graduat en droit et en première licence en théologie de l’Université protestante au Congo (UPC) s’assigne comme objectifs d’informer les étudiants sur un domaine précis de l’histoire et de l’actualité de notre pays : les rapports entre l’Etat et les Eglises, deux des principaux acteurs qui ont fait et continuent de faire du Congo ce qu’il est. B. Divisions
• Ce cours comprend trois parties correspondant aux trois
statuts juridiques différents qu’a connus le Congo de 1885 à nos jours.
I. L’Etat « indépendant » du Congo (1885 - 1908),
II. Le Congo belge (1908 - 1960), III. Le Congo devenu pays indépendant depuis 1960. II. Résumé du cours
Sous ces trois statuts juridiques différents qu’a
connus le pays depuis 1885, ces rapports peuvent se résumer comme suit. A. Sous l’Etat « indépendant » du Congo (1885 -1908)
Les puissances colonisatrices de l’Afrique convinrent que
« la mission civilisatrice des populations africaines » pouvait être mieux remplie notamment par les missions religieuses. D’où la place importante réservée aux rapports avec les missions religieuses dans l’Acte général de la Conférence de Berlin de 1885 (art. 6) : protection, libre et public exercice des cultes sans restrictions ni entraves, traitement égal avec toutes les missions sans distinctions ni de cultes, ni de nationalités. L’Etat ne tarda pas à violer ces dispositions en demandant et en obtenant du Saint-Siège le départ des Pères français du Saint-Esprit, pourtant catholiques, pour les remplacer, en 1888, par les Pères de Scheut ou Prêtres de la Congrégation du coeur immaculé de Marie (cicm), la congrégation belge par excellence.
En cette même année 1888, Léopold II promulgua le
décret sur l’octroi de la personnalité civile aux institutions et associations, texte qui restreignait la liberté desdites institutions et associations dans leur installation au Congo. Allant plus loin encore dans la discrimination, l’Etat indépendant du Congo conclut en 1906, avec les seules missions catholiques, dorénavant appelées « missions nationales » dont la majorité était composée des missionnaires belges, la convention d’étroite collaboration, à l’exclusion des missions protestantes, toutes composées des missionnaires non belges (américains, britanniques et scandinaves), dorénavant appelées missions étrangères. Cette marginalisation des missions protestantes était due en grande partie au fait que ces dernières avaient pris une grande part dans la dénonciation des atrocités et abus qui accompagnaient l’exploitation du pays par les agents de l’Etat et des sociétés commerciales : travail forcé notamment dans la récolte du caoutchouc et de l’ivoire entrainant assassinats, mutilations, incendies de villages, prises d’otages, etc. ce fut la période du caoutchouc rouge. La première collaboration Etat-Eglises dans le domaine de l’enseignement se fit dans la création des colonies scolaires (décrets de 1890 et 1892). Alors que les missions catholiques acceptèrent cette collaboration en organisant effectivement des colonies d’enfants indigènes ou colonies scolaires, où étaient recueillis des enfants orphelins ou abandonnés, les missions protestantes se réservèrent de recueillir des enfants, estimant que les enfants dits « orphelins » restaient après tout enfants de clans et que, par conséquent, ceux-ci s’occupaient d’eux. Sous l’EIC, une crise éclata dans les rapports Etat-Missions catholiques à la suite de la publication, en 1905, du rapport de la commission d’enquête instituée en 1904 par Léopold II, aux fins de « vérifier les allégations selon lesquelles des actes de mauvais traitements auraient été commis à l’égard des indigènes, soit par des agents de l’Etat, soit par des particuliers ».
Dans ce rapport, il était reproché aux missions catholiques
de mal traiter les enfants recueillis dans leurs colonies scolaires d’une part, et d’autre part, d’exploiter abusivement les adultes obligés de vivre dans leurs fermes-chapelles. Les missions catholiques élevèrent de très vives protestations contre ce rapport, menaçant même de quitter le Congo. Aux premières années de l’EIC, les missionnaires remplissaient aussi les fonctions d’officiers d’état civil. B. Sous le Congo belge (1908 – 1960) La charte coloniale (1908) (art. 5 et 15) reprenait encore les dispositions de l’article 6 de l’Acte général de la Conférence de Berlin, pourtant déjà foulées aux pieds par la convention de 1906, laquelle constituait dorénavant un droit nouveau dans les rapports Etat-Missions religieuses. Dans le domaine de l’enseignement, la convention scolaire de 1925 fut à l’origine de la subsidiation de toutes les écoles des missions catholiques remplissant les conditions de programmes et d’inspection. Il a fallu attendre 1946 pour voir promettre cet avantage aux écoles des missions protestantes, dont un petit nombre en virent l’effectivité à partir de 1948. Signalons cependant que, bien qu’exclues des subsides scolaires, les missions protestantes recevaient des subsides pour leurs hôpitaux, qui étaient d’ailleurs parmi les meilleurs de la Colonie. Entretemps, les rapports Etat- Missions protestantes étaient devenus tendus à la suite de l’apparition, en 1921 dans l’ouest du pays, du mouvement kimbanguiste, dont le pouvoir colonial attribuait la paternité à ces missions.
Toutefois, le kimbanguisme devenu église sera autorisé
en 1959, alors que des dizaines de milliers de ses adeptes avaient été relégués loin de leurs milieux d’origine. La deuxième crise dans les rapports Etat-Missions catholiques vit le jour en 1954 à la suite de la création, par le libéral Auguste Buisseret, ministre des Colonies, des premières écoles officielles laïques pour enfants congolais. Persistante, cette crise fut à la base de la Déclaration de l’Episcopat catholique en 1956, par laquelle l’Eglise catholique du Congo dénonça la convention de 1906 et décida de faire cavalier seule d’une part, et de favoriser l’émancipation culturelle des Congolais d’autre part. Le ton était ainsi donné pour le processus qui aboutira à l’indépendance en 1960.
En cette même année 1954 s’était ouverte l’Université
catholique Lovanium de Léopoldville, ouverture à laquelle s’opposaient les libéraux belges. En 1956, ces mêmes libéraux, avec Buisseret en tête, ouvraient l’Université d’Etat à Elisabethville, la future Université officielle du Congo. Les protestants conglais créeront la leur à Stanleyville (Kisangani) en 1963, donc après l’indépendance. C. Sous le Congo devenu indépendant depuis 1960
Sans citer expressément la laïcité de l’Etat, la Loi
fondamentale du 17 juin 1960 relative aux libertés publiques (art. 12 et 18), la Constitution du 1er août 1964 dite « Constitution de Luluabourg » (art. 24) et la Constitution du 24 juin 1967 énonçaient les principes de liberté de religions et de cultes ainsi que la séparation Eglise – Etat. La demande explicite d’inscrire, à l’article premier de la constitution, la laïcité de l’Etat, fut formulée en 1963, par les protestants congolais réunis en conseil à Stanleyville. C’était notamment pour s’opposer à la décision annoncée en 1962, par le Saint-Siège, de nommer un nonce apostolique à Léopoldville, avec juridiction également sur le Royaume du Burundi qui venait d’accéder à l’indépendance en cette même année 1962. Malgré cette opposition des protestants congolais, le Président Kasa-Vubu reçut quand même, le 28 mars 1963, les lettres accréditant Mgr Vito Roberti en qualité de nonce apostolique (ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Saint Siège) dans la jeune République du Congo. La laïcité de l’Etat sera formellement inscrite au premier article de la constitution, lors de la révision, le 15 août 1974, de la constitution du 24 juin 1967. : « La République du Zaïre est un Etat unitaire, démocratique, social et laïque ». Dorénavant, elle sera reprise dans toutes les constitutions qui sont venues après. Dès 1970, l’Etat s’impliqua dans le processus de consolidation de l’unité de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) d’une part, et de l’Eglise kimbanguiste d’autre part. Cette consolidation, que le Président Mobutu voulait pour faire de ces églises ses « alliées » dans la lutte qu’il allait déclencher contre l’Eglise catholique, sera réalisée par la loi du 31 décembre 1971 réglementant l’exercice des cultes en République du Zaïre. Dorénavant, n’avaient droit à l’existence dans le pays que l’Eglise catholique, l’Eglise du Christ au Zaïre (ECZ) et l’Eglise kimbanguiste. Dans le courant de cette même année 1971 avait commencé la nationalisation des universités et instituts d’enseignement supérieur confessionnels. Ainsi fut créée l’Université nationale du Congo qui deviendra Université nationale du Zaïre (UNAZA), avec le changement du nom du pays qui passait de la République démocratique du Congo à la République du Zaïre (octobre 1971). C’était le début officiel du mouvement du recours à l’authenticité. En 1972 éclata la troisième crise dans les rapports Etat-Eglise catholique dite conflit Mobutu-Malula, dont quelques retombées seront l’interdiction du port de prénoms chrétiens, la suppression du calendrier des jours fériés légaux des fêtes catholiques d’obligation, l’imposition d’installer les comités MPR et JMPR dans les séminaires et autres maisons de formation religieuse, l’interdiction des réunions de la Conférence épiscopale catholique à tous les niveaux. Le Président Mobutu accusait le Cardinal Malula d’avoir été à la base du mouvement qui s’opposait à cette politique du recours à l’authenticité. De son côté, le Cardinal défendait plutôt la justice distributive, dans un pays où l’écart entre les riches et les pauvres ne faisait que s’accentuer. Vilipendé et menacé d’arrestation, le Cardinal dut se réfugier à Rome (février – juin 1972).
De leur côté, retournant l’ascenseur à Mobutu, les Eglises
protestante et kimbanguiste se rangèrent derrière la politique du recours à l’authenticité. La nationalisation de l’enseignement confessionnel, qui avait commencé avec les universités et les instituts supérieurs en1971, s’étendit à l’enseignement primaire et secondaire. Le cours de religion y fut interdit et remplacé par celui d’éducation civique et politique.
Incapable de bien gérer ces écoles primaires et
secondaires confessionnelles nationalisées, l’Etat, qui continuait à se proclamer propriétaire de ces écoles, en confia la gestion, à la suite d’une convention, aux confessions religieuses, leurs anciens propriétaires. Elles devenaient ainsi des écoles conventionnées (catholiques, protestantes ou kimbanguistes…). L’UNAZA finit par être supprimée en 1981. Mais les universités et les instituts supérieurs confessionnels nationalisés en 1971, tout comme les écoles primaires et secondaires en 1972, ne furent pas restitués à leurs anciens propriétaires. Le contentieux en cette matière continue d’exister entre l’Etat et les confessions religieuses concernées.
A deux repris : 1980 et 1985, le pays connut la visite du
Pape Jean-Paul II accueilli aussi en chef d’Etat : la première pour célébrer, avec les catholiques zaïrois, le premier centenaire de la deuxième évangélisation (1880 – 1980), la deuxième visite pour béatifier la religieuse congolaise : Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta, martyrisée par les simba en 1964 à Isiro. En 1991 -1992, les Eglises prirent une part active dans les travaux de la Conférence nationale souveraine (CNS), forum dont la présidence était assurée par un prélat catholique : Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kisangani, qui devint d’ailleurs, de 1993 à 1997, président du Haut Conseil de la République – Parlement de transition (HCR-PT). En 1997 intervint un changement dans le pays : la prise de pouvoir par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). De 1998 à 2001, le pays connut plusieurs mouvements insurrectionnels menaçant gravement l’unité nationale et l’intégrité du territoire. Les Eglises prirent une part active dans la recherche de la paix et de la sauvegarde de l’unité du pays. C’est ainsi qu’elles participèrent au Dialogue inter- Congolais de Sun-City en République sud-africaine (2002- 2003), lequel dialogue déboucha sur l’Accord global et inclusif signé à Prétoria en décembre 2002. Entretemps, en janvier 1999 avait été abrogée la loi du 31 décembre 1971 réglementant l’exercice des cultes et, en juillet 2001 avait été promulguée la loi sur les associations sans but lucratif, en conformité de laquelle fonctionnent aujourd’hui comme ASBL, les cultes dans le pays. En 2016, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) organisa des pourparlers au Centre interdiocésain de Kinshasa, lesquels pourparlers débouchèrent sur la signature de l’Accord politique global et inclusif du 31 décembre 2016. Cet accord permettra le changement en douceur au sommet de l’Etat en janvier 2019.
En 2006 avait expiré la convention conclue entre l’Etat et
le Saint-Siège en 1906. Le 20 mai 2016 fut signé l’Accord- cadre entre le Saint-Siège et la République démocratique du Congo, accord qui sera ratifié par Son Excellence le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à la Cité de Vatican le 17 janvier 2020. En cette année 2020, les confessions religieuses sont appelées à relever un défi : le choix par consensus du candidat président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Conclusion
Pour l’intérêt de la République démocratique du
Congo et de son peuple, et dans le respect mutuel de leur autonomie, l’Etat et l’Eglise doivent tenir pour sacré le principe de la collaboration nécessaire. Ils ne peuvent s’ignorer sans dommages réciproques.
Pourquoi Prier - À Quoi Cela Sert-Il Si Dieu Connaît L'avenir Et Est Déjà Au Contrôle de Toute Chose - Pourquoi Prier Si Nous Ne Pouvons Convaincre Dieu de Changer D'avis