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Tous droits réservés – Nature et Vin SA

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Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le
consentement de l’auteur ou de ses ayant droit ou ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux
termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. »

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.


LA BIBLE DE LA
DÉGUSTATION

Maîtriser l’art français


le plus subtil !
TABLES DES MATIÈRES

PRÉSENTATION DE L’AUTEUR : DENIS VERNEAU p.11


Parcours p.11
Vision du métier de Sommelier par
Denis Verneau p.12
AVANT-PROPOS PAR MATHIEU VANEL p.13
INTRODUCTION p.15
CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES :
CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER p.16
L’histoire de la viticulture p.16
Les secrets des cépages p.18
Les conditions optimales pour déguster le vin p.20
Parlons du vin en lui-même p.22
Les bienfaits du vin p.24
Les calories dans le vin p.26
CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION p.28
Une dégustation renversante dans la Vallée
de la Loire p.28
Dégustez, appréciez, apprenez ! p.29
De quelle manière s’orienter vers le vin ? p.31
Les étapes de la dégustation p.32
À vos fiches de vocabulaire p.35
CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE p.37
Les bonnes conditions pour la dégustation p.39
Observez avant de déguster p.41

6
Les enseignements de la robe du vin p.42
Quelle est la signification de l’intensité de
la couleur d’un vin ? p.44
Les reflets p.46
La brillance p.47
La limpidité p.48
Les jambes p.49
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF p.52
Le mécanisme de l’odorat p.53
La perception des arômes p.53
1er conseil : Veillez à la température de service. p.54
2ème
conseil : Bien tenir le verre p.56
3ème conseil : L’importance de la lune p.56
Le positionnement du nez au-dessus du verre p.58
Les étapes de l’examen olfactif p.58
Gamme aromatique : les 3 familles p.61
Les arômes qu’on retrouve dans le vin p.64
Une dégustation mémorable : c’est du vécu ! p.66
Le troisième nez p.67
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF p.69
L’examen gustatif : le bouquet final de
la dégustation ! p.69
Les bases de l’examen gustatif p.70
Le fonctionnement des organes gustatifs p.72
Saveurs : expériences à réaliser chez vous p.73
Le sucre p.74
L’acidité p.75

7
L’amertume p.76
Les tanins p.77
L’astringence p.78
L’examen gustatif : les 3 phases essentielles p.79
Les émotions p.82
CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR
OPTIMISER VOTRE CAVE p.84
La température p.85
L’hygrométrie p.87
Quelques règles pour le rangement de votre cave p.91
Le sujet des armoires réfrigérées p.92
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS
FONDAMENTAUX p.94
Qu’est-ce que l’accord mets et vins ? p.94
Les grands principes de base : comment réussir un
accord mets et vins p.95
Un souvenir marquant qui met en exergue l’intérêt
de l’accord mets et vins p.97
Les accords dans le sens du plat p.99
Les accords d’opposition p.99
L’analyse aromatique définit-t-elle l’accord ? p.101
L’origine, les arômes et la couleur fournissent des
orientations pour le choix du vin p.101
Accords mets et vins : 1 plat, 4 interprétations ! p.102
Résumons les bonnes pratiques des accords
mets et vins p.105
Atelier pratique : accords mets vins avec les trois
plats préférés des Français p.107
En numéro un avec 48 % des suffrages :
le magret de canard p.108

8
Le deuxième plat préféré des Français est la côte
de bœuf avec 37 % des suffrages p.111
Sur la troisième marche du podium avec 33% des
suffrages se positionne la raclette p.115
CONCLUSION : ON PASSE À LA PRATIQUE DE
LA DÉGUSTATION ? p.121
Les Galets d’or 2020 p.121
Les saisons de Vessière 2019 p.123

9
p.15
p.15
p.15
p.15

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PRÉSENTATION DE L’AUTEUR : DENIS VERNEAU

PRÉSENTATION DE L’AUTEUR :
DENIS VERNEAU

Chef sommelier du restaurant La Mère Brazier depuis 2008 (2 étoiles


au Guide Michelin), Denis Verneau exerce la sommellerie aux côtés des
plus grands chefs depuis plus de 30 ans.
Il a été élu Sommelier de l’Année en 2015 par le Magazine « Le Chef »,
Master of Port 2015 et Meilleur Ouvrier de France 2015.

PARCOURS
Né à Parçay Meslay, au cœur du vignoble de Vouvray, Denis Verneau
est bercé par les vins Ligériens quand il débute dans la sommellerie.
Il découvre ce métier lors de son apprentissage par l’intermédiaire

11
PRÉSENTATION DE L’AUTEUR : DENIS VERNEAU

d’un jeune chef sommelier qui le prend sous son aile. Émerveillé par ses
connaissances et par ses compétences, il lui transmet rapidement le virus.
Conscient que la valeur des Hommes est la plus grande richesse de son
métier, c’est auprès de Gilles Mony, Eric Beaummard, Olivier Poussier
et grâce aux rencontres avec Fabrice Sommier, Philippe Faure Brac,
Serges Dubs, Philippe Troussart, Christian Matray, pour n’en citer que
quelques un, qu’il a pu grandir et s’épanouir.
Un travail qui ne peut être réalisé sans la présence de grands Chefs
et de grandes tables : on pense notamment à Thierry Marx, Gilles
Etéocle, Marc Veyrat, Joseph Viola, Christian Le Squer, et surtout
Mathieu Viannay.

VISION DU MÉTIER DE
SOMMELIER PAR DENIS VERNEAU
« Notre travail, notre rôle, notre but : le bien-être de nos clients, leur apporter du
plaisir, les accompagner, les écouter, les conseiller. Notre devoir, c’est également
de valoriser la cuisine de nos chefs. Et notre mission, c’est d’être les ambassadeurs
des vignerons. Pour y parvenir, il nous faudra accumuler une somme considé-
rable de connaissances, il nous faudra maîtriser des gestes techniques précis. Il
nous faudra faire preuve de pertinence et de psychologie. Mais tout ce savoir n’a
pas forcément vocation à être reconnu.
Car être sommelier, c’est aussi savoir s’effacer. C’est être au service du vin, au
service du client et au service de la gastronomie. C’est mettre ses compétences
à disposition des autres et pour les autres. C’est apporter la lumière et non
s’illuminer. »

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AVANT-PROPOS PAR MATHIEU VANEL

AVANT-PROPOS PAR
MATHIEU VANEL

Avant de rencontrer Denis Verneau, je pensais qu’il y avait deux


« écoles » de dégustateurs :
Les professionnels et les épicuriens.
Les professionnels maîtrisant la méthodologie, les techniques et le voca-
bulaire.
Les épicuriens se focalisant avant tout sur leur plaisir lors de la dégus-
tation, sur la découverte de nouvelles bouteilles qui valent le détour…
Lorsque j’ai commencé à travailler avec Denis Verneau je me suis rendu
compte que certains experts comme lui arrivent à mêler ces 2 mondes.
Ils se servent de leur bagage méthodique et technique dans un seul but :
réussir à prendre plus de plaisir lors de la dégustation.
La dichotomie que j’avais en tête s’effondrait : tant mieux !
Et plus j’ai échangé avec Denis Verneau, plus j’ai été bluffé par sa pédago-
gie. On sent qu’il a appris auprès des plus grands, pendant plus de 30 ans.
Pour bien transmettre son savoir, quoi de mieux que de pouvoir l’il-
lustrer par des exemples, des anecdotes… ? Au fil de nos discussions je
buvais ses paroles, que je conservais jalousement.
Et puis je me suis dit : pourquoi ne pas transmettre les connais-
sances de Denis aux amateurs de vin qui souhaitent développer leurs
connaissances ?
De là est né cet ouvrage, que vous avez sous les yeux.

13
AVANT-PROPOS PAR MATHIEU VANEL

J’espère que vous l’apprécierez et vous y référerez régulièrement, avant


de déguster de belles bouteilles.

Très bonne lecture,


et…
À votre santé !
Mathieu Vanel

14
INTRODUCTION

INTRODUCTION
Chère lectrice, cher lecteur,
Tout d’abord, merci d’avoir acheté ce livre. Il n’est pas comme les autres
sur la même thématique. Il n’est pas écrit par un journaliste quelconque.
Ou un amateur de vin (aussi doué soit-il).
Il a été écrit avec amour et passion par Denis Verneau, Meilleur Ouvrier
de France sommelier 2015. Et il est le fruit de plus de 30 ans d’expé-
riences dans le vin.
Vous trouverez alors des anecdotes et des histoires que seul Denis a
vécues… Et vous allez voir qu’il a mis au service de ce livre ses talents
de conteur. Que vous soyez amateur, confirmé ou expert, ce livre vous
aidera. Dans les pages qui suivent, vous découvrirez tout ce que vous
devez savoir sur :
• l’histoire du vin, des cépages
• la dégustation avec les examens visuels, olfactifs et gustatifs
• les meilleures manières de bien gérer votre cave
• les accords mets-vins (avec des exemples concrets à faire chez
vous !)
• Et bien plus encore.
Nous terminerons l’ouvrage en passant à la pratique, avec 3 vins déli-
cieux, sélectionnés spécialement par Denis Verneau. Vous comprendrez
pourquoi méthode et plaisir vont de pair !
Je n’ai plus qu’à vous souhaiter une bonne lecture et de belles dégustations.
Mathieu Vanel,
créateur du coffret Nature et Vin.

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CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

CHAPITRE 1
NOTIONS FONDAMENTALES :
CONNAÎTRE LE VIN POUR
MIEUX LE DÉGUSTER
Avant toute chose, quelle est la définition du vin ?
Le vin est obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique com-
plète ou partielle du raisin frais, foulé ou non, ou du moût de raisin.
Concernant sa composition, le vin est un ensemble d’éléments qui s’as-
socient de manière complexe et inconstante :
De l’eau, des sucres, de l’alcool, des esters, des acides, des minéraux, des
substances azotées, des substances phénoliques, des pigments, des vita-
mines mais également 2 à 3 % de composants qui relèvent encore du
mystère, d’où l’impossibilité de le reproduire en laboratoire.

L’HISTOIRE DE LA VITICULTURE
Le vin serait apparu dans les régions montagneuses du Proche-Orient,
au Néolithique, autour de 6000 av. J.-C. Quand et où précisément, les
archéologues n’ont pas de certitudes.
On peut tout de même localiser son origine entre l’ancienne Mésopo-
tamie (plus ou moins l’Irak actuelle), l’Egypte, la Géorgie et l’Arménie.
Soit globalement dans la plupart des pays situés à l’est de la Méditerra-
née, autour de la mer Caspienne et de la mer Noire.

16
CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

Si le vin n’a pas de lieu et de date de naissance officiels, c’est sans doute
que l’Homo sapiens est parvenu à domestiquer la vigne sauvage dans
plusieurs endroits à peu près en même temps, comme l’attestent plu-
sieurs découvertes.
Tous ces lieux se trouvent relativement proches de celui qui est mentionné
dans la Bible : le mont Ararat, dont les neiges éternelles surplombent le
haut-plateau arménien, au nord-est de l’actuelle Turquie.
Le Livre de la Genèse raconte que c’est au pied du volcan que Noé, à la
fin du Déluge, plante une vigne et connaît l’ivresse et la puissance du
divin nectar.
En Europe, c’est la Grèce qui est historiquement le premier pays à avoir
vinifié.
Puis les Romains, qui ont répandu la culture de la vigne dans de nom-
breux pays au fil de leurs conquêtes, dont la Gaule. C’est à Marseille que
sont certainement nés les premiers vins français.
Pour ce qui est de l’émergence des vignobles du Nouveau Monde :
l’Afrique du sud, l’Australie, les Etats-Unis, l’Argentine, le Chili, entre
autres…elle a commencé vers le milieu du 19e siècle. Ce qui est sûr c’est
que la viticulture n’a pas révélé toutes ses vérités. Il reste encore des
découvertes à faire.
Pour preuve, en janvier 2011, des archéologues ont découvert dans
l’actuelle Arménie, dans la région de la Grotte aux oiseaux proche de
la ville d’Aréni, la plus ancienne et la plus complète cuverie jamais
découverte à ce jour, qui daterait de plus de 6 000 ans !
Ils ont mis au jour un fouloir équipé d’un conduit pour permettre au jus
de raisin de se déverser dans une cuve en argile utilisée pour la fermen-
tation.
Cette découverte prouve notamment que les techniques de vinification
basique étaient déjà maîtrisées.

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CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

LES SECRETS DES CÉPAGES


Il existe différentes variétés de vigne.
La vigne est avant tout une liane qui s’accroche aux arbres et qui peut
atteindre jusqu’à 10 mètres de long.
Dans la grande famille des Vitaceae, plusieurs espèces de vignes existent.
Elles sont désignées par le terme générique de Vitis.
La réglementation européenne n’autorise que la commercialisation des
vins produits avec les cépages de type vitis vinifera.
D’autres espèces de vignes sauvages existent également, par exemple
aux États-Unis, qui ont pour nom Vitis riparia, Vitis rupestris, Vitis
labrusca, Vitis berlandieri.
On compte entre 5 000 et 6 000 variétés de raisins cultivées à travers
le monde.
Un peu plus de 200 d’entre elles ont existé ou existent encore en France.
À l’instar de beaucoup de végétaux, il n’existe pas une variété de vigne
mais des milliers au sein de la famille de type vitis vinifera.
Ces différentes variétés sont appelées : des cépages.
Elles se distinguent par une feuille, des baies, des formes et des couleurs
de grappes différentes.
Chaque cépage donne également un parfum et un goût différent aux
vins, ce que les œnologues appellent l’expression variétale du cépage,
par exemple le goût de rose est caractéristique du cépage muscat.
Mais pour arriver à ce résultat, il faut un raisin sain récolté à maturité.
Afin d’extraire la plus pure expression du raisin et d’en tirer la quin-
tessence, la culture biologique s’impose.
Vous avez peut-être déjà goûté la différence entre une tomate élevée
sous une serre chauffée et cueillie au milieu du mois de décembre et une
tomate de plein champ récoltée au mois de juillet.

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CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

Deux mondes s’opposent, surtout gustativement parlant.


Je pourrais également citer l’exemple de la mangue ou de l’ananas.
Entre l’avion et le bateau. Faisons abstraction de l’empreinte de carbone
pour juste nous focaliser sur le goût.
Les premiers sont cueillis mûrs alors que les seconds sont récoltés verts
avant maturation pour supporter les trois semaines de transport en mer.
Ils finiront de mûrir dans les cales sans voir le soleil et sans bénéficier
des caresses de ses rayons.
Mais surtout sans l’apport nutritif de la sève de l’arbre et sans l’enraci-
nement d’un terroir.
Parfois, à leur arrivée, on réactive le processus de maturation du fruit
dans des pièces spéciales appelées «mûrisseries».
Dans ces pièces chauffées à 24°C, les fruits vont « remûrir » pendant six
jours.
Un délai parfois accéléré par l’ajout d’éthylène, un gaz qui accélère le
mûrissement du fruit.
Loin de moi l’idée de dire que ces fruits sont mauvais mais ils ont des
qualités gustatives inférieures aux autres, ils sont le plus souvent moins
sucrés et ils sont moins riches en vitamines.
Revenons au raisin. L’étude des cépages est appelée ampélographie, du
grec ampelos qui signifie vigne, et graphein qui signifie écrire.
En taillant la vigne régulièrement, elle va de plus en plus ancrer ses
racines dans le sol.
C’est à ce moment qu’intervient la notion de terroir.
La composition du sol va pouvoir influencer le goût du raisin et, par
ricochet, le goût du vin. Mais pour que l’effet terroir s’exprime, il faut
que le système racinaire soit grand, étendu et surtout profond.
La vigne doit se nourrir de l’humus fixé dans le sol.

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CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

Pour cela, la plante doit vivre en symbiose avec les micro-organismes.


Pour beaucoup de vignerons, « on ne peut pas parler de terroir sans faire de
la biodynamie, sans s’intéresser à la diversité de la vie organique ».
On constate une complexité en termes d’arômes et d’expression dans les
vins issus de la biodynamie.

LES CONDITIONS OPTIMALES


POUR DÉGUSTER LE VIN
Maintenant que vous avez choisi votre bouteille et avant d’aborder la
notion de « comment déguster un vin », il est nécessaire de réunir les
conditions optimales afin de le déguster.

Le lieu
D’abord, la salle doit être la plus neutre possible tant sur le plan olfactif,
visuel que thermique.
Choisissez un espace bénéficiant d’un bel éclairage. Privilégiez au maxi-
mum la lumière naturelle.
La température de la pièce ne doit être ni trop froide ni trop chaude.
Aux alentours de 19-20°C.
Naturellement, il faut éviter les odeurs extérieures autant que possible.
Elles pourraient fausser la perception olfactive.

Le moment
Bien qu’il n’y ait pas, à mon humble avis, de mauvais moment pour une
dégustation, il existe néanmoins des moments plus favorables.
La meilleure heure pour analyser un vin est 11 heures du matin.
En effet, à cette heure-là, le petit déjeuner est déjà digéré.
Vos papilles gustatives sont en éveil car votre corps attend le repas du

20
CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

midi, votre dégustation en sera alors plus pertinente.


De même, si vous souhaitez vous concentrer pleinement sur la dégusta-
tion, il est recommandé de l’effectuer en dehors des repas.
En effet, votre capacité à percevoir des goûts et des arômes est au plus
haut lorsque vous avez faim.

La verrerie
Choisissez les verres les plus opportuns à votre
dégustation. L’outil ne doit pas influencer la
dégustation du vin.
Les verres INAO ou de type tulipe seront les
plus adaptés à l’analyse des vins. Leur forme
universelle optimisera la collecte des parfums.
Ils ont la particularité d’offrir au vin une
bonne surface de contact avec l’air qui va
développer les arômes et les emprisonner
grâce à sa partie haute plus réduite.
Petite remarque : prenez garde au lieu de Verre INAO
stockage de vos verres.
Lorsqu’ils sont rangés dans un placard ou
dans un carton, des odeurs résiduelles peuvent les avoir imprégnés.
Dans ce cas, rincez vos verres ou avinez-les en versant un peu de vin
dedans.
Faites-le tourner dans le verre et rincez-le de nouveau.
Vous pouvez également agiter vos verres afin de les oxygéner.
De même, vous pouvez opter pour un passage en carafe afin de procéder
à une aération ou une décantation du vin.
Le choix de la carafe à également son importance et elle doit être
adaptée au vin. Une carafe canard, pour les vins âgés, pour éviter les

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CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

tumultes trop importants. Une carafe haute avec un fond large pour
maximiser la surface au contact de l’air.
Autre point important : ne consommez pas des aliments forts en goût
(comme l’ail) juste avant une dégustation de vin. Évitez également les
produits aux saveurs persistantes tels que le café ou le tabac.
Mettez également de côté les dentifrices et les produits mentholés.

La température de service des vins


Il est également très important d’être vigilant sur la température de ser-
vice. Si celle-ci est inadaptée, elle inhiberait le vin ou elle accentuerait
certains défauts.
Pour faire simple, vous pouvez retenir que les vins blancs se servent à
une température de service entre 9 et 12°C et entre 14 et 17°C pour les
vins rouges.
Voici donc quelques-unes des précautions auxquelles il faut bien être
attentif.

PARLONS DU VIN EN LUI-MÊME


Il existe plusieurs facteurs qualitatifs et identitaires. Ils ont tous une
importance plus ou moins grande et une incidence plus au moins accrue
sur le résultat final.

Le Sol
La nature du terroir joue un rôle déterminant dans la qualité du raisin
et par conséquent du vin.

Le Microclimat
C’est l’adéquation entre un climat, une exposition, une altitude ou une
particularité topographique.

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CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

La notion de Cru
Elle est déterminée par la synthèse des deux premiers critères cités à
savoir le sol et le microclimat.

Le cépage
Ce sont la ou les variétés de plants de vigne utilisés. Qu’elles soient
régies par un cahier des charges réglementant une appellation ou par
une connaissance et un savoir-faire d’un vigneron.
Les Pratiques Culturales
Le choix de la taille ou de la date des vendanges, entre autres.

Le Millésime
En effet, les conditions atmosphériques (soleil, pluie, température…) de
l’année ont une incidence directe sur la qualité du vin.

Les techniques de vinification


Elles doivent être appropriées au potentiel et au besoin du vin. Elles
ne doivent en aucun cas être dictées par le vigneron, ou pire afin de
répondre à une demande du marché ou à des fins de marketing. Il existe
d’autres facteurs qualitatifs que j’aborderai plus tard.
Impossible de ne pas évoquer l’importance du travail et de la culture
biologique, biodynamique ou naturelle dans les qualités du vin.
Pas de dogmatisme, pas de prosélytisme, pas même de conviction. Mais
juste le constat de 30 années de dégustations et d’expériences.
Et comme l’a si bien dit Confucius : « L’expérience est une lanterne attachée
dans notre dos, qui n’éclaire que le chemin parcouru. ».
Alors petite rétrospection de cet apprentissage : Le bilan est édifiant.
Déjà, à titre personnel d’abord, plus de 60 % des vins composant la carte
du restaurant (La Mère Brazier) sont issus d’une de ces trois cultures.

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CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

Des choix basés uniquement sur les qualités intrinsèques des vins.
Sur le plan national d’autre part.
La production de vin Bio est en croissance constante de 10 % ou plus
depuis plus de 15 ans.
Le milliard de bouteilles vendues en une année devrait être dépassé aux
alentours de 2022 alors que seulement 349 millions de bouteilles étaient
vendues en 2012.

LES BIENFAITS DU VIN


Alors que la consommation mondiale de vin diminue, le vin bio poursuit
sa croissance, agrandissant ainsi d’année en année sa part de marché.
Portée par la demande des consommateurs pour des produits respec-
tueux de l’environnement, la consommation de vin bio a pratiquement
doublé dans le monde depuis 2013.
Les études actuelles montrent qu’en 2021, les français détrônent les alle-
mands pour devenir les premiers consommateurs de vins bio dans le
monde.
En 2023, la France aura le 2ème plus grand vignoble Bio du monde.
Une autre observation : la plupart des plus grands domaines viticoles
Français sont aujourd’hui conduits en biodynamie.
L’objectif commun de l’ensemble des artisans et partisans de la culture
bio, biodynamique ou nature est de mettre sur un pied d’égalité la santé
de la terre et celle du consommateur en s’affranchissant des pesticides et
produits chimiques, au profit de méthodes naturelles.
En parlant de santé, savez-vous pourquoi, de nos jours, lorsqu’on porte
un toast, on a pour coutume de dire « à votre santé »?
Il nous faut retourner un instant dans le passé. En fait, dire « santé » en
trinquant est une tradition qui remonterait au Moyen-âge, et même à
l’Antiquité selon certains historiens.

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CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

À cette époque le vin n’était pas aussi controversé qu’aujourd’hui. Il était


même préconisé d’en boire pour prévenir certaines maladies qui étaient
nombreuses et surtout mortelles. Nos ancêtres médiévaux croyaient
qu’il était bénéfique pour notre corps. Il permettait à notre organisme
de se purifier et de récupérer.
À l’Antiquité, nous aurions plutôt dit « santé » en référence à un rite
religieux qui invitait à boire la boisson de la vie, en l’honneur des dieux
et des morts.
Pour continuer sur les bienfaits du vin pour notre santé, je vous invite
à plonger votre nez dans un ouvrage : Soignez-vous par le vin du Docteur
Maury. Publié en 1974, ce livre fut un succès, un best-seller. Vous retrou-
verez la légèreté et l’ivresse de la France d’hier.
Dans son introduction, le docteur Maury s’insurge contre les discours
anti-œnologiques et dénonce les silences coupables sur la boisson la plus
dangereuse : l’eau ! Plus loin, il accuse les ligues anti-vin de tromperie
quand elles tentent de faire croire que le vin fait partie des boissons
alcooliques !
Pour le docteur Maury, le vin n’est pas simplement le plus sain des
aliments : c’est le plus efficace des médicaments !
Le vin se transforme en remède universel.
Selon lui, il ne faut pas confondre vin et alcool, le vin étant « un
breuvage noble, un aliment complet et un médicament bien toléré ».
Il ignorait malheureusement que des polluants et des pesticides se déver-
saient déjà en son temps, en toute impunité, dans cet élixir. Il fustigeait
déjà néanmoins les « mauvais vins », ceux qui n’ont pas grand-chose à
voir avec le raisin.
À une époque où les mots semblent plus dangereux que les actes ou
les convictions profondes, cet ovni littéraire a au moins un avantage,
il stimule notre esprit critique et se joue de toute forme de crédulité.
Voici quelques-uns des conseils stupéfiants du docteur Maury dans ce
guide :

25
CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

À chaque mal, son remède !


Vous avez une angine ? Un peu de médoc ou de beaujolais et ça ira
mieux.
Vous présentez des risques d’infarctus ? Consommez du champagne sec.
Vous êtes neurasthénique ? Débouchez une blanquette de Limoux.
Vous avez du cholestérol ? Buvez des vins de Loire.
Vous avez des calculs biliaires ? Privilégiez le sancerre ou le pouilly.
Peut-être que le message principal de ce livre est simplement que :
Non, il n’y a pas de remède miracle, à part les plaisirs de la vie dont fait
partie, sans conteste, un bon verre de vin.
À lire sans modération, pour sourire ou cultiver un brin de nostalgie.
En étant moins léger et même, si l’on est en droit de croire aux effets
positifs du vin sur notre corps, il est toutefois indéniable que le vin peut
avoir des effets moins vertueux.

LES CALORIES DANS LE VIN


Je m’attarderai juste sur un point, son apport calorique :
Que ce soit pour un régime particulier ou simplement pour veiller à
votre consommation, vous souhaitez peut-être connaître le nombre de
calories contenues dans un verre de vin.
D’abord, il faut souligner que la réponse varie grandement en fonction
du vin concerné. En effet, certains vins sont plus caloriques que d’autres
en raison de leur teneur en sucre.
Globalement, un verre de vin comporte entre 80 et 100 calories.
Ainsi, pour un vin à 12 degrés, vous trouverez environ 12 grammes d’al-
cool dans un verre de vin. Sachant que 1 gramme d’alcool équivaut à 1,8
grammes de sucre et qu’un gramme de sucre correspond à 3,87 calories.

26
CHAPITRE 1 : NOTIONS FONDAMENTALES : CONNAÎTRE LE VIN POUR MIEUX LE DÉGUSTER

Donc un verre de vin à 12 degrés comporte 83,5 calories.


12 x 1,8 = 21,6 grammes de sucre dans ce verre. (21,6 x 3,87 = 83,5 calories)
Plus précisément et à titre de comparaison :
• Dans un verre de champagne : 70 – 80 calories
• Dans un verre de vin : 80 – 100 calories
• Dans un verre de vin liquoreux : 100 – 110 calories
Et pour les autres boissons :
• Dans un verre de bière : 110 – 130 calories
• Dans un verre de whisky : 69 calories
• Dans un verre de cognac : 70 calories
• Dans un verre de porto : 90 calories
• Dans un verre de cidre : 80 calories
Et pour comparaison :
• Dans un verre de jus d’orange : 40 calories
Passons maintenant au deuxième chapitre, où je vais vous introduire à
la dégustation.

27
CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION

CHAPITRE 2
INTRODUCTION À LA
DÉGUSTATION
Je vais commencer ce chapitre avec une histoire..
Il était une fois…

UNE DÉGUSTATION RENVERSANTE


DANS LA VALLÉE DE LA LOIRE
Une de mes premières dégustations en présence d’illustres personnalités
reste un souvenir mémorable.
Elle garde à jamais une saveur exquise et jubilatoire.
Laissez-moi vous la conter.
Nous sommes à la fin des années 1980.
Installés dans une salle des fêtes d’un village de la Vallée de la Loire, en
Touraine pour être plus précis.
Plusieurs dizaines de personnes sont présentes : des vignerons, des œno-
logues, des sommeliers ainsi que des amateurs avertis.
Tous réunis autour d’un maître de conférence afin d’assister à une
dégustation commentée sur les vins de la région.
Notre hôte commence son intervention puis il saisit le premier verre, il
plonge son nez dedans et nous délivre son analyse.
Le vin sent «  le pétale de pivoine confite  ».

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CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION

J’avoue que je suis un peu dérouté à l’énoncé de ces mots.


La pivoine, je connais. Le pétale de pivoine pourquoi pas, j’arrive encore
à suivre.
Mais le pétale de pivoine confite là, je suis largué.
Vient le deuxième vin et là nous sommes en présence, dixit notre expert,
d’arômes de pierre tombale.
Maintenant, en plus d’être dubitatif, je suis perplexe. Je ne suis pas effec-
tivement calé en pierre tombale et j’entends pour la première fois ce
terme en dégustation.
Mais voilà le troisième vin et peut-être le clou du spectacle.
Celui-ci sent le vent. Mais quelle odeur a le vent me direz-vous ?
J’aimerais vous répondre : tout dépend d’où vient le vent, mais je préfère
vous laisser dans l’expectative qui a été la mienne pendant plusieurs
minutes.
Oui, la dégustation requiert des aptitudes particulières.
Oui, certaines personnes ont plus de prédispositions que d’autres.
Mais comme dans tous les domaines, les excès sont néfastes et dangereux.
Il faut - et l’on doit - rester tempéré. Pour autant, il existe des nuances
subtiles que l’apprentissage permet de déceler.
Par exemple différencier les parfums du cassis, de ceux du cassis pri-
meur ou du bourgeon de cassis. De la fraise fraîche, cuite ou compotée.

DÉGUSTEZ, APPRÉCIEZ,
APPRENEZ !
Il existe un vocabulaire particulier et complexe autour du vin. Chaque
mot ayant une définition et un sens précis.
Le vin, à son origine, était une boisson populaire.

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CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION

Il y a une cinquantaine d’années, certaines personnes ont souhaité l’in-


tellectualiser.
Seuls les initiés et une certaine élite pouvaient en maîtriser les codes.
Je fais souvent le parallèle avec l’art contemporain, pour certaines
œuvres.
Il n’est pas à la portée de tout le monde de ressentir et d’observer toutes
les subtilités qu’un artiste a exprimé dans un trait noir au milieu d’une
toile blanche.
Heureusement, depuis plusieurs années, le vin est redevenu une boisson
populaire.
Je crois que l’intérêt principal et primordial de la dégustation est qu’elle
doit être un plaisir, un jeu, un partage.

Elle est faite de pondération et de mesure. La dégustation stimule


presque tous les sens : la vue, l’odorat, le goût et le toucher.

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CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION

Déguster, c’est analyser particulièrement : l’œil avec la couleur du


vin, le nez pour le plaisir de reconnaître des arômes et la bouche afin
d’identifier des saveurs et des textures.
La dégustation, c’est aussi un voyage dans notre mémoire, dans le temps
et dans l’histoire.
Voici ma vision de la dégustation :
Déguster, c’est la capacité d’analyser les sensations que l’on ressent et
que l’on perçoit à l’aide d’un vocabulaire simple mais précis. Le tout
avec humilité et modestie.
La dégustation n’est pas forcément cette quête perpétuelle afin de
découvrir une appellation, un millésime ou un domaine.

DE QUELLE MANIÈRE
S’ORIENTER VERS LE VIN ?
En cela, il faut dissocier la dégustation professionnelle de la dégustation
d’amateurs. Rien à voir avec les connaissances et les compétences.
L’analyse professionnelle est vraiment l’examen de la qualité intrin-
sèque du vin.
Non sans émotions mais uniquement centrée sur l’analyse : son intérêt
vis-à-vis d’une appellation, vis-à-vis d’un cépage ou d’une région.
L’intérêt pour le restaurateur en lui-même par rapport aux accords
mets et vins, à la diversité du choix et à la construction de la carte
des vins. L’équilibre entre les vins à proposer maintenant et ceux qui
doivent vieillir et naturellement ceux que l’on souhaite faire découvrir à
sa clientèle ainsi qu’aux attentes et aux envies de celle-ci.
La dégustation amatrice est celle qui consiste à apprécier le vin.
L’envie de le partager avec des amis ou la famille. De faire découvrir un
vignoble, un propriétaire.

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CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION

Le vin pour le plaisir, juste le plaisir. Et le souhait éventuel de vouloir


mieux comprendre le vin.
Dans l’ordre des choses, je pense qu’il est préférable d’apprécier le vin
avant de le connaître.
Apprécier avant de comprendre puis comprendre ce que l’on apprécie.
Mais sans ou avec peu de connaissances, difficile de déceler l’essence
même de ce breuvage. Impossible d’en découvrir les subtilités, d’en révé-
ler les nuances ou d’en puiser la quintessence.
La dégustation pour « amateurs » permet aussi de comprendre pourquoi
vous aimez certains types de vin, et comprendre également pourquoi
vous aimez moins certains styles de vin.
Se connaître, améliorer ses connaissances et diversifier ses compétences.
Voici une de mes missions !
Elles vous permettront d’élargir votre spectre afin de ne pas vous foca-
liser toujours sur les vins que vous connaissez, ne pas être concentré que
sur une seule région ou sur certaines appellations.
Grâce à ces nouvelles connaissances, de nouveaux horizons s’ouvriront à
vous : elles vous permettront de voyager sans limite dans l’univers du vin.
Vous pourrez explorer de nouvelles terres, de nouvelles destinations.

LES ÉTAPES DE LA
DÉGUSTATION
L’une des premières étapes est de comprendre que chacun a son propre
ressenti, ses propres affinités, sa propre palette gustative et émotionnelle.
La dégustation fait appel à vos sens et nous ne sommes pas tous égaux
face à cela. Certaines personnes ont des prédispositions sensorielles.
J’ai tendance à dire que la dégustation est une relation intime que vous
partagez avec le vin.

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CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION

Pour moi, la première règle en dégustation, c’est que tant que l’on dit
ce que l’on pense, on ne se trompe jamais. Soyez maître et conscient de
vos émotions.
Les premiers chapitres ont été créés afin de vous aider à maîtriser les
techniques et le vocabulaire de la dégustation.
Ils vont vous permettre de mettre des mots sur vos émotions de façon
simple mais méthodique afin de pouvoir plus précisément développer
vos connaissances en dégustation. Apprendre à mieux définir vos goûts
et à bien choisir les vins.
Ne perdez jamais de vue que derrière chaque bouteille il y a une histoire,
une identité, un caractère, une authenticité, une personnalité et une
émotion.
En suivant ces différentes étapes, vous mènerez à bien une dégustation
de vin, du début à la fin. Rien de vraiment compliqué. Faites confiance
à vos sens, car même s’il est important d’avoir des repères, l’essentiel est
d’écouter vos émotions.

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CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION

C’est encore plus vrai lors de la dégustation des vins naturels. Ils ont
souvent ce « petit supplément d’âme » que certains qualifient de carac-
tère vibratoire ou vivant. Ce sont des vins qui se ressentent plus qu’ils
ne s’analysent.
Je vous livre quelques astuces pour bien débuter cet apprentissage :
Il ne faut jamais se laisser impressionner par une étiquette.
Que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Ne pas surestimer ou sous-­
estimer une appellation.
La dégustation n’est pas une science. De plus, nous sommes perfectibles et
pas toujours dans les meilleures dispositions pour évaluer objectivement
un vin. Personne ne peut déguster à votre place.
Chacun doit rester maître de son opinion et il convient à tous de se faire
son propre goût.
Un autre conseil, sachez être patient. Laissez-vous le temps d’apprendre.
Mesurez votre progression. La dégustation, c’est l’école de l’humilité.
Elle requiert différentes qualités et elle met en valeur la persévérance, la
constance et l’indulgence.
Encore un point que j’aimerais souligner :
Commencez par déguster des séries de 4 vins au maximum.
Au-delà de ce nombre, vos papilles et vos sens vont rapidement saturer.
Vous pourrez progressivement passer à 6, 8 et 10 vins. C’est souvent le
nombre de vins dégustés lors d’une séance dans les clubs de dégustation.
En tant que professionnels, il nous arrive de déguster plus d’une quaran-
taine, voire une centaine de vins dans la journée.
On ne réalise pas toujours que le métier de sommelier est un métier à
risque !

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CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION

À VOS FICHES DE VOCABULAIRE


Voici un peu de vocabulaire pour vous aider à mettre des noms sur les
sensations. Concernant la dégustation, elle se divise en trois phases : la
vue, le nez et la bouche.
Voici quelques-unes des différentes étapes, avec des exemples de termes
qui y correspondent.

L’analyse visuelle
Le but étant de déterminer l’aspect du vin.
La limpidité : transparent, limpide, voilé, trouble, opaque.
La brillance : terne, mat, brillant, éclatant.
La viscosité : fluide, épais, gras, visqueux.
L’intensité : pâle, soutenue, claire, profonde, dense, intense, opaque.
La couleur :
• Pour les Vins blancs : incolore, jaune vert, jaune pâle, citron,
paille, doré, miel, orangé.
• Pour les Vins rouges : pourpre, cerise, rubis, grenat, fauve, acajou,
brique, tuilé.

L’analyse olfactive
Le but étant d’identifier les arômes du vin.
L’intensité : fermé, pauvre, discret, aromatique, ouvert, fort, intense.
Les arômes : nommer les arômes par famille (fruité, végétal, minéral…)
puis les sous-familles. Pour les fruits, précisez par exemple les fruits
rouges. Puis approfondissez votre analyse en désignant la fraise, la
cerise … Concernant les arômes minéraux, vous pouvez citer éventuelle-
ment le silex ou la pierre à fusil.

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CHAPITRE 2 : INTRODUCTION À LA DÉGUSTATION

L’analyse gustative
Le but étant de déterminer les saveurs ainsi que les sensations tactiles.
L’acidité : plat, mou, rafraîchissant, nerveux, vert, agressif, acerbe.
L’onctuosité : souple, coulant, tendre, suave, sirupeux, mielleux,
onctueux, lourd.
L’amertume : faible amertume, amertume moyenne, forte amertume
Les tanins : fin, solide, ample, charpenté, fondu, charnu, velouté, dur,
ferme, astringent, amer, rustique, agressif
L’équilibre : établissez un profil gustatif, corps léger, moyen ou corsé.
Les arômes : nommez les arômes par famille puis les sous-familles
comme lors de l’analyse olfactive.
La longueur : courte, moyenne, longue, très longue.
La conclusion : notez vos impressions générales et le potentiel de garde.
N’oubliez pas de noter tout cela dans un carnet et de le conserver pré-
cieusement.
Vous aurez l’occasion de relire vos notes avant de servir un vin, et puis si
vous dégustez pour la 2ème fois ce vin, vous pourrez comparer vos ressen-
tis avec votre 1ère dégustation !

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

CHAPITRE 3
ANALYSE VISUELLE
La vue est le premier de nos sens à être sollicité lors de la dégustation.
Pourtant, ce premier examen est souvent délaissé lors des débuts de
l’apprentissage.
On commence souvent par les grands préceptes du vin comme le fait
que le vin est élaboré à base de raisin, et qu’on le trouve en 3 couleurs….
Son approche succincte est souvent réduite à ce strict minimum : blanc,
rouge ou rosé. Or, si on y regarde de plus près, vous constaterez qu’il
existe une myriade d’autres nuances, dont certaines insoupçonnées.
C’est pour cela que l’examen visuel est important et que cette première
approche est si riche en enseignement. Elle révèle énormément d’indices
pour la suite de la dégustation : l’intensité de la couleur, les reflets, le
disque, les larmes.
Sans parler évidemment de l’émerveillement qu’apporte cette palette de
couleur qui est la première invitation au voyage !
En voici quelques exemples :
• Les blancs ne sont jamais vraiment blancs, mais gris ou jaunes,
avec des nuances vertes, dorées, ocres, ambrées ou rousses.
• Les rouges, selon leur âge, selon leur origine, se déclinent de l’au-
bergine au tuilé, en passant par le rubis, la cerise, le pourpre, le
cuivre ou… le bordeaux.
• Les vins rosés, eux, paradent dans leur tenue : églantine, chair,
œil de perdrix, pelure d’oignon, abricot, saumon, corail, groseille,
grenadine ou pivoine.

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Et outre ces incontournables, il existe aussi :


Les vins jaunes, Ce breuvage incroyable que l’on surnomme l’or du
Jura. Ce trésor qui a passé six ans et trois mois à vieillir en fût dans des
conditions si particulières. Le fruit d’une adéquation spécifique entre
une histoire, une tradition et une certaine part de magie.
Les vins oranges, cette nouvelle catégorie de vin considérée comme la
quatrième couleur du vin. Elle consiste tout simplement à vinifier un
vin blanc comme du vin rouge. Cette technique entraîne une extraction
de couleur, d’arômes et de structure, ce qui le différencie fondamentale-
ment du vin blanc. Cette manière de produire du vin date de l’antiquité
et elle puise son origine du Caucase.
Les vins verts, le fameux vihno verde Portugais. Plus qu’un vin, c’est
avant tout une région et une appellation située dans la pointe nord du
Portugal. On les appelle Vinho Verde non pas à cause de leur couleur et

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

des reflets verts qui peuvent orner leur robe, mais parce que les produc-
teurs vendangent et embouteillent les vins particulièrement tôt. Ce sont
des vins jeunes, à boire dans l’année qui suit l’embouteillage.
Mais le vin vert peut être blanc, rouge ou rosé, tant qu’il est jeune.C’est
à devenir fou !
Et le petit dernier qui a fait son apparition depuis peu : le vin bleu. Plus
proche du produit marketing que d’une réelle révolution. Il est fabriqué
dans le sud de l’Espagne et commercialisé en France dans la petite ville
de Sète.
La société à l’origine du projet souhaitait révolutionner le secteur du
vin en lui apportant une touche d’innovation colorée. La couleur bleu
turquoise, aussi surprenant que cela paraisse, est naturelle, mais enten-
dons-nous bien, le vin n’est pas naturellement bleu.
Sa couleur vient d’un procédé de fabrication. Produit à base de cépage
chardonnay, on ajoute au moût des peaux de raisin rouge que l’on laisse
macérer.
Cette peau contient des anthocyanes, à l’origine de la couleur du liquide.
Néanmoins, cette molécule ne devient rouge qu’à partir d’un pH supé-
rieur à 7. Or le pH du vin est compris entre 3 et 4. En cherchant bien, il
existe également un vin bleu produit en Corse depuis le XIXe siècle, sous
le nom d’Imajyne.
Nourri par des minéraux naturels tels que des herbes et des algues. Sa
fabrication est protégée par un brevet.

LES BONNES CONDITIONS


POUR LA DÉGUSTATION
L’examen visuel est très important car il permet d’apprécier la robe du
vin et son aspect général. Il dépendra aussi beaucoup de la qualité des
verres utilisés.

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Mais si je dois vous recommander un verre, privilégiez un verre fin et


transparent.
Un verre à pied, fatalement. Une forme universelle si c’est une dégus-
tation à l’aveugle ou un verre spécifique suivant le vin à déguster. Un
verre adapté au vin, à ses besoins et pas forcément à son terroir. Savoir
respecter les traditions qui sont nées de l’analyse de l’interaction entre
terroir, climat et cépage. Mais s’autoriser tout de même à une certaine
ouverture d’esprit.
Il m’arrive régulièrement de servir
certains vins de Bordeaux dans des
verres normalement étudiés pour
les vins de Bourgogne.
Principalement des vins du
Libournais et plus précisément sur
l’appellation Saint-Emilion. J’ai le
souvenir ému d’un Château Pavie
Macquin 1989. Pour bien déguster,
vous devrez aussi porter une atten-
tion particulière aux différents
paramètres extérieurs pouvant alté-
rer ou influencer la dégustation.
Je pense principalement à la
luminosité de la pièce où vous vous trouvez. La lumière est un outil fon-
damental pour la perception des couleurs.
La lumière du jour est la plus adaptée. Évitez tant que possible les
lumières artificielles trop blanches ou les sources d’halogènes.
Par le biais de cette analyse visuelle, on va pouvoir déterminer la robe
en elle-même, son aspect : à savoir sa brillance, sa limpidité et son éclat.
Les reflets que l’on discerne à la lisière du verre, le disque et les larmes.
Chacun de ces éléments apporte des indications. C’est l’analyse et la
compréhension de l’ensemble de ces indices qui permettront d’en tirer
certaines conclusions.

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Notez bien que je n’utilise pas le mot de « certitude », parce que je crois
que les certitudes sont les pires ennemies du dégustateur ! Nous en
reparlerons aussi…
Si vous dégustez un vin effervescent, observez la taille des bulles. Obser-
vez leur abondance et leur diffusion qui ont tendance à révéler la finesse
et l’onctuosité du vin.
Le choix de la verrerie sera encore plus important pour ce type de vin.

OBSERVEZ AVANT DE
DÉGUSTER
La couleur de la robe d’un vin a plusieurs origines.
Ses nuances sont parfois apportées par son cépage.
Par exemple : le Pinot-Noir se caractérise souvent par une robe rubis.
Le Sauvignon lui se pare généralement d’une teinte d’un jaune très pâle.
Son intensité peut être le reflet de sa localisation, sa profondeur l’accent
de ses origines sudiste ou nordiste.
Le visuel peut vous donner une indication sur la potentielle jeunesse du
vin, un indice de son évolution subtile ou marquée…
Il peut aussi vous aiguiller sur un potentiel taux de sucre résiduel. Et
évidemment il ne saurait cacher un caractère pétillant !
Tant d’informations à collecter nécessitent un minimum d’organisation
et une certaine méthodologie.
Commençons par la première observation :
Elle portera sur le fait qu’il s’agit d’un vin tranquille ou d’un vin effer-
vescent.
Observez-vous la présence d’une mousse sur la surface du vin ?
Si oui, est-elle : faible, abondante, persistante ?

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Observez-vous la présence de bulles qui se forment le long du verre ?


Si oui, sont-elles : fines, très fines, grossières? Sont-elles régulières ou
irrégulières ?
On me demande parfois quelle différence il y a entre un bon et un mau-
vais Champagne. La réponse se trouve dans la qualité de la bulle. Dans
un bon Champagne, celle-ci est anecdotique, sa présence discrète nous
rappelle juste que nous sommes en Champagne.
S’il n’y a aucune présence de mousse ni de bulles, vous êtes en présence
d’un vin dit tranquille.
Une autre petite révélation. Lors d’une dégustation à l’aveugle, obser-
vez la couleur de l’écume qui se forme lorsqu’on vous sert un vin rouge.
Si celle-ci est blanche, le vin que vous dégustez a plus de 10 ans.

LES ENSEIGNEMENTS DE LA
ROBE DU VIN
La seconde observation portera sur la robe du vin.
La couleur variera en fonction du type de vin (blanc, rosé, rouge).
Voici par exemple quelques teintes que l’on croise régulièrement.
Pour les vins blancs : du Jaune vert au Jaune paille en passant par l’Or
pâle, pour finir sur le doré et l’orangé.
Pour les vins rouges, on parlera de Framboise, de Cerise, de Rubis, de
pourpre ou de Grenat profond.
Une fois que vous avez établi la teinte. Quelle en est la signification ?
Eh bien, ces différences de teinte ont plusieurs origines :
L’ensemble des variétés de raisins rouges cultivés pour l’élaboration du
vin en France sont des raisins rouges à jus blanc. La pulpe des raisins
donne un jus blanc.

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Ce sont les peaux des raisins qui transmettent la couleur rouge, plus
ou moins intense, au vin lors de la macération grâce à ses pigments
colorants. Plus on laisse macérer, plus on colore le vin.
Ce temps de macération peut varier de quelques heures pour les vins
rosés à une trentaine de jours pour certains vins rouges.
L’origine de la couleur pour le vin rouge est donc principalement due
au cépage.
Il existe des cépages riches en pigments colorants (les anthocyanes),
comme le cabernet-sauvignon ou le malbec, et d’autres cépages moins
riches en pigments colorants, comme le pinot noir ou le gamay.
Cela explique également la couleur des vins rosés.
Il suffit que la macération soit encore plus courte, pour que le jus soit
moins coloré par les peaux.
La teneur en anthocyanes ainsi que diverses interactions chimiques
telles que le milieu acide ou basique, les copigments et d’autres facteurs
jouent un rôle sur l’intensité du rouge.
Il est à noter d’ailleurs que les anthocyanes sont des composés antioxy-
dants de la famille des flavonoïdes et qu’ils ont des bénéfices multiples
sur la santé !
Pour le vin blanc, c’est différent : il peut être réalisé avec des raisins
blancs ou noirs dès lors que l’on ne laisse pas les peaux macérer après le
pressurage.
La peau de certaines variétés de raisin blanc, tel que le gewurztraminer,
est légèrement mouchetée de rose. Elle a une certaine incidence sur l’in-
tensité de la robe de ces vins.
En Champagne, on parle de Blanc de Blancs. Ce sont des vins issus uni-
quement du cépage Chardonnay.
Il faut savoir que plus de 2/3 des raisins plantés en Champagne sont
des raisins rouges.

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

C’est bien la maîtrise de la vinification qui permet d’élaborer un jus


incolore. Le transport dans des petites caissettes percées afin d’éviter le
contact du jus avec la peau.
La disposition d’un grand nombre de pressoirs à proximité des diffé-
rents sites de vendanges afin d’écourter au maximum l’attente et de
conserver la pureté des jus à venir. L’utilisation de pressoirs verticaux
pour préserver la limpidité de ce trésor.
L’intensité de la couleur dépend aussi en partie de la force de l’extrac-
tion. Certaines techniques permettent d’extraire davantage de matière,
et par conséquent, davantage de couleur. La température est un facteur
physique prépondérant mais indirect.
Elle intervient pour favoriser ou créer les conditions d’une extraction en
fragilisant l’ensemble des éléments qui assurent la résistance des cellules
de la baie. La vinification apportera donc une certaine patine.
La couleur évolue aussi en fonction de l’élevage du vin : un passage en
barrique aura tendance à marquer davantage la robe du vin qu’un
passage en cuve. D’autant plus si le fût utilisé est neuf. De même qu’en
fonction de la taille des fûts, de l’origine des bois, de leur âge, du temps
d’élevage ainsi que d’autres paramètres, l’apport sera différent.

QUELLE EST LA SIGNIFICATION DE


L’INTENSITÉ DE LA COULEUR D’UN VIN ?
Observons maintenant l’intensité de la couleur.
Posez-vous cette question : Comment est l’intensité de cette couleur :
est-elle pâle, soutenue, intense voire opaque ?
Petite astuce ici : si vous pouvez voir vos doigts ou une feuille blanche
par transparence, c’est que le vin est plutôt pâle. Sinon, il peut être
soutenu, voire foncé.

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

On avait pour habitude, il y a une vingtaine d’années, de supposer que


les vins produits au Nord d’une ligne Bordeaux / Lyon avaient une robe
pâle et que ceux produits au Sud de cette ligne avaient une robe soute-
nue. Ceci s’expliquant par le fait que la synthèse des pigments est liée
à l’ensoleillement. Un faible ensoleillement donne des vins rouges peu
colorés. On peut le constater en Alsace, dans le Jura ou en Allemagne.
Des régions qui ont d’ailleurs plutôt tendance à se spécialiser dans les
vins blancs…
Néanmoins, il n’y a pas que la chaleur qui compte, mais aussi l’orien-
tation des vignes par rapport au soleil, l’altitude ou encore un éventuel
microclimat.
L’incidence du réchauffement climatique ainsi que les techniques de
vinification ont un peu brouillé les cartes…Malgré tout, cela n’en reste
pas moins une indication.
Quelle est la signification de cette intensité ?
Cela peut être plusieurs choses : D’abord le millésime.
Un millésime plus vieux donnera des raisins plus dilués, et donc des
robes moins soutenues, plus pâles.
Comme en 2002, dans le vignoble de Châteauneuf-du-Pape.
Un millésime plus solaire apportera plus d’extraction et souvent plus
de profondeur dans la teinte des robes.
Comme en 2018, en Bourgogne sur la Côte de Beaune et la Côte de
Nuit. Cela peut être aussi la traduction d’un rendement plus ou moins
maîtrisé.
De faibles rendements donnent des raisins plus concentrés, et donc des
vins plus soutenus.
Le choix du rendement est lié à la volonté du vigneron. À sa propre
analyse.
En fonction de ses vignes, de son terroir ou de sa philosophie de travail.
Mais le rendement peut être imposé par la nature et ses caprices.

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Donc aussi surprenant que cela puisse paraître, il peut s’avérer plus
facile de deviner le millésime d’un vin que son appellation. Surprenant !

LES REFLETS
Pour analyser visuellement un vin, on va observer les reflets.
En inclinant légèrement votre verre et en le plaçant au niveau de votre
regard, vous allez observer les reflets qui vous apercevez.
C’est cette analyse qui pourra vous donner une idée de l’âge du vin.
À titre d’illustration, un vin blanc avec des reflets argentés est sûrement
âgé de deux ans au maximum.
Quelques généralités :
Les vins blancs arborant des reflets verts dans leur jeunesse évolueront
vers l’ambré avec le temps.
Les rosés passeront d’un rose violacé à des tons orangés lors de leur
maturité.
J’aime à penser que les reflets sont le miroir de l’âme du vin…
En réalité, cette empreinte du temps a une explication :
La couleur du vin va évoluer, en raison des phénomènes d’oxydation et
de modification chimique.
Elle entraîne des différences de teintes. Les anthocyanes disparaissent
peu à peu et les tanins prennent le relai de la coloration, poussant ainsi
le rouge vers le brun.
Au bout de nombreuses années, le vin s’éclaircit, et la couleur devient
plus orangée.
Vous pourrez constater cette transformation sur les vins rouges de
Bourgogne de plus de 15 ans. Ils arborent des teintes tuilées caracté-
ristiques.

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Petite remarque, dans le cas du vin blanc, une teinte plus soutenue
virant sur l’orangée peut aussi caractériser un vin riche en sucre : doux,
moelleux ou liquoreux.
La sucrosité joue en effet sur la teinte du vin blanc.
Voici les nuances de couleur par type de vin.

L’évolution des vins blancs


• Les vins blancs jeunes auront une couleur jaune or pâle avec des
reflets verts.
• Les vins blancs plus évolués sont à dominante jaune doré avec
des reflets or.
• Les vins blancs très évolués seront plutôt jaune ambré avec des
reflets ocre.

L’évolution des vins rouges


• Les vins rouges très jeunes seront rouge bleuté avec beaucoup de
violet.
• Les vins rouges jeunes auront perdu quelques reflets violets : ces
reflets s’atténuent.
• Les vins rouges évolués seront rouges brun avec des reflets orangés.
• Les vins rouges très évolués auront des teintes orangé-ocre.

LA BRILLANCE
Concentrons-nous sur la brillance du vin.
C’est-à-dire la capacité du vin à refléter la lumière, puis sur sa limpidité
qui ira de la transparence au trouble.
Concernant la brillance, il s’agit d’évaluer le reflet de la lumière à la
surface du vin.

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Cet examen s’effectue à la lumière naturelle ou sur fond blanc (par


exemple au-dessus de la nappe).
On caractérise la brillance par les adjectifs suivants : mat, terne, net,
lumineux, éclatant, brillant, étincelant ou chatoyant.
Elle donne une indication sur la teneur en acidité du vin. Scintillant
signifie riche en acidité par exemple.
Au cours de son évolution, le vin perd son acidité, et sa brillance dimi-
nue. C’est pour ça qu’une robe terne est souvent signe d’un vin sur le
déclin.

LA LIMPIDITÉ
La limpidité est liée à l’état sanitaire du raisin. On caractérise la lim-
pidité par les adjectifs suivants : opaque, trouble, voilé, flou, laiteux,
opalescent, transparent, limpide, cristallin. La présence de particules
vous indiquera le degré de filtration que le vinificateur a exercé.
Parfois, on peut observer la présence de dépôts. Cela signifie pour un
vin rouge qu’il n’a pas été filtré ou qu’il a évolué.
Pour un vin blanc, on peut apercevoir des cristaux blancs. Il s’agit de
la manifestation de l’acide tartrique et du potassium sous la forme de
cristaux transparents de très petite taille.
L’acide tartrique est contenu naturellement dans le raisin et c’est en
grande partie ce qui lui donne sa fraîcheur, son acidité. Ces cristaux
sont incolores et très peu solubles dans le vin. Si le vin n’a pas été soumis
au froid pendant son élevage en cuve, ils peuvent précipiter plus tard en
bouteille. Leur présence n’altère en rien le goût du vin et la précipitation
de cristaux de tartre ne constitue jamais un défaut.
De nos jours, la plupart des vins sont stabilisés au froid afin d’éviter ces
imperfections. Est-ce les dictâtes de la perfection ou tout simplement la
maîtrise des techniques modernes ?

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CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Ils sont également débourbés, opération qui consiste à décanter le jus de


raisin avant le départ en fermentation pour les vins blancs et rosés. Une
opération réalisée après la fermentation alcoolique pour les vins rouges.
Ils sont collés.
Le collage est une technique de clarification utilisée durant la vinifi-
cation. Elle consiste à ajouter une substance d’origine protéique, qui
coagule au contact des particules en suspension (les lies) pour les faire
tomber au fond de la cuve.
Une fois le collage réalisé, le vigneron peut ensuite procéder à un souti-
rage ou à une filtration, pour séparer le vin des lies collées.
Il existe plusieurs additifs possibles, de types de corps gras, pour réaliser
un collage : le blanc d’œuf, la colle de poisson, la gélatine de porc, les
bentonites (argiles naturelles) ou des produits de synthèse, …
Les vins nature peuvent présenter des robes plus ou moins troubles. Il
faut savoir les appréhender. Comprendre leur sens et ne pas forcément
leur tenir rigueur du plaisir visuel dont ils nous délaissent !
Vous pourrez évaluer et discerner ces différents qualificatifs et caracté-
ristiques relatifs à la limpidité, à la brillance et aux jambes : cristallin,
chatoyant, éclatant, opalescent, lumineux ou opaque.

LES JAMBES
Le dernier point de l’observation visuelle, c’est en effet les jambes. Ou
les larmes.
Les jambes ou larmes du vin se forment le long du verre. C’est la capilla-
rité qui apparaît sur le verre. On les caractérise par les adjectifs fluide,
épais, gras ou visqueux.
Pour bien les observer, il suffit d’incliner puis de redresser le verre et
d’observer la manière dont les larmes descendent le long de la paroi afin
d’en déterminer sa viscosité.

49
CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Elles donnent une indication sur l’onctuosité, la rondeur et le gras. Elles


sont principalement dues à la sucrosité du vin, particulièrement utile
dans le cas des vins blancs.
Vous pouvez aussi en déduire une concentration d’alcool plus ou moins
importante. Plus les jambes sont longues, plus le vin est riche en alcool.

En conclusion, l’examen visuel a été riche en information, mais il ne faut


pas pour autant en tirer de conclusion à ce stade.
Gardez en tête l’ensemble de ces indications. Car l’impression visuelle
devra être confirmée ou démentie par les prochains examens.
Poursuivez l’esprit clair sans être trop influencé(e). Il sera temps au final
de réunir toutes ces informations et c’est seulement la synthèse de ces
indices qui vous amènera à une conclusion !
Vous pouvez tout de même, pour le plaisir ou dans le but de progresser,
noter vos impressions et définir dès à présent vos sentiments concernant
le cépage, la région et le millésime.
Pour certains, vous pouvez vous aventurer sur une appellation et pour
les plus téméraires, osez pronostiquer le nom du propriétaire.

50
CHAPITRE 3 : ANALYSE VISUELLE

Concernant la date de la vendange ou le prénom du vendangeur, cela ne


fait partie que des contes et des légendes !
Pour ceux qui ne l’auraient pas vu, je vous invite tout de même à vision-
ner la séance de dégustation de Louis de Funès dans le film L’aile ou la
cuisse.
Atteint d’agueusie, il reconnaît le vin juste en le regardant. C’est une des
plus belles dégustations qu’il m’ait été donné de voir !
Je terminerai ce chapitre en citant les mots de Galilée :
« Le vin, c’est la lumière du soleil captive dans l’eau »

51
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

CHAPITRE 4
EXAMEN OLFACTIF
En réalité, l’analyse olfactive du vin est un exercice difficile à appréhen-
der au début.
C’est à ce moment-là qu’on doit mettre des mots sur des arômes et donc
faire appel à notre mémoire olfactive.
Et ce n’est pas si simple.
J’ai tendance à dire que la dégustation est une relation intime que vous
partagez avec le vin.
Pour moi la première règle en dégustation est que, tant que l’on dit ce
que l’on pense, on ne se trompe jamais.
Un exemple : lors d’une dégustation d’un vin rouge, vous sentez le par-
fum du cassis.
L’ensemble des autres participants sentent la groseille.
Au fur et à mesure, vous risquez de vous persuader qu’il sent la groseille.
Sauf que si vous dégustez à nouveau ce même vin quelques mois plus
tard, il y a de fortes chances que vous sentiez de nouveau le cassis car
c’est votre marqueur olfactif.
Et là vous pourrez vous dire : la dernière fois que j’ai senti le cassis c’était
dans tel vin, tel cépage ou telle région.
Si jamais vous sentez le cassis et que les autres personnes sans exception
sentent l’abricot, là, il y a peut-être une rééducation à faire.

52
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

LE MÉCANISME DE L’ODORAT
Pour cette analyse, il faut d’abord connaître le mécanisme de l’odorat.
On distingue l’odeur perçue par voie nasale directe (c’est-à-dire par
inspiration par les narines) de l’arôme perçu par la voie rétronasale (ce
qu’on appelle rétro-olfaction, c’est-à-dire les arômes perçus par pas-
sage interne de la cavité buccale aux fosses nasales).

La connexion entre la cloison nasale et la bouche est très importante.


Vous avez tous sûrement fait le constat que lorsque vous êtes enrhumé
vous avez l’impression de ne plus avoir de goût.
Le premier réflexe que l’on a lorsque l’on doit avaler un traitement qui a
mauvais goût ou même un aliment peu ragoûtant est de se pincer le nez.
Amusez-vous à faire ce petit test. Versez un peu de sirop dans un verre
d’eau. Pincez-vous le nez et avalez.
Recommencez l’expérience sans vous boucher le nez. Alors…

LA PERCEPTION DES ARÔMES


Concernant la perception des arômes, on dit que le nez humain est sen-
sible à environ 10 000 odeurs différentes.

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CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

Émile Peynaud (le père de l’œnologie moderne) distingue dix classes


d’odeurs :
• Animale
• Balsamique
• Boisée
• Chimique
• Ethérée
• Épicée
• Empyreumatique
• Florale
• Fruitée
• Et végétale.
Mais avant d’aller plus loin sur le sujet et de débuter l’exercice, voici
quelques précautions à prendre :

1ER CONSEIL : VEILLEZ À LA


TEMPÉRATURE DE SERVICE.
Sachant que chaque vin a une identité singulière, il est compliqué de
faire des généralités. On peut avoir une approche régionale, Bordeaux,
Bourgogne, Vallée du Rhône. Ou une approche par style : les vins jeunes,
les vins légers, les vins tanniques. Mais voici quelques bases.

La température de service des vins


blancs :
• Les vins liquoreux (Sauternes, sélections de grains nobles) : entre
7-8°C
• Les vins secs jeunes et vifs de type Sancerre, Saint-Véran : entre
8-10°C

54
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

• Les vins secs de structure et d’intensité moyenne tels le Saint-Jo-


seph ou un Pinot Gris : entre 10-12°C
• Les vins secs complexes et riches comme les Puligny-Montrachet
ou Hermitage : entre 12-14°C
• Les vins jaunes et autres vins de style oxydatif : entre 13-14°C

La meilleure température de service des


vins rosés :
• Rosés légers de type vins de soif : entre 9-10°C
• Les vins rosés classiques Bandol, Tavel etc. : entre 10-12°C

Pour la température des vins rouges :


• Les vins rouges légers, fruités et jeunes, type Sancerre, Beaujo-
lais-village : entre 11-12°C.
• Les vins peu tanniques comme certains Provence : entre 13-14°C
• Les Bourgognes, les vins de la vallée du Rhône et les vins rouges
de structure moyenne : entre 15-16°C
• Concernant les Bordeaux et tout vin rouge doté d’une bonne
structure : entre 17-18°C

Pour les vins effervescents


• Les Champagnes non millésimés et crémants : 7-8°C
• Les Champagnes millésimés : 9-10°C
• Les Vieux champagnes millésimés : 11-12°C
Sachez que la perception de la température des vins varie en fonction
des saisons. L’hiver, on est plus sensible au froid et l’été plus à la chaleur.
Personnellement, j’adapte la température des caves du restaurant
quatre fois par an. Au début de l’été, je les baisse d’environ deux degrés.
Au début de l’hiver, je les remonte de un à deux degrés. À l’automne et
au printemps, je reviens aux températures classiques.

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CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

Vous pouvez également jouer avec la température des vins que vous
servez en fonction des plats avec lesquels vous les accompagnez. Sur
un même vin servi sur une entrée froide ou un plat chaud, on n’aura
pas la même appréhension. Ne perdez pas de vue qu’un vin servi à une
température mal ajustée ne pourra pas révéler et développer pleinement
son bouquet.
Une température trop basse « casse » les arômes du vin.
Alors qu’une température trop élevée fait ressortir ce caractère alcoo-
leux du vin et déséquilibre la perception olfactive.
Je me souviens d’une dégustation que j’avais organisée sur le thème de
l’influence que nous pouvons avoir sur la perception du vin.
L’incidence de certains détails dont celui de la température. J’avais
servi à l’aveugle le même vin à savoir un Marsannay rouge du Domaine
Méo-Camuzet à deux températures différentes. Le premier verre à 12
degrés et le second à 16 degrés. Le premier vin a été décrit comme un
vin discret, léger, agréable mais d’un intérêt moyen. Le second, lui, a
exprimé un tempérament affirmé, beaucoup d’élégance, un bouquet
intense et persistant. Donc ne négligez jamais ce détail.

2ÈME CONSEIL : BIEN TENIR LE VERRE


Prenez garde à bien tenir le verre par le pied pour éviter les odeurs
parasites (par exemple de parfum).

3ÈME CONSEIL : L’IMPORTANCE


DE LA LUNE
Un autre point, plus étonnant, à ne pas négliger lors de vos dégusta-
tions : soyez attentif au calendrier lunaire ! Le calendrier lunaire est
l’outil indispensable pour le travail de la vigne en Biodynamie. Par
exemple, l’application des préparations biodynamiques doit tenir

56
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

compte des rythmes cosmiques et de la position de la lune par rapport


aux différentes planètes. Cela s’applique à l’ensemble des travaux de
culture de la vigne.

Dégustez en fonction du
calendrier lunaire
Sur le même principe, il est aussi intéressant de suivre ce calendrier
lunaire pour la dégustation.
Qu’est-ce que cela signifie ?
En fonction de sa position par rapport aux 12 constellations du zodiaque,
on divise le végétal en quatre états : la racine, la feuille, le fruit et la
fleur. Pour faire simple, nous pouvons résumer les quatre phases selon la
méthode suivante :
Les Jours racine :
Il est désigné comme un mauvais jour pour la dégustation du vin. Le
vin ne livrera pas tous ses arômes. Préconisez alors les vins structurés à
dominante minérale si cela devait se présenter.
Les Jours fleur :
Lorsque la lune est dans l’un des signes de l’air, ce jour est parfait pour
déguster des vins aromatiques tels que ceux issus du cépage viognier ou
ceux issus du cépage sauvignon blanc. Préconisez également les vins à
dominante florale.
Les Jours feuille :
Lorsque la Lune est dans l’un des signes de l’eau, ce sont les jours où les
plantes se concentrent sur leur production de chlorophylle, une journée
non propice à la dégustation. Éventuellement plus enclin à la dégus-
tation des vins peu tanniques ou des vins aux tanins souples et soyeux.
Les Jours fruit :
C’est quand la Lune est dans l’un des signes du feu. C’est le meilleur
moment pour la dégustation. Alors profitez-en !

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CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

LE POSITIONNEMENT DU NEZ
AU-DESSUS DU VERRE
Voici une de mes astuces : Le position-
nement de votre nez au-dessus du verre.
Imaginons que vous partagez votre verre
en deux parties.
Humez toujours sur la partie supérieure
de celui-ci, là où se concentrent les
arômes et non dans la partie inférieure
où se concentre l’alcool.
Je vous invite à en faire l’expérience. Elle
est encore plus flagrante avec les spiri-
tueux.

LES ÉTAPES DE L’EXAMEN


OLFACTIF
L’examen olfactif se compose de deux étapes distinctes : le premier nez
et le deuxième nez.

Le premier nez
Il vous faut sentir votre vin sans l’aérer. Sans agiter votre verre.
Ce premier nez est assez doux et révèle peu ou moins d’arômes en géné-
ral. C’est naturel : les parfums étant encore peu développés.
C’est souvent le meilleur moment pour déceler les défauts éventuels du
vin.
On y retrouve particulièrement les notes de liège, de beurre rance, de
caoutchouc, d’œuf pourri, de poussière et de piqûre acétique.
À ce stade, vous allez déterminer :

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CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

• La condition du vin : quelle est votre première impression ? Est-


elle franche ou douteuse ?
• Puis l’Intensité aromatique : est-elle puissante – ouverte – dis-
crète ou fermée ?
Arrivez-vous à déterminer certains arômes ?
Ne cherchez pas forcément à identifier immédiatement des arômes
précis mais plutôt une tendance (Florale, Fruitée, Végétale, Minérale,
Boisée, Épicée, Grillée, Sous-Bois, Animale…).
Vous verrez qu’avec la pratique cet exercice sera de plus en plus agréable.
Au tout début, on prononce souvent ces mots « je connais ce parfum
mais je n’arrive pas à mettre de nom dessus.».
Vous pouvez, si vous le souhaitez, exercer votre mémoire olfactive grâce
à certains supports comme Le nez du vin de Jean Lenoir. Cela peut vous
permettre d’étendre votre palette sensorielle. On a l’impression, lors des
premières dégustations, de sentir le cheminement que fait cet arôme.
Un trajet plus ou moins long. Il part de nos narines et il cherche dans
notre cerveau la case correspondante. L’expérience et la pratique aidant,
cette connexion se fait de plus en plus rapidement. Plus la somme de
parfums ressentis est grande, plus on parlera de complexité.
C’est peut-être là que réside la plus grande difficulté. En effet, une fois
que l’on a identifié un arôme, il est compliqué de s’en détacher. Difficile
de passer au-delà de cette perception afin de découvrir de nouvelles sen-
teurs. On est vampirisé par cette découverte. Parfois, on a le sentiment
que les arômes sont imbriqués les uns aux autres et qu’il est impossible
d’en définir un seul.
L’autre situation à laquelle vous pouvez être confronté(e) : lorsque vous
semblez identifier un arôme, celui-ci peut évoluer vers une nouvelle fra-
grance. De quoi être perplexe ou pantois. Dîtes-vous que c’est cela, la
magie de la dégustation. Que c’est aussi pour ce type d’émotions que le
vin nous fascine. Et un jour, il se livrera à vous.
Concentrons-nous maintenant sur le deuxième nez.

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CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

Le deuxième nez
Cette étape consiste à agiter votre verre par des mouvements giratoires
de manière à faire tourner le vin.
On sent alors le « deuxième nez ».
Le but de cet exercice est de mettre le vin en contact avec l’air et d’en
libérer les arômes qu’il renferme.
C’est effectivement le « deuxième nez » qui aide à identifier et à carac-
tériser plus précisément le vin dégusté.
C’est le moment d’explorer les différentes nuances aromatiques afin d’en
extraire les senteurs perceptibles.
Un point sur le sens de rotation du verre.
Il est amusant de noter que la plupart des dégustateurs le font dans le
sens inverse des aiguilles d’une montre.
C’est le cas en France et en Europe alors que nos amis de l’hémisphère
Sud le font dans le sens opposé. Cette incidence semble s’expliquer.
Après de nombreuses discussions avec
des vignerons et des œnologues à ce sujet,
il en ressort qu’il faudrait tourner le verre
dans le sens des aiguilles du montre afin
d’avoir un ressenti sur le futur du vin.
C’est un mécanisme complexe qui joue
sur des macros molécules en mouvement.
C’est infinitésimal et dépend du ressenti
et de la concentration de chacun.
Voici pour la petite parenthèse qui m’a
été rapportée par un des grands messieurs
de la culture biodynamique. Cela peut, si
vous le souhaitez, faire l’objet d’une thèse
si le sujet vous interpelle !

60
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

Il faut noter que si vous êtes amené à ne sentir aucune différence entre
le premier et le deuxième nez, c’est que vous êtes en présence d’un vin
fermé et qu’il serait certainement utile, voire indispensable, de le passer
en carafe si vous souhaitez absolument le servir.

GAMME AROMATIQUE :
LES 3 FAMILLES
Concernant la gamme aromatique, nous allons pouvoir discerner trois
grandes familles.

Les arômes primaires ou variétaux,


souvent de nature fruitée ou florale.
C’est le marqueur aromatique du raisin.
Ces arômes proviennent principalement du ou des cépages utilisés et
peuvent être influencés par le climat et le terroir.
Certains cépages ont des marqueurs précis.
Par exemple :
• Le Viognier se caractérise par des arômes d’abricot et de pêche
blanche.
• Le Gewurztraminer développe des parfums de Litchi et de rose.
• Le Cabernet Franc est plus sur un registre de poivron vert et de
framboise.
• Le Pinot Noir exalte des notes de cerise et de cassis.

Ensuite, les arômes secondaires :


ils sont issus de la fermentation.
La fermentation alcoolique du jus de raisin donne en effet naissance à
de nouveaux composés qui viennent compléter les arômes primaires du
raisin.

61
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

Ces arômes peuvent dépendre également de la nature des levures (c’est


encore plus marqué lors de l’utilisation de levures sélectionnées et non
de levures indigènes).
Les protagonistes de la fermentation sont les levures qui sont des cham-
pignons unicellulaires. Il existe des dizaines de levures différentes et
toutes ont des propriétés différentes.
Dans le monde du vin, il existe deux courants de pensée qui adoptent
deux façons différentes d’appréhender la fermentation et les levures.
D’un côté, on trouve les vignerons qui exploitent les levures indigènes
présentes sur les raisins, dans le vignoble et dans la cave.
De l’autre côté, il y a les vignerons qui utilisent des levures sélectionnées
qui seront ajoutées dans la cuve pour aider et assurer la fermentation.
Les vignerons qui utilisent les levures indigènes sont convaincus que
celles présentes dans l’environnement des raisins (raisins, vignoble et
cave) suffisent pour effectuer une fermentation alcoolique complète.
De plus, ces vignerons pensent que, grâce à l’utilisation de ces levures,
le vin possède un lien plus solide avec le terroir car les levures qui ont
fermenté le moût sont issues du même terroir que les raisins.
Ce style de vinification est normalement soutenu par les producteurs de
vin « naturel », « biologique » et/ou « biodynamique » car cela ne néces-
site pas d’ajout de produits autres que ceux présents dans la nature.
Concernant les levures ajoutées, elles ont été sélectionnées et cultivées
dans des laboratoires puis séchées afin de développer uniquement des
espèces bien précises de levures.
On peut donc dire que lorsque l’on utilise des levures sélectionnées, on
utilise uniquement celles qui ont un rôle bénéfique pour la fermentation.
Cette dernière n’aura normalement pas de problème et se déroulera
sans souci.
Mais la sélection des levures, même si elle peut être rassurante pour les
vignerons, restreint énormément la diversité de champignons œuvrant
dans la fermentation.

62
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

De plus, il existe des sélections qui amplifient certains arômes (souhaité


par le vigneron ou par le marché) dans le vin. Malheureusement, elles
éloignent le goût du vin, de son terroir et de son millésime.
Les levures sélectionnées provoquent également une standardisation du
produit assez marquées.
Prenons l’exemple des sauvignons blancs.
C’est parmi les cépages les plus faciles à reconnaître à l’aveugle car il
présente des arômes très classiques tels que le buis, le bourgeon de cassis
ou le fruit de la passion.
Cependant, en goûtant des sauvignons de vignerons qui utilisent des
levures indigènes, on s’aperçoit rapidement que le goût et les saveurs du
sauvignon peuvent être très variés.
L’utilisation exclusive des levures indigènes est un point commun des
vins bio, biodynamiques et naturels.
Il est clair que les vins issus d’une de ces trois méthodes ont une signa-
ture olfactive bien plus complexe. Ils ont une identité plus marquée,
une personnalité qui leur est propre.
Les arômes peuvent dépendre aussi de la température à laquelle a été
conduite la fermentation.
Elle influencera le profil aromatique des vins.
Il existe des valeurs connues comme étant des températures optimales
ou limites, permettant aux levures de se développer et de produire des
arômes fermentaires particuliers.
En s’élevant, elle favorise la décomposition des peaux des raisins, ce
qui rend l’extraction plus facile et elle accélère également les réactions
chimiques. Trop élevée, la température risque d’augmenter la produc-
tion d’acide volatile.
L’acidité volatile recouvre à la fois l’acétate d’éthyle, qui va jusqu’à don-
ner au vin des arômes tels que le vernis à ongle, et l’acide acétique qui
peut apporter des notes de balsamique, voire de vinaigre.

63
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

Trop basse, elle favorise la rétention des esters et peut être responsable
de notes fruitées très exacerbées.
La fermentation malolactique apporte elle aussi des arômes au vin,
notamment des notes beurrées et lactées.
Mais la plus grande incidence de la fermentation malolactique sur le
vin se retrouve dans la perception gustative. Nous en reparlerons donc.

Enfin, on en arrive aux arômes tertiaires


(appelés également «Bouquet»).
Ils vont dépendre du type d’élevage qui a accompagné le vin mais éga-
lement de l’évolution du vin dans le temps ainsi que de son terroir. Ce
sont les arômes les plus complexes.
En effet, l’élevage atténue les notes fruitées et florales originelles.En
cuve, le vin aura plus tendance à conserver les arômes primaires tandis
que le fût de chêne transmettra d’autres composés aromatiques dus à
l’échange entre le bois et le vin.
Comme évoqué lors de l’analyse visuelle, ils peuvent aussi dépendre de
la taille des fûts, de l’origine des bois, de leur âge, du temps d’élevage
ainsi que d’autres paramètres. L’apport sera plus ou moins marqué.
Il y a aussi des éléments extérieurs qui peuvent rendre la dégustation
plus difficile. Ça peut être par exemple la mise en bouteille récente. Les
vins sont chamboulés et ils peuvent entrer dans une phase de réduction.
Celle-ci peut apporter au vin des parfums de cuir, de viande, voire de
gibier.

LES ARÔMES QU’ON RETROUVE


DANS LE VIN
Pour vous aider à aborder l’univers riche et presque infini des parfums
du vin, je voudrais vous donner une liste non exhaustive d’arômes que
l’on retrouve régulièrement.

64
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

Dans la famille aromatique des vins fruités : on va trouver des arômes


de pomme, de pêche, de poire, d’ananas, de framboise, de cerise, de cas-
sis, d’agrumes, de fruits rouges, ou de fruits blancs.
Sans faire de lapalissade, les parfums de fruits à chair blanche sont plus
caractéristiques des vins blancs et ceux des fruits rouges des vins rouges.
Dans la famille aromatique florale : on parlera d’arômes de violette,
d’acacia, de chèvrefeuille, de jasmin, de rose.
Pour les vins à dominante végétale : on trouvera des parfums tels que
l’herbe coupée, le poivron vert, le foin, le thym, le buis.
Concernant la famille des arômes boisés : on trouvera le bois sec, le
cèdre, le chêne, le santal.
Elle tire souvent son origine du support de son élevage.
Pour les vins dits empyreumatiques (vient du grec Pyros, qui signifie
‘feu’) : ce sera des arômes de fumé, de pain grillé, de café, d’amande
grillée. Ils sont souvent liés à l’évolution du vin.
Les vins au caractère épicé : ils auront des parfums de poivre, cannelle,
vanille, réglisse…
Les vins minéraux : ils auront des nuances de pétrole, d’iode, de silex, de
pierre à fusil, parfois, de craie.
Des arômes que l’on retrouve principalement dans les vins blancs. Sou-
vent dans la région du Val de Loire et de l’Alsace.
La famille aromatique balsamique : arômes de pin, de camphre, de
résine ou de cire d’abeille.
Ces arômes sont parfois caractéristiques des vins liquoreux.
Les vins de la famille des éthers : ils auront des arômes se rapprochant
du bonbon acidulé, de la colle ou du vernis à ongles. Ces types de par-
fums peuvent être associés à certains défauts.

65
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

UNE DÉGUSTATION
MÉMORABLE : C’EST DU VÉCU !
Je me rappelle une de mes grandes émotions de dégustation. Il y a fort
fort longtemps. Je venais de prendre le poste de commis sommelier au
restaurant La Poularde à Montrond les Bains, près de Saint-Etienne.
J’étais l’assistant de M. Eric Beaumard. Pour les personnes qui ne
connaissent pas cet homme, je vous invite à chercher des informations
à son sujet.
En résumé, c’est un des plus grands sommeliers français. Un homme
d’une culture et d’un savoir extraordinaire. Il a été Meilleur Jeune Som-
melier, Meilleur Sommelier de France, Meilleur Sommelier d’Europe et
vice Meilleur Sommelier du Monde.
Bref, lors d’un déjeuner au restaurant, un client commande une bouteille
de La Tache 1966. Pour indication, nous étions en 1990. Mr Beaumard
s’occupe de l’ouverture de la bouteille, goûte le vin comme il se doit afin
de vérifier s’il n’y a pas de défaut.
Une fois le service effectué auprès de la table, il rapporte le verre à
l’office et m’invite à le déguster. Je plonge mon nez dans le verre et là,
un monde merveilleux m’est apparu. Tout en délicatesse et en harmonie.
Subtile essence de sous-bois et d’humus. Je repose le verre sans l’avoir
goûté. Je retourne en salle et une dizaine de minutes plus tard je retourne
à l’office pour humer de nouveau ce breuvage. Le nez est encore plus
merveilleux et explosif. Quelques notes de truffes apparaissent. Je fais
des allers-retours pendant presque une heure et à chaque fois les arômes
du vin m’envoûtent. Ses notes de truffes sont de plus en plus présentes et
elles embaument toute la pièce.
Donc après une heure, je redonne le verre à M. Beaumard. Il me demande
si je l’ai dégusté et je lui réponds que non.
Il m’invite à le goûter et je lui dis que je ne le souhaite pas, ou plus
précisément que je n’ai pas besoin de le boire.

66
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

J’ai pris un tel plaisir à le sentir qu’il m’a totalement comblé. Pire peut-
être, j’ai peur d’être déçu en le dégustant. Peur d’atténuer l’émotion qu’il
m’a procurée. Son seul parfum a suffi à rendre cette dégustation mémo-
rable !

LE TROISIÈME NEZ
Enfin, j’aime aussi évoquer le 3ème nez :
C’est cette sensation que l’on capte lorsque l’on sent son verre vide. Cela
peut être l’émergence d’un nouvel arôme. Une subtilité au sein d’une
famille aromatique.
Mais c’est souvent un parfum exacerbé qui marque de son empreinte
l’examen olfactif.
Maintenant que vous êtes arrivé à la fin de cette analyse, que peut-on
déduire de ces arômes ? Les arômes sont liés au cépage, à la maturité
du raisin, à son origine géographique, à la géologie de son sous-sol, à la
vinification, à son élevage et à l’âge du vin…
Bref, à de nombreux facteurs !
Retenez alors que les arômes évoluent au cours du temps.
Que le vin est une matière vivante qui évolue au cours de l’année et
chaque année.
Que ces arômes de fruits frais, de fleurs évolueront vers des fruits confits,
puis sur des notes de sous-bois et de champignons.
Il faut apprendre à « gravir » ces différentes étapes, au fur et à mesure.
Premièrement reconnaître les arômes, puis en déduire une indication
du cépage, une indication de la région ainsi qu’une indication d’âge.
C’est un processus qui s’apprend et se découvre pas à pas.
Mais s’il y a une chose que vous devez retenir et c’est le plus important :
rien ne remplace la pratique.

67
CHAPITRE 4 : EXAMEN OLFACTIF

Découvrez et amusez-vous. C’est comme cela que vous maximiserez


votre plaisir et votre savoir.
Je laisse le mot de la fin à Charles Baudelaire :
« De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous ! »

68
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

CHAPITRE 5
EXAMEN GUSTATIF
Nous abordons la troisième étape de la dégustation. Celle que vous
attendez tous : l’examen gustatif. Plus que le point final d’une histoire,
c’est le bouquet final d’une grande réjouissance.
C’est certainement la phase qui est la plus en corrélation avec le plaisir
de la dégustation.
On reconnaît les fins gourmets à leur palais.
Alors n’attendons plus et ouvrons ce chapitre !

L’EXAMEN GUSTATIF : LE BOUQUET


FINAL DE LA DÉGUSTATION !
En préambule, je me permettrai de rappeler que tous les goûts sont dans
la nature (à prendre au premier degré et allusion subtile à notre mère
nature). Je me dois également d’évoquer l’adage « à chacun son mau-
vais goût ». Tout cela pour mettre en lumière le fait que nous n’avons
pas tous les mêmes attentes, les mêmes sensibilités, les mêmes affinités
ou les mêmes envies. Que suivant les saisons, qu’en fonction du groupe
d’amis, de famille ou pour fêter un évènement particulier, nous choisi-
rons des vins différents.
Sachant que durant notre vie, nos goûts sont amenés à évoluer. Mon
épouse, au début de notre histoire, raffolait des vins blancs. De préfé-
rence les grands Chardonnay de Bourgogne. Aujourd’hui, elle ne boit
(avec modération bien sûr) presque uniquement que des vins rouges.

69
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

Vous en avez peut-être déjà fait le constat personnellement. Il peut


être le résultat de plusieurs facteurs : d’une manière générale, tous vos
sens, mais aussi votre histoire personnelle, votre mémoire, votre niveau
d’attention ou votre humeur, participent à la construction de votre per-
ception des goûts.
Mais il est indéniable qu’une plus grande connaissance développe des
acuités sensorielles.
Quoi qu’il en soit, il est impossible d’en parler ou de partager ses
émotions sans savoir les décrire et sans en maîtriser un minimum de
rudiments.
Petite question : savez-vous faire la différence entre une saveur et un
arôme ?
Un arôme est issu de molécules volatiles qui parviennent par la bouche
jusqu’au nerf olfactif situé dans le haut de la cavité nasale.
Les odeurs sont également issues de molécules volatiles mais elles nous
parviennent directement par le nez.
Une saveur nous est transmise par les papilles gustatives de la langue.

LES BASES DE L’EXAMEN


GUSTATIF
Après ce petit intermède voici quelques bases :
Tout comme il y a des règles concernant l’examen visuel, il en existe
aussi pour l’examen gustatif.
La plus importante étant la manière de faire circuler le vin à l’intérieur
de la bouche. La sensibilité de ces zones buccales variant entre chaque
individu, il est important de bien faire tourner le vin en bouche. Le but
étant d’éveiller l’ensemble des capteurs gustatifs afin de solliciter ces
différents récepteurs. Il vous faut acquérir une technique particulière.

70
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

Pour cela, il vous faut faire passer le vin sur toute la langue, et le
mâcher. Cela peut durer 8/10 secondes, c’est donc assez long, prenez
votre temps.
Votre salive va transporter les molécules vers les cellules réceptrices de
vos bourgeons du goût.
Vous aspirez un peu d’air par la bouche, une partie de celui-ci remonte
vers le nez et emporte encore plus de composés olfactifs. Les odeurs sont
ainsi amplifiées. C’est ce qu’on appelle la rétro-olfaction.
Ce mécanisme porte également le nom de voie rétronasale ou encore
l’olfaction rétronasale. Les odeurs, en passant par la bouche, sont néan-
moins légèrement modifiées.
Un vin mélangé à l’air aspiré est plus oxygéné. De plus, il est légèrement
chauffé par la bouche (37°C) et enfin il commence à réagir au contact
de la salive.
Avec cette méthode, les arômes suivent une trajectoire à l’arrière du
palais. Ils atteignent alors l’épithélium olfactif présent dans les fosses
nasales, aussi appelé bulbe olfactif.
Il s’agit d’une zone spécialisée dans la détection des odeurs. Ainsi, cette
méthode vous permet une meilleure analyse de l’aspect aromatique du
vin que vous dégustez.
L’examen gustatif est la combinaison du goût et de la rétro-olfaction.
Quand un vin rosé vous rappelle la fraise, c’est en fait une combinaison
de goûts acide-sucré, et des composés olfactifs similaires à ceux de la
fraise qui sont perçus par rétro-olfaction.
Faites l’expérience de vous boucher le nez en mastiquant (et si possible
dans l’obscurité pour ne pas être influencé par la vue) : la fraise devient
alors difficile à identifier.

71
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

LE FONCTIONNEMENT DES
ORGANES GUSTATIFS
Sachez que la bouche est constituée de différents organes de réception :
les bourgeons du goût. Ils contiennent les cellules sensorielles, et sont
situés dans la cavité buccale. Les bourgeons du goût de la langue sont
regroupés dans les papilles. Les papilles gustatives sont situées sur diffé-
rentes zones de la langue. La langue possède environ dix mille papilles
gustatives dont chacune comprend cinquante cellules gustatives. Cer-
taines papilles repèrent plus particulièrement les saveurs : ce sont les
papilles caliciformes et les fongiformes, alors d’autres captent les sen-
sations tactiles.
Une fois ces molécules sapides repérées, elles transmettent le message
via les neurones au centre nerveux. Chaque zone de la langue distingue
un goût particulier qui va plus ou moins provoquer des sensations com-
plémentaires bien précises ainsi qu’une sensation de salivation.
Ces papilles peuvent faire la distinction entre les différentes saveurs
de base qui sont au nombre de quatre : le salé, le sucré, l’acidité et
l’amertume.
Discernons déjà la localisation de ces saveurs sur la langue :
• L’extrémité est sensible au sucré.
• Les bords supérieurs captent l’acidité.
• Le salé est réparti sur tout le tour
intérieur de la langue.
• L’arrière de la langue détecte
l’amertume.
• La partie centrale est presque
insensible.
Voici le schéma qui relie ces quatre
perceptions aux différentes zones de la
langue.

72
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

Je faisais la distinction entre les sensations de saveurs et les sensations


tactiles.
Les saveurs qui sont au nombre de quatre engendrent des réactions dif-
férentes sur la langue et la salivation :
• L’acidité provoque une salivation fluide (exemple du jus de
citron).
• Le sucré provoque une salivation épaisse.
• Le salé assèche la langue.
• L’amertume provoque un resserrement des muqueuses.
Les sensations tactiles : on les appelle aussi les sensations trigémi-
nales, car elles sont transmises au cerveau via le nerf trijumeau.
Je citerai principalement :
Les tanins : ils dessèchent la bouche.
Le gras : Il apporte une sensation de viscosité.
La qualité d’un vin se trouve essentiellement dans l’équilibre entre les
goûts sucrés, acides et amers.

SAVEURS : DES EXPÉRIENCES À


RÉALISER CHEZ VOUS !
Afin de vous exercer à la reconnaissance des saveurs de base, vous pou-
vez pratiquer les expériences suivantes : Prenez du citron, puis du sel,
enchaînez avec une endive pour terminer avec du sucre. Puis, goûtez-les
séparément, vous définirez ainsi plus aisément vos goûts en bouche.
Autre expérience à réaliser à l’aveugle :
Solution 1 : un litre d’eau pure + 1 gramme d’acide tartrique ou citrique
pour la mise en évidence de l’acidité
Solution 2 : un litre d’eau pure + 1 gramme de tanin pour la mise en
évidence de l’astringence afin de la différencier de l’amertume

73
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

Solution 3 : un litre d’eau pure + 10 grammes de saccharose pour la mise


en évidence du goût sucré
Solution 4 : un litre d’eau pure + 4 grammes de chlorure de sodium (sel
de cuisine blanc, pur, non iodé) pour la mise en évidence du goût salé
Solution 5 : un litre d’eau pure + 10 milligrammes de sulfate de quinine
(extrait de pépins de pamplemousse, 120 gouttes/l) pour la mise en évi-
dence de l’amertume.
Dans un deuxième temps, et après vous être familiarisé aux saveurs de
bases, vous pouvez préparer les solutions suivantes en combinant, en
proportions égales, des solutions précédentes :
Solution 5 + solution 1 : démontrer que l’acidité renforce l’amertume
Solution 1 + solution 2 : mettre en évidence que l’astringence renforce
l’acidité
Solution 1 + solution 3 : prouver que l’acidité diminue le goût sucré et
réciproquement
Solution 5 + solution 3 : démontrer que le sucre diminue l’amertume et
réciproquement
La saveur sucrée se révèle en premier, puis viennent les saveurs acides et
salées. L’amertume ne se manifeste qu’en fin de dégustation.

LE SUCRE
Le goût sucré des vins a pour origine les sucres résiduels, les glycérols et
l’alcool. La perception sucrée atteint son maximum après 2 secondes et
disparaît après 10 secondes.
On décline un vin de sec à liquoreux en passant par fondu, souple,
tendre, gras, doux et moelleux.
Pour un vin sec, nous n’avons pas de perception sucrée lors de la dégus-
tation. Dans la législation, on considère un vin comme étant sec s’il
contient moins de 4 grammes de sucre par litre.

74
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

Les vins demi-secs, eux, contiennent entre 4 et 12 grammes de sucre par


litre.
Les vins moelleux présentent une richesse contenue entre 12 et 45
grammes de sucre par litre.
Les vins liquoreux contiennent plus de 45 grammes de sucre par litre.
Concernant la sensation saline, le salé se perçoit rapidement et persiste
davantage que le sucré.
Poursuivons notre chemin sur le sentier de la perception gustative !

L’ACIDITÉ
On caractérisera le goût acide dans les vins par les adjectifs suivants :
plat, équilibré, frais, nerveux, vif, acerbe, agressif, acide et très acide.
Il persiste autant que le goût salé.
L’acidité est la fraîcheur, la vivacité, et est essentielle à la conservation
du vin.
C’est l’élément principal qui permet de choisir les accords avec les mets.
Certains cépages sont plus acides que d’autres, comme le pinot noir, le
sangiovese ou le riesling.
En chimie, la mesure de l’acidité est le pH (abréviation de potentiel
hydrogène). Ce paramètre sert à définir si un milieu est acide ou basique.
Il varie dans un vin entre 2,7 pour un vin acide et 3,9 pour un vin mou.
Pourtant, le pH n’est jamais indiqué sur l’étiquette, rarement dans les
fiches de dégustation et peu de chroniqueurs de vin le mentionnent.
L’acidité est l’élément le plus important des trois composantes du vin
(acide-sucre-tanins), puisqu’il influe sur les deux autres.
À tel point qu’un vin qui contient 6 grammes de sucre, mais a un pH de
3,4, semblera moins sucré qu’un vin qui a 5 grammes de sucre avec un
pH de 3,6.

75
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

De même que plus un vin a de l’acidité (donc un pH bas), plus les tanins
nous paraissent intenses.
En conclusion, plus le pH est bas, plus le vin sera éclatant, vif, vivace,
croquant, acidulé, nerveux, acide, mordant et jusqu’à vert, coupant et
acerbe. Plus le pH est élevé, plus le vin sera tendre, rond, sucré ou doux.
À titre de comparaison, le pH d’un jus de citron oscille entre 1,8 à 2,6,
celui du vinaigre entre 2 et 3 et celui d’une bière entre 4,2 à 4,5. Un pH
de 7 est considéré comme étant neutre (c’est normalement le cas de l’eau
du robinet).

L’AMERTUME
Quant à l’amertume, elle est lente à se développer. Elle augmente et
demeure longtemps. Outre ces saveurs élémentaires, elle va mettre en
évidence d’autres paramètres.
Des sensations d’ordre thermique liées à la température du vin. Des
caractères tactiles tels que la chaleur due à l’alcool, l’astringence appor-
tée par les tanins ou l’effervescence en cas de présence de CO2.
Une notion d’équilibre ou de déséquilibre (acidité / moelleux pour les
vins blancs, acidité / moelleux / tanins pour les vins rouges). Ainsi que
la persistance et la longueur en bouche, exprimée en secondes ou en
caudalies.
La notion d’alcool peut se traduire par les termes :
• Léger : pour un vin peu alcoolisé.
• Corsé : pour vin riche en alcool et en extrait sec.
• Généreux : concernant un vin riche en alcool, bien constitué et
structuré.
• Capiteux : lorsque l’on est en présence d’un vin très riche en alcool
et charpenté.

76
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

L’incidence du réchauffement climatique et les perturbations clima-


tiques sont indéniables sur le monde agricole actuel, et par conséquent
sur le monde viticole.
Ils ont des répercussions sur le titre alcoolique des vins. On peut voir
l’intérêt et le bénéfice de la culture biodynamique sur l’appréhension
gustative des vins aux degrés alcooliques élevés.
Dans les vins issus de la biodynamie, on ne ressent pas l’excès d’alcool.
On ne l’estompe pas mais on la décèle moins. On garde de la fraîcheur
même dans des années très solaires.

LES TANINS
Pour ce qui est des tanins, on parlera de :
• Souple : vin peu tannique, agréable à boire.
• Ferme : vin où dominent légèrement l’astringence et l’acidité.
• Dur : même caractère que le précédent mais plus prononcé.
• Astringent : vin ayant un excès de tanins. Il donne en bouche un
sentiment de sécheresse. L’astringence s’atténue au cours du vieil-
lissement.
Les tanins proviennent des substances organiques que l’on retrouve
dans la peau du raisin, dans les pépins, dans les rafles (la partie végé-
tale de la grappe de raisin) et aussi du bois neuf utilisé lors de l’élevage.
Ils sont apportés lors de la macération.
C’est pourquoi ils sont peu présents dans les vins blancs et dans les vins
rosés.
Les cépages à peau épaisse comme le Cabernet Sauvignon ou la Syrah,
ont un niveau de tanins beaucoup plus élevé. Ce sont eux qui apportent
la charpente au vin.
L’intensité des tanins déterminera aussi le potentiel de garde du vin.
En vieillissant les tanins se fondent. Lorsqu’ils sont très présents dans

77
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

un vin, leur propriété dite astringente va provoquer une crispation des


muqueuses, d’où l’impression d’âpreté.
On parle aussi d’astringence lorsque l’on boit un thé trop infusé ou un
artichaut cru. Les tanins sont décelés principalement par vos gencives.

L’ASTRINGENCE
L’astringence est plus une sensation qu’une saveur. Il n’en reste pas moins
qu’elle est indissociable de l’univers gustatif.
En analyse sensorielle, l’astringence se manifeste par un rétrécissement
ou un étirement de la muqueuse buccale. Elle occasionne une sensation
de dessèchement. Les tanins constituent la cause principale de cette sen-
sation. Décrite de cette manière, l’astringence peut apparaître comme
un défaut du vin.
Mais cela dépend avant tout de son équilibre avec les autres caractéris-
tiques qui le constituent : le taux de sucre, la dose d’alcool et le niveau
d’acidité. Elle est renforcée par l’amertume et l’acidité.
L’astringence est nécessaire à l’équilibre d’un vin. Pour Emile Peynaud,
l’astringence en excès dans le vin porte atteinte à son équilibre et à sa
qualité.
Mais un vin manquant d’astringence semble plat, fade et sans intérêt.
Pour rappel, les cépages les plus tanniques sont le tannat, le malbec, le
mourvèdre, les cabernets et le merlot.
Dans la pratique, on ressent l’astringence en croquant dans une pomme
à cidre, en mangeant des noix, des olives vertes, de l’artichaut ou de la
châtaigne crus.
Sachez également que plus la température de service est élevée, moins
la sensation d’astringence se fera sentir. Cela dépend également des
aliments auxquels vous l’associez. Certains fromages associés à certains
vins rouges sont loin de faire bon ménage, comme par exemple le chèvre
frais et les fromages à croûtes fleuries.

78
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

L’EXAMEN GUSTATIF :
LES 3 PHASES ESSENTIELLES
Maintenant que nous avons clarifié ces points, nous pouvons aborder la
phase gustative à proprement parler.
Cet examen se compose de trois phases distinctes : l’attaque, la bouche
et la fin de bouche.
Ce sont les trois pièces d’un puzzle qui, une fois assemblées, dévoilent le
profil organoleptique d’un vin.

L’attaque
C’est la première impression que donne le vin. Elle donne une première
idée du vin et notamment les premiers éléments sur sa structure. Est-elle
décevante, franche ou intense ?
L’attaque correspond au moment où les goûts sucrés seront les plus
dominants. Nous déterminons si le vin est plutôt de nature acide ou
moelleuse.
À vous d’en mesurer l’intensité. Posez-vous la question :
L’acidité est-elle : molle, souple, franche ou vive ?
Pour rappel, l’acidité fait saliver la bouche et rend les vins vifs et rafraî-
chissants.
La douceur est-elle légère, modeste ou soutenue ?
Pour un vin blanc, l’acidité du vin doit être en accord avec son moelleux.
Pour un vin rouge, l’analyse porte sur l’équilibre de l’équation Acidité,
Moelleux et Tanins.

Le milieu de bouche
Les sensations se développent en bouche pendant une dizaine de
secondes. La diminution des goûts sucrés coïncide avec l’augmentation

79
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

progressive des goûts acides et amers. Les saveurs se combinent et elles


permettent d’analyser l’équilibre entre les tanins, l’astringence, la visco-
sité ainsi que les saveurs dominantes.
Le vin toujours en bouche, inspirez un filet d’air pour réactiver les
arômes. Votre palais communiquant directement avec vos glandes
olfactives situées dans votre nez, les saveurs seront plus intenses.
On essaye de décrire le vin, en qualifiant notamment les arômes. Sont-
ils complexes, grossiers, discrets, intenses, développés ou désagréables ?
On en identifie les différentes familles et on nomme précisément les
arômes.
Par la suite, on détermine si l’équilibre entre les sensations est harmo-
nieux ou bien si l’on distingue une dominante. Acide par exemple ?
Concernant les vins rouges évaluez et déterminez l’importance des
tanins : leur quantité mais surtout leur qualité.
Je reviens sur le terme d’équilibre.
Est-ce que les sucres et les acides sont bien balancés ? Est-ce que l’alcool
domine le vin ?
À titre d’exemple, un vin présentant un caractère très fruité et avec une
saveur sucrée intense peut être vite écœurant.
À l’inverse, une acidité et des tanins en excès rendent le vin austère. Il
faut donc que ces quatre paramètres soient en parfaite harmonie.
Ces données compilées, vous pourrez estimer la longévité du vin, selon
son acidité, ses tanins et sa matière.
Un vin harmonieux en jeunesse le sera pour toute la durée de son exis-
tence, et ce jusqu’à son apogée.
Un vin déséquilibré, possédant des tanins verts ou durs et une faible aci-
dité ou une astringence trop présente, voire asséchante, ne se conservera
pas aussi longtemps et aussi bien dans le temps. Il faudra le consommer
plus jeune.

80
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

Nous pouvons également mentionner la complexité :


Les vins ayant une ou deux saveurs simples peuvent vite devenir
ennuyeux. Un vin de qualité aura de multiples nuances aromatiques.
Certains vins vous transportent littéralement dans des univers diffé-
rents. Vous passez des agrumes aux fruits oléagineux.
Puis surgissent par exemple des touches florales de pivoine, le tout
ponctué de notes iodées appétantes. Je compare souvent ces moments
de dégustation à une conversation. Vous avez des vins dont la conver-
sation est limitée. Par contre pour d’autres vins elle est riche, éloquente,
intéressante, instructive, voire fondatrice.
Enfin, impossible de ne pas évoquer le concept d’expression :
Il évoque la notion d’identité. Il traduit un terroir, une région de pro-
duction ou un cépage. Ce peut être également le reflet d’un millésime.

La fin de bouche
Après avoir avalé le vin ou recraché en cas de dégustation, les arômes
persistent en bouche. C’est ce que l’on appelle la longueur.
Attention, la longueur ne doit pas prendre en compte l’acidité, l’amer-
tume, ou le sucré mais uniquement les arômes. On mesure la persistance
aromatique en Caudalie.
Une seconde équivaut à une Caudalie. On commence à parler de vin de
qualité lorsque sa longueur en bouche atteint entre 8 et 10 caudalies.
Les plus grands vins peuvent atteindre jusqu’à 20 caudalies et plus.
Vous pourrez également reconnaître un grand vin par sa capacité à se
développer en bouche une fois avalé.
Les questions que vous devez vous poser sont : la fin de bouche est-elle
plaisante ou non ?
La longueur en bouche, cette empreinte laissée par le vin, est-elle courte
ou longue ?

81
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

La dégustation est terminée, vous êtes maintenant en mesure de juger


la qualité d’un vin et d’exposer les raisons qui font que vous l’appréciez
ou non.
Avant tout jugement définitif, distinguez bien vos goûts personnels de
la qualité du vin. Ce n’est pas parce que vous n’aimez pas ce vin que
celui-ci est mauvais. Il ne correspond pas à vos goûts.
L’âge du vin peut être perceptible également, ou du moins il peut appor-
ter quelques informations.
On pourra surtout qualifier son niveau de buvabilité au moment de la
dégustation. Est-il trop jeune, juste jeune, à point, à son apogée, on doit
encore attendre, est-il déjà dépouillé, passé, madérisé ou trop vieux ?
Si le vin n’a pas de défaut, vous connaissez maintenant quelques critères
permettant de faire la différence entre un vin médiocre, un bon vin et
un grand cru. Vous pouvez exprimer toutes les sensations procurées par
les vins que vous dégusterez.

LES ÉMOTIONS
Il y a une notion qu’il me faut évoquer également. Un aspect que j’aime
aborder et qui fait partie pour moi de la magie du vin.
Si rien ne doit être plus important que la valeur intrinsèque du vin, il
peut exister une valeur émotionnelle autour d’un flacon.
Vous avez peut-être dans votre cave une bouteille de l’année de nais-
sance d’un de vos enfants, ou une bouteille de votre mariage ou d’un
autre moment de vie qui vous a marqué.
Cette bouteille, vous la regardez parfois quand vous descendez en cave.
Vous imaginez le moment où vous allez la déguster. Maintes fois, vous
avez envisagé de l’ouvrir mais vous avez jugé l’instant peu opportun.
Vous la chérissez tel un trésor. Le jour où vous allez l’ouvrir, il y aura
l’émotion apportée par le vin mais également la charge émotionnelle
qui l’accompagne.

82
CHAPITRE 5 : EXAMEN GUSTATIF

Elle est indéniable. Elle est, je pense, souhaitable. Elle est difficilement
quantifiable. Mais elle est source de bonheur et de plaisir. Et le vin véhi-
cule toutes ces valeurs.
La naissance d’un vin, c’est l’expression d’un terroir, l’identité d’un
cépage, la générosité ou les caprices de la nature, l’humilité et le
savoir-faire d’une femme ou d’un homme. La volonté de chacun de vous
procurer de l’émotion.
Oserais-je terminer par cet extrait de Gargantua de François Rabelais :
« Mieux vaut boire et s’en ressentir, que ne pas boire et s’en repentir. »

83
CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

CHAPITRE 6
TOUS MES CONSEILS POUR
OPTIMISER VOTRE CAVE
La cave est primordiale pour le bien-être de vos bouteilles.
Car toutes les dégustations que vous avez réalisées ou auxquelles vous
avez participé, toutes les visites et toutes les rencontres que vous avez
faites ont eu pour conséquence l’acquisition d’un certain nombre de
bouteilles.
Vous avez et vous allez accumuler suffisamment de connaissances afin
de les servir et de les déguster dans les meilleures conditions.
Mais avant cette étape, elles vont séjourner un court ou un long moment
dans cette pièce fraîche, humide, sombre et accueillante.
Car acheter des vins, c’est bien, mais les conserver, c’est mieux. Le vin est
un produit vivant et capricieux, d’une grande sensibilité.
Il faut donc le ménager et entreposer les bouteilles dans une bonne cave.
La cave idéale n’existe certainement pas mais il est important de respec-
ter certaines règles et de veiller à leur maintien.
Je vais vous parler des différents principes sur lesquels il faut être vigi-
lant afin que vous puissiez profiter pleinement de vos vins.
Je me sens privilégié car j’ai la chance, en tant que sommelier dans un
grand restaurant, de détenir la clef d’une porte derrière laquelle sont
conservées près de 20 000 bouteilles.
C’est un écrin exceptionnel.

84
CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

J’aime aller m’y réfugier un instant avant les services.


J’aime ce sentiment de quiétude qu’il s’y dégage.
Cette tranquillité apaisante.
C’est souvent un moment de recueillement.
Un influx d’ondes positives.
J’ai le souvenir d’un chef sommelier qui, lorsqu’il rentrait dans sa cave,
avait pour rituel cette petite phrase « bonjour les filles ».
Mais revenons sur les points à respecter afin d’avoir une cave digne de
ce nom.

LA TEMPÉRATURE
C’est certainement l’élément principal et celui qui cristallise toutes les
attentions.
Il faut premièrement différencier deux critères : la température de la
cave en elle-même et les variations de température sur une année, prin-
cipalement entre l’été et l’hiver. L’idéal étant d’avoir une cave fraîche et
constante.
On estime que la perfection se situe autour d’une température de 11°C
ou 12°C.
C’est celle la plus appropriée à la conservation du vin. Cela reste vrai si
vous souhaitez conserver vos bouteilles pendant au moins une vingtaine
d’années avant de les ouvrir.
Si votre cave est à une température de 13°C, 15°C ou 18°C ce n’est pas
forcément un problème, tout comme si elle est à 10°C ou 8°C.
Par contre si elle dépasse les 22°C cela devient problématique.
En effet, au-dessus de cette température, le vin se dilate et peut s’in-
filtrer entre le verre et le bouchon : la bouteille fuit, on dit qu’elle est
« couleuse ». Le vin risque alors de s’oxyder et de s’abîmer.

85
CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

Une température de cave élevée accélère le vieillissement du vin et lui


fait perdre de sa finesse.
En revanche, une température trop froide en dessous de 6°C provoque
dans les bouteilles un dépôt cristallin dû à la précipitation de certains
éléments et tout particulièrement le tartre. Il n’y a rien de plus naturel
que ce phénomène, qui n’altère en rien la qualité du vin.
Pour information concernant les températures négatives :
La température de congélation d’un vin est d’environ la moitié négative
de son degré alcoolique, soit -6°C pour un vin qui titre 12°C.
Soyez attentifs à la bonne isolation de votre cave, surtout si celle-ci n’est
pas enterrée. Vous pouvez opter pour la climatisation afin de garantir
une température constante.
Notez qu’il est préférable de ranger les vins blancs dans la partie la plus
fraîche, près du sol par exemple, car ils sont plus sensibles à la chaleur.
Cela étant dit, la stabilité de la température est plus importante que la
température elle-même. Le vin déteste être soumis à de brusques varia-
tions de température mais il s’accommode de variations lentes.
Ainsi le passage d’une température de 10°C en hiver à 17°C en été ne
pose aucun problème.
En revanche, le thermomètre ne doit pas monter à 20°C puis descendre
en dessous de 7°C. Dans ce type de conditions, le vieillissement sera
accéléré.
Un écart de 8°C est acceptable à condition que les variations se fassent
en douceur.
L’idéal est une température constante entre 11°C et 15°C qui permet un
lent mûrissement du vin en favorisant son épanouissement.
En conclusion, il n’est pas nécessaire que la température soit constante.
Mais mieux vaut une cave un peu chaude (16°C, 18°C voire 20°C ) qu’un
local qui passe de 8°C en hiver, à 25°C en été.

86
CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

L’HYGROMÉTRIE
C’est le deuxième critère d’une cave de qualité. Elle doit se situer entre
70 % et 80 %.
Sachant qu’un taux plus élevé n’est pas néfaste au vin.
Si vous avez visité des domaines ou maisons en Champagne, vous êtes
peut-être descendu dans ces caves creusées dans la craie où l’hygromé-
trie avoisine les 95 %.
Un milieu sain pour le vin mais beaucoup moins pour les étiquettes,
voire les bouchons.
C’est donc un équilibre à trouver. Alors quel est le degré d’humidité
idéal ?
Les spécialistes vous diront 75 %.
En fait, cela dépend surtout de la durée de conservation souhaitée pour
vos grands crus.
Plus vous désirez garder longtemps une bouteille (disons plus de 10 ans)
plus l’humidité de la cave doit être élevée.
Sachez cependant qu’une humidité supérieure à 80 % va sans doute
abîmer les étiquettes et faire apparaître des tâches de moisissure sur
celles-ci. Attention, l’excès d’humidité est un terrain propice au déve-
loppement des bactéries.
Voici quelques petites astuces pour conserver vos étiquettes :
Entourer la bouteille au niveau de l’étiquette avec une feuille de papier
cellofrais.
L’autre possibilité est de vaporiser de la laque à cheveux sur les étiquettes
pour les protéger.
Le point qui est incontestable c’est qu’une atmosphère sèche est le plus
grand ennemi de la cave.

87
CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

Pourquoi une humidité inférieure à 40 %


est-elle risquée ?
Dans une cave trop sèche les bouchons sèchent et ils se rétractent. De ce
fait, ils n’adhèrent plus suffisamment à la paroi de la bouteille. Le vin
peut s’infiltrer, on dit alors que la bouteille est couleuse. Résultat : les
risques de goût de bouchon augmentent, possibilité également d’oxyda-
tion du vin ou de piqûre acétique (goût de vinaigre). Elle a surtout une
incidence sur les mécanismes de vieillissement du vin, sur l’arrondisse-
ment des tanins et sur le développement du bouquet. L’ensemble de ces
processus sont obtenus par réduction, c’est-à-dire en mettant le vin à
l’abri de l’oxygène.
Il faut donc que le bouchon de liège soit hermétique, ce qui ne peut se
faire que s’il est humide. Il est donc nécessaire de conserver la bouteille
couchée pour humecter le bouchon de l’intérieur.
Dans une bouteille restée debout de nombreux mois, le bouchon, en
se desséchant, se rétracte, permettant le passage de l’air, ce qui peut
entraîner l’oxydation du vin.

Comment vérifier l’hygrométrie


de ma cave ?
Un hygromètre est un instrument de mesure
peu onéreux qui permet un contrôle plus aisé.

Comment apporter de l’humidité


dans ma cave ?
Les sols en terre battue, recouverts de sable ou de gravier que l’on peut
arroser, assurent une régulation naturelle de l’humidité. Personnelle-
ment je préfère le gravier, c’est beau, ça ne fait pas de poussière, ça
ne colle pas aux chaussures, ça ne se tache pas en cas de malheur, si
vous faites tomber une bouteille. Vous pourrez l’humidifier à volonté en
période de canicule ce qui, par évaporation, remontera l’hygrométrie et
descendra doucement la température.

88
CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

Autres solutions : placez une bassine d’eau additionnée de cendres pour


qu’elle ne croupisse pas (à changer régulièrement), ou un seau avec de la
sciure que l’on arrose à l’occasion.

Ma cave est trop humide ?


Il existe plusieurs solutions permettant de réguler l’hygrométrie d’une
cave à vin.
Mais trop d’humidité n’est pas un véritable problème pour le vin.
• Au niveau du sol :
Appliquer un enduit hydrofuge (contre l’humidité), mettre du gravier
pour sa propriété hydro-rétenteur, ou du sable.
• Au niveau des murs :
Appliquer un enduit hydrofuge ou poser des isolants naturels.
• Au niveau de l’environnement :
Installer un climatiseur de cave à vin qui permet de réguler la tempéra-
ture et l’humidité.
Continuons ce chapitre sur la cave avec un point délicat mais impor-
tant :
• L’aération :
C’est une notion subtile mais qu’il ne faut pas négliger. Une bonne cave
ne doit pas présenter de courants d’air desséchants, mais elle doit être
suffisamment ventilée. En effet une cave mal aérée est sujette aux moi-
sissures qui attaquent les bouchons et les étiquettes. Si la cave ne respire
pas convenablement ces odeurs de moisi peuvent contaminer le vin.
Une idée de solution : Placer deux ouvertures, l’une vers le plafond au
nord, l’autre vers le sol au sud, pour essayer de créer une légère circu-
lation de l’air.
Ne jamais mettre les deux aérations face à face à cause des courants
d’air.

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CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

• Les odeurs :
Le vin respire à travers son bouchon. Il est même fort sensible aux mau-
vaises odeurs. Le vin est même une éponge à odeurs et au cours d’une
longue période de conservation, elles peuvent se transmettre au vin.
Donc aucune odeur parasite ne doit perturber la cave.
Ne pas stocker de produits odorants nuisibles et néfastes pour le vin
tels que de l’essence, du fuel, du vernis, de la peinture, des solvants ou
du White Spirit. Il faut proscrire également certains aliments comme
les oignons, l’ail et les poireaux. Attention aussi aux anciens cartons
qui, avec l’humidité, peuvent moisir et donner un mauvais goût à vos
bouteilles.
• Les vibrations :
Beaucoup de caves urbaines sont exposées à ce danger : métro, circu-
lation automobile ou appareils ménagers de type machine à laver. Au
cours du vieillissement certains constituants du vin précipitent sous
forme de cristaux le fameux dépôt.
Si vos bouteilles sont soumises à des vibrations constantes, ces particules
sont sans cesse remises en suspension empêchant le vin de bien décanter.
Elles auront pour incidences de troubler le vin en remettant le dépôt en
suspension, mais aussi de nuire à la bonne maturité de vos bouteilles.
Comment savoir s’il y a des vibrations dans votre cave ?
Posez des pièces de 5 centimes sur vos bouteilles : si une partie d’entre
elles tombe dans la semaine, il y a peut-être un problème.
Des idées de solutions : Pour atténuer les vibrations, éviter de placer les
bouteilles directement sur le sol ou contre les murs. Vous pouvez éga-
lement placer des caoutchoucs sous les casiers pour amortir les chocs.
Evitez tant que possible d’y entreposer des bouteilles de longue garde.
• La lumière :
La cave doit être sombre car l’un des principaux ennemis du vin reste
la lumière.

90
CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

Le vin doit être conservé à l’abri de la lumière car celle-ci perturbe les
phénomènes chimiques et biologiques responsables du vieillissement.
Elle dégrade les tanins. Pour être plus précis, la lumière augmente le
potentiel d’oxydoréduction du vin. Autrement dit, elle accélère son
vieillissement. C’est pourquoi la plupart des vins de garde sont mis dans
des bouteilles colorées. Cela permet de filtrer les U.V. qui sont néfastes
pour le vin. Donc empêchez la lumière d’entrer par les soupiraux.
L’éclairage, quant à lui, doit être doux et si possible filtrant, seulement
allumé en cas de besoin.
Préférez une ampoule douce ou une bougie plutôt que des néons.
Je fais un petit aparté concernant les armoires réfrigérées. La cave dans
la salle de séjour est agréable et esthétique mais le vieillissement des vins
sera accéléré. Préférez un lieu clos et sombre. Pas de soucis par contre
si c’est une cave où les vins ne séjourneront pas plus de quelques mois.

QUELQUES RÈGLES POUR LE


RANGEMENT DE VOTRE CAVE
Les vins de garde sont à ranger dans les endroits les moins directement
accessibles pour laisser les places de devant aux vins de consommation
plus rapide, ce qui évitera de bousculer les premiers à chaque prélè-
vement. C’est également une astuce afin de ne pas être tenté d’ouvrir
certaines belles bouteilles trop rapidement.
Les vins blancs en bas de préférence et les vins rouges en haut. Les vins
livrés en caisse de bois gagneront à rester dans leur emballage. De
même, placez les caisses de 1er cru ou grands crus au-dessous de la pile.
Le stockage, c’est une affaire logique !
Les vins peuvent être rangés par types de vins (rouges, blancs, mous-
seux…), par régions (Bordeaux, Bourgogne, Vallée de la Loire…) ou par
appellations. Vous pouvez tenir un livre de cave pour assurer la gestion
des stocks ou une application informatique.

91
CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

Ce support doit comporter plusieurs informations pour chaque cru :


la date d’entrée (date d’achat), le nombre de bouteilles, le millésime, la
date estimée de consommation idéale, le prix d’achat, la localisation
dans la cave.
Outre ces informations indispensables, vous pouvez y mentionner les
accords avec les plats, des remarques et des commentaires de dégusta-
tion. Bref, toute l’information nécessaire pour conserver la mémoire de
sa cave !
Vous pouvez réfléchir sur l’opportunité d’installer un dispositif de sécu-
rité. Il doit dissuader les visiteurs indésirables !

LE SUJET DES ARMOIRES


RÉFRIGÉRÉES
Tout le monde n’a pas la possibilité ou la chance d’avoir une cave chez
soi. Il existe des armoires à vin, véritables caves d’appartement, qui
reproduisent les conditions de conservation idéales : régulation de l’hy-
grométrie, température constante, système anti-vibrations et obscurité.
Ce type de matériel est une alternative très utile. On peut les utiliser en
tant que cave du jour ou comme cave de vieillissement.
Une cave à vin de vieillissement est une cave à température unique qui
permet de conserver et faire vieillir tous vos vins dans les mêmes condi-
tions qu’une cave naturelle, pour une courte période, ou jusqu’à la date
d’apogée tout en répondant aux critères essentiels de conservation.
Voici quelques marques de qualité : Liehber, Eurocaves.
Pourquoi utiliser une cave à vin de service ? Elle permet de mettre à
température idéale de dégustation les vins rouges, blancs, rosés, ainsi
que les champagnes. Il existe plusieurs types de caves à vin de service :
les caves 2 températures et les caves multi-températures.
Pour terminer, je souhaite vous mettre en garde sur une dérive poten-
tielle.

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CHAPITRE 6 : TOUS MES CONSEILS POUR OPTIMISER VOTRE CAVE

Être prisonnier de sa cave.


Qu’est-ce que cela signifie ?
Le monde du vin est vaste, varié et surtout très tentant. On peut facile-
ment craquer sur beaucoup de vins. L’important est d’avoir un équilibre
entre ce que l’on achète et ce que l’on est en capacité de boire.
Je m’explique, attention de ne pas arriver à la situation où vous ouvrez
des bouteilles qui débutent leur déclin avant qu’elles ne soient complète-
ment imbuvables et d’être obligé de ne boire que ces vins-là.
Ne plus boire pour le plaisir du vin mais pour ne pas perdre les bou-
teilles que l’on a achetées.
Vous pouvez, pour vous aider, appliquer la règle des trois tiers :
• 1
/3 de vin à boire bientôt
• 1
/3 de vin de moyenne garde (deux à cinq ans).
• 1
/3 vin de longue garde (cinq ans et plus).
Dans l’absolu, il est préférable de boire une bouteille trop tôt que trop
tard.
Je ne dérogerai pas à ma citation pour conclure. Celle-ci est de Pierre
Desproges :
« Je ne bois jamais à outrance, je ne sais même pas où c’est. »

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CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

CHAPITRE 7
ACCORDS METS ET VINS
FONDAMENTAUX
Je vais aborder dans ce chapitre les grandes lignes concernant les
accords mets et vins.
Avant tout, la notion d’accord est un sujet captivant, riche d’enseigne-
ments que j’aime parfois pondérer.
S’il fait partie de l’ADN du sommelier, il ne doit pas pour autant se
transformer en quête du Graal.
Car oui, c’est une noble cause et encore plus une source de plaisir. Cepen-
dant, ce n’est pas le seul pourvoyeur d’émotions, ni le but suprême.
Plutôt que de vous donner des règles, je vais vous confier des codes et des
éléments de réflexion.
Le premier principe est peut-être qu’il n’y en a pas.
Il n’existe pas un seul accord, mais bien plusieurs déclinaisons possibles.
La seule vérité est celle du plaisir éprouvé.
C’est l’émotion qui doit guider tout accord.

QU’EST-CE QUE L’ACCORD


METS ET VINS ?
En schématisant, c’est la combinaison de deux éléments : un plat et un
vin qui, une fois mariés, créent une nouvelle saveur.

94
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Une perception qui n’aurait jamais pu être décelée sans cette interac-
tion créée.
En faisant un parallèle avec les couleurs :
Vous avez du jaune d’un côté et du rouge de l’autre. Les deux posés l’un
à côté de l’autre, vous obtenez une jolie alliance.
Mais si vous superposez le jaune et le rouge vous faites apparaître
des notes de orange qui amènent des nuances et des dégradés. Elles
apportent une nouvelle dimension à l’ensemble. Mais comme dans tous
les mariages, il y a des accords peu convaincants, voire catastrophiques.

LES GRANDS PRINCIPES DE BASE :


COMMENT RÉUSSIR UN ACCORD
METS ET VINS
C’est en pratiquant que l’on apprend le plus.
Et si j’osais apporter de l’eau à mon moulin, je pourrais avancer l’idée
que déguster un plat sans un vin adapté au plat et à vos goûts, c’est
comme n’utiliser que les couleurs primaires et se priver de la richesse et
de la diversité d’une palette de nuances.
Mais attention, ce qui ressemble à une simple addition de deux éléments
est en fin de compte une équation à trois, avec une inconnue.
En tant que sommelier, nous avons la chance de goûter l’ensemble des
plats préparés par le Chef et nous connaissons les vins qui composent
notre cave.
Tout comme vous, lorsque vous recevez des amis, vous connaissez le
menu et les vins de votre cave. Le troisième protagoniste de ce pro-
blème que je nomme amicalement l’inconnue étant le client que nous
avons en face de nous.
En échangeant quelques mots, nous devons comprendre ses souhaits, ses
attentes et définir ses goûts.

95
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Nous prenons en compte son ouverture d’esprit pour le guider sur des
choix qu’il connaît et qui le rassurent, mais également sur la possibilité
de l’amener vers une découverte.

Nous mettons en relation l’ensemble de ces données afin de lui proposer


les meilleurs choix possibles.
L’accord n’aurait aucun intérêt si le meilleur vin possible sur un plat ne
correspondait pas à vos goûts. C’est pour cela que j’ai tendance à définir
notre métier comme celui d’entremetteurs de goût.
Quel est l’intérêt de cet exercice ?
Je viens juste d’en poser quelques bases.
L’objectif est de ne pas se contenter de manger et de boire mais d’opti-
miser les plaisirs pour aller jusqu’à l’émotion.
L’exercice le plus périlleux dans mon quotidien ou dans notre métier est
l’accord mets et vins construit spécialement pour un menu. Car c’est le
seul moment où on ne prend pas en compte les goûts, les attentes et les
souhaits du client.

96
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

La construction de l’accord se concentre uniquement sur les besoins du


plat et sur la mise en valeur de certains de ses caractères. Il est imaginé
comme si le vin était un des ingrédients du plat afin de mettre tous les
éléments en relief. Il suit bien sûr un parcours croissant et crescendo en
fonction des saveurs.
Changer un seul plat de ce menu nécessite souvent de changer l’ensemble
des vins qui le composent afin de respecter un équilibre harmonieux des
sensations.

UN SOUVENIR MARQUANT QUI


MET EN EXERGUE L’INTÉRÊT DE
L’ACCORD METS ET VINS
Celui qui accompagne le premier plat du menu dégustation imaginé
par notre Chef Mathieu Viannay, à savoir un foie gras poêlé, mille-
feuille de betteraves multicolores et bouillon de cèpes.
Nous avons opté pour un vin espagnol produit dans la région de l’An-
dalousie. Un xérès de la maison Lustau. Un Amontillado sur la cuvée
Escuadrilla. Un vin très typé et peu conventionnel.
Un choix délibéré, périlleux et audacieux. Nous apportons le verre juste
avant l’arrivée du plat sans délivrer, exceptionnellement, aucune infor-
mation concernant le vin.
Nous laissons les clients le déguster en nous tenant en retrait et en gar-
dant un œil sur les réactions de ceux-ci.
La plupart des clients sont perplexes, voire déçus. Nous les voyons même
nous chercher du regard afin, je pense, de nous demander de changer ce
vin qu’ils n’apprécient pas du tout.
Arrive alors le plat, ils le dégustent puis ils goûtent de nouveau le vin et
là, nous observons une autre réaction. Nous allons à leur rencontre afin
d’expliquer le vin ainsi que l’intérêt de l’accord.

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CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Et là, les personnes nous disent qu’effectivement en goûtant le vin ils


ne l’apprécient pas du tout mais qu’avec le plat il prend une dimension
différente.
Il est même indiscutable, voire indispensable sur ce plat. Ils nous
demandent les références du vin et souhaitent en acquérir quelques
bouteilles.
On tutoie alors presque la quintessence de l’accord mets et vins. Car
le but est de mettre en relation deux univers afin de révéler le meilleur
de chacun.
Le vin magnifie le plat et le plat embellit le vin. Le mariage des deux
dévoilant un monde insoupçonnable. Mais quand un vin que vous n’ap-
préciez pas seul devient le meilleur des vins en l’accompagnant, alors
c’est un moment magique. Nous les avons rassurés en leur précisant que
le reste des accords seraient plus classiques avec une notion de plaisir
plus abordable. Cette expérience fut très instructive.
Revenons sur les grands principes de base.
Comment réussir un accord mets et vin ?
Pas de recette miracle pour y répondre, mais un formidable terrain de
jeu. Il faut s’appuyer sur les fondamentaux. S’approprier une méthodo-
logie logique basée sur l’appréciation des vins et des plats afin d’écrire
un langage commun.
Il faut travailler avec chacun pour identifier, accentuer, souligner ou
contraster afin de partager des sensations. Traduire ensuite ces sensa-
tions en émotions est tout l’enjeu. Le cœur de l’accord se construit en
procédant à des liaisons de manière linéaires ou complémentaires.
En valorisant 2, 3 ou 4 éléments marquants et en considérant principa-
lement les textures et les persistances de saveur.
Voici quelques axes de travail.

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CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

LES ACCORDS DANS LE SENS


DU PLAT
Ce sont des associations qui épousent la texture ou bien la saveur domi-
nante du plat, sans établir aucune opposition.
On ne cherche pas dans ce mariage à donner du relief ni même à être en
total décalage avec le plat, bien au contraire.
Le vin se fond dans la composition du plat. Ce type de mariage est
souvent utilisé dans les plats aigres-doux, les viandes blanches servies
avec une sauce crémée, ainsi que certains crustacés et coquillages à forte
intensité iodée.
Un exemple avec le Foie Gras :
La texture du foie est grasse et douce. S’il est servi nature, on va donc
proposer un vin rond, souple et suave comme un vin blanc d’Alsace
du type Gewurztraminer sec. Dans le cas où le foie gras est servi avec
un chutney, donc avec un élément sucré, cela modifie l’association. La
présence d’un vin moelleux est recommandée. On peut rester sur un
gewurztraminer mais cette fois-ci en vendanges tardives pour accentuer
la sucrosité du vin.

LES ACCORDS D’OPPOSITION


Il s’agit de jouer l’opposition entre la texture du plat et un élément tac-
tile du vin. On entend ici par élément tactile l’acidité ou le support
tannique.
Restons sur l’exemple du foie gras servi au naturel.
L’association de contraste s’effectue avec un vin rouge doté d’une belle
trame tannique qui va absorber le gras du foie et donc amener du relief
en dégraissant l’ensemble.
Ce mariage est possible seulement si le foie gras est servi nature sans

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CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

fruit et sans chutney. En effet, tous les vins rouges n’aiment pas la pré-
sence du sucre. On peut constater une mauvaise réaction en bouche
dès que le sucre est en contact avec les tanins du vin. Cette sensation
« métallique »...
Pour continuer sur les fondamentaux :
L’acidité d’un vin s’accorde avec le gras du plat. Une structure tannique
se marie avec l’onctuosité.
Par exemple, le Riesling et la choucroute ou bien un Madiran et un
cassoulet.
L’alcool met en valeur les textures croquantes. En exemple, le cognac et
le chocolat. Mais chaque cas est particulier.
Cet art relève plus de l’intuition que d’une science exacte. Car il faut
également tenir compte d’un certain nombre de paramètres qui ne sont
pas directement liés ni au vin ni au mets, comme celui de l’humeur, de
la saison, du cadre ou de vos invités.
Voici d’autres sources d’inspiration :
Peut-on s’appuyer sur l’origine d’un plat pour déterminer le meilleur
accord ?
Il existe effectivement une corrélation entre le terroir qui a donné
naissance au vin et celle dont est issu un produit de l’agriculture ou de
l’élevage. Même s’il est possible qu’un vin de latitude Nord s’accorde sur
un plat sudiste.
Le premier réflexe est de s’orienter vers une association locale et cultu-
relle.
Ainsi, pour un plat de poisson aux arômes d’anis et de fenouil, on orien-
tera la recherche sur un vin de type sudiste ou méditerranéen.

100
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

L’ANALYSE AROMATIQUE
DÉFINIT-T-ELLE L’ACCORD ?
La phase olfactive est la première approche du dégustateur.
Elle renseigne sur la dominante des arômes du plat, son style ou le type
de cuisine auquel le vin sera confronté.
Pour autant, cette phase ne renseigne en rien sur la texture des aliments
et l’intensité de la sauce.
Il faut donc confirmer en bouche ce que l’on ressent.
La phase sensorielle doit être prise en compte mais elle n’est pas l’élé-
ment fondamental du choix du vin.
Certains grands Sommeliers comme Olivier Poussier, Meilleur Somme-
lier du Monde 2000 et grand spécialiste des accords mets et vins, se
servent de cette analyse pour définir un axe de régions ou l’âge du vin
qu’il va servir.

L’ORIGINE, LES ARÔMES ET LA


COULEUR FOURNISSENT DES
ORIENTATIONS POUR LE CHOIX DU VIN
L’idée d’accorder la couleur du plat à celle du vin est courante.
Il s’agit de choisir un vin de la même couleur que la dominante du plat
et plus généralement de la sauce qui l’accompagne.
Si le mets est blanc, par exemple un Carpaccio de Saint-Jacques, du
veau, des asperges, on pense à un vin blanc.
Et inversement, si le plat est rouge, que ce soit du bœuf, du pigeon, du
sanglier, on pense à un vin rouge.
Cette façon de procéder est envisageable dans certains cas, cependant
le plus souvent l’accord est imprécis.

101
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

La seule nuance que l’on peut apporter à ce propos concerne les desserts.
On ne sert pas un vin blanc liquoreux sur un cacao mais plutôt un vin
doux naturel rouge de type Banyuls.
De même, on associera rarement un jurançon moelleux sur un dessert à
la cerise mais on préférera un Pineau des Charentes rouge ou un Caber-
net d’Anjou rosé.
On peut donc dire que l’origine, les arômes et la couleur fournissent des
orientations pour le choix du vin.
Toutefois, ces premières orientations ne doivent pas être figées. Elles
doivent être complétées par une analyse détaillée et précise du plat,
que l’on peut définir en 5 points cruciaux :
• L’ingrédient de base (viande –poisson – abat – œuf)
• La garniture (végétale- fruit)
• La sauce (sa texture et sa puissance)
• La température du plat (froid ou chaud)
• La position du plat dans le menu (entrée – plat principal)
Il faut imaginer pièce par pièce l’architecture du plat en fonction du vin,
en les respectant, en les mettant en valeur.
Pour imager mon discours, prenons un exemple concret.

ACCORDS METS ET VINS :


1 PLAT, 4 INTERPRÉTATIONS !
Prenons une volaille.

Une volaille juste rôtie nappée d’un jus de


cuisson, servie avec une garniture printanière
Le registre du plat est sur la finesse avec la volaille et la fraîcheur appor-
tée par la garniture.

102
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

La fraîcheur est le caractère dominant de ce plat.


On va harmoniser la base végétale des légumes avec le côté fruit pri-
maire d’un vin jeune.
Je partirais sur un vin rouge doté d’une texture et d’une puissance modé-
rée, un vin de 3 à 4 ans d’âge issu du cépage Pinot Noir.
Mes idées de vins :
• Sancerre rouge 2019
• Chorey-lès-Beaune 2018

La même volaille rôtie nappée d’un jus de


cuisson servie avec garniture forestière
Le registre du plat reste sur la finesse avec la volaille mais avec un
caractère plus marqué de la garniture.
Sur une garniture forestière, je vais privilégier un vin sur l’évolution,
doté d’un profil aromatique et gustatif plus proche du côté tertiaire,
afin d’être plus proche des champignons et du sous-bois.
Un vin rouge sur le même profil en termes de puissance pour respecter
l’identité de la volaille.
Mes idées de vins :
• Saint-Joseph 2013
• Gevrey-Chambertin 2011

Volaille rôtie servie avec une sauce


aigre-douce
Le registre du plat est épicé. Contrairement à une idée reçue, le support
acide et minéral s’accorde bien mieux que la puissance ou la générosité
sur ce type de cuisine. Trop souvent les gens font l’erreur de chercher
sur les plats épicés la puissance de l’alcool ou des tanins alors que la
subtilité de l’association est ailleurs.

103
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Les vins généreux rivalisent avec les épices en attaque et en milieu de


bouche, mais les épices reprennent le plus souvent le dessus en persis-
tance car le vin ne possède pas l’allonge acide et minérale nécessaire.
Un tel plat requiert pour moi un vin blanc.
Je conseillerais par exemple un vin de type Pouilly-Fuissé bien tendu
comme ceux produits sur le terroir de Vergisson.
Mes idées de vins :
• Arbois Chardonnay 2016
• Alsace Riesling 2020

Volaille pochée dans un bouillon servi


avec une sauce crémée
Le registre du plat est sur la douceur.
Le support acide dans cet accord est primordial : il apporte du relief et
s’oppose à la crème.
Un grand accord est obtenu quand le vin et le plat se jouent de l’un et de
l’autre sans qu’aucun des deux ne perde sa personnalité et sa complexité.
Les grands accords sont toujours des accords de persistance, le vin et le
plat se tutoient jusqu’à la fin de bouche sans que l’un ne domine l’autre.
Je resterai une fois de plus sur un vin blanc.
Un vin blanc ample, riche et gras avec une belle acidité finale.
Les accords de vins rouges sur les sauces crémées ne sont pas conseillés.
Les tanins d’un vin rouge, au contact de la crème, deviennent le plus
souvent amers.
Mes idées de vins :
• Vouvray 2017
• Meursault 2015

104
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

RÉSUMONS LES BONNES PRATIQUES


DES ACCORDS METS ET VINS
Quelques recommandations pour réussir au mieux vos accords :
• Respecter les préférences personnelles des convives sans imposer
les vôtres.
• Manifester une vive curiosité afin de repousser les limites des
accords.
• Construire une cuisine pour le vin.
En effet, le vin est difficilement modifiable une fois posé sur table, bien
que nous puissions toujours jouer sur la température, sur l’impact de
la verrerie et les phénomènes d’oxydo-réduction en passant le vin en
carafe.
Le plat en revanche peut être adapté au vin à chacune des phases de
son élaboration : la cuisson, son assaisonnement, sa garniture ou le
choix de la sauce.
Et comme je vous le disais au début de ce chapitre : lors de la construc-
tion d’un accord mets et vins avec le chef de cuisine, on réfléchit à
l’accord parfait.
On construit l’accord en souhaitant mettre en valeur l’ensemble des
ingrédients ou un élément particulier du plat.
Appuyer sur le côté iodé, tempérer l’aspect sucré ou jouer sur les tex-
tures, par exemple.
Mais on réfléchit également à différents scénarios possibles en termes
de style de vin ou de couleurs afin de pouvoir répondre aux souhaits et
aux demandes du client.
Je vous mets une dernière fois l’eau à la bouche.
Toujours avec Mathieu Viannay, le chef de La Mère Brazier.
Il a élaboré un plat magnifique.

105
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Noix de Saint-Jacques, voile de mangue verte, duxelle de champignons,


noix fraîches et émulsion au vin jaune.
Notre choix s’est vite porté sur un vin du Jura, un Arbois issu du cépage
Savagnin élevé sous voile, donc en milieu oxydatif, pendant trois ans.
Un vin sec et tendu pour mettre en relief la texture onctueuse de la
Saint-Jacques. Avec des notes oxydatives et de noix pour jouer avec
l’émulsion et les noix fraîches. Les saveurs de curry du vin trouvent une
résonance avec le caractère exotique de la mangue.
Mais voilà, si vous n’êtes pas sensible à ce type de vin très typé, l’accord
n’a aucun sens.
Il nous faut donc réfléchir également à d’autres solutions.
Éventuellement un vin blanc de la vallée de la Loire issu du cépage
Chenin tel qu’un Savennieres. Un vin blanc sec toujours, mais au
contraste plus nuancé dont l’acidité naturelle se marie également très
bien avec le plat. Ses arômes floraux d’acacia, la pointe minérale de
craie et ses parfums de coing en font un prétendant sérieux.
Si vous aimez l’onctuosité, on pourra partir sur un vin blanc de Char-
donnay, de préférence sur un terroir froid ou un climat froid.
J’avoue que si vous souhaitez boire un vin rouge, il faut partir sur l’idée
que la notion d’accord ne pourra être réalisée. Mais je vous garantis
que l’on trouvera la bouteille qui saura vous faire passer un moment
mémorable.
Voici ce que j’aime rappeler aux jeunes sommeliers.
Refuser à un client de boire un vin sur un plat est une faute, ne rien
dire en est une autre. J’ai souvenir d’un client qui souhaitait boire une
bouteille de Cornas 1995 du Domaine Juge pour accompagner son plat
de homard. Je lui ai juste indiqué que les deux n’étaient pas forcément
en adéquation mais qu’ils allaient déguster un plat magnifique et un
vin somptueux. La combinaison des deux n’était peut-être pas évidente,
voire harmonieuse, mais il allait avoir quoi qu’il arrive deux très grands
plaisirs.

106
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Goûtez, dégustez, invitez, recevez et faites-vous plaisir.


Je conclurai cette partie avec les mots de Salämah Müssa « Si la certi-
tude est plus apaisante, le doute est plus noble. »
Maintenant c’est à vous de jouer.

ATELIER PRATIQUE :
ACCORDS METS VINS AVEC LES TROIS
PLATS PRÉFÉRÉS DES FRANÇAIS
Je vais faire saliver vos papilles. Non pas vous mettre l’eau à la bouche,
mais plutôt un verre de vin à la main.
Je vais vous parler des trois plats préférés des Français et vous proposer
des idées d’accords mets et vins avec ceux-ci. Car oui, si la gastronomie
fait partie de notre ADN, les accords mets et vins font partie du savoir-
vivre à la française.
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’UNESCO, quand elle a inscrit le
« Repas gastronomique des Français » au patrimoine mondial imma-
tériel de l’humanité, en 2010.
Le mariage du vin et de la cuisine est un rituel qui existe depuis la nuit
des temps.
Dans le monde grec d’abord, lors du symposium, où les mets précèdent
le moment où les convives boivent longuement du vin. Mais aussi chez
les Gaulois, qui ripaillent lors de banquets. On peut ajouter à cela l’ori-
gine religieuse du partage avec le rituel du vin institué par l’eucharistie
à l’issue du repas de la Cène. Citons également les pays du pourtour
méditerranéen qui ont posé les accords mets et vins comme principe de
base de leur gastronomie.
Le mariage des mets et des vins s’est affiné au 19ème siècle, d’abord à la
Cour puis dans les restaurants de Paris. Le tout favorisé par l’introduc-
tion du service à la russe où les plats se succèdent les uns après les autres.

107
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Mais c’est certainement l’essor même du vin qui est le fait le plus mar-
quant de cette évolution. Dès les années 1850, les variétés et les styles de
vins se développent : les trois couleurs rouge, rosé et blanc coexistent et
le champagne prend son effervescence. Les progrès des transports et des
techniques de conservation sont aussi un levier de son expansion.
La révolution industrielle oriente la consommation vers plus de sensibi-
lité. Le vin est devenu une boisson culturelle qui, à ce titre, réclame des
égards, dont le premier consiste à lui associer une recette à sa mesure.
Maintenant que nous avons posé le tableau, entrons dans le vif du sujet !

EN NUMÉRO UN AVEC 48 % DES


SUFFRAGES : LE MAGRET DE CANARD

Je ne rentrerai pas dans le débat sur l’origine géographique du canard,


tout le monde connaît cette grande région de production qui en a fait
une de ses spécialités. Le canard se consomme depuis toujours, mais sa
préparation en filet qui donne lieu à une cuisson bien définie a été ini-
tiée dans les années 1960.Depuis, le magret a connu bien des conquêtes,
cuisiné à toutes les sauces et à toutes les envies.

108
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Le magret provient de la poitrine du canard. Il se compose de la viande


et du gras du volatile. On dénombre trois types de magret : frais, fumé
et séché.
Je vais me focaliser sur la version fraîche du magret de canard. C’est une
viande assez puissante en goût dont la chair est à la fois ferme et fon-
dante, savoureuse et bien goûteuse qui lui confère une place à part au
sein de la gastronomie. Il faut donc l’accompagner d’un vin qui pourra
rivaliser avec cette puissance. Les vins dévolus à cette viande devront
par conséquent allier le charisme et l’élégance.
On s’appuiera sur un vin souligné par des tanins fins. C’est ainsi que
l’accord gagnera en précision et en persistance.
Par contre, il existe de nombreuses façons de le cuisiner, ce qui va
orienter l’accord vin et canard. La texture et surtout la cuisson sont
déterminantes pour le choix de l’accord.
La sauce qui l’accompagnera aura également une incidence sur cette
sélection. Même le moyen de cuisson peut apporter un élément supplé-
mentaire, que ce soit au four, à la poêle ou au barbecue.

Magret « nature »
Le magret est une viande rouge qui, à ce titre, aime être cuite légèrement
saignante, tout au plus rosée, sous peine d’être sèche. Son goût charnu
et typé, renforcé par la présence du gras, appelle des vins rouges denses,
étoffés, au fruité encore présent et perceptible, qui en souligneront le
caractère juteux ainsi que la consistance moelleuse.
Une astuce : à la fin de la cuisson, couvrez-le d’une feuille d’aluminium
pendant quelques minutes avant de le découper. Le sang se diffuse alors
dans le magret afin qu’il soit uniformément rosé.
Bien entendu, c’est autour du vin rouge que toutes les attentions
convergent, toute autre couleur rendra le canard boiteux.
Tout comme l’accord de couleur, vin rouge sur viande rouge, l’accord
régional est une bonne technique lorsque vous ne savez pas quel vin servir.

109
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Le magret de canard, spécialité du Sud-Ouest, se marie particulière-


ment bien avec les rouges de la même région. Je pense naturellement aux
vins du Sud-Ouest, comme un Bergerac, un Fronton, un Pécharmant ou
un Cahors. On peut pousser jusqu’au voisin Bordelais en s’arrêtant dans
la région des Graves et des Haut-Médoc.
Cela peut paraître assez classique de servir un vin rouge de Bordeaux
avec un magret de canard mais il faut reconnaître que c’est très efficace.
Si vous cuisez le magret au barbecue, vous pouvez opter pour un vin
qui renforce le côté braisé apporté par cette préparation : un Buzet, un
Madiran ou encore un Pomerol.
Un magret de canard, des pommes de terre sarladaises et une bouteille
de Bergerac : vous vous faites des amis pour la vie !

Si votre recette de magret implique


des épices
Optez pour un Fronton.
Ce vin, produit à une trentaine de kilomètres de Toulouse, présente en
effet des arômes de poivre et de réglisse. Les notes de fruits rouges et de
fruits noirs des Merlots d’un Saint-Emilion amplifieront la subtilité des
recettes proposant une association en sucré salé.
Dans le prolongement des accords sucrés-salés autour du magret, vous
pouvez faire le choix d’un accord mets et vins plus audacieux : servez
un vin doux naturel.
Un Maury, par exemple, constitue un allié de choix pour le magret aux
figues avec ses saveurs épicées et empyreumatiques.
Si vous servez le magret avec des coings ou des pêches, osez un Rive-
saltes tuilé. Il mettra également en évidence les différents chutneys qui
illuminent vos assiettes.
Voilà, on a à peine évoqué le premier plat que je commence à avoir
faim !

110
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

LE DEUXIÈME PLAT PRÉFÉRÉ DES


FRANÇAIS EST LA CÔTE DE BŒUF
AVEC 37 % DES SUFFRAGES

Alors là, on touche presque au sacré. Limite au recueillement ! Vin et


côte de bœuf sont deux évocations de plaisir gourmand. La côte de bœuf
est presque le caviar de la viande.
Ce n’est pas le morceau le plus fin, le plus tendre, le plus beau, mais c’est
en quelque sorte le vrai morceau des amateurs. Cette pièce se trouve
juste au-dessus des « pattes avant » du bœuf, presque sur le dos.
Qu’elle soit grillée au barbecue, faite à la poêle, à la plancha ou encore
au four, on est rarement déçu du résultat.
Il y a toujours une bonne raison de déguster une bonne côte de bœuf.
Un repas de famille ou entre amis. L’été sur la terrasse ou l’hiver au coin
du feu. Côte de bœuf, frites maison : on se rapproche de l’excellence
culinaire.
Mais alors, quel vin boire sur la côte de bœuf ? Sa viande rouge, tendre,
ou plus ferme selon le morceau, offre une chair savoureuse et goûteuse.
Mais attention : ses saveurs ne sont pas pour autant si marquées.

111
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Il faut un vin rouge, naturellement !


Pas de surprise sur ce point-là. Attention tout de même, pas n’importe
quel vin rouge. Tout le monde n’est pas apte ou digne d’accompagner
une côte de bœuf.
Tout d’abord, il faut nuancer son choix en fonction de la cuisson. Après,
il y a une affaire de goût en fonction des différentes races. Qu’elle soit
de Blonde de Galice, Simmental, Long Horn, Black Angus, mais aussi
Limousine ou charolaise, entre autres. Il variera également si vous faites
le choix d’une viande maturée. Et si la viande de bœuf est très docile
avec le vin rouge, il faudra tout de même rester vigilant vis-à-vis des
éléments qui peuvent perturber l’alliance. Une sauce au poivre, par
exemple, amène une réflexion plus délicate quant au caractère du vin.
Dans les grandes lignes : optez pour un vin rouge puissant, avec du
corps, pour accompagner cette viande.
Si vous l’aimez saignante, les vins rouges denses aux tanins bien pré-
sents sont parfaits. Si vous la préférez à point, il faudra des tanins
moins présents.
Prenez garde, un vin trop léger, avec trop peu de tanins et pas assez
de corps ne tiendra pas la route face au goût prononcé de ce morceau.
D’autant plus si elle est grillée au barbecue.

Mais concrètement quels vins ou


quelles régions ?
Elles sont vastes et variées, en réalité.
Les vins de tempérament sudiste, baignés par le soleil, seront parfaits.
L’orientation Bordelaise est une idée. Préférez les vins issus des cépages
Merlot ou Cabernet-Sauvignon. De préférence sur les appellations
Graves et Pessac Léognan sur la rive gauche, ou sur les Côtes de Franc
et les vignobles du libournais pour la rive droite.

112
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Il y a de jolis mariages à réaliser avec les vins du Languedoc dont l’as-


semblage fait la part belle aux cépages Syrah, Grenache et Mourvèdre.
Je pense aux appellations Languedoc sur les terroirs de Pic Saint-Loup
et de Pézenas. Mais il y a aussi de belles découvertes à faire sur des IGP
de la région ou sur des vins de France également.
J’aime aussi faire un détour en Provence avec les beaux vins rouges des
Coteaux d’Aix-en-Provence ou un Bandol. Sans oublier les vins de la val-
lée du Rhône septentrionale. Là où s’exprime pleinement et avec grâce
la Syrah. Qu’elle ait vu le jour sur les pentes escarpées de Saint-Joseph,
de Crozes-Hermitage ou de Côte-Rôtie.
Il existe aussi des options avec des vins plus jeunes où les tanins sont
un peu moins présents et la puissance plus modérée. Ils peuvent faire
ressortir le goût de la viande mais les mariages sont plus complexes.
Pour les plus pointilleux d’entre vous, je vous révèle quelques subtilités.

Vous êtes des inconditionnels de


la côte de bœuf bleue ou saignante
Les tanins contenus dans les vins rouges, surtout jeunes, apprécient la
compagnie d’une viande juteuse et tendre. Alors profitez donc de cette
complicité pour ouvrir de jeunes vins rouges dont les tanins appa-
raissent parfois avec un peu de fermeté. La viande rouge du bœuf peu
cuite les mettra en relief sans pour autant les exacerber. Les accords les
plus adaptés viendront des vins rouges reposant sur des profils plus ou
moins suaves mais puissants et portés par des tanins marqués. Des vins
jeunes donc postérieurs au millésime 2010.
Un Graves pour Bordeaux, un Chinon dans la Loire, un Cahors ou un
Coteaux du Languedoc, par exemple. On peut envisager une alternative
lors d’une cuisson au four. Le caractère croûté et grillé étant estompé en
partant sur des vins tendus en acidité, aux tanins plus fins et élégants.
Mais toujours sur la jeunesse.
Un Gevrey Chambertin serait un compagnon idéal, rien de déplacé de
le marier à un Moulin-à-vent ou un Morgon.

113
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Vous êtes adepte des viandes à point


et bien cuites
Les tanins des vins rouges apparaîtront plus agressifs et austères avec
une cuisson plus marquée.
Les tanins ont tendance à stopper la salivation, ce qui réclamera une
mastication plus longue.
C’est pourquoi il vaut mieux se diriger vers des vins rouges plus évolués,
légèrement dénués de tanins. De vins antérieurs au millésime 2005 par
exemple. Une silhouette puissante, une jolie structure, des tanins fon-
dus équilibrés par de belles acidités. Un Bourgueil, un Cornas, voire un
madiran.
Pour ceux qui recherchent un vin rouge plus souple, élégant, aux tanins
très fins : le salut passera par un vin de 5 ans minimum. Un joli Pinot-
Noir d’Alsace ou un beau village de la Côte de Beaune.

Pour vous, côte de bœuf rime avec


barbecue
Quand les beaux jours arrivent, cuisiner une côte de bœuf au barbecue
ou à la plancha est forcément un plaisir incroyable. Au caractère puis-
sant, juteux, sanguin et «croûté» de ce morceau de choix, on associera
des vins rouges aux tanins à la fois denses et veloutés mais surtout des
vins rouges au caractère boisé pour répondre au côté grillé. Faites entrer
dans le bal les Pauillac, les Cahors, les Terrasses du Larzac, les Côte­-
Rôtie et Châteauneuf-du-Pape.

Vous souhaitez vous initier au


bœuf maturé
Comme pour le vin, la viande peut se bonifier avec le temps. C’est le
cas pour une côte de bœuf que l’on a laissé vieillir afin de lui permettre
d’exprimer toutes ses qualités gustatives. Ainsi, elle présente un goût
inimitable qui, pour certains, devient addictif. L’inconvénient est que

114
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

ce genre de plat impose d’ouvrir sa cave. Finie la rigolade, place aux


grands flacons.
Pour moi, l’invité de marque est la Syrah. Grand terroir de Côte-Rôtie
ou d’Hermitage. On ne mégote pas. Un millésime évolué d’une dizaine
d’années au minimum ayant bénéficié d’un climat clément. J’espère vous
avoir fait saliver et donné quelques astuces qui vous seront utiles.

SUR LA TROISIÈME MARCHE DU


PODIUM AVEC 33% DES SUFFRAGES
SE POSITIONNE LA RACLETTE

Bien plus qu’une recette, la raclette est une philosophie de vie. Un art
de vivre en soi.
Mais c’est surtout la promesse d’un moment festif, joyeux, convivial, où
la bonne humeur règne en maître.
La première règle avant tout pour réussir une bonne raclette est que
vous devez prévoir assez de fromage et de charcuterie pour tout un régi-
ment, il ne s’agit pas de manquer autour de l’appareil.

115
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Deuxièmement, prévoyez d’aérer la pièce après la raclette, l’odeur désa-


gréable du fromage fondu a tendance à être persistante.
Pour faire écho à cette deuxième règle, si jamais vous êtes un nombre
conséquent à partager ce plat et que l’ensemble des invités dorment sur
place, évitez le canapé du salon !
Une autre recommandation. Pour savourer pleinement votre vin,
éloignez votre verre de l’appareil à raclette ! Cela permettra au vin de
conserver de la fraîcheur durant ce repas emblématique à la tempéra-
ture surchauffée par l’appareil et par la bonne ambiance !
Concernant le choix du vin, le spectre des possibilités est grand.
Dans les grandes lignes, je dirais qu’il faut privilégier un blanc pas trop
sec pour accompagner le gras du fromage à raclette et des rouges pas
trop tanniques qui s’accorderont, eux, avec la charcuterie.
Car, oui, il faut s’attarder un instant sur un point. Deux écoles se dis-
tinguent en termes de raclette : avec ou sans charcuterie.
La raclette traditionnelle est uniquement constituée de fromage à pâte
pressée, non cuite pour être précis, et de pommes de terre. Ce sont les
Savoyards, un grand merci à eux, qui y ont ajouté la charcuterie, le
siècle dernier.

Petit retour en arrière aux origines


de la raclette
D’abord appelée ‘fromage rôti’, elle aurait été inventée par des bergers
suisses des alpages, au 19ème siècle.
Posée par inadvertance trop près de l’âtre, la meule de fromage aurait
commencé à fondre. Les bergers, empressés de ne pas perdre cette pré-
cieuse denrée, auraient alors raclé la meule.
La raclette était née.
La recette s’est alors rapidement propagée des montagnes suisses aux
vallées avoisinantes, avant de traverser la frontière. La raclette à cette

116
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

époque était simplement accompagnée de pommes de terre en robe des


champs et de vin blanc du vignoble suisse comme le Chasselas, aussi
connu aussi sous le nom de Fendant ou de Gutedel. Ce cépage blanc
typique de l’identité helvète est réputé pour la grande variété de ses
profils aromatiques.
Le Chasselas est l’accord parfait vin-fromage pour de nombreux spé-
cialistes.
Quelle que soit l’école à laquelle vous appartenez ou adhérez, sachez
qu’il est possible de changer de camp aussi souvent que l’on souhaite.
L’essentiel de ce plat reste la facilité de préparation et la convivialité de
la dégustation.
Avec ou sans charcuterie, la gamme de vin est très large pour répondre
à toutes les envies.
D’autant qu’avec la grande diversité des fromages utilisés comme la
raclette du Valais, la raclette de Savoie fumée ou non, le Mont d’Or ou
le Morbier, la raclette autorise presque toutes sortes de mariages avec
le vin.
Si le fromage a une part prépondérante dans ce mets, tout comme la
charcuterie, le choix reste donc délicat. Et vous savez que pour construire
un accord, il est important de cibler l’ensemble des protagonistes. Alors
un petit mot sur la pomme de terre. Sa présence n’est pas anodine. Elle
apporte une touche de douceur et elle apporte du relief au plat par sa
texture.
Commençons par les adeptes de la raclette sans charcuterie, ceux qui se
qualifient de puristes. Pour eux, la raclette est avant tout un fromage,
et c’est lui la vraie star de ce repas. Pour preuve, il a donné son nom à
cette recette.
Le succès de votre raclette dépend donc en premier lieu du fromage
utilisé.
Pour les puristes de la recette traditionnelle, privilégiez l’appellation
IGP signalée par une pastille jaune et bleue.

117
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Si le fromage fondu offre une sensation de toucher confortable, chaleu-


reuse et fondante, ses saveurs se déploient avec persistance, offrant une
certaine fermeté en finale.
Le vin doit à la fois épouser un certain confort de bouche sans pour
autant rogner sur ses acidités.
Naturellement, le vin blanc sera privilégié. Il semble être la meilleure
idée pour accompagner le fromage à raclette.
Choisissez un vin blanc pas trop sec, mais avec une belle fraîcheur. L’idée
est que le vin puisse avoir suffisamment de rondeur pour s’accorder avec
le côté gras du fromage.
Si le vin est trop sec et minéral, il paraîtra dur. Il risquerait de trop
contraster avec l’onctuosité du fromage et serait en totale opposition
avec le plat.
Malgré tout, il sera agréable que le vin conserve suffisamment de fraî-
cheur, et donc une belle acidité, afin de contrebalancer la richesse de
ce plat.
Contrairement à l’idée reçue, le vin rouge n’est pas incompatible avec
ce type de raclette. À condition de bien le choisir. Optez pour un vin
rouge frais, fruité et très peu tannique.
C’est le moment de citer quelques noms.
Honneur aux régionaux de l’étape. En Savoie, on sait évidemment pro-
duire du vin qui s’accorde bien avec l’emblème fromager de la région.
Je pense au Chignin Bergeron, à la Roussette de Marestel ou au Chau-
tagne blanc en particulier.
Je pense aussi à certains vins de la vallée du Rhône issus des cépages
Roussanne et Marsanne comme le Crozes-Hermitage et le Saint-Joseph.
Sans exclure un vin blanc du mâconnais comme le Viré-Clessé ou un
Montlouis-sur-Loire en Touraine.
Vous préférez un vin rouge ?

118
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

Orientez-vous vers le cépage Gamay. Qu’il soit de Savoie ou du Beaujo-


lais. Un cru de préférence tel qu’un Juliénas ou un Brouilly. Les Pinots
Noirs sont également de bons convives. Un Sancerre ou un Pinot-Noir
d’Alsace également.
Petite remarque : la raclette fumée préfère la présence d’un vin rouge.

Pour ceux qui ne font pas de concessions et


pour qui la raclette c’est fromage et charcuterie
Serait-ce l’apanage des vrais gourmands ? Ceux qui versent le fromage
fondu non seulement sur des pommes de terre mais aussi sur de la char-
cuterie.
Si, en complément du fromage et des pommes de terre, s’invitent sur
votre table une farandole de jambons crus de pays, de saucissons, de
viande des Grisons et de salaison en tous genres; l’ajout de ces spéciali-
tés charcutières demande un vin plus charpenté.
La charcuterie apportera une touche finement salée ainsi qu’une dimen-
sion plus relevée à votre plat.
Là encore, les acidités du vin devront être suffisantes afin de soutenir
l’équilibre et la longueur nécessaire.
La bouteille que vous choisirez doit être capable de se marier avec le fro-
mage fondu aussi bien qu’avec des charcuteries et des pommes de terre.
Le vin idéal aura un côté rafraîchissant pour contrebalancer le gras du
fromage et le salé des charcuteries tout en étant finement aromatique.
J’aurais tendance, cette fois, à commencer à vous parler de vins rouges.
La charcuterie et les pommes de terre happent le caractère et la chair
des vins rouges. Le fromage quant à lui, parviendra à enrober les tanins.
Tout ceci combiné permet au vin rouge de se faufiler entre tous les pro-
tagonistes de ce plat.
Vous pouvez ouvrir une bouteille de Mondeuse de Savoie avec ses notes
poivrées qui prolongent le côté salé et relevé de certaines charcuteries.

119
CHAPITRE 7 : ACCORDS METS ET VINS FONDAMENTAUX

En Val de Loire, un Saint-Nicolas de Bourgueil.


On peut cette fois-ci s’aventurer sur des Pinot-Noir plus structurés. Un
Chorey-lès-Beaune, par exemple.
Et les blancs dans tout ça ?
Un Jongieux blanc, élaboré avec le cépage savoyard Jacquère. Sa miné-
ralité vivifiante et ses notes d’agrumes font merveille.
Dans le terroir voisin du Jura, les vins d’Arbois s’harmonisent aussi très
bien avec la raclette.
Si l’on part en Bourgogne, remontons jusqu’en Côte de Beaune. Un Savi-
gny-lès-Beaune par exemple.

Quels sont les vins à éviter avec


une raclette ?
Pour accompagner une raclette, on évitera les vins rouges aux tanins
puissants qui donneraient un excès de structure mal venu.
Les tempéraments sudistes gorgés de soleil ne sont pas adéquats. Ils
manqueront de légèreté sur un plat dont ce n’est pas la vertu première.
Un vin rouge trop tannique, c’est l’amertume garantie et votre soirée
raclette gâchée par cet impair gastronomique.
Abstenez-vous également de servir un vin blanc trop acide dont le
contraste serait brutal avec le fondu du fromage. À l’inverse, on pros-
crira les styles demi-sec ou moelleux qui accentuent la densité du plat.
Pour conclure, le vin est aussi une histoire de goût.
Disposer sur la table les deux couleurs de vin, c’est faire preuve de géné-
rosité envers vos convives. C’est l’assurance de faire plaisir à chacun et
d’initier les plus réticents aux mélanges originaux.
Vin rouge et vin blanc sur la table, l’union fait la force, l’option fait la
différence.

120
CONCLUSION : ON PASSE À LA PRATIQUE DE LA DÉGUSTATION ?

CONCLUSION
ON PASSE À LA PRATIQUE
DE LA DÉGUSTATION ?
Pour conclure, je vous propose que nous dégustions 2 vins que j’ai sélec-
tionnés.
Nous allons pouvoir déguster ensemble ces deux vins sachant que la
dégustation est une relation intime que vous avez avec le vin, il fait
référence à vos propres perceptions et à vos propres ressentis.

LES GALETS D’OR 2020

Vue
Robe dorée assez soutenue, reflets dorés. Le vin est limpide,
brillant, cristallin. Le disque est assez épais. Les larmes sont
généreuses et coulent relativement lentement sur le verre.

Nez
1er nez : très expressif, un développement très intense mar-
qué par une famille aromatique fruitée, sur la pêche et
l’abricot.
2ème nez : gamme aromatique marquée par les fruits à chair
blanche et des notes exotiques sur l’ananas, la mangue et
la papaye verte.

121
CONCLUSION : ON PASSE À LA PRATIQUE DE LA DÉGUSTATION ?

Bouche
Attaque franche, ample et voluptueuse avec une gamme de saveurs sur
le fruit.
De la fraîcheur, une jolie tension, des acidités bien maîtrisées, un esprit
acidulé sur l’ananas. Un vin avec un moelleux de texture : vin assez gras,
opulent avec une jolie richesse.
Faible amertume en fin de bouche.
Le niveau d’alcool est entre léger et généreux car on retrouve une vis-
cosité apportée par le cépage, le climat, le terroir en lui-même. Bon
équilibre.
Une fin de bouche longue et persistante avec ce côté gourmand du fruit
et cette acidité qui permet de prolonger, faire durer en bouche.

Dégustation et accords mets et vins


Plaisant aujourd’hui avec une belle générosité et un potentiel de garde
jusqu’en 2025. À garder dans votre cave, proche de la porte, pour être
accessible rapidement !
Un vin à servir à l’apéritif, avec un foie gras accompagné d’un chut-
ney. Certains poissons plutôt à chair blanche avec un beurre nantais,
entre crème et acidité, ou une volaille. Mets épicés, currys, cuisine thaï-
landaise.
Température de service : 10°C-12°C.

Astuces et conseils de dégustation


N’oubliez pas de noter le nom du vin sur vos fiches de dégustation si
vous voulez les garder et les comparer.
Vous pouvez aussi mettre la date de la dégustation de manière à com-
parer si vous goûtez à nouveau ce vin, pour voir si vous avez la même
perception du vin. Vous pouvez aussi noter une recette particulière faite
avec ce vin !

122
CONCLUSION : ON PASSE À LA PRATIQUE DE LA DÉGUSTATION ?

LES SAISONS DE VESSIÈRE 2019

Vue
Teinte grenat aux reflets violacés. Disque plutôt épais.
Larmes assez généreuses, épaisses, qui coulent lentement.
Intensité soutenue, vin lumineux et brillant. Limpidité
transparente.

Nez
1er nez : un nez très expressif avec une jolie complexité
marqué par le fruit (cassis primeur) puis un caractère
épicé (poivre), on retrouve la famille empyreumatique
(fumé).
2ème nez : le cassis et la myrtille, un fruit frais et bien mûr
avec un poivre mignonnette blanc et le côté fumé.

Bouche
Une attaque franche et dynamique qui pousse l’ossature du vin avec une
belle densité.
Un côté gourmand avec les épices et le fruit.
Un équilibre parfait entre la maturité du raisin, l’acidité et les tanins
avec une finale agréable, qui fait saliver et appelle à re-goûter le vin.
Fin de bouche très persistante et pas d’amertume.
Des tanins présents mais fondus, très soyeux. Degré alcoolique : géné-
reux sans être dominant.

Dégustation et accords mets et vins


Ouvrir le vin 30-45 min avant dégustation, un passage en carafe peut
aider. Un vin à garder dans sa cave encore quelques années.

123
CONCLUSION : ON PASSE À LA PRATIQUE DE LA DÉGUSTATION ?

Pour les accords, une joue de bœuf braisée ou un barbecue (un magret
de canard, une côte de bœuf grillée) pour faire ressortir ces notes empy-
reumatiques.
N’hésitez pas à goûter, re-goûter, seul ou à plusieurs. Échangez vos
points de vue !
En conclusion, nous avons ici deux vins identitaires, un savoir-faire de
l’Homme qui a su retranscrire la nature, que ce soit le sol ou la vigne
pour produire un vin de qualité, un beau moment de partage.
J’espère que ce livre vous a donné envie d’approfondir vos connaissances
de la dégustation et du monde merveilleux du vin !
N’oubliez pas que le plus important est de prendre du plaisir en ne pas-
sant plus à côté de vos vins et en découvrant de nouvelles pépites !
À bientôt,
Denis Verneau

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