Vous êtes sur la page 1sur 2

E.

P : 15/10/1963, Sfax Module n° 3 Classes : 7B10/12 E.P : 15/10/1963, Sfax Module n° 3 Classes : 7B10/12

A.S : 2022-2023 Lecture Prof : Methenni Sonda A.S : 2022-2023 Lecture Prof : Methenni Sonda

Vendredi et la petite chèvre Vendredi et la petite chèvre


Robinson et Vendredi vivent sur une île déserte. Ce dernier recueille une chèvre blessée. Robinson et Vendredi vivent sur une île déserte. Ce dernier recueille une chèvre blessée.
Robinson était d'avis qu'il fallait l'abattre. Dans tous les pays du monde, on abat Robinson était d'avis qu'il fallait l'abattre. Dans tous les pays du monde, on abat
les chèvres, les moutons, et même les chevaux qui ont un membre cassé. les chèvres, les moutons, et même les chevaux qui ont un membre cassé.
Mais Vendredi s'obstina* à vouloir sauver Anda. Puisqu'elle ne pouvait Mais Vendredi s'obstina* à vouloir sauver Anda. Puisqu'elle ne pouvait ni
ni marcher, ni courir, ni sauter, eh bien, il l'immobiliserait tout à fait! C'est ainsi marcher, ni courir, ni sauter, eh bien, il l'immobiliserait tout à fait! C'est ainsi qu'il
qu'il la lia dans un cadre de bois posé sur le sol. Au début, Anda, couchée sur la lia dans un cadre de bois posé sur le sol. Au début, Anda, couchée sur le flanc,
le flanc, se débattait et bêlait à fendre l'âme. Mais elle se résigna et consentit à se débattait et bêlait à fendre l'âme. Mais elle se résigna et consentit* à manger
manger l'herbe odorante et à boire l'eau fraîche que Vendredi lui apportait deux l'herbe odorante et à boire l'eau fraîche que Vendredi lui apportait deux fois par
fois par jour. jour.
Au bout de trois semaines, Vendredi la libéra. Aussitôt la petite chèvre voulut Au bout de trois semaines, Vendredi la libéra. Aussitôt la petite chèvre voulut
s'élancer. Mais ses muscles étaient ankylosés. Elle titubait comme si elle avait bu s'élancer. Mais ses muscles étaient ankylosés*. Elle titubait comme si elle avait bu
du vin. Il fallut lui rapprendre à marcher. Vendredi s'y employa avec une patience du vin. Il fallut lui rapprendre à marcher. Vendredi s'y employa avec une patience
inlassable. Il la tenait par les flancs, entre ses propres jambes, et il avançait pas inlassable. Il la tenait par les flancs, entre ses propres jambes, et il avançait pas à
à pas (…) Elle finit cependant par pouvoir à nouveau sauter et galoper, la petite pas (…) Elle finit cependant par pouvoir à nouveau sauter et galoper, la petite
Anda, et c'était merveille de la voir bondir de rocher en rocher, tantôt derrière Anda, et c'était merveille de la voir bondir de rocher en rocher, tantôt derrière
Vendredi, tantôt le précédant, mais alors il avait bien du mal à la suivre. Vendredi, tantôt le précédant, mais alors il avait bien du mal à la suivre.
Seulement, si elle avait appris à nouveau à courir, Anda ne voulut jamais Seulement, si elle avait appris à nouveau à courir, Anda ne voulut jamais
se remettre à brouter seule ! On pouvait la placer au milieu d'une prairie pleine se remettre à brouter seule ! On pouvait la placer au milieu d'une prairie pleine
d'herbes et de fleurs, ou sous le feuillage tendre d'un arbrisseau, car les chèvres d'herbes et de fleurs, ou sous le feuillage tendre d'un arbrisseau, car les chèvres
préfèrent les feuilles aux herbes- elle bêlait en direction de Vendredi et attendait préfèrent les feuilles aux herbes- elle bêlait en direction de Vendredi et attendait
qu'il lui donne de sa main les plantes qu'il avait cueillies pour elle. qu'il lui donne de sa main les plantes qu'il avait cueillies pour elle.
Vendredi et Anda étaient inséparables. La nuit, Vendredi se couvrait de la fourrure Vendredi et Anda étaient inséparables. La nuit, Vendredi se couvrait de la fourrure
chaude et vivante d'Anda, étendue sur lui. Le jour, elle ne le quittait pas d'un mètre. chaude et vivante d'Anda, étendue sur lui. Le jour, elle ne le quittait pas d'un mètre.
– Tu verras, disait-il à Robinson. Plus tard, quand elle aura du lait, je ne la trairai – Tu verras, disait-il à Robinson. Plus tard, quand elle aura du lait, je ne la trairai
pas, comme nous faisions autrefois, non! Je la tèterai directement, comme une pas, comme nous faisions autrefois, non! Je la tèterai directement, comme une
petite maman ! petite maman !
Et il riait de plaisir à cette idée. Robinson l'écoutait avec une certaine jalousie, car Et il riait de plaisir à cette idée. Robinson l'écoutait avec une certaine jalousie, car
il se sentait exclu de la grande amitié qui unissait Vendredi et la chevrette. il se sentait exclu de la grande amitié qui unissait Vendredi et la chevrette.
Michel TOURNIER, Vendredi ou la vie sauvage. (Gallimard) Michel TOURNIER, Vendredi ou la vie sauvage. (Gallimard)

Vous aimerez peut-être aussi