement primitif du fouilles… L’emplacement des fragments prouve qu’il était là, derrière le
socle de calcite de Sésostris Ier» Karnak X, 1995, p. 253-256. dernier seuil en granit… ».
109 H. Chevrier, ASAE 49, op. cit., p. 12-13 : « Continuant les fouilles de 110 Néanmoins, il sera expliqué plus loin les raisons pour lesquelles les
l’année passée, nous avons exploré la partie orientale de ce qui est main- monuments qui occupaient l’emplacement de la cour « dite du Moyen
tenant une cour, avec d’autant plus d’intérêt que P. Lacau avait remarqué Empire » ont pu être démolis par Amenhotep III. Ce dernier a très bien pu
qu’un bloc affleurait le sol…, nous avons tout de même mis au jour trois également commencer le démantèlement du radier calcaire qui les suppor-
fragments intéressants. Le bloc d’albâtre affleurant le sol comporte ce qui tait pour en extraire des remplois sur lesquels le nom d’Amon a été ensuite
reste d’un escalier à degré de faible hauteur, comparable à celui du monu- martelé par son successeur Akhenaton. Ceci expliquerait les martelages de
ment de Sésostris Ier, à sa gauche se trouvent deux colonnes de texte de la statue d’Amenhemat Ier et du socle en calcite, mais cette hypothèse reste
ce roi ; un autre bloc, cassé presque au ras de l’escalier, porte une seule difficilement vérifiable.
colonne. Enfin un troisième bloc, d’angle celui-là, fut mis au jour à proxi-
430 Karnak xii
111 J. Lauffray, « Les travaux du Centre Franco-Égyptien d’Étude des une chronologie absolue des structures in situ dont nous constatons la
Temples de Karnak, de 1972 à 1977 », op. cit., p. 21 : « Comme l’a juste- succession ».
ment noté H. Chevrier, avec aussi, par place, du sable gris de rivière bien 113 Observation de G. Charloux sur des photographies d’un sondage de
distinct de celui dont le fouilleur a recouvert le fond de son sondage en fin H. Chevrier (Cfeetk n° 100695-100697).
de chantier ». R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005 : « La base 114 G. Charloux, « Karnak au Moyen Empire… », op. cit., pl. X-XIII.
de ce radier repose sur un substrat limono-argileux recouvert d’une fine 115 H. Chevrier, « Travaux… », ASAE 49, op. cit., p. 259, pl. XIII : « À
croûte de sable cristallisé. La surface est parfaitement horizontale. Il s’est l’angle nord-est, on mettait au jour deux petits massifs carrés de briques
avéré impossible de déterminer si ce sédiment est un limon apporté par la crues (pl. XIII), dont la face extérieure correspond à l’alignement interne
crue ou s’il est d’origine anthropique. La texture macroscopique évoque du mur de la XVIIIe dynastie… Mais le travail fut repris au nord le long du
plutôt de la brique crue mais aucune structure de ce type ne permet de mur de la XVIIIe dynastie, pour voir si de semblables jalons existaient éga-
corroborer cette hypothèse ». C’est également l’avis d’archéologues spéci- lement là. On en a trouvé en effet, mais pas disposés de la même façon ».
alistes de la brique crue, comme Marie Millet et Josef Dorner, alors que 116 L. Gabolde, J.-Fr. Carlotti, E. Czerny, « Aux origines de Karnak :
l’examen par une équipe de géologues britanniques du carottage effectué les recherches récentes dans la « cour du Moyen Empire » », BSEG 23,
dans la partie sud-ouest du radier identifie ce substrat aux couches géo- 1999, p. 35-36 : « Cette plate-forme en grès a été signalée en 1904 par
logiques de limon. Au sud de la plate-forme, R. Mensan a traversé cette L. Borchardt, qui semblait l’assigner au Moyen Empire. Elle fut ensuite
couche limono-argileuse sur 70 cm d’épaisseur et une surface de 1,5 x 1,5 m fouillée une première fois par H. Chevrier qui, lui, ne la datait pas puis,
(jusqu’à l’altitude +72,05). Cette couche étant parfaitement homogène et en 1976-1979, par J. Lauffray qui en réalisa un nouveau dégagement et
ne contenant aucune intrusion, seule son analyse micro-morphologique en fit alors effectuer un relevé minutieux. Il la considérait comme pos-
permettra de définir s’il s’agit bien de briques compactées. térieure au Moyen Empire, mais antérieure au Nouvel Empire. Son
112 J. Lauffray, ibid. : « Presque partout, jusqu’à la couche cristalline, on examen semblait révéler plusieurs strates visibles de remblais. Enfin, des
trouve des intrusions de tessons romains et des fragments de la chapelle structures très anciennes de brique crue – déjà mentionnées, du reste, par
de granit de Philippe Arrhidée, même dans des zones laissées intactes par H. Chevrier – paraissaient avoir été aperçues au plus profond des sonda-
H. Chevrier. Les carriers et les chercheurs de trésor ont tellement bou- ges. Plus récemment, Th. Zimmer supposait que la plate-forme était l’élé-
leversé les stratifications que le matériel mobilier ne peut servir à établir ment le plus récent de la cour, mais ne lui donnait pas de date précise. » ;
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 431
de son assise inférieure montre que cette assise est du début du Nouvel Empire (pl. XXXIII, XXXIV).
construite de blocs en grès 117, à l’exception d’un Le relief est beaucoup plus plat que celui des monu-
long remploi en granite (sommet +73,78), tandis que ments de Sésostris Ier.
son assise supérieure est composée d’un pourtour de — Une plaquette en calcaire local décorée en creux
longs blocs en grès rouge encadrant des dalles en du pagne d’un dieu 122, et dont la nature diffère de
grès rouge ou en calcaire 118 (sommet +74,05). celui utilisé dans les monuments de Sésostris Ier ;
L’actuel lit d’attente de la plate-forme n’a pu — deux bases en grès rouge (Ø 105 cm) ayant supporté
servir d’assise de réglage à une quelconque élévation des colonnes octogonales (Ø 57cm) ;
puisqu’il présente de nombreux ressauts et des joints — une double table à libation en calcaire 123
très larges ainsi que des détails de construction habi- (pl. XXI).
tuellement cachés, comme une mortaise pour cram-
Sa fondation en galets
pon. Cette plate-forme était en réalité entièrement
(pl. XXX- XXXI)
recouverte par la cinquième assise du radier en cal-
caire, puis par la sixième assise qui servait à la fois de La plate-forme recouvre exactement un remblai
dallage et d’assise de réglage des superstructures 119. versé dans une sorte de caisson. Sur les trois côtés
Cette plate-forme semble donc n’avoir servi est, nord et sud de la plate-forme, une stratigraphie
qu’à recycler quelques éléments démantelés de régulière de deux couches superposées a été obser-
monuments antérieurs, dont certains ont pu être vée sur environ 70 cm d’épaisseur, soit, du bas vers
observés 120 : le haut 124 :
— une plaquette en calcaire local 121 décorée en relief — un remblai (h : ~ 60 cm), contenant de rares tessons 125,
d’un personnage regardant derrière lui et dont la tête mêlant du sable gris terreux à de petits galets irrégu-
est placée sous la bordure horizontale qui supporte liers (Ø 0,5 à 4 cm) semblant provenir d’un fond de
habituellement une frise de khekerous : la nature du ouadi 126. Ce remblai repose sur la surface plane mais
calcaire utilisé ainsi que le style de la gravure per- pas tout à fait horizontale (+72,71 sous l’angle nord-ouest
mettent d’attribuer cette plaquette à un monument de la plate-forme, +72,91 sous son angle sud-est) d’un substrat
cf. R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005, p. 3-6 : les sondages ayant attribué le style de la gravure au début du Nouvel Empire, il serait
autour de la plate-forme. utile d’examiner à nouveau l’autre plaquette, déposée au Cheikh Labib,
117 L. Gabolde, J.-Fr. Carlotti, E. Czerny, ibidem, p. 38 : « Qu’il s’agisse gravée en creux de la ceinture d’un dieu.
de remplois ou de blocs apparemment neufs, tous sont taillés dans un 122 L. Gabolde, J.-Fr. Carlotti, E. Czerny, ibidem, p. 40-44 : le dieu est
même grès de couleur gris-rose à rouge sombre. C’est le grès de la colon- identifié à Atoum.
nette au nom d’Antef II, celui utilisé au temple de Mentouhotep à Deir 123 J. Lauffray, op. cit., p. 22, fig. 7.
el-Bahari ou encore celui employé au temple primitif de Médinet Habou. 124 J. Lauffray, ibidem ; L. Gabolde, J.-Fr. Carlotti, E. Czerny, idem, p. 45-
Il est totalement distinct du grès jaune ou brun employé au Nouvel 46 ; R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005.
Empire ». 125 R. Mensan, ibidem. Quatre blocs en calcaire bien jointoyés au plâtre
118 J. Lauffray, op. cit., p. 21 : « Ces dalles incluent des remplois : au centre ont été soulevés au nord de la canalisation. Visible dès l’altitude +73,41,
une double table à libations, vue par H. Chevrier ; au nord, une partie le remblai en galet a été tamisé sur une surface de 30 x 60 cm et une
d’une figure royale et un fragment de texte ». hauteur de 70 cm jusqu’au substrat limono-argileux, à l’altitude +72,71.
119 L. Gabolde, J.-Fr. Carlotti, E. Czerny, ibidem, p. 39, n. 17 : « C’était Aurélia Masson et Marie Millet ont examiné les rares tessons qu’elles
déjà plus ou moins l’avis de H. Chevrier (ASAE 47, p. 176) qui y voyait datent, sous réserve d’en examiner davantage, de la fin du Moyen Empire
seulement des fondations et dans une certaine mesure, celui de Lauffray et de la Seconde période intermédiaire.
(Karnak VI, p.18-26) qui reconnaissait dans l’assise du haut une supers- 126 La mince couche de plâtre, observée par L. Gabolde et J-Fr. Carlotti,
tructure du fait que ses faces latérales avaient été soigneusement dressées ». dans laquelle se sont incrustés les galets du remblai, n’existe pas au sud de
120 Ibidem, p. 39-45. la plate-forme. Les plus gros des galets se sont déposés naturellement par
121 Cette plaquette était encastrée au plâtre dans l’assise supérieure de la gravité au fond du caisson. Le remblai de galets a pu servir aussi bien à
plate-forme, le long du podium nord d’Hatshepsout. Ses nombreux frag- drainer l’eau d’infiltration coulant de la surface qu’à limiter les remontées
ments ont été assemblés par le restaurateur Sa’adi. La bordure supérieure capillaires de la nappe phréatique.
est simplifiée puisque qu’elle ne possède que deux lignes inférieures gra-
vées alors qu’habituellement il y en a quatre. Les deux roseaux sont égale-
ment très schématique, sans aucun détail. N. Grimal et M.-D. Martellière
432 Karnak xii
127 H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak », ASAE 47, 129 J. Lauffray, op. cit., p. 21.
1948, p. 177 : « Sous l’assise inférieure de la plate-forme, soit que toute 130 Le remblai a pu être entaillé pour poser la seconde assise du radier. Les
l’infrastructure soit en briques crues, soit qu’un muret ait été établi pour galets ont aussi pu être versés en deux étapes : la première jusqu’au sommet
éviter que le sable ne coule ». du bourrelet et la seconde, après la pose de la seconde assise. Il semble
128 G. Charloux, « Karnak au Moyen Empire… », op. cit., pl. X-XIII. y avoir une mince couche de sable jaune dans le joint vertical séparant
Des vestiges de ces briques crues ont été observés autour de la cour, sous l’assise du remblai.
les fondations en grès des magasins du pourtour du radier. 131 L. Gabolde, J.-Fr. Carlotti, E. Czerny, « Aux origines de Karnak… »,
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 433
op. cit., p. 38. lage de la cour sud. Une niche contenant deux statues de Neferhotep a
132 L’analyse micro-morphologique du substrat limono-argileux permet- également été posée, dans le sable, au nord de la fondation de l’obélisque
tra de savoir s’il ne serait pas lui-même fait de briques crues compactées de la cour nord.
par les crues successives. 134 C. Graindorge, « Les monuments d’Amenhotep Ier à Karnak », Égypte,
133 Supra, 3.1. Le radier calcaire. Éléments épars d’architecture : des sta- Afrique et Orient n°16, 1999 : sur les parements internes des murs écrans
tues osiriaques en grès et un linteau de Sésostris Ier en calcaire ont été d’Amenhotep Ier, un naos en bois abrite la barque portative.
déposés dans la couche de sable supportant le radier de fondation du dal-
434 Karnak xii
135 P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak…, op. cit., p. 155-156. du côté sud, ce qui laisse penser que la fondation de ces chapelles a été
136 Une disposition semblable est en place dans les magasins nord de entreprise pendant la co-régence. En avril 2006, il a découvert un autre
Thoutmosis III et les magasins sud de l’Akh-menou. Cl. Traunecker remarque dépôt de fondation, sous l’angle formé par la clôture ouest du VIe pylône
que ce système est connu dès l’Ancien Empire dans des endroits sans aucun et la première des chapelles sud. Ce dernier comprend neuf cartouches
problème d’humidité. Il imagine un stockage rationnel avec un espace bas en or et une centaine en fritte, tous au nom de Thoutmosis III, ainsi que
pour certaines denrées et plus haut et mieux éclairé pour d’autres. d’innombrables colonnettes également en fritte.
137 Un dépôt de fondation aux deux noms d’Hatshepsout et de 138 Senmout semble être cet architecte, comme l’indiquerait son nom
Thoutmosis III a été découvert par R. Mensan sous la chapelle orientale inscrit sur les blocs des fondations autour du dépôt de fondation.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 435
intérieur n’ait pas été découpée a laissé supposer — Différence de fondation entre le mur externe
l’accroche d’un mur contemporain perpendiculaire des magasins du pourtour et son extension
qui aurait disparu au moment de la construction du vers l’ouest
mur ouest de la clôture du VIe pylône. Le dallage de Ce mur externe et son extension étaient posés sur
la première chapelle à l’ouest a été démonté, ce qui a deux fondations bien différentes, celle du mur
permis à R. Mensan 139 d’observer les cinq assises de externe étant faite de seulement deux assises en grès
fondation en grès vert (h : 190 cm) contre laquelle vert posées sur une épaisse couche de sable alors que
s’appuient, à angle droit, les trois assises de fonda- celle de son extension comporte cinq assises, égale-
tion en grès blanc de la clôture ouest du VIe pylône ment en grès vert, et posées sur une mince couche
et les deux assises de fondation — également en grès de sable (pl. XXXVIII) :
blanc — du mur de refend séparant la première de — sous l’angle sud-est de la chapelle de
la seconde chapelle. La fondation en grès vert est Thoutmosis III, la plus à l’est 141 : le joint du pare-
constituée de cinq assises faites de petits blocs dont ment nord entre ces deux fondations différentes y
la mise en œuvre est semblable à celle des assises du a été dégagé par R. Mensan qui observera prochai-
radier en calcaire. Posée sur une couche de sable, la nement son parement sud.
première assise est nettement séparée de la seconde — À l’extrémité ouest du couloir menant à l’Akh-
par une épaisse couche de sable, comme cela a éga- menou 142 : le parement sud de seulement quatre
lement été observé dans le radier calcaire et dans la des cinq assises de fondation y a été dégagé par
fondation des Ve et VIe pylônes. Le long de la pre- G. Charloux.
mière assise de fondation de la clôture ouest, des Cette différence entre les fondations est
petits fragments en calcaire local, décorés dans le également marquée par la dimension des blocs en
style d’Amenhotep Ier, sont mélangés à des déchets grès de l’assise de réglage du mur externe qui est
de taille en grès vert 140. Ces derniers proviennent supérieure à celle des blocs de son extension vers
probablement du découpage du débord intérieur de l’ouest. Certains blocs de l’extension étaient en cal-
l’assise de réglage de la fondation en grès vert tandis caire, comme le montrent les quelques moignons
que les fragments en calcaire proviennent sûrement encore en place 143, et surtout les nombreux empla-
du démontage des monuments d’Amenhotep Ier qui cements vides de l’assise de réglage. Cette disconti-
étaient construits à cet endroit. nuité de surface fait apparaître un joint séparant les
Aucune accroche de fondations chaînées petits blocs à l’ouest du premier des grands blocs à
perpendiculairement à l’extension vers l’ouest du l’est. Cependant, ce joint est un leurre car il ne se
mur externe des magasins n’ayant été remarquée le prolonge pas dans les assises inférieures alors que
long de son débord découpé, il semblerait qu’aucun le véritable joint est visible sur le côté oriental du
mur de partition n’existait ici avant les chapelles de premier des grands blocs. Il sépare la fondation de
Thoutmosis III. Cela devra être néanmoins vérifié l’extension vers l’ouest, à cinq assises, de celle de
par de nouveaux sondages sous le dallage des cha- l’est qui en a seulement deux. Cette différence dans
pelles, car il est tout aussi possible que ces murs de la construction des fondations semble démontrer
partition aient été démontés proprement. que le mur externe et son extension n’ont pas été
construits en même temps 144. Il est possible que
139 R. Mensan, sondage Cfeetk, mars 2006. 143 Leur nettoyage n’a montré aucun remploi décoré.
140 Un des fragments appartient à un décor en creux de grand module 144 Il est possible que la fondation de cinq assises se prolongeait autrefois
qui pourrait provenir du bandeau de couronnement d’un mur externe. tout autour du radier et qu’elle ait été remplacée, dans la même tranchée,
141 R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005. par une fondation faite de deux assises seulement, une épaisse couche de
142 G. Charloux, « Deux sondages dans le second déambulatoire sud sable ayant été substituée aux trois assises inférieures.
de la Zone Centrale du Grand Temple d’Amon-Rê », à paraître dans
Karnak XIII.
436 Karnak xii
la fondation à deux assises des magasins du pour- Au nord de la clôture ouest du VIe pylône, a été mis
tour ait remplacée une fondation primitive à cinq au jour le joint entre la clôture nord du Ve pylône et
assises dont l’extension vers l’ouest serait le seul l’extension vers l’ouest du mur externe des magasins
vestige conservé. Cette hypothèse repose sur deux du pourtour du radier. Les informations suivantes
observations : sont apparues :
— l’extrémité orientale de la fondation à cinq assises — la clôture nord du Ve pylône est postérieure à l’ex-
ne tournant à angle droit ni vers le nord, ni vers tension, ce que montrent deux tranchées de fonda-
le sud, elle devait logiquement se prolonger encore tion distinctes ;
plus vers l’est ; — la fondation de la clôture nord du Ve pylône est
— le périmètre de la fondation à deux assises des constituée à cet endroit de deux épaisses assises en
magasins du pourtour repose sur une très épaisse grès vert surmontées d’une plus mince qui sert de
couche de sable versée dans une tranchée. Il faudrait seuil à la porte de la cour nord ;
vérifier si ce sable n’a pas été installé au fond de la — la fondation de l’extension est constituée de trois
tranchée de la fondation primitive de façon à pren- minces assises en grès vert posées sur une épaisse
dre la place de ses trois assises inférieures. couche de sable (h : 1 coudée). L’ensemble est ins-
tallé dans une profonde tranchée de fondation haute
Extension de la fondation du mur
d’environ 190 cm.
externe des magasins du côté nord
On constate une dissymétrie entre le côté
Au nord, la fondation de l’extension du mur externe nord, avec une fondation continue à deux ou trois
des magasins nord a été fouillée à ses deux extrémités assises, et le côté sud, avec deux fondations juxta-
par G. Charloux 145 . Contrairement au sud, aucun posées, celle à cinq assises étant antérieure à celle à
joint entre deux fondations différentes n’ayant été deux ou trois assises.
observé, le côté nord possède un unique système de
fondation à deux ou trois assises en grès vert posées 4.3. Le passage sud entre
sur une épaisse couche de sable. les magasins du pourtour
Au nord du podium d’Hatshepsout, la fon- du radier et leur
dation de l’extension vers l’ouest du mur externe extension vers l’ouest
des magasins du pourtour du radier est composée,
de part et d’autre de la canalisation, de deux assises Au sud du podium d’Hatshepsout, le nettoyage
en grès vert posées sur une épaisse couche de sable. d’un ancien sondage 146 a remis au jour deux
Les fouilles sous les chapelles de Thoutmosis III ont courtes fondations parallèles entre elles et dont
permis d’identifier les vestiges de plusieurs fonda- les extrémités sud sont chaînées perpendiculaire-
tions en grès vert, perpendiculaires ou parallèles à ment à la fondation du mur externe des magasins
l’extension vers l’ouest du mur externe des maga- du pourtour du radier (pl. XXXVIII, LXXXVII-
sins du pourtour du radier. Les murs qui reposaient LXXXVIII).
sur ces fondations ont probablement été détruits
L’encastrement d’un seuil
par Hatshepsout au moment de la construction du
podium. Certaines fondations en grès vert ont été Entre ces deux extrémités sud, l’assise de réglage de
réutilisées comme fondation des nouvelles chapel- ce mur externe a été découpée pour y encastrer un
les en grès de Thoutmosis III alors que les autres seuil, probablement en granite. Les extrémités nord
ont été partiellement arasées pour laisser la place au des deux courtes fondations n’étant pas reliées par
dallage de ces mêmes chapelles. une fondation perpendiculaire, aucun mur n’a pu
145 G. Charloux, « Karnak au Moyen Empire… », op. cit., pl. II-IV. Un clôture ouest du VIe pylône.
sondage a été entrepris par G. Charloux, en mai 2006, juste au nord de la 146 Sondage de M. Azim en 1984, rapport Cfeetk.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 437
exister à cet endroit, ce qui implique que l’espace 4.4. Datation des
entre ces fondations courtes et le seuil a probable- fondations des magasins
ment été occupé par un étroit passage à ciel ouvert. du pourtour du radier
L’existence de ce passage encadré par ces deux murs
parallèles en calcaire est confirmée par les vestiges La fondation du mur ouest du passage est consti-
des blocs en grès qui ont servi à restaurer leur partie tuée de deux assises superposées, l’inférieure étant
basse. Ces blocs et les découpes nécessaires à leur faite de blocs en calcaire et la supérieure, de blocs en
encastrement dans l’assise de réglage des fondations grès vert (pl. XXXVIII).
indiquent l’emplacement des tableaux du passage
L’assise supérieure
(l : ~ 2 coudées).
Cette assise a servi de réglage à l’élévation du mur
La première fondation courte
ouest du passage. Elle est construite de blocs peu
Celle de l’est supportait le mur dont le parement épais et juxtaposés en grès vert, à l’exception de son
oriental formait le petit côté ouest du magasin qui extrémité nord qui est constituée de deux blocs en
occupait l’angle sud-ouest du pourtour du radier, calcaire dont le lit d’attente est surélevé de 3 cm.
et dont le parement ouest formait le côté oriental L’extrémité sud de cette assise est perpendi-
du passage. Posée sur une couche de sable (ép : envi- culaire au joint que forme le mur externe des maga-
ron 30 cm) et constituée de deux assises en grès vert, sins du pourtour du radier avec son extension vers
cette fondation est chaînée perpendiculairement au l’ouest. Sur son côté oriental, cette extrémité sud
mur externe. Sa tranchée de fondation a été creu- est bien chaînée au mur externe des magasins alors
sée dans un mur antérieur en brique (M2), orienté que son côté ouest semble simplement juxtaposé à
également nord-sud, et dont subsiste une tranche son extension vers l’ouest, extension contre laquelle
épaisse de 20 cm sans que son parement ouest ait s’appuyaient les chapelles de Thoutmosis III. Dès
pu être identifié 147. l’Antiquité, le débord oriental de l’assise de réglage
a été entaillé afin d’y encastrer les blocs de restau-
La seconde fondation courte
ration en grès qui plaquaient la base du parement
Elle est placée parallèlement, quatre coudées à l’ouest oriental en calcaire du mur, celui tourné vers le pas-
de la précédente. Elle supportait un mur mince de sage. Au contraire, le débord ouest n’a pas eu besoin
longueur égale au précédent. Son parement orien- d’être restauré puisqu’il était caché par la chapelle
tal formait le côté ouest du passage alors que son adossée de Thoutmosis III.
parement ouest a servi d’appui au petit côté oriental
L’assise inférieure
de la première chapelle sud de Thoutmosis III. Les
vestiges d’une fondation perpendiculaire existent Cette assise est simplement juxtaposée à l’assise
toujours vers l’ouest, sous le dallage du couloir lon- inférieure du mur externe des magasins du pour-
geant le podium d’Hatshepsout, l’élévation du mur tour du radier, sans que leurs lits d’attente ni de
ayant été détruite au moment de la construction pose ne soient au même niveau 148. L’assise infé-
de ce podium. Ce mur se poursuivait vers l’ouest rieure du mur ouest du passage est constituée
vraisemblablement jusqu’à la cour sud du Ve pylône d’au moins six blocs de remplois d’Amenhotep Ier
(pl. XXXV-XXXVII). en calcaire 149 qui ont été juxtaposés sur une cou-
che de limon pur, épaisse de 15 cm (pl. XL). Ce
limon repose sur un très mince remblai de sable
qui a été versé au fond de la tranchée de fonda-
147 R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005, p. 7. à l’angle sud-est du siège d’intronisation d’Amon (sondage Ti).
148 G. Charloux, « Deux sondages… », op. cit. Une différence de niveau 149 Quatre parements sont décorés, deux faisant face à l’est et un à l’ouest,
semblable a été observée entre deux murs perpendiculaires contemporains, tandis que deux cartouches d’Amenhotep Ier ont été identifiés sur un
438 Karnak xii
tion du mur 150. Cette même couche de limon pur L’extrémité orientale de la rangée des chapelles fon-
se poursuit sous les blocs de l’assise inférieure du dées sous la corégence a été adossée contre le mur
mur externe des magasins du pourtour du radier. ouest du passage. Cet appui empêche aussi bien
Ici, le limon y a été posé sur le sommet de l’im- Hatshepsout que Thoutmosis III d’être les cons-
posante couche de sable (80 cm) qui a été versée tructeurs du passage lié aux magasins du pourtour
dans une profonde tranchée de fondation. Cette du radier. Entre le règne d’Amenhotep Ier, dont des
même couche de limon monte également dans le blocs ont été remployés dans la fondation du pas-
joint entre les deux assises perpendiculaires. Cette sage, et celui d’Hatshepsout-Thoutmosis III, dont
disposition commune (sable + limon pur) aux les chapelles s’appuient sur le mur ouest de ce pas-
deux fondations perpendiculaires confirme leur sage, il semble que le probable constructeur soit
construction simultanée, ce qui était déjà prouvé Thoutmosis Ier 152.
par le chaînage de leurs assises de réglage. Comme
pour l’assise supérieure, l’assise inférieure de ce 4.5. Datation des
mur ouest du passage semble aussi juxtaposée avec fondations de l’extension
l’extension vers l’ouest du mur externe des maga- vers l’ouest du mur
sins du pourtour du radier. externe des magasins
La position et la date des remplois
Au sud, dans le sondage de la chapelle la plus orien-
en calcaire
tale de Thoutmosis III, deux fondations différentes
Les blocs en calcaire remployés dans l’assise infé- ont été observées, l’une sous le mur externe des
rieure de la fondation du mur ouest du passage magasins, et l’autre sous son extension vers l’ouest :
(pl. XL) ont un décor identique à celui des petites — à l’est, sous le mur externe, trois assises en grès
chapelles d’Amenhotep Ier et deux cartouches de ce vert sont posées sur une épaisse couche de sable,
roi ont été identifiés sur l’un des blocs. Ces remplois leurs hauteurs cumulées approchant 190 cm ;
indiquent que ces chapelles d’Amenhotep Ier étaient — à l’ouest, sous l’extension, cinq assises en grès vert
démontées au moment de la construction du passage occupent la même hauteur jusqu’à l’angle avec la
lié aux magasins du pourtour du radier et des chapel- clôture du VIe pylône.
les qui les prolongeaient vers l’ouest.L’attribution 151 Contrairement au sud, le côté nord possède
à Amenhotep Ier de ces magasins était liée à l’hypo- un unique système de fondation à trois assises en
thèse de plusieurs étapes de construction sous son grès vert posées sur une épaisse couche de sable (h : 1
règne, ces magasins ayant alors été construits pos- coudée), aucun joint entre deux fondations différen-
térieurement à leur extension vers l’ouest. Les deux tes n’ayant été observé dans l’extension vers l’ouest
systèmes observés dans les fondations confirment du mur externe des magasins nord. L’ensemble est
bien ces deux étapes, mais il semble bien improbable installé dans une profonde tranchée de fondation
qu’Amenhotep Ier ait fait démolir ses propres cons- haute d’environ 190 cm. Une fondation identique
tructions. En revanche, il est beaucoup plus vrai- avait déjà été observée par G. Charloux sous la cha-
semblable d’attribuer la fondation des magasins du pelle de Thoutmosis III, la plus à l’est, de part et
pourtour du radier à l’un de ses successeurs. d’autre de la canalisation.
parement caché dans un joint, ce qui confirme la datation proposée par conservée : 60 cm, L conservée : 8 coudées, l : 2 coudées) et dont le symé-
C. Graindorge. Sur certains parements, les scènes semblent identiques à trique a été observé au nord du podium d’Hatshepsout ».
celles des petites chapelles d’Amenhotep Ier. En particulier, un bloc rem- 151 C. Graindorge, « Les monuments d’Amenhotep Ier à Karnak », op. cit.,
ployé dans le couloir a un parement lisse, à fruit, alors que l’autre parement p. 27-36, plan 1.
est décoré de deux personnages caractéristiques du décor de ces petites cha- 152 Hatshepsout ayant coupé la canalisation au moment de la construction
pelles (L : 46, p : 63, 5, h : 52 cm). de son podium, elle ne peut être l’auteur de ces magasins. Thoutmosis II
150 R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005, p. 7 : « Cette tran- aurait pu les construire mais son règne est très court. Cette attribution de
chée entaille largement un mur en brique crue M1 orienté nord-sud (h la construction des magasins du pourtour du radier à Thoutmosis Ier a déjà
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 439
On constate une dissymétrie entre le nord, avec une lit d’attente étant placé au niveau de celui de l’assise
fondation continue à trois assises, et le sud, avec inférieure de la fondation du mur ouest du passage,
deux fondations juxtaposées, celle à cinq assises il est tentant d’y voir sa continuation à angle droit
étant antérieure à celle à trois. Il est tentant d’at- et d’y restituer une assise supérieure en grès vert sur
tribuer à Amenhotep Ier cette fondation 153 de cinq laquelle aurait reposé un mur perpendiculaire au
assises alors qu’il est probable que celle à deux ou mur ouest du passage.
trois assises a été construite par Thoutmosis Ier. Ce
L’assise inférieure en grès
dernier a peut-être entièrement démontée la fonda-
tion à cinq assises qui aurait occupé l’emplacement Plus à l’ouest dans le couloir, ces remplois en cal-
des magasins du pourtour du radier et de son exten- caire ont disparu, ce qui laisse apparaître une assise
sion nord alors qu’il aurait gardé celle de l’exten- en grès vert faite de gros blocs alignés est-ouest et
sion sud. L’épaisse couche de sable versée sous sa posés sur une couche de sable (+72,85). Ces blocs
nouvelle fondation aurait alors remplacé les deux constituent la première assise de la fondation d’un
premières assises de la fondation primitive. mur qui était parallèle à l’extension vers l’ouest
du mur externe des magasins sud du pourtour du
4.6. Quatre fondations radier. Un sondage dans la cour sud du VIe pylône
successives sous le permettrait de voir si cette assise s’y poursuivait.
couloir au sud du podium Cette assise en grès a probablement été réutili-
d’Hatshepsout sée pour fonder l’assise composée de remplois
d’Amenhotep Ier (assise décrite précédemment)
À l’extrémité orientale du couloir longeant le côté lorsque, en même temps que les magasins du pour-
sud du podium d’Hatshepsout, trois dalles en grès tour du radier, Thoutmosis Ier fit construire le mur
ont été provisoirement déplacées. Sous les cou- ouest du passage et son retour perpendiculaire vers
ches de déchets de taille et de sable sur lesquelles l’ouest. À l’exception de ceux de l’angle, tous ces
Thoutmosis III a posé ce dallage, sont apparues des remplois en calcaire ont probablement disparu au
structures sous-jacentes inconnues et superposées moment de la pose du dallage du couloir qui longe
(pl. XXXV-XXXVII). De haut en bas, on y voit : le podium.
été proposée par Th. Zimmer dans J.-M. Kruchten, Les annales des prêtres disparue à cet endroit.
de Karnak…, op. cit., p. 6. 155 Le décor gravé sur ces blocs indique qu’ils proviennent des petites
153 C. Graindorge, ibidem, p. 27-36, plan 1. Des fragments en calcaire chapelles d’Amenhotep Ier, leur emplacement supposé étant celui des cha-
local décorés dans le style d’Amenhotep Ier ont été découverts le long pelles actuelles de Thoutmosis III. Leur remploi indique que les petites
de cette fondation en grès vert, dans le sondage effectué par R. Mensan, chapelles ont été détruites au moment de la construction des magasins du
en mars 2006. pourtour du radier.
154 Le lit d’attente de ces six blocs en calcaire (dont trois sont décorés) 156 R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005, p. 6-8.
semble trop élevé pour avoir servi de support à la suite de la canalisation,
440 Karnak xii
157 G. Charloux, « Karnak au Moyen Empire… », op. cit., pl. II. 159 Ce sont peut-être les vestiges des fondations des chapelles d’Amenho-
158 R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005 : la fouille du secteur tep Ier, celles dont les blocs ont été remployés dans l’angle de la fondation
a mis au jour un dépôt de fondation datant de la co-régence d’Hatshep- des constructions de Thoutmosis Ier.
sout – Thoutmosis III.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 441
160 G. Charloux, « Une canalisation en grès du début de la XVIIIe dynas- la canalisation repose sur le mur M1 alors que le joint oriental repose sur
tie… », op. cit., pl. I et IV. la couche 159001. La colonnette d’Antef a été découverte sous le bassin, à
161 Cf. note 86. l’altitude +72,90, dans la couche 159001 remaniée.
162 R. Mensan, rapport préliminaire Cfeetk, 2005 : Le joint ouest de
442 Karnak xii
sise intermédiaire. La première assise est posée sur liée au môle sud du Ve pylône. À l’est, une seconde
une épaisse couche de sable versée dans une fosse porte s’ouvre dans la moitié sud du mur de clôture
creusée dans une ancienne structure en brique crue oriental 165. Une porte intermédiaire, dont la fonda-
qui est fondée à l’altitude 71,75 m au fond d’une tion a été découverte par G. Charloux, dans le pro-
profonde tranchée. Cette épaisse couche de sable longement du mur oriental du « siège d’intronisation
semble ne pas exister sous le jambage nord de la d’Amon », pourrait également être contemporaine
porte axiale. des deux autres portes.
Ces trois portes permettaient un passage
5.1. La clôture liée au direct du couloir de service vers l’extérieur du tem-
Ve pylône (pl. LXXVI, LXXVII) ple, aussi bien par l’est que par l’ouest. Sur son côté
nord, le couloir de service permettait aussi d’ac-
Cette clôture est composée de quatre murs perpen- céder directement aux magasins du pourtour du
diculaires entre eux. Elle délimite un vaste espace radier grâce à la porte ouverte à la jonction entre ces
rectangulaire qui comprend aujourd’hui les cons- magasins et leur extension vers l’ouest. Ce passage
tructions suivantes : à l’ouest, le VIe pylône et ses fait actuellement face à l’angle sud-est du podium
cours, les salles d’Hatshepsout sur leur podium, à d’Hatshepsout.
l’est, le radier et les magasins de son pourtour attri- Le couloir de service nord : sa porte
bués à Thoutmosis Ier, et au sud, le couloir de ser- ouest s’ouvre dans la moitié nord du mur de
vice 163. Le mur de clôture occidental est divisé en clôture ouest, celle qui est liée au môle nord du
deux par le Ve pylône. Chaque moitié est liée d’un Ve pylône.
côté à un môle du pylône et de l’autre soit au mur À l’est, ce couloir aboutit à une porte ouvrant
de clôture nord soit au mur de clôture sud. Le mur dans la moitié nord du mur de clôture oriental.
de clôture oriental est perpendiculaire aux murs de L’extrémité ouest du couloir est divisée en deux
clôture nord et sud. Sous Thoutmosis III, l’Akh- pièces à colonnes par deux murs parallèles percés
menou s’est appuyé contre le parement est de ce mur chacun d’une porte.
de clôture oriental. Le mur le plus à l’ouest est probablement
contemporain du Ve pylône et de sa clôture car il
Les deux couloirs de service
conserve encore des plaquettes de restauration en
Le couloir de service sud : le mur de clôture méri- grès, typiques d’une construction primitive en cal-
dional est déporté vers le sud puisqu’il est plus éloi- caire. L’autre mur n’étant constitué que de blocs en
gné de l’axe est-ouest que le mur de clôture nord. grès, il est probablement postérieur.
La surface supplémentaire ainsi créée, entre le mur À l’époque de la construction du Ve pylône,
de clôture sud et les magasins sud du pourtour du trois portes permettaient ainsi un passage direct du
radier, est occupée par un long couloir ouest-est couloir de service nord vers l’extérieur du temple,
desservant sur son côté sud une série de pièces qui aussi bien par l’est que par l’ouest.
pourraient être liées soit à d’autres cultes, soit à l’ad-
Les particularités de fondation
ministration du temple ou bien à des réserves et des
des angles sud-ouest et nord-ouest
stockages précieux.
de la clôture (pl. LXXXIX)
À l’ouest, on entre dans ce couloir de service
par une première porte 164, percée dans la moitié Ces particularités ont été observées dans deux son-
méridionale du mur de clôture ouest — celle qui est dages creusés à l’angle droit des deux fondations :
163 Le côté nord de ce couloir longe le mur externe des magasins sud du dans le mur plaqué dans la cour sud du IVe pylône.
pourtour du radier. Son côté sud est bordé d’un alignement de salles avec 165 Le parement oriental de cette porte a été doublé par la porte sud de
ou sans colonnes. Il sert actuellement de voie d’accès à l’Akh-menou. l’Akh-menou.
164 Le parement ouest de cette porte a été doublé par la porte ouverte
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 443
— au sud, le sondage a été creusé le long de l’angle Le fait que deux fondations perpendiculaires repo-
externe des deux fondations 166 (3,5 x 1,5 m ; h : 1,8 m) ; sent sur une couche de sable versée dans deux tran-
— au nord, le sondage a été creusé le long de l’angle chées distinctes et creusées à des profondeurs diffé-
interne des deux fondations 167 (3 x 1 m ; h : 2 m) : bien rentes, aurait pu laisser imaginer que les trois murs
que la nappe phréatique ait empêché d’atteindre le (nord, est et sud) de la clôture du Ve pylône avaient
fond de la tranchée de fondation, des différences été construits après le mur de clôture ouest. Or, une
semblables à celles du sud ont été observées dans l’an- configuration identique a été observée aux angles du
gle interne des deux fondations perpendiculaires. Trésor de Thoutmosis Ier à Karnak-nord. Toutes les
De part et d’autre des môles du Ve pylône, fondations de ce Trésor étant bien contemporaines, il
la fondation du mur de clôture occidental est est alors vraisemblable qu’à Karnak, les quatre murs
construite de trois minces assises en grès vert alors de la clôture ont été construits en même temps que
que celle des murs de clôture nord et sud est faite le Ve pylône. Thoutmosis Ier étant le constructeur
de seulement deux assises du même grès vert, mais des colosses et des péristyles des cours du Ve pylône
plus épaisses. La première assise de chacune de ces et, par conséquent, du pylône, il doit être aussi celui
deux fondations perpendiculaires repose sur une de sa clôture.
couche de sable. Le sable a été versé au fond de
La datation de la clôture par le
deux tranchées perpendiculaires qui sont bien dis-
passage d’une canalisation dans la
tinctes et creusées à des niveaux différents, la tran-
fondation du mur de clôture nord
chée du mur de clôture occidental étant environ
35 cm plus profonde que celle des murs de clôture Cette attribution semble bien être confirmée par un
nord et sud 168. curieux aménagement découvert en 2004 171 dans la
Cette différence en fondation se répercute fondation du mur de clôture nord, fondation à tra-
sur l’assise de réglage des deux murs. vers laquelle un petit tunnel transversal a été amé-
Dans l’angle nord-ouest, l’assise de réglage du nagé. De part et d’autre de la fondation, les extrémi-
mur de clôture ouest (+74,31) est 11 cm plus bas que tés de ce tunnel se raccordent à une canalisation qui
celle du mur de clôture nord 169 (+74,42). Dans l’angle est contemporaine des magasins 172 du pourtour du
sud-ouest, il faut aussi remarquer le tracé de pose qui radier, comme l’a montré le sondage de G. Charloux.
est gravé sur l’extrémité sud de l’assise de réglage du Ces magasins ayant été datés de Thoutmosis Ier
mur de clôture ouest. Ce tracé semble indiquer la grâce au remploi de blocs d’Amenhotep Ier dans la
continuité du parement oriental du mur de clôture fondation du passage vers le couloir de service, cette
ouest jusqu’à sa rencontre avec son parement sud, canalisation et, par conséquent, le petit tunnel, leurs
sans tenir compte du mur de clôture sud 170. sont contemporains. Cette canalisation s’est arrêtée
166 R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005, p.2-3, sondage S156 : assises décalées jusqu’au lit d’attente de l’assise de réglage.
une partie du parement sud des deux fondations perpendiculaires a été mis 170 J. Jacquet, op. cit.., p. 118 : « Lorsque l’extrémité d’une ligne devait
au jour en décembre 2004, sur une hauteur de 1,80 m, jusqu’au fond de la servir de point de départ à une autre ligne perpendiculaire pour former
tranchée de fondation. L’espace libre entre la tranchée de fondation et les un angle, la première était étendue au-delà de la longueur nécessaire. C’est
assises en grès vert a été rempli du même remblai dans les deux tranchées : ce que nous observons sur les fondations du mur de pourtour à partir de
une couche (ép. : 70 cm) de sable mélangé à des déchets de taille en grès l’angle sud-ouest de la porte monumentale et que nous pouvons suivre,
vert est posée sur une couche (ép. : 60 cm) de sable jaune. bien qu’incomplètement, jusqu’à l’angle sud-est du monument. »
167 J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, « Nouvelles données sur la Ouadjyt », 171 G. Charloux, « Une canalisation en grès du début de la XVIIIe dynas-
Karnak XI, 2003, p. 256-257, fig. 1 à 3. tie… », op. cit., p. 261-284.
168 J. Jacquet, Le Trésor de Thoutmosis Ier…, op. cit., p. 108 : « Les fouilles 172 L’attribution à Thoutmosis Ier de la construction des magasins
sous les angles des murs nous ont appris que lorsque deux tranchées se du pourtour du radier a déjà été proposée par Th. Zimmer dans J.-
rejoignaient, leurs niveaux respectifs pouvaient différer. » M. Krutchen, Les annales des prêtres de Karnak…, op. cit., p. 6. Il est aussi
169 G. Charloux, « Deux sondages… », op. cit : un détail identique a été possible que la canalisation été installée en même temps que la fondation
mis au jour dans le sondage Ti2 où deux murs perpendiculaires ont des primitive à cinq assises (celle attribuée à Amenhotep Ier et qui aurait été
444 Karnak xii
de fonctionner au moment de la construction du est nettement gravé sur l’assise de réglage de ce mur
podium d’Hatshepsout, qui a coupé sa probable de clôture oriental contre lequel s’est appuyé le mur
jonction avec celle du radier calcaire. occidental de l’Akh-menou de Thoutmosis III.
L’existence de cette grande porte axiale est
Vestiges d’un mur en brique crue
confirmée par le négatif d’une importante saillie
(pl. LXXXIX)
(7,06 m x 0,42 m) à fruit qui est visible sur le joint arrière
Au sud, le sondage de R. Mensan 173 le long de l’an- des blocs en grès de la première assise conservée du
gle externe des deux fondations a permis d’observer mur occidental de l’Akh-menou 176. Cette saillie, qui
la tranchée de fondation du mur de clôture ouest. est parfaitement centrée sur l’axe ouest-est de la salle
Cette tranchée a coupé une structure en brique crue hypostyle Heret-ib, correspond au ressaut d’une
fondée à l’altitude +72,90 et dont seulement deux porte monumentale dont le passage fut prolongé
assises sont très partiellement conservées. Le pare- dans l’épaisseur du mur occidental de l’Akh-menou,
ment sud de deux briques entières est visible dans le au moment de sa construction par Thoutmosis III.
large joint séparant la base des deux fondations per- Un ressaut identique semble avoir existé sur le pare-
pendiculaires en grès vert. Ce parement en brique ment ouest du mur de clôture, comme le montrent
se poursuit, sur une bien moindre hauteur, sous la les traces découpées sur son assise de réglage.
première assise de fondation du mur de clôture sud. Cette grande porte axiale aurait eu une
Dans l’hypothèse où ce parement en brique importante emprise au sol (L : 13 coudées, l : 8 coudées).
se poursuivrait vers l’est, sous toute la longueur de L’absence de cavité de crapaudine sur l’assise de
la fondation du mur de clôture sud 174, il pourrait réglage 177 laisse imaginer qu’un seuil en granite,
appartenir à une enceinte ancienne dont des vesti- aujourd’hui disparu, devait y reposer. La présence
ges ont été mis au jour au nord et à l’est de la cour de ce passage obligé, dont la largeur restituée ne peut
« dite du Moyen Empire ». Cette partie de l’enceinte être inférieure à deux coudées, est confirmée par la
serait alors ici parallèle au mur en brique découvert décoration des architraves et des piliers axiaux de la
sous le dallage du couloir de service, à l’ouest par G. grande salle Hypostyle de l’Akh-menou :
Charloux 175 et, à l’est, par M. Azim. — Thoutmosis III qui entre, seul, est gravé en relief
sur le parement tourné vers l’axe de chacun des qua-
5.2. La porte axiale tre piliers qui encadrent l’axe ouest-est (pl. XIII, 8).
du mur de clôture Ces rois seuls se font face, par paires. Comme dans
oriental (pl. XLI) la plupart des passages, le roi tient dans sa main gau-
che à la fois un sceptre et une longue canne (placée
De très rares blocs en calcaire de la première assise verticalement à gauche et en oblique à droite) alors
de la clôture sont visibles dans les murs nord et sud, que sa main droite levée accompagne sa parole. Sur
alors que tout le mur oriental (l : 3,35 m, soit 6,5 coudées) les autres piliers de cette salle, le roi est toujours en
a disparu. Le tracé de pose d’une grande porte axiale compagnie d’une divinité. L’exception du pilier
démantelée) et que la canalisation ait été conservée par Thoutmosis Ier hauteur du saint des saints), un saillant, qui disparut ensuite dans le mur
dans son nouvel aménagement. ouest de la salle de fêtes de Thoutmosis III ». Ce ressaut n’est pas dessiné
173 R. Mensan, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005, p. 2-3, sondage sur les planches 33, 34, 41 et 44 de l’ouvrage de J.-Fr. Carlotti.
S156. 177 Les dimensions de cette porte permettent de la comparer à la porte
174 Deux sondages de vérifications sont indispensables le long de l’enceinte. monumentale du Trésor de Thoutmosis Ier (L : 14,65 m – l : 3,76 m). Une
175 G. Charloux, « Deux sondages… », op. cit. configuration identique a été observée dans les deux portes, comme l’a
176 P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak…, op. cit., p. 156 : « Le observé J. Jacquet dans Le Trésor de Thoutmosis Ier…, op. cit., p. 23 et
temple d’Amon-Rê était fermé, à l’est, par le mur se détachant des extré- pl. XIII C : « Nous ignorons comment se présentait le sol de l’embrasure :
mités nord et sud du IVe pylône, et qui, par conséquent, doit être de peut-être était-ce simplement la surface des fondations. Note 1 : Nous
Thoutmosis Ier ; il formait, en son milieu (sur l’axe général du temple et à n’avons cependant pas retrouvé de traces de sa crapaudine ».
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 445
indiquant le chemin de la salle solaire, sur le pare- comme les magasins, à Thoutmosis Ier, semble
ment sud duquel Thoutmosis III s’avance seul, n’en être la seule construction du pourtour du radier à
est pas une, car ce roi a été regravé sur une scène pri- avoir été dallée (pl. XXVII). Le plan montre clai-
mitive où il était en compagnie d’une divinité 178. rement que les trois portes ouvertes à l’ouest (la
Indice supplémentaire d’un passage impor- porte du Ve pylône et les deux portes latérales dans
tant, la portée (2,50 m) entre les piliers et les colon- la clôture ouest) correspondent aux trois portes
nes axiale est ici 60 cm plus large qu’entre les autres ouvertes dans la clôture orientale (la porte axiale,
supports (1,90 m) de la salle. la porte orientale du couloir de service et la porte
— Le texte décorant les architraves de la salle hypos- nord). Il était ainsi possible de traverser le temple,
tyle est symétrique, de part et d’autre de l’axe ouest- au nord et au sud, sans accéder au sanctuaire. Ces
est, aussi bien au-dessus des piliers axiaux qu’au- circulations annexes démontrent aussi qu’il était
dessus des colonnes centrales de la salle. possible d’accéder au temple aussi bien par l’ouest
Il faut désormais ajouter une porte axiale 179 que par l’est.
aux deux autres portes du mur de clôture oriental Avant Thoutmosis III 180, cette porte axiale
attribué à Thoutmosis Ier, la porte nord permettant semblait s’ouvrir directement sur l’extérieur du
le passage du nilomètre vers l’arrière du sanctuaire temple, où une enceinte en brique crue, large de
de l’Akh-menou tandis que celle du sud mène du quinze coudées, a été récemment identifiée 181 sous
couloir de service directement aux magasins sud et la grande salle hypostyle de l’Akh-menou. Un pro-
indirectement à la grande salle hypostyle. chain sondage permettra de vérifier si cette enceinte,
Cette porte axiale ouverte dans le mur datée du Moyen Empire, était également munie
oriental de la clôture liée au Ve pylône est bien d’une porte axiale.
justifiée dès l’époque de Thoutmosis Ier puisqu’un À l’est de cette enceinte, les obélisques
passage axial semble aussi avoir existé dans la petite d’Hatshepsout semblent marquer l’entrée d’un
pièce encastrée au milieu des magasins orientaux autre sanctuaire, daté du début de la XVIIIe
du pourtour du radier. Cette petite pièce attribuée, dynastie 182.
178 J.-Fr. Pécoil, L’Akh-menou de Thoutmosis III à Karnak. La Heret-ib sur un terrain vierge; vierge, en ce sens seulement qu’aucune construction
et les chapelles attenantes : relevés épigraphiques, ERC, Paris, 2000, pl. 73 : religieuse ne s’élevait à l’est d’Ipet-sout, puisque, comme l’indique la suite
pl. 15 e, parement de gauche. du texte, Thoutmosis III dut d’abord débarrasser le terrain d’une ancienne
179 J.-Fr. Carlotti, L’Akh-menou de Thoutmosis III à Karnak. Étude enceinte, et consacrer l’aire dégagée avant de pouvoir édifier cette struc-
architecturale, texte, ERC, Paris, 2001, p. 68 : « Il semble bien qu’il n’y ait ture inédite.» Note 112 : « Si l’on admet à la suite de P. Barguet (op. cit.,
jamais eu, dans l’axe du temple, d’accès direct à l’Akh-menou. En effet, p. 296-7) que la stèle du Caire CG 34012 fait allusion à l’Akh-menou ; voir
une des dalles de sol, située à proximité de l’axe, esquisse une accroche Beckerath, MDAIK 37, 47. »
de mur par un léger décrochement à angle droit de sa surface d’environ 181 G. Charloux, « Sondage dans l’Akh-menou de Thoutmosis III : rap-
0, 05 m. Cette dalle, trop proche de l’axe principal, ne permet pas la port préliminaire », Rapport Cfeetk, janvier 2005.
présence d’une porte, dont le seuil aurait alors été plus haut que le dallage 182 Chr. Wallet-Lebrun, ibidem, p. 255-256 : « La présence des obélisques
général de la Heret-ib, alors que le sol du pourtour du radier, entre les d’Hatshepsout à l’est de l’Akh-menou semble contredire Thoutmosis III,
enceintes, est près de 1, 02 m plus bas. ». Cette dalle qui repose sur une quand il prétend avoir consacré le premier ce secteur à l’est ». Note 116 :
petite cale en calcaire et de la terre n’est pas à sa place d’origine puisqu’il « Outre celle des architraves en grès de la reine, remployées dans le sanc-
serait curieux que toute l’élévation du mur ait reposé sur un bloc aussi tuaire axial de l’Akh-menou (cf. Varille, ASAE 50, 30, qui pourraient fort
mal fondé (pl. 40). J. Lauffray, « Le secteur nord-est du temple jubilaire bien provenir (ou avoir été destinées à ?) d’un édifice des environs. Plus
de Thoutmosis III à Karnak. État des lieux et commentaires architectu- déconcertante encore que ces remplois si soigneusement disposés, et dans
ral », Kêmi 19, 1969, p. 195. un lieu si sacré, on rappellera, dans le même secteur est, la présence dans les
180 Chr. Wallet-Lebrun, dans M. Dewachter, A. Fouchard (éds), op. cit., fondations de l’obélisque sud de la reine de blocs en grès de Thoutmosis II
p. 254-256 : « De la même façon, Thoutmosis III assure solennellement et de Thoutmosis III (voir Varille, ASAE 50, 140) ! » Ces architraves et ces
avoir fait œuvre nouvelle en construisant l’Akh-menou : « J’ai fait une œuvre blocs pourraient avoir été apportés des salles d’Hatshepsout au moment
nouvelle, j’ai conçu le modèle, je ne (l’)ai pas réalisé sur la fondation d’un du démontage de la chapelle Rouge.
autre » (Urk. IV 835, 8610), c’est-à-dire : construction neuve, de type inédit,
446 Karnak xii
183 O. de Peretti, E. Lanöe, Rapport préliminaire Cfeetk, 2004 : le 186 J. Jacquet, Le Trésor de Thoutmosis Ier…, op. cit., p. 125-136.
chaînage des deux fondations perpendiculaires a été observé. 187 J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, « Nouvelles données sur la Ouadjyt »,
184 Eidem, Rapport préliminaire Cfeetk, 2003 : ce mur en brique est Karnak XI, 2003, p. 287.
daté du Moyen Empire. 188 E. Arnaudiès-Montélimard, « L’arche en granit de Thoutmosis III et
185 Celui du nord a été fouillé en 2003 par Jean-François Jet qui a identi- l’avant-porte du VIe pylône », Karnak XII, p. 107-190.
fié 75 objets ; celui du sud l’a été en 2004 par O. de Peretti et E. Lanoë. 189 O. de Peretti, E. Lanoë, Rapport préliminaire Cfeetk, 2004.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 447
190 Les colosses semblant aujourd’hui irrégulièrement répartis contre le 191 Ce découpage est particulièrement bien visible à l’intérieur du môle
môle nord, il est possible qu’ils aient été légèrement déplacés au moment nord, juste derrière le nouveau jambage en grès qui était plaqué contre la
de la construction des murs par Thoutmosis III. Il est aussi possible que maçonnerie primitive.
la première assise conservée de certains colosses, celle des pieds, ait été
bougée lors de leur découverte.
448 Karnak xii
5.6. Les pièces latérales est placé près de l’emplacement supposé de la porte
du Ve pylône et leur porte d’accès à la pièce latérale. Seule sa première assise
(pl. LXXVII) est conservée, avec son lit d’attente bien horizontal,
alors que le mur de la pièce latérale contre lequel
Dans la cour sud, le sondage effectué par E. Lanoë il s’appuyait a complètement disparu, à l’exception
et O. de Peretti le long du môle sud du Ve pylône et de sa fondation. Cette première assise comprend
du mur qui le prolonge vers le sud pour délimiter la les pieds du colosse, alors que son joint arrière ne
cour, a fait apparaître la continuité de leurs fonda- possède pas cette protubérance qui permet aux seize
tions. Parallèle au mur de clôture ouest, ce mur déli- autres colosses de s’appuyer directement contre un
mite une pièce latérale barlongue dont le petit côté parement. Au contraire, ce joint arrière est distant
nord est le parement sud du Ve pylône alors que son d’une quinzaine de centimètres du parement dis-
petit côté sud appartient au mur intermédiaire for- paru, comme si la protubérance manquante avait
mant le côté nord du couloir de service. Le chaînage appartenu au mur de la pièce latérale.
de leurs fondations assure que chaque môle et le Cette anomalie de construction trouve son
mur qui le prolonge latéralement ont été construits explication dans la cour séparant le Ve du IVe pylône.
en même temps et que, par conséquent, les deux Une disposition identique y est bien visible sur la
pièces latérales font bien partie du projet primitif. première assise des deux colosses osiriaques ados-
L’élévation en calcaire des quatre murs de sés à chaque petit côté du chemisage des obélis-
ces pièces latérales a disparu, laissant apparaître ques d’Hatshepsout (pl. LXI). Ici, la protubérance
l’assise de réglage de leurs fondations en grès vert. appartient bien au chemisage, alors que la seconde
Cette assise ne montrant ni trace d’encastrement assise de ces deux colosses est parfaitement chaînée
d’un seuil en granite ni cavité de crapaudine 192, au chemisage. Ce lien implique que les colosses osi-
l’emplacement de la porte d’accès à chaque pièce riaques et le chemisage ont été construits en même
peut être restitué par simple déduction. Au nord, temps.
la porte doit être placée entre le colosse de l’angle En extrapolant ce dispositif de construction
nord-ouest de la cour et l’angle nord-est du pylône. au colosse osiriaque qui est adjacent à la porte d’ac-
Au sud, la porte doit être placée entre le colosse cès vers chaque pièce latérale du Ve pylône, les pieds
proche de l’angle sud-ouest de la cour et l’angle sud- du colosse auraient été en grès et le reste du corps
est du pylône. en calcaire, ce qui est difficilement acceptable en
sculpture. Il est probable que le reste du corps était
5.7. Les colosses également composé de blocs en grès superposés et
osiriaques des cours adossés au parement en calcaire du mur.
du Ve pylône (pl. XLIII) Le fait que les dix-huit colosses en grès ne
soient pas chaînés mais simplement adossés au
Les dix-huit colosses appliqués contre les deux môles parement en calcaire du Ve pylône et de ses cours
et les murs des deux cours n’ont apparemment pas pouvait laisser imaginer qu’ils avaient été ajoutés
conservé leur inscription d’origine, mais, comme au cours d’une modification du projet initial. En
ils se trouvent placés sous un péristyle construit au réalité, ces dix-huit colosses sont contemporains
nom de Thoutmosis Ier, ils ont probablement été du pylône pour trois raisons d’ordre technique qui
installés par ce roi. Cependant, deux de ces colos- seront développées pour les colosses du IVe pylône
ses sont construits différemment des seize autres, (infra. 6.4) :
l’un dans la cour nord et son symétrique dans la — le calcaire mis en œuvre dans le parement des murs
cour sud. Dans chaque cour, ce colosse particulier et du pylône ne peut pas être sculpté en ronde-bosse ;
— le chaînage des colosses en grès aux parements en colonnade de Sésostris Ier indique que cette dernière
calcaire aurait fait alterner, de part et d’autre des sta- a été démontée au plus tard par le constructeur du
tues, des blocs en grès avec des blocs en calcaire ce Ve pylône et de ses deux cours.
qui n’était certainement pas l’effet recherché ; L’installation de ces fondations par
— le chaînage des colosses aux parements aurait Hatshepsout est confirmée par le texte 194 gravé sur
favorisé le cisaillement des blocs en débord en cas la face orientale de l’obélisque nord qui est daté de
de tassements différentiels des fondations. l’an 16 d’Hatshepsout : « Sa majesté (Hatshepsout) a fait
en sorte que le nom de son père (Thoutmosis Ier) soit établi sur
5.8. Les fondations ce monument durable, <et> qu’ainsi hommage soit rendu au roi
d’une paire d’obélisques de Haute et Basse-Égypte, maître du double pays, Âakheperkarê
devant le Ve pylône (Thoutmosis Ier), par la majesté de ce dieu auguste, ainsi deux
(pl. LXXX, LXXXII) grands obélisques ont été érigés par sa majesté (Hatshepsout) pour
la première fois. Voilà ce qui fut dit par le maître des dieux : « n’est-
Les deux fondations des obélisques placés devant ce pas ton père, le roi de Haute et Basse-Égypte, Âakheperkarê
le Ve pylône semblent avoir été la première opéra- qui a décrété l’installation d’obélisques <ici>, ce que ta majesté
tion réalisée par Hatshepsout 193 dans l’actuelle cour (Hatshepsout) aura <effectivement> refait, étant douée de vie ? ».
entre le Ve et le IVe pylône, bien avant la pose de son Ce texte indique qu’Hatshepsout a installé pour
dallage sur un radier (infra, 6.8). En novembre 2005, la première fois des obélisques à cet endroit, mais
R. Le Bohec a découvert, entre la fondation du môle qu’elle réalisait ainsi le projet de Thoutmosis Ier
nord du Ve pylône et celle de l’obélisque nord, quatre qui avait probablement prévu de dresser une paire
éléments en grès remployés en dallage et posés sur la d’obélisques devant le Ve pylône 195.
couche de sable remplissant l’espace entre la partie
supérieure des deux fondations. Deux sont des archi- 5.9. Datation du
traves (l : 75 cm) décorées sur un seul parement, le Ve pylône (pl. LXXVI, LXXVII)
troisième est une base retournée et le quatrième, un
fragment de colonne à seize pans. Leurs dimensions, Le projet primitif du Ve pylône englobait donc deux
leur décoration ainsi que la nature du grès employé cours à péristyle abritant des colosses osiriaques
permettent de les associer aux éléments de la colon- adossés, chaque cour desservant une pièce latérale
nade de Sésostris Ier remployés dans la fondation du munie d’une porte. La cour sud permettait le pas-
péristyle des cours du Ve pylône. Ainsi, le remploi, sage vers le couloir de service alors que, symétrique-
à l’est et à l’ouest du Ve pylône, des éléments de la ment, la cour nord s’ouvrait vers le nord à travers
193 En janvier 2006, R. Le Bohec a découvert un dépôt de fondation moins on peut le supposer en constatant que la reine, à laquelle Amon a
placé sous les trois assises de fondation de l’obélisque nord. Deux cartou- déclaré : « C’est ton père, le roi de Haute et Basse-Égypte Âakheperkarê
ches au nom de Maâtkarê confirment bien la construction des fondations qui a fait des obélisques une règle ; il appartiendra à ta Majesté de wÌm
par Hatshepsout. mnw » (Urk. IV, 358, 8-9), s’est contentée d’ajouter ses obélisques à ceux
194 Traduction : J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, op. cit., p. 274-275. Voir aussi de Thoutmosis Ier (mais peut-être s’agissait-il pour ces nouveaux obélis-
P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak…, op. cit., p. 100 : « Cela a été ques de se substituer aux anciens au plan de la fonction ? (voir G. Goyon,
dit par le maître des dieux : ton père, le roi de Haute et Basse Égypte, Âa- Hommages à la mémoire de Serge Sauneron 1927-1976, I, Égypte pharaoni-
kheper-ka-rê a ordonné de dresser des obélisques quand ta majesté renou- que, BdE 81, 1979, p. 45-6), plutôt qu’à celui de la présence) ». Chr. Wallet-
vellera le monument. » et « Selon le texte gravé sur l’obélisque nord, face Lebrun, traduction à paraître, texte 18/5 B : « Hatshepsout ... Sa Majesté
ouest ; voir Urk. IV, 357. Cette mention est importante, car elle indique a fait inscrire le nom de son père sur ce monument durable, hommage
que, pour Hatchepsout, c’est le Ve pylône (et non le IVe) qui est le pylône étant ainsi rendu à Thoutmosis Ier par la Majesté de ce dieu (Hatshepsout)
d’entrée du temple, la porte citée [Amon est grand de prestige] étant celle du lors de l’érection par Sa Majesté (Hatshepsout) de sa première paire d’im-
Ve pylône. » (ibidem, p. 99, n. 3) menses obélisques. En effet, le maître des dieux avait dit : « C’est ton père
195 Chr. Wallet-Lebrun, dans M. Dewachter, A. Fouchard (éds), op. Thoutmosis Ier qui a fait des obélisques une règle canonique (à Karnak).
cit., p. 227, n. 12 : « En théorie, wÌm n’implique pas nécessairement la Aussi Ta Majesté se devra-t-elle d’exécuter un monument de ce type.
démolition des structures auxquelles on en substitue de nouvelles, du Puisses-tu vivre à jamais ! »
450 Karnak xii
cour. Chaque môle est posé sur un socle en grès entiè- Il est désormais certain que les murs de clôture nord
rement conservé alors que presque tous leurs pare- et sud liés au IVe pylône sont postérieurs au mur de
ments externes en calcaire ont disparu. Seul le cœur clôture ouest lié au Ve pylône. Parfaitement solidaire
du pylône, fait d’un empilement grossier d’assises en de sa clôture, le IVe pylône ne peut alors qu’être pos-
grès blanc et dur, est encore partiellement debout. térieur au Ve pylône 200.
Tout dans l’apparence des deux pylônes con-
6.1. La déconnection de la court d’ailleurs à les différencier : la nature du grès
clôture du IVe pylône (vert et friable au Ve, blanc et dur au IVe), la diffé-
de celle du Ve pylône rence de nature de leur socle (en calcaire au Ve et en
(pl. XLV, LXXXI, LXXXIX) grès au IVe) et, surtout, leurs dimensions, puisque
la plus grande longueur du IVe pylône a permis d’y
Chacun des deux angles occidentaux de la clôture installer quatre mâts et seize niches au lieu de deux
du Ve pylône semble se prolonger vers l’ouest par mâts et dix niches au Ve pylône.
un mur lié au IVe pylône. Ces deux murs parallèles
clôturent au nord et au sud la cour du IVe pylône. 6.2. Les seize niches
Un sondage 198 le long du parement externe du parement oriental
de ces deux angles a montré que leurs fondations du IVe pylône
sont faites de trois minces assises en grès vert et fria-
ble. Si ces assises sont parfaitement continues jus- De nouveaux détails ont été ajoutés à la restitu-
qu’au joint avec le mur nord ou le mur sud de la tion des parements orientaux des deux môles du
clôture du IVe pylône, elles sont néanmoins claire- IVe pylône (pl. XLVI-XLVIII, LXXX). En particu-
ment indépendantes des deux épaisses assises en grès lier, l’alignement de huit niches identifiées 201 dans
blanc et dur qui forment la fondation de ces murs. le môle sud a été confirmé dans le môle nord au
La mise en œuvre d’un grès différent à l’ouest suffit moment de sa restauration.
d’ailleurs à faire remarquer leur déconnection. Au
Les statues assises (pl. XLVII-LIV)
nord, le large joint ouvert qui sépare les deux fonda-
tions ne laisse aucun doute sur cette déconnection Sept statues osiriaques assises et des fragments d’une
(pl. XLV). Au sud, le joint bien fermé des deux assi- huitième ont été découverts en place dans leur niche
ses de réglage perpendiculaires pourrait laisser imagi- en calcaire, dont la hauteur a été estimée à cinq cou-
ner la continuité des fondations alors que le sondage dées (262,5 cm) à l’aide des fragments conservés de sa
de R. Mensan 199 a montré que, comme au nord, les décoration latérale 202.
assises sont nettement séparées par un joint vertical Chaque statue représente Thoutmosis Ier
continu rempli d’un mélange de limon et de sable. Il assis sur un trône sur lequel est gravée une dédi-
a mis en évidence la différence de profondeur entre cace au nom d’Hatshepsout (pl. LII-LIV). Un seul
les deux tranchées perpendiculaires, celle du mur de fragment de visage peint en rouge a été retrouvé,
clôture sud du IVe pylône étant 43 cm plus profonde avec sa très longue barbe divine peinte en bleu 203
que celle du mur de clôture ouest du Ve pylône. (pl. L).
198 Au nord, par moi-même en 2004 et, au sud, par R. Mensan en 2005, 200 Ceci avait déjà été proposé par J. Vandier, Manuel d’archéologie égyp-
Rapport préliminaire Cfeetk, 2005 : sondage S156 II, p. 2-3. tienne II, A. et J. Picard et Cie, Paris, 1954-1955, p. 868.
199 R. Mensan, ibidem, p. 3 : un niveau contenant des charbons et beau- 201 J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, ibidem, p. 258-261.
coup de céramiques a été découvert sous les fondations, à l’altitude +72,87. 202 Cette hauteur restituée est proportionnelle à celle des petites niches
La tranchée de fondation de la clôture ouest du Ve pylône a entaillé un de la troisième terrasse de Deir el-Bahari qui mesurent 74 x 183 cm.
bourrelet en terre (h : 40 cm) compactée à l’aspect rubéfié. Des bourrelets 203 Ce fragment de tête avec la barbe divine confirme la proposition
semblables ont été découverts au même niveau par R. Le Bohec dans la d’Hourig Sourouzian d’attribuer aux statues du IVe pylône une tête du
cour nord du IVe pylône. Musée du Caire (avec la couronne blanche, voir lettre de H. Chevrier n°5-
452 Karnak xii
La découverte en 1999 des quatre premières statues personnage et, par conséquent, de restituer celle de
du môle nord avait déjà infirmé l’hypothèse 204 qui la scène : ainsi environ 3,5 coudées semblent avoir
plaçait d’autres statues osiriaques 205 debout dans séparé la ligne de sol du ciel. En ajoutant à la hau-
des niches hautes de sept coudées, soit deux de plus teur de la niche (5 coudées) celles de son linteau (1,5
que la restitution. coudée) et de son socle (1,5 coudée), la ligne de ciel doit
se trouver 11,5 coudées au-dessus du dallage de la
La décoration des niches
cour. Cette hauteur égalant celle des colosses osi-
(pl. XLVII-XLIX)
riaques adossés de part et d’autre de chaque niche,
L’intérieur des niches est décoré en relief de scènes la composition du décor du parement oriental du
montrant le roi Thoutmosis Ier qui, tourné vers Ve pylône apparaît alors bien ordonnée : une scène
l’est, fait face à quelque chose ou quelqu’un encore représentant le roi devant Amon debout est gravée
trop fragmentaire pour être identifié 206. Gravé en relief au-dessus de chaque niche. Encadrée par
en creux, un chambranle, curieusement, sans res- les colosses, la scène leur est alignée en hauteur. Une
saut 207, encadre l’ouverture de chaque niche. Une scène semblable a été ensuite gravée sur le pilier en
unique colonne de texte contenant le cartouche de grès que Thoutmosis III a fait construire devant cha-
Thoutmosis Ier a été partiellement reconstituée 208 à que niche. Il est impossible de savoir si la décoration
l’aide des rares vestiges encore en place et des frag- se poursuivait au-dessus des scènes et des colosses
ments en calcaire découverts dans le môle nord. sur le parement oriental du pylône.
Le parement en calcaire entre les chambranles des
Le socle des niches (pl. XLVI)
niches n’a pas été décoré et sa surface garde des
traces d’outils (pl. XLVII) qui n’ont pas été lissées Le socle (h : 77 cm) en débord du pylône correspond
contrairement à ce qui peut être observé sur les ves- à la première assise qui est entièrement construite
tiges du parement ouest du pylône et sur d’autres de blocs en grès alors que le reste de l’élévation
parements en calcaire 209. est faite d’un parement en calcaire entourant un
Le linteau de la niche est décoré d’un disque empilement de gros blocs en grès. Chaque niche
ailé surmonté d’une ligne de sol portant un grand en calcaire repose directement sur ce socle. Sous la
pied rouge gravé en relief derrière la fourche d’un largeur de chaque niche, chambranle compris, le
sceptre ouas axé sur le disque ailé. Ce sceptre est parement du socle est mouluré d’une gorge très
généralement tenu par Amon auquel le pied doit plate sans tore, ce qui est la disposition habituelle
appartenir. Cette disposition indique l’existence, au- des supports de niches 211.
dessus de chaque niche, d’une grande scène repré- Un premier examen de la première assise en
sentant le roi devant Amon debout. La longueur grès laissait imaginer que le projet d’origine avait
du pied a permis de reconstituer 210 la hauteur du prévu cette gorge sur toute la longueur du socle et
2 du 29.12.30) et celle du Musée de Bruxelles (CG 905, avec la double- 206 Un fragment décoré de Nekhbet survolant le roi, des deux cartouches
couronne). du roi et de la frise de khekerou supportant le plafond a été restauré par
204 J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, ibidem, p. 259-260. Cinq des six statues F. Chauvet, É. Kolz et A. Oboussier. La ligne de sol du décor latéral est
debout ont été découvertes dans l’épaisse couche de sable placée sous le gravée 93,5 cm au-dessus du niveau du socle.
radier qui supporte le dallage de la cour sud, où elles avaient été enfouies 207 Il sera expliqué plus loin (infra. 6.4) pourquoi les colosses adossés
probablement en même temps que débutait la construction du IVe pylône. sont bien contemporains du pylône.
Obligatoirement antérieures à la construction du pylône, ces statues peu- 208 Christiane Wallet-Lebrun a commencé la reconstitution du décor
vent provenir de la salle à colonnes qui occupait cet emplacement avant des niches qui les abritaient. Leurs fragments ont été restaurés par A.
le Nouvel Empire. Oboussier, M. Nicolas, C. Sagouis, F. Dubois, É. Kolz et F. Chauvet.
205 Cinq des six statues conservées, en grès polychrome (h : 3,15 m ; l : 209 Le parement en calcaire du petit pylône de Thoutmosis II reconstruit
0,6 m), ont été découvertes sous le dallage de la cour sud. H. Sourouzian au Musée en plein air est parfaitement lisse.
en attribue le style à Amenhotep Ier, ce qui permettrait éventuellement de 210 Restitution dessinée par H. Delaporte-Zacharias.
les placer dans les 18 niches en calcaire que ce roi avait construites de part 211 Ces socles à gorge s’alignent sous les niches latérales du saint des
et d’autre de l’axe. Saints de l’Akh-menou et des salles annexes.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 453
212 Dans l’hypothèse où le ressaut du socle aurait existé entre les niches, il 214 P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak…, op. cit., p. 106 : « contre
n’était pas nécessaire de le découper jusqu’au nu du parement en calcaire la paroi ouest, partie inférieure de deux statues assises, en granit noir,
pour installer la première assise du colosse. En effet, la seconde assise du de la déesse Sekhmet, l’une étant d’un roi dont le nom [probablement
colosse aurait parfaitement pu reposer à la fois sur sa première assise et le Aménophis III] a été arasé et qui est dit « aimé de Sekhmet la grande, maî-
débord du socle. tresse du nome d’Athribis ».
213 Ce texte est visible dans l’interstice resté ouvert derrière les nouveaux 215 J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, « Nouvelles données sur la Ouadjyt »,
jambages en grès adossés plus tard par Amenhotep II contre la porte d’ori- Karnak XI, 2003, p. 310-311.
gine.
454 Karnak xii
dix-huit colosses adossés au IVe pylône sont cons- ble avoir servi de modèle à la troisième terrasse du
truits différemment. Ces derniers colosses sont temple d’Hatshepsout à Deir el-Bahari où chaque
inclinés presque parallèlement au fruit de chaque haute niche contenant une statue osiriaque debout
môle, ce qui entraîne la pente de leurs lits d’attente alterne avec une petite niche contenant une sta-
et de pose 216. Les deux colosses encadrant la porte tue osiriaque assise, à la seule différence qu’au
semblent avoir de petites différences de proportions IVe pylône, le colosse osiriaque n’est pas debout
avec les dix-huit colosses adossés (pl. LVI) puisque dans une niche mais entre les niches contenant les
leurs avant-bras et leurs mains sont plus minces et statues osiriaques assises.
que leurs pouces ne touchent pas les signes-ânkh
La découpe du socle en grès pour
tenus par les mains.
appuyer les colosses
Les particularités du parement
L’appui des dix-huit colosses contre le parement
oriental du pylône
oriental du pylône a nécessité de découper dix-huit
De part et d’autre de la porte de la grande pièce laté- fois son socle en grès, dont le débord aurait empê-
rale sud, le chaînage des deux colosses osiriaques au ché la fermeture du joint entre la face arrière de
mur prouve qu’ils ont bien été construits en même chaque colosse et le parement en calcaire du môle
temps que le IVe pylône, ce qui n’est pas le cas des (pl. XLVI).
dix-huit colosses adossés au parement oriental de ses Chaque découpe a créé dans le socle un nou-
môles. Si ces colosses osiriaques ne sont pas chaînés veau parement vertical qui est resté piqueté. Le socle
aux môles, leur appui a cependant été prévu dès le en grès a probablement été découpé avant que la
début de la construction du pylône, comme le con- gorge ne soit taillée sous les niches. Un petit bou-
firment trois particularités de la décoration de son chon en grès taillé en forme de gorge a ensuite été
parement oriental (pl. XLVII) : glissé entre chaque colosse et le socle à gorge, de
— le chambranle décoré en creux qui encadre les façon à compléter cette mouluration souvent trop
seize niches n’est pas en ressaut sur le parement les largement entaillée. De part et d’autre de la première
séparant. Cette absence inhabituelle de ressaut est assise des colosses, le joint vertical avec le socle est
l’indice que la décoration du chambranle a proba- parfaitement fermé, ce qui indique un ravalement
blement été gravée après l’appui des colosses ; en parfaite continuité de leur parement respectif.
— le parement séparant les niches n’est pas décoré
Les trois raisons d’ordre technique
mais simplement ravalé avec de nombreuses traces
pour lesquelles l’appui des colosses
d’outils qui indiquent un traitement de surface par-
a été préféré au chaînage
ticulier à l’appui des colosses ;
— le parement au-dessus de chaque niche est décoré Le fait que dix-huit des colosses en grès ne soient
d’une grande scène gravée en relief représentant le pas chaînés mais simplement adossés au pare-
roi devant Amon debout 217 (pl. XLVIII, XLIX). Les ment en calcaire du pylône a laissé imaginer qu’ils
côtés de la scène seraient délimités par les colosses avaient été ajoutés au cours d’une modification du
alors que sa ligne de ciel semble bien alignée avec le projet initial.
sommet de leur couronne ; En réalité, trois raisons d’ordre technique
Ces particularités mettent en avant la com- ont vraisemblablement empêché le chaînage des
position parfaitement planifiée du décor du pare- colosses au parement, au moment de la construc-
ment oriental du pylône. Cette composition sem- tion du pylône.
216 D’un point de vue statique, cette pente des lits est contre-indiquée 217 La décoration au-dessus des niches n’était probablement pas con-
pour faire reposer d’éventuelles architraves reliant les colosses. Ceci est tinue mais formait, entre les colosses adossés, des tableaux qui ont été
bien confirmé par l’absence de tracé de pose sur le lit d’attente ravalé des reproduits plus tard sur les pilastres qui, construits devant les niches, les
couronnes des colosses. cachaient.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 455
218 Un calcaire beaucoup plus dur est utilisé en sculpture au Nouvel 220 Les piles en grès, construites dans les angles nord-est et sud-ouest de
Empire. la cour pour soutenir les dalles de plafond, sont si parfaitement encastrées
219 Ce chaînage de blocs en grès et en calcaire est courant au cœur entre les colosses adossés proches des angles que cela laisse planer un doute
du pylône. sur la chronologie de leur installation avant ou après les colosses.
456 Karnak xii
ressaut du chambranle de la porte dont les vestiges en calcaire, de grands blocs en grès blanc d’épais-
sont encore en place, au sud. Le parement ouest est seurs inégales et avec quelques remplois. Ce radier
complètement lisse alors que celui tourné vers la repose sur une couche de sable de hauteur variable.
cour (l : 1,5 coudée) est décoré en creux d’une colonne Le long du môle et du mur de clôture nord, le radier
de texte sur laquelle figure le nom de Thoutmosis Ier, semble prolonger l’assise de fondation en grès pla-
et dont le sens de lecture semble associé au passage. cée directement sous l’assise de réglage du môle et
Les lits des blocs de chaque pilier sont incli- du mur de clôture. Alors que les joints du dallage
nés, puisqu’ils sont perpendiculaires au parement à sont fermés, ceux du radier sont largement ouverts
fruit du mur de clôture. Contraire au bon report et remplis de sable.
des charges, cette pente des lits, associée à leur fai- Dans la partie orientale de la cour, le long
ble surface (1,5 x 1 coudée), élimine l’hypothèse que les du môle nord du Ve pylône et de son mur de clô-
piliers aient été aussi hauts (31 coudées) que la colon- ture ouest, le dallage est moins épais et repose
nade de la cour. Le sens de lecture du texte gravé sur un radier également plus mince qu’ailleurs.
sur le pilier indiquant sa relation avec la porte, il est Curieusement, ce radier n’existe pas dans la partie
plutôt tentant de voir dans chaque pilier le vestige centrale de la cour, à l’intérieur du rectangle déli-
d’un dispositif qui aurait encadré le chambranle de mité par les six colonnes en grès 223. Cette absence
chaque porte. En imaginant un pilier symétrique de radier est bien visible dans le sondage fait autour
disparu, tangent au chambranle oriental de cha- de la base en calcite enterrée. Dans cette partie cen-
que porte, il semble alors possible de relier les deux trale, le dallage repose directement sur des couches
piliers avec une architrave passant au-dessus du lin- limoneuses par l’intermédiaire d’une mince couche
teau de la porte. L’ensemble aurait ainsi formé une de sable et de déchets de taille en grès.
sorte de niche au fond de laquelle s’ouvrait la porte Les fondations des colonnes : les six colonnes
du mur de clôture. de la cour nord n’ont pas de fondations propres et
Dans cette hypothèse, cette niche aurait alors reposent directement sur le dallage de la cour. La
été aménagée au cours d’une étape intermédiaire de charge portée par chaque base est ainsi entièrement
construction, postérieure aux murs de clôture du reportée sur le dallage. Sous chaque base, ce dallage
IVe pylône mais antérieure à l’appui des trois colos- repose curieusement sur un support hétérogène
ses contre ces murs. Le pilier oriental restitué 221 composé en partie par le radier du pourtour de la
aurait ensuite été démonté pour laisser place au cour et en partie par les couches de limon de la par-
colosse adossé à l’est de la porte alors que, ne gênant tie centrale. Cette curieuse disposition, qui pour-
pas, le pilier occidental a été conservé. Au cours du rait favoriser les tassements différentiels, semble
remaniement de la cour par Thoutmosis III, chaque également être celle en place sous les deux colonnes
pilier conservé a été encastré à l’intérieur d’une pile nord.
de maçonnerie construite afin de soutenir les dalles
de couverture de la colonnade. 6.7. Les deux bases
en calcite (pl. LXXX, LXXXIV)
6.6. Le radier
et le dallage comme
La première base, enterrée au nord
fondation des colonnes
de la cour nord
Les fouilles de la cour nord 222 du IVe pylône ont Enterrée profondément au nord de la cour, une
montré que son épais dallage en grès blanc repose large base en calcite est bien en place dans les ves-
sur un radier constitué, à l’exception de rares blocs tiges d’une fosse de fondation qui a été comblée
221 La colonne de texte de ce pilier disparu était peut-être au nom 222 R. Le Bohec, Rapport préliminaire Cfeetk, 2005.
d’Hatshepsout 223 L’absence de fondation à cet emplacement pourrait indiquer une
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 457
avec un mélange de sable et de déchets de taille en sa mise en place dans sa nouvelle position. Il est
grès 224. Haut de 159 cm, cet imposant bloc en cal- certain que cette seconde base est ici en remploi et
cite est taillé, dans sa partie supérieure, d’une base que sa position d’origine devait être au niveau de la
cylindrique épaisse de 45 cm alors que sa partie infé- première base enfouie.
rieure (h : 114 cm) faisait office de fondation avec un lit Le dallage placé entre le gradin de l’obélis-
de pose bien plan. La marque circulaire (Ø 2 coudées) que nord et la seconde base en calcite repose sur de
piquetée au centre de son lit d’attente indique l’em- petits blocs irréguliers en grès, plus ou moins épais,
placement d’une colonne dont il est impossible de posés au sommet d’un épais remblai de sable versé
déterminer si elle avait des pans. Cette base appar- le long de la fondation de l’obélisque. Le dallage est
tiendrait à une première salle à colonnes, antérieure composé de trois dalles en grès qui ont été encas-
au Nouvel Empire 225, et dont le sol serait à l’alti- trées entre le parement nord du gradin et le contour
tude +73,40, ce niveau étant donné par le débord irrégulier de la partie enterrée de la seconde base en
horizontal visible autour de la base. Le sol associé calcite en remploi.
à la base enterrée dans la cour nord est 16 cm plus Le pendage du sable sur lequel repose la
haut que celui de la base symétrique enterrée dans seconde base en calcite montre qu’il a été versé du
la cour sud (+ 73,24). haut du gradin de l’obélisque, ce qui indique claire-
ment l’ordre de construction des différents éléments
La seconde base, encastrée dans
: la fondation de l’obélisque a été installée dans une
le dallage au sud de la cour nord
fosse qui a été ensuite remplie de sable, puis la base
(pl. LXXI)
en calcite a été posée sur ce sable sur lequel le dallage
Une seconde base en calcite a le même diamètre et a été enfin encastré, entre la fondation et la base 227.
la même hauteur que la première base enfouie. Elle
est encastrée dans le dallage placé le long du petit 6.8. La fondation
côté nord du chemisage de l’obélisque nord 226. de l’obélisque nord (pl. LXXI)
Cette base repose directement sur une très épaisse
couche (3 coudées) de sable sans l’intermédiaire d’un La fondation de l’obélisque est composée de seule-
radier. Néanmoins, la hauteur (159 cm) de la pre- ment trois assises en grès (h : 258 cm, dont 194 cm pour les
mière base enfouie est bien supérieure à celle de la deux assises les plus hautes 1 et 2 et 64 cm pour la plus basse) ins-
seconde base encastrée dont le lit de pose, irrégulier, tallées dans une profonde fosse de fondation, l’assise
montre des traces de débitage. Ce débitage prouve- inférieure reposant sur 88 cm de sable 228. Côté nord,
rait l’amincissement du bloc avant sa pose, proba- l’assise 2 semblait reposer sur une épaisse couche de
blement pour diminuer son poids et ainsi faciliter sable terreux à l’altitude +72,80 229 alors que sur le
cour à ciel ouvert. 226 Dans la cour sud, la base en calcite semble posée directement contre
224 Le sondage (à paraître) de R. Le Bohec a permis d’atteindre le fond de le gradin de l’obélisque sud.
la fosse de fondation et de montrer un pillage de son côté nord où les osse- 227 La fosse de fondation de l’obélisque n’a pas pu être creusée après la
ments d’un animal sont apparus au niveau du lit de pose du bloc. J. Lauffray mise en place de la seconde base en calcite puisque cela aurait fait fluer
supposait déjà que la base symétrique enterrée dans la cour sud était en l’épaisse couche de sable sur laquelle la base repose.
place (voir J. Lauffray, « Les travaux du Centre Franco-Égyptien d’Étude des 228 Le 5 janvier 2006, R. Le Bohec a découvert un dépôt de fondation
Temples de Karnak, de 1972 à 1977 », Karnak VI, 1980, p. 14-15). posé au fond de la fosse dont seule une partie faite de céramiques, d’os, de
225 Chr. Wallet-Lebrun, dans M. Dewachter, A. Fouchard (éds), op. cit., perles en cornaline et deux cartouches en fritte au nom de Maâtkarê, a
p. 239 : « Stèle du Caire JE 51911 ; Sobekhotep IV ⁄©-nfr-R© et pl. XVII : pu être extraite, le reste s’enfonçant profondément sous la fondation de
« …[le souverain], V.S.F., [donna l’ordre] de lui faire une porte neuve de l’obélisque. On sait désormais que la fondation de cet obélisque nord est
10 coudées en beau sapin du Liban, à deux vantaux plaqués d’or, d’argent composée de trois assises, soit une de moins que la fondation de la paire
///… /// sol ? pur dans la cour à portiques papyriformes de ce temple … ». d’obélisques, aux noms de Thoutmosis III, qui se dressaient au milieu de
Cette inscription de Sobekhotep IV mentionnant la construction d’une la cour séparant le IVe pylône du pylône disparu attribué à Thoutmosis II.
salle Ouadjyt, la découverte de la niche de Neferhotep Ier sous le sol de 229 Cette altitude +72,80 correspond au niveau sur lequel sont installées
la Ouadjyt du Nouvel Empire indiquerait l’importance de la zone à la toutes les structures en brique du Moyen-Empire. Une grande niche en
XIIIe dynastie. calcaire dur (h : 2 m, l : 2 m, p : 0,8 m) est couchée sur le dos, au nord de la
458 Karnak xii
côté oriental la troisième assise (h : 64 cm) apparaît d’au moins une ligne de texte. Chaque obélisque
clairement à cette même altitude 230. Cela indique est gravé sur chacune de ses quatre faces de deux
que, sur le côté nord, l’assise 2 est en débord sur systèmes différents de décoration, tous deux au nom
l’assise 3. L’assise supérieure 1 (h : ~ 2 coudées) dépasse d’Hatshepsout. La première décoration est consti-
d’une coudée au-dessus du dallage. Ce ressaut forme tuée d’abord de huit lignes horizontales (h : 2 coudées)
un gradin bien visible au nord et à l’est, sur lequel d’un texte gravé à la base du fût de l’obélisque. Au-
repose la base en granite. Le long des faces nord et dessus de ces lignes, une large colonne de texte est
est du chemisage de l’obélisque nord, le dallage s’ap- gravée sur le reste de la hauteur du fût (h : ~ 42 coudées)
puie bien contre le gradin qui supporte la base de au milieu de chaque face. La seconde décoration
l’obélisque. Les autres obélisques de Karnak possè- n’occupe que la moitié supérieure de chaque face (h :
dent aussi ce gradin taillé sur la partie supérieure de 25 coudées) et est gravée de huit scènes superposées de
l’assise de réglage : haut d’une coudée au-dessus du part et d’autre de la colonne de texte centrale.
dallage, ce gradin entoure chaque base en granite. Sur les cinq registres supérieurs de cette
La fondation des obélisques semble avoir été la pre- seconde décoration, la figure et le nom d’Amon
mière opération réalisée dans la cour à l’ouest du ont été martelés sous Akhenaton, puis regra-
Ve pylône, avant la pose du radier et de son dallage. vés. Quelques cartouches d’Hatshepsout et de
Cela est corroboré par l’inscription 231 gravée sur la Thoutmosis III, gravés au-dessus de leur représenta-
face orientale de l’obélisque nord. tion, ont été effacés par Séthy Ier pour être regravés à
Ce texte indique qu’Hatshepsout a achevé son nom. Ces palimpsestes successifs ont changé la
le projet de Thoutmosis Ier qui avait probablement couleur du parement modifié dont le reflet jaune est
prévu de poser des obélisques 232. Datés de l’an 16, la conséquence d’un polissage moins fin du granite
ceux posés par Hatshepsout n’ont pas été mention- alors que le parement d’origine avait une teinte plus
nés dans le « Texte de la Jeunesse » de Thoutmosis III, rouge. La même observation peut-être faite sur la
texte qui a probablement été gravé au moment de la partie supérieure de l’obélisque sud, qui est couchée
« soit-disant proscription » d’Hatshepsout, comme près du lac Sacré.
le laissent supposer les vestiges d’une décoration
primitive en relief. Aux trois quarts masqués par le 6.10. Le chemisage des
chemisage et la couverture des colonnes campanifor- obélisques d’Hatshepsout
mes de Thoutmosis III, ces obélisques n’étaient plus (pl. LIX-LXI, LXXX, LXXXII)
visibles, ce qui explique pourquoi ni les représenta-
tions, ni le nom de la reine n’ont été martelés 233 sur Les deux obélisques ont été entourés d’un imposant
la partie supérieure des obélisques dépassant le toit chemisage construit de gros blocs en grès, superpo-
de la Ouadjyt (pl. LVIII). sés en assises régulières. Les joints entre les blocs et
l’obélisque étaient remplis d’un mélange de plâtre et
6.9. La décoration des de déchets de taille en grès, qui ne laissait à l’obélis-
obélisques d’Hatshepsout que aucune possibilité de déplacement. La première
(pl. LVIII, LXXX) assise du chemisage nord est posée directement sur
le dallage qui entoure l’assise de réglage de la fon-
Les deux obélisques (h : 54 coudées) dressés au milieu dation de l’obélisque. La seconde assise repose à
de la cour entre le Ve et le IVe pylône sont posés sur cheval sur la première assise et le lit d’attente de l’as-
une base en granite dont chaque face est inscrite sise de réglage qui forme le gradin décrit plus haut.
première assise de fondation de l’obélisque nord. Elle repose dans la cou- némès. Son sommet est à l’altitude +72,69.
che de sable à l’altitude +71,83 , soit environ un mètre sous le niveau +72,80 230 Sondage de R. Le Bohec en novembre 2005.
du lit de pose de la fondation. L’angle sud-ouest de la niche passant sous 231 Supra, n. 194.
la fondation, celle-ci ne peut donc excéder deux assises. La niche contient 232 Supra, 5.9.
à priori deux statues jumelles représentant le roi Neferhotep Ier portant le 233 À l’exception du torse d’Hatshepsout martelé à moitié sur le pare-
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 459
ment ouest du sixième registre à partir du haut. Ce martelage semble lié à d’électrum en très grande quantité, illuminant le double pays comme le
l’installation de la couverture des cours à colonnes papyriformes. disque solaire ».
234 P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak…, op. cit., p. 99, n. 3 : « Se- 235 Les traces caractéristiques des pics en fer sur les joints ne semblent pas
lon le texte gravé sur l’obélisque nord, face ouest ; voir Urk., IV, 357. Cette antérieures à la Basse Époque.
mention est importante, car elle indique que, pour Hatchepsout, c’est le 236 Cette scène décore habituellement la façade du pylône d’entrée d’un
Ve pylône (et non le IVe) qui est le pylône d’entrée du temple, la porte temple.
citée [Amon est grand de prestige] étant celle du Ve pylône. » ; J.-Fr. Carlotti, 237 P. Barguet, op. cit., p. 101, n. 1 : « bien que soigneusement martelé sous
L. Gabolde, « Nouvelles données sur la Ouadjyt », Karnak XI, 2003, Aménophis IV, on peut y lire le nom de Amenhotep-neter-heka-Ouaset. »
p. 275 : « Elle a fait comme son monument pour son père Amon, maître et Chr. Loeben, « Le cartouche sur la face ouest du mur de coffrage de
des trônes du double pays, l’acte d’ériger pour lui deux grands obélisques à l’obélisque nord d’Hatshepsout », Karnak VIII, 1987, p. 229-231.
la porte vénérable <dont le nom est> Amon-our-shefyt [Ve pylône] plaqués
460 Karnak xii
Ce cartouche aurait été un argument pour attribuer Sur le parement oriental du chemisage sud, Charles
à Amenhotep II la décoration du chemisage, si la Van Siclen propose de replacer deux blocs 241 sur les-
colonne de texte incluant le cartouche n’avait été quels est représenté, en relief, un grand obélisque
gravée sur une marqueterie géante de plaquettes en (1/3 de la taille réelle) décoré d’une colonne de texte
grès épaisses d’environ 20 cm. axiale flanquée de scènes superposées 242 (pl. LVIII,
Ces plaquettes sont soigneusement scellées LX). Qu’Hatshepsout ait fait représenter, sur le che-
avec du plâtre dans des engravures découpées dans misage, l’obélisque que ce dernier cachait est plus
le parement des énormes blocs du chemisage. Les vraisemblable que ceux de l’est dont le fragment
joints horizontaux des plaquettes ne correspondant nº 274 montre également des scènes d’offrandes
pas aux assises du chemisage, ce placage est par con- superposées sur lesquelles Hatshepsout est séparée
séquent postérieur à la construction de ce dernier. d’Amon par une colonne de texte centrale.
Les plaquettes ont probablement été encastrées afin D’autres grandes représentations d’obélis-
d’obtenir un nouveau parement vierge, là où une ques sont connues à Karnak, mais à une plus petite
décoration en creux avait été arasée, le martelage du échelle et avec moins de détails que sur ces deux
relief dans le creux enlevant, en effet, une épaisse blocs. Deux des représentations datent du règne de
couche de pierre 238. Thoutmosis III : les obélisques gravés sur le pare-
ment nord du couloir des Annales, au début de la
L’auteur du chemisage
« grande Offrande », et ceux gravés de part et d’autre
Quel nom Amenhotep II a-t-il pu faire disparaî- d’un pylône sur le parement nord de la salle du
tre en remplaçant l’ancienne décoration par un Château de l’or 243.
nouveau texte gravé à son nom sur ces plaquettes ? En attribuant le chemisage et sa décoration
Celui de son père Thoutmosis III semble impro- d’origine à Hatshepsout 244, la chronologie des deux
bable, alors que celui d’Hatshepsout 239 serait plus décorations successives des obélisques s’explique
crédible, d’autant qu’Amenhotep II a déjà fait beaucoup mieux : la première décoration a été gra-
effacer la décoration de la reine sur la face sud du vée sur des obélisques entièrement visibles alors que
VIIIe pylône et sur une porte, à Karnak-nord. Il la seconde décoration l’aurait été après la construc-
aurait ainsi poursuivi la « soit-disant proscription » tion du chemisage, ce qui explique qu’elle n’occupe
d’Hatshepsout commencée par son père. Il est aussi que la partie supérieure du fût, la partie inférieure
possible que le martelage du chemisage ait com- étant cachée. Le départ de la seconde décoration,
mencé sous Thoutmosis III 240.
238 Des plaquettes similaires m’ont été signalées par J. Karkowsky dans Amenhotep II.
les murs de la troisième terrasse à Deir el-Bahari et dans le temple de 241 Ces deux blocs, posés sur les banquettes sud, m’ont été signalés par
Bouhen. J.-Fr. Carlotti, L. Gallet, Conférence du Congrès d’Égyptologie, L. Gabolde. Le fragment de texte conservé est gravé de deux obélisques
Grenoble, septembre 2004 : le ravalement complet des parois de la cour que l’on retrouve sur la colonne de texte de la face ouest de l’obélisque
et de la salle Hypostyle du temple de l’est a servi à faire disparaître un nord.
décor en relief dans le creux. Les murs ont une épaisseur si mince que des 242 Le roi et Amon ont été martelés, mais avec des traces différentes.
plaquettes (10 à 15 cm) ne correspondant ni à une restauration ni à une Cette disposition particulière de la décoration n’existe pas sur les obélis-
mise en œuvre hasardeuse ont dû être appliquées contre le parement du ques orientaux dont la partie inférieure est décorée sur trois côtés d’une
mur qui avait fait l’objet d’un important ravalement préalable. scène de grande hauteur et sur le quatrième, d’une imposante représenta-
239 A. Fakhry, ASAE 46, p. 30 : « a foundation-deposit from the reign tion en ronde-bosse d’Amon, debout, à côté duquel Hatshepsout devait
of Hatshepsut was found under her southern obelisk. It consists of seve- se tenir. Au-dessus, des registres de scènes d’offrandes devant le dieu sem-
ral bronze implement and alabasters vases. ». La base de l’obélisque ayant blent être superposés sur toute la hauteur du fût.
déjà été replacée sur une fondation consolidée par G. Legrain, il semble 243 Cl. Traunecker, « Le « Château de l’Or » de Thoutmosis III et les
impossible que ces objets aient été découverts sous l’obélisque, mais plutôt magasins nord du temple d’Amon », CRIPEL 11, 1989, fig. 6.
le long de la fondation, sous le dallage, où ce dépôt pourrait être celui du 244 Chr. Wallet-Lebrun, dans M. Dewachter, A. Fouchard (éds), op. cit.,
chemisage. p. 250-252 : « En fait, ces coffrages pourraient bien être d’origine, autre-
240 Ch. Van Siclen date le remodelage des deux cours du IVe pylône en ment dit avoir été construits par la reine elle-même. »
salle à colonnes-ouadj de la co-régence qu’il attribue à Thoutmosis III et
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 461
245 Chr. Wallet-Lebrun m’a fait remarquer que les rois de la XVIIIe qui pourrait être aussi associé à la pose du chemisage. Un troisième dépôt
dynastie ont presque tous utilisé le terme kheper dans leur nom de couron- a également été fouillé 3 m plus au sud, avec une centaine de céramiques
nement : Thoutmosis Ier, Thoutmosis II, Thoutmosis III, Amenhotep II, et un galet poli en quartzite gravé au nom d’Hatshepsout. Ce troisième
Thoutmosis IV, Amenhotep IV, Semenkharê, Toutânkhamon ; Aÿ et dépôt a été installé dans la couche de sable sur laquelle repose le radier du
Horemheb. dallage. Le 5 janvier 2006, R. Le Bohec a découvert un quatrième dépôt de
246 Observation de J. Karkowski le 24 novembre 2005. fondation posé au fond (+71,3) de la fosse de fondation de l’obélisque dont
247 En novembre 2005, R. Le Bohec a découvert sous le seuil de la porte seule une partie faite de céramiques, d’os, de perles en cornaline et de deux
nord du chemisage un dépôt de fondation composé de 26 cartouches en cartouches au nom de Maâtkarê, a pu être extraite, le reste s’enfonçant
fritte bleue (20 au nom de Maâtkarê et 6 à celui de Thoutmosis III) asso- profondément sous la fondation de l’obélisque.
ciés à des poteries et à un ensemble d’outils en cuivre (couteaux, hermi- 248 A. Varille, Karnak-Nord I, op. cit., p. 35-37, pl. XCVII.
nettes, burins et poinçons). Les inscriptions gravées sur ces outils sont en 249 Le nom de Thoutmosis II semble original et n’avoir pas été regravé
relation avec la fondation des obélisques. La position de ce dépôt, entre sur celui de la reine.
deux blocs du radier et à l’aplomb de la porte liée au chemisage, indique sa 250 PM II 2, p. 174 (517, II) et Urk. IV, 266-274.
liaison avec cette dernière construction. 50 cm plus au sud, trois autres car- 251 Chr. Wallet-Lebrun (traduction à paraître, texte 18/5 C2, face ouest,
touches en fritte au nom de Maâtkarê ont été découverts dans une cavité infra. 6.11 et n. 260) pense que le chemisage composait une structure ana-
cubique creusée dans le dallage et le radier séparant le môle de la fondation logue à celle qui s’apercevait dans les temples solaires de la Ve dynastie : au
de l’obélisque nord. Ils semblent provenir d’un second dépôt de fondation moins ceux d’Ouserkaf, de Neferirkarê et de Menkaouhor (Voir commen-
462 Karnak xii
La hauteur du chemisage
l’obélisque nord puisque, bien que caché par le
(pl. LVIII, LXXX, LXXXII)
chemisage, il mentionne un placage d’électrum sur
seulement la partie supérieure du fût 252. Il faudrait La hauteur du chemisage, estimée à 26 coudées, est
déterminer si cette partie plaquée correspond exac- inférieure aux 31 coudées attribuées aux colonnes
tement à celle dépassant le chemisage pour pouvoir construites par Thoutmosis III dans la cour nord
confirmer cette hypothèse d’un chemisage conçu (hauteur de l’obélisque : 54 coudées). Cependant, le mar-
avec les obélisques. telage des scènes supérieures de la seconde décora-
tion des obélisques ne commençant qu’à environ 11
Une raison technique. Le chemisage des obélis- coudées (5,8 m) au-dessus du sommet de ce chemi-
ques pourrait aussi être lié à une faiblesse de leurs sage, les scènes inférieures sont restées curieusement
fondations qui, au nord, sont constituées de seule- intactes. L’explication de ce martelage sélectif est
ment trois assises superposées (h : 258 cm) posées sur donnée par la chronologie des constructions.
une très épaisse couche de sable (88 cm). Après avoir fait installer des colonnes très
L’obélisque nord étant toujours bien ver- hautes dans les deux cours, Thoutmosis III puis
tical et en place, sa fondation n’a pas été per- Amenhotep II firent couvrir d’un plafond en grès 256
turbée. Au contraire, celui du sud est tombé et les péristyles ainsi créés ainsi que les couloirs sépa-
seuls quelques fragments de la partie inférieure rant le chemisage des obélisques du Ve pylône à l’est
du monolithe ont été replacés par G. Legrain 253 et du IVe pylône à l’ouest 257.
sur la base en granite qu’il avait dû préalablement Pour couvrir les deux couloirs au même
remettre à niveau, le mauvais état possible des fon- niveau que les péristyles, c’est-à-dire 37 coudées au-
dations ayant entraîné son dévers vers le sud. Ce dessus du dallage, trois nouvelles structures furent
dévers laisse supposer que, sous l’énorme poids de installées :
l’obélisque sud, la partie sud de la fondation s’est — à l’est, un mur fut plaqué contre le Ve pylône en
lentement tassée, modifiant l’horizontalité de la face du parement oriental du chemisage. Cachant
base et, par conséquent, la verticalité du mono- partiellement le jambage oriental des deux portes
lithe 254. La crainte de sa chute aurait entraîné la latérales du chemisage, ce mur plaqué est, par con-
construction du chemisage qui, en solidarisant les séquent, postérieur au chemisage ;
obélisques entre eux et, d’une moindre manière, — à l’ouest, huit pilastres furent adossés au
au Ve pylône, aurait ainsi empêché cet accident de IVe pylône en face du parement occidental du che-
se produire 255. misage. Une nouvelle porte en grès fut également
La minceur du chemisage (3 coudées à la plaquée contre le chambranle oriental de la porte
base et 2 coudées au sommet) plaqué contre le axiale du IVe pylône.
parement sud de l’obélisque sud permettrait de — Le sommet de la couverture des couloirs dépas-
mettre en doute ce rôle de support, si l’on ne pre- sant d’environ 11 coudées le sommet du chemisage,
nait pas en compte le rôle des nombreux cram- ce dernier a probablement été surélevé avec des assi-
pons en bois qui lient solidement entre eux les ses en grès sur une hauteur de 9 coudées de façon à
blocs d’une même assise. supporter l’extrémité des dalles de couverture dont
taire des textes 18/5A, B, C, D). pu entraîner la fracture des deux assises.
252 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte 18/5 C3 (face nord) 255 L’obélisque sud a chuté vers le sud probablement après le démontage
(infra. 6.11). du chemisage.
253 M. Azim, G. Réveillac, Karnak dans l’objectif de Georges Legrain, 256 Le sommet des dalles serait placé 37 coudées au-dessus du dallage si
vol. 2, CNRS éditions, Paris 2004, p. 101-102, n° 4-4/36-40. l’on restitue 31 coudées pour la colonne, 1 coudée pour le dé, 3 coudées
254 Ce tassement a pu arriver au moment de la rotation de l’obélisque pour l’architrave et 2 coudées pour la couverture.
dans la rainure creusée sur côté nord de la base en granite. En basculant 257 En pénétrant sous les colonnades des deux cours, la lumière solaire
trop rapidement sur sa base, l’obélisque aurait alors causé un choc violent était diffusée indirectement vers les couloirs séparant le chemisage des
sur son côté sud, qui, en se répercutant sur une fondation peu épaisse, a pylônes.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 463
l’épaisseur est restituée à 2 coudées. Cette suréléva- faits du meilleur électrum de tous les pays étrangers qui soit ; ils
tion ainsi que la couverture ont alors caché les trois s’aperçoivent des deux côtés du fleuve et leur éclat inonde de
premiers registres de la seconde décoration des obé- lumière les Deux-Terres lorsque le disque s’inscrit entre eux deux
lisques (pl. LXXXI-LXXXIII). à la façon dont il apparaît en gloire dans l’horizon céleste... »
À l’époque d’Akhenaton, les représentations Lignes de texte de la partie inférieure du fût, pare-
d’Amon n’ont été martelées que sur la partie visi- ment nord 259: « Quant à cette paire d’immenses obélisques
ble des obélisques, c’est-à-dire celle dépassant de la que Ma Majesté a plaqués d’électrum pour mon père Amon, afin
couverture des couloirs et des péristyles. La déco- que mon nom fût inscrit durablement dans ce complexe divin,
ration de leur partie comprise entre le sommet du pour toujours et à jamais, il s’agit de monolithes de dur granit,
chemisage et celui de la couverture des couloirs sans liaisonnement ni raccord. Ma Majesté en a dirigé les travaux
(h : 11 coudées) était cachée et n’a pas été modifiée à de l’an 15, premier jour du 2e mois de la saison peret, jusqu’à l’an
l’exception, sur son parement ouest, du troisième 16, dernier jour du IVe mois de la saison shemou, soit sept mois
registre à partir du bas où la partie supérieure de la de labeur dans la montagne dont j’ai assuré pour lui le suivi avec
figure d’Hatshepsout et son cartouche ont été mar- la loyauté que doit un roi à toute divinité; et comme c’était mon
telés (pl. LVIII). dessein de les couler en électrum en son honneur, j’en ai donc
gainé les capuchons de leurs fûts ... »
6.11. Identification des Lignes de texte de la partie inférieure du fût, pare-
obélisques mentionnés à ment ouest 260 : « Je n’étais pas sans savoir qu’Ipet-sout est l’hori-
l’époque d’Hatshepsout zon sur terre, l’auguste tertre originel, l’Oudjat du seigneur universel,
sa place favorite qui accueille sa perfection et abrite les membres
Des obélisques sont décrits avec précision sur les de sa suite ». Le « roi » lui-même dit : « C’est aux lointaines généra-
monuments d’Hatshepsout comme la chapelle tions futures que j’entends m’adresser, elles qui méditeront sur ce
Rouge et l’obélisque nord chemisé, ainsi que dans la monument que j’ai réalisé pour mon père, qui s’entretiendront et
biographie d’Ineni. Ces descriptions se complètent, regarderont vers l’avenir. Donc, ayant pris place sur le trône dans
ce qui permet de différencier les obélisques et de le palais et repensé à l’auteur de mes jours, je conçus le projet de
déterminer leur emplacement. réaliser pour lui une paire d’obélisques, aux pyramidions d’électrum,
qui se confondraient avec les nues, (que je dresserai) en deçà de la
Obélisque nord chemisé
splendide cour à piliers, et qui constitueraient les « âmes » de deux
Les textes inscrits sur l’obélisque nord de la cour immenses tours, pour le défunt roi Thoutmosis Ier ... ».
entre le Ve et le IVe pylônes décrivent bien la paire Colonne de texte du fût, parement ouest 261 :
de monolithes en granite aux pyramidions plaqués « Hatshepsout ... qui compte parmi son œuvre en faveur de son
d’électrum de cette cour : père Amon, seigneur-des-trônes-des-Deux-Terres, l’érection d’une
Lignes de texte de la partie inférieure du fût, pare- immense paire d’obélisques à la splendide porte Amon-our-shefyt
ment sud 258: « Hatshepsout, électrum de la royauté qui compte [porte du Ve pylône], généreusement plaqués d’électrum, qui illu-
parmi son œuvre en faveur de son père Amon, seigneur-des-trô- minent les Deux-Terres comme le disque ; jamais rien de semblable
nes-des-Deux-Terres, qui-préside-à-Ipet-sout, la réalisation d’une n’avait été réalisé depuis les temps primordiaux. Il a œuvré, le fils de
immense paire d’obélisques en dur granit du sud aux capuchons Rê, Hatshepsout, doué de vie comme Rê à jamais. »
258 Urk. IV, 362, 7-16 ; J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, « Nouvelles données 260 Urk. IV, 364, 1-365, 5 ; J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, op. cit., p. 275.
sur la Ouadjyt », Karnak XI, 2003, p. 275. La traduction donnée ici est Traduction de Chr. Wallet-Lebrun, à paraître, texte 18/5 C 2.
celle de Chr. Wallet-Lebrun, à paraître, texte 18/5 C1. 261 Urk. IV, 357, 2-9 ; J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, ibidem, p. 275.
259 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte 18/5 C3. Traduction de Chr. Wallet-Lebrun, à paraître, texte 18/5 A.
464 Karnak xii
Colonne de texte du fût, parement est 262: « « Sa — les tours en calcaire pourraient être les môles du
majesté (Hatshepsout) a fait en sorte que le nom de son père Ve pylône ;
(Thoutmosis Ier) soit établi sur ce monument durable, <et> — les mâts en bois pourraient être ceux encastrés
qu’ainsi hommage soit rendu au roi de Haute et Basse-Égypte, dans les niches du Ve pylône ;
maître du double pays, Âakheperkarê, par la majesté de ce dieu — la grande porte Amon-sekhem-faou à un seul van-
auguste, ainsi deux grands obélisques ont été érigés par sa majesté tail pourrait être la porte de la structure qu’a rem-
(Hatshepsout) pour la première fois. Voilà ce qui fut dit par le placé le VIe pylône — dont la porte n’a également
maître des dieux : « n’est-ce pas ton père, le roi de Haute et Basse- qu’un seul vantail 265.
Égypte, Âakheperkarê qui a décrété l’installation d’obélisques — La paire d’obélisques pourrait être celle qui aurait
<ici>, ce que ta majesté (Hatshepsout) aura <effectivement> dû être dressée devant le Ve pylône avant celle
refait, étant douée de vie ? ». d’Hatshepsout (infra. 5.8 et 6.8).
Rédigée au début du règne de Thoutmosis III, « Le « roi » en personne a érigé une paire d’immenses obélisques pour
cette biographie 263 décrit les travaux entrepris son père Amon-Rê au fond [Litt.: « en avant de »] de la splendide
à Karnak du règne d’Amenhotep Ier à celui de cour à portiques papyriformes, généreusement plaqués d’électrum,
Thoutmosis III. Dans ce passage, Inéni décrit l’œu- si hauts qu’ils percent les nues, illuminant les Deux Terres comme le
vre de Thoutmosis Ier : « J’ai supervisé les immenses monu- disque. Jamais rien de semblable n’avait été réalisé depuis les temps
ments qu’il a réalisés //// ... [une cour ?] //// ... ; de monumenta- primordiaux. Qu’elle soit douée de vie à jamais ! » 266.
les tours disposées symétriquement en avant d’elle en belle pierre Plaqués d’électrum, ces obélisques sont habi-
blanche de calcaire ; l’érection à la sortie du temple de splendides tuellement considérés comme étant ceux du chemi-
mâts dans le meilleur bois de sapin frais des Échelles, aux sommets sage puisqu’ils sont « au fond de la splendide cour à
d’électrum. J’ai supervisé //// ... plaqué(es?) d’électrum. J’ai super- portiques papyriformes ».
visé l’érection de la grande porte Amon-sekhem-faou, dont le magni-
Conclusion sur les obélisques
fique vantail en cuivre d’Asie porte l’« ombre » divine ithyphallique
du chemisage
ciselée d’or. J’ai supervisé l’érection d’une paire d’obélisques //// ...
l’exécution d’un splendide bateau de 120 coudées de long sur 40 de Les inscriptions 267 relatives aux obélisques du che-
large pour transporter ces obélisques qui abordèrent sains et saufs misage se recoupent et se complètent pour expliquer
à Ipet-sout … ». que :
Il est possible de voir dans les éléments — ils nécessitèrent sept mois de travail dans les carriè-
décrits, dans l’ordre : res du sud entre l’an 15 et l’an 16.
— l’hypothèse d’une cour à colonnes polygonales — Ils furent construits devant la porte du Ve pylône
qui serait celle construite à l’est du Ve pylône 264. Amon-our-shefyt, en deçà (à l’ouest) de la cour à piliers
L’interprétation de cette partie manquante du texte de Thoutmosis Ier (les colonnes polygonales de la cour
a souvent été influencée par l’hypothèse de K. Sethe du Ve pylône) et au fond de la cour à colonnes cam-
qui y avait restituée une Iounyt avec des colonnes paniformes de Thoutmosis Ier (les deux colonnes nord
papyriformes ; au nom de Thoutmosis Ier).
262 Urk. IV, 358, 4-10. Traduction de J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, ibidem, qui compte parmi son œuvre en faveur de son père Amon-Rê, qui-est-à-la-
p. 274. Voir également Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte 18/5 tête-des-Deux-Terres, la réalisation d’une splendide cour à piliers qui réjouit
B (supra, n. 195). les Deux Terres par sa haute taille. Qu’il soit doué de vie à jamais ! »
263 PM I 1, 159, TT 81 (2) ; Urk. IV, 55, 16-56, 17 ; Chr . Wallet-Lebrun, 265 Chr. Wallet Lebrun m’a fait remarquer qu’en plaçant cette porte à cet
« Notes sur le temple d’Amon-Rê à Karnak, 1 : L’emplacement insolite endroit, la description d’est en ouest revenait vers l’est.
des obélisques d’Hatshepsout », BIFAO 82, 1982, p. 357-358. Traduction de 266 P. Lacau, H. Chevrier, Une chapelle d’Hatshepsout à Karnak, I, IFAO,
Chr . Wallet-Lebrun, à paraître, texte 18/3 D inscrit sur la stèle en calcaire Le Caire, 1977, p. 232, § 369, bloc 302 ; traduction de Chr. Wallet-Lebrun,
dans la tombe d’Inéni (TT 81). à paraître, texte 18/5 D.
264 Chr . Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte 18/3 B : « Thoutmosis Ier 267 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, textes 18/5 A-D.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 465
268 Supra, n. 252. déjà appuyée contre le mur à l’époque d’Akhenaton. Les cartouches d’Ah-
269 Cette hypothèse a déjà été proposée par J. Lauffray, « Les travaux du mès-Néfertari étant conservés sur le devant du trône, le cartouche effacé
Centre Franco-Égyptien d’Étude des Temples de Karnak, de 1972 à 1977 », sur le dossier est probablement celui d’Hatshepsout. Profonde de 195 cm,
Karnak VI, 1980, p. 16 : « Elles ne paraissent pas à leur place d’origine et la statue devait tenir sur la base en calcite dont le diamètre est de 204 cm.
semblent, telles qu’elles sont disposées, avoir été réutilisées comme socle Sur la base en calcite nord, il serait tentant de placer la dyade d’Horemheb
d’un objet disparu ». Au sud, il serait possible de placer la grande statue représentant Amon et Mout (voir PM II 2, 30), cette dyade ayant peut-être
en calcaire dur représentant la reine Ahmès-Néfertari assise (pl. 55) avant remplacé une statue plus ancienne.
qu’elle ne soit déplacée dans l’angle sud-est par Amenhotep II et qu’il ne la 270 J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, op. cit., p. 295 : « le décor à deux griffons
remplace par sa petite chapelle en grès. En effet, le texte gravé sur le dos du encadrant le cartouche de Thoutmosis III qui surmontait le linteau de la
trône a été martelé de façon inhabituelle : seul le nom du souverain a été porte nord-est de la Ouadjyt nord (nº 16 et pl. XVI) paraît dater le contre-
effacé alors que celui d’Amon est intact, ce qui indique que la statue était parement dans lequel cette ouverture est aménagée du règne de ce roi. »
466 Karnak xii
Le nom de la cour
ment leur construction et, par conséquent, l’enlè-
vement des statues des niches. Il semble d’ailleurs Le terme de Ouadjyt semble s’appliquer à un péris-
avoir été un acteur énergique de la « soit-disant tyle à colonnes, comme l’a expliqué Christiane
proscription » d’Hatshepsout puisqu’il a complè- Wallet-Lebrun 273.
tement effacé les représentations de la reine sur le Dans les textes des colonnes, Amenhotep II
VIIIe pylône et probablement sur le chemisage des emploie des expressions voisines pour désigner la
obélisques. Ouadjyt sud comme un élément de cour 274 :
— colonne XIV : « cour à augustes colonnes papyri-
Les différences des deux colonnes
formes » ;
nord
— colonne XIII : « augustes colonnes papyriformes
Les deux colonnes 271 placées au nord de la cour nord pour le portique papyriforme sud ».
diffèrent des autres. Au-dessus de la couronne de Ainsi le terme Ouadjyt, employé sans aucun
feuilles de papyrus qui sort de la base, l’unique ligne qualificatif, signifierait « colonnade papyriforme » et
du texte 272 primitif, de grand module et au nom de désignerait un double-portique à colonnade analo-
Thoutmosis Ier, a été remplacée par seulement trois gue à celui de la « grande Cour ».
nouvelles lignes au nom de Thoutmosis III. D’autre Les six colonnes de la cour nord et les huit
part, la fleur habituellement gravée entre les feuilles de la cour sud semblant ainsi former un péristyle
de papyrus ne l’a pas été sur la colonne nord-ouest qui encadrait les quatre côtés de chaque cour, il
(nº III). Autre particularité, chaque base des deux aurait été logique d’imaginer que la partie centrale
colonnes nord est taillée dans deux blocs adossés qui entre les colonnes soit à ciel ouvert, mais la coupe
possèdent également l’amorce du fût de la colonne, restituée est-ouest (pl. LXXXIII), sur chaque
alors que la première assise des quatre autres colonnes cour, montre que cette disposition aurait laissé
est posée directement sur chaque base. un espace bien trop étroit (~ 2 coudées) entre les
Ces différences visibles sur les deux colon- corniches de couronnement des architraves face
nes nord semblent bien confirmer le texte de à face. Il semble alors préférable de couvrir l’en-
Thoutmosis III qui mentionne avoir trouvé deux semble avec des dalles en grès qui protégeaient la
colonnes déjà en place au nord. totalité de chaque ancienne cour.
271 PM II 2, p. 105, colonnes n° III et VI. dont provient le fragment Fortier-Loeben. »
272 Chr. Wallet-Lebrun, « Notes sur le temple d’Amon-Rê à Karnak, 2. 273 Chr. Wallet-Lebrun, op. cit., p. 321-322 : « Mais on remarquera
Les wadjyt thoutmosides entre les IVe et Ve pylônes », BIFAO 84, 1984, pl. LX ; qu’Amenhotep II, dans sa dédicace inscrite sur la colonne VII emploie
voir L. Borchardt, Zur Baugeschichte des Amonstempels von Karnak, op. cit., l’expression ws≈t nt w“ƒw (Urk. IV, 1331, 11). Sans doute traduit-on ws≈t
p. 12. J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, ibidem, p. 263 : « Par ailleurs, aucun rac- tantôt par « cour », tantôt par « salle ». Mais Hérihor use d’une expression
cord [des deux colonnes nord] avec le fragment publié par Chr. Loeben similaire, sinon identique, pour désigner la cour du temple de Khonsou.
et A. Fortier ne peut être envisagé, non seulement parce que le texte pri- Et là, la bonne conservation de la couverture comme les vastes dimen-
mitif qui s’y trouve — celui de grand module — montre des passages qui sions de l’édifice excluent toute équivoque : il s’agit bel et bien d’une
sont aussi présents dans nos fragments et qui seraient donc redondants, cour. Il est un argument plus décisif encore : on voit mal comment on
mais encore parce que le texte palimpseste y a été regravé sur trois lignes pourrait comprendre que Sheshonq I a entouré sa cour des fêtes d’une
— d’ailleurs nettement plus hautes — et non sur quatre. Ceci porte donc salle hypostyle. Un simple coup d’œil sur la « grande Cour » nous oblige à
à trois le nombre de colonnes de la Ouadjyt où l’on rencontre des textes constater qu’il a, en fait, bordé (intérieurement) sa cour d’un double-por-
palimpsestes. Du moins si l’on suppose que chaque colonne n’a jamais tique à colonnade papyriforme, ce qui doit être le sens de la phrase citée.
porté qu’une seule ceinture de texte de dédicaces. En toute rigueur, il faut Inversement, on observera que la plus impressionnante des salles hyposty-
bien admettre que rien n’interdit que plusieurs bandeaux de dédicace les à colonnes papyriformes, en l’occurrence celle des Ramessides à Karnak,
aient été répartis à différentes hauteurs du fût, mais cela reste, à ce jour, n’est jamais désignée par le terme wadjyt. ». Eadem, dans M. Dewachter, A.
invérifiable… et surtout sans parallèle. » et p. 294 : « En revanche, le fait Fouchard (éds), op. cit., p. 237-243.
que le texte regravé l’ait été sur quatre lignes sur les deux colonnes du nord 274 Chr. Wallet-Lebrun, « Notes sur le temple d’Amon-Rê à Karnak… »,
et non sur trois, signifie certainement que l’on voulait distinguer les deux op. cit., p. 323 : « Donc, pour le même secteur, Aménophis II et
septentrionales des quatre autres. Cette différence s’explique d’ailleurs par Thoutmosis III emploient des expressions extrêmement voisines : « cour
le fait que les textes regravés sur les deux colonnes du nord étaient diffé- à augustes colonnes papyriformes » et « augustes colonnes papyriformes
rents et plus longs que ceux gravés ou regravés sur la colonne nº IV et celle pour la colonnade papyriforme sud » selon Aménophis II ».
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 467
fût avait été bien lisse. Au contraire, chacun pos- ; gravée avec des représentations de mon père A[mon], ainsi que
sède trois longs pincements verticaux qui existent des représentaions de Ma Majesté et des représentations de mon
aussi sur les colonnes centrales de la salle Hypostyle « père », le dieu parfait [Thoutmosis Ier], étant donné que ce qui
ramesside et la colonnade orientale de Taharqa. Ces existait était dû à leur action. Alors Ma Majesté agença cela avec
deux colonnades ayant des chapiteaux ouverts, il de la pierre [de] grès afin de rendre ce complexe divin [de mon
semble logique d’en couronner également les colon- père Amon-Rê] plus solide ///.../// comme le firmament fixé sur
nes de la Ouadjyt du IVe pylône 278. Leur faible espa- ses quatre étais, avec de grands et solides monuments utiles au
cement risque cependant de laisser très peu d’espace seigneur de l’éternité, en granit d’Eléphantine, en pierre dure
entre les corolles des chapiteaux ouverts mais cela plaquée de ///... ///qu’a fondu(e? s?) en or Nefer-Hor. (Aussi vrai
était peut-être l’effet recherché, cette densité des que je) vis pour (moi), que Rê m’aime, que me loue ///... ///
colonnes symbolisant un fourré de papyrus. [J’ai érigé ces] quatre nouvelles colonnes dans la moitié nord en
Sur la chapelle en granite de Thoutmosis III, plus de ce qu’avait réalisé mon « père ». Jamais rien de tel n’avait
une Ouadjyt est mentionnée à l’aide de trois colon- été fait depuis les temps primordiaux ». Sa Majesté a exécuté
nes dactyliformes 279. cela, parce qu’Elle préfère [son père Amon-Rê à] tous les autres
[dieux]. Il a œuvré le fils de Rê issu de son corps Thoutmosis III,
Les textes des colonnes décrivant
doué de vie, stabilité, force et santé comme Rê à jamais ! » 280.
les modifications architecturales
Interprétation du texte : Thoutmosis III décrit
Un texte de trois lignes est gravé entre la couronne ici les modifications apportées à un portique papy-
de papyrus et l’anneau de corbeilles qui décorent la riforme couvert en bois. Les éléments ajoutés sem-
partie inférieure de chaque colonne. Ce texte ayant blent appartenir à un portique bordant les côtés
souvent sectionné la pointe des papyrus, il semble d’une cour :
qu’il ait été gravé à la fin de la décoration. — six colonnes papyriformes, dont deux provien-
Texte de Thoutmosis III sur la colonne IV : « Vive nent du portique primitif probablement construit
Thoutmosis III ... qui compte parmi son œuvre en faveur de son par Hatshepsout, au nom de Thoutmosis Ier dont
père Amon-Rê l’érection de [quatre] colonne[s] /// /// /// [en] elle aurait poursuivi le projet ;
belle [pierre blanche] de grès. Le fait est que Sa Majesté avait — une couverture en grès de la colonnade pour rem-
trouvé un portique papyriforme en /// ... /// dieu parfait, sei- placer l’ancienne couverture en bois ;
gneur des rites, avec une couverture en bois de sapin. Alors Ma — une porte 281 encadrée par les nouvelles colon-
Majesté ajouta quatre colonnes papyriformes aux deux colonnes nes, mais qui ne semble pas avoir été modifiée par
papyriformes dans la moitié nord; total six colonnes papyrifor- Thoutmosis III.
mes plaquées d’électrum, ??? ///...///-ainsi que les présents appor- Texte de la biographie de Menkheperrêseneb 282 :
tés à la puissance de Ma Majesté à titre de tributs de tous les pays « J’ai supervisé l’érection de ///.../// par mon maî-
étrangers ordonnés pour moi par mon père Amon-Rê-avec une tre, le roi de Haute et de Basse-Égypte ///...///
couverture en pierre de grès et dont la hauteur atteint 31 coudées, Menkheperrê-tches-khaou-Amon en dur granit, cons-
des deux côtés de la grande et auguste porte ///.../// sur toute leur titué d’un monolithe 283 de [chaque] côté ///...///
étendue; elle(s?) illumine(nt?) ///.../// sol avec de la pierre de grès plaqué(e?) d’électrum 284 ; un péristyle en pierre de
278 Néanmoins, il semble difficile de généraliser cet assemblage puisque, 281 K. Sethe a identifié cette porte à celle du IVe pylône alors que
au temple de Khonsou et dans la colonnade occidentale de Taharqa, les L. Borchardt et Chr. Wallet-Lebrun pensent qu’il s’agit d’une porte nord.
colonnes campaniformes sans bourrelets verticaux reçoivent des chapi- 282 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte 18/6 AAF.
teaux ouverts. En revanche, les chapiteaux fermés semblent toujours posés 283 Le sanctuaire de barque en granite construit par Thoutmosis III (à
sur des colonnes papyriformes sans bourrelets mais cela devra être vérifié partir de l’an 30, d’après E. Arnaudiès, étude en cours) pour remplacer
sur l’ensemble des colonnades égyptiennes. la chapelle Rouge.
279 Chr. Wallet-Lebrun, à paraître, texte 18/6 AAA 1 : « la grande cour à 284 Aucune trace de fixation d’électrum n’a été repérée sur les jambages
portiques papyriformes supportés par des colonnes dactyliformes en pierre en granite alors que des trous alignés horizontalement pour la fixation
de grès plaquées d’électrum… » et E. Arnaudiès, étude en cours. d’un placage métallique sont visibles à la base du parement ouest des jam-
280 PM II 2, colonne nº IV ; Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, bages en grès construits à l’intérieur du portique en granite. Un tenon en
texte 18/6 C. cuivre a été découvert dans un des trous.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 469
grès 285, plaqué de l’or le plus fin qui soit des pays Majesté a réalisé un monument ? ///... /// (…). Les noms des
étrangers ///.../// plaqué d’or. (J’)ai supervisé l’érec- rois de Haute et de Basse-Égypte sont inscrits sur leur monument
tion par Sa Majesté de la grande porte 286 de l’élec- dans le domaine d’Amon-Rê, seigneur-des-trônes-des-deux-terres,
trum Menkheperrê-âa-merout-em-per-A[mo]n. (J’)ai pour l’éternité et à jamais. Si j’ai prononcé ces paroles, c’est pour
supervisé la réalisation par Sa Majesté d’imme[nse]s que vous sachiez ce que j’ai fait d’utile pour mon père /// ... » 290.
colonnes papyriformes 287 en électrum; c’est bien Interprétation du texte : l’inondation semble
plus beau que [par le passé] ///…/// (J)’[ai] super- n’avoir détruit ni les deux colonnes papyriformes pri-
visé l’érection par Sa Majesté de nombreux obélis- mitives, ni les statues assises de Thoutmosis Ier instal-
ques 288 et mâts pour son père Amon... ». lées dans les niches du IVe pylône par Hatshepsout,
Sur un parcours d’est en ouest, ce texte énu- ni les colosses osiriaques de Thoutmosis Ier appli-
mère les constructions entreprises à partir du pre- qués entre les niches. Pour restaurer la cour,
mier jubilé 289 de Thoutmosis III : le nouveau sanc- Thoutmosis III fit construire des piles entre les
tuaire de barque en granite, son portique périptère colosses osiriaques de façon à les laisser visibles, tout
en grès, le corps de portique en granite (« porte de en murant les niches renfermant les statues assises
l’électrum ») formant l’avant-porte du VIe pylône, de Thoutmosis Ier et en cachant la scène gravée au-
puis les colonnes campaniformes de la cour entre le dessus de chaque niche. Cependant, afin de rappe-
Ve et le IVe pylône et enfin les nombreux obélisques ler cette scène qui devait montrer Thoutmosis Ier
et mâts du IVe pylône. devant Amon, Thoutmosis III a probablement fait
Texte palimpseste de Thoutmosis III sur la graver une scène semblable sur le parement externe
colonne III : « ... /// le monument de [son père] Thoutmosis Ier de chaque pile. Seuls les vestiges de leurs parties
: deux colonnes papyriformes. Le fait est que Sa Majesté avait basses étant conservées, il n’est pas possible de res-
trouvé deux colonnes papyriformes dans la moitié [nord] /// ... /// tituer le nom du roi représenté, Thoutmosis Ier ou
de midi à minuit, [une forte montée des eaux (de pluie) avait sur- Thoutmosis III.
pris] ce [temp]le , en sorte qu’il fallut [une journée] pour l’écoper
/// .../// fait en vie, stabilité, force, pour embellir ce monument
ainsi que l’enfilade de statues réalisée là pour la Majesté du [roi
Thoutmosis Ier] /// ... /// dans ce complexe divin ; [gravé sur le 7. La cour à l’ouest du
sol ; il n’y eut pas besoin] de toucher à la moindre pierre pour IVe pylône : la chapelle
la déplacer, car l’eau n’avait pas porté atteinte aux images de la d’Amenhotep II entre
paroi /// ... ... /// avec ? les statues de Thoutmosis Ier, pour éviter les obélisques
de placer des statues de Ma Majesté qui auraient masqué les sta-
tues de Thoutmosis Ier . /// ... /// apporté à Ma Majesté (…) par
les rois de Basse-Égypte (…) [Alors] Sa Majesté dit (…) /// (…) À l’ouest du IVe pylône, trois paires d’obélisques
/// ... ... /// sur le monument qu’a réalisé Ma Majesté comme se dressaient autrefois de part et d’autre de l’axe
un fils qui œuvre utilement pour son père en rappelant le [nom] d’une grande « cour de cérémonie » au nom de
de son père [dans] le domaine de son père [Amon] /// ... /// Ma Thoutmosis II, appelée « cour de fêtes » 291. De la
285 Un périptère fait de piliers en grès est construit devant le sanctuaire 290 PM II 2, colonne nº III ; Chr. Wallet Lebrun, traduction à paraître,
de la barque. Les trous de fixation d’un placage métallique sont visibles à la texte 18/6 D.
base du parement ouest des deux piliers axiaux. Voir P. Barguet, Le temple 291 L. Gabolde, « La « cour de fêtes » de Thoutmosis II », Karnak IX,
d’Amon-Rê à Karnak…, op. cit., p. 130. 1993, p. 1-100. Chr. Wallet Lebrun, traduction à paraître, texte 18/4 A :
286 Ce corps de portique en granite est l’avant-porte du VIe pylône. Cf. E. « ... /// Amon, seigneur-des-trônes-des-deux-terres, qui-préside-à-Ipet-
Arnaudiès-Montélimard, op. cit. sout, ériger pour lui une « cour de cérémonie » en belle pierre blanche de
287 Les « immenses colonnes papyriformes » ne peuvent être que celles de calcaire, laquelle met en fête les deux terres par sa haute taille, accueillant
la cour entre les IVe et Ve pylônes. les richesses de tous les pays étrangers ainsi que les produits de l’orbe de
288 Infra. 7.2 : il s’agit probablement des deux paires d’obélisques cons- l’astre solaire. Il a oeuvré le dieu parfait, le seigneur des deux terres, le fils
truits sur des fondations communes, à l’ouest du IVe pylône. de Rê, Thoutmosis II/// ... »
289 E. Arnaudiès-Montélimard, op. cit., p. 142, 145 et 153.
470 Karnak xii
paire orientale au nom de Thoutmosis Ier, seul l’obé- Cependant, le dégagement récent des fondations
lisque sud est toujours debout sur sa base en granite, des trois obélisques construits au nord de l’axe du
la base nord ayant disparu. temple a montré des particularités qui obligent à
De la paire médiane, les deux bases en gra- reconsidérer la chronologie de leur construction.
nite sont encore en place, appuyées contre le pare- En effet, les deux obélisques orientaux, celui au
ment oriental du IIIe pylône alors que les fragments nom de Thoutmosis Ier et celui jusqu’ici attribué
des obélisques aux noms de Thoutmosis III et de à Thoutmosis III, sont posés sur une fondation
Thoutmosis II-Hatshepsout sont éparpillés sur les commune alors que l’obélisque ouest 295 supposé
banquettes. être de Thoutmosis II-Hatshepsout est posé sur
À l’intérieur du IIIe pylône, subsistent tou- une fondation clairement indépendante. D’autre
jours les fondations de la troisième paire, celle qui part, le bon sens s’est toujours heurté à l’hypothèse
était placée le plus à l’ouest. Il est désormais possi- que Thoutmosis III avait fait installer ses obélisques
ble de décrire avec précision les fondations des trois entre deux obélisques déjà en place 296.
obélisques placés au nord de l’axe 292. Chaque base L’obélisque sud, en place, au nom de
en granite repose sur quatre assises, au maximum, Thoutmosis Ier et certains fragments 297 caractéristi-
composées chacune d’au moins quatre longs blocs ques de ceux de Thoutmosis III et de Thoutmosis II-
en grès posés côte à côte et joints par des cram- Hatshepsout donnent des informations essentielles
pons 293. Les assises croisent leurs joints de façon à sur leurs avatars au cours des siècles.
assurer la meilleure répartition possible des charges
et à éviter ainsi les tassements différentiels. L’assise 7.1. La paire d’obélisques
supérieure de la fondation était partiellement visi- au nom de Thoutmosis Ier
ble puisqu’elle formait un gradin en grès débordant (pl. LXXXII, LXXXIII)
autour de chaque base en granite 294, l’obélisque
reposant ainsi sur la base et celle-ci sur le gradin
L’obélisque sud
(pl. LXII-LXIX).
Il était jusqu’ici admis d’attribuer à L’obélisque sud 298 est encore debout alors que
Thoutmosis III les deux imposantes bases cubiques celui du nord a été réduit en fragments. Ses quatre
en granite qui sont adossées au parement oriental faces sont gravées d’une colonne de texte axiale au
du IIIe pylône, de part et d’autre de sa porte axiale. nom de Thoutmosis Ier mais le pyramidion est resté
292 Au printemps 2004, le lit d’attente de la troisième assise (à partir du 296 Deux raisons techniques rendent bien improbable l’encastrement de
haut) des fondations des deux obélisques nord, aux noms de Thoutmosis Ier la fondation des obélisques de Thoutmosis III entre deux autres fonda-
et de Thoutmosis III, affleurait sous la nappe phréatique. Cette nappe a tions déjà en place, celles des obélisques de Thoutmosis Ier et celles des
empêché d’atteindre une éventuelle quatrième assise. Le passage axial reste obélisques de Thoutmosis II-Hatshepsout :
toujours bloqué par une épaisse fondation en béton armé mise en place par — d’une part, le creusement d’une nouvelle fosse de fondation, profonde
H. Chevrier au moment de la sortie de la dalle de plafond de la chapelle en d’au moins trois mètres, entre deux fondations si proches aurait risqué de
calcite du môle sud du IIIe pylône. L’assise de réglage de l’obélisque nord mettre en péril leur stabilité ;
d’Hatshepsout a été dégagée à nouveau à l’automne 2004. — d’autre part, l’espace aurait probablement manqué pour manœuvrer
293 Ces crampons sont visibles sur les dessins de la fouille des fondations les longs leviers de pose dont les encoches sont visibles sur trois pare-
d’obélisques découvertes à l’intérieur du IIIe pylône. Voir S. Sauneron, ments de chaque bloc des assises 1 et 2 de la fondation de Thoutmosis II-
J. Vérité, « Fouilles dans la zone axiale du IIIe pylône à Karnak », Kémi 19, Hatshepsout. L’emplacement de ces encoches indique que les blocs de
1969, p. 249-276. l’assise 2 ont été poussés les uns contre les autres du nord vers le sud alors
294 Une disposition semblable est visible à la base des obélisques du que ceux de l’assise 1 de réglage l’ont été de l’ouest vers l’est.
VIIe pylône. 297 Un atlas des obélisques est en préparation par le Cfeetk et
295 L. Gabolde, « À propos de deux obélisques de Thoutmosis II, dédiés L. Gabolde.
à son père Thoutmosis I et érigés sous le règne d’Hatshepsout-pharaon à 298 P. Barguet, op. cit., p. 87 : « Ces obélisques avaient été dressés à l’oc-
l’ouest du IVe pylône », Karnak VIII, 1987, p. 143-158 et « Compléments casion de la fête jubilaire du roi comme nous l’apprend le texte gravé sur
sur les obélisques et la « cour de fêtes » de Thoutmosis II à Karnak », la face sud de l’obélisque encore debout : le maître des dieux a solennelle-
Karnak XI, 2003, p. 417-435. ment inscrit pour lui la fête-Sed sur le perséa auguste. »
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 471
lisse. Le martelage du nom d’Amon sur les quatre Si ces fragments étaient bien jointifs, il pourrait
colonnes de texte indique que chaque obélisque s’agir, malgré l’absence du protocole de Ramsès IV,
était visible sous Akhenaton. Ensuite, deux rois de l’obélisque de Thoutmosis Ier, comme le laisse
de la XIXe dynastie firent ajouter des décors et de supposer la décoration ramesside de la partie
nouveaux textes : inférieure du fût. Cependant, comme on ignore
— Ramsès II fit graver la surface libre entre l’extré- toujours si les obélisques de Thoutmosis III
mité inférieure de la colonne de texte et la base de avaient également reçu à leur base ce même type
l’obélisque de deux scènes symétriques le montrant de décoration ramesside, il est difficile de choi-
devant Amon, assis. sir à quel obélisque appartiennent ces deux frag-
— Ramsès IV fit ajouter son protocole sur toute ments : celui de Thoutmosis Ier ou bien celui de
la hauteur de l’obélisque, de part et d’autre de la Thoutmosis III.
colonne axiale.
7.2. La paire d’obélisques
L’obélisque nord (pl. LXII-LXIV)
au nom de Thoutmosis III
Une photographie ancienne 299 montre la partie infé- (pl. LXXXII, LXXXIII)
rieure d’un obélisque, placée sur un cube de maçon-
nerie qui remplace la base de l’obélisque nord. Les nombreux fragments de ces deux obélisques ont
Ce fragment (nº 79) 300 est désormais entre- été trouvés entre le IIIe et le IVe pylône comme le
posé sur une banquette. Il conserve un angle dont montrent les photographies anciennes 302. Les noms
les deux faces perpendiculaires sont décorées de deux et les figures d’Amon y sont intacts, preuve que les
scènes symétriques montrant un roi devant Amon obélisques étaient invisibles sous Akhenaton alors
assis. Cette décoration ramesside invite à attribuer que les autres obélisques de Thoutmosis III étaient
ce fragment à la base de l’obélisque nord au nom visibles, ce qu’indiquent les martelages et les regra-
de Thoutmosis Ier, bien qu’il puisse également être vures sur l’obélisque unique (à Rome) et sur l’obé-
jointif avec un autre fragment (nº 747) 301, qui est lisque du VIIe pylône (à Istanbul).
toujours posé en équilibre instable sur la base en Les scènes gravées sur la partie supérieure
granite nord, adossée au môle nord du IIIe pylône. de leurs faces nord sont restées inachevées 303, ce
Ce dernier fragment, qui provient de la partie qui pourrait être l’indice que les obélisques avaient
inférieure d’un obélisque, en conserve deux côtés reposé sur cette face avant d’être dressés. Des
perpendiculaires. L’un est décoré de deux scènes colonnes inachevées de textes ramessides furent
symétriques montrant un roi devant Amon, assis, ajoutées sur trois faces de l’obélisque sud et seule-
ces scènes étant placées sous une colonne de texte. ment deux de l’obélisque nord 304.Il semble aussi
L’autre est gravé d’une colonne de texte axiale sans que, comme sur les obélisques de Thoutmosis Ier,
ajout ramesside alors que sa partie basse était munie Ramsès II fit graver la surface libre entre l’extré-
d’une plaquette disparue sur laquelle devaient être mité inférieure de la colonne de texte et la base
gravées des scènes symétriques identiques à celles de l’obélisque de deux scènes symétriques le mon-
visibles sur le côté perpendiculaire. trant devant Amon assis.
299 M. Azim, G. Réveillac, Karnak dans l’objectif de Georges Legrain, 304 Ibidem, n. 7. L’obélisque nord est très abîmé sur sa face ouest mais il
op. cit., p. 97, n° 4-4/22. conserve encore un tiers de la partie supérieure des autres faces. Un assem-
300 Archives Cfeetk, nég. nº 50305, 50311. blage presque continu de 40 fragments atteint environ 10 m de long sur
301 Archives Cfeetk, nég. nº 52332, 52337, 52404, 52405, 52412. la trentaine initiale. Des colonnes de texte de Merenptah ont été laissées
302 M. Azim, G. Réveillac, op. cit., p. 93-94 : nº 4-4/11-13. inachevées ; des compléments d’Amenmès, regravés au nom de Séthi II
303 L. Gabolde, « À propos de deux obélisques de Thoutmosis II… », ont été repérés. L’obélisque sud est également très abîmé sur sa face ouest,
op. cit., p. 149, n.5. son décor demeure néanmoins reconstituable sur ses faces nord et sud où
une trentaine de fragments s’assemblent sur près de 17,5 m de long.
472 Karnak xii
Ces observations permettent d’affirmer que cette été ajoutée, il semble que les obélisques n’étaient pas
paire d’obélisques, invisible sous Akhenaton, était debout à la XIXe dynastie et qu’ils sont peut-être
de nouveau visible à la XIXe dynastie et qu’elle avait restés invisibles jusqu’à leur remploi dans la chapelle
peut-être été dressée à l’occasion d’un jubilée de de la barque.
Ramsès II.
7.4. Le problème soulevé
7.3. La paire par le lieu de découverte
d’obélisques aux noms de des fragments
Thoutmosis II-Hatshepsout
(pl. LXXXII, LXXXIII) De nombreux fragments des obélisques de
Thoutmosis III et de Thoutmosis II-Hatshepsout
Les plus rares fragments de ces obélisques ont ont été découverts le long du parement oriental des
été assemblés sur papier 305. Aux deux noms de môles du IIIe pylône. Dans l’hypothèse où les bases
Thoutmosis II et de Maâtkarê 306, leur déco- en granite accolées au IIIe pylône ont servi à sup-
ration n’a donc pu être achevée qu’après l’an 7 porter les obélisques de Thoutmosis III, il est par-
dans la mesure où le début de la corégence avec faitement normal d’en trouver les fragments à proxi-
Thoutmosis III est marqué par le changement mité. Mais que faisaient donc au même endroit les
du nom d’Hatshepsout en Maâtkarê 307. Désigné gros fragments 310 des obélisques de Thoutmosis II-
comme vivant, Thoutmosis II n’y serait cepen- Hatshepsout qui sont supposés avoir été renversés
dant mentionné qu’à titre posthume. Une hypo- par Amenhotep III pour faire place au IIIe pylône ?
thèse sur l’histoire de leur construction a été pro- Comme il semble improbable que ces obélisques
posée 308. de Thoutmosis II-Hatshepsout soient restés à terre
Les fragments de ces deux obélisques ont entre les deux pylônes, il faut trouver une autre
été trouvés entre le IIIe et le IVe pylônes, comme le explication à la présence de certains de leurs gros
montrent les photographies anciennes 309. Certains fragments à cet endroit.
ont également été remployés dans le sanctuaire de Dans l’hypothèse où les obélisques de
Philippe Arrhidée. Les noms et les figures d’Amon Thoutmosis II-Hatshepsout se seraient brisés au
y sont intacts, preuve que les obélisques étaient moment de leur abattage, les plus longs fragments
invisibles sous Akhenaton. L’une des faces d’un des auraient été entreposés, probablement au nord du
obélisques semble être restée inachevée puisque la IIIe pylône, alors que les plus petits auraient été
colonne de texte n’occupe qu’une partie de la hau- remployés dans le remplissage des môles. Ces der-
teur du fût. Aucune décoration ramesside n’y ayant niers fragments seraient réapparus au moment du
305 L’atlas des obélisques de Karnak est en préparation au Cfeetk sous été bouleversée par la fondation en béton construite par H. Chevrier dans
la responsabilité de L. Gabolde. Les figures d’Amon gravées sur les obé- le passage axial, ce galet n’était probablement pas à sa place, de tels galets
lisques orientaux d’Hatshepsout ont toutes été martelées sous Akhenaton, étant liés aux dépôts de fondation de la souveraine. Il provenait peut-être
puis regravées après sa mort. Cependant, est restée intacte l’imposante des fondations proches des obélisques d’Hatshepsout (pl. LXIV).
représentation d’Amon qui est sculptée en ronde-bosse, probablement à 308 L. Gabolde, Karnak XI, p. 435 : « En somme, après avoir été seule-
côté d’Hatshepsout, sur un des quatre côtés de la partie inférieure du fût ment projetés pendant le règne de Thoutmosis II, les obélisques de la cour
(pl. LVIII). Pour que cet Amon ait été invisible sous Akhenaton, il fallait de fêtes auraient vu leur réalisation différée pendant quelques sept années ;
qu’il soit caché par les murs du sanctuaire adossé de Thoutmosis III. Cet leur extraction aurait été ensuite reprise à la fin de la régence de la reine ;
Amon était alors obligatoirement tournée vers l’axe du temple de façon à leur gravure et leur mise en place étant achevées au début de la corégence
ce que les deux couples en ronde-bosse soient face à face. Cette disposition avec Thoutmosis III, après le changement de statut d’Hatshepsout, sur-
permet d’orienter l’ensemble de la décoration des obélisques. venu au cours de l’an 7. Thoutmosis II, quoique désigné comme vivant,
306 Thoutmosis III fit ensuite marteler le nom d’Hatshepsout pour le n’y apparaissait donc qu’à titre posthume. »
remplacer par celui de Thoutmosis II. 309 M. Azim, G. Réveillac, op. cit., clichés 4-4/12 et 4-4/13, p. 93-94.
307 Un galet en quartzite, gravé du cartouche de Maâtkarê, a été décou- 310 L. Gabolde, op. cit., p. 447, fig. 1. Ce fragment apparaît sur les photo-
vert dans la couche perturbée placée au-dessus du sable remplissant la tran- graphies Legrain 4-4 /12 et 4-4 / 13.
chée de fondation de l’obélisque nord de Thoutmosis Ier. Cette zone ayant
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 473
dépeçage de la partie supérieure du pylône pour porte axiale du pylône. Il faut remarquer la position
rouler sur son côté oriental, comme le montrent les symétrique de la rainure de pose de l’obélisque : elle
photographies anciennes 311. est creusée sur le bord sud de la base sud et sur le
bord nord de la base nord. Une disposition symétri-
7.5. L’attribution que identique de la rainure existe sur les bases des
des obélisques de la cour obélisques orientaux d’Hatshepsout. Les fragments
de la paire au nom de Thoutmosis II-Hatshepsout
Dans la tombe de Nerferhotep, une scène peinte n’ayant apparemment reçu aucun ajout ramesside,
sous le règne d’Amenhotep III représente la les obélisques n’ont pas été redressés sur les deux
coupe d’un temple qui a été identifié à Karnak 312 bases en granite au cours de la XIXe dynastie alors
(pl. LXXXV). On y voit, de gauche à droite, un que la question se pose pour ceux de Thoutmosis III.
canal aboutissant à un vaste bassin dominé par une En effet, des colonnes inachevées de textes ramessi-
sorte de tribune. Puis, après un grand espace sans des ont été ajoutées sur trois faces de l’obélisque sud
construction, apparaît le profil du IIIe pylône avec et seulement deux de l’obélisque nord, preuve que
ses mâts et celui du IVe pylône, derrière lequel se les obélisques de Thoutmosis III ont été préparés
trouve le sanctuaire. La cour entre les deux pylônes pour être mis en place. La présence de leurs frag-
est occupée par deux structures dont les vestiges sont ments autour des deux bases adossées au parement
toujours en place : un obélisque posé sur sa base, elle- nord du IIIe pylône laisse penser que les obélisques
même installée sur un gradin représente la paire au ont effectivement été dressés sur ces bases.
nom de Thoutmosis Ier alors que la colonne cam- L’étude des fondations des obélisques a
paniforme, reliée par un toit courbe à la porte du montré qu’il faut désormais inverser l’attribution
IVe pylône, est identifiée au porche doré construit des fondations de la paire de Thoutmosis III avec
par Thoutmosis IV. celle de Thoutmosis II-Hatshepsout. La longue fon-
Le réalisme de la représentation confirme dation commune à deux obélisques, découverte au
qu’à la fin de la XVIIIe dynastie, une seule nord de l’axe, trouve parfaitement sa raison d’être
paire d’obélisques était visible, celle au nom de en y plaçant, sur sa moitié orientale, un obélisque
Thoutmosis Ier. L’absence des deux autres paires de Thoutmosis Ier et, sur sa moitié occidentale, un
est capitale car elle permet d’expliquer pourquoi le obélisque de Thoutmosis II-Hatshepsout alors que
nom et la figure d’Amon n’ont pas été martelés sur les fondations encore en place sous le IIIe pylône
les obélisques de Thoutmosis III et de Thoutmosis seraient celles des obélisques de Thoutmosis III. À
II-Hatshepsout : les deux paires n’étaient plus visi- la XIXe dynastie, les obélisques de Thoutmosis III
bles sous Akhenaton. auraient été redressés sur les bases des obélisques de
La seule explication à leur absence est que Thoutmosis II-Hatshepsout puisque ces derniers,
les deux paires ont été renversées par Amenhotep III brisés, n’étaient plus utilisables, certains de leurs
au moment de la construction du IIIe pylône. Il est fragments ayant été partiellement remployés dans
impossible d’établir si les deux bases en granite le remplissage du IIIe pylône alors que les autres
ont été conservées ou non de part et d’autre de la étaient entreposés plus au nord.
311 Supra, n. 310. identification ne va pas sans quelque difficulté, [la présence d’un seul obé-
312 N. de Garis Davies, The Tomb of Nefer-hotep at Thebes, I, Publications lisque à l’emplacement qui correspondrait aux obélisques de Thoutmosis I
of the Metropolitan Museum of Art Egyptian Expedition 9, 1933, pl. 41 et et Thoutmosis III, a amené Madame Chr. Desroches-Noblecourt (ASAE,
II, pl. 3 (cf. PM I, p. 82 [13]) et J. Yoyotte, « Un porche doré : La porte du 50, 259-280) à identifier le monument érigé chez Neferhotep, avec le tem-
IVe pylône au grand temple de Karnak », CdE 55, janvier 1953, p. 28-38 : ple oriental de Karnak…], mais il convient de noter que l’on voit sur le
« Il existe peut-être une troisième représentation du porche du IVe pylône. dessin, à l’endroit même où, selon l’hypothèse de Davies, on s’attendrait à
Une peinture du tombeau de Neferhotep (époque d’Aï) représente un le rencontrer, un élément qui n’est autre que la représentation, vue de pro-
temple malheureusement anonyme, que Davies et d’autres savants (Seele fil, (fig. 10) du dispositif particulier qui se rencontre, vu de face, au tom-
et Badawi) ont voulu identifier avec le grand temple de Karnak. Cette beau 75 et sur le bloc thébain. Ce fait, loin d’être embarrassant comme le
474 Karnak xii
croyait Davies, constituerait plutôt un argument en faveur de sa thèse. » six assises de fondation. Voir H. Chevrier, ASAE 51, p. 559 : « nous avons
313 Supra, 5.8. Thoutmosis Ier n’ayant régné que treize années, la réfé- encore dégagé complètement les deux faces sud et est des fondations de
rence à son jubilée gravée sur l’obélisque sud est difficilement explicable l’obélisque oriental placé au sud du VIIe pylône … ces fondations sont
à moins de considérer que les deux paires d’obélisques (Thoutmosis I er
constituées de six couches de pierres, grès, de hauteurs différentes suivant
et Thoutmosis II-Hatshepsout) ont été construites sur des fondations les assises ». Un dépôt de fondation fut découvert dans une poche de sable
communes, par Hatshepsout, à titre commémoratif. La découverte, le près de l’angle nord-est de la fondation.
long de la fondation, d’un galet en quartzite au nom de Maâtkarê irait 315 Cela est assuré uniquement pour l’assise 3, l’assise 4 n’ayant toujours
dans ce sens (pl. LXIV). pas été atteinte en raison de la nappe phréatique.
314 Les obélisques de Thoutmosis III au VIIe pylône semblent avoir eu
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 475
316 H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak (1929-1930) », 317 S. Sauneron, J. Vérité, op. cit., p. 249-271.
ASAE 30, 1930, p. 159-160 : « une plate-forme [dans le môle nord] com- 318 L. Gabolde, C. Grataloup, « Compléments sur les obélisques et la
posée de quatre grandes dalles, et qui ressemble aux fondations d’un obé- « cour de fêtes de Thoutmosis II à Karnak », Karnak XI, 2003, p. 417-435.
lisque ».
476 Karnak xii
l’extrémité des blocs de l’assise 2 de la fondation de 8 m et une largeur nord-sud de 4,80 m. Les plus
de l’obélisque de Thoutmosis II-Hatshepsout. Ces grandes dalles, qui semblent avoir longé les pare-
blocs qui débordent à peine de l’assise de réglage 1 ments d’un passage, en encadrent d’autres, plus
de Thoutmosis II-Hatshepsout, ne passent pas sous petites, occupant la partie centrale. Leur lit d’attente
le bloc intercalaire et sont ainsi distants d’environ étant placé 70 cm plus bas que le sol supposé des
60 cm des blocs de l’assise 2 de Thoutmosis III. De monuments antérieurs au Nouvel Empire (~73,40 m
plus, le lit d’attente (+73,36) de ces blocs de l’assise 2 autour des bases en calcite enterrées sous la cour entre le Ve et
de Thoutmosis II-Hatshepsout est 19 cm plus haut le IVe pylône),
ces dalles formaient peut-être le radier
que celui (+73,17) de l’assise 2 de Thoutmosis III. d’un épais dallage disparu. Un système de construc-
Cette large séparation de ces assises 2 qui, de plus, tion semblable (radier + dallage) a déjà été décrit pour
sont installées à des niveaux différents, fait douter la cour entre le Ve et le IVe pylône (supra. 6.6).
de leur construction simultanée.
Le bloc intercalaire n’a pu être glissé contre 7.8. Les fosses de
le parement ravalé du gradin oriental de l’obélisque fondation des obélisques
de Thoutmosis III qu’après la pose de l’assise 2 de
la fondation sur laquelle repose le gradin de l’obé- Les vestiges d’une structure entaillée en brique crue
lisque de Thoutmosis II-Hatshepsout, mais avant sont apparus le long des côtés nord, sud et est de
la pose de ce gradin. Les parements des extrémités l’assise 2 (à partir du haut) de la fondation de l’obé-
nord et sud du bloc intercalaire sont ravalés, avec lisque nord de Thoutmosis Ier (pl. LXIII, LXIV)
un léger fruit, de façon à prolonger aussi bien le ainsi qu’à l’ouest de l’assise 2 (+72,35) de la fondation
gradin que l’accroche du dallage (+73,79) de l’assise de l’obélisque nord de Thoutmosis III 320. L’espace
1 de réglage de l’obélisque de Thoutmosis III. Le étroit entre la fondation et les briques est rempli de
long parement oriental du bloc intercalaire n’était sable. Cette structure en brique semble bien liée,
pas entièrement caché par l’assise 1 de réglage de vers le nord, avec les briques crues qui ont été mises
l’obélisque de Thoutmosis II-Hatshepsout. La moi- au jour 321 le long de la fondation du IVe pylône.
tié nord de ce parement étant ainsi visible, elle a Il semblerait ainsi que les fosses de fonda-
été ravalée comme un gradin de façon à assurer la tion des obélisques aient été creusées dans la base
continuité entre les gradins des deux obélisques : d’une vaste structure en brique qui aurait occupé la
l’angle nord-est du bloc intercalaire prolonge ainsi surface entre le IIIe et le IVe pylône et qui aurait été
le gradin nord de l’obélisque de Thoutmosis III (sol détruite au début du Nouvel Empire, peut-être au
associé à l’altitude +73,79) tout en étant perpendiculaire moment de la construction du IVe pylône. La plus
au gradin nord de l’obélisque de Thoutmosis II- grande partie des vestiges des briques a dû dispa-
Hatshepsout (sol associé à l’altitude +73,93). La hauteur raître au moment du creusement de la grande fosse
d’une marche (14 cm) sépare ainsi le dallage associé moderne qui occupe la partie nord de cette cour,
à la paire d’obélisques de Thoutmosis III de celui comme le montre la berme au nord des fondations
entourant les deux paires groupées de Thoutmosis des obélisques.
II-Hatshepsout et de Thoutmosis Ier.
7.9. La chronologie
Le radier d’un dallage disparu
proposée
De grandes dalles en grès 319 furent découvertes en
1929 sous le passage axial du IIIe pylône. De formes La continuité dans l’assemblage des blocs des assi-
irrégulières, ces dalles sont soigneusement assem- ses observées 2 et 3 (l’assise 4 étant toujours hypo-
blées à l’altitude +72,69, sur une longueur est-ouest thétique) des fondations des obélisques nord de
319 H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak (1933-1934) », ASAE 320 S. Sauneron, J. Vérité, op. cit., p. 264, fig. 13, coupe CC : les briques
34, 1934, p. 163. crues apparaissent sur le dessin.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 477
321 A. Masson, M. Millet, « Sondage sur le parvis nord du IVe pylône », au nom de Thoutmosis Ier.
Karnak XII, p. 659-679. Un niveau in situ est associé à ces structures en 323 Ch. Van Siclen, The Alabaster Shrine of King Amenhotep II, San
brique crue avec du matériel typique fin XVIIe – début XVIIIe dynasties. Antonio, Texas, 1986.
Cette datation incite à mettre ce matériel en relation avec la construction 324 Fr. Burgos est conducteur des travaux de Karnak où il a reconstruit,
du pylône plutôt qu’avec celle des structures. dans le Musée en plein air, le mur d’Amenhotep IV, la chapelle Rouge, les
322 S. Schott, Zur Krönungstag der Königin Hatshepsut, NAWG 6, 1955, piliers de la cour péristyle de Thoutmosis IV et les chapelles en calcite de
p. 65 : il avait déjà supposé qu’Hatshepsout avait fait ériger les obélisques Thoutmosis III et Thoutmosis IV.
478 Karnak xii
L’engravure horizontale
Presque tous les blocs en calcite de cette chapelle ont
été découverts remployés à l’intérieur du IIIe pylône Sur le côté gauche de la chapelle, la partie basse
à l’exception de deux énormes dalles transformées du parement externe de la seconde assise est creu-
en stèles 325 par Ramsès II et dressées à l’entrée du sée d’une profonde engravure horizontale (h : 40 cm,
temple de Mout. p : 25 cm, l : 280 cm) qui, faisant presque toute la lon-
Chacune de ces dalles formait la seconde gueur du bloc, l’empêche de tenir verticalement.
assise des deux côtés encadrant la porte de la cha- Cette engravure correspond, en fait, au débord de la
pelle. La dalle du côté gauche (lorsque l’on entre) a base de l’obélisque contre lequel s’appuyait la saillie
conservé ses deux parements opposés intacts alors décrite précédemment 327.
que le parement externe de la dalle du côté droit est
L’emplacement de la chapelle
complètement détruit 326.
C’est seulement après la pose de ces deux La couronne rouge que porte Amenhotep II sur
énormes dalles sur les minces blocs de la première le chambranle droit de la façade oblige à orienter
assise des deux côtés, suivie de la pose du plafond, la porte vers l’est 328. L’énorme dalle de plafond
qu’est apparue la cause de l’originalité de l’assem- (103 tonnes) a été trouvée remployée dans le môle sud
blage des blocs de cette chapelle. du IIIe pylône, donc probablement très proche de
l’emplacement de la chapelle avant son démontage.
La saillie latérale
À l’époque d’Amenhotep II, trois paires d’obélis-
L’énorme dalle de plafond est munie à l’extérieur, ques se dressaient à l’ouest du IVe pylône, au milieu
sur chacun de ses deux côtés, d’une saillie large de de la grande « cour de cérémonie » attribuée à
186 cm et épaisse de 20 cm. Thoutmosis II. Leur observation va permettre d’éli-
Sur le côté gauche de la chapelle, cette miner deux paires d’obélisques et d’en conserver
saillie descend en s’élargissant et en s’amin- une seule, celle de Thoutmosis Ier :
cissant sur le bloc de la seconde assise pour — à l’ouest, les fondations des obélisques de
atteindre 206 cm à sa base et une épaisseur de Thoutmosis III sont trop écartées pour que la cha-
2 cm. Cette saillie a complètement disparu de pelle ait pu être encastrée entre eux ;
la seconde assise du côté droit dont le parement — au milieu, les bases en granite des obélisques de
est détruit. Thoutmosis II-Hatshepsout sont trop longues et
Les trois faces de la saillie conservée du trop hautes pour pouvoir s’encastrer dans l’engra-
côté gauche ont chacune un fruit régulier, ce qui vure horizontale découpée à la base du parement
leur donne une forme trapézoïdale : les deux faces externe des blocs de la deuxième assise.
étroites convergent vers le haut alors que la troi- En revanche, à l’est, les fondations des deux
sième possède un fruit renversé. obélisques de Thoutmosis Ier montrent que les
La forme de cette saillie indique qu’elle s’ap- monolithes étaient distants de la largeur exacte de
puyait sur une structure étroite munie également la chapelle :
de trois fruits. Cette structure ne peut être qu’un — la distance restituée des parements se faisant face
obélisque puisqu’un pylône ne peut pas être aussi des deux bases en granite des obélisques est estimée
étroit. L’existence de cette saillie sur les deux côtés à environ 8 coudées, soit la distance qui sépare les
parallèles de la chapelle implique la présence d’une parements externes des minces blocs de la première
paire d’obélisques. assise de la chapelle ;
325 Le fac-similé des deux stèles a été dessiné en 2005 par P. Calassou. 326 Tourné contre le sol, le parement interne de cette dalle est mieux con-
La mission du Brooklyn Museum l’utilisera pour faire la copie grandeur servé tandis que le parement externe, resté exposé, est entièrement effrité.
nature des deux stèles, copie qui sera exposée, à l’emplacement des stèles, Les nombreux fragments des deux dalles ont été collés et goujonnés par A.
devant le pylône du temple de Mout. Oboussier, A.-L. Capra et G. Jezequel.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 479
— la distance restituée séparant le lit de pose des deux assise. Il était probablement adossé à un autre bloc
obélisques est estimée à environ 10 coudées, soit la en calcite dont le parement externe était au nu du
distance qui sépare les saillies à la base des parements parement externe de la deuxième assise.
externes de la deuxième assise de la chapelle ;
Le fond de la chapelle
— la longueur (5 coudées) de la base en place de
et la stèle en granite
Thoutmosis Ier égale celle de l’engravure creusée à
la base du bloc formant la deuxième assise du côté Le parement intérieur du fond de la chapelle est éga-
gauche ; lement composé d’étroits blocs en calcite superpo-
— à sa base, le parement nord de l’obélisque sud de sés dont un seul est conservé. L’imposante dalle de
Thoutmosis Ier possède une largeur (206 cm) égale à plafond repose sur l’intégralité du lit d’attente des
celle de la base de la saillie du côté gauche de la murs latéraux alors que son appui sur celui du mur
chapelle ; du fond n’a que 20 cm de profondeur. Cet appui
— la saillie du plafond de la chapelle a la même minimal semble bien justifié par la minceur du pare-
largeur (186 cm) que le parement nord de l’obélis- ment intérieur du fond.
que cinq mètres au-dessus de la base en granite, ce Ces blocs du parement intérieur devai-
niveau correspondant exactement à celui de l’appui ent être doublés vers l’extérieur par un parement
de la saillie du plafond. externe dont les blocs ont été identifiés 329. Il s’agit
d’une stèle en granite, à la gloire d’Amenhotep II,
L’explication de la structure
qui est composée d’au moins trois assises de faible
de la chapelle
épaisseur (~ 50 cm). Les fragments de cette stèle ont
Cet emplacement de la chapelle entre les bases des été découverts remployés en fondation de l’avant-
obélisques de Thoutmosis Ier explique parfaitement porte que Thoutmosis IV a fait plaquer contre la
la raison pour laquelle sa première assise n’est com- porte du IVe pylône, c’est-à-dire juste devant la
posée que d’étroits blocs en calcite alignés. À droite porte de la chapelle. Cette identification devra être
comme à gauche de la porte, un bloc étroit forme vérifiée à l’aide du fac-similé des fragments dont
son jambage alors que la face cachée de ce bloc l’un est exposé au musée de Louqsor 330 (J. 129)
est découpée en équerre. Cette équerre s’encastre et deux au musée du Caire 331 (JE 36360). Le troi-
contre l’angle de la base de l’obélisque, alors que sième fragment, entreposé devant le môle nord du
le parement externe latéral du bloc étroit s’appuie IIe pylône, est gravé du décor d’un linteau alors que
entièrement contre le parement tourné vers l’axe de son lit d’attente est bordé d’un tore horizontal qui
la base de l’obélisque. Ce bloc étroit ne faisant pas supportait une corniche de couronnement. La min-
toute la longueur de la chapelle, son joint arrière ceur du fragment contredit une fonction de linteau,
devait être placé au nu du parement ouest de la d’autant plus qu’aucune feuillure de butée de vantail
base en granite. Le second bloc de la première assise n’apparaît sur son lit de pose. Ce bloc semble plu-
prolongeait le précédent bloc étroit jusqu’au fond tôt avoir couronné la stèle en étant adossé à la dalle
de la chapelle. Son joint oriental s’appuyait à la de plafond de la chapelle. Cependant, un doute
fois contre le joint ouest du bloc étroit précédent et demeure sur la date du décor qui, s’il est bien au
contre le parement ouest de la base en granite. Plus nom d’Amenhotep II, semble avoir été refait sous le
épais que le précédent, ce second bloc ne semble règne de Séthy Ier. Ce bloc aurait alors été remployé
cependant pas avoir eu l’épaisseur de la deuxième et regravé après son démantèlement.
327 Observation de Fr. Burgos. analogues certainement du même monument avaient été trouvés autrefois
328 Observation de Ch. Van Siclen. par Legrain et sont actuellement au Musée du Caire ».
329 Observation de Ch. Van Siclen. 331 PM II 2, p. 74 ; G. Legrain, « Rapport sur les travaux exécutés à Karnak
330 H. Chevrier, ASAE 28, p. 126 : « Je donne enfin un dessin du très beau du 31 octobre 1902 au 15 mai 1903 », ASAE 5, 1904, p. 24 ; A. H. Zayed,
bloc de granit d’Aménophis II trouvé l’an passé dans le IIIe pylône et dont « Une représentation inédite des campagnes d’Amenophis II », Mélanges
les fragments n’avaient pu être rassemblés jusqu’à maintenant. Deux blocs
480 Karnak xii
Gamal Eddin Mokhtar, BdE 97 / 1, 1985, p. 5-17, pl. I ; P. Der Manuelian, creusée sur son lit de pose. Il pourrait ainsi avoir été remployé comme seuil
Studies in the reign of Amenophis II , HÄB 26, 1987, p. 258. du reposoir de barque en calcite de Thoutmosis IV.
332 Ce seuil a été retourné puis une nouvelle cavité de crapaudine y a été
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 481
du temple de Karnak. Ces étapes, désormais mieux façon similaire, la structure sous le VIe pylône est
connues, devraient susciter une nouvelle lecture des conservée sur environ un mètre de hauteur avec
textes hiéroglyphiques, trop souvent fragmentaires, un parement oriental encore visible alors que son
qui mentionnent ces monuments. parement ouest a été détruit par la fondation du
VIe pylône et de sa clôture ouest. Un nouveau mur
8.1. La question de en brique crue (l : 4 coudées), également fondé dans
l’orientation du temple une profonde tranchée à l’altitude +72,05, a été mis
primitif (pl. LXXII-LXXV) au jour en mai 2006, par R. Le Bohec : il est orienté
est-ouest et se dirige vers l’ouest à partir de l’angle
Le portique de Sésostris Ier n’était pas tourné vers nord-ouest du Ve pylône. Il semble être perpendi-
l’ouest mais vraisemblablement vers le soleil levant, culaire au parement ouest de la structure sous le
comme le montrent la décoration de ses piliers osi- Ve pylône bien que le dallage en grès empêche de
riaques axiaux et celle du grand naos en diorite du voir leur éventuel appui. De nouveaux sondages
même roi. Derrière au moins huit piliers osiriaques devront être entrepris pour déterminer si ce mur
in antis, un nombre égal de piliers carrés soutenaient passe sous le IVe pylône.
une rangée d’architraves intermédiaires. Au fond, se Les rares vestiges 333 de Sésostris Ier, en cal-
trouvait probablement une porte permettant d’arri- caire et en grès, découverts dans Ipet-sout, l’ont été
ver au naos. Toutefois, il est encore prématuré d’at- exactement à l’intérieur et autour du périmètre déli-
tribuer cette orientation vers l’est au temple primitif mité par les deux structures profondes. Les preuves
dans son entier, bien que l’étude géologique de la manquent encore pour avancer l’hypothèse que ce
zone semblerait confirmer l’existence d’une voie périmètre ou son environnement proche ont mar-
d’eau disparue à l’est du temple. qué l’emprise du sanctuaire de Sésostris Ier et que
le pilier osiriaque nº 11 a été enfoui de façon votive,
Au début de l’année 2006, deux structures paral- par Thoutmosis Ier, proche de sa position primitive,
lèles en brique crue ont été découvertes sous le tout comme les éléments de la colonnade en grès.
Ve pylône par R. Le Bohec et sous le VIe pylône par Dans cette hypothèse, il serait également possible de
R. Mensan. proposer pour la chapelle Blanche, l’emplacement
Ces deux structures sont fondées presque au du podium d’Hatshepsout. Encore plus à l’est, à
même niveau (+71,75 sous le Ve pylône et +72,20 sous l’emplacement de la « cour dite du Moyen Empire »,
le VIe pylône) mais environ 80 cm sous les autres il serait logique de restituer une grande cour entou-
murs en brique crue découverts précédemment et rée de constructions en briques munies de portes
2 m sous le sol du Nouvel Empire. Cependant, ces en calcaire.
deux structures diffèrent par leur mise en œuvre, De nombreux vestiges d’importantes struc-
celle du VIe pylône ayant d’abord été construite tures en brique crue ont été découverts entre l’Akh-
avant qu’un remblai ne soit versé contre son pare- menou, à l’est, et le IIIe pylône, à l’ouest. Le tracé
ment oriental, alors que celle du Ve pylône a été d’une enceinte ou clôture en brique (l : 15 coudées)
installée au fond d’une profonde tranchée de fonda- peut être reconstitué à l’est, au nord et au sud d’Ipet-
tion. La structure sous le Ve pylône est conservée sur sout. Son mur oriental passe sous la salle hypostyle
plus d’un mètre de hauteur avec un parement ouest de l’Akh-menou, alors que le parement externe de
muni d’un fruit prononcé, son parement oriental ses murs nord et sud doit être placé au nu du pare-
ayant été détruit par la fondation du pylône. De ment externe de la clôture liée au Ve pylône. Les ali-
gnements de murs identifiés autour de la cour « dite à avoir utilisé ce calcaire à Karnak 336. Deux autres
du Moyen Empire » semblent liés à ceux découverts blocs d’Amenhotep Ier (140 A1, 150 A1) démontrent
dans les cours du VIe et du Ve pylône. que les structures de Sésostris Ier étaient bien par-
tiellement démontées sous Amenhotep Ier puisque
8.2. Le démantèlement leur parement arrière conserve un décor primitif,
du temple primitif une gorge égyptienne pour le premier et une frise
de khékérou pour le second. Il est probable que le
reposoir de barque construit par Thoutmosis II-
L’auteur du démantèlement
Hatshepsout ait également remployé des blocs en
Presque cinq siècles après la construction du temple calcaire de Toura provenant des monuments déman-
primitif d’Amon au Moyen Empire, les prédéces- telés de Sésostris Ier.
seurs d’Amenhotep Ier décidèrent sa reconstruction Contrairement à tous les autres blocs de
à neuf. Son démantèlement a pu commencer sous Sésostris Ier, le bloc (87 CL 315, pl. VII) gravé d’un
Kamose comme le prouverait sa célèbre stèle 334 cartouche de ce roi est en calcaire local, ce qui pour-
taillée dans un élément architectural en calcaire pro- rait être un argument contre son appartenance au
venant d’une construction de Sésostris Ier. Deux faces « Grand Château d’Amon ». De plus, bien que la
opposées y sont décorées, l’une de trois scènes super- qualité des détails gravés soit très proche du style de
posées représentant Sésostris Ier faisant une offrande Sésostris Ier, la gravure est ici plus plate. La première
à Amon et l’autre d’un cartouche d’un module plus hypothèse serait de rapprocher ce bloc de ceux
grand. Ces faces ont été sectionnées lors de la trans- d’Amenhotep Ier, ce dernier ayant pu représenter le
formation du bloc en stèle par Kamose. La largeur roi Sésostris Ier dont il venait de détruire le temple,
du bloc semble indiquer qu’il a été découpé dans un tout en copiant son style de décoration. Un doute
jambage (1,12 m : 2 coudées + ressaut des chambranles) et que, semblable existe pour un autre bloc (87 CL 490,
par conséquent, il proviendrait d’une porte démon- pl. VII), en calcaire local, gravé en creux d’une par-
tée par Kamose ou un de ses prédécesseurs. tie d’un cartouche de Sésostris Ier. Cependant des
Ce démantèlement s’est poursuivi sous éléments architecturaux (cf. note 54) en calcaire
Amenhotep Ier, comme l’indiquent les blocs en local ayant déjà été attribués au Moyen Empire, on
calcaire dit de Toura (140 A1, 150 A1, 183+103 A1, ne peut pas complètement écarter ces deux blocs du
200 A1, 212 A1, 237 A1, 268 A1, 87 CL 122, 87 CL 434, temple de Sésostris Ier.
87 CL 474) qui ont été remployés par ce roi dans
Les raisons du démantèlement
son sanctuaire. En particulier, les deux blocs 237 A1
et 87 CL 122 sont gravés sur leur parement verti- — La dégradation des monuments : parmi les rai-
cal d’un décor symétrique 335. Le nom d’Horus sons du démantèlement du temple primitif, le mau-
d’Amenhotep Ier est entier sur le bloc 87 CL 122 vais état desconstructions en brique crue, en grès et
alors que son lit d’attente montre clairement l’angle en calcaire, déjà vieilles de cinq siècles, est proba-
d’un plafond décoré d’étoiles. Ce plafond ne peut blement la plus importante. Cette dégradation est
pas provenir de la chapelle Blanche dont tous les bien mise en évidence sur la partie inférieure des
angles sont conservés, mais d’une autre structure piliers du portique de Sésostris Ier, partie qui semble
de Sésostris Ier puisque ce roi semble être le premier avoir beaucoup souffert de l’humidité 337. Pour la
334 Cette stèle qui a été remployée en fondation du colosse nord dit de usage à la XVIIIe dynastie puisqu’une inscription d’Âhmosis y pérennise
Ramsès II devant la porte du IIe pylône est exposée au musée de Louqsor. l’extraction de calcaire, notamment pour une constrution thébaine. » Ce
Voir n. 51. calcaire dur a été également utilisé par Sésostris III pour construire les
335 Ces deux blocs possèdent également la même engravure verticale deux portes de Médamoud qui sont reconstituées dans le Musée en plein
creusée à l’angle de leur parement interne. air à Karnak.
336 L. Gabolde, Le « Grand Château d’Amon » de Sésostris Ier à Karnak, 337 Ibidem, § 214 à 217.
MAIBL XVII, 1998, § 115 : « … les calcaires de Toura étaient encore en
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 483
combattre, il était devenu indispensable de surélever — la première, « ériger Ipet-sout », figure dans un
le temple sur de nouvelles fondations, capables de le discours d’Amon gravé sur un bloc provenant du
mettre hors d’eau. mur « sud » 341 ;
— La disparition d’une voie d’eau parallèle — la seconde, « agrandir Ipet-sout intra-muros », est
au cours actuel du Nil : sous réserve des résul- inscrite au revers d’un linteau de Sésostris Ier, rem-
tats de l’étude hydrologique en cours 338, on peut ployé par Amenhotep Ier et actuellement présenté
également suggérer l’éventuelle disparition, entre au musée en plein air.
le Moyen et le Nouvel Empire, d’un bras naturel
du Nil ou d’une voie d’eau artificielle qui aurait Le linteau, le contre-linteau 342 et les blocs du jam-
coulé à l’est du temple actuel. D’importants dépôts bage interne d’une grande porte en calcaire ont été
alluvionnaires sont d’ailleurs signalés directement à découverts dans la « cour de la Cachette ». Sa grande
l’est du temple d’Aton 339. L’assèchement de cette hauteur (20 coudées) permet d’en faire une porte
voie d’eau, naturel ou non, aurait obligé à inverser de temenos, à laquelle a pu succéder le VIIIe pylône
l’orientation du sanctuaire qui, faisant face à l’est, auquel s’adosse un colosse en calcaire 343 d’Amen-
n’était cependant plus tourné vers la voie d’eau. hotep Ier.
— La dédicace du linteau mentionne : « [Ame]n[ho]tep
8.3. L’œuvre Ier doué de [vie] qui [compte parmi son œuvre en faveur de son
d’Amenhotep Ier père] Amon, seigneur-des-trônes-des-Deux-Terres, la construc-
tion de son domaine, l’agencement de son temple et l’érection
de la porte sud Seqa-hotep de vingt coudées en [belle pierre blan-
Le témoignage des textes
che de calcaire] ... /// [Amen]hotep auprès d’Amon dans Ipet-
340
Deux expressions particulières laissent penser sout. Ainsi a-t-il permis à Sa Majesté de mesurer sa puissance,
qu’Amenhotep Ier a conçu l’extension du temple et tant Elle le préfère aux autres dieux. Il a œuvré, le dieu parfait,
de son enceinte : [Amenhotep, doué de vie à jamais !] » 344.
338 A. Graham, J. Bunbury, rapport préliminaire Cfeetk : « Étude sur photographies aériennes, révèle que les mouvements vers le nord de la
le paysage et l’hydrologie antique à Karnak : Les nombreuses spéculations courbe du fleuve ont eu lieu au cours de l’histoire récente. L’interprétation
faites sur la nature du paysage de Karnak, au cours de son histoire, doivent des données sédimentaires révèle qu’au cours du développement du site,
désormais être confrontées aux recherches de terrain. Les cartes établies de nouvelles terres furent ajoutées à l’ouest et au nord du temple primitif.
par les géographes de Bonaparte, celles de Lepsius et du Egyptian General Ce travail suggère aussi l’observation d’un changement environnemental à
Survey Authority ainsi que les photographies aériennes montrent claire- un moment antérieur au Moyen Empire. Situé à approximativement 3 km
ment les changements du cours du Nil dans la région de Louqsor, au cours au nord du site de Karnak, un ancien bras mineur du Nil qui, après s’être
des deux derniers siècles. La relation terre-eau est essentielle à la compré- comblé d’alluvions, est devenu une nouvelle terre. »
hension complète du site. Dans le cadre d’une enquête sur le paysage et 339 Ces observations ont été faites par T. Brock au cours de l’installation
l’hydrologie antique à Karnak, des carottages ont été effectués à l’extérieur du réseau des égouts autour de Karnak.
et à l’intérieur du temple d’Amon et autour du temple de Montou. Les 340 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, dans « Amenhotep Ier
dépôts et la pente indiquent un courant venant de l’est, ce qui suggère – Bilan ».
que le site primitif de Karnak a pu être une île. Cette île aurait été reliée 341 Dénomination de C. Graindorge.
à la terre peu après la Seconde Période Intermédiaire. Les observations 342 Adosser ce linteau au contre-linteau en alignant leur lit d’attente crée
montrent deux périodes d’ajouts de terre, par des apports latéraux, au site une feuillure trop haute (~ 70 cm) pour une porte haute de 20 coudées.
de Karnak. La première période se situerait aux alentours de l’époque de Cependant, cet alignement n’étant pas obligatoire, la feuillure peut avoir
l’établissement du Nouvel Empire alors que la seconde serait antérieure 20 cm de haut en positionnant le lit d’attente du linteau 50 cm plus bas
au dromos et au quai nord du temple de Montou. Cette interprétation est que celui du contre-linteau.
confortée par les données sédimentaires et archéologiques enregistrées par 343 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte 18/6 AW : « Amenhotep Ier
T. Brock dans les trous et les tranchées creusées pour installer les égouts. aimé d’Amon, seigneur-des-trônes-des-Deux-Terres. La finition de cette sta-
Des autels d’Akhenaton ont été trouvés dans des boues grises au nord- tue a été exécutée en l’an 22 de la Majesté de Thoutmosis III — Qu’il vive
est de la tribune. Ces boues peuvent être interprétées comme des dépôts éternellement ! ». Le nom d’Amenhotep Ier a été gravé par Thoutmosis III
au fond d’un canal où ces autels auraient été jetés. Des tessons usés par sur ce colosse en calcaire qui semble avoir précédé l’entrée principale sud du
roulement et d’autres inclusions suggèrent que cette eau était courante et temenos.
qu’elle pouvait avoir formé une partie du bras principal du Nil. L’étude 344 Chr. Wallet-Lebrun , traduction à paraître, texte 18/2 C.
des formes des champs au nord du temple, à partir du cadastre et des
484 Karnak xii
L’installation de la porte sud Seqa-hotep suit un — À l’emplacement du radier calcaire, des structu-
vaste programme de construction décrit en termes res en brique ont été complètement nivelées jusqu’à
généraux comme « construire le domaine » et « agen- leur fondation qui devait reposer sur le substrat
cer le temple ». Le linteau est décoré de deux scènes limono-argileux. Cependant, il semble qu’au moins
symétriques sur lesquelles Amenhotep Ier est assis, trois murets perpendiculaires en brique, réduits à
coiffé à gauche de la couronne rouge et à droite de l’état de bourrelet, ont été réutilisés comme caisson
la blanche. Ces couronnes permettent de situer ce d’un remblai en galets, scellé par une plate-forme de
linteau dans le parement sud d’une porte de l’axe deux assises faites de remplois (supra, 3.1). En même
sud-nord. temps, et sans, qu’apparemment, ne soit creusée de
— La dédicace du contre-linteau mentionne : fosse de fondation, une épaisse couche de sable a été
« Amenhotep Ier qui compte parmi son œuvre en faveur d’Amon, répandue au-dessus des structures arasées 346.
seigneur-des-trônes-des-Deux-Terres, l’érection à la sortie du
La construction des fondations
temple d’une grande porte de 20 coudées en belle pierre blanche
orientales : le radier calcaire et sa
de calcaire. [Il a oeuvré, le fils de Rê, Amenhotep. Qu’il vive] à
plate-forme encastrée (pl. XXII)
jamais ! » 345.
Amenhotep Ier construisit une porte de 20 Au-dessus de cette couche de sable, Amenhotep Ier
coudées « à la sortie du temple ». Cette expression construisit les six assises en calcaire du radier, com-
est aussi bien employée sur l’axe ouest-est, pour prenant des remplois de rois antérieurs au Nouvel
les obélisques au nom de Thoutmosis Ier, que sur Empire, dont la stèle de Sésostris Ier (pl. XCI) 347. Il
l’axe nord-sud, par Amenhotep II pour désigner y encastra la plate-forme posée sur un remblai en
le VIIIe pylône, devant lequel s’élève justement un galets qui a dû servir au drainage. Il réutilisa le socle
colosse d’Amenhotep Ier . à escalier en calcite au nom de Sésostris Ier et les
quatre seuils en granite qui provenaient peut-être
L’arasement préparatoire
du temple primitif. Il installa une canalisation dont
On ne peut dire si Amenhotep Ier a conservé, dans un il reste un élément en calcaire encastré dans le côté
premier temps, une partie du temple de Sésostris Ier ouest du radier au nord du seuil nº 1. C’est proba-
que l’hypothèse proposée précédemment place- blement la prolongation de cette canalisation qui a
rait entre le Ve et le VIe pylône, ou s’il continua le été suivie sur environ 30 mètres au nord du podium
démontage de l’ensemble du temple, des construc- d’Hatshepsout. Coupée par le podium, cette canali-
tions primitives en calcaire et en grès ainsi que de sation en grès passe sous les fondations de deux murs
leurs annexes en brique : parallèles attribués à Thoutmosis Ier (supra. 4.7).
— à l’emplacement de ces annexes, dont quelques
La construction des
vestiges ont été découverts sous les magasins du
fondations occidentales
pourtour du radier calcaire, ne subsiste qu’un dal-
lage en brique crue sur lequel a été versée une très Il faut aussi prendre en considération quatre fonda-
épaisse couche de sable (~80 cm). Ce remblai sup- tions particulières situées directement à l’ouest du
porte toujours les deux assises en grès vert formant radier calcaire :
la fondation des magasins du pourtour du radier, — n° 1 : les deux gros blocs en grès rouge, placés
qui ont été datés de Thoutmosis Ier. contre l’angle sud-est de la fondation du podium
d’Hatshepsout, sont peut-être les vestiges des fon-
345 Chr. Wallet-Lebrun , traduction à paraître, texte 18/2 B. 347 H. Chevrier, ASAE 49, p. 258, fig. 3 ; L. Habachi, « Building Activities
346 F. Ehrlich, G. Legrain, G. Maspero, « Rapport de M. Legrain sur of Sesostris I in the Area to the South of Thebes », MDAIK 31, 1975, p. 33-
les travaux exécutés à Karnak pour le démontage des colonnes de la salle 37, fig. 5.
hypostyle (10 décembre 1899-23 mai 1900). Rapport de M. Ehrlich sur les
travaux exécutés à Karnak pour la consolidation du pylône ouest de la salle
hypostyle», ASAE 1, 1900, p. 207.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 485
dations des constructions établies par Amenhotep Ier par R. Mensan à l’extrémité sud du mur de clôture
à l’ouest du radier calcaire. Pour mettre ces deux ouest du VIe pylône, n’a pas permis de vérifier que
blocs en place, le constructeur a dû largement cette tranchée de fondation était contemporaine de
entailler des murs primitifs en brique crue. Des celle de la fondation nº 2. De nombreux fragments
blocs en grès rouge de même nature ont été utilisés de calcaire, dont certains décorés, ont été décou-
aussi bien dans la plate-forme qu’à la surface du verts dans le sable de remplissage de la tranchée. Le
radier calcaire. décor indique qu’ils proviennent de la destruction
— N° 2 : une fondation faite de cinq assises en grès d’un mur d’Amenhotep Ier, d’autant plus que la lar-
vert supportait le mur contre lequel se sont appuyées geur de la tranchée égale celle du mur à niches du
les chapelles sud de Thoutmosis III. La mise en même roi.
œuvre de ces cinq assises est très semblable à celle — N° 4 : une fondation parallèle à la fondation nº 2
des assises du radier en calcaire. La première assise vient d’être identifiée sous le dallage du couloir (dit
est nettement séparée de la seconde assise par une du « texte de la Jeunesse ») qui sépare les salles sud
épaisse couche de sable, comme cela a également été d’Hatshepsout des chapelles sud de Thoutmosis III.
observé dans le radier calcaire et dans la fondation Cette fondation nº 4 est faite d’un alignement est-
des Ve et VIe pylônes. Cette fondation est clairement ouest de gros blocs en grès vert qui ont été repérés
déconnectée de celle qui supportait les magasins du au moins jusqu’au niveau de l’angle sud-ouest du
pourtour du radier. Le sondage symétrique, entre- podium d’Hatshepsout.
pris au nord par G. Charloux, a montré qu’aucune
La construction du nouveau temple
fondation à cinq assises n’était conservée mais
qu’une fondation de trois minces assises en grès vert Sur ces nouvelles fondations orientales 349 et occi-
était posée sur une épaisse couche de sable. Cette dentales, Amenhotep Ier fit construire un nouveau
dernière serait l’œuvre de Thoutmosis Ier qui a peut- temple orienté vers le cours principal du Nil, la voie
être entièrement démonté la fondation à cinq assises d’eau orientale ayant disparu. La plus grande partie
qui aurait occupé l’emplacement des magasins du de ce monument occupait la grande cour d’entrée
pourtour du radier et de son extension nord alors du temple de Sésostris Ier, dont le sanctuaire a dû
qu’il aurait gardé celle de l’extension sud. L’épaisse être conservé jusqu’à la mise en fonctionnement du
couche de sable versée sous sa nouvelle fondation nouveau. Le transfert du naos du sanctuaire primitif
aurait, alors, remplacé les deux premières assises de vers le nouveau a marqué l’abandon du temple de
la fondation primitive. Sésostris Ier dont le démantèlement a probablement
— N° 3 : une large tranchée de fondation réutili- été achevé par Thoutmosis Ier qui remploya nom-
sée par le VIe pylône et sa clôture ouest vient d’être bre d’éléments d’architecture de part et d’autre du
découverte par R. Mensan en janvier 2006, à l’angle Ve pylône.
sud-est de son môle sud 348. Sa largeur est inférieure Plus de 800 blocs et 500 fragments en cal-
à celle du môle, mais largement supérieure à celle caire permettent de reconstituer quelques éléments
de la clôture. Creusée dans un épais mur en brique du nouveau temple 350. Leur décoration montre
(fondée à l’altitude +72,20) cette tranchée a été com- qu’Amenhotep Ier fit copier le style des monuments
plètement remplie de sable sur lequel a été posée la de Sésostris Ier qui, n’étant encore pas tous déman-
première des trois assises de fondation du pylône telés, ont servi de modèle. Voici les éléments les plus
et de sa clôture. Le sondage, effectué en mars 2006 significatifs :
348 On peut imaginer que le VIe pylône et son mur de clôture sont la 350 C. Graindorge, « Les monuments d’Amenhotep Ier à Karnak », Égypte,
copie du côté ouest primitif d’Amenhotep I ou de Thoutmosis I , celui
er er
Afrique et Orient n°16, 1999, p. 25-36. La numérotation des structures de
qui a été probablement démonté par Hatshepsout au moment de la cet article sera utilisée plus loin, bien que les plans restitués 1, 2 et 3 qui y
construction de son podium. sont proposés, ne correspondent pas à mes hypothèses.
349 Fr.-J. Schmitz, Amenophis I., HÄB 6, 1978, p. 73
486 Karnak xii
— des piliers, copies de ceux de la chapelle — le mur A’ est bien délimité sur ses deux parements
Blanche, dont l’emplacement reste toujours à par les bandes verticales latérales. Sur le parement
découvrir ; externe, le roi effectue la course rituelle avant d’être
— la copie des antes 351 du portique de Sésostris Ier ; couronné par Amon. Sur le parement interne, les
— un mur 352 (ép : 6 coudées) dans lequel au moins différentes cérémonies de la fête-sed aboutissent à la
dix-huit niches ont été aménagées pour contenir montée royale vers Amon assis.
dix-huit statues royales 353. Tournées vers l’est, ces — Le mur B pourrait former, avec le mur A, l’an-
niches sont probablement placées de part et d’autre gle nord-ouest de la cour. Son parement externe est
d’une porte axiale alors que le parement occidental seulement couronné d’un texte de dédicace alors
du mur est lisse, avec un fruit. Le linteau en calcaire que sur son parement interne, les scènes du second
réutilisant un linteau de Sésostris Ier et sur lequel registre font suite à certaines scènes du parement
est inscrit 354 « agrandir Ipet-sout intra-muros » aurait interne du mur A.
une assez grande portée pour appartenir à cette — Le mur C pourrait être parallèle au mur B pour
porte axiale 355. constituer le mur sud de la cour. Son parement
— Deux murs parallèles 356 entourent un reposoir externe est seulement couronné d’un texte de dédi-
de barque. Leur joint ouest est lié à un mur per- cace alors que sur son parement interne sont repré-
pendiculaire, alors que leur extrémité orientale n’est sentées les liturgies d’Amon.
pas un joint, mais forme une ante décorée de deux — Des petites chapelles 357 alignées : leurs pare-
colonnes de texte. ments représentent des prêtres placés sur deux
— Quatre murs semblant avoir la même hauteur et registres et faisant des offrandes à la statue du roi.
la même épaisseur pourraient provenir de la même Le parement externe de la chapelle de l’extrémité
cour : orientale est gravé en creux d’un texte de dédicace
— le mur A pourrait être le côté ouest d’une cour qui indique la présence d’une cour.
dont la moitié nord a été partiellement restituée. Du côté nord, Thoutmosis III semblerait
Son parement interne montre des prêtres entrant avoir réutilisé des fondations en grès vert de cha-
dans le temple en compagnie d’Amenhotep Ier et de pelles antérieures pour y poser ses propres chapel-
la divine épouse Ahmès-Néfertari. Muni d’un fruit, les dont la décoration reproduit celle des chapelles
son parement externe est décoré d’un monumental détruites, la figure d’Amenhotep Ier y étant souvent
Amenhotep Ier massacrant des asiatiques. Comme représentée.
la figure de Thoutmosis III gravée sur le VIe pylône, — Des grandes chapelles 358 alignées : leurs pare-
le roi tourne ici le dos à la porte. Ce mur A pour- ments représentent des prêtres placés sur deux
rait être mis en relation avec les deux petits blocs registres et faisant des offrandes à la statue du roi
en calcaire qui sont remployés dans le môle nord et à son ka. Sur le parement oriental de la dernière
du Ve pylône et qui proviennent du chambranle de chapelle, le roi présente un vase à Amon assis sur
niches de mâts. son trône.
351 Ibidem, p. 28, plan 2, structure n°3. est muni d’un tore horizontal qui descend verticalement pour séparer les
352 Ibidem, structure nº 5. chambranles. Ces chapelles ont été copiées par Thoutmosis III dans la
353 Les six statues en grès polychrome (h : 3,15 m ; l : 0,6 m), attribuées cour du VIe pylône. Il faudrait savoir si certains de leurs blocs ont été
éventuellement à Amenhotep Ier par H. Sourouzian (communication trouvés dans la « cour de la Cachette» ou en fondation du temple de Ptah.
orale), ont pu être placées dans ces niches. Les blocs remployés dans la fondation des magasins du pourtour du radier
354 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, « Amenhotep Ier – Bilan ». proviennent de ces petites chapelles (pl. XXXIX, XL).
355 Supra, 1.7. 358 Ibidem, structure nº 3. Au moins onze grandes chapelles (L : 4,20 m,
356 C. Graindorge, op. cit., p. 28, plan 2, structure nº 4. l : 1,85 m, refend : 0,60 m) sont décorées en relief. Il faudrait savoir si cer-
357 Ibidem, structure nº 1. Au moins cinq petites chapelles (L : 3,15 m, tains de leurs blocs ont été trouvés dans le IIIe pylône.
l : 1,85 m, refend : 0,68 m) sont décorées en relief. Le linteau des portes
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 487
— Un mur mince fait de boutisses décorées sur leurs de ces blocs ont été découverts dans la « cour de la
deux parements. L’un est décoré de scènes d’un petit Cachette » 359, et, probablement, en fondation du
module, proche de celui des niches, alors que, sur temple de Ptah ainsi que dans le IIIe pylône 360, la
l’autre, les scènes sont plus grandes. Une des boutisses fondation des magasins du pourtour du radier et
est creusée d’une petite niche dont le fond est muni le temple de Montou 361, trois étapes successives de
d’une rainure destinée à faire coulisser une porte. destruction peuvent être alors distinguées.
— Une cour munie de deux portes a dû servir
Une première destruction,
d’abattoir. La porte tournée vers l’extérieur per-
effectuée sous Thoutmosis Ier
mettait l’entrée du bétail vivant alors que l’autre
semble s’ouvrir vers le même espace que les petites Cette destruction aurait affecté une série primi-
chapelles. Les parements intérieurs de l’abattoir tive de magasins distribués au pourtour du radier.
sont couronnés d’un texte de dédicace qui semble Le seul vestige de leurs fondations à cinq assises
prolonger celui gravé sur le parement externe de en grès vert serait encore en place sous le mur
l’extrémité orientale des petites chapelles. Sur un contre lequel se sont appuyées les chapelles sud
parement externe (L : ~10 m), celui tourné vers l’in- de Thoutmosis III. Ces cinq assises sont mises en
térieur, la décoration résume la fondation d’Amen- œuvre de la même façon que les assises du radier
hotep Ier à Karnak : à gauche, le calendrier des en calcaire. Cette fondation aurait été démontée
fêtes et la liste des domaines qui les approvision- par Thoutmosis Ier, au pourtour du radier et sous
nent en bétail de sacrifice côtoient Amenhotep Ier son extension nord, pour être remplacée par une
consacrant des bovidés devant Amon ; à droite, nouvelle fondation faite de deux ou trois minces
un calendrier semblable accompagne un tableau assises en grès vert posées sur une épaisse couche
dénombrant les animaux sacrifiés pour le culte de sable versée au fond de la tranchée primitive.
du roi et de la reine Ahmès-Néfertari, associés ici Le sable aurait alors remplacé les deux premières
aux rois et aux pères divins du Moyen Empire. Sur assises de la fondation primitive. Des blocs en cal-
l’autre parement externe, de part et d’autre de la caire d’Amenhotep Ier ont d’ailleurs été remployés
porte d’accès du bétail vivant, les scènes représen- dans cette nouvelle fondation (pl. XXXIX, XL).
tent l’arrivée de bovidés et de gazelles.
Une seconde destruction,
effectuée sous la corégence
8.4. Les deux étapes
d’Hatshepsout - Thoutmosis III
du démontage
des monuments Cette destruction aurait affecté la grande porte méri-
d’Amenhotep Ier dionale Seqa-hotep 362 (h : 20 coudées) en calcaire, au
moment de la construction du VIIIe pylône, ainsi
Ni le nom ni l’image d’Amon n’ayant été martelés que les constructions installées sur les fondations
sur les blocs en calcaire d’Amenhotep Ier, les cons- occidentales d’Amenhotep Ier. Ces constructions
tructions de ce roi n’ont pu être démontées qu’avant auraient d’abord été remplacées par un ensemble
le règne d’Akhenaton. Dans la mesure où la plupart disparu 363, puis par les salles d’Hatshepsout et le
359 G. Legrain, « Second rapport sur les travaux exécutés à Karnak du ASAE 50, p. 429-442 ; ASAE 51, p. 549-572 ; ASAE 52, p. 229-242 ; ASAE
31 octobre 1901 au 15 mai 1902 », ASAE 4, 1903, p. 1-40, 193-226 ; Idem, 53, p. 7-19, 21-42.
« Rapport sur les travaux exécutés à Karnak du 31 octobre 1902 au 15 mai 361 A. Varille, Karnak-Nord I, op. cit., p. 16, pl. 41-44 ; P. Barguet, J.
1903 », ASAE 5, 1904, p. 1-43, 265-280. Leclant, Cl. Robichon, Karnak-Nord IV, FIFAO 25, 1951, p. 23-65, 62.
360 Voir H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak », dans ASAE 362 La grande porte que ce ro i avait fait construire sur l’axe
22, p. 235-260 ; ASAE 23 p. 99-138 ; ASAE 24, p. 53-88 ; ASAE 26, p. 119- sud, probablement entre le VIIIe et le IXe pylône, comme l’ont montré les
130 ; ASAE 28, p. 114-128 ; ASAE 29, p. 133-149 ; ASAE 31, p. 81-97 ; ASAE fouilles de Ch. Van Siclen.
32, p. 97-114 ; ASAE 37, p. 173-200 ; ASAE 38, p. 567-608 ; ASAE 39, p. 553- 363 L’hypothèse que cet ensemble ait été le Netjery-menou doit être déve-
570 ; ASAE 46, p. 147-161 ; ASAE 47, p. 161-183 ; ASAE 49, p. 1-15, 241-267 ; loppée.
488 Karnak xii
VIe pylône avec ses cours et ses chapelles. Les blocs pourtour du sanctuaire qu’Amenhotep Ier avait
de ces monuments 364 auraient été enfouis dans la installé sur le radier calcaire. Ces nouveaux maga-
« cour de la Cachette », comme ceux de la grande sins ont probablement remplacé des constructions
porte méridionale, ou remployés dans les fonda- d’Amenhotep Ier qui avaient succédé à d’ancien-
tions du temple de Ptah. nes structures en brique. Seuls les alignements de
leur fondation en grès vert sont conservés, chacun
Une troisième destruction,
étant constitué de deux à trois assises posées sur
effectuée par Amenhotep III
une épaisse couche de sable 366. Ces fondations
Cette destruction aurait concerné presque tout ce supportaient les longs murs parallèles séparant les
qu’Amenhotep Ier avait fait construire sur les fon- magasins, d’un côté, du couloir de desserte entou-
dations orientales, c’est-à-dire à l’emplacement de rant le radier (mur interne) et, de l’autre, de l’exté-
la cour « dite du Moyen Empire ». Il a conservé rieur (mur externe). Elles supportaient également
les magasins du pourtour du radier, attribués à les petits murs de refend.
Thoutmosis Ier et dont les restaurations tardives
Les tranchées parallèles pour les
prouvent qu’ils ont été utilisés jusqu’à l’arrêt du
fondations
culte. Le parement oriental des salles d’Hatshep-
sout étant resté très grossier, il semble vraisembla- — La tranchée de fondation du mur externe ayant
ble qu’Amenhotep III a gardé le mur de clôture qui été profondément creusée, l’ancienne structure en
était construit sur le périmètre du radier calcaire, brique a été entièrement détruite sur son passage.
et contre lequel s’appuyait ce parement grossier. Il La couche de sable versée au fond de cette dernière
est difficile d’imaginer ce qu’Amenhotep III avait tranchée peut atteindre 1,5 m d’épaisseur.
prévu de faire à l’emplacement de la cour « dite du — Au contraire, la tranchée de fondation du
Moyen Empire », puisque celle-ci semble être restée mur interne de ces magasins est beaucoup moins
vide jusqu’à nos jours 365. Comme Amenhotep Ier, profonde et n’a pas atteint la base des anciennes
Amenhotep III aurait ainsi été l’instigateur de vastes structures en brique. En effet, la couche de sable
destructions dans le temple d’Amon-Rê en déman- supportant les assises en grès vert semble avoir
telant simultanément les monuments construits à été versée sur un remblai antérieur également en
l’ouest du IVe pylône et ceux de la cour « dite du sable qui reposait déjà sur le dallage en brique
Moyen Empire ». des anciennes structures. Le lit de pose de la pre-
mière assise en grès (+73,46) de la fondation du mur
8.5. L’œuvre interne se trouve au niveau du lit d’attente de la
de Thoutmosis Ier seconde assise du radier en calcaire 367 (+73,43). Il
(pl. LXXVI-LXXVII) faudrait vérifier si la couche de sable sur laquelle
repose le radier se poursuit ou non sur le dallage
en brique des anciennes structures. Une éventuelle
Les magasins en calcaire
continuité permettrait d’expliquer la présence des
au pourtour du radier
deux remblais de sable superposés au-dessus du
Après la mort d’Amenhotep Ier, Thoutmosis Ier dallage des anciennes structures en brique.
modifia le projet de son prédécesseur en cons-
truisant de nouveaux magasins en calcaire sur le
364 Il serait important de savoir si des blocs des petites chapelles et des 366 G. Charloux, « Karnak au Moyen Empire… », op. cit., pl. VI.
niches ont été découverts dans la « cour de la Cachette» ou bien dans les 367 M. Azim, Rapport Cfeetk nº 1599 : plan des fouilles au sud de la
fondations du temple de Ptah. cour du Moyen Empire.
365 H. Chevrier, ASAE 47, p. 177 : « La thèse généralement admise de
l’exploitation du calcaire pour la fabrication de la chaux semble ici être en
défaut, car de nombreux blocs de ce matériau sont restés sur le terrain. »
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 489
368 Négatifs Cfeetk nº 92279, 97301, 100682 (pl. XXVIII). qu’affirme L. Gabolde, le fait qu’aucune trace de décoration antérieure
369 H. Chevrier, ASAE 49, p. 258 : « L’intérêt se portait surtout le long n’ait été repérée sur les blocs en calcaire de Toura du reposoir de barque,
du mur nord (magasin de Thoutmosis Ier) où on trouvait par endroits les ne prouve pas que ces blocs ne puissent pas être des remplois du Moyen
dernières pierres de fondation d’un mur parallèle (côté nord du radier) à Empire. Au contraire, une dizaine de blocs de ce même calcaire a été iden-
celui de la XVIIIe dynastie. Entre le mur de la XIIe dynastie et les fonda- tifiée parmi les blocs des monuments d’Amenhotep Ier, dont trois sont
tions du plus récent, se trouvent des débris de taille de pierres, fragments manifestement des remplois du Moyen Empire.
de calcaire qui indiquent que si les fondations du dernier mur sont en grès, 371 Ibidem, § 114. Il faudrait ajouter le bloc 87CL 220 (nég. 105 034-
les superstructures étaient en calcaire ». Ces déchets de taille ne peuvent 105 180) aux planches XXXV et XXXVI. Ce bloc d’angle en calcaire de
cependant pas provenir de la destruction du mur de Thoutmosis Ier car ils Toura est décoré sur deux parements perpendiculaires de khekerou qui
se trouvent sous le niveau du sol, le long de la fondation de ce mur. Leur sont séparés par un tore vertical. Il supportait l’une des quatre corniches
analyse chimique permettrait de déterminer s’ils ne proviendraient pas d’angle du reposoir.
plutôt de la taille des assises en calcaire du radier. » 372 Leur faible largeur n’empêche pas les deux portes en diorite au nom
370 L. Gabolde, Monuments en bas-reliefs aux noms de Thoutmosis II et de Thoutmosis II, installées dans les salles nord d’Hatshepsout, d’avoir pu
Hatchepsout à Karnak, MIFAO 123/1, 2005, § 115. Contrairement à ce appartenir à un reposoir de barque.
490 Karnak xii
Le Netery-menou en calcaire
L’existence de cette dernière porte, qui sépare le
vestibule du sanctuaire, en fait un sanctuaire-repo- Deux cent quatre blocs en calcaire ont permis de
soir de barque plutôt qu’un simple reposoir, ces reconstituer un ensemble de chapelles. Appelé
derniers, situés le long du parcours procession- Netery-menou, ce monument est mentionné
nel n’ayant qu’une seule salle. La porte en gra- dans trois textes : la statue d’Hapouseneb, datée
nite, au nom de Thoutmosis II, remployée par de Thoutmosis II, la chapelle Rouge 374, datée
Thoutmosis III pour fermer l’extrémité ouest du de la corégence et le « Texte de la Jeunesse » de
couloir « dit du texte de la Jeunesse », semble trop Thoutmosis III 375.
grande pour provenir de cette chapelle alors que les Thoutmosis II, Hatshepsout, Thoutmosis III
deux portes en diorite, au nom de Thoutmosis II et Neferourê apparaissent régulièrement dans les
et remployées dans les salles nord d’Hatshepsout, scènes qui décorent le Netery-menou. Des palimp-
ont des dimensions en harmonie avec celles de la sestes montrent que le nom de Thoutmosis III a
porte médiane restituée (L. Gabolde, MIFAO 123/1, pl. parfois été remplacé par ceux de Thoutmosis II et
39* : le passage est large de 1,14 m et haut de 3,13 m alors que le d’Hatshepsout. Toutes les représentations et men-
chambranle est large de 2,35 m et haut de 4,27 m). La resti- tions de Thoutmosis II sont posthumes, qu’elles
tution de la planche 39* est crédible alors que celles soient originales ou regravées. Le Netery-menou fut
des planches 38, 38* et 39 sont disproportionnées, fondé après la mort de Thoutmosis II, pendant la
bien qu’elles représentent la même porte. Une lar- régence d’Hatshepsout qui officie seule ou avec sa
geur de 5,08 m et une hauteur 5, 32 m peuvent être fille dans la plupart des scènes.
proposées pour cette chapelle dont la longueur est La décoration des parois est consacrée au
toujours inconnue. culte exclusif et journalier d’Amon ce qui impli-
Sur toutes les scènes, Hatshepsout suit que la proximité du sanctuaire 376, probablement
Thoutmosis II, à l’exception de la façade où les autour de la chapelle de la barque. Aucun indice
deux souverains sont superposés. La porte médiane archéologique ne permet de placer le Netery-
est au seul nom de Thoutmosis II. Hatshepsout menou à l’est du temple 377. En effet, le remploi
ayant partout été transformée en roi Maâtkarê, la des linteaux en grès en fondation des obélisques
chapelle a probablement été construite au début orientaux ne prouve en rien son emplacement
de la régence 373 mais fonctionnait encore après le à cet endroit avant leur construction. Ces lin-
couronnement d’Hatshepsout. Elle devait se dresser teaux 378 ont très bien pu être apportés d’ailleurs,
devant la façade du temple d’Amenhotep Ier, avant tout comme les milliers de blocs qui ont été
d’être remplacée par la chapelle Rouge. transportés dans la « cour de la Cachette » ou le
373 L. Gabolde, ibidem, § 110 : L. Gabolde pense que Thoutmosis II est Le Netjery-menou étant cité en premier, avant la chapelle Rouge cette énu-
encore vivant, ce que conteste D. Laboury. mération suivrait un ordre chronologique du plus ancien au plus récent.
374 P. Lacau, H. Chevrier, Une chapelle d’Hatshepsout à Karnak, op. L’absence de mention de l’Akh-menou ne peut être un argument pour
cit., p. 84, § 138 : Dans l’ordre, la première figuration est celle du tem- le dater d’avant l’an 23 car le texte est incomplet et il est regravé sur une
ple personnifié par une femme. Le nom, inscrit dans l’enceinte, est le décoration primitive d’Hatshepsout, ce qui semblerait plutôt le dater de
suivant : « Le temple de Menkhéperrê (qui s’appelle) : Amon est divin de l’époque de la « soit-disant proscription ».
Monuments ». Ce toponyme ne nous est pas inconnu. Sur la statue d’Ha- 376 L. Gabolde, ibidem, § 170 : « les textes qui se rapportent à sa fonda-
pouseneb (Louvre), il est question d’un temple de ce nom construit par tion le définissent soit comme un Ìwt-ntr, ce qui s’applique à un temple
la reine Hatshepsout : « J’ai élevé un temple en belle pierre blanche de indépendant, soit — ce qui est très instructif — comme un µwn, ce qui
calcaire (appelé) : « Makarê est divine de Monuments ». À cette construc- l’apparente à un sanctuaire très saint, un Saint des Saints. »
tion en calcaire, s’oppose apparemment un autre monument, attribué 377 Contrairement à l’hypothèse de restitution de L. Gabolde, op. cit., § 34.
cette fois à Thoutmès III et qui était bâti en grès, d’après le « Texte de la 378 Ibidem : si le linteau en grès de la planche XXXI (p. 89, 90) n’a été
Jeunesse » : « le sanctuaire (qui s’appelle) : Divin de Monuments en belle intégré à aucune des portes en calcaire, la tentative de placer celui de
pierre blanche de grès » la planche XIX (p. 79) n’est absolument pas crédible puisqu’elle n’est
375 Gravé sur la face sud des salles d’Hatshepsout, le « texte de la fondée sur aucun joint réel entre les blocs mais uniquement sur un texte
Jeunesse » mentionne une série d’édifices situés à Karnak. Thoutmosis III très banal.
rappelle qu’il a, en personne, procédé au rituel de fondation du bâtiment.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 491
Le VIIIe pylône
IIIe pylône. Il semble d’ailleurs très bizarre que
des linteaux en grès aient été installés pour cou- Le VIIIe pylône a été construit à proximité ou bien en
vrir des portes dont les jambages sont entièrement remplacement de la « grande porte sud » en calcaire
en calcaire. Cependant, si ce mélange des deux d’Amenhotep Ier, dont les blocs ont été exhumés de
pierres n’a pas été utilisé dans les petites portes la « cour de la Cachette ». Le projet a pu commen-
de la «cour de cérémonie » de Thoutmosis II, dont cer sous Thoutmosis II et être achevé au cours de la
les linteaux sont en calcaire, il l’a été dans la porte régence, le pylône n’étant mentionné ni dans les tex-
plus large du petit pylône sud, dont le linteau est tes d’Hatshepsout, ni dans ceux de Thoutmosis III.
en grès. 379. Les deux chambranles orientaux (interne et externe)
Les deux linteaux en grès remployés dans la de sa porte sont au nom de Thoutmosis III, alors
fondation de l’obélisque peuvent fort bien provenir que ceux de l’ouest sont à celui de Thoutmosis II.
d’un autre monument entièrement en grès comme La marque du féminin est encore visible sur le
le laisse supposer l’assemblage de la planche 19 fragment du linteau en place au-dessus des jamba-
(MIFAO 123/1) qui n’est pas absolument pas crédible. ges sud 380. Le nom de la reine, qui a été remplacé
On y voit le linteau en grès encastré dans des blocs, par celui de Thoutmosis II lors de la proscription,
tous en calcaire. Que la hauteur des deux lignes de apparaît également dans les textes gravés sur le pare-
texte du linteau égale celle du bloc latéral en cal- ment nord du môle oriental : Hatshepsout présente
caire ne peut être un argument valable puisque cette son père Thoutmosis Ier, comme s’il était vivant, en
dimension de cadrat est commune à de nombreux train d’adresser à l’Ennéade un discours destiné à
monuments de Karnak. légitimer sa propre accession au trône 381. Un grand
La titulature et l’image d’Hatshepsout texte d’Amenhotep II a remplacé l’ancienne décora-
n’ayant été transformées ni sur les blocs en calcaire tion de la face sud de chaque môle. Deux colosses,
provenant de la cour de la cachette, ni sur les linteaux l’un au nom de Thoutmosis II et l’autre au nom
en grès remployés dans la fondation de l’obélisque d’Amenhotep Ier, étaient adossés au pylône, de part
oriental sud, il est possible que le Netery-menou et d’autre de la porte.
ait été démantelé au moment du couronnement
Les obélisques de l’est
d’Hatshepsout (an 7).
Cependant, cette hypothèse ne reposant sur Étant au nom de Maâtkarê, les obélisques orien-
aucune preuve archéologique, il est tout aussi possi- taux 382 sont postérieurs au couronnement, daté
ble que le Netery-menou ait existé jusqu’à l’installa- de l’an 7. Leurs fondations sont parfaitement
tion à sa place du podium d’Hatshepsout. alignées 383 avec celles des obélisques construits par
379 Un linteau en grès a été employé pour couvrir la porte du côté nord jambages et le linteau.
de cette cour, qui a été élargie par Amenhotep III. La grande portée 381 PM II 2, p. 174 (517, II) et Urk. IV, 266-274.
justifiait cet emploi du grès, qui est plus résistant que le calcaire. À 382 D. Laboury, La statuaire de Thoutmosis III. Essai d’interprétation
l’intérieur du temple de Séthy Ier à Abydos, des jambages et des linteaux d’un portrait royal dans son contexte historique, Ægyptiaca Leodiensia
de porte en grès sont encastrés dans des murs en calcaire alors que, dans 5, Liège, 1998, p. 23, n. 134 : « … si la scène du transport fluvial des
le mur en calcaire séparant les deux cours d’entrée, un linteau en grès obélisques ne montre apparemment que deux monolithes de granit,
repose sur les jambages en calcaire d’une petite porte latérale. Hatshepsout consacre quatre obélisques, soit deux paires, à Amon, sur
380 L. Gabolde, « La « cour de fêtes » de Thoutmosis II », Karnak IX, les reliefs du Djéser-djésérou ; il doit en réalité s’agir des deux premières
1993, p. 52, fig. 18. Cela contredit l’hypothèse de L. Gabolde qui pro- paires, celle de l’est et celle de la cour des fêtes de Thoutmosis II, l’une
pose que cette porte ait été entièrement regravée par Thoutmosis III et l’autre commanditées au tout début de la corégence ou très peu de
lors de la « soit-disant proscription ». Son hypothèse est en contra- temps avant ».
diction avec la trace du féminin qui a subsisté sur le linteau, alors 383 Observation d’E. Laroze.
qu’aucun martelage n’apparaît sur les cartouches de Thoutmosis II
et de Thoutmosis III. Comme toute regravure du chambranle aurait
impliqué son ravalement complet, la présence de la marque du féminin
ne s’explique pas. Le ravalement des seuls jambages aurait dû laisser
une légère dépression sur le chambranle, au niveau du joint entre les
492 Karnak xii
Hatshepsout devant le Ve pylône. Leur décor est par- été protégées par les murs du sanctuaire adossé.
ticulier puisque la partie inférieure du fût est déco- Dans la disposition habituelle à Karnak, où la figure
rée, sur trois côtés, d’une scène de grande hauteur, d’Amon sort du sanctuaire, il faudrait placer au sud
et sur le quatrième, d’une imposante représentation le fragment nº 578 et au nord le fragment nº 406.
en ronde-bosse d’Amon, debout, à côté duquel
Le IVe pylône, sa clôture et ses
Hatshepsout devait se tenir. Au-dessus et probable-
pièces latérales (pl. LXXX, LXXXII)
ment sur toute la hauteur du fût, sont superposées
des scènes d’offrandes 384 sur lesquelles Hatshepsout Hatshepsout fit construire au nom de Thoutmosis Ier
est séparée d’Amon par une colonne de texte cen- le IVe pylône avec sa clôture et ses pièces latérales, le
trale, comme sur les obélisques de la Ouadjyt. Cela dallage de la cour entre le IVe et le Ve pylône et peut-
est encore visible sur le fragment nº 274. être les bases en grès des deux colonnes nord. Ces
Des fragments semblables de la partie infé- monuments sont tous au nom de son père défunt,
rieure du fût (nº 427 + 578 + 557 + 501, nº 406 + 449), dessi- comme le montrent la décoration du pylône et de
nés par Chr. Laval en 1998, ont conservé deux faces ses niches 386, aussi bien que les inscriptions des
perpendiculaires dont une figure un grand Amon colosses osiriaques qui y sont adossés. Hatshepsout
sculpté en ronde-bosse et l’autre, le même Amon, fit placer les statues assises de Thoutmosis Ier divinisé
gravé en creux. Il apparaît que : dans les seize niches du pylône. À l’exception d’un
— les fragments ne peuvent pas provenir du même fragment inscrit du chambranle 387 de la porte de
obélisque, les deux représentations en creux d’Amon la pièce latérale sud (pl. LVI), aucun vestige de la
ne pouvant se faire face sur la même face d’obélis- décoration de la clôture de la cour et de ses pièces
que. Ce détail important implique l’existence de latérales n’a été conservé.
deux obélisques et élimine, par conséquent, l’hypo-
Les deux paires d’obélisques devant
thèse que ces fragments aient pu former la partie
le IVe pylône (pl. LXXXII)
inférieure de l’obélisque unique de Thoutmosis III ;
— l’Amon en ronde-bosse ne semble pas avoir été À l’ouest de la fondation du IVe pylône, de part et
martelé 385 alors que celui gravé en creux a été mar- d’autre de l’axe, Hatshepsout fit installer, après son
telé, puis regravé. Cette destruction sélective indi- couronnement de l’an 7, une longue fondation orien-
que que l’Amon en ronde-bosse n’était pas visible tée ouest-est. Chacune de ses extrémités supporte
sous Akhenaton, alors que celui en creux l’était. La un gradin en grès portant une base en granite sur
construction du sanctuaire adossé de Thoutmosis III laquelle reposait un obélisque. Hatshepsout fit ainsi
étant postérieure aux obélisques et antérieure aux dresser deux obélisques au nom de Thoutmosis Ier
martelages amarniens, il est alors possible d’orien- alignés avec deux autres aux noms de Thoutmosis II
ter les deux fragments décrits. La face sculptée de et de Maâtkarê.
l’Amon en ronde-bosse aurait été cachée par les
Les obélisques devant le Ve pylône
murs latéraux nord et sud du sanctuaire adossé alors
que celle en creux aurait été tournée vers l’est ou vers Thoutmosis Ier avait fait extraire deux obélisques des
l’ouest. Seules les représentations visibles d’Amon carrières d’Assouan pour probablement les dresser
ayant pu être martelées, celles en ronde-bosse ont devant le Ve pylône, mais leurs fondations ne furent
384 Contrairement à ce qui est écrit dans L. Gabolde, C. Grataloup, dieu devrait ressembler ici à Hatshepsout. Cela ne semble pourtant pas le
« Compléments sur les obélisques et la « cour de fêtes de Thoutmosis II à cas, le dessin des sourcils se rapprochant davantage du style de l’époque de
Karnak », Karnak XI, 2003, p. 421 : « aucune trace de colonne centrale de Toutânkhamon. Le front est presque inexistant.
texte n’a jamais été retrouvée et ce qui reste du décor de la partie supéri- 386 Cette deuxième étape peut aussi bien avoir eu lieu après le chemisage
eure correspond apparemment à des registres de scènes d’offrandes devant des obélisques.
le dieu, superposés sur toute la hauteur du monolithe ». 387 PM II 2, p. 107 (209).
385 La figure d’Amon représentant habituellement le portrait du roi, le
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 493
jamais construites. Afin de réaliser le projet inachevé sud ayant commencé à pencher, Hatshepsout aurait
de son père devant le Ve pylône, Hatshepsout a dû alors construit ce contrefort pour empêcher sa chute.
poursuivre son travail de démolition encore plus à Elle a ensuite fait graver une nouvelle décoration sur
l’ouest : elle fit démanteler les colonnes 388 qui repo- la partie des obélisques qui dépassait du chemisage.
saient sur au moins quatre bases en calcite. Situées
Les deux colonnes papyriformes et
à un niveau profond, deux des bases sont toujours
la niche encadrant chaque porte
placées symétriquement de part et d’autre de l’axe,
latérale (pl. LXXX)
où elles furent conservées en place, mais cachées par
un nouveau dallage. Les deux autres bases furent Afin de former un portique ou un dais appuyé au
remployées dans ce dallage, de part et d’autre de la mur de clôture nord, deux colonnes papyriformes
fondation des obélisques, mais probablement pas furent construites dans la cour nord pour supporter
pour supporter une colonne. une couverture en bois. Les deux colonnes latérales
De part et d’autre de l’axe ouest-est, nº III et VI diffèrent des quatre autres par la forme
Hatshepsout fit installer, autour de l’an 16 389, deux de leur base et le décor végétal simplifié gravé au
obélisques posés sur des fondations composées de départ de leur fût 392.
trois assises en grès posées sur une très épaisse cou- Le chambranle de la porte des murs de
che de sable. clôture nord et sud semble avoir été encadré d’une
Des dépôts au nom de Maâtkarê ont été trou- sorte de niche dont le seul vestige conservé est un
vés sous chaque fondation. Cette dernière est entou- étroit pilier au nom de Thoutmosis Ier.
rée d’une couche de sable dans laquelle Hatshepsout
La grande « cour de cérémonie »
a fait ensevelir les éléments de constructions pri-
au nom de Thoutmosis II
mitives : au sud de l’axe, un linteau en calcaire de
Sésostris Ier et des statues osiriaques en grès (probable- Construite à l’ouest du IVe pylône, une grande cour
ment d’Amenhotep Ier) et au nord de l’axe, une niche de cérémonie 393 aux parements en calcaire porte le
contenant une dyade de Neferhotep Ier , d’autres élé- nom de Thoutmosis II 394. La clôture de cette cour
ments de la colonnade en grès de Sésostris Ier et un s’appuyant sur celle du IVe pylône, elle lui est donc
linteau en calcaire anépigraphe 390. postérieure.
Un petit pylône était encastré dans le côté sud
Le chemisage des obélisques
de la cour et un grand pylône a été restitué, à l’ouest.
Les obélisques d’Hatshepsout furent rapidement Comme il n’en reste aucun vestige, il serait hasar-
entourés par une imposante construction en forme deux, bien que tentant, de placer sur sa face orien-
de pylône. Deux hypothèses ont été proposées pour tale des niches identiques à celles aménagées dans
expliquer ce chemisage, l’une, cultuelle 391 et l’autre, les faces orientales du Ve et du IVe pylône. Il serait
technique. Dans la seconde hypothèse, l’obélisque peut-être moins audacieux de restituer une chapelle
388 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte 13/24 A : « [Vive] d’Hatshepsout et la chapelle Rouge.
Sobekhotep IV ... faire pour lui une nouvelle porte de 10 coudées en beau 390 R. Le Bohec découvrit la dyade au printemps 2005. En novembre sui-
sapin du Liban à deux vantaux plaqués d’or, d’argent /// ... /// sol pur dans vant, elle mis au jour deux architraves, un fragment de colonne à 16 pans et
la cour à portique papyriforme de ce temple ; de faire également pour lui un une base en grès de la colonnade de Sésostris Ier, remployées dans le dallage
second vantail pour [le temple] en beau sapin véritable /// ... /// Sobekhotep- séparant le môle nord du Ve pylône de la fondation de l’obélisque nord.
em-per-Amon ; en effet, Ma Majesté avait constaté l’état très vétuste du van- 391 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte 18/5 C2 et commen-
tail de cette porte ... ». La stèle du Caire JE 51911 nous apprend que, sous taire des textes 18/5A-D.
Sobekhotep IV, et probablement avant, le temple d’Amon-Rê à Karnak 392 Les vestiges d’une inscription palimpseste sont lisibles sur la colonne
comportait déjà une cour à portique papyriforme, attenante à un palais nº III alors que la colonne nº VI n’est pas conservée assez haut pour pou-
vraisemblablement cérémoniel. L’hypothèse que ces bases en calcite en voir en restituer une.
proviennent est à envisager. 393 L. Gabolde, « La « cour de fêtes » de Thoutmosis II », op. cit., p. 3-80.
389 D. Laboury, op. cit., p. 23 : ces obélisques ont été érigés pour le 394 J.-Fr. Carlotti, L. Gabolde, « Nouvelles données sur la Ouadjyt »,
« jubilé » d’Hatshepsout, probablement en même temps que les salles Karnak XI, 2003, p. 430-435.
494 Karnak xii
adossée au sud du môle sud 395. Au IVe pylône, cette Thoutmosis II, bien qu’aucune de ses qualifica-
chapelle sud possède les vestiges d’un socle à gorge tions ne signale qu’il soit défunt : Neferourê est
qui supportait deux grandes niches. appelée « sœur de roi », et Thoutmosis II est cou-
Des niches semblables peuvent aussi être ronné par Isis et Osiris, ce qui donne à la scène
restituées à l’intérieur de la chapelle adossée au une connotation posthume, alors qu’Hatshepsout,
grand pylône de Thoutmosis II. De plus, l’exis- officiant seule, semble être régente.
tence de ces niches semble confortée par un gros Le fait que ni le nom ni la figure d’Hatshep-
bloc en calcaire 396 qui séparait deux niches dont les sout, gravés sur le côté de la niche, n’aient été
dimensions sont légèrement supérieures 397 à celles transformés en Maâtkarê peut s’expliquer par
des niches d’Amenhotep Ier (pl. LXX). Deux faces la présence d’une statue royale qui aurait caché
de ce bloc sont décorées au nom de Thoutmosis II partiellement la décoration ou, du moins, gêné sa
mais la troisième l’est à celui d’Hatshepsout, grande regravure.
épouse divine. Des blocs provenant des fonds des Si l’emplacement des niches dans la cha-
deux niches possèdent deux parements parallèles. pelle adossée au sud du grand pylône se confirme, il
Le parement lisse qui est à fruit doit être tourné vers deviendrait alors évident que la décoration de cette
l’extérieur 398 alors que l’autre, vertical, est décoré cour de cérémonie aurait été faite après la mort de
de la représentation de Neferourê pour la niche Thoutmosis II.
de droite et, pour celle de gauche, d’un roi entre D’autres fragments (MPA 475, 400, 401) de
Amon et une autre divinité. La largeur des niches deux portes en calcaire mentionnant Hatshepsout
permet d’en restituer quatre dans la chapelle sud. pourraient provenir de cette cour de cérémonie,
Amon faisant face au sud dans les scènes conservées, comme L. Gabolde en a déjà fait l’hypothèse 400.
il faut placer les deux niches dans la moitié sud de
Les autres constructions
la chapelle, alors que dans les deux niches disparues,
de la fin de la corégence
Amon devait faire face au nord.
À l’image des niches d’Amenhotep Ier et de Pour mémoire, il est important de rappeler ici les
celles de la troisième terrasse de Deir el-Bahari, la autres constructions de la fin de la corégence :
façade de ce bloc est décorée de deux colonnes de — le podium d’Hatshepsout avec ses salles enca-
texte, au nom de Thoutmosis II, séparées par un drant la chapelle Rouge ;
tore vertical. Le lieu de découverte de ces blocs — les fondations du VIe pylône, de sa clôture, de ses
étant toujours inconnu, il serait cependant préféra- cours à péristyle, de ses chapelles latérales et pro-
ble qu’ils proviennent du IIIe pylône pour que leur bablement des piliers héraldiques, comme l’indi-
restitution dans les niches de la chapelle adossée au quent les deux dépôts de fondation aux noms de
sud du grand pylône occidental de Thoutmosis II Thoutmosis III et de Maâtkarê, récemment décou-
soit moins hypothétique. verts sous l’angle sud-est du môle sud du VIe pylône
Comme l’explique L. Gabolde 399, trois et sous la chapelle sud la plus à l’est.
indices laissent penser que ces niches proviennent
d’un monument consacré à un culte mémorial de
395 L. Gabolde, op. cit., pl. XIV : la porte B pourrait être la porte de 397 La configuration du bloc de Thoutmosis II montre que les niches
cette chapelle. qu’il sépare, ayant des dimensions différentes de celles d’Amenhotep Ier, ne
396 Ce bloc est le résultat de l’assemblage par P. Maritaux, restaura- peuvent pas appartenir au même ensemble.
teur, des fragments nº 344T2, 369T2, 370T2, 396T2, 968A1. P. Dorman, 398 Ce serait alors le parement ouest du mur de clôture occidental du
The monuments of Senenmut, Londres, 1998, p. 43, n. 131 ; L. Gabolde, grand pylône de Thoutmosis II.
Monuments en bas-reliefs aux noms de Thoutmosis II et Hatchepsout à 399 L. Gabolde, ibidem, § 148.
Karnak, op. cit., p. 129-132. 400 Ibid., § 176, n. 103. Voir également Idem, « La « cour de fêtes » de
Thoutmosis II », op. cit., p. 51, 52.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 495
401 A. Gardiner, « Tuthmosis III Returns Thanks to Amun », JEA 38, 1952, 405 CGC 34012, Urk. IV, 833, 12 – 838, 15.
p. 6-23. 406 G. Charloux date cette enceinte du Moyen Empire par la céramique
402 P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak…, op. cit., p. 296-297, découverte dans la tranchée de fondation.
estime que ce texte concerne l’Akh-menou. Voir Urk. IV, 833-838. 407 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, après le texte 18/7 C, com-
403 P. Barguet, ibidem. mentaire sur l’histoire de la Ouadjyt : ce dispositif rappelle celui qui s’aper-
404 Ibidem. Cependant, cette suggestion de P. Barguet doit être relativi- çoit, mieux encore qu’à Soleb, à Amarna, tel que le montrent les repré-
sée, car il semble, selon certains auteurs, que ces mentions n’ont aucune sentations des tombes de Meryrê et de Panehesy (voir Davies, Amarna I,
valeur chronologique. Cf. E. Hornung, E. Staehelin, Studien zum Sedfest, pl. XII et XXVI ; II , pl. XVIII-XIX).
AegHelv 1, 1974, p. 70-71. 408 Un tel doublage des murs pour installer une couverture fut aussi mis
496 Karnak xii
mencé avant la « soit-disant proscription », expli- qui compte parmi] son œuvre en faveur de son père Amon-
querait pourquoi le nom d’Hatshepsout n’a pas été Rê-sonter, seigneur-des-Deux-Terres, qui-préside-à-Ipet-[sout,
martelé sur les statues des niches du môle nord du l’érec]tion de la splendide cour à colonnes papyriformes en belle
IVe pylône. [pierre blanche] de grès, aux colonnes plaquées d’électrum ; c’est
encore plus beau qu’auparavant, chacun(e?) ??? /// ... /// une
La paire d’obélisques à l’ouest
chapelle ? aussi éclatante (?) que Rê quand il se montre au matin
du IVe pylône et les modifications
et nous dresse (?) ... /// à neuf en électrum de toutes les terres,
des obélisques d’Hatshepsout
sanctuaire du seigneur universel, pareil à l’horizon [céleste], au
Thoutmosis III a fait dresser une paire d’obélisques sol plaqué d’or ; rekhyt /// tributs ??? de [tous] les pays étrangers
sur deux imposantes fondations de quatre assises ///.../// et véritable lapis-lazuli. (Je) lui ai consacré deux socles
installées au milieu de la grande « cour de cérémo- en or ... /// en électrum, des statues de Ma Majesté — debout
nie » attribuée à Thoutmosis II, à l’ouest des deux et en sphinx — faisant offrande à Amon-Rê, de chaque côté
autres paires d’obélisques. Au moment de la «soit- de la chapelle, à l’extérieur. Ma Majesté a surpassé ses ancêtres,
disant proscription», il fit remplacer le nom de réalisant à neuf ///... /// façonné en or . (J)’ai [réalisé] ///... ///.
Maâtkarê par celui de Thoutmosis II sur les obé- Il a œuvré, le fils de Rê A[m]enhotep II, doué de vie comme Rê
lisques aux noms de Thoutmosis II et de Maâtkarê éternellement. » 410
alors que, sur les obélisques orientaux, la figure Enfin, Thoutmosis IV fit démolir cette cha-
d’Hatshepsout semble avoir été remplacée par une pelle dont il remploya les fragments de la stèle en
table d’offrande. granite en fondation de l’avant-porte qu’il fit cons-
truire devant la porte du IVe pylône. Au cours du
8.8. L’œuvre même projet, il fit installer une cour à portiques
d’Amenhotep II dont les murs ont été adossés à ceux de la grande
(pl. LXXVIII, LXXXIV) « cour de cérémonie » séparant le IVe pylône du
pylône restitué de Thoutmosis II. Puis, il fit cons-
Amenhotep II a probablement construit les truire un nouveau reposoir de barque en calcite qui
colonnes papyriformes de la cour Ouadjyt sud. Il est adossé à celui de Thoutmosis III.
les fit plaquer de métal précieux 409 et remplaça,
sur le chemisage des obélisques, les inscriptions au
nom d’Hatshepsout par les siennes. Il fit ajouter
une petite chapelle en grès sur la base en calcite
remployée, au sud, contre le chemisage des obélis-
ques. À l’ouest du IVe pylône, il fit encastrer une
grande chapelle en calcite entre les deux obélis-
ques au nom de Thoutmosis Ier. La chapelle décrite
sur la colonne nº VII de la cour sud est peut-être
cette grande chapelle en calcite : « [Amenhotep II ...
en œuvre par Thoutmosis IV qui doubla intérieurement la grande cour de qu’un enfant dans l’œuf, et remis la part de chacun des deux dieux, assu-
cérémonie attribuée à Thoutmosis II, et également par Séthy Ier qui doubla la rant ainsi à Ma Majesté la totalité du trône, privilège dont avait déjà joui
face occidentale du IIIe pylône pour supporter le toit de la salle Hypostyle. mon père dont (j’)occupe le siège. Il (m’)a fait don du pays sur toute son
409 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte18/7 A et B : « Vive aire et nul ne s’oppose à moi par toutes les terres. (J’)ai réalisé pour lui une
Amenhotep II ... ... qui compte parmi son œuvre en faveur de son père chapelle en or au sol d’argent et fabriqué maints dressoirs ; c’est encore plus
[Amon] l’exécution des splendides colonnes papyriformes de l’aile sud de beau que des corps stellaires. Son trésor, il contient les richesses provenant
la cour à portique, plaquées d’énormes quantités d’électrum, propres à des tributs de toutes les contrées ; ses greniers regorgent, le grain montant
durer éternellement. « Ainsi (j’) ai fait pour lui quelque chose de vraiment jusqu’en haut des murs. (J’)ai multiplié ses offrandes et renforcé ce qui le
différent et de bien plus beau que ce qui existait auparavant ; j’ai développé protège, lui qui m’a donné le jour. Il a œuvré, le fils de Rê, [Amenhotep II],
les structures antérieures et mon œuvre surpasse celle de (mes) prédéces- doué de vie, stabilité et puissance comme Rê à jamais ! »
seurs. Il m’avait désigné pour être le seigneur des rekhyt alors que je n’étais 410 Chr. Wallet-Lebrun, traduction à paraître, texte18/7 B.
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 497
Table des matières 3.2. Les structures en brique antérieures au radier calcaire
— Autour du radier
1. Le portique en calcaire de Sésostris Ier — Sous le radier
1.1. Radier trop court vers l’ouest pour y placer le portique de 3.3. La plate-forme encastrée dans le radier calcaire
Sésostris Ier — Son élévation
— Le bloc d’angle nord-ouest du radier — Sa fondation en galets
— Le découpage du côté ouest du radier — Le muret en brique encadrant les galets
1.2. Décoration primitive du parement externe sud des salles 3.4. La relation entre le radier et la plate-forme
d’Hatshepsout 3.5. Un hypothétique système de drainage
1.3. Superposition hypothétique de deux scènes semblables aux 4. les magasins du pourtour du radier et leur
proportions différentes extension vers l’ouest
1.4. Changement d’orientation du portique de Sésostris Ier 4.1. Le passage axial vers l’est
Nouvel emplacement du pilier osiriaque nº 11 4.2. Le mur externe des magasins du pourtour du radier et son
Nouvel emplacement du pilier osiriaque nº 15 extension vers l’ouest
Orientation vers l’est comme le sanctuaire adossé de — Extension de la fondation du mur externe des magasins du côté
Thoutmosis III sud
Emplacement du portique — Extension de la fondation du mur externe des magasins du côté
1.5. Existence d’un portique double nord
1.6. Date et raison du démantèlement du portique de — Découpage du débord intérieur de la fondation
Sésostris Ier — Différence de fondation entre le mur externe des magasins et son
1.7. Blocs de Sésostris I ne provenant pas du portique de façade
er
extension vers l’ouest
Deux chapelles en calcaire 4.3. Le passage sud entre les magasins du pourtour du radier et
Deux grandes portes en calcaire encastrées probablement dans leur extension vers l’ouest
un mur en pierre — L’encastrement d’un seuil
Petites portes en calcaire encastrées probablement dans un mur — La première fondation courte
en brique — La seconde fondation courte
Éléments de mur 4.4. Datation des fondations des magasins du pourtour du
Éléments d’un portique en grès radier
1.8. Mobilier au nom de Sésostris Ier — L’assise supérieure
— Naos en diorite — L’assise inférieure
— Socle à escalier en calcite — La position et la date des remplois en calcaire
— Autel à corniche en calcaire de Toura 4.5. Datation des fondations de l’extension vers l’ouest du mur
1.9. Conclusion externe des magasins
2. La colonnade en grès de Sésostris Ier 4.6. Quatre fondations successives sous le couloir au sud du
3. La fondation du début du Nouvel Empire dans la podium d’Hatshepsout
cour « dite du Moyen Empire » — L’assise supérieure en calcaire
3.1. Le radier calcaire — L’assise inférieure en grès
— Les dimensions du radier — Une structure en brique crue
— Le lit d’attente du radier — Les deux gros blocs en grès rouge
— Les quatre seuils en granite 4.7. Datation de trois canalisations différentes
— Le découpage du côté ouest du radier — La canalisation encastrée sous le lit d’attente du radier
— La canalisation encastrée sous le lit d’attente du radier — La canalisation au nord du podium d’Hatshepsout
— Le plan hypothétique des murs construits sur le radier — La canalisation au sud du podium d’Hatshepsout
— Les blocs en remploi dans le radier 5. Le Ve pylône : môles, clôture, couloir de service,
— Les blocs trouvés épars sur le radier cours à péristyle et fondations des obélisques
— Le cas particulier du socle à escalier en calcite au nom de 5.1. La clôture liée au Ve pylône
Sésostris I er
— Les deux couloirs de service
498 Karnak xii
— Les particularités de fondation des angles sud-ouest et nord-ouest — La chapelle Rouge : côté sud, bloc 302
de la clôture — Conclusion sur les obélisques du chemisage
— La datation de la clôture par le passage d’une canalisation dans 6.12. Les colonnades de Thoutmosis III
la fondation du mur de clôture nord — La base en calcite remployée
— Vestiges d’un mur en brique crue — La colonnade primitive
5.2. La porte axiale du mur de clôture oriental — Les différences des deux colonnes nord
5.3. Le péristyle construit par Thoutmosis Ier dans chaque cour — Le nom de la cour
du Ve pylône — Une autre Ouadjyt de Thoutmosis III, véritable cour à péristyle
5.4. Les niches du parement oriental du Ve pylône — La forme des chapiteaux
5.5. La porte axiale du V pylône
e
— Les textes des colonnes décrivant les modifications architecturales
5.6. Les pièces latérales du V pylône et leur porte
e
7. La cour à l’ouest du IVe pylône : la chapelle
5.7. Les colosses osiriaques des cours du V pylône
e
d’Amenhotep II entre les obélisques
5.8. Les fondations d’une paire d’obélisques devant le V pylône
e
7.1. La paire d’obélisques au nom de Thoutmosis Ier
5.9. Datation du Ve pylône — L’obélisque sud
6. Le IV pylône : môles, clôture, cours et obélisques
e
— L’obélisque nord
6.1. La déconnection de la clôture du IVe pylône de celle du 7.2. La paire d’obélisques au nom de Thoutmosis III
V pylône
e
7.3. La paire d’obélisques aux noms de Thoutmosis II-
6.2. Les seize niches du parement oriental du IVe pylône Hatshepsout
— Les statues assises 7.4. Le problème soulevé par le lieu de découverte des fragments
— La décoration des niches 7.5. L’attribution des obélisques de la cour
— Le socle des niches 7.6. Les fondations communes aux obélisques nord de
6.3. Les deux pièces latérales Thoutmosis Ier et de Thoutmosis II-Hatshepsout
La petite pièce latérale nord — L’assise 1 de réglage : le gradin entourant chaque base en granite
La grande pièce latérale sud — Le radier commun sous l’assise 1 de réglage
6.4. Les colosses adossés 7.7. Les fondations indépendantes des obélisques de
— Les particularités du parement oriental du pylône Thoutmosis III dans le IIIe pylône
— La découpe du socle en grès pour appuyer les colosses — L’assise 1, celle du réglage de la base en granite
— Les trois raisons d’ordre technique pour lesquelles l’appui des — Le gradin entourant la base en granite
colosses a été préféré au chaînage — Le bloc intercalaire adossé à l’est de l’assise 1 de la fondation nord
— Les autres colosses osiriaques adossés — Le radier d’un dallage disparu
6.5. Les piliers adossés 7.8. Les fosses de fondation des obélisques
6.6. Le radier et le dallage comme fondation des colonnes 7.9. La chronologie proposée
6.7. Les deux bases en calcite 7.10. La chapelle en calcite d’Amenhotep II entre les obélisques
— La première base, enterrée au nord de la cour nord de Thoutmosis Ier
— La seconde base, encastrée au sud de la cour nord — La saillie latérale
6.8. La fondation de l’obélisque nord — L’engravure horizontale
6.9. La décoration des obélisques d’Hatshepsout — L’emplacement de la chapelle
6.10. Le chemisage des obélisques d’Hatshepsout — L’explication de la structure de la chapelle
— Les plaquettes en grès — Le fond de la chapelle et la stèle en granite
L’auteur du chemisage — Les corniches en calcite du couronnement de la chapelle
— Les cartouches de Thoutmosis III gravés sur le chemisage — Les traces des fondations de la chapelle
— La raison d’être du chemisage 8. Une nouvelle hypothèse pour la chronologie des
— La hauteur du chemisage constructions d’Ipet-Sout
6.11. Identification des obélisques mentionnés à l’époque 8.1. La question de l’orientation du temple primitif
d’Hatshepsout 8.2. Le démantèlement du temple primitif
— Obélisque nord chemisé — L’auteur du démantèlement
— Biographie d’Ineni — Les raisons du démantèlement
Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire … 499
Parement sud des salles d’Hatshepsout : Sésostris Ier assis sous un dais.
Pl. IV
Bloc de parement.
Bloc de parement.
Bloc de jambage.
Statues osiriaques assises dans les niches du môle nord du IVe pylône :
les colonnes de texte gravées sur les trônes.
Pl. LIII
Statues osiriaques assises dans les niches du môle nord du IVe pylône :
les colonnes de texte gravées sur les trônes.
Pl. LIV
Statues osiriaques assises dans les niches du môle nord du IVe pylône :
les colonnes de texte gravées sur les trônes.
Pl. LV
Le Ve pylône et sa clôture.
Pl. LXXVII
Coupes sur la cour sud entre les Ve et IVe pylônes sous Thoutmosis III.
Pl. LXXXIV
a. Chapelle sud de Thoutmosis III : face est du mur oriental de la dernière chapelle.
b. Chapelle sud de Thoutmosis III : face nord du mur nord de la dernière chapelle.
Pl. LXXXIX
Aurélia Masson
1 A.-Q. Muhammad, « Recent Finds », ASAE 59, 1966, p. 152-153. 1955 aient également partiellement détruit ce secteur. En effet, S. Adam et
2 J. Lauffray, R. Sa’ad, S. Sauneron, « Rapport sur les travaux de Karnak. F. El-Shaboury notent que « d’anciennes structures en briques crues ont
Activités du Centre franco-égyptien en 1970-1972 », Kêmi XXI, 1971, p. 71. été atteintes à l’est du lac Sacré » à cette occasion (« Report on the work of
3 P. Anus, R. Sa’ad, « Habitations de prêtres dans le temple d’Amon de Karnak during the seasons 1954-55 and 1955-56 », ASAE 56, 1959, p. 47-48
Karnak », Kêmi XXI, 1971, p. 217 et fig. 1. et pl. XIV).
4 J. Lauffray, R. Sa’ad, S. Sauneron, ibidem, p. 71-72. 6 Sur ce secteur, voir J. Lauffray, « Maisons et ostraca ptolémaïques à l’est
5 Il est possible que les travaux d’aménagement des berges du lac Sacré en du lac Sacré », Karnak X, 1995, p. 301-348.
594 Karnak xii
D’après J. Lauffray 7, les habitations appartenant au « Eux-mêmes ont construit et décoré dans le temple,
quartier des prêtres avaient connu deux phases, à relativement peu au regard des pharaons. Mais ils
peu près identiques d’un point de vue architectural. sont tout de même très présents, ne serait-ce que
Il estimait que leur premier état datait des XXIIIe- par les maisons qu’ils occupaient, localisés à l’est du
XXVe dynasties. lac Sacré, et dont le dégagement permettra certaine-
P. Anus et R. Sa’ad ont attribué ces mai- ment de mieux comprendre un jour une période qui
sons aux IXe-VIIIe siècles av. J.-C. 8, mais ils espé- est encore assez trouble ».
raient que la suite des travaux fournirait plus de Cependant, plus que la possible portée
précisions. historique d’un tel sujet, il se dégage surtout une
Cl. Traunecker, à qui fut confiée l’étude problématique archéologique de l’habitat. P. Anus
épigraphique, rapprocha un linteau et un jambage, et R. Sa’ad soulignaient que leurs fouilles avaient
découverts lors des travaux de la cafétéria, du jam- « pour la première fois révélé l’existence d’habitations
bage droit de la porte d’entrée de la maison I (la plus privées dans l’enceinte du temple d’Amon » 12.
au nord du quartier) trouvé in situ 9. L’inscription L’architecture « civile », en brique crue, au
de ce chambranle fournissait nom, titres et ascen- sein des sanctuaires, a peu attiré l’attention com-
dance d’un prêtre d’Amon, Ankhefenkhonsou. Son parée à l’architecture religieuse, généralement en
étude onomastique permit de placer ce personnage pierre ; c’est encore plus vrai à Karnak où l’aura
à la XXIe dynastie. Cl. Traunecker décida alors de prestigieuse du temple d’Amon et des autres monu-
reconsidérer la chronologie du secteur et aligna la ments cultuels a accaparé l’attention des chercheurs,
datation des six maisons sur celle du chambranle de laissant de grandes zones, comme le sud du lac
la maison I 10. Sacré, quasiment vierges de recherches. Évoquant ce
secteur, D. Berg écrit même : « it is still pretty much
Intérêt de la reprise terra incognita » 13.
des recherches Enfin, réétudier la stratigraphie de ce quar-
archéologiques tier nous paraît primordial. Elle devrait en effet
se révéler très intéressante si l’on en croit l’égyp-
Mis à part le souhait de préciser et de compléter les tologue et céramologue D. A. Aston. Selon lui,
résultats des fouilles de sauvetage menées dans les aucune des céramiques publiées provenant des
années soixante-dix, une nouvelle étude du quartier maisons ne date de la XXIe dynastie, mais plutôt
des prêtres de Karnak nous semblait aborder diver- des XXVIe-XXVIIe dynasties. Il suppose que ce
ses problématiques intéressantes. quartier aurait sans doute connu une occupation
L’intérêt de la reprise des recherches concer- continue depuis la XXIe dynastie jusqu’à l’épo-
nant ce quartier a été souligné par N. Grimal dans que saïto-perse : « (it) tends to suggest that these
son Histoire de l’Égypte ancienne 11, lorsqu’il parle houses were in use for some 500 years before their
des prêtres qui prirent le pouvoir sous Ramsès XI : eventual destruction by fire » 14.
15 C’est à l’initiative des directeurs du Cfeetk, Nicolas Grimal et d’abord, avec laquelle je travaille de concert sur le projet archéologique
François Larché, que l’on doit la reprise des fouilles au sud-est du lac du sud-est du lac Sacré, Ophélie de Peretti, Jean-François Jet, Marie-
Sacré. Je tiens à leur exprimer ici ma reconnaissance pour leur confi- Delphine Martellière et Laurent Vallières qui ont participé aux fouilles,
ance et leur soutien dans mes recherches. Ces dernières ont fait l’objet Antoine Chéné, Gauthier Bancel et Gaël Pollin qui ont réalisé les photo-
d’un DEA (soutenu en juin 2003 à l’Université de Paris IV), et sont graphies, Héléna Delaporte-Zacharias pour le dessin des objets, Laurent
poursuivies actuellement dans le cadre d’une thèse sous la direction de Baqué pour son aide dans les relevés topographiques et architecturaux,
Dominique Valbelle et Nicolas Grimal. C’est un plaisir de remercier ici sans oublier les équipes de restauration et de documentation. Je remercie
tous les membres du Cfeetk pour l’aide qu’ils m’ont apportée, cha- aussi chaleureusement le bureau de l’inspectorat de Karnak pour son effi-
cun dans leur domaine de compétence : ma collègue Marie Millet tout cacité et les facilités qu’il m’a accordées.
596 Karnak xii
les recherches menées dans ce secteur. Il convient de fondation n’a été pour l’instant décelée. Quant
de noter qu’elles ont souvent perturbé la lecture des au niveau d’arase conservé, il varie de 80,00 m à
autres niveaux et qu’elles ne sont pas suffisamment 78,21 m. L’érosion des murs suit une pente naturelle
conservées pour identifier leur fonction. vers le sud‑ouest ; ceux-ci ont, de plus, été arasés
et coupés par les installations postérieures (pl. V
La maison VII a). La maçonnerie est en brique crue 19, excepté
les encadrements de quelques portes qui conser-
Après une présentation architecturale de la mai- vent des éléments en pierre. Contrairement aux
son VII 16, nous nous attacherons à montrer ses autres maisons 20, aucune trace d’enduit blanc n’est
différents états d’occupation, d’abandon et de con- conservée sur les parements. Les modules les plus
version en dépotoir. fréquemment employés pour les briques oscillent
entre 28‑29 cm de longueur, 13-14 cm de largeur
Architecture (pl. IV)
et 8-9 cm de hauteur 21. Toutes les briques sont à
Située au sud des habitations contiguës dégagées par dégraissant végétal. Les divers murs de refend et le
P. Anus et R. Sa’ad, notre maison est la septième de mur latéral nord (M2) mesurent entre 45 et 50 cm
ce quartier des prêtres. de large. Le mur de façade (M38) et le mur arrière
Dans la moitié nord-est, la maison VII est (M5) sont légèrement plus épais, 60 cm. Ils devaient
séparée de la maison VI par une venelle d’environ sans doute porter plus de charge. L’appareil est régu-
65 cm de large, tandis qu’au nord-ouest, le mur M17 lier. Panneresses et boutisses alternent leur position
vient s’accoler au mur latéral sud de la maison VI, à chaque assise pour les murs les moins épais. Quant
M1. On avait déjà remarqué que ces habitations aux autres, deux rangées de boutisses alternent avec
n’étaient pas mitoyennes 17 : cette particularité aide une rangée de boutisses encadrée de deux rangées
à reconnaître facilement les limites de chaque mai- de panneresses.
son. Comme les précédentes, la maison VII a été La porte d’entrée P6 (pl. V b), située à
construite perpendiculairement au rempart dit de l’ouest, donne sur la rue orientée nord-sud qui des-
Thoutmosis III. servait toutes les maisons 22. Seule une partie du
Le côté perpendiculaire au rempart mesure jambage sud est en place. Le tableau et l’ébrasement
environ 10,25 m (12,50 m, si l’on inclut l’espace sont constitués de dalles en grès, jointes au mortier.
situé entre le rempart et le corps principal du logis). Une fosse se trouvait à l’emplacement présumé du
Le côté parallèle — la largeur de la maison — est de deuxième jambage. L’hypothèse qu’il puisse s’agir
7,40 m. Par ses dimensions, elle se rapproche de la de récupération de matériau se trouve confirmée par
maison VI, les maisons I à III étant plus grandes et le fait qu’une fosse circonscrit le jambage sud ; les
les maisons IV et V, plus petites 18. pilleurs n’ont pas dû aller au bout de leur action.
La base des murs de cette demeure, atteinte Même si le jambage nord n’existe plus, une ouver-
à divers endroits, nous indique qu’elle a été fon- ture de 80 cm peut être restituée. En effet, la trace
dée entre 78,19 m et 78,08 m. Aucune tranchée en négatif du seuil, probablement en bois, fait cette
longueur. Elle vient, en outre, buter contre un muret d’une porte entre les espaces B et C, la porte P7,
de la largeur d’une brique, M39, qui devait se situer nous fait penser qu’il pouvait ne pas y avoir d’ac-
dans le prolongement du jambage nord. cès entre les espaces A et C 26. Cette porte est dotée
Cette porte donne sur une pièce carrée A. d’un seuil en pierre, constitué de deux dalles en grès.
Son angle nord-est est occupé par une structure Une de ces dalles passe sous le retour du mur M24.
arasée, ST1, identifiée comme un escalier. Quatre La pièce C, la plus grande de la maison, commande
murets, formant un rectangle de 1,75 x 2 m, en com- l’accès à trois petites pièces, D, E et F. La pièce D est
posent le noyau. De la première volée, il reste trois tout en largeur et très exiguë, tandis que les pièces E
marches, implantées entre le noyau et le mur M24. et F sont tout en longueur.
Des nez de marches 23, sans doute en bois, empê-
chaient qu’elles ne s’abîment trop vite, la brique La répartition des pièces diffère d’une maison de
crue étant un matériau qui s’use facilement. On prêtre à l’autre. Les comparaisons ne sont donc
suppose que l’escalier faisait un retour à gauche et pas toujours pertinentes. La première pièce semble
que le mur M17, qui s’adosse au mur latéral sud néanmoins constituer un élément commun à toutes
de la maison VI, devait soutenir la deuxième volée ces habitations ; elle a été interprétée comme une
de marches. C’est la seule interprétation que nous cour partiellement ou totalement à ciel ouvert 27.
ayons trouvée pour ce mur un peu isolé dans le plan Notre fouille ne peut confirmer cette hypothèse qui
de la maison. Existait-il un étage ou une simple se fonde avant tout sur une comparaison avec l’ar-
terrasse ? Aucun élément d’étage n’est conservé ni chitecture récente en brique crue de Haute-Égypte.
dans la maison VII, ni dans les autres demeures 24. Mais elle a apporté divers indices qui vont dans ce
L’épaisseur des murs est cependant tout à fait suffi- sens 28. Ainsi que nous venons de le voir, la présence
sante pour supporter un deuxième niveau 25. Il peut d’un escalier est attestée dans d’autres maisons du
paraître étrange que l’escalier se soit dressé un mètre quartier. Enfin, les deux pièces contiguës du fond
devant l’entrée. Dans la maison I, l’escalier, à noyau se retrouvent également dans les plans des maisons
central comme celui de la maison VII, se trouvait à I, II et VI.
droite de l’entrée ; mais une colonne s’élevait juste en
Stratigraphie
face, empêchant une vue directe dans la maison. On
retrouve dans notre cas ce « jeu de chicane assurant Maison 1 : occupation
une certaine intimité » dont parlent les fouilleurs à Le niveau de sol le plus important, associé au corps
propos de la maison I. principal de la maison VII, se situe entre les altitu-
L’accès aux pièces B et C est difficile à locali- des 78,25 m et 78,30 m (pl. VI). Il est assez difficile
ser du fait d’une grande fosse, F17, venue postérieu- d’établir des parallèles avec les niveaux d’occupa-
rement couper les extrémités des murs M24 et M33. tion des autres maisons, étant donné l’incompati-
Cependant, puisque aucune porte n’a été décelée bilité entre les altitudes indiquées sur les différents
ailleurs, il semble logique de supposer qu’elle se plans et coupes 29. Le nettoyage des décombres qui
trouvait à l’angle sud-est de la pièce A. L’existence s’étaient accumulés, depuis la fouille, dans la pièce
23 Les négatifs de deux nez de marches ont été repérés. 27 J. Lauffray, R. Sa’ad, S. Sauneron, Kêmi XXI, p. 72.
24 Les maisons I, II, V et VI conservent elles aussi les vestiges d’un escalier 28 Voir infra, p. 598.
intérieur, P. Anus, R. Sa’ad, ibid., p. 219. 29 Par exemple, le niveau d’occupation de la maison II varie plusieurs fois.
25 À l’intérieur du castrum de Douch, dans l’oasis de Kharga, des bâti- Sur un plan d’ensemble des zones fouillées, le seuil de la maison II est à
ments en brique crue sont conservés parfois jusqu’à trois étages voûtés. 77,13 m, cf. J. Lauffray, « Les travaux du Centre franco‑égyptien d’étude
J’ai pu vérifier sur place que les murs porteurs ne font pas plus de 56 cm des temples de Karnak de 1972 à 1977 », Karnak VI, 1980, fig. 16. La coupe
de large. est‑ouest de cette même maison indique plutôt un sol à 77,50 m : P. Anus,
26 Dans ce cas, ce qui passait au cœur de la maison était totalement à R. Sa’ad, ibid., fig. 3 et p. 229, fig. 15. Sur la coupe rappelant les différentes
l’abri des regards indiscrets. installations de part et d’autre de l’enceinte, le sol de la maison II, recon-
598 Karnak xii
sud-est de la maison VI, nous a pourtant permis de La pièce A a fourni deux autres niveaux de sol, alors
retrouver le niveau de sol sur lequel s’étaient arrê- que la fouille des autres pièces n’en a jusqu’ici révélé
tés nos prédécesseurs : il se situe à 78,26 m. Le sol aucun autre. SOL14 se situe entre 78,19 et 78,21 m
de la maison VII était conservé uniquement dans et SOL15, entre 78,15 et 78,18 m. Quelques rares
les pièces A et B, ainsi que dans une petite partie tessons de peu d’intérêt, trouvés à plat, nous ont
de la pièce C. Ailleurs, tous les sols ont été détruits signalé leur existence.
à un moment où la maison, ayant été abandonnée, Une petite structure construite à l’angle sud-
servit de dépotoir. L’absence de mobilier en place est de la pièce, arasée puis reconstruite quasiment
dans les parties centrales et orientales de la maison au même emplacement au niveau d’occupation sui-
rend difficile la détermination de la destination des vant (pl. IV), est associée à ces deux niveaux de sol :
différentes pièces. ST3 avec le sol SOL14 et ST4 avec le sol SOL15. Il
Le sol est en terre battue. Le matériel associé s’agit de murets, perpendiculaires au mur M33. Le
aux sols SOL7 (pièce B), SOL8 (pièce A) et SOL13 sol SOL15 correspond à la base du jambage sud de
(pièce C) est composé avant tout de céramiques la porte d’entrée (78,16 m) et à la trace en négatif de
(pl. VII-IX). Si les pièces A et C n’ont fourni que de son seuil (altitude supérieure à 78,15 m) : cela fait de
rares tessons, plusieurs céramiques presque entières lui le premier niveau de sol de cette cour.
étaient dispersées sur le sol de la pièce B : divers bols Comment expliquer le fait qu’à ces mêmes
et jarres, plusieurs « coupes à encens », des supports altitudes, aucun sol n’ait été mis au jour dans les
de jarre, une marmite et un bouchon de jarre en terre autres pièces ? L’accumulation des niveaux de sols
crue. En plus de ces céramiques, deux broyeurs en étant plus importante dans un espace à ciel ouvert,
pierre ont été découverts au sud de la pièce B. la pièce A pourrait alors peut-être être considérée
Quelques objets concentrés dans l’angle comme une cour de ce type. Les structures ST3 et
sud-ouest de la pièce A méritent notre attention : ST4 prévenaient-elles l’infiltration de la poussière
il s’agit d’un fragment d’amulette en faïence bleue, dans le reste de la maison ? L’interprétation de la
probablement en forme de colonne ouadj 30, 7256.1 pièce A comme une cour à ciel ouvert s’étoffe aussi
(pl. V c) et d’une anse en céramique, 7256.2 (pl. X, par un autre indice : l’érosion de la base de ses murs
11). Cette dernière est d’un intérêt particulier. Le est plus importante qu’ailleurs.
morceau de panse, sur lequel s’accroche l’anse, a été
travaillé de manière à obtenir une forme ovale. La Maison 2 : abandon
surface interne a été polie et a reçu le début d’une Au-dessus des niveaux de sol se succèdent plusieurs
inscription, gravée grossièrement à la main : on couches de terre contenant des fragments de briques
peut y lire le nom d’Amon, ’Imn. Cet objet doit crues, particulièrement nombreux à proximité des
être rapproché d’un fragment de bague-sceau 31, murs. La céramique est moyennement représen-
7221.1 (pl. X, 10), en faïence verte, trouvé dans le tée (peu de formes sont entières ou quasi‑complè-
tamisage de la terre entre l’entrée et l’escalier. 7256.2 tes). Elle est même quasiment inexistante dans la
semble constituer une sorte de pendant artisanal au fine couche située immédiatement au-dessus du sol
sceau de fonction 7221.1. SOL8, US 7254 32 ; cette strate, en revanche, a livré
Le matériel de ce niveau de sol allie donc la plusieurs scellés, dont la majorité présente la même
vie quotidienne au domaine religieux. inscription (pl. X, 3-5) 33. La nature de ces niveaux
naissable aux deux colonnes, est à presque à 78,00 m : J. Lauffray, « Le rem- 31 Pour une étude de cette bague-sceau, infra, p. 617-618.
part de Thoutmosis III à l’est du lac Sacré », Karnak X, 1995, p. 262, fig. 3. 32 Il est difficile de déterminer si 7254 appartient à un niveau d’occupa-
30 Des amulettes complètes de ce type ont été découvertes lors des fouilles, tion (maison 1) ou à un niveau d’abandon (maison 2).
dans les niveaux d’abandon et de dépotoir. 33 Infra, p. 615-616.
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 599
fait penser que nous sommes en présence de cou- tigraphie de la maison VII. Certes, il est difficile de
ches d’abandon et de démolition : les murs se sont prouver qu’il s’agit bien des déchets des voisins : le
écroulés et divers remblais et déchets ont peu à peu mesureur de capacité est plus approprié au matériel
comblé les pièces. d’un magasin d’offrandes qu’à celui d’une habita-
tion. En outre, nous ne pouvons déterminer dans
Maison 3 : conversion en dépotoir quelle mesure ce quartier était à l’abandon : de nou-
Une fosse F17 est venue entamer les murs M24 et velles fouilles devront évaluer l’ampleur de ce déclin.
M33, ainsi que les couches d’occupation et d’aban- En tout cas, avant que les couches dépotoir ne rem-
don successives. Les pièces C, D, E et F voient plissent les pièces, il est possible, et même probable,
leur sol entamé. La fosse creusée dans la pièce E va que ces dernières aient été vidées de leur mobilier
même au-delà de la base des murs, au plus profond (pas forcément par des pillards). Il nous semble
à 77,95 m. d’ailleurs avoir repéré quelques traces de cette action.
Nous avons pu discerner plusieurs niveaux Les tableaux de l’ébrasement de la porte P3, menant
de dépotoir dans la partie ouest de la maison. Les à la pièce F, ont été creusés à une certaine hauteur de
premières couches sont les plus chargées en mobilier manière à élargir l’ouverture à 1,50 m et, éventuel-
(pl. V d) ; elles sont très meubles, contiennent quel- lement, à faciliter la récupération de quelque chose
ques briques, quelques os et un mobilier très varié. de volumineux (pl. V e). La forme en arc de cercle
Ce dernier consiste avant tout en cérami- indique bien une action humaine et non pas une
ques (pl. XI-XIII). Les couches inférieures, sur- simple érosion naturelle.
tout, contiennent de la céramique en très grandes
proportions. Ce sont souvent les mêmes catégories L’espace arrière
qui sont représentées : jarres de tout type, « coupes
à encens », vaisselle de table diverse, moules à pain, La stratigraphie de l’espace situé entre le mur arrière
dokka, bassins, etc. Outre la vaisselle en céramique, de la maison VII et le rempart dit de Thoutmosis III
on note la présence de fragments de vaisselle en grès est très différente et plus complexe que celle du corps
et en calcaire (pl. XIV). Un mesureur de capacité principal du logis (pl. XV, coupe 1 nord-sud).
en grès (pl. XIV, 1), du même genre que ceux que Alors que nous n’avons repéré jusqu’ici
l’on peut voir aux alentours des magasins d’offran- qu’une phase architecturale pour la maison VII, ce
des de Psammouthis sis au sud du lac Sacré, a été « couloir », de 2,25 m de large environ, orienté nord-
trouvé, cassé en deux fragments, dans l’angle sud-est sud, semble avoir connu plusieurs remaniements
de la pièce E, presque au fond de la fosse. Mis à part architecturaux et fonctionnels. Bien qu’aucun accès
ces gros éléments, ces couches dépotoir ont fourni sûr n’ait été trouvé, pour l’instant, entre la maison
plusieurs scellés et quelques amulettes en faïence. et cet espace, ce dernier a certainement été en rela-
Bien que leurs allusions à la stratigraphie tion avec d’autres parties du quartier des prêtres.
soient rares, P. Anus et R. Sa’ad ont noté que, lors La succession des états 35 reconnue pour cet
de l’abandon de la maison II, « des pillards ont dû espace pourrait ainsi correspondre à la stratigraphie
emporter tout ce qui était utilisable et peu à peu les de maisons qui auraient continué d’être occupées,
déchets des voisins ont comblé les ruines » 34. Cette alors même que d’autres étaient abandonnées et
description correspond relativement bien à la stra- transformées en dépotoir : la présentation de la stra-
34 P. Anus, R. Sa’ad, ibid., p. 232. se regrouper dans une seule phase : cf. infra le tableau synthétique des
35 Nous parlons d’états et non de phases, parce que certains états peuvent phases p. 12.
600 Karnak xii
tigraphie de cet espace permettrait, en quelque sorte, muniquer les pièces H et I. La circulation entre les
de retracer une version différente des occupations pièces G et H est, elle, assurée par une ouverture de
du quartier. 60 cm. La limite nord de la pièce I n’est pas connue ;
une fosse F16, appartenant à l’état suivant, est venue
Espace 1 : circulation/cour ? (pl. IV)
couper la partie nord de cette pièce.
Il semble que dans un premier temps, l’espace situé À l’ouest de la pièce G, une structure en
entre l’arrière de la maison et le rempart ait été un « L », ST2, venait buter contre le parement est de
espace libre. Sa fonction à ce moment est difficile M5. Son altitude supérieure correspond à celle du
à déterminer. Était-ce une cour ouverte ? Ou ser- niveau de sol, soit 78,38 m. Elle est constituée de
vait-il de circulation, principale ou secondaire ? Les briques crues et d’un élément en grès creusé de deux
recherches menées actuellement dans la rue desser- petits trous : peut-on l’interpréter comme un seuil
vant à l’ouest les maisons des prêtres démontrent de porte avec un élément de crapaudine ? Jusqu’à
que celle-ci n’a pas toujours existé. Pourtant, avant présent, nous n’avons pas réussi à déterminer sur
la réalisation de la rue ouest, le quartier semble quoi pourrait donner cet accès. Sur l’arrière de la
déjà installé. Les maisons, dans un premier temps, maison VII ? Peut-être, mais aucun élément de
étaient-elles desservies par ce couloir situé le long bouchage de porte n’a été repéré. Il faut dire que
du rempart de Thoutmosis III ? Comme il s’agit de le mur M5, à cet endroit, a été perturbé par une
recherches en cours et que cette hypothèse réclame fosse postérieure, F13, ce qui en rend la lecture dif-
une confirmation par la fouille de nouvelles mai- ficile. Si une porte existait entre la pièce arrière et la
sons, nous ne pouvons donner de plus amples infor- maison, cela permettrait de réunir les états maison
mations sur cet état de l’espace arrière. 1 et espace 2. Cependant, le sol est légèrement plus
haut que celui conservé à l’ouest de la maison ; la
Espace 2 : occupation papyri
base des murs est plus haute en regard de la base des
(pl. XVI)
murs de la maison. Enfin, structure et murs de l’état
Seules des structures très arasées nous sont parve- 2 de l’espace viennent contre le parement du mur
nues pour cet état : le niveau d’arase conservé va de du fond M5. Il ne s’agit donc pas de constructions
78,38 m à 78,47 m et leur base se situe entre 78,31 m contemporaines.
et 78,33 m. Le mur M19 fait toutefois exception : il Le niveau de sol associé à ces structures se
constitue la limite sud de l’espace arrière durant les situe entre 78,38 m et 78,39 m. Divers éléments en
états 2 à 5 (altitude supérieure : 79,33 m ; altitude grès étaient dispersés sur le sol. La majorité s’assem-
inférieure : 78,38 m). Les murs en brique crue sub- ble et forme un bassin rectangulaire. Ils provien-
divisent l’espace en trois pièces, nous semble-t-il, nent des sols SOL5 (pièce H) et SOL6 (pièce G).
dénommées G, H et I. Deux fragments d’une vasque (pl. XIV, 8), 7153.3
Le mur M42 est un peu à part du fait de son et 7154.5, ont été trouvés respectivement sur les sols
module 36, plus petit, et de son orientation. Il sem- SOL4 (pièce I) et SOL5 (pièce H). On peut ainsi
ble cependant appartenir au même état. En effet, si supposer que l’emplacement initial de ces objets a
le parement nord de M35 est perpendiculaire à M5, été bouleversé, probablement lors de l’arasement
son parement sud est parallèle à M42. Malgré cette des murets. Le bassin était peut-être calé entre les
particularité, M35 constitue un seul et même mur murets M35 et M42, sachant que c’est à cet endroit
puisque sa base est la même des deux côtés du pare- qu’ont été trouvés les morceaux du bassin les plus
ment. Comme M35 est conservé au-delà du niveau gros et les plus nombreux. Dans chaque maison de
de sol, il ne s’agit pas de fondations ; nous pouvons prêtre a été trouvé un bassin en grès, semi-circulaire
supposer dès lors qu’aucune porte ne faisait com- ou rectangulaire. D’après P. Anus, ce type de bas-
36 M34 : 32 x 15 cm (hauteur inconnue car M34 n’est conservé que sur une car M42 n’est conservé que sur une arase).
arase) ; M35 : 32 x 15 x 9 cm de large ; M42 : 28 x 14 cm (hauteur inconnue
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 601
sin « devait recevoir les gargoulettes » 37. Un « mor- dessinant grossièrement un cercle, dont la base cor-
tier » en calcaire a été découvert, retourné, entre les respond à l’altitude inférieure de F16, soit 78,17 m.
murets M34 et M42. Par-dessus vient se poser une structure en terre cuite
Outre ces éléments en pierre, quelques céra- (pâte grossière à nombreux dégraissants végétaux),
miques ont été relevées sur le sol SOL4 (pl. XVII). épaisse de 4 cm, de forme ronde et de profil concave.
À l’angle sud-ouest de la pièce I, un bol très frag- Son diamètre extérieur est de 80 cm au niveau de
mentaire jouxtait une coupe. Ce type de coupe est l’arasement et de 65 cm à la base. Aucun fond n’est
parfois appelé coupelle à encens. La découverte d’un conservé. Cette structure est entourée d’une gan-
charbon à l’intérieur s’accorde avec cette interpréta- gue de terre assez compacte et argileuse d’environ
tion 38. Près de M35, une amphore piriforme était 15 cm d’épaisseur, excepté à l’est où l’on rencontre
entière avec son couvercle encore en place. La fouille un muret, M32. Un trou de forme rectangulaire, de
de l’amphore a révélé la présence de deux rouleaux 19 cm sur 17 cm, est visible à la base de la structure,
de papyrus et de deux empreintes de sceaux (pl. X, côté sud. Divers indices permettent d’identifier
6-7). Des papyri, il ne restait malheureusement que l’ensemble à un four : les briques constituant le lit
le négatif dans la terre limoneuse qui comblait la inférieur sont complètement carbonisées ; la terre,
céramique et quelques fragments inexploitables. Les encerclant la structure en céramique, est brûlée sur
empreintes de sceaux 7165.1 et 7165.2, en revanche, une épaisseur de trois à cinq centimètres 41 ; toute
ont pu livrer quelques informations intéressantes 39. la partie inférieure de la structure (US 7099) ainsi
Architecture et matériel ne nous apportent que le petit espace situé entre M32 et le rempart
pas d’indices suffisants pour connaître la fonction étaient remplis d’une couche meuble et homogène,
précise de l’espace arrière durant son état 2. composée de cendres mélangées à quelques petits
charbons. Toutefois, il n’y a pas de traces impor-
Espace 3 : cuisine/atelier ?
tantes de rubéfaction sur les parois en terre cuite,
(pl. XVIII)
ce qui signifierait que le four n’a pas été beaucoup
Les murets M34, M35, M42 et la structure ST2 40 utilisé, ou qu’il l’a été à basse température. Comme
ont été arasés (entre 78,38 m et 78,47 m). Une cou- son fonctionnement a généré plusieurs dépôts cen-
che de remblai, épaisse de 6 à 8 cm, les recouvrait. dreux assez importants, nous pencherions pour la
L’état 3 de l’espace arrière correspond à une grande deuxième interprétation. Ce type de four trouve
pièce J rectangulaire de 7,25 m sur 2,25 m. La limite des parallèles, à Douch 42 par exemple. Surtout, on
sud est donnée par le mur M19. À l’angle nord-est peut rapprocher ce four FO1 des fours découverts à
de la pièce, une structure a été aménagée (pl. XIX Karnak-Nord dans les niveaux de la XXe dynastie et
a) et ce que nous interprétons comme sa tranchée de la Basse Époque (pl. XIX b). Ils ont l’avantage
de fondation, la fosse F16, coupe plusieurs niveaux d’être nombreux, assez bien conservés et de prove-
antérieurs. Elle est constituée d’un lit de briques, nir du même site 43. La plupart d’entre eux étaient
37 À propos du bassin trouvé sur le sol de la cour de la maison I, voir 1994, p. 94.
P. Anus, R. Sa’ad, ibid., p. 222. 42 D’après un cliché du rapport interne de la campagne archéologique à
38 Plusieurs coupes de ce type ont été découvertes à Deir el-Bahari Douch de 1998 (p. 43), deux fours datant du début de l’époque ptolémaï-
avec de nombreux morceaux de charbons encore conservés à l’intérieur : que, découverts au pied du Tell de Douch, possèdent des parois en céra-
T. I. Rzeuska, « Pottery from the Temple of Thutmosis III at Deir el- mique entourées d’une gangue de mouna. La description d’autres fours,
Bahari », Études et Travaux XIX, 2001, p. 322-323 et fig. 16, 17. d’époque perse, trouvés sur le flanc ouest de ‘Ayn Manâwîr indique que
39 Infra, p. 616. les parois intérieures du four, lissées à la mouna, « présentent un profil
40 Si ST2 constitue un seuil de porte, la structure n’a pas été arasée, mais en forme de cloche, tronquée par l’arasement », et leur « fond est plat ou
se trouve naturellement au niveau du sol. Nous penchons pour cette légèrement concave » (Rapport interne de Douch, 1998, p. 38). Fo1 est assez
interprétation. éloigné de ce dernier modèle, puisqu’il est de forme concave et sans fond
41 Les fours se reconnaissent souvent au fait que la terre qui les entourait est (du moins aucun de conservé). Je remercie l’équipe de Douch de m’avoir
calcinée sur une certaine épaisseur, J. Jacquet, Le Trésor de Thoutmosis Ier : donné accès aux rapports internes.
installations antérieures ou postérieures au monument, Karnak-Nord VII, 43 Pour une description de ces fours, voir : J. Jacquet, ibidem, p. 141-143.
602 Karnak xii
placés au pied du mur d’enceinte 44, comme pour SOL3 se situe à 78,52 m. C’est une surface en terre
notre four FO1. Il s’agit avant tout de fours circulai- battue. À l’angle nord-ouest de la pièce, a été décou-
res destinés à la confection du pain dans des moules, vert un agrégat d’éléments en alliage cuivreux, 7129.1
mais aussi à d’autres préparations culinaires. Un four (pl. XIX c). Une fosse F6 a été creusée à 13 cm du
circulaire a été trouvé dans la cour E de la maison mur du fond de la maison. À la surface, elle forme
III du quartier des prêtres, non loin d’une meule un cercle de 38 cm, qui se rétrécit dans sa partie
dormante 45. Ces fours ont été utilisés en Égypte de inférieure ; recevait-elle une amphore de fond coni-
l’Ancien Empire à l’époque chrétienne 46. que ? Une deuxième fosse ronde F8, de 64 cm de
Une ouverture, large de 65 cm, a été amé- diamètre, a été creusée non loin du four FO1. Peu
nagée juste en face du four FO1 : la feuillure dans profonde, elle contenait de la cendre et des petits
laquelle s’insérait le pivot de la porte P5 est encore charbons, des rejets du four probablement.
visible sur toute la hauteur de l’angle nord-est du SOL2 (pl. XVIII) se situe entre 78,64 et
mur M5. Elle ouvrait sur un étroit passage (entre 78,68 m. La fosse F6 a été comblée avec du sable
60 et 70 cm), aménagé dans l’espace situé entre gris, contenant plusieurs fragments de céramique,
les maisons VI et VII et donnait sur la rue ouest de calcaire et de grès, dont le bord d’une vasque
orientée nord-sud. Sur le plan général (pl. IV), on (pl. XIV, 9). Alors que le sol SOL3 était comme
devine que l’espace a été volontairement agrandi « nettoyé », SOL2 a livré plus d’éléments. C’est la
au passage de l’escalier : le mur M2 n’est épais à cet présence de ces derniers, à une même altitude, qui
endroit que d’une rangée de panneresses 47 ; la rela- nous a permis d’identifier ce sol. SOL2, en effet, ne
tion entre l’escalier et le mur M17, qui soutenait sans présentait pas une surface aussi compacte et régu-
doute la seconde volée de marches, a dû être coupée. lière que SOL3. Plusieurs fragments de céramiques
Ces modifications semblent avoir été apportées au étaient dispersés sur le sol. On a pu reconstituer
moment de la création de cette circulation. La fouille un profil quasi complet d’une jarre (pl. XX, 5).
d’une partie de ce passage a permis de montrer qu’il Six agrégats d’éléments en alliage cuivreux étaient
a servi postérieurement de dépotoir (US 7048), tout concentrés au milieu de la pièce (pl. XIX d). Ils
comme la maison. Malheureusement, étant donné sont du même genre que celui trouvé sur le sol
qu’une fosse tardive a été pratiquée à l’angle nord- SOL3. Quatre scellés, dont un fragmentaire, ont
ouest de la maison VII, dans le but de récupérer des été découverts, pour la majorité au milieu de ces
pierres 48, les relations stratigraphiques entre les états agrégats. Enfin, le matériel lithique est représenté
de fonctionnement et de conversion en dépotoir de par quatre éléments dont la fonction est difficile à
ce passage et celles d’occupation, d’abandon et de établir (pl. XXI a). Un gros fragment (7097.14),
conversion en dépotoir de la maison VII ne sont pas mesurant 42 cm de long pour 28 cm de large, en
claires. Néanmoins, puisque l’escalier n’était sans granit rose, présente une face travaillée et polie
doute plus en service avec la création de la circula- (une meule ?). Un élément (7097.15), taillé dans
tion entre les maisons VI et VII, il est vraisemblable un granit rose-rouge très dense, a une forme quasi-
que la maison était abandonnée au moment de l’état cylindrique, de 16 cm de diamètre. L’objet, dont
3 de l’espace arrière. le pourtour est assez bien poli, possède une face
A priori, deux niveaux de sols ont été relevés plane, plus polie, présentant une légère dépres-
pour cet état, les sols SOL3 et SOL2 49. sion, tandis que la face opposée est laissée brute ;
44 Ibidem, p. 94. ajouté ; mais, pour en être sûr, il faut que les fouilles se poursuivent
45 P. Anus, R. Sa’ad, ibid., p. 232. dans ce secteur.
46 J. Jacquet, ibid., p. 142. 48 Supra, p. 596.
47 Il ne s’agit apparemment pas d’un mur différent, qui aurait été 49 L’attribution de SOL2 à l’état 3 est sujette à caution, infra, p. 604.
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 603
50 D’après la fiche objet LS 351 et un cliché (négatif nº 6641). ces derniers constituent une sorte de trésor et non pas une réserve de fon-
51 Ces éléments peuvent être rapprochés avec un trésor, non publié et deur. Sur les types de lingots utilisés avant que l’Égypte ne soit monéta-
en cours d’étude, découvert dans la maison V du quartier des prêtres. risée : P. Vargyas, « Monetary hoards in the Egyptian Museum », Egyptian
L’ensemble comprenait soixante-quatorze fragments d’argent, d’un poids Museum Collections around the World, Studies for the Centennial of the
total de 1,224 kg, ainsi que deux monnaies frappées en argent. Les « lin- Egyptian Museum, Le Caire, 2002, p. 1183-1194.
gots » d’argent, de forme et de poids divers, revêtent la même apparence 52 Supra, p. 601.
que nos éléments en alliage cuivreux. On pourrait donc considérer que
604 Karnak xii
qu’un mur de renforcement a été construit exacte- M19 et M3. Le mur M16 a été coupé et prend l’appa-
ment dans le prolongement du jambage ouest de la rence d’une « pile » de section carrée, à la manière de
porte P1 (pl. XXI b). M14 et M15. Ces trois « piles » en brique crue ryth-
Nous n’avons pas de niveau de sol conservé ment l’espace à intervalle plus ou moins régulier.
pour cet état. Il est donc difficile de déterminer avec
certitude la fonction des pièces K et L. Le niveau de sol SOL1, associé à cette phase d’oc-
Toutefois, la deuxième couche du comble- cupation, a été bien conservé grâce à un incendie
ment du four a livré du matériel céramique digne (pl. XXI d). La forte pente descendante de SOL1,
d’intérêt : une jarre quasi-complète (pl. XX, 6) ; un du nord au sud, se lit très bien sur le parement
gros fragment de panse dont la surface extérieure est de M5 qui a conservé les traces de l’incen-
engobée blanc a reçu un décor de lignes à l’ocre die (pl. XXI c). Ce niveau a été perturbé à deux
rouge, 7089.2. Ce dernier appartient à une amphore endroits. Tout d’abord, les murs M10, M11, M12
de Chios (pl. XXIII, 1) 53 dont les fragments étaient et M13, appartenant à la phase 5 sont venus couper
dispersés en maints endroits de la fouille : un petit l’épaisse couche d’incendie (US 7015) dans l’angle
fragment de panse dans l’US 7133 (mais qui provient sud-ouest de l’espace. Ensuite, une fosse F2, située
sans doute du sol SOL3, situé juste au-dessus) ; plu- près du parement ouest de l’enceinte, a coupé la
sieurs morceaux dans les toutes premières couches couche d’incendie jusqu’au niveau du sol SOL1.
du dépotoir de la maison VII (dans les pièces C, D Néanmoins, nous sommes en mesure de res-
et E). Puisque tous ces fragments s’assemblent, on tituer ce qui se trouvait à cet endroit grâce à un cli-
peut en déduire que la maison servait déjà de dépo- ché inédit de la documentation du Cfeetk 54, ainsi
toir lorsque l’espace arrière connut son état 4. qu’à l’un des plans des fouilles de J. Lauffray 55. Ces
L’hypothèse suivante peut aussi être formu- documents nous apprennent qu’en 1974, le rempart
lée : lorsque l’espace arrière a été transformé à l’état de Thoutmosis III a été dégagé plus au sud, au-delà
4, les divers éléments qui encombraient la pièce J ont de la maison VI, non seulement sur l’arasement,
été jetés dans la maison abandonnée, ce qui expli- mais aussi sur son côté ouest. À l’occasion du « net-
querait que le sol SOL3 ait été si pauvre en matériel. toyage de la partie sud du rempart », les fouilleurs
Cette dernière hypothèse, ainsi que la présence du ont découvert une « grande poterie à pâte blanche »
fragment de l’amphore chiote dans la couche 7133, in situ, LS 1086 (pl. XXI e) 56. Sa position a été
reviendrait à dire que le four FO1 était déjà aban- notée sur le plan général 57 et correspond exacte-
donné au moment de fonctionnement du sol SOL2. ment à la fosse F2.
Les indices sont cependant trop ténus pour confir- Un nombre important de céramiques a été
mer quoi que ce soit. découvert à ce niveau. Il y a tout d’abord de gran-
des jarres de transport ou de stockage (pl. XXIII,
Espace 5 : réserve incendiée
2). Elles sont toutes en pâte calcaire, moins poreuse
(pl. XXIV)
que la pâte alluviale. Ces jarres pouvaient donc con-
L’agencement de l’espace reste quasiment le même tenir des liquides 58. Elles étaient produites en série.
qu’à l’état 4. À l’état 5, l’espace ne forme plus qu’une Le profil complet de cinq d’entre elles a pu être
grande pièce rectangulaire, M, située entre les murs remonté, mais on a dénombré en tout neuf bords
53 Sur cette amphore, voir A. Masson, « Amphore de Chios et amphore à 57 Elle est bien visible sur un extrait du plan d’ensemble dans : J. Lauffray,
anses de panier découvertes dans la maison VII du quartier des prêtres de Karnak X, 1995, fig. 18.
Karnak », CCE 8, en cours de publication. 58 Le tamisage a révélé la présence de plusieurs dizaines de graines brû-
54 Négatif nº 13027 ; ce cliché date de novembre 1974. lées sur le sol, mais elles ne sont pas particulièrement en grand nombre
55 C’est le plan KTA, carré IX.M.(d). près des amphores. Leur étude a été confiée à une paléocarpologue, Claire
56 Annotations de la fiche suiveuse d’objet LS 1086. Newton.
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 605
complets du même type, ce qui donne, avec LS 1086 trois objets en os trouvés dans l’angle nord-ouest de
(la photographie montre une jarre semblable), au la pièce, à savoir deux cuillères à fard et un bâton à
moins dix exemplaires. La plupart 59 des fragments khôl de forme cylindrique, surmonté d’un quadru-
ont été découverts entre les « piles » de brique crue : pède (pl. XXIX).
celles-ci devaient servir de calage à ces amphores Un nombre important d’amulettes et de per-
hautes de plus de 70 cm et de ce fait non stables. les (pl. XXX) a été retrouvé un peu partout sur le
Une grande amphore d’un type différent a été niveau de sol de la pièce, mais plus particulièrement
retrouvée, ses fragments éparpillés sur le sol incen- dans la moitié nord. En simple faïence de toutes
dié. Elle est munie de deux très grandes et lour- les couleurs, en pierres semi-précieuses (cornaline,
des anses verticales, caractéristiques des amphores aventurine, lapis-lazuli, améthyste…) ou en or, elles
dites à « anses de panier » (pl. XXIII, 3) 60. arborent des formes très variées : diverses formes
À côté de ces grandes conteneurs, des céra- géométriques, œil oudjat simple ou multiple, gre-
miques plus fines étaient disposées, pour la plupart, nade, etc. Plusieurs types de pesons en pierre (cal-
le long du parement est du mur M5. Chacune d’elles caire, albâtre, diorite) étaient associés à ces objets,
constitue un exemplaire unique (pl. XXV-XXVI). toujours au nord de la pièce.
Il s’agit d’une vaisselle de table, en pâte calcaire, très La nature, la disparité et la multitude du
raffinée. matériel caractérisent l’espace arrière à l’état 5
Les céramiques en pâtes autres que calcaire comme une salle de stockage. Celle-ci semble bien
sont moins nombreuses. Parmi celles-ci, on peut organisée avec, en général, les grands contenants
noter les suivantes : une siga, production des oasis au sud de la pièce, la vaisselle fine contre le mur
bien répertoriée (pl. XXVI, 1) ; une jarre de stoc- arrière de la maison et les petits objets raffinés sur-
kage dont la surface extérieure porte un décor de tout au nord. Il est possible que, dès l’état 4, cet
larges bandes blanches ; divers fragments apparte- espace ait servi de réserve, l’architecture et les cir-
nant à une jarre à col droit, présentant plusieurs culations étant quasi-identiques entre les états 4 et
ressauts, et engobée rouge (pl. XXVI, 5). 5 62 : la porte P5 aurait été condamnée, sans doute
Ce niveau d’incendie a livré également de par volonté de cloisonner cet espace par rapport à
nombreux objets, très divers et parfois assez luxueux. la rue ouest, orientée nord-sud, qui desservait les
Une gourde du Nouvel An (pl. XXVII) 61 en maisons.
faïence verte a été trouvée contre le mur M5. Deux À qui profitait cette réserve, la maison VII
vases en albâtre étaient superposés près du parement étant inhabitée ? La porte P1 donne sur la salle
sud de la « pile » M14 (pl. XXVIII, 1-2). Un troi- arrière de la maison VI. Le seuil de la porte P1 est
sième vase en albâtre, aux parois plus épaisses que certes surélevé en regard du niveau de sol incen-
les précédents, jouxtait la gourde du Nouvel An dié de l’arrière de la maison VI, mais le sol SOL1
(pl. XXVIII, 3). Le caractère raffiné et précieux des descend vers le nord et l’incendie de l’état 5 s’est
objets trouvés sur ce sol se reconnaît également à un visiblement propagé dans la maison VI 63. Un maté-
hippopotame taillé dans un grès de bonne qualité riel assez abondant a été découvert à l’arrière de la
et qui conserve des traces d’une bichromie rouge maison VI ; P. Anus et R. Sa’ad affirment qu’il pro-
et bleue (pl. XXVIII, 4), ainsi qu’à un groupe de vient d’un niveau d’incendie, ce qui laisse supposer
59 Entre les « piles » M15 et M16 ont été trouvés in situ les fonds, arrondis H. Blanquet, Les bouteilles de nouvel an de la XXVIe dynastie égyptienne,
et non scellés dans le sol, de deux grandes jarres, 7024.3 et 7024.4. De mémoire de licence en archéologie et histoire de l’art, Louvain, 1974 ; Idem,
nombreux fragments de jarres semblables se trouvaient entre M16 et M19. « Typologie de la bouteille du Nouvel An », Amosiadès, Mélanges offerts au
Enfin, la corrélation entre l’endroit où apparaît la jarre LS 1086 sur le plan Professeur Claude Vandersleyen, Louvain, 1992, p. 49-53.
de J. Lauffray et la fosse F2 permet de replacer cette jarre à l’angle formé 62 Cela explique notre choix de regrouper ces deux états dans une même
par la face nord de M15 et le parement ouest de l’enceinte. phase, d’autant que la maison VII connaît durant espace 4 et espace 5 sa
60 Supra, n. 53. conversion en dépotoir (maison 3).
61 Pour des considérations générales sur les gourdes du Nouvel An, Cl.- 63 Les murs de la maison VI sont rubéfiés à maints endroits et pas uni-
606 Karnak xii
qu’il appartient également à l’état 5 64. Est-ce alors par les éboulements de l’enceinte furent abandon-
le propriétaire de la maison attenante qui aurait nés et que seules les maisons III et VI y avaient
récupéré cet espace ? Il est difficile de répondre à encore accès ». L’arrière de la maison VII, en étroite
cette question dans l’immédiat. relation avec celui de la maison VI, connaît cette
même réutilisation. Mais alors que la maison VI
En somme, l’espace aménagé entre le rempart et aurait été encore en fonction, la maison VII, nous
le corps principal du logis connaît plusieurs occu- l’avons vu, était abandonnée, et ce, probablement
pations et remaniements architecturaux, contraire- dès l’état 4 de l’espace arrière 67.
ment à la maison VII où une seule occupation a été Concernant la destination de l’espace arrière
pour l’instant relevée. Les chercheurs précédents des maisons, les chercheurs précisent qu’à un
ont démontré que l’espace arrière avait connu une moment donné, il « a pu servir de débarras ou de
phase supplémentaire à celle de la maison propre- cuisine » 68 : cette interprétation correspond assez
ment dite. Ils ont ainsi déterminé deux grandes bien à ce que nous avons trouvé. Il serait intéres-
phases : l’installation n° 5 concerne un état de la sant d’éclaircir deux points par de nouvelles fouilles.
maison avec l’espace arrière démuni de murs de Est-ce la totalité du quartier qui a été abandonnée
séparation, tandis que la n° 6 introduit la présence par les prêtres pour ne laisser place qu’à des occu-
de murets dans ce couloir arrière 65. Espace 1 pour- pations ponctuelles, jusqu’à ce qu’à la phase 5, on
rait correspondre à leur installation n° 5 et espace 2 revoit complètement l’organisation, et peut-être
à leur installation n° 6. L’état maison 1 fonctionne- aussi la destination du secteur ? Et, par ailleurs, à
t-il avec les deux états espace 1 et espace 2 ? Il est quel secteur (économique, artisanal ou résidentiel ?)
possible que ces derniers se suivent de près chro- a profité ce déclin ?
nologiquement ; mais, étant donné les résultats des Le tableau synthétique présenté ci-dessous
dernières campagnes menées dans la rue ouest 66, permet de résumer ce que nous avons compris et ce
nous préférons pour l’instant ne pas regrouper ces qu’il nous reste à comprendre des phases du quartier
deux états sous une même phase. L’équivalence des prêtres. La connexion entre les différents états
des phases 1 et 2 avec les installations n° 5 et 6 des reconnus pour la maison VII, l’espace arrière et le
anciens chercheurs n’est pas encore assurée du fait reste du quartier dégagé en 1970 n’est pas aisée : nous
que leur installation n° 6 peut correspondre à une suggérons néanmoins des équivalences. Ce tableau
autre phase de fonctionnement de l’espace arrière. est loin d’être définitif et devra être confirmé par des
Il a été noté également que ces « réduits comblés fouilles plus étendues et plus profondes.
quement dans la pièce arrière ; de plus, il subsiste sur le terrain un témoin est-ouest, publiée dans J. Lauffray, « Le rempart de Thoutmosis III à l’est
de la stratigraphie de la maison VI qui atteste l’existence d’une très épaisse du lac Sacré », Karnak X, 1995, fig. 3.
couche d’incendie. 66 Supra, p. 600.
64 P. Anus, R. Sa’ad, Kêmi XXI, p. 235. 67 Supra, p. 604.
65 Les installations nº 5 et nº 6 sont représentées sur une grande coupe 68 P. Anus, R. Sa’ad, op. cit., p. 219.
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 607
69 Je dois remercier ici Sylvie Marchand et Catherine Defernez pour leurs 73 J. Bourriau, Umm el-Ga’ab : Pottery from the Nile Valley Before the Arab
conseils avisés en céramologie. Conquest, Catalogue de l’exposition organisée par le Fitzwilliam Museum
70 La typologie complète est en cours de réalisation. du 6 octobre au 11 décembre 1981, Cambridge, 1981, p. 80.
71 A. Masson, CCE 8, en cours de publication. 74 Ibidem.
72 D. A. Aston, SAGA 13, 1996.
608 Karnak xii
75 D. A. Aston, op. cit., p. 76. 81 W. M. Fl. Petrie, Tanis II, Londres, 1888, pl. V nº 29.
76 VIIIe-VIIe siècles : G. Castel, D. Meeks et al., Deir el-Médineh 82 C. Defernez, op. cit., p. 128-129.
1970, fasc. II : Gournet Mar’eï Sud., FIFAO XII, 1980, pl. XIX b, nº 51. 83 Je n’ai trouvé aucun parallèle dans H. Jacquet-Gordon, « Tentative
XXVIe dynastie : C. Grataloup, in P. Béout et al., « Fouilles dans le secteur Typology of Egyptian Bread Moulds », in Dorothea Arnold, Studien zur
nord-ouest du Temple d’Amon-Rê », Karnak IX, 1993, fig. 22, nº 51. altägyptischen Keramik, Mayence, 1981, p. 11-24. J’ai montré ces dessins à
77 P. G. French, « A preliminary study of pottery in Lower Egypt in the C. Defernez, H. Jacquet-Gordon et S. Marchand, auxquelles ce type ne
late dynastic period and ptolemaic period », CCE 3, 1992, p. 85. rappelait rien de connu.
78 D’après une communication personnelle de P. G. French à D. A. Aston 84 Supra, p. 601.
dans SAGA 13, p. 52. 85 P. Barguet, J. Leclant, Karnak-Nord IV, 1954, p. 38 et pl. XXXIX B.
79 D. A. Aston, Elephantine XIX : Pottery from the Late New Kingdom to 86 S. Marchand, in M. Wuttmann et al., « Premier rapport préliminaire
the Early Ptolemaic Period, ArchVer 95, 1999, p. 352, pl. 120, nº 3120. des travaux sur le site de ‘Ayn Manâwîr (oasis de Kharga) », BIFAO 96,
80 D’après J. Bourriau, plutôt XXVIe dynastie : Umm el-Ga’ab, op. cit., 1996, p. 419, groupe 6.
p. 81 ; d’après C. Defernez, VIe et Ve siècles : La céramique d’époque 87 D. A. Aston, ArchVer 95, p. 218, pl. 66 et p. 283, pl. 92.
perse à Tell el-Herr : étude chrono-typologique et comparative, CRIPEL 88 G. Lecuyot, « La céramique de la Vallée des Reines », CCE 4, 1996,
Supplément 5/1, 2003, p. 123-127. p. 153.
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 609
haut », bien repérées auparavant à Karnak 89. Nous d’anses verticales sont présentes abondamment dans
ne présentons que le type haut (pl. IX, 2 et XII, 5). les phases 1 à 4. Cette production est typique de la
Les deux types font partie du matériel récurrent Haute-Égypte, et en particulier de Thèbes 94. Elle
dans toutes nos phases, mais ils ne constituent pas apparaît aux environs de la seconde moitié du VIIe,
un bon critère chronologique : les deux formes sont voire dès la fin du VIIIe siècle 95, et perdure jusqu’à
attestées à partir de la XXIe dynastie et perdurent l’époque ptolémaïque 96. Les jarres munies d’un
jusqu’à la XXVe dynastie 90, voire au‑delà 91. bord à double lèvre légèrement convexe et bour-
relet interne (pl. XX, 5) trouvent de nombreux
Pâte calcaire M (= Marl Clay)
parallèles 97. Tout aussi fréquentes sont les jarres à
Les céramiques en pâte calcaire sont très présentes bord à double lèvre (pl. VIII, 1 et XI, 2) 98. Les
dans notre corpus et sont même largement majori- jarres à lèvre triangulaire et aux épaules plus ou
taires sur le sol incendié SOL1 (espace 5). Cette par- moins marquées (pl. VIII, 3, XXIII, 2 et XXVI,
ticularité est apparemment propre à la production 2), dont on a découvert de nombreux spécimens
thébaine de la Basse Époque 92. sur le sol SOL1, s’apparentent à du matériel trouvé
D. A. Aston considère comme un bon mar- en Haute‑Égypte 99. Enfin, un parallèle très pro-
queur chronologique sa fabrique Marl A4 variante 2 : che a été trouvé pour la jarre piriforme, à lèvre
fin VIIIe-début VIIe siècles jusqu’à l’époque perse 93. triangulaire, munie de quatre anses (pl. XVII, 2),
Elle correspond à notre fabrique M1, groupe prin- dans une tombe royale de Nubie, à Nuri 100, la
cipal des productions en pâte calcaire issues des tombe appartenant au roi Aman-Nete-Yerike (ca.
fouilles. 418-398).
— Jarre à bandeau mouluré en M1 et en M3
Formes fermées Les jarres à bord souligné d’une rainure et à
— Jarre en M1 (très rarement en M2) fond pointu (pl. IX, 7 et XXV, 4), présentes
Les jarres présentant une lèvre moulurée plus ou des phases 1 à 4, se trouvent dans divers contex-
moins complexe, une panse à stries plates ou arron- tes allant de la Basse Époque 101 jusqu’à l’époque
dies, à fond arrondi ou pointu et souvent munies ptolémaïque 102.
89 Fr. Leclère, S. Marchand, « Données complémentaires sur les structu- D. B. Redford, « Interim Report on the Excavations at East Karnak 1977-
res de briques crues rubéfiées du musée de plein air de Karnak », Karnak X, 1978 », JARCE XVIII, 1981, p. 17 ; P. G. French, H. Ghaly, « Pottery chiefly
1995, p. 362, pl. XI. of the Late Dynastic Period, from excavations by the Egyptian Antiquities
90 À Karnak-Nord, « Complexe I », les deux types de dokka ont été repé- Organization at Saqqara, 1987 », CCE 2, 1991, p. 83-85; D. A. Aston,
rés dans des niveaux allant de la XXIe à la XXVe dynasties : D. A. Aston, SAGA 13, p. 17.
SAGA 13, pl. 176. 97 À Gourna, contexte Basse Époque : K. Mysliwiec, op. cit., p. 72,
91 A. J. Spencer, Excavations at El-Ashmunein III-The Town, British nº 716. À Éléphantine, contexte fin saïte-perse : D. A. Aston, ArchVer 95,
Museum, Londres, 1993, pl. 74, nº 61 et 68 ; A. J. Spencer, Excavations at pl. 72, nº 2041.
Tell El-Balamun 1991-1994, Londres, 1996, pl. 61, nº 18. 98 À Qustul, dans une tombe de la XXVe dynastie : B. B. William, Part
92 L. Gabolde, H. I. Amer, P. Ballet, M. Chauveau, « Le Tombeau 7. Twenty-fifth dynasty and Napatan remains at Qustul : cemeteries W and
Suspendu de la Vallée de l’Aigle », BIFAO 94, 1994, p. 207. V, The University of Chicago Oriental Institute Nubian Expedition, vol. VII,
93 D. A. Aston, op. cit., p. 181. Chicago, 1990, p. 81, fig. 30 e. À Karnak, contexte saïte : C. Grataloup, op.
94 À Karnak, contexte saïte : C. Grataloup, Karnak IX, p. 171-172, cit., fig. 20, nº 88. À Karnak-Nord, XXVIe dynastie-époque ptolémaïque :
fig. 19 et 20 ; à Karnak-Nord, dépôt de fondation de Taharqa : P. Barguet, H. Jacquet-Gordon, Pottery, nº 724. À Éléphantine, contexte fin saïte-
J. Leclant, Karnak-Nord IV, 1954, p. 38 et pl. XXXIX B ; à Éléphantine, perse : D. A. Aston, ibidem, pl. 71, nº 2037.
contexte perse : D. A. Aston, ibidem, p. 231, pl. 71, nº 2037-2041 ; à ‘Ayn 99 À Gourna, contexte datable de 650 à 550 av. J.-C. : K. Mysliwiec, ibi-
Manâwîr, Ve et début du IVe siècles : S. Marchand, BIFAO 96, p. 422-423, dem, fig. 440-441, 477-478 et 494. À Éléphantine, contexte fin saïte-perse :
groupe nº 10 ; à Gourna : K. Mysliwiec, Keramik und Kleinfunde aus der D. A. Aston, ibid., pl. 72, nº 2040.
Grabung im Tempel Sethos’ I in Gurna, ArchVer 57, 1987, p. 60, nº 398-399. 100 D. Dunham, The Royal cemeteries of Kush, vol. II. Nuri, Boston, 1955,
La datation du dépôt de céramiques de Gourna a été réévaluée par D. fig. 165, nº 18-4-271.
Aston à environ 650-550 av J.-C. (SAGA 13, p. 48). 101 K. Mysliwiec, ibid., p. 67, nº 522-523 ; A. J. Spencer, El-Ashmunein III,
95 P. G. French, CCE 3, p. 83. pl. 64, nº 22 et pl. 65, nº 26.
96 Pour des considérations générales sur ce type de jarres, voir 102 H. Jacquet-Gordon, op. cit., nº 725.
610 Karnak xii
103 À Mendès : K. L. Wilson, Cities of the Delta, Part II: Mendes nº 3033-3044.
– Preliminary Report on the 1979 and 1980 Seasons, ARCER 5, 1982, p. 19-20 110 Dans des contextes fin saïte et perse : D. A. Aston, op. cit., p. 230,
et pl. XVI, N°4. À Tell el-Herr : Br. Gratien, « Tell el‑Herr : sondage strati- pl. 71, nº 2029-2031 ; L. A. Heidorn, « The Saite and Persian Period
graphique », CCE 5, 1997, p. 72 et fig. 5a. Forts at Dorginarti », in W. V. Davies (éd.), Egypt and Africa. Nubia
104 On n’en connaissait aucun parallèle jusqu’à présent à Karnak : from Prehistory to Islam, Londres, 1991, p. 206, fig. 3 f. À Karnak-Nord,
C. Defernez, CRIPEL Supplément 5/1, p. 135. XXVIe dynastie-époque ptolémaïque : H. Jacquet-Gordon, ibidem, nº 154
105 P. Paice, « A Preliminary Analysis of Some Elements of the Saite et 492.
and the Persian Period Pottery at Tell El-Maskhuta », BES 8, 1986-1987, 111 Contexte XXVIe dynastie : C. Grataloup, Karnak IX, p. 171 et fig. 19,
p. 101, fig. 7. forme 32. Dans des contextes fin saïte et perse : D. A. Aston, ibidem,
106 C. Defernez, op. cit., p. 140. p. 230, pl. 71, nº 2028.
107 Début de l’époque perse : J. S. Holladay, Cities of the Delta III. Tell el 112 D. A. Aston, loc. cit.
Maskhuta, ARCER 6, 1982, p. 127, nº 10-14. 113 Contexte des XXVe-XXVIe dynasties, à Éléphantine : D. A. Aston,
108 Communication personnelle de C. Defernez. SAGA 13, p. 57 et fig. 184. Contexte mélangé : G. Lecuyot, « La céra-
109 Contextes de la Basse Époque : D. B. Redford, JARCE XVIII, fig. 7a mique du Ramesseum. Étude préliminaire », Memnonia IV-V, 1993-94,
et 7b. XXVIe dynastie-époque ptolémaïque : H. Jacquet-Gordon, op. p. 107 et fig. 3 h.
cit., nº 472. Depuis des niveaux saïtes jusqu’à des contextes de la fin des 114 C. Defernez, « Karnak. La chapelle d’Osiris Ounnefer Neb-Djefaou »,
IIIe et IIe siècles : D. A. Aston, ArchVer 95, pl. 65, nº 1905-1909 et pl. 115, BCE 22, 2004, p. 35 note 2 et p. 44, fig. 1. Ces formes auraient été pro-
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 611
duites ailleurs qu’à Chypre : P. De Paepe, Br. Gratien, « Petrological and 119 A. J. Spencer, Excavations at Tell El-Balamun 1991-1994, Londres, 1996,
chemical analysis of pottery from Tell el-Herr (Egypt) : Nile mud and pl. 62, nº 58.
marl wares », Hellenistic and Roman Pottery in the Eastern Mediterranean 120 P. De Paepe, Br. Gratien, op. cit., p. 69.
– Advances in Scientific Studies, Acts of the II Nieborów Pottery Workshop, 121 W. M. Fl. Petrie, Qurneh, BSAE XVI, Londres, 1909, pl. LIV.
Warsaw, 1995, p. 68. 122 D. A. Aston, SAGA 13, p. 48.
115 D. A. Aston, ArchVer 95, p. 216-217, pl. 66, nº 1922. 123 P. G. French, H. Ghaly, CCE 2, p. 116, nº 75.
116 C. Defernez, « La céramique préptolémaïque de Tell el-Herr : 124 Un article récent fait le point sur ces productions : C. Hope, « Kegs
présentation préliminaire », CCE 5, 1997, p. 64 et fig. 5, nº 33-34 ; and Flasks from Dakhleh Oasis », CCE 6, 2000, p. 189-234.
Br. Gratien, « Tell el-Herr : sondage stratigraphique », CCE 5, 1997, p. 71 125 D. A. Aston, ArchVer 95, pl. 75, nº 2089-2090 et pl. 76, nº 2091.
et fig. 1, nº 5-121. 126 S. Marchand, in C. Hope, op. cit., p. 222.
117 H. Jacquet-Gordon, op. cit., nº 440. 127 L. A. Christophe, Karnak-Nord III, FIFAO 23, 1951, p. 66-68 et
118 K. Mysliwiec, ArchVer 57, fig. 628. fig. 6.
612 Karnak xii
Parmi les objets issus de la fouille de Z7S1, beau- Ces observations sur les alabastra confirment donc
coup sont d’un intérêt très relatif pour notre sujet. la datation de la Basse Époque donnée par l’étude
C’est pourquoi nous ne traiterons ci-dessous que ce céramologique pour l’état espace 5 (phase 4), mais
que nous avons jugé pertinent, à savoir la vaisselle ne fournissent aucune précision.
de pierre et les objets en faïence.
Faïence
Vaisselle de pierre
À côté des nombreuses perles communes de peu
La vaisselle de pierre des périodes historiques a été d’intérêt du point de vue chronologique, nous
assez peu exploitée, comparée à celle des époques voudrions attirer l’attention sur quelques objets
prédynastiques. Une étude de B. G. Aston 130 a fait en faïence plus typiques, tous issus du sol incendié
le point sur ce type de matériel. Seuls les alabastra SOL1. Une remarque générale s’impose d’abord : les
nous ont semblé d’un intérêt chronologique certain, objets adoptent majoritairement une fritte émaillée
le reste de la vaisselle en grès ou en calcaire étant de couleur vert pomme, surtout utilisée à la Basse
plus commune. Époque et à l’époque ptolémaïque 134, et avant tout,
Les deux vases en albâtre trouvés dans la caractéristique de l’époque saïte 135.
réserve incendiée (pl. XXVIII, 1-2) sont d’une fac-
ture très fine. Ils sont piriformes et munis de deux Œil oudjat multiple
petits tenons placés sous le col. Une sorte de tablette L’amulette imite la forme d’un quintuple œil oudjat
en bas-relief est placée sous les anses d’un exem- (pl. XXX, 1). En faïence bleue, les détails, notam-
plaire, 7015.1. La lèvre des vases est large et plane. Ils ment les pupilles des yeux, sont peints en noir. Cet
appartiennent à la catégorie des alabastra. D’après exemplaire doit être rapproché d’un lot de perles de
128 Observation faite après comparaison avec une étude sur la céramique The Royal cemeteries of Kush, vol. I : El Kurru, Cambridge, 1950, p. 31,
ptolémaïque et romaine du temple d’Amon-Rê à Karnak, réalisée par fig. 11 c, j et pl. XXXIX. Vase provenant de Nu 1, tombe de Taharqa :
C. Grataloup. Ce dossier, non publié, mais conservé dans les archives du D. Dunham, The Royal cemeteries of Kush, vol. II : Nuri, Boston, 1955,
Cfeetk, concerne notamment les céramiques issues du quartier d’époque p. 13, fig. 3.
ptolémaïque et romaine, situé au nord du notre. 133 Vase provenant de Nu 15, tombe du roi Nastaseñ (ca 328-308) : D.
129 Voir A. Masson, CCE 8, en cours de publication. Dunham, Kush II, op. cit., p. 247, fig. 192.
130 B. G. Aston, Ancient Egyptian Stone Vessels. Material and Forms, 134 A. Kaczmarczyck, R. E. M. Hedges, Ancient Egyptian Faience,
SAGA 5, 1994. Warminster, 1983, p. 148-149.
131 Ibidem, p. 50. 135 P. T. Nicholson, Egyptian Faience and Glass, Shire Egyptology 18,
132 Vase provenant de Ku. 4. 19-3-560, tombe de la reine Kheñsa, fille 1993, p. 39.
de Kashta, sœur-épouse de Pi’ankhy, enterrée sous Taharqa : D. Dunham,
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 613
faïence verte, découvert également sur le sol de la représentant probablement Amon ou Khnoum,
phase V (pl. XXX, 2) : elles représentent des qua- surgit d’une colonne dont le chapiteau imite une
druples yeux oudjat. fleur de lotus épanouie. Rares sont les amulettes pré-
Les amulettes en forme de quintuple 136 sentant des divinités sur des colonnes 142, et notam-
ou de quadruple 137 œil oudjat sont bien connues. ment une tête de bélier 143. C’est toutefois un thème
W. M. Fl. Petrie estime qu’elles datent des XXIIIe- iconographique connu par ailleurs. Par exemple,
XXVe dynasties 138. Elles peuvent cependant remon- une sculpture conservée au musée de Louqsor repré-
ter à la XXIIe dynastie 139 et être présentes dans des sente le dieu de la création Khnoum sous les traits
contextes des XXVIe-XXXe dynasties 140. d’une tête de bélier jaillissant d’une fleur de lotus. Il
est possible également que cette amulette représente
Amulettes représentant des divinités le pieu sacré d’Amon 144.
Quatre amulettes (pl. XXX, 3-6) ont été retrou- Suivant les époques, les divinités étaient
vées à divers endroits au nord de l’espace M. 7024.9 plus ou moins appréciées sous la forme d’amulet-
et 7024.16 sont en faïence bleue tandis que 7024.14 tes. Thouéris est documentée à partir de la fin de
et 7066.11 sont en faïence verte. Elles sont toutes l’Ancien Empire et pendant toutes les dynasties sui-
munies d’un dispositif de suspension, une bélière vantes 145. Thot, sous la forme d’un babouin, appa-
située à l’arrière. La déesse hippopotame Thouéris raît dans des contextes sûrs à partir de la Troisième
est représentée debout, appuyée à un pilier dorsal ; Période Intermédiaire, et peut-être dès le Nouvel
ses bras sont ramenés sur le devant du corps, les empire, mais il est surtout tenu en grande estime à
mains posées de part et d’autre de son ventre. La l’époque saïte 146. Quant au dieu Bès, il connaît une
figurine est brisée à la hauteur des cuisses. Bès, divi- très grande faveur populaire à travers les amulet-
nité grotesque, est accroupi contre un pilier dorsal. tes, de la Basse Époque à l’époque ptolémaïque 147.
Thot, dont seule la tête de babouin a été préservée, Les amulettes représentant le dieu Khnoum (tête
était associé à un fragment de résille de perles. Si de bélier à corps d’homme) sont attestées dès la
ces trois divinités sont largement répandues dans XIIe dynastie 148. Plus usuelles, les amulettes présen-
le répertoire des amulettes égyptiennes 141, la qua- tant Khnoum sous les traits d’un bélier entier datent
trième amulette est plus atypique. Une tête de bélier, pour la plupart de la XXVIe dynastie 149. Toutefois,
136 Voir par exemple : G. A. Reisner, Amulets : n° 5218-6000 et 12001- G. A. Reisner, op. cit., p. 179 et pl. XXII, nº 12395-12398 ; W. M. Fl. Petrie,
12527, vol. I, CGC, 1907, nº 5812 à 5828 ; W. M. Fl. Petrie, Amulets, ibid., p. 46 et pl. XXXIX. Amulette en faïence vert-bleu représentant une
Londres, 1914, p. 32 et pl. XXIV ; C. Müller-Winkler, Die ägyptischen tête de faucon sur une colonne papyriforme : G. A. Reisner, Amulets : Nos
Objekt-amulette, OBO Series archaeological 5, 1987, p. 98-100 et pl. X-XI ; 12528-13595, vol. II, CGC, 1958, p. 51, nº 12915.
C. Herrmann, Ägyptische Amulette aus Palästina/Israel – Mit einem Ausblick 143 Amulette en faïence verte, représentant une tête de bélier sur une
auf ihre Rezeption durch das Alte Testament, OBO 138, 1994, p. 704-709 ; colonne, ornée d’un serpent d’un côté, d’un serpent ailé de l’autre, et
C. Andrews, Amulets of Ancient Egypt, Londres, 1994, nº 46 d. sur le devant, d’un disque solaire avec un uræus et une inscription :
137 C. Müller-Winkler, op. cit, pl. X. W. M. Fl. Petrie, ibid., p. 44 et pl. XXXVIII ; datant des règnes de
138 W. M. Fl. Petrie, op. cit., p. 32 et pl. XXIV. Pi’ankhy et de Taharqa, une amulette représentant une tête de bélier en
139 B. Schlick-Nolte, V. von Droste zu Hülshoff, Liebieghaus – Museum argent montée sur une colonne polygonale en cristal de roche forme un
Alter Plastik - Ägyptische Bildwerke – Band I : Skarabäen, Amulette und pendant précieux de notre exemplaire : D. Dunham, Kush I, op. cit., p. 94
Schmuck, Liebieghaus, 1990, p. 362-364. et pl. LXI, fig. 31f.
140 Par exemple, voir les amulettes de ce type trouvées dans les tombes 144 Sur le pieu sacré d’Amon, voir par exemple : B. van de Walle, « Le
datées des XXVIe-XXXe dynasties à Saqqara : L. L. Giddy, The Anubieion pieu sacré d’Amon », ArOr 20, 1952 ; C. Chadefaud, « Stabträgerstatuen »,
at Saqqâra II. The Cemeteries, EES 56, Londres, 1992, pl. 48-52. LÄ V, col. 1224-1232.
141 Voir par exemple W. M. Fl. Petrie, ibidem : pour Thouéris, p. 47 et 145 D. Ferrari, Gli amuleti dell’antico Egitto, Piccola biblioteca di egitolo-
pl. XL, LI et LII ; pour Thot, p. 43 et pl. XXXVII. Voir aussi B. Schlick- gia 3, 1996, p. 40.
Nolte, V. von Droste zu Hülshoff, op. cit. : Thouéris du même type, 146 Ibidem, p. 39-41.
p. 206-209 (Kat.-Nr. 157-163) ; Bès, p. 217-224 (Kat.-Nr. 175-185) ; Thot, 147 Ibid., p. 30.
p. 300 (Kat.-Nr. 288). 148 Ibid., p. 33.
142 Amulettes en faïence représentant un chat assis sur une colonne : 149 W. M. Fl. Petrie, ibid., p. 40 et pl. XXXIII.
614 Karnak xii
un exemplaire présentant une tête de bélier surmon- de gourde est en effet souvent associé à des contex-
tant une colonne, découvert à El Kurru, date des tes de l’époque saïte 154, et apparemment surtout des
règnes de Pi’ankhy et de Taharqa 150. règnes d’Apriès et d’Amasis 155. Quelques exemplai-
res similaires ont néanmoins été découverts dans
Gourde du Nouvel An des contextes postérieurs. Par exemple, une gourde
La gourde du Nouvel An (pl. XXVII), découverte du Nouvel An a été mise à jour à ‘Ayn Manâwîr
sur le sol SOL1 est une bouteille lenticulaire. Elle est dans un contexte d’époque perse ; certes, dans la
munie de deux anses traitées de manière plastique, publication, on parle d’un « objet précieux plus
en forme de babouins accroupis 151, et d’un goulot ancien thésaurisé » 156. Mais, depuis cette première
dont l’extrémité est ombelliforme. Au niveau de découverte, la présence de fragments de gourde est
l’épaule, une collerette, composée de plusieurs regis- régulièrement attestée dans des niveaux du premier
tres concentriques de petits motifs incisés, imite un quart du IVe siècle 157.
pectoral égyptien. Sur la tranche se détache une Les amulettes représentant divinités ou
bande plate, sur laquelle est inscrite la formule pro- symboles propitiatoires confirment la datation du
pitiatoire traditionnelle. Un décor de fleurs incisées sol incendié de l’état espace 5 sous la Basse Époque.
sépare les deux colonnes de texte suivantes : Quant à la gourde du Nouvel an, sa présence suf-
fit généralement pour dater le contexte de l’époque
saïte. Mais, au vu des récentes observations sur la
’Imn Mwt ⁄nsw wp rnpt nfr n nb.s pérennité de cet objet, jusqu’à l’époque perse au
« Qu’Amon, Mout et Khonsou inaugurent un début moins, il convient de ne pas se fier uniquement à sa
d’année parfait pour son possesseur ». présence dans notre contexte pour dater ce dernier
de l’époque saïte.
MnÚw nb W“st wp rnpt nfr n nb.s Le matériel inscrit
« Que Montou maître de Thèbes inaugure un début
d’année parfait pour son possesseur ». Le matériel inscrit issu des fouilles menées entre
S’accordant à l’usage, ce sont les divinités 2001 et 2003 consiste en scellés en terre sigillaire, un
locales qui sont invoquées 152 : d’un côté la triade ostracon et un sceau en faïence.
thébaine, de l’autre, Moutou, maître de Thèbes. Le tamisage systématique des niveaux de sol
D’après l’évolution de la forme et des décors mais aussi de certaines couches de remblai a permis
des gourdes du Nouvel An 153, notre exemplaire de découvrir un ensemble de quarante-cinq scellés,
serait caractéristique de la XXVIe dynastie. Ce type matériel absent des fouilles précédentes. Les scel-
lés sont associés aux niveaux des phases 1 à 4, et Des prêtres attachés au culte d’une autre divinité
sont particulièrement présents dans les couches de qu’Amon sont plus rarement attestés dans le cor-
dépotoir de la phase 4 (maison 3) 158. La plupart pus. Il s’agit essentiellement de prêtres de Montou,
sont très fragmentaires. Excepté deux exemplaires comme sur le scellé 7111.1 (pl. X, 1) :
à motifs floraux, ils portent tous une inscription
hiéroglyphique. L’ostracon (7098.1), découvert dans
la couche de remblai 7098 (espace 3/phase 3), est Ìm-nÚr (n) MnÚw nb W“st Iry-µry
en démotique 159. Son étude, confiée à un spécia- « Le prophète de Montou seigneur de Thèbes, Iry-
liste 160, n’a malheureusement pas permis une tra- iry 163 ».
duction : l’écriture est quasi illisible et très effacée. Plusieurs scellés semblent faire allusion à un
Néanmoins, étant donné que le démotique, dans même titre de prêtre, que nous proposons de traduire
la région thébaine, est surtout attesté à partir du soit par prêtre « ouâb chargé du pieu sacré », soit par
règne d’Amasis, soit à la fin de la XXVIe dynastie 161, prêtre « du grand pieu pur et sacré » (pl. X, 2-5).
cet ostracon fournit un très bon terminus post quem Ce titre a été trouvé sur des scellés provenant de
pour la phase 3. Enfin, le sceau en faïence provient divers contextes, et notamment juste au-dessus du
de l’état maison 1. sol SOL8 de l’état maison 1 164. Les exemplaires 165
Dans le cadre de notre étude, l’intérêt du ne proviennent pas d’une seule matrice et la terre
matériel sigillaire est double. Tout d’abord, il ren- sigillaire employée est toujours de mauvaise qualité,
seigne sur la qualité des propriétaires de ces sceaux ce qui rend difficile l’établissement du texte. La fin
et se trouve donc susceptible de nous informer sur du scellé nous échappe pour l’instant. Le titre se
le rang des prêtres habitant, ou du moins fréquen- présente généralement 166 ainsi :
tant, ce quartier. En second lieu, il peut fournir des
indices chronologiques pour dater les différentes
phases. Ce qui suit n’est qu’une étude préliminaire Ìm-nÚr (n) ’Imn m ’Ipt-swt w©b ©“ mdw ‡ps ou Ìm nÚr
des quelques scellés et du sceau qui ont plus parti- (n) ’Imn m ’Ipt-swt ©“ w©b mdw ‡ps
culièrement attiré notre attention. « le prophète d’Amon dans Karnak, ouâb du grand
pieu sacré » ou « le prophète d’Amon dans Karnak
Les titres des prêtres
du grand pieu pur et sacré ».
Les titres les plus courants dans notre documenta- Le pieu sacré, appelé aussi « la noble ensei-
tion (onze exemplaires) sont ceux de prêtre et père gne », recevait un culte et quelques témoignages
divin d’Amon, Ìm-nÚr et jt-nÚr (n) Imn. Les prêtres attestent d’un personnel à son service ; il était doté
appelés à la fois prophètes et pères divins se ren- également de terre et de bétail 167. Son culte s’insti-
contrent dès la XXIe dynastie, et ce sont deux titres tutionnalise apparemment sous les Ramessides, avec
équivalents hiérarchiquement 162. l’apparition de fonctionnaires et d’un clergé qui lui
158 Malgré le tamisage complet du sol de la réserve incendiée (espace 163 Pour ce nom, voir H. Ranke, PN I, 41, 9 (Basse Époque) ; H. de
5), aucun scellé n’a été mis au jour à l’exception d’un scellé provenant de Meulenaere, « Une famille sacerdotale thébaine », BIFAO 86, 1986, p. 135-
l’épaisse couche d’incendie recouvrant le sol, découvert à l’automne 2005 142 (début époque ptolémaïque).
dans les remblais de fouille. A. Masson, « Un scellé du vizir Psametik-mery- 164 Nous ne pouvons affirmer si ces scellés proviennent d’un niveau d’oc-
Neith », Karnak XII, p. 657-658. cupation (maison 1) ou d’un niveau d’abandon (maison 2).
159 Je remercie Philippe Colombert de cette indication. 165 Seules les plus complets ou les plus lisibles sont présentés ici (pl. X).
160 Je tiens à remercier Didier Devauchelle d’avoir accepté de l’examiner. 166 On a une petite variante pour l’exemplaire 7019.1 : il s’agit d’un
161 Sv. P. Vleeming, « La phase initiale du démotique ancien », CdE LVI, prophète d’Amon-Rê, ’Imn-R©, et le sens de lecture est inversé. Ce scellé
1981, p. 36. provient clairement d’un niveau d’abandon de la maison VII (maison 2).
162 G. Lefebvre, Histoire des grands prêtres d’Amon de Karnak jusqu’à la 167 A. Gasse, « Seramon, un membre du clergé thébain de la
XXIe dynastie, Paris, 1929, p. 19-20. XXIe dynastie », RdE 34, 1982-1983, p. 57, note 21.
616 Karnak xii
sont affectés 168. Ce titre est plusieurs fois associé à L’épithète wn ©“wy « celui qui ouvre les deux van-
celui de ouâb, ce qui semble être, pour certains, un taux » ou encore « ouvreur-des-vantaux-du-ciel » 176
signe de rang modeste 169. indique qu’il s’agit d’un prêtre de haut rang 177,
Le clergé attaché au culte du pieu sacré est étant donné qu’il était le premier à voir la face du
connu, à l’époque saïte, à travers plusieurs person- dieu lors des rituels 178. Ce titre est attesté pour des
nages appartenant à des familles de hauts fonction- prêtres d’Amon, de Min, de Ptah et d’Osiris 179.
naires ou de prêtres. Ils portent le titre de « prophète Ceux qui possédaient un tel titre était la plupart
du pieu sacré d’Amon » 170, mais une statuette, datée du temps des pères divins 180 (titre figurant du reste
du règne de Néchao, mentionne également le titre dans notre documentation).
de « chef des chanteurs du pieu sacré » 171.
Les indices chronologiques
À l’époque ptolémaïque, on connaît d’autres
attestations de ce clergé : « prophète du pieu de Les noms des propriétaires des sceaux sont souvent
Ptah » et « prophète du pieu sacré de Khnoum » 172. mentionnés et ils sont majoritairement caractéristi-
Sur l’exemplaire 7254.2 (pl. X, 4), la ques de la Basse Époque. C’est le cas par exemple des
mention d’Amon à la fin du scellé, sous la forme deux scellés provenant de l’amphore 7153.1 (espace
du hiéroglyphe de l’obélisque n’est pas certaine. 2). Outre le nom de Ω‡ (n)k, Chéchonq 181, vu pré-
Cependant, étant donné que le début des scellés cédemment, celui du deuxième scellé (pl. X, 7),
mentionne clairement le titre de prophète d’Amon, Padiaset, est très typique de cette période 182.
il est possible qu’il s’agisse du pieu sacré d’Amon
plutôt que de celui d’une autre divinité 173.
Un dernier titre intéressant est celui Nfr P“-dj-”st
d’« ouvreur des deux vantaux », wn ©“wy. Il est « Nefer Padiaset ».
présent à deux reprises dans notre corpus : une Les formules utilisées peuvent aussi être
première fois dans la jarre 7153.1, trouvée sur le spécifiques de la Basse Époque, à l’exemple d’un
sol SOL4 (espace 2) 174 et une deuxième parmi des scellés (pl. X, 8) trouvés sur le sol SOL2
les éléments en alliage cuivreux, sur le sol SOL2 (espace 3).
(espace 3) 175.
L’inscription du scellé 7165.2 (pl. X, 6)
provenant de la jarre est la suivante : PtÌ S≈m(t) s“ Îr
« Protection de Ptah et Sekhmet 183, Hor ».
Ce scellé, de même qu’un deuxième prove-
wn ©“wy Ω‡(nk) nant d’une couche dépotoir, appartient à une caté-
« Celui qui ouvre les deux vantaux, Chéchonq ». gorie de sceaux assez bien connue pour l’époque
168 C. Chadefaud, « Stabträgerstatuen », LÄ V, col. 1226. griechisch-römischen Zeit, Heidelberg, 1964, p. 71 ; J.-Cl. Goyon, « Les
169 A. Gasse, op. cit., p. 58, note 28. cultes d’Abydos à la Basse Époque d’après une stèle du musée de Lyon »,
170 H. de Meulenaere, « Une statuette égyptienne à Naples », BIFAO 60, Kêmi XVIII, 1968, p. 29-44.
1960, p. 128, n. 6, 7 et 8. 178 Ouvrir les deux vantaux du ciel va de pair avec découvrir la face
171 Ibidem, p. 121. du dieu : A. Moret, Le rituel du culte divin journalier en Égypte, BdE XIV,
172 Ibid., p. 129, n. 1-2. 1902, p. 49-56.
173 Il se peut également que la fin du scellé mentionne le nom du prêtre 179 J.-Cl. Goyon, op. cit., p. 35.
et non celui de la divinité. 180 G. Lefebvre, op. cit., p. 19 ; J.-Cl. Goyon, ibidem, 1968, p. 35.
174 Supra, p. 601. 181 H. Ranke, PN I, 330, 6.
175 Supra, p. 602. 182 Ibidem, 121, 18; D. Al. Pressl, Beamte und Soldaten : die Verwaltung in
176 Sur la formule et le rituel d’« ouvrir les vantaux du ciel », voir J. \erny, der 26. Dynastie in Ägypten (664-525 v. Chr.), Francfort, 1998, p. 174-176.
« Note on ©“wy-pt ‘Shrine’ », JEA 34, 1948, p. 120. 183 Noter la graphie particulière de Sekhmet : l’impression du sceau est
177 H. Gauthier, Le personnel du dieu Min, RAPH III, 1931, p. 29 ; suffisamment nette pour y lire un ≈ et non un t.
E. Otto, Gott und Mensch nach den ägyptischen Tempelinschriften der
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 617
Sceaux
saïto-perse 184. Son paradigme est le suivant 185 : nom
d’une divinité 186 suivi du signe s“, puis du nom du La bague sceau 7221.1 (pl. X, 10), dont seule une
propriétaire du sceau, précédé ou non de son titre. Si moitié nous est parvenue, provient probablement
la protection de Ptah sur ce type de sceau est attestée du sol SOL8 (maison 1). Elle a été découverte dans
par ailleurs 187, je n’ai pas trouvé, en revanche, de le tamisage de la terre située juste en face de la porte
parallèle pour celle de Sekhmet. Cependant, Ptah et P6 191. Aucune empreinte provenant de ce sceau
Sekhmet formant le couple memphite, il n’est pas n’a été trouvée pour l’instant, et pour cause : elle
étrange de les trouver associés. Notons une fois de ne semble pas être un sceau d’ordre privatif. Elle
plus que le nom Hor est d’usage fréquent à la Basse s’en éloigne tout d’abord par sa forme. En effet, sa
Époque 188. taille est plus grande et le chaton de la bague a une
Enfin, un exemplaire fragmentaire trouvé forme ovale très allongée. Ensuite, contrairement à
dans une couche dépotoir porte le cartouche d’un la plupart des scellés vus précédemment, ce n’est pas
pharaon de la XXVIe dynastie (pl. X, 9). le titre du propriétaire qui est indiqué mais le nom
d’Amon suivi d’épithètes communes. Le chaton de
la bague porte l’inscription suivante :
[…] pr ’Imn s“ 4 W“Ì-jb-R© n […]
« […] demeure d’Amon, de la quatrième phylè, W“Ì-
jb-R© n […] ». ’Imn-R© Ìk“ Psƒ.t nb[…]
Le cartouche W“Ì-jb-R© correspond soit au « Amon-Rê, souverain de l’Ennéade, [maître…] ».
nom de nswt-bit de Psammétique Ier (664-610 av. Le début du texte correspond à celui gravé
J.- C.) soit au nom de fils de Rê d’Apriès (589-570 av. sur l’anse en céramique 7256.2 (pl. X, 11). Nous
J.- C.). J. Vercoutter a signalé que « seul Psammétique avions noté auparavant que cette anse, trouvée sur
Ier était représenté par de nombreux scarabées pour le sol SOL8, avait été travaillée de manière à prendre
la XXVIe dynastie », mais il admet que les « quelques la forme d’un sceau 192.
scarabées au prénom de Psammétique peuvent dési- La forme de 7221.1 correspond à un type
gner Apriès » 189. de bague-sceau que P. Newberry 193 dit apparaître
Les scarabées portant l’inscription PsmÚk, vers la fin de la XXe dynastie et continuer jusqu’à
« Psammétique » sont encore produits au-delà du la fin de la XXIIIe. Les exemplaires qu’il connaît
règne de Psammétique et diffusés en Égypte et dans sont en terre cuite, « pottery rings ». Le nôtre est en
le bassin méditerranéen, mais il n’en irait pas de faïence verte, faïence surtout utilisée à partir de la
même pour W“Ì-jb-R© 190. Ce scellé fournit donc un Basse Époque 194. Cependant, les types qu’il cite
bon terminus post quem pour les niveaux du dépo- pour la XXVIe dynastie 195 ne se rapprochent pas
toir, soit la XXVIe dynastie. de la forme de cette bague. D’après B. Jaeger, il
184 J. Vercoutter, Les objets égyptiens et égyptisants du mobilier funéraire London, BSAE XXIX, Londres, 1917, pl. LVIII, AZ (sceau privé des XXVI-
carthaginois, BAH XL, Paris, 1945, p.51 ; A.-P. Zivie, « Une empreinte de XXXe dynasties).
sceau d’époque saïte », RdE 30, 1978, p. 176. 188 H. Ranke, PN I, 245, 18.
185 J.-P. Corteggiani, « Deux empreintes de sceaux », BIFAO 73, 1973, 189 J. Vercoutter, op. cit., p. 56-57.
p. 151-153 et pl. XIII, B et C. 190 B. Jaeger, Les scarabées à noms royaux du Museo archeologico di Bologna,
186 On connaît également des sceaux de la même époque où il s’agit Bologne, 1993, p. 186, nº 116.
de la protection d’un pharaon : H. de Meulenaere, « Trois empreintes de 191 Supra, p. 598.
sceaux », CdE 39, 1977, p. 29 ; A.-P. Zivie, op. cit., 30, 1978, p. 176. 192 Ibidem.
187 W. M. Fl. Petrie, Meydum and Memphis (III), BSAE XVIII, Londres, 193 P. E. Newberry, Scarabs: an introduction to the study of Egyptian seals
1910, p. 42, nº 2 et 11, et pl. XXXV-XXXVI (sceaux provenant de and signet rings, Londres, 1908, p. 94-95, fig. 112-113.
Memphis et datant de la XXVIe dynastie) ; Idem, Scarabs and cylinders 194 Supra, p. 612.
with names illustrated by the Egyptian collection in University College, 195 P. E. Newberry, ibidem, p. 95, fig. 114-116.
618 Karnak xii
n’existe aucune étude typologique des bagues qui reconnue dans les niveaux mis au jour dans la mai-
permettrait de dater vraiment les bagues-sceaux ; son VII. Tous les indices chronologiques se recou-
mais il estime que notre type n’est « sans doute pas pent de manière homogène : ils fournissent une
antérieur à la Troisième période intermédiaire (1075- datation sous la Basse Époque, et plutôt des XXVIe-
716 av. J.-C.) » 196. Quant à 7256.2, il s’agit de l’anse XXVIIe dynasties. Cette estimation rejoint l’avis
horizontale d’une jarre en M1, pâte qui n’est pas de D. A. Aston à propos des céramiques publiées
connue avant la fin du VIIIe siècle. Le corps de cette provenant des maisons I à VI. Doit-on alors revoir
jarre était couvert de stries plates très fines, marque la datation du quartier ? C’est grâce au matériel ins-
d’une production postérieure à la XXIe dynastie. crit que Cl. Traunecker avait daté ce quartier de la
Ainsi, bien que l’encadrement de la porte XXIe dynastie. Cependant, si l’on reprend l’ensem-
d’entrée soit anépigraphe (tout comme ceux des ble du matériel inscrit publié pour les maisons I à VI,
maisons III à VI), la relation de la maison VII avec on note une réelle hétérogénéité chronologique. Il y
le monde des prêtres est manifeste. En effet, la fonc- a tout d’abord des éléments plus anciens : des frag-
tion de prêtre étant attestée sur nombre de scellés ments de deux stèles au nom d’Amenhotep III 197
provenant des phases 1 à 4, ce modeste matériel et de Ramsès IV 198. Mais on dénombre surtout des
corrobore l’attribution générale de ces maisons aux inscriptions plus récentes. Parmi les découvertes épi-
prêtres. La bague-sceau au nom d’Amon peut sans graphiques figure un fragment de stèle « d’un prêtre
doute être considérée comme un objet de fonction d’Amon Ioupout » 199. Il semble en fait qu’il s’agisse
pour l’habitant de la maison VII. Mais la mention du grand prêtre d’Amon Ioupout, fils de Chéchonq
fréquente de prophète ou père divin d’Amon ne Ier, en charge de 944 à 924 av. J.-C. environ 200. En
suffit pas pour mieux connaître cette classe de prê- effet, le titre de grand prêtre d’Amon ,
tres qui pouvait prétendre à un logement de fonc- Ìm-nÚr tpy n ’Imn-R©, et le cartouche de ce pharaon
tion dans l’enceinte du temple d’Amon. Le titre de
sont mentionnés sur l’inscription 201.
prêtre du pieu sacré ne correspond pas à une classe Toujours de la XXIIe dynastie, un fragment de
de prêtres suffisamment connue pour nous éclairer. chambranle mentionne le nom d’Osorkon II 202, et
Seul le titre d’« ouvreur des deux vantaux » constitue non d’Osorkon Ier 203. Le cartouche qui y figure est
la marque d’un rang assez élevé. De même que les le suivant :
titres, les noms sont d’un usage trop commun pour D’autres inscriptions plus récentes ont
que l’on puisse identifier les propriétaires de ces été signalées par les fouilleurs 204 : datant de la
sceaux. L’étude du matériel inscrit permet néan- XXVe dynastie, un fragment portait les cartouches
moins de confirmer la datation des différents états de Taharqa 205 et il y avait une « pierre au nom de
de la maison VII sous la Basse Époque. La formule Chabataka » 206. Les inscriptions semblent donc
de protection, le cartouche de Psammétique ou témoigner d’une occupation plus ancienne mais
d’Apriès et l’ostracon en démotique tendent à situer plutôt étendue dans le temps. Il faut cependant res-
au plus tôt les phases 3 et 4 à la XXVIe dynastie. ter prudent sur nos conclusions, étant donné que
les contextes de découverte de ces inscriptions ne
Au vu de l’examen du mobilier provenant sont pas toujours très précis. Il est sans doute plus
des phases 1 à 4, nous observons qu’aucune trace raisonnable de ne laisser de côté ni les inscriptions,
d’une occupation de la XXIe dynastie n’a pu être ni les données archéologiques, et d’avouer plus
196 À propos d’une bague en faïence bleue possédant un profil équivalent 201 P. Anus, R. Sa’ad, ibidem, pl. XIX.
à 7221.1, B. Jaeger, op. cit., p. 117, nº 68. 202 Fiche suiveuse d’objet LS 370 ; négatif nº 5909.
197 P. Anus, R. Sa’ad, Kêmi XXI, pl. XVIII. 203 Erreur de la fiche suiveuse d’objet LS 370, que l’on retrouve dans
198 Ibidem, p. 237. l’article : P. Anus, R. Sa’ad, ibid., p. 237.
199 Ibidem. 204 P. Anus, R. Sa’ad, ibid., p. 237.
200 K. A. Kitchen, The Third Intermediate Period in Egypt (1100-650 BC), 205 Ibidem, p. 237 ; négatif nº 6321.
Warminster, 1986 (2e ed), p. 109 et 480. 206 Ibid., p. 232.
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 619
simplement que l’occupation de ce quartier pose parallèle entre le secteur est, occupé par les mai-
plus de problèmes chronologiques qu’il ne pourrait sons des prêtres et le secteur sud-ouest, où ont été
sembler. découverts deux jambages in situ, portant le cartou-
che d’Amasis. Autrement dit, elle met en valeur un
ensemble architectural cohérent et contemporain.
La confrontation du mobilier de la maison VII avec
Conclusion celui des maisons I à VI devrait se révéler utile pour
vérifier ces postulats. Céramiques, objets et inscrip-
tions n’ont été qu’en partie publiés et exploités 207.
L’étude de ce matériel, presque toujours sans réfé-
Résumé des résultats rence à un contexte stratifié, peut sembler d’une
pertinence relative, mais elle est loin d’être inutile si
Cette étude ne fournit qu’un travail préliminaire l’on veut mieux comprendre l’histoire de ce quartier.
sur le quartier des prêtres. Les hypothèses que nous Le réexamen de ce matériel est en cours.
avons formulées demandent à être confirmées par Au vu des premiers résultats archéologiques
de nouvelles recherches et le traitement exhaustif et de l’étude du matériel, notre problématique his-
du matériel. La totalité des phases de ce quartier torique de départ ne semble guère trouver d’échos.
ne pourra être déterminée que par la poursuite des En effet, le peu d’indices matériels qu’a laissé une
fouilles archéologiques. potentielle occupation à la XXIe dynastie n’apporte
L’examen de la stratigraphie, qui constituait pas de nouvelles informations sur cette période. Ces
la priorité de notre recherche, a été particulière- résultats, en revanche, semblent ouvrir de nouvelles
ment fructueux puisqu’il a pu établir l’existence de perspectives archéologiques et historiques tout aussi
six phases, la plupart non repérées dans les fouilles intéressantes.
précédentes. Évidemment, la stratigraphie complète
liée à ce quartier ne peut être connue à travers notre Nouvelles perspectives
simple sondage, étant donné que d’une maison, et d’étude
même d’une pièce à une autre, elle peut différer du
tout au tout. Ces nouvelles recherches apportent Une première grande question concerne l’évolu-
des doutes quant à la datation traditionnellement tion de ce secteur, situé le long du rempart dit de
acceptée de ce quartier depuis l’étude épigraphique Thoutmosis III.
de Cl. Traunecker. En effet, le matériel du sondage, Comment expliquer la présence d’une ins-
particulièrement homogène, confère aux phases 1 à cription de la XXIe dynastie in situ ? Doit-on revoir
4 une datation sous la Basse Époque. En dépit de la datation du chambranle d’Ânkhefenkhonsou,
l’absence de repères stratigraphiques précis, l’étude sachant que l’étude prosopographique n’est pas tou-
de D. A. Aston sur les céramiques publiées des mai- jours fiable ? Les noms du grand-père au petit-fils,
sons I à VI va dans ce sens. Une échelle de datation ainsi que les titres, peuvent se répéter sur plusieurs
pour le quartier des prêtres allant de la XXVIe à générations. Mais la stèle du grand prêtre Ioupout
la XXVIIe dynasties nous paraît donc vraisembla- ne laisse pas de doute sur sa datation, à savoir la
ble. Cette nouvelle estimation permet d’établir un deuxième moitié du Xe siècle. Elle est donc bien
207 Les archives du Cfeetk conservent des fiches d’enregistrement des rant un ou plusieurs objets. Tout le mobilier n’a pas été enregistré : certains
céramiques et des objets divers provenant des fouilles du lac Sacré. Le objets ne sont connus que grâce à des clichés ; ils sont accompagnés de
matériel enregistré porte l’épithète LS (lac Sacré) suivi de son numéro de 1 renseignements parfois très vagues.
à x. Nous avons dénombré 120 fiches pour notre secteur, chacune enregist-
620 Karnak xii
antérieure au mobilier que nous venons d’étudier. des grands prêtres 212. J. H. Breasted interprète cet
Doit-on, alors, considérer le chambranle au nom atelier comme étant « the kitchen or refectory of the
d’Ânkhefenkhonsou comme un remploi 208 ? high priest of Amon » 213.
L’hypothèse de l’existence d’un quartier Pour P. Anus et R. Sa’ad, le quartier des prê-
de prêtres dès le début de la XXIe dynastie, même tres qu’ils ont dégagé correspondrait à cette demeure
si elle ne semble pas avoir laissé d’indice matériel des grands prêtres, plusieurs fois reconstruite depuis
autre qu’épigraphique dans le quartier dégagé en Sésostris Ier. Après avoir cité les réparations d’Amen-
1970, n’est pas à écarter, de même que ne doit pas hotep, ils relèvent que leurs « maisons sont encore
être exclue l’hypothèse de l’existence d’un quartier postérieures », mais qu’elles sont « fondées sur des
de prêtres antérieur à la XXIe dynastie sur la rive est restes plus anciens » 214. Ce secteur a-t-il toujours été
du lac Sacré. destiné à abriter des logements de prêtres, et notam-
L’existence d’un quartier de prêtres à ment depuis la construction du rempart jusqu’à la
Karnak est en effet attestée par des inscriptions plus construction du quartier ptolémaïque et romain 215 ?
anciennes. La réorganisation du temple avec la construction du
La plus célèbre est celle d’Amenhotep, grand lac Sacré et du rempart, attribuée à Thoutmosis III,
prêtre d’Amon sous le règne de Ramsès IX (1125- avait-elle aussi prévu l’aménagement d’un secteur
1108). En sa qualité de « grand directeur des travaux destiné aux logements des prêtres, contre le rempart
dans la demeure d’Amon » 209, il eut la charge de nouvellement créé ? Réaliser un sondage profond
restaurer la maison des grands prêtres. À l’extrémité permettra sans doute de préciser la nature et la data-
du mur est de la cour intérieure s’étendant entre les tion des niveaux architecturaux antérieurs au quar-
VIIe et VIIIe pylônes, il fit graver un texte 210 rappe- tier conservé en élévation.
lant la fondation de la « demeure pure des grands Un autre aspect concerne les relations strati-
prêtres d’Amon », ©t w©bt n n“ Ìmw-nÚr tpyw n ’Imn. graphique, architecturale et historique que le quar-
Celle-ci aurait eu lieu sous le règne de Sésostris Ier. tier des prêtres entretient avec le secteur sud du lac
Il explique qu’elle fut déjà rebâtie, puis il s’étend Sacré. Avant les découvertes de 1970, divers égypto-
complaisamment sur les restaurations et les agran- logues pensaient que la demeure des prêtres devait
dissements qu’il y a apporté 211. On associe généra- se trouver près des inscriptions qui commémorent
lement cette inscription à une inscription voisine, sa restauration, à l’est des VIIe et VIIIe pylônes, c’est-
celle du grand prêtre Romê-Roÿ, dont la carrière à-dire, au sud du lac Sacré 216. A. Mariette 217 remar-
sacerdotale se déroula sous Ramsès II et Séthi II. Il que par ailleurs que « tous les proscynèmes des grands
restaura un atelier de boulangers et de brasseurs qui prêtres qu’on trouve à Karnak » proviennent de ce
est considéré comme faisant partie de la demeure secteur. Cette hypothèse semble confirmée par l’ins-
208 Il existe un précédent de remploi d’encadrements de porte à Medinet 214 P. Anus, R. Sa’ad, ibid., p. 237.
Habou, où des montants et des linteaux d’époque ramesside ont été 215 Ce quartier, mis au jour au nord des maisons I à VI et correspon-
récupérés pour les portes d’habitations des XXIe-XXIVe dynasties. Cf. dant à l’installation nº 7 des anciens chercheurs, s’installe sur l’arase de
U. Hölscher, Medinet Habu Excavations V – Post-ramessid remains, OIP 66, demeures appartenant probablement à leurs installations nº 5 et 6. Voir la
Chicago, 1954, pl. 6. coupe générale est-ouest dans J. Lauffray, « Le rempart de Thoutmosis III
209 G. Lefebvre, op. cit., p. 186. à l’est du lac Sacré », Karnak X, 1995, fig. 3. Mais on ne peut pour l’instant
210 Un autre document épigraphique, un bloc en grès réutilisé en dalle, définir de façon certaine la destination de ce quartier : s’agit-il toujours de
commémore très vraisemblablement cette restauration d’Amenhotep : résidences de prêtres ?
S. Sauneron, « La restauration d’un portique à Karnak par le grand-prêtre 216 G. Lefebvre, op. cit., p. 152. Par la présence d’inscriptions à l’intérieur
Amenhotpe », BIFAO 64, 1966, p. 11-17. du môle oriental du VIIIe pylône, l’auteur suppose l’utilisation de ce môle
211 G. Lefebvre, op. cit., p. 187-188. comme annexe à la demeure des grands prêtres. Il y restitue même de
212 Ibidem, p. 150-152. vastes appartements de six mètres de haut (p. 153).
213 J. H. Breasted, Ancient Records III : the Nineteenth Dynasty, Chicago, 217 A. Mariette, Karnak, Étude topographique et archéologique, Leipzig
1906, p. 266. (repr. Wiesbaden), 1875 (repr. 1982), I, p. 63.
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 621
cription d’Amenhotep : elle indique que la demeure cette porte 227 : l’inscription à la base des jambages
s’ouvrait sur le « lac méridional » 218. Une inscrip- indique qu’elle est la « grande porte de l’atelier de
tion très abîmée, sur le socle d’une statue d’Amen- préparation des offrandes » 228. Le secteur sud sem-
hotep 219, fait allusion à l’une de ses constructions : ble donc plutôt abriter des monuments en relation
« je construisis la grande place au sud [du lac] ». « La avec la confection et le stockage des offrandes.
grande place au sud », st ©“(t) rsy(t), a été assimilée à Le secteur artisanal et économique a-t-il
la demeure des prêtres, et, « du lac » a été restitué par débordé à un moment donné sur le quartier des
analogie avec l’inscription commémorative du mur prêtres, si ce dernier a été abandonné à l’instar de la
est entre les VIIe et VIIIe pylônes 220. Longtemps, on maison VII ? Ou ont-ils toujours fonctionné ensem-
a vu dans l’édifice de Psammouthis (XXIXe dynastie) ble ? En effet, la maison VII a été abandonnée et, si
la demeure des prêtres. J. H. Breasted déclare : “this une partie a servi de dépotoir 229, l’espace arrière
must be the strange building south of the lake” 221. a, lui, été réutilisé à plusieurs reprises, notamment
A. Mariette, avouant n’avoir rien vu de comparable comme salle de stockage, et peut-être même comme
dans l’architecture égyptienne, ajoute qu’à « voir atelier. Était-ce au bénéfice de prêtres habitant les
ces cellules symétriquement disposées, on croirait autres maisons, notamment la maison VI, ou bien
avoir affaire à un lieu qui servait de retraite aux prê- à celui des magasins d’offrandes ? Il est évidem-
tres » 222. Cependant, depuis l’étude de H. Ricke 223, ment impossible de dire que la totalité du quartier
on l’interprète comme un magasin d’offrandes. Les a suivi la même évolution que la maison VII. Seule
inscriptions des jambages de portes, en effet, préci- la fouille de nouvelles maisons pourrait répondre
sent qu’il s’agit d’un ‡n© ©“ w©b. « Le chena grand et à cette question : si l’on retrouve la configuration
pur est le lieu où chaque jour l’offrande quotidienne « abandon de la maison et utilisation d’une ces par-
(Ìtp-nÚr) est préparée (b“k) et consacrée (≈rp) » 224. ties comme salle de stockage ou comme atelier », ce
Selon P. Barguet 225, les demeures des grands prê- serait un indice dans ce sens.
tres devaient bien se trouver à l’est de la cour entre Ou encore, faut-il donner un sens large au
les VIIe et VIIIe pylônes ; mais il n’en resterait rien terme de « demeure des prêtres », à la vie intime-
si ce n’est « une porte en grès, au nom du premier ment lié au fonctionnement du temple ? Doit-on
prophète d’Amon, Masaharta, fils de Pinedjem Ier ». percevoir sous l’expression ©t w©bt n n“ Ìmw-nÚr
D. Berg conteste cette interprétation 226. Selon lui, tpyw n ’Imn, un grand complexe comprenant plu-
l’iconographie de cette porte (Masaharté faisant des sieurs bâtiments, dont le quartier résidentiel des
offrandes à Amon) est sans corrélation directe avec prêtres ? Si l’attribution de la partie brasserie-bou-
des logements de prêtres. Contestation confirmée langerie à la demeure des grands prêtres est juste,
par l’étude de J.-Fr. Carlotti et J.-L. Chappaz sur on ne devrait pas limiter cette « demeure » à la seule
218 J. H. Breasted, Ancient Records IV : the Twentieth to the Twenty-Sixth 224 Cl. Traunecker, « Les temples hauts de Basse Époque : un aspect du
Dynasty, Chicago, 1906, p. 238-239 note b ; G. Lefebvre, op. cit., p. 239. fonctionnement économique des temples », RdE 38, 1987, p. 149.
219 Musée du Caire, nº 36348 ; G. Legrain, « Rapport sur les travaux exé- 225 P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak, RAPH XXI, 1962, p. 18.
cutés à Karnak du 31 octobre 1902 au 15 mai 1903 », ASAE V, 1904, p. 21. 226 D. Berg, « The 29th Dynasty Storehouse at Karnak », JARCE 24, 1987,
220 J. H. Breasted, op. cit., p. 237. p. 48.
221 Ibidem. 227 J.-Fr. Carlotti, J.-L. Chappaz, « Une porte de Masaharté à l’Est du
222 A. Mariette, op. cit., p. 11 ; voir aussi pour cette interprétation : IXe pylône », Karnak X, 1995, p. 167-204.
G. Maspero, Les momies royales de Deir el Bahari, MMAF I, 1889, p. 670. 228 Ibidem, p. 177.
223 H. Ricke, « Der Geflügelhof des Amon in Karnak », ZÄS 73, 1937, 229 Rappelons également la présence d’un mesureur de capacité dans les
p. 128-131. niveaux de dépotoir de la maison VII. Supra, p. 599.
622 Karnak xii
habitation des grands prêtres d’Amon. La « Grande plein air de Karnak. Les initiales C. G. feront réfé-
Place au sud [du lac] », dont parle l’inscription de rence à la liste de C. Grataloup et S. M. à celle de
la statue d’Amenhotep, ne correspondrait-elle pas S. Marchand. Les pâtes qui n’ont été pour l’ins-
au complexe économique et administratif du sanc- tant repérées que dans l’examen des panses ne sont
tuaire d’Amon, ou tout au moins, à l’une de ses pas présentées ci‑dessous.
parties ? Bien qu’ayant peu fait l’objet de recherches
Les pâtes alluviales
archéologiques, la zone sud du lac Sacré est parfois
considérée comme tel. C’est l’avis notamment de Dans les cinq familles de pâte reconnues, les trois
J.-Fr. Carlotti et J.-L. Chappaz qui voient dans la premières, très proches, sont majoritaires.
porte de Masaharté « l’un des points de passage N1 (C. G., pâte 1 et S. M., pâte B)
obligé entre les secteurs profane et sacré du tem- Cassure rouge orangé à bandeau interne rouge à
ple d’Amon », le « profane » réunissant magasins, violet ; quelques dégraissants végétaux et inclusions
ateliers et habitations 230. Comment, sur le terrain, minérales (quartz et micas); pâte moyennement
peut se lire le fonctionnement du complexe admi- grossière et moyennement dense. La surface est d’as-
nistratif et économique au sein du temple d’Amon ? pect « chamois ». Elle reçoit parfois un engobe rouge,
Comment s’articulent espace résidentiel et espace plus ou moins épais et lissé.
économique ? La fouille d’une partie de la rue et N2
le dégagement de surface de l’enceinte enserrant les Cassure marron à bandeau interne rouge à noir ; à
bâtiments du secteur sud-ouest pourraient se révéler dégraissant végétal et inclusions minérales (quartz) ;
instructifs dans cette perspective. souvent particules blanches de proportions et de tailles
variées ; nombreuses vacuoles de toutes tailles ; pâte
moyennement dense, assez aérée et assez grossière. La
surface extérieure est d’aspect chamois, sans engobe.
Annexe : liste N3
des fabriques Cassure beige-rouge à rouge-violet ; à dégraissant
végétal et à inclusions minérales (quartz et rares
micas) ; petits nodules jaunes ; pâte plus sonore, plus
Les types de fabriques identifiés se divisent en deux dense, mieux cuite que N1. La surface extérieure est
groupes de base : pâte alluviale ou limoneuse, Nile orange clair. Elle reçoit parfois un engobe rouge
silt (N) ; pâte calcaire ou marneuse, Marl clay (M). extérieur peu épais.
Un troisième concerne une pâte particulière à cer- N4 (C. G., pâte 7 et S. M., pâte C)
taines oasis égyptiennes (O). Le quatrième, regrou- Cassure de orange à rouge ; nombreux dégraissants
pant les pâtes susceptibles d’être des importations végétaux ; inclusions minérales (quartz) ; nombreu-
(I), n’est pas présenté ci-dessous 231. Outre la des- ses vacuoles de toutes tailles ; pâte grossière, poreuse.
cription de la pâte, nous indiquons, lorsqu’il y a lieu, La surface extérieure est d’aspect chamois.
les différents traitements de surface. N5
Dans la mesure du possible, des paral- Cassure rouge orangé à brun foncé ; nombreux dégrais-
lèles ont été faits entre nos groupes et les listes sants végétaux ; nombreuses vacuoles de toutes tailles ;
établies par les céramologues C. Grataloup et pâte moyennement dense, moyennement cuite et
S. Marchand 232. Ces listes avaient été réalisées assez grossière. La surface extérieure assez irrégulière et
lors de l’étude de la céramique provenant de grisâtre est grossièrement lissée, alors que l’intérieure
structures en brique crue rubéfiées du musée en est parfois bien lissée, avec un badigeon.
230 J.-Fr. Carlotti, J.-L. Chappaz, ibidem, p. 174. 232 P. Béout et al., Karnak IX, p. 164-165 et p. 169-175 ; Fr. Leclère,
231 Pour les principales importations découvertes, se rapporter à S. Marchand, Karnak X, p. 358-359.
A. Masson, CCE 8, à paraître .
Le quartier des prêtres du temple de Karnak : la fouille de la Maison VII 623
233 Cette pâte très particulière proviendrait des oasis de Kharga et Dakhla.
II
is III
III
de Thoutmos
Enceinte dite
IV
VI
VII
0 5 10 20 50 m
Légende
secteur sud-ouest
secteur nord-ouest
maison VII
N
Coupe
n°1
0 0,5 1 2m
Légende
phase 1 phase 4a phase 6
phase 2 phase 4b parement ouest de l'enceinte
de Thoutmosis III
phase 3 phase 5
x= 966 x= 966
Enceinte de Thoutmosis III
y= 3288
y= 3296
80,00
78,92
79,29
79,02
Maison VI 79,65
M5 78,21
79,79
M21
M2
M9
79,75
79,57
M1
79,15
78,50
Maison VII
78,73 F17
M26
78,81
79,14
M24
78,76
78,35
M17 78,14
78,74
78,82 ST3 / ST4
78,63 ST1
78,60
78,43
78,69
M33
78,58
M39
78,10 M38
78,55 78,74 x= 954
x= 954
78,15
y= 3296
y= 3288
F28
79,17 78,99
78,96
Légende
grès
0 1 2m
négatif d’élément en bois
a. Vue de la maison VII, depuis l’est : pente des murs vers le sud-ouest
(cliché CFeetk nº 71181).
b. Porte d’entrée P6, vue du dessus : jambage sud c. Fragment d’amulette en forme de colonne
circonscrit d’une fosse (F28) et négatif du seuil ouadj en faïence bleue, 7256.1
(cliché Cfeetk nº 68074). (cliché Cfeetk nº 67755).
N
SOL13
y=3288
y=3298
x=958 x= 958
7308.1
M24
F17 78,28
7308.14
78,25 78,27
7308.6 7308.13
7308.8
Légende
7308.7
M1 7308.10
grès
7308.12 78,30
7308.1
calcaire
7308.2
78,30 7308.3
7308.4
ST1
M17 SOL(?)9 SOL8 SOL7
78,26
78,31
7308.5
granit
78,26
7147.3
M33 7147.1
0
M39 7147.5 7308.16
7256.2 78,35
78,26 7147.7
y=3298
78,26
7147.4
x=954 7147.6 x=954
1
P6 M38
F28
céramique
2m
petits objets
Pl.VII
4 5 6
7147.11
7308.6
7 8
7147.6 7308.18
9 10
11 12 13
1 : bol, au fond légèrement pointu, à panse droite couverte de fines stries arrondies, à bord droit souligné par une strie
2 : petit bol à carène basse, au corps marqué de stries plates très fines, à fond arrondi et à lèvre à bourrelet souligné ;
engobe rouge sur la surface extérieure
3 : petit bol à carène basse, au corps marqué de stries plates très fines, à fond arrondi et à lèvre à bourrelet souligné ;
engobe jaune crème sur la surface extérieure
4-7 : supports de jarre, annulaires
8 : haut de bol-jatte, à bord souligné
9-10 : coupes aux parois évasées, à bord droit, à fond plat coupé à la ficelle
11-13 : coupes aux parois évasées, à bord droit, à fond plat légèrement débordant Ech : 1/4
7308.19
7308.8
7308.9 7147.1
3 4
1 : haut de jarre, à bord à double-lèvre convexe, munie de deux anses verticales, au corps couvert de stries plates
2 : jarre
3 : jarre au corps piriforme marqué de stries plates, munie de deux anses verticales placées sous l'épaule,
à lèvre à bourrelet interne
4 : jarre, au corps marqué de stries plates et au fond arrondi Ech : 1/4
7308.5 7308.23
1 2
7147.10 7308.21
3 4
7308.20 7147.7
5 6
7 8 9
1 : marmite
2 : type haut de plat à pain dit dokka
3 : bord de pot de cuisson ou de jarre
4 : bord de pot de cuisson ou de jarre, à double-lèvre
5 : haut de jarre, à bord à bourrelet interne
6 : profil complet d'un bouchon de jarre, en terre crue
7 : haut de jarre, à bord souligné
8 : haut de jarre au col terminé par un bourrelet
9 : haut de jarre, à bord à bourrelet interne Ech : 1/4
Scellés et sceaux.
Pl. XI
7111.54
2
7065.30
7064.1
7111.33 7111.24
3 5
1 : jarre, munie de deux anses, au corps piriforme, couvert de stries fines et arrondies
2 : jarre, munie de deux anses, au bord à double-lèvre convexe, au corps couvert de stries fines et arrondies
3 : bouteille, au col droit terminé par un bord mouluré, au corps marqué par quelques stries fines plates ;
surface extérieure de couleur jaune, brunie
4 : bol-jatte, munie de deux anses, à bord à double-lèvre convexe, à fine base annulaire
5 : "mortier", à large lèvre droite épaissie à l’extérieur, à fond arrondi ; surface intérieure lissée Ech : 1/4
7048.18
7065.54
7111.53
7074.9 7111.11
3 5
1 : jarre de stockage ou pot à cuisson, muni de quatre anses, placées sous un bord à double-lèvre, à fond pointu ;
empreintes de cordelette et décor d'une bande bande blanche enspiralée sur la surface extérieure
2 : "pot à pigeon", à bord à double-lèvre, à fond présentant une ouverture étroite
3 : jarre de stockage ou pot à cuisson, muni de deux anses, à panse convexe terminée par un bourrelet ; surface intérieure usée
4 : bas d'une miniature de "jarre-saucisse"
5 : type haut de plat à pain dit dokka Ech : 1/4
7074.12 7074.11
1 2
7048.1 7074.4
3 4
1-3 : jarres, à corps cylindrique, parfois marqué par des stries plates, à col droit terminé par un bourrelet externe souligné,
à fond arrondi ; engobe rouge peu épais sur la surface extérieure
4 : jarre, au corps marqué par un rétrécissement, au fond pointu Ech : 1/4
7111.8
7250.2 7111.58
2 3
7120.4 7065.61
4 5
7078.1
7096.2
6 7
7153.3 7103.1
8 9
Ech : 1/8
N S
80,50 80,50
7001
80,00 80,00
7001
7008 F2 7008
M3 7014
79,50 79,50
7014
7015
79,00 SOL1 79,00
M16 M19
7062
7092
Fo1 7084 SOL2 7098
78,50 SOL3 78,50
7089 7133
7139 SOL4 M35 SOL5 7140 M34 7142 SOL6
F16 7210 7181 7172
7099
78,00 78,00
0 1 2m
Maison VII
7154.1
7154.15 7153.2
78,38
ST2 7154.17
78,39
M34 7153.4
7154.5 M35
7153.1
M42 7153.3
7155.2
7154.2
Fosse F16
G H 7154.6 78,47 I
78,42 7154.3
78,39
78,38 7153.5
78,38
M19
7155.1
79,33
78,47
7154.4
7154.16 x=966
Enceinte de Thoutmosis III
y=3294
7153.5
7153.4
7153.2
7153.6
7153.1
5
2
Couloir
est-ouest
Maison VII
Maison VI
Porte P5
78,68
7097.14
7097.5
7097.2 7097.8
7097.3
7097.4
7097.6 7097.9
78,64 7097.1 7097.10 78,75
78,67
7097.7 7097.13 Four FO1
78,68
78,17
J
7097.16
78,67 7097.17
Légende
grès 0 1 2m
granit
alliage cuivreux N
céramique
petits objets
Pl. XIX
a. Four FO1 (phase 3), depuis l’ouest b. Four à pain circulaire provenant de Karnak
(cliché Cfeetk nº 65156). Nord (J. Jacquet, Karnak-Nord VII, fig. 36).
c. Agrégat d’éléments en alliage cuivreux, provenant du sol SOL3 (cliché Cfeetk nº 67746-67748).
1 2 3 4
7097.13 7089.1
5 6
1 (phase 3) et 2-4 (dépotoir) : moules à pain, aux parois épaisses, très légèrement évasées, à lèvre plate ou légèrement
arrondie à son extrémité, à fond marqué par une dépression ; décor d'empreintes de doigts sous la lèvre et parfois sur le
pourtour de la base
5 (sol SOL2 : phase 3) : jarre, munie de deux anses placées sous un bord à double lèvre et bourrelet interne
6 (comblement du four FO1 ; phase 4) : jarre à bord à bourrelet interne Ech: 1/4
Moules à pain.
Céramiques des phases 3 (espace 3) et 4 (espace 4).
Pl. XXI
a. Matériel lithique trouvé sur le sol SOL2 b. Murs arrières de la maison VI et assises de
(cliché Cfeetk nº 68906). briques bouchant une porte, installées sur
un niveau d’incendie, depuis le nord
(cliché Cfeetk nº 64219).
c. Bouchage de la porte P5 et parement est du mur M5, depuis l’est (cliché Cfeetk nº 67323).
d. Détail du sol incendié SOL1, depuis l’est e. Jarre LS 1086, trouvée en 1974 (cliché
(cliché Cfeetk nº 59896). Cfeetk nº 13027).
Pl. XXII
Couloir
est-ouest
Maison VI
Maison VII
Bouchage de
la porte P5
79,40
79,02
79,47
Tranchée Tranchée
de fondation de fondation 78,55
du mur M13 du mur M12 P1
(phase 5) (phase 5)
79,72
M19
79,78
79,00
L
0 1 2m
N
Pl. XXIII
7089.2
1
7024.55 7024.24
2 3
1 (amphore chiote) : amphore munie de deux anses verticales de section ovale, attachées sous la lèvre, à col long et droit terminé
par un bourrelet externe ; panse ovoïde renflée ; pied en anneau marqué d'une dépression ; surface extérieure portant un décor
élaboré de bandes peintes à l'ocre rouge apposé sur un engobe blanc bien couvrant ; deux graffiti en grec incisés à la base du col
2 : grande jarre de transport ou stockage, munie de deux anses verticales placées sous l'épaule, au corps piriforme couvert
de stries horizontales plates, assez marquées ; lèvre, à bourrelet interne, se plaçant directement sur les épaules
3 (amphore à anses de panier) : grande amphore de transport ou stockage, munie de lourdes et grandes anses verticales,
à bord triangulaire ; surface extérieure de couleur verte ou jaune suivant l'exposition des fragments à l'incendie
Ech : 1/8
Amphore chiote.
Céramiques du sol SOL1 (espace 5/phase 4) -1.
Pl. XXIV
Couloir
est-ouest
Bouchage de
7024.1 7024.23 7024.21 la porte P5
7024.33 7024.27
7024.26 7066.10
79,40
7024.11
79,18 7024.17
Tranchée de Tranchée de 7066.12 78,64 7066.16
fondation fondation 79,47
79,00 7066.11
du mur M13 du mur M12 7024.12 78,66
(phase 6) (phase 6) 7024.31 7066.14
79,10 7015.7 7024.8 78,93 78,62
7024.11 7066.13
7024.35 78,55
7024.36 7015.7 7024.39 7024.16 7066.77066.19 P1
79,15 7066.20
7024.14 7066.21
7024.7 78,90 7024.37 7024.19
7015.6 7024.6 7024.13
7015.4 7066.2 78,69 7066.5
7024.10 7066.4
M
7066.3
M19 79,18
7066.1
7015.10
79,18 7024.34 M3
7024.40 79,57 78,90 FO1
79,54 79,77 80,00
79,21 7024.47
M16 7024.5 M14 7015.2 7024.32 x=966
0 1 2m
Légende
grès objet N
7024.23 7024.28
1 2
3 4 5
6 7 8
1 : jarre munie de quatre anses, à bord à bourrelet interne, à fond à base annulaire ; surface extérieure de couleur jaune, brunie
2 : jarre munie de quatre anses, à bord marqué de trois incisions, à fond à fine base annulaire ; surface extérieure rosée, brunie
3 : jarre globulaire, à col assez court terminé par un bord mouluré ; surface extérieure de couleur jaune brunie
4 : petite jarre, à bord souligné d'une rainure, à fond pointu ; surface extérieure crème
5 : fond légèrement pointu ; surface extérieure de couleur jaune, brunie
6 : coupe carénée, à bord à marli, à base annulaire fine ; surface intérieure de couleur jaune, brunie
7 : coupelle à bord souligné d'une rainure, à très fine base annulaire ; surface intérieure rosée, brunie
8 : bol-jatte à bord souligné, à fond arrondi ; faux-engobe sur la surface extérieure du bord Ech : 1/4
7024.54
7024.25 7015.4
2 3
7015.6 7024.30
4 5
1 : siga à col droit assez haut, terminé par un bourrelet externe, placé au centre d'un corps allongé aux deux extrémités
arrondies ; surface extérieure, de couleur brun foncé, très irrégulière et rugueuse, marquée par des traces de lissage
formant des arcs de cercle
2 : haut de jarre à bord à bourrelet interne, à corps couvert de stries plates
3 : miniature de jarre entière, à bord à double lèvre et bourrelet interne, à fond arrondi
4 : miniature d'amphore entière, à bord à lèvre triangulaire, à fond pointu
5 : bord de jarre à col mouluré ; engobe rouge épais et poli sur la surface extérieure Ech : 1/4
Varia.
Pl. XXIX
Amulettes.
Pl. XXXI
Aurélia Masson
par les fouilles de la maison VII du quartier des prê-
tres de Karnak 1. Un scellé a été découvert à cette s“ ∫nm-µb-r© s“b Ú“(.tµ) PsmÚk-mry-Nt
occasion (fig. 1). Le contexte de ce scellé fut facile « Protection d’Amasis pour le juge et vizir Psametik-
à retrouver 2. Le remblai déplacé correspond à une mery-Neith ».
couche d’incendie, de couleur rouge et contenant de La formule mettant un personnage sous la
nombreux fragments de briques crues rubéfiées, et protection d’une divinité ou d’un pharaon est typi-
le scellé est entièrement cuit. Or, le seul niveau d’in- que de l’époque saïto-perse 5. Le corpus des scellés
cendie mis au jour lors de la fouille de la maison VII du quartier des prêtres contenait déjà des exemples
est celui de la « réserve incendiée » 3. Le niveau de sol où le propriétaire du sceau était mis sous la protec-
de cette réserve, fouillé fin 2000, avait été tamisé 4, tion d’une divinité 6. Mais la protection d’un pha-
mais pas l’épaisse couche d’incendie qui le recou- raon est bien attestée par ailleurs 7.
vrait. Sa fouille avait permis la découverte d’un Le scellé est d’un grand intérêt à plusieurs
ensemble très riche de céramiques et d’objets, mais titres. Tout d’abord, il apporte une précision chro-
jusqu’alors, nous n’avions pas de scellé associé à ce nologique à la datation de l’incendie de cette salle de
niveau. C’est pourquoi l’étude de ce scellé apporte stockage. En effet, l’étude des céramiques et objets
des éléments nouveaux qu’il nous semble opportun provenant de ce niveau n’avait pu livrer qu’une date
de présenter ici. relative : XXVIe-XXVIIe dynasties 8, et plus particu-
Le scellé est complet. Il porte l’empreinte lièrement fin XXVIe, début XXVIIe dynastie. Le car-
d’un sceau de forme ovale, avec une inscription touche d’Amasis fournit un bon terminus post quem
hiéroglyphique de très belle qualité. Il s’agit d’un pour ce niveau.
1 Sur la fouille de cette maison : A. Masson, « Le quartier des prêtres du 4 Ibidem, note 158.
temple de Karnak : rapport préliminaire de la fouille de la Maison VII, 5 J. Vercoutter, Les objets égyptiens et égyptisants du mobilier funéraire
2001-2003 », Karnak XII, p. 593-655. carthaginois, BAH XL, Paris, 1945, p. 51 ; J.-P. Corteggiani, « Deux
2 Seule une partie des remblais de la première session de fouille dans le empreintes de sceaux », BIFAO 73, 1973, p. 151-153 et pl. XIII, B et C ;
quartier des prêtres avait été déposée au pied du rempart, fin 2000. A.-P. Zivie, « Une empreinte de sceau d’époque saïte », RdE 30, 1978,
3 A. Masson, ibidem, p. 604-605. Alors que la maison VII était p. 176.
complètement abandonnée et qu’elle était convertie en dépotoir, l’espace 6 A. Masson, op. cit, p. 616-617.
situé entre l’arrière de cette maison et le rempart dit de Thoutmosis III 7 H. de Meulenaere, « Trois empreintes de sceaux », CdE 39, 1977, p. 29 ;
continuait d’être occupé. Il a servi, dans un dernier temps, de salle de A.-P. Zivie, op. cit., p. 176.
stockage, jusqu’à ce qu’il soit détruit par un incendie.
658 Karnak xii
7000.4
9 É. Chassinat, « Textes provenant du Sérapéum de Memphis », RT 21, 1899, Wien, 1978, p. 147; D. A. Pressl, Beamter und Soldaten. Die Verwaltung der
p. 66-67. A. Weil, Die Veziere des Pharaonenreiches, Strassburg, 1908, p. 150- 26. Dynastie in Ägypten (644-525 v. Chr.), Frankfurt 1998, p. 268.
151, §28 ; E. Jelínková, « Un titre saïte emprunté à l’Ancien Empire », ASAE 55, 10 P. Ramond, « Un oushebti d’un vizir d’Époque Saïte », RdE 17, 1965,
659
1 Cette zone comprise entre les IIIe et IV e pylônes a reçu différentes appel- Antoine Chéné et Philippe Groscaux, et les dessins par Aurélia Masson,
lations, dont celles de « cour du IIIe pylône », selon le système mis en place Marie Millet et Héléna Zacharias-Delaporte.
par M. Azim, ou « parvis du IV e pylône » dans L. Gabolde, Th. Zimmer, 3 P. Barguet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak, RAPH XXI, 1962, p. XII.
« Sondage effectué à l’angle sud-est du parvis du IV e pylône », Karnak VIII, 4 Le 13 janvier 1933, H. Chevrier vérifia si la cour nord entre les IIIe et
1987, p. 159-166. IV e pylônes présentait ou non un dallage et consigna, dans son journal
2 Nous remercions tous nos collègues du Cfeetk pour l’aide apportée de fouilles, son intention de descendre à -2m50/-3m ; il arrêta en fait le
lors de ces recherches, ainsi que les inspecteurs du Conseil Suprême des travail dès le 19. Il fait allusion à ce sondage, qu’il ne localise pas, dans
Antiquités et l’équipe des ouvriers. Le plan et la coupe architecturale ont H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak », ASAE XXXIII, 1933,
été réalisés par Vincent Chaigneau et Pascal Rieth, les photographies par p. 184. Nous remercions M. Azim pour cette information.
660 Karnak xii
Entre novembre 1926 et mai 1927, il démolit la base décorés ou inscrits, et portaient parfois des traces de
de l’obélisque nord de Thoutmosis Ier et repoussa pigments 10. Étant donné la variété des styles et des
vers le nord le bloc qu’elle portait. Puis il déplaça traitements de la pierre, leur provenance doit être
la base de l’obélisque de Thoutmosis III et la trans- diverse et reste inconnue 11.
porta vers le parvis nord du IV e pylône : « le bloc Peut-on reconnaître dans l’intervention
était amené à sa place provisoire, du côté nord de la antérieure à celle de H. Chevrier une opération
cour centrale des quatre obélisques » 5. de G. Legrain 12 ? En effet, un cliché (pl. II b) 13,
En 1948, afin de retrouver d’autres blocs communiqué par M. Azim, montre, selon l’iden-
appartenant à la chapelle Rouge d’Hatchepsout, tification de J.-Fr. Carlotti et L. Gabolde, un son-
H. Chevrier effectua un sondage au nord du par- dage effectué entre les quatre piliers et le IIIe pylône.
vis 6. Les limites de ses interventions ont été claire- D’après M. Azim 14, le sondage a dû être pratiqué
ment identifiées grâce à la couche de sable gris qu’il par G. Legrain, mais la date de son exécution ne
employait pour remblayer le fond de ses sondages 7. peut être précisée. La coupe stratigraphique, visible
Il termina de combler sa tranchée avec une terre sur cette photographie, révèle également une fosse
très hétérogène, argilo-sableuse, et de nombreux réalisée avant cette intervention. Or, on sait que,
blocs. Un cliché inédit (pl. II a), non daté, atteste lorsque G. Legrain opéra en 1896 une tranchée sud-
de travaux conduits par H. Chevrier à l’angle sud- nord pour installer la voie Decauville sur le parvis
est du parvis nord, sans pour autant nous renseigner nord du IV e pylône 15, il dégagea le parement est du
sur la nature et les conditions des interventions con- IIIe pylône, déjà bien connu des voyageurs du XIXe
cernées (déplacement de la base de l’obélisque de siècle. Doit-on imputer à A. Mariette l’exécution de
Thoutmosis III ?) 8. Lors de ses différents travaux, travaux dans ce secteur du temple ?
H. Chevrier a creusé dans un remblai moderne, pré- En 1968, S. Sauneron et J. Vérité pratiquèrent
sent au moins jusqu’au niveau le plus bas atteint de un sondage dans le passage axial du IIIe pylône. Bien
la nappe phréatique 9, constatation établie lors des que leur rapport n’indique aucune recherche aux
fouilles. Ce remblai était composé d’une terre noire abords du IV e pylône, un cliché (pl. II c) 16 mon-
argileuse, avec des poches de sable par endroits, et tre que d’autres fouilles ont été effectuées à l’aplomb
d’une grande quantité de blocs. Les blocs apparte- de la porte monumentale de Thoutmosis IV en juin
nant à ce remblai et à celui de H. Chevrier étaient, 1968, qui ne furent jamais publiées 17.
dans une large proportion, en grès, mais aussi en En 1970, un nettoyage superficiel devant
calcaire, granit, calcite et diorite. Certains compor- l’angle nord-ouest du IV e pylône fut conduit par
taient une ou plusieurs faces parementées, étaient P. Anus 18 pour dégager les quatre piliers encore en
5 H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak », ASAE XXVII, 1927, de Karnak. Activités du Centre franco-égyptien en 1968-1969 », Kêmi XX,
p. 136-139, citation p. 138. 1970, p. 75 ; Cl. Traunecker, J.-Cl. Golvin, Karnak. Résurrection d’un site,
6 H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak », ASAE XLVIII, Fribourg, 1984, p. 165.
1948, p. 11. 13 Ce cliché, appartenant à la collection M. Pillet (Collège de France/
7 L. Gabolde, Th. Zimmer, op. cit., p. 159. CNRS-CEPAM. Inv. F314-44), a été récemment publié : M. Azim,
8 Nº de négatif 26585. Nous remercions Alain Arnaudiès de nous avoir G. Réveillac, Karnak dans l’objectif de Georges Legrain, Catalogue raisonné
communiqué ce cliché. des archives photographiques du premier directeur des travaux de Karnak de
9 Mis à part les éléments modernes qui nous ont permis de dater ce rem- 1895 à 1917, vol. II, Paris, 2004, cliché 4-4/20.
blai (fragments de briques de plâtrier), le matériel céramique dominant est 14 Ibidem, vol. I, p. 181 et 185.
du Late Roman VII et des groupes O et W d’Assouan, typiques de l’épo- 15 G. Legrain, É. Naville, « L’aile nord du pylône d’Aménophis III à
que romano-byzantine. Aucun contexte en place datant de ces époques n’a Karnak », AMG 30, 1902, p. 1-2 et pl. VII-B.
été trouvé sur le parvis. 16 Nº de négatif 1005.
10 330 blocs ont été inventoriés et sont aujourd’hui stockés sur les ban- 17 Nous avions constaté à cet endroit, lors de nos fouilles, que le remblai
quettes sud, excepté quelques fragments conservés au Cheikh Labib B. était homogène, argileux et contenait des cailloutis et quelques tessons. Il
11 Certains bas-reliefs font penser à ceux de la cour à portique de était visiblement postérieur à celui de H. Chevrier.
Thoutmosis IV. 18 J. Lauffray, R. Sa’ad, S. Sauneron, « Rapport sur les travaux de Karnak »,
12 J. Lauffray, S. Sauneron, R. Sa’ad, P. Anus, « Rapport sur les travaux Kêmi XXI, 1971, p. 58-62.
Sondage sur le parvis du IVe pylône 661
place dans cette zone. Un sondage réalisé au sud de Si leur disposition varie d’un môle à l’autre, elles
celle-ci n’avait révélé aucune présence supplémen- déterminent l’emplacement de deux monuments
taire de piliers. de longueur identique, 5,32 m, ce qui équivaut à
En octobre 1980, M. Azim 19 et J. Larronde 10 coudées égyptiennes (pl. I a, A pour le môle
ont dégagé la base du mur de Thoutmosis IV, ainsi nord). Le protocole de Ramsès IV, usurpé par
que celle des quatre piliers, dans le but de construire Ramsès VI, encadrait ces deux constructions 22. Les
une nouvelle fondation pour ces derniers. Ils ont fouilles n’ont pas pu apporter d’éléments de com-
remarqué la présence d’un dépotoir d’époque copte préhension sur ces structures.
jusqu’à l’altitude de 73,82 m. Le long du pylône, un alignement de blocs
Outre les deux sondages effectués en mars en grès et en calcaire, conservé sur une et parfois
1991 sur le parvis sud du IV e pylône, L. Gabolde deux assises, a été dégagé.
et C. Grataloup ont réalisé une troisième interven- Les blocs numérotés de 1 à 13 (pl. I a-b)
tion près du mur en calcaire de Thoutmosis II pour sont installés sur une terre noire, très argileuse et
rechercher les blocs de fondation de la cour de fêtes très compacte : aucune forme de brique n’a pu être
de ce dernier 20. discernée.
Enfin, en 1999, lors du remontage du mur Les blocs conservés au sud (pl. I a-b, n° 14-
qui s’appuie sur l’angle nord-ouest du IV e pylône et 15), quant à eux, reposent sur une couche très
qui appartient à la cour à portique de Thoutmosis IV, hétérogène, assez compacte, argileuse, et remplie
Chr. Chini et L. Thibout dégagèrent de nouveau le d’inclusions de grès et de calcaire. Au sud de ces
secteur des quatre piliers. derniers, un bloc avait été mis de chant et le terrain
Malgré ces différentes opérations effectuées l’environnant était perturbé.
sur le parvis nord du IV e pylône, quelques zones L’alignement des blocs le long du pylône
étaient encore épargnées (pl. I b). Au nord, l’écrou- s’interrompt également entre les blocs nº 12, 13 et
lement des piliers de Thoutmosis IV, remployés 14. À cet emplacement, le terrain est bouleversé jus-
par les Ramessides 21, gênaient toute intervention qu’à un niveau très profond, correspondant à celui
archéologique, tandis qu’à l’angle sud-est, subsistait du sable de fondation du IV e pylône 23.
en profondeur, un secteur non fouillé. Cependant, sur le bloc n° 3 (pl. I a-b),
Fr. Larché a constaté l’accroche d’un mur bahut,
ce qui ferait de ce bloc un élément de la première
assise de l’élévation. Ces blocs semblent faire partie
Constructions adossées intégrante de la cour à portique de Thoutmosis IV.
au IVe pylône Et l’emplacement de cette accroche déterminerait
l’existence de deux paires de piliers supplémentaires
au sud des quatre conservés 24.
Avant le début de notre intervention, nous Ces blocs feraient donc partie intégrante de
avons constaté la présence d’encoches sur les môles la cour à portique de Thoutmosis IV.
nord et sud du IV e pylône.
19 M. Azim, « Découverte d’un fragment de statue de Sésostris III interne Cfeetk, 1991, p. 7.
devant le IVe pylône de Karnak », rapport interne du Cfeetk, 31 octobre 21 J. Lauffray, R. Sa’ad, S. Sauneron, op. cit, p. 60.
1980. 22 P. Barguet, op. cit., p. 93.
20 L. Gabolde, C. Grataloup, « Compléments sur les obélisques et la 23 Ces deux perturbations pourraient être liées à une recherche de dépôts
« cour de fêtes » de Thoutmosis II à Karnak », Karnak XI, 2003, p. 417-468 ; de fondation.
C. Grataloup, « Sondages effectués entre les IIIe et IV e pylônes », rapport 24 B. Letellier, Fr. Larché, La cour à portique de Thoutmosis IV, à paraître.
662 Karnak xii
Dépôts de fondation les trois traits du pluriel pourraient avoir été ajou-
de Thoutmosis IV 25
tés postérieurement au moulage du cartouche de
Mn- ≈prw- R©.
25 Une présentation de ces dépôts a été publiée : A. Masson, M. Millet, des dépôts de fondation de l’Égypte pharaonique, mémoire de maîtrise sous
« Foundation deposits of Tuthmosis IV at Karnak », EA 23, 2003, p. 17-19. la direction de Nicolas Grimal. Paris IV-Sorbonne, 1991, consultée avec
26 Un des premiers modèles connus de graine se trouve dans le dépôt de son autorisation.
fondation situé devant la tombe de Thoutmosis IV, cf. J. M. Weinstein, 28 Cette forme de vase est souvent présente lors de l’offrande de l’encens
Foundation Deposits in Ancient Egypt, University of Pennsylvania, 1973, par le pharaon. Même si ce geste n’est pas attesté par les textes dans le
p. 136-137. rituel de fondation, « Les récipients et les offrandes sont parfaitement à
27 Pour la dénomination des vases, nous nous sommes servies de H. Balfet, leur place (sous-entendu dans les dépôts de fondation), car toutes les scè-
M. F. Fauvet Berthelot, S. Monzon, Lexique et typologie des poteries, Paris, nes du rituel sont accompagnées d’offrandes » : P. Montet, « Le rituel de
1989, et de la maîtrise de Sylvie Marchand, Évolution des formes céramiques fondation des temples égyptiens », Kémi XVII, 1964, p. 93.
Sondage sur le parvis du IVe pylône 663
J. M. Weinstein 29 émet l’hypothèse que ces godets fouille, elles se sont révélées vides d’objets. Entre ces
étaient des réceptacles ou des modèles de réceptacle deux fosses de fondation fictives, une troisième a été
pour la malachite employée dans la décoration des détectée (altitude supérieure de 73,26 m et altitude
temples et dans le rituel divin journalier. Comme inférieure de 72,925 m), creusée en sape dans un
pour la céramique, il s’agit de modèles : ils sont d’un mur de brique crue, le mur D, et remplie, elle aussi,
format miniature et la perforation du vase à huile de sable 32. Cette fois, un dépôt de fondation y a été
n’est ni profonde, ni polie. découvert. Le contenu de ce dépôt est sensiblement
similaire à celui du sud-est, bien que ce dernier ne
3 modèles d’outils en cuivre
présente qu’une simple fosse (pl. VII c) :
(pl. III, 11-13)
18 cartouches en faïence verte
Ils représentent deux herminettes et une hache.
(pl. V, 34-51)
Seules les lames de ces outils sont conservées ; elles
sont très fines et très corrodées. La présence de fibres Quatre cartouches, au nom de Mn-≈prw-R©, sem-
sur les lames d’herminettes indique l’existence d’un blent être des moulages de Mn-≈pr-R© auxquels
lien entre les lames et les manches, fabriqués dans furent rajoutés les trois traits du pluriel. Huit,
un matériau périssable, du bois sans doute. Dans plus grands que les précédents, sont au nom de
des sites où l’absence d’humidité et de sel permet de Mn- ≈prw-R©, et six au nom de ·Ìwty-ms. Comme
mieux conserver les objets, de tels modèles ont été pour le dépôt précédent, la tranche des cartouches
retrouvés, intacts, dans des dépôts de fondation 30. est percée de part en part.
Ils sont représentatifs des outils utilisés lors de la
2 perles en faïence verte
fondation d’un monument 31.
Lors du tamisage du comblement de la fosse Même type que celles du dépôt sud-est.
de fondation, on a constaté la présence de divers
23 céramiques (pl. VI, 54-76)
fragments de petite taille en calcaire, grès et pierres
diverses. Il peut s’agir d’échantillons symboliques La typologie de ces vases est sensiblement différente
de pierres ayant servi à la construction du monu- de celle du dépôt précédent. Quatre formes ont été
ment. Une partie des fragments en calcaire portait inventoriées : deux types de formes fermées, six jar-
des traces de pigment rouge formant une sorte de res à col et deux jarres sans col ; deux types de formes
résille (alternance de points et de traits disposés en ouvertes, quatorze coupelles et un vase globulaire.
losanges). Leur utilisation et leur présence dans le Quant à la fabrication de ces vases, elle est
dépôt de fondation restent inexpliquées. similaire à celle du premier lot de céramiques décrit
ci-dessus. La céramique nº 72 porte des traces de
Le dépôt nord-est (pl. I b, C) pigment jaune à l’extérieur, tandis que la nº 74 porte
des traces de pigment rouge, ainsi que des traces de
Deux fosses circulaires situées au nord-est de la cour, feu. Trois vases (pl. VI, 69, 62, 63) contenaient
dont une placée en partie sous le pilier nord-est, des petits échantillons de matériaux : calcaire, argile,
ont été comblées avec du sable gris pur. Lors de la mortier et grès.
29 J. M. Weinstein, op. cit., p. 126. opérations précédentes », sous-entendu lors de la fondation même du
30 H. W. Carter, P. E. Newberry, The Tomb of Thoutmôsis IV, Westminster, monument, avant la mise en place du dépôt.
1904, p. 3, pl. II ; J. M. Weinstein, op. cit., p. 96. 32 Sur ce mur, voir infra, p. 667-668.
31 P. Montet, op. cit., p. 93 : « Les outils (…) évoquent, à mon avis, les
664 Karnak xii
Ils sont très semblables à ceux du premier dépôt : Quatre cartouches sont au nom de ·Ìwty-ms, les
une lame d’herminette et une lame de hache. En quatre autres, au nom de Mn-≈prw-R©, dont un, de
lumière rasante (pl. VII d), la première a révélé format plus petit (JE 87188B), semble être une réuti-
une inscription. Il s’agit d’un cartouche en par- lisation d’un cartouche de Mn-≈pr-R©. Tous les car-
tie illisible, mais que l’on devine être au nom de touches sont percés de part en part. Cet ensemble est
Thoutmosis IV, suivi de l’épithète « aimé d’Osi- identique aux cartouches des deux autres dépôts.
ris ». La mention du nom d’Osiris dans un dépôt
39 perles en faïence verte,
de fondation destiné au temple d’Amon-Rê, peut
JE 87189
sembler inopportune.
Néanmoins, une inscription similaire, Il s’agit de perles comparables à celles trouvées
« Menkheperourê aimé d’Osiris », a été trouvée sur dans les dépôts de fondation du parvis nord du
un godet en calcite dans le dépôt de la tombe 43 IV e pylône, décrits ci-dessus.
de la vallée des Rois. J. M. Weinstein 33 a remarqué
Un vase à huile de type mÌ en
que cet objet avait auparavant porté l’inscription
calcaire, JE 87186 38
« Maât-ka-Rê, aimée d’Amon, puisse-t-elle vivre
pour toujours ». L’auteur suggère alors que l’objet Cet objet, similaire par sa forme à celui du dépôt
provient soit d’un atelier du temple, soit d’un quel- sud-est, mais en calcaire (hauteur de 9 cm et diamè-
conque dépôt perturbé. Il est possible que notre tre de 5 cm), porte l’inscription nÚr nfr Mn-≈prw- R©
lame d’herminette ait été destinée, au départ, à la mry Imn, « le dieu parfait Menkheperourê, aimé
nécropole thébaine. d’Amon ».
33 J. M. Weinstein, op. cit., p. 117. 37 B. von Bothmer, « Numbering Systems of the Cairo-Museum », Textes
34 PM II/2, p. 53 ; P. Barguet, op. cit., p. 95-96 ; J. M. Weinstein, ibidem, et langages de l’Égypte pharaonique, BdE 64/3, 1974, p. 117.
p. 208-209 ; L. Gabolde, Karnak IX, 1993, p. 11. 38 PM II/2, p. 53 : les auteurs signalaient ce vase comme étant en albâtre,
35 Nº de négatif 95220. tout comme le journal d’entrée du Musée du Caire, alors qu’après vérifica-
36 Une étiquette avec le numéro 107 est présente sur l’arrière-plan de la tion sur place, il s’agit d’un objet en calcaire.
photographie. 39 Nº de négatif 95334. Nous remercions Alain Arnaudiès de nous avoir
Sondage sur le parvis du IVe pylône 665
Mais les céramiques, un second vase à huile et un Aucun renseignement supplémentaire ne permet de
modèle de lame de hache s’apparentent aux pièces faire connaître la provenance exacte de ces objets.
des autres dépôts. Cependant, les exemplaires inscrits en calcaire sont
très proches de celui de la colonne 107 (JE 87186). Il
Les pseudo-vases de pourrait donc s’agir d’un autre dépôt de fondation,
Thoutmosis IV (pl. IX a) associé à un monument de Thoutmosis IV.
B. M. Bryan 40 signale l’existence de deux pseudo- Quant aux dépôts sud-est et nord-est du
vases (vases non creusés) de Thoutmosis IV, provenant parvis du IV e pylône, tout comme celui de la
de Karnak ; ils sont cités par B. Porter et R. Moss 41. colonne 107, ils ont dû être réalisés pour le même
Elle émet l’hypothèse qu’ils pourraient provenir du monument. Bien que deux constructions datant de
dépôt de la colonne 107, si celui-ci a été perturbé par Thoutmosis IV soient connues pour ce parvis – la
la construction de la salle Hypostyle. Ces objets sont cour à portique et la chapelle de calcite – seule la
inscrits sur le registre temporaire du Musée du Caire, première est vraisemblablement concernée ici, en
sous les numéros 14.3.26.8-9, et, d’après leur numéro raison de l’emplacement des trois dépôts de fon-
d’inventaire 42, ils ont été enregistrés le 14 mars 1926. dation. Cette proposition avait déjà été émise par
Lors d’une visite au Musée 43, nous avons pu consul- J. M. Weinstein 44 à propos du seul dépôt de la
ter le registre temporaire les concernant, où apparais- colonne 107.
sent aussi six numéros supplémentaires, 14.3.26.2-7.
Il s’agit de six vases miniatures en calcite provenant
de Karnak. Ils font certainement partie du même
lot que les deux pseudo-vases et pourraient provenir Structures
d’une même découverte : en brique crue
2 pseudo-vases en calcaire,
14.3.26.8-9
Vases à huile, mÌ, ils portent une inscription identi- Au sud du parvis nord
que à celle des vases du dépôt de la colonne 107. Le
n° 14.3.26.8 (hauteur de 7,1 cm) est fortement ébré- Deux murs en brique crue (pl. I b), perpendiculaires
ché. Le n° 14.3.26.9 (hauteur de 7,5 cm et diamètre et mesurant chacun 2,20 m de large, ont été trou-
de 5,6 cm) est suffisamment perforé (environ 4 cm) vés au sud du parvis nord du IV e pylône : le mur
pour pouvoir être utilisé. E, orienté nord-sud, parallèle au pylône, et le mur
F, orienté est-ouest. Le module des briques, pour
6 vases miniatures en calcite,
le premier, est de 34 x 17 x 11 cm, tandis qu’il est de
14.3.26.2-7
37 x 19 x 10 cm pour le second. L’appareil des murs
Tous du même type, mais de taille légèrement dif- E et F alterne assises de panneresses et de boutisses.
férente (hauteur variant de 3,7 à 4,4 cm), il s’agit Les longueurs originelles de ces murs ne peuvent
également de modèles de vases à huile, excepté un être connues, du fait qu’ils ont été coupés par les
exemplaire, le n° 14.3.26.6, dont la perforation pro- fouilles antérieures 45. Deux indices permettent de
fonde permet un réel usage. leur attribuer un terminus chronologique. D’une
communiqué ces deux documents. 43 Nous tenons à remercier ici Hourig Sourouzian de nous avoir facilité
40 B. M. Bryan, The Reign of Thutmose IV, Baltimore, Londres, 1991, les démarches auprès du Musée du Caire, ainsi que le directeur du Musée,
p. 223, n. 132. Mamdouh Al-Damaty, son adjoint et Madame Zeinab pour leur aide et
41 PM II/2, p. 299. leur efficacité.
42 B. von Bothmer, op. cit., p. 118. 44 J. M. Weinstein, ibid., p. 208-209.
45 Supra, p. 659-661.
666 Karnak xii
part, le mur E est coupé par la tranchée de fonda- jusqu’à son terme, à cause du niveau trop élevé de la
tion de la porte monumentale de Thoutmosis IV, nappe phréatique. Elle n’a livré aucun matériel per-
ce qui assure son antériorité par rapport à celle-ci. tinent pour la datation du comblement. Enfin, le
D’autre part, une couche d’abandon, située à l’an- niveau du mur, au sud, a été récupéré, avec celui du
gle de ces deux murs et contenant des briques crues « puits », grâce à l’ajout d’une structure G de quatre
effondrées, beaucoup de charbons et des cendres, assises en brique crue (pl. IX b). Celle-ci est sur-
a fourni un matériel céramique homogène datant montée d’une dalle en grès violet (78 x 61 x 14 cm),
de la fin de la XVIIe dynastie-début XVIIIe dynas- délitée et in situ. Il s’agit de briques dont le module
tie (pl. X, 77-85) 46. Des pièces en pâte alluviale est plus gros que celui employé pour les murs E et F,
sont typiques de cette période : les jarres grossières en moyenne de 45 x 24 x 15 cm. Outre d’épais joints
engobées rouge à l’extérieur (comme le nº 85) 47, de sable, des galettes d’argile, parfois deux dans la
les jarres plus fines de même engobe à l’intérieur longueur d’une brique, assuraient une liaison plus
et à l’extérieur (dont le nº 81) 48, et les grands bols solide entre les briques. Un sable de même nature
dont le bord et l’intérieur sont aussi engobés rouge que celui qui comblait le « puits » et servait de joint
(voir le nº 84) 49. à la structure précédemment décrite, se retrouve sur
Les murs appartiendraient donc à une épo- les arases des murs E et F. Quatre blocs et quelques
que (de très peu ?) antérieure à la construction du fragments en grès violet se trouvaient disséminés sur
IV e pylône, attribuée à Thoutmosis Ier. et dans ce sable 54.
À propos du matériel provenant de cette Un réaménagement de l’espace aurait donc
couche, on peut noter la présence de trois gros frag- eu lieu dans cette partie de la cour. Le peu de maté-
ments de céramique, contenant des pigments jaune riel que nous y avons trouvé ne nous a pas permis de
et rouge et un enduit blanc, ainsi que celle d’outils dater cette opération précisément.
lithiques et de déchets de taille 50. Ce matériel serait- Cependant, étant donné que la structure G
il en relation avec la construction du pylône ? Sous remplit en partie le sud de la tranchée de fondation
cette couche, un sol argileux, correspondant à la du pylône et qu’elle sert aussi de limite à la tranchée
base des murs E et F, a été dégagé à une altitude de de fondation de la porte, nous pouvons la dater entre
72,47 m. Il pourrait être associé au dallage découvert les règnes de Thoutmosis Ier et Thoutmosis IV.
par H. Chevrier 51 et retrouvé par S. Sauneron et
J. Vérité 52 dans l’axe du IIIe pylône, à une altitude Au nord du parvis nord
moyenne de 72,70 m.
Différents états affectant le mur E ont pu Plusieurs structures en brique crue (pl. I b) étaient
être mis en évidence. Tout d’abord, un « puits » a préservées dans la zone où s’élèvent les quatre piliers
été aménagé dans sa partie nord conservée, et le restitués du portique de Thoutmosis IV. Le mur D,
reste du mur E, ainsi que le mur F, ont été ara- orienté nord-sud, parallèle au pylône, est conservé
sés 53. Ensuite, le « puits » a été comblé avec du sable sur trois assises, dont la dernière est arasée. Le
blanc-jaune, à granulométrie assez grossière (sable module des briques est de 37 x 18,5 x 11 cm et l’appa-
du djebel). La fouille de celui-ci n’a pu être menée reil alterne assises de panneresses et de boutisses.
46 Nous tenons à remercier Helen Jacquet-Gordon, Sylvie Marchand et 50 Leur étude sera prochainement confiée à un spécialiste.
Anne Seiler pour la datation de ce matériel. 51 H. Chevrier, « Rapport sur les travaux de Karnak », ASAE XXXIV, 1934,
47 A. Seiler, « HEBUA I. Second Intermediate Period and Early New p. 163 et pl. II.
Kingdom Pottery », CCE 5, 1997, pl. II, fig. 4. 52 J. Lauffray, S. Sauneron, P. Anus, « Rapport sur les travaux de Karnak.
48 J. Bourriau, « Relations between Egypt and Kerma during the Middle Activités du Centre franco-égyptien en 1967-1968 », Kêmi XIX, 1969,
and New Kingdoms », in W. V. Davies (éd.), Egypt and Africa. Nubia from p. 127 et p. 262-263.
Prehistory to Islam, 1991, p. 138, fig. 6, 12. 53 Le niveau d’arasement du mur E et du mur F est sensiblement le même,
49 Idem, « The Pottery », in P. Lacovara, Deir el-Ballas, Preliminary Report à savoir 72,77 m et 72,75 m.
on the Deir el-Ballas Expedition, 1980-1986, ARCE 12, 1990, p. 55-56, nº 15. 54 Charles Van Siclen pense qu’il s’agirait des vestiges d’un ancien dallage.
Sondage sur le parvis du IVe pylône 667
Le mur a été coupé par deux fosses successi- d’un ensemble de fragments de « jaspe rouge » et
ves, dont la datation et la fonction sont restées indé- une inscription contenant le cartouche d’Amasis
terminées. Dans ce mur, au nord-est, fut creusée la (pl. IX c).
fosse du dépôt de fondation de Thoutmosis IV 55. Entre les piliers ouest et sous le pilier nord-
Il semble être situé dans le prolongement du ouest, se trouve un niveau contenant de nombreux
mur E (pl. I b) et fait la même largeur (2,20 m) 56. fragments de calcaire. Celui-ci recouvre une épaisse
Cependant, la base du mur E se trouve au niveau couche de sable gris. Sous cette dernière, ainsi qu’en-
72,47 m, alors que la base du mur D est à 72,97 m. tre les piliers nord, une structure I en brique crue a
Il repose sur une couche de sable gris dont l’épais- été repérée sur 2,20 m de large (pl. I b). Elle est
seur varie de 3 à 4 cm. conservée sur une assise arasée, composée de briques
La tranchée de fondation du mur D a pu en boutisses dont le module est de 37 x 18,5 x ? cm 63,
être identifiée : elle coupe les vestiges d’une struc- et repose sur différentes couches de remblais. Cette
ture H (pl. I b), composés de quatre briques crues structure semble être orientée est-ouest. À l’appro-
rubéfiées. Ces dernières sont associées à une couche che des deux piliers ouest, cette assise s’incline, pas-
très argileuse, contenant de nombreux charbons sant de 73,37 m à 72,82 m pour l’altitude supérieure
et du matériel céramique homogène, datant de et de 73,35 m à 72,70 m pour la base. La pente peut
la fin de la XIe dynastie jusqu’au début de la XIIe être due à un poids important exercé sur les briques.
(pl. X, 86-95) 57. Plusieurs exemplaires de bords S’agit-il des piliers ? Les couches de calcaire et de
à double incision, en pâte alluviale fine engobée sable semblent rattraper le niveau horizontal de la
marron-rouge (dont les nº 94 et 95), ont été réper- structure. Aucun matériel ne nous permet de dater
toriés ; ils sont généralement datés de la Première cette intervention. Cependant, elle peut correspon-
période intermédiaire et de la XIe dynastie 58. Les dre à une fondation nouvelle des quatre piliers, lors
décors de wavy-lines (dont les nº 91 et 93 59 et les du réaménagement par les Ramessides.
plats de cuisson en pâte alluviale fine engobée rouge Les murs D, E, F semblent former un
(tel le n°92) 60 se rencontrent de la Première période ensemble cohérent. En effet, leur largeur est iden-
Intermédiaire à la XIIe dynastie. tique (2,20 m) et le niveau de la base des murs varie
Pour les pâtes calcaire, le bord de la jarre nº 86 de 50 cm du nord vers le sud. Cette déclivité est peu
est typique de la Première période intermédiaire et importante pour une distance de plus de 20 m. Il
de la XIe dynastie, tandis que celui du nº 87, avec un peut très bien s’agir de la même unité architectu-
décor appliqué, est daté du Moyen Empire 61. rale. Quant à la structure I, elle a été repérée sur une
Enfin, les fonds raclés en pâte alluviale largeur de 2,20 m, mais sans pouvoir établir avec
(nº 89), ainsi que les moules à pain avec un rétré- exactitude ses parements nord et sud du fait de la
cissement à la base (nº 90) 62, sont communs au perturbation occasionnée par les différentes fosses.
Moyen Empire. Son orientation comme sa largeur indiqueraient
Sous le sable gris de fondation du mur D, une éventuelle relation avec le mur D. Ces deux élé-
on observe cette même couche. Dans les remblais ments pourraient alors former un angle, comme les
postérieurs à celle-ci, il faut noter la découverte murs E et F.
64 L. Gabolde, « Origines d’Amon et origines de Karnak », Égypte, 65 J. Lauffray, « Les travaux du Centre franco-égyptien d’étude des tem-
Afrique et Orient 16, janvier-février 2000, p. 3-12 ; Idem, « Karnak sous le ples de Karnak de 1972 à 1977 », Karnak VI, 1980, p. 47-50 ; F. Debono,
règne de Sésostris Ier », ibidem, p. 13-24. Des fouilles archéologiques sont « Rapport de clôture sur les résultats et études des objets à l’est du lac
en cours dans la zone centrale du temple d’Amon afin de compléter les Sacré », Karnak VIII, 1987, p. 121-131. De nouvelles recherches sont menées
connaissances sur le temple primitif. actuellement à l’est du lac Sacré concernant les installations antérieures au
Nouvel Empire.
Pl. I
Pl. II
1 2 3 4
5 6 7 8
9 11
12
10 13
14 15 16 17
18 19 20 21
22 23 24
25 26 27
28 29 30 31
4025.3 4025.33
32 33
34 35 36 37
38 39 40 41
42 43 44 45
46 47 48 49 50 51
4079.2
52
4079.40
53
54 55 56 57 4079.11
58
4079.12
62
59 60 61 63
64 65 66 67
68 69 70
4025.3 4079.23
71 72 4079.8
73
74 75 76
d. Dépôt de fondation nord-est : lame c. Vue générale des deux fosses fictives
d’herminette vue en lumière rasante et de la fosse du dépôt de fondation nord-est
(cliché Cfeetk nº 59558, Ph. Groscaux). (cliché Cfeetk n° 57967, Ph. Groscaux).
Pl.VIII
77 78 79
80 81 82 83
4054.5
84
4097.1 4097.9
86 87
4097.6 4097.14
88 89
4097.10 4097.12
4054.1 90 91
85
4097.17
92
4097.11
93
4097.13 4097.3
94 95
À Karnak, du temple de Montou, au nord, jus- mentation du Centre franco-égyptien d’étude des
qu’au temple de Mout, au sud, la mise en valeur temples de Karnak. Elles peuvent nous donner
et l’étude de l’architecture civile antérieure au une idée de la céramique égyptienne découverte,
Nouvel Empire, essentiellement en brique crue, la publication s’étant limitée aux importations et
ont réellement débuté lors des diverses fouilles au matériel lithique.
entreprises dans les années 70 et 80. La mise en relation des objets avec la
Dans le temple d’Amon-Rê, les fouilles de stratigraphie n’ayant pas été systématiquement
sauvetage effectuées à l’est du lac Sacré dans les faite, les données sont devenues difficilement
années 70, au moment de la construction d’une exploitables 2.
tribune pour le spectacle « Son et Lumière », ont L’étude de cette architecture est actuelle-
dégagé une partie de ces structures, coupées à ment réalisée dans le cadre bien précis de la reprise
l’ouest par l’installation du rempart attribué à des fouilles des années 70. Il fut décidé, sur pro-
Thoutmosis III. position de N. Grimal et Fr. Larché, directeurs du
Le secteur a livré un matériel abondant qui Cfeetk, d’effectuer un sondage à l’est du rempart
fut étudié et publié de manière succincte. Lors de dit « de Thoutmosis III », afin de faire la liaison
ces travaux, les objets étaient enregistrés sur des entre l’architecture et les objets d’un point de vue
fiches suiveuses, aujourd’hui conservées à la docu- chronologique aussi bien que fonctionnel.
1 Ce travail a fait l’objet d’un DEA sous la direction de 2 J. Lauffray, « Le rempart de Thoutmosis III à l’est du Lac sacré »,
Dominique Valbelle et Nicolas Grimal, soutenu en juin Karnak X, 1995, p. 259 : « Nous avons dit ailleurs à diverses repri-
2003 à l’Université de Paris IV : Enquêtes archéologiques sur les ses, pourquoi et comment nous avons dû ouvrir en hâte un chan-
installations antérieures au Nouvel Empire à l’est du rempart de tier de fouilles de sauvetage à l’est du Lac sacré. La construction
Thoutmosis III. Je tiens à exprimer ma reconnaissance à nos accélérée, sur l’arase du rempart, de tribunes pour les spectateurs
directeurs, François Larché et Nicolas Grimal, ainsi qu’à ma du « son et lumière » ne nous a pas permis de les conduire avec la
collègue Aurélia Masson sans qui ce projet n’aurait pu aboutir. précision souhaitable. Rappelons que, dans un premier temps, le
Mes remerciements vont à tous les membres du CFEETK et chantier a été ouvert et dirigé en notre absence par l’inspecteur
du SCA de 2001 à 2004, et notamment les archéologues Marie- Gamal Baqi sans relevé et que par la suite, également en notre
Delphine Martellière, Laurent Vallières, Ophélie de Peretti et absence alors que nous avions repris la direction du chantier, le
Grégory Marouard, soutenus par notre équipe d’ouvriers. Je rempart a été découpé par vingt et une tranchées pour placer les
voudrais également remercier Michel Baud, Charles Bonnet et poteaux portant la tribune. Ces tranchées ont perforé des strates
Dominique Valbelle pour leurs conseils avisés. Les financements de constructions antérieures au rempart. Elles auront du moins
m’ont été apportés par le ministère des Affaires étrangères dans permis d’établir des coupes montrant les diverses destructions et
le cadre d’une bourse bilatérale franco-égyptienne et d’un volon- transformations. Notre documentation est incomplète ; des plans
tariat international, ainsi que par un mécénat de la Fondation portent des cotes divergentes. Nous demandons l’indulgence
Schiff Giorgini. pour des lacunes et des incertitudes que nous signalerons. »
682 Karnak xii
3 R. Fazzini et W. Peck, « The 82 season at Mut », NARCE 120, ment, Karnak-Nord IX, FIFAO 44, 2001, p. 66
hiver 1982, p. 44. 7 D. B. Redford, « Interim report on the 20th campaign (17th
4 J. Jacquet, Le Trésor de Thoutmosis Ier. Installations antérieures ou season) of the excavations at East Karnak », JSSEA XVIII,
postérieures au monument, Karnak-Nord VII, FIFAO 36/1, 2001, 1988, p. 36-47; S. Orel, « The 1988 Season at East Karnak :
p. 9-14 et FIFAO 36/2, 2001, pl. I. Pre-Akhnaten Levels », in D. B. Redford, S. Orel, S. Redford
5 Ibidem, p. 9 : « Nous voyons dans ces vestiges l’indice de la pré- et S. Shubert, « East Karnak Excavations, 1987-1989 »,
sence d’un site urbain, quartiers d’habitation aux environs de ce JARCE XXVIII, 1991, p. 90-99.
qu’était le temple d’Amon à cette époque. » 8 Fr. Leclère, « Fouilles dans le cimetière osirien de Karnak.
6 J. Jacquet, Le Trésor de Thoutmosis Ier. Fouille à l’est du monu- Travaux récents », BSFE 153, mars 2002, p. 32-33.
Architecture civile antérieure au Nouvel Empire… 683
9 M. Azim, « La fouille de la cour du Xe pylône. Rapport prélimi- « Les travaux du Centre franco-égyptien d’étude des temples de
naire », Karnak VI, 1980, p. 160-161. Karnak de 1972 à 1977 », Karnak VI, 1980, p. 49) ; J. Lauffray,
10 F. Debono « Rapport préliminaire sur les résultats de l’étude des « Travaux du Centre franco-égyptien en 1971-1972 », CRAIBL,
objets de la fouille des installations du Moyen empire et « Hyksos 1973, p. 317.
» à l’est du Lac Sacré de Karnak », Karnak VII, 1982, p. 377-383. 13 G. Legrain, « Introduction à l’étude de la sculpture égyptienne.
11 J. Lauffray, « Maisons et ostraca ptolémaïques à l’est du Les débuts de l’art thébain », BIE IV, nº 7, 1906, p. 79.
lac sacré », Karnak X, 1995, p. 339 : « La présence de ce mur 14 G. Legrain, « Fouilles et recherches à Karnak », BIE IV, nº 6,
apporte trois données : l’agglomération urbanisée, jusqu’à la 1905, p. 112.
XIIe dynastie, atteignait les abords de l’emplacement du futur 15 Terre provenant des terrains archéologiques servant d’engrais
lac et fut rasée au début de la Deuxième période intermédiaire. pour les champs agricoles.
Thoutmosis III a construit le rempart sur des terrains qui, à la 16 Ibidem.
suite d’un abandon, avaient été réoccupés par des bâtiments 17 G. Legrain, Egypt Exploration Fund : Archaeological Reports
d’aspect artisanal et agricole. » 1905-1906, p. 21 (rapport de G. Legrain du 4 octobre 1906).
12 F. Debono parle de tessons à faciès Ancien Empire (J. Lauffray, 18 Ibidem.
684 Karnak xii
de plus d’un hectare et une profondeur dépassant contrainte, le lieu du sondage a été choisi au sud de
par endroit 7 m (de la cote de 82,00 m en surface à la tribune, en raison de sa facilité d’accès. En dépit
la cote 73,00 m) » (pl. III) 23. de la végétation d’halfas et d’une butte de remblai,
Simultanément, un sondage fait par le secteur situé au sud des anciennes fouilles restait
F. Debono confirma que le matériel mis au jour date le plus accessible. Devinant le tracé du rempart,
essentiellement du Moyen Empire et de la Deuxième nous avons alors pris celui-ci comme point d’accro-
période intermédiaire. Les résultats de ces fouilles che architectural et chronologique pour les fouilles,
et du sondage ont été partiellement publiés 24. La permettant ainsi au reste de l’équipe de travailler
question de l’ancienneté du site a été soulevée lors sur le rempart lui-même dans le but d’effectuer son
de ces travaux par la présence d’un vase néolithique relevé et son étude 27. En 2003, la surface du sec-
en pierre, dont le contexte reste flou et sans aucune teur fouillé atteignait environ 10,50 m sur 8 m. Les
structure associée, et de tessons datés apparemment fouilles ont eu lieu lors de deux campagnes, la pre-
de l’Ancien Empire au plus profond du sondage de mière du 22/12/2001 au 21/03/2002 et la seconde du
F. Debono 25. 15/12/2002 au 06/02/2003 28.
Différentes occupations ont pu être mises
Ces différentes interventions montrent bien le carac- en évidence malgré la présence d’une fosse (F2),
tère ancien des vestiges trouvés à l’est du rempart vraisemblablement moderne, comportant une
dit « de Thoutmosis III », secteur déjà bien exploité grande quantité de matériel de tous types, coupant
mais dont les résultats restent incomplets, notam- les couches en place. Associé à ces niveaux in situ,
ment à cause du traitement partiel du mobilier et beaucoup de mobilier fut découvert. La céramique
des lacunes de la publication. fut l’artefact le plus important en quantité. Elle est
accompagnée de scellés, d’outils en pierre, de petits
objets (perles, jetons, etc.). Ces différentes produc-
tions sont à la fois des marqueurs chronologiques et
Fouilles archéologiques une source de renseignements sur la destination des
2001-2003 espaces dans lesquels ils furent utilisés.
Dans une vision plus large, grâce à toutes
les informations réunies lors de la réalisation de ce
Dans le but de préciser la chronologie du sec- sondage, la fonction ainsi que la chronologie des
teur et de reprendre une étude du matériel archéo- installations antérieures au Nouvel Empire ont pu
logique, un sondage à l’est du rempart a été ouvert être abordées. Lors des fouilles, huit phases archi-
en fin d’année 2001 (pl. II) 26. Depuis les fouilles tecturales ont été distinguées, présentées en annexe.
des années 70, la zone à l’est de la tribune a été Seuls les niveaux les plus pertinents de ces phases
remblayée jusqu’à atteindre des niveaux supérieurs étayeront notre propos. Il s’agit de niveaux de sols,
à ceux dégagés. Il n’était donc pas envisageable de de dépotoirs, de couches d’abandon ou de comble-
reprendre les fouilles dans ce secteur. Face à cette ments de tranchée de fondation.
essai d’interprétation Les structures les plus répandues, hormis les murs,
sont des structures circulaires, dont certaines sont
identifiées comme des silos. On peut dénombrer, de
la phase 4 à la phase 5C, sept structures circulaires
Les éléments fonctionnels ou semi-circulaires, dont seulement deux sont bien
architecturaux conservées.
Pour le silo SI2 (pl. XII et pl. XXXIII) de
la phase 5A, une tranchée de fondation semble avoir
Murs
été creusée pour l’enterrer. On peut remarquer que
Les installations antérieures à la construction du ce type d’installation n’est pas unique, puisqu’à
rempart sont toutes bâties en brique crue. Karnak-Nord des silos sont construits de façon simi-
Les briques sont de deux types dans ce sec- laire. Le fond du silo est plus bas que le sol environ-
teur : d’une part à dégraissant minéral, avec peu de nant où un secteur cendreux a été identifié. Après
dégraissant végétal — elles sont dites alors « bri- l’arrêt de son fonctionnement, il sert de dépotoir à
ques de sable » 29 — et, d’autre part, uniquement céramiques 30. Le niveau auquel appartient ce silo
à dégraissant végétal. Leur couleur et leur texture est daté de la fin du Moyen Empire et du début de
sont alors très différentes, jaune-marron et de tex- la Deuxième période intermédiaire.
ture sèche pour les premières, et marron-foncé, vert, À Dendara, dans les fouilles franco-polonai-
assez grasses pour les secondes. L’utilisation des bri- ses des quartiers civils, un silo du même type a été
ques de sable a été peu à peu abandonnée, peut-être dégagé et décrit par Fr. Leclère 31. La situation du
pour des raisons de difficulté de préparation. Les silo est analogue, car il est enterré et sert également
modules varient peu tout au long des différentes de dépotoir.
phases : de la phase 1 à la phase 5, on peut retenir Nous pouvons constater qu’après son aban-
une dimension moyenne de 32 x 15 x 7 cm, tandis don, le silo SI2 a été, comme à Karnak-Nord et
qu’à la phase 6, leur longueur varie de 20 à 26 cm. Dendara, rempli avec des céramiques dont quelques-
Pour le mur M19 (phase 5A), où les briques sont unes sont complètes.
plus larges et plus longues (38-40 x 18 cm), cela fait Le silo SI1 (pl. XXIV et pl. XXXIII) est
plus penser à une fondation qu’à une élévation. Les un de ceux dont on a pu observer le système de
murs ont des épaisseurs variables, entre 35 cm pour construction, même s’il n’est conservé que sur une
le mur M7 (phase 4) et 75 cm pour le mur M14 hauteur allant de 10 à 15 cm. Une fosse est creusée
(phase 5A). Dès qu’il y a plus d’une brique pour la puis, contre ses parois, un cercle est formé avec
largeur du mur, celui-ci est suffisant pour soutenir des briques mises de chant. L’intérieur du cercle
une toiture terrasse. est dallé de briques en boutisses ou en panneresses
29 J. Jacquet, Karnak-Nord VII, FIFAO 36/1, 1994, p. 137. Cet niveau 0,78 m à laquelle succédera un dépôt de terre glaise com-
élément donnerait une datation assurée antérieure au Nouvel pacte (198). »
Empire pour le secteur de Karnak. 31 Rapport dans B. Mathieu, « Travaux de l’Institut français
30 Idem, Karnak-Nord IX, FIFAO 44, 2005, p. 20 : « Un autre silo d’archéologie orientale en 2001-2002 », BIFAO 102, 2002, p. 511 :
circulaire (228) lui est contemporain. Sa paroi mince (7 à 9 cm) « Une sorte de silo en quart de cercle et couvert d’un dôme a été
fut reconnue dès 0.66 m (75,945) et ses fondations qui descen- mis au jour. Bien que son niveau de base soit proche des premiè-
daient d’est en ouest atteignaient le niveau 0.40 m (75,685). Le res phases de l’édifice, il a clairement été bâti au fond d’une fosse
fond du silo était lui-même plus bas, au niveau 0.33 m (75,515), recoupant les niveaux de destruction des dernières phases de la
situation que nous avions déjà relevée par ailleurs. Lorsque le silo Première période intermédiaire. La céramique encore présente
fut abandonné, il contenait beaucoup de céramique (fig. 10). Au dans le remplissage indique une datation du Moyen Empire. Ce
sud de celui-ci, nous notons deux témoins de l’activité artisanale « silo » était donc enterré et correspond à un niveau d’occupation
ou domestique : une zone de cendres (217) contre le mur 183 au plus élevé dont les sols n’existent plus. »
Architecture civile antérieure au Nouvel Empire… 687
de façon plus ou moins organisée. Cette structure Ayant seulement des arases de silos, il est difficile
dont les briques sont bien jointées, autant pour d’en évaluer les capacités ; ces évaluations ne peu-
sa paroi que pour son fond, assurait la protection vent donc être fondées que sur des approxima-
du grain contre les rongeurs. Le silo construit, la tions. Ils ont tous des diamètres avoisinants deux
tranchée de fondation fut comblée petit à petit avec mètres, ce qui semble commun pour ce type de
un matériau assez meuble composé de cendres. Ce structure.
silo est constitué de briques à dégraissant de sable. Dans les anciennes fouilles de J. Lauffray,
Cet élément, mis en comparaison avec le type de d’autres structures circulaires similaires, dont les
briques trouvées à Karnak-Nord, donne une data- bases se trouvaient à une altitude allant de 75.65 m à
tion antérieure au Nouvel Empire 32. Des silos de ce 77.28 m (pl. III), ont été principalement trouvées au
genre ont été trouvés à Balat. Il s’agit de silos dont nord des fouilles. Les silos sont situés à des niveaux
la base est légèrement enterrée. Ce phénomène se différents mais ne se superposent pas, comme dans
produit du fait de l’accumulation (rapide) de rejets notre secteur, où un espace est destiné au stockage
cendreux autour des silos, alors qu’ils sont toujours du grain sur plusieurs centaines d’années.
en fonctionnement. Ils sont fréquemment convertis
en dépotoir. Leur dallage interne, lorsqu’il y en a un, Boulangerie ou brasserie
peut être comparé au silo SI1, appartenant au type
du « silo à dôme », daté de la XIIIe dynastie 33. La phase 5A (pl. XII) est celle qui recèle le plus de
L’aire autour du silo était certainement vestiges concomitants et se présente comme la plus
dévolue à la fabrication du pain comme l’indique riche en diversité architecturale. Cette phase rassem-
la présence de meules et de broyeurs en pierre pour ble plusieurs étapes dans le travail du grain : le stoc-
moudre le grain, le long du mur M3, tandis qu’un kage, la minoterie et la préparation.
grand nombre de moules à pain se concentre le long Le lieu de stockage semble être fermé par
du mur M2. deux murs (M2 et M3) qui paraissent être perpen-
Certaines représentations peuvent donner diculaires. La pièce qu’ils forment est occupée par le
une idée de la superstructure de ces silos, comme silo (SI2) 35, déjà décrit. Sur le sol correspondant à ce
celles peintes sur le sarcophage de Sépa au Musée niveau, un élément en calcaire (8099.1, pl. XII) a
du Louvre et celles des tombes de Béni Hassan été trouvé, face retournée contre ce sol, probablement
(pl. XXXIV) 34. Les formes cylindriques des silos une base de colonne réutilisée. Cette base circulaire
sont assez répandues à partir du Moyen Empire. comporte une cavité autour de laquelle on trouve
Les représentations montrent des exemples de silos des marques d’usures, qui forment des traces circu-
alignés, en forme de pain de sucre, avec une fenê- laires concentriques, comme si la pierre était usée par
tre située à une hauteur supérieure à la moitié de le mouvement d’un vantail. Il s’agirait vraisembla-
la structure. blement d’une cavité de crapaudine (pl. XIV). Elle
32 J. Jacquet, Karnak-Nord VII, FIFAO 36/1, 1994, p. 137. N. Grimal, « Travaux de l’Institut français d’archéologie orien-
33 M. Baud, « Balat / ’Ayn-Asil, oasis de Dakhla. La ville de tale », BIFAO 98, 1998, p. 507 et BIFAO 99, 1999, p. 464. Je
la Deuxième période intermédiaire », BIFAO 97, 1997, p. 20 : remercie Michel Baud pour les informations additionnelles
« Les silos sont construits avec soin, à parois de briques de chant communiquées à ce sujet.
et sol intérieur dallé de briques. Ronds, d’un diamètre d’envi- 34 A. Badawy, Le dessin architectural chez les anciens Egyptiens, Le
ron 2,50 m, ils appartiennent à un type bien connu des silos à Caire, 1948, p. 122.
dôme, comportant une ouverture sommitale de remplissage et 35 L’intégralité de la pièce n’étant pas fouillée, il peut y avoir
une fenêtre latérale de vidage. Aucune trace de celle-ci n’a pu d’autres silos, comme le représentent certains modèles. Mais
être détectée compte tenu de la faible hauteur de conservation lorsque l’on regarde le plan d’Illahoun, il n’y a bien souvent
des parois. Par contre, un fragment de boudin circulaire d’ar- qu’un silo par pièce : B. J. Kemp, Ancient Egypt : Anatomy of a
gile, découvert sous les briques éboulées d’un des silos, donne Civilization, Londres, 1989, fig. 53.
le diamètre de l’ouverture sommitale, 0,31 m. » ; rapport dans
688 Karnak xii
a été retrouvée au sud du mur M2, où une brique boutisses et mal jointées, ce qui ne rend pas étan-
forme une sorte de retour. Dans cet espace, on peut che ce bâti. Ces structures sont donc probablement
positionner la crapaudine et donc une ouverture. dévolues à un autre usage que le stockage, car elles
L’emplacement d’une porte peut ainsi y être resti- n’ont pas besoin de la même étanchéité qu’un silo.
tué. Au nord de cette salle, se trouve une couche de Dans le comblement de SI7, une sorte de plâtre ou
cendres comportant une grande quantité de moules de mortier blanc a été découvert, qui aurait pu ser-
à pain. Ces vestiges sont identifiés comme des aires vir de calage à une pierre. Il se peut très bien que
de cuisson du pain, placés à l’écart des lieux de pré- ces deux structures aient servi de mortier pour piler
paration, comme ceux de Balat, et définis comme le grain. Cette remarque confirme que les lieux de
des boulangeries. Des espaces identifiés comme préparation du pain et de la bière n’étaient pas for-
tels ont mal subsisté, mais on peut s’en faire une cément séparés du grenier, comme dans le modèle
idée grâce aux modèles qui ont été retrouvés dans de Licht, vu ci-dessus. Dans la tombe de Meket-
de nombreuses tombes du Moyen Empire. Ils sont Rê 39, plusieurs modèles d’ateliers ont été décou-
bien souvent des témoignages des activités artisana- verts, dont un de boulangerie-brasserie et un autre
les de l’époque. Un modèle, daté de la XIIe dynastie, de stockage du grain (pl. XXXV). Dans cette pré-
provenant de Licht et conservé au Metropolitan sentation, on s’aperçoit que la pièce de stockage est
Museum 36 montre que, près du lieu de stockage, se bien différente du lieu de préparation du pain. Par
situent les activités de brasserie et de boulangerie la constatation archéologique, la pièce attenante au
dans un espace conjoint, les aires d’activités étant silo SI2 peut ainsi être identifiée à une boulangerie.
séparées par des murets bas (pl. XXXIV c). En s’appuyant sur cette hypothèse, il est possible de
Dans les étapes de préparation du pain, le donner des pistes d’identification pour les structures
grain était, après son extraction du grenier, tout SI10 et SI11 (pl. XII et pl. XXXIII). Ces construc-
d’abord pilé dans un mortier. On peut en voir des tions de forme elliptique se rapprochent de celles
représentations dans les modèles. Cette étape per- que l’on peut voir dans le modèle présentant la pré-
mettait un dégrossissage du grain avant qu’il ne soit paration du pain et de la bière. Ces deux structures
moulu plus finement 37. Aucun mortier en pierre, et sont apparemment disposées de la même façon que
notamment en calcaire, n’a été trouvé dans la fouille dans les modèles, c’est-à-dire le long du mur. Sur
en association avec les structures citées ci-dessus et la maquette de Meket-Rê, elles sont peintes en noir,
ci-après. Un tel mortier pouvait être, comme à Tell ce qui évoquerait, selon H. E. Winlock, le limon du
el-Amarna, protégé par un mur de terre et de bri- Nil (pl. XXXV d, n° 2). Dans son ensemble, cet
ques 38. Dans cette perspective, nous pouvons éven- agencement des modèles est conforme à ce que nous
tuellement identifier les deux structures circulaires pouvons observer pour les structures, tant au niveau
difficilement reconnaissables, SI7 de la phase 5B de l’emplacement que de la nature du matériau, ici
(pl. XVII, haut et pl. XXXIII) et SI4 de la phase 4 des briques de terre crue.
(pl. XI). De diamètre beaucoup plus petit que les Dans l’étude de J. Vandier sur les scènes
silos, leur appareillage est totalement différent. Au de boulangerie et de brasserie, ces structures peu-
lieu de présenter les briques en assises de chant vent être destinées à deux usages : la minoterie et
comme pour les silos, celles-ci sont disposées en le pétrissage de la pâte 40. Au Moyen Empire, dans
36 J. H. Breasted, Egyptian Servant Statues, Washington, 1948, 39 H. E. Winlock, Models of Daily Life in Ancient Egypt from the
p. 38, pl. 38a. tomb of Meket-Re’ at Thebes, The Metropolitan Museum of Art,
37 D. Samuel, « Brewing and Baking », in P. T. Nicholson, Cambridge, 1955.
I. Shaw (éd.), Ancient Egyptian Materials and Technology, 40 J. Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne IV, 1, Paris, 1964,
Cambridge, 2000, p. 559-563. p. 274.
38 Ibidem, p. 560.
Architecture civile antérieure au Nouvel Empire… 689
les activités de boulangerie et de brasserie, cette à la boulangerie, en sachant que les deux activités
structure constitue la principale innovation, que sont intrinsèquement liées. Dans cette perspec-
J. Vandier appelle une auge. À l’Ancien Empire, le tive, l’auge SI10 peut alors se trouver dans les deux
broyage sur meule se faisait à même le sol. Dans espaces, mais aussi servir aux deux utilisations. Un
notre sondage, la minoterie était bien développée, espace sépare ces structures de la couche de cendres,
étant donné le nombre de fragments de meules mais il est difficile de donner une réelle organisation.
(85) et de broyeurs (11) qui ont été trouvés, même Dans le modèle de Meket-Rê, des structures carrées
si certains sont destinés à d’autres usages (comme et circulaires semblent être des fours, bien qu’il n’y
le broyage de l’ocre qui devait être utilisée comme ait aucune évocation d’un épandage de cendres.
pigment, notamment dans la fabrication des engo- Pour trouver ce genre d’organisation, il faut aller à
bes pour la céramique). La majorité a été trouvée Balat 42 où l’aire de cuisson est un vaste foyer séparé
à l’est du sondage, justement dans le secteur où se de la pièce de préparation par un muret bas. Ce type
trouvent ces probables structures de minoterie. En de cuisson est représenté sur certains mastabas de
revanche, aucun emplacement de meule n’a pu être l’Ancien Empire 43. Au Moyen Empire, les scènes
trouvé, probablement en raison de leur destruction des tombes montrent la cuisson des pains dans des
par la fosse F2. Il est toutefois intéressant de remar- moules sur une sorte de brasero. Ici, nous nous trou-
quer que, sur les représentations, les meules étaient vons plutôt sur une zone d’épandage des cendres et
posées sur les structures de brique crue pré-citées. des rejets de cuisson des fours plutôt que sur une
L’élévation des meules sur ces structures facilitait le aire de cuisson. En effet, il y a beaucoup d’autres
travail de minoterie. En effet, ces structures étaient déchets qui ne sont pas forcément liés à la cuisson
faites en deux parties : un support légèrement pen- du pain, comme une grande quantité d’éclats de
ché pour la meule et un récipient placé à l’avant qui silex 44. Dans cette couche de cendres, les moules
permettait de récupérer la farine. D’après les plans à pain étant néanmoins majoritaires, ce secteur est
des installations de Balat à l’Ancien Empire 41, les fort probablement lié à la cuisson du pain.
emplacements de meules sont proches des aires de La restitution de ces éléments (pl. XXXVI)
cuisson, ce qui est le cas ici. peut donner une idée de l’importance du traitement
Après avoir moulu le grain, la pâte à pain est des céréales. La surface fouillée est seulement un
fabriquée, sans pétrin. Des céramiques servaient à échantillon de ce type d’organisation, l’intégralité
cet usage, de sorte qu’aucun vestige architectural ne des pièces n’ayant pas encore été dégagée.
peut donner leur emplacement.
Un autre élément semble présent à la Le traitement des céréales en boulangerie ou en bras-
phase 5A. Il s’agit d’un objet en terre cuite façonné serie n’a pas encore fait l’objet d’une étude générale
comme un élément de soutien (8279.1, pl. XII et au Moyen Empire. Les plus récentes mettant en cor-
pl XXXIII), qui pourrait correspondre à un support rélation les vestiges archéologiques avec les représen-
pour un type de grand plateau servant à faire lever le tations des scènes des modèles et des tombes sont
pain. Cet objet est également présent dans la brasse- celles de Balat. Si, pour le Moyen Empire, les scènes
rie de la maquette de Meket-Rê. Il se peut alors que ont été bien étudiées par J. Vandier, la confronta-
nous soyons dans la partie liée à la brasserie comme tion des représentations en deux dimensions (les
41 G. Soukiassian, M. Wuttmann, L. Pantalacci, Le palais des 44 Dans le matériel microlithique, un nombre important de
gouverneurs de l’époque de Pépy II. Les sanctuaires de ka et leurs lames de faucilles a été trouvé, pour plusieurs phases, ce qui
dépendances, Balat VI, FIFAO 46, 2002, p. 295, fig. 252. atteste d’un travail agricole en liaison avec la fonction des occu-
42 Ibidem et p. 291. pations : le stockage des céréales.
43 J. Vandier, op. cit., p. 274, fig. 124.
690 Karnak xii
De nouvelles formes apparaissent à la phase 2, la XIIe dynastie 64. Très courantes, ces incisions vont
comme les jarres (8214.1 et 8214.2) avec des lèvres évoluer avec le temps pour devenir de plus en plus
externes obliques qui sont proches d’exemplaires fines. Conjointement à ce matériel, on trouve des
trouvés à Héracléopolis Magna 55 (datant d’une bols hémisphériques (8117.a.3, pl. X, 8163.5 65,
période allant de la Première période intermédiaire pl. XXXII) en pâte alluviale engobée rouge, bien
au début du Moyen Empire). Les coupes caré- lissés à l’intérieur et en partie à l’extérieur. Ils con-
nées sont bien représentées (8215.3 et 8215.4, servent toujours de bonnes traces de façonnage exté-
pl. VIII), toujours en pâte alluviale avec un engobe rieur comme aux phases précédentes.
rouge à l’extérieur et à l’intérieur, en sachant que La phase 3 serait donc comprise entre la
celui-ci peut varier en intensité de couleur. Le bour- XI dynastie et le début de la XIIe dynastie.
e
55 M. J. Lopez Grande, F. Quesada Sanz, M. A. Molinero Polo, T. Bagh, « Abu Ghâlib, an Early Middle Kingdom Town in the
op. cit., p. 141, fig. 7, c, e. Western Nile Delta: Renewed Work on Material Excavated in
56 Ibidem, p. 148, fig 14, g ; S. B. Shubert, R. Hummel, the 1930’s », MDAIK 58, 2002, fig. 8, e.
« Appendix I : Pottery of Field S », JSSEA XVIII, 1988, p. 46, 62 S. Marchand, ibid., p. 218, fig. 70-71.
fig.10, nº 11 ; S. Marchand, ibid., fig. 19 (phase 2). 63 D. Arnold, op. cit., p. 62, fig. 4, 18.
57 S. Marchand, ibid., p. 219, fig. 14-18. 64 S. Marchand, ibid., p. 220.
58 M. J. Lopez Grande, F. Quesada Sanz, M. A. Molinero Polo, 65 Ibidem, fig. 32, phase 2.
ibidem, p. 147, fig. 13, o. 66 D. Arnold, « Keramikbearbeitung in Dashchur 1976-1981 »,
59 E. Czerny, ibidem, p. 153, Nf 233. MDAIK 38, 1982, p.34, fig 10, 4.
60 C. Defernez, « La céramique d’Ayn Soukhna », CCE 7, 2004, 67 S. Marchand, ibid., fig.113.
p. 67-68, 75, fig. 4. 68 Ibidem, p. 220-221 : entre sa phase 3 (fin PPI et XIe dynastie)
61 D. Arnold, « Keramikbeispiele aus den Gräbern der frühen et sa phase 4 (Moyen Empire, début XIIe dynastie).
11. dynastie von El-Târif », MDAIK 23, 1968, p. 61, fig. 3, 15;
692 Karnak xii
On remarque également l’apparition de la pâte allu- même marque que 8167.2. Cette marque peut donc
viale très fine, avec les débuts du bol hémisphérique, désigner la nature du contenu plutôt que sa quan-
qui est aussi un marqueur chronologique (8101.5, tité. Ces jarres seraient probablement destinées au
pl. XV). Cette pâte correspondrait à la Nile B1 du « transport des denrées – céréales » 73.
système de Vienne 69. Une coupe à lèvre repliée (8091.15,
Ces différents exemples permettent de dater pl. XX), en pâte alluviale engobée rouge poli,
cette phase de la XIIe dynastie. pourrait se prolonger par un fond plat ou une base
annulaire. Bien que cette coupe ait une lèvre plus
L’intérêt spécifique de la phase 5B repose sur le rentrante, on peut la rapprocher des exemplaires
nombre de formes complètes par rapport aux autres trouvés à Qila el-Dabba, dont le contexte est daté
phases. Provenant d’un dépotoir, ces exemplaires de la XIIIe dynastie 74. A Tell el Dab’a, ce type de
sont intéressants autant par leurs qualités que par forme en pâte calcaire est daté du règne de Sésostris
leurs spécificités. III 75. Un pot à cuisson (8091.14, pl. XX) en
La caractéristique de cette couche est la pré- pâte alluviale est d’un type que l’on rencontre à
sence de vrais bols hémisphériques en pâte alluviale la même époque 76. Il a été noirci par les cuissons
très fine dont nous avons vu l’apparition à la phase successives, alors qu’initialement il devait être
antérieure. Ils ont perdu leur engobe rouge des pha- engobé rouge. La mouna (mélange d’argile et de
ses précédentes, et les traces de façonnage se font de paille) qu’il conserve à l’extérieur permettait d’iso-
plus en plus légères. ler du feu sa partie extérieure.
La jarre 8167.2 (pl. XXII) est assez remar- La jarre à haut col (8167.10, pl. XXII) se
quable, car elle présente un modèle entier avec tou- rapproche d’un exemplaire trouvé à Illahoun datant
tes les caractéristiques des jarres en argile calcaire. de la fin de la XIIe dynastie 77. Le bord de jatte à sus-
Les traces de façonnage sont très marquées sur la pension (8186.5, pl. XVIII) est en pâte alluviale
moitié inférieure de la céramique ; elle semble être assez grossière engobée rouge ; elle peut être datée
montée à la main tandis que la partie supérieure est des XIIe et XIIIe dynasties 78.
reprise au tour 70. Son épaule est ornée de motifs de Deux exemplaires de coupes carénées à
vaguelettes irrégulières, et sur sa moitié inférieure, décor de vagues et d’incisions sont détaillés ci-après
une marque a été incisée, représentant un trait et (8186.2, 8186.8, pl. XVIII). Les incisions parallè-
une croix. Quatre godets ont été ajoutés sur le col et les sont beaucoup moins nombreuses qu’ à la phase
le bord. À la XIe dynastie, se crée un répertoire varié précédente. En revanche, les décors de vagues sont
de décors incisés (8091.19, pl. XX) et d’ajouts plus soignés et vont vers plus de finesse, grâce, cer-
comme « les godets miniatures factices » 71. Dans tainement, à l’utilisation d’un peigne.
les fouilles des années 70, une céramique en pâte Les céramiques caractéristiques de cette phase
calcaire, LS 895 72, a été retrouvée avec un décor de sont donc comprises dans une « fourchette » allant de
vaguelettes, mais de module plus petit, et portant la la fin XIIe dynastie jusqu’au début de la XIIIe.
La phase suivante, 5C, étant encadrée de deux pha- rosé. Elle correspond à la pâte Marl C compact du
ses bien datées et mieux fournies qu’elle, 5B et 6, sa système de Vienne 85. Elle est associée aux formes
situation permet d’avancer une datation entre la fin caractéristiques de jarres de stockage (8081.5,
de la XIIe dynastie et la XIIIe dynastie. 8081.16 et 8081.17, pl. XXVIII) de la fin de la
XIIe dynastie 86.
La phase 6 est représentée par trois sols et une variété Une coupe à lèvre retournée et à base annu-
appréciable de céramiques. laire en pâte calcaire (8081.23, pl. XXVIII) se rap-
Les moules à pain datent de la fin de la proche de l’exemplaire trouvé à Qasr el-Sagha qui,
XIIe dynastie. Les bols hémisphériques sont toujours par comparaison, appartiendrait à la XIIIe dynastie 87.
présents, en pâte alluviale très fine, cette fois-ci ornés Cette phase 6 daterait donc d’une période allant de
d’un trait fin de peinture rouge sur les lèvres interne la fin de la XIIe dynastie à la XIIIe dynastie.
et externe (8081.18, pl. XXVII). Ces types de bols
sont caractéristiques de la fin de la XIIe dynastie, La fonction des céramiques est essentiellement ali-
comme le montrent ceux trouvés à Licht 79 et ceux mentaire. Les jarres en pâte calcaire sont liées aux
provenant d’une tombe du Ramesseum, où ils céréales, tandis que certaines jattes interviennent
appartiennent à un ensemble de céramiques daté de dans la préparation de la pâte à pain. Les assiettes
la fin de la XIe dynastie au début de la XIIIe 80. servent d’ustensiles de préparation et de consomma-
Il existe toujours des coupes caré- tion pour la nourriture alors que les bols et les cou-
nées, coupes à boire non décorées à fond plat pes carénées sont utilisés comme vaisselle à boire.
(8074.1, pl. XXXI) 81 ou à fond pincé (8074.2, D’un point de vue chronologique, nous
pl. XXXI) 82. Ce type de fond est daté plutôt de la avons pu observer que les formes de Karnak sont
fin de la XIIe dynastie. En effet, ce façonnage per- proches de celles de Dendara. Les zones de produc-
met de fabriquer une sorte de base annulaire sans les tion se regroupent plutôt par région et, dans notre
contraintes de l’ajout ou du travail d’un pied. cas, il s’agit d’ateliers de Haute-Égypte. Cette
Le support de jarre très élancé en pâte remarque apparaît somme toute logique, mais elle
alluviale, engobé rouge de manière très couvrante peut expliquer les écarts de datation entre les sites
(8081.25, pl. XXVIII), est conservé de façon par- de Haute-Égypte et ceux de Basse-Égypte, et le
tielle. Ce type d’élément, fabriqué en deux parties fait que des modèles perdurent tandis que d’autres
au tour et joint par le milieu, est daté des XIIe et disparaissent.
XIIIe dynasties 83. Les assiettes ont une lèvre com-
plètement plate et marquée (8044.3, pl. XXX) et En relation avec nos huit phases architecturales, il
sont datées de la XIIIe dynastie 84. semble que nous pouvons distinguer trois phases
La grande nouveauté se situe dans la caté- céramiques. Ces coupures restent arbitraires si on
gorie des pâtes calcaires, avec l’apparition d’une tient compte du fait que la production céramique
pâte à gros nodules de calcaire et surface blanc- évolue de façon continue en passant d’une époque
79 D. Arnold, The Pyramid of Senwosret, op. cit., p. 140. 84 Fr. Colin, D. Laisney, S. Marchand, BIFAO 100, p. 184, nº 4.
80 A. M. Loyrette, M. Nasr, « Une tombe en bordure des gre- 85 D. Arnold, J. Bourriau, in Lahun Studies, op. cit., p. 179,
niers nord du Ramesseum », Memnonia IV-V, 1993-1994, p. 120 pl. VI e.
et 122. 86 J. Bourriau, S. Quirke, ibidem, p. 66 ; J. Wegner, op. cit.,
81 J. Bourriau, Pharaohs and Mortals, Cambridge, 1988, p. 135- p. 109, nº 44.
136. 87 Di. Arnold, Do. Arnold, Der Tempel Qasr el-Sagha, ArchVer 27,
82 D. Arnold, J. Bourriau, SDAIK 17, p. 148. 1979, p. 35, fig. 20, 3.
83 J. Bourriau, op. cit., p. 135.
694 Karnak xii
à une autre sans rupture brutale. Avec cet artéfact, puisque l’on voit disparaître les motifs animaliers
on constate que sur une épaisseur d’environ trois les plus stylisés. Apparaîtront, avec la phase 5, les
mètres, on passe de la Première période intermé- plantes, le papyrus, les deux corbeilles et des signes
diaire à la XIIIe dynastie. Le tableau 1 montre, en hiéroglyphiques.
grisé, une estimation de la datation de ces phases, En croisant les données avec celles livrées
étayée par les parallèles bibliographiques ; les exem- par la céramique, on constate que les motifs ani-
plaires céramiques pris en compte sont principale- maliers ou humains stylisés disparaissent à la fin la
ment les marqueurs chronologiques d’une période XIIe dynastie (phase 5A). Cette disparition a pu être
et ceux qui sont bien datés sur d’autres sites. constatée par exemple à Illahoun, site daté de la fin
de la XIIe dynastie (de Sésostris II à Amenemhat III)
Le matériel sigillaire
par J. Bourriau, grâce à la céramique 90. Les emprein-
(pl. XXXVII-XXXVIII) 88
tes de sceaux publiées sont toutes de type floral, à
Les datations données par la bibliographie relative motif de sm“ t“wy et d’entrelacs. Cette constatation
aux sceaux et à leurs empreintes restent approxima- pourrait donner un schéma d’évolution des emprein-
tives en raison, d’une part, d’un manque de contexte tes à la XIIe dynastie qui se traduirait par l’abandon
archéologique précis et, d’autre part, de l’absence des motifs stylisés d’animaux. Comme le remarque
d’accord entre les auteurs sur la chronologie des W. A. Ward, les figures animales existent bien au
sceaux. Bien qu’une datation allant de la Xe dynastie Moyen Empire et à la Deuxième période intermé-
au début de la XIIe dynastie soit assurée pour notre diaire 91, mais elles sont beaucoup plus détaillées et,
sondage, il est difficile de l’affiner davantage. C’est pour lui, ce type de figuration n’apparaît pas avant
finalement W. A. Ward qui reste le plus détaillé, la XIIe dynastie. De plus, on ne rencontre pas de
bien qu’il se fonde sur des travaux anciens 89. lézard dans le répertoire et les scarabées sont tou-
jours accompagnés, notamment, de cobras. On peut
De la phase 1 à la phase 3, on trouve des motifs ani- remarquer que pour le site d’Abou Ghalib, datant
maliers avec, parallèlement, des motifs d’entrelacs et du début de la XIIe dynastie, les empreintes à motifs
de plantes présents en « bruit de fond ». La phase 3 strictement géométriques côtoient les motifs floraux
marque une étape dans l’évolution des sceaux, ou à tendance hiéroglyphique 92. Pour W. A. Ward,
88 Les dessins ont été réalisés par Héléna Delaporte-Zacharias. 91 O. Tufnell, Studies on scarabs seals, Scarabs seals and their con-
89 W. A. Ward, Studies on Scarab Seals, Pre-12th Dynasty Scarab tribution to the history in the early second millenium B.C., vol. II,
Amulets, vol. I, Warminster, 1978. Warminster, 1984, p. 330-341.
90 J. Bourriau, S. Quirke, ibidem, p. 60-83. 92 H. Larsen, « Vorbericht über die schwedische Grabung in Abu
Ghâlib 1932/34 », MDAIK 6, 1936, p. 63, fig. 9.
Architecture civile antérieure au Nouvel Empire… 695
les motifs floraux et d’entrelacs apparaissent à sa Avec la céramique, se détachent trois grandes
période 2, qui correspond aux IXe et XIe dynasties. périodes, alors que seulement deux apparaissent
Les entrelacs sont plutôt datés de la XIIe dynastie. avec les scellés. Au niveau artistique, il y a des
Pour A. B. Wiese 93, les motifs floraux apparais- continuités ; malgré ce découpage, il faut imaginer
sent aux Xe-XIe dynasties. Le sm“ t“wy est systéma- que les coupures ne sont pas brutales. Des motifs
tiquement accompagné d’autres signes comme à de scellés et des formes de céramiques font petit
Uronarti, site daté de la XIIIe dynastie, mais dont à petit place à des nouveautés, alors que d’autres
la rénovation débute à la fin de la XIIe dynastie 94. types disparaissent.
Notre exemplaire présentant le sm“ t“wy (8136.1) est
antérieur car il ne présente pas d’autres motifs. De Les successions
manière générale, on peut remarquer que la majo- chronologiques
rité des motifs à entrelacs perdurent.
Les trois grandes périodes données par la céra-
Grâce à ces parallèles, nous pouvons proposer que la mique peuvent être replacées dans des périodes
période de la phase 1 à la phase 3 corresponde à l’épo- historiques :
que allant de la Première période intermédiaire à la — de la Première période intermédiaire au début de
XIe dynastie et que la période allant de la phase 5A à la XIIe dynastie (phases 1 à 3) ;
la phase 6 corresponde aux XIIe-XIIIe dynasties. Les — la XIIe dynastie (phases 4 à 5B) ;
datations sont plus larges que pour la céramique, — de la fin de la XIIe dynastie à la XIIIe dynastie
mais étant donné que nous avons seulement des (phases 5C à 6).
motifs géométriques, les accroches chronologiques Dans sa synthèse sur la céramique égyp-
sont moins précises. tienne de cette époque, J. Bourriau distingue aussi
trois phases 95 :
Datation croisée
— la XIe dynastie, de l’unification de l’Égypte sous
Le tableau 2 présente, assemblées, les informations Mentouhotep II à Sésostris II (XIIe dynastie) ;
données par la céramique (en grisé) et le matériel — de Sésostris II à Amenemhat III ;
sigillaire (surligné en noir). — d’Amenemhat III à la XIIIe dynastie.
93 A. B. Wiese, Die Anfänge der ägyptischen Stempelsiegel- période Xe/XIe dynasties qui se distingue, notamment, par la
Amulette. Eine typologische und religionsgeschichtliche Untersuchung nouvelle forme du scarabée et l’apparition d’un nouveau motif,
zu den“Knopfsiegeln“ und verwandten Objekten der 6. bis frü- la plante de papyrus.
hen 12. Dynastie, OBO 12, 1996, p. 81. Il distingue deux grou- 94 G. A. Reisner, « Clays Sealings of Dynasty XIII from Uronarti
pes, l’un ancien (VIe-IXe dynasties) l’autre tardif (Xe/XIe-début Fort », Kush 3, 1955, p. 26-69.
XIIe dynastie), le changement se situant donc au début de la 95 J. Bourriau, Umm el Ga’ab. Pottery from the Nile Valley before
696 Karnak xii
Nos observations sont donc similaires, mis à part D’une manière schématique, en se basant sur les
le fait que les « fourchettes » de datation ne peuvent altitudes, la phase 1 est comprise entre 74.55 m et
pas se raccrocher à des règnes, faute de documents 74.67 m, puis suit une couche d’abandon après
datés par le nom d’un roi. Les quelques témoignages laquelle s’installe la phase 2, entre 74.825 m et
que nous livre ce type d’architecture civile associée 74.875 m, puis la phase 3, entre 74.875 m et 75.67 m.
au matériel permettent, même sans épigraphie, de Avant l’installation de la phase 4 entre 75.96 m et
mettre en rapport les différentes phases de notre 76.22 m, se trouve une couche d’abandon. Après
sondage avec un contexte historique plus général et la phase 4, le terrain semble nivelé. Sur cette mise
mieux connu. à niveau, la phase 5A s’installe entre 76.26 m et
76.32 m, puis la phase 5B entre 76.32 m et 76.83 m, et
La répartition verticale enfin la phase 5C entre 76.83 m et 77.04 m. Aucune
des structures couche de nivellement ou d’abandon n’est observée
pour ces phases, comme pour la phase 6, comprise
La stratigraphie du site s’établit selon une succes- entre 77.04 m et 77.51 m, construite directement
sion verticale des occupations qui suppose une sur la phase 5C (tableau 3).
superposition chronologique des phases. À notre La superposition des différentes structures
échelle, comme nous ne sommes pas dans le cadre dans ce secteur s’établit selon un processus d’ara-
d’une fouille extensive, il n’est pas possible de dire sement et de reconstruction. Après nivellement, les
de quelle manière s’est faite la répartition horizon- niveaux d’architecture sont généralement égalisés
tale dans le temps. Cette constatation est plus facile par une couche de tessons ou de remblai (entre les
pour le temple et ses annexes, car les monuments phases 3 et 4 en particulier).
et leurs remaniements sont, la plupart du temps, Les nouveaux murs paraissent installés au-
signés. En partant de la superposition des faits, la dessus des précédents, chaque nouvelle phase pré-
datation est, par conséquent, plus facile. Le tout sentant une réorganisation de l’espace. Certaines
était ici de rendre les strates lisibles, malgré la pré- structures qui semblent appartenir à trois phases
sence de la fosse F2. sont, par conséquent, réutilisées (comme les murs
the Arab Conquest, Cambridge, 1981, p. 55. sont situées les occupations datées, par rapport à la céramique,
96 Afin de replacer et de comparer ces niveaux archéologi- de telle ou telle dynastie.
ques dans le graphique synthétique de la zone de Karnak de la Dynasties Altitudes simplifiées
XIe dynastie à la Deuxième période intermédiaire (pl. XXXIX), un XI 74.80/75.65
XII 75.90/76.80
tableau simplifié est proposé. Il précise entre quelles altitudes XIII 77.00/77.50
Architecture civile antérieure au Nouvel Empire… 697
M2 et M3). Pour les phases 5A et 5C, l’emplacement Il est situé entre 73.50 m à 76.26 m pour le son-
du silo change et celui-ci devient plus grand. Les dage de F. Debono, tandis que dans la synthèse de J.
répartitions verticales des structures ne se font donc Lauffray, il est localisé entre 73.50 m et 76.50 m.
pas au détriment de la fonction des bâtiments. De la Dans la zone centrale du temple de Karnak,
phase 4 à la phase 5C, le lieu est toujours dévolu à la de nouvelles fouilles ont réactualisé les données
même utilisation, celle du stockage et du traitement sur le Moyen Empire. Des murs datant du Moyen
des céréales. Empire ont été identifiées de l’altitude 72.89 m à
Dans les fouilles des années 70 effectuées par 73.46 m. Une mise à niveau avait été faite préala-
le Centre franco-égyptien, quatre niveaux d’installa- blement à l’installation de ces structures avec des
tions avaient été mis au jour. D’après les résultats, J. remblais datant du Moyen Empire, à une altitude
Lauffray a établi une coupe stratigraphique schéma- de 72.20 m environ 101.
tique du secteur fouillé de part et d’autre du rempart Dans la cour du Xe pylône, grâce aux fouilles
de Thoutmosis III 97. À l’est, les installations n° 1 et de M. Azim 102, deux ou trois types d’installations
2 sont comprises entre 73.90 m et 75.40 m, l’instal- ont pu être remarquées. Un niveau datant du Moyen
lation n° 3, en rapport avec le mur monumental du Empire est présent à une altitude de 73.93 m environ,
Moyen Empire, est établie entre 75.80 m et 76.50 m. un niveau de la Deuxième période intermédiaire est
Quant à la dernière installation, n° 4, dégagée à l’est coté à 74.80 m et un autre de la XVIIIe dynastie à
du rempart, elle se situe entre 77.20 m et 77.90 m. 74.88 m. Toutes les arases et bases de ces installa-
Dans son rapport 98, F. Debono traite la stratigraphie tions sont à un niveau inférieur à 75 m.
du haut vers le bas. De l’altitude de 76 m à 77 m, il À Karnak-Nord, à l’arrière du Trésor de
s’agirait de vestiges datant de la XIIIe dynastie, à che- Thoutmosis Ier, quatre phases ont été repérées,
val sur les installations 3 et 4 établies par J. Lauffray. d’une période antérieure à la XIIe dynastie jusqu’à la
Entre 75 m et 76 m, ce qui correspond à l’installa- Deuxième période intermédiaire. Les installations
tion 3, il trouve des ateliers du Moyen Empire, plus les plus anciennes, datées de la XIIe dynastie, sont
précisément de la XIIe dynastie. situées entre 75.28 m et 76.05 m 103. Sous celles-ci, il
Entre 74.45 m et 75 m, il trouve des mai- s’agit de remblais jusqu’à la nappe phréatique.
sons d’âme qu’il date d’une période allant de la IXe À Karnak-Est, sous une altitude de
à la XIIe dynasties 99. Ces cotes correspondent aux 75.50 m, furent trouvés des niveaux du début de la
installations 1 et 2. Entre 73.90 m et 75.40 m, il ne XIe dynastie, datés grâce à la céramique.
donne pas de précision quant à la datation, mais
cela correspond aux installations 1 et 2 de J. Lauffray, Les résultats topographiques de ces différentes
et en se référant au niveau supérieur, il est au moins fouilles laissent penser que notre secteur est plus
antérieur à la XIe dynastie. élevé que le reste du site et qu’une légère butte
Il est allé jusqu’à la nappe phréatique à semble exister, comme on peut l’observer sur le gra-
72.60 m où se rencontrent, entre le niveau de celle- phique (pl. XXXIX). Cette observation était déjà
ci et 72.90 m, des tessons qui pourraient être datés valable pour les maisons de prêtres installées à l’in-
de l’Ancien Empire 100. térieur du rempart dit « de Thoutmosis III ». Cette
Parallèlement aux différentes installations, estimation semble être corroborée par les niveaux de
un mur monumental a été repéré et daté du Moyen Karnak-Est qui sont dans le prolongement nord de
Empire aussi bien par F. Debono que par J. Lauffray. notre secteur et qui ont l’air de correspondre à ceux
97 J. Lauffray, Karnak X, p. 257-285, fig. 3a. 101 G. Charloux, La cour nord de Thoutmosis III (VIe pylône) à
98 Idem, Karnak VI, p. 46-50. Karnak, rapport interne du Cfeetk, 2003. Les exemplaires céra-
99 F. Debono, Karnak VII, p. 377-383. miques trouvés pour cette période datent des XIe-XIIe dynasties.
100 J. Lauffray, Karnak VI, p. 49. ; J. Lauffray, « Travaux du 102 M. Azim, Karnak VI, loc. cit..
Centre franco-égyptien en 1971-1972 », op. cit., p. 317. 103 J. Jacquet, Karnak-Nord IX, FIFAO 44, p. 14-17.
698 Karnak xii
que nous avons trouvés. Près du temple et donc du La grande activité architecturale du secteur s’est
Nil, les niveaux d’occupation sont à une cote rela- accompagnée d’une importante production artisa-
tivement basse alors qu’à l’est du lac Sacré se forme nale qui a fourni un matériel varié. La céramique,
une butte, plutôt parallèle au cours du fleuve, ce qui le matériel lithique et sigillaire ainsi que les divers
expliquerait les cotes élevées du secteur 104. objets ont permis de comprendre la destination des
bâtiments. La majorité des artefacts est destinée aux
travaux en rapport avec les céréales, que ce soit pour
leur conservation ou pour leur traitement : jarres de
Ce sondage, organisé en deux campagnes, a transport, faucilles, moules à pain …
permis l’établissement de huit phases d’occupation. On se rend donc compte de la part impor-
La présence de nombreuses successions de sols et tante que pouvaient revêtir les activités de boulange-
de couches d’abandon prouvent la grande activité rie et de brasserie au sein de l’économie égyptienne.
du secteur. Les éléments d’architecture de chaque En effet, dans le culte divin comme funéraire, les
phase sont arasés de manière assez récurrente, lais- offrandes de pain et de bière étaient essentielles.
sant parfois des vestiges très minces. Pour toutes les Dans le domaine funéraire, la formule d’offrande
réalisations architecturales, la brique de terre crue comporte, en premières denrées, le pain et la bière.
est le matériau utilisé. Un seul élément en pierre Dans le culte divin, le roi offre très souvent des
a été trouvé, un bloc circulaire en calcaire réutilisé pains de forme conique et on peut saisir l’impor-
comme craupaudine. Les éléments mobiles d’ar- tance de ces deux aliments dans l’inscription de
chitecture étant dans des matériaux différents et Romê-Roÿ 105 où les artisans du pain et de la bière
périssables, il ne nous en reste donc pas de témoi- sont seuls cités. Selon l’interprétation des inscrip-
gnages. Malgré tout, pour ces phases d’occupation, tions de Romê-Roÿ et d’Amenhotep 106, ces arti-
un mobilier abondant et très divers a été mis au sans faisaient donc, sous Sésostris Ier, probablement
jour. Bien souvent fragmentaire, celui-ci apporte partie intégrante du secteur économique, près des
de nombreux renseignements autant d’un point de maisons de prêtres, dans l’enceinte du temple. Le
vue chronologique que fonctionnel. En croisant les temple d’Amon a été rebâti sous Sésostris Ier, et l’on
différentes données, les conclusions sur la chronolo- sait que de grandes constructions se sont élevées
gie du secteur sont étayées par l’analyse du matériel sous son règne. Le lieu exact où nous nous trou-
céramique et sigillaire. La céramique est en effet un vons, à l’est du rempart dit « de Thoutmosis III »
indice chronologique important de notre fouille. suscite donc des interrogations. En effet, sommes-
Même si l’on observe une évolution sans rupture nous à l’extérieur ou à l’intérieur du temenos ?
franche, elle atteste des traces continues d’installa- Du point de vue archéologique, lors des
tions antérieures au Nouvel Empire. De manière dégagements des années 70, un mur monumen-
plus précise, il semble que nous ayons une occupa- tal daté du Moyen Empire fut trouvé. Il pourrait
tion du site sans interruption de la XIe dynastie à la éventuellement délimiter l’aire du temenos du tem-
XIIIe dynastie et certainement même au-delà, que ple, mais nous n’avons pas suffisamment d’éléments
ce soit vers le haut ou vers le bas de la chronologie, pour déterminer, avec ce seul tronçon, une enceinte
mais, pour le moment, aucun ensemble clos de ces et son tracé. Au nord de ce mur, il y a des structu-
périodes n’a été dégagé. res comportant des bases de colonnes. S’agit-il d’un
104 Des études hydro-géologiques sont en cours, menées par 105 Voir les références de la n. 46.
une équipe des universités de Londres et de Cambridge compo- 106 Supra p. 690.
sée de Judith Collis-Bunburry, Angus Graham, Morag Hunter
et Sally-Ann Ashton. Elles permettront probablement de tester
cette hypothèse.
Architecture civile antérieure au Nouvel Empire… 699
palais ou d’un bâtiment administratif à l’intérieur une première enceinte et le reste des installations
de cette enceinte ? Dans ce cas, notre sondage se dans une seconde. À Karnak, cette problématique
situerait à l’extérieur du temenos. de l’enceinte et de la surface allouée au secteur des
L’hypothèse de J.-Fr. Carlotti situe ces habi- dépendances est difficile à résoudre sans une exten-
tations hors de l’enceinte du Moyen Empire, dont il sion des fouilles sur plusieurs secteurs. En sachant
ne connaît pas les limites à l’ouest mais qui se retour- que les vestiges fouillés de ces périodes sont distri-
nerait vers le VIIIe pylône, lieu de la demeure des bués sur une surface assez large, la réalisation d’un
grands prêtres 107, là où il y a une rotation de l’axe plan général, avec mise en commun des données,
nord-sud. Jusqu’au VIIIe pylône, les deux axes prin- pourrait donner éventuellement des réponses 113.
cipaux sont perpendiculaires alors que, par la suite, Dans cette perspective, des fonctions pour-
l’axe nord-sud est orienté sur la « trame urbaine » 108. raient être attribuées à différents quartiers. Dans
En effet, on s’aperçoit que l’orientation de ces struc- les fouilles des années 70, différents silos, assez
tures n’est pas conforme à celle du temple. éloignés les uns des autres, avaient été dégagés
Selon les hypothèses de L. Gabolde et de (pl. III). A priori, si un schéma d’organisation
V. Rondot 109, l’administration régionale se situerait est respecté, ils doivent côtoyer une boulangerie
sur la rive ouest thébaine à l’époque de la fonda- ou brasserie. Lorsque nous observons les modè-
tion du temple et il ne semble pas qu’il y ait eu une les provenant des tombes, des ateliers à vocation
grande activité sur la rive est. En effet, des mastabas différentes sont contigus à la boulangerie et à
de brique crue datant de la IVe dynastie et des tom- la brasserie. Il s’agit, la plupart du temps, de la
bes rupestres des Ve et VIe-VIIIe dynasties ont été boucherie et du tissage. Étant donné que nous
mis en évidence sur la rive ouest. Pour L. Gabolde, retrouvons les silos de façon espacée, des modules
ces éléments témoignent de la place de métropole de d’ateliers à vocations multiples peuvent se répé-
Thèbes avec des attestations uniquement sur la rive ter à l’infini dans ce secteur. Un agrandissement
ouest 110. En considérant que l’administration civile des fouilles 114 pourrait confirmer ou réfuter cette
ait été placée sur l’autre rive, le temple de Karnak hypothèse d’association d’ateliers. Cette appro-
aurait donc été créé de toutes pièces ainsi que ses che peut aussi révéler de nouvelles informations
dépendances qui, par conséquent, auraient pu être, afin de savoir si ces structures sont en rapport
dès l’origine, enserrées dans une seule enceinte. direct avec le temple. Le matériel, comme nous
Les villes du Moyen Empire obéissent à une l’avons vu, apporte des données autant chro-
distribution selon un carroyage pré-établi, avec nologiques que fonctionnelles. En développant
une attribution de fonction des quartiers, comme l’étude sur un secteur plus large, la pertinence de
à Illahoun 111. Pour quelques-uns de ces établis- leur association aux bâtiments pourrait permet-
sements, on constate qu’une enceinte extérieure tre de mieux comprendre ce secteur, mais aussi
enclôt une seconde enceinte, comme c’est le cas à de réviser, avec plus de connaissances, la zone
Médamoud 112. Le temple peut être contenu dans dégagée dans les années 70. Ce développement
pourrait voir également son aboutissement chro- tifier, grâce aux différents vestiges architecturaux
nologique, et donc historique, dans la suite de la et aux artefacts, son éventuelle antériorité à la
fouille du sondage stratigraphique et ainsi iden- fondation du temple.
Annexe
Phase 1 (pl. V) 8222.3 Moule à pain
8222.1 Perle en faïence
M16 8222.2 Perle en quartz rose
Altitude supérieure 74.65 m 8223.4 Bol
Altitude inférieure 74.55 m 8223.1 Empreinte de sceau
Briques limoneuses à dégraissant 8223.2 Empreinte de sceau
Nature des briques végétal 8223.3 Perles en faïence
35 x 17
Module des briques 35 x 15 } x 10 cm?
30 x 13
Alternant deux panneresses et Phase 3 (pl. IX, X)
Appareil deux boutisses sur une même
assise
US constitutives US 8248 : briques M8
Altitude supérieure 75.67 m
M17
Altitude inférieure 74.87 m
Altitude supérieure 74.67 m
Nature des briques Briques limoneuses à dégraissant
Altitude inférieure 74.56 m végétal et à dégraissant minéral
Nature des briques Briques limoneuses à dégraissant Module des briques Largeur entre 13 et 16 cm
végétal
Appareil Assise de boutisses
Module des briques Illisible
US constitutives US 8128 : briques
Appareil Illisible
US constitutives US 8261 : briques M9
8251.1 Jarre Altitude supérieure 75.60 m
8251.2 Bord de coupe Altitude inférieure 74.95 m ?
8251.5 Moule à pain Nature des briques Briques limoneuses à dégraissant
végétal et à dégraissant minéral
8251.6 Bol à lèvre interne Module des briques 32 x 16 x 6.5 cm
8251.7 Moule à pain Appareil alternant rangs de
8251.10 Bol Appareil panneresses et rangs de boutisses
sur une même assise
8251.11 Jatte ou plateau
US constitutives US 8129 : briques
8251.14 Percuteur ou rognon
M10
Altitude supérieure 75.57 m
Phase 2 (pl. VI-VIII) Altitude inférieure 75.20 m
Nature des briques Briques limoneuses à dégraissant
végétal
M15 Module des briques 32 x 16 x 6.5 cm
Altitude supérieure 74.875 m Appareil Assise de boutisses
Altitude inférieure 74.825 m US constitutives US 8130 : briques
Nature des briques Briques limoneuses à dégraissant
végétal M20
Module des briques 32 x 10 x 5(?) cm Altitude supérieure 75.57 m
Appareil Assise de chant Altitude inférieure 75.20 m
US 8213 : briques Nature des briques Briques limoneuses à dégraissant
US 8230 : creusement de la végétal
US constitutives tranchée de fondation Module des briques Illisible
US 8222, US 8223 : remplissage
de la tranchée de fondation Appareil Illisible
US constitutives US 8127 : briques
Architecture civile antérieure au Nouvel Empire… 701
Hatchepsout
U12
U11
LÈgende :
nÈgatif d'ÈlÈment en bois
grËs
©
CFEETK/CNRS 0 50 100 m
0 10 25 50 m
©
CFEETK/ CNRS
N
x=968
y=3260
M5
BASTION B8
M4
REMPART
y=3254
x=978
0 1m
Phase 1
Phase 2
Phase 3
Phase 4
Phase 5A
Phase 5B
Phase 5C
Phase 6
M17
. 74.67
M16 . 74.65
. 74.655
y=3254
x=970
0 1m
Abandon US 8251
8251.11
8251.10
8251.1
8251.6 8251.2
8251.5 8251.4
Échelle 1/4
8251.14
L= 15cm
Phase 1.
Pl.VI
N
. 74.88
8223
8215.3
.74.895 8215.2
. 74.875 . 74.885
8222
Phase 2.
y=3254 y=3254
. 74.875
8221
8214.1
Tranchée de fondation
de M15
x=970
x=970
Céramiques Quartzite 0 1m
Pl. VII
US 8222
8222.3
Échelle 1/4
8221.1 8222.2
Échelle 1/1
US 8223
8223.4
Échelle 1/4
8223.3
Échelle 1/1
8223.1 8223.2
L= 1.9 cm L = 1.8 cm
Mobilier Phase 2.
Comblement de la tranchée de fondation de M15.
US 8222 et 8223.
Pl.VIII
US 8214
8214.2
8214.1
8214.3
8214.4
Échelle 1/4
US 8215
8215.4
8215.3
Échelle 1/4
8215.2
L= 14 cm
Mobilier Phase 2.
Abandon US 8214 et 8215.
Pl. IX
x=970
N Sol US 8182
y=3256
M8
.75.05
. 75.04
M9
. 75.06
.75.05
.75.03
M10
M20 ?
8182.6 Céramiques
8182.3 Quartzite
x=970
.75.28
8117.a
.75.26
8117.a.2
8117.a.1 M9
.75.26
.75.29
.75.25 8118.a
.75.60
.75.29
.75.27
M10 .75.57
M20?
0 1m
Phase 3.
Pl. X
Sol US 8182
8182.4 8182.6
8182.7 8182.8
Échelle 1/4
8182.2
8182.1
L= 1 cm
L= 1.4 cm
(cliché CFEETK nº 67215) (cliché CFEETK nº 67217)
Sol US 8117.a
8117.a.5 8117.a.3
8117.a.4
Échelle 1/4
Mobilier Phase 3.
Pl. XI
X=970
N
y=3256
.76.05
SI3
SI4
.76.183
8111.1 US 8111
.76.10
.76.09
M7
.76.02
US 8110
.76.02
8110.1
.76.03
0 1m
Échelle 1/4
Phase 4.
Sol US 8110 et 8111.
Pl. XII
x=968
. 76.27 .76.27
N y=3260
US 8237 M19
M5 . 76.285
BASTION B8
.76.26
SI 10 M18
.76.495
.76.29
. 77.113 M2
M4
REMPART 8279.1
US 8101 8099.1
US 8136 . 76.40
M3
.76.23 US 8099
. 76.24
y=3254
. 76.553 M14 F11 x=978
SI2
. 76.28
77.32 . .76.44 . 77.42
M11
0 1m
Calcaire Cendres
Phase 5A.
Pl. XIII
8099.11
8099.2 8099.17
8099.13 8099.4
8099.10
8099.3 8099.8
8099.12 8099.6
Échelle 1/4
8099.1
L=20 cm
8101.1 8101.2
8101.4 8101.6
8101.5 8101.9
8101.10
8101.7
Échelle 1/4
8237.12
8237.9
8237.15 8237.19
8237.18
8327.14
8237.17
Échelle 1/4
8237.1
Échelle 1/1
8237.2
L= 2,1 cm
Phase 5B
Dépotoir Niveau 1
US 8186, 8091
Phase 5B.
Pl. XVIII
8186.7
8186.6
8186.42
8186.1
8186.5
8186.8 8186.2
8186.17
8186.14 8186.4
Échelle 1/1 Échelle 1/4
8186.11 8186.13
L=17,5 cm L=12,5 cm
8186.9 8186.10
D=10,5 cm D=11 cm
8186.16 8186.15
L=2,1 cm L=2 cm
8091.17
8091.19
8091.18
8091.16
8091.15
Dépotoir Niveau 2
US 8167
N
M5
BASTION B8
y=3256 x=968
.76.53
M4
REMPART
76.51
76.53 .
0 1m
8167.3 8167.4
8167.2
8167.1
Dépotoir Niveau 3
US 8157
N
M5
BASTION B8
x=968
y=3256
.76.635
M4
REMPART
.76.635
8157.2
8157.1
0 1m
8157.3
Phase 5B.
Pl. XXII
8167.7
8167.10
8167.2
8167.4
Échelle 1/4
8167.3 8167.17
L= 8 cm L= 2,65 cm
8157.3 8157.1
L= 27 cm L= 17,5cm
x=968
y=3260
N
M5
BASTION B8
M4
REMPART M2
US8058
SI1
.76.89
US8057
. 76.83 y=3254
x=978
M14
M3
M11
Phase 5C.
Pl. XXV
Comblement de la tranchée de
fondation du silo SI1 US 8055
8055.2 8055.1
8055.3
8057.3
8057.4
8058.4
8058.5
Échelle 1/4
8058.3
8058.2
Échelle 1/2
8057.1 8058.1
L= 6.45 cm L= 5.85 cm
x= 968
M5
BASTION 8
N
y= 3256 M6
.77.11
8081.17
. 77.08 F2
M4 . 77.07
REMPART
. 77.08
US8044
. 77.08 M1 .77.08
0 1m
Sol US 8074
M5
BASTION B8
N
x=966
y=3256 M6
.77.16
. 77.14
M4 8074.5
REMPART . 77.16 8074.1
8074.2
8074.4
. 77.18
y=3254
M1
.77.20
0 1m
Phase 6.
Pl. XXVII
8081.6
8081.13 8081.18
8081.20
Échelle 1/4
Mobilier Phase 6.
Sol US 8081.
Pl. XXVIII
8081.17
8081.16
8081.5 8081.22
8081.24 8081.25
8081.23 8081.7
Échelle 1/4
Mobilier Phase 6.
Sol US 8081.
Pl. XXIX
8081.1 8081.2
L=3,8 cm L=1,15 cm
Mobilier Phase 6.
Sol US 8081.
Pl. XXX
8044.3 8044.4
8044.2 8044.5
Échelle 1/4
8044.1
L= 8.85 cm
Mobilier Phase 6.
Sol US 8044.
Pl. XXXI
8074.3 8074.13
8074.5
8074.12
8074.4 8074.11
8074.6 8074.7
8074.9 8074.10
Échelle 1/4
Mobilier Phase 6.
Sol US 8074.
Pl. XXXII
8243.3
8242.5 8221.11
8190.2 8190.4
8195.28
8163.5
8149.20 8133.10
Échelle 1/4
Assemblage de céramiques.
Pl. XXXIII
a. Silo SI1, dallage de briques du fond. Phase 5C b. Silo SI2, dallage de briques du fond.
(la pierre du premier plan appartient à la fosse F2) Phase 5A
(cliché Cfeetk nº 62739). (cliché Cfeetk nº 63287).
d’après H. E. Winlock, Models of Daily Life in Ancient Egypt from the Tomb of Meket-Rê at Thebes,
Cambridge, 1955, fig. 22 (a), 23 (b), 64 (c), 65 (d), Rogers Fund and Edward S. Harkness Gift, 1920
(MMA 20.3.12)
Modèles de Meket-Rê.
Pl. XXXVI
x=968
N
y=3260
M5
BASTION B8 Rejets de cuisson
Minoterie
Porte
M4 Support
REMPART de plateau
y=3254
Silo
x=978
0 1m
Restitution
Phase 1
8262.1 8262.2
Phase 2
8223.1 8223.2
Phase 3
8133.1
Échelle 1/1
Matériel sigillaire.
Pl. XXXVIII
Phase 3
8117.16
8117.7 8117.8 8117.9
Phase 5A
Phase 5B
8187.2 8187.8
8187.6 8187.7
8187.8 8187.16
8187.9 8187.15
Échelle 1/1
Matériel sigillaire.
Karnak-Est Est Lac Sacré Est Lac Sacré Est Lac Sacré Karnak-Nord Cour Zone centrale
2001-2003 F. Debono J. Lauffray du Xe pylône du temple
d'Amon
78 m
Installation 4
e
XIII dynastie
77 m
XIIIe dynastie
XIIe dynastie
Installation 3
76 m Moyen Empire
XIIe dynastie
e e
XI dynastie XII dynastie
XIe dynastie
75 m
Installations Deuxième Période
IXe-XIIe dynasties
1 et 2 Intermédiaire
Moyen Empire
73 m
72m
L’Akh-menou
Status Quaestionis (1998)
I— Les peintures chrétiennes
Marguerite Rassart-Debergh
À partir de 1995, plusieurs missions de l’IFAO les résultats d’analyses physico-chimiques et retrace
et du Cfeetk m’ont été accordées pour relever, étu- les phases tant de restauration que de conservation,
dier et publier, en partie du moins, les vestiges de l’auteur s’interroge également sur la symbolique des
Karnak chrétienne 2. Ce travail a bénéficié de toute couleurs, sur la manière d’opérer des artistes et des
l’infrastructure du Centre, de l’intérêt des direc- artisans égyptiens, sur les techniques connues dans
teurs 3, et de l’appui des collègues, tout particulière- l’antiquité, spécialement en Égypte, et en particulier
ment de Daniel Le Fur. Responsable du Laboratoire à Karnak. Lors de son dernier passage sur le site, il
de conservation-restauration du Cfeetk, il s’était avait même espéré étendre son étude à Louxor, que
penché d’abord sur le monument jubilaire érigé par nous avons alors parcouru, relevant l’état de conser-
Thoutmosis III dont la décoration, déjà fort effa- vation des peintures qu’il pensait analyser. Sa mort
cée, risquait de disparaître à court terme à cause a coupé court à ce beau projet qui aurait fait le bilan
des excréments des animaux et des agressions dues de nos connaissances sur toute la région.
aux conditions climatiques 4 ; ayant procédé notam- J’ai également eu la chance de travailler en
ment au nettoyage des colonnes de l’Akh-menou, il étroite collaboration avec l’architecte Jean-François
était particulièrement conscient tant de la préca- Carlotti qui préparait alors une monographie sur
rité des décors que de leur intérêt 5. Le contenu de l’Akh-menou 6. J’ai enfin pu compter sur l’aide effi-
son livre dépasse d’ailleurs largement ce que sous- cace d’Élisabeth Carnot, élève du coptologue et lin-
entend son titre. Si une partie de l’ouvrage présente guiste Rodolphe Kasser, qui s’est chargée du relevé
1 H. Munier, M. Pillet, « Les édifices chrétiens de Karnak », Revue de 3 Sans leur aide bienveillante et leurs conseils avisés, ce travail n’aurait
l’Égypte ancienne II, 1-2, 1929, p. 58-88 (cit. p. 88). pas été possible.
2 Je tiens à exprimer, une fois encore, toute ma gratitude aux directeurs 4 D. Le Fur, La conservation des peintures murales des temples de Karnak,
de ces institutions, le Professeur Nicolas Grimal et Monsieur François Paris, 1994.
Larché. Je souhaite, par ailleurs, dédier ce rapport à la mémoire de René- 5 Alors que son ouvrage était encore sous presse, il m’avait fait part de
Georges Coquin à qui l’on doit « La christianisation des temples de ses découvertes et de son espoir d’une publication qui tiendrait rapide-
Karnak », BIFAO 72, 1972, p. 169-178. Souvent, il a apporté des remarques ment compte des décors tels qu’ils lui étaient apparus ; nous avons discuté
et des critiques (toujours constructives) à mes écrits. Après ma première maintes fois à Bruxelles, à Paris et enfin sur le site. À chaque rencontre, j’ai
visite à l’Akh-menou en 1979, il m’avait encouragée très chaleureusement à apprécié son intérêt et tiré profit de sa grande connaissance des techniques
en reprendre l’étude. Son aide aurait été la bienvenue pour l’interprétation picturales anciennes mais aussi des principes modernes de conservation.
théologique de certaines hypothèses ; sa connaissance des textes et de la 6 Son étude de l’architecture a maintenant été publiée, munie d’un épais
liturgie nous a manqué. dossier de plans : J.-Fr. Carlotti, L’Akh-menou de Thoutmosis III à Karnak.
746 Karnak xii
des inscriptions 7. En outre, craignant la témérité même le projet plus ambitieux encore d’y ajouter
de certaines de mes interprétations de restes souvent les découvertes de Louxor 12, voire celles de toute la
infimes, elle s’est volontiers changée en Candide région thébaine. Cette entreprise ne fut pas pour-
pour noter du haut des échafaudages toutes les suivie, suite au décès de Daniel Le Fur, et ce travail
traces peintes ; ces relevés furent ensuite comparés fut ajourné.
avec les miens et avec mes propres schémas ; seuls Le premier volet a été publié par
ceux qui coïncidaient furent retenus pour les fiches J.- Fr. Carlotti ; on trouvera ici l’étude des peintures
du Cfeetk, et figureront dans la proposition de suivie du relevé des textes qui, le plus souvent, leur
reconstitution finale (pl. XXIII). sont liés. L’Étude architecturale de J.-Fr. Carlotti
Nous avions envisagé un vaste travail sur examine l’ensemble de l’Akh-menou à travers les
l’ensemble de Karnak à l’époque chrétienne 8 englo- siècles ; l’auteur, après avoir retracé l’historique
bant les recherches, _ partiellement inédites 9, _ de des fouilles, nettoyages et consolidations, suit
René-Georges Coquin, de Helen Jacquet-Gordon l’évolution du monument et rappelle les modifi-
et de Jean Jacquet, puis de Claude Traunecker 10 cations subies, y compris la transformation de la
et enfin de Fabienne Dufey. Étaient prévus cinq salle des Fêtes de Thoutmosis III en église : « Les
volets : une mise au point sur les données attestées principales transformations architecturales réalisées
par l’architecture par Jean-François Carlotti, ainsi par les chrétiens portèrent essentiellement sur la
que sur celles fournies par l’histoire et l’archéologie Heret-ib. Ils aménagèrent cette salle, de plan basi-
(collective), une étude des décors par mes soins, un lical, en église. De nombreuses peintures murales
relevé des inscriptions, et enfin, sous ma plume et sont encore visibles sur les fûts des colonnes de la
sous celle de Daniel Le Fur, une analyse iconogra- salle. […] Les peintures […] semblent correspon-
phie et technique 11 des peintures. Nous caressions dre à deux époques distinctes dont la plus ancienne
Étude architecturale, Paris, 2001. J’aimerais une fois encore le remercier l’exemple de Chenhour », présentée à Colmar, en 1997, il avait fait part
du temps accordé à nos longues discussions sur le site et de sa mention durant ces « Huitièmes journées » de l’AFC, de maintes autres informa-
rigoureuse des hypothèses émises alors, comme dans nos échanges de cor- tions accumulées durant ses longs séjours sur le site.
respondance. 11 Faut-il le rappeler, on lui doit, en effet, des recherches pointues sur
7 Élisabeth Carnot, présidente de la FRAK (« Fondation pour les le sujet dont : D. Le Fur, « Les pigments dans la peinture égyptienne »,
Recherches aux Kellia ») s’est livrée à une minutieuse étude comparative Pigments et colorants de l’Antiquité et du Moyen Âge, Paris, 1990, p. 181-
des textes tels qu’ils apparaissaient aux époques de H. Munier et M. Pillet, 188 ; C. Vieillescazes, D. Le Fur, « Identification du liant dans la pein-
puis de R.-G. Coquin et dans leur état en 1995, après les nettoyages et ture murale égyptienne (Temple de Karnak) », Science et Technologie de
restaurations effectués sous la direction de Daniel le Fur et, enfin, à leur la Conservation et de la Restauration des Œuvres d’Art et du Patrimoine 2,
évolution jusqu’en fin 1997. On en trouvera les résultats infra, p. 797-802. sept. 1991, p. 79-81 ; C. Vieillescazes, D. Le Fur, « Identification du liant
Sa présentation des inscriptions et celle que je donne des peintures cons- dans la peinture murale égyptienne (Temple de Karnak) », Société d’Égyp-
tituent un « état » en 1998 qui pourra, nous l’espérons, servir de base à une tologie [de] Genève 15, 1991, p. 95-100 ; D. Le Fur, M.-H. Rutschowscaya,
nouvelle étude de l’histoire et de l’évolution religieuse de Karnak en les A. Desprairies, P. Tremblay, « Les pigments dans la peinture copte »,
replaçant dans un contexte plus vaste. Conservation-restauration des biens culturels, décembre 1990, p. 45-50.
8 Dans ce but, nous avons, en 1997, documenté les vestiges chrétiens de 12 Dans A. S. Atiya (éd.), The Coptic Encyclopedia, 8 vol., New York-
l’ensemble du site et procédé à une couverture photographique en com- Toronto, 1991, Peter Grossmann avait déjà publié les églises de Louxor
plément de celle du Centre. dans une mise au point avec bibliographie antérieure : « Luxor Temples »
9 En témoignent les notes et les fiches de chacun d’eux conservées au (CE 5, p. 1484-1486) ; il a donné la localisation des quatre premiers édifices
CFEETK. chrétiens à la figure 1 de « Eine vergessene frühchristliche Kirche beim
10 Cl. Traunecker, J.-Cl. Golvin, Karnak. Résurrection d’un site, Paris, Luxor-Tempel », MDAIK 29, 1973, p. 167-181, pl. LXXIII-V. Daniel Le
Fribourg, 1984, sp. « Karnak chrétienne », p. 29-32 ; ce livre demeure une Fur souhaitait analyser les rares traces de peintures chrétiennes mais éga-
mine d’informations pour l’histoire du site. Mais il y a bien d’autres notes lement celles de la chapelle impériale. En effet, ces dernières s’étaient fort
inédites. D. Le Fur, op. cit., mentionne maintes fois l’apport de renseigne- dégradées depuis la publication exhaustive de G. Deckers qui établit défi-
ments fournis par Claude Traunecker, qui a, malheureusement, trop peu nitivement qu’il s’agissait non de saints entourant le Christ mais de scènes
publié ses travaux sur Karnak. Ainsi, je regrette que ne figure pas dans les d’époque romaine (G. Deckers, « Die Wandmalerei im Kaiserkultraum
actes des « Journées d’études coptes » sa riche intervention sur le remploi von Luxor », JDAI 94, 1979, p. 600-652), et depuis ma première couver-
chrétien des édifices de Karnak ; outre une fort intéressante communi- ture photographique de ces décors faite également en 1979 .
cation sur « Les temples égyptiens et leur réutilisation à l’époque copte :
L’Akh-menou. Status questionis. I. 747
13 J.-Fr. Carlotti, op. cit., p. 250; pour la datation voir aussi infra, p. 753 danger et de richesse », p. 14-18) et de Suzanne Bickel (« Le désert dans
et 764. la vie des anciens égyptiens », p. 19-25) ; ceux que l’on qualifie de « Pères
14 Ma vision et celle d’Élisabeth Carnot ne sont sans doute plus exac- du désert » donnèrent vie à ces lieux comme le montre Dom L. Regnault
tes, les années ayant accompli leur œuvre. Il nous a semblé d’autant plus (« Originalité des Pères du désert », p. 63-65 et « Les ermitages du désert
important, maintenant que les fouilles aux couvents de Saqqara et de de Scété », p. 41).
Baouît ont recommencé, apportant des éléments nouveaux, de donner ce 17 L’idée n’est point neuve en Égypte où, depuis le second millénaire
status quaestionis qui répond à la publication de J.-Fr. Carlotti ; j’ai donc avant J.-C., certains déjà, poussés par leurs croyances, s’isolaient dans
délibéremment choisi d’arrêter ma bibliographie à la date de la sienne. la montagne thébaine ; cf. Chr. Cannuyer, « Du désert des pharaons au
15 La restauration des peintures murales commença par la Heret-ib en désert des anachorètes », MdB 116, p. 26-34. Elle ne lui est toutefois pas
1985 et se termina en 1994 par celle des magasins sud. Daniel Le Fur entre- réservée ; ainsi on mentionnera « la communauté juive des thérapeutes,
prit de documenter ses découvertes une dizaine d’années avant mon arri- vivant sur un mode quasi monastique dans le désert de Maréotide [...] »,
vée au CFEETK. J’étais toutefois venue voir ces décors en 1989 et en 1991 ; mais aussi, à l’époque chrétienne, les congrégations de Palestine, de Syrie,
la couverture photo exécutée alors au téléobjectif ne montre que peu de de Mésopotamie, de Cappadoce ; cf. Chr. Cannuyer, « Le Monachisme
différences avec l’examen effectué en 1995. J’ai utilisé sa localisation des Copte (IIIe-VIIe s.). Données nouvelles des sources écrites et de l’archéo-
peintures et des inscriptions en assignant un numéro à chacune, _ numé- logie », Le Monachisme Syriaque aux premiers siècles de l’Église IIe-début VIIe
rotation que j’ai conservée tout au long de cet article, _ ce qui permettra siècles, vol. I, Antélias-Liban, 1998, p. 81-104, Patrimoine Syriaque V, avec
de voir s’il y a eu des changements (pl. I et XXIII). bibliographie nourrie (citation extraite de la p. 84) et « Les autres moines
16 La revue Le Monde de la Bible (MdB 116, janvier-février 1999), lui d’Orient », MdB 116, p. 58-60.
a consacré un dossier fort complet intitulé « Les déserts d’Égypte » : on 18 R.-G. Coquin, « Évolution du monachisme égyptien », Le Monde
en trouve une description sous la plume de Jean Leclant (« Une terre de Copte 21-22, 1993, p. 15-24.
748 Karnak xii
prospérèrent au cours des Ve-VIe siècles et souvent la zone autour du petit temple construit à l’époque
jusqu’aux IXe-Xe siècles. R.-G. Coquin différen- d’Hatshepsout (connu comme Spéos Artémidos)
cie l’anachorétisme ou monachisme antonien, où un fut nommée « Vallée des anachorètes » 24. En effet,
« Ancien » guide de manière fort souple ses disciples, certains se plaisent à occuper tous ces lieux bai-
et le cénobitisme ou monachisme pacômien que régis- gnés d’une certaine sacralité qui transcende les
sent des règles très sévères. Les disciples d’Antoine siècles, mais pour en extirper l’ancienne religion,
peuplent la Basse-Égypte ; d’autres se groupent ils ont ajouté des croix, des orants, des bateaux,
autour d’Amoun dans le désert de Nitrie et autour des invocations et des graffiti. Les tombes de la
de Macaire le Grand dans celui de Scété ; peu après, région thébaine sont riches en exemples de réoc-
Amoun et Antoine fondent également les Kellia. En cupation chrétienne : l’église dans le tombeau de
Haute-Égypte, Pachôme crée sa première commu- Déga à Cheikh Abd-el Gournah, le monastère
nauté près de Nag Hammadi, rapidement suivie d’Épiphane, celui de Cyriaque qui engloba qua-
d’une autre pour les femmes ; à la fin du IVe siècle, tre tombes, le Deir er-Roumi, situé à l’entrée de
Chenouté organise celle de Sohag au Couvent Blanc la Vallée des Reines ; citons encore, sans tendre à
(Deir el-Abyad) 19. l’exhaustivité, le remploi de la tombe de Ramsès
L’anachorétisme qui, outre les moines, IV dans la Vallée des Rois, et celui des tombes 1,
comprenait les semi-ermites, et le cénobitisme 53, 60, 73 dans la Vallée des Reines.
(qui n’a guère survécu à la conquête arabe) ont Les enceintes des temples aussi reçoivent
donné naissance à des laures 20 et à des couvents, en leurs murs des églises, des couvents, des villages
ou « Deir », que les recherches du XXe siècle ont chrétiens ; ainsi naissent les églises de Philae, celle
permis de bien connaître 21. Tous pratiquent, mais de Dendera (près du Mammisi) et celle devant le
avec plus ou moins de rigueur, des règles de vie temple de Khnoum à Esna. Dans la seule région
fort semblables : pauvreté absolue, sacrifice total, de Thèbes-Louxor-Karnak, se succèdent à Deir el-
don de soi au Christ exclusivement et strict céli- Bahari le couvent de saint Phœbamon, à Medinet
bat 22. Quand ces solitaires ne construisent pas Habou l’église dans le temple de Ramsès III et le
leur demeure, ils s’établissent dans des cavités village de Djemê (érigé contre et sur le mur de clô-
naturelles (comme à Naqloun, et dans les environs ture de l’ensemble), le Deir el-Bakit et le Deir er-
d’Antinoé), ou dans les tombes et des hypogées Roumi situés respectivement à l’entrée de la Vallée
d’époque pharaonique 23, ainsi à Beni Hassan où des Rois et de la Vallée des Reines, les monastères de
19 R.-G. Coquin souligne les rapports existant entre le Deir el-Abyad et CIAM à l’Abbaye de Saint-Savin du 29 mai au 1er novembre 1998, avec la
l’église installée dans l’Akh-menou (BIFAO 72, p. 175). collaboration de Cl. Coupry et N. Thierry, Ath, 1998 (= Solidarité-Orient,
20 Les fouilles aux Kellia ont apporté énormément d’informations sur bulletins 206 et 207).
la vie tant matérielle que spirituelle des laures semi-anachorétiques ; cf. 22 Vision succincte, certes, mais approche claire et exacte : R.-G. Coquin,
bibliographie sélective aux notes 22 et 30. Le Monde Copte 21-22 ; R. Kasser, « Saint Antoine et la naissance du mona-
21 Il suffit, pour se faire une idée de leur importance, de parcourir les chisme », MdB 116, p. 37-41, M. Rassart-Debergh, « Dans les ermitages du
deux cents pages que leur consacre The Coptic Encyclopedia, op. cit., sous désert », ibidem, p. 43-57 et Dom L. Regnault, « Écrits et apophtegmes.
les termes « Dayr » (CE 3, p. 695-884 ) et « Monasteries » (CE 5, p. 1645- Une littérature nouvelle », ibid., p. 67-69. Bon résumé aussi dans le dossier
1661), avec bibliographie pour chaque site. Pour les découvertes ultérieures, Chrétiens d’Égypte au 4e siècle. Saint Antoine et les moines du désert, Dossiers
on trouvera des informations et une orientation bibliographique dans les Histoire et Archéologie 133, décembre 1988 et dans l’ouvrage de Dom
actes des congrès de l’International Association for Coptic Studies et dans P. miquel, A. guillaumont, M. rassart-debergh, Ph. Bridel, A. de vogüe,
ceux des « Journées » de l’Association francophone de Coptologie publiées Déserts chrétiens d’Égypte, Les Kellia, Nice, 1993.
dans les Cahiers de la Bibliothèque Copte ; mentionnons aussi deux mises 23 A. Badawy, « Les premiers établissements chrétiens dans les anciennes
au point : E. Wipszycka, Études sur le christianisme dans l’Égypte de l’an- tombes d’Égypte », Tome commémoratif du millénaire de la Bibliothèque
tiquité tardive, Studia Ephemeridis Augustinianum 52, Rome, 1996, et patriarcale d’Alexandrie, Alexandrie, 1953 = Publication de l’Institut d’Étu-
A. Camplani (éd.), L’Egitto cristiano. Aspetti e problemi in età tardo-antica, des Orientales de la Bibliothèque Patriarcale d’Alexandrie 2.
Studia Ephemeridis Augustinianum 56, Rome, 1997. Pour une vision rapide 24 R.-G. Coquin, M. Martin, « Banî Îasan and Speos Artemidos », CE 2,
de l’évolution des décors : M. Rassart-Debergh, Palette égyptienne. De la p. 334-335.
peinture romaine au décor des monastères coptes. Autour de l’exposition du
L’Akh-menou. Status questionis. I. 749
Cheikh Abd-el Gournah et de Gourna Moura’i, le « étaient destinés à recevoir de grands personna-
couvent de Samuel ou Deir el-Gizaz, les cinq églises ges en pied, les intrados des arcs attendaient une
de Louxor, les couvents et églises de Karnak 25. décoration pareille » ; il remarque, après F. Cabrol
Ce remploi, qui n’est pas propre à l’Égypte 26, et H. Leclercq, que cette pratique « a trouvé chez
s’explique aisément par deux raisons qui ne sont en les chrétiens d’Égypte une faveur toute particulière.
rien contradictoires : lorsqu’un lieu était autrefois La présence de pareilles figures « de cinq à six pieds
« sacré », le nouvel occupant bénéficie à la fois des de haut » sur les colonnes des nefs d’Abou Sarga,
avantages d’un édifice existant et de sa sacralité : c’est de la Mo’allaqah, de Mar Girgis, au vieux Caire,
ce que j’appellerais volontiers une sacralité continue. avait déjà […] frappé Butler […]. Abou Salih en
Mais en même temps, il se doit de remplacer l’an- signale à l’église de l’Ange Gabriel à Fostat […].
cienne religion par la sienne, fait que le Père Devos Les fouilles en ont révélé à Saqqarah, à Baouît, à
qualifiait d’exorcisme ; c’est la raison pour laquelle Karnak […] » 29. Le Deir el-Choada nous fournit
je lui ai autrefois dédié, en souvenir de nos longues les dates de 962 et de 1123/24, la peinture la plus
discussions sur le sujet, un article auquel on me per- ancienne du Deir el-Fakhoury est de peu posté-
mettra de renvoyer 27. rieure (1148-9) ; l’abbé Leroy, après avoir comparé
la décoration des couvents d’Esna avec celle des
monastères de Sohag et d’Assouan, conclut qu’elle
est postérieure à l’an mille.
Décors peints dans Les peintures de Karnak étant antérieures,
les églises de couvents les meilleurs exemples sont à chercher dans les égli-
contemporains ses des couvents des Kellia, de Saqqara et de Baouît.
Si les anciennes fouilles exécutées dans le couvent de
Jérémie à Saqqara et dans celui d’Apollon à Baouît
« Lorsque les Coptes prirent possession de la Salle puis celles des ermitages souterrains d’Esna ont
des Fêtes de Thoutmès III pour la convertir en fourni quantité d’informations sur la décoration de
église, leur premier soin fut de couvrir de figures de l’oratoire privé du moine, il n’en va pas de même de
saints les deux rangées centrales de colonnes. C’était celle des édifices communautaires où notre connais-
une coutume usitée uniquement par les chrétiens sance demeure plus que lacunaire. On avait espéré
d’Égypte […] » écrivent H. Munier et M. Pillet 28. que les fouilles menées aux Kellia apporteraient de
De son côté, l’abbé Leroy constate, dans son nombreuses informations, mais du bilan provisoire
étude des couvents du Deir el-Choada et du Deir de l’apport des églises et des édifices communautai-
el-Fakhoury à Esna, que les piliers de ce dernier res, il ressort que la décoration varie d’un édifice à
25 En 1939, le byzantiniste Friedrich Wilhelm Deichmann dressa une 27 M. Rassart-Debergh, « Sacralité continue ou exorcisme chez les
liste qui demeure une base valable : Fr. W. deichmann, « Frühchristliche Coptes », in U. Zanetti et E. Lucchesi (éd.), Aegyptus christiana. Mélanges
Kirchen in Antiken Heiligtümer », JDAI 54, 1939, p. 105-136, sp. « Ägypten d’hagiographie égyptienne et orientale dédiés à la mémoire du P. Paul Devos
und Nubien », p. 122-128 ; notons qu’au n° 41, pour Karnak, il mentionne Bollandiste, Cahiers d’Orientalisme XXV, Genève, 2004, p. 287-313 ; rentré
uniquement des graffiti et des niches sculptées. en 1999, cet article présentait, de manière plus détaillée et avec bibliogra-
26 En 1954, le même auteur a tenté une première synthèse : Fr. W. dei- phie, chacun des sites mentionnés ci-dessus et plusieurs autres.
chmann, « Christianisierung II (der Monumente) », Reallexikon für Antike 28 H. Munier, M. Pillet, Revue de l’Égypte ancienne II, p. 65 qui donnent
und Christentum II, 1954, col. 1228-1241, puis il a repris en partie ce thème comme exemples, en note 2, le monastère de Saint-Jérémie à Saqqara et
dans Die Spolien in der spätantiken Architektur, Munich, 1975 (p. 53-73 l’église de Tinnis.
pour l’Égypte) ; voir aussi M. Milojevic, « Building on the Classical Past: 29 J. Leroy, avec la collaboration de B. Psiroukis et B. Lenthéric, La pein-
1. Retrofit ecclesia : A non-conforming Building Type », Byzantinische ture murale chez les Coptes, I. Les peintures des couvents du Désert d’Esna,
Forschungen XXIV, 1997, p. 343-366 ; A. Esch, « Reimpiego », EAM IX, MIFAO 94, 1975, p. 19 et p. 35 pour les citations ; sur la planche IV sont
1998, p. 876-883 ; G. Cantino Wataghin, « ...ut haec aedes Christo Domino représentés des colonnes de Baouît en A et C, de la Mo’allaqah au Vieux-
in ecclesiam consecretur. Il riuso cristiano di edifici antichi tra tarda anti- Caire en D, et un pilier du Deir el-Fakhoury en C.
chità e alto medioevo », Ideologie e pratiche del reimpiego nell’alto Medioevo,
Spoleto16-21 aprile 1998, Spoleto, 1999, II, p. 673-749.
750 Karnak xii
l’autre et il semble bien que les églises n’aient habi- des Apôtres. Au-dessus de la tête du Christ, une
tuellement pas fait l’objet de recherches iconogra- ouverture en œil-de-bœuf apportait la lumière […]
phiques particulières 30. on voyait encore dans le tympan d’une abside, à
À Saqqara, J. E Quibell identifie trois sanc- peine visible, une vierge portant l’Enfant sur les
tuaires 31 : l’église du Sud (pièces nº 1952 et 1972), bras ; la figure de la mère du Christ était reproduite
la « Main Church » et la « Tomb Church » (pièce seulement en buste. […] Un bloc détaché du mur
nº 1823) ; seuls les deux premiers nous intéressent. et éboulé dans le sable montrait un ange ailé, sous
Le fouilleur mentionne, sans illustration utilisable, la figure d’un jeune enfant, de bonne facture. [... ]
que sur les colonnes en calcaire de l’église du Sud dans le fond de ce collatéral, du côté du narthex,
avaient été peints des rideaux surmontés de roset- on a retrouvé le baptistère isolé du reste de la salle
tes inscrites et que, sur des piédroits, apparaissaient par un petit mur en briques crues. Il avait été éta-
des motifs géométriques. Si les murs de la « Main bli devant une absidiole et se composait d’un puits
Church » avaient totalement disparu, _ et avec eux peu profond et d’un bassin rectangulaire en marbre
leur décoration, _ de nombreuses colonnes avaient blanc ; ce baptistère [... ] est postérieur […]». Pour
gardé des traces de décor. Sur les fûts, _ habituelle- l’église nord, il relève la séduction de l’édifice, « avec
ment en calcaire, _ les motifs étaient parfois gravés ses nombreuses colonnes ornées de figures de saints
au ciseau, mais le plus souvent peints directement (fig. 1262) et ses murs recouverts de peintures […].
sur la pierre ou sur une couche de plâtre. Dans la Sur les colonnes on voit représentés le Christ, la
reconstitution que j’ai tentée, j’y place de bas en Vierge et l’enfant, David roi, saint Georges debout,
haut, des tentures, puis des médaillons, enfin des vêtu d’un costume militaire (fig. 1263); puis les
figures de saint(e)s en pied 32 (pl. XXIV). archanges Michel et Gabriel. Ces quelques peintu-
À Baouît, deux bâtiments sont traditionnel- res peuvent nous donner une idée de ce qu’étaient
lement considérés comme des églises et habituelle- les autres fresques, recouvrant les parois et dont il
ment appelés « église nord » et « église sud » ; notre ne restait que de longues bandes fragmentées ; elles
connaissance des peintures reposait, _ lorsque j’en montrent surtout une grande habileté dans l’exé-
ai tenté une reconstitution 33, _ essentiellement cution et une certaine recherche dans l’expression,
sur les notes données en 1907 par Jean Clédat 34 ; qualités que l’on trouve rarement dans les peintures
pour l’église sud, il indique : « […] dans le chœur de cette époque. Les figures sont traitées largement
était peint le Christ Pantocrator debout entouré et avec ampleur, le dessin est correct, la composition
30 M. Rassart-Debergh, « Les «églises» kelliotes », in M. Rassart-Debergh thèse : H. Leclercq « Chaqqara » (DACL III, 1, 1914, col. 519-558).
(éd.), Études coptes V = Sixième Journée d’études Coptes, Limoges, 18-20 juin 32 M. Rassart-Debergh, « La décoration picturale du monastère de
1993 et Septième Journée d’études Coptes, Neuchatel, 18-20 mai 1995, Cahiers Saqqara. Essai de reconstitution », Acta ad Archaeologiam et Artium
de la Bibliothèque Copte 10, Paris-Louvain, 1998, p. 23-44 ; Eadem, « Bilan Historiam Pertinentia IX (cité ensuite AArAHP), Miscellanea Coptica,
des fouilles aux Kellia : peintures », in S. Emmel, M. Krause, S. G. Richter Rome, 1981, p. 9-124, sp. p. 20-24 et fig. 4.
et S. Schaten (éd.), Ägypten und Nubien in spätantiker und christlicher 33 M. Rassart-Debergh, « Notes sur les églises de Baouît. Une relecture
Zeit. Akten des 6. Internationalen Koptologenkongresses Münster, 20. - 26. du dossier de Clédat », in A. Boud’hors (éd.), Études Coptes VI = Huitième
Juli 1996, I. Materielle Kultur, Kunst und religiöses Leben, Sprachen und Journée d’études Coptes, Colmar 29-31 mai 1995, Cahiers de la Bibliothèque
Kulturen des christlichen Orients 6, Wiesbaden 1999, p. 319-335 ; pour Copte 11, Paris-Louvain, 2000, p. 69-94. Ce travail, présenté lors des
l’interprétation de l’architecture : G. Descoeudres, « Zur Entstehung einer Journées d’études en hommage à Jean Clédat, Périgueux, 18-20 mai 1991 était
Repräsentationhaltung im monastischen Gebet am Beispiel der Kellia », basé sur des photos partiellement inédites qui m’avaient été communi-
ibidem, p. 101-120 ; G. Haeny, A. Leibundgut, Kellia. Kôm Qouçoûr ‘Isa quées par l’IFAO. Les nouvelles fouilles françaises semblent confirmer ma
366 und seine Kirchenanlagen, unter Mitarbeit von R. Kasser (Recherches reconstitution, en multipliant les sujets ; j’espère que les nouveaux décors
Suisses d’Archéologie Copte 5), Louvain, 1999. et surtout leur interprétation permettront de replacer les figures de Karnak
31 J. E. Quibell, Excavations at Saqqara (1907-1908), Le Caire, 1909, p. 4 dans un contexte plus vaste encore et surtout plus précis.
(la « Main Church ») et Excavations at Saqqara (1908-1909, 1909-1910). The 34 J. Clédat, « Baouît », DACL XII, 1907, col. 203-251 ; voir aussi « Bæwît »,
Monastery of Apa Jeremias, Le Caire, 1912, p. 9-12 (les deux autres). Dans Rme CE 2, p. 362-372 ( = R.-G. Coquin, M. Martin, « History », p. 362-363 ;
dom F. Cabrol, R. P. dom Leclercq (éd.), Dictionnaire d’archéologie chrétienne H. G. Severin, « Archaeology, Architecture, and Sculpture », p. 363-367 ;
et de liturgie, Paris, 1924-1953, fut rapidement publié un premier essai de syn- P. du Bourguet, « Paintings », p. 367-372).
L’Akh-menou. Status questionis. I. 751
est agréable, la ligne est souple et élégante à la fois. étudier les sculptures mais ce travail est resté iné-
De nombreux ornements empruntés pour la plu- dit. Quant aux trois églises, R.-G. Coquin notait 38
part à la mosaïque, décorent les soubassements et durant son séjour en 1970 : « Le déblaiement et les
les pilastres […] » 35. restaurations successives ont certes fait disparaître la
À Saqqara comme à Baouît, les colonnes por- plus grande partie des vestiges de la christianisation
taient donc deux types de décors : en bas, des canne- de cet ensemble monumental, mais la salle des Fêtes
lures, des tentures ou des motifs géométriques et, en de Thoutmosis III, le temple d’Aménophis II, ceux
haut, des figures (Christ, Vierge, archanges, saints de Khonsou et d’Opet gardent encore quelques tra-
parmi lesquels des cavaliers, personnages de l’An- ces qui ne sont pas dénuées d’intérêt ».
cien Testament). Une même répartition se retrouve Nous avons, pour chacun de ces lieux, véri-
sur les parois de l’oratoire et du vestibule des cellules fié et retrouvé la totalité des vestiges mentionnées
des Kellia, de Saqqara, de Baouît. C’est un schéma par nos prédécesseurs 39, puis nous les avons photo-
analogue que l’on voit dans l’Akh-menou. graphiés et documentés. S’y sont ajoutées des trou-
vailles fortuites, par exemple des bateaux et des res-
tes d’inscriptions tant dans la cour dite « du Moyen
Empire » que contre le sanctuaire de la barque
Karnak chrétienne sacrée. Une liste exhaustive sera publiée ultérieure-
ment, nous nous cantonnerons ici aux peintures de
l’Akh-menou.
Les sources et les vestiges archéologiques concor- La monographie de J.-Fr. Carlotti com-
dent pour y placer trois monastères et trois égli- mence par une judicieuse présentation de l’Akh-
ses 36 ; le premier monastère engloba le premier menou à travers, d’une part, les récits des voyageurs
pylône ; le second et le troisième prirent place et les photographies du XIXe s., et d’autre part, les
respectivement entre le septième et le huitième premiers sondages et fouilles, puis les travaux de
pylône, et entre le neuvième et le dixième. Lorsque restauration et de consolidations entre 1985 et la
M. Pillet et H. Munier se penchèrent sur eux, ils remise du manuscrit. Ce rappel est particulièrement
constatèrent que « Si les vestiges laissés à Karnak bienvenu ; je souhaite reproduire maintenant quel-
par les sanctuaires chrétiens sont bien minimes, ques descriptions des décors de l’édifice chrétien qui
ceux des trois monastères les plus apparents sont seront utiles par la suite.
moindres encore […] » 37 ; au moment de notre Une des premières visions complètes est
étude, subsistaient en place quelques niches celle du père Michel Jullien, de la Compagnie de
sculptées et, dans les réserves, le matériel trouvé Jésus qui, dans les années 1880, sillonnait l’Égypte
au cours des déblaiements et durant les sondages ; à la recherche des traces d’un christianisme vivant
Fabienne Dufey avait commencé à inventorier et ou disparu 40. Toutefois, ce recteur du collège de la
35 Depuis ma communication à Périgueux, en mai 1991, « Le programme 37 H. Munier, M. Pillet, Revue de l’Égypte ancienne II, sp. « Les habita-
peint dans les églises de Baouît » aux Journées Jean Clédat (supra, n. tions ou couvents chrétiens », p. 74-88, p. 74 pour la citation.
33), les documents alors inédits du fouilleur ont été publiés : J. Clédat, 38 R.-G. Coquin, BIFAO 72, p. 169 pour la citation.
Le monastère et la nécropole de Baouit. Notes mises en œuvre et éditées 39 Cf. les travaux de H. Munier et M. Pillet puis de R.-G. Coquin men-
par D. Bénazeth et M.-H. Rutschowscaya, avec des contributions de tionnés aux notes 1 et 2, et les graffiti publiés à sa fig. 115 par M. Pillet,
A. Boud’hors, R.-G. Coquin, É. Gaillard, MIFAO 111, Le Caire, 1999, Thèbes, Karnak, Louqsor, Paris, 1928, sp. le chapitre XVI « Thèbes chré-
photos 172-209 ; ces photos n’ont pas été commentées par les éditeurs ; tienne », p. 143-148.
on y retrouve _ mais avec une illustration d’une qualité supérieure _ les 40 ll a régulièrement rendu compte de ces visites dans les fascicules de la
personnages que j’évoquais dans ma tentative de reconstitution. revue Les Missions catholiques et dans Les Études des pères jésuites. Près de
36 Dernière mise au point : J. Jacquet, « Karnak in the Christian deux siècles plus tôt, les pères cordeliers venus pour enseigner aux Coptes
Period », CE 5, p. 1392-1394 ; voir aussi la vision des visiteurs du site dans avaient noté « une église de Chrétiens puisqu’on y voit encore aujourd’hui
Cl. Traunecker, J.-Cl. Golvin, Karnak, op. cit. et sp. p. 29-32 « Karnak les Images du Sauveur, de la Vierge et des Anges, peintes à la grecque. Ils
chrétienne ». appellent cet endroit-là Sameavegenium, c’est-à-dire le Ciel étoilé [...] elle
752 Karnak xii
Sainte Famille au Caire, lors de sa visite à Karnak en le fût, donnent un aspect singulier. Ces colonnes
1884, est plus impressionné par les édifices pharaoni- furent décorées de figures de saints aujourd’hui à
ques que par les vestiges chrétiens ; aussi, alors qu’il peine reconnaissables. J’ai pu cependant lire le nom
s’extasie, par exemple, sur la « salle des colonnes », la de l’un de ces personnages : Apa Schnudi, un célè-
qualifiant de « huitième merveille du monde », il ter- bre moine du couvent Blanc, près Sohag, mort en
mine ainsi sa description du site : « De même qu’à 452, que les schismatiques coptes se sont approprié
Louqsor, le christianisme s’était réfugié à Karnak et dont ils ont fait un saint. On reconnaît encore
durant les premières persécutions. Des anachorètes sur ces colonnes les cavités enfumées où l’on pla-
y vécurent aussi. On y retrouve en effet çà et là des çait les lampes, et sur les murailles les rainures où
peintures religieuses mêlées aux hiéroglyphes anti- s’engageaient les cloisons. L’autel était au fond de
ques » 41. Il s’y intéresse d’avantage quand, dans un la nef centrale, contre le mur du nord » et il passa
long article paru en 1902, il commente : « Les res- aussitôt à « la Thèbes funéraire […] ». C’est, à ma
tes du culte chrétien que nous rencontrons dans les connaissance, une des premières « descriptions » de
grands temples de la haute Égypte […] » 42 ; il expli- la décoration. Dom H. Leclercq la recopie en partie ;
que ainsi son choix de se cantonner à cette région il écrit : « Le promenoir de Thoutmès III, où se trou-
« car, des temples de la basse Égypte, il ne reste que vait la seconde église, est une longue salle divisée en
des débris informes et peu nombreux […] ». Après plusieurs nefs par des colonnes, auxquelles les cha-
avoir discouru sur l’éventuelle responsabilité des piteaux, en forme de cloche coiffant le fût, donnent
chrétiens dans la destruction d’édifices païens, il un aspect singulier. Ces colonnes furent décorées de
décrit successivement les constructions chrétiennes figures de saints aujourd’hui à peine reconnaissables.
de Dendera, de Louxor, de Karnak et de la Thèbes Il y a quelques années, un nom était encore lisible,
funéraire : « […] Les temples de Karnak, situés à celui d’Apa Schenouti, l’abbé de Deir el-Abiad
une demi-heure de Louksor, nous offrent encore […]. On reconnaît encore sur ces colonnes les cavi-
deux églises. L’une dans le gracieux temple du dieu tés enfumées où l’on plaçait les lampes, et sur les
Khon-sou, l’autre dans le vaste édifice appelé le murailles les rainures où s’engageaient les cloisons
Promenoir de Thoutmès III, faisant suite au grand (fig. 4003). L’autel était au fond de la nef centrale,
temple d’Ammon. De la première il reste peu de tra- contre le mur du nord » 43.
ces, depuis les réparations exécutées dans le temple, Parmi les autres mentions de la décora-
seulement quelques croix sculptées […], les noms tion, je relèverai celles de Georg zu Sachsen 44. La
Petros, Paulos […]. Le promenoir de Thoutmès note publiée en 1914 relatant ses visites de 1910 et
III, où se trouvait la seconde église, est une longue 1912 est très brève : « In Karnak war einst die Halle
salle divisée en plusieurs nefs par des colonnes, aux- Thutmosis’III. als Kirche eingerichtet. Auf den
quelles les chapiteaux, en forme de cloche coiffant Säulen sind davon noch Fresken erhalten. Einen
sert présentement d’écurie aux Arabes » (Cl. Traunecker, J.-Cl. Golvin, cultes païens n’ont laissé que peu de vestiges d’ordre monumental en Basse-
Karnak, op. cit., p. 70). Égypte, comparativement à ce qui a dû exister. Dans la Haute-Égypte, le
41 R. P. M. Jullien, « Notes sur la Haute-Égypte. II. Les ruines de Thèbes », culte chrétien s’est installé parfois dans les temples désaffectés, mais avec
Les Missions catholiques, n° 767 -15 février 1884, p. 83-85 (« Ruines du grand une certaine discrétion [...] » (col. 2558 pour la citation). Il aborde le même
temple de Karnak ») et nº 768-22 février 1884, p. 94-95 (cit. extraites de sujet dans l’article « Paganisme », DACL XIII, 1, 1937, col. 241-375, sp. dans
la p. 95). les chapitres traitant de la transformation des temples en églises et de leur
42 Idem, « Le culte chrétien dans les temples de l’ancienne Égypte », Les destruction (col. 360-367) ; il y rappelle : « en Égypte, il y eut beaucoup
Études XCII, 1902, p. 237-253, (p. 237 pour la première citation, p. 246 de temples détruits. Le célèbre Apa Schenoudi s’employa souvent à provo-
pour la seconde). Voir aussi les commentaires de H. Munier, « Les monu- quer des expéditions dans ce but [...] » (col. 365).
ments coptes d’après les explorations du Père Michel Jullien », BSAC 6, 44 J. G. Herzog zu Sachsen, Streifzüge durch die Kirchen und Klöster
1940, p. 141-168. Ägyptens, Leipzig-Berlin, 1914, description p. 53 et Neue Streifzüge durch die
43 H. Leclercq, « Égypte », DACL IV, 2, 1921, col. 2401-2571 ; il s’est sou- Kirchen und Klöster Ägyptens, Leipzig-Berlin, 1930, p. 28-29 et fig. 75-78.
vent inspiré des descriptions du Père Jullien, se penchant, comme lui, sur 45 Sa légende globale « Fresken in der Halle Thutmosis III. in Karnak »
les « Temples désaffectés » de la Haute-Égypte (col. 2455-2471) car « Les n’est malheureusement pas explicite ; je serais toutefois tentée de reconnaî-
L’Akh-menou. Status questionis. I. 753
Heiligen kann man leidlich gut erkennen. Ein ande- des figures peintes, à l’aide d’une couche de vernis
rer ist sehr zerstört. Von Ornamenten oder gar von déposée au vaporisateur. M. H. Munier voulut bien
dem Altar ist nichts mehr zu sehen. Es wäre das aber les relever et les étudier, tandis que je récoltais moi-
von grossem Werte gewesen. Auch einige Inschriften même, un peu partout dans les ruines, des débris
sind erhalten ». Après avoir revu les lieux en 1928, et des inscriptions d’époque chrétienne » 47. Même
il s’attarde à les décrire et reproduit même quatre si les informations sont minimes, on peut penser
des colonnes peintes 45. « Auch von den Fresken in que, des échafaudages installés pour les réfections,
der Halle von Thutmosis III., die einst Kirche war, H. Munier a vu de près les décors ; la longue syn-
habe ich in meinem Buch eine kurze Notiz gegeben. thèse où peintures et inscriptions ornant les colon-
Wir haben sie namentlich 1928 sehr genau unter- nes sont décrites sera donc le point de départ de
sucht. An sechs Säulen befinden sich Fresken, die notre travail. Rappelons que H. Munier et M. Pillet
Heilige darstellen (Abb. 75-78). An einigen sind indiquent alors que « Le Père Jullien […] fait erreur,
sogar mehrere zu erkennen. Die Köpfe sind noch croyons-nous, en plaçant l’autel contre le mur du
gut erhalten, zum Teil auch die Figuren. Ich schätzte Nord. D’après les rainures que les chrétiens taillè-
sie auf VI. Jahrhundert. Als nächste Verwandte rent dans les colonnes antiques, on peut juger que
erscheinen mir die Heiligen in den Steinbrüchen l’emplacement du chœur était au sud, avec l’iconos-
von Deir Abu-Hennes, die ich etwa 530 ansetzen tase venant s’appuyer aux troisièmes et quatrième
möchte […] » ; après avoir comparé les peintures de colonnes de chaque travée, en partant du sud […].
Karnak et celles du Deir Abou-Hennis, il indique L’unique saint qui orne le fût des colonnes 3 et 4
la présence d’inscriptions où il reconnaît le patriar- de chaque travée, vers le centre de l’édifice, mar-
che Sévère d’Antioche « der als Verbannter 512 hier que bien l’emplacement du sanctuaire chrétien
starb […] », ce qui l’amène à attribuer la représenta- […] » 48. C’est également l’avis de R.-G. Coquin ;
tion à 520-530, date qu’il assigne aux saints du Deir pour ces trois chercheurs, le chœur serait donc au
Abou Hennis ; puis il donne les notes du professeur sud-ouest. Outre qu’une telle orientation est peu
Sauer 46 qui, sur les colonnes, a pu lire « saint », « de courante, Jean-François Carlotti fait remarquer
saint Sévère archevêque d’Antioche » [= I 9b], et qu’on pénètrerait alors dans l’église par le chœur ;
« du saint abbé Antoine anachorète, le premier père » il rejoint donc volontiers la présentation décrite par
[= I 10a], ainsi que « Schenudi » ; il conclut « Wie die le Père Jullien. Cette vision me séduit assez et peut
Kirche aussah, ist leider nicht mehr zu sagen : Die se défendre tant par d’autres exemples que d’un
einzige Spur sind Reifen an zwei gegenüberstehen- point de vue iconographique. Nous y reviendrons
den Säulen, die man dahin deuten könnte, dass hier dans l’essai de reconstitution et d’interprétation qui
einst Chorschranken waren ». tiendra lieu de conclusions provisoires. Lorsqu’en
En 1925, H. Munier et M. Pillet sont à mars 1970, R.- G. Coquin se penche sur l’édifice et
Karnak ; dans sa description des travaux qui y les « inscriptions à peu près illisibles », il commente
sont faits, M. Pillet mentionne pour l’Akh-menou : ainsi les peintures : « Les Coptes avaient recouvert les
« Plusieurs linteaux […] furent remontés. […] colonnes de fresques représentant différents saints,
L’étude des colonnes révéla que beaucoup d’inscrip- dont le nom et les qualités étaient indiqués par
tions coptes subsistaient encore, souvenir de l’éta- une inscription placée de part et d’autre de la tête
blissement d’une église dans cette partie du temple. du personnage. Elles sont aujourd’hui à peu près
Elles furent préservées et ravivées, ainsi que les restes complètement effacées […] En 1925, Pillet pensa
tre la scène du baptême sur la fig. 77 ; je me demande en outre si la figure 47 M. Pillet, « La salle des fêtes de Thoutmès III », ASAE XXV, 1925, p. 10 ;
70, intitulée « Fresko im Tempel von Luxor », ne montre pas plutôt l’Akh- il ne fournit guère plus d’information sur les personnages dans Thèbes, op.
menou, plus précisément les colonnes 4 et 3 de la travée orientale. cit., p. 146-147.
46 Voir aussi l’extrait cité infra, p. 767. 48 H. Munier, M. Pillet, Revue de l’Égypte ancienne II, p. 65.
754 Karnak xii
49 R.-G. Coquin, BIFAO 72, p. 173. de Philologie et d’Histoire Orientales et Slaves 25 [Univ. Libre de Bruxelles],
50 C’est d’ailleurs ce qui a causé la disparition de nombreuses peintures 1981, p. 79-113.
coptes, les voyageurs et les premiers égyptologues (amateurs ou savants) 51 Contrairement à ce qui s’est fait dans nombre d’autres édifices, par
n’hésitant pas à les détruire pour voir et étudier les vestiges d’époque pha- exemple dans l’église implantée dans le temple d’Isis à Philae : P. Nautin,
raonique ; ces traces d’un lointain christianisme, considéré parfois comme « La conversion du temple de Philae en église chrétienne », Cahiers
hérétique, souvent comme laid et peu intéressant, ne méritaient pas le Archéologiques 17, 1967, p. 1-43.
moindre respect : M. Rassart-Debergh, « L’Égypte chrétienne telle qu’elle 52 On en voit par contre de fort belles dans les pylônes (par ex. les VIIIe et
a été vue par les voyageurs au début du XIX s. », Annuaire de l’Institut
e
IXe), comme dans les réserves et sur les anciennes photographies.
L’Akh-menou. Status questionis. I. 755
jusqu’à leurs pieds. La hauteur de ces personnages liturgiques (orarion, phelonion et omophorion), mais
est en moyenne de 1m.50. Les inscriptions que l’on l’état des peintures interdit dans la plupart des cas
avait peintes sur plusieurs lignes près de la tête du toute certitude. R.-G. Coquin considérait que l’habit
saint sont moins dégradées » 53. monacal avait « été plutôt fantaisiste au début […]
Par ses travaux de nettoyage, D. Le Fur a fait une tunique de lin à manches courtes, une « cuculle »,
(ré)apparaître des vestiges chrétiens qui avaient par- sorte de manteau court, pourvu d’un capuchon, un
tiellement disparu 54. Par quatre fois, il a noté, sur autre manteau court, l’« askim » vêtement distinctif
les architraves supérieures, des restes de peintures : du moine dont la forme a dû varier, une « méloté »,
face à ses colonnes 9 (= col. 5 ouest), 12 (= col. 6 est) espèce de manteau destiné aux voyages. Il semble
et 19 (= col. 10 ouest) ; seule la première était encore que certains aient eu un « analobos » (sorte de scapu-
clairement visible : une croix peinte en rouge à l’in- laire, qui serait tombé en désuétude) » 56.
térieur d’un hiéroglyphe. Sur la face nord-est de la H. Munier et M. Pillet mentionnent (p. 66),
col. 3 ouest, il découvre des restes inédits « […] une sur le haut des troisièmes colonnes, la « frise d’en-
représentation très fragmentaire (pl. 92), dont les trelacs qui n’existe que là » et distinguent « vers le
détails apparaissent à gauche du nimbe, pourraient Nord, des traces de peinture où l’on reconnaît un
correspondre à l’angle d’un trône […] » ; sur la face saint auréolé. Il n’y en a qu’un seul, tourné vers le
est de l’avant-dernière colonne de la travée orien- Nord, c’est-à-dire vers l’autel chrétien ». C’est exact
tale, il place un archange. Il signale en outre l’appa- et c’est à juste titre qu’ils remarquent qu’une frise
rition d’une « liste d’archimandrites sur la colonne répond sur la face sud des quatrièmes colonnes à
11cl sud-ouest (pl. 92), énumération similaire à celles des colonnes précédentes.
celle déjà signalée sur la colonne 12 cl sud-est par
W. Jowett en 1824 » 55. Colonne 3 ouest (pl. XXIII a)
Les deux premières colonnes occidentales
étaient arasées à mi-hauteur ; les suivantes, expo- — D1: face nord-est (pl. II) a : tresse perlée (déjà
sées aux intempéries par l’absence de toit, n’ont mentionnée par nos prédécesseurs), aux brins carrés
gardé que fort peu de couleurs ; celles de la colonne et très serrés ;
orientale sont quelque peu réapparues dans la partie — b : en dessous sont apparus après les restaura-
supérieure, surtout le rouge foncé. C’est donc à par- tions, outre l’auréole mentionnée par H. Munier et
tir des troisièmes colonnes que commencera cette M. Pillet, une forme géométrique et, entre les deux,
description (col. 5 et 6 de D. Le Fur). l’abréviation pour « sainte » souvent attribuée à la
Partout, les personnages sont situés tout en Vierge Marie (I 1a). Les restes que D. Le Fur qualifie
haut des colonnes, leurs auréoles sont à la limite du (p. 178) de « représentation très fragmentaire […] »
chapiteau ; leur bassin se trouve à hauteur de la par- qui pourrait « correspondre à l’angle d’un trône
tie supérieure du serekh ; d’une hauteur d’environ (Christ en majesté ?) » me paraissent trop impor-
1,50 m, ils n’ont que très rarement été conservés plus tants pour être la partie droite du dossier d’un trône
bas que la taille. Tous semblent porter tunique et sur lequel on représente en effet soit la majestas
manteau ; on devine parfois l’existence d’éléments Domini, soit la Vierge et plus rarement un fondateur
53 H. Munier, M. Pillet, Revue de l‘Égypte ancienne II, p. 65-66. 56 R.-G. Coquin, Le Monde Copte 21-22, p. 19 ; voir aussi N. Gourdier,
54 D. Le Fur, Conservation, op. cit., p. 178 et fig. 90. « Rite et vêtures d’Égypte, l’habit et son histoire », ibidem, p. 61-69. Bien
55 La liste d’archimandrites que H. Munier et M. Pillet (op. cit., p. 87) qu’il envisage une période postérieure, le travail de K. Innemée sera
disent ne pas avoir vue mais qui leur fut communiquée par Crum a été de grande utilité au lecteur grâce à une illustration fort claire et com-
étudiée par R.-G. Coquin, BIFAO 72, p. 174-175 ; voir É. Carnot, infra, plète : K. C. Innemée, Ecclesiastical Dress in the Medieval Near East, in
p. 799, I 5b et I 5c, . G. Vogelsang-Eastwood (éd.), Studies in Textile and Costume History 1, sp.
p. 15-60 et 91-128.
756 Karnak xii
de couvent ; à mon sens, ils appartiennent plutôt à chrétienne, qui mesure 1m,155 de hauteur totale et
une construction, évocation d’un édifice auquel 0 m,40 de largeur. […] Le saint mentionné ici est
correspondra celui qui accompagne Kolouthos sur le martyr Colluthus qui fut exécuté à Antinoé, par
la colonne suivante (pl. III). le gouverneur Arrianus, sous l’empereur Maximien,
et vénéré dans différents sanctuaires de la Thébaïde
Colonne 3 est (pl. XXIII a) […] ».
L’inscription (I 2) était presque intacte ;
— D2 a : sur la face nord-ouest , une tresse répond à elle relie le saint et l’édifice qui est tel que décrit.
sa voisine mais elle est plus abîmée et les brins qui la Kolouthos est conservé jusqu’au bas de sa tunique
composent sont plus lâches et arrondis ; couverte d’un manteau ; il a ramené la main droite
— b : en dessous, outre le haut d’une auréole, sub- sur la poitrine (la gauche n’était plus visible). Je
sistent quelques traces d’un vêtement (un trait, du serais tentée d’interpréter la « basilique chrétienne »
côté gauche, arrondi en haut suivi de droites paral- comme l’édifice élevé en son honneur ; la « colonne
lèles) et les restes d’une main que rien ne rattache au peinte » peut en faire partie; on pourrait aussi voir
personnage ; plus troublant encore quelques traits dans cet élément vertical et dans celui qui lui fait
que, sans nous concerter, É. Carnot et moi-même face, de l’autre côté du saint, les montant du siège
avons reproduit de la même manière : une hori- de Kolouthos. Je reviendrai plus tard sur cette
zontale avec en parallèle un motif en dents de scie interprétation ;
reliés par des courbes ; il ne semble pas que ce soit — face sud-est : motif de tresse répondant à celui
un attribut que porte le saint. On peut penser à un de la colonne 3, sans aucune trace de peinture en
élément du vêtement, les plis du manteau passant dessous.
devant la tunique, les verticales étant une sorte de
clavus ou encore à ce linge qui parfois voile, en signe Colonne 4 est (pl. XXIII a)
de respect, les mains d’un archange ou d’un person-
nage important s’approchant de la divinité. Il n’est — D4 face nord (pl. IV) : H. Munier et M. Pillet
guère possible, vu l’état de la peinture, d’établir un ne décrivent pas (p. 71) le baptême qui est illustré
lien entre la main et les restes de vêtement mais il ne par leur figure 5, mais de manière incomplète, au-
semble pas que la scène se soit étendue au-delà des dessus du texte et du commentaire de l’inscription;
rainures qui l’enferment. D. Le Fur a assigné deux flèches à cette dernière
mais il s’agit d’un seul ensemble (I 3). La première
Colonne 4 ouest (pl. XXIII a) ligne mentionne simplement le nom de saint Jean-
Baptiste écrit de part et d’autre de l’auréole du saint;
H. Munier, M. Pillet puis R.-G. Coquin s’accordent à gauche de sa tête, se lit un texte très fragmentaire
pour considérer que seule la face septentrionale fut que H. Munier et M. Pillet reconstituent en « Voici
décorée et que la peinture occupe un grand espace. l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ». À
— D3 face nord (pl. III) : H. Munier et M. Pillet sa gauche, une sorte de cône se referme vers l’ins-
décrivent ainsi la peinture (p. 66-67) illustrée par cription, sans toutefois l’entourer complètement ;
leur figure 4 : « […] un saint nimbé ; à sa droite, se en dessous, se trouvait un petit personnage dont
trouve une sorte de colonne peinte et, un peu plus ne subsistait qu’une main tendue vers un autre,
loin, à droite du saint, s’élève un petit édifice sur- plus grand. De ce dernier, on voit encore le visage
monté d’un haut fronton triangulaire au sommet auréolé, des fragments du vêtement et une main
duquel est une croix. touchant presque celle de son compagnon; à l’est,
À l’angle inférieur droit de ce fronton est quelques traits évoquent un paysage.
attachée une palme et le milieu du fronton s’orne Le peintre a rendu maladroitement les ges-
des deux lettres IV (abréviation pour Jésus), enfin tes du Christ et de Jean-Baptiste. L’iconographie
une petite porte s’ouvre au milieu de la façade médiévale (par exemple au Deir el-Fakhoury ou
de cette représentation primitive d’une basilique au haikal de Benjamin à Saint-Macaire) montre
L’Akh-menou. Status questionis. I. 757
Jean-Baptiste barbu, de longs cheveux épars sur ses Colonne 5 est (pl. XXIII b)
épaules, tenant sur sa poitrine un disque renfermant
l’image de l’Agneau divin 57. L’autre iconographie Comme sur la colonne occidentale, quelques traces
que l’on rencontre à Akhmim et par deux fois à sont réapparues après les travaux de D. Le Fur ; il
Baouît, représente saint Jean touchant, de la main indique trois peintures, déjà bien effacées lors de
droite, le Christ ; ce dernier, de plus petite taille, se notre première mission (= sa col. 10).
tient debout dans l’eau ; dans la chapelle XXX de — D7 face nord : auréole encore assez bien visible ;
Baouît, il lève les bras en orant. Le « cône » pourrait plus aucun vestige d’inscription ;
être la projection de l’eau et de la berge; le Christ — D8 face ouest : surmontant le serekh, tout en
debout dans le fleuve lèverait la main (comme un haut dans le rouge, une forme ovale qui pourrait
orant ?) vers le Baptiste. La position des mains est correspondre à une auréole ;
particulièrement malhabile ; — D9 face nord-ouest : à la même hauteur qu’à
— face sud-ouest : motif de tresse répondant à l’ouest, fantôme d’une auréole.
celui de la colonne 3; il n’y a aucune trace de pein-
ture en dessous. Colonne 6 ouest (pl. XXIII b)
Colonne 5 ouest (pl. XXIII b) — face nord : tout à fait au nord, sur le blanc cou-
vrant le rouge d’époque pharaonique, quelques traits
Selon H. Munier et M. Pillet, il n’y a ni décoration, appartiennent sans doute à une inscription disparue,
ni inscription sur les cinquièmes colonnes des tra- tout comme le personnage qu’elle accompagnait : la
vées ouest et est ; on y a toutefois relevé çà et là de place existe mais nous n’avons décelé qu’une ombre
très maigres traces postérieures au pharaonique, tout à hauteur de la réparation ;
comme sur l’architrave qui leur fait face à l’ouest ; — D10 face nord-est : du nord vers l’est, subsis-
— D 5 : en face de la colonne, restes rouge foncé sur tent quelques traces inidentifiables, une auréole et
l’architrave (une croix ?) indiqués par D. Le Fur sur l’épaule gauche (avec quelques traits du vêtement)
son plan de la figure 90 (pl. I) ; d’un personnage puis une inscription (I 4a) ; celle-ci
— D 6 face nord : les traces minimes qui sont appa- semble placée dans un cadre, qui touche l’auréole
rues après le nettoyage figurent chez Le Fur. Tout en (pl. V) ; selon H. Munier et M. Pillet elle permettait
haut, quelques traits évoquent l’ovale d’un visage d’identifier le personnage comme « saint Panégyris
surmonté d’un bandeau ; à hauteur de la partie le Persan Martyr » (p. 67) ;
supérieure du serekh, quelques traits sombres rap- — faces est et sud-est : l’inscription (I 4a) sur-
pellent les plis d’un vêtement ; on note encore à plombe le serekh pharaonique. Suit, de l’autre côté
l’est une courbe (une aile ?). Aucune inscription ne de la cassure, une nouvelle inscription (I 4b) iden-
l’identifie, mais on voit, en haut à la gauche du per- tifiant saint Mercure (pl. VI) dont ne restent que
sonnage, après la courbe, des traits qui pourraient deux traits minuscules suivis de deux obliques (?) ;
être les restes d’un texte. H. Munier et M. Pillet plaçaient erronément cette
inscription sur la face occidentale de la colonne :
les photos du Cfeetk prises à une même hauteur
montrent que les inscriptions I 4a et I 4b étaient
situées de part et d’autre de l’entaille supérieure
(pl. V, à gauche et pl. VI, à droite) ;
57 M. Rassart-Debergh, « Le baptême du Christ dans l’art », Le Monde du baptême chez les Coptes. Voir aussi P. du Bourguet, « Baptism of Jesus »,
Copte 13, 1988, p. 17-22 ; la revue avait consacré tout son volume au thème CE 2, p. 529-530.
758 Karnak xii
— D11 face sud : une auréole, presque complète, Colonne 6 est (pl. XXIII b)
surmonte un visage ; à hauteur du torse et de la
taille, quelques traits du vêtement, et un peu plus H. Munier et M. Pillet mentionnent (p. 71), mais
bas, _ là où normalement se situe soit le livre soit sans les situer, cinq lignes de quelques lettres, res-
un parchemin déroulé que tient le saint personnage, tes d’une inscription ; en 1995, É. Carnot nota les
_ on voit des traces de lettres et plus bas encore un vestiges de deux inscriptions (I 5a et I 5d) dont la
texte d’une ligne (I 4c) ; Le Fur indique d’une flèche seconde avait totalement disparu fin 1997, lors de
et de la mention « To : texte mis au jour » à la fois notre dernier contrôle (infra, p. 799-800).
cette inscription et le texte (I 4d) situé plus bas, légè- — face nord : une petite croix en noir sur un rond
rement à l’ouest (col. 11, sur la pl. I) ; blanc de badigeon est encadrée par deux auréoles:
— D12 face sud-ouest : doubles cercles indiquant j’ignore si elle se rapporte à un texte ou à un motif
une auréole ; plus bas, çà et là, quelques traits évo- disparu ou encore si elle « bénit » la colonne 58 ;
quent un vêtement disparu ; à hauteur des pieds est — D14 : à gauche de la petite croix (donc légère-
réapparue une liste d’apa que D. Le Fur (p. 178) ment vers l’ouest), des courbes parallèles dessinent
qualifiait de « énumération similaire à celle déjà une auréole que précédent quelques traits (inscrip-
signalée […] par W. Jowett en 1824 […] ». Cette tion ?) ; à l’intérieur du nimbe, É. Carnot avait noté
inscription (I 4d) est reproduite par É. Carnot, infra, en 1995, très clairement, une forme géométrique
p. 799 et fig. 1. que j’interprétais alors comme la branche latérale
— D13 face ouest (pl. VII) : l’auréole et le visage d’une croix encadrant un visage ; un nimbe cruci-
qu’encadre une chevelure sombre sont ici bien visi- fère désignerait le Christ tel qu’on l’a vu sur une
bles (l’œil et le sourcil gauche, comme le cou et le des colonne de Baouît 59 ; en 1997, ce motif s’était
col du vêtement étaient conservés) ; parallèle au fortement estompé, j’en ai néanmoins tenu compte
corps disparu, une ligne se courbe, en haut, près de sur la reconstitution (pl. XXIII b) ;
l’auréole et redescend (une aile ?). Vers le nord, mais — D15 face nord-est (pl. VIII) : à droite de la
plus bas, on notait encore en 1995 une petite croix petite croix septentrionale, apparaissent successive-
inscrite dans un cercle. ment, en allant vers l’est, une seconde auréole, puis
Des deux saints martyrs, Panégyris (ou deux lignes de deux lettres, restes d’une inscription
Panékyros) et Mercure, que mentionnent H. Munier (I 5a), enfin deux grandes obliques parallèles ; on
et M. Pillet, il ne restait donc que des bribes de peut penser à la haste d’une croix, à une lance, à
leurs deux noms et l’auréole du premier (pl. V). un bâton mais j’ignore à quel saint il conviendrait
D. Le Fur indiquait par ses flèches trois inscriptions de les relier ;
(dont une apparue après ses travaux) et quatre nim- — D16 face sud : plus rien d’identifiable de la pein-
bes ; tout avait survécu. Identifier le dernier person- ture que signale la flèche méridionale sur la fig. 90
nage (D 13) n’est guère aisé ; on peut penser à un de D. Le Fur (col. 12), mais il y a la place pour un
ange dont subsisterait une aile (il y a la place pour personnage, tout comme à l’est ;
une seconde) ou à un militaire dont on verrait le — D17 face sud-ouest : le haut d’une auréole
bouclier ; rien n’autorise un choix. Pour la totalité (trace blanc-jaunâtre) et deux petites obliques (ves-
des décors et des inscriptions, voyez la reconstitu- tiges du manteau) surmontent la première colonne
tion en «déroulé» : É. Carnot, infra, fig. 1 de l’inscription (I 5c) ; un peu plus à l’ouest, se voit
la seconde, la liste des apa archimandrites (I 5b). On
se rappellera que ce texte qui leur avait été commu-
niqué par W. E. Crum n’avait pas été retrouvé par
58 Sur la fonction de certaines croix : P. Nautin, Cahiers Archéologiques 17, 59 Cf. supra, p. 6-7.
p. 24.
L’Akh-menou. Status questionis. I. 759
H. Munier et M. Pillet (p. 87), mais qu’il avait été un livre ou un rouleau. À sa droite, une inscription
édité par R.- G. Coquin, qui écrit « […] faite à la (I 6c) l’identifiait, si l’on en croit H. Munier et
peinture rouge, elle comprend deux parties : une M. Pillet, comme étant l’abbé Pidjimi qui vécut en
liste de supérieurs du monastère […] et un peu à Thébaïde (p. 68) ;
droite de cette énumération, mais commençant plus — D21 face sud-est (pl. XI) : son compagnon
bas, un memento de la même main, dont malheu- est, lui aussi, bien conservé ; une auréole entourait
reusement il ne subsiste que peu de choses » 60 ; son visage à la barbe et à la chevelure sombres ; de
— D18 face ouest : auréole (trace blanche) juste au- son vêtement descendant jusqu’à des pieds chaus-
dessus du serekh. sés, émergeait son bras droit, ramené sur la poitrine.
Les flèches de D. Le Fur indiquent sur l’ar- H. Munier et M. Pillet proposaient, avec réserve,
chitrave inférieure qui fait face à cette colonne deux d’y voir saint Apollonios d’Alexandrie ; lacunaire
décors ; nous n’avons rien retrouvé d’identifiable. de leur temps, l’inscription n’a pas été rendue plus
apparente par les travaux de D. Le Fur ; il n’en res-
Colonne 7 ouest (pl. XXIII b) tait que des bribes de lettres sur la face méridionale
de la colonne (I 6d). Toutefois, le rapprochement
D. Le Fur place sur cette colonne (son nº 13) six avec un saint martyrisé à Antinoé est vraisemblable
personnages (nous n’en avons retrouvé que cinq) et, puisqu’une autre figure de ce lieu, Kolouthos, est
jouxtant leurs auréoles, quatre inscriptions, l’une mise en valeur sur la colonne 4 ; en outre, nous ver-
encadrant la tête du saint (cf. É. Carnot, I 6b, infra, rons par la suite qu’existent également des parallèles
p. 800). avec les peintures du Deir Abou-Hennis ;
— face nord : au niveau du sol (les pieds conser- — D22 face sud-ouest : du saint suivant ne sub-
vés de deux personnages permettent de tracer une sistait qu’une trace partielle de son auréole ;
ligne de sol imaginaire) de petits cônes s’emboîtent — D23 face ouest : plus rien n’avait survécu de la
comme pour dessiner un tronc d’arbre : au couvent peinture que signale D. Le Fur (fig. 90) ;
de Saqqara, l’anachorète Onophrios est représenté — D24 face nord-ouest (pl. XII) : à gauche de
avec le palmier dont les fruits le nourissaient ; plus l’inscription septentrionale (I 6a) « le saint abbé
haut, traces d’une petite croix rouge, suivie (à Aaron », se dessinait une auréole suivie d’une petite
l’ouest) de l’inscription (I 6a) mentionnant le saint croix ; rappelons que sous l’inscription, on voyait
abbé Aaron ; elle se rapporte sans doute à l’auréole bien (en 1995) l’arbuste séparant l’abbé de son com-
qui vient ensuite, à l’ouest (D 24) ; pagnon (D19) ; de tels végétaux peuvent être des
— D19 face nord-est (pl. IX) : on lit (I 6b) de part attributs (palmier et anachorète vont de pair) ou
et d’autre de l’auréole « saint » (à l’est) et quelques servir à isoler personnages ou/et scènes.
lettres de « Claude » ; plus bas des traits permettent
d’imaginer, çà et là, une tunique et un manteau cou- Colonne 7 est (pl. XXIII b)
vrant l’épaule gauche, ainsi que les pieds de ce saint
dont on ne voit aucun attribut ; — D25 face nord : je n’ai vu que de vagues traces de
— D20 face est (pl. X) : surmontant le serekh de la peinture que signale D. Le Fur (fig. 90, col. 14);
Thoutmosis III, le recouvrant même sans doute — face est : quelques lettres subsistent de l’ins-
autrefois d’un pan de son manteau (phelonion ?), cription commémorative éditée par H. Munier et
se dresse un saint imberbe ( ?), à la chevelure som- M. Pillet (I 7 : É. Carnot, infra, p. 800) ; ensuite,
bre ; sa main droite est ramenée sur la poitrine ; de deux bandes noires parallèles descendent du nord
la gauche, qui a disparu, il devait tenir un attribut, vers l’est, répondant à celles de la colonne 6 est ;
— D26 face sud (pl. XIII) : vestiges d’une — D28 face sud-est (pl. XIV) : sont bien visibles
auréole, ombre d’un visage, traces du vêtement ; une auréole suivie au sud de l’inscription (I 8b) qui
sur la photo, quelques traits font penser au texte commence par une petite croix et qui identifie le
que tiennent certains saints, mais É. Carnot n’a roi David psalmiste. Même si sa représentation n’est
rien constaté de visu. pas des plus fréquentes, David apparaît 62 aux Kellia,
à Saqqara, ainsi qu’à Baouît. On le voit également
Colonne 8 ouest (pl. XXIII c) jouant une mélodie 63 destinée à calmer des ani-
maux sauvages, en sculpture et sur des textiles ; la
Sur son plan (fig. 90, col. 15), D. Le Fur indique confusion avec Orphée est toutefois possible quand
quatre peintures et trois inscriptions ; H. Munier aucune inscription n’identifie le musicien ;
et M. Pillet mentionnent trois inscriptions, res- — D29 face sud : É. Carnot se demande si les
pectivement au nord, à l’est et au sud-est (p. 69) ; quelques lettres qu’elle y a relevées sont à mettre
É. Carnot en note une de plus à l’ouest (infra, en rapport avec le saint Martinianus de H. Munier
p. 800). et M. Pillet (I 8c) ; sous ce texte, étaient apparus en
— Face nord : on y discerne quelques traits (les 1995 un arbuste (fort estompé en 1997 mais visible
restes de quelques lettres ?) et un peu plus à à gauche sur la pl. XIV), et plus à l’est, une forme
l’ouest, les traces d’une auréole (D31) ; c’est à cet ressemblant au contour d’un vêtement (?) ;
endroit que H. Munier et M. Pillet (p. 69) placent — D30 face ouest : à droite des bribes de texte
le nom de l’abbé Martinianus, mais D. Le Fur n’y (I 8c), É. Carnot a relevé la présence à peine visible
situe pas d’inscription et É. Carnot n’en a repéré d’une auréole ; elle note plus bas vers l’ouest, quel-
aucune trace véritable ; elle a, par contre, retrouvé ques traits (qui pourraient appartenir à un vêtement
au sud/sud-est quelques lettres appartenant à une ou à un végétal) ;
inscription (I 8c) ; le texte pouvait faire allusion — D31 face nord-ouest : É. Carnot mentionne
soit à un martyr (on lit mar), soit au Martinianus (I 8d, infra, p. 800) des traces de lettres qu’elle n’a
de H. Munier et M. Pillet ; pu déchiffrer et le fantôme d’un nimbe. D. Le Fur
— D27 face nord-est : l’auréole et l’inscription n’y avait rien observé. Bien que les éléments repris
(I 8a) sont sans doute celles de l’apôtre Paul men- sous D30 et D31 aient en grande partie disparu en
tionné à l’est par H. Munier et M. Pillet. Ces 1997, je les ai reportés sur le plan général car ils
derniers signalent que « la représentation de saint étaient perceptibles précédemment.
Paul est rare en Égypte » ; on le trouve toutefois
dans les absides de certaines cellules de Baouît et Colonne 8 est (pl. XXIIIc)
les fouilles aux Kellia, avares de personnages, le
montrent au moins deux fois sous sa forme paléo- La localisation des quatre inscriptions accompa-
chrétienne de bélier encadrant, avec Pierre, une gnant des personnages correspond bien à celle de
croix 61 ; H. Munier et M. Pillet et aux flèches de D. Le Fur
(col. 16). Si la figure 1 des premiers n’est pas une libre
61 M. Rassart-Debergh, « Représentation d’Apôtres aux Kellia », Journal lutte contre Goliath : P. du Bourguet, « David at the Court of Saul », CE 2,
of Coptic Studies II, 1992, p. 29-42 ; j’y rappelle (p. 36-37) que si Paul ne p. 385 ; « Art and Architecture, Coptic », CE 1, p. 264-265 (Orphée jouant
figure que rarement parmi les apôtres, on le voit toutefois dans les chapel- de la lyre) ; M. Rassart-Debergh, « Saqqara », AArAHP IX, p. 106 ; Eadem,
les 42 et 45 de Baouît, dans l’ermitage 4 d’Esna, dans les chapelles 25 et 30 « La peinture copte avant le XIIe siècle. Une approche », ibidem, p. 221-285,
d’el-Bagawat, sur une icône d’Antinoé ; la représentation kelliote de Pierre sp. p. 253, 273.
et Paul sous la forme de béliers (moutons ou brebis) reprend, sans que je 63 C’est le cas d’un fort beau tissu conservé aux Musées Royaux d’Art
puisse expliquer cette continuité, un thème cher à l’art paléochrétien des et d’Histoire de Bruxelles (inv. Tx. 316). Sur le sujet en général, voir, par
IVe-VIe siècles. exemple : J. Auneau, « David », Dictionnaire encyclopédique de la Bible
62 J’ai limité ici les exemples au monde copte, mais le sujet s’inscrit dans publié sous la direction du Centre Informatique et Bible, Abbaye de
toute la problématique des motifs païens récupérés par le christianisme. Maredsous, Turnhout, 1987, p. 332-333.
L’encyclopédie copte n’a retenu de la vie de David que sa jeunesse et sa
L’Akh-menou. Status questionis. I. 761
interprétation, elle nous fournit plusieurs informa- obligé de quitter Antioche à cause de ses opinions
tions. D’abord, elle nous donne le portrait d’un des anti-chalcédoniennes, Sévère se réfugia en Égypte ;
saints ; le rendu de son visage, de sa barbe et de sa les Coptes fêtent sa venue en Égypte le 2 babeh et
chevelure est fort classique et correspond à ce que l’honorent le 14 amshir 66 ;
l’on rencontre dans d’autres couvents contempo- — D36 face ouest (pl. XVII) : à droite du serekh,
rains 64 ; ensuite elle positionne, pour cette colonne après les bribes d’une inscription (I 9c, visible éga-
du moins, peinture et inscriptions : le texte est à la lement à notre gauche sur la pl. XVI) mentionnant
gauche de l’auréole ; I 9b se rapporterait donc à D35, Jean, archevêque de Constantinople se tenait un
I 9c à D36 et I 9d à D32 ; enfin elle place sous l’ins- saint dont les traits s’étaient fort estompés en 1997 ;
cription le haut d’un arbuste depuis disparu. sur la photo, on en distingue encore nettement le
— D32 face nord : É. Carnot a identifié les quel- nimbe, quelques traits du vêtement et peut-être
ques lettres peintes, après une auréole et les plis d’un l’ombre des mains ; on fête sa mort (survenue en
manteau (D32), comme appartenant à l’inscription 407) le 17 hatur et le transfert de ses reliques le 12
relative aux Quarante martyrs de Sébaste (I 9a). Leur bashens ;
culte se répandit en Égypte et le calendrier copte — D32 face nord-ouest (pl. XVII) : vient enfin
les honore tout particulièrement le 13 du mois de Dioscore, archevêque d’Alexandrie (I 9d) dont
Baramhat (9 mars du calendrier Julien) 65 ; on peut étaient visibles l’auréole et quelques plis du man-
imaginer que les Quarante sont symbolisés par une teau ; comme Sévère, il paya pour ses opinions et
allégorie qui pourrait être D33 ; fut condamné et déposé en 451 par le Concile de
— D33 face est : l’ombre d’un visage était entouré Chalcédoine. Le rapport établi ici entre les restes de
d’un nimbe carré partiellement conservé ; si la personnages et de textes repose uniquement sur la
représentation va de pair avec l’inscription qui pré- figure 1 de H. Munier et M. Pillet (p. 59) plaçant le
cède, on pourrait imaginer qu’il s’agit soit d’une nom du saint à gauche de son auréole.
personnification des Martyrs, soit du soldat qui prit
la place de celui qui avait tenté d’échapper au sup- Colonne 9 ouest (pl. XXIII c)
plice en fuyant ;
— D34 face sud (pl. XV) : une auréole et le haut H. Munier et M. Pillet ne mentionnent (p. 70) que
d’un vêtement étaient encore visibles, mais rien de deux personnages : le « saint abbé Antoine, anacho-
l’inscription qui devait séparer ce personnage de son rète, le premier père » à l’est et le « […] bienheureux
voisin oriental (D33) n’a pu être repéré et nous igno- André Apôtre » au sud. Sur sa col. 17, D. Le Fur
rons donc qui il peut être ; indique quatre peintures et deux inscriptions.
— D35 face sud-ouest (pl. XVI) : si le dessin de — D37 face nord-est : aux flèches de D. Le Fur
H. Munier et M. Pillet (fig. 1) est exact, il ne restait correspondent une auréole et, plus à l’est, l’inscrip-
de Sévère d’Antioche, quand nous l’avons vu, que tion (I 10a) identifiant un des pères du monachisme,
son auréole et une partie de son inscription (I 9b Antoine ; le couvent élevé à la mer Rouge non loin
également visible à notre gauche sur la pl. XV) ; de la grotte où il vécut attire toujours les fidèles 67 ;
— D38 face sud-est : entre les inscriptions (I 10a) compagnons. L’ermitage kelliote QIz. 45 le mon-
au nord-est et (I 10b) au sud, D. Le Fur place une tre toutefois sous une autre iconographie : un saint
peinture que nous n’avons pas retrouvée ; plus au au visage imberbe, encore juvénile, accompagné
sud, font suite à l’inscription nommant l’apôtre d’une croix, rappel du martyre qu’il endura à
André (I 10b) le haut d’un arbuste et une croix. Patras 68. J’ignore quel choix faire.
L’espace vierge entre les deux textes permet d’ajou-
ter un personnage qui correspondrait à la flèche de Colonne 9 est (pl. XXIII c)
D. Le Fur et aurait disparu déjà en 1995 ; nous avons
d’ailleurs cru remarquer un léger brouillard là où se Elle est une des mieux conservées. H. Munier et
trouverait l’auréole (je l’ai marquée en pointillé sur M. Pillet n’identifiaient que les saints Ammon,
ma reconstitution) ; Bésa, Théodore et signalaient deux graffiti (p. 73-
— D39 face sud-ouest : en 1995, nous avions noté 74). Selon D. Le Fur, sept personnages y ont trouvé
au centre de l’auréole un visage barbu, des épaules place et cinq d’entre eux sont identifiés par des ins-
couvertes d’un manteau, les pans d’une tunique et criptions (col. 18) ; nous les avons tous retrouvés,
les plis du manteau ; en 1997 certains traits avaient séparés par des végétaux.
disparu ; — D41 face nord (pl. XVIII, à notre droite) : il
— D40 face nord-ouest : un dernier personnage ne reste du personnage qu’une auréole, quelques
occupait presque la totalité de l’espace entre les traits du col et ce qui ressemble fort à des ailes, si on
encoches ; son auréole et sa silhouette, bien visibles compare avec D43 ;
en 1995, s’étaient fortement estompés lors de notre — D42 face nord-est (pl. XVIII à notre gau-
dernier contrôle en 1997. che) : moins de traces encore ici, mais les verticales
parallèles me font penser à un nimbe carré ;
— D43 face est (pl. XIX) : après le personnage
Avant de passer à la travée orientale, il me faut, à à l’auréole carrée, D. Le Fur avait pensé voir un
nouveau, souligner une difficulté : on a souvent archange ; nous confirmons cette hypothèse. En
constaté que le texte n’occupe pas une place fixe ; outre, É. Carnot, montée tout en haut pour véri-
tantôt il entoure le personnage, tantôt il est à sa fier des inscriptions particulièrement confuses, a cru
droite, tantôt à sa gauche. Ici, si l’inscription iden- distinguer à la lumière rasante une tiare gemmée sur
tifiant le personnage est à sa droite, nous avons la tête du personnage (É. Carnot, infra, fig. 2) ; c’est
d’abord (nord-est) Antoine (D37), suivi par saint une iconographie connue mais il n’a pas été possible
André disparu au moment de notre étude mais d’en retrouver la trace sur les photos ;
identifié par son nom et sa croix (D38), puis un — D44 face sud-est (pl. XX) : au-dessus de l’aile
saint barbu (D39) qui peut être un autre fondateur de D43 (à notre gauche sur la pl. XIX), É. Carnot
de couvent ou un autre apôtre et enfin, occupant a retrouvé deux lignes de lettres (I 11a) ; la seconde
une grande place, un personnage inconnu. Si lettre de la première lui a posé un problème de
l’inscription est à gauche de l’auréole comme pour transcription : après mures réflexions, le « r » de
Sévère d’Antioche (D35), seul le nom Antoine H. Munier et M. Pillet lui a semblé arrondi en bas
(I 10a) a survécu, le saint (D38) est effacé ; l’ins- et la boucle supérieure peu marquée ; pas plus que
cription I 10b, la croix et l’arbre se rapportent ses prédécesseurs, elle ne commente ce texte (É.
alors à saint André (D39) ; celui-ci figure parfois Carnot, infra, p. 801). Plus au sud, une auréole ceint
au milieu des autres apôtres dans les absides de un personnage peut-être barbu dont le haut du vête-
cellules monacales ; il est alors barbu comme ses ment est assez bien conservé ;
— face sud : l’inscription (I 11b) qui mentionne rien vu non plus. Si les segments de cercles font
« le saint abbé Ammon, anachorète » surmonte partie de la chevelure et d’une auréole, les droites
un arbuste (pl. XXI, à notre droite = pl. XX à qui l’encadrent pourraient appartenir à un siège
notre gauche) ; je n’ose affirmer qu’elle identifie ou à un édifice ; une seule certitude : la peinture
bien le saint (D44) qui la précède; occupait tout l’espace entre les deux entailles.
— D45 face sud-ouest (pl. XXI) : le personnage
auréolé dont le vêtement est assez bien conservé est Colonne 10 est (pl. XXIIIc)
suivi d’un autre arbuste surmonté d’une nouvelle
inscription (I 11c) nommant « le saint abbé Bésa H. Munier et M. Pillet ne signalaient rien pour
archimandrite et anachorète »; cette colonne ; D. Le Fur mentionnait (col. 20)
— D46 face ouest (pl. XXII) : l’auréole, le visage la présence, au sud-est, d’un texte ; de ce dernier
barbu, les épaules et la partie droite du vêtement nous n’avons pas retrouvé la plus petite trace.
étaient conservés ; par contre, du texte (à sa droite) — D49 face sud-est : un cercle, deux horizontales
identifiant le « saint abbé Théodore anachorète », parallèles contre le centre de la courbe orientale (un
il ne reste que quelques lettres (I 11d) ; les traits nimbe crucifère ?), et plus bas, quelques traits, sont
en dessous appartenaient sans doute à un nouvel tout ce qui subsiste de la peinture ;
arbuste ; — D50 face sud-ouest : tout au long de la titu-
— D47 face nord-ouest (pl. XXII) : juste après lature se succèdent des segments de parallèles qui
le serekh pharaonique, venaient l’auréole et quel- répondent à ceux de la travée occidentale.
ques plis du vêtement d’un personnage et les ves-
tiges d’une inscription de trois lignes évoquant un
saint abbé ; elle n’a pas été vue par H. Munier et
M. Pillet, mais bien par D. Le Fur, et retrouvée par Essai de reconstitution
É. Carnot (I 11e, infra, p. 802; graffiti, ibidem). et d’interprétation
(pl. XXIII)
Colonne 10 ouest (pl. XXIIIc)
— Face est : on a relevé, à la lumière rasante et à Quel est donc l’apport des peintures de l’Akh-
certaines heures, des obliques non loin de la titula- menou ?
ture ; j’ai pensé que ce pourrait être la trace de ten- On savait déjà que, parfois, colonnes et
tures peintes sur la partie inférieure de la colonne, piliers étaient ornés de personnages, au même titre
comme on l’a vu à Baouît et à Saqqara ; que les parois. J’avais retrouvé à Saqqara, sur les
— D 48 face sud-ouest : en 1995, nous avions photos de J. E. Quibell, plusieurs saints et même
retrouvé de la flèche sur la col. 19 du plan de une sainte (pl. XXIV) ; tous ornaient, comme à
D. Le Fur, une circonférence surmontée d’une Karnak, le haut des colonnes, surmontant draperie
horizontale, suivie, au sud, par deux verticales et frises 69.
parallèles et, plus bas (à hauteur d’un torse ima- À Baouît, les résultat des nouvelles fouilles
ginaire) quelques traits obliques ; certains de ces confirment la description de J. Clédat, indiquant
derniers avaient disparu en 1997 ; nous n’avons, qu’on voit sur les colonnes le Christ, la Vierge et
par contre, pas retrouvé les lettres mentionnées l’enfant, David roi, saint Georges en militaire,
par H. Munier et M. Pillet (p. 70), juste quelques divers saints, les archanges Michel et Gabriel 70.
traits non identifiables (I 12) ; D. Le Fur n’avait
69 M. Rassart-Debergh, AArAHP IX, op. cit., fig. 4. à cheval tuant un serpent ; chacun surmontait une rangée de cannelures.
70 Cf. supra, p. 750-751 et note 33 ; j’avais identifié, sur les photos L’ensemble des photos a été publié dans J. Clédat, MIFAO 111, op. cit. ;
anciennes, le Christ, le roi David, un militaire, un archange et un saint mes figures 6 et 7 correspondent aux photos 193 et 202, ma planche IIa, b,
764 Karnak xii
Une iconographie semblable se retrouve dans les puis peintes ? Rien n’autorise actuellement cette
décors des églises d’Esna comme dans celles du hypothèse. Mais il faudrait reprendre l’histoire de
Ouadi Natroun 71. Karnak en y replaçant les autres découvertes d’épo-
La nouveauté à Karnak réside dans le nombre de que chrétienne. Il conviendrait ainsi de voir si on
personnages qui figurent sur une même colonne : on retrouve ailleurs mention des personnages nommés
en compte 7 sur la neuvième colonne orientale et on dans les inscriptions ornant les colonnes de l’Akh-
peut en replacer autant sur les autres, à l’exception menou. Cl. Traunecker et J.-Cl. Golvin citent un
des colonnes 3, 4, et peut-être 9. Les personnages cimetière dont l’existence est prouvée par des épita-
occupent également une position haute, tout près phes qu’il faudrait reprendre : « Non loin de l’église
du chapiteau. Faut-il y voir une illustration du rituel de l’Akh-menou, un coin des ruines a servi de cime-
de consécration des églises que rappelle P. Nautin 72 tière. Les modestes tombes ont été détruites […] »;
à propos de celle installée dans le temple d’Isis à ils résument ainsi l’histoire du site : « Au cours du
Philae? IVe siècle, […] Karnak n’est plus qu’un amas de rui-
Jacques Albani et Joseph Marie de Jérusalem nes encombrées de détritus […] plusieurs monastè-
indiquent, à la fin du XVIIe siècle, avoir vu « les res s’installèrent au milieu des ruines. […] À l’abri
Images du Sauveur, de la Vierge et des Anges », ce du besoin immédiat, les ermites vivaient seuls dans
qui leur permet de reconnaître dans un édifice qui des retraites aménagées çà et là dans les ruines. Ils
sert d’écuries une église ; Karnak apparaît à l’époque se réunissent dans une église installée dans la salle
comme un endroit certes beau mais peu recomman- hypostyle de l’Akh-menou afin de prier en commun
dable : « il y a quelques chrétiens et quelques arabes et lire les saintes Écritures. […] D’après les inscrip-
qui habitent ce lieu, les voleurs même que le Bacha tions, cette église a été en usage du VIe au XIe siècle
poursuit y font leur retraite […] » 73. L’occupation (538-1067). […] L’église était peinte […]. Parmi les
des lieux après la période chrétienne ne faisait aucun personnages représentés, saint Sévère d’Antioche est
doute, mais il est évident que l’emploi ici mentionné le mieux connu. La date de sa mort (538) est un
est synonyme de destruction : rien ne subsiste, on intéressant repère chronologique pour la datation
l’a dit, du bas des peintures. Or, en se basant sur de la transformation de l’Akh-menou en lieu de culte
d’autres exemples 74 (Abou Girgeh, Saqqara, Baouît, chrétien. […] Au cours du XIe siècle, les monastères
Deir Abou Hennis), il est évident que les colonnes, de Karnak furent abandonnés mais jusqu’au XVIIe
comme les murs, étaient décorées jusqu’au sol ; nous siècle des chrétiens habitèrent ces lieux […] » 77.
avons cru, É. Carnot et moi-même, voir des traits Nous avons l’une et l’autre indiqué qu’il n’est
(col. 10) qui pourraient évoquer des tentures, mais guère possible d’établir pour chaque cas le lien entre
je dois avouer que cette interprétation est d’avan- l’inscription et le personnage ; toute étude iconogra-
tage basée sur la connaissance d’autres exemples que phique qui viserait à reconnaître l’un ou l’autre per-
sur les traces clairement identifiables. Rien ou pres- sonnage est donc actuellement impossible, d’autant
que n’a été conservé d’une éventuelle décoration des plus que les visages ont souvent disparu et que les
parois. C’est étrange si l’on songe à la richesse des vêtements sont trop incomplètement conservés ;
parois des églises de Baouît 75 et à celle de la crypte quant aux attributs, ils font cruellement défaut. On
d’Abou Girgeh 76. Faut-il imaginer qu’à l’époque s’en tiendra donc pour le moment aux seules compa-
chrétienne, les parois furent couvertes d’un enduit, raisons fournies lors des descriptions. Je rappellerai
toutefois que lors de ses visites, Georg zu Sachsen de l’enfance du Christ par un missionnaire que des
compare ces peintures avec celles du Deir Abou prêtres coptes avaient amené dans ce sanctuaire
Hennis pour ce qui est du style. Je les ai rapprochées très anciennement vénéré et considéré comme le
déjà de leurs contemporaines à Saqqara et à Baouît, martyrium du saint ; ce voyageur avait aussi noté le
mais les peintures de la région d’Antinoé méritent grand nombre d’inscriptions en grec, copte, syria-
qu’on s’y arrête un court instant. que et arabe. Quelques invocations coptes s’adres-
On trouve en effet, au Deir Abou Hennis, saient au « Dieu de saint Collouthos ».
un des cycles christologiques les plus vastes pour Le site actuel de Deir Abou Hennis est donc
l’époque ; connus depuis le XVIIIe siècle, ces décors bien ce martyrium du saint anargyre, attesté depuis
ont été republiés avec minutie par Nicole Thierry 78. si longtemps. L’état actuel des lieux et leur cloison-
Elle écrit : « Nous avons vu ces peintures en 1976 nement ne nous a pas permis d’en reconstituer la
[…]. Malgré leur piètre état ce sont de très précieux disposition primitive » 79 (pl. XXV a).
documents […] Dans la salle attenante au nord, […] Au milieu d’autres saints personnages et
une série de saints en pied est encore partiellement de scènes de la vie du Christ, figurent, comme à
conservée : un groupe d’évêques reconnaissables à Karnak, Jean-Baptiste 80 et Kolouthos. Les reliques
leur omophorion et au livre qu’ils portent de la main de ce dernier et celles de saint Claudius étaient véné-
gauche. Ils encadrent un saint orant dont le visage rées particulièrement à Antinoé au VIe siècle.
allongé, la barbe brune, la chevelure étalée jusqu’aux Tout récemment, avant de publier une série
épaules et le manteau de poils fermé sur la poitrine de miracles de Kolouthos, Ugo Zanetti rappelait
évoquent la typologie de Jean-Baptiste. Les saints l’importance de son culte et ses liens avec la ville
sont séparés par des arbres allongés à feuillages plu- d’Antinoé : « Aucun autre site n’a livré autant de
meux. […] Enfin, isolé dans un médaillon, un saint fragments médicaux […] » ; c’est là que se trouve
en buste est identifiable grâce au nom qui l’accoste « le sanctuaire de saint Colluthe, médecin et martyr,
[…] saint Collouthos […]. Comme ailleurs, la face dont le culte dût contribuer à la renommée médi-
a été détruite; il reste le côté gauche d’un front assez cale d’Antinoopolis […] » 81. Ce médecin égyptien
haut et d’une chevelure brune coupée court. Le cou martyrisé sous Maximien 82 est également représenté
est épais encadré par les plis du drapé à l’antique. Le dans un sacellum mis au jour par les fouilles italien-
cadre du médaillon est divisé en quatre par de cour- nes : sur la paroi méridionale d’une pièce carrée
tes traverses qui donnent l’impression que le por- aux murs peints 83, fut découvert un grand tableau
trait se projette sur une croix; entre ces traverses on a montrant une orante, Théodosia, entre deux saints
peint trois palmettes à feuilles mal différenciées. personnages, Marie et Kolouthos 84.
Ce saint Collouthos était un saint médecin En effet, si le site d’Antinoé est surtout connu
thaumaturge d’Antinoë dont quelques miracles sont pour ses nécropoles et pour les nombreux textiles
connus par un fragment de ses Actes. Au début du qu’elles ont livrés 85, on y a découvert des édifices
XVIIIe siècle le portrait a été décrit avec les scènes romains et chrétiens (certains déjà à l’état de ruines
78 N. Thierry, « Les peintures du Deir Abou Hennis près d’Antinoé », in Antinoe », Scritti dedicati alla memoria di Ippolito Rosellini nel primo cente-
Palette égyptienne 2, p. 5-16, fig. 32-44. nario della morte (4 giugno 1843), Florence, 1945, p. 157-169, pl. XXX.
79 Ibidem, p. 7. 84 Pour protéger cet imposant ensemble qui avait souffert de son retour à
80 Avec une iconographie toutefois différente, plus proche de celle d’Esna la lumière, on construisit un édifice; on pouvait encore voir le tout en 1990 :
et du Ouadi Natroun. M. Rassart-Debergh, « Peintures et textiles d’Antinoé. Quelques parallè-
81 U. Zanetti, « Les miracles arabes de saint Kolouthos (MS. St-Macaire, les », in A. Barbet (dir.), La peinture funéraire antique, IVe siècle av. J.-C.-IVe
Hagiog. 35) », Aegyptus christiana, Cahiers d’Orientalisme XXV, p. 43-109 ; siècle ap. J.-C., Actes du VIIe colloque de l’Association Internationale pour
cit. extraites de la p. 44. la Peinture Murale Antique (AIPMA), 6-10 octobre 1998 Saint-Romain-
82 Sur son culte, voyez aussi G. Lefebvre, « Égypte chrétienne. Quelques en-Galle Vienne, Paris, 2001, p. 309-311, pl. LXII, 3 et 4 .
inscriptions grecques », ASAE X, 1908, p. 172-183, sp. p. 173. 85 Eadem, Textiles d’Antinoé (Égypte) en Haute-Alsace, Colmar, 1997 ; pour
83 E. Breccia, « Scavi dell’Istituto Papirologico Fiorentino negli anni 1936- l’histoire du site et des fouilles, p. 28-56.
1937 », Aegyptus, 1938, p. 285-310 ; M. Salmi, « I dipinti paleocristiani di
766 Karnak xii
au moment des premières fouilles) qui ont fourni un publié au début du XXe siècle par J. Strzygowski, des
important matériel dont les peintures du sacellum et édifices ornés d’une croix sont surmontés de l’ins-
des icônes 86 qui en sont très proches par le style. cription marturion qui ne laisse aucun doute 89.
Peintures murales et sur bois ressemblent à celles de
l’Akh-menou, tant par la manière de rendre les per- Dans sa monographie consacrée à l’histoire de l’Akh-
sonnages que par le choix de ceux-ci ; si les noms de menou à travers les siècles, J.-Fr. Carlotti a bien évi-
saints ne figurent pas sur les icônes, on note néan- demment été amené à s’interroger sur l’orientation
moins la présence d’un ange, d’une femme, d’un de l’édifice. Sans m’étendre sur le sujet, je résumerai
haut dignitaire, d’un saint barbu tenant une sorte brièvement les thèses en présence. Jusqu’à présent,
de rouleau (un apôtre, un fondateur de couvent ?), les auteurs qui se sont penchés sur le problème n’ont
d’un autre également barbu (Kolouthos ?). pas retenu la classique orientation à l’est 90. On se
En l’absence d’identifications précises, on trouve, dans l’état actuel des fouilles et des sonda-
se bornera à constater que Kolouthos, dont le mar- ges, devant un plan basilical classique en longueur
tyrium et le culte 87 sont attestés à Antinoé, occu- sur l’axe nord-est sud-ouest. Si on conserve un sol
pait une place de choix à Karnak ; il y figure face à proche du niveau actuel, en plaçant l’entrée dans
Jean-Baptiste, lequel est également représenté avec la cour du Moyen-Empire, pour mettre le chœur
lui au Deir Abou-Hennis (pl. XXV b). N. Thierry à l’est, on devrait supposer soit que l’actuelle enfi-
concluait ainsi sa description : « […] ce sanctuaire- lade de colonnes est un narthex, ce qui donne une
martyrium […] porte les traces nombreuses et église tout en largeur, soit que l’édifice chrétien
émouvantes d’un ancien culte local, d’établisse- couvrait en partie la cour de manière à obtenir une
ments érémitiques et de pèlerinages fervents […] » ; présentation basilicale habituelle. Rien, au moment
elle accepte en outre l’hypothèse de Jean Doresse où furent rédigés le volume de J.-Fr. Carlotti et
qui y voit un lieu commémoratif de la présence de nos notes n’accréditait une de ces deux hypothèses.
Jean-Baptiste et de sa mère Élisabeth 88. Faut-il dès Nous accepterons donc, en l’absence d’argument
lors reconnaître Élisabeth dans la sainte de la troi- ad contrario, l’essai de restitution de décembre 1997
sième colonne de Karnak ? L’hypothèse est sédui- de J.-Fr. Carlotti, avec l’entrée au sud-ouest et le
sante mais exige des recherches hagiographiques chœur au nord-est 91. J.-Fr. Carlotti a longuement
complémentaires qui n’ont pas leur place ici. commenté les thèses antérieures, réfutant la plupart
Un fait, par contre, semble ne faire aucun des remarques de R.-G. Coquin. Annonçant (note
doute : l’édifice à la droite du saint est bien son 693) le travail d’É. Carnot et le mien, il présente
sanctuaire, sans doute son martyrium. Sans être fré- en résumé nos conclusions communes. Rien ne les
quente, la représentation d’un martyrium fait partie contredisait au moment de la rédaction du status
de l’iconographie copte ; sur un ensemble berlinois, quaestionis ; on me permettra toutefois d’y revenir
86 Eadem, « Icônes d’Antinoé », CdE LXVIII, 1993, p. 316-328, avec bibli- confirmée, au moment de nos séjours sur le site, ni par des fouilles, ni
ographie antérieure. par l’analyse architecturale de J.-Fr. Carlotti. En l’absence de tout nouvel
87 À N. Thierry, in Palette égyptienne 2 et U. Zanetti, Aegyptus christiana, élément sûr que je n’exclus pas d’office, je m’en tiendrai donc aux données
Cahiers d’Orientalisme XXV, on ajoutera E. Lucchesi, « Encore un débris fournies par l’architecture jusqu’en 1997.
de feuillet du codex « Kolouthien » du Monastère Blanc », Aegyptus chris- 91 J.-Fr. Carlotti, L’Akh-menou, op. cit., pl. 49, et pl. 44 « Perspective
tiana, Cahiers d’Orientalisme XXV, p. 110. écorchée du monument sous le règne de Thoutmosis III » ; il écrit, p. 18 :
88 N. Thierry, ibidem, p. 16. « L’entrée de l’Akh-Menou se situe à l’angle sud-ouest [...] » ; il a toutefois
89 Étude récente, avec bibliographie : A. Papaconstantinou, « Antioche constaté (p. 6) que des membres de l’expédition d’Égypte mentionnent
ou l’Égypte ? Quelques considérations sur l’origine du « Danielstoff » », une entrée dans l’axe général du temple, donc au centre du mur occidental
Cahiers archéologiques 48, 2000, p. 5-10. de la Heret-ib, et que des voyageurs en situent une autre dans l’angle nord-
90 À l’époque, Charles Bonnet, avec qui É. Carnot discuta de ce pro- ouest du monument, concluant « seul un document graphique, qui fait
blème, aurait été tenté de placer l’abside à l’est, donc à proximité de l’ac- cruellement défaut, permettrait éventuellement de trancher ».
tuel jardin botanique. Cette orientation plus « classique » n’était toutefois
L’Akh-menou. Status questionis. I. 767
rapidement à l’aube de 2005, et de signaler quelques dem Boden erhöht zu denken wäre. Weiter rück-
publications postérieures à la rédaction de L’étude wärts nach Norden zeigen nochmals zwei gegen-
architecturale 92. überliegende Säulen Rillen für den Querabschluss,
Au début du XXe siècle, le père Jullien nicht den Seitenabschluss, und darüber hinaus
n’identifiait pas les figures de saints qualifiés de « peu ganz nach Norden zwei ebensolche Säulenoben
reconnaissables » si ce n’est l’ « Apa Schnudi » 93, mais zwei tiefe Löcher zum Einlassen von Stangen (für
il écrivait : « L’autel était au fond de la nef centrale, Teppiche?) ».
contre le mur du nord ; l’orientation de l’édifice serait Pour H. Munier et M. Pillet, le Père Jullien
donc nord-est ». Faut-il comprendre qu’il a VU un s’est simplement trompé et « l’emplacement du
autel contre le mur septentrional, auquel cas aucune chœur était au sud, avec l’iconostase venant s’ap-
discussion n’est nécessaire, ou qu’il s’agit d’une puyer aux troisièmes et quatrième colonnes de cha-
interprétation de sa part ? Un élément prouve que que travée en partant du sud […] ». R.-G. Coquin
sa description pose problème ; lorsque H. Munier place également le chœur au sud mais note que
republie le texte du père Jullien, il l’abrège curieuse- compte tenu de la position des entailles : « […] Il ne
ment pour Karnak ; tout en renvoyant en note à son peut s’agir, en cet endroit, de la clôture du sanctuaire
travail de 1925, il se borne à écrire : « Le promenoir lui-même mais seulement du ciborium, du dôme de
de Thoutmès III, où se trouvait la seconde église, est bois décoré et peint, qui, dans le rite copte doit sur-
une longue salle divisée en plusieurs nefs par des monter l’autel. La clôture du sanctuaire était placée,
colonnes, auxquelles les chapiteaux, en forme de au contraire, entre les colonnes 8 et 18 […] » 96.
cloche coiffant le fût, donnent un aspect singulier. À la description de H. Munier et M. Pillet
Ces colonnes furent décorées de figures de saints puis à la constatation de R.-G. Coquin que la frise
aujourd’hui à peine reconnaissables » 94 ; il ne tient d’entrelacs se répond sur le haut des colonnes, se
donc plus compte de la description du père Jullien croisant entre les entailles 97, il convient toutefois
pour ce qui est du chœur comme si son article de d’ajouter une remarque. On lit chez les premiers
1928 l’excluait définitivement. que « sur la troisième colonne de chacune des tra-
Georg zu Sachsen 95, s’il estime d’abord vées ouest et est, on distingue encore, vers le Nord,
qu’il n’y a plus rien à voir « von dem Altar ist nichts des traces de peintures où l’on reconnaît un saint
mehr zu sehen », mentionne, dans sa publication de auréolé. Il n’y en a qu’un seul, tourné vers le Nord,
1930, les remarques de Sauer « In der Säulenhalle c’est-à-dire vers l’autel chrétien. […] ». En effet, si
war das mittlere Säulenreihepaar für den christli- on regarde le dessin sur lequel j’ai repositionné les
chen Gottesdienst in Gebrauch genommen ; je zwei peintures, la sainte (Vierge ?) et le personnage qui
gegenüberstehende und folgende Säulen, an denen lui répondait regarderaient vers un hypothétique
oben Heilige dargestellt sind, zeigen nachträglich autel placé au centre du carré délimité par les rainu-
von oben nach unten gezogene, ziemlich breite, res ; toutefois la scène de Jean-Baptiste avec le Christ
gerade Rillen zur Aufnahme eines Abschlusses durch et le Kolouthos également situés sur la partie septen-
Holzplatten oder Marmor ; sie gehen aber nur bis trionale des quatrièmes colonnes lui tournent alors
etwa 2m über den fertigen Bodenherab. Vielleicht le dos, ce qui m’avait poussée, sur le site, à émettre
war es der Abschluss der Apsis, die bis 2m über l’hypothèse que ces représentations « accueillaient »
92 La contribution aux Mélanges à la mémoire du père Devos, Aegyptus 94 H. Munier, BSAC 6, op. cit., p. 164 en bas et p. 165 en haut.
christiana. Cahiers d’Orientalisme XXV, par exemple, complète ce que l’on 95 Citations d’après G. zu Sachsen, Streifzüge, op. cit., p. 53 et Neue
sait de Kolouthos et m’a évité de devoir trop m’étendre sur le remploi par Streifzüge, op. cit., p. 28-29.
les Coptes d’édifices d’époque pharaonique, en général et particulièrement 96 R.-G. Coquin, BIFAO 72, p. 170 ; il place donc l’autel surmonté du
dans la région thébaine. ciborium entre les colonnes 3 et 4 orientales et occidentales de H. Munier
93 R. P. M. Jullien, Les Études XCII, p. 246 ; H. Munier et M. Pillet et la clôture du sanctuaire à hauteur des colonnes 6.
n’ont pas retrouvé ce Schnudi qui est toutefois mentionné chez Georg zu 97 C’est particulièrement évident sur la fig. 90 de D. Le Fur, Conservation,
Sachsen (cf. supra, p. 753 ; aussi É. Carnot, infra, I 5b, p. 799). op. cit.
768 Karnak xii
le visiteur 98 ; toutes deux ayant trait au baptême (par neuve, _ à envisager une double abside, comme
l’eau et par le martyre), l’idée de baptistère s’était on le voit fréquemment en Afrique du Nord 102. Je
imposée, bien qu’aucune trace n’en ait été trouvée 99. pensais en 1998 et je le pense encore que seules des
J.-Fr. Carlotti indique « À partir de cette hypothèse, recherches ultérieures permettront peut-être de
il semble que l’interprétation générale des transfor- résoudre ce problème d’orientation et d’interpré-
mations de la Heret-ib puisse être plus aisée » 100. Je ter de manière plus précise les espaces délimités par
ne renie point mon idée, mais continuent à me per- les différentes cloisons. Car si la place occupée par
turber ces cloisons qui commencent à 1,70 m du sol, le chœur a été le centre des débats, un autre pro-
soit à hauteur d’homme et qui donc ne cachent pas blème existe qui y est lié : l’autel 103. En effet, on
un espace mais le soulignent ... ce qui constitue un n’en a pas la moindre trace, ni au sud, sous le cibo-
argument en faveur du ciborium de R.-G. Coquin. rium, ni au nord où J.-Fr. Carlotti 104 trouve dans
Mais, le contrent résolument, _ si la seule entrée de l’échancrure de la corniche la forme permettant
l’édifice se trouve au sud-ouest, _ le chœur au sud d’imaginer une abside disparue ; c’est là, pense-t-il,
qu’il faut contourner pour pénétrer dans l’église et que se trouvait l’autel « probablement isolé par un
le narthex au nord-ouest. J.-Fr. Carlotti fait remar- panneau en bois, qui s’encastrait dans les rainures
quer à juste titre qu’une orientation nord-est est creusées dans les colonnes cl 10.o et cl 10.e. Ces
plus fréquente et renvoie, note 695, à un dessin de rainures débutent à 1,70 m du niveau du dallage
P. Grossmann. Le confirment deux monographies […] » ; on notera que ces entailles commencent à
consacrées aux églises : il suffit de les parcourir pour la même hauteur que celles que l’on voit entre les
se faire une idée de l’orientation habituelle pour les paires de colonnes 3 et 4.
chrétiens de la Vallée du Nil 101. On a même procédé, en 1997, à un sondage au
Ni l’étude des peintures, ni la place des per- lieu présumé mais sans résultat. Pour R.-G. Coquin,
sonnages ne permettent de trancher avec certitude, les rainures septentrionales pouvaient servir à « sépa-
mais nous avions constaté, _ et Élisabeth Carnot y rer le sanctuaire central des sanctuaires ou salles laté-
insiste à juste titre, _ que la lecture des textes sur rales, peut-être par un simple rideau […]. Par ailleurs,
les colonnes 6 des deux travées nécessite un chemi- s’il est évident qu’une clôture, probablement de bois,
nement précis. Si les résultats de fouilles postérieu- isolait le sanctuaire, dans la nef centrale, de la par-
res à nos séjours ne viennent pas contredire la posi- tie réservée aux fidèles, on ne voit pas, de manière
tion de l’entrée, un trajet du sud vers le nord paraît précise, comment cette séparation était faite dans les
s’imposer. Il resterait, _ c’est la seule hypothèse nefs latérales […] » 105.
98 Elles ne sont pas, rappelons-le, surmontées de la tresse que l’on voit dell’Accademia delle Scienze di Torino, Classe di Scienze Morali, Storiche e
au-dessus des figures ornant les troisièmes colonnes ; par contre, ce même Filologiche 22, 1998, p. 41-412 ; voir aussi Idem, « Catalogo delle chiese della
motif géométrique décore le haut de la face méridionale des quatrièmes Nubia », Memorie dell’Accademia delle Scienze di Torino, Classe di Scienze
colonnes. Morali, Storiche e Filologiche 24, 2000, p. 3-315.
99 W. Godlewski, « Baptistery », CE 1, p. 197-200 ; sa localisation, sa 102 N. Duval, Les églises à deux absides. Recherches archéologiques sur la
forme tout comme le nombre de pièces qui lui sont destinées varient. liturgie chrétienne en Afrique du Nord, 2 vol., Paris, 1971 et 1973 ; dans le
Notons que ce peut être un bassin en terre cuite, ce qui expliquerait qu’on premier ouvrage, il mentionne parmi les autres basiliques à deux absides
n’en ait gardé aucune trace, mais un bassin en pierre peut aussi avoir été (sans la commenter) celle d’Erment (p. 398) ; au début du second volume
détruit ou transporté ailleurs. Pour les rites et la liturgie, on se reportera (p. 303), l’auteur fait remarquer avec justesse que l’« on discute beaucoup
aux deux article suivants : Archbishop Basilios, « Baptism » et « Baptism, et depuis très longtemps, de l’orientation des églises et de celle du prêtre et
Liturgy of », CE 2, p. 336-342, ainsi qu’au volume déjà ancien : « Eau et des fidèles pendant les offices dans le christianisme ancien. [...] l’étude des
Baptême », Le Monde Copte 13, 1988. textes serait susceptible de nous ouvrir une direction de recherche si elle
100 J.-Fr. Carlotti, L’Akh-menou, op. cit., p. 250-254 pour l’analyse du nous fournissait une certitude, ce qui n’est malheureusement pas le cas » ;
remploi et la réfutation des arguments de R.-G. Coquin ; p. 252 pour ma cf. aussi P. Grossmann, op. cit., fig. 13 et 74.
citation. 103 P. Grossmann, « Altar », CE 1, p. 105-107 ; Archbishop Basilios, « Altar,
101 P. Grossmann, Christliche Architektur in Ägypten, Leiden-Boston- Consecration of », op. cit., p. 108-109.
Köln, Brill, 2002, fig. 6, 20-22, 58, 68, pour quelques baptistères. 104 J.-Fr. Carlotti, L’Akh-menou, op. cit., p. 252-253.
D. Andriolo, S. Curto, « Catalogo delle chiese dell’Egitto », Memorie 105 R.-G. Coquin, BIFAO 72, p. 171.
L’Akh-menou. Status questionis. I. 769
Sans doute conviendrait-il aussi de remettre l’en- H. Munier, M. Pillet, R.-G. Coquin ont tous men-
semble dans le contexte théologique de l’époque. P. tionné le nom de « Schnute » ; R.-G. Coquin indi-
Nautin, pour expliquer la niche 106 qui, à Philae, est que en outre 110 que dans la liste des archimandrites
derrière l’autel, rappelle l’évolution du rite et celle « les deux premiers noms, Senouthios et Bèsa, sont
de l’architecture, qui se sont mutuellement influen- ceux-là même des fondateurs du Monastère Blanc
cées : « le rituel primitif mentionnait une consécra- de Suhag. […] quelques manuscrits nous ont con-
tion […] - puis, en Égypte, la consécration du sanc- servé, partiellement du moins, la liste des supérieurs
tuaire fut accaparée par l’abside épiscopale à cause de commémorés dans ces litanies. Or Senoute et Bèsa,
la position centrale de celle-ci […] - dès lors, dans les deux premiers archimandrites du Monastère
les églises qui n’étaient pas cathédrale d’un évêque, Blanc y occupent une place spéciale […] ». Peut-
[…], il était nécessaire d’en conserver au moins une être conviendrait-il de rapprocher du plan de l’Akh-
réduction […] la niche […] » 107. Sans doute serait- menou, celui de l’église au couvent de Chenouté,
il bon également de revoir toute l’histoire de Karnak près de Sohag, dont le chœur est certainement au
chrétienne. Mais cela dépasse largement le présent nord-est. Les peintures que nous venons de présen-
propos. ter indiquent-elles des liens entre les deux couvents ?
Deux certitudes demeurent ; premièrement, Existent-ils également avec Antinoé et avec l’église-
les colonnes étaient ornées, souvent sur la totalité martyrium de Kolouthos au Deir Abou Hennis ?
du fût avec, dans leur partie supérieure, des files Tout ceci demeure hypothétique et mériterait qu’on
de saints personnages 108. Seconde constatation, y revienne.
un « carré » est marqué sur deux paires de colon-
nes par un motif géométrique peint dans la par- En 1925, H. Munier et M. Pillet constataient : « Les
tie supérieure de la face nord pour les troisièmes fouilles qui se poursuivent à Karnak depuis près
colonnes, sud pour les quatrièmes ; sous lui, sur les d’un siècle, ont exhumé la plus grande partie des
deux colonnes méridionales (nº 3), un seul person- ruines de ses temples, sans faire retrouver autre
nage 109, auquel répondent les scènes (sans tresse au- chose que des débris des monuments chrétiens et
dessus) sur les faces nord des quatrièmes colonnes. quelques menus objets : stèles, lampes, ou ostraca de
On notera encore qu’à un seul personnage corres- la même époque ».
pond une seule scène, alors que sur les autres colon- Nous espérons qu’après les travaux de nos
nes, les saints se suivent. La décoration des colonnes prédécesseurs et les monographies de D. Le Fur et
situées au nord (nº 10) est malheureusement trop de J.-Fr. Carlotti, notre status quaestionis relatif aux
fragmentaire pour qu’on puisse l’utiliser. Se pose peintures et aux inscriptions constituera un pas vers
une autre question : l’officiant fait-il face aux fidèles une meilleure connaissance de la Heret-ib ; nous
ou regarde-t-il l’autel, en leur tournant le dos ? Si poursuivons l’étude des documents amassés lors
on place le chœur au nord et l’autel de manière à de nos séjours dans l’espoir d’y consacrer un article
ce qu’on puisse circuler autour (donc non adossé à ultérieur afin de compléter notre vision du site à
un mur ou à une cloison), le prêtre, s’il fait face aux l’époque chrétienne.
fidèles, voit le Baptême et Kolouthos et les peintures
septentrionales des colonnes suivantes. Un dernier M. Rassart-Debergh
élément mérite d’être mentionné : Georg zu Sachsen, Bruxelles, février 2005.
106 On peut dans l’Akh-menou, au lieu d’une abside complète, imaginer il est vrai que la face méridionale de ces colonnes a, plus que d’autres,
une niche qui a ensuite disparu ou été déplacée ; il en est de fort belles souffert des intempéries ; mais on peut faire la même constatation pour la
ailleurs sur le site. seconde paire de colonnes (nº 4). Il semble donc que l’on se trouve face
107 P. Nautin, Cahiers Archéologiques 17, p. 40. à la volonté du peintre de laisser la face sud des premières colonnes sans
108 Pour les autres églises, mentionnées ci-dessus, p. 750, on n’avait de décoration.
certitude que pour un, voire deux personnages. 110 R.-G. Coquin, BIFAO 72, p. 175-176.
109 Aucune trace d’une peinture sur les colonnes se faisant face (nº 3) ;
Pl. I
Dessin de M. Rassart-Debergh
d’après D. Le Fur, La conservation des peintures murales des temples de Karnak, Paris, 1994, fig. 90.
Colonne 9 est, face ouest : I 11c (à droite), D 46, I 11d et auréole de D 47 (à gauche).
Pl. XXIII
b c
Dessins M. Rassart-Debergh.
Dessins M. Rassart-Debergh.
L’Akh-menou
Status Quaestionis (1998)
II— Les inscriptions*
Elisabeth Carnot
* Le plan de positionnement des inscription se trouve avec celui des décors, 1 Eadem, pl. II.
supra, M. Rassart-Deberg, « L‘Akh-menou, Status Quaestionis (1998), 2 R.-G. Coquin, G. Wagner, « Stèles grecques et coptes d’Égypte »,
I — Les peintures chrétiennes », pl. I. BIFAO 70, 1971, p. 161-172, sp. p. 176.
798 Karnak xii
Sur le fronton triangulaire de l’édifice situé sur la Il y a un espace correspondant à trois lignes entre
droite de saint Kolouthos, deux signes sur soulignés la première et la seconde ligne de l’inscription. Les
apparaissent : IV. lettres sthès + de oba[pti]sths + sont écrites au
trait noir dans une cassure de la colonne.
Colonne 4 est (I 3)
Colonnes 5 ouest et est
Sur la face nord de la colonne, l’inscription res-
tante laisse supposer que nous nous trouvons en Il ne reste aucune inscription.
face d’une représentation du baptême de Jésus par
Jean- Baptiste, elle est en partie visible en « néga- Colonne 6 ouest (I 4) (fig. 1)
tif ». Il ne reste que quelques lettres de la phrase
vue, complétée et citée par H. Munier et M. Pillet Nous avons sur cette colonne des inscriptions à plu-
en 1925. sieurs niveaux, je les citerai de haut en bas.
3 Cette liste avait déjà été relevée par W. Jowett, Christian Researches, 1824,
p. 148.
800 Karnak xii
— Sur la face sud-ouest, il reste quelques traces — Sur la face ouest, il reste les traces d’une auréole
d’inscription totalement illisible (I 6e). et d’une inscription illisible (I 8d).
L’Akh-menou. Status questionis. II. 801
— (I 9d) Face nord-ouest : ce qui reste de l’ins- — (I 11a) Face sud-est : entre une auréole et une
cription est visible en « négatif » : tiare gemmée :
— (I 11d) Face ouest : — (I 11g) Graffito vu en 1997 à 2,95 m au-dessus du
1925 1997 socle de la colonne.
oagiosab oa[giosab]
baqeodo [ba]qeodo paulakis
rosana [r]o[sana]
c[wrhths] [cwrhths]
Colonne 10 ouest (I 12)
— (I 11e) Face nord-ouest : H. Munier et M. Pillet signalent les traces d’une
. . . iosabba inscription dont il ne reste plus rien.
....b
. . . a . . .n
oapag[ . nn]ou
[ . . . . . . . . . .]
Cette dernière inscription n’a pas été vue par [ . . . . . . . . . .]
H. Munier et M. Pillet ; elle est trop lacunaire pour
être traduite.
Colonne 10 est
— (I 11f) Sur cette même colonne, H. Munier et
M. Pillet signalent des graffiti gravés à la pointe, ils Il ne reste aucune inscription.
n’ont pas été retrouvés en 1997.
Le complexe de Karnak ne semble pas avoir livré importantes séries du Ramesseum 4. Il est possible
une grande quantité d’inscriptions hiératiques, ce que les conditions n’aient pas été optimales pour la
qui peut paraître surprenant au vu du rôle central conservation du matériel inscrit à l’encre, ou bien
que joue cette institution pendant tout le Nouvel que l’on n’ait pas encore fouillé les parties du temple
Empire. Cet ensemble de monuments, perpé- où ce type documentaire a pu se concentrer.
tuellement en chantier, aurait en effet pu fournir Certaines inscriptions hiératiques ont,
des témoignages écrits de l’activité incessante des cependant, été signalées : le dossier le plus impor-
constructeurs. Ainsi, sans même évoquer la documen tant de ce matériel est une série d’annotations
tation exceptionnelle du site de Deir el-Medineh, la qui accompagnaient les talatates d’Amenho-
fouille de certains monuments plus modestes de la tep IV découvertes dans le môle occidental du IXe
rive ouest thébaine a permis la découverte de plu- pylône, qui témoignent du travail des construc-
sieurs séries d’ostraca qui enregistrent des livraisons teurs chargés d’assembler les monuments de ce
de matériaux à des ouvriers décorateurs, qui dres- roi 5. On peut encore attirer l’attention sur une
sent des listes de la main d’œuvre employée dans inscription à l’encre portée sur un bas-relief de
ces travaux, et quantifient les journées de travail Toutânkhamon 6, et un fragment de texte littéraire
effectuées 2. Le temple de Karnak était, en outre, un figurant sur un bloc conservé dans le magasin du
centre administratif de première ampleur, pourvu Cheikh Labib 7. Outre ces graffiti et ces marques
d’espaces de stockage importants 3 : on peut s’éton- de construction, quelques ostraca documentaires
ner, là encore, de l’absence d’ostraca enregistrant les ont également été retrouvés : une série d’étiquet-
mouvements des produits de consommation, des tes de jarres — encore inédite — a ainsi été décou-
comptabilités et des étiquettes de jarres — docu- verte lors des fouilles de Karnak-Nord menées
mentation que l’on retrouve, par exemple, dans les par Jean Jacquet dans les années 1970 8. Elles
1 Il m’est agréable de remercier N. Grimal et Fr. Larché, qui ont bien Ramesseum, Londres, 1898.
voulu me confier l’étude des quelques documents dont il est question 5 J. López, « Inscriptions hiératiques sur les talatates provenant des tem-
ici, ainsi que A. Arnaudiès pour son aide précieuse dans l’utilisation de la ples d’Akhénaton à Karnak », Karnak VIII, 1987, p. 245-270.
documentation du Centre. 6 Il s’agit d’un bloc de grès placé en remploi dans le môle ouest du
2 Voir notamment les ostraca provenant de la tombe de Senmout, IXe pylône, et représentant une scène de chasse. Une annotation de deux
W. C. Hayes, Ostraka and Name Stones from the Tomb of Sen-Mut (No 71) lignes hiératiques figure à l’encre noire sur la panse de l’un des chevaux
at Thebes, New York, 1942, doc. 62-81, pl. XIII-XVI. Un matériel équivalent tirant le char royal.
— en cours d’étude — a été récemment découvert par l’équipe de R. Tefnin 7 Provenant du « nord du temple d’Amon », conservé dans le magasin
lors des fouilles entreprises dans la tombe thébaine d’Amenemopé (TT 29). du Cheikh Labib, sous le nº 91 CL 1322 ; fiches de J.- Cl. Goyon (1969)
3 S. Bickel, « Amenhotep III at Karnak, the Main Lines of a Building et L. Gallet (1993).
Program », in Eighth Congress of Egyptologists, Abstracts of Papers, Le 8 Ce lot d’une vingtaine d’étiquettes de jarres doit être prochainement
Caire, 2000, p. 34. publié par H. Jacquet, que je remercie pour m’avoir donné accès à cette
4 W. Spiegelberg, Hieratic Ostraka and Papyri found by J. E. Quibell in the documentation.
804 Karnak xii
c oncernent des récipients ayant renfermé du vin,
de l’huile et même de l’eau sacrée. Un dépouille-
ment des archives du Centre franco-égyptien des
temples de Karnak a également permis l’identi-
fication de trois ostraca hiératiques, qui peuvent 1) [...] 7 jrp n hrw [... ]
donner une idée de la documentation qui a dû, à 2) [.…k“]myt M©y[...]
un moment donné, exister. 1) [an x +] 7, vin [du] jour (a) […]
Ces textes n’ont pu être étudiés qu’au travers 2) [chef des vi]gnerons (b) May[…] (c)
de documents photographiques, parfois anciens, les
originaux n’étant pas localisables dans les réserves a) L’expression « vin du jour », suivie d’une indica-
du site. La dimension réelle des objets présentés tion chiffrée comprise le plus généralement entre 3
nous est donc inconnue. et 8, mais pouvant occasionnellement monter jus-
qu’à 25, est une indication sur la qualité du vin qui
ne semble pas apparaître, dans ce type de documen-
tation, avant le début de la XIXe dynastie 10.
Étiquette de jarre à vin b) L’expression Ìry k“myt signifie littéralement « chef
d’une équipe de jardiniers » (cf. A. Lerstrup, « k“myt
– Team of Vineyard Workers », GM 151, 1996, p. 95-
Provenance : fouille du temple d’Opet (1982) 9. 96). Cette variante du titre de responsable des vigne-
Conservation : Caracol, n° 204. Négatif Cfeetk rons est attestée dès la fin de la XVIIIe dynastie, pour
n° 1173. Deux lignes de texte hiératique, incomplè- devenir très fréquente dans les séries documentaires
tes au début et à la fin. Ramesside. de la XIXe dynastie (Ramesseum, Deir el-Medineh).
c) Plusieurs personnages portant ce nom sont réper-
toriés dans des étiquettes de jarres déjà connues
provenant de la tombe de Toutânkhamon 11, de
Deir el-Medineh 12, du Ramesseum 13, et même de
Karnak-Nord 14. Aucun ne peut plus particulière-
ment être identifié à celui qui est mentionné sur
ce document.
Ostracon calcaire
9 Sur la campagne d’étude dont est issu ce document, voir M. Azim, « À 11 J. \erný , Hieratic Inscriptions from the Tomb of Tutankhamun, Oxford,
propos du temple d’Opet à Karnak », Karnak VIII, 1987, p. 51-80, qui ne 1965, nº 19, p. 23.
mentionne pas cette étiquette mais précise que la zone étudiée a certaine- 12 Inv. 6537, inédite.
ment été construite dès la fin de la XVIIIe dynastie (ibidem, p. 53). 13 W. Spiegelberg, op. cit., nº 290, pl. 34.
10 P. Tallet, Le vin en Egypte à l’époque pharaonique, thèse de 14 Karnak-nord, inv. A 881, inédite.
dotorat inédite, 1998, p. 541-549.
Quelques ostraca hiératiques découverts à Karnak 805
d’Amon ». Une ligne de texte sur support calcaire, rovenance n’est pas spécifiée, mais le document
p
probablement complète (le dernier signe est en partie appartient vraisemblablement au même lot que l’os-
perdu). Ramesside, selon la paléographie. tracon précédent. Ramesside, selon la paléographie.
Ce document est une liste de matériel destiné à des
décorateurs.
k“t n t“ ryt smÌy [...]
travail de l’équipe de gauche […]
Ce document rappelle, bien entendu, l’organisation
des artisans décorateurs du village de Deir el-Medineh,
dont les effectifs sont traditionnellement divisés en
une équipe de droite (ryt wnmy) et une équipe de
gauche (ryt smÌy) 15. L’emploi de cette terminologie
sur un document provenant de Karnak ne signifie pas
pour autant que les ouvriers de la Tombe étaient pré-
sents sur le site, ce type de partage des effectifs ayant
sans doute été courant en Égypte ancienne 16.
Ostracon calcaire
1) ≈sbd snjw 3 r(“)-6
Connu par une plaque de verre du fonds Chevrier, 2) w“ƒ <snjw> 1
négatif Cfeetk nº 47325. Ostracon hiératique 3) qnj hnw 4
calcaire, encre noire, huit lignes de texte. La 4) “wt-jb hnw 2
15 J. \erný , A Community of Workmen at Thebes in the Ramesside period, 16 On sait toutefois que les ouvriers de Deir el-Medineh pouvaient
BdE 50, 1973, p. 101-103. occasionnellement être engagés sur d’autres chantiers que celui de la
tombe royale : cf. J. \erný , ibidem, p. 21.
806 Karnak xii
ouvrier de Deir el-Medineh au vizir Khay (contem- s’agisse de comptabilités enregistrant des produits
porain de Ramsès II), pour demander du matériel plus hétéroclites (cf. J. R. Harris, ibidem, p. 266,
destiné à la décoration d’une tombe. nos 24-27 ; P. Grandet, DFIFAO 39, n° 726, p. 27-
3) P. Chester Beatty V (= BM 10685), r° 8, 12-14 : 28, 129), ou du P. Harris I, qui évoque à plusieurs
liste de pigments figurant à la fin d’un modèle de reprises des livraisons de produits appartenant à
lettre (A. H. Gardiner, HPBM III, Londres, 1935, cette liste, dévolus à diverses institutions.
pl. 26). La liste provenant de Karnak fait donc
4) O. Caire 25594 : liste de pigments (cf. J. \erný , apparaître les éléments qui figurent régulièrement
Catalogue général du musée du Caire, Ostraca hiéra- dans la palette du décorateur : bleu (≈sbd), vert
tiques, Le Caire, 1935, p. 33 et pl. 49). Document (w“ƒ), jaune (qnj et sty), rouge (“wt-jb et tjmÌj). La
provenant de la vallée des Rois et daté de l’an 30 gomme arabique (qmyt) joue sans doute dans ce
de Ramsès II. contexte, comme la résine ‡s“yt, le rôle d’un fixateur
5) O. MMA 90.6.3 (W. Max Müller, « An Ostracon pour la couleur. Il est difficile, faute de parallèles,
in the Museum of New York », RecTrav 22, 1900, de tirer de ce document des conclusions sur le prix
p. 103-105 ; J. R. Harris, op. cit., p. 267). Présente des pigments au Nouvel Empire — ni, par voie de
au recto une liste de produits livrés avec leur quan- conséquence, sur les quantités exactes de produit
tification (du vin — jrp — est mentionné après la livré. Si l’on ramène l’ensemble à une comptabilité
dernière substance), et au verso un inventaire des en dében, cette liste enregistre vraisemblablement :
produits employés, sans indication de quantité. 19 dében de ≈sbd, 6 dében de w“ƒ, 4 dében de qnj,
Ramesside, selon la paléographie. 2 dében de “wt-jb, 5 dében de ‡s“yt, 1/4 de dében
Notons, enfin, que les éléments qu’il de qmjt, 1/8 de dében de sty et 3 dében de tjmÌj.
mentionne apparaissent régulièrement dans de Seul le prix de la gomme-qmjt semble bien connu
nombreuses autres sources documentaires, qu’il à l’époque ramesside : il serait alors de 11,5 dében
pour une mesure-khar (soit 76,88 l) 17. Si l’on suit temple de Karnak. Celle-ci commence par l’énumé-
cette indication, la quantité de ce produit à avoir ration de très nombreuses denrées alimentaires, et se
été livrée serait de 1,67 l environ. termine par la mention de pigments servant au déco-
Le papyrus Chester Beatty V r° 8, 6-14 pré- rateur. Cette correspondance entre la documentation
sente un modèle de lettre où est spécifiée la nature de littéraire et la documentation archéologique donne
produits devant être livrés au Trésor d’Amon-Rê roi une idée de ce que pouvait être, à l’origine, le matériel
des dieux (pr ̃ Jmn-R© nswt nÚrw) — c’est-à-dire au hiératique émanant de ce sanctuaire.
Fouilles G. Charloux, J.-Fr. Jet et E. Lanoë Fouilles G. Charloux Fouilles Th. Zimmer 1984 Fouilles L. Gabolde et J.-Fr. Carlotti 1998
2002-2003 2003-2004
Fouilles H. Chevrier 1947-1949
ou P. Barguet 1953 ?
Mur de Thoutmosis Ier
Ve Pylône
VIe Pylône
A. Bertin de la Hautière
Fouilles E. Lanoë 1976-1977
et O. de Peretti
2003-2004
Dégagements Fr. Larché
2004
Fouilles G. Legrain
x: 830,00
Ha19 Ha1
100
102 101
Première assise
Canalisation Dr226 98
9192
Dr227 99
Fondation
D233
Remblai
M222
Altitudes (m)
Légende Reconstitution du dallage D211
1 74,16 36 74,28 71 74,21
2 72,88 37 73,03 72 74,10
Monuments du Nouvel Empire Vestiges en brique crue 3 73,02 38 73,06 73 73,78
du muret M222 4 72,73 39 73,12 74 73,58
5 72,70 40 72,98 75 73,81
6 72,93 41 72,66 76 74,55
Canalisation Podium en calcaire 7 73,66 42 74,28 77 73,67
Mur M222
8 73,58 43 73,92 78 74,32
9 73,52 44 73,27 79 73,82
Canalisation 10 74,26 45 72,94 80 73,81
Brique crue concassée
(parties reconstituées) 11 73,06 46 72,50 81 74,16
12 73,55 47 73,36 82 73,83 94
13 73,04 48 73,80 83 74,09
Reconstitution du mur d'enceinte 14 72,78 49 74,17 84 74,34
Sable jaune
en brique crue M217 15 74,16 50 74,22 85 74,04
16 74,13 51 73,41 86 73,78
Reconstitution du mur de péribole Contour 17 74,34 52 74,22 87 74,10
et des murs latéraux et de "caissonage"
et (pierre, brique crue, couche) 18 73,57 53 73,20 88 74,08
19 73,54 54 73,31 89 73,75
20 73,06 55 77,85 90 74,06
21 73,17 56 73,68 91 73,94
Structure S 230 Contour supposé
22 74,31 57 74,37 92 73,76
23 73,83 58 74,31 93 73,82
24 72,73 59 74,20 94 76,45
Reconstitution du dallage D210 Bord de coupe 25 73,08 60 74,29 95 73,52
26 72,80 61 73,32 96 73,90
27 73,89 62 74,27 97 74,42
28 74,25 63 73,60 98 74,04
29 73,91 64 74,08 99 74,38
30 73,02 65 73,57 100 76,10
31 73,02 66 73,66 101 74,38
32 72,46 67 74,24 102 73,70
33 74,29 68 76,02
34 73,83 69 74,31
Y : 3540,00
35 73,62 70 73,83
Y : 3545,00
Y : 3535,00
G. Charloux, Karnak au Moyen Empire,… Pl. II
Croûte
Ha4
9124
Zone relevée en 1977-78
D211
41
42 40 par P. Gilbert
38 39
9123
(assise inf.)
Blocs en calcaire
D210
37
Ha1
Mh2 ?
1
10 9
M202
D210
3 2
4
Ha5 36
D210
9121
5
M205
35
9126
34 7
44
6
M20446
M201
33
9126 1 8
Ha3M201
9128
45 11
Mh1
43
D210
D210
31
30
70 Enduit blanc 32 12
9184
fondation
Assise de
Mur attribué à Thoutmosis I
9126
71 15 14
72
M204
M208
M217 D231 M203
Ha2 17
M202
73
23
D220 13
9113
16
28 27
9105
9118 18
9126
9108
Calcaire 19
24
20
A221 9104 21
74 22
25 (sur D210)
26 (fin D210)
Calcaire M218
M209 Ha7
M209
Ha16 76
Ha8
M207
58
Mh1
Dr224
M209
Dr223
95 77 57
96 D220 R219
49
Assise de 47
fondation 75 52
56
Ha15b Dr212
D220 48 Ha7b
78 S230 Dr212 50
79
9164
D220 83 54
A221 S214 D232
55
M217 53
Chapelles de Thoutmosis III 51
9184
81
82
84 M213
80
60
9191 59
87 85
Ha13
Ha9
61
M222
86
Mh1
M217
D220
91 9191 62
M204
M205
88
92 89
93 M215
63
94 69 Ha11
90 65
64
M215
66
D232
Ha10
M216
M203
67 M7
68
Ha12 Sondage interrompu Ha14
Y : 3520,00
Y : 3530,00
Y : 3525,00
74.43
336
Chantier "Ha" Mur attribué à Thoutmosis Ier
Salles d'Hatshepsout
Ve Pylône
Nord
VIe Pylône
CFEETK
Terrasse G. Charloux, 2004
0 5 10 m
Légende
Plate-forme en grès
Zone fouillée par M. Azim Mur en brique repéré par M. Azim Podium en calcaire
Dallage supposé
e
Fondations des magasins en brique crue du Moyen Empire (cours du VI pylône)
Contour
Mur en brique fouillé par M. Azim et
Chantier "Ti" (op. 128) (pierre, brique crue, couche)
Bord de coupe
N
Coupe
n°1
0 0,5 1 2m
Légende
phase 1 phase 4a phase 6
phase 2 phase 4b parement ouest de l'enceinte
de Thoutmosis III
phase 3 phase 5
A. Masson, Le quartier des prêtres du temple de Karnak… Pl. XXXI
M. Millet, Architecture civile antérieure au Nouvel Empire… Pl. IV
N
x=968
y=3260
M5
BASTION B8
M4
REMPART
y=3254
x=978
0 1m
Phase 1
Phase 2
Phase 3
Phase 4
Phase 5A
Phase 5B
Phase 5C
Phase 6
Photographie de groupe du Cfeetk, 2002-2003.
817
Résumés
Summaries
With more than 180.000 documents recorded in the Since the creation of the French-Egyptian Centre in
files of the Cfeetk, the use of an Electronic Records 1967, many soundings, excavations and restoration
Management became a necessity. Created in 1994, the work have been done revealing many archaeologi-
database compiled with 4D® software was developed cal datas. In 2004, the Cfeetk, using a Geographic
and adapted to the requirements of the researchers. The Information System (GIS) has drawn a key plan of
program named “Karnak” is a multi-media informa- Karnak which shows the location of all archaeologi-
tion system which can treat at the same time a textual cal works from 1967 to 2004. To complete this plan, a
and iconographic documentation. It is mainly used to list of these operations gives more information about
manage the 60.000 pictures of the photographic library of location, people and datation of the works. A short
the Cfeetk and makes it possible to work with images bibliography has been added to each point when it
in high resolution. A graphic interface, in accordance was possible.
with the plans and the nomenclature established by R.
5- Emmanuelle Arnaudiès-
Porter and B. Moss, makes it possible for the users to
Montélimard,
reach directly the numerical files made up of impor-
« L’arche en granit de Thoutmosis III
tant photographic funds (G. Legrain, H. Chevrier, A.
et l’avant-porte du VIe pylône ».
Bellod, A. Chéné, pictures recorded in format jpg) and
bibliographic funds (files in format pdf ). The input of En avant du VIe pylône du temple d’Amon
this documentation was the longest stage of this project. de Karnak, s’élève un monument original
After 10 years of effort, the Cfeetk has a great volume de Thoutmosis III, érigé en deux phases lors
of numerical files that very few egyptological institu- desquelles une arche en granit de 21 coudées de
tions possess nowadays. One of the possible evolutions of haut a été transformée en une avant-porte en
this project would be the creation of an electronic Porter grès. La datation de cette structure est donnée, et
& Moss (ePM), dedicated to the site of Karnak, which le lien avec le sanctuaire-reposoir de barque en
would update this reference book published in 1972. granit de ce roi devient évident. Son évolution et
This project, still in process with various institutions, le contexte architectural de sa construction, son
would be highly interesting if diffused on the Web. nom et sa décoration en font un monument ori-
ginal. Le fait d’être une sb© ©“ (seules trois portes
4- Alain Arnaudiès,
au nom de Thoutmosis III portent ce qualificatif
Emmanuel Laroze,
dans le temple d’Amon), l’utilisation du nom du
« Localisation des interventions
roi ·Ìwty-ms nfr ≈prw au lieu de l’habituel Mn-
archéologiques dans le temple de
≈pr-R© dans le nom de la porte ©“ mrwt m pr Ómn,
Karnak, 1967-2004 ».
la scène particulière avec Atoum-Amon sur le 5e
Depuis la création du Centre franco-égyptien en registre sud et la position inhabituelle des repré-
1967, de nombreux sondages, fouilles et travaux sentations divines dans la scène de montée royale
ont été conduits et ont permis la mise au jour de (toutes vers le sud) marquent la spécificité de ce
nombreuses données archéologiques. En 2004, le monument. L’auteur souligne une nouvelle fonc-
Cfeetk, par l’intermédiaire d’un Système d’Infor- tion de cette porte en tant que passage clé durant
mation Géographique (SIG), a réalisé un plan-clef les processions royales et/ou de la barque sacrée;
de Karnak montrant la localisation de toutes les elle offre, en effet, au roi, le choix entre deux
interventions archéologiques de 1967 à 2004. Pour directions. Toutes les scènes de « montée royale »
compléter ce plan, une liste exhaustive de ces opéra- de la XVIIIe dynastie, et particulièrement celles
tions renseigne plus précisément la localisation, les de Thoutmosis III sont étudiée en excursus. Selon
intervenants et la date des travaux. Une bibliogra- leur composition, leur nature ou le support sur
phie sommaire a été ajoutée à chaque point d’inter- lequel elles sont gravées, l’auteur a pu distinguer
vention quand cela était possible. deux types de séquences qui incluent ces scènes.
Résumés 819
In front of the Sixth pylon of the temple of Amun, in beginning of the Middle Kingdom. At that time, the
Karnak, an original monument of Thutmose III has been religious complex was probably composed of a sanctu-
erected on two phases during which a 21 cubits high gran- ary preceded by a terrace and surrounded by storerooms
ite arch has been modified into a sandstone front-door and concentric enclosure walls, yet unknown.
porch. The datation of this structure is discussed, and
7- Guillaume Charloux,
its links with the granite bark shrine are focussed on. Its
« Sondage dans la cour sud du VIe
architecture, name and decoration make it original : the
pylône ».
fact of being a sb“ ©“ (only three doors are so called in the
Karnak temple in Thutmose III’s time), the use of ·Ìwty- Le sondage effectué dans l’angle nord-est de la
ms nfr ≈prw instead of the usual Mn-≈pr-R© name in the cour sud du VIe pylône en mars 2003 s’inscrit
door’s name ©“ mrwt m pr Ómn, the special scene with dans l’étude de la succession des monuments, telle
« Atum-Amun » on the southern fifth register and the qu’elle a été précédemment reconnue dans la cour
unusual position of gods’ representations in the bs nswt nord et les avant-cours du VIe pylône. Ce fut éga-
scene (all looking south) give indication of the specificity lement l’occasion de compléter notre connaissance
of this monument. The author reveals a new function of de l’extension et de l’organisation architecturale
this door as a key point during the royal and/or the sacred des vestiges en brique crue du Moyen Empire, en
bark processions, offering the king a choice between two nous appuyant sur les précédents travaux de M.
directions.The Eighteenth dynasty scenes of the bs nswt Azim dans le centre de la cour sud, au début des
ritual, and specially thoses of Thutmose III, in the tem- années 1980.
ple of Amun are studied here in excursus. According to
their composition, nature and the support which they are The sounding conducted in the north-eastern corner of
engraved on, two types of sequences including the bs nswt the south court of the Sixth pylon, in March 2003, is
scenes could be distinguished. part of the general study of the buildings succession in
the central area of the temple, therefore improving our
6- Guillaume Charloux,
knowledge of the Middle Kingdom mud-brick archi-
« Karnak au Moyen Empire,
tectural remains, based on M. Azim 1980’s excavations
l’enceinte et les fondations des
in the middle of the southern courtyard.
magasins du temple d’Amon-Rê ».
8- Guillaume Charloux,
Les découvertes récentes d’imposants vestiges en
« Typologie sommaire des poteries
brique crue au nord du podium d’Hatshepsout,
du début du Moyen Empire
complétées par une relecture archéologique et archi-
provenant des cours du VIe pylône ».
tecturale des structures précédemment dégagées à
Karnak, permettent d’envisager une nouvelle resti- Les céramiques découvertes lors de fouilles archéo-
tution de l’ensemble des édifices du début du Moyen logiques des cours du VIe pylône constituent, à
Empire dans la zone centrale du temple d’Amon. ce stade de la recherche, la principale source de
Le complexe religieux serait alors constitué d’un datation des vestiges architecturaux en brique crue
sanctuaire précédé d’une terrasse et entouré par des et des couches sous-jacentes. Fondée sur une com-
magasins et des murs de péribole concentriques, paraison précise des recherches en céramologie les
dans des proportions jusqu’alors insoupçonnées. plus récentes, l’étude typologique semble indiquer
une « fourchette » XIe dynastie - début de la XIIe
The recent discoveries of large mud-brick remains at dynastie.
the north of the Hatshepsut’s podium, supplemented by
an architectural interpretation of the previously cleared The ceramics collected during the excavations in the
structures, allows the author to present a new restitu- Sixth pylone’s courts constitute the main resource to
tion of constructions of the temple of Amun at the date the architectural mud-brick remains and the
820 Karnak xii
under layers. From a meticulous comparison with the du VIe pylône et de sa cour nord par Thoutmosis
most recent publications, the typological study seems to III, au début du Nouvel Empire. Un dépôt de fon-
indicate an Eleventh-begining of Twelfth dynasty scale. dation retrouvé sous la base d’une des colonnes de
la cour confirme cette datation. La troisième phase
9- Guillaume Charloux,
coïncide avec l’implantation d’un pressoir à huile
« Une canalisation en grès du début
à l’époque romaine tardive : son infrastructure par-
de la XVIIIe dynastie et résultats
faitement conservée est le premier exemple in-situ
complémentaires du chantier
retrouvé à Karnak.
“Ha” ».
Cet article a pour objectif de décrire et dater une The excavations carried out in the northern court of
canalisation en grès dégagée sur une trentaine de the Sixth pylon have revealed three phases of layout and
mètres lors des fouilles archéologiques au nord du no occupation of this zone before the Middle Kingdom.
podium d’Hatshepsout en 2004. Il s’agit d’une The study of the oldest phase, characterized by walls out
exceptionnelle attestation de la qualité et de la of raw bricks and ceramics of Eleventh-beginning of
complexité de construction du système d’écoule- the Twelfth dynasty, made it possible to establish part of
ment des temples au début du Nouvel Empire. Un the plan of the sanctuary of the Middle Kingdom and
complément d’informations sur les monuments de the various stages of its construction. A second phase
la XVIIIe dynastie (mur de péribole et fondations corresponds to the construction of the Sixth pylon and
des magasins et des chapelles dits de Thoutmosis Ier, its northern court by Thoutmosis III, at the beginning
ainsi que les fondations du podium d’Hatshepsout) of the New Kingdom, which is confirmed by the discov-
est également présenté. ery of a foundation deposit under the base of one of the
columns of the court. The third phase coincides with
This paper deals with the description of a sandstone the establishment of an oil press at the Late Roman
canalization uncovered to the north of the Hatshepsut’s period : its perfectly preserved infrastructure is the first
podium in 2004. Exposed along thirty meters, this in-situ example found in Karnak.
canalization is an exceptional evidence of the qual-
11- Frédérique Horn,
ity and complexity of the drain systems at the begin-
« Terres cuites de la Basse Époque
ning of the New Kingdom. More archaeological data
à Karnak. Sondages du secteur
on the Field « Ha » (operation 9b), dealing with the
oriental du musée en plein air,
Eighteenth dynasty monuments (enclosure walls, foun-
zone 6 ».
dations of the so-called « storerooms and chapels of
Thutmose Ist » and the Hatshepsut’s podium), are also Une vingtaine de figurines en terre cuite a été décou-
being discussed. verte dans le secteur oriental du musée en plein air
de Karnak. Elles sont de trois types : la plupart
10- Guillaume Charloux,
appartient au type des « concubines » et trois figu-
Jean-François Jet,
rines sont zoomorphes. Elles ont été découvertes en
« Recherches archéologiques dans la
trois lieux distincts mais toujours dans des niveaux
cour nord du VIe pylône ».
en relation avec la construction ou la destruction de
Les fouilles réalisées dans la cour nord du VIe pylône murs. Ceci nous a permis de les dater de la XXVIe
ont mis en valeur l’existence de trois phases d’amé- dynastie et d’émettre l’hypothèse d’une utilisation
nagement et l’absence d’occupation antérieure au rituelle, apotropaïque ou votive.
Moyen Empire. L’étude de la phase la plus ancienne,
caractérisée par des murs en briques crues et de la About twenty clay figurines were discovered in the orien-
céramique de la XIe–début XIIe dynasties, a permis tal part of the Karnak open air museum. They mainly
d’établir une partie du plan du sanctuaire du Moyen- belong to the so-called « concubine type » ; three others
Empire et les différentes étapes de sa construction. are zoomorphic.They were scattered over three areas, in
Une seconde phase correspond à la construction layers always in relation to the walls constructions or
Résumés 821
destruction. This fact allows us to date them back to the plan of a Middle Kingdom architectural unit, pre-
the Twenty-sixth dynasty and to suppose they had a viously partly observed by Mr. Azim in the southern
ritual use. court of the Sixth pylon.
The rebuilding of Amenhotep II’s calcite shrine in the The southern part of the court located behind the Sixth
open air museum of Karnak required a preventive pylon, in front of the granite bark-shrine of the central
archaeological intervention. Two architectural phases zone was excavated, to the border of the axial passage.
of Saito-Persian time were observed, characterized by The archaeological data of this excavation have usefully
raw brick walls sometimes built on a wooden frame, supplemented the architectural study, since the objec-
grounds covered with shards and holes of chock. All tive of this excavation was to determine the evolution
these data increase our knowledge of the urban unit, of New Kingdom’s constructions in this sector. But
north of the great temple of Amon, during the Late the determination of the chronological sequence of the
Period. stratigraphic units and various clues of dating, among
which ceramics, revealed two great phases of construc-
13- Jean-François Jet,
tion, the first one going back to the Middle Kingdom.
« Sondages archéologiques dans
l’avant-cour nord du VIe pylône ». 15- François Larché,
« Nouvelles observations sur les
Les six sondages réalisés en avril 2002, dans l’avant-
monuments du Moyen et du Nouvel
cour nord du VIe pylône du grand temple d’Amon
empire dans la zone centrale du
ont permis d’étudier les fondations des monuments
temple d’Amon ».
de Thoutmosis III. La mise au jour de vestiges en
brique crue vient compléter le plan d’un ensem- Un nouvel examen des fragments du portique de
ble architectural daté du Moyen-Empire, en par- Sésostris Ier permet une restitution différente des
tie observé par M. Azim dans la cour sud du VIe structures de ce roi qui a mis en oeuvre le grès
pylône. comme le calcaire. Cette restitution s’appuie aussi
sur les récentes recherches archéologiques entre le
Six surveys carried out in the forecourt of the Sixth IVe pylône, à l’ouest, et l’Akh-menou, à l’est. Les
pylon of the great temple of Amun in April 2002 allowed vestiges conservés dans la cour dite du Moyen
us to study the monuments of Thutmose III’s founda- Empire semblent désormais avoir été construits au
tions. The discovery of raw brick remains supplements début du Nouvel Empire pour supporter le temple
822 Karnak xii
second, de J.-Fr. Carlotti, sur son architecture. Tous condition of inscriptions (E. Carnot) and paintings
deux retraçaient l’histoire de l’édifice à travers les (M. Rassard-Debergh) in 1998. Various problems are
siècles. Centré au contraire sur la seule occupation being discussed, including orientation.
chrétienne, le présent article se veut un simple status
23- Pierre Tallet, « Quelques
quaestionis présentant l’état, en 1998, des inscriptions
ostraca hiératiques retrouvés à
(É. Carnot) et des peintures (M. Rassart-Debergh).
Karnak ».
Y est fait également le point sur divers problèmes,
dont celui de l’orientation. Le temple de Karnak n’a, jusqu’à présent, fourni que
très peu de textes documentaires. Les trois ostraca
This monument, which was reused during the présentés ici comblent en partie cette lacune, et don-
Christian time, is, till now, the subject of two nent une idée de la documentation qui a dû exister
remarkable books : one, of D. Le Fur on its deco- sur le site, et qui est peut-être encore à découvrir.
ration and restoration, the second, of J.-Fr. Carlotti,
on its architecture. Both of them recalled the history Until now, very few documentary texts were found in the
of the building through the centuries. On the con- temple of Karnak. The three ostraca here presented fill
trary, this paper focuses on the Christian occupa- that gap and bring to light the kind of documents which
tion, being a simple status quaestionis presenting the have existed in the temple and are still to be found.
825
Sommaire du dévédérom :
les films du Centre Franco-Égyptien
d’Étude des Temples de Karnak,
fouilles et études 2003-2004
Réalisation : Antoine Chéné
Films Séquences
Fascicule 1
Jean-François Jet, Sondage dans le secteur oriental du musée en plein air de Karnak :
constructions d’époque saïto-perse 335-354
Jean-François Jet, Sondages archéologiques dans l’avant-cour nord du VIe pylône 355-372
Emmanuel Lanoë, Fouilles à l’est du VIe pylône : l’avant-cour sud et le passage axial 373-390
Marie-Delphine Martellière, Une nouvelle stèle de Ramsès III découverte à Karnak 391-399
828 Karnak xii
Fascicule 2
Aurélia Masson, Marie Millet, Sondage sur le parvis nord du IVe pylône 659-679
vKŽ ‰UI*« «c¼ e Ò�Ód¹Ô ¨p�– s� fJF�« vKŽË ÆÊËdI�« d� vKŽ ¡UM³�« «c¼ a¹—Uð ÊUH�R*« Ê«c¼ b�— b?? ? ?�Ë ÆÍ—U?? ? ?LF*«
©⁄dÐËœ≠—UÝ«— Æ® ‘uIM�«Ë ©u½—U� Æ≈® ’uBM�« W�UŠ ÷dŽ œd−� v�≈ ·bN¹Ë ¨jI� w×O?? ? ?�*« ÊUDO²?? ? ?Ýô« …d²�
Æ¡UM³�« ÁU&≈ UNMOÐ s� WHK²�� öCF* ‰UI*« ÷dF²¹ UL� Æ1998 ÂUŽ w�
- w²�« WOIOÞ«dON�« ostraca U�«d²ÝË_« lD� iFÐ ò ¨Pierre Tallet tO�Uð —UOÄ — 23
Æå p½dJ�« w� UNOKŽ —u¦F�«
UN�bI¹ w²�« WŁö¦�« U�«d²ÝË_« lD� Ê≈ ÆWOIzUŁu�« ’uBM�« s� Ϋbł qOKI�UÐ ÈuÝ Êü« v²Š p½dJ�« b³F� U½b1 r�
UM� n?? ? ? ?AJ²ð U0— w²�«Ë l�u*UÐ …œułu� X½U� w²�« ozUŁu�« sŽ …dJ� wDFð UL� Æ…dG¦�« Ác¼ UÎ Ozeł b?? ? ?�ð ‰UI*« «c¼
Æq³I²�*« w�
w²�« WKB�« sŽ UÎ C¹√ nA� UL� ÆWMNJ�« ‰“UM� UÎ Ozeł d]�œ t½√ Ëb³¹ Íc�« o¹d(« s� w�«d−Oð«d²?? ? ?Ýô« Èu²?? ? ?�*« «c¼
ÆvKH��« dB� s� d¹“u�« «c¼ 5ÐË p½dJ�« b³F0 Í—«œô«Ë wMJ��« ŸUDI�« «c¼ 5Ð jÐdð X½U�
w� W?? �−� ò ¨Marie Millet t?? OO� Í—U?? �Ë Aurélia Masson Êu?? ÝU� U?? OK¹—Ë√ — 19
Æå lЫd�« ÕdBK� WO�ULA�« WŠU��«
fL²% pK*« ‚«Ë— l{u� `O{uð v�≈ lЫd�« ÕdB�« ÂU�√ w�ULA�« ¡UMH�« w� U¼cOHMð - w²�« …b¹b'« ÀU×Ð_« ·bNð
faïence f½UOH�« s� ‘uÞdš vKŽ ÊU¹u²×¹ ¨wK�_« ULN½UJ� w� UÝUÝú� 5Žœu²�� vKŽ —u¦F�« - b�Ë ÆlЫd�«
UŽœu²�� q¦9 U0— ¨5ÞUÝ_« uN³� 107 r�— œuLF�« qH?? ? ?Ý√ rzUI�« U?? ? ?ÝUÝ_« Ÿœu²?? ? ?�� W�U{UÐË ÆlЫd�« fL²×²�
WFÐU��« …d?? ? ? ?Ý_« W¹UN½ v�≈ œuFð w²�« U¹UI³�« Ê√ p�– vKŽ œÚ “ Æ¡UMHK� w�UL?? ? ?A�« ŸUDIK� WŁö¦�« U¹«Ëe�« Ác¼ U?? ? ?ÝUÝ_«
«c¼ a¹—Uð sŽ U�uKF0 UMðb�√ b� vD?? ? ?Ýu�« W�Ëb�« dBŽ v�≈ œuFð w²�« pKðË …d?? ? ?AŽ WM�U¦�« …d?? ? ?Ý_« W¹«bÐË …d?? ? ?AŽ
Æ¡UMH�«
∫ W¦¹b(« W�Ëb�« dBF� oÐU?? ��« w½b*« —ULF*« s� ò ¨Marie Millet t?? OO� Í—U?? � — 20
Æå 2001-2003 WÝbI*« …dO׳�« ‚dý W¹dŁ_« dzUH(« ‰uŠ ÍbON9 d¹dIð
dBŽ v�≈ œuFð WO½b� W?? ? ?¹—ULF� sz«d� vKŽ p½dJ�« Âd×Ð …b?? ? ?¹bŽ s�U�√ w� ‰ôb²?? ? ?Ýô« - ¨ UMOF³?? ? ?��« lKD� cM�
v�≈ …b¹bł W?? ? ?�−� ¡«dł≈ - ¨W?? ? ?ÝbI*« …dO׳K� w�d?? ? ?A�« ŸUDI�UÐ dzUHŠ ·UM¾²?? ? ?Ý« —UÞ≈ w�Ë ÆW¦¹b(« W�Ëb�« q³� U�
¨…dAŽ W¦�U¦�«Ë …d?? ? ?AŽ W¹œU(« 5ðd?? ? ?Ý_« 5Ð ULO� b²9 W¹—ULF� qŠ«d� WO½ULŁ “«dЫ - ¨2003 ÂUŽ W¹UN½ w�Ë Æ»uM'«
Í—U'« ŸUDI�« lOÝuð bFÐ 2007 ÂUŽ dzUH(« Ác¼ wN²Mð Ê√ l�e*« s�Ë Æ…d?? ? ?AŽ WO½U¦�« …d?? ? ?Ý_« s� eÓ³�ÓÚ � v�≈ W�U{ùUÐ
Élisabeth u?? ½—U� XЫeOK¹≈ ¨å WO×O?? �*« ‘u?? IM�« I (1998) Æu?? M� Œ_« ôU?? H²Šô«
s� …—uBI� Z�bÐ w½U¦�« V²×M�√ ÂU� ΫdOš√Ë ÆlЫd�« ÕdB�« »dž W³B²M*« ö�*« włË“ ÂU�√ ö�*« s� 5łË“
ÆlЫd�« ÕdB�« ÂU�√ w�dA�«≠wÐdG�« —u;« œ«b�½« sŽ dHÝ√ U2 ¨…dOš_« ö�*« włË“ 5Ð XO�KJ�«
Æ¡UM³�« «c¼ w� Y�U¦�« fO��— qšb²Ð wŠu¹ Y�U¦�« fL²% v�≈ »u�M*« —u��« U¹UIÐ s� »dI�UÐ WŠuK�«
sŽ UMðU�uKF� qIŁ v?? ? ?�≈ …b¹b'« ÀU×Ð_« vF?? ? ?�ð ¨2000 ÂUŽ cM�Ë ÆW?? ? ?ÝbI*« …dO׳�« ‚d?? ? ?ý≠»uMł lI¹ WMNJ�UÐ
s� WHK²�� qŠ«d� ·UA²�« - ¨VII r�— ‰eM*« VOIMð ‰ULŽ√ ¡UMŁ√Ë ÆWO�«d−Oð«d²?? ? ?Ýô« tðUI³Þ ULO?? ? ?Ýô ¨ŸUDI�« «c¼
w� ©W½Ëb*« ÂU²š_«Ë —U�H�« W�U�ÐË® W¹dŁ_« UOM²I*« qCHÐ UM×$ b�Ë Æwzeł ‰UL¼≈Ë …d−¼ W³IŠË ÊUDO²?? ? ?Ýô«
Æs¹dAF�«Ë WFÐU��« …dÝ_« lKD�Ë s¹d?? ? ?AF�«Ë W?? ? ?ÝœU��« …d?? ? ?Ý_« ÊUÐ≈ «c�UÐË ¨dšQ²*« dBF�« s� qŠ«d*« pKð a¹—Qð
Æs¹dAF�«Ë W¹œU(« …dÝ_« bNŽ ‰öš w(« «cNÐ W�U�ô« WO½UJ�≈ sŽ ‰¡U�²½ Ê√ v�≈ d�_« p�– U½œuI¹Ë
XO½≠Íd�≠pOðUL?? �Ð d?? ¹“u�« r?? ²š ò ¨Aurélia Masson Êu?? ÝU� U?? OK¹—Ë√ — 18
Æå Psametik-mery-Neith
q¦1 Íc�« o¹d(« WI³Þ Èu²�� w� XO½≠Íd�≠pOðUL?? ? ?�Ð d¹“u�« r?? ? ?Ý« qL×¹ Íœd³�« s� W�UH� r²š vKŽ —u¦F�« -
Ád�– œ—Ë Íc�« vKH��« dB* d¹“u�« «c¼ Ê≈ ÆW?? ? ?ÝbI*« …dO׳�« ‚d?? ? ?ý WMNJ�« wŠ w� l�«u�« VII r�— ‰eM*UÐ W�U�≈ dš¬
a¹—Q²� W�OH½ U�uKF0 r²)« «c¼ U½b�√ b�Ë ÆAmasis fLŠ√ pK*« rÝUÐ v�Ë_« …dLK� tLÝ« Êd²I¹ …—œU½ ozUŁË w�
w�U�_« ¡U?? MH�« w� W?? ¹dŁ√ U?? �−� ò ،،Jean-François
Jean-François Jet X?? Ç «u?? �½d�≠ÊUÇ — 13
b� 6K�« »uD�« s� U¹UIÐ sŽ ÂU¦K�« WÞU�≈ Ê√ UL� ÆY�U¦�« fL²% pK*« WOMÐ√ U?? ? ?ÝUÝ√ WÝ«—bÐ UM� X×L?? ? ?Ý dO³J�«
¡UMH�« w� M. Azim .eŽ Æ UÎ Ozeł U¼b�— Ê√ o³Ý ¨vDÝu�« W�Ëb�« v�≈ œuFð W¹—ULF� WŽuL−� WD¹d)« v�≈ X�U{√
∫ ”œU?? ��« ÕdB�« ‚d?? ý w� d?? zUHŠ ò ¨Emmanuel Lanoë t?? O¹u½ô q?? ¹u½U1« — 14
Æå Í—u;« dL*«Ë wÐuM'« w�U�_« ¡UMH�«
v²ŠË Íe�d*« ŸUDIK� ”bI*« ‚—Ëe�« …—uBI� ÂU�√ ¨”œU��« ÕdB�« nKš l�«u�« ¡UMHK� wÐuM'« ¡e'« VOIMð - bI�
pKð Ê_ ΫdE½ ¨W¹—ULF*« WÝ«—b�« WKLJð vKŽ …bzUH�UÐ œUŽ UNO�« q�u²�« - w²�« W¹dŁ_« UODF*« Ê≈ ÆÍ—u;« dL*«
‰öš s� UM� 5³ð b�Ë ÆŸUDI�« «c¼ w� W¦¹b(« W�Ëb�« WOMÐ√ vKŽ √dÞ Íc�« —uD²�« b¹b% v�≈ ·bNð X?? ? ?½U� d?? ? ?zUH(«
UM� 5³ð ¨W¹—U�H�« UOM²I*« p�– w� U0 a¹—Q²�« sz«d� s� U¼dOžË WO�«d−Oð«d²Ýô« UI³DK� wM�e�« q�K�²�« b¹b%
ÆvDÝu�« W�Ëb�« dBŽ v�≈ U¼ôË√ œuFð W¾ON²�« s� 5ðdO³� 5²KŠd� œułË
UÎ Ðdž lЫd�« ÕdB�« 5Ð W¦¹b(« W?? ? ?¹dŁ_« ÀU×Ð_« vKŽ UÎ C¹√ —uB²�« «c¼ eJðd¹ UL� Æ¡«u?? ? ?Ý bŠ vKŽ ÍdO'« d?? ? ?−(«Ë
Ëb³ð vDÝu�« W�Ëb�« ¡UMHÐ ·Ód ÚFÔ¹ U� qš«œ WþuH;« U¹UI³�« Ê≈ ÆÎU�d?? ? ?ý å Akh-menou uM� Œ_« ò ôUH²Šô« W�U�Ë
fL²% t²HOKš ÂU� rŁ ƉË_« V²×M�√ b³F� rŽb� W¦¹b(« W�Ëb�« W¹«bÐ w� ÁbO?? ? ?A� X½U� u� UL� ΫbŽUB� Êü« s�
ÆÊ“U�*« s� W�«d²� WŽuL−� rC¹Ë ‚d?? ? ?A�«Ë »dG�« w¼U&UÐ Õu²H� r−(« rOEŽ ÃUO?? ? ?�Ð b³F*« «c¼ WÞUŠUÐ ‰Ë_«
VBMÐ X�U� UL� ÆUNOÐ√ rÝUÐ lЫd�« ÕdB�« bOOAðË »dG�« WOŠU½ ÃUO��« «c¼ WŠ«“UÐ U¼—ËbÐ u�³A²Š X�U� rŁ
Y�U¦�« fL²% U�√ ÆÕdB�« fH½ ‚dý WBOLIðË ö?? ? ?�� ÃË“ W�U{≈ rŁ ¨lЫd�« ÕdB�« »dž ö?? ? ?�*« s� 5łË“
WHK²�*« qŠ«d*«Ë vDÝu�« W�Ëb�« b³F� WD¹dš s� ¡eł rÝdÐ X×LÝ ¨…dAŽ WO½U¦�« W¹«bÐË …dAŽ W¹œU(« 5ðd?? ? ?Ý_«
W�Ëb�« lKD� w� Y�U¦�« fL²% b¹ vKŽ w�ULA�« Á¡UM�Ë ”œU��« ÕdB�« bOOAð w� WO½U¦�« WKŠd*« q¦L²ðË ÆÁbOOA²�
W¦�U¦�« WKŠd*« U�√ Æa¹—Q²�« «c¼ b�R¹ ¡UMH�« …bLŽ√ bŠ√ …bŽU� qH?? ? ?Ý√ U?? ? ?ÝUÝ√ Ÿœu²?? ? ?�� vKŽ —u¦F�« Ê≈ ÆW¦¹b(«
kH(« s� …bOł W�UŠ w� w¼Ë WO²×²�« t²OMÐ d³²Fð –≈ ÆdšQ²*« w½U�Ëd�« dBF�« ‰öš X¹e�« —UBÒF� ¡UA½« l� s�«e²²�
dBF�« v�≈ lłdð —U�H�« s� …dOG� qOŁU9 ò ¨Frédérique Horn Ê—u¼ p¹—b¹d� — 11
Æå 6 ŸUD� ¨Õu²H*« nײLK� WO�dA�« WIDM*« w� U�−� Æp½dJ�« w� dšQ²*«
w¼Ë Æp½dJ�UÐ Õu²H*« nײLK� w�d?? ? ?A�« ŸUDI�« w� ZCM�« 5D�« s� ΫdOG� ôÎ U¦9 s¹d?? ? ?AŽ w�«uŠ vKŽ —u¦F�« -
vKŽ qOŁU9 WŁöŁ vKŽ …ËöŽ ¨å concubines UÒOEÚ Ó;« ò qOŁUL²Ð ·Ód ÚFÔ¹ U� UN³Kž√ q¦1 –≈ ∫ Ÿ«u½√ WŁöŁ v�≈ r�IMð
bOOA²Ð WD³ðd� U¹u²�� qš«œ UNFOLł X½U� Ê≈Ë WKBHM� s�U�√ WŁöŁ w� UN�U?? ? ?A²�« Èdł b�Ë Æ U½«uOŠ W¾O¼
ÊU� UN�«b�²Ý« Ê√ WO{d� WžUO�Ë s¹d?? ? ?AF�«Ë WÝœU��« …d?? ? ?Ý_« bNFÐ UN�¹—Q²Ð p�– UM� `M?? ? ?Ý b�Ë ÆÊ«—b'« Âb¼Ë
Ê«eOL²ð UL¼Ë Æw?? ? ?Ý—UH�«≠ÍËUB�« dBF�« v�≈ ÊUFłdð 5²¹—ULF� 5²KŠd� b�— -Ë Æ◊UO²Šô« qO³?? ? ?Ý vKŽ W¹dŁ_«
b�«u�Ë ¨nIA�« lDIÐ ÁUDG*« WÐd²�« s� UO{—√Ë ¨w³Aš qJO¼ vKŽ UÎ ½UOŠ√ bM²�ð 6K�« »uD�« s� Ê«—bł œułuÐ
b³F� ‰UL?? ? ?ý b²9 X½U� w²�« W¹dC(« WŽuL−*« ÊQ?? ? ?AÐ UM�—UF� UNFLł - w²�« U�uKF*« Íd¦ðË ÆXO³¦²K� »uIŁË
bNŽ v�≈ lłdð w²�« 6K�« »u?? ? ?D�« ‰öÞ_ Í—ULF*« rOEM²�«Ë œ«b²�« ‰uŠ U?? ? ?M�—UF� qI¦� W�dH�« Ác¼ UMLM²ž« U?? ? ?L�
wÐuM'« ¡UMH�« e�d� w� M. Azim .eŽ Æ U¼cH½ w²�« WIÐU��« ‰ULŽ_« vKŽ p�– w� U½bM²Ý« b�Ë ÆvD?? ? ?Ýu�« W�Ëb�«
Æå ”œU��« ÕdB�« WOM�√ w� UNOKŽ —u¦F�« - w²�«Ë vDÝu�« W�Ëb�« W¹«bÐ v�≈
—bB*« s¼«d�« X�u�« w?? ? ?� q¦9 W¹—U�� lD� sŽ ”œU?? ? ?��« ÕdB�« WOM�√ w� U¼cOHMð - w²�« W¹dŁü« d?? ? ?zUH(« XH?? ? ?A�
W½—UI� vKŽ eJðdð w²�« WOHOMB²�« WÝ«—b�« Ê≈ ÆWO²×²�« UI³D�«Ë 6K�« »uD�« s� W¹—ULF*« U¹UI³�« a¹—Q²� w?? ? ?�Ozd�«
…d?? ? ? ?Ý_« lKD�Ë …d?? ? ?AŽ W¹œU(« …d?? ? ?Ý_« 5Ð dB×M¹ a¹—Q²Ð Ëb³¹ U� vKŽ U½b9 —U�H�« rKŽ w� ÀU×Ð_« ÀbŠQÐ WIO�œ
Æ…dAŽ WO½U¦�«
bÒIFÓ ðË WŽË— vKŽ Îö?? ? ?O�œË Ϋb¹d� Ϋd?? ? ?ýR� p�– bÓF¹Ô Ë Æ u?? ? ?�³A²Š WJK*« WBM� ‰UL?? ? ?ý w� W¹dŁ_« dzUH(« ¡UMŁ√ Ϋd²�
WOMÐ√ ÊQ?? ? ? ?AÐ U�uKF*« s� b¹e*« ‰UI*« ÷dF²?? ? ?�¹ UL� ÆvD?? ? ?Ýu�« W�Ëb�« dBŽ W¹«bÐ w� bÐUFLK� ÁUO*« ·d� ÂU?? ? ?E½
WBM� UÝUÝ√ v�≈ W�U{ùUÐ ¨‰Ë_« fL²% v�≈ WÐu�M*« dO�UI*«Ë Ê“U�*« UÝUÝ√Ë —«uÝ_«® …dAŽ WM�U¦�« …d?? ? ?Ý_«
Æ© u�³A²Š
s� W¹—U�� lD�Ë 6K�« »uD�« s� Ê«—bł œułuÐ eOL²ð w²�« qŠ«d*« Âb�√ W?? ? ?Ý«—œ Ê≈ ÆvD?? ? ?Ýu�« W�Ëb�« bNŽ q³� ULO�
¨Emmanuelle Arnaudiès-Montélimard —U?? LOKO²½u�≠”U¹œu½—« q?? ¹u½U1≈ — 5
v�≈ W�U{ùUÐ ÆwK�d�« d−(« s?? ? ?� qšb� v�≈ UÎ Ž«—– s¹d?? ? ?AŽË bŠ«Ë tŽUHð—« mK³¹ XO½«d'« s� b ÚI ÓŽ q¹u% U?? ? ?LN�öš
ÆWOKł W×{«Ë X׳�√ pK*« «cN� ”bI*« ‚—Ëe�« WŠ«d²?? ? ?Ý« …—uBI� 5ÐË tMOÐ WKB�« ÊS� ¨vM³*« «c¼ a¹—Uð 5OFð
tFÐUÞ l³M¹ UL� ÆΫb¹d� ΫdŁ√ tM� qF−¹ p�– q� týuI½Ë tLÝ≈Ë ÁbOOA²� Í—ULF*« ‚UO?? ? ?��«Ë Á—uDð qŠ«d� ÊQÐ UÎ LKŽ
b³F� qš«œ Y�U¦�« fL²% r?? ? ?Ý≈ qL% UЫuÐ ÀöŁ vKŽ jI� o³DM¹ XFM�« «c¼® å…dO³� WЫuÐò t½u� s� b?? ? ?¹dH�«
b¹dH�« dEM*«Ë ¨WЫu³�« rÝ≈ w� œU²F*« Menkhéperrê r?? ? ?Ý≈ s� ôÎ bÐ Djéhoutymès pK*« r?? ? ?Ý≈ «b�²?? ? ?Ý«Ë ¨©Êu�¬
wJK*« œuF� ò ?�« d?? ? ?EM� w� tN�ü« d¹uB²� œU²F*« dOž l{u�« p?? ? ?�c�Ë wÐuM'« f�U)« nB�« w� Êu?? ? ?�¬≠Âuð¬ l?? ? ?�
X½U� w²�« WЫu³�« ÁcN� …b¹bł WHOþË ‰UI*« «c¼ W³ðU� “dÚ³ðÔ Ë Æ©»uM'« WOŠU½ t?? ? ?Nłu� U?? ? ?NK�Ë® å montée royale
WO½UJ�« pK*« l�«u�« w� WЫu³�« Ác¼ wDFð –≈ Æ”bI*« ‚—Ëe�« V�u� ¡UMŁ√ Ë√ØË WOJK*« V�«u*« ¡UMŁ√ UÎ �U¼ Ϋd2 q¦9
pKð ULOÝô ¨…dAŽ WM�U¦�« …dÝ_« v�≈ lłdð w²�« åwJK*« œuF�ò ?�« dþUM� lOLł WÝ«—œ - b�Ë Æ5¼U&« 5Ð —UO²šô«
UN²FO³ÞË UNM¹uJ²� UÎ F³ð dþUM*« pKð s� 5D/ eOO9 ‰UI*« «c¼ W³ðU� XŽUD²?? ? ?Ý« UL� ÆY�U¦�« fL²% v�≈ œuFð w²�«
v�≈ œuFð w²�« WOMÐ_« ŸuL−� rO�dðË —uBð WO½UJ�« `O²ð ¨p½dJ�« w� UNMŽ ÂU¦K�« WÞU�≈ o³Ý w²�« WOMÐú� Í—ULF�Ë
s� 5(« p�– w� n�Q²ð X½U� U0— WOM¹b�« WŽuL−*« ÊQÐ UÎ LKŽ ÆÊu�¬ b³F* Íe�d*« ŸUDI�« w� vDÝu�« W�Ëb�« lKD�
Æ…dE²M� dOž œUFÐ√ «– e�d*« …bײ� —«uÝ√Ë Ê«—błË Ê“U�� tÐ jO%Ë WŠUÝ tI³�ð qJO¼
”œU��« ÕdBK� wÐuM'« ¡UMHK� WO�d?? ? ?A�« WO�UL?? ? ?A�« W¹Ë«e�« w� 2003 ”—U� dN?? ? ?ý ‰öš U¼cOHMð - w²�« W?? ? ?�−*« Ê≈
…bŽU� d¹uDð - b?? ? ?�Ë Æ©gestion électronique de documents o?? ? ?zUŁuK� w½Ëd²J�≈ r?? ? ?OEMð® GED t ]łÓu�Ï Z?? ? ?�U½dÐ
vL?? ? ? ?�*« Z�U½d³�« Ê≈ Æ5¦ŠU³�« U³KD²� l� o�«u²²� UNðQONðË 4D Z�U½dÐ o�Ë 1994 ÂUŽ U¼œ«bŽ« √b?? ? ?Ð w²�« U?? ? ?½UO³�«
ÍdB*« e�dLK� WO�«džuðuH�« ozUŁu�« nO?? ? ?ý—√ qš«œ WþuH;« —uB�« s� UÎ H�√ 5²?? ? ?Ý rOEMð W�U�Ð Z�U½d³�« «c¼ `O²¹
Æ— UNF{Ë w²�« U×KDB*«Ë jz«d)UÐ qB²*« w½UO³�« jOÝu�« `O²¹Ë ÆW�b�«Ë Õu{u�« WO�UŽ Ϋ—u� ‰Ë«bðË w?? ? ?�½dH�«
WŽuL−� s� W½uJ*« WOL�d�« ö−?? ? ?��« v�≈ …d?? ? ? ýU³� ‰u�u�« Âb�²?? ? ?�LK� B. Moss ”u� Æ» Ë R. Porter —Uð—uÐ
tOMO?? ? ? ?ý Æ√ ¨ A. Bellod œuKOÐ Æ√ ¨ H. Chevrier tO¹dÑU?? ? ?ý Æ?? ? ? ¼ ¨ G. Legrain Ê«d?? ? ?łu� Æı® W?? ? ?L�{ W?? ? ?O�«džuðu�
UHK� W¾O¼ v?? ? ?KŽ® WO�«džuOK³OÐ lł«d� v?? ? ?�≈ W�U{ùUÐ ©jpg U?? ? ?HK� W¾O¼ vKŽ WK−?? ? ?�� —u� w?? ? ?¼Ë ¨ A. Chéné
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