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ESQUISSE DU SYNDICALISME AU ZAÏRE: D'HIER À AUJOURD'HUI

Author(s): Mbili Kwa Mbili


Source: Africa: Rivista trimestrale di studi e documentazione dell'Istituto italiano per l'Africa e
l'Oriente, Anno 41, No. 2 (GIUGNO 1986), pp. 271-280
Published by: Istituto Italiano per l'Africa e l'Oriente (IsIAO)
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40759962
Accessed: 10-02-2016 09:08 UTC

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ΝΟΤΕ Ε TESTIMONIANZE

ESQUISSE DU SYNDICALISME AU ZAÏRE:


D'HIER À AUJOURD'HUI

Pour saisir le sens des événementsactuels et tenterde discernerl'ave-


nir, suffitde porterses regardsvers le passé et de remonterpatiemment
il
le cours de l'histoire.Toute situationest le fruitd'une lente évolutionet
porte en soi les germesdu futur.

Apparition du Syndicalisme au Zaïre

L'apparitiondu phénomènesyndicalau Zaïre remonteà l'époque colo-


niale, c'est-à-direau momentoù le pays s'appelait encore Congo Belge.
En effet,au Zaïre l'histoiredu syndicalismedans sa formemodernene
commencequ'après la premièreguerremondiale.La naissancedes premières
organisationssyndicalescoïncide avec la fin de la premièreguerremondiale
et les dévaluationssuccessivesde la monnaieenregistrées entre1919 et 1920.
Toutefois, le libre exercicedu droit d'associationsne se trouvaitpas inscrit
dans la Chartecoloniale du Congo Belge. Les premierssyndicatsà voir le
jour au Congo Belge étaient des associationsqui regroupaientuniquement
les européenstravaillantdans la colonie. C'est le cas de l'AFAC (Association
des Fonctionnaires et Agentsde la Colonie), qui vit le jour en 1920. Cette
association,de par son originesociale, n'étaientpas un véritablesyndicat,
elle ne s'adressaitpas à la classe ouvrière.Elle devait d'ailleurs s'opposer
à la créationd'autres syndicats(*). Les européensétaient seuls autorisés à
s'associerpour la sauvegardeet le développementde leurs intérêtsprofes-
sionnels.Les ouvriersblancs luttaientpour la participationaux bénéfices
et contrel'accès des noirs à des emplois spécialisés.
Le syndicalismeest donc au Zaïre une valeur d'importationdans ce
sens qu'il y a été introduitexclusivementpar les blancs et pour les blancs
travaillantdans la colonie vers les années 1920. Il le resteraainsi jusqu'en
1946, date de la reconnaissanceaux autochtonesdu droit d'association.
En plus de l'Associationdes Fonctionnaireset Agents de la Colonie
(AFAC) existaientbien entendu plusieurs autres organisationssyndicales
européennesau Congo Belge. Il y avait notammentl'Union Générale des
Ouvriersdu Congo (UGOC); l'Associationdes Agents de l'Union Minière
et de ses Filiales (AGUF); l'Union Générale des AssociationsProfession-
nelles du Congo (UGEAPROFCO) et la ConfédérationGénérale des Syn-

congolais,«Etudes congolaises»,(1964),
(1) B. Kalonji, Bilan du syndicalisme
p. 48.

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dicats du Congo (CGSC) créée le 29 juin 1944. Cette dernièreconstitueun


aboutissementconcretde l'unificationsyndicalede toutes les associations
existantesà l'époque. Cette confédérationest un véritablemouvementsyn-
dical qui respectel'autonomie des associationsmembreset constitueune
étape déterminantepour l'évolutionfuturedu syndicalismeau Zaïre. C'est
à cette époque que s'annonce la tentatived'associer à ce mouvementdes
groupements de défensed'intérêtsdes travailleursnoirs qui ne sont toujours
pas reconnuspar l'autoritécoloniale et de ce fait étaientdans la clandesti-
nité. Ce syndicatsera par la suite combattuà cause de ses orientationspro-
communisteset donneralieu à plusieursscissions.
Pour les autochtones,c'est en 1946 que le régimecolonial a promulgué
une législationinstituantun systèmed'organisationprofessionnelle indigène.
Cette décision des autoritéscoloniales est venue répondreà l'éveil syndical
et à la consciencerevendicative qui animaientdéjà les congolais.« La guerre
de 1940-45 fut décisive pour la créationdes syndicatsouvriersau Congo;
l'effortde guerreexigé des ouvrierscongolais sans compensationsalariale
et sans intérêtspour eux, cette guerrene les concernaitpas directement, fit
éclore les premiersmouvementsrevendicatifsquelque peu organisés.Des
grèves qualifiéesde sauvages éclatèrentun peu partout; il y fut répondu
par la force. Parallèlement,l'effortde guerre suscita une industrialisation
rapide» (2). D'où la créationde l'Associationdu Personnel Indigène de la
Colonie (APIC) par les fonctionnaires indigènessous l'initiativedes auto-
rités coloniales. L'APIC sera un syndicatréellementautochtone.
Avant la créationde l'APIC il y avait, nous l'avons déjà dit, la Con-
fédérationGénérale des Syndicatsdu Congo affiliéeen 1947 à la FGTB
métropolitaine. Ce syndicats'adressa d'abord aux cadres congolaiset devint
finalement un syndicatdes masses. Les syndicatschrétiensde Belgique ne
voulurentpas être en reste: ils créèrent,en réactioncontrela FGTB et en
particulierla CGS jugée par eux « pro-communiste » (3), la CSCC (la Con-
fédérationdes SyndicatsChretiensau Congo) qui deviendraofficiellement la
Confédération des SyndicatsChretiensdu Congo. Tous ces syndicatsétaient
des syndicatssatellitesdirigésà partirde la métropole,c'est-à-direcréés et
entretenus par des syndicatsmétropolitains et auxquels les noirsde la colonie
étaientpurementet simplementassociés. Ces syndicatsétaient au fond des
syndicatseuropéens.L'APIC était donc le premiervéritablesyndicatpure-
ment africain.
Malgré l'ordonnancedu 17 mars 1946 considéréecomme le premier
jalon de la voie de la reconnaissanceofficiellede la liberté syndicaleaux
« indigènes» (4), la créationd'un syndicatpour les natifsétait soumise aux

(2) Kalonji, Op. cit.y p. 48.


(3) Ibidem.
(4) J. Meynaud et A. Salah-Bey, Le Syndicalisme africain: évolution et perspecti-
ves, Paris, Payot, 1963, p. 31.

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conditionssuivantes:interdiction des syndicatsmixtespour blancs et noirs;


au moins 150 membresau départ; communication de la liste des membres
à l'administrationtous les six mois; tutellede l'administration pouvant op-
poser son veto à n'importequelle décision. En dépit de ces restrictions,
certainesassociationsindigènesprirentnaissance.
En résuméau Congo, avant son indépendancele 30 juin I960, les syn-
dicats suivantsont existé:
1. L'AFAC (Associationdes Fonctionnaireset Agents de la Colonie),
fondée en 1920;
2. La CGS (ConfédérationGénérale des Syndicats),créée en 1944;
3. Les STICS (Syndicatsdes TravailleursIndigènes Congolais Spécia-
lisés) fondés en 1945;
4. La CSCC (Confédération des SyndicatsChrétiensdu Congo), fondée
en 1946, devientl'UTC (Union des TravailleursCongolais) le 6 avril 1960;
5. L'APIC (Associationdu Personnel Indigènes de la Colonie) créée
en 1946; elle est considéréecomme le premiersyndicatauthentiquement
africain;
6. La FGTB (FédérationGénérale des Travailleursde Belgique), 1951;
7. La CGSLB (ConfédérationGénérale des SyndicatsLibéraux de Bel-
gique).
Faisons remarquer,comme pour clore ce rappel historique,que l'abo-
lition de la discrimination en matièred'associationsprofessionnelles est in-
tervenueà la suite de la promulgationdu Décret du 25 janvier 1957 (5).
Il règle le droit de tous les habitantsdu Congo Belge, blancs et noirs; il
permetenfinla constitution des syndicatsmixtesainsi que la formationdes
et légale, le mou-
fédérations.C'est à cette date qu'est né, de façoneffective
vementsyndicalcongolais.

Situation syndicale pendant la première république (1960-65)


Le pluralismesyndicalde la périodecoloniales'est prolongéjusque pen-
dant les premièresannées de l'indépendance.En effetdurant le premier
de 1960 à 1965, troisgrandssyndicatsse partageaientles
régimec'est-à-dire
masses paysanneset urbainesau Congo Kinshasa(6).

L'Union des travailleursCongolais (UTC)


L'UTC est issu de la Confédérationdes SyndicatsChrétiensau Congo.
Cette dernièreétait la branchecongolaisede la Confédérationdes Syndicats
Chrétiensde Belgique créée en 1946. Bien vite la CSCC adopta une poli-

(5) T. Meynaud et A. Salah-Bey, Op. cit.,p. 31.


(6) Lire égalementà ce sujet: A. Matumona,Enseignement, presse et syndicats,
du Socialisme
« Voies africaines Louvain,Bibliothèquede l'étoile,
», Journéesafricaines,
Léopoldville,1963.

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tique autonomevis-à-visde la métropoleet devint l'UTC en avril 1960.


Ce syndicatavait procédé relativement vite à l'africanisation
de ses cadres.
Elle était dirigéepar A. Boboliko,diplômé de l'école sociale.
L'UTC était, semble-t-il,
le syndicatcongolaisle plus importantde par
son organisation,sa discipline,ses effectifs
et ses implantationsà l'intérieur
du pays. Les effectifsse chiffraientofficiellement,au mois de février1964,
à 65.369 cotisantset 200.000 sympatisants.Ses cadres étaient les mieux
forméset les plus sérieux(7). L'UTC était affiliéeà la CSC, à la Confédé-
rationAfricaineet à l'UPTC (Union Panafricainedes TravailleursCroyants).

La FédérationGénérale des TravailleursKongolais (FGTK)


La FGTK est issue de la FGTB. A l'originecette dernières'opposait
à l'unificationdes travailleurscongolais et occidentauxsous prétexteque
les noirs n'étaientpas encore mûrs pour le syndicalisme.Mais l'évolution
rapide de la situationpolitique ainsi que l'exemple de la CSCC, qui avait
suivi une voie différente,
déterminala FGTB à se congoliser.En 1959, elle
comptaittrois secrétairesafricains:CyrilleAdoula, Raphaël Bintou et An-
toine Kiwewa. En avril 1960, deux mois avant l'indépendance,l'évolution
vers un syndicatpurementcongolaisaboutit à la substitutionde la FGTK
à la FGTB.
La FGTK était,de par le nombrede ses affiliéset par son importance,
le deuxièmesyndicatcongolais.Mais sa forceet sa cohésionétaientaffaiblies
par sa structureinternebicéphale. Il existaiten effetau sein de la FGTK
deux branchespratiquement indépendantes:la FGTK-Kivu,Katangaet Kasai,
d'une part, et la FGTK-Léo, Stanleyvilleet Coquilhatville,d'autre part.
Les effectifsde ce syndicatsétaient officiellement,au mois de février
1964, de 70.000 membres, sans distinctionentre cotisantset sympathisants.
La FGTK était surtoutpuissantedans les centresurbains.Elle était affiliée
à la CISL et à la ConfédérationSyndicaleAfricaine(8).

La Confédérationdes SyndicatsLibres du Congo (CSLC)


Ce syndicat,créé en avril 1961, était le résultatde l'échec de l'effort
visantà établir,en partantdes syndicatsexistantset notammentde la FGTK
et de l'UTC, un syndicatunique ou une confédérationde syndicats.L'ini-
tiativede la réalisationde cetteconfédérationvenaitde l'extérieur.Les deux
grandssyndicatscités ci-hauts'étantrefuséà cette formule,la confédération
fut créée et elle groupaune quinzainede petits syndicatsdont les plus im-
portantsétaient:
a) Le SyndicatNational des TravailleursCongolais (SNTC) créé par
Patrice Emery Lumumba; ce syndicatétait dirigé par Alphonse Kithima,

(7) B. Kalonji, Op. cit.,p. 50.


(8) B. Kalonji, Op. cit.,p. 50.

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secrétairegénéral,qui se separa de Lumumbapour être la chevilleouvrière


de la confédération;
b) L'APIC, l'ancienneAssociationdu Personnel Indigène de la Colo-
nie, devenue Alliance des PatriotesIndépendantsdu Congo, qui défendait
elle était dirigéepar M. Booka, présidentet
les intérêtsdes fonctionnaires;
M. Kashama, secrétairegénéral;
c) Le Syneco,SyndicatNational des Enseignantsdu Congo, dirigé par
M. Mavungu.
La CSLC était fortement soutenuepar les syndicatsaméricainset était
affiliéeà la CISL et à la ConfédérationAfricaine.Elle comportait100.000
membres.C'était le syndicatcongolaisle moins ancré dans la classe ouvrière
proprementdite.
A côté des trois syndicatsprécités,étroitement liée aux syndicatsocci-
dentaux,nous pouvonsmentionner l'existencede deux autressyndicatsd'im-
portancemoindre.Il s'agit de la Force SyndicaleAfricaineet de la Confé-
dérationgénéraledes travailleursCongolais;
d) La Force SyndicaleAfricaine- créée en 1960 par l'ABAKO -
avait son champ d'action dans le Bas-Congo; son principalleader était Ga-
briel Watula;
e) La Confédération Généraledes Travailleursdu Congo (CGTC), créée
le 17 novembre 1961, affiliéeà la Fédération Syndicale Mondiale et à
l'Union SyndicalePanafricaine,tranchaitsur les autrespar sa ligne de con-
duite,son organisationet ses méthodes;elle était le seul syndicatcongolais
qui avait inscrità son programme« la réalisationde l'unité ouvrièrecon-
golaise» et qui affirmait:« L'unité n'est pas une manoeuvre,mêmepas une
tactique occasionnelle,c'est une nécessitéimpérieuse».
Le syndicalismecongolais au cours de la premièrelégislaturen'était
pas directement lié aux partis politiques. Il dépendaitlargementde l'exté-
rieurqui lui proposaitses idéologies et ses modèles. Il se caractérisaitpar
des divergencesde vue, par des prises de position tant sociales que politi-
ques et par un manque d'unité qui lui faisaitperdresa force.Déjà à cette
époque, l'unité syndicaleétait une nécessité.Kalonji le soulignebien quand
il écrit: « L'unité syndicaleest, commel'unité politique,l'objectifqui s'im-
pose plus encore en Afriquequ'en Europe vu les circostancesparticulières.
L'unité syndicalesera une forcepuissantepour faire abourtirles revendica-
tions des masses laborieuses.Divisé, le mouvementsyndicalne pourra ré-
sisterà la tentationde la surenchèreet de la démagogie; dispersé,il ne
pourra échapperaux emprisesextérieuresqui risqueraientde le détourner
de son objectiffondamental » (9).

(9) B. Kalonji, Op. cit.,p. 52.

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On le voit, l'époque coloniale et la premièrerépublique admettaient


le pluralismesyndical.Déjà pendant le premierrégime,certains syndica-
listes se posaient la question du bien-fondéde ce systèmedans un Congo
qui, à l'époque, étaienten proie à d'énormesdifficultésde tous ordres.Le
régimedu 24 novembre1965 viendraconcrétiserce voeu grâce à une poli-
tique d'unificationet d'intégrationdu syndicalismedans l'Etat.

Présentation et analyse du syndicalisme actuel au Zaïre

En effet,en 1960, « lors de son accession à l'indépendance,l'ancien


Congo Belge,devenuZaïre depuis 1971, futconfrontéà d'importantstroubles
politiqueset sociaux- mutineriede l'armée,départmassifdes cadres expa-
triés,sécessions,rébellionset grèvesdiverses- le tout se traduisanten une
désorganisationde l'appareil étatique et une désarticulationdu tissu in-
dustriellégué par l'anciennepuissance coloniale» (10). Cette situationgéné-
rale d'insécuritéet de désordreétait entretenuepar l'existencede plusieurs
divisionstant sur le plan politique que sur le plan professionnel.
A la prise du pouvoir le 24 novembre1965, le second régime a eu
comme objectifprincipalcelui de réaliserl'unité nationale,de rétablirl'in-
tégritéterritorialeet de reinstaurer la paix. Ces trois préoccupationsseront
les maîtres-mots des dirigeantsdu nouveau régime.On s'efforceraalors de
pacifierl'atmosphèresociale et de dissiperla tensionpolitique qui s'était
accrue entre 1960 et 1964 suite principalement à l'existencede nombreux
partispolitiqueset à la lutte que se livraientles politicienspour la conquête
du pouvoir.Cet efforts'est concrétisésur le plan politiquepar l'abolitionde
tous les partispolitiquesexistants(rejet du multipartisme) et par la création
d'un seul parti politique le 20 mai 1967. Sur le plan professionnelil y a
l'institutionla même année d'une organisationsyndicalenationale unique.
Cette politique est justifiéepar le fait que la paix sociale, nécessaireà la
prospéritéde la patrie et à son développementéconomique et sociale, et
l'organisationprofessionnelle,assisse indispensablede cettepaix, ne peuvent
être réalisées que par l'applicationdes principesd'unité, de collaboration,
de justice et d'ordre.
C'est dans ce contextesocio-historique qu'à été créée l'UNTZa (Union
Nationale des Travailleursdu Zaïre). Elle résultede la fusion de plusieurs
organisationssyndicalesqui, avant 1967, se partageaientle mondedu travail.
Cette fusion s'est réalisée à l'issue d'un congrès réunissant400 délégués
venus des quatre coins de la républiqueet qui a donné naissance,le 23 juin

(10) Mulumba Lukoji, Investissementset développement économiqueau Zaire:


«Zaïre-Afrique»,N° 178 (octobre1983), p. 471.
quelques réflexions,

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1967, à l'Union Nationale des Travailleursdu Zaïre (n). Comme on peut


le constater,l'institutiond'une organisationsyndicaleunique et par consé-
quent la suppressiondu pluralismesyndicalsont manifestement dues aux
circonstancesde l'heure, car l'effortde redressementéconomique et social
exige une sévèredisciplinenationaleet une meilleuremobilisationde toutes
les forcesproductives.Celle-ci doit s'effectuer dans l'union, la cohésion et
l'ententede toutes les potentialitéshumaines du pays. L'UNTZa a pour
missionde collaborerà la constructionde l'Etat zaïrois,d'assurerles droits
des masses laborieuseset de défendreleurs intérêtssociaux, économiques
et culturels.Ses orientationslui ont été donnéespar la pratiqueet sa forme
a été modelée selon l'expériencesyndicaleinternationale car même dans les
pays occidentaux imprégnés d'une longue traditionsyndicale,le syndicalisme
a toujoursjoué comme un élémentd'ordre dans les périodes difficiles,par
exemple pendant les guerres.Le syndicalismed'aujourd'hui dans ces pays
ne chercheplus à combattrele capitalisme(de quelque formequ'il soit) mais,
de s'y ménagerune place en vue d'aboutir à l'émancipationintégralede la
sociétépar une série de transformations progressives, permanenteset profon-
des. Le syndicalisme ne vise plus à la révolutionviolente.A l'Ouest comme
à l'Est, la tendancegénéralepousse le syndicalismevers son insertionau
sein du système.Décidément,les phénomènessociaux sont mouvants et
changeants.Leurs changementsne s'opèrentpas seulementsur le plan de
la formemais aussi sur le fond: ils affectentleur nature profonde,leur
objectif,etc. Alors, au termede cet aménagement, il est difficilede dire s'il
s'agit d'une déviationou d'une transformation qualitative.Nous optons vo-
lontierspour l'hypothèsede transformation. Voici par ailleurs ce que le
Manifestede la N'sele mentionneau sujet du syndicatau Zaïre: « Le MPR
invitetous les travailleursdes secteursagricole,industrielet manuel à l'in-
tégrationsyndicaledans l'unité. Le syndicatdoit résolumentsortirde l'or-
nière où le maintenaitjusqu'à présent son rôle uniquementrevendicatif.
... Le syndicatne doit plus être uniquementune forcede contestation,mais
un organe de soutien de la politique gouvernementale. Il doit constituer
l'organe de communication entre les masses ouvrières et l'Etat. Il exprime
les désirs et les voeux des travailleurset en retourinformedes décisions
prises pour le mieux-êtreet l'améliorationdes niveaux de vie, en assure
aussi l'exécution. Ainsi le dialogue permanentde l'Etat et de la classe
ouvrièrese réalise. Evidemment,le syndicatnational doit être exclusive-
ment congolais et répudier toute interventionétrangère,idéologique ou
financière ».
Toute la naturede l'UNTZa est à comprendredans cette ligne de con-
duite; toute sa politique et tous ses objectifssont à circonscriredans cette

LVNTZa et la politique des conventionscollectives,


(11) Manwana-Mungongo,
« Zaïre-Afrique», N° 105 (Mai 1976, 16e année), p. 263.

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logique. Ainsi l'UNTZa est fondamentalement un syndicatd'Etat tout à fait


particulier. Il se situe quelque part entre le syndicalismecommunisteet le
syndicalisme réformiste ou libéral. Avec le syndicalismecommunisteil a en
communl'intégration et la subordinationà l'Etat. Par ailleurs,il s'apparente
au syndicalisme réformiste par son souci de concluredes conventionscollec-
tives et de promouvoirla collaborationet la coopération.Avec l'UNTZa le
syndicatau Zaïre a cessé d'être un mouvementpour devenird'abord une
institution,ensuite un organe d'administrationen liaison avec le pouvoir
établi. Il y a donc intégrationdu syndicatdans l'Etat. Le danger de cette
politisationou étatisationest, d'après la plupart des auteurs,la perte de
l'emprise du syndicatsur les masses travailleuses.Pour notre part, nous
croyonsque l'intégration du syndicatdans l'Etat n'épuise pas totalementson
rôle économiqueet social. Le gouvernement et le syndicatdevraient- en
Afriqueen particulieret dans tous les pays en voie de développementen
général- faire cause communeet établir entre eux des rapportsnon pas
de subordinationou d'indépendance,mais des rapportsd'interdépendance,
de collaborationet de coopération.Par ailleurs,l'efficacité d'un systèmesyn-
dical est à apprécierpar rapport à ses objectifs, à ses moyenset à sa capa-
cité de réaliserun certain mieux-êtrepour l'ensemble de la société où il
s'est implanté.Nous examinonsci-aprèsle rôle principalde l'UNTZa au sein
de l'Etat.
L'UNTZa est un syndicatassocié au pouvoir. A ce titreson rôle fon-
damentalréel est d'aider les pouvoirspublicsdans leurs tâchesde reconstruc-
tion nationale. Par conséquentelle poursuitune politique d'harmoniedes
intérêtsdu patronat,du salariatet de l'Etat. Elle partageles préoccupations
des masses et les soucis des dirigeants.Pratiquement,elle chercheà discipli-
ner les réactionsspontanéesdes travailleurset à canaliserleurs mécontente-
mentset leurs objections.C'est un organede juxtapositionet non d'opposi-
tion, un organede communication, d'informationet de formationidéologi-
que de la main-d'oeuvre.Bref, l'UNTZa est un organe d'encadrementdes
masses. C'est une courroiede transmissionqui tournedans les deux sens.
Elle tourneà la fois de bas en haut et de haut en bas: de bas en haut pour
porterau pouvoir les désirs des travailleursindustrielset des paysans; de
haut en bas pour apporteraux masses les mots d'ordre ou les recommenda-
tions du Parti-Etat.L'UNTZa joue donc comme trait d'union entre les
sphèresdirigeanteset la base.
Comme on peut le voir, le rôle profondde l'UNTZa est à dégagersur
deux plans: sur le plan économico-politique et sur le plan purementprofes-
sionnel et dans le second cas il faut distinguerle secteur: l'influencede
l'UNTZa sur le plan professionnel varie selon qu'elle s'exercedans le secteur
privé ou dans le secteur public. Sur le plan économico-politique, l'UNTZa
a pour mission celle de mobiliserles forces productivespour l'édification
d'une nation économiquementet socialementdynamiqueet prospère. Elle
rechercheles conversationsavec les pouvoirspublics,les informedes réalités

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NOTE E TESTIMONIALE 279

ou aspirationsimmédiatesdes travailleurset fait des propositionsd'amélio-


rationà apporterà la législationou à la politique sociale de l'Etat. Sur le
plan professionnel l'UNTZa recherchela défenseet la sauvegardedes inté-
rêts des travailleursdu Zaïre pour l'améliorationde leurs conditionsde vie
et de travail.Elle recherchel'instaurationdes conditionspropicesà un ordre
social et économiqueéquitable basé sur la justice et le respectdu travail.
Elle a le monopole de la représentation ouvrièreet de la conclusion des
conventionscollectivesnationales,régionales,locales ou d'entreprise.En rap-
port avec l'UNTZa existentdes associationsprofessionnelles qui, sociologi-
quement parlant,peuvent être considéréescomme des syndicats.Mais on
leur reconnaîtun droit de présentationet non de représentation.Il s'agit
par exemple des organisationscomme la Fédération Nationale des Ensei-
gnantsdu Zaïre (FENEZA), de l'Ordre National des Médecins, de l'Ordre
National des Avocats,etc.
L'UNTZa dirige et favorisela tenue des négociationscollectiveset la
conclusiondes conventionscollectivesd'entreprise.Le systèmeinternational
de relationsprofessionnelles se joue aujourd'hui,semble-t-il,au niveau de
l'entreprise.Ceci est vrai dans le secteurprivé au Zaïre où l'UNTZa mène
des négociationssans contrainteset obtientdes résultatsconcrets.Par contre
dans le secteurpublic, il lui est difficilede jouer pleinementle rôle profes-
sionnelet traditionneldévolu à un syndicatcar elle se heurte,ou risquerait
de se heurter,à l'Etat qui, dans ce secteurprécis,est le principalemployeur.
L'activité syndicaleau Zaïre chercheà améliorerla législationsociale
ou la politiquesalarialeà traversles pouvoirspublics et surtoutà transfor-
mer la conditionouvrièredans l'usine d'abord par une intervention directe
sur le patronatet, en dehorsde l'usine, par une améliorationdes conditions
de vie des travailleurs.Les dirigeantssyndicalistes,généralementnommés
ou confirmés par les autoritésgouvernementales, sont imprégnésde l'esprit
de collaboration.La fréquentation des pouvoirspublics et des patronsleur
a donné le sens des responsabilitéset par conséquentils multiplientles ap-
pels à la modération.Quant aux délégués syndicaux,les travailleursdans
les entreprisesou autres institutionsprivées ou publiques leur reprochent
de se laisser corromprepar la directionet de méconnaîtreles aspirations
ouvrièresles plus profondes.Le mauvais fonctionnement de la plupart des
délégationssyndicalesdans les entreprisesest dû à l'incapacitédes délégués
syndicauxde transmettre (ou de faire admettre)correctement ou intégrale-
ment les revendicationsdes travailleursaux responsablescompétentsdes
entreprises.Ce sont donc souventde mauvais militantsouvriers.C'est pour-
quoi la délégationsyndicalene doit pas être la voie unique par laquelle les
travailleursdoiventpasser pour transmettre leurs doléances. Il faudra qu'il
leur soit aussi accordée la possibilitéde voir les responsablessans passer
toujours par la délégation syndicaleou encore que les représentantsdes
travailleursse fassentquelquefoisaccompagnerde quelques travailleurs(pour

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280 NOTE E TESTIMONIALE

éviter,autantque possible,le filtragede certainesrevendications).Ces repré-


sentantsdoiventêtre l'objet d'une législationparticulière.
Au Zaïre le syndicalismejoue maintenantcomme une force d'ordre,
canalisantet disciplinantles mécontentements, les limitantà des objectifs
immédiatement réalisables,travaillantcontrela subversion.L'UNTZa refuse,
comme d'ailleurs la plupart des syndicatsdu monde actuellement,le saut
dans l'inconnu.Il y a une tendancegénéraledes syndicatsvers la généra-
de la politiquedes conventionscollectives.Au Zaïre les
lisation,semble-t-il,
méthodestraditionnelles et révolutionnaires comme le boycottage,la grève
générale,etc., tombentdans le discrédit.L'Etat accepteà la tête du syndicat
des dirigeantsdévoués à la cause du Parti-Etat.C'est-à-diredes dirigeants
offrantnon seulementtoutes garantiesde capacité, de moralitémais aussi
de solides convinctionspatriotiques.

Conclusion

L'héritagehistoriquedu Zaïre le pousse à adopteraujourd'huiune poli-


tique syndicaletout à fait différente de la conceptionsyndicaleoccidentale
et traditionnelle.Ceci est d'ailleurs vrai pour tous les pays africainsoù
l'expériencesyndicalea été vécue autrementqu'en Occident. Le peuple zaï-
rois a héritagenon pas d'une nation mais d'un Etat. Par conséquentson
souci majeur est de réaliserle nationalisme,le développementéconomique
et social. L'unité syndicale s'impose comme une nécessité. Toutefois, le
syndicalisme ne devraitpas être totalementdépendantde la politique. Tout
en étantassocie au pouvoir,ce dernierdevraitlui laisser une certainemarge
de libertérelativecommepar exemplela tenue effectivedes caisses de se-
cours,la libertéd'expression,etc. A ce titre,le syndicatserait non simple-
mentun organeà la solde du pouvoir,mais aussi et surtoutson conseiller
dans le domaine socio-professionnel.
Le contexte socio-historiquede chaque pays confère à son syndica-
lisme un caractèrespécifique.Le systèmezaïrois est un systèmefondé sur
l'unicitéet l'intégration.L'UNTZa est donc non seulementun syndicatde
revendication mais égalementet surtoutun syndicatde participationet d'in-
tégration.Elle inviteles travailleursà la production,à la disciplineet à la
sauvegardedes idéaux du Parti. Néanmoinselle ne devraitpas ignorerles
fonctionstraditionnelles dévolues à un syndicat,à savoir la défense et la
sauvegardedes intérêtsdes travailleurs.Pour jouer pleinementson rôle,
politique et social, l'UNTZa doit être conçu non seulementcomme un ap-
pendicedu pouvoir,mais aussi commeun organed'oppositiondans le régi-
me. L'oppositionqui se faitdans le régimene vise qu'à améliorerle système
grâce à une critiqueobjective.
Mbili Kwa Mbili

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