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structures

A PROPOS DE LA SOLIDITÉ ".

DES OUVRAGES DE BATIMENTS

André COIN,
Conseil en Ossatures des Bâtiments

Plan

• Introduction
• Les principaux textes
• Calcul des ouvrages avant exécution
- les principales actions
- les!états limites à envisager
- les matériaux
• Examen d'un ouvrage construit
- normalisation des risques
- exarrien contractuel
- conformité « réglementaire»
- essais de réception

INTRODUCTION Cela rn' a ainsi conduit à me forger une certaine vision


concernant les bases permettant d'apprécier ou de justifier
la solidité des ouvrages de bâtiments cités ainsi que cer-
M on parcours d'ingénieur s'est entièrement déroulé
dans le domaine du bâtiment d' abord contrôleur puis
directeur technique et scientifique d'entreprise avec la
tains points techniques connexes.
Mes interventions de conseil me permettant de constater
charge du bureau d'études et maintenant conseil. Dans le que, encore aujourd'hui, beaucoup de débats tournent
même temps j' ai enseigné la « Résistance des matériaux» autour de ces questions, c'est pourquoi j'ai cru utile de
et les «Ossatures des bâtiments» principalement au regrouper dans le présent article quelques points récurrents
CHEC, section CHEBAP, les polycopiés de ces cours étant pour les présenter en les commentant. Certains sont bien
transformés en livres techniques publiés. J'ai aussi eu la connus et d'autres moins.
chance d'être membre des groupes de rédaction, parfois Mon souhait est que cela puisse aider d'autres spécialistes
comme animateur, de la plupart des textes techniques natio- du bâtiment à amorcer puis finaliser leurs propres
naux concernant la conception, le calcul et l' exécution des réflexions sur les points évoqués et pour cela j' ai tenté une
ouvrages de bâtiments (en béton, béton armé ou maçonne- présentation libérée au maximum de tout arsenal numé-
rie) et de continuer à suivre une bonne partie de l'évolution rique complexe pour la rendre accessible au plus grand
européenne de la réglementation dans ce domaine. nombre.

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Les principaux textes texte, en renvoyant tous les autres textes à ce texte premier
pour ce sujet. Or, dans cet exemple de température, la
L' évolution actuelle vers le remplacement des textes natio- façon de la prendre en compte dans une tour hertzienne, où
naux par des textes européens, ou Eurocodes, en cours c'est une action fondamentale dans les calculs des défor-
d'établissement et/ou d'approbation n'incite pas à citer ses mations, n'a rien à voir avec la façon de la prendre en
sources et même rend incertaine toute référence à un article compte dans un bâtiment courant, où elle est le plus sou-
précis qui risque dans un avenir plus ou moins proche de vent négligée compte tenu de dispositions constructives
devenir caduc en étant soit repris soit modifié soit oublié appropriées. On pourrait dire de même pratiquement pour
dans ces futurs textes européens. On peut cependant penser tous les sujets (fluage, retrait, eau, vent, ... ).
que l' esprit des textes nationaux et leurs fondements
subsistera même si les Eurocodes s'en écartent car on n'a
pas d'exemple en France d'une réglementation technique CALCUL DES OUVRAGES
qui aurait perduré dès lors qu'elle s'écartait trop notable-
ment des usages. AVANT EXÉCUTION
D'un autre côté, il semble absurde d'attendre l'aboutisse-
ment des textes européens pour écrire en toute certitude. Les principales actions
C'est pourquoi, et aussi parce que ce n'est pas l'objectif du
présent article, je ne ponctuerai pas mon texte de réfé- Bien, que l' on se réfère à une définition semi-probabiliste,
rences précises pas plus que je ne donnerai l' état et la en parlant de la valeur caractéristique de toute action, celle-
nature des textes utilisés et parfois cités (règlements, textes ci présente pratiquement toujours un caractère nominal
contractuels, textes professionnels, textes en vigueur, en donc déterministe. En effet, cette valeur est donnée par les
projet, en recouvrement avec d'autres, ...). textes en vigueur ou dans les documents techniques des
Les principaux textes traitant de la conception, du calcul et fournisseurs (cas des dalles alvéolées, de certaines cloi-
de l' exécution des ouvrages de bâtiments peuvent être clas- sons, ... ) ou, à défaut, dans les DPM (documents particu-
sés en catégories distinctes, avec une liste des textes cités à liers du marché) et parfois sur les plans d'exécution
titre d'exemple et qui est loin d'être exhaustive: (épaisseur de terre par exemple).
o Textes traitant plus spécialement de la définition et de la
- Actions permanentes : Pour le poids propre on part du
nature des actions et des bases de la conception des cal- coffrage prévu sur les plans et du poids spécifique du maté-
culs : les Directives communes de 1979, puis à venir riau et donc les incertitudes sur la réalisation du coffrage,
l'Eurocode EN 1990. et sur le poids spécifique, sont prises par ailleurs (voir plus
o Textes traitant plus spécialement des actions : la norme loin). Pour les autres charges rapportées peu importantes
NF P 06-001 (charges d'exploitation), les actions clima- (cloisons légères, petits équipements, ... ) on se ramène le
tiques, sismiques et du feu, les normes sur les actions plus souvent à une charge répartie associée, ce qui permet-
accidentelles et les actions vibratoires, puis à venir tra ultérieurement les modifications d' aménagements. Les
l'Eurocode ECI. charges rapportées plus importantes sont censées être posi-
o Textes traitant plus spécialement de la conception, des tionnées à demeure comme prévu sur les plans de maîtrise
calculs et des dispositions constructives des ouvrages d'œuvre (cloisons lourdes par exemple), sauf à ce que les
courants : le BAEL et le DTD 23-1, puis à venir, DPM définissent d'autres règles spécifiques d'évolution
l'Eurocode EC2. d'aménagement (cas fréquent des centres commerciaux).
o Textes traitant de la conception, des calculs et des dispo- - Déformations imposées : On peut citer les effets du
sitions constructives d'ouvrages spéciaux: le DTD 14-1 retrait, de la température avec comme déformation impo-
pour les cuvelages. sée des variations linéaires et/ou des gradients (avec par-
o Textes traitant d' actions particulières : les règles PS92 fois également des auto-contraintes). Ainsi une poutre sur
puis à venir l'Eurocode EC8, le DTD feu puis à venir deux appuis bloquée en dilatation à ses extrémités va déve-
l'Eurocode feu. lopper en son sein un effort normal de compression si on la
o Textes traitant plus spécialement des matériaux : les chauffe uniformément alors qu'elle se contenterait de s'al-
normes sur les aciers, le béton prêt à l' emploi. longer sans effort normal si on la laissait libre de se dilater.
o Texte traitant plus spécialement de l' exécution des De même, une poutre sur deux appuis bloquée en rotation
ouvrages : le DTD 21 et le fascicule 65 puis à venir la à ses extrémités va développer en son sein un moment de
norme européenne concernant l' exécution. flexion si on la chauffe sur une face en la refroidissant sur
Actuellement, la grande majorité des textes nationaux sont l'autre alors qu'elle se contenterait de s'incurver sans
autoportants (un seul texte traite de tout ce qui concerne un moment de flexion si on laissait ses extrémités libre de
ouvrage) mais ce ne devrait plus être le cas des Eurocodes tourner. On constate ainsi que c'est la gêne à l'allongement
(il faudra donc consulter plusieurs Eurocodes pour calculer et/ou à la rotation qui conduit à des efforts internes et donc,
un ouvrage). que la fissuration inéluctable du béton armé (car il n'y a
On ne peut que le regretter d'autant plus que ce choix, qui pas de fonctionnement de béton armé sans fissuration) va
peut présenter des avantages d'harmonisation par ailleurs, dans le sens d'une diminution voire d'une disparition des
est en partie basé sur l' idée fausse bien française qu' on efforts internes. La conclusion est qu'une bonne concep-
peut traiter une bonne fois pour toutes d'un sujet de façon tion est de favoriser ces fissurations en les localisant dans
exhaustive, par exemple l' action de la température, dans un des emplacements acceptables par des dispositions

6 ANNALES DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS


constructives appropriées et/ou de faire en sorte qu'il se même de choisir un niveau d'eau, d'en déduire la pression
produise un grand nombre de fissures fines au lieu de de l' eau et de multiplier celle-ci par un coefficient que de
quelques fissures plus prononcées par d'autres dispositions choisir un niveau plus élevé sans coefficient. C'est pour-
constructives. L' approche par le calcul reste possible mais quoi, il est indispensable de toujours définir le niveau acci-
il faut alors obligatoirement prendre en compte les apti- dentel (le plus haut prévisible ou à prendre en compte) de
tudes à déformation du béton armé fissuré, ce qui ne res- l'eau dès que la question se pose. Comme les niveaux
sort pas clairement de la plupart des textes en vigueur. Ces d' eau prévisibles autour des bâtiments sont difficilement
questions se posent en particulier dans les infrastructures connus, faute de relevés statistiques suffisants, ces niveaux
de bâtiments, telles que les planchers de parking et les sont toujours à fixer dans les DPM. Les points précédents,
radiers de cuvelage ainsi que dans les bâtiments de grande bien qu' évidents, ne figurent cependant pas dans certains
longueur sans joint de dilatation. textes traitant de l' action de l' eau.
- Actions variables: La plupart des actions variables agis-
sent de façon dynamique (individus se déplaçant, rafales
de vent, ... ), mais elles sont remplacées dans les textes par
Les états limites à envisager
leur action statique équivalente (supposée produire les
Il existe plusieurs états limites à envisager à chaque fois
mêmes effets en agissant de façon statique). On a les
que nécessaire mais leur hiérarchie est telle que, dans les
charges d' exploitation qui comprennent le mobilier, les
cas les plus fréquents des bâtiments courants le premier
petits matériels et équipements et les individus. Pour les
cité ci-dessous est déterminant pour dimensionner.
individus on suppose un comportement conforme aux
- ELU: Cet état limite ultime est fondamental car il est
usages (par exemple, des individus sautant en cadence
censé avoir été appliqué à chaque fois et en tous les points
« pèsent» plusieurs fois leur poids alors que ces mêmes
d'un ouvrage. Chaque cas de chargement est caractérisé
individus vivant bourgeoisement dans des locaux « pèsent»
par une combinaison d'actions majorées (coefficients Yo et
sensiblement leur poids). Il faut donc définir l'usage « nor-
YQsur les actions permanentes et sur les actions variables)
mal prévisible» pour certains ouvrages sensibles (par
et le résultat des calculs suivant des méthodes reconnues
exemple les gradins des tribunes de stade) et en déduire un
conduit aux efforts internes, ou sollicitations, puis aux
coefficient de majoration dynamique associé à la densité de
contraintes dans les matériaux béton et acier. Ces
foule présente (les phénomènes de résonance sont égale-
contraintes sont alors à comparer aux résistances caracté-
ment à examiner). Certains ouvrages sont plus sensibles
que d' autres (marches indépendantes d' escalier sans contre ristiques de ces matériaux, elles-mêmes minorées (coeffi-
marches) et, à défaut de les éviter, il faut prévoir un fort cient Ybet Yssur le béton et sur l'acier). A titre d'exemple
coefficient de majoration dynamique. On rencontre égale- simplifié, le plus fréquent, lorsqu'il n'y a que deux actions
ment les actions variables correspondant à la circulation de agissant simultanément (par exemple : charge permanente
véhicules dans les bâtiments (cas des parkings par et charge d'exploitation; charge permanente et vent, ... ),
exemple). Enfin, certains ouvrages spéciaux relèvent on a:
d' études en dynamique (massifs sous machines vibrantes - dans le cas d'une action variable Q
ou pilonnantes). D' autres actions variables concernent les Yo = 1 ou 1,35 YQ= 1,5 Yb= 1,5 Ys= 1,15
actions climatiques et assimilées (vent, ... ) pour lesquelles - dans le cas d'une action accidentelle Q
les coefficients de majoration dynamique sont intégrés, de Yo=l YQ=l,O Yb=1,15 Ys=l,O
façon explicite ou implicite, dans les textes en traitant. En fait, les coefficients Yo et YQsont le résultat du produit
- Actions accidentelles: Certaines situations sont consi- de coefficients couvrant des phénomènes distincts : les
dérées comme des accidents pour lesquels on souhaite que incertitudes pour les méthodes de calculs et les conditions
l'ouvrage ne s'effondre pas, sans statuer sur sa réparabilité d'exécution (coefficient de 1,125) et celles sur les actions
(par exemple, le choc d'une voiture sur un poteau de (coefficient 0,9 ou 1,2 pour les actions permanentes et
parking). Le séisme est considéré en France comme une coefficient 1,33 pour les actions variables).
action accidentelle définie par région à l' aide de spectres Il faut noter que les quatre coefficients précédents ne sont
de dimensionnement, mais on comprend qu'il existe pas des coefficients de sécurité mais des coefficients
d' autres pays dans lesquels le séisme est considéré comme d'ignorance (car, au moment ou l'on fait les études, on ne
une action variable. Le feu est aussi considéré comme une peut faire que des hypothèses sur ce que sera l'exécution et
action accidentelle normalisée par une courbe standard de la façon d'utiliser les ouvrages).
montée en température de l'air des locaux. Le risque d'ex- Cela, ressort assez nettement de la définition des charges
plosion à l'intérieur des bâtiments est aussi considéré d'épreuve à appliquer lors d'essais de chargement, essais
comme une action accidentelle, qui sauf prescriptions par- ayant pour but de vérifier que l' ouvrage est apte à sa fonc-
ticulières des DPM, est censée, pour les bâtiments cou- tion, à savoir qu'il présente un comportement normal avec
rants, être « couverte» par les dispositions constructives des déformations acceptables et réversibles au cours d'un
classiques (telles que les chaînages). L'accès des camions nombre de cycles suffisant de chargement et déchargement
des pompiers sur des ouvrages pose la question de la nature sous les charges de service prévues.
des charges d'essieu et de roue isolée sur ces ouvrages On constate au passage que le coefficient de 1,125 est trop
(action variable ou action accidentelle). faible pour qu'on puisse prétendre qu'il couvre une faute
- Eau: C'est une action définie physiquement par un grossière de calcul et/ou d'exécution ( par exemple aciers
niveau. Il est aisé de constater que cela ne revient pas au de balcons mal positionnés).

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- EQU : Etat limite d'équilibre statique: Il faut envisager pose pour ces choix de ratios sanctionnés par l' expérience
les cas où l'on place les actions variables majorées (par le (par exemple: ratios hauteur sur portée selon les charges et
coefficient 1,5) uniquement là où elles augmentent le la continuité).
risque de perte d'équilibre et où l'on admet que les actions Le calcul de la flèche totale d'un ouvrage, dont une partie
permanentes sont multipliées par le coefficient 1,1 là où peut être compensée par une contre-flèche, n'est pas habi-
elles augmentent le risque de perte d'équilibre et par le tuellement requis.
coefficient 0,9 là où elles le réduisent (dans l'état ELU on
prend le même coefficient, soit 1 soit 1,35, pour toutes les Les matériaux
actions permanentes d'une même nature quel que soit leur
emplacement). - Acier: les aciers sont des produits normalisés bien cer-
En fait, les vérifications EQU n' ont de sens que si les sol- nés et suivis. On peut signaler l'émergence de demande
licitations internes associées restent à l'intérieur du d' aciers ductiles (fort allongement de rupture garanti) dans
domaine des sollicitations internes associées aux états le cas d'action sismique.
ELU, car dans le cas contraire il est absurde de justifier de - Béton: Il est aisé d' écrire sur les plans la qualité requise
l'équilibre d'un ouvrage qui ne tient pas. Or, cette condi- pour le béton des ouvrages de ces plans, sous forme de sa
tion n'est, la plupart du temps, pas réalisée dans les contrainte caractéristique à 28 jours. Mais cela repousse les
ouvrages courants de bâtiment. Il en va ainsi pour les éventuels problèmes au contrôle du béton in situ et au pas-
poutres-consoles par défaut de longueur des chapeaux. sage des valeurs mesurées à la résistance caractéristique
C' est aussi le cas des justifications de non-basculement des associée (essais préalables, contrôle en cours de travaux,
murs de soutènement autour de leur arête extrême car on méthodes d'investigation pour le béton in situ, corrélation
passe avant basculement par un dépassement de avec les essais classiques d'écrasement de cylindres,
contraintes. Il est donc surprenant que les textes européens nombre et type de points de mesure et/ou d'éprouvettes,
en préparation ne précisent pas cette condition qui fait qu'il valeur moyenne et valeur minimale et écart type des résul-
n'est pas nécessaire de vérifier l'équilibre EQU. tats, pour arriver in fine à la résistance caractéristique in
Il faut noter également que les conditions de non-soulève- situ). C'est un vaste sujet qui est habituellement tranché
ment des bâtiments sous l'action d'une nappe d'eau envi- affaire par affaire.
ronnante sont moins sévères (coefficient de 1,05), soit une
nouvelle discordance par rapport à d'autres textes.
- ELS : Ces états limites sous charges de service (YG et YQ EXAMEN D'UN OUVRAGE CONSTRUIT
sont égaux à 1) sont là pour s'assurer d'une part, de défor-
mations et déplacements acceptables et d'autre part, du Il faut d'abord noter qu'on ne peut plus raisonner comme
respect du niveau de fissuration requis (en particulier pour avant puisque la construction a figé tous les paramètres,
la durabilité compte tenu de l' ambiance climatique et/ou sauf les aléas concernant les charges restant à appliquer et
pour des objectifs d'étanchéité). ceux concernant la façon dont l' ouvrage sera utilisé.
Les ouvrages courants du bâtiment ne sont pas habituelle-
ment à justifier en fissuration sous réserve du respect de Normalisation des risques
dispositions constructives (enrobages selon l'ambiance eli-
matique, ... ) et les autres ouvrages font l'objet de règles Il s' agit ici de statuer sur le fait que l' ouvrage n' est pas
spécifiques dans les textes qui les concernent. impropre à sa destination, c'est-à-dire qu'il sera apte à
Les limites de déformation concernent : remplir sa fonction (porter les charges d' exploitation, ... )
• Des limites à respecter pour la validité de méthodes de durant un temps habituellement non défini qui correspond
calculs simplifiées. Par exemple, il y a la règle du 1/500e à la durée de vie probable de cet ouvrage.
de la portée pour négliger l'effet des tassements d'appuis Si l'on imagine qu'il puisse exister des méthodes d'inves-
pour les structures et pour les éléments fragiles rapportés. tigation non destructrices permettant de tout connaître par-
Il faut aussi respecter une règle de rigidité suffisante pour faitement de l' ouvrage construit, les charges sont connues,
éviter toute amplification dynamique notable sous l' effet les dimensions sont connues, les imperfections sont
d'actions variables mobiles (individus, véhicules). connues, les caractéristiques des matériaux sont connues et
• Des limites à respecter pour le confort des occupants donc la vérification de l'ELU, dans l'hypothèse, prise à
(déplacement horizontal en tête des immeubles, flexibi- titre d'exemple, où l'on n'aurait à envisager que des
lité des planchers, ... ). charges permanentes déjà en place et des charges d'exploi-
• Des limites à respecter pour le bon comportement des tation à venir, se présente comme auparavant sauf que l' on
éléments fragiles rapportés (carrelage, cloisons, ... ). On pourrait prendre :
parle alors de flèche nuisible, à savoir la part de défor- YG = 1 pour les charges permanentes connues
mation qui se produira après montage de ces éléments YQ = 1,33 pour les charges d'exploitation à venir
fragiles. Le calcul de cette flèche nuisible et les limites Yb = 1 pour la résistance caractéristique connue
associées sont à considérer comme une démarche Ys = 1 pour la résistance caractéristique connue.
conventionnelle. C'est d'ailleurs la démarche suivie lorsque l'on procède à
Habituellement, les calculs de déformation viennent en des essais d'ouvrages poussés à rupture pour estimer ou
confirmation car il a bien fallu choisir les dimensions des recouper la charge ultime constatée (dans ce cas on a aussi
ouvrages avant de les calculer, ce qui explique qu'on dis- YQ = 1 car la charge d'exploitation est connue).

8 ANNALES DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS


Naturellement le cas idéal, tel que décrit ci-dessus, n' existe contractuelle même si on a admis que la normalité du
pas et donc il reste une connaissance imparfaite de l' ou- risque n' était pas en cause.
vrage construit mais on peut envisager qu'avec un mini- Enfin, des adaptations ou renforcements en vue de justifier
mum d'investigation on arrive à une connaissance de la normalité des risques d'un ouvrage peuvent avoir des
suffisante pour retenir des valeurs intermédiaires (fonction répercussions par ailleurs (esthétique, sur les corps d' état
de l'effort d'investigation), par exemple: technique et/ou architecturaux ...).
=
YG 1,2 pour les charges permanentes telles que connues
YQ= 1,4 pour les charges d'exploitation à venir Conformité « réglementaire »
Yb = 1,25 pour la résistance caractéristique telle que connue
Ys = 1 pour la résistance caractéristique telle que connue. On peut envisager d'examiner le dossier des plans d'un
On tombera ensuite sur des problèmes complémentaires ouvrage construit pour savoir dans quelle mesure il est
(d'enrobages, de dispositions constructives imparfaitement conforme aux textes en vigueur et aux DPM (c'est
satisfaites, d'autres imperfections, ... ) pour lesquels il fau- d'ailleurs la démarche classique des Bureaux de Contrôle
dra statuer sur le fait de savoir si cela engage la sécurité, la sauf que celle-ci est censée se produire avant exécution).
durabilité ou si cela conduit simplement à une adaptation On examinerait alors les plans en tenant compte des incer-
ou une fissuration plus prononcée tout en restant accep- titudes sur les méthodes de calcul détectées (ainsi,
table. C' est sans doute la partie la plus délicate dans la qu' éventuellement des conditions et autres imperfections
mesure où il n'existe pas de guide irréfutable sur ces ques- d'exécutions connues) en gardant les coefficients YG = 1,35
tions. Et donc chacun est confronté à sa propre expérience. pour les charges permanentes telles qu'elles peuvent être
connues puisque l'ouvrage existe et YQ = 1,5 pour les
Examen contractuel actions variables du projet.
Dans cette démarche, on conserverait aussi les coefficients
Cet examen comprend d' abord l' examen pour statuer sur le Yb = 1,5 pour la résistance caractéristique du béton (celle
fait que le risque est normal et ensuite l' examen de l' ou- prévue ou celle connue puisque l' ouvrage existe ou éven-
vrage tel que construit en regard des clauses des DPM. tuellement la plus petite de celle prévue et de celle connue
Ce dernier examen fait l'objet ci-après de quelques com- ?) et Ys = 1,15 pour la résistance caractéristique des aciers
mentaires à caractères techniques ou assimilés, à l' exclu- (celle prévue ou celle connue puisque l'ouvrage existe ou
sion des autres aspects (par exemple délai, ... ). éventuellement la plus petite de celle prévue et de celle
Le fait que le béton réalisé ne présente pas une résistance connue ?).
caractéristique au mois égale à celle prévue sur les plans La poursuite de la démarche précédente consiste ensuite à
n' est pas forcement critiquable contractuellement dans la examiner les travaux exécutés en conformité des objectifs
mesure où il est prévu dans l' étude de départ un coefficient attendus, des textes en vigueur et des DPM.
d'ignorance Yb = 1,5 qui est bien là pour couvrir le fait On s'assurerait d'abord que les essais des matériaux per-
qu'on ne réalisera pas forcément le béton prévu. Et on a vu mettent de confirmer que le béton mis en œuvre et les
qu'un coefficient plus faible pouvait être retenu (qui aciers mis en place possèdent bien les résistances caracté-
dépend de l'effort d'investigation effectué). ristiques prévues à l' origine et figurant sur les plans d' exé-
Par ailleurs, certains ouvrages moins sollicités que d'autres cution. On repérerait ensuite également les imperfections
auraient très bien pu être justifiés à l' origine avec des d'exécution, etc.
contraintes de béton plus faibles que celles prescrites sur On s'inscrit ainsi dans un objectif consistant à lister toutes
les plans (mais cela n'apparaît pas dans la mesure où on ne les non-conformités des études et des travaux, sans tenir
prescrit pas autant de résistance caractéristique qu'il y a compte du fait que l'exécution a levé une grande partie des
d'ouvrages distincts) et il se peut ainsi qu'une résistance incertitudes qui justifiaient les valeurs numériques des
caractéristique, constatée plus faible que celle du plan, coefficients Ypris à l' étude.
convienne pour ces ouvrages moins sollicités. Ceci, revient donc à se placer dans un raisonnement qui
Par contre, le fait de réaliser l'ouvrage avec des bétons pos- prétendrait que le bâtiment à réceptionner devrait compor-
sédant des dosages plus faibles que ceux des DPM ou avec ter des ouvrages qui, tels que réalisés, seraient bien aptes à
des qualités de ciment différentes peut poser un problème supporter leurs charges permanentes et charges d'exploita-
d' appréciation contractuelle à moins que des essais préa- tion prévues, auraient bien le béton et les aciers de résis-
lables de convenance aient justifié ces nouveaux choix et tances caractéristiques prévues et auraient bien les
conduit aux avenants appropriés. coefficients de sécurité de 1,35 sur les charges perrna-
Enfin, un maître d'ouvrage peut avoir prescrit des bétons nentes, de 1,5 sur les charges d'exploitation, de 1,5 sur le
de qualité supérieure sans penser uniquement à la résis- béton et de 1,15 sur les aciers.
tance caractéristique mais à d'autres propriétés (compacité, Cet objectif clair, logique et irréfutable en apparence (et
densité, perméabilité, ... ) intéressantes pour la durabilité et souvent formulé tel que), reviendrait à dire que les
pour d'autres fonctions. ouvrages devraient donc tous, in fine, posséder un coeffi-
Le fait que certaines dispositions prévues n'aient pas été cient de sécurité découlant au moins de la prise en compte
réalisées parfaitement ou qu'une adaptation plus forte que de tous les coefficients y, soit environ de 1,5 à 1,6 (en fait
celle prévue initialement soit probable (donc une fissura- de 1,35 à 1,5 multiplié par 1,15 dans la mesure où la rup-
tion accrue) sont aussi des éléments d' appréciation ture est le plus souvent conditionnée par les aciers).

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Or, il n' en est rien et la démarche décrite ci-dessus ne s' ins- Il est cependant exclu d'adopter une telle démarche pour
crit pas dans le cadre des principes à la base de la concep- justifier des ouvrages présentant des défauts de calculs
tion de la sécurité des ouvrages. irréfutables (par exemple le fait que les aciers en travée
On constate aussi que l' examen plus ou moins dissocié des d'une poutre sur deux appuis simples n'équilibrent pas le
études et de l' exécution revient en fait à attribuer à chaque moment isostatique).
intervenant ses propres coefficients d'ignorance alors que Les essais ne peuvent donc concerner que des interroga-
la sécurité d'un ouvrage forme un tout (le fait que des tions sur des points qui ne peuvent être tranchés intégrale-
charges soient plus faibles que celles prévues doit, par ment par le calcul (par exemple des dispositions
exemple, pouvoir compenser le fait que les résistances du constructives inhabituelles, le choix entre plusieurs modes
béton in situ soient plus faibles que celles prévues, etc.). de fonctionnement, ... ). Et ils sont aussi le plus souvent là
Et d'ailleurs, si on poursuivait dans cette voie, le Maître pour conforter une position délicate à prendre et donc pour
d'Ouvrage pourrait vouloir un jour récupérer pour son clore un débat.
compte le coefficient de 1,33 pour majorer les charges
d'exploitation prévues initialement au motif qu'illes maî- Il existe deux types d' essais:
trise bien. • Ceux avec des chargements supérieurs aux charges de
En conclusion, l' examen de la normalité des risques d'un service (et éventuellement poussés à rupture). A la fin de
ouvrage construit ne peut être conduit qu'en intégrant au tels essais, les ouvrages testés doivent être réparés (ou
mieux dans une étude unique tout ce que l' on connaît de reconstruits) car on ne sait pas dans quel état de
cet ouvrage, y compris études et travaux, au moment où contraintes ils se trouveront (en particulier les aciers, le
l'on fait cet examen et en tenant alors compte des incerti- béton, l' adhérence, ... ).
tudes restantes par des coefficients y réduits et convenable- • Ceux consistant en un certain nombre de cycles de char-
ment calibrés. gements et déchargements progressifs sous charges de
Rien n'empêche toutefois de procéder aux démarches service avec le contrôle des déformations et du bon com-
décrites ci-dessus pour ce qu'elles sont et en toute connais- portement (retour à zéro, examen des fissurations éven-
sance de cause. tuelles, ... ). Ces essais sont censés pouvoir permettre de
prendre position sur la durabilité du bon comportement
Essais de réception constaté.

On peut toujours tenter de justifier de la normalité des Le fait que les essais aient été prévus par les DPM ou qu'ils
risques d'un ouvrage à l'aide d'essais de chargement et soient demandés ultérieurement conduit à des modalités de
déchargement. règlement différentes.

[8J SOLECO
60, petite rue des Seigneurs
17190 L'Ile par Saint-Georges
ir/il 05 46 76 75 76

10 ANNALES DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

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