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BREF HISTORIQUE DU MOUVEMENT SYNDICAL HAITIEN.

Les réflexions sur la vie sociale en Haïti d'une part, sur le


concept de travail d'autre part, nous conduisent à des
constats selon lesquels les gens de même profession,
confrontant les mêmes problèmes ont compris la
nécessité de s'orgnaniser en vue de se constituer en
groupe de pression pour défendre leurs intérêts. Fort
souvent, ces organisa-tions qui fonctionnent, portent
souvent le nom de syndicats. Pendant que dans de
nombreux pays le mouvement ouvrier notamment le
syndicalisme plus que tout autre, est chargé de mémoire
et fait l'objet d'une attention particulière; en Haïti c'est le
contraire qui se produit. Dans une histoire qui nous
enserre et nous conditionne nous ne pouvons penser le
contraire. Car les structures actuelles du mouvement
syndical haïtien sont le produit d'une maturation des
institutions d'hier qui puisent leur force dans un passé
lointain.

Les perspectives d'évolution du mouvement syndical


haïtien vont donc se faire dans les différentes périodes à
partir des actes des divers gouvernements qui se sont
succédés. Il conviendra dans ce chapitre de retracer
l'histoire du mouvement. Nous allons distinguer : les
étapes marquantes de l'évolution du mouvement
syndical haïtien et les difficultés internes et externes de
ce mouvement.

Section 1 : Les étapes marquantes de l'évolution du


mouvement syndical.-
L'année 1946 est considérée comme une référence dans
l'histoire du mouvement ouvrier en Haïti. En tant que
telle, toute étude sur le mouvement syndical doit être
positionnée par rapport à elle. Pour mieux comprendre le
mouvement syndical haïtien nous porterons un regard
retrospectif sur la période d'avant, pendant et après
1946.

Les étapes marquantes de l'évolution du mouvement


syndical en Haïti portent l'empreinte des divers
gourvenements qui se sont succédés au pouvoir et
peuvent se résumer de la manière suivante:
Soulignons d'abord qu'avant 1946, on ne parlait pas
encore de mouvement syndical en Haïti mais ceci
n'exclut pas l'existence des syndicats dans le pays. Déjà
en 1870, sous le Gouvernement de Nissage Saget, il
existait dans le Nord d'Haïti une organisation dénomée
«Coeurs unis des Artisans» qui ne portait pas encore le
nom de syndicat. Cette organisation regroupe les
artisans, les petits fonctionnaires de l'État et quelques
intellectuels.

De 1870, en passant par l'occupation Américaine en Haïti


en 1915 et la formation du Parti Communiste Haïtien,
très favorable au mouvement ouvrier jusqu'à la chute du
président Elie Lescot à la faveur des mouvements du 7 au
11 janvier 1946. Les syndicats qu'on pourrait dénombrer
étaient au nombre de 11 et répondent au nom de :

§ syndicats ouvriers cordonniers d'Haïti(*)

§ l'union des syndicats du corps de santé,

§ l'association du corps de l'enseignement


§ le collège de avocats

§ l'association nationale des ouvriers et salariés haïtiens

§ l'association fraternelle des travailleurs haïtiens

§ sydicats des chauffeurs

§ l'union des ouvriers de la construction

§ la confédération nationaliste des ouvriers et des


paysans

§ l'union syndicale haïtienne.

Au cours de l'année 1946, considérée comme une


période marquée par la chute de Lescot et l'avènement
de Dumarsais Estimé au pouvoir, le mouvement syndical
allait être non seulement constitué mais encore prendre
sa vitesse de croisière. Si le président Lescot a été
sevèrement critiqué pour son esprit de sectarisme, de
discrimination sociale et enfin pour ses mesures anti-
démocratiques et anti-populaires qui affaiblissent le
mouvement syndical, le président Dumarsais Estimé
quant à lui, allait être considéré comme celui qui
renforcera le mouvement syndical. La liste des syndicats
de l'époque comprenait :

§ des syndicats des Électriciens, des mécaniciens, des


travailleurs de la Hasco et de l'industrie de Cuir qui
revendiquent les salaires et le respect de la dignité
humaine.

§ de la Fédération des Travailleurs Haïtiens (FTH) dirigée


par Edriss St Armand, Victor Vabre et Cameau qui
regroupe 17 Syndicats.

§ du Mouvement Ouvrier Paysan (MOP) de Daniel


Fignolé qui regroupe 11 Syndicats.
§ de l'Union Nationale des Ouvriers Haïtiens (UNOH)
dirigé par Nathanaël Michel, Milfort Josaphat qui
regroupe 6 Syndicats.

§ du Groupe des Syndicats Indépendants (GSI) de


Alexandre Anoual, Molière Compas qui regroupe les
syndicats des chômeurs, les employés de la Panam, des
employés du commerce et de la construction, les
syndicats des chauffeurs, de la coopérative de Transport.

Cependant, Après 1946, il se produit une grave


détérioration dans l'orientation démocratique initiée en
janvier 1946. Les syndicats qui existaient étaient :

§ l'Intersyndical qui se transforme plus tard en Union


Intersyndicale d'Haïti (UIH)

§ la Fédération Haïtienne des Syndicats Chrétiens (FHSC)

§ la Fédération Ouvrière Paysanne (FOP)


Mais il faut également souligner que le mouvement
syndical connaissait des temps difficiles. La tendance
anti-démocratique a triomphé; le mouvement se trouve
sous le contrôle du Gouvernement. Certains syndicats
comme la FTH, le MOP sont dissous par le
gouvernement. A la même époque, une loi anti-
communiste est promulguée. Cette triste situation
accompagnée de la politique anti-démocratique et anti-
populaire favorise le coup d'État du colonel Paul Eugène
Magloire le 6 Décembre 1950.

En 1957, Après les éléctions qui mettaient en face les


quatres (4) principaux candidats : Louis Déjoie, François
Duvalier, Daniel Fignolé et Clément Jumelle. Le 22
septembre de la même année les éléctions
présidentielles qui portèrent le Docteur François Duvalier
au pouvoir eurent lieu(1). Un mois après soit le 22
octobre 1957, dans l'enthousiasme général et l'allégresse
de nombreux partisans amis et adeptes de première
heure; il prêta le serment constitutionnel.

En 1963, dans le cadre de son projet de présidence à vie,


Duvalier croyait que c'était nécessaire et même urgent
de vaincre toute force capable de faire échouer son
projet. C'est dans ce contexte que le mouvement
syndical s'est vite heurté à sa politique repressive.

En effet, en Décembre 1963 la dissolution de l'UIH est


prononcée pour n'avoir pas apporté son appui au chef de
l'État, du même coup la FHSC est interdite de fonctionner
pour avoir manifesté sa solidarité à l'UIH(2). Ainsi
s'achevait la seconde poussée du syndicalisme.

_____________________

(1) Dorsainvil J.C : Histoire d'Haïti cours supérieur, Ed H.


Deschamps, 1934 PP 306-307

(2) Hector Michel : Syndicalisme et Socialisme en Haïti,


Op. Cit P 121.

Cette situation affectait considérablement le mouvement


syndical mais les ouvriers n'ont pas baissé l'échine. Car,
diverses formes d'expressions de mécontentement
ouvrier éclataient entre 1965 et 1968; des luttes
sporadiques extériorisaient la volonté des ouvriers dans
les usines : la SEDREN et Haïti Métal.

En avril 1971, le président François Duvalier meurt. Son


fils Jean-Claude Duvalier hérite du pouvoir. Cinq (5)
années après, soit en 1976, le mouvement syndical tente
de se réorganiser et déclenche une grève au ciment
d'Haïti. Depuis, la flamme de la mobilisation du
mouvement ouvrier a été rallumée, mouvement qui
durera quatre (4) années consécutives. Mais en 1980, le
mouvement commençait à être victime des actes
arbitraires du régime. La Centrale Autonome des
Travailleurs Haïtiens (CATH) est frappée d'interdiction de
fonctionner et le mouvement syndical tombe à nouveau
en léthargie. Cependant, le travail de mobilisation de
plusieurs organisations continue dans la clandestinité.

Vers la fin de l'année 1985 et au début de 1986 une


vague de manifestation contre la politique anti-populaire
et anti-démocratique de Jean-Claude Duvalier secoue
tout le pays. Elle l'ébranlait dans toute sa structure
sociale et politique. Les syndicats assoiffés de mener
ouvertement leurs activités accompagnent le peuple
haïtien dans ses démarches visant à divorcer d'avec la
dictature. Le 7 février 1986, le président Jean-Claude
Duvalier était obligé de laisser le pouvoir à un Conseil
National de Gouvernement (CNG).

Dès les premiers jours de cette victoire, les ouvriers se


révoltent contre les superviseurs et les patrons liés au
président renversé. Ils en ont profité de crier d'une seule
voix avec le peuple : «Haïti libéré.» Le 14 février, les
ouvriers de la HASCO entrent en grève pour hausser le
ton. Durant cette même période, plusieurs centrales
syndicales apparaissent sur le terrain : La CNEH, la FOS, la
CATH et la CATH / CLAT.

Mais n'est on pas en droit de dire qu'après 1986 ce


n'était que le Duvaliérisme sans Duvalier ? Car, avec les
gouvernements militaires continuent les pressions
enclen-chées par le régime des Duvalier contre le
mouvement syndical. Malgré tout, dans la longue
période de transition démocratique, les revendications
pour un changement et pour un mouvement syndical
pullulaient.
1991, à l'avènement du Président Jean Bertrand Aristide
au pouvoir le mouvement allait connaître des temps
forts; malheureusement ce grand rêve allait s'estomper
avec les coup d'État du 30 septembre 1991.Une fois de
plus des ombres noires planaient sur le mouvement
syndical haïtien. Et de plus c'était très difficiles pour les
syndicats de s'organiser et de se mobiliser pendant l'exil
du Président.

Au retour du président de l'exil, seuls les syndicats


d'enseignants ont pu créer une mobilisation effective à
caractère national en 1995. Jusqu'à l'avènement du
président René G.Préval le mouvement syndical n'a pas
connu un grand essor, seuls les syndicats du secteur
Éducatif, une fois encore, ont pu entrer en grève pour
faire respecter ses revendications. A cet effet, ils ont
signé un accord qui jusqu'à date n'est pas respecté et
depuis le mouvement syndical chancelle.

En 1998, plusieurs organisations syndicales, et centrales


ont donné, dans la recherche de l'unité, naissance à une
coordination dite Coordination Syndicale Haïtienne (CSH)
qui est le porte-parole des travailleurs et travailleuses
auprès de l'opinion nationale et internationale. La CSH a
présenté son agenda syndical en l'an 2000 Agenda qui a
notre avis charrie la plupart des revendications des
travailleurs et des travailleuses son programme définit
quatre axes d'action prioritaires : le renforcement des
institutions, la lutte contre la chèreté de la vie, la création
des conditions de travail appropriées et la mise en
oeuvre d'une politique de justice sociale.

La mission de la CSH est claire:

§ défendre les droits des travailleurs et travailleuses et


leur garantir de meilleur condition de vie et de travail

§ travailler à l'unification, au renforcement et au


rayonnement du mouvement syndical haïtien

§ contribuer à la lutte pour le respect des valeurs


démocratiques et le progrès socio-économiques du pays.
1-1 LES DÉBUTS DU MOUVEMENT.-

Dès la création du travail pour le compte d'un


employeur, on ne parlait pas encore de syndicalisme,
mais cela ne veut point dire que les travailleurs n'avaient
pas des intérêts particuliers à défendre. Les corporations
qui existaient à l'époque relèvent malgré tout d'une
autre logique que celle du syndicalisme. «on peut donc,
vers les années 1830, où apparaissent les sociétés de
résistance qui entendent s'opposer à un patronat tentant
de diminuer les salaires à la faveur du développement du
machinisme et de l'éxode rural situer l'apparition du
syndicalisme(1). Celui-ci est né en Europe. Chez-nous, il
n'est qu'une importation et qui se manifeste dans
presque toutes les branches d'activités. De petites et
moyennes entreprises installées, à l'époque, dans le pays
pouvaient embaucher entre 10 et 50 ouvriers. D'autres
de plus grandes envergures, allaient au delà, elles
pouvaient utiliser la main d'oeuvre allant de deux cents
(200) à trois cents (300) ouvriers dans les activités de
cabotage, de construction, de l'imprimerie... Il s'agissait
là d'une classe embryonnaire très faiblement organisée.
Devant les difficultés causées par les différentes
tentatives d'organisation de la classe ouvrière en
syndicat, il a fallu attendre 1946 pour que les ouvriers
puissent se regrouper librement en syndicat pour donner
un essor au syndicalisme et de l'éclosion réelle du
mouvement syndical en Haïti.

1-2 LE MOUVEMENT SYNDICAL À PARTIR DE 1946 : son


évolution.-

Comme nous l'avons souligné plus haut c'est à partir de


1946 que le mouvement syndical est né en Haïti et prend
sa vitesse de croisière. Il grandit et se développe; tantôt
dynamique, tantôt plongé dans la léthargie forcée, car, le
mouvement porte la marque des divers gouvernements
qui se sont succèdés au pouvoir. C'est ainsi qu'il a connu
des moments de conquêtes comme ceux de répressions.
Les lignes qui suivent vont relater les différentes phases
de son évolution.

1-2-1 LE MOUVEMENT DE 1946 - 1950.-

L'année 1946 commence avec la chute du président


Lescot le 11 janvier 1946 qui ne pouvait pas résister à
une grève d'étudiants qui a commencé le 7 janvier 1946
et l'arrivé au pouvoir de Dumarsais Estimé au cours de la
même année. Si le président Lescot a été reproché
parcequ'il croyait que la direction des affaires du pays
était strictement réservée à dix familles haïtiennes et
leurs alliés sans se soucier de l'éxistence d'un peuple qui
aspirait à un peu plus d'humanité, pour son insouciance à
cerner les graves problèmes qui se réposaient devant la
conscience nationale, pour le peu d'attention qu'il
accorde aux intellectuels noirs et en général les plus
compétents sont considérés comme des parias et enfin
pour ses mesures anti-démocratiques et anti-populaires
qui affaiblissent le mouvement syndical. Dumarsais
Estimé paraît être l'homme tant attendu capable de
prouver le contraire de ce que faisait Lescot.

_____________________

(1) Guy Caire : Les syndicats ouvriers Op. Cit P. 39

Au cours des mois séparant sa chute et l'éléction de


Dumarsais Estimé à la présidence, la classe ouvrière fait
son entrée en scène. Une trentaine d'organisations
syndicales font leur apparition dont onze (11) concernant
les salariés de très petites et moyennes entreprises dans
lesquelles parfois les travailleurs sont saisonniers et
bénéfi-cient d'aucune stabilité.

Ces trente (30) organisations étaient affiliées à des


courants syndicaux respective-ment :

§ à la FTH qui évoluait sous la l'influence du Parti


Communiste Haïtien (PCH) et du Parti Socialiste
Populaire (PSP) elle regroupe 17 Syndicats

§ à l'UNOH qui représentait une base du syndicalisme


Américain (AFL-CIO). Elle regroupe 6 Syndicats

§ au MOP qui évoluait sous l'orientation politique du


Fignolisme. Elle regroupait 11 Syndicats

§ au GSI qui, selon Jean Jacques Doubout et Ulrick Joly,


n'était que des valets du gouvernement dans le
mouvement syndical. Elle regroupait les syndicats des
chômeurs, les employés de la Panam, des employés du
commerce et de la construction, les syndicats des
chauffeurs de la coopérative du Transport. Tous ces
syndicats ne totalisent qu'un effectif de 20.000 ouvriers.

Cette période très mouvementée, paraît prometteuse


d'espoir puisque le mouvement syndical touchait
presque tous les secteurs et toutes les branches
d'activités. Bien de conquêtes ont été arrachées : La
reconnaissance du droit de réunion et de revendication;
du droit de constituer légalement des syndicats, la
limitation de la journée de Travail, la fixation du salaire
minimum, le paiement des congés et de certaines
prestations sociales, le paiement du préavis, de
licenciement, la conciliation obligatoire en cas de conflit,
la mise sur pied de l'Institut Social d'Assurances et enfin
la création d'un bureau du travail dans le cadre du
département du Travail.

Cependant, toutes ces conquêtes allaient être remises en


question. Devant la division la corruption, la trahison,
l'espionnage et la répression par exemple la loi anti-
communiste de 1947, le mouvement syndical
fraîchement constitué tombe en léthargie. Aussi, la
menace que constituait le mouvement syndical automne,
combatif et démocra-tique est ecartée. Cette situation
allait persister jusque vers les années 50; seul l'UNOH et
le GSI subsistent déjà sous le contrôle du gouvernement.
C'était bien une confusion. De cette dernière, le pays
allait enregistrer un coup d'État militaire ayant porté au
pouvoir le Colonel Paul E. Magloire; mettant fin au
régime d'Estimé qui représente un espoir pour le pays.

Comme le mouvement syndical porte l'empreinte des


gouvernements qui se sont succèdés au pouvoir. Ainsi, la
chute du Président Estimé sera dominée par la
présidence de Paul E. Magloire jusque vers les années 56
et même deux années après.

1-2-2 LE MOUVEMENT DE 1950 - 1958.-

Cette période commence avec le coup d'État de Magloire. Elle


bouleverse l'ordre des choses et change le jeu démocratique et
populaire de 1946. Jusqu'à la chute de Magloire en 1956 les
syndicats connus sont : la Fédération des Ouvriers Haïtiens
(FOH), l'Union Nationale des Ouvriers Haïtiens (UNOH) et la
Fédération des Syndicats du Nord (FSN), mais il n'y avait pas de
luttes syndicales actives. Quelques organisations de chauffeurs,
les travailleurs de la Hasco reprennent timidement leurs
activités. Se référant au mouvement de 1946 nous disons que
le mouvement, à cette époque était bel et bien en difficulté.

Elle s'explique par le fait que certaines revendications


formulées ont rarement fait l'objet d'une mobilisation effective;
la corruption qui avait commencé sous le gouvernement
précédent est certe généralisée sous la dictature militaire qui
parvient à vider toute conscience de lutte et de classe. Tout se
passe entre la bureaucratie et le département du travail.
Comme conséquence, les conditions de vie de la classe ouvrière
s'aggravent considérablement, les prix augmentent de manière
exponentielle, les salaires restent stables, les emplois ne sont
pas sécurisés, les patrons devenaient arrogants, les conditions
de travail devenaient très mauvaises. Tout ceci constituait le lot
de misère du mouvement syndical particulièrement les
travailleurs au cours de cette période.

A la chute de Magloire en 1956, le mouvement syndical se


réanime dans l'objectif de reconquérir les positions perdues et
des acquis de 1946. Une réforme s'est opérée au sein des
syndicats : les dirigeants corrompus sont chassés, une bonne
partie de la bureaucratie syndicale qui monopolisait le
mouvement est balayé.

Ainsi les conditions semblent être réunies pour la reprise des


luttes syndicales démocratiques. Une année après, soit en
1957, de nouveaux syndicats sont créés, il s'agit de l'Action
Catholique Ouvrière (ACO), le Syndicat du secteur Hôtel, bar,
restaurant, Hasco, ciment d'Haïti, agence maritime,
administration Portuaire, construction, chauffeur guide,
compagnie électrique, l'Union Nationale des Maîtres de
l'Enseignement du Secon-daire (UNMES), la formation de
l'Intersyndical permanent qui regroupe les employés de la
Banque nationale devenue plus tard l'Intersyndical. En effet,
dès les premiers jours du mois de Décembre 1957, le syndicat
des travailleurs des Hôtels, bar restaurant, les délégués de
plusieurs syndicats et associations ont décidé de former une
organisation denomée comité Intersyndical en vue de
coordonner les differents aspects de l'activité syndicale. Cette
organisation cesse ses activités après l'échec du 1er Mai 1958.

1-2-3 LE MOUVEMENT DE 1958 - 1963.-

Après l'échec du 1e Mai 1958, certains militants comme Ulrick


Joly, André Leroy, Henry Merceron ont convaincu de ce qu'est
la liberté syndicale qui ne peut être en aucun cas une faveur
octroyée par un gouvernement mais le fruit des luttes menées
par les travailleurs pour imposer et faire respecter leurs droits.
C'est ainsi qu'ils se réunissent et forment Intersyndical d'Haïti
(IH) dans l'objectif d'arriver à la constitution d'une organisation
syndicale unitaire afin de faire la résistance aux activités de
sabotage du patronat contre le syndicalisme indépendant et
actif.

Cette organisation occupe le devant de la scène syndicale alors


que les autres Fédérations comme l'UNOH et la force ouvrière
n'étaient pas dissoutes mais, pour le malheur des ouvriers, elles
maintiennent des relations étroites avec le gouvernement en
place.

En Avril 1960, l'Intersyndical se transforme en Union


Intersyndical d'Haïti (UIH). Les luttes de l'époque sont dominées
par ses activités. Elle a connu de nombreux succès qui lui a valu
non seulement l'intégration de 14 nouveaux syndicats mais
encore la possibilité de dominer la scène politique et de
s'affirmer de plus en plus sur le plan national et international.

A partir de 1963, les diverses formes de luttes comme la grève,


les manifestations des ouvriers paysans ont été d'une réussite
considérable pour la plupart et ne manquèrent de causer de
nombreuses difficultés au gouvernement en place. Cependant,
à la suite d'une marche organisée le 1er Mai 1963, après les
diverses manifestations, la machine répressive est mise en
marche et va à l'encontre de toutes les lois nationales et
internationales et l'UIH est dissoute par le gouvernement
Duvalier. Et une année après la présidence à vie est proclamée;
Cette dissolution était nécessaire pour le régime car, l'UIH
représentait en effectif le syndicat le plus imposant, environ
10.000 membres lui étaient adhérés c'était une organisation
syndicale combative avec une couverture nationale qui se
manifestait dans le milieu urbain comme dans le milieu rural.
Avec lui, la lutte des travailleurs manifeste beaucoup de vitalité
d'autant plus que ses différentes activités étaient inscrites dans
un processus de renforcement qui consolide chaque jour
davantage. Pour toutes ces raisons, le Président Duvalier
s'inquiète de l'avenir de son régime. Comme nous venons de le
dire, l'UIH est dissoute et c'était bien là le signal de départ du
déclin du mouvement syndical.

Ainsi le mouvement syndical Haïtien a connu des moments


difficiles. Il était pour le moins quasiment inexistant durant
cette période jalonnée par très peu de luttes face à la
démagogie et à la machine répressive des Duvalier.

1-2-4 LE MOUVEMENT DE 1963 - 1985.-


La période allant de 1963 à 1985 a été très difficile pour les
syndicats. Le mouvement syndical était victime de nombreux
actes arbitraires du régime des Duvalier soutenant à l'exemple
la dissolution de l'UIH et la FHSC. Devant cette situation qui
avait pour objectif le renforcement du régime, le mouvement
syndical était vite tombé en déclin et de plus un terme est mis à
toute forme de luttes révendicatives.

En 1971, à la mort de Duvalier père, son fils Jean-Claude hérite


du pouvoir, le mouvement syndical continue à être victime de
l'arbitraire de ses actes et plonge dans les profondeurs du
silence. Mais en 1976 le mouvement syndical tente de refaire
surface et déclenche une grève à l'usine ciment d'Haïti et
depuis le flambeau de la mobilisation est à nouveau allumé
durant quatres (4) années consécutives. Cependant, la
répression continue; et en Novembre 1980 la CATH est frappée
d'interdiction de fonctionner, mais entre temps d'autres
syndicats continuent, dans la clandestinité et le travail de la
mobili-sation. Le mouvement syndical se trouve, en effet,
tomber en léthargie jusqu'en 1985, pour reprendre vie en 1986
à la chute du régime.

1-2-5 LE MOUVEMENT DE 1986 - 1995.-


Au lendemain du 7 février 1986, qui correspond à la chute de la
dictature, le mouvement syndical rebondit avec force, de
nombreuses conquêtes ont été arrachées comme le droit
effectif à la parole et à la liberté de la presse..etc. Et de plus les
syndicalistes exilés reviennent au pays afin de redonner un élan
au mouvement syndical.

De nouveaux syndicats naquirent et en plus de trois centrales


syndicales qui font leur apparition : la CATH, la CATH / CLAT et
la FOS.

Cependant, il est important de souligner que la CATH / CLAT a


connu une nouvelle appelation c'est bien la Confédération des
Travailleurs Haïtiens (CTH); de la CATH de 1980 est issu la
Confédération Générale des Travailleurs (CGT). De plus, la
scission au sein de la FOS donnera d'une part la FOS et
l'Organisation Générale Indépendante des Travailleurs Haïtiens
(OGITH) fondée en 1988.

Cependant le mouvement syndical a connu un certain succès.


Malgré la répression des gouvernements militaires les syndicats
ont pu entrer en grève, faire usage de la liberté d'expression,
protester contre les mauvaises conditions sociales. En leur
propre sein, ils ont aussi mené une lutte celle d'enlever le
monopole de la réprésentation syndicale à Genève entre les
mains de la FOS qui depuis sous le gouvernement de Jean-
Claude Duvalier representait le secteur syndical. Ils ont,
ensemble, opté pour le principe de la rotation et de la
participation de toutes les centrales dans l'élaboration du
message destiné à la conférence annuelle du Bureau
International du Travail (BIT) .

Aussi, comme on peut le constater, cette période marque un


tournant dans le monde syndical et une nouvelle page
commençait à s'écrire dans l'histoire du mouve-ment ouvrier
en Haïti.

Il n'est pas superflu de souligner, pendant cette période


l'influence des syndicats dans le secteur Éducatif comme la
CNEH, l'UNNOH, le CONEH, le GIEL, la FENATEC qui ont
grandement agité le monde Éducatif dans ses prises de
position. Il est important de demander pourquoi leur
mouvement s'était tourné uniquement dans leur secteur sans
être généralisé ?

Section 2 : LES DIFFICULTÉS INTERNES ET EXTERNES.-

La situation du mouvement syndical Haïtien n'est dans


l'ensemble rien de réjouissant. Le mouvement fait face à
d'énormes difficultés qui font souvent échec à certaines de
leurs actions et contribuent même jusqu'à affaiblir le
mouvement. Elles se manifestent à deux niveaux.

Au Niveau Interne:

Les difficultés rencontrées par le mouvement syndical au


niveau interne peuvent se résumer de la manière suivante :

§ Pour être syndicaliste il faut être syndiqué, pour être


syndiqué, il faut être travailleur, pour être travailleur il faut
travailler. Le mouvement syndical est un mouvement de
travailleurs, alors que, chez-nous, le taux de chômage est très
élevé. A partir de ce constat nous sommes en droit de poser la
question suivante : Peut-il exister un mouvement syndical
efficace avec des chômeurs ?

§ Le mouvement syndical n'est pas unitaire, les syndicats sont


divisés parfois en deux et pourquoi pas en trois ? De nombreux
syndicats ne sont pas nés à partir de l'initiative de la masse des
travailleurs mais plutôt d'un schisme syndical. Le cas de la CATH
/ CLAT, de la CGT, de l'OGITH est un exemple clair. Ils sont tous
nés des malentendus.
§ Le problème de la formation syndicale est un facteur clé
d'affaiblissement du mouvement. Parfois, certains syndicats
s'engagent dans des mouvements de protestations, sans
tactique et sans stratégie. Souvent, certains dirigeants
syndicaux ne savent même pas comment négocier et
n'attendent même pas le moment favorable d'enclencher une
lutte revendicative.

§ La faiblesse financière des syndicats liée à l'absence de travail


et au refus de ceux qui travaillent pour intégrer la coopération
des syndiqués et à l'absence de travail et à la non cotisation de
la masse des travailleurs.

§ L'embourgeoisement de certains dirigeants syndicalistes qui


se complaisent dans les privilèges accordés par les patrons. Ce
comportement fait souvent obstacle à la lutte syndicale, détruit
chez les syndiqués l'esprit de combativité et enlève toute
énergie leur permettant d'avoir une initiative courageuse d'où
le mépris à l'objet même des syndicats.

§ L'analphabétisme diminue l'apport du mouvement syndical et


met un point d'arrêt à son efficacité. Dans certains syndicats, il
peut arriver, en plus des syndiqués, même le dirigeant
syndicaliste n'est pas alphabetisé. Comment peut on arriver à
un mouvement syndical combatif, autonome sans combler le
fossé entre les syndicalistes alphabetisés et non alphabetisés ?

§ La prise en otage du mouvement par les syndicalistes non


travailleurs car, pour eux, il semblerait que être syndicaliste
c'est un métier. Ils ne sont pas des démo- crates, est-ce-
pourquoi au sein du syndicat, il n'y aurait pas de démocratie ?
Le dirigeant syndicaliste est à vie à la tête du syndicat.

§ L'usage du mouvement syndical, par certains dirigeants à des


fins personnels. Souvent comme tremplin politique, dans notre
histoire, nombreux sont ceux qui s'étaient déguisés en
syndicalistes afin de devenir décideurs politiques en d'autres
termes d'arriver au timon des affaires de l'État.

Au Niveau Externe:

Les difficultés au niveau externe viennent souvent des brèches


créées par les syndicats et aussi par la force des choses. Nous
les envisageons d'un triple point de vue et elles peuvent se
résumer de la manière suivante:
§ Au point de vue économique le mouvement syndical fait face
à des difficultés énormes. Ces difficultés peuvent se manifester
sous diverses formes : l'inflation, le chômage, la misère, les
termes de l'échange, le fardeau de la dette, le salaire
minimum... etc.

§ Au point de vue politique le mouvement syndical a toujours


été l'objet de persécution de la part des divers gouvernements
qui ont dirigé le pays. Ces persécutions peuvent se manifester
par la violation des droits des travailleurs, l'ingérence dans les
affaires intérieures des syndicats, l'interdiction de fonctionne-
ment d'un syndicat, la création de syndicats parallèles dans le
souci de combattre la lutte des travailleurs, la corruption des
dirigeants syndicalistes...etc

§ Au point de vue social, le mouvement syndical continue à


connaître de nombreuses difficultés. De telles difficultés
pourraient être attribuées au dévelop-pement de la technologie
car, de nombreux travailleurs sont en mal de formation pour
pouvoir se tenir sur le marché du travail.

§ Cependant, toutes ces difficultés tant internes qu'externes ne


sont pas sans incidences sur le mouvement syndical. En effet si
elles ont permis de contribuér au déclin du mouvement
syndical, elles ont néanmoins permis la renaissance du
mouvement syndical par l'adoption d'une nouvelle forme de
lutte.

2-1 : Le Déclin du Mouvement.-

Le déclin du mouvement syndical commence avec l'acte


arbitraire du gouvernement de Duvalier en passant par la
dissolution de l'Union Intersyndicale d'Haïti (UIH) et la
Fédération Haïtienne des Syndicats Chrétiens (FHSC) en
Décembre 1963. Cet acte, selon Michel Hector, dépasse le
cadre même du mouvement revendicatif proletariat(1). Il revêt
un double visage; comme le mouvement a connu un élan dans
la conjoncture politique de 1956-1957. Il ne vise qu'à détruire
purement et simplement cet élan et les syndicats afin de
détruire toutes forces qui pourraient contribuer à faire échec
aux mécanismes dictatoriaux.

L'on comprend bien, que ce n'est pas du hasard, si après


quelques mois de la fermeture des locaux par le gouvernement
des Fédérations Syndicales Indépendantes, la présidence à vie
s'instaure au pays. Car, le gouvernement avait travaillé dans le
but de poursuivre cet objectif. A cet effet, le mouvement
syndical fait face à deux obstacles : les patrons et les tontons
macoutes. Ces obstacles conduisent au démantèlement d'un
mouvement fort, combatif, dotant au mouvement syndical une
structure fortement centralisée comme le cas se présente
parfois dans les régimes autoritaires. Il est important de
souligner l'apport du 1e Mai dans les activités syndicales.

Le 1e Mai de chaque année est considéré comme la fête du


travail. Mais cette date ne cesse de causer des difficultés au
mouvement syndical. Souvent, le Gouvernement contribue à
mettre les syndicats dans des conditions difficiles; parfois il
arrive même à les diviser autour d'une allocation qui n'a rien de
justificative. Cette situation crée souvent de malaise entre
syndiqué et syndiqué; entre dirigeant syndical et syndiqué, et
enfin entre syndicats et syndicats et les met en défi d'arriver à
la constitution d'un mouvement unitaire, autonome, capable
de donner plus de force au mouvement et d'être mieux armé
pour remplir sa mission. Quand il s'agit des salaires n'en parlons
pas ? Car la baisse des salaires affaiblit en nombre et en
efficacité le mouvement syndical. Le comportement des salaires
et des prix est expliqué par une serie de facteurs nationaux et
internationaux. La crise de l'emploi, l'explosion inflationniste, le
coût de la vie évoluant à un rythme effréné ne sont pas sans
incidences sur le mouvement syndical. Cette situation ne fait
qu'aggraver les conditions de la masse des travailleurs et a
également pour toile de fond l'inéxistence de tout mouvement
syndical digne de ce nom.

____________________
(1) Michel, Hector : Syndicalisme et socialisme en Haïti, et ed H.
Deschamps, Port-au-Prince, 1989. P 129.

Si l'année 1946 a été pour le mouvement syndical une période


de conquêtes et de combats. Les années 1957 à 1970 n'ont pas
permis au mouvement de briller. Au contraire, c'était pour lui
une période de déclin et de plus l'étouffement des luttes
démocratiques. Les syndicats étaient identifiés comme
obstacle. Il faut les surmonter pour mieux asseoir le régime,
avait compris le gouvernement à l'époque. Chaque coup
d'envergure porté aux forces démocratiques est suivi d'un pas
en avant dans le renforcement des mécanismes dictatoriaux.
L'action du Gouvernement de François Duvalier est un exemple
clair. D'abord il proclame la dissolution du mouvement
démocratique, ensuite il remplace son mandat par la
présidence à vie de la République, frayant la voie de la dynastie.

C'est ainsi que la dynamique de la répression, l'anihilation des


derniers cadres institutionnels légaux du combat démocratique
et la grande déterioration des conditions de vie et de travail des
masses laborieuses posent au mouvement la nécessité chaque
fois plus urgente non seulement de donner la priorité à la lutte
politique directe, mais aussi de chercher de nouvelles formes
d'action susceptibles de stimuler, d'accélérer et de radicaliser la
mobilisation contre la dictature(1(*)).

Comme la lutte doit continuer, le mouvement n'a d'autres choix


que de redéfinir ces stratégies.

Est-ce pour cela qu'il attendait le départ des Duvalier pour


rebondir avec force et manifester pleinement son existence ?
Mais le coup d'État du 30 Septembre 1991 n'a fait qu'empirer le
chômage à la suite de l'embargo décrété par l'organisation des
États Américains (OEA). Les travailleurs se sont désunis, des
milliers d'ouvriers, surtout ceux de la sous-traitance ont perdu
leur emploi et le mouvement s'affaiblit en nombre. Car, il est
évident que la force du nombre est annulée par la désunion.

Ainsi, à l'heure actuelle si on se refère au mouvement syndical


dans les années antérieures, tenant compte des différentes
actions syndicales. Par rapport à la politique du gouvernement
de l'heure le mouvement syndical est non seulement en déclin
mais encore il semble disparaître pour céder le pas aux
organisations dites populaires. Mais cela n'exclut point des
tentatives visant à faire renaître le mouvement.

2-2 : LA RENAISSANCE DU MOUVEMENT.-


L'histoire du mouvement syndical retient l'année 1946 comme
l'année de départ de l'éclosion réelle du mouvement syndical
haïtien. Selon Michel Hector, les années de 1958-1963
délimitent un autre moment important dans l'évolution du
mouvement ouvrier. C'est ainsi qu'on assiste à la seconde
poussée du syndicalisme démocratique.

Entre 1958-1960, la lutte revendicative ouvrière se déroule


dans un cadre où d'autres organisations démocratiques comme
celles des professeurs, des instituteurs, des employés de la
banque, et des étudiants livrent également la bataille pour la
sauvegarde de leurs intérêts et l'élargissement de leurs
droits(1(*)). Tout le poids de la lutte pour la défense des droits
des travailleurs vont se reposer sur le syndicalisme
démocratique. Cette réapparition du syndicalisme
démocratique paraît se renforcer avec l'installation de
nouvelles entreprises. Car, leur fonctionnement va provoquer
une augmentation en nombre des ouvriers. De nouveaux
syndicats apparaissent; un nouveau concept apparaît; celui de
l'unité.

Mais dans le contexte politique de la renaissance du


mouvement les organisations nouvellement créées, à cause de
leur jeunesse, disposent encore de force très limitées et
peuvent difficilement mettre à profit toutes les potentialités
offertes par la situation.

Les organisations les plus combatives au cours de ce premier


moment étaient celles des professeurs et surtout des étudiants.
Les grèves les plus importantes prove-naient de ces secteurs.

Leurs luttes revêtissaient une double signification pour le


développement du mouvement syndical démocratique. Tout
d'abord, elles permettent de dépasser définitive-ment la
tendance manifestée depuis 1959, à donner la priorité aux
intérêts des anciens groupes éléctoraux dans les activités des
organisations de masses. L'unité se réalise sur une base de
revendications démocratiques.

L'unité syndicale à l'époque faisant la une, l'UIH était au rendez-


vous. Elle contribuait, dans une certaine mesure, à
l'épanouissement du mouvement syndical démocratique.
Diverses mesures ont été prises, diverses activités ont été
réalisées. L'UIH domine la scène syndicale, en Août 1963, elle
réfuse de signer un manifeste en appui au chef de l'État. En
Décembre 1963, la dissolution de l'UIH est prononcée. Son local
saccagé, le matériel pillé plusieurs militants et dirigeants
syndicaux sont emprisonnés. Au même moment, la Fédération
Haïtienne des syndicats chrétiens (FHSC) est également
interdite de fonctionner pour avoir manifesté son appui à l'UIH.
Ainsi, prend fin la seconde expérience du syndicalisme
démocratique. Les syndicalistes croyaient ferme-ment que la
lutte pour la défense des droits des travailleurs est une lutte
permanente. L'UIH disparaît, mais la lutte doit continuer. Les
syndicalistes considéraient le gouverne-ment comme un
obstacle à l'évolution de la lutte syndicale démocratique.
Diverses organisations syndicales ont compris la nécessité de
surmonter l'obstacle que constituait le gouvernement . Aussi,
ont-elles décidé d'adopter de nouvelles formes de luttes
capable de faire avancer la cause des travailleurs ?

2-3 ADOPTION D'UNE NOUVELLE FORME DE LUTTE.-

Après la dissolution de l'UIH, le combat démocratique allait


dépasser le cadre même de l'action syndicale. La dictature
devient de plus en plus musclée c'était bien l'idée, dans le
projet de présidence à vie et les syndicalistes se replièrent en
vue de donner une réponse.

De nombreuses organisations syndicales dans la détermination


pour un combat démocratique, s'allient aux organisations
politiques et adoptent de nouvelles tactiques. Dans cette
bataille de conquête, de liberté, démocratique, les
organisations politiques porteuses de l'idéologie socialiste
étaient au rendez-vous en se mettant à l'avant-garde des luttes
ouvrières afin de les amplifier et de les faire progresser. L'arme
de la dialectique cède la place à la dialectique des armes. Les
communistes entrent en scène et la lutte ne sera autre que
celle d'une lutte armée contre la dictature. En réponse, le
régime de François Duvalier fait la chasse aux sorcières et réussi
à tenir le pouvoir.

Il convient de signaler, en tout premier lieu, que la nouvelle


tactique n'est pas déterminée par une intensification de lutte
des masses populaires urbaines et rurales. C'est au contraire la
stagnation et même l'échec de la mobilisation politique à
travers les organisations clandestines de types revendicatifs
qui, dans une grande mesure, provo-quent le changement. Elle
n'est pas sans incidences sur le mouvement syndical. Incidences
qui peuvent être à la fois positives et négatives. Mais, selon
Michel Hector, la nouvelle tactique charrie une nette
propension à sous estimer et même à ignorer l'action
spécifique de la classe ouvrière(1).

Sans vouloir analyser cette nouvelle tactique, il nous paraît


intéressant de nous demander si les organisations d'avant-
garde avaient les moyens de leur politique. En effet, Michel
Hector fait ressortir le moment de transition entre l'épuisement
des possibi-lités de luttes pacifiques et celui du passage aux
actions armées. Pour un mouvement qui traverse encore cette
transition, il s'avère insdispensable de déterminer avec
prudence et précision le type et le rythme de ses actions sur la
base d'une appréciation correcte du rapport des forces(2).
Comme souligne Jean Bruhat et cité par Michel Hector : «on ne
combat bien un ennemi que si on apprécie avec exactitude sa
signification et les forces dont il dispose». La lutte armée était
nécessaire. Elle est présentée comme un même combat anti-
dictatorial, anti-féodal et anti-impérialiste. Il s'agit donc de
parvenir, par la voie armée, non seulement au renversement de
la dictature mais aussi à la destruction de tout le système semi-
féodal et néo-colonial.

_______________________

(1)- Michel Hector : Syndicalisme et Socialisme en Haïti, OP. Cit.


P149.

(2)- Michel Hector : Syndicalisme et Socialisme en Haïti, OP cit


P152 .

Il est important de souligner, que cette nouvelle forme de lutte


adoptée par le mouvement syndical ne lui a pas permis
d'aboutir ou du moins de faire avancer la cause des travailleurs.
L'échec de cette lutte qui visait essentiellement au
renversement de la dictature a permis au président François
Duvalier de renforcer son pouvoir en instaurant une dynastie.
La repression n'a pas été ménagée vis-à-vis des syndicats,
certaines organisations comme la CATH apparaît à l'époque de
la dictature. Mais les dirigeants sont réprimés; les ouvriers
engagés dans les tentatives de réanimation des syndicats sont
licenciés et arrêtés. C'était bien là, la dure période qu'a connue
le mouvement syndical pour rebondir au grand jour aprés la
chute des Duvalier en 1986. Depuis, la lutte syndicale reprend
vie les formes de luttes deviennent beaucoup plus
démocratiques. Le concept unité est ressuscité mais cette fois
c'est par rapport à la globalisation ajoutée à d'autres comme
société juste, emploi décent, syndicalisme fort...etc mais devant
la division qui ronge le mouvement. Il reste encore rachitique.

* La première organisation qui porte le nom de syndicat créée


le 24 Mars 1903 sous le Gouvernement de Nord Alexis et qui
regroupait 46 ouvriers.

* (1)- Michel, Hector : Syndicalisme et Socialisme en Haïti op.


Cit. P140.

* (1). Michel, Hector : Syndicalisme et Socialisme en Haïti op.


Cit P 97.

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