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157 Janvier/
Avril/
Février
Mai/ /
Mars
juin 2012
2019

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RÉFÉRENCES RÉFÉRENCES

157 Janvier/Février/Mars 2019 2012


Septembre/Octobre/Novembre
EN SANTÉ EN SANTÉ
AU TRAVAIL AU TRAVAIL

RÉFÉRENCES
RÉFÉRENCES EN SANTÉ
EN SANTÉ AU TRAVAIL
AU TRAVAIL • n°
• n°130
> Revue
> Revuetrimestrielle
trimestriellede
del’INRS
l’INRS

BENZODIAZÉPINES ET TRAVAIL SURVEILLANCE BIOLOGIQUE RISQUE DE CANCER DU SEIN


www.rst-sante-travail.fr  Usages, effets sur la santé DES AGENTS CHIMIQUES ET TRAVAIL DE NUIT
et prévention  Pratiques en santé au travail  État des connaissances
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COMITÉ DE RÉDACTION des services de santé
au travail. L'abonnement
Rédacteur en chef : BERNARD SIANO
gratuit est établi pour
Rédactrice en chef adjointe : ANNE DELÉPINE une durée de deux ans.
Secrétaire générale de la rédaction : ANNE SCHALLER Un avis de réabonnement
est envoyé à échéance.
Chargée d’études bibliographiques et de veille : ANNIE BIJAOUI
+ D’INFOS
Correctrice : CYNDIE JACQUIN-BRISBART www.rst-sante-travail.fr
Chargée de rubrique Allergologie professionnelle :
NADIA NIKOLOVA-PAVAGEAU
Relecteurs et conseillers médicaux : MARIE-CÉCILE BAYEUX-DUNGLAS,
PHILIPPE HACHE, STÉPHANE MALARD, FLORENCE PILLIÈRE
Assistante de gestion : DÉBORAH PAYAN

COMITÉ SCIENTIFIQUE
AGNÈS AUBLET-CUVELIER, Département Homme au travail, INRS
CATHERINE AUBRY, Direction des Études et recherches, INRS
ISABELLE BALTY, Département Expertise et conseil technique, INRS
SYLVIE ODE, Groupement des infirmier(e)s du travail, Paris
MARIA GONZALEZ, Service de pathologie professionnelle, hôpital civil de Strasbourg
GUY HÉDELIN, Département Épidémiologie en entreprise, INRS
PATRICK LAINE, Département Expertise et conseil technique, INRS
FAHIMA LEKHCHINE, Département Information et communication, INRS
SERGE MÉSONIER, Association française des intervenants en prévention des risques
professionnels de services interentreprises de santé au travail, Cergy-Pontoise
GÉRARD MOUTCHE, Département Formation, INRS
CHRISTOPHE PARIS, Centre de consultation de pathologie professionnelle et de médecine
environnementale, Centre hospitalier de Rennes
ALAIN ROBERT, Département Toxicologie et biométrologie, INRS

ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO


DOMINIQUE ABITEBOUL, ANNE BOURDIEU, LAURELINE COATES, MARIE-ANNE GAUTIER, JEAN PASSERON ET L’ATELIER CAUSSE

Dépot légal 1er trimestre 2019. N° 202827 - ISSN 2261 - 544X


ACTUALITÉS CONNAISSANCES
ET RÉFÉRENCES
RÉF. PAGE RÉF. PAGE

INFOS À RETENIR GRAND ANGLE


AC 128 P. 5 L'offre de formation e-learning de l'INRS TC 164 P. 21 Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
AC 129 P. 10 Amiante : un outil d'aide à la rédaction connaissances
sommaire

des avis du médecin du travail (sous-


sections 3 et 4)
VU DU TERRAIN
TF 264 P. 45 Acceptation des exosquelettes par
NOUVEAUTÉS DE L’INRS les opérateurs : étude exploratoire
P. 14 Brochures, dépliants, vidéos, films
d'animation et documents en ligne… TF 265 P. 63 Travailler avec une santé altérée :
comment prévenir la désinsertion
professionnelle?
PARTICIPEZ À LA RECHERCHE
P. 17 Projection thermique et soudage : TF 266 P. 79 Surveillance biologique des
évaluations biologique et expositions professionnelles aux
atmosphérique des expositions au agents chimiques : les pratiques
chrome et au nickel des équipes de santé au travail

P. 18 Exposition aux fluides de coupe et TF 267 P. 89 Caractérisation des effets


marqueurs d’effets précoces : stress des expositions aux facteurs
oxydant, inflammation et génotoxicité psychosociaux sur la santé
(OxIGenoCOM) mentale et l'état de santé général
perçu - Analyses à partir de
P. 19 Exposition professionnelle aux l'enquête « Santé et itinéraire
silices amorphes nanostructurées : professionnel »
biomarqueurs d’effets précoces
TF 268 P. 107 Nouveau protocole et baisse de
la participation des médecins : la
collecte de données de l'enquête
SUMER 2016-2017 à l'épreuve
de l'organisation de la santé au
travail

PRATIQUES ET MÉTIERS
TM 50 P. 119 Santé et maintien en emploi :
prévention de la désinsertion
professionnelle des travailleurs.
Synthèse de la recommandation
de bonne pratique, février 2019

SUIVI POUR VOUS


TD 261 P. 125 Application du Plan santé au
travail 2016-2020 (PST3) au
ministère des Armées. 32e congrès
de la SHMTAIA. Metz, 4-5 octobre
2018

2 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


À VOTRE
SERVICE
PAGE

TD 262 P. 137 Toxicologie en santé au travail. AGENDA


Journées de la SMSTO en partenariat P. 175 Avril à octobre 2019
avec la SFMT. La Baule, 11-12 octobre
2018
FORMATIONS
P. 177 Places disponibles dans les
MISE AU POINT formations 2019 de l'INRS
TP 32 P. 151 Benzodiazépines et travail Santé et sécurité au travail

P. 181 Enseignement post-


universitaire et formation

OUTILS
continue

REPÈRES À LIRE, À VOIR


P. 183 Sélection d'ouvrages
RÉF. PAGE

VOS QUESTIONS/NOS RÉPONSES P. 187 RECOMMANDATIONS


QR 134 P. 161 Sieste et travail de nuit : quelles AUX AUTEURS
modalités pratiques de mise en
œuvre ?

QR 135 P. 163 Risque chimique et allaitement :


comment évaluer le risque pour
l'enfant ?
La rubrique
QR 136 P. 165 Trousse de secours : quelle est sa « JURIDIQUE » est
composition ? Peut-on la doter de disponible chaque
médicaments ? mois sur le site de
l’INRS à l’adresse
suivante :
RISQUES PSYCHOSOCIAUX
l
FRPS 43 P. 167 Indice de bien-être de l'Organisation tualites-juridiques.htm
www.inrs.fr/header/ac
mondiale de la santé en 5 items
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MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 3


1
ACTUALITÉS
P. 5 INFOS À RETENIR

P. 14 NOUVEAUTÉS DE L’INRS

P. 17 PARTICIPEZ À LA RECHERCHE

N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


AC 128
INFOS À RETENIR

L’offre de formations e-learning


de l'INRS
AUTEURS :
C. Rousseau avec la collaboration de G. Avon, A. Fatmi, N. Fauvel, N. Fournier, F. Henry,
département Formation, INRS

D epuis sa création, l’INRS propose des for-


mations destinées aux préventeurs institutionnels et
d’entreprises, aux services de santé au travail et plus
prévention ou relatives à un risque spécifique. Elles
proposent des ressources en ligne, des parcours péda-
gogiques et font l’objet d’une validation de connais-
récemment aux formateurs d’organismes de forma- sances avec délivrance d’une attestation. Ces forma-
tion. Basée sur des formations en présentiel, appe- tions peuvent être suivies de façon autonome ou être
lées aussi « en face à face », l’offre s’est diversifiée en intégrées, en tant que prérequis, dans d’autres forma-
proposant des enseignements à distance (cours par tions proposées par l’INRS. C’est le cas par exemple
correspondance avec tutorat pédagogique), puis des du parcours « Animateur de prévention » dont le
formations à distance (activités individuelles et col- prérequis est l’autoformation Acquérir des bases en
lectives à distance animées par un tuteur) à la fin des prévention des risques professionnels ou bien pour des
années 2000 visant, dans un premier temps, des pu- stages dispensés par des organismes de formation
blics ne pouvant pas se déplacer. Ensuite ces forma- habilités 1 par le réseau Assurance maladie-Risques 1. Pour en savoir
tions ont été développées pour diffuser, au plus grand professionnels et l’INRS. plus, consulter :
nombre, des connaissances en prévention des risques Actuellement, trois autoformations sont proposées : www.inrs.
fr/services/
professionnels. O Acquérir des bases en prévention des risques pro-
formation/
Les formations e-learning visent les objectifs sui- fessionnels (@01001), nouvelle version 2018 compo- demultiplication.
vants : sée de 4 modules pédagogiques (figure 1) ; html
O diffuser largement la culture et les compétences en O Acquérir les notions de base sur les produits
prévention ; chimiques (C@1501) ;
O rendre l’apprenant acteur de sa formation ; O Mieux agir au sein du CHSCT : missions et fonc-
Otoucher les publics qui ont des difficultés à se rendre tionnement (U@2302). Cette autoformation est dis-
en formation ; ponible jusqu’à fin 2019.
O gagner en efficacité pédagogique par des parcours
de formation plus courts.
À l’INRS, l’offre de formation à distance se décline se- Figure 1 : Les quatre modules pédagogiques.
lon trois types de modalités pédagogiques, à savoir :
l’autoformation, les formations accompagnées à dis-
tance et les formations mixtes.

Les autoformations : se former


à son rythme

Une autoformation a pour objectif de permettre à


une personne de se former dans un cadre spatial et
temporel qui lui est propre, dans le cadre du plan de
développement des compétences de l'entreprise.
Actuellement, les autoformations de l’INRS sont ou-
vertes à tous, sans condition de prérequis et acces-
sibles à tout moment. Elles ont pour ambition de
toucher un public nombreux, diversifié (infirmier(e)s,
médecins, préventeurs, membres du comité social
et économique…) et de lui apporter des bases en

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 5


INFOS À RETENIR

Au sein de ces formations, spécifiquement conçues duels, co-production de démarches de prévention…).


pour être suivies et consultées en ligne, sont intégrés De cette façon, le tuteur assure le suivi pédagogique
des ressources documentaires, des vidéos, des exer- personnalisé, évalue et valide les travaux réalisés.
cices et des modules d’évaluation. Une qualité tant Par ailleurs, ces tuteurs participent à la mise à jour du
sur le fond (contenu pédagogique) que sur la forme contenu des formations et restent ainsi en capacité
(ergonomie, interactivité, médias…) a été recherchée d’accompagner au mieux les apprenants (figure 2).
afin de favoriser le plaisir d'apprendre en autonomie. Ces derniers sont également formés et accompagnés
Cette modalité d’autoformation nécessite effective- par l’INRS pour la prise en main des nouveaux outils
ment une forte motivation et une capacité à s’orga- proposés sur la plate-forme. Chaque année, un bilan
niser. des dispositifs est réalisé par l’INRS avec l’ensemble
Les inscriptions se font en libre accès sur le des tuteurs.
portail dédié à l’autoformation : www.eforma-
tion-inrs.fr Le tableau I présente les spécificités de l’autoforma-
tion et de la FAD.
Les formations accompagnées à distance
(FAD) : autonomie et travail en groupe Une formation à « l’évaluation des risques liés
aux agents chimiques » (C@1502)
Ces formations proposées à l’INRS utilisent la flexibi- Ce module de formation est accessible à l’issue de
lité offerte par l’usage des nouvelles technologies tout l’autoformation Acquérir les notions de base sur les
en conservant des atouts importants de la formation produits chimiques (C@1501). Il permet aux partici-
en présentiel : échanges avec un tuteur, travail colla- pants, sur des situations de travail filmées, de détec-
boratif, conseils… Elles proposent aux apprenants la ter le risque chimique, d’analyser les conditions de
connexion à un espace personnel sur une plateforme travail, de mettre en œuvre la démarche d’évaluation
spécifique « FAD », permettant l'accès aux ressources du risque chimique et de découvrir des outils d’aide à
pédagogiques et aux outils de communication (mes- l’évaluation comme SEIRICH.
sagerie, wiki, classes virtuelles…). À noter que ce module, bien qu’inscrit dans le par-
cours de formation sur la démarche de prévention
Le tutorat du risque chimique, peut être suivi de façon indépen-
Chaque stagiaire est inscrit dans un groupe d’appren- dante. En revanche, il constitue un module incontour-
tissage accompagné par un tuteur, professionnel de nable des parcours de formation mixte à destination
la prévention. Celui-ci assure l’animation de classes des préventeurs d’entreprises (C@1503) et des méde-
virtuelles (regroupement des apprenants) créant une cins du travail (B@1501).
dynamique de groupe (échanges de pratiques pro- Au terme de la réalisation du module (C@1502), les
fessionnelles, restitutions croisées de travaux indivi- participants peuvent suivre le volet de formation
présentielle qui concerne la démarche de prévention
du risque chimique en choisissant le stage Prévenir les
Figure 2 : Compétences des tuteurs de formations accompagnées de l’INRS. risques liés aux agents chimiques (CC1503). Ils peuvent
également accéder à des formations concernant la
ventilation, la métrologie d’atmosphère…

Parcours destiné aux animateurs de préven-


tion
Ce parcours constitué de cinq modules (figure 3) per-
met d’acquérir progressivement les connaissances
nécessaires à l’exercice de la fonction d’animateur de
prévention par un apport théorique et des mises en
pratique, études de cas, analyses de dossiers d’entre-
prises avec une immersion dans un environnement
de supermarché modélisé. Il permet également de
consolider et d’actualiser ses connaissances de la
fonction prévention.

6 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


TABLEAU I : COMPARATIF DES MODALITÉS PÉDAGOGIQUES DE L’AUTOFORMATION ET DE LA
FORMATION ACCOMPAGNÉE À DISTANCE
Spécifiques à la formation Communes aux deux modalités
Spécifiques à l'autoformation
accompagnée à distance pédagogiques
Autonomie Appartenance à un groupe À distance
À son rythme Activités planifiées Souplesse d'organisation
Sensibilisation Animation pédagogique par un tuteur Ressources pédagogiques multimédia
Pré-requis à des parcours de formation Travaux personnels et collectifs Qualité des contenus
Un portail : eformation-inrs.fr Des outils dédiés (plateforme de
téléformation, classe virtuelle,
documents partagés…)
Inscription en libre accès en ligne Inscription auprès de l'INRS

Échanges

Figure 3 : Parcours animateur de prévention.

Faire l'état des lieux de l'entreprise en santé et sécurité au travail


O 28 heures, réparties sur 5 semaines
Module 1 O Objectifs : Découvrir l'organisation de l'entreprise en matière de santé et sécurité au travail ; Apprécier globalement
J@2302
la situation de l'entreprise en matière de santé et sécurité au travail à partir d'un dossier d'entreprise

S'initier aux outils et méthodes de la démarche de prévention


O 28 heures, réparties sur 5 semaines
Module 2
O Objectif : Appliquer des outils et méthodes de la démarche de prévention et en comprendre les finalités
J@2303

Évaluer les risques d'une situation de travail et proposer des mesures de prévention
O35 heures, réparties sur 6 semaines
Module 3 O Objectifs : Mettre en œuvre une méthode d'évaluation des risques professionnels et proposer des mesures de
J@2304
prévention adaptées

Organiser la prévention des risques dans l'entreprise


O 91 heures, réparties sur 16 semaines
Module 4 O Objectifs : Faire un bilan en matière de santé et sécurité au travail à partir d'un « cas » et établir un diagnostic ;

J@2334 Engager et suivre les actions de prévention ; Mettre en place une organisation permettant d'effectuer une
évaluation récurrente des risques

Intégrer les aspects santé et sécurité dans un projet d'entreprise


O 35 heures, réparties sur 6 semaines
Module 5 O Objectifs : Situer le cadre de son intervention dans un projet d'aménagement de locaux ; Identifier les principales

J@2335 situations à risques liées à un projet d'aménagement de locaux et évaluer les risques ; Proposer des mesures de
prévention et préciser les modalités de leur mise en œuvre

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 7


INFOS À RETENIR

Les formations mixtes : les plus-values Parcours de formation mixte sur le risque
de la FAD et du présentiel chimique
Une nouveauté 2019, 2 parcours (figure 4).
À l’INRS, les formations mixtes combinent la flexi-
bilité des formations à distance avec des modalités « Organiser le suivi médical des salariés exposés aux
pédagogiques classiques. Le travail de formation à risques chimiques » (B@1501)
distance (acquisition personnelle de connaissances) Ce parcours, destiné aux médecins du travail, permet
peut ainsi être approfondi et développé en présentiel d’acquérir progressivement les connaissances néces-
(développement de compétences en groupe). saires à l’organisation du suivi médical de salariés
exposés aux risques chimiques.
La formation « Évaluer et prévenir les nui- Les connaissances de bases autour de la physicochi-
sances sonores » (J@0508) mie, la toxicologie, les fiches de données de sécurité
Elle est dispensée selon deux modalités pédago- (FDS), les étiquettes et la réglementation sont abor-
giques : accompagnée à distance et en présentiel. dées en autoformation (C@1501). Les participants
Cette formation est destinée aux acteurs des services sont ensuite accompagnés à distance pour mettre
de santé au travail, fonctionnels « sécurité et santé au en œuvre l’évaluation et la prévention du risque
travail », ingénieurs… chimique sur des cas d’entreprises à l’aide de situa-
La première partie, en formation accompagnée à dis- tions filmées. Une journée en présentiel clôture ce
tance, concerne l’acquisition des connaissances de parcours de formation au cours de laquelle les mé-
base permettant de donner au groupe des apprenants decins sont confrontés à des cas cliniques d’exposi-
un socle homogène de connaissances nécessaires et tion à des substances chimiques donnant lieu à des
indispensables pour la mise en œuvre d’une méthodo- échanges entre pairs sur l’organisation du suivi médi-
logie d’évaluation des risques encourus par les salariés cal à mettre en œuvre.
exposés au bruit. La deuxième partie, en présentiel,
concerne la démarche de prévention du risque à pro- « Évaluer et prévenir les risques liés aux agents
prement parler, c’est-à-dire la mise en place de me- chimiques » (C@1503)
sures de prévention adaptées à l’entreprise et le suivi En 2019, l’ensemble des modules autour de la dé-
de l’utilisation des moyens de prévention. marche de prévention du risque chimique est pro-

Figure 4 : Deux parcours de formation mixte sur le risque chimique (RC).

8 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


posé en un seul parcours de formation et non plus En règle générale, l'INRS préconise que les formations
seulement comme 3 modules indépendants les uns à distance soient intégrées dans les plans de dévelop-
des autres. pement des compétences des entreprises, de sorte à
ce que ces dernières s'engagent à prendre en compte
Quelques avantages et limites les contraintes organisationnelles et humaines liées à
du e-learning ces modalités de formation.

Parmi les avantages du e-learning peuvent être ci- Pour en savoir plus :
tées : www.inrs.fr/services/formation/distance.html
Ola réduction des contraintes géographiques et tem-
porelles facilitant l’accès des salariés notamment de
TPE-PME, les personnels itinérants… ;
Ola diminution des coûts, des délais et des conditions
d’entrée en formation ;
O la souplesse, l'autonomie dans le rythme d’appren-
tissage ;
O l’accessibilité plus favorable pour les publics at-
teints de handicap physique.
Toutefois, il ne faut pas faire abstraction des limites
sociales, pédagogiques et culturelles. En effet :
O des inégalités persistent face à la numérisation de
la formation, tant dans l’acquisition du matériel in-
formatique que dans l’accès au haut débit et à un ni-
veau de connaissances et de pratiques informatiques
suffisants ;
O les formations numériques peuvent contribuer à
fragiliser les limites entre sphère professionnelle et
sphère privée ;
O les salariés sont très attachés à la modalité en pré-
sentiel lié à des situations pédagogiques requérant
un « face-à-face » ou une mise en situation réelle. Il
y a un intérêt exprimé pour le présentiel du fait de la
rupture spatiale et temporelle que cela produit avec
le cadre quotidien du travail ;
O le risque d’abandon des formations numériques
reste élevé.
Par ailleurs, le recours aux outils numériques n’est
pas une garantie automatique de créativité ou de
valeur ajoutée pédagogique. En effet, il nécessite
une appropriation de ces outils par les concepteurs
pédagogiques pour qu’ils puissent les intégrer à des
parcours de formation scénarisés, comprenant une
progression pédagogique et permettant une mon-
tée en compétences des apprenants. De fait, ce sera
une forte mobilisation de l’ingénierie pédagogique
qui garantira cette valeur ajoutée avec les nouvelles
approches et technologies.
Enfin, l’accompagnement humain, par le tutorat, est
fortement souhaitable au cours de l’apprentissage
afin d’accroître l’efficacité et l’acceptabilité des for-
mations à distance.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 9


AC 129
INFOS À RETENIR

Amiante : un outil d’aide


à la rédaction des avis du médecin
du travail (sous-sections 3 et 4)

L’ amiante est responsable chaque année de


près de 5 000 maladies reconnues comme étant liées
au travail. Il s’agit de la deuxième cause de mala-
vention et inspecteur du travail), de médecins du
travail et d’intervenants en prévention des risques
professionnels (IPRP) issus de SST de la région
dies professionnelles et de la première en termes de Auvergne-Rhône-Alpes a donc été constitué en vue de
coût : les cancers dus à l’amiante constituent en effet la conception d’un outil pratique (encadré 1).
la grande majorité des cancers d’origine profession-
nelle reconnus (81 %) [1] alors que l’exposition reste À partir des travaux réalisés par les services de santé au
encore mal identifiée et appréhendée, notamment travail du BTP de l’Ain, de l’Isère et du Rhône, le groupe
par les entreprises du second œuvre, pourtant sus- a abouti à l’élaboration d’un outil pour répondre aux
ceptibles d’intervenir sur des matériaux contenant attentes des médecins du travail.
de l’amiante. Par ailleurs, l’avis ou la consultation Celui-ci permet de transmettre et d’argumenter :
du médecin du travail sont requis, notamment sur O l’avis sur les modes opératoires,
les modes opératoires, les notices de postes, la stra- O l’avis sur les notices de poste et les durées de vaca-
tégie d’échantillonnage, l’organisation du travail… tion.
Dans ce cadre, l’une des fiches action du Plan régional Il contient également un accusé de réception sur les
Santé au Travail 2016-2020 de la région Auvergne- projets de stratégie d’échantillonnage (figure 1).
Rhône-Alpes (action 1.3.1) est consacrée à la prévention Il s’agit d’un fichier Excel constitué de plusieurs on-
du risque amiante et s’attache à poursuivre, de ma- glets, permettant à la fois de guider l’utilisateur dans
nière pluri-institutionnelle, la politique de prévention sa lecture critique des documents et de rendre un avis
du risque amiante auprès des donneurs d’ordres, des argumenté à l’entreprise. L’outil permet d’indiquer à la
entreprises et des acteurs intermédiaires. Cette fiche fois les points qui nécessitent des compléments ou des
action vise à accroître la maîtrise du risque d’exposi- modifications mais également ceux qui n’amènent
tion et à l’appréhender dans sa globalité. aucun commentaire. Il contient des observations
L’un des objectifs spécifiques de cette action prévoit la « pré-rédigées » sous-forme d’un menu déroulant. Il
conception et la diffusion d’un outil destiné aux mé- laisse également la possibilité aux utilisateurs d’ajou-
decins du travail, pour les aider à répondre aux obliga- ter autant de commentaires libres qu’ils le souhaitent
tions réglementaires lorsque leur avis est demandé sur (figure 2). Des annexes rappellent la règlementation
les modes opératoires et les notices de poste. sur des thématiques précises (durées de vacation,
Les services de santé au travail (SST) sont fréquem- prise en compte de la pénibilité…) qui peuvent être
ment sollicités par les entreprises sur la thématique de transmises aux entreprises en complément de l’avis
l’amiante concernant la règlementation, la méthodo- du médecin du travail.
logie et les aspects techniques. Par ailleurs, des renvois vers le « Guide amiante à l’at-
Un questionnaire conçu par la Direction régionale tention des médecins du travail et des équipes pluridis-
des entreprises, de la concurrence, de la consomma- ciplinaires. Rôle et responsabilités » [2] sont inclus selon
tion, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et envoyé à les thématiques abordées de façon à permettre aux
l’ensemble des équipes pluridisciplinaires d’Auvergne- utilisateurs de s’y référer si besoin.
Rhône-Alpes entre les mois de septembre et novembre Cet outil a pour vocation de sécuriser et faciliter la pra-
2017 a confirmé le besoin de disposer d’un outil métho- tique des médecins du travail en leur permettant de
dologique pour répondre à cette demande. rendre des avis argumentés, porteurs d’éléments ap-
Dès janvier 2018, un groupe de travail partena- propriables par l’employeur pour l’amélioration plus
rial et pluridisciplinaire composé d’agents de la rapide de leur prévention. Il favorise également l’ho-
DIRECCTE (médecin inspecteur, ingénieurs de pré- mogénéisation des avis rendus par les médecins du

10 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


,Encadré 1

travail aux entreprises et devrait contribuer, à moyen PARTICIPANTS AU GROUPE DE TRAVAIL


terme, à l’amélioration de la qualité des documents
Médecins du travail :
transmis par les entreprises et in fine de la prévention
Dr COMBARNOUS Camille - BTP Santé FAVE Sébastien - STDV
sur les chantiers.
au Travail GIRARD Blandine - CISTT
La diffusion et la présentation de cet outil, déjà initiées
Dr DUBOIS Laurence - SST 01 MARTINEZ Sandrine - STDV
par certains services de santé au travail au cours de
Dr JOURDREN Gérard - ASTBTP 01 PROST Quentin - ASTBTP 01
l’année 2018, se poursuivront dans l’ensemble des SST
Dr MILLET BARBE Nizier - AIPVR REYNAUD-DULAURIER Sylvain - SIST
d’Auvergne-Rhône-Alpes au cours du premier semestre
Dr PYNEEANDEE Annick - Centre BTP 38
2019. Il est envisagé d’en étendre sa diffusion au niveau
hospitalier Drôme Vivarais
national. Une cellule de veille est mise en place pour le
Dr RONAN Colette - CISTT DIRECCTE Auvergne-Rhône-Alpes :
mettre à jour régulièrement et prendre en compte les
Dr SOUPLET Pascal - AIST63 ABADIE Alexandra - Inspectrice du
évolutions règlementaires et techniques.
travail
L’outil, intégrant une notice d’utilisation, est en ligne
Préventeurs (IPRP) : DEMOLLIENS Marie - Ingénieur de
sur le site internet de la DIRECCTE à l’adresse sui-
BOUTELOUP Ludovic - SST 01 prévention
vante : http://auvergne-rhone-alpes.direccte.gouv.fr/
ESCOFFIER Guillaume - BTP 42 VERSET Cécile - Ingénieur de
Amiante-outil-a-destination-des-Services-de-Sante-
FAURE Patricia - Santé Travail du Haut prévention
au-Travail.
Vivarais
Les travaux du groupe de travail DIRECCTE/SST en Au-
vergne-Rhône-Alpes devraient se poursuivre en 2019,
notamment sur la conception d’une trame commen- Pour toutes informations complémentaires, les contacts à la DIRECCTE
tée d’aide à la rédaction des modes opératoires à desti- Auvergne-Rhône-Alpes sont : Marie DEMOLLIENS (marie.demolliens@
nation des entreprises. direccte.gouv.fr) et Cécile VERSET (cecile.verset@direccte.gouv.fr), ingé-
nieurs de prévention.

Figure 1 : Accusé de reception.

Figure 2 : Fonctionnalités de l’outil.

Plusieurs onglets distincts en bas du tableau Excel :

Des commentaires intégrés pour guider les utilisateurs :

(SUITE FIGURE 2
ET BIBLIOGRAPHIE)

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 11


INFOS À RETENIR

Des cases à choix multiples pour homogénéiser les réponses :

Un choix de commentaires pour chaque situation :

Des renvois vers le « Guide amiante à l’attention des médecins du travail et des équipes
pluridisciplinaires. Rôle et responsabilités » de l’OPPBTP [2] :

BIBLIOGRAPHIE
[1] Rapport annuel 2017. Assurance Maladie Risques professionnels, 2017 (https://assurance-maladie.
ameli.fr/qui-sommes-nous/publications-reference/assurance-maladie-risques-professionnels/rapports-
annuels#text_47065/).
[2] BRICHET E, BRICHET O, LOIZEAU M - Guide amiante à l’attention des médecins du travail et des équipes
pluridisciplinaires. Rôle et responsabilités. PréventionBTP, 2017 (www.preventionbtp.fr/Documentation/
Explorer-par-produit/Information/Ouvrages/Guide-amiante-a-l-attention-des-medecins-du-travail-et-des-
equipes-pluridisciplinaires-Role-et-responsabilites).

12 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Vous agissez pour la prévention
des risques professionnels en entreprise ?

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et plus diversifiées • Des articles d’analyse

HYGIÈNE • Des outils et des méthodes

& SÉCURITÉ Au sommaire du n° 254 (Mars 2019) :


Dossier / Bruit au travail : de l'évaluation des risques

U TRAVAIL
DU à la prévention
Notes techniques / Autorisation de conduite (AC),
autorisation d'intervention à proximité des réseaux
LA REVUE (AIPR) : deux dispositions complémentaires,
TRIMESTRIELLE un dénominateur commun : le CACES®
Étude de cas / Les led dans l'éclairage horticole :
TECHNIQUE évaluation de l'exposition des salariés aux
DE L’INRS rayonnements optiques
Congrès / SAIS 2018 : sécurité des systèmes industriels
automatisés
Plus d’autres articles et infos dans les rubriques :
Actualité juridique, Focus Normalisation, Notes
techniques, Bases de données, Formation, Fiche HST…

www.hst.fr
OUI, je m’abonne à Hygiène et sécurité du travail (HST)
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pour une durée d’un an, soit 4 numéros. Un bulletin
Bâtiment Copernic - 20, avenue Édouard-Herriot
de réabonnement me sera adressé à échéance. 92 350 Le Plessis-Robinson
Tél. : 01 40 94 22 22

RST 157
E-mail : inrs@cometcom.fr
À remplir en lettres capitales :
MME M.
NOM : …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… PRÉNOM : .............................................................................................................................................

SOCIÉTÉ : ................................................................................................................................................. CODE APE : ...................................................................................................................………..............

ADRESSE : ......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................…………………………....
VILLE :.................................................................................................... CODE POSTAL : ..................................................... PAYS : .......................…………………………..............................

TÉL. :......................................................................................................... E-MAIL : ...................................................................................................................................................................................................

Profession (cochez la case) : Tarifs annuels 2019* (1 an / 4 n°)


Chargé de prévention en entreprise France : 72 €
Intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP) DOM : 78 €

Médecin du travail TOM et Europe : 84 €


Reste du monde : 90 €
Formateur
* exonération TVA
Ressources humaines
Chef d’entreprise
Je règle comptant :
Chercheur Par chèque à l’ordre de l’INRS
Autre Par virement bancaire sur le compte de l’INRS
(IBAN : FR44 3000 2005 7200 0000 0309 D24 –
BIC : CRLYFRPP) et recevrai une facture acquittée.

Le traitement des données recueillies a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL (récépissé n°1677876 du 11 juin 2013). Elles sont conservées dans un fichier géré par l’INRS. Conformément à l’article 34 de la loi
Informatique et libertés du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous disposez d’un droit d’accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent. Pour l’exercer, adressez un courrier à
INRS, département Produits d’information, 65 boulevard Richard Lenoir, 75011 Paris, France ou par mail à : donnees.personelles@inrs.fr
NOUVEAUTÉS DE L’INRS

Brochures, dépliants, vidéos, films


d’animation et documents en ligne…

Faire face au feu


Destiné aux PME/PMI et TPE, ce dépliant rappelle l'im-
portance des consignes de sécurité en cas d'incendie
et insiste sur la nécessité de former le personnel pour
intervenir au mieux en cas d'urgence.
Réf. INRS ED 6060, dépliant 3 volets.

Analyser le travail pour


maîtriser le risque TMS
Le nombre de troubles muscu-
losquelettiques (TMS) reconnus
comme maladies professionnelles
ne cesse d'augmenter. Ce docu-
Le risque routier en mission Acquisition et intégration ment a pour objectif de répondre
Guide d'évaluation des d'un exosquelette en aux interrogations les plus fré-
risques entreprise quentes des décideurs sur l'intérêt
De nombreux salariés passent une Ce guide, destiné aux préventeurs, de faire appel à une prestation er-
partie importante de la journée au permet à l'entreprise d'appréhen- gonomique pour analyser le travail
volant d'un véhicule dans le cadre der les nombreuses questions en vue de maîtriser les TMS.
des missions qu'ils effectuent pour posées par l'intégration d'un exos- Ce dépliant est complété utilement
leur entreprise. Ils sont dès lors quelette. Il propose une démarche par la brochure ED 860 « Passer
exposés à un risque d'accident allant de la définition du besoin commande d'une prestation ergo-
sur la route. Cet ouvrage aide les d'assistance physique jusqu'à son nomique dans le cadre d'une action
entreprises à évaluer ce risque pro- intégration en situation. de prévention des troubles muscu-
fessionnel et à mettre en place des Réf. INRS ED 6315, 32 p. losquelettiques ».
mesures de prévention du risque Réf. INRS ED 865, 3e édition, dépliant
routier adaptées. 2 volets.
Réf. INRS ED 6329, 32 p.

14 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


NOUVEAUTÉS DE L’INRS

Les Rendez-vous. Horaires atypiques : une émission proposée par Travail & Sécurité
www.travail-et-securite.fr/ts/les-rendez-vous-ts.html
Depuis janvier 2019, la rédaction de Travail & Sécurité, magazine mensuel de l'INRS, propose
un nouveau rendez-vous sur le site de l'Institut. Il s’agit d’une table ronde filmée qui permet
d’approfondir des sujets abordés dans la revue. Des experts répondent aux questions qui se
posent sur un sujet donné et des représentants d’entreprises viennent témoigner de leur
expérience. Ce premier « Rendez-vous » est une émission consacrée aux horaires atypiques,
notamment au travail de nuit et au travail posté, en complément du dossier publié le même
mois dans le magazine. La vidéo de 53 minutes est en ligne.

Les pots en entreprise


Lors des pots d'entreprise, quelles mesures doivent
être mises en œuvre pour prévenir les risques liés à la
consommation d'alcool ?
Le Dr Philippe Hache, conseiller médical à l'INRS, rap-
pelle ce que prévoit le Code du travail et présente
quelques recommandations.
Réf. INRS Anim-168, 1 min 56.

Focus juridique. Pots d’entreprise et alcool : quelles sont les règles applicables ?
www.inrs.fr/publications/juridique/focus-juridiques/focus-pots-entreprise-alcool.html
De nombreuses entreprises organisent des pots. Moments de convivialité, ils contribuent à renforcer les liens du collectif de travail.
Mais la consommation de boissons alcoolisées peut constituer un facteur de risque pour la santé et la sécurité des salariés. Ce focus
fait le point sur les règles applicables à tous les pots d’entreprise (fin d’année, anniversaire, départ…) : Est-il possible d’organiser
un pot avec des boissons alcoolisées ? Les pots dans les locaux de l’entreprise et le Code du travail ; Les pots en dehors des lieux de
travail ; Existe-t-il des règles spécifiques pour les jeunes travailleurs et les apprentis ? Comment limiter et prévenir les risques ? La
responsabilité de l’employeur peut-elle être engagée en cas d’accident pendant ou après le pot d’entreprise ?

Focus juridique. Quelles sont les principales dispositions du CACES ?


www.inrs.fr/publications/juridique/focus-juridiques/focus-dispositions-caces.html
Le Certificat d’aptitude à la conduite en sécurité, ou CACES (marque déposée par la CNAM) est un dispositif visant à s’assurer des
connaissances théoriques et du savoir-faire pratique des conducteurs de certains engins. Ce focus présente un point sur la régle-
mentation : Quel est le lien entre l’autorisation de conduite et le CACES ? Qui délivre l’autorisation de conduite et dans quelles
conditions ? Quels sont les équipements de travail pour lesquels il existe un CACES ? Comment obtenir le CACES ? Quels organismes
délivrent le CACES ? Quelle est la durée de validité du CACES ? Le titulaire du CACES intérimaire ou intervenant d’une entreprise
extérieure peut-il être autorisé à conduire dans diverses entreprises ?

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 15


NOUVEAUTÉS DE L’INRS

Exposition à l’amiante lors


du traitement des déchets
Les ateliers de moulage Les ateliers de moulage de Guide de prévention
de pièces en alliages pièces en alliages de cuivre Ce document est destiné à infor-
d'aluminium La production française de pièces mer et à fournir des conseils pra-
La production française de pièces en alliage de cuivre représente une tiques de prévention à tous les
en alliage d'aluminium représente consommation annuelle d'environ professionnels qui, travaillant dans
environ 300 000 tonnes par an. 25 000 tonnes de cuivre. les déchèteries ou les installations
La moitié de cette production est Les entreprises plus particuliè- de stockage des déchets, peuvent
destinée à l'industrie automobile. rement visées par ce document être amenés à manipuler et à inter-
Cette activité occupe plusieurs mil- sont les PME réalisant des petites, venir sur des déchets contenant de
liers de personnes qui sont expo- moyennes ou grandes séries, en l’amiante.
sées à des risques multiples sus- sous-traitance pour les différents Réf. INRS ED 6028, 4e édition, 68 p.
ceptibles d'entraîner des atteintes secteurs industriels.
graves à leur santé. Cette brochure présente les prin-
Cette brochure présente les prin- cipaux risques rencontrés dans les
cipaux risques rencontrés dans les fonderies d'alliage de cuivre et les
fonderies d'aluminium et les me- mesures de prévention adaptées. Dernières substances
sures de prévention adaptées. L'or- L'organisation du document est cal- ajoutées ou mises à jour
ganisation du document est calquée quée sur l'enchaînement des opéra- dans Mixie-France
sur l'enchaînement des opérations. tions. www.inrs-mixie.fr
Réf. INRS ED 908, 70 p. Réf. ED 921, 2e édition, 72 p.
Nouveautés
Ces deux documents existent uniquement au format électronique O Bisphénol A
OAcrylate de méthyle
OAcrylate d'éthyle
O1-Méthoxy-2-propanol

Mises à jour
O1,2-Dichlorobenzène
O1,4-Dioxane
OAcétone
OAcétonitrile
OAlcool méthylique
Tutoriel. Logiciel ProtecPo : un logiciel pour mieux protéger sa peau OAmiante
www.inrs.fr/media.html?refINRS=Anim-165 ODichlorométhane
L'INRS et son homologue québécois l'IRSST ont conçu ProtecPo, un logiciel interactif OHydrogène sulfuré
de pré-sélection des matériaux polymères (butyle, fluoroélastomère, latex, polychlo- OMéthylisobutylcétone
roprène et nitrile) utilisés dans les équipements de protection individuelle (gants, On-Hexane
combinaisons et bottes). L'objectif est de proposer aux professionnels de la prévention OPlomb métallique et composés
et aux entreprises un outil d'aide au choix des matériaux les mieux adaptés pour la (en Pb)
protection cutanée, notamment contre les solvants et les mélanges de solvants. Un OToluène
tutoriel pour aider l'utilisateur de l'outil est mis en ligne. Cette vidéo de 2.42 minutes OTriéthylamine
le guide pas à pas. OXylènes (isomères mixtes, purs)

16 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


PARTICIPEZ À LA RECHERCHE

ICIPEZ à l
a
PART
Projection thermique R CHE
E
et soudage : évaluations REC
H

biologique et atmosphérique
des expositions au chrome et au nickel

L es procédés de projection thermique varient


en fonction de la forme du matériau à projeter et
de la source de chaleur. Cette différence influence
Méthodologie
OLa campagne d’évaluation des expositions en entre-
prise repose sur des mesures atmosphériques indivi-
directement la quantité d’aérosols produits, leur duelles et d’ambiance de Cr, Cr VI et Ni, des dosages
distribution granulométrique, et donc leur toxi- urinaires de biomarqueurs d’exposition, mais égale-
cité. Le risque chimique est très présent lors de ment de biomarqueurs d’effets précoces d’atteinte ré-
ces procédés mais également au cours des phases nale et du stress oxydant. Une équipe de l’INRS effec-
d’entretien et de dépoussiérage qu’il convient de tue les prélèvements atmosphériques et les recueils
ne pas négliger. Des études antérieures effectuées urinaires en début et fin de poste durant une semaine
par l'INRS ont permis de constater que les métal- de travail. Afin de mieux interpréter les résultats, un
liseurs étaient exposés de manière différente en questionnaire sur les activités professionnelles et
fonction du procédé de projection thermique mis l’hygiène de vie est proposé à chaque opérateur vo-
en œuvre ; pour une exposition atmosphérique lontaire. Les échantillons prélevés sont conditionnés
équivalente, les concentrations en chrome (Cr) uri- et congelés sur place, puis acheminés à l'INRS pour
naire des métalliseurs étaient plus importantes que analyse. Ces mesures ne perturbent pas l'activité des
celles des soudeurs. Cette nouvelle étude, qui vise à salariés et la bonne marche de l'atelier.
mieux caractériser les expositions, utilisera des tra-
ceurs métalliques non ubiquitaires tels que le Cr et Entreprises recherchées
le nickel (Ni) ou leur alliage, sachant que l'alliage OIndustries du traitement et revêtement des métaux
Ni-Cr est commun aux différents procédés existants. et de tout secteur industriel utilisant divers procédés
De plus, en termes de prévention, le Cr reste un élé- de projection thermique et de soudage.
ment d'intérêt notamment à cause de la présence de
Cr VI, forme cancérogène du Cr.

Objectifs de l’étude
OÉvaluer les expositions professionnelles au Cr et au
Ni lors des divers procédés de projection thermique et Responsable d’étude à contacter :
les comparer à ceux des opérations de soudage moins Nadège Jacoby
exposantes aux particules ultrafines. Tél. : 03 83 50 21 48
O Proposer, à partir des résultats obtenus, une stra- nadege.jacoby@inrs.fr
tégie de surveillance biologique adaptée aux opé- Laboratoire de Biométrologie
rateurs exposés à ces deux métaux et utilisable en Département Toxicologie et biométrologie
santé au travail. INRS, rue du Morvan, CS 60027
OEstimer l’efficacité des moyens de protection indivi- 54519 Vandœuvre-lès-Nancy Cedex
duelle mis en place.

-!23 201 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 1 7


PARTICIPEZ À LA RECHERCHE

Z à la
Exposition aux fluides de
TICIPE
PAR
H E
coupe et marqueurs d’effets
C
R E C HER
précoces : stress oxydant,
inflammation et génotoxicité
(OxIGenoCOM)

L’ utilisation de fluides de coupe dans le pro-


cessus d’usinage de pièces métalliques génère un
aérosol complexe, constitué de gouttelettes liquides
Méthodologie
La campagne de prélèvement, assurée par une équipe
de l’INRS, se déroulera sur les 2,5 premiers jours de tra-
(brouillard d’huile) contenant ou non des particules vail après 2 jours de repos.
solides (métaux…) en suspension dans une phase Les salariés volontaires répondront à un questionnaire
gazeuse (air ou vapeurs organiques). Cet aérosol a sur leurs activités professionnelles, leurs symptômes
été décrit comme possiblement responsable d’in- respiratoires et cutanés et leur mode vie. Des recueils
flammations bronchiques et de cancers chez les d’urine, de condensat d’air exhalé et des mesures de
salariés exposés. Le stress oxydant est un des méca- NO exhalé seront effectués, ainsi qu'un prélèvement
nismes pouvant intervenir dans le développement unique de cellules buccales. Ces salariés volontaires se-
de pathologies inflammatoires et cancéreuses. Ainsi, ront équipés d’appareils de mesures atmosphériques
la mesure de marqueurs d’effets précoces dans l’orga- individuels au cours des 2 premiers jours.
nisme (stress oxydant, inflammation et génotoxicité) Les résultats des prélèvements atmosphériques seront
pourrait détecter les premières modifications de ces restitués à chaque entreprise et des conseils de pré-
paramètres biologiques associées à certains composés vention pourront être donnés.
de cet aérosol. Une caractérisation détaillée de l’expo-
sition pourrait permettre d’identifier les déterminants Entreprises recherchées
de l’exposition (vitesse de rotation de l’outil, capotage O Entreprises utilisatrices de fluide de coupe, de type
de la machine…) influençant ces marqueurs d’effets. fluides solubles.
O Entreprises appartenant principalement au secteur
Objectifs de l’étude de la métallurgie, de la fabrication de produits métal-
O Caractériser l’exposition atmosphérique aux fluides liques ou de l’industrie automobile
de coupe lors d’une campagne d’évaluation dans l’en-
treprise.
O Étudier l’exposition des salariés en mesurant la
concentration de métaux dans le condensat d’air ex- Responsables d’étude à contacter :
halé et celle de métaux et de métabolites des hydrocar-
bures aromatiques polycycliques (HAP) dans l’urine. Eve Bourgkard (03 83 50 21 65) - eve.bourgkard@inrs.fr
O Mesurer des biomarqueurs d’effets précoces que Valérie Demange (03 80 50 98 05) - valerie.demange@
sont le stress oxydant et l’inflammation, et détermi- inrs.fr
ner leurs relations à court terme avec les paramètres Ronan Levilly (03 80 50 85 33) - ronan.levilly@inrs.fr
d’exposition aux fluides de coupe.
O Étudier la symptomatologie respiratoire et cutanée Département Épidémiologie en entreprise et Labora-
et un marqueur de génotoxicité (micronoyaux dans toire Analyses spatiales et temporelles des expositions
des cellules de la muqueuse buccale résultant d’ano- chimiques du département Ingénierie des procédés.
malies de la division cellulaire) en fonction des para- INRS, 1 rue du Morvan, CS 60027, 54519 Vandœuvre-
mètres d’exposition chronique aux fluides de coupe, lès-Nancy Cedex
recueillis par questionnaire.

18 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


PARTICIPEZ À LA RECHERCHE

IPEZ à la
Exposition professionnelle E
PART
IC

RCH
aux silices amorphes REC
H E

nanostructurées : biomarqueurs
d’effets précoces

L es silices amorphes synthétiques (SAS) sont


des substances à l’état nanoparticulaire dont les
caractéristiques physicochimiques permettent
Méthodologie
L’évaluation de l’exposition aux SAS aux postes de
travail se fera au moyen de prélèvements atmosphé-
une multitude croissante d’applications indus- riques individuels et d’ambiance, sur une période de 3
trielles. L’exposition professionnelle aux SAS pour- jours consécutifs.
rait concerner un grand nombre de personnes Les salariés volontaires répondront à un questionnaire
puisqu’elles représentent la 2e classe de substances sur leur mode de vie, leurs antécédents médicaux et
nanoparticulaires produites et importées en France leur carrière professionnelle. Des recueils d’urines, de
et pourraient induire des effets sur la santé des condensat d’air exhalé et des mesures de monoxyde
travailleurs. En effet, les études expérimentales ont d’azote exhalé seront effectués, ainsi qu’une unique
montré une toxicité à court terme (stress oxydant, gé- prise de sang.
notoxicité, apoptose, effets transformant, prothrom- L’ensemble des prélèvements, atmosphériques et bio-
botique, épigénétiques), mais les effets chroniques logiques, sera assuré par une équipe multidisciplinaire
des SAS ont été peu étudiés, les données épidémiolo- de l’INRS.
giques sont très rares et les mesures d’exposition en Les résultats de l’évaluation de l’exposition aux SAS
situation de travail manquent, ce qui ne permet pas seront restitués à chaque entreprise et serviront, le cas
une extrapolation chez l’Homme. Cette étude propose échéant, à adapter les mesures de prévention chez les
d’analyser les relations entre les niveaux d’exposition salariés exposés aux SAS.
professionnelle aux SAS mesurées au poste de travail
et des biomarqueurs d’effets précoces mesurés dans Entreprises recherchées de 2019 à 2022
plusieurs matrices biologiques pour explorer diffé- O Entreprises produisant ou utilisatrices des SAS dans
rents mécanismes physiopathologiques de toxicité. les secteurs de la chimie, de la cosmétique, de la phar-
macie, des industries alimentaires, du papier et du car-
Objectifs de l’étude ton, de la fabrication de produits en caoutchouc et en
O Caractériser l’exposition atmosphérique aux SAS lors plastique.
d’une campagne de mesurage dans l’entreprise.
O Mesurer les biomarqueurs d’effets précoces dans
plusieurs matrices biologiques (condensat d’air exhalé
(CAE), sang, urines) pour explorer différents méca- Responsables d’étude à contacter :
nismes physiopathologiques de toxicité aigüe (stress
oxydant/nitrosant pulmonaire et systémique) et chro- Anca Radauceanu (03 83 50 98 09) - anca.radauceanu@
nique (activités antioxydantes, inflammation systé- inrs.fr
mique exprimée au niveau cardiovasculaire, effets Michel Grzebyk (03 83 50 87 96) - michel.grzebyk@inrs.fr
épigénétiques) et déterminer leurs relations avec l’ex- Christine Bertrand (03 83 50 21 78) - christine.bertrand@
position aux SAS. inrs.fr
O Analyser la relation entre l’exposition aux SAS et la Département Épidémiologie en entreprise, INRS,
fraction exhalée du monoxyde d’azote (FENO) comme 1 rue du Morvan, CS 60027, 54519 Vandœuvre-lès-
marqueur de l’inflammation broncho-pulmonaire. Nancy Cedex
O Tester la faisabilité du dosage de la silice nanomé-
trique dans le CAE et, le cas échant, étudier les relations
entre ces mesures et les niveaux d’exposition atmos-
phérique aux SAS.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 19


2
CONNAISSANCES
ET RÉFÉRENCES
P. 21 GRAND ANGLE

P. 45 VU DU TERRAIN

P. 119 PRATIQUES & MÉTIERS

P. 125 SUIVI POUR VOUS

P. 151 MISE AU POINT

N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


TC 164
GRAND ANGLE

Le risque de cancer du sein


chez les travailleuses
de nuit : état des connaissances
AUTEURS :
G. Caetano, D. Léger, Université Paris Descartes. Assistance publique-Hopitaux de Paris, Centre du sommeil et de la vigilance et service des
pathologies professionnelles et environnementales, Hôtel-Dieu, Paris.

en
résumé

L’exposition professionnelle au MOTS CLÉS


travail de nuit, fixe ou posté, Cancer / Travail
entraînant des perturbations de nuit / Travail
posté / Horaire
de l’horloge biologique et atypique /
© Fabrice Dimier pour l'INRS

des rythmes circadiens, a Organisation


été associée dans plusieurs du travail /
études à un risque accru Recommandation
de cancer du sein chez les
femmes. Néanmoins, la qualité
méthodologique des études
épidémiologiques fait parfois
défaut et le débat scientifique
reste toujours d’actualité
concernant cette association la glande pinéale, libérant moins
statistique, sa grandeur, les L A C A N CÉ RO G É N I CIT É de mélatonine, serait responsable
conséquences en termes DU TR AVAIL DE NUIT : d’une augmentation des niveaux
de morbidité-mortalité, les ÉVOLUTION HISTORIQUE d’œstrogènes en circulation qui, à
recommandations pratiques leur tour, stimuleraient la prolifé-
de surveillance médicale La possibilité d’une association ration du tissu mammaire. Par ail-
et les préconisations pour entre le travail de nuit et le cancer leurs, le rythme circadien des hor-
la prévention des risques du sein a commencé à être discu- mones pourrait avoir un rôle dans
professionnels. La plausibilité tée de façon indirecte à la fin des la genèse du cancer du sein. Sans
biologique de ce risque et les années quatre-vingt. L’hypothèse mentionner le cas particulier des
voies physiopathologiques formulée était que l’exposition à la horaires de travail atypiques, cette
ont été de mieux en mieux lumière artificielle la nuit pourrait hypothèse a permis à la commu-
élucidées. Cette revue de être associée à un risque augmenté nauté scientifique de se demander
la littérature fait le point de cancer du sein dans les pays in- si l’absence chronique de « nuits
des connaissances sur dustrialisés et à une augmentation dans l’obscurité » chez les femmes
le sujet et propose une de son incidence et mortalité dans travaillant de nuit ne pourrait pas
analyse dans la perspective les pays en voie de développement les placer dans une situation plus à
de la santé au travail. [1]. Une réduction de la fonction de risque de développer un cancer du

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 21


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances

sein. Des études animales de plus éléments en faveur d’un excès de le risque de cancer du sein dans
en plus convaincantes sont venues risque de cancer du sein associé au le cadre de l’exposition au travail
appuyer cette théorie [2], qui a aus- travail de nuit, avec des éléments posté de nuit. Alors qu’en 2006 cet
si été confortée par des études chez de preuve limités dans les études organisme avait conclu qu’il exis-
les femmes aveugles, qui présen- cliniques et épidémiologiques. Les tait une association entre le travail
taient un taux plus faible de can- données expérimentales ont été de nuit et le cancer du sein, il consi-
cers du sein [3]. considérées suffisantes. Les experts dère désormais que « cette conclu-
En 2007, le Centre international ont conclu à un « effet probable » sion n'est plus tenable » [8].
de recherche sur le cancer (CIRC) du travail de nuit sur le risque de Ainsi, le débat scientifique sur le
a classé le travail posté qui induit cancer [6]. L’analyse critique des travail de nuit et le risque de cancer
la perturbation des rythmes cir- données de la littérature faite par du sein se poursuit, alors que les dis-
cadiens comme un « cancérogène les experts de l’ANSES porte sur positions du Code du travail français
probable » (groupe 2A). Cette des études publiées entre janvier relatives au suivi de l'état de santé
conclusion était basée sur des 2010 et décembre 2014 (incluant des travailleurs et applicables au 1er
preuves jugées suffisantes issues des études parues jusqu’en juin janvier 2017 ont été modifiées.
d’études d’expérimentation ani- 2015). Au total, vingt-quatre études En 2018-2019, il semble pertinent
male sur la cancérogénicité de épidémiologiques ont été retenues de faire le point des connaissances
l’exposition à la lumière pendant pour l’évaluation de l’effet du tra- sur l’implication de l’horloge bio-
1. Cette notion la nuit biologique 1. Les éléments de vail de nuit sur le cancer du sein : logique et des rythmes circadiens
correspond preuve des études chez l’homme huit études de cohorte prospectives dans le risque de cancer du sein
au moment (huit études) sur le travail posté et seize études cas-témoins, dont chez les travailleuses de nuit, puis
où l’horloge incluant le travail de nuit, étaient sept nichées dans des cohortes. de contextualiser les données
biologique met
jugés limités [4]. Cinq méta-analyses ont aussi été scientifiques dans le cadre de la
tout en œuvre
pour le sommeil. En 2008, le Danemark a été le pre- considérées. réalité du travail et de la santé au
Il s’agit des mier pays où des travailleuses de D’autres organismes se sont pro- travail, en particulier en France.
horaires préférés nuit atteintes d’un cancer du sein noncés sur la question. En 2012, Depuis un peu plus de trois ans, des
de sommeil qui ont été indemnisées. La patholo- la Maison des représentants de nouvelles études ont été publiées,
dépendent donc
gie a été liée à l’exposition profes- l’association médicale américaine apportant quelques éléments nou-
du chronotype et
n’est pas toujours sionnelle au travail de nuit dans 38 (American Medical Association veaux au débat scientifique.
superposable des 75 cas soumis au Comité des House of Delegates) a conclu que L’encadré 1 présente quelques no-
à la nuit maladies professionnelles. Les cas la perturbation circadienne com- tions principales sur le sujet.
astronomique. ayant obtenu une compensation porte des effets cancérogènes po-
Les horaires de la
concernaient des femmes qui tra- tentiels, notamment sur le cancer
nuit biologique
peuvent être vaillaient généralement au moins du sein, associés à la suppression
estimés à partir du une nuit par semaine pendant au de la mélatonine. Dans ce rapport, ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES
questionnaire de moins 20 à 30 ans et où il n'y avait les experts citaient des études de RÉCENTES
Horne-Ostberg. « aucun autre facteur significatif laboratoire sur le rôle de la méla-
pouvant expliquer le développe- tonine comme anti-cancérogène Depuis la publication du rapport de
ment du cancer du sein » [5]. Le can- et suppresseur tumoral. Les élé- l’ANSES, de nouvelles études épidé-
cer du sein associé à l’exposition au ments de preuve des études épi- miologiques sur l’association entre
travail posté et/ou de nuit n’a pas démiologiques étaient toujours l’exposition au travail de nuit et le
été intégré dans les tableaux des limités [7]. Tandis que le CIRC risque de cancer du sein ont été
maladies professionnelles danois, mettait l’accent sur le risque pour publiées : quatre études de cohorte
les dossiers étant évalués indivi- les travailleurs postés, les experts [9 à 12], dont deux sur des cohortes
duellement. américains alertent sur le risque d’infirmières [10, 11], et une étude
En 2016, une expertise collective pour toute personne exposée à la cas-témoins [13]. Les principaux ré-
de l’Agence nationale de sécu- lumière pendant la nuit biologique. sultats quantitatifs de ces travaux
rité sanitaire de l’alimentation, Au Pays-Bas, le Conseil de la santé sont présentés dans le tableau I
de l’environnement et du travail (Health Council of the Netherlands) pp. 24 à 27.
(ANSES) a évalué les risques sani- considérait, dans un avis publié D’autres études s’intéressent à cer-
taires liés au travail de nuit. Les en octobre 2017, que la recherche tains aspects du sommeil [14] ou à
experts concluent qu’il existe des n'est pas concluante concernant l’exposition à la lumière artificielle

22 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


,Encadré 1

> TRAVAIL POSTÉ/DE NUIT ET CANCER DU SEIN : QUELQUES NOTIONS ET LEURS DÉFINITIONS
Horloges biologiques et attribué à des profils distincts basés nuit » et le « travail posté » lors d’un
rythmes circadiens : Le système sur l’immunohistochimie, des tests consensus international, en prenant
circadien comporte une horloge moléculaires et génétiques. en compte l’impact de l’horaire sur la
biologique centrale et des horloges Le cancer du sein est le cancer féminin physiologie circadienne : tout travail
périphériques, et est organisé de le plus fréquent dans l’ensemble des qui comprend au moins trois heures
façon hiérarchique pour harmoniser régions du monde. En France, pays de travail entre minuit et cinq heures
les fonctions physiologiques, à fort taux d’incidence au niveau doit être considéré comme « travail
psychologiques et comportementales européen, le cancer du sein est le de nuit ».
selon une durée d’environ une cancer le plus fréquent et le plus À l’échelle mondiale, on estime
journée terrestre. Des mécanismes meurtrier chez la femme. qu’environ 20 % de la population
moléculaires contrôlent de façon active des pays industrialisés est
rythmique d’autres processus Facteurs de risque de cancer du engagé dans le travail posté et/ou de
moléculaires, physiologiques, sein : Au contraire d’autres types de nuit.
biochimiques et comportementaux, cancer, il n’y a pas de consensus sur la
y compris des évènements tels que cause primaire du cancer du sein. Des Cadre réglementaire : La
le cycle cellulaire, la réparation de facteurs de risque dits « traditionnels » définition légale du travail de nuit
l’ADN, l’apoptose, l’angiogenèse et la tels que des mutations génétiques et du travailleur de nuit adoptée par
métabolisation et détoxification des primaires, l’histoire reproductive, chaque pays n’est pas exactement
médicaments. l’histoire familiale de cancer et les la même. En France, la définition
antécédents de certaines lésions juridique et les dispositions relatives
Cancer du sein : Le cancer du bénignes du sein sont déjà bien au travail de nuit sont prévues aux
sein est une entité nosologique établis. Néanmoins, ils ne permettent articles L. 3122-1 à L. 3122-24 du Code
qui regroupe plusieurs phénotypes d’expliquer qu’une partie du risque. du travail. La directive européenne de
hétérogènes. Biologiquement, il ne 2003 (directive 2003/88/CE) précise
s’agit pas d’une maladie « unique » Travail de nuit : Les chercheurs certains aspects de l'aménagement
mais le terme cancer du sein est ont essayé de définir le « travail de du temps de travail.

nocturne [15 à 22], impliqués dans était auto-rapportée : « avoir déjà tistiquement significative n’a été
le risque de cancer du sein. Elles ont » et « n’avoir jamais » travaillé de retrouvée entre le travail de nuit et
l’intérêt d’explorer des hypothèses nuit ainsi que le nombre d’années l’incidence de cancer du sein dans
mécanistiques, mais la variable tra- d’exposition pour les deux pre- les trois cohortes. Les auteurs consi-
vail posté / de nuit n’est pas prise mières cohortes ; pour l’UK Biobank, dèrent qu’une augmentation du
en compte et ainsi ces études ne se- l’exposition était définie comme un risque relatif d'incidence de can-
ront pas détaillées dans cet article. « emploi actuel incluant du travail cer du sein de seulement quelques
De plus, quatre nouvelles méta- de nuit », sans information sur la pour cent ne peut pas être exclue.
analyses ont aussi été publiées [9, durée de l’exposition. Le critère de Néanmoins, ils concluent que le
23 à 25]. jugement était l’incidence de can- travail de nuit, y compris sur le long
cer du sein (premier diagnostic terme (20 ans ou plus), n’a que très
LES ÉTUDES EN POPULATION de cancer du sein invasif ou décès peu ou pas d’effet sur l’incidence de
GÉNÉRALE attribué à un cancer du sein). Par- cancer du sein. Ils avancent que la
Travis et al. [9] ont analysé les don- mi 795 850 femmes suivies, dont classification du CIRC sur le travail
nées de trois études de cohorte 84 357 exposées au travail de nuit, de nuit comme cancérogène pro-
prospectives menées au Royaume- 7 710 cas de cancer du sein ont été bable pour le sein chez l’humain
Uni : Million Women Study, EPIC-Ox- observés, dont 768 chez les travail- n’est plus justifiée. Ces cohortes
ford et UK Biobank. L’évaluation de leuses de nuit. En analyse multiple sont des études à grande échelle
l’exposition au travail posté de nuit (ajustée), aucune association sta- qui n’ont pas été spécifiquement

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 23


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances

,Tableau I

> PRINCIPAUX RÉSULTATS QUANTITATIFS DES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES RÉCENTES (depuis 2016, après la publication

Auteur, année, Définition du travail Population étudiée et temps de


Mesure de l’exposition Mesure de l’effet
pays de nuit suivi

Travis 3 cohortes prospectives en Cas identifiés par le


2016 population générale, que des registre national, premier
Royaume-Uni [9] femmes ménopausées : diagnostic de cancer
du sein invasif ou décès
« Avoir déjà » et « n’avoir Million Women Study : 522 246 Questions insérées dans
attribué à un cancer du
jamais » travaillé de nuit femmes, dont 72 014 exposées au les questionnaires de
sein (selon l’International
et le nombre d’années travail de nuit ; ré-enquête, mesurées une
Classification of Diseases
d’exposition suivi : 2,6 (moyenne personnes- seule fois
– ICD-10)
années par femme)

EPIC-Oxford : 22 559 femmes, dont


3 270 exposées au travail de nuit ;
suivi : 3,1 (moyenne personnes-
années par femme)
Un « emploi actuel UK Biobank : 251 045 femmes, dont Questionnaire au
incluant du travail de 9 073 exposées au travail de nuit ; moment du recrutement,
nuit », sans information suivi : 3,8 pour les non exposées, mesuré une seule fois
sur la durée de 3,9 pour les exposées (moyenne
l’exposition personnes-années par femme)

Fritschi Travail de nuit : entre 00h Étude cas-témoins en population Questionnaire, entretien. Cas de cancer du sein
2017 et 05h. générale (Breast Cancer Environment Les données détaillées identifiés par le registre
Australie [13] and Employment Study), sur les horaires de travail du cancer de l’État.
Dérèglement circadien initialement publiée en 2013, puis n’étaient disponibles que
(« désynchronisées ») : si réanalyse des données d’exposition pour ceux qui travaillaient Témoins choisis
au moins une heure de pour tenir compte du dérèglement après minuit. aléatoirement sur la liste
travail pendant la nuit circadien. électorale, appariés par
biologique (i.e. les heures l’âge
préférées de sommeil,
estimées à partir du
questionnaire de Horne-
Ostberg).
Dérèglement circadien Parmi 1 385 postes de travail de
« tardif » : présence nuit, 30 ont changé de catégorie
d’au moins une heure (de « pas exposées au travail de
de travail (le soir/nuit) nuit » à « exposées au dérèglement
après le début de la nuit circadien tardif »).
biologique.
Dérèglement circadien
« précoce » : présence
d’au moins une heure de
travail (le matin) avant la
fin de la nuit biologique.
Si l’heure de coucher
préférée était dans les
2 heures après la fin de
leur poste de travail, les
femmes étaient classées
comme « non exposées »
au dérèglement circadien.
AFC : antécédents familiaux de cancer du sein ; AM: âge à la ménarche ; AMS : antécédents de maladie bénigne du sein ; AP : activité physique ; APE : âge à la naissance du
premier enfant ; CA : consommation d’alcool ; CO : contraception orale ; DA : durée de l’allaitement ; DR : distance de la résidence par rapport au lieu de travail ; Ed : niveau
d’éducation ; ER : récepteurs à œstrogènes ; HC : habiter avec un compagnon ; HER2 : facteur de croissance épidermique humain 2 ; HR : hazard ratio ; IMC : indice de masse
corporelle ; IMC-18 : IMC à l’âge de 18 ans ; Mam : utilisation de mammographie ; Men : type de ménopause et âge de la ménopause ; OR : odds ratio ; P : parité ; PN : pays de
naissance ; RR : risque relatif ; SA : santé auto-rapportée ; SSE : statut socio-économique ; T : tabac ; TRH : thérapie de remplacement hormonal.

24 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


du rapport de l’ANSES), PUBLIÉES AU 1ER SEPTEMBRE 2018

RR/OR ou Facteurs
Nombre de cas Catégories d'exposition IC 95%
HR d’ajustement

Âge, SSE, AM,


APE, P, IMC, CA,
T, AP, AFC, HC,
CO, TRH
4 809, dont 673 chez les Avoir déjà vs n'avoir jamais travaillé la nuit (ever vs never)
femmes exposées Toutes professions 1,00 0,92 – 1,08
Infirmières (avec au moins 10 ans de travail) 0,96 0,75 – 1,23
Durée d’exposition :
< 10 ans (400 cas) 0,93 0,83 – 1,03
10-19 ans (140 cas) 1,14 0,96 – 1,35
≥ 20 ans (89 cas) 1,00 0,81 – 1,23
181, dont 28 chez les Avoir déjà vs n'avoir jamais travaillé la nuit (ever vs never) 1,07 0,71 – 1,62
femmes exposées

2 720, dont 67 chez les Travail de nuit vs pas de travail de nuit au moment du recrutement 0,78 0,61 – 1,00
femmes exposées Fréquence du travail de nuit
parfois 0,71 0,50 – 1,00
d’habitude 0,94 0,54 – 1,67
toujours 0,85 0,55 – 1,31
1 201 cas, 1 783 témoins Âge, PN, DR,
SSE, Ed, AM,
APE, P, DA, IMC,
Dérèglement circadien (précoce ou tardif) 1,03 0,86 – 1,23 CA, T, AP, AFC

Dérèglement circadien tardif 1,11 0,90 – 1,36

Dérèglement circadien précoce 0,97 0,78 – 1,21

QQQ

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 25


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances

,Tableau I (suite)

Auteur, année, Définition du travail Population étudiée et temps de


Mesure de l’exposition Mesure de l’effet
pays de nuit suivi

Wegrzyn Nombre total d’années 2 cohortes prospectives, infirmières, Questionnaire, mis à jour Cancer du sein invasif
2017 exposées au travail posté Nurses’ Health Study 1 et 2 – NHS et tous les deux ans auto-rapporté, vérifié
États-Unis [10] avec au moins trois nuits NHS2 : 193 075 femmes, 24 ans de dans le dossier médical
par mois (en plus des suivi
jours ou soirs)
NHS, de 1988-2012, 78 516 femmes
âgées de 42-67 ans lors du
recrutement (surtout période de
retraite, seulement 3 % travaillaient
de nuit en 1996)
NHS2, de 1989-2013, 114 559
femmes âgées de 25-42 ans lors
du recrutement (information sur
l’exposition mise à jour)

Jørgensen “normalement vous Cohorte d’infirmières danoises Questionnaires auto- Décès par cancer du
2017 travaillez” : de nuit 23h00 – (Danish Nurses Organization study), administrés avec sein identifiés dans le
Danemark [11] 07h00, le soir 15h00 – 28 731 infirmières, âgées de 44 ans. information sur les registre danois des causes
23h59, de jour 07h00 – Suivi : 17 ans horaires de travail de décès. (Cette étude
15h00, ou en horaires recueillie une seule fois s’intéressait aussi à la
alternants. lors du recrutement. mortalité toutes causes et
spécifiques)
Vistisen Travail de nuit : tout poste 155 540 femmes salariées du secteur Informations Cas de cancer identifiés
2017 comprenant au moins public, suivies de 2007 à 2012 individuelles, objectives et dans le registre danois
Danemark [12] 3 heures de travail entre (évaluation de l’effet du travail de détaillées sur les heures de cancer du sein et
00h00 et 05h00. nuit sur le risque de cancer du sein de travail au jour le jour, information sur le sous-
Travail de jour : tout poste à court terme). vérifiées sur les registres type de cancer (statut ER
comprenant au moins de paie. et HER2).
3 heures de travail entre
06h et 20h.
AFC : antécédents familiaux de cancer du sein ; AM: âge à la ménarche ; AMS : antécédents de maladie bénigne du sein ; AP : activité physique ; APE : âge à la naissance du
premier enfant ; CA : consommation d’alcool ; CO : contraception orale ; DA : durée de l’allaitement ; DR : distance de la résidence par rapport au lieu de travail ; Ed : niveau
d’éducation ; ER : récepteurs à œstrogènes ; HC : habiter avec un compagnon ; HER2 : facteur de croissance épidermique humain 2 ; HR : hazard ratio ; IMC : indice de masse
corporelle ; IMC-18 : IMC à l’âge de 18 ans ; Mam : utilisation de mammographie ; Men : type de ménopause et âge de la ménopause ; OR : odds ratio ; P : parité ; PN : pays de
naissance ; RR : risque relatif ; SA : santé auto-rapportée ; SSE : statut socio-économique ; T : tabac ; TRH : thérapie de remplacement hormonal.

conçues pour analyser l’impact des de nuit pendant toute sa vie. Ces fai- ont repris et réanalysé les données
différents horaires de travail sur blesses ont été fortement critiquées, de l’étude Breast Cancer Environ-
l’incidence de cancer. Dans deux notamment par les quatre cher- ment and Employment Study [28]
des cohortes, les questions sur le cheurs qui travaillent depuis plus pour tenir compte du dérèglement
travail de nuit ont été ajoutées aux longtemps sur l’épidémiologie du circadien, i.e. en évaluant si les ho-
questionnaires existants. L’échantil- travail de nuit et le risque de cancer raires de travail se déroulent pen-
lon de ces trois études est composé du sein [26]. Ils ont remis en cause dant la nuit biologique des femmes.
de femmes ménopausées, avec un les conclusions de ce travail, qualifié Cette dernière a été estimée à partir
âge moyen lors du recrutement de « mauvaise science ». La réponse du questionnaire de Horne-Ostberg.
dans chaque étude supérieur à 50 de ces chercheurs [27] a permis une Celles qui travaillaient au moins
ans ; le temps de suivi est limité à réelle remise en cause des travaux une heure pendant leur nuit biolo-
2 à 3 ans. L’information sur les ho- de Travis et al. gique étaient considérées « désyn-
raires de travail et la définition de De nouveaux résultats d’une étude chronisées ». Les travailleuses pré-
l’exposition sont imprécises. Une cas-témoins en population générale sentant un chronotype plus tardif
« travailleuse de nuit » pouvait être menée en Australie ont été récem- (défini comme l’heure de coucher
quelqu’un ayant travaillé une fois ment publiés [13]. Les chercheurs préférée dans les 2 heures après la

26 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


RR/OR ou Facteurs
Nombre de cas Catégories d'exposition IC 95%
HR d’ajustement

Âge, Taille,
IMC, IMC-18,
AM, APE, P, DA,
Men, TRH, AFC,
AMS, CA, AP,
5 971 cas Histoire de travail posté de nuit vs pas de travail posté, pendant :
Mam
1-14 ans (3 162 cas) 1,03 0,96 – 1,07
15-29 ans (331 cas) 1,02 0,94 – 1,19
≥ 30 ans (96 cas) 0,95 0,77 – 1,17

3 570 cas Durée de l’exposition au travail de nuit au moment du


recrutement en 1989 :
1-9 ans (2 071 cas) 1,05 0,98 – 1,13
10-19 ans (168 cas) 1,00 0,85 – 1,17
≥ 20 ans (13 cas) 2,15 1,23 – 3,73
Exposition cumulée :
1-9 ans (2 002 cas) 1,04 0,96 – 1,12
10-19 ans (201 cas) 0,94 0,81 – 1,10
≥ 20 ans (35 cas) 1,40 1,00 – 1,97
204 cas Horaire de travail : Âge, T, AP, IMC,
Travail de jour (réf) CA, P, APE, CO,
Soir 1,36 0,90 – 2,03 TRH, Stress, SA
Nuit 1,20 0,70 – 2,08
Alternant 0,95 0,66 – 1,37

1 245 cas, dont Présence de travail de nuit vs travail de jour exclusif Âge, APE, P,
136 ER-/HER2-, Tous sous-types de cancer 0,90 0,80 – 1,01 AFC, CO, CA,
797 ER+/HER2-, Sous-type ER-/HER2- 0,85 0,59 – 1,23 Ed, Mam
77 ER-/HER2+, Sous-type ER+/HER2- 0,80 0,68 – 0,95
108 ER+/HER2+, Sous-type ER-/HER2+ 1,49 0,93 – 2,39
et 127 non classés Sous-type ER+/HER2+ 1,26 0,84 – 1,89

fin de leur poste de travail) étaient LES ÉTUDES DE COHORTES naire, mis à jour tous les deux ans,
classées « non exposées ». Parmi D’INFIRMIÈRES et le taux de suivi cumulé dans ces
1 385 postes de travail de nuit, 30 Des nouvelles données sur les cohortes était supérieur à 90 %. Le
ont changé de classification par deux cohortes d’infirmières aux facteur de risque étudié est l’expo-
rapport à la première analyse. Les États-Unis (Nurses’ Health Study 1 sition au travail posté incluant au
chercheurs n’ont pas retrouvé de et 2 – NHS et NHS2) viennent éga- moins trois nuits par mois. Le cri-
différences significatives entre les lement d’être publiées [10]. Ces tère de jugement principal est la
résultats originaux et ceux qui pre- études correspondent maintenant survenue de cancer du sein invasif
naient en compte le chronotype. à un suivi de 24 ans et explorent (le cancer in situ n’est pas pris en
Les conclusions sont limitées par les davantage les relations entre le compte dans les analyses). Parmi
données manquantes et il n’a pas travail posté de nuit et le risque de 193 075 femmes suivies depuis 24
été possible de calculer le nombre cancer du sein en fonction du mo- ans dans les deux cohortes, 9 541
total de « désynchronisations circa- ment d’exposition au travail posté ont développé un cancer du sein
diennes » au long cours ni d’étudier au cours de la vie et du statut des (5 971 dans la cohorte NHS et 3 570
les femmes qui commençaient le récepteurs hormonaux. Les infir- dans la cohorte NHS2). Dans la
travail avant minuit. mières répondaient à un question- cohorte NHS, aucune association

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 27


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances

statistiquement significative n’a facteurs sur l’incidence du cancer teurs d’œstrogènes et au facteur de
été retrouvée entre l’exposition au du sein : l’âge du début d’exposition croissance épidermique humain
travail posté de nuit et l’incidence (début de carrière, 20-30 ans) et de 2 (HER2). La cohorte comprenait
de cancer du sein (exposition d’au la durée de l’exposition (20 ans ou 155 540 femmes salariées du sec-
moins 30 ans vs pas d’exposition). plus). teur public, suivies de 2007 à 2012.
Le suivi de cette cohorte a majori- Les données de la cohorte d’in- Les informations sur les heures de
tairement eu lieu pendant une pé- firmières danoises [11] (Danish travail au jour le jour étaient dis-
riode où les femmes n’étaient plus Nurses Organization study, 28 731 ponibles sur les registres de paie.
exposées au travail de nuit : seules infirmières, âgées de 44 ans et plus) Le travail de nuit était considéré
3 % des femmes étaient toujours relatives à leurs horaires de travail comme tout poste comprenant
exposées au travail de nuit en 1996. (nuit 23h00 – 07h00, soirée 15h00 – au moins 3 heures de travail entre
Dans la cohorte NHS2, l’exposi- 23h59, alternant, ou de jour 07h00 00h00 et 05h00. Le travail de jour
tion à long terme au travail posté – 15h00) ont été croisées avec le était celui qui comprenait au moins
incluant la nuit était associée à un registre danois des causes de décès 3 heures de travail entre 06h et 20h.
risque accru de cancer du sein : les afin d’identifier les associations Au total, 1 245 cas incidents de can-
femmes ayant déjà au moins 20 entre les horaires de travail et la cers du sein ont été identifiés. Les
ans d’exposition lors du recrute- mortalité toutes causes confon- résultats n’ont pas confirmé d’ef-
ment (HR pour Hazard ratio = 2,15 ; dues et par causes. Pendant les 17 fet global à court terme du travail
IC95 % = 1,23–3,73) et les femmes ans de suivi, il y a eu 204 décès par posté de nuit sur le risque de cancer
avec une exposition cumulée de cancer du sein, dont 16 chez les infir- du sein. Une augmentation modé-
20 ans ou plus (HR = 1,40 ; IC95 % = mières de nuit et 38 chez celles avec rée du risque a été suggérée pour
1,00–1,97) étaient plus à risque par des postes alternants. Le risque de les sous-types de cancer de sein
rapport aux femmes non exposées. mortalité toutes causes pour les de statut HER2 positif, indépen-
Des associations statistiquement infirmières de nuit était de 26 % su- damment du statut ER. Bien que la
significatives ont été aussi obser- périeur par rapport aux infirmières population étudiée soit grande et
vées avec le statut des récepteurs de jour, mais aucune association compte tenu de la période d’expo-
hormonaux des tumeurs et le tra- significative n’a été montrée entre sition retenue (5 ans), la puissance
vail posté de nuit dans la cohorte les horaires de travail et la morta- statistique pour la plupart des
NHS2 : le risque de développer un lité par cancer. L’information sur les sous-analyses était limitée (du fait
cancer du sein invasif exprimant horaires de travail était recueillie par exemple du faible nombre de
les récepteurs à œstrogène (ER+) une seule fois lors du recrutement. sujets exposés selon les combinai-
ou progestérone (PR+) est une fois Aucune information n’était dispo- sons de sous-types de cancers). Les
et demie plus grand chez les infir- nible sur la durée et l’intensité du définitions de « travail de nuit » et
mières travaillant au moins trois travail posté. La mortalité est un « travail de jour » adoptées par les
nuits par mois, cumulé pendant au critère de jugement discutable et chercheurs peuvent amener à une
moins 20 ans (cancer du sein ER+ : certainement pas unique à retenir classification discutable du groupe
HR = 1,50 ; IC95 % = 1,01–2,22 ; can- pour l’évaluation du risque de can- non exposé car des travailleurs pos-
cer du sein PR+ : HR = 1,57 ; IC95 % = cer du sein chez les travailleuses tés, qui commencent avant 05h00
1,04–2,37). postées et/ou de nuit, puisque la ou terminent après minuit, ont pu
Les femmes de la cohorte NHS2 plupart des femmes traitées pour être classés comme travailleurs de
étaient plus jeunes lors du recrute- un cancer du sein à un stade pré- jour [30], même si cela ne concer-
ment par rapport à la cohorte NHS coce seront des survivantes à long nait que 0,32 % de l’échantillon [31].
(25-42 ans vs 30-55 ans), ce qui per- terme [29].
met d’évaluer le risque de l’exposi- LES MÉTA-ANALYSES
tion dès leurs premières années de ÉTUDE SUR LE RISQUE À Ces dernières années, le nombre
travail. COURT TERME de publications sur le travail de
Le fait que l’augmentation du Une autre étude danoise [12] a eu nuit et le risque de cancer du sein
risque ait tendance à disparaître au pour objectif d’examiner si le tra- a augmenté de façon exponen-
cours du temps quand les femmes vail posté de nuit est un facteur tielle, avec parfois plusieurs méta-
ne sont plus exposées au travail de risque à court terme de cancer analyses publiées la même année.
posté de nuit constitue un argu- du sein, incluant les sous types de L’inclusion d’un grand nombre
ment clé de l’importance de deux cancer du sein combinés aux récep- d’études, des critères d’inclusion

28 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


différents d’une méta-analyse à ne sont pas détaillés ni identifiés le même article et de sept autres
l’autre et des conclusions quelques dans le tableau II. études. L’approche utilisée, aussi
fois divergentes d’un travail à La méta-analyse la plus récente bien dans les études originales que
l’autre rendent l’interprétation de a été publiée en 2018 et concerne dans la méta-analyse, est considé-
l’ensemble des publications diffi- cinq études cas-témoins [25]. C’est rée très grossière et a été critiquée
cile. Neuf méta-analyses sur le tra- la première méta-analyse à utiliser [26].
vail de nuit et le risque de cancer des données individuelles com- Au total, neuf méta-analyses sur
du sein ont été publiées au 1er sep- binées (pooled analysis), avec une le travail posté et/ou de nuit et le
tembre 2018 [9, 23, 25, 32 à 37], dont définition homogène du travail de risque de cancer du sein ont été
une incluse dans la monographie nuit (au moins 3h de travail entre publiées entre 2005 et 2018, dont
du CIRC [32] et cinq dans le rap- minuit et 5h), suivant les recom- quatre publiées en 2013. Six études
port de l’ANSES [33 à 37]. Une autre mandations des experts interna- concluent sur une association
méta-analyse sur l’exposition à la tionaux [40]. Un excès de risque de significative entre l’exposition au
lumière la nuit, la durée du som- cancer du sein de 12 % (OR = 1,12 ; travail posté de nuit et le risque
meil, les niveaux de mélatonine IC95 % = 1,00–1,25) a été observé de cancer du sein [23, 25, 32, 33, 36,
endogène et le risque de cancer chez les travailleuses de nuit par 37], dont quatre mettent en évi-
du sein apporte des éléments à la rapport à celles qui n’ont jamais été dence une relation dose-réponse
discussion [38]. Le tableau II (pp. 30 exposées. Chez les femmes pré-mé- entre l’exposition et la survenue de
à 31) identifie les études de cohorte nopausées, ce risque était particu- cancer du sein [23, 25, 36, 37]. Deux
et cas-témoins retenues par les lièrement important lors d’exposi- méta-analyses concluent que les
travaux d'experts et par les méta- tions d’au moins 10h par nuit, trois preuves d’un lien entre le travail
analyses sur les associations entre nuits par semaine, trois nuits par posté de nuit et le cancer du sein
le risque de cancer du sein et le semaine pendant au moins dix ans, sont insuffisantes [34, 35] et une
travail posté et/ou de nuit. Par ail- 20 heures nocturnes par semaine. étude écarte le risque de cancer du
leurs, une méta-analyse de 2018 a L’excès de risque était limité aux sein chez les travailleuses de nuit
été retirée par l'éditeur le 4 février cancers du sein ER+, et en particu- [9].
2019 à la demande des auteurs lier aux ER+ et HER2+. Il n’a pas été Le risque augmenté rapporté varie
[24]. retrouvé d’association significative de 5 % à 48 %. Quatre méta-ana-
Les principaux résultats quantita- chez les femmes ménopausées. lyses retrouvent un risque proche
tifs sont présentés dans le tableau Une autre méta-analyse [23] a de 20 % [33, 34, 36, 37]. Un sur-
III (pp. 32 à 35). Les principales conclu que le travail de nuit est risque de 26 % est retrouvé chez les
conclusions émises par les auteurs significativement et indépendam- femmes pré-ménopausées [25].
des articles ainsi que les remarques ment associé à un risque augmen- Un des groupes professionnels
qui découlent de l’interprétation té de cancer du sein. Celui-ci aug- les plus étudiés est celui des infir-
critique de chaque méta-analyse mente avec le temps d’exposition mières postées de nuit, chez qui le
par les auteurs de cet article sont au travail de nuit (fixe ou posté) : sur-risque varie de 14 % (pour une
résumées dans le tableau IV (p. 36). 1,9 % à 5 ans, 2,5 % pour 5-10 ans exposition égale ou supérieure
Aucune méta-analyse n’a inclus d’exposition, 7,4 % pour 10-20 ans à huit ans) à 58 %. Le personnel
exactement les mêmes études. Le d’exposition, 8,8 % pour une expo- navigant commercial est aussi
nombre d’études incluses varie de sition supérieure à 20 ans. Par ail- un groupe professionnel qui a été
5 à 16 (tableau II). Certaines méta- leurs, le travail de nuit alternant très étudié. Néanmoins, le rôle
analyses ont évalué également augmente de 8,9 % le risque de joué par l’exposition aux radia-
le lien entre le risque de cancer cancer du sein. Cette méta-analyse tions cosmiques n’est pas évalué
du sein et des variables d’intérêt prend en compte les données de six de façon précise, ainsi que l’effet
autres que le travail posté et/ou cohortes prospectives. du décalage horaire, ce qui entrave
de nuit : personnel navigant [32, À l’inverse des auteurs précédents, les conclusions et en fait un modèle
34, 37] ; exposition nocturne à la Travis et al. [9] concluent que le d’étude très controversé.
lumière artificielle [37, 38] ; durée et travail de nuit n’a que très peu ou Les études rapportent de façon
qualité du sommeil [37, 38] ; taux de pas d’effet sur l’incidence du can- assez concordante une augmenta-
mélatonine endogène [38]. Néan- cer du sein. Les auteurs prennent tion de 3 à 5 % du risque de cancer
moins, les travaux qui n’ont pas de en compte les données des trois du sein par tranche de 5 ans d’expo-
données sur le travail posté/de nuit études originales publiées dans sition au travail posté de nuit [23,

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 29


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances

,Tableau II

> IDENTIFICATION DES ÉTUDES DE COHORTE ET CAS-TÉMOINS RETENUES PAR LES TRAVAUX D'EXPERTS
ET PAR LES MÉTA-ANALYSES SUR LES ASSOCIATIONS ENTRE LE RISQUE DE CANCER DU SEIN ET LE TRAVAIL
POSTÉ ET/OU DE NUIT
Travaux d’experts et méta-analyses
TRAVAIL DE NUIT,
ÉTUDES DE COHORTE CIRC ANSES Megdal Jia Kamdar Ijaz Wang Yang He Lin Travis Cordina-
2007 [4] 2016 [6] 2005 [32] 2013 [33] 2013 [34] 2013 [35] 2013 [36] 2014 [38] 2015 [37] 2015 [23] 2016 [9] Duverger
2018 [25]

Schernhammer et al., X X X X X X X X X X
2001, États-Unis
Schernhammer et al., X
2005, États-Unis a
Schernhammer et al.,
2006, États-Unis X X X X X X X X X

Schernhammer et al., X
2014, États-Unis a
Wegrzyn et al.,
2017, États-Unis
Schwartzbaum et al., X X X X X
2007, Suède b
Pronk et al., X X X X X X X X
2010, Chine
Knutsson et al., X X X X X X
2013, Suède
Koppes et al., X X
2014, Pays-Bas
Gu et al., X
2015, États-Unis
Akerstedt et al., X X
2015, Suède
Travis et al., X
2016, Royaume-Uni
Jørgensen,
2017, Danemark b
Vistisen et al.,
2017, Danemark
TRAVAIL DE NUIT,
ÉTUDES CAS-TÉMOINS

Tynes et al., X X X X X X
1996, Norvège c
Hansen et al., X X X X X X X
2001, Danemark c
Davis et al., X X X X X X X X X
2001, États-Unis d
Lie et al., X X X X X X
2006, Norvège c
O’Leary et al, X X X X X X X X
2006, États-Unis d
Pesch et al., X X X X X X X
2010, Allemagne
Lie et al.,
2011, Norvège c X X X X X X QQQ

30 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Travaux d’experts et méta-analyses
TRAVAIL DE NUIT,
ÉTUDES CAS-TÉMOINS
(suite) CIRC ANSES Megdal Jia Kamdar Ijaz Wang Yang He Lin Travis Cordina-
2007 [4] 2016 [6] 2005 [32] 2013 [33] 2013 [34] 2013 [35] 2013 [36] 2014 [38] 2015 [37] 2015 [23] 2016 [9] Duverger
2018 [25]

Hansen & Lassen, X X X X X


2012, Danemark c
Hansen & Stevens, X X X X X
2012, Danemark c
Ménégaux et al., X X X X X
2013, France
Fritschi et al., X X X
2013, Australie d
Grundy et al., X X X
2013, Canada
Rabstein et al., X
2013, Allemagne
Li W 2011, X X
Chine (thesis) e
Li W et al., X X
2015, Chine c
Wang et al., X
2015, Chine
Papantoniou et al., X X
2015, Espagne
Fritschi et al.,
2017, Australie
a. communication orale ou poster lors d'un symposium/congrès ; b. étude de cohorte rétrospective ; c. étude cas-témoins nichée dans une cohorte ;
d. cette étude a aussi analysé l'exposition nocturne à la lumière artificielle ; e. il s'agit d'un travail de thèse, l'article peer-reviewed a été publié en 2015

NB : Schernhammer et al., 2001 correspond aux données de la cohorte NHS ; Schernhammer et al., 2005 et 2006 correspondent aux données
de la cohorte NHS2 ; Schernhammer et al., 2014 et Wegrzyn et al., 2017 correspondent aux données des deux cohortes NHS et NHS2, pour 22
et 24 ans de suivi, respectivement.

35, 36]. Pour les durées d’exposition des limites des études. Chaque fréquence de l’exposition), ont des
les plus longues, supérieures à 15 méta-analyse porte en elle tous critères de jugement différents
ou 20 ans, les risques retrouvés se les biais de chaque étude qu’elle (incidence de cancer du sein tout
situent respectivement entre 15 % analyse, ce qui explique l’hétéro- type ou invasif, hormono-sensible,
[33] et 8,8 % [23] ; une étude n’a pas généité observée (tableau III). Les tous cancers, mortalité) et uti-
retrouvé d’augmentation de risque principales différences résident lisent plusieurs méthodes de re-
[9]. Une exposition fréquente et as- dans le fait que les études indivi- cueil des données (questionnaires,
sez longue au travail posté chez les duelles analysent des populations entretiens, bases de données,
femmes pré-ménopausées repré- variées (population générale, tra- matrices emploi-exposition). La
sente le risque le plus élevé (* 3 nuits vailleurs, groupes professionnels définition du « travail de nuit » est
par semaine pendant * 10 ans, OR = spécifiques), n’utilisent pas une très variable et la description du
2,55 ; IC 95 % = 1,03 – 6,30) [25]. définition homogène et unique de système horaire très insuffisante
la variable d’intérêt (l’exposition voire absente. Le plus souvent, le
LIMITES DES ÉTUDES ET au travail de nuit / à d’autres fac- recueil des données n’intègre pas
INTERPRÉTATION DES teurs perturbateurs du système les changements d’horaires de tra-
RÉSULTATS circadien), analysent différents vail tout au long de la carrière et
L’interprétation des résultats doit paramètres (travail de nuit fixe, l’effet « travailleur sain » ne peut
se faire à la lumière des forces et travail posté, exposition cumulée, pas être complètement exclu.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 31


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances

,Tableau III

> PRINCIPAUX RÉSULTATS QUANTITATIFS DE NEUF MÉTA-ANALYSES ÉVALUANT LE RISQUE DE CANCER

Auteur Définition du travail de nuit Population étudiée

Megdal Tout horaire de travail comprenant Personnel navigant commercial (PNC) exposé à des
2005 [32] du travail pendant la nuit vols internationaux ou de longue distance, infirmières,
opératrices de radio-télégraphie, travailleuses de
plusieurs compagnies publiques et privées, ou
profession non précisée
Jia Hétérogène, selon les études incluses Population générale, infirmières, militaires, opératrices
2013 [33] de radio-télégraphie, travailleuses
de plusieurs compagnies publiques et privées

Kamdar Hétérogène, selon les études incluses Personnel navigant commercial, infirmières, opératrices
2013 [34] de radio-télégraphie, travailleuses de l’industrie textile,
travailleuses de plusieurs compagnies publiques et
privées

Ijaz Hétérogène, selon les études incluses Population générale, infirmières, militaires, opératrices
2013 [35] de radio-télégraphie, travailleuses de l’industrie textile,
travailleuses de plusieurs compagnies publiques et
privées

Wang Hétérogène, selon les études incluses Population générale, infirmières, militaires
2013 [36]

He Hétérogène, selon les études incluses Population générale, infirmières, militaires, travailleuses
2015 [37] de plusieurs compagnies publiques et privées

* Un comité d’experts de l’HAS a utilisé les critères suivants pour évaluer le risque relatif (RR) de certains facteurs décrits dans la littérature par
rapport aux femmes qui ne présentent pas le facteur de risque de cancer du sein : RR > 4,0 : augmentation majeure du risque ; 2,0 < RR ≤ 4,0 :
augmentation modérée du risque ; 1,1< RR ≤ 2,0 : augmentation modeste du risque ; 1,0 < RR ≤ 1,1 : augmentation très faible du risque [39].
** En général, les auteurs considèrent que : p < 0,10 correspond à une hétérogénéité statistiquement significative ; une valeur I2 < 25 % indique une
hétérogénéité faible, des valeurs comprises entre 25 % et 50 % une hétérogénéité modérée et une valeur > 50 % une hétérogénéité importante.

32 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


DU SEIN CHEZ LES FEMMES AYANT UN TRAVAIL DE NUIT ET/OU POSTÉ.

Méta
Catégories d'exposition, nombre de cas / études IC 95% Hétérogénéité**
RR*

PNC et autres travailleuses de nuit (5 820 cas, 13 études) 1,48 1,36 – 1,61 p = 0,62
PNC vs population générale (198 cas, 7 études) 1,44 1,26 – 1,65 p = 0,37
Travailleuses de nuit autres que PNC (5 622 cas, 6 études) 1,51 1,36 – 1,68 p = 0,68

Avoir déjà vs n'avoir jamais travaillé la nuit (ever vs never)


toutes études (16 262 cas) 1,20 1,08 – 1,33 p < 0,001, I2 = 63 %
études de meilleure qualité – Newcastle-Ottawa Scale ≥ 4 (9 études) 1,40 1,13 – 1,73 p = 0,001
études de cohorte (4 654 cas) 1,08 0,97 – 1,21 p = 0,019, I2 = 52 %
études cas-témoins (11 608 cas) 1,32 1,17 – 1,50 p = 0,137, I2 = 33 %
Durée d'exposition
≥ 15 ans vs absence de travail de nuit 1,15 1,03 – 1,29 p = 0,115, I2 = 40 %
Tout travail posté incluant la nuit vs jamais de nuit (15 204 cas) 1,21 1,00 – 1,47 p < 0,001, I2 = 76 %
Catégorie professionnelle (tout travail posté incluant la nuit vs jamais de nuit)
PNC 1,79 1,25 – 2,57
Travailleuses de nuit outres que PNC 1,14 0,93 – 1,40
Durée d'exposition (cut-off à la médiane, 8 ans)
< 8 ans vs jamais de travail de nuit (13 études) 1,13 0,97 – 1,32 p < 0,001, I2 = 79 %
≥ 8 ans vs jamais de travail de nuit (9 études) 1,04 0,92 – 1,18 p = 0,023, I2 = 55 %
Durée d’exposition et catégorie professionnelle
infirmières, ≥ 8 ans vs jamais de travail de nuit 1,14 1,01 – 1,28
PNC, < 8 ans vs jamais de travail de nuit 2,26 1,08 – 4,75
Durée d'exposition au travail de nuit par tranche de 5 ans vs travail de jour
toutes études 1,05 1,01 – 1,10 I2 = 55 %
études de cohorte (3 études) 1,01 0,97 – 1,05 I2 = 34 %
études cas-témoins (9 études) 1,09 1,02 – 1,20 I2 = 45 %
Exposition cumulée : par accroissement de 300 postes de nuit
toutes études 1,04 1,00 – 1,10 I2 = 58 %
études de cohorte ( 3 études) 1,00 0,97 – 1,04 I2 = 53 %
études cas-témoins (5 études) 1,07 1,00 – 1,10 I2 = 37 %
Avoir déjà été exposé au travail de nuit (8 116 cas) 1,19 1,05 – 1,35
Durée d'exposition par tranche de 5 ans
toutes études 1,03 1,01 – 1,05 p < 0,001, I2 = 70 %
études de cohorte (3 études) 1,02 1,00 – 1,04 p = 0,218, I2 = 34 %
études cas-témoins (7 études) 1,06 1,02 – 1,09 p = 0,001, I2 = 75 %
Exposition cumulée : par accroissement de 500 postes de nuit (4 études) 1,13 1,07 – 1,21 p = 0,060, I2 = 60 %
Fréquence : par augmentation de 3 postes de nuits/mois (3 études) 1,02 0,97 – 1,09 p = 0,072, I2 = 62 %
Tout travail posté (incluant la nuit, 15 études) 1,19 1,08 – 1,32 p < 0,001, I2 = 76 %
PNC (3 études) 1,56 1,10 – 2,21 p = 0,091, I2 = 58 %
Exposition à la lumière la nuit (avoir déjà été exposé: ever, 6 études) 1,12 1,12 – 1,12 p = 0,151, I2 = 38 %
Sommeil de courte durée (7 études) 0,96 0,86 – 1,06 p = 0,078, I2 = 47 %
Durée d'exposition au travail posté par tranche de 10 ans vs jamais
d'exposition au travail posté
toutes études 1,06 0,98 – 1,15
études de cohorte (3 études) 1,03 0,95 – 1,11
études cas-témoins (9 études) 1,16 1,06 – 1,27

QQQ

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 33


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances

,Tableau III (suite)

Auteur Définition du travail de nuit Population étudiée

Lin Hétérogène, selon les études incluses Population générale, infirmières


2015 [23]

Travis Hétérogène, selon les études incluses Personnel navigant commercial, population générale,
2016 [9] infirmières, travailleuses de l’industrie textile,
travailleuses de plusieurs compagnies, publiques et
privées, cohorte de jumeaux

Cordina- Définition homogène du travail de nuit Population générale


Duverger dans toutes les études : au moins 3h de
2018 [25] travail entre minuit et 5h

* Un comité d’experts de l’HAS a utilisé les critères suivants pour évaluer le risque relatif (RR) de certains facteurs décrits dans la littérature par
rapport aux femmes qui ne présentent pas le facteur de risque de cancer du sein : RR > 4,0 : augmentation majeure du risque ; 2,0 < RR ≤ 4,0 :
augmentation modérée du risque ; 1,1< RR ≤ 2,0 : augmentation modeste du risque ; 1,0 < RR ≤ 1,1 : augmentation très faible du risque [39].
** En général, les auteurs considèrent que : p < 0,10 correspond à une hétérogénéité statistiquement significative ; une valeur I2 < 25 % indique une
hétérogénéité faible, des valeurs comprises entre 25 % et 50 % une hétérogénéité modérée et une valeur > 50 % une hétérogénéité importante.

Il faudrait tenir compte notam- il convient d’évoquer les risques « très faible » à « modeste » de
2. Un
ment du type de système horaire comité d’experts relatifs de cancer du sein rappor- cancer du sein. Pour les femmes
(fixe, posté, sens horaire ou anti- de la Haute tés pour d’autres facteurs considé- pré-ménopausées avec une expo-
horaire), de la durée (par période Autorité de santé rés : obésité après la ménopause sition fréquente et assez longue
de 24h et exposition cumulée en (HAS) a utilisé les – entre 1,12 et 1,26 pour les femmes (supérieure à 10 ans) le risque est
critères suivants
années) et de l’intensité (fréquence en surpoids et obèses vs IMC < 25 ; « modeste », voire « modéré ».
pour évaluer
par semaine ou par mois) [40]. le risque relatif contraception orale – 1,24 pour
L’évaluation du risque de cancer du (RR) de certains les utilisatrices courantes vs pas
sein se fait sans connaissance du facteurs décrits d’utilisation ; diabète de type 2 – 1,2
degré de désynchronisation circa- dans la littérature (IC95 % = 1,12–1,28) ; alcool – 0,07 LES MÉCANISMES DE
dienne individuelle de chaque tra-
par rapport aux
femmes qui ne
par 10 g d’alcool par jour ; lésions CANCÉROGENÈSE CHEZ LE
vailleuse exposée, l’« adaptabilité » présentent pas le mammaires avec atypie – supé- TRAVAILLEUR POSTÉ / DE
individuelle au travail posté et/ou facteur de risque rieur à 2, jusqu’à 6 selon les lésions NUIT
de nuit étant très variable [41]. de cancer du concernées [39].
Par ailleurs, les modèles statis- sein : RR > 4,0 : L’augmentation du risque de can- Les mécanismes sont complexes
augmentation
tiques diffèrent dans le choix des cer du sein peut être classée en et associent des connaissances de
majeure du risque ;
co-variables de risque (antécé- 2,0 < RR ) 4,0 : différents niveaux, en fonction plusieurs disciplines, telles que la
dents personnels et familiaux, augmentation des risques relatifs 2. En utilisant chronobiologie, la médecine du
index de masse corporelle – IMC –, modérée du les mêmes critères que ceux du sommeil, l’immunologie, l’endocri-
tabagisme…), dont certaines ont risque ; 1,1< RR ) comité d’experts de la Haute Auto- nologie, la nutrition, la biochimie et
2,0 : augmentation
été liées à l’exposition au travail rité de santé (HAS), il est possible la biologie moléculaire. Quelques
modeste du risque ;
posté et/ou de nuit. Par exemple, 1,0 < RR ) 1,1 : de constater que les risques rap- revues de la littérature [42 à 45] et
l’effet du travail de nuit sur la sur- augmentation très portés par les études analysées des travaux d’experts [46] font l’état
venue du syndrome métabolique faible du risque ci-dessus sur le travail de nuit cor- des connaissances scientifiques ac-
est avéré [6]. Dans ce contexte, [39]. respondent à une augmentation tualisées à ce sujet, en précisant les

34 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Méta
Catégories d'exposition, nombre de cas / études IC 95% Hétérogénéité**
RR*

Tout travail posté/de nuit (10 004 cas) 1,057 1,014 – 1,102 p = 0,358, I2 = 9 %
Durée d'exposition au travail de nuit fixe ou posté (vs travail de jour)
< 5 ans 1,029 0,969 – 1,093 p = 0,223, I2 = 32 %
5 ans 1,019 1,001 – 1,038 p = 0,302, I2 = 18 %
5 – 10 ans 1,025 1,006 – 1,044 p = 0,149, I2 = 44 %
10 – 20 ans 1,074 1,010 – 1,142 p = 0,531, I2 = 0 %
> 20 ans 1,088 1,012 – 1,169 p = 0,185, I2 = 38 %
Travail posté de nuit rotatif vs travail de jour 1,089 1,016 – 1,166 p = 0,838, I2 = 0 %
Avoir déjà vs n'avoir jamais travaillé la nuit (4 660 cas) 0,99 0,95 – 1,03 p = 0,052
Durée d’exposition
≥ 20 ans (930 cas, 8 études) 1,01 0,93 – 1,10 p = 0,011
≥ 30 ans (384 cas, 4 études) 1,00 0,87 – 1,14 p = 0,067
Travail de nuit vs jamais de travail de nuit (6 093 cas) 1,12 1,00 – 1,25 p = 0,44, I2 = 0 %
Femmes pré-ménopausées et : p = 0,62, I2 = 0 %
Travail de nuit vs jamais de travail de nuit 1,26 1,06 – 1,51
≥ 10h / nuit 1,36 1,07 – 1,74
≥ 3 nuits / semaine 1,80 1,20 – 2,71
≥ 3 nuits / semaine pendant ≥ 10 ans 2,55 1,03 – 6,30
≥ 20h heures nocturnes / semaine 1,57 1,11 – 2,23
Travail de nuit actuel ou récent vs arrêté depuis > 2 ans 1,41 1,06 – 1,88

éléments d’impact du travail posté entraînant des désynchronisa- suggéré pour la première fois par
sur les mécanismes physiopatholo- tions circadiennes. L’exposition à Cohen et al. en 1978 [47]. La méla-
giques potentiellement impliqués la lumière artificielle la nuit altère tonine a des effets oncostatiques,
dans la cancérogenèse. la fonction de la glande pinéale et antimitotiques, antiprolifératifs et
diminue voire inhibe la sécrétion anti-angiogenèse (fonction d’inhi-
L’EXPOSITION À LA LUMIÈRE nocturne de mélatonine. C’est en biteur de croissance sur des cellules
LA NUIT diminuant le taux de mélatonine tumorales de plusieurs organes :
C’est le premier mécanisme évoqué (hormone aux propriétés oncosta- sein, ovaire, endomètre, prostate),
par le chercheur Stevens en 1987 [1]. tiques) que la LAN pourrait favo- ainsi qu’une fonction importante
Dans la littérature il apparaît sous riser la survenue et la progression dans la régulation du système im-
l’acronyme « LAN » pour « light at d’un cancer du sein. Des différences munitaire et un effet anti œstrogé-
night » ou ALAN pour « artificial interindividuelles de sensibilité à la nique. Son action sur les radicaux
light at night ». Plus récemment, un lumière aussi bien que des varia- libres lui confère un rôle antioxy-
groupe d’experts du Programme tions selon l’âge ont été évoquées. dant, empêchant les lésions oxyda-
national de toxicologie des États- La quantité totale de lumière per- tives sur l’ADN. La perturbation de
Unis a utilisé l’expression « electric çue sur le nycthémère, le moment la synthèse de la mélatonine dans
light practices » [46]. Ils mettent de l’exposition, la durée, l’intensité le cadre de l’exposition au travail
en évidence le double rôle de la de la lumière et le spectre lumineux posté et/ou de nuit modifierait ses
lumière artificielle : son effet direct détermineraient l’effet observé. effets protecteurs sur la survenue
sur l’horloge circadienne endo- du cancer.
gène, ce qui peut affecter la phase LES EFFETS PROPRES DE LA
de l’horloge et conduire à des dé- MÉLATONINE LA VOIE HORMONALE
synchronisations circadiennes ; Le rôle de la glande pinéale et de L’augmentation des œstrogènes en
son effet facilitateur, permettant la mélatonine dans l’étiologie et la circulation, en l’absence de l’effet
des activités et comportements pathogenèse du cancer du sein a été inhibiteur de la mélatonine, favo-

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 35


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances
,Tableau IV
> PRINCIPALES CONCLUSIONS ÉMISES PAR LES AUTEURS DES MÉTA-ANALYSES ÉVALUANT LE RISQUE DE CANCER
DU SEIN CHEZ LES FEMMES AYANT UN TRAVAIL DE NUIT ET/OU POSTÉ ET PRINCIPALES LIMITES, FORCES ET/OU
REMARQUES SOULEVÉES PAR LES AUTEURS DU PRÉSENT ARTICLE

Principales conclusions Principales limites, forces et/ou remarques soulevées


Étude
émises par les auteurs des études par les auteurs du présent article

Megdal – Le travail posté, y compris le travail de personnel navigant, augmente – La principale limite des 13 études incluses est
2005 [32] le risque de cancer du sein de 48 %. l’ajustement incomplet sur les potentielles variables de
– L’observation d’un risque similaire chez le personnel navigant et confusion : plus les modèles étaient complets pour les
les autres catégories professionnelles est un argument contre les facteurs de risque, plus atténué était le risque de cancer
théories qui suggèrent que l'incidence accrue de cancer du sein chez du sein.
le personnel navigant serait davantage associée à l'exposition aux
rayonnements cosmiques.
Jia – Les résultats retrouvent une association statistiquement significative – Les principales limites résident dans l’hétérogénéité
2013 [33] du travail de nuit dans le risque de cancer du sein. L'association reste des études (définition et mesure de l’exposition, types
significative dans les analyses stratifiées. d’études, covariables prises en compte, différentes
– Le risque est 40 % plus élevé chez les travailleuses de nuit par rapport professions évaluées).
aux femmes n'ayant jamais travaillé la nuit, en prenant en compte les
études de meilleure qualité. Le risque s'élève à 20 %, avec les 13 études
incluses et n'est pas significatif en analysant uniquement les études
de cohorte.
Kamdar – Compte tenu de l'hétérogénéité entre les études analysées, la preuve – Le choix de définir le travail de nuit de longue durée à
2013 [34] semble faible pour appuyer les conclusions des rapports précédents celui égale ou supérieur à 8 ans n’est pas en accord avec
sur une association entre le travail de nuit et un risque accru de cancer la majorité des études (qui définissent le « long terme » à
du sein. 15 ans ou plus).
– Les analyses en sous-groupes suggèrent que le personnel navigant
travaillant sur des vols internationaux ou la nuit et les infirmières
postées de nuit seraient plus à risque de développer un cancer du sein.
Ijaz – Augmentation de 5 % du risque par tranche de 5 ans d’exposition au – L’évaluation de l’exposition au travail de nuit a été
2013 [35] travail posté de nuit. considérée de qualité suffisante dans une seule étude.
– Étant donnée la faible qualité des données d’exposition et la – Les données sont insuffisantes pour évaluer le risque
différence des effets en fonction du type d’étude, ces résultats cumulé basé sur les deux paramètres : la durée et
montrent des preuves insuffisantes d’un lien entre le travail posté de l’intensité de l’exposition.
nuit et le risque de cancer du sein.
Wang – Cette étude a mis en évidence une relation dose-réponse entre – Les limites liées à l’hétérogénéité des études dans la
2013 [36] le travail de nuit et le risque de cancer du sein : augmentation de définition de l’exposition peuvent conduire à des erreurs
3 % du risque par tranche de 5 ans d'exposition au travail de nuit ; de classification.
augmentation de 13 % du risque par exposition cumulée à 500 postes
de nuit.

He – Les perturbations du rythme circadien (travail posté, sommeil de – Les auteurs n’ont pas différencié l’estimation du risque
2015 [37] courte durée, travail comme personnel navigant, présence de lumière du travail posté incluant la nuit de celui n'incluant pas des
pendant la nuit) sont associées à une augmentation du risque de cancer postes de nuit.
du sein chez les femmes. – La réalisation selon les « MOOSE guidelines » est un point
– Une analyse dose-réponse basée sur des études cas-témoins montrait fort.
que chaque période de 10 ans de travail posté était associée à une
augmentation du risque de cancer du sein de 16 %.
Lin – Le risque de cancer du sein augmente avec le temps d’exposition au – Basé sur des études de cohorte prospectives.
2015 [23] travail de nuit : 1,9 % à 5 ans, 2,5 % pour 5-10 ans d’exposition, 7,4 % pour – La réalisation selon les « MOOSE guidelines » est un point
10-20 ans d’exposition, 8,8 % pour une exposition supérieure à 20 ans. fort.
Travis – Le travail de nuit n’a que très peu ou pas d’effet sur l’incidence de – L’étude inclut le résultat de trois nouvelles études
2016 [9] cancer du sein. La classification du CIRC sur le travail de nuit comme publiées dans le même article.
cancérogène probable pour le sein chez l’humain n’est plus justifiée. – Les nouvelles études ont été remises en cause par
– Une augmentation modérée du risque relatif d'incidence de cancer du plusieurs chercheurs.
sein ne peut pas être exclue.
Cordina- – L’excès de risque de cancer du sein chez les travailleuses de nuit était – Utilisation de données individuelles combinées.
Duverger de 12 %. – Utilisation d’une définition homogène du travail de nuit
2018 [25] – Chez les femmes pré-ménopausées, le risque était modifié par des pour les cinq études cas-témoins incluses, ce qui est un
critères de fréquence et intensité d’exposition. point fort.
– L’excès de risque était limité aux cancers du sein ER+, et en particulier
aux ER+ et HER2+.
– Pas d’association chez les femmes ménopausées.
ER : récepteurs à œstrogènes ; HER2 : facteur de croissance épidermique humain 2

36 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


riserait les cancers hormono-sen- la désynchronisation de l’horloge LA VARIABILITÉ INDIVIDUELLE
sibles, comme le cancer du sein. biologique. L’équilibre de l’activité La tolérance à la désynchronisa-
Des gènes de l’horloge exercent cellulaire des cytokines Th1 et Th2 tion circadienne est très variable.
des effets modulatoires dans la est perdu. Les chronotypes matinaux seraient
synthèse et la libération des hor- plus sensibles à une perturbation
mones sexuelles via l’axe hypo- LE MANQUE DE SOMMEIL du rythme circadien par le travail
thalamo-hypophyso-gonadique et (RÉGULARITÉ, QUANTITÉ, de nuit que les plus vespéraux. Par
dans l’expression des récepteurs QUALITÉ) ailleurs, d’autres facteurs comme
hormonaux. L’opportunité d’avoir un sommeil les facteurs de risque connus ou
réparateur et des cycles veille - présumés et des habitudes fami-
LA DÉSYNCHRONISATION sommeil optimaux est un défi liales et sociales doivent être pris
CIRCADIENNE RÉPÉTÉE : pour les travailleuses de nuit. Le en compte. Ces éléments peuvent
RÔLE DES GÈNES HORLOGE sommeil du travailleur de nuit est être des facteurs de confusion,
ET DES HORLOGES CENTRALE plus court et le sommeil de jour- des modificateurs de l’effet ou des
ET PÉRIPHÉRIQUES née est de moindre qualité, plus médiateurs de l’association entre le
Les travailleuses de nuit sont ac- fragmenté et perturbé par l’envi- travail de nuit et le risque de cancer
tives, mangent et dorment à des ronnement extérieur. Des inter- du sein.
moments inadaptés par rapport à relations entre des perturbations
leur heure interne. La désynchro- du système circadien et la dette de
nisation circadienne avec une per- sommeil pourraient contribuer à
turbation des horloges centrale et la genèse du cancer du sein via les ÉLÉMENTS DE PRÉVENTION
périphériques résulte en une cas- lésions de l’ADN et le stress oxyda-
cade de désynchronisation des pro- tif, ainsi que des effets sur la méla- En 2012, la Société française de mé-
cessus biologiques. L’altération de tonine, les œstrogènes, la fonction decine du travail, en collaboration
l’expression des gènes de l’horloge, immunitaire et métabolique [45]. avec d’autres sociétés savantes, a
jouant un rôle dans la régulation publié des recommandations de
de la prolifération cellulaire, l’apop- LE MODE DE VIE bonne pratique pour la surveil-
tose et le cycle cellulaire augmen- Des facteurs de risque du cancer du lance médicale des travailleurs
teraient le risque de cancer. Au ni- sein ont été associés à des facteurs postés et/ou de nuit [50]. En 2014,
veau moléculaire, il a été démontré comportementaux observés chez la Haute Autorité de santé (HAS)
que la privation de sommeil altère les travailleurs de nuit, comme a analysé 69 facteurs potentielle-
la transcription de certains gènes une moindre activité physique ment associés au cancer du sein
de l’horloge. Des mécanismes mo- et une alimentation moins équi- recensés dans la littérature scienti-
léculaires ont été précisés, comme librée, favorisant un surpoids. Ils fique (en dehors des mutations gé-
ceux liés à des modifications épi- peuvent avoir une carence en vita- nétiques primaires) et déterminé
génétiques, à l’inhibition de l’aro- mine D, résultant d’une moindre ceux qui nécessitent un dépistage
matase, à la perturbation de gènes exposition au soleil. Il a été dé- spécifique. L’exposition au travail
suppresseurs (comme le PER2) montré que la vitamine D peut posté et/ou de nuit n’a pas été rete-
ou promoteurs tumoraux. Le rac- synchroniser l’expression de cer- nue comme facteur de risque né-
courcissement des télomères a été tains gènes de l’horloge. Les effets cessitant un dépistage spécifique
associé à l’intensité et à la durée du de la rythmicité de sa synthèse ne du cancer du sein [39]. Ainsi, une
travail de nuit (quatre nuits consé- sont pas encore bien connus. Pour travailleuse de nuit sans facteur de
cutives pendant plus de 5 ans) et ce qui est des comportements ali- risque pour lesquels un dépistage
pourrait contribuer à une augmen- mentaires, une récente étude de spécifique du cancer du sein est
tation du risque de cancer du sein cohorte prospective a mis en évi- recommandé, doit bénéficier d’un
[48]. dence que des perturbations cir- suivi gynécologique annuel, indé-
cadiennes en lien avec l’ingestion pendamment de la durée d’exposi-
L’ALTÉRATION DU SYSTÈME tardive (après 21h30) du dernier re- tion au travail de nuit, dès l’âge de
IMMUNITAIRE pas de la journée pourraient être 25 ans, et est éligible au programme
L’activation des voies pro-inflam- impliquées dans les processus de national de dépistage organisé de
matoires et un état d’inflamma- cancérogenèse [49]. 50 à 74 ans. La prévention du can-
tion chronique ont été associés à cer du sein dans le cadre du travail

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 37


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances

de nuit s’intègre dans la prévention poste de nuit [56, 57]. L’objectif est précier les conséquences éventuelles
plus générale des effets sur la santé le rétablissement d’une relation de du travail de nuit sur la santé et la
du travail de nuit, sans oublier les phase normale entre le pacemaker sécurité des travailleurs, notam-
risques d’accident. Par exemple, circadien endogène et l’horaire de ment du fait des modifications des
agir sur la quantité et la qualité du sommeil décalé des travailleurs. rythmes chronobiologiques, et d'en
sommeil joue certainement sur un appréhender les répercussions po-
des mécanismes biologiques impli- MESURES INDIVIDUELLES tentielles sur leur vie sociale ». Cette
qués dans l’association entre le tra- Ces mesures s’attachent à dimi- visite s’attachera à rechercher des
vail de nuit et le risque de cancer du nuer les effets de la désynchronisa- signes de désynchronisation et de
sein [45]. tion et la dette de sommeil exces- dette de sommeil : fatigue persis-
sive et porte sur [51 à 53] : tante, troubles du sommeil entraî-
MESURES COLLECTIVES Ole maintien d’une bonne hygiène nant une insomnie chronique,
Dans le cas du travail de nuit, le mé- de sommeil ; troubles nutritionnels et métabo-
decin du travail doit être consulté O une bonne hygiène de vie, avec liques, troubles de l’humeur. Néan-
avant toute décision importante notamment une activité physique moins, des individus désynchroni-
relative à sa mise en place ou à la régulière et des repas équilibrés, sés peuvent n’avoir aucun de ces
modification de son organisation. l’absence de tabagisme ; symptômes [41]. L’utilisation de
Quand le travail de nuit ne peut O le respect des périodes d’obscu- médicaments comme les psychos-
être évité, les mesures portent sur rité pendant le sommeil diurne, 3. Le modafinil timulants 3, les hypnotiques ou la
[51 à 54] : l’exposition à la lumière en début est approuvé aux mélatonine, n’est pas cliniquement
O l’organisation du travail de nuit de poste et sa limitation en fin de États-Unis dans justifiée de façon systématique
la prise en charge
de façon à favoriser le temps de poste ; compte tenu de la balance risques-
du syndrome
repos et la régularité des horaires Oles siestes prophylactiques (avant d'ntolérance bénéfices pour les deux premiers
et des rythmes de travail, l’analyse le poste) et de courtes siestes de au travail posté groupes et de la complexité de
des plannings horaires, la mise en moins de 20 minutes (pendant le (Shift work sleep l’administration de la mélatonine
place de siestes [55] ; travail de nuit permettant de re- disorder - SWSD). liée à l’existence d’une courbe de
O les rotations avec un maximum trouver des capacités cognitives et réponse de phase, empêchant ainsi
de 3 nuits consécutives et les rota- utiles pour la prévention des acci- la prévisibilité de l’effet chronobio-
tions en sens horaire seraient pré- dents). tique.
férables (sauf pour les chronotypes Par ailleurs, la caféine prise sous Bien sûr seront recherchés les fac-
matinaux pour lesquels un sens forme de café en début du poste teurs de risque de cancer du sein
antihoraire serait plus adapté) ; de nuit peut réduire le déclin des (notamment en s’assurant que les
Ola mise en place d’actions d’infor- niveaux de vigilance au travail, salariées bénéficient d’un suivi
mation et de sensibilisation sur les même si cela n’a pas d’impact sur gynécologie annuel avec une sur-
effets du travail de nuit et leur pré- le risque accidentel. veillance mammaire), mais aussi
vention, notamment sur l’alimen- les risques pour la grossesse, les
tation ; SUIVI DE SANTÉ maladies cardio-vasculaires ou les
O la mise en place de mesures so- C’est le médecin du travail qui fixe atteintes à la santé mentale [50].
ciales afin de faciliter une meilleure la périodicité des visites d’infor- À l’issue d’une visite médicale, le
conciliation entre la vie profession- mation et de prévention des tra- médecin du travail peut constater
nelle et la vie privée, comme, par vailleurs de nuit, sachant qu’elle ne que l’état de santé de la travail-
exemple, organiser les plannings peut pas dépasser trois ans et qu’il leuse exige qu’elle soit transférée à
horaires selon les horaires des tiendra compte des particularités titre définitif ou temporaire sur un
transports en commun, ou mettre du poste occupé et des caractéris- poste de jour correspondant à sa
à disposition une salle de repos ; tiques du travailleur (par exemple qualification et aussi comparable
O l’exposition à la lumière et à âge, état de santé…). La Société fran- que possible à l'emploi précédem-
l’obscurité, en proposant l’utilisa- çaise de recherche et médecine du ment occupé. Le médecin du tra-
tion judicieuse de la lumière et le sommeil (SFRMS) propose une pé- vail peut, en collaboration avec le
maintien de périodes de sommeil / riodicité annuelle [58]. Le contenu médecin de ville, l'équipe pluridis-
obscurité régulières après la fin du de la visite doit permettre « d'ap- ciplinaire et l'entreprise, anticiper

38 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


les démarches de prévention de la connus) ; la quasi inexistante prise et actualisée tout au long du suivi
désinsertion professionnelle. en compte du chronotype et de et évaluant aussi le rôle des gènes
Des cas pratiques sont présentés l’évaluation de la désynchronisa- de l’horloge dans le risque de can-
dans l’encadré 2 (page suivante). tion circadienne provoquée par le cer du sein chez les travailleuses
travail de nuit ; des différences se- de nuit sont en cours (Nightin-
lon les sous-types de tumeurs, en gale Study, Pays-Bas). Leurs résul-
particulier le statut des récepteurs tats sont très attendus et vien-
CONCLUSION hormonaux et HER2, et statut pré- dront, entre autres, compléter les
ou post-ménopause. connaissances issues notamment
Depuis 30 ans, des études ont L’analyse des études épidémiolo- de la cohorte française CECILE (la
essayé d’évaluer les associations giques les plus récentes ainsi que plus large étude qui a analysé les
entre l’exposition au travail de nuit de 9 méta-analyses (qui ont pris interactions entre le travail de nuit
et le risque de cancer du sein chez en compte 12 études de cohorte et et les gènes circadiens [63]).
les travailleuses exposées. Néan- 16 études cas-témoins sur l’expo- Dans le cadre d’une démarche glo-
moins, les scenarios d’exposition sition au travail posté et/ou de bale de prévention, les équipes de
sont complexes. Les études com- nuit et le risque de cancer du sein) santé au travail privilégieront la
portent un grand degré d’impréci- permet d’affirmer que l’exposi- mise en place de mesures de pré-
sion dans la caractérisation de l’ex- tion au travail posté et/ou de nuit vention organisationnelles limitant
position. Par ailleurs, le cancer du est associée à une augmentation les effets sur la santé du travail de
sein est le cancer le plus fréquent statistiquement significative du nuit, tout en favorisant l’informa-
chez la femme. Plusieurs facteurs risque de cancer du sein. Cette as- tion des salariés sur les risques et
de risque biologiques, environne- sociation est aussi corroborée par leur prévention.
mentaux, comportementaux, so- les avis d’experts. Cependant, il est Des avancées dans plusieurs
cio-économiques et professionnels difficile de bien préciser l’intensité champs de recherche telles que
interagissent entre eux. de ce risque ou de définir un seuil la chronobiologie, la médecine du
Les études de recherche fondamen- critique. Il semble que l’augmen- sommeil, l’immunologie, l’endocri-
tale ont apporté des preuves des ef- tation du risque soit « très faible », nologie, la nutrition, la biochimie
fets de la perturbation circadienne voire « modeste », surtout chez les et la biologie moléculaire permet-
et de la dette de sommeil sur l’on- femmes ayant été exposées plus de tront de préciser les éléments qui
cogenèse mammaire. Même si des 20 ans, spécialement pendant l’âge expliquent le lien probable entre le
voies biologiques précises restent adulte jeune. Une exposition plus travail de nuit et l’incidence de can-
à élucider, il est aujourd’hui admis courte (plus de cinq / dix ans) mais cers et apporteront des éléments
que la perturbation circadienne est intense (au moins trois nuits ou 20 de réponse pour mieux cibler les
impliquée dans le risque de cancer heures par semaine ou bien quatre démarches en santé au travail.
du sein. nuits consécutives) serait aussi res-
Les études épidémiologiques les ponsable d’un risque augmenté.
plus récentes mettent en évidence Chez les femmes pré-ménopau-
des questions pertinentes : l’im- sées associant à la fois une exposi-
portance du moment de l’exposi- tion fréquente et une durée supé-
tion au travail de nuit au cours de rieure à 10 ans le risque semble
la vie ; l’importance de la durée et être « modeste », voire « modéré ».
la fréquence / intensité de l’expo- Compte tenu de la fréquence de
sition ; des difficultés dans la mé- l'exposition chez les femmes,
trologie de l’exposition ; l’ubiquité même si le risque est très
et la prévalence de l’exposition à faible / modeste / modéré, il repré-
la lumière artificielle nocturne ; sente des enjeux majeurs de santé
l’existence de groupes témoins publique, politiques et socio-éco-
BIBLIOGRAPHIE
imparfaits ; des différences géo- nomiques. EN PAGE SUIVANTE
graphiques (qui pourraient être le Des études prospectives avec une
reflet de facteurs insuffisamment définition de l’exposition précise

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 39


GRAND ANGLE
Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
connaissances

,Encadré 2

> ÉTUDES DE CAS Ainsi, il est très probable que le de conseiller à une travailleuse la présence de symptômes
médecin du travail soit amené à qui a été atteinte d’un cancer évoquant des difficultés
Cas 1 : Un cancer du sein être confronté à cette question. du sein de garder un travail d’adaptation aux horaires de
est diagnostiqué chez une Les trajectoires professionnelles permettant une activité la travail, des difficultés spécifiques
travailleuse de nuit. Elle pense des personnes atteintes de plus en phase possible avec chez des groupes de travailleurs
que celui-ci est provoqué par ses cancer peuvent être très son horloge interne. Ainsi, il soumis à certains systèmes
rythmes de travail et voudrait variables. L’étude VICAN 2 sur serait déconseillé à une femme horaires ou postes de travail
que sa maladie soit reconnue les conditions de vie, deux ans avec un chronotype vespéral peuvent être menées. L’outil
comme d’origine professionnelle. après un diagnostic de cancer, a de reprendre un travail qui « grille de lecture de la pénibilité
Le « cancer du sein » ne mis en évidence que parmi les commence à 5h00, ou avec des des horaires décalés » permet à
figure pas comme maladie personnes en emploi au moment horaires irréguliers, atypiques l’employeur d’évaluer les effets
caractérisée désignée dans du diagnostic, 78,2 % ont eu des ou de nuit. Le médecin du nocifs prévisibles [55].
l’un des tableaux de maladies trajectoires continues d’emploi, travail peut aussi proposer Cette démarche d’évaluation
professionnelles en France. 6,6 % ont changé d’emploi, des aménagements d’horaires devrait prendre en compte
Néanmoins, une travailleuse 5,6 % étaient au chômage, 8,4 % de travail dans le cas des que le travail posté incluant
peut constituer un dossier pour étaient en inactivité et 1,2 % à la travailleuses qui poursuivent ou non des postes de nuit
demander que soit reconnue retraite [59]. Néanmoins, il n’y leur activité pendant les constitue un scénario complexe
l’origine professionnelle de a pas de données spécifiques traitements. à multi-expositions, en plus de
son cancer. Dans ce cas, le sur les aménagements de poste Il faudrait se poser la question la spécificité des expositions
cancer du sein doit entraîner dans le cadre du travail de nuit. de la pérennisation du bien- liées au travail lui-même, aux
une incapacité permanente La réinsertion professionnelle des être dans l’emploi et miser sur produits manipulés et aux tâches
prévisible d’au moins 25 % ou personnes atteintes de cancer la réévaluation rapprochée exécutées. Des outils comme
être à l’origine du décès de la nécessite la coopération de tous de l’aménagement du poste/ des auto-questionnaires, des
patiente. Le Comité régional de les professionnels impliqués pour temps de travail au long cours entretiens, ou des données de
reconnaissance des maladies aider la femme à garder sa place et pas seulement lors du retour l’employeur sur les heures de
professionnelles (CRRMP) dans la société par le travail. au travail, car l’objectif est une travail peuvent être facilement
devra alors établir si le cancer Le cancer du sein et son reprise durable avec succès [61]. utilisés par l’équipe de santé au
du sein est essentiellement traitement peuvent influencer Le médecin du travail peut travail ; des tests d’évaluation des
et directement causé par son le bien-être physique, informer et accompagner la performances cognitives et des
travail habituel. Le médecin psychologique, social, travailleuse dans une demande tests de vigilance psychomotrice,
du travail rappellera que c’est professionnel d'une femme au- de reconnaissance de la qualité des capteurs pour évaluer
à la travailleuse de faire la delà de la période immédiate de de travailleur handicapé. l’exposition des travailleurs de
demande de reconnaissance de traitement actif. Les problèmes Enfin, il peut solliciter l’avis nuit à la lumière artificielle ou
maladie professionnelle auprès communs incluent la fatigue, spécialisé des centres du des actimètres pourraient être
de son organisme de sécurité les changements cognitifs, le sommeil ou des services de utilisés sous forme encadrée.
sociale. Lui-même peut rédiger dysfonctionnement cardiaque, pathologies professionnelles et Des biomarqueurs des rythmes
le certificat médical initial et le la sexualité, les problèmes environnementales. circadiens avec des prélèvements
CRRMP lui demandera un avis psychosociaux, la gestion du sanguins, urinaires ou salivaires
motivé portant sur la réalité de poids, la douleur, la fertilité et Cas 3 : L’employeur veut évaluer seraient plutôt réservés aux
l'exposition au risque. les symptômes de la ménopause l’impact des horaires de travail de contextes de recherche, auxquels
Les auteurs de l’article n’ont pas [29]. Il a été démontré que les son entreprise sur l’état de santé le médecin du travail pourrait
connaissance de cas de cancer altérations du rythme circadien des salariés et demande de l’aide s’associer. Dans le futur, le
du sein chez les travailleuses sont fréquentes chez les au médecin du travail. Quels sont médecin du travail pourrait
de nuit reconnus d’origine patients atteints de cancer. Dans les outils à leur disposition ? avoir à sa disposition des outils
professionnelle en France. plusieurs études cliniques, les Des indicateurs de santé, sophistiqués pour mieux cibler
chercheurs ont démontré que le sécurité et qualité de vie les postes les plus à risque
Cas 2 : Est-ce qu’une salariée cycle individuel repos-activité au travail permettent une et ainsi entamer les actions
atteinte de cancer du sein est un indicateur quantitatif de évaluation globale (taux de prévention appropriées,
pourrait revenir sur son poste de la qualité de vie et représente d’absentéisme, arrêts de travail afin d’éviter en particulier les
nuit ? une valeur pronostique pour maladie en lien avec le désynchronisations marquées
La plupart des femmes traitées indépendante des autres travail, accidents de travail et la privation chronique de
pour un cancer du sein à un facteurs cliniques connus [60]. et maladies professionnelles sommeil.
stade précoce seront des À la lumière de ces déclarées…) [62]. Des enquêtes
survivantes à long terme [29]. connaissances, il serait plus avisé sur le lieu de travail pour évaluer

40 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


POINTS À RETENIR
Le cancer du sein est une maladie hétérogène et le travail de nuit un scénario
d’exposition complexe.
Les études de recherche fondamentale ont apporté des preuves des effets de
la perturbation circadienne sur l’oncogenèse mammaire.
Les études épidémiologiques sur l’association travail posté / cancer du sein
présentent des limites, surtout liées à la définition de l’exposition.
L’étude de 9 méta-analyses et des travaux d’experts incluant 26 articles au
total, ainsi que les études épidémiologiques les plus récentes sont en faveur
d’une augmentation statistiquement significative de l’incidence du cancer du
sein chez les travailleuses de nuit.
Il est toujours difficile de bien préciser l’intensité de ce risque ou de définir
un seuil critique ou la combinaison intensité/durée d’exposition la plus à risque
de survenue du cancer. Néanmoins, il semble que l’augmentation du risque soit
très faible / modeste. L’excès de risque s’observe surtout chez les femmes ayant
été exposées plus de 20 ans, spécialement pendant l’âge adulte jeune, ou lors
d’une exposition plus courte mais intense.
Dans le cadre d’une démarche globale de prévention, les équipes de
santé au travail privilégieront la mise en place de mesures de prévention
organisationnelles limitant les effets du travail de nuit sur la santé, tout en
favorisant l’information des salariés sur les risques et leur prévention.

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Le risque de cancer du sein chez
les travailleuses de nuit : état des
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42 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


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MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 43


TF 264
VU DU TERRAIN

Acceptation des exosquelettes


par les opérateurs : étude
exploratoire
AUTEURS :
L. Wioland, L. Debay, JJ. Atain-Kouadio, département Homme au travail, INRS

en
résumé

L’introduction des exosquelettes, MOTS CLÉS


comme toute nouvelle Exosquelette /
technologie, constitue un Technologie
avancée /
changement au niveau de
Trouble musculo-
l’organisation et de l’activité squelettique /
© Deledda

des opérateurs. C’est dans ce TMS / Pathologie


cadre qu’est abordée la question articulaire
spécifique de l’acceptabilité et Figure 1. Exosquelette actif
de l’acceptation de ces dispositifs
par les opérateurs. Pour cela, un
questionnaire a été élaboré et les efforts des opérateurs et ainsi
administré à des utilisateurs, CONTEXTE ET OBJECTIF limitent l’apparition de troubles
anciens utilisateurs et non- musculosquelettiques (TMS), les-
utilisateurs d’exosquelettes. Les exosquelettes et autres dis- quels représentent depuis plus
En termes de santé et sécurité, positifs d'assistance physique, de 20 ans, la première cause de
les résultats préliminaires développés d’abord pour le sec-
présentés permettent de teur médical, émergent de plus
recueillir des informations en plus au sein des entreprises.
sur la qualité de l’interaction Ils sont présentés comme des sys-
opérateur-exosquelette, tèmes permettant de soulager les
d’identifier des points bloquants efforts et d’assister l’opérateur. Les
et/ou facilitateurs de l’usage exosquelettes sont définis comme
de ces dispositifs et d’envisager des « structures externes, revê-
certains facteurs de risques tues par l’opérateur, conçues pour
psychosociaux, physiques et apporter une assistance physique
accidentels chez les utilisateurs. dans la réalisation d’une tâche »,
ils peuvent être énergisés (exo-
squelettes actifs) (figure 1) ou non
énergisés (exosquelettes passifs)
© Deledda

(figure 2) [1, 2]. Certains parlent de


dispositif permettant d’améliorer
les performances physiques [3]. Du
point de vue de la prévention des
risques professionnels, il est atten-
du que ces systèmes compensent Figure 2. Exosquelette passif

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 45


VU DU TERRAIN
Acceptation des exosquelettes par
les opérateurs : étude exploratoire

maladies professionnelles recon- d’acceptation. Le concept d’accep-


nues en France et n’épargnent tabilité concerne les intentions RAPPELS THÉORIQUES
aucun secteur d’activité. des utilisateurs à utiliser ou non
Au-delà de la question de l’efficaci- la nouvelle technologie, alors que Bobillier-Chaumon [4, 5] pro-
té de ces systèmes dans le cadre de l’acceptation désigne son usage pose une synthèse des approches
la prévention des TMS, sujet traité effectif. Ces deux concepts ont théoriques sur la notion de
dans d’autres études par des disci- été essentiellement étudiés en l’acceptabilité/l’acceptation (fi-
plines telles que la physiologie et situation d’introduction des tech- gure 3). Trois orientations théo-
la biomécanique, la question du nologies de l’information et de la riques sont mobilisées.
déploiement d’une nouvelle tech- communication. Actuellement,
nologie dans une organisation est ils deviennent incontournables La première orientation concerne
posée ici. En effet, l’introduction compte tenu de l’évolution conti- les modèles qui cherchent à mieux
d’une nouvelle technologie, quelle nuelle, et particulièrement rapide, concevoir les technologies pour
qu’elle soit, constitue un change- de l’environnement technologique les rendre plus utilisables et com-
ment important au niveau de l’or- dans de très nombreux secteurs patibles avec les besoins et l’acti-
ganisation, des tâches, de l’activité d’activités. L’INRS mène une étude vité des utilisateurs de façon à
des opérateurs ou encore de leurs dont l’objectif est d’aborder cette favoriser leur acceptation. Ce sont
modes opératoires. Une nouvelle question d’acceptabilité/accepta- les modèles de conception ergo-
technologie, même si elle parait tion appliquée aux utilisateurs des nomique qui s’orientent vers une
simple, peut être rejetée par les uti- exosquelettes, afin d’identifier des acceptabilité qualifiée de pratique
lisateurs, alors qu’une autre plus points bloquants et/ou facilita- ou d’opératoire.
complexe peut être acceptée, ou teurs, de renseigner sur la qualité
encore adoptée dans un premier de l’interaction opérateur-exos- La deuxième orientation concerne
temps pour être finalement reje- quelette et ainsi, sur les effets de les modèles sociocognitifs qui
tée. Les raisons sous-jacentes à ces ces dispositifs en termes de santé cherchent à prédire les intentions
différentes situations renvoient et sécurité. Cet article fait le point d’usage de ces technologies : ce
à des questions regroupées sous sur les résultats préliminaires de sont les modèles de l’acceptabi-
la terminologie d’acceptabilité/ cette étude. lité sociale. Le futur utilisateur est

Acceptabilité Concevoir des dispositifs ergonomiques


pratique
Favoriser l’acceptation (modèles de conception)

Acceptabilité Accéder à la représentation subjective


sociale
Prédire l’acceptation de la technologie par ses potentiels
utilisateurs (ex : modèles TAM, UTAUT)

Appréhender l’acceptation :
Acceptation la construction sociale de l’usage
Comprendre l’acceptation
située et des pratiques associées (ex : modèle
de Bobillier-Chaumon)

TAM : Technology Acceptance Model [6]


UTAUT : Unified Theory of Acceptance and Use of Technology [7, 8]

Figure 3. Synthèse des approches théoriques sur acceptabilité/acceptation

46 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


invité à établir une évaluation de du système ne nécessite pas d’ef- certains facteurs ne se dévoilant
la technologie par anticipation. Le fort). Venkatesh [7, 8] fusionne plu- qu’à l’usage. Suite à de nom-
postulat sous-jacent pose l’indi- sieurs modèles, dont le TAM, ce qui breuses études sur cette question,
vidu comme étant capable de se l’amène à proposer le modèle Uni- Bobillier-Chaumon [4, 5] définit
représenter et comparer par anti- fied Theory of Acceptance and Use quatre dimensions déterminantes
cipation des coûts-bénéfices sur of Technology (UTAUT) qu’il valide de l’acceptation située :
un certain nombre de dimensions empiriquement à de nombreuses O la dimension individuelle (acti-
liées ou induites par la technolo- reprises. Ainsi, il y reprend les trois vités propres à l’opérateur). Il est
gie. Les probabilités d’appropria- dimensions que sont les attentes fait référence au coût de l’utilisa-
tion d’une technologie sont éva- en termes de performance (l’utili- tion de la nouvelle technologie sur
luées, pour limiter les risques de té perçue), celles en termes d’effort la charge cognitive (intensification
rejets et exprimer ainsi un degré (facilité d’utilisation), l’influence ou allègement de l’activité, sur ou
potentiel d’acceptation. Il existe sociale définie comme le degré sous-charge mentale, efficacité…)
plusieurs modèles ; l’objectif n’est selon lequel l’opérateur perçoit la et sur la charge émotionnelle (an-
pas de tous les recenser mais de volonté des autres à ce qu’il uti- xiété, satisfaction…) ;
présenter succinctement les plus lise ou non le système. Le modèle O la dimension organisationnelle
utilisés. L’approche sociocognitive ajoute une dimension relative (rapport entre les opérateurs et
met en avant, comme détermi- aux « conditions facilitatrices » l’organisation). Il s’agit de com-
nant du processus d’acceptabilité qui fait référence au degré selon prendre les impacts de l’intro-
sociale, les caractéristiques orga- lequel un opérateur croit qu'une duction de la technologie sur
nisationnelles, technologiques (er- infrastructure organisationnelle différents facteurs tels que la pres-
gonomie fonctionnelle, utilité, uti- et technique existe pour soutenir cription de l’activité, les marges de
lisabilité) et socio-biographiques l'utilisation du système. L’accepta- manœuvre, les règles formelles et
(âge, ancienneté, niveau de for- bilité ne peut pas s’envisager uni- informelles… ;
mation) des utilisateurs poten- quement sous l’angle pratique et O la dimension relationnelle (les
tiels. Des théories complètent ces social mais doit aussi intégrer les collectifs de travail). La question
déterminants en y ajoutant une affects. Dans ce cadre, le TAM, par est d’identifier comment la tech-
forte composante liée aux normes exemple, a été complété par diffé- nologie affecte les activités collec-
sociales. Le modèle le plus connu rents auteurs avec les notions de tives et collaboratives dans le tra-
est le Technology Acceptance Mo- plaisir et d’attrait qui rejoignent vail (équilibres sociaux ; réseaux
del (TAM) de Davis [6]. Ce dernier la notion de satisfaction [9], avec formels ou informels, sentiment
postule que le comportement une dimension hédonique [10] d’appartenance à un groupe…) ;
d’usage est précédé par une inten- (esthétique, symbolique, motiva- O la dimension professionnelle
tion qui dépend de deux facteurs, tionnelle) et une dimension affec- et identitaire. Elle concerne les
« le facteur attitudinal personnel » tive (réactions émotionnelles des conséquences de l’usage de la
et «le facteur normatif social ». Le utilisateurs) [11]. technologie sur la construction et
premier est corrélé à la valeur et la reconnaissance identitaire (évo-
aux conséquences perçues que la La dernière orientation concerne lution du sens du travail, action
personne attribue à son compor- l’acceptation située, c’est-à-dire limitée ou non par la technologie,
tement ou à la technologie et le l’usage effectif de la technolo- évolution de la qualification pro-
second correspond aux croyances gie et le vécu des opérateurs qui fessionnelle et des compétences…).
normatives et au jugement des l’expérimentent concrètement. En effet, une nouvelle technologie
autres. Davis intègre à son modèle Cette approche permet d’évaluer pourrait entraîner une modifi-
deux notions : « l’utilité perçue » ses avantages et inconvénients cation du sens du travail et faire
(degré selon lequel une personne en situation de travail. Le principe évoluer de façon positive ou néga-
pense que l’utilisation d’un sys- repose sur le fait que les trans- tive la façon dont un opérateur
tème améliore sa performance au formations de l’activité initiale construit ses compétences, son ex-
travail) et la « facilité d’utilisation induites par la technologie auront pertise et se représente son travail.
perçue » (degré selon lequel une des incidences sur l’acceptation de Une phase en amont de l’accep-
personne pense que l’utilisation la technologie par les utilisateurs, tation située est la phase d’inté-

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 47


VU DU TERRAIN
Acceptation des exosquelettes par
les opérateurs : étude exploratoire

gration du système c’est-à-dire nelles, subjectives que l’outil peut cette phase se déroule, pour partie,
la manière dont le dispositif prendre au sein de l’activité), ap- en parallèle voire se confond avec
s’insère dans l’organisation, la propriation stratégique (l’accep- celle de l’acceptation située.
situation de travail et dans l’acti- tation serait liée à la possibilité Ces éléments théoriques mettent
vité de l’utilisateur. Ensuite, les des acteurs à l’utiliser pour servir en évidence que le processus
utilisateurs s’approprient la tech- leurs intérêts), appropriation sub- d’acceptabilité/d’acceptation
nologie, c’est-à-dire s’adaptent jective (l’outil se construit et se d’une nouvelle technologie s’ins-
aux caractéristiques de cette der- reconstruit dans l’activité selon crit dans un continuum progres-
nière, apprennent à l’utiliser pour les circonstances de la situation et sif et complexe qui peut être
être capables d'en exploiter les les ressources de l’utilisateur selon appréhendé par des approches et
potentiels. Cette appropriation un processus d’adaptation réci- des dimensions plurielles [12]. Ils
relève donc de processus cognitifs proque) et appropriation instru- montrent également que ce pro-
d'apprentissage. L’appropriation mentale (l’outil est maîtrisé voire cessus est dynamique, en ce sens
comprend 4 composantes : appro- développé par les utilisateurs). que l’utilisation de la technologie
priation symbolique (sens que les Les composantes « subjective » et en situation de travail modifie la
utilisateurs donnent au dispositif, « instrumentale » de l’appropria- relation de l’utilisateur à cette der-
constitué par les valeurs fonction- tion conduisent à considérer que nière. La relation « humain-tech-
nologie » fonctionne en boucle
ou en interactions itératives.
Ceci peut donc amener, à diffé-
Déploiement en entreprise, information, rents moments du processus, des
Conditions facilitantes formation et soutien des collègues
(7 questions) modifications de l’acceptabilité/
et des encadrants
l'acceptation.
Il n’a pas été retrouvé, du point
Mise en place de l’exosquelette, rapidité
de vue de la santé et sécurité, de
Facilité d’utilisation d’apprentissage et utilisation de l’exosquelette résultat d’étude sur les notions
(9 questions) (facilité de mouvement, de déplacement, d’acceptabilité/d’acceptation en
sensation d’empêchement, contrôle des gestes) lien avec les risques profession-
nels (maladies et accidents) dans
le cas des exosquelettes. De même,
En termes de production (vitesse, efficacité,
Attentes de performance productivité, qualité) et de sécurité et santé il apparaît que dans les modèles
(9 questions) (efforts physiques, fatigue, conditions de théoriques, la question de la san-
travail, gênes et douleurs et concentration) té et sécurité n’est pas présente
explicitement sous cette termi-
nologie. Néanmoins des facteurs
Influence sociale de risques physiques ou psycho-
Avis des collègues et de l’encadrement sociaux sont identifiables, notam-
(4 questions)
ment à travers les dimensions pro-
posées par Bobillier-Chaumon [4,
5] (dimension organisationnelle et
Professionnelle Place de l’exosquelette, sens du travail,
individuelle par exemple) et celles
et identitaire compétences et valorisation du métier issues du modèle UTAUT (telles
(8 questions) que la dimension « estimation
des efforts »). Compte tenu des
attentes relatives aux exosque-
Agréabilité de travailler avec l’exosquelette, lettes en termes de soulagement
Affects aimer travailler avec, anxiété, confiance et
(7 questions) des efforts physiques, le ressenti
isolement
des utilisateurs sur ces aspects
est intégré dans la réflexion (par
Figure 4. Les dimensions du questionnaire exemple en termes de fatigue,

48 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


efforts physiques, gênes et dou- entre les concepteurs du question- liser un exosquelette (noté dans
leurs). De même, du point de vue naire, des experts du domaine et le texte « Favo » pour le groupe
de la sécurité sont intégrées les de la technologie et des utilisateurs « favorables ») et un groupe de 20
questions liées aux modifications d’exosquelettes (entretiens auprès opérateurs rejetant le système
des conditions de travail. de 5 utilisateurs d’une même entre- (noté dans le texte « DéFavo » pour
prise). le groupe intitulé « défavorables »)
Conformément aux différents ont été constitués pour l’analyse
ÉTUDE DE L’ACCEPTABILITÉ modèles présentés, les modalités des résultats. Cette partie permet
ET L’ACCEPTATION DES de réponses suivent une échelle de d’alimenter les réflexions autour
EXOSQUELETTES Likert s’échelonnant en 5 niveaux, des questions de l’appropriation et
de « pas du tout d’accord » à « tout de l’acceptation située.
MÉTHODE à fait d’accord ». Dans la seconde partie, sont pré-
Dans cette étude, la question de Pour le recueil des données, six sentés les résultats relatifs aux
l’acceptabilité/l'acceptation des exo- entreprises de secteurs d’activités non-utilisateurs composés d’un
squelettes a été abordée au moyen différents (logistique, agro-alimen- opérateur « Favo », d’un « DéFavo »
d’un questionnaire élaboré spéci- taire et industrie automobile) ont et de trois opérateurs mitigés.
fiquement à cet effet. Ce dernier participé à cette étude prélimi- L’analyse de leurs résultats fournit
intègre les dimensions du modèle naire. Une entreprise a été sollicitée des éléments sur la question de
UTAUT, celles relatives à l’accep- pour la phase amont d’élaboration l’acceptabilité sociale.
tation située décrite par Bobillier- du questionnaire, cinq autres l’ont
Chaumon [4, 5] et celles relatives été pour le recueil des données. UTILISATEURS ET ANCIENS
aux questions de confiance et de Au total, 39 opérateurs ont répon- UTILISATEURS
plaisir à travailler avec ce type de du au questionnaire, 31 hommes Conditions facilitantes
technologie. Des items relatifs à la et 8 femmes d’un âge moyen de Les réponses au questionnaire
santé et sécurité (conditions de tra- 36 ans (âge minimum 20 ans et montrent que la majorité des opé-
vail, efforts physiques, fatigue) ou maximum 56 ans). Onze d’entre rateurs utilisateurs et anciens utili-
encore aux contraintes ont été in- eux utilisaient un exosquelette au sateurs a eu connaissance du projet
tégrés dans le questionnaire dans moment de l’étude (utilisateurs), avant son déploiement (64 % des
la dimension « attentes de perfor- 5 n’en avaient jamais utilisé (non- « Favo » et 70 % des « DéFavo »). Une
mance ». utilisateurs) et 23 n’en utilisaient majorité des opérateurs « Favo »
Ainsi, le questionnaire est construit plus pour diverses raisons (test en (79 %) et un peu plus de la moitié
autour de six dimensions (figure 4) : entreprise terminé, rejet de la tech- des « DéFavo » (55 %) ont participé
– les conditions facilitantes, nologie…) (anciens utilisateurs). La à une réunion d’information préa-
– la facilité d’utilisation ou attentes durée de passation du question- lable (55 % des « Favo » et 45 % des
en termes d’effort, naire était comprise entre 15 et 20 « DéFavo ») et à une formation au
– les attentes de performance (ou minutes. dispositif (79 % des « Favo » et 55 %
utilité perçue), divisées en deux Les exosquelettes utilisés par ces des « DéFavo »).
parties : performance du point de entreprises sont passifs (non éner- Cette dimension comprend égale-
vue de la production et du point de gisés) et dédiés à une assistance au ment la représentation que se font
vue de la santé et sécurité, niveau du dos. les opérateurs du soutien qu’ils
– l’influence sociale, pourraient avoir de l’organisation,
– les aspects professionnels et iden- RÉSULTATS encadrants et collègues, en cas
titaires, La première partie des résultats de difficultés. Lorsque la question
– les affects. concerne les utilisateurs et les concerne l’encadrement, les opéra-
anciens utilisateurs qui ont été teurs sont « plutôt d’accord » (50 %
Afin de compléter et d’améliorer le répartis selon qu’ils acceptent ou des « Favo », et 65 % des « DéFavo »)
questionnaire avec des éléments rejettent le dispositif (informa- voire « tout à fait d’accord » (43 %
spécifiques aux exosquelettes, un tion accessible grâce à un item du des « Favo » et 25 % des « DéFavo »)
processus itératif d’échanges et questionnaire). Au final, un groupe avec le fait qu’ils pensent trou-
de validations a été mis en place de 14 opérateurs acceptant d’uti- ver le soutien nécessaire en cas

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 49


VU DU TERRAIN
Acceptation des exosquelettes par
les opérateurs : étude exploratoire

de difficultés. Lorsqu’il s’agit des teurs « Favo » répondent globale- de façon sensiblement moins pro-
collègues les résultats sont plutôt ment positivement puisqu’ils sont noncée (25 % « moyennement d’ac-
mitigés : les opérateurs sont « plu- « plutôt d’accord » à 43 % et « tout cord », 45 % « plutôt d’accord » et
tôt d’accord » (43 % des « Favo » et à fait d’accord » à 36 %. Les opéra- 25 % « tout à fait d’accord »).
15 % des « DéFavo ») ou « tout à fait teurs « DéFavo » émettent un avis Au cours de leur activité, 60 % des
d’accord » (21 % des « Favo » et 20 % sensiblement plus négatif ; ils ne opérateurs interrogés déclarent uti-
des « DéFavo ») avec le fait qu’ils sont « tout à fait d’accord » qu’à liser l’exosquelette en continu du-
bénéficieraient du soutien de leurs 10 %, « plutôt d’accord » à 45 % et rant leur temps de travail. La moitié
collègues et à l’inverse, 21 % des « moyennement d’accord» à 45 %. des opérateurs « DéFavo » exprime
« Favo » et 35 % des « DéFavo » ne Les « Favo » expriment, dans une la nécessité de réajuster l’exos-
sont « pas du tout d’accord » avec large majorité, qu’apprendre à uti- quelette durant leur activité (20 %
cette affirmation. liser l’exosquelette est rapide, (7 % « moyennement d’accord », 45 % de
« moyennement d’accord », 36 % « plutôt d’accord » et 10 % « tout à
Facilité d’utilisation (graphique 1) « plutôt d’accord » et 50 % « tout fait d’accord ») alors que l’inverse est
Concernant la « facilité de mise en à fait d’accord »). Les « DéFavo » exprimé chez les opérateurs « Favo »
place » de l’exosquelette, les opéra- expriment le même point de vue (36 % « pas du tout d’accord »,

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %

FACILITÉ DE MISE Favo


EN PLACE DéFavo

RAPIDITÉ Favo
D'APRENTISSAGE DéFavo

Favo
RÉAJUSTEMENT
DéFavo

FACILITÉ Favo
D'UTILISATION DéFavo

FACILITÉ DE Favo
DÉPLACEMENT DéFavo

FACILITÉ DE Favo
MOUVEMENT DéFavo

PAS DE SENSATION Favo


D'EMPÊCHEMENT DéFavo

CONTRÔLE Favo
DES GESTES DéFavo

J Pas du tout d'accord JPlutôt pas d'accord JMoyennement d'accord


JPlutôt d'accord JTout à fait d'accord

Graphique 1. Dimension « facilité d'utilisation » selon le groupe d’opérateurs

50 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


14 % « plutôt pas d’accord », 29 % Pour les items « facilité de mou- et « DéFavo » pense que leur per-
« moyennement d’accord »). vement » et « facilité de déplace- formance est « identique » avec
Concernant l’utilisation de l’exos- ment », les résultats montrent une ou sans exosquelette (graphique
quelette au cours de l’activité, les augmentation des « moyenne- 2). Néanmoins, en regardant les
opérateurs « Favo » ont un avis glo- ment d’accord » au détriment des résultats par critère, les « Favo »
balement positif. En effet, ils sont « plutôt d’accord » par rapport aux sont plus nombreux que les « Dé-
« plutôt d’accord » et « tout à fait « Favo ». Favo » à faire ce constat au niveau
d’accord » respectivement à 50 % et Concernant l’item relatif à l’ab- de la vitesse (86 % versus 55 %), de
43 % sur la facilité d’utilisation du sence de sensation d’empêche- l’efficacité (79 % vs 55 %) et pro-
dispositif, 50 % et 36 % sur la faci- ment, les avis sont partagés. Ils se ductivité (79 % vs 60 %). Du coté
lité de se déplacer et 71 % et 29 % situent cependant majoritaire- des « DéFavo », c’est la qualité qui
sur la possibilité de faire des mou- ment entre «plutôt pas d’accord » est la plus souvent perçue comme
vements avec l’exosquelette. Ils (35 %) et « pas du tout d’accord » « identique » (85 %). La productivité,
sont également globalement posi- (25 %) même si on constate l’efficacité et la vitesse font l’objet
tifs concernant l’absence de sen- qu’entre 10 et 15 % se positionnent du même constat par un peu plus
sation d’empêchement (« plutôt sur chacun des trois autres niveaux de la moitié d’entre eux.
d’accord » pour 21 % et « tout à fait (moyennement, plutôt et tout à fait En revanche, des différences appa-
d’accord » pour 61 %) et la possibili- d’accord). Une différence entre le raissent entre les deux groupes
té de contrôler leurs gestes (« plutôt groupe « Favo » et « DéFavo » est concernant les réponses extrêmes
d’accord » pour 43 % et « tout à fait notée pour cet item. sur l’échelle proposée. Entre 30 et
d’accord » pour 50 %). 40 % des opérateurs « DéFavo »
Du point de vue des opérateurs Attentes de performance émettent des avis négatifs et
« DéFavo », les avis sont globale- Les avis des opérateurs concernant pensent que leur performance avec
ment positifs en ce qui concerne la performance avec le dispositif exosquelette est « moins impor-
la facilité d’utilisation (50 % sont s’analysent au travers de 4 critères : tante » que sans exosquelette du
« plutôt d’accord » et 20 % « moyen- la vitesse d’exécution de la tâche, sa point de vue de l’efficacité (35 %),
nement d’accord ») et la possibilité qualité, l’efficacité dans la tâche et de la productivité (30 %) et de la vi-
de contrôler les gestes avec l’exos- plus globalement la productivité. tesse (40 %). Aucun des « DéFavo »
quelette (40 % « plutôt d’accord » Les résultats montrent que plus de ne pense que la productivité et la
et 15 % « moyennement d’accord »). la moitié des opérateurs « Favo » vitesse sont « plus importantes »

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
Favo
VITESSE
DéFavo

Favo
EFFICACITÉ
DéFavo

Favo
PRODUCTIVITÉ
DéFavo

Favo
QUALITÉ
DéFavo

J Beaucoup moins importante JMoins importante JIdentique


JPlus importante JBeaucoup plus importante

Graphique 2. Dimension « attentes de performance » selon le groupe d’opérateurs

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 51


VU DU TERRAIN
Acceptation des exosquelettes par
les opérateurs : étude exploratoire

avec un exosquelette. À l’inverse, majorité des opérateurs « Favo » opérateurs qui signalent être « plus
14 % des « Favo » pensent que leur perçoivent leurs efforts physiques fatigués » (20 %), voire « beaucoup
performance est « plus impor- comme « moins importants » plus fatigués » avec l’exosquelette
tante » (productivité, vitesse et effi- (64 %) que lorsqu’ils ne l’utilisent (5 %) sont uniquement des opéra-
cacité) et 7 % qu’elle est « beaucoup pas, d’autres les perçoivent comme teurs « DéFavo ».
plus importante » (productivité, « identiques » (21 %). Les opérateurs Si la majorité des opérateurs
qualité et efficacité) lorsqu’ils uti- « DéFavo » expriment un point « Favo » se prononce clairement
lisent l’exosquelette. Aucun d’entre de vue un peu différent (« moins en faveur d’une amélioration des
eux ne considère que l’efficacité, la importants » pour 45 % et « iden- conditions de travail avec l’exos-
productivité, la qualité et la vitesse tiques » pour 30 %). Il est à noter quelette (43 % sont « tout à fait
sont « moins importantes » avec un que pour 20 % des opérateurs « Dé- d’accord » et 50 % « plutôt d’ac-
exosquelette. Favo », les efforts physiques sont cord », soit 93 % au total), les opé-
À la question de savoir si les opé- perçus comme « plus importants ». rateurs « DéFavo » expriment des
rateurs se sentent en sécurité La moitié des opérateurs « Favo » résultats plus nuancés. La réparti-
lorsqu’ils utilisent l’exosquelette, et 35 % des « DéFavo » perçoivent tion de leurs réponses sur cet item
les « Favo » sont majoritairement leur fatigue comme « identique » montre que 5 % sont « tout à fait
« plutôt d’accord » (71 %), voire avec ou sans exosquelette. Cer- d’accord », 55 % « plutôt d’accord »,
« tout à fait d’accord » (21 %). Les tains opérateurs disent cependant 10 % « moyennement d’accord »,
avis des opérateurs « DéFavo » sont être « moins fatigués » (36 % des 15 % « plutôt pas d’accord » et 15 %
moins positifs puisque 40 % sont « Favo » et 40 % des « DéFavo »), « pas du tout d’accord ».
« moyennement d’accord » et 40 % voire « beaucoup moins fatigués » En termes de gênes et douleurs,
«plutôt d’accord ». Aucun des opé- (14 % des « Favo » et aucun des une minorité des opérateurs, qu’ils
rateurs de ces deux groupes ne dit « DéFavo »). Si seuls des opérateurs soient « Favo » ou « DéFavo », si-
se sentir en insécurité. « Favo » mentionnent être « beau- gnale ne pas ressentir de change-
Au cours de leur activité, quand ils coup moins fatigués », on peut ment avec le port de l’exosquelette
sont équipés d’un exosquelette, la souligner par opposition que les sur la zone assistée par ce dernier

,Tableau I

> ÉVOLUTION DE LA PERCEPTION DES GÊNES ET DOULEURS CHEZ LES OPÉRATEURS FAVORABLES
OU DÉFAVORABLES AU PORT D’EXOSQUELETTE SELON LES PARTIES DU CORPS, PAR RAPPORT AU
NON PORT D’EXOSQUELETTE

Sans Diminution/ Apparition/


LOCALISATION Total
changement disparition aggravation
Rachis cervical Opérateurs favorables 13 0 1 14
Opérateurs défavorables 18 1 1 20
Épaules Opérateurs favorables 12 2 0 14
Opérateurs défavorables 14 3 3 20
Membres Opérateurs favorables 10 4 0 14
supérieurs
Opérateurs défavorables 17 3 0 20
Dos* Opérateurs favorables 4 10 0 14
Opérateurs défavorables 7 11 2 20
Membres inférieurs Opérateurs favorables 10 4 0 14
sauf genoux
Opérateurs défavorables 13 2 5 20
Genoux Opérateurs favorables 12 1 1 14
Opérateurs défavorables 12 3 5 20

* Pour mémoire les exosquelettes utilisés sont passifs et dédiés à une assistance au niveau du dos

52 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


(en l’occurrence le dos). Concernant tration au cours de leur activité est rateurs « Favo » sont « plutôt d’ac-
certaines parties du corps non as- généralement « identique » avec ou cord » avec le fait que les collègues
sistées, la majorité des opérateurs sans exosquelette (71 % des « Favo » sont favorables, 57 % d’entre eux
formule que l’exosquelette n’a pas et 80 % des « DéFavo »). sont « moyennement d’accord » et
d’impact (tableau I). En revanche, en regardant du côté 7 % « plutôt pas d’accord ». Pour les
En termes d’améliorations per- des réponses extrêmes sur l’échelle, « DéFavo », l’inversion de tendance
çues, 10 opérateurs « Favo » sur 14 15% des opérateurs des deux évoquée est encore plus marquée
(soit 71 %) et 11 opérateurs « DéFa- groupes estiment que ce niveau est puisque 40 % sont « moyenne-
vo » sur 20 (soit 55 %) expriment « plus important » et environ 6% ment d’accord », 25 % « plutôt pas
que les douleurs et/ou gênes au qu’il est « moins important ». d’accord » et 25 % « pas du tout
niveau du dos sont moindres avec d’accord » avec le fait que leurs col-
l’exosquelette. Pour les autres par- Dimension sociale lègues soient favorables à l’utilisa-
ties du corps, quelques opérateurs Le questionnaire aborde la manière tion du dispositif.
soulignent aussi une amélioration dont les opérateurs perçoivent le
(par exemple au niveau des bras et point de vue de leur hiérarchie et Dimension sur l’identité profes-
jambes) (tableau I). collègues sur le fait qu’ils utilisent sionnelle (graphique 3)
En revanche, d’autres opérateurs, un exosquelette. La hiérarchie est Le point de vue des opérateurs est
majoritairement des « DéFavo », perçue comme étant globalement globalement positif concernant
signalent l’apparition de nouvelles favorable. En effet, les « Favo » une majorité des items relatifs à
gênes ou douleurs au niveau du sont « plutôt d’accord » (43 %) et la dimension identité profession-
dos mais aussi et surtout au niveau « tout à fait d’accord » (43 %) et les nelle, avec néanmoins une position
des parties du corps non assistées, « DéFavo » s’expriment comme un peu moins marquée chez les
notamment au niveau des épaules, « plutôt d’accord » (40 %) et « tout « DéFavo ». Ainsi, ils sont « tout à fait
genoux et jambes (tableau I). à fait d’accord » (25 %). En revanche, d’accord » avec l’idée que l’exosque-
Les deux groupes d’opérateurs esti- cette tendance s’inverse lorsqu’il lette a sa place dans leur activité
ment que leur niveau de concen- s’agit des collègues. Si 21 % des opé- (79 % pour les « Favo » et 45 % pour

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %

EXOSQUELETTE Favo
A SA PLACE DéFavo

SENS DE Favo
TRAVAILLER AVEC DéFavo

UTILISATION Favo
COMPÉTENCES DéFavo

NOUVELLES Favo
COMPÉTENCES DéFavo

Favo
MÉTIER VALORISÉ
DéFavo

J Pas du tout d'accord JPlutôt pas d'accord JMoyennement d'accord


JPlutôt d'accord JTout à fait d'accord

Graphique 3. Dimensions « identité professionnelle » selon le groupe d’opérateurs

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 53


VU DU TERRAIN
Acceptation des exosquelettes par
les opérateurs : étude exploratoire

les « DéFavo »). Chez les « Favo », et « moyennement d’accord » pour cord », 5 % « plutôt pas d’accord »
57 % sont « plutôt d’accord » et 36 % 21 % de « Favo » et 15 % des « DéFa- et 45 % « moyennement d’accord »
« tout à fait d’accord » avec le fait vo ». avec le fait qu’il est agréable de
que travailler avec l’exosquelette a De même, chez les « DéFavo », les travailler avec l’exosquelette.
du sens et les « DéFavo » sont 40 % avis sont partagés sur l’idée que le Cette répartition des réponses est
« plutôt d’accord » et 25 % « tout à métier est valorisé (répartition des semblable lorsqu’on leur demande
fait d’accord ». Au niveau de l’item avis de façon presque homogène s’ils aiment travailler avec l’exos-
concernant la mise en œuvre de sur l’ensemble des 5 niveaux) alors quelette. Les « Favo » sont « tout
toutes leurs compétences lors de que chez les « Favo », une tendance à fait d’accord » (36 %) et « plutôt
l’utilisation de l’exosquelette, si les plutôt positive est observée (29 % d’accord » (50 %) avec l’affirmation
« Favo » sont positifs (43 % « plu- « moyennement », 29 % « plutôt proposée alors que les « DéFavo »
tôt d’accord » et 50 % « tout à fait d’accord » et 21 % « tout à fait d’ac- sont à 30 % « moyennement d’ac-
d’accord »), les « DéFavo » sont plus cord »). cord », 15 % « plutôt pas d’accord »
partagés puisque la répartition des et 20 % « pas du tout d’accord ».
avis se fait de façon presque homo- Dimension des affects Lorsqu’on interroge les opéra-
gène sur l’ensemble des 5 niveaux. (graphique 4) teurs sur le fait que l’exosquelette
La majorité des opérateurs tend à Les opérateurs « Favo » qualifient produirait de l’anxiété chez eux,
exprimer son désaccord sur l’item le port de l’exosquelette comme les réponses des deux catégories
relatif au développement de nou- globalement plus agréable (21 % d’opérateurs sont globalement né-
velles compétences dans le cas « moyennent d’accord », 57 % gatives, même si les avis peuvent
de l’utilisation d’un exosquelette « plutôt d’accord » et 21 % « tout à être parfois plus tranchés chez
puisqu’ils ne sont « pas du tout fait d’accord ») que les opérateurs certains. Ainsi, les « Favo » ne sont
d’accord » à 29 % pour les « Favo » « DéFavo ». En effet, ces derniers « pas du tout d’accord » à 93 % et
et 45 % pour les « DéFavo », « plutôt expriment un ressenti mitigé « plutôt pas d’accord » à 7 % alors
pas d’accord » pour environ 25 % voire opposé à celui des « Favo » que les « DéFavo » ne sont « pas du
des « Favo » et 21 % des « DéFavo », et 20 % ne sont « pas du tout d’ac- tout d’accord » à 60 % et plutôt pas

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
C'EST AGRÉABLE Favo
DE TRAVAILLER
AVEC DéFavo

J'AIME TRAVAILLER Favo


AVEC DéFavo

Favo
J'AI CONFIANCE
DéFavo

TRAVAILLER AVEC Favo


ME PRODUIT
DE L'ANXIÉTÉ DéFavo

Favo
JE ME SENS ISOLÉ
DéFavo

J Pas du tout d'accord JPlutôt pas d'accord JMoyennement d'accord


JPlutôt d'accord JTout à fait d'accord

Graphique 4. Dimension « affects » selon le groupe d’opérateurs

54 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


d’accord à 15 %. On constate tout dérées globalement comme un de leur performance profession-
de même que 10 % des « DéFavo » préalable nécessaire par les non- nelle sont globalement plutôt
sont « tout à fait d’accord » avec le utilisateurs. Tous soulignent éga- mitigées. Tous les non-utilisateurs
fait que travailler avec l’exosque- lement l’importance de bénéfi- estiment qu’il n’y aura pas de
lette produirait de l’anxiété. cier d’un suivi sur l’utilisation au changement au niveau de la qua-
Concernant la confiance dans l’exo- cours des premières semaines. En lité de leur travail. La majorité
squelette, la répartition des ré- termes de soutien, ils estiment d’entre eux pense que les perfor-
ponses est globalement la même qu’il leur sera facile de se tour- mances, en termes d’efficacité, de
que pour l’item précédent (93 % ner vers l’encadrement et qu’ils vitesse et de productivité seront
des « Favo » sont « plutôt » à « tout auront le soutien des collègues en plutôt dégradées, excepté pour un
à fait d’accord » contre 60 % pour cas de difficultés lors de l’utilisa- opérateur « mitigé » qui pense que
les « DéFavo »). On relève néan- tion de l’exosquelette, même si le son efficacité pourrait être amélio-
moins que 15 % des « DéFavo » degré d’accord peut parfois varier. rée.
ne sont « pas du tout d’accord » Les non-utilisateurs ont tendance
avec le fait d’avoir confiance dans Facilité d’utilisation à penser que l’exosquelette ne
le dispositif alors qu’aucun des Il apparaît que les non-utilisateurs leur permettra pas de travailler en
« Favo » n’exprime cet avis. se représentent la facilité de mise toute sécurité.
Pour le ressenti des opérateurs en place et l’utilisation de l’exos- Les avis sont partagés concernant
concernant leur sentiment d’iso- quelette comme n’allant pas de soi les efforts physiques et le niveau
lement (au sens d'exclusion de puisque des résultats très mitigés de fatigue. En effet 2 opérateurs
l'équipe) lorsqu’ils utilisent l’exos- apparaissent ; chacun des opéra- (« Favo » et « DéFavo ») se les repré-
quelette, qu’ils soient « Favo » ou teurs montre une position diffé- sentent comme plus importants
« DéFavo », les réponses vont dans rente sur l’échelle allant de « pas en cas d’utilisation d’exosquelette
le même sens puisqu’environ 70 % du tout d’accord » à « tout à fait alors que les mitigés se les repré-
d’entre eux ne sont « pas du tout d’accord ». Pour les autres items sentent comme identiques ou
d’accord » avec le fait de se sentir qui composent cette dimension, moins importants.
isolé. Entre 5 % et 7 % ne sont « plu- les opérateurs sont « moyenne- Au niveau des gênes et douleurs,
tôt pas d’accord », 7 % à 15 % sont ment d’accord » ou « plutôt pas les avis sont également parta-
« moyennement d’accord » et 7 % à d’accord » avec les affirmations gés. Deux opérateurs (mitigés sur
10 % sont « plutôt d’accord ». On re- « facile de se déplacer » ou « d’ef- les efforts physiques et le niveau
lève cependant aussi pour cet item fectuer des mouvements » ou en- de fatigue) estiment qu’utiliser
que 7 % des opérateurs « Favo » (soit core avec la question du « contrôle l’exosquelette pourrait conduire
1 opérateur) sont « tout à fait d’ac- des gestes» avec l’exosquelette. Ce à une diminution des douleurs/
cord » avec ce ressenti d’isolement. qui ressort de manière unanime gênes de la zone assistée par le
est que les opérateurs sont « plu- dispositif, 2 autres estiment qu’il
LES NON-UTILISATEURS tôt d’accord » avec le fait qu’ils de- n’y aura aucun changement (opé-
La taille de cet échantillon (5 opéra- vront effectuer des réajustements rateur mitigé et 1 « Favo »). Le
teurs) ne permet pas une analyse de l’exosquelette au cours de leur « DéFavo » estime qu’il y aura une
détaillée, néanmoins quelques ré- activité. apparition de douleurs/gênes en
sultats sont présentés, de façon à Globalement, les opérateurs ont utilisant l’exosquelette.
accéder, même de façon grossière, tendance à penser que l’exosque- Concernant les parties du corps
aux représentations que les non- lette les empêchera de travailler non assistées, quatre opérateurs
utilisateurs se font du dispositif comme ils le souhaitent. De plus, sur cinq estiment qu’une appari-
afin d’alimenter la dimension de la rapidité d’apprentissage n’est tion ou aggravation des douleurs
« l’acceptabilité sociale ». pas perçue positivement d’une est probable (par exemple, l’opéra-
manière générale. teur défavorable pense qu’en plus
Conditions facilitantes de lui créer des douleurs au dos,
Les ressources « techniques » Attentes de performance l’exosquelette pourrait créer des
lors de la phase de déploiement Les représentations des non-utili- douleurs/gênes aux épaules ou
(formation réunion…) sont consi- sateurs concernant l’amélioration aux genoux). Les trois opérateurs

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 55


VU DU TERRAIN
Acceptation des exosquelettes par
les opérateurs : étude exploratoire

mitigés estiment que des soulage- d’accord », « moyennent d’accord » opérateurs acceptent de travailler
ments sont envisageables sur les et « plutôt d’accord »). Globale- avec l’exosquelette, ils interrogent
parties du corps non ciblées par ment, les non-utilisateurs sont néanmoins sur la question de l’im-
l’assistance. « moyennement d’accord » avec le pact de cette technologie sur les
La majorité estime que les niveaux fait qu’ils aimeront travailler avec activités collectives et collabora-
de concentration au cours de leur l’exosquelette. Trois opérateurs tives dans le travail et en particu-
activité seront identiques que ce pensent qu’ils ne seront « pas du lier sur le « collectif de travail ». En
soit sans ou avec l’exosquelette. tout anxieux » s’ils l'utilisaient effet, ce dernier est défini comme
(dont les non-utilisateurs « Favo » la construction, par plusieurs opé-
Dimension sociale et « DéFavo ») alors que deux rateurs, d’une œuvre commune,
Trois opérateurs sont « plutôt d’ac- autres sont « plutôt d’accord » d’un langage commun, des règles
cord » avec le fait que la hiérarchie avec le fait qu’ils pourraient deve- de métier et d’un respect durable
sera favorable à ce qu’ils utilisent nir anxieux. L’opérateur « Favo » de la règle par chacun [13]. De ces
un exosquelette. En revanche un et le « DéFavo » pensent qu’ils règles de métier s’élabore un fac-
seul opérateur est « plutôt d’ac- n’auront pas confiance dans le dis- teur de cohésion du groupe. Le col-
cord » avec le fait que les collègues positif s’ils l’utilisaient alors que lectif de travail est décrit comme
seront favorables alors que les les 3 mitigés ont moyennement ayant une fonction protectrice des
autres sont « moyennement d’ac- confiance. La majorité pense qu'ils opérateurs [14], il constitue par
cord ». D’une manière générale, les ne seront pas exclus de l'équipe de exemple une ressource pour les
opérateurs perçoivent leurs collè- travail en utilisant l’exosquelette. opérateurs pour gérer les « conflits
gues comme moins favorables que de règles » dans l’action, ou encore
leur hiérarchie. pour partager des manières de
SYNTHÈSE ET DISCUSSION faire adaptées à la situation. En
Dimension identité profession- termes de santé, il a été montré
nelle Le tableau II reprend une synthèse que le collectif participe à la pré-
Deux opérateurs sont « moyen- des résultats. servation des ressources psycho-
nement d’accord » avec le fait que Les résultats mettent en évi- sociales et à celle des TMS [15].
toutes les compétences seront uti- dence le fait que les opérateurs Or, s’il est fragilisé, il ne peut plus
lisées (dont le « DéFavo »), deux favorables à l’exosquelette ont remplir cette fonction.
sont « plutôt d’accord » (mitigés) des avis positifs pour quasiment
et un est « tout à fait d’accord » toutes les dimensions. Dans cer- Les opérateurs défavorables expri-
(« Favo »). Ce dernier est également tains cas, ils considèrent qu’il y a ment le même sentiment mitigé
« plutôt d’accord » avec le fait qu’il une amélioration (par exemple que les opérateurs favorables
développera de nouvelles compé- pour la dimension attentes de concernant les collègues et le dé-
tences, que l’exosquelette l’aidera performance). Les items pour les- veloppement de nouvelles com-
à préserver son emploi et « tout à quels ils sont mitigés concernent pétences. En revanche, contraire-
fait d’accord » avec le fait que son ceux relatifs à leurs collègues, ment aux opérateurs favorables,
métier sera valorisé et que l’exos- qu’ils soient issus de la dimension ils expriment également des
quelette a sa place dans le travail. « conditions facilitantes » (collè- points de vue négatifs sur certains
La perception de la valorisation du gues comme soutien en cas de dif- aspects. Ainsi, ils disent d’une part
métier est aussi présente chez les ficultés) ou « dimension sociale » devoir réajuster le dispositif au
opérateurs mitigés mais pas chez (collègues favorables à ce qu’ils cours de l’activité et, d’autre part,
l’opérateur « DéFavo ». utilisent un exosquelette). Il en est se sentir empêchés dans leurs
de même concernant la question mouvements par ce dernier (di-
Dimension des affects du développement de nouvelles mension « facilité d’utilisation »).
Les opérateurs « Favo » et « Dé- compétences avec l’utilisation du Ces aspects pourraient indiquer
Favo » pensent que travailler dispositif (dimension « identité que le dispositif n’est pas adapté
avec l’exosquelette ne sera pas professionnelle »). Si ces avis miti- à l’activité en question ou encore
agréable. Les opérateurs mitigés gés ne semblent pas constituer que sa conception n’est pas opti-
ont des avis divers (« plutôt pas des points bloquants puisque les male. Allant dans le même sens,

56 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


,Tableau II

> SYNTHÈSE DES RÉSULTATS


Dimensions Items Favorables DéFavorables Non utilisateurs
Conditions facilitantes Connaissance du projet   RAS
Information    (importance
information)
Formation   (besoin en
formation)
Phase d’appropriation   RAS
Soutien de l’encadrement   
Soutien des collègues   
Facilité d’utilisation Mise en place de l’exosquelette   
(mise en place)
Rapidité d’apprentissage   
Facilité d’utilisation Réajustement de l’exosquelette   
Utilisation exosquelette
Facilité d’utilisation   
Facilité de déplacement   

Facilité de mouvement   
Contrôle des gestes   
Pas de sensation d’empêchement   
Attentes de performance Efficacité =(+) =(–) (–)
Productivité =(+) =(–) (–)
– Idem (avec et sans exosquelette) =
– Améliorations (+) Qualité = = =
– Diminution (–)
Vitesse =(+) =(–) (–)
Santé et sécurité Sécurité   
Efforts physiques (–) (–) 
Moins important (–)
Identique = Fatigue = =(+) 
Plus important (+)
Gênes et douleurs =(–) =(–) 
apparitions de
nouvelles *
Concentration = =(+) =
Sociale Encadrement   
Collègues   
Identité professionnelle Utilisation compétences   
Nouvelles compétences   
Travailler avec exosquelette a du sens   
Exosquelette a sa place   
Valorisation du métier   
Affects Agréable   
Aimer travailler avec   
Confiance   
Pas de Production d’anxiété   
Sentiment d’isolement   

Légendes
 Tendance majoritairement positive  Tendance majoritairement mitigée Tendance majoritairement négative

* Pour certains, apparition de gênes et douleurs à d'autres endroits que ceux censés être soulagés par l'exosquelette.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 57


VU DU TERRAIN
Acceptation des exosquelettes par
les opérateurs : étude exploratoire

les résultats montrent également té par les utilisateurs, avait fait confiance dans le dispositif et que
qu’en termes d’attentes de per- l’objet de plusieurs modifications l’utiliser pourrait même, pour cer-
formance, même si elle est plu- par les concepteurs (suite à des tains, créer de l’anxiété. A priori,
tôt considérée comme identique plaintes d’utilisateurs sur l’appa- ces non-utilisateurs n’ayant pas
avec ou sans exosquelette, cer- rition de nouvelles gênes). Les été informés ni formés au dispo-
tains soulignent qu’elle peut être modèles théoriques soulignent sitif, la représentation qu’ils se
dégradée et d’autres qu’elle peut que le processus d’acceptabilité/ construisent du dispositif s’appuie
être améliorée. Cet aspect peut d’acceptation est dynamique et sur ce qu’ils perçoivent lorsqu’il
être vécu comme d’autant plus que l’utilisation de la technologie est utilisé par leurs collègues en si-
problématique lorsque l’organisa- peut modifier la relation de l’opé- tuation réelle de travail et non pas
tion fonctionne avec des primes rateur à cette dernière. Dans ce sur une expérience personnelle ou
liées à la production. En termes contexte, ajouter une boucle uti- encore des connaissances réelles
de santé, certains indiquent éga- lisateurs-concepteurs serait un sur son mode de fonctionnement.
lement l’apparition de nouvelles élément pouvant faciliter l’accep- Sans information ni formation sur
gênes ou douleurs sur des zones tabilité sociale. La mise en place ces dispositifs, les non-utilisateurs
non assistées par le dispositif. De de cette boucle ne va pas toujours peuvent donc être amenés à déve-
plus, même s’ils considèrent que de soi, surtout si la technologie lopper des représentations incom-
l’exosquelette a sa place dans leur est arrivée à maturité complète. plètes voire erronées du dispositif,
travail ou que travailler avec a du Néanmoins, dans le cas des exos- ce qui évidemment ne favoriserait
sens, certains soulignent qu’il n’est quelettes et pour toutes les tech- pas une acceptation. Ainsi, bien
pas agréable et qu’ils n’aiment pas nologies qui évoluent en continu que ces résultats reposent sur un
travailler avec. Ce dispositif, criti- et rapidement, cette option est à faible effectif de non-utilisateurs,
qué pour ses dimensions, apparaît privilégier. Elle présente comme ils font émerger des pistes de ré-
davantage comme une contrainte avantage de pouvoir améliorer flexion sur ces futurs utilisateurs
pour les opérateurs plutôt qu’une techniquement le dispositif à par- potentiels qui pourraient être
assistance. Une nouvelle technolo- tir des retours d’opérateurs. De intégrés aux étapes d’information
gie est supposée apporter une va- plus, par cette boucle, la direction et de formation au même titre
leur ajoutée dans le travail. Dans le envoie vers les utilisateurs le mes- que les utilisateurs. Les non-utili-
cas des exosquelettes, cet apport sage selon lequel ils participent sateurs expriment d’ailleurs l’im-
semble perçu comme partiel ou en pleinement au processus de chan- portance d’avoir une information,
tout cas insuffisant pour compen- gement, ce qui est un facteur favo- une formation mais aussi un suivi
ser les avis négatifs. Au final, les risant l’acceptation. pour ces nouveaux dispositifs.
dimensions critiquées deviennent Concernant le petit échantillon Dans le même ordre d’idée, une re-
des points bloquants alors que de non-utilisateurs interrogés, présentation incomplète ou erro-
ces mêmes opérateurs ont égale- leur représentation de l’exosque- née des dispositifs est également
ment des avis positifs, plus nom- lette est très mitigée. Ainsi, bien possible chez les utilisateurs ; elle
breux, sur les autres dimensions que certains considèrent que ce est souvent liée à une formation
du dispositif. En termes de pistes dispositif pourrait avoir sa place insuffisante. L’INRS a mis à dis-
de progression, les informations dans leur activité, ils ont une position des préventeurs et des
relatives aux items critiqués pour- image négative de sa facilité d’uti- entreprises un guide pour mener à
raient être retournées aux concep- lisation (mise en place, facilité de bien la phase de déploiement des
teurs des dispositifs pour qu’ils les mouvements, de déplacements, exosquelettes afin d’optimiser les
améliorent (par exemple pour les d’apprentissage…) et pensent que conditions d’intégration du point
aspects liés aux réajustements ou leur performance ne serait pas de vue de la prévention [17]. La mé-
encore aux gênes lors de l’intégra- améliorée, voire serait dégradée, thode proposée comprend, entres
tion du dispositif et aussi lors de s’ils l’utilisaient (que ce soit en autres, des étapes d’information
son acceptation située). Dans une termes de production ou de santé et de formation. Ainsi, conformé-
autre étude menée par l’INRS [16], et sécurité). Contrairement aux ment aux préconisations de ce
il est apparu que l’exosquelette, utilisateurs et anciens utilisateurs, guide, une phase initiale est pro-
avant d’être totalement accep- ils pensent qu’ils n’auraient pas posée. Celle-ci correspond à une

58 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


analyse fine du besoin détaillant nécessite d’élaborer de nouveaux visée exploratoire, l’élaboration
les activités ou tâches ainsi que les repères, ce qui peut demander du d’un questionnaire spécifique de
sollicitations associées en termes temps aux utilisateurs et à leur l’acceptation/l'acceptabilité des
d’efforts et de postures pour les- entourage professionnel. De façon exosquelettes est déjà une avan-
quelles l’exosquelette est envisagé optimale, accompagner l’inté- cée utile pour les préventeurs au
(par exemple soulager un opéra- gration de tels dispositifs devrait sens large, permettant d’aborder
teur devant maintenir une posi- débuter lors des phases de fami- un large panel de dimensions en
tion contraignante au cours d’une liarisation et d’apprentissage hors lien avec ce concept et de guider
action spécifique). Cette analyse de la situation de travail afin que les pistes d’amélioration y affé-
présente deux avantages. Le pre- les opérateurs puissent s’habituer rant. Les résultats ne permettent
mier est de s’assurer que l’exos- à l’objet technique à proprement pas d’isoler une dimension plutôt
quelette choisi est le plus adapté parler avant de l’utiliser en situa- qu’une autre comme facteur de
aux besoins et attentes (pour évi- tion réelle. Ne pas mettre en œuvre réussite ou d’échec de ce proces-
ter par exemple des sensations de cette partie peut conduire à cer- sus. En revanche, il semble que le
gênes telles qu’elles ont été signa- taines difficultés d’utilisation et cumul de plusieurs de ces dimen-
lées précédemment). Cette étape donc au développement de points sions peut favoriser le rejet de la
est d’autant plus cruciale que les bloquants dans l’acceptation. technologie lorsque les utilisa-
exosquelettes sont définis pour Au vu des dimensions impliquées teurs émettent un avis négatif à
assister une partie du corps ; si dans ce processus, accepter la tech- leur encontre. Ces limites peuvent
cette dernière n’est pas clairement nologie ne veut pas dire que tous être en partie corrigées avec l’aide
identifiée, les risques de se munir les items de toutes les dimensions des concepteurs de ces dispositifs
d’un exosquelette non adapté doivent recueillir un avis favorable si un canal de communication
sont importants. Un exosquelette de la part des utilisateurs mais cer- existe entre concepteurs et utili-
non adapté à la tâche, voire aux taines sont incontournables (en sateurs. Quoiqu’il en soit, la phase
modes opératoires, peut avoir des particulier celles liées aux affects, de déploiement du dispositif
conséquences en termes de rejet à la santé et sécurité ou encore à est cruciale pour l’acceptabilité/
de cette technologie par les opé- la facilité d’utilisation). En termes l’acceptation. Que ce soient les
rateurs mais aussi en termes de de risques, le déploiement d’une étapes d’information, de forma-
facteurs de risques physiques [18] nouvelle technologie non accep- tion et d’appropriation hors situa-
(par exemple pas de soulagement tée mais qui serait imposée peut tion de travail, elles impactent
de la partie du corps qui devrait constituer un facteur de risque directement plusieurs dimensions
l’être, voire sollicitations supplé- physique, psychosocial, voire acci- de l’acceptabilité/l'acceptation,
mentaires d’autres parties du dentel. que les opérateurs soient utilisa-
corps). Le second avantage de cette teurs ou futurs utilisateurs du dis-
analyse est d’identifier les apports positif. De nombreuses questions
et les inconvénients du dispositif. CONCLUSION ET restent encore en suspens, s’agis-
Cette meilleure connaissance du PERSPECTIVES sant notamment des modalités à
système par les acteurs de l’entre- privilégier pour mettre en place
prise permet de mieux communi- Le processus d’acceptabilité/ ces dispositifs dans des condi-
quer, former et accompagner les d’acceptation est complexe car tions optimales pour la préven-
opérateurs. Ainsi, de meilleures plusieurs dimensions de natures tion des risques professionnels.
conditions d’intégration peuvent différentes sont impliquées. Ces résultats préliminaires vont
être créées et, indirectement, l’éla- Des études, notamment dans être complétés par une deuxième
boration de représentations erro- le domaine des technologies de campagne d’enquête. En effet, le
nées des utilisateurs et futurs uti- l’information et de la communi- questionnaire est destiné à être
lisateurs pourrait être évitée. cation, ont essayé de déterminer administré à un plus grand échan-
Travailler avec un exosquelette, ou le poids de ces dimensions dans tillon d’utilisateurs, d’anciens
n’importe quelle autre technolo- ce processus mais les résultats utilisateurs d’exosquelettes mais
gie, correspond à un changement ne s’accordent pas. Dans le cadre aussi à des non-utilisateurs, en y
qui peut modifier l’activité et de cette étude préliminaire à adjoignant, lorsque c’est possible,

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 59


VU DU TERRAIN
Acceptation des exosquelettes par
les opérateurs : étude exploratoire

une dimension de suivi longitudi- POINTS À RETENIR


nal. Il est crucial, dans le contexte
actuel d’évolution technologique, L’introduction d’un exosquelette
de mieux comprendre ce proces- en situation de travail, comme toute
sus d’acceptation/d'acceptabilité, nouvelle technologie, correspond à un
et de mieux identifier les leviers changement qui impacte l’activité.
favorisant l’intégration de tels dis- Un exosquelette, comme toute
positifs dans des conditions opti- nouvelle technologie, peut être rejeté
males en termes de prévention, ou accepté par les utilisateurs ou encore
au risque sinon de voir émerger accepté dans un premier temps pour être
des facteurs de risques physiques, finalement rejeté ou vice versa (questions
accidentels et psychosociaux chez d’acceptabilité et d’acceptation).
les utilisateurs. L’acceptabilité concerne les intentions
des utilisateurs à utiliser ou non la
technologie et l’acceptation désigne
son usage effectif.
Il est déterminant, dans le contexte
actuel d’évolution technologique, de
mieux comprendre ce processus.
Le processus d’acceptabilité/
d’acceptation s’inscrit dans un continuum
progressif et complexe.
Le processus d’acceptabilité/
d’acceptation dépend de plusieurs
dimensions de natures différentes
(par exemple facilité d’utilisation de la
technologie ; l’influence sociale ou encore
les attentes en termes de performance).
L’analyse de ce processus permet de
renseigner sur la qualité de l’interaction
opérateur-exosquelette, d’identifier les
effets de ces dispositifs sur la sécurité et
la santé et d’envisager certains facteurs
de risques psychosociaux, physiques et
accidentels chez les utilisateurs.
Le cumul de plusieurs de ces
dimensions peut favoriser le rejet de
la technologie lorsque les utilisateurs
émettent un avis négatif à leur encontre.

60 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


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POUR EN SAVOIR +
Exosquelettes. INRS, 2018 (www.inrs.fr/risques/exosquelettes/ce-qu-il-faut-retenir.html).

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 61


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TF 265
VU DU TERRAIN

Travailler avec une santé


altérée : comment prévenir
la désinsertion professionnelle ?
AUTEURS :
D. Lhuilier, psychologue du travail, professeure émérite, Centre de recherche sur le travail et le développement -
Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
A.M. Waser, sociologue, maître de conférences, Laboratoire Interdisciplinaire pour la Sociologie Economique (LISE-CNAM)

en
résumé

U
Prévention de la désinsertion MOTS CLÉS
professionnelle, accroissement Désinsertion /
du nombre de restrictions Maintien dans
l'emploi /
d’aptitudes et d’inaptitudes
Vieillissement
médicales, de demandes ne part croissante de lectives qui permettaient à ceux
d’aménagements du poste ou du salariés travaille avec une santé qui ont une santé fragile de se mé-
temps de travail, de reclassement altérée. Ce constat s’explique par nager, de tenir. Les exigences de
professionnel pour inaptitude… différents facteurs étudiés lors productivité et d’adaptabilité aux
autant de questions dont d’une recherche sur la vie avec multiples changements, organisa-
l’intensité et la complexité vont la maladie chronique, entendue tionnels, de méthodes, d’outils ou
croissantes. En effet, il s’agit bien comme troubles plus ou moins d’objectifs demandent un surplus
de faire face au défi du maintien graves mais durables. Il peut s’agir d’énergie et d’investissement de la
en activité – et pas seulement en tout à la fois, comme explorés lors part de tous les travailleurs, et plus
emploi – des salariés travaillant de l’investigation présentée ici, de encore de ceux qui ont une santé
avec une santé altérée. séquelles d’accidents du travail ou altérée. Ces changements ne sont
Les stratégies usuellement de maladies professionnelles (les pas toujours vécus comme néga-
déployées pour atteindre troubles musculosquelettiques tifs. Mais le défaut de temps de
cet objectif sont en panne. -TMS- notamment), de diverses transition, des changements trop
L’intensification du travail, maladies chroniques telles que fréquents, dépourvus de sens ou
l’érosion des postes « doux », diabète, cancers, maladies car- dont les objectifs sont contraires à
la réduction du recrutement diovasculaires, ou de troubles de ceux poursuivis par les travailleurs
de jeunes permettant la santé liés au vieillissement ou avec une santé fragile, contribuent
mise à l’abri des seniors... à des phénomènes d’usure pré- à mettre en échec les tentatives
complexifient fortement maturée au poste de travail [1]. de retour ou de maintien en acti-
la prévention de l’usure Cette recherche souligne la diffi- vité des travailleurs qui cherchent
prématurée et la réintégration culté majeure qu’ont les salariés à tenir deux objectifs : efficacité
de salariés après une longue à la santé altérée à se maintenir au travail et préservation de leur
maladie ou une inaptitude en emploi. En effet, les organisa- santé.
médicale. La recherche-action tions du travail ne semblent pas L’accroissement des sorties de
présentée ici explore à la fois les avoir pris la mesure de ce phéno- l’emploi pour raison de santé (pré-
processus en cause et les voies mène. En poursuivant une évo- retraite, invalidité, licenciement),
de construction d’un travail lution essentiellement orientée le tarissement des postes « doux »,
soutenable, entendu comme vers la rentabilité-réactivité, des l’augmentation des files actives de
permettant au travailleur contraintes multiples peuvent salariés à reclasser constituent au-
de maintenir sa santé, ses rendre caduques les régulations, tant de problèmes qui ne peuvent
compétences, son employabilité. les stratégies individuelles ou col- être traités par les seuls services

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 63


VU DU TERRAIN
Travailler avec une santé altérée :
comment prévenir la désinsertion
professionnelle ?

de santé au travail ou des res- avec des capacités de production Pour avoir un ordre de grandeur
sources humaines. L’allongement fluctuantes. Quelles sont les régu- de l’ampleur de la population
des délais pour un reclassement lations permettant de gérer indi- concernée, selon l’enquête Emploi
concourt au risque de désinsertion viduellement et collectivement de l’Institut national de la statis-
professionnelle. Il témoigne de les situations de travail pénibles ? tique et des études économiques
l’inaptitude des organisations du Quels types d’arrangements (INSEE), ce sont 5,7 millions de
travail à intégrer les variabilités informels, de savoir-faire de pru- personnes de 15 à 64 ans qui soit
individuelles, à prévenir les inap- dence, se mettent en place au sein souffrent d’une maladie ou d’un
titudes médicales et demandes de d’équipes de plus en plus souvent problème de santé chronique ou
reclassement. composées de salariés qui ont des durable les limitant depuis au
Dans ce nouveau contexte, com- problèmes de santé ? Quelle orga- moins 6 mois dans leurs activités
ment envisager le rapport au tra- nisation du travail, formelle, infor- quotidiennes, soit ont une recon-
vail et l’organisation du travail melle, peut soutenir ce travail de naissance administrative liée à un
pour une poursuite, en santé, des construction et de négociation de handicap ou une perte d’autono-
activités professionnelles, y com- sa/la santé ? mie. Mais seules 45 % d’entre elles
pris de celles reconnues comme Contrairement aux représenta- sont en emploi [2]. Les troubles de
pénibles ? Et comment repenser tions dominantes qui considèrent santé à une date donnée s’avèrent
les process d’aménagement du que la place du malade serait celle prédictifs de sortie d’emploi
travail et de reclassement afin que lui assigne l’arrêt maladie, (vers le chômage ou l’inactivité)
de prévenir deux écueils souvent hors du travail, et ce jusqu’à son quelques années plus tard [3 à 5].
rencontrés : la gestion solitaire rétablissement, entendu comme Un rapport récent de l’Inspec-
et clandestine de la compatibi- retour à l’état antérieur, « bien tion générale des affaires sociales
lité entre sa santé fragilisée et les portant », les travailleurs à la san- (IGAS) souligne que « les effets
exigences du travail prescrit ne té fragilisée sont de plus en plus délétères des problèmes de santé et
tenant pas compte du travail réel nombreux dans le monde du tra- du handicap sur l’emploi sont avé-
au risque d’une aggravation des vail. rés avec de fortes inégalités sociales
« problèmes de santé » ; le ressen- Une conjugaison de facteurs et de faibles chances de retour à
timent de ceux qui ont quitté leur contribue à cette évolution [1]. l’emploi en cas de désinsertion pro-
poste et sont dans l’attente d’une Les transformations du travail fessionnelle » [6]. Ce même rapport
réaffectation perçue comme se- peuvent favoriser une usure pré- précise que 10 % des postes, soit
mée d’embuches (perte de savoir maturée, notamment dans cer- environ 2,3 millions des « couples
professionnel, du vivre-ensemble, tains métiers reconnus comme salarié-emploi », ont fait l’ob-
longue durée de l’attente d’un associés à de fortes pénibilités. jet d’une ou plusieurs mesures
autre poste…) ? Sentiments d’injus- L’amélioration des techniques de d’aménagement ou de restriction
tice et d’abandon se conjuguent à dépistage et de diagnostic conduit de la part de la médecine du travail
l’anxiété d’être dessaisi de son ave- à une meilleure identification à un moment donné. Une enquête
nir professionnel, de n’être qu’« un des pathologies et à des diagnos- menée par la Direction régionale
pion déplacé », privé d’une activité tics plus précoces. L’amélioration des entreprises, de la concurrence,
valorisée, valorisante. des thérapeutiques permet une de la consommation, du travail et
Dans le prolongement de ces tra- reprise ou une poursuite du tra- de l’emploi (DIRECCTE) d’Aquitaine
vaux précédents, la recherche-ac- vail. Une attention plus grande est [7] s’intéresse non seulement à
tion (RA) conduite avec le service portée aux troubles psychiques et l’accroissement du nombre des
des ressources humaines d’une ils font l’objet d’une plus grande inaptitudes médicales à tout poste
grande ville, présentée dans cet reconnaissance dans le champ de pour raison de santé (+ 29 % entre
article, interroge la place des col- la santé au travail. Enfin, le recul 2006 et 2014 dans le régime géné-
laborateurs fragilisés. Elle vise à de l’âge de départ à la retraite ral) mais aussi au devenir des sala-
identifier les conditions permet- contribue au vieillissement de la riés inaptes : 39 % sont licenciés
tant l’élaboration de stratégies population active, vieillissement sans projet ni solution, 27 % sont
individuelles, collectives et orga- synonyme de « problèmes de mis en invalidité, 26 % sont licen-
nisationnelles afin d’autoriser la santé » chroniques, plus ou moins ciés avec projet identifié, et enfin
poursuite de l’activité d’agents invalidants. 8 % partent en retraite.

64 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


La croissance du nombre de pen- à d’autres métiers. Ils déplorent le et une occasion de développement.
sions d’invalidité constitue encore peu de mobilité dans ces métiers et L’activité n’est jamais considérée
un indicateur significatif de cette un taux de réussite dans les reclas- comme déterminée mécanique-
problématique. En effet, « l’entrée sements qui reste très insuffisant. ment par son contexte car elle le
dans le régime d’invalidité s’ana- Une large majorité d’agents enga- transforme et cherche à affranchir
lyse au final comme l’échec du gés dans ces métiers « pénibles » l’opérateur des contraintes de sa
processus de prévention de la dé- souhaite y rester. Et les services et situation. Mais ceci suppose des
sinsertion professionnelle » [8]. En équipes résistent à l’intégration de conditions : la possibilité d’un re-
2015, près d’un million de pensions ceux qui portent le stigmate d’une tour réflexif sur l’activité pour en
d’invalidité ont été servies, ce qui santé perçue comme déficiente et dévoiler les ressources alternatives
correspond à une augmentation de l’inaptitude médicale. et accroître les capacités d’expertise
de 16,6 % sur la période 2005-2015 sur le travail et son organisation, la
et de 1,6 % en moyenne annuelle, UNE RECHERCHE-ACTION mise en visibilité des manières de
tous régimes confondus. L’âge DANS UNE COLLECTIVITÉ faire de chacun pour permettre un
moyen est de 52 ans, la prévalence TERRITORIALE échange d’expériences, la levée des
est de 10 % pour les plus de 55 ans La méthodologie de cette RA re- freins au dévoilement des limita-
[9]. pose sur l’analyse de l’activité [10, tions de capacité productive, et les
L’ensemble de ces données révèle 11], du travail réel, des métiers. Elle controverses et délibérations sur le
trois difficultés majeures : préve- est au fondement des processus travail afin de le faire évoluer dans
nir l’usure prématurée, se main- de transformation que cette RA un sens favorable à la santé pour
tenir en emploi, revenir au travail cherche à développer : (re-)donner tous, à la fois pour ceux qui ont
après un arrêt ou un licenciement la main sur leur activité à ceux « des problèmes de santé » et les
pour cause de santé dégradée. qui font le travail, soutenir l’orga- autres… qui n’en ont pas encore (1). 1. « Il est normal de
tomber malade du
nisation collective de leur activité, moment qu’on est
ouvrir des espaces de débat, expé- DISPOSITIF ET ÉTAPES vivant… La menace
rimenter des pistes d’amélioration L’installation de nouveaux espaces de la maladie est un
PRÉVENTION DE pour que le maintien en emploi de dialogue sur le travail s’est tra-
des constituants de
la santé » [13].
L’INEMPLOYABILITÉ ET puisse être significativement duite par la mise en place de six
MAINTIEN EN ACTIVITÉ renouvelé. La prévention de la dé- types de groupes de travail de
sinsertion professionnelle passe nature différente et co-animés par
C’est dans cette perspective essentiellement par une trans- un membre de la collectivité et un
qu’une équipe de chercheuses du formation des modes opératoires membre de l’équipe de recherche
Conservatoire national des arts individuels et collectifs, par une du CNAM.
et métiers (CNAM) est venue à réflexion partagée sur les condi- Les groupes « métiers » ont rassem-
la rencontre de la Direction des tions d’un travail en santé. blé des agents volontaires exerçant
ressources Humaines (RH) d’une Cette approche rejoint le constat des métiers où sont concentrés
grande ville. Celle-ci, après avoir réalisé par Krynen et Yeni quand divers facteurs de pénibilité. Les
tenté tout un ensemble d’actions ils soulignent, à propos de l’inap- groupes « usagers du reclasse-
pour réduire le taux d’absen- titude médicale : « il faut passer ment » ont partagé leurs expé-
téisme et enrayer l’afflux continu d’une logique de protection sta- riences, les ressources mobilisées
et massif d’agents vers la cellule tutaire en cas d’aléas de santé et les compétences acquises dans
de reclassement, décide de lancer conduisant à une inaptitude, à ce processus allant des signes de
une recherche-action (RA) afin de une logique de garantie de l’ave- limitations dus à une altération de
transformer pratiques et repré- nir professionnel de l’agent par la santé à la demande de reclasse-
sentations en profondeur, d’aller à construction de son employabilité. ment en passant par l’inaptitude
la source du problème. Les services C’est la capacité de rester actif qui médicale. Les groupes « acteurs du
RH et de santé au travail (SST) éta- protège » [12]. reclassement » ont réuni les agents
blissent un lien entre des « mé- Partant donc des situations des services RH, de la santé au tra-
tiers pénibles » et un taux d’acci- concrètes de travail, l’exploration vail, mais aussi des directions et
dents de service, d’arrêts maladie porte sur la double face de l’activité services opérationnels. Un groupe
et d’absentéisme bien supérieur qui peut être à la fois une épreuve « directeurs » a travaillé sur la place

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 65


VU DU TERRAIN
Travailler avec une santé altérée :
comment prévenir la désinsertion
professionnelle ?

prise par les questions de santé lever les freins identifiés et ce dans fondamentalement, des exigences
dans leurs propres activités de ma- différents secteurs et niveaux de du travail et des marges de ma-
nagers. Un groupe « représentants cette collectivité. Un même prin- nœuvre dont les opérateurs dis-
des 4 organisations syndicales de la cipe de départ guide l’investiga- posent dans leurs situations de tra-
ville » a réévalué le rôle et l’action tion et le choix des propositions : vail pour pouvoir tenir ensemble
des représentants du personnel et les changements préconisés travail productif et santé. En effet,
du Comité d’hygiène de sécurité et doivent s’appuyer sur les expé- « malade ou non, on n’est pas le
des conditions de travail (CHSCT) riences de terrain, au plus près de spectateur passif de son propre
dans la prévention de l’inem- l’activité quotidienne de travail, état. Dans le travail (comme dans
ployabilité et le développement les sur le vécu des personnes confron- la vie en général), chacun déploie
démarches préventives et collec- tées à la maladie ou en situation des façons de faire, individuelles,
tives. Enfin, un groupe « projet » a d’usure. C’est l’expertise d’usage collectives, qui se construisent et
constitué l’instance de pilotage de qui permet de mettre en place des se transforment au fil de l’âge, de
la démarche dans ses différentes actions concrètes et utiles. l’évolution de son propre orga-
étapes. Il rassemble à la fois les RH Cette RA a été conduite sur une du- nisme, de ses compétences et de
et les médecins de prévention, des rée de près de trois ans et l’ampleur son expérience professionnelle, etc.
directeurs, des représentants des du travail réalisé à ces différents ni- Il ne s’agit donc pas seulement de
organisations syndicales, des co- veaux de l’organisation a fait l’objet réfléchir à des situations de travail
animateurs de groupes « métiers ». de plusieurs publications [14, 15]. qui n’aggravent pas les manifes-
La première phase de cette RA a été Les résultats de cette RA présentés tations liées à la pathologie, mais
la co-construction d’un diagnostic. ici retiennent deux axes : la régula- de concevoir des « moyens » de
Celui-ci s’élabore dans la mise en tion de la pénibilité et les aména- travail qui permettent de dévelop-
discussion de ce qui rend difficile gements informels déployés quand per ces régulations (anticipations,
la réalisation des tâches et des mis- la santé est fragilisée. vérifications, coopérations…) » [17].
sions et les solutions qui existent Le travail est pénible quand il est
pour y faire face. Ainsi, dans les PÉNIBILITÉ, fait avec difficultés, efforts, dou-
groupes « métiers », les agents ont AMÉNAGEMENTS ET leurs, quand il est source d’ennui,
partagé leurs expériences, difficul- PRINCIPES DE JUSTICE d’anxiété…, quand les stratégies
tés et stratégies pour les réduire ou développées sont rendues inopé-
les prévenir. Les agents « usagers », PÉNIBILITÉ rantes par le système de travail du
qu’ils soient « reclassés » ou en Serge Volkoff distingue trois ac- fait des contraintes de procédures
« attente de reclassement », ont ex- ceptions de la pénibilité : celle et de temps à respecter, du défaut
ploré dans deux groupes distincts qui repose sur une approche pro- de ressources collectives...
les processus qui les ont conduit babiliste, fondée sur des résultats Il est important de souligner ici
de la pénibilité à l’avis d’inapti- épidémiologiques mettant en évi- que les problèmes de santé n’im-
tude médicale en passant par les dence les corrélations entre nui- pliquent pas mécaniquement des
arrangements négociés au sein sances et prévalence des patho- difficultés dans le travail. La crois-
des équipes de travail. Enfin, les logies ; celle qui correspond à un sance des inaptitudes médicales
ressources organisationnelles, en travail vécu comme pénible ; et et des demandes de reclassement
particulier le pôle RH, le service en enfin, celle éprouvée par les sala- dans le monde du travail tient plus
charge du process de reclassement, riés ayant des problèmes de santé fondamentalement à la réduction
la médecine de prévention, la mis- qui leur rendent les exigences du des marges de manœuvre permet-
sion Handicap, des managers de travail peu supportables [16]. De tant un travail compatible avec sa
différents services de la ville, les or- plus, comme « la santé parfaite » santé, puisant dans les ressources
ganisations syndicales ont contri- n’existe pas, des troubles infra-pa- de l’expérience et des collectifs de
bué, dans des groupes distincts, à thologiques, plus ou moins invali- travail. Ce défaut peut être un puis-
ce diagnostic en analysant leurs dants, vont impacter la pénibilité sant facteur de développement de
activités respectives, leurs empê- ressentie. l’usure prématurée au travail. Aus-
chements et transformations. Le caractère plus ou moins gênant si, dans la démarche de cette RA,
La deuxième phase de la RA s’est de ces troubles dépend de leur la prévention de la pénibilité est
appuyée sur des propositions d’ex- nature et gravité mais aussi, et indissociable de la recherche des
périmentations susceptibles de

66 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


différentes voies visant à préser- lesquels les tâches pénibles sont vivent au travail au sein de la ville
ver et développer des marges de aussi celles qui sont très risquées, ne correspond plus à ce qu’ils en
manœuvre dans l’activité de cha- et souvent confiées aux travail- attendent : « la ville ne fait rien
cun. Elle ne peut se réduire à la ré- leurs expérimentés, dans les mé- pour nous… on est oublié… ils en ont
paration et à la compensation [18], tiers où la pénibilité est associée rien à faire de nos problèmes ».
qu’il s’agisse des aménagements au sale boulot, entendu comme Il a fallu attendre que la colère
de poste ou du reclassement des tâches peu valorisées voire dégra- des uns s’apaise un peu pour en
agents en inaptitude médicale ou dantes, on assiste à une délégation venir aux arguments, à l’analyse
restriction d’aptitude. de ce sale boulot aux nouveaux ve- des situations de travail, à la prise
Un des objectifs poursuivis dans la nus, jeunes ou emplois précaires. en compte des points de vue pour
phase « actions » de la RA est donc Tout se passe comme si la montée lever les incompréhensions réci-
de s’emparer de ce qui rend le tra- en grade, en expérience, au sein proques. D’une posture attentiste,
vail pénible et de solliciter les par- d’une équipe autorisait à ne plus le groupe est invité à se mobiliser
ticipants des groupes « métiers », participer à ces tâches peu nobles. dès lors qu’il s’est agi, non plus de
autour des difficultés partagées Dans le contexte de vieillissement parler en toute généralité, sans
pour une élaboration collective des équipes et de limitation du contexte ni sujet (« on en a tous
des solutions, doctrines ou règles recours à la sous-traitance, aux marre… le climat est pourri »), mais
en vue d’améliorations. Sont ren- emplois précaires, la re-distribu- de situations vécues à placer dans
dus compte ici les opérations tion de ces tâches interroge la un environnement à décrire pré-
et résultats obtenus dans deux place des salariés avec des limi- cisément et sans parler à la place
groupes « métiers » : les agents de tations (mi-temps thérapeutique, des autres : que peut-on faire col-
la restauration scolaire et les jardi- reclassés, avec restrictions), moins lectivement pour améliorer les
niers. malléables que les intérimaires, et conditions de travail pour tous ?
Le partage de solutions entre pairs, la prévention des pénibilités. Re- L’ampleur de l’indignation signe la
l’élaboration de règles partagées distribuer le sale boulot au sein force de l’attachement au métier
avec ceux qui font le travail doit d’une équipe a un fort impact sur « j’aime mon métier. Je ne veux
permettre de le transformer afin la place des uns et des autres et sur pas faire autre chose ». Depuis la
que la part de « construction » de le climat. révision générale des politiques
soi, de sa santé puisse être jugée publiques (RGPP), les conditions
suffisamment bénéfique par rap- L’INDIGNATION COMME MOTEUR d’exercice des métiers ont forte-
port à l’usure au travail. Les expé- DES TRANSFORMATIONS À ENGAGER ment évolué [14]. Certains effets
rimentations initiées au sein de Lors des premières réunions des de cette politique de rationalisa-
ces groupes « métiers » visent à ce groupes « métiers » (cantiniers et tion sont jugés positivement, no-
que les agents reprennent la main jardiniers), presque tous les par- tamment une nette amélioration
sur l’organisation de leur travail ticipants saisissent l’occasion qui des conditions de travail dans ces
(individuel et d’équipe), en lien leur est donnée pour dire les maux deux métiers (restaurants entière-
avec leur hiérarchie, afin de pas- au travail. Le niveau sonore dans ment rénovés suite à l’implanta-
ser des recommandations de pré- la salle est tel que l’on ne s’entend tion de la restauration en liaison
vention, souvent vécues comme pas. Les deux co-animateurs ont froide, outils performants dans
des contraintes supplémentaires, beau répéter qu’il serait préférable les espaces verts) mais d’autres
à des savoir-faire de prudence qui que les uns parlent après les autres, pèsent lourds dans la balance qui
préviennent l’accident, mais aussi les histoires fusent, s’empiètent, conduit à éprouver la part du tra-
l’effort inutile, la fatigue [19 à 22], se noient dans le brouhaha. Les vail « dur » comme un travail dés-
construits par l’expérience, la ré- agents en ont gros sur le cœur. Ils honorant.
flexivité et nourris de l’échange de aiment leur métier, la plupart l’a Volontaires pour participer à ces
pratiques. Dans ces deux métiers, choisi. De nombreux jardiniers ont groupes « métiers », cantiniers
les tâches à fort engagement phy- fait le choix de quitter les entre- et jardiniers se sont mobilisés
sique, ainsi que le « sale boulot », prises privées d’espaces verts pour pour échafauder des recom-
sont vécus à la fois comme pénible trouver des conditions de travail mandations qui devraient leur
et comme faisant partie du métier. décentes au sein de la Fonction permettre de retrouver l’envie
Contrairement aux métiers dans publique territoriale. Mais ce qu’ils d’aller au travail : un travail

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 67


VU DU TERRAIN
Travailler avec une santé altérée :
comment prévenir la désinsertion
professionnelle ?

constructeur de soi, de sa santé. santé, danger, déshonneur, dégra- à fabriquer deux clans : celui des
L’espoir de changement porté par dation, se soldent par un statut « fainéants » (paradoxalement
ces volontaires est à la hauteur négatif attribué aux personnes à favorisés) et celui des « bosseurs ».
des obstacles rencontrés au fur qui il échoit. A contrario, Walzer Dodier [26] a montré que les
et à mesure des avancées de la montre à partir de l’analyse du tra- questions de santé sont toujours
recherche. C’est ainsi qu’un pro- vail des éboueurs de San Francisco, rejugées sur la place du travail.
gramme d’ampleur s’est déployé qu’une organisation coopérative En effet, les dispositifs médico-
et a conduit à une prise en consi- de ce travail restaure l’engage- administratifs (arrêt de travail,
dération du travail réel, tel que ment et la participation aux gains restriction d’aptitude, inaptitude
vécu par les agents, pour aller en- collectifs. médicale, invalidité) ne suffisent
suite vers une clinique, non pas La coopération rend le travail pé- pas à légitimer l’aménagement.
individuelle, mais collective des nible plus soutenable, il devient La validation de la réorganisation
situations à l’origine des maux même source de fierté. Seule une du travail au sein d’une équipe
du travail. équipe soudée peut faire face au semble nécessairement passer par
Dans certains services ou équipes, travail « dur ». L’engagement phy- une réévaluation des principes de
les agents n’ont bien sûr pas atten- sique dans le travail fait partie du justice permettant une redéfini-
du les chercheuses pour découvrir métier. Il est en partie choisi parce tion des équivalences entre tâches,
que d’autres modes d’organisa- qu’on « peut bouger, être libre de agents.
tion permettaient de prévenir ses mouvements, organiser sa jour- Alors qu’un jardinier P. (54 ans, re-
l’usure au travail, les accidents et née » et ne « pas rester assis toute venu d’un arrêt de travail pour une
de donner envie de travailler. Et la journée derrière un guichet, un maladie grave) habitué à se déro-
les chercheuses n’ont pas dans ordinateur ». Avec l’âge ou la sur- ber lors de tâches dures s'éloigne,
leur trousse à outils le remède sollicitation, une usure rend les son chef l’appelle, puis le cherche,
magique qui conviendrait à tous mouvements parfois douloureux afin qu’il aide à descendre le maté-
en toutes situations. Les échanges et l’engagement physique doit riel du camion. « C’est important, il
dans les groupes « métiers », une être mesuré car les capacités de faut qu’il aide. Ce n’est pas à nous
fois l’indignation et la plainte récupération sont bien plus lon- de lui préparer son matériel, des-
récurrente passées, ont permis gues. Cependant, les restrictions cendre la tondeuse, la démarrer ».
de mettre en discussion les solu- d’aptitude, les aménagements L’autonomie, la polyvalence sont
tions que les uns et les autres ont formels du travail, les mises à des conditions de régulation afin
expérimentées dans un contexte l’abri des tâches éprouvantes phy- de faire advenir le juste. Mais c’est
incertain et dégradé. Incertain en siquement ou psychiquement aussi une condition pour que ce
raison des menaces qui pèsent sur pour ceux qui ont « des problèmes jardinier ait le sentiment de faire
l’emploi : une politique d’externa- de santé », leur délégation aux partie de l’équipe. Le travail de
lisation de services municipaux, plus jeunes, aux intérimaires, prévention de l’exclusion mais
notamment chez les jardiniers, les aux moins « râleurs »… peuvent aussi d’inclusion est une activité à
inquiète. Dégradé en raison des contribuer au développement de part entière. Tous, avec leurs com-
relations tendues entre les diffé- tensions dans les équipes. La divi- pétences et incapacités doivent
rents niveaux hiérarchiques mais sion du travail est évaluée à l’aune prendre part aux différentes
aussi entre fonctionnaires et cer- de critères d’équité, mais aussi de tâches, le risque étant que les
tains publics (incivilités, dénon- réciprocité [24]. tâches les plus physiques échoient
ciations, menaces…). L’encadrement de proximité sait aux jeunes ou à ceux qui n’ont pas
bien les conflits structurels qui d’incapacités et qui, à juste titre,
LE TRAVAIL FAIT POUR « FAIRE traversent le double objectif visé : s’interrogent sur la prévention
ÉQUIPE » prendre en compte les situations des pénibilités. Faire à la place
Sur les travaux pénibles, Walzer singulières, la préservation des d’autrui, c’est engager une relation
[23] souligne la contamination des plus fragilisés et les exigences de dissymétrique et de dépendances
traits négatifs qui qualifient à la l’organisation du service [25]. réciproques jamais propice au dé-
fois le travail « dur » et ceux qui en Le soupçon de fainéantise, de veloppement. En allant chercher
ont la charge : ces caractéristiques, mauvaise foi ou de favoritisme P., le chef d’équipe fait ce détour
telles qu'insécurité, atteinte à la pèse souvent. Il peut contribuer pour lui signifier qu’il est membre

68 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


à part entière de l’équipe même dans une équipe… La question de ils ont un prénom. Si on leur donne
si les forces qu’il peut engager fond est donc moins le nombre que du nettoyage, faut pas s’éton-
dans la tâche à partager ne sont d’agents présents pour faire le ner qu’ils ne veulent plus travail-
pas égales à celles que les autres travail que la qualité de la coopé- ler » indique une des responsables
jardiniers engagent. « Bien sûr, on ration au sein de l’équipe. « Les res- de restaurant en pointant là une
aurait pu descendre du camion la taurants qui vont bien sont ceux où dérive courante dans certains res-
tondeuse de P. Et d’ailleurs ça nous il y a une bonne ambiance ». Celle- taurants de la ville. La mise en par-
aurait pris beaucoup moins de ci semble liée au fait que les agents tage de l’organisation du travail
temps ». Il y a bien un prix à payer puissent choisir avec qui travailler. et, en particulier, des rotations des
pour faire équipe. C’est moins le restaurant et les postes au sein de l’équipe a permis
conditions matérielles offertes d’établir le fait que les restaurants
LES CONDITIONS DE PARTICIPATION qui comptent que la composition où l’ambiance est bonne, où il y a
AU TRAVAIL DUR : « TOUT LE MONDE de l’équipe de restauration, car les le moins d’absentéisme, sont ceux
NE PEUT PAS LE FAIRE » coopérations en dépendent, et le ayant institué une rotation sur
Au moment où le groupe « mé- respect des arts du vivre ensemble tous les postes à laquelle se sou-
tiers » élaborait une demande au travail. met tous les membres de l’équipe,
d’expérimentation qui vise à quel que soit le statut ou le grade.
intégrer des agents volontaires RENDRE JUSTE LA RÉPARTITION DU Chez les jardiniers, tous ne peuvent
en reclassement dans les restau- TRAVAIL : UN PRINCIPE DE PARTAGE pas ou plus participer à toutes les
rants en sous effectif, certains DU TRAVAIL « DUR » tâches. Hernies discales, tendi-
participants étaient dubitatifs Dans un des restaurants satellites nites, opérations suite à une rup-
sur cette solution car le travail est de la ville, les observations du tra- ture de la coiffe des rotateurs, sont
réputé physique. Les discussions vail, les entretiens et échanges en autant de symptômes d’un travail
autour de cette question ont per- groupe « métiers » montrent que usant conduisant les équipes et le
mis d’établir que tous les reclassés lorsque le travail est partagé au service à faire face, au quotidien,
n’avaient sans doute pas des pro- sein de l’équipe de telle sorte que à des variations de capacités pro-
blèmes physiques et que certains tous les agents occupent, au cours ductives. Tous, jeunes et moins
seraient très certainement aptes de la semaine, chacun des postes jeunes, sont concernés par cette
à travailler en cuisine. La ques- et que le responsable du restau- variation, mais à des degrés dif-
tion s’est déplacée vers celle des rant se soumet également à cette férents. Avant la réorganisation
conditions d’intégration d’agent même règle, toutes les tâches du service Parcs et Jardins, il était
titulaire reclassé et volontaire. Du se valent. Nettoyer les surfaces, convenu que les jardiniers de plus
stigmate de l’agent à reclasser, bien que jugé plus pénible que de 50 ans « levaient le pied ». Soit ils
perçu comme déficitaire, l’évalua- les autres tâches, n’est pas moins étaient promus agents de maîtrise
tion s’est déplacée sur sa manière noble que de servir les enfants. et dirigeaient une équipe, soit ils
de travailler, sur son respect des « De toute façon il faut le faire… restaient à la base pour l’entretien
règles sociales du travail, pour Quelqu’un doit le faire ». Le fait du matériel ou encore, pour ceux
aller vers une cooptation : « Il faut que le responsable du restaurant ayant le permis de conduire ou le
voir comment la personne travaille, assure une part de cette tâche, certificat d’aptitude à la conduite
voir si on s’entend ». C’est bien un au même titre que les autres en sécurité (CACES), ils condui-
changement de représentation membres de l’équipe, contribue à saient les engins en laissant aux
qui s’est opéré ainsi qu’une ré- valoriser ce travail pénible. Il n’est jeunes le travail dur. Depuis la
flexion sur comment travailler, au pas indigne et n’échoit pas qu’aux réorganisation, les responsables
sein d’une équipe, avec des agents agents les moins qualifiés, les plus d’équipe participent à toutes les
qui peuvent avoir, à certains mo- jeunes ou les plus précaires (les tâches avec leur équipe. Il n’y a
ments, des difficultés. intérimaires). donc plus la promesse de poste
Pour rendre réaliste cette pro- Dans certains restaurants, comme « doux » à l’intérieur de chaque
position, c’est tout un protocole souvent dans le monde du travail, équipe de jardiniers et la montée
d’accueil qui est exploré : journées les intérimaires sont utilisés pour en grade ne met plus à l’abri des
découverte, expérimentations du les tâches les plus dures. « Les inté- tâches pénibles. Les jardiniers ont
type « Vis mon job », temps d’essai rimaires, ce ne sont pas des chiens, alors élaboré une nouvelle doc-

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 69


VU DU TERRAIN
Travailler avec une santé altérée :
comment prévenir la désinsertion
professionnelle ?

trine pour gérer collectivement le pour apporter du mulch dans un lorsque ceux à qui il échoit n’ont
travail dur. autre parc. Selon les incapacités pas choisi de le faire : parce qu’il
L’observation d’un chantier perçu et la forme du moment, chaque n’a pas de sens, qu’il est imposé à
comme éprouvant physiquement jardinier occupe un poste qu’il un moment qui n’est pas propice
montre comment le collectif (une choisit parmi les postes offerts ou parce qu’il est perçu comme
équipe de 5) parvient à rendre sur le chantier proposé. Au cours déshonorant.
juste la part de travail dur de de l’action, chacun juge sa part
chacun. Il s’agissait de pailler les d’effort au travail commun et réé- PARTAGER LES TÂCHES INGRATES,
végétaux d’un petit parc avec du quilibre selon des conventions qui DÉSHONOR ANTES : « LES GENS
mulch (2) apporté par un des jardi- tiennent compte des contribu- DOIVENT NETTOYER LEURS PROPRES
2. Couche de niers O. (55 ans) qui monopolise tions et des capacités de chacun. SALETÉS »
matériau protecteur
le poste de chauffeur en raison Les limitations de capacités ou in- Sans ce partage, ceux qui le font
posé sur le sol
pouvant être de douleurs chroniques à l’épaule capacités sont observées et jugées pour eux-mêmes et pour d’autres
composé de feuilles conséquences d’un accident de en permanence par l’ensemble ne seront jamais des membres
mortes, copeaux de
service. A. (43 ans), un autre jardi- de l’équipe. Le responsable de égaux d’une communauté poli-
bois ou autres.
nier de l’équipe, souffre, lui, d’une l’équipe, sans remettre en ques- tique [23]. Les déchets, le « brun »
hernie discale reconnue en mala- tion la maladie professionnelle (déjections canines, humaines
die professionnelle. Une observa- d’A., pense qu’il « pourrait quand dans les parcs), les seringues
tion attentive montre que sur ce même en faire plus », notamment souillées dans des lieux où se pra-
chantier, il porte deux fois plus de avec le taille-haie que A. accepte tiquent un trafic de drogues, sont
bacs que les autres, mais il les rem- de prendre, mais seulement pour pointés du doigt par les agents
plit à moitié seulement pour sou- un temps limité. Puisque tous comme relevant du « sale boulot »
lager son dos. A. ne prend pas part les membres de l’équipe ne par- [27, 28] qu’ils n’acceptent de faire
aux pauses que les deux autres ticipent pas avec le même enga- que sous conditions. Pour rendre
jardiniers font régulièrement. Le gement à toutes les tâches, des ces tâches acceptables, il est né-
responsable de l’équipe (59 ans), tensions sont perceptibles. Rendre cessaire d’épurer le « sale boulot »
sans incapacité connue, passe ce juste la part de chacun en pratique de son indignité. La respectabilité
jour-là une large partie de la ma- (en théorie, le principe d’équité est des emplois en dépend. Comment
tinée à faire le tour des sites sous acquis) est d’autant plus aisé que choisir un travail, en être fier, avoir
sa responsabilité afin de prendre les équipes sont stables (des rema- du plaisir à le réaliser si la part de
des informations sur le travail à niements d’équipe se font tous tâches indignes, déconsidérées,
réaliser sur chacun d’eux en vue les ans ou deux ans), qu’il y a une est importante ?
de programmer les chantiers de variété de tâches, que les jardi- Dans certains restaurants sco-
la semaine suivante. À son retour niers ont une liberté d’organiser la laires, la doctrine élaborée par le
sur le chantier, un peu avant la répartition des tâches et aussi, et personnel éducatif en accord avec
coupure de midi, les jardiniers lui surtout, de choisir le bon moment celui du restaurant est que les
ont laissé un tas de mulch au pied pour faire les chantiers durs. En ef- enfants doivent ramasser les gros
du camion afin qu’il fasse sa part fet, bêcher une terre gorgée d’eau déchets tombés ou jetés sous les
de travail dur, compte tenu du est épuisant, alors que lorsqu’elle tables (morceaux de pain, pelures
travail « non dur », mais reconnu est ressuyée, cette tâche est bien d’orange…) et porter leur plateau
utile par les jardiniers, qu’il a réa- plus aisée. vers un self de tri sélectif. « C’est
lisé dans la matinée. Sans mettre Il faut noter que le travail dur ne important, ils doivent tous partici-
en cause ce « reste à faire » pour se résume pas aux tâches dans per au tri. C’est pour les responsabi-
lui, le chef prend pelle et bac et fait lesquelles un effort physique doit liser ». Ainsi, les enfants font leur
des rotations. Pour faire sa part être engagé. Au contraire, l’ef- part de « sale boulot », apprennent
de travail dur, c’est au chauffeur fort physique peut être valorisé à ne pas jeter ou gaspiller et sur-
que revient la tâche de nettoyer comme signe de virilité ; il peut tout respectent les agents de
le chantier : balayer le paillage être recherché comme un exercice la restauration. Cependant, les
sur le trottoir, ranger les outils et d’entretien que certains trouvent agents polyvalents déplorent que
faire une rotation supplémentaire, aussi dans la pratique du sport cette participation au sale boulot
empiétant sur l’heure du déjeuner, par exemple. Le travail est dur s’arrête au restaurant alors que les

70 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


toilettes sont également sales. Les à sa hiérarchie. C’est la première une forme de mépris de la part de
nettoyer en l’absence du regard étape d’un protocole qui consiste à la hiérarchie. Le travail en groupe
des enfants ou du personnel édu- faire venir une équipe spécialisée « métiers » a permis de déplacer la
catif est une chose. Mais pourquoi pour décontaminer le site. Plutôt question. La prise en considération
ces tâches échoient aux agents que d’attendre son arrivée, les jar- des contraintes administratives
polyvalents de la restauration et diniers décident, ce jour-là, de ra- (le remplacement d’une absence
non à tout le personnel, éducatif et masser eux-mêmes pour pouvoir ne peut se faire qu’après un délai
de restauration ? N’y aurait-il pas faire le chantier prévu et ne pas de carence) et de celles qui pèsent
là aussi à faire un travail avec les accumuler de retard sur leur plan- sur le directeur de la restauration
enfants sur le propre ? Et à inté- ning de la semaine. L’existence de (l’impossibilité de recruter de nou-
grer ce « sale boulot » comme une cette équipe de décontamination veaux intérimaires) ont conduit
tâche pareille aux autres ? fait que ce « sale boulot » n’échoit à changer l’angle d’analyse et
Lors des échanges en groupe « mé- pas obligatoirement et seulement la posture, comme l’indique cet
tiers », les jardiniers ont rapporté aux jardiniers. Ils ont donc la liber- échange entre agents lors d’une
de nombreuses scènes vécues té de choisir de ramasser ou non. séance : « Si le travail était inté-
comme déshonorantes. « Devant Ce n’est pas le cas pour les agents ressant, il n’y aurait peut-être pas
moi, le type a laissé son chien faire polyvalents des restaurants. tout cet absentéisme ? (…) Certains
dans le massif qu’on venait de plan- responsables de restaurant (…) de-
ter. Je l’engueule ? ». Ramasser les RECONNAISSANCE ET RESPECTABILITÉ vraient peut être aussi s’interroger
déjections devant le maître serait Méconnaissance et invisibilité du eux-mêmes sur le fonctionnement
comme « accepter d’être son es- travail nourrissent le sentiment de de leur restaurant (…). C’est aussi
clave ». La doctrine qu’ils élaborent déconsidération, de suspicion et une question d’ambiance dans
est que les gens doivent ramasser d’injustice, « Ils ne voient pas tout l’équipe (…). L’ambiance, c’est pas
les déjections de leur chien. Ainsi, ce qu’on fait », notamment lors que le chef, c’est aussi l’équipe. C’est
ils sont vigilants à ce que les rou- de situations dégradées : absence une alchimie entre les titulaires,
leaux de sacs plastiques soient à d’un collègue qui conduit à faire à intérimaires, polyvalents ».
la disposition des maîtres, que les 4 ce qui doit être fait à 5, monter L’alchimie semble en partie tenir
poubelles soient vidées et que la les vivres à pied car l’ascenseur est à la façon dont le responsable du
direction Parcs et Jardins multiplie en panne depuis des mois... Dans restaurant investit ses fonctions.
la création de cani-parcs. les métiers comme ceux de la res- Les tâches qui lui reviennent (tra-
Régulièrement confrontés à la tauration scolaire, l’enjeu du ser- çabilité des prises de température,
souillure de certains lieux où se vice se présente quotidiennement feuille de jour, contrôle, prélève-
pratiquent prostitution et trafic comme un défi à relever, notam- ment des échantillons, tâches ad-
de drogue, les jardiniers prennent ment les jours où il faut faire face ministratives…) ne prennent pas
la décision de tailler les haies à à des obstacles qui se présentent tout son temps : il peut donc tenir
1 m du sol pour dissuader ces pra- voire s’accumulent au cours de la un autre poste et travailler avec
tiques. L’observation d’un chan- matinée. « À midi, on a 300 gamins son équipe. Se sentir responsable
tier souillé, seringues, habits, ser- qui viennent manger et là, j’ai pas de l’ambiance de travail, associer
viettes jonchant la terre entre les eu mon intérimaire pour remplacer ambiance, absentéisme et travail
massifs, montre les ressources que K. (absente depuis trois jours) ». Et il différencié selon le statut ou le
les jardiniers peuvent mobiliser est inconcevable de faire le dernier grade a permis aux participants de
pour faire leur travail de jardinier service à 14h30 parce qu’il manque ce groupe « métiers » de prendre
sans subir l’humiliation d’avoir du personnel et que la vaisselle conscience qu’une partie des solu-
à ramasser des détritus sales et n’est pas lavée pour le second ser- tions était à leur portée. L’attente
contaminés. Arrivés sur ce chan- vice alors que se présentent déjà de secours qui a consisté à recru-
tier, les jardiniers vérifient l’état les enfants du troisième service. ter du personnel intérimaire pour
de propreté d’un coin habituelle- Or il est fréquent que les agents faire face aux absences a montré
ment fréquenté par les prostituées de restaurant fassent à trois un ses limites. En effet, les respon-
et constatent qu’il est souillé. Ils travail prévu pour cinq. L’absence sables de restaurant font le lien
alertent leur chef qui se déplace de solution, notamment à l’absen- entre l’augmentation du nombre
pour faire des photos qu’il adresse téisme, est interprétée comme d’intérimaires et celle du nombre

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 71


VU DU TERRAIN
Travailler avec une santé altérée :
comment prévenir la désinsertion
professionnelle ?

d’absences. D’où cet échange sur police, parce qu’on est sur la voie métiers au sein de la collectivité,
les causes de l’absentéisme et ce publique ». La tension dans les rap- les échanges dans les différents
principe visant à rendre tous les ports avec le public provient en groupes liés à cette recherche-
emplois, toutes les tâches, respec- partie de l’invisibilité que tout tra- action ont porté sur les ressources
tables. Respecter les agents poly- vail comporte et qui nourrit la sus- à construire. Ce qui a conduit à
valents ou intérimaires, c’est leur picion de fainéantise. Les récits des l’élaboration de films-métiers,
proposer un travail reconnu et jardiniers sur les plaintes déposées conçus, tournés et commentés par
partager le travail dur. À plusieurs via des applications pour smart- les opérateurs de métiers volon-
reprises, au sein de ce groupe, il a phones mises en place par la ville taires afin de montrer le réel du
été établi que le fait de déléguer d’actes répréhensifs montrent travail. L’enjeu est aussi ici celui
le « sale boulot » aux intérimaires l’importance de la construction de la respectabilité des métiers
conduisait à s’exposer à de l’absen- d’une représentation de chaque de chacun par une meilleure (re)
téisme de leur part. Faire équipe, métier. « L’autre jour, on a attendu connaissance des contraintes, in-
stabiliser son personnel, avoir une le camion, pour pouvoir charger jonctions paradoxales, mais aussi
bonne ambiance, passe par des un tronc tombé sur la chaussée et des joies, de la fierté du travail
principes discutés et reconnus : il y a eu des dizaines de photo en- accompli.
partager toutes les tâches, autori- voyées au cabinet du maire pour
ser négociations et rééquilibrages dénoncer notre inactivité ! ». Cette AMÉNAGEMENTS ET
au sein de l’équipe en faisant adve- scène où des jardiniers sont assis RECLASSEMENTS
nir une réciprocité. Ce sont là les durant l’attente du camion a été Les résultats de cette recherche-
conditions de la coopération, du interprétée par certains passants action rejoignent les observations
« faire ensemble », du sentiment comme une preuve de fainéan- faites par d’autres chercheurs sur
d’être engagé dans une épreuve tise. La consigne donnée par leur les inaptitudes médicales et les
commune, d’être utile. chef a été celle de l’activisme : processus d’aménagement, de re-
De jeunes jardiniers ont fait le ré- « vous devez bouger, rester debout classement. Si ceux-ci peuvent être
cit, lors des réunions des groupes au moins, même s’il n’y a rien à des instruments de protection de
« métiers », de situations où ils ont faire ». Ces dénonciations, qui la santé des opérateurs déjà fragi-
tenté de répondre par la violence dans un premier temps ont blessé lisés, ils peuvent aussi les exposer
à la violence (passage à l’acte sur les jardiniers, se sont transformées à des formes de relégation, créer
un habitant qui piétinait délibéré- positivement avec l’exercice de la des tensions entre collègues qui
ment, devant le jardinier, un mas- justification qu’elles ont sollicité. se voient dans l’obligation de com-
sif de fleurs qui venaient d’être Régulièrement convoqués par le penser ce que « l’inapte » ne peut
plantées). Un jardinier plus expé- responsable du service pour ré- plus faire. Et ce dans des contextes
rimenté fait part, en groupe, de sa pondre, au cabinet du maire, de où les marges de tolérance au
pratique : il va à la rencontre des photos de jardiniers en inaction, report de tâches se réduisent du
passants mécontents pour expli- les responsables d’équipe ont fait de l’intensification du travail.
quer le travail du jardinier dans appris à justifier leurs actions par L’exploration des formes de régu-
le contexte de la rationalisation une remise en contexte. C’est tout lations et d’aménagements infor-
des politiques publiques condui- un ensemble d’éléments, souvent mels favorisés ou empêchés révèle
sant à ne tondre certains espaces invisibles, d’incidents (parfois que l’inaptitude est moins le ré-
plus que deux fois par an : « pour récurrents) qui pèsent sur l’exer- sultat d’une pathologie médicale,
les gens, ça fait sale. Il faut expli- cice du métier qui est ainsi mis que l’aboutissement d’un proces-
quer l’intérêt mellifère, en terme en lumière : camion bloqué par la sus d’exclusion déjà amorcé pour
de biodiversité ». Un autre encore circulation ou pour un pneu crevé, d’autres raisons (rupture dans les
analyse les agressions, violences machine en panne, déplacement régulations collectives, difficultés
subies comme une expression inutile en raison d’une mauvaise d’adaptation à un nouvel environ-
d’un mécontentement qui serait information ou de défaut de coor- nement de travail ou de nouvelles
non pas adressé aux jardiniers dination entre services… tâches, relations conflictuelles
mais plus généralement à la ville, Pour contribuer à lever une part de avec les collègues et/ou la hié-
à la société. « C’est pas après nous cette invisibilité du travail réel, et à rarchie…) [29].
qu’ils en veulent. On prend les donner accès à une représentation Ici, l’accent est mis sur la portée de
coups, comme les pompiers ou la de l’ensemble du panorama des démarches qui tiennent ensemble

72 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


prévention primaire, secondaire d’adaptation : gérer l’incertitude de propre du sujet » [41]. Elle doit
et tertiaire. Car « si le salarié est sa situation, s’adapter à un nouveau donc être redéfinie pour servir
inapte, c’est bien sûr parce que ses métier, à une nouvelle équipe » [29]. ses propres normes de vie. « Je me
capacités physiques ou psychiques Pour être apte à un emploi d’inapte, porte bien, note Canguilhem, dans
se sont dégradées, mais tout autant il faut à la fois satisfaire aux at- la mesure où je me sens capable
parce que l’environnement social tentes professionnelles (répondre de porter la responsabilité de mes
du travail se révèle inadapté à aux règles du métier) et à l’attente actes, de porter des choses à l’exis-
son nouvel état de santé » [30]. La médicale (accepter d’être définis tence et de créer entre les choses des
prévention de la désinsertion pro- par des défaillances) ; ce qui ins- rapports qui ne leur viendraient
fessionnelle passe donc par une talle, souvent durablement, dans pas sans moi » [13]. C’est pourquoi
transformation du travail, non pas ces zones de relégation que sont les l’activité n’est pas seulement réa-
seulement de celui qui est reconnu prolongations de l’arrêt maladie ou lisation de tâches mais aussi et
« inapte » mais du travail de tous : les « placards pour inaptes » [35]. surtout production d’un milieu
il s’agit bien de viser un travail L’incertitude pèse de tout son poids d’objets matériels, symboliques et
soutenable. sur « l’inapte » suspendu à une de rapports humains. Elle permet
Il est donc nécessaire de concevoir décision à venir. Les observations la recréation d’un milieu de vie,
une organisation qui puisse per- faites dans cette RA rejoignent les y compris au travail, et ce même
mettre que tous (reconnus ou non nombreux travaux qui soulignent dans les métiers où l’activité est
par le service de santé au travail) l’importance de la dimension tem- réputée pénible.
bénéficient d’aménagements à porelle dans les processus de retour
tout moment, ajustés à la situa- au travail, « réadaptation », reclas- SANTÉ GLOBALE :
tion, temporaires, discutés avec sement. Il est ici essentiel de pré- PHYSIOLOGIQUE,
les collègues et l’encadrement, à venir l’installation dans la longue PSYCHOLOGIQUE, SOCIALE
charge de revanche vis-à-vis des durée de ces périodes d’attente et Constitué de normes sociales, un
collègues selon le principe de la de retrait de l’activité [36 à 38]. milieu de vie construit la santé
triple obligation sociale mise en globale s’il :
évidence par Marcel Mauss [31] : O autorise une liberté d’action,
donner, recevoir, rendre. « C’est une alternance de périodes d’acti-
normal, il faut qu’on l’aide... Ça CONSTRUIRE LA/SA SANTÉ vité, de confrontation aux diffé-
fait trois semaines que je l’ai mise AU TRAVAIL TOUT AU LONG rents mondes sociaux (profession-
sur un poste facile. Mais là, il fau- DE LA VIE nel, voisinage, familial, militant,
drait qu’elle en fasse plus, sinon je culturel, sportif…), afin d’organiser
vais avoir des problèmes avec les CONSTRUIRE SA SANTÉ, son travail, de trouver des straté-
autres » (responsable de restau- C’EST ÉLABORER DES gies de compensation, de récupé-
rant). En effet, les aménagements NORMES DE VIE ration, d’élaborer des savoir-faire
ne tiennent dans le temps que La santé n’est pas seulement la vie de prudence ;
s’ils s’inscrivent dans une logique dans le silence des organes, elle O donne des occasions de se
d’avantage mutuel (avec une com- est aussi une possibilité d’orga- mettre à l’épreuve : faire des choses
pensation du report de tâche) et si nisation de la normativité vitale que l’on n’aurait pas faites si on
tous peuvent bénéficier d’aména- et sociale [39]. La santé advient n’y était pas poussé et qui, une
gement à un moment donné. en produisant, à l’intérieur des fois faites, procure énergie, plaisir,
L’obligation de reclassement [32, 33] normes sociales, une possibilité fierté ou doute. Ces épreuves per-
se traduit le plus souvent par une vitale autre, qualitativement dif- mettent de nouveaux apprentis-
gestion au cas par cas, peu anti- férente, puisée dans le registre sages, des remises en questions, de
cipée et où prévaut la dimension archaïque des normes naturelles gagner en autonomie, de prendre
fortement discrétionnaire du pro- définies par le « besoin » [40]. Le part à une activité collective, de se
cessus à l’œuvre (reconnaissance besoin vital, précise Canguilhem, fixer de nouveaux objectifs… ;
des qualités professionnelles, degré cité par Leblanc [40] ne fonde O permet de transformer le cadre
de proximité relationnelle entre le pas l’acte social mais l’acte social et le contexte dans lequel les acti-
salarié et son équipe) [34]. De plus, réinvente le besoin vital. Ainsi, « la vités ou tâches réputées dures, ré-
« paradoxalement, entrer en inap- tâche, contrainte ou non, devient pétitives, contraires à ses valeurs,
titude réclame de bonnes capacités un moyen au service de l’activité se déploient et se transforment

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 73


VU DU TERRAIN
Travailler avec une santé altérée :
comment prévenir la désinsertion
professionnelle ?

afin qu’elles deviennent des acti- également la notion de parcours : pas en sens unique et qu’elle ne
vités reconnues et dans lesquelles parcours professionnel tout d’abord bénéficie pas uniquement qu’à
chacun puisse se reconnaître. On où il s’agit de suivre un salarié tout certains membres de l’équipe.
l’a vu, c’est parce qu’elles sont par- au long de sa vie professionnelle et S’engager intensément, travailler
tagées, valorisées et associées au quels que soient les statuts profes- plus que ses collègues, « lever le
métier qu’elles « obligent». sionnels, la nature des contrats et pied » selon sa forme du moment,
leurs éventuelles ruptures ; mais selon les retours que l’on obtient
CONSTRUIRE UNE LIBERTÉ aussi parcours personnel couvrant sur ses actions, construit son rap-
D’ACTION plus de 45 ans de vie à l’âge adulte, port au travail. Ce dernier n’est pas
La construction de sa santé, tout au parcours potentiellement émaillé sans lien avec les normes de vie,
long de sa vie, dans les différentes d’évènements de santé, pathologies toujours évolutives. Les travaux pé-
sphères d’activités, tient à la liber- chroniques et survenue de handi- nibles, s’ils autorisent un dévelop-
té d’action (choisir de faire, avec caps, liés ou pas au travail, qui me- pement de ses capacités, peuvent
qui, comment, pourquoi) qui seule nacent l’insertion professionnelle et être perçus comme autant d’expé-
autorise l’expression des normes dont il convient d’éviter l’aggrava- riences potentiellement enrichis-
de vie perçues comme plus impor- tion par le travail » [6]. santes. Ce qui compte, c’est que
tantes que les recommandations l’opérateur puisse choisir le mo-
de prévention. DÉCLOISONNEMENT ment, l’intensité avec laquelle il se
Cette construction suppose de DES ACTEURS prescrit cette tâche, qu’elle entre
se donner les moyens, indivi- Cette approche de la santé dé- dans ses normes de vie et que ce
duellement et collectivement, de passe les cadres institutionnels travail en plus soit reconnu par les
construire une liberté d’action : elle du champ d’action des services autres, troqué contre un travail en
permet à chacun de réinvestir son de santé au travail ; elle convoque moins le jour où ce même opéra-
travail, l’organiser, d’y vivre (et non pour la transformation non pas teur ne sera pas en forme.
seulement d’en vivre). Cette liberté seulement les experts de la santé,
d’action semble paradoxale dans mais aussi le « milieu de travail ».
la logique salariale et le contrat de Elle implique par ailleurs un sujet
subordination qui l’encadre, mais actif, c’est-à-dire en capacité de CONCLUSION
elle est une nécessité vitale : pou- produire de nouvelles normes de
voir décider de ses actions, du sens, vie, « hors travail », au travail et de Le travail de santé est une
de la hauteur de l’investissement, transformer ces milieux afin qu’ils construction des normes de vie.
du moment de l’engagement… répondent à ces normes. « Je ne veux plus de stress au tra-
Sans cette liberté, dans un univers vail… Je veux faire des choses qui
trop contraint, les normes de vie ne EXERCER SES DROITS ont du sens… Pour mon dos, je dois
peuvent se déployer. DANS DES CONDITIONS limiter la charge ». Ces résolutions
DE RÉCIPROCITÉ individuelles se heurtent quoti-
DÉCLOISONNEMENT Il s’agit de se donner les moyens, diennement aux prescriptions, au
TEMPOREL individuellement et collective- rythme, au contexte dans lequel
La prévention de la désinsertion ment, d’exercer ses droits dans les les activités se déroulent. Au tra-
professionnelle suppose d’intégrer situations sociales dans lesquelles vail, chez soi, la tentation de suivre
une perspective diachronique et chacun est engagé. Ici, ces droits ne le cours de l’action, d’en faire plus
de restaurer la continuité entre la concernent pas seulement le droit ou trop est grande. Le travail de
prévention primaire des accidents de grève ou de retrait qui peuvent santé suppose de négocier, avec
et maladies d’origine profession- être utilisés par les agents lors de soi-même et avec les autres, des
nelle, de l’usure prématurée, la situations critiques ; ils intègrent aménagements temporaires ou
prévention secondaire face aux le droit à en faire moins pour se durables en vue d’une prise en
troubles infra-pathologiques ou préserver, à charge de revanche. compte des symptômes, d’une
dès l’apparition des problèmes de L’acceptation sociale de la varia- amélioration ou d’une recons-
santé avérés, et enfin tertiaire, pour tion des capacités productives et le truction de ses capacités. Mais
réduire les effets sur l’emploi et sur déclenchement de coopérations se faire autrement, être différent des
l’activité d’une santé dégradée. « Ce fait d’autant mieux que la recon- autres appelle une justification et
séquençage dans le temps introduit naissance de cette variation n’est une acceptation. Car révéler une

74 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


fragilité, exprimer ses difficul-
tés de santé, c’est lever un voile
POINTS À RETENIR
sur un ensemble de mécanismes
Une part croissante de salariés travaille avec une santé
protecteurs (déni, mensonge) et altérée.
de croyances (invulnérabilité) au
risque d’une mise à l’écart, pou- En poursuivant une évolution essentiellement orientée
vant conduire à une désinsertion vers la rentabilité-réactivité, les contraintes qui pèsent
sociale, professionnelle [42]. A
sur l’activité de travail se multiplient et peuvent rendre
caduques les stratégies permettant à ceux qui ont une santé
contrario, taire ses difficultés, c’est
fragile de se ménager tout en répondant aux exigences
courir le risque d’avoir à subir des productives.
conditions qui peuvent s’avérer
délétères pour sa santé. L’accroissement des sorties de l’emploi pour raison de
L’élaboration de nouvelles normes santé, le tarissement des postes « doux », l’augmentation
des files actives de salariés à reclasser constituent autant
pour vivre et travailler avec une
de signes de la nécessité de prévenir la désinsertion
santé altérée, permet de redessi-
professionnelle.
ner sa place dans un monde social
peu enclin, mal équipé pour gérer Une recherche-action conduite avec le service des
les projets, rythmes, variations des ressources humaines d’une grande ville vise à identifier
capacités productives de chacun.
les conditions permettant l’élaboration de stratégies
individuelles, collectives et organisationnelles favorisant la
L’aide de pairs, de proches, de col-
poursuite de l’activité d’agents avec des limitations ou des
lègues, de professionnels permet capacités de production fluctuantes.
de soutenir l’élaboration d’argu-
ments et de stratégies pour faire La prévention de la désinsertion professionnelle passe
face à ces défis et avancer dans par une réflexion partagée sur les conditions d’un travail
une voie qui permette de tenir
en santé et une transformation des modes opératoires
individuels et collectifs.
ensemble activité et santé.
La prévention de la pénibilité est indissociable de la
recherche des différentes voies visant à préserver et
développer des marges de manœuvre dans l’activité de
chacun.
Les restrictions d’aptitude, les aménagements formels
du travail, les mises à l’abri des tâches éprouvantes pour
ceux qui ont « des problèmes de santé », leur délégation
aux plus jeunes, aux intérimaires… peuvent contribuer au
développement de tensions dans les équipes.
La prévention de la désinsertion professionnelle passe
par une transformation du travail, non pas seulement de
l’« inapte » mais du travail de tous : il s’agit bien de viser un
travail soutenable.
Construire la/sa santé (entendue comme santé globale :
physiologique, psychologique, sociale) au travail tout au long
de la vie suppose une activité normative, celle qui permet
d’instituer de nouvelles règles de fonctionnement pour soi et
avec les autres.
Cette approche de la santé implique à la fois les experts
de la santé, mais aussi le « milieu de travail» (collègues,
hiérarchie, fonctions RH…), ainsi que le sujet lui-même.

BIBLIOGRAPHIE

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 75


VU DU TERRAIN
Travailler avec une santé altérée :
comment prévenir la désinsertion
professionnelle ?

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maintien dans l’emploi des sur le travail et la santé. Pistes. 40 | LE BLANC G - Canguilhem
salariés ayant connu la longue 2002 ; 4-2 : 1-34. et les normes. Paris : Presses

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 77


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RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL
TF 266
VU DU TERRAIN

Surveillance biologique des


expositions professionnelles
aux agents chimiques : les
pratiques des équipes de santé
au travail
AUTEURS :
en A. Nicolas, Laboratoire de toxicologie et biotoxicologie professionnelle Toxilabo, Nantes
résumé F. Pillière, département Études et assistance médicales, INRS

A
Les recommandations de MOTS CLÉS
bonne pratique pour la Risque chimique /
surveillance biologique des Surveillance
biologique /
expositions (SBEP) aux risques Questionnaire /
chimiques ont été publiées en Recommandation / u cours des 20 der- de son exécution (choix de l’indica-
mai 2016. Afin de connaître Biométrologie nières années, le recours à la sur- teur biologique d’exposition (IBE),
leur utilisation, une enquête veillance biologique des exposi- des modalités de prélèvement et de
par questionnaire a été tions professionnelles (SBEP) ou à transport…), à l’interprétation et à la
entreprise auprès de services la biométrologie des expositions restitution des résultats, tant indivi-
de santé au travail (SST). aux agents chimiques, grâce aux duelles que collectives, mais aussi à
Cette enquête met en évidence analyses biologiques spécifiques, la conservation des données.
une bonne maîtrise du contenu a fortement progressé dans le do- Deux années après leur publica-
des recommandations par les maine de l’évaluation de l’exposi- tion, il est apparu utile de mieux
médecins en SST autonome. tion aux agents chimiques. connaître les pratiques actuelles des
En SST interentreprises, le En effet, il est constaté une diversifi- équipes des services de santé au tra-
besoin de formation sur la cation des métiers et secteurs d’acti- vail (SST), dans le but d’améliorer et
mise en œuvre de la SBEP vité susceptibles d’être concernés d’harmoniser l’utilisation de la SBEP
selon ces recommandations par la SBEP, des analyses biologiques en santé au travail, par le biais d’une
est manifeste, notamment disponibles en pratique courante, enquête par questionnaire.
concernant l’usage de la ainsi que des acteurs en santé au
fiche de renseignements travail impliqués dans la mise en
médicaux et professionnels œuvre de la SBEP.
(FRMP), la pratique de la Par ailleurs, en mai 2016, les recom- MÉTHODOLOGIE
pluridisciplinarité, la traçabilité mandations de la Société française
collective des résultats. de médecine du travail (SFMT) sur Le questionnaire a été diffusé aux
La mise en place de médecins la SBEP aux agents chimiques ont différents acteurs susceptibles d’in-
référents régionaux, formés été publiées [1]. Dans les recom- tervenir dans le domaine de la SBEP :
aux risques chimiques et, en mandations de bonne pratique de médecins du travail, infirmièr(e)s en
particulier à la SBEP, avec une la SFMT, 36 recommandations ont santé au travail (IDEST), intervenant
bonne connaissance de ces été rédigées pour guider le médecin en prévention des risques profes-
recommandations, devrait du travail dans sa décision de mise sionnels (IPRP), toxicologues.
permettre de développer en place de la biométrologie (ou Les experts impliqués dans l’éla-
une SBEP de qualité. SBEP), allant du choix des modalités boration des recommandations de

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 79


VU DU TERRAIN
Surveillance biologique des expositions
professionnelles aux agents chimiques :
les pratiques des équipes de santé au travail

,Tableau I
RÉSULTATS ET DISCUSSION
> LISTE DES QUESTIONS RETENUES DANS LE QUESTIONNAIRE PARMI CELLES
ÉTUDIÉES DANS LES RECOMMANDATIONS [1] POPULATION DES
RÉPONDANTS
Questions des experts retenues Références des
dans le questionnaire recommandations associées Deux cent quarante-quatre (244)
réponses au questionnaire ont été
Q3 : Comment articuler la surveillance biologique des expo-
R2 et R3 obtenues sur une période de 3 mois,
sitions professionnelles avec la surveillance externe ?
de juillet à septembre 2018. Après
Q4 : Quelles sont les caractéristiques d’un bon indicateur
biologique de l’exposition (IBE) à un agent chimique ? Com- R4 et R5 analyse des réponses, 63 % de celles-
ment faire le choix entre plusieurs IBE disponibles ? ci émanent de médecins du travail
Q5 : Comment définir la stratégie de mise en œuvre et en SSTI et 22 % de médecins du tra-
prescrire une surveillance biologique des expositions pro- R6, R7, R8 et R9 vail exerçant en SSTA ; près de 8 %
fessionnelles ?
d’IDEST et 7 % d’IPRP-toxicologues
Q6 : Comment effectuer un prélèvement et un transport ont également répondu (figure 1).
R10, R11, R12, R13, R14 et R15
des échantillons de bonne qualité ?
Parmi les IDEST, 12 sur 19 exercent
Q7 : Quels sont les éléments à prendre en compte pour choi-
R16, R17, R18 et R19 en SSTI. Parmi les IPRP, 6 sur 17 sont
sir un laboratoire ?
toxicologues.
Q8 : Quels sont les éléments à prendre en compte pour Pratiquement toutes les régions
interpréter les résultats de la surveillance biologique des R20, R21, R22, R23, R24 et R25
expositions professionnelles ? françaises sont représentées, puis-
que les réponses au questionnaire
Q9 : Comment restituer les résultats de la surveillance bio-
logique des expositions professionnelles aux travailleurs R26, R27, R28 et R29 sont issues de 12 des 13 régions fran-
concernés ? çaises (tableau II).
Q10 : Comment restituer les résultats de la surveillance
biologique des expositions professionnelles à la collectivité R30, R31, R32 et R33 RÉPONSES AUX QUESTIONS
concernée ?
Dans la majorité des cas, les ré-
Q11 : Comment assurer la conservation des résultats de la ponses des IDEST (19 répondants)
surveillance biologique des expositions professionnelles
pour assurer la traçabilité des expositions individuelles et R34, R35 et R36 et des IPRP (17 répondants), repré-
collectives et permettre, le cas échéant, leur partage et leur sentant, pour chaque groupe, moins
exploitation à des fins de prévention ? de 8 % des répondants, n’ont pas été
exploitées.

bonne pratique de la SBEP ont ré- médecine et de santé au travail QUI PRESCRIT ?
pondu à 11 questions [1]. Neuf d’entre de l’Ouest (SMSTO) en partenariat Quatre-vingt-onze pour cent des
elles ont été reprises dans le ques- avec la SFMT, les 11 et 12 octobre 2018 médecins du travail ayant répondu
tionnaire de la présente enquête, les (compte rendu de ces journées pp. 137 au questionnaire sont prescripteurs
deux autres étant relatives à la défi- à 150 de la revue), ont été l’occasion d’une SBEP. Soixante-quatorze pour
nition de la SBEP et à ses indications de diffuser par mail le question- cent des IDEST et 94 % des IPRP qui
et contre-indications (tableau I). naire aux personnes inscrites à ces ont répondu, sont impliqués dans la
Le questionnaire (annexe 1, pp. 85 à journées mais également à des mé- SBEP prescrite par des médecins du
86) aborde les thèmes suivants : le decins du travail en service de santé travail.
rôle des différents acteurs, l’articula- au travail inter-entreprises (SSTI) Les principaux agents chimiques
tion entre la SBEP et la surveillance ou en service de santé au travail pour lesquels une SBEP est prescrite
de l’exposition externe, la réalisa- autonome (SSTA), ou encore, à des ou envisagée sont :
tion pratique de la SBEP, les critères toxicologues, non-inscrits à ces jour- O les éléments métalliques : plomb,
de choix du laboratoire, son impli- nées. Certains toxicologues, méde- chrome, nickel, cobalt, arsenic, mer-
cation dans la gestion de l’échantil- cins référents ou coordinateurs de cure ;
lon et l’interprétation des résultats, SST ont par ailleurs diffusé le ques- O une grande variété de composés
la restitution et la conservation des tionnaire au sein de leur service ou organiques : des solvants, le styrène,
résultats. de leur réseau médical. Le question- des cytostatiques, des HAP et une
Les journées de toxicologie de La naire était accompagné d’une brève amine aromatique, la méthylène
Baule, organisées par la Société de introduction sur la SBEP. dianiline (MDA).

80 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


,Figure 1 STRATÉGIE DE MISE EN ŒUVRE, LES
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
Nombre et pourcentage de répondants au questionnaire par fonction Trente-sept pour cent des médecins
du travail en SSTI se posent la ques-
tion de l’agent chimique à cibler
lorsqu’ils décident de mettre en
place une SBEP, soit 2 fois plus que
les médecins de SSTA (17 %).
Le choix de l’indicateur biologique
d’exposition (IBE) est également un
sujet d'interrogation puisqu’envi-
ron la moitié (47 %) des médecins du
travail en SSTI ne sait pas quel IBE
choisir (vs 28 % de ceux qui exercent
en SSTA).
Environ 1/4 des médecins du travail
en SSTI ne sait pas quels salariés
prioriser dans la prescription de
SBEP ; cette difficulté est rencontrée
IDEST : infirmier de santé au travail par 15 % des médecins en SSTA.
IPRP : intervenant en prévention des risques professionnels Les résultats de surveillance externe
MT-SSTA : médecin du travail en service autonome
MT-SSTI : médecin du travail en service de santé interentreprises
de l’exposition via la métrologie
atmosphérique, quand elle est réali-
sée, sont une aide dans la démarche
de prescription de SBEP pour 44 %
TYPE DE PRESCRIPTION :
INDIVIDUELLE OU COLLECTIVE ?
,Tableau II
Quatre-vingt-quatre pour cent des
médecins du travail de SSTI et 62 %
> RÉPARTITION DES RÉPONSES EN FONCTION DES RÉGIONS ET DES
des médecins du travail de SSTA
FONCTIONS DES RÉPONDANTS
prescrivent une SBEP de façon indi-
viduelle dans le cadre d’une consul-
12 régions
Effectif MT SSTA MT SSTI IDEST IPRP
tation médicale. La très grande total (244) (53) (155) (19) (17)
majorité des médecins du travail de
Bourgogne Franche-Comté 7 – 5 2
SSTA (soit 87 %) réalisent des pres-
criptions de façon collective (dans Normandie 7 – 5 2
le cadre de campagnes de SBEP sur Languedoc Roussillon Midi
8 3 4 1
un secteur d’activité, par rapport à Pyrénées
une tâche). Cette modalité est uti- Aquitaine Limousin Poitou
11 5 3 1 2
Charentes
lisée de façon moins fréquente par
les médecins du travail de SSTI (soit Auvergne Rhône-Alpes 29 6 21 2
64 %). Ainsi, la prescription d’une Bretagne 13 3 9 1
SBEP est faite le plus souvent dans Alsace Champagne Ardenne
17 6 9 1 1
le cadre d’un suivi individuel en SSTI Lorraine
et plus fréquemment dans le cadre PACA 21 3 14 1 3
de campagnes collectives au niveau Centre 7 1 5 1
de groupes de salariés en SSTA.
Île-de-France 30 12 18
La SBEP est mise en place par le
Pays de la Loire 35 4 24 5 2
médecin du travail avec l’aide de
l’équipe pluridisciplinaire en pro- Hauts de France 48 3 34 5 6
portion équivalente en SSTI (45 %) et non précisée 11 7 4
en SSTA (46 %).

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 81


VU DU TERRAIN
Surveillance biologique des expositions
professionnelles aux agents chimiques :
les pratiques des équipes de santé au travail

des médecins en SSTI et pour 70 % sont jugés satisfaisants par plus de renforce l’intérêt de développer la
des médecins en SSTA. 2/3 des médecins du travail (68 % en promotion pour ces recomman-
SSTI et 87 % en SSTA). dations, promotion déjà effectuée
INFORMATIONS SUSCEPTIBLES D’IN- notamment via différents vecteurs
FLUENCER LE MOMENT DE PRÉLÈVE- RESTITUTION DES RÉSULTATS ET TRA- (base de données « Biotox », atelier
MENT ÇABILITÉ précongrès de médecine et de santé
Le moment de prélèvement est La restitution des résultats de la au travail de Marseille en 2018, Jour-
défini par le médecin du travail sur SBEP est effectuée de façon indivi- nées de toxicologie de La Baule en
l’ordonnance de prescription de la duelle par 87 % des médecins du tra- 2018, Journées des différentes socié-
SBEP. Pour cela, le questionnaire in- vail en SSTI ou en SSTA. tés régionales de médecine et santé
vestiguait 3 sources d’information : En revanche, la restitution de la au travail, articles dans la revue de
O les informations données par le SBEP est assurée de façon collective l’INRS Références en Santé au Tra-
laboratoire : elles sont utilisées par par 42 % des médecins du travail de vail...).
89 % des médecins du travail de SSTI et 68 % de ceux en SSTA. La SBEP semble, au vu des réponses,
SSTA et par 59 % des médecins du La traçabilité des résultats dans essentiellement prescrite de façon
travail de SSTI ; le dossier individuel du salarié est individuelle dans le cadre du suivi
O les informations données par une assurée par la grande majorité des médical des salariés (surtout par les
base de données : elles sont utiles médecins du travail, qu’ils soient en médecins du travail de SSTI). Près
pour 74 % des médecins du travail SSTI (92 %) ou en SSTA (94 %). La tra- de 90 % des médecins du travail de
en SSTA et 63 % de ceux qui exercent çabilité collective à travers la fiche SSTA (contre 2/3 des médecins du
en SSTI ; d’entreprise est assurée par 31 % travail de SSTI) la prescrivent plus
O les informations spécifiques à des médecins en SSTI et par 40 % de de façon collective au niveau d’un
l’activité du salarié : la durée de ceux en SSTA. groupe de travailleurs (groupe d’ex-
l’activité exposante, la fréquence de position similaire - GES) exerçant
l’exposition et la durée des tâches CONNAISSANCE DES RECOMMANDA- une activité à risque spécifique, ce
exposantes sont utilisées par plus TIONS DE BONNE PRATIQUE qui fait tout l’intérêt de la SBEP. Le
de 80 % des médecins du travail Un point essentiel, seulement 45 % manque de temps pour définir des
(SSTI et SSTA confondus). des médecins du travail en SSTI GES, le fait de ne pas être toujours
La fiche de renseignements médi- connaissent les recommandations sur le terrain, ou le manque de
caux et professionnels (FRMP) [2] de bonne pratique sur la SBEP aux connaissances sont peut-être des
(annexe 2, pp. 87 à 88) est remplie produits chimiques de la SFMT, vs explications à ces disparités de pra-
(et accompagne le prélèvement) 59 % de ceux qui exercent en SSTA. tique.
pour 43 % des médecins du travail Il est étonnant de constater que la
en SSTI et pour 72 % de ceux en SSTA DISCUSSION mise en place d’une SBEP est le plus
; elle est remplie le plus souvent par L’analyse des réponses confirme la souvent décidée par le médecin du
les IDEST, en collaboration avec le diversité des pratiques et des be- travail seul et que l’équipe pluridis-
médecin du travail. soins des différents acteurs dans le ciplinaire, et notamment l’IDEST, qui
domaine de la SBEP. a un rôle fondamental à jouer pour
CONSEILS DEMANDÉS AU LABORA- Parmi les répondants, 91 % ont une la mise en place pratique de cette
TOIRE DANS LE CHOIX DE L’IBE pratique de SBEP, ce qui témoigne SBEP, n’est sollicitée ou associée que
L’IBE est choisi après conseils pris d’un public déjà bien sensibilisé dans moins de la moitié des cas (que
auprès d’un laboratoire de proxi- à la question, et pourtant seule ce soit pour les médecins du travail
mité par 42 % des médecins du tra- la moitié des médecins du travail de SSTA ou SSTI).
vail en SSTI (vs 77 % des médecins (SSTI et SSTA confondus) connaît les Les difficultés rencontrées par les
du travail en SSTA) et auprès d’un recommandations de bonne pra- répondants, principalement les mé-
laboratoire spécialisé par 37 % des tique de la SFMT. De plus, la moitié decins du travail des SSTI, quant au
médecins du travail en SSTI (vs 68 % des médecins du travail de SSTI et choix de l’agent chimique, de l’IBE
de ceux en SSTA). 1/4 des médecins du travail de SSTA à privilégier et au choix des salariés
Les conseils donnés par le labora- ne savent pas où les trouver. En chez qui mettre en place cette SBEP,
toire, que ce soit sur les conditions revanche, les médecins du travail témoignent de la nécessité d’amé-
de transport des échantillons ou qui les connaissent les jugent, pour liorer la formation des médecins
dans l’interprétation des résultats, plus de 80 % d’entre eux, utiles. Cela du travail (et des équipes de santé

82 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


au travail) dans ce domaine (via des d’une fiche spécifique, notamment travail de SSTA et de SSTI s’explique
formations présentielles, en ligne, dans sa partie concernant le des- peut-être par le fait que cette res-
des webinaires…). criptif de l’activité professionnelle titution collective est déléguée en
Alors que la métrologie atmosphé- (tâches effectuées ; moyens de pro- SSTI aux IDEST (qui la réalisent dans
rique et la SBEP ne doivent pas être tection individuelle ou collective). 1/3 des cas). Il est important de souli-
opposées mais peuvent être, dans Chaque médecin du travail peut gner que cette restitution collective
de nombreuses situations, com- s’approprier cette fiche et la modu- est indispensable pour permettre
plémentaires, près de la moitié des ler pour chaque campagne de SBEP. de mettre en place avec plus d’effi-
médecins du travail de SSTI n’uti- En effet, les informations utiles lors cacité les mesures de prévention
lise pas les résultats de métrologie d’une SBEP au styrène dans la mise collective et individuelle pour les
atmosphérique récents en complé- en œuvre des polyesters ne sont pas groupes de salariés les plus à risque.
ment de ceux de biométrologie (les les mêmes que celles pour évaluer Une information devrait être faite
médecins du travail en SSTA ne sont l’exposition aux hydrocarbures aro- en ce sens et ce d’autant plus qu’il
que 20 % à ne pas les utiliser). Cela matiques polycycliques (HAP) et au s’agit des recommandations R30 et
souligne encore un défaut d’infor- benzène dans les garages. R31 des recommandations de bonne
mation sur l’intérêt de la métrologie Quant aux sources d’informa- pratique pour la SBEP de la SFMT [1].
atmosphérique en association avec tion utilisées par les répondants, il Quant à la traçabilité des résultats,
la SBEP même si, dans certains cas, semble que tant les laboratoires que à l’image de ce qui est pratiqué pour
la SBEP est plus informative à elle les bases de données (sans préci- leur restitution, si elle est effective-
seule et ne nécessite pas qu’une ser lesquelles) soient de précieuses ment réalisée de façon individuelle
métrologie atmosphérique soit sources d’informations. dans le dossier médical de santé au
réalisée. À titre d’exemple, en SSTI, Les acteurs de santé au travail im- travail du salarié (DMST) dans plus
les médecins du travail prescrivent pliqués dans la SBEP, particulière- de 90 % des cas, les informations
le plus souvent des plombémies ment les médecins du travail, sont globales et anonymisées de la SBEP
qui nécessitent très peu d’informa- satisfaits des relations qu’ils ont ne sont tracées dans la fiche d’entre-
tions complémentaires quant au avec les laboratoires et des conseils prise que par moins de 40 % des
moment de prélèvement (la 1/2 vie apportés dans plusieurs domaines : médecins du travail (il s’agit pour-
biologique longue du plomb leur choix de l’IBE, préconisations sur tant de la recommandation R35 des
est bien connue). Les médecins du les conditions de prélèvement et recommandations de bonne pra-
travail connaissent bien la SBEP au de transport des échantillons, aide tique pour la SBEP de la SFMT [1]).
plomb, le plus souvent ils en ont à l’interprétation des résultats (et Les réponses au questionnaire ré-
une pratique ancienne, la plom- ce, que le laboratoire soit un labo- vèlent que les médecins du travail
bémie ayant la seule valeur limite ratoire de proximité ou spécialisé). en SSTA mettent plus facilement
biologique règlementaire et contrai- Cependant il faut garder à l’esprit en œuvre les recommandations de
gnante existant en France. que l’interprétation des résultats la SFMT, alors que ceux exerçant en
La faible utilisation de la FRMP est de SBEP dans des situations d’expo- SSTI rencontrent plus de difficultés.
à la fois étonnante et regrettable. sition professionnelle à des risques Ces différences pourraient être
En effet, seuls 43 % des médecins chimiques complexes en raison liées à l’organisation des SST et aux
du travail de SSTI (contre 72 % des du procédé, de multi-expositions, moyens dont ils disposent pour
médecins du travail de SSTA) la ren- ou autres sera mieux affinée si le mettre en œuvre l’ensemble des
seignent alors qu’elle est une source laboratoire est spécialisé dans les recommandations pour la SBEP,
incontournable d’informations risques chimiques professionnels. notamment l'identification d’un
et qu’elle est nécessaire à l’inter- En termes de restitution de résul- médecin du travail référent formé
prétation des résultats de SBEP. Il tats, on constate que si elle est aux risques chimiques et à la SBEP,
serait nécessaire de mieux la faire effectivement réalisée de façon ou d’un toxicologue formé aux
connaître. Un modèle de FRMP est individuelle dans près de 90 % des risques chimiques et à l’évaluation
présent dans les recommandations cas, il n’en est pas de même pour de l’exposition. En effet, le fonction-
de bonne pratique de la SFMT [1] la restitution collective sous forme nement des SSTA, le plus souvent
que l’on retrouve également en globale et anonymisée, effectuée en réseau autour d’un médecin
page d’accueil de la base de données par 42 % des médecins du travail coordinateur, favorise l'harmoni-
Biotox [2] (annexe 2). Ce modèle peut de SSTI et par 2/3 de ceux de SSTA. sation des pratiques, notamment
servir de support à l’élaboration Cette différence entre médecins du dans le domaine de la SBEP. Les SSTI

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 83


VU DU TERRAIN
Surveillance biologique des expositions
professionnelles aux agents chimiques :
les pratiques des équipes de santé au travail

ont également besoin, au sein de conservation des données en vue de permettre de développer une SBEP 1. L'INRS organise une
leur équipe, de médecins du travail leur exploitation collective à visée de qualité et aussi de faciliter la formation BI1530 :
référents, interlocuteurs spécifiques de prévention et afin de promouvoir mise en place d’un dispositif de cen- « Mettre en place
une surveillance
pour leurs confrères médecins du une biométrologie de qualité. tralisation des données de SBEP au
biologique de
travail afin de faciliter la mise en Pour connaître l’impact de ces re- sein de bases de données régionales l'exposition aux
œuvre pratique des recommanda- commandations sur les pratiques et/ou nationales, dans le but d’amé- agents chimiques »,
tions pour la SBEP de la SFMT. En des équipes des SST, deux ans après liorer la prévention des risques du 10 au 12 décembre
pratique, les médecins du travail leur publication, un questionnaire chimiques. 2019 à Paris (www.
inrs.fr/services/
en SSTI évoquent la difficulté pour a été diffusé auprès des acteurs de
formation/doc/stages.
leur direction d’accepter la création SST et 244 réponses ont ainsi pu être Les auteurs remercient le html?refINRS=
de postes de médecin référent en exploitées. Dr Catherine Nisse (Centre hospitalier BI1530_2019).
risques chimiques, postes nécessi- Malgré un panel de répondants régional et universitaire de Lille) et le
tant du temps et du personnel mé- déjà bien sensibilisé à la SBEP, cette Dr Robert Garnier (Hôpital Fernand
dical dédiés. enquête par questionnaire montre Widal Paris) pour leur aide dans
La mise en place d’un dispositif de que seule la moitié des médecins l’élaboration du questionnaire.
centralisation des données de la du travail (SSTI et SSTA confondus)
SBEP au sein de bases de données connaît les recommandations de la
régionales et/ou nationales, préco- SFMT. Par ailleurs, quand une SBEP
nisées dans la recommandation R36 est mise en place, elle est le plus
des recommandations de bonne souvent décidée par le médecin du
pratique pour la SBEP de la SFMT [1] travail seul. L’équipe pluridiscipli-
fait l’objet d’une réflexion dans le naire, et notamment l’IDEST dont le
cadre de l’action 1.10 du Plan Santé rôle est fondamental pour la mise POINTS À RETENIR
Travail 2016-2020 « Développer la en place pratique de cette SBEP, ne Les médecins en SSTA mettent en œuvre la
biosurveillance à des fins de préven- sont sollicités ou associés que dans plupart des recommandations de SBEP de la
tion ciblée » pilotée par Santé Pu- moins de la moitié des cas. La SBEP SFMT.
blique France. Cette centralisation semble prescrite par les médecins
Les médecins en SSTI devraient être plus
des données serait très utile pour du travail de SSTI de façon indivi-
nombreux à s’approprier les recommandations
cibler les actions de prévention. Elle duelle dans le cadre du suivi médi-
de SBEP.
nécessiterait que chaque région cal des salariés tandis que la très
française dispose de 2 médecins grande majorité des médecins du Un nombre insuffisant d’IDEST est formé et
référents dans le domaine de la travail de SSTA la prescrivent plus impliqué dans l’utilisation des recommandations
SBEP afin que ces bases de données de façon collective au niveau d’un
de SBEP.
soient correctement et régulière- groupe de travailleurs. Les IPRP impliqués dans le risque chimique
ment alimentées, tout en préser- Quant à la FRMP, source incontour- semblent connaître les recommandations de
vant la confidentialité des données nable d’informations nécessaires SBEP et participent à sa mise en œuvre quand la
et le secret médical. à l’interprétation des résultats de pluridisciplinarité est opérationnelle.
SBEP, elle n’est renseignée que par Disposer rapidement, par région, de médecins
moins de la moitié des médecins du référents en risque chimique avec une bonne
travail de SSTI (contre 3/4 des méde- connaissance de la SBEP est nécessaire pour la
CONCLUSION cins du travail de SSTA) : il apparaît gestion de la SBEP selon les bonnes pratiques
donc nécessaire de mieux la faire émises par la SFMT (recommandation R36).
La publication des recommanda- connaître.
tions de bonne pratique pour la Être formé 1, pratiquer, partager et
SBEP de la SFMT résulte d’un travail harmoniser les prescriptions sont
collectif et important d’experts du les besoins évoqués par la profes- BIBLIOGRAPHIE
domaine. Leur but est de guider le sion et que confirment les résultats
médecin dans sa décision de mettre de cette enquête. 1 | Surveillance biologique des expositions professionnelles
en place une telle surveillance, le La mise en place de médecins réfé- aux agents chimiques. Recommandations de bonne pratique.
choix des modalités de son exécu- rents régionaux, formés aux risques Pratiques et métiers TM 37. Réf santé Trav. 2016 ; 146 : 65-93.
tion, l'interprétation et la restitution chimiques et, en particulier, à la 2 | Fiche de renseignements médicaux et professionnels
tant individuelles que collectives SBEP avec une bonne connaissance (FRMP). In: BIOTOX. INRS, 2018 (www.inrs.fr/biotox).
et les modalités de collecte et de de ces recommandations devrait

84 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


ANNEXE 1 Questionnaire relatif à la pratique de la surveillance
biologique des expositions professionnelles aux
agents chimiques
Votre Fonction : ............................................................... Réponses faites au questionnaire le : ....................................…….

Médecin du travail : U1-service inter-entreprise U2-service autonome


Infirmier(e) : U1-service inter-entreprise U2-service autonome
IPRP : U1-service inter-entreprise U2-service autonome
Autre :............................................................................................................................

15 questions vous sont proposées afin de mieux cerner les pratiques actuelles

1- Prescrivez-vous, ou les médecins du travail avec lesquels vous travaillez, prescrivent-ils ou ont-ils prescrit des
analyses biologiques spécifiques d’agents chimiques ?

 UOui UNon UNon concerné

2- Dans votre pratique, quels sont les principaux agents chimiques pour lesquels a été prescrite ou est envisagée
une surveillance biologique des expositions professionnelles aux agents chimiques (SBEP) ?
......................................................................................................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................................................................................................
3- Dans votre pratique, les prescriptions de SBEP sont-elles réalisées de façon individuelle dans le cadre d’une
consultation médicale ?

 UOui UNon UNon concerné

4- Dans votre pratique, les prescriptions de surveillance biologique des expositions sont-elles réalisées aussi (ou
seulement) de façon collective, au niveau d’un groupe de travailleurs exerçant une activité à risque spécifique ?

 UOui UNon

5- Comment est décidée la mise en place de SBEP ?

5-1 par le médecin du travail, prescripteur personnellement ? UOui UNon

5-2 par le médecin du travail, prescripteur aidé d’autres membres du service de santé au travail ?
UOui UNon

6- Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ou avez rencontrées dans la mise en place ?

6-1 Vous ne savez pas quels agents chimiques choisir ? UOui UNon

6-2 Vous ne savez pas quel indicateur biologique utiliser ? UOui UNon

6-3 Vous ne savez pas pour quel salarié en priorité pratiquer la SBEP ? UOui UNon

7- Utilisez-vous des résultats atmosphériques récents pour vous aider dans la démarche de prescription de dosages
biologiques spécifiques ?

 UOui UNon UNon concerné

8- Quelles sont les informations que vous utilisez pour définir le moment de prélèvement ?

8-1 Aucune information UOui UNon UNon concerné

8-2 Les informations données par le laboratoire UOui UNon UNon concerné
QQQ

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 85


VU DU TERRAIN
Surveillance biologique des expositions
professionnelles aux agents chimiques :
les pratiques des équipes de santé au travail

8-3 Les informations d’une base de données UOui UNon UNon concerné

8-4 Vous disposez d’informations spécifiques à l’activité du salarié telles que :

8-4-1 Durée de l’activité exposante UOui UNon UNon concerné

8-4-2 Fréquence de l’exposition UOui UNon UNon concerné

8-4-3 Tâches +/- exposantes UOui UNon UNon concerné

9- Utilisez-vous une fiche de renseignements médicaux et professionnels (FRMP) ?

 UOui UNon (si Oui, elle est remplie par qui ?) : .................................………………………………………

10- Prenez-vous conseil auprès d’un laboratoire (LBM) dans le choix de l’indicateur biologique ?

 UOui UNon UNon concerné

Si oui, auprès d’un LBM de proximité ? U Ud’un LBM spécialisé ?

11- Jugez-vous satisfaisants les conseils donnés et la gestion par le laboratoire du dossier du ou des salariés ?

11-1 Dans les conditions de transport des échantillons ? UOui UNon

11-2 Dans l’interprétation des résultats ? UOui UNon

12- Comment est assurée la restitution des résultats ?

De façon individuelle ? UOui UNon UNon concerné

De façon collective ? UOui UNon UNon concerné

13- Une traçabilité des résultats est-elle effectuée ?

Dans le dossier du salarié ? UOui UNon UNon concerné

Dans la fiche d’entreprise ? UOui UNon UNon concerné

14- Connaissez-vous « les recommandations de bonne pratique pour la surveillance biologique des expositions
professionnelles aux agents chimiques » publiées par la SFMT en mai 2016?

UOui UNon

15- Savez-vous où ces recommandations sont consultables ?

UOui UNon

si oui, sont-elles utiles à votre pratique ? UOui UNon

86 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


ANNEXE 2 Modèle de Fiche de renseignements médicaux
et professionnels (FRMP) [2]
VOLET À REMPLIR PAR LE MÉDECIN OU L’INFIRMIÈR(ERE)
Type d’analyse à effectuer
IBE à analyser : .........................................................................................................................................................................................................
Milieu biologique collecté : ..................................................................................................................................................................................
Agent chimique concerné : ...................................................................................................................................................................................
Entreprise du lieu d’exposition
Nom de l’entreprise : ..............................................................................................................................................................................................
Nom du responsable : ............................................................................................................................................................................................
Adresse : .....................................................................................................................................................................................................................
Secteur d’activité : ..................................................................................................................................................................................................
Code NAF : .................................................................................................................................................................................................................
Prescripteur de la surveillance biologique
Nom du Médecin du Travail (ou numéro d’identifiant unique) : ..............................................................................................................
Nom du Service de Santé au Travail : ................................................................................................................................................................
Adresse : .....................................................................................................................................................................................................................
Téléphone : ........../........../........../........../..........
e-mail : ........................................................................................................................ @..................................................
Date de la prescription : ........../........../..........
Identification du Préleveur de l’échantillon
Nom du préleveur :..................................................................................................................................................................................................
Qualité du préleveur : .............................................................................................................................................................................................
Téléphone : ........../........../........../........../..........
e-mail : ........................................................................................................................ @..................................................
Recueil et transport de l’échantillon
Date du prélèvement :........../........../.......... Heure du prélèvement : ..................... H ...................
Date d’envoi au laboratoire : ........../........../..........
Moment de prélèvement dans la journée : U Début U Fin de poste
Moment de prélèvement dans la semaine : U Début U Fin de semaine
Nature du prélèvement (matrice biologique et matériels utilisés) :
Mode de stockage : U Température ambiante U 4°C U -18°C U ........................
Mode de transport : ...............................................................................................................................................................................................
Renseignements individuels
Nom : ..........................................................................................................................................................................................................................
Prénom : .....................................................................................................................................................................................................................
Sexe : U Féminin U Masculin Date de naissance : ........../........../........../
Nom et adresse de l’employeur actuel :............................................................................................................................................................
Tabagisme : U Fumeur U Non-Fumeur U Ex-Fumeur
Nombre de cigarettes fumées dans les 24 heures avant le prélèvement :
Alimentation au poste de travail : U OUI U NON
Exposition extra-professionnelle (alimentation, médicaments, dispositifs médicaux, loisirs…) : ...................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
Nature du poste de travail : ..................................................................................................................................................................................
Nombre d’années d’ancienneté au poste de travail :....................................................................................................................................
Procédé de travail : ..................................................................................................................................................................................................
QQQ

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 87


VU DU TERRAIN
Surveillance biologique des expositions
professionnelles aux agents chimiques :
les pratiques des équipes de santé au travail

VOLET À REMPLIR PAR L’ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE


Activité professionnelle le jour du prélèvement
Description et durée des tâches effectuées : ..................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
Produit(s) utilisé(s) (nature chimique ou à défaut nom commercial précis, quantité, durée de manipulation) : .....................
.......................................................................................................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
Horaire de travail : Début de poste............... H............... Fin de poste............... H...............
Horaire de la tâche exposante : Début de tâche ............... H............... Fin de tâche ............... H...............
Type d’exposition : U Habituelle U Non habituelle U Accidentelle
Moyens de protection collective utilisés le jour du prélèvement
Protection collective : U Oui U Non
Type de protection : U Aspiration, extraction, ventilation générale
U Cabine, machine capotée, rideau d’eau ou d’air
U Aspiration à la source U Sorbonne, hotte, boîte à gants
Vérification récente de son efficacité : U OuI U Non
Moyens de protection individuelle utilisés le jour du prélèvement
Masque respiratoire : U Oui U Non État : U Neuf U Usagé
Type du masque : U Ventilation libre U Ventilation assistée U Isolant (adduction d’air)
Type du filtre anti-poussière : U P1 ou FFP1 U P2 ou FFP2 U P3 ou FFP3
Type de la cartouche : U A (marron) U B (gris) U E (jaune) U K (vert)
U1 U2 U3
Gants : U Oui U Non État : U Neuf U Usagé
Type ou référence des gants : U Latex U Nitrile U Vinyle U Néoprène U Manutention
U ..............................................................................................................................................................
Vêtement de travail : U Oui U Non Changé ce jour : U Oui U Non
Type : ...........................................................................................................................................................................................................................
Activité professionnelle antérieure au jour de prélèvement
Exposition la veille du prélèvement (ou la semaine avant le prélèvement) : U Oui U Non
Type d’exposition : U Habituelle U Non habituelle U Accidentelle
Descriptif des tâches exposantes : ....................................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
Moyens de protection (identiques ou différents du jour de prélèvement) : ..........................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................................................................................................

88 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


VU DU TERRAIN TF 267

Caractérisation des effets


des expositions aux facteurs
psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général
perçu - Analyses à partir de l’enquête
« Santé et itinéraire professionnel »
AUTEURS :
S. Boini, M. Grzebyk, M. Kolopp, G. Hédelin, département Épidémiologie en entreprise, INRS
en
résumé

Basée sur l’enquête


nationale « Santé et itinéraire
professionnel », cette étude
avait l’objectif d’apporter des
réponses quant à la nature
des effets de 17 facteurs
MOTS CLÉS
Santé mentale /
Risque psycho-
social / RPS /
Enquête
L es premiers modèles
d’évaluation des facteurs psy-
chosociaux au travail (FPS) consi-
déraient deux dimensions : des
étude ultérieure, Madsen et al. ont
examiné la dépression clinique
et, à l'aide de méta-analyses, ont
confirmé la forte preuve d'une as-
psychosociaux sur la survenue exigences élevées et une faible sociation avec le job strain (risque
de troubles de la santé mentale autonomie de décision pour le relatif [encadré 1 page suivante] :
et sur la dégradation de l’état modèle de Karasek, et des efforts (RR) = 1,77 [1,47-2,13]). Ils ont égale-
de santé général perçu. L'effet élevés et une faible reconnais- ment souligné le besoin d'études
se produit-il au moment de sance en retour pour le modèle d'intervention testant le job
l'exposition ou après un certain de Siegrist. Les deux modèles ont strain comme facteur de risque
temps ? La santé mentale et la combiné leurs dimensions en un modifiable pour la dépression
santé générale perçue sont- seul score : le job strain pour le [8]. Jusqu'à présent, le risque de
elles plus altérées dans le cas modèle de Karasek [1] et le désé- troubles anxieux généralisés (TAG)
d'une exposition prolongée ? quilibre effort-récompense pour en cas d'exposition aux FPS est
Les troubles de santé le modèle de Siegrist [2, 3]. Les re- demeuré relativement peu étudié
surviennent-ils si l'exposition cherches menées dans ce domaine par rapport à la dépression [9 à 11].
est réduite ou disparaît ? Selon dans les années 2000 ont conduit à Les études sont trop rares et diver-
les facteurs psychosociaux et le la publication de trois revues de la gentes pour tirer des conclusions
genre, les résultats suggèrent littérature et d'une méta-analyse : fermes.
un effet principalement à le risque d’épisode dépressif ma- D'autres concepts de l'environne-
court terme de l'exposition jeur (EDM), objectivé par des ques- ment psychosocial de travail ont
psychosociale plutôt qu'un tionnaires standardisés validés, est émergé, parmi lesquels la violence
effet décalé sur la survenue estimé à 1,80 en cas d'exposition au au travail, les conflits éthiques, la
de troubles de la santé. Aucun job strain, à 1,35 pour une demande demande émotionnelle, la justice
sur-risque en cas d’exposition élevée, à 1,2 pour un manque au travail, le déséquilibre travail-
répétée comparée à une d’autonomie de décision et entre famille et l'insécurité de l'emploi.
exposition actuelle ponctuelle 1,5 et 4,6 pour le déséquilibre ef- En France, une typologie des FPS
n’a été mis en évidence. fort-récompense [4 à 7]. Dans une a été proposée en 2011 par un

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 89


VU DU TERRAIN
Caractérisation des effets des expositions
aux facteurs psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général perçu

,Encadré 1
sionnel » (SIP) ont été utilisées [17].
> RISQUE RELATIF (RR) / ODDS RATIO (OR) Cette enquête a documenté, entre
autres, les EDM/TAG, l’état de santé
Un facteur de risque est un facteur associé exposés/non exposés, l’odds ratio (OR) mesure
statistiquement à la survenue d’un évènement la force d’une association dans les enquêtes cas-
global, ainsi qu’un large éventail
de santé. Ce qui signifie que la probabilité de témoins. Il est défini par le rapport de la cote de de FPS classés selon six domaines :
survenue d’un événement est significativement l’événement de santé chez les exposés et de la intensité du travail et temps de tra-
plus élevée chez les sujets présentant le cote de l’événement chez les non exposés. Son vail, exigences émotionnelles, auto-
facteur (exposés) comparativement à ceux ne interprétation est proche de celle du RR si la nomie et marge de manœuvre, rela-
le présentant pas (non exposés). Le facteur fréquence de la maladie est faible. tions sociales, conflits de valeurs et
concerné n’est pas nécessairement la cause de insécurité de la situation de travail
l’évènement. Un RR ou un OR supérieur à 1 signifie que le [12].
facteur étudié est facteur de risque de survenue
Le risque relatif (RR) mesure la force de de l’événement de santé. Un RR ou un OR
l’association entre un évènement de santé et un inférieur à 1 signifie que le facteur étudié est
facteur de risque. Il est estimé par le calcul du facteur protecteur vis-à-vis de la survenue de
rapport des fréquences de l’évènement entre les l’événement de santé. MÉTHODE
2 groupes de sujets exposés et non exposés. L’estimation d’un RR ou d’un OR est toujours
Alors que le RR est estimé dans les enquêtes exprimée avec son intervalle de confiance. POPULATION ET
ÉCHANTILLON D’ÉTUDE
L’enquête SIP est une enquête lon-
collège multidisciplinaire d'experts moment de l'exposition ou après un gitudinale réalisée en 2006 et 2010,
français [12]. Seuls quelques outils certain délai ? Les troubles de santé représentative de la population
standardisés sont disponibles pour mentale surviennent-ils même générale âgée de 20 à 74 ans [17].
mesurer ces facteurs [13, 14], de lorsque l'exposition est diminuée Au total, 13 648 sujets ont été inclus
sorte que ces concepts sont moins ou disparaît ? Le risque d’altération en 2006, dont 11 016 ont également
largement étudiés que les modèles de la santé mentale augmente-t-il participé en 2010. Les participants
Karasek et Siegrist. Theorell et al. dans le cas d'une exposition pro- ont été interrogés par des enquê-
ont publié une revue systématique, longée ? Ces questions ne peuvent teurs sur leurs parcours personnel
qui a confirmé que l'absence d’au- être abordées que dans des études et professionnel, leur santé et leur
tonomie de décision, le job strain longitudinales. Ainsi, Niedhammer situation au moment de l’entre-
et le harcèlement au travail étaient et al. ont montré que deux ans après tien. Pour la présente étude, seuls
associés à des symptômes dépres- la suppression de l'exposition aux les répondants qui travaillaient
sifs chez les hommes et les femmes, FPS, le risque d'un premier épisode au moment des deux entretiens
mais qui a trouvé des preuves limi- dépressif majeur est réduit [16]. ont été sélectionnés, représentant
tées pour le climat social, la justice Dans ce contexte, cette étude visait 5 684 sujets (2 709 hommes et 2 975
au travail, les conflits, l'insécurité à explorer les effets de l’exposition femmes). Le processus de sélection
de l'emploi et les horaires excessifs aux FPS mesurée en 2006 et 2010, des sujets pour cette étude est ré-
[15]. sur l'incidence d’EDM/TAG en 2010 sumé dans la figure 1.
La littérature souligne la nécessité selon le genre, à rechercher si les
de nouvelles études afin d’appro- effets de cette exposition étaient à CRITÈRES DE JUGEMENT DE
fondir la compréhension des rela- court terme, décalés et/ou cumula- L’ÉTUDE
tions « dose-effet » entre l'exposi- tifs, et à examiner l’existence d’un L’existence d’un EDM au cours des 2
tion aux FPS et la survenue d’EDM/ plus grand risque en cas d’exposi- semaines précédant l’interrogation
TAG, ainsi que des effets respectifs tion prolongée aux FPS par rapport et celle de TAG au cours des 6 mois
des différents FPS, pouvant appor- à une exposition à court terme. En précédant l’interrogation ont été
ter des éléments de réponse sur les complément, cette étude s’intéres- déterminées en 2006 et 2010 selon
facteurs les plus nocifs et sur l'exis- sait aux effets de l’exposition aux les algorithmes du Mini Interna-
tence d'interaction entre les FPS mêmes facteurs psychosociaux tional Neuropsychiatric Interview
dans leurs effets sur la santé men- au travail sur l’état de santé global (MINI) [18]. Du fait des faibles effec-
tale. D’autres questions ont émergé perçu. tifs concernés et de la corrélation
dans la littérature récente, concer- Afin de répondre aux objectifs de modérée entre la présence d’EDM
nant la chronologie et la réversibi- l’étude, les données de l’enquête et de TAG, le critère de jugement
lité des effets : l'effet se produit-il au nationale « Santé et itinéraire profes- retenu pour les analyses est la sur-

90 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


ou trois items. Les scores variaient
donc de 0 à 3 et les sujets étaient
considérés comme exposés si le
score était strictement supérieur à 1.
Puis, s’agissant d’étudier les chan-
gements dans l’exposition aux FPS,
pour chaque sous-domaine, quatre
groupes exclusifs d’exposition ont
été constitués :
OJamais exposés : sujets non expo-
sés en 2006 et en 2010 (groupe A).
O Exposés en 2010 uniquement :
sujets exposés en 2010, pas en 2006
(groupe B).
O Exposés en 2006 uniquement :
sujets exposés en 2006, pas en 2010
(groupe C).
O Exposition répétée : sujets expo-
sés en 2006 et en 2010 (groupe D).

Cette catégorisation présume de


trois types d'effets différents de
chaque FPS sur la survenue d’EDM/
TAG ou d’un mauvais état de santé,
le groupe A servant de référence : ef-
fets à court terme pour le groupe B,
effets décalés pour le groupe C ou
Figure 1 : Processus de sélection des sujets. effets cumulatifs (dans le temps)
pour le groupe D. Les groupes B et C
sont censés explorer des situations
venue d’au moins l’un de ces deux FACTEURS EXPLICATIFS difficiles mais ponctuelles, tandis
troubles (notée EDM/TAG) en 2010. PRINCIPAUX : PROFIL que le groupe D représente des
La santé globale perçue a été éva- D’EXPOSITIONS situations récurrentes dégradées
luée par la question « Comment est PSYCHOSOCIALES (qui se produisent au moins deux
votre état de santé général ? », selon COMBINÉES EN 2006 ET fois au moment de la réponse, mais
cinq modalités de réponse (« très 2010 sans aucune information sur les
bon », « bon », moyen », « mauvais » , L'exposition aux FPS a été mesu- niveaux d'exposition au cours de la
« très mauvais »). Cette ques- rée en 2006 et 2010 par 20 items période 2006–2010). Ainsi, le risque
tion est issue d’un question- (tableau I page suivante), regrou- accru d’EDM/TAG ou de mauvais
naire validé [19] utilisé dans les pés en 17 sous-domaines issus des état de santé perçu en cas d'expo-
enquêtes européennes. L’état de 6 domaines identifiés par le collège sition répétée aux FPS par rapport
santé perçu en 2006 et en 2010 d’expertise présidé par Gollac [12, à une exposition à court terme sera
a été traité en variable binaire, 20]. Chaque item était coté sur une testé en comparant le groupe D au
en regroupant les modalités de échelle de fréquence en 4 points : groupe B.
réponse « moyen », « mauvais » et 0 (jamais exposé), 1 (parfois), 2 (sou-
« très mauvais » pour représenter vent) et 3 (constamment exposé). AUTRES FACTEURS
un mauvais état de santé, et les mo- Un score a été calculé en 2006 et en PROFESSIONNELS
dalités « bon » et « très bon » pour 2010 pour chaque sous-domaine : EXPLICATIFS
représenter un bon état de santé la valeur de la réponse si le sous- L’exposition psychosociale passée
perçue. Le critère de jugement rete- domaine ne contenait qu'un seul relative à la satisfaction au travail,
nu ici est la survenue d’un mauvais item ou la moyenne des valeurs si la pression, les tensions et les rela-
état de santé perçue en 2010. le sous-domaine regroupait deux tions avec des collègues a été me-

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 91


VU DU TERRAIN
Caractérisation des effets des expositions
aux facteurs psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général perçu

,Tableau I

> ITEMS UTILISÉS DANS SIP POUR CARACTÉRISER LES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX, SELON LA CLASSIFICATION
PROPOSÉE PAR LE COLLÈGE D'EXPERTISE POUR LE SUIVI STATISTIQUE DES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX [12]
Domaine Sous-domaine Items utilisés dans l'enquête SIP en 2006 et 2010

Quantité de travail exces- On me demande d’effectuer une quantité de travail excessive


sive
Forte pression au travail Je travaille sous pression
Forte complexité Je dois penser à trop de choses à la fois
Mon travail m'oblige à ne pas dormir entre minuit et 5h du matin
Horaires de nuit / postés
Intensité du travail J'occupe un travail posté en horaires alternants ou en roulement
et temps de travail
Horaires excessifs Ma durée de travail est souvent supérieure à 48 h par semaine
Ma journée de travail est morcelée, en 2 périodes séparées par 3 h ou plus
Horaires atypiques Je dois effectuer des déplacements fréquents obligeant à dormir hors de mon domicile
J’ai des horaires irréguliers difficilement prévisibles.
Conciliation travail / hors J’ai du mal à concilier mon travail avec mes obligations familiales
travail
Tensions avec le public Je vis des tensions avec un public : usagers, élèves, patients, voyageurs, clients
Exigences
émotionnelles Dissonance émotionnelle Dans mon travail je dois cacher mes émotions ou faire semblant d’être de bonne humeur
Peur au travail Il m’arrive d’avoir peur pendant mon travail (pour ma sécurité, celle des autres…)
Manque d’autonomie Dans ma tâche, j’ai très peu de liberté pour décider comment je fais mon travail
Autonomie, marge procédurale
de manœuvre Faible utilisation des Je peux employer pleinement mes compétences *
compétences
Mauvaises relations avec les J’ai de bonnes relations de travail avec mes collègues *
Rapports sociaux collègues
au travail
Manque de reconnaissance Mon travail est reconnu à sa juste valeur *
Dans mon travail je dois faire des choses que je désapprouve (vente abusive, réaliser des
Conflits éthiques
Conflits de valeur licenciements…)
Qualité empêchée J’ai les moyens de faire un travail de qualité *
Insécurité de la
Insécurité de l'emploi Je travaille avec la peur de perdre mon emploi
situation de travail

* Items inversés pour le calcul des scores

surée en 2006 par six items cotés Le score d’exposition « physique » sition) à 7 (niveau d’exposition
sur une échelle de fréquence en proposé par Coutrot et al. [17] a été cumulant le plus de contraintes
4 points (« toujours », « souvent », calculé pour la période 2001 à 2005. physiques).
« parfois », « jamais »). Un score Plus le score est élevé, plus l'exposi- Concernant l’itinéraire profession-
d’exposition psychosociale pour la tion était fréquente. De plus, l'expo- nel, deux périodes ont été distin-
période 2001 à 2005 a été calculé sition « physique » au moment du guées : du début du premier emploi
selon [17]. Plus le score est élevé, recueil de données a été étudiée en à la date de l’enquête en 2006, et
plus l'exposition était fréquente. 2006 et 2010 par sept items (pro- entre les deux dates d’interroga-
L'exposition « physique » anté- duits chimiques, bruit, vibrations, tion en 2006 et 2010. Comme pro-
rieure à 2006 (travail de nuit, tra- environnement agressif, efforts posé par Coutrot et al. [17], trois
vail répétitif sous contrainte de physiques, port de charges lourdes, variables ont été définies pour ces
temps, port de charges lourdes/ postures pénibles) cotés sur une deux périodes : la discontinuité du
postures pénibles ou vibration/ échelle de Likert (« toujours », « sou- parcours (périodes de chômage ou
bruit / température extrême, et vent », « parfois », « jamais »). Les d'inactivité), l’instabilité du par-
exposition chimique) a été éva- réponses aux items ont été dicho- cours (nombre de changements
luée en 2006 par les sujets grâce tomisées (« oui » pour les réponses d'emploi) et la durée totale de
à 4 items cotés sur une échelle de « souvent » ou « toujours »), puis l'emploi. Un indicateur supplé-
fréquence en 4 points (« toujours », additionnées pour donner un score mentaire caractérisant le sens de
« souvent », « parfois », « jamais »). unique variant de 0 (pas d'expo- la trajectoire professionnelle entre

92 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


le premier emploi et 2006 a été cal- conséquences sur la vie profession- 2010 (groupe D) est délétère (OR>1) ;
culé en combinant les premier et nelle, crise personnelle ou conflit, lorsque l'on teste l'effet décalé, l’hy-
dernier emplois rapportés : ascen- forte dégradation des conditions pothèse est que le fait d'être exposé
dante, descendante, stationnaire de vie, période d'hébergement pré- en 2006 uniquement (groupe C) est
qualifiée, stationnaire non qua- caire, prise en charge d'un proche délétère (OR>1). Enfin, lorsque l'on
lifiée, stationnaire indépendante ayant un problème de santé ou teste l'effet de l'exposition répétée
[17]. Les caractéristiques de l’emploi d'invalidité). des FPS par rapport à l'exposition
occupé sont décrites par quatre ponctuelle et actuelle, l’hypothèse
variables recueillies en 2006 et ANALYSES STATISTIQUES est que la survenue d’EDM/TAG en
2010 : statut (salarié/autre), type de Les statistiques descriptives sont 2010 est plus fréquente en cas d’ex-
contrat (CDI/CDD), secteur d'acti- présentées en termes d’effectifs ab- position en 2006 et 2010 (groupe D)
vité et emploi à temps partiel (oui/ solus et relatifs, moyenne et écart- qu’en cas d’exposition en 2010 uni-
non). type en fonction de la nature des quement (groupe B). Des tests uni-
variables. Les pourcentages sont latéraux ont donc été utilisés [21,
AUTRES FACTEURS exprimés sans tenir compte des 22]. Cette stratégie d’analyse a éga-
INDIVIDUELS EXPLICATIFS réponses manquantes (en général, lement été utilisée pour répondre
Les données sociodémographiques moins de 5 % de manquants). à l’objectif secondaire de l’étude
concernant le genre, l'âge et le ni- Pour répondre à l'objectif principal (mauvais état de santé perçu en
veau d’éducation des participants de l'étude, une régression logis- 2010, avec exclusion des sujets qui
ont été recueillies en 2006 et mises tique a été effectuée avec la pré- ont déclaré en 2006 un mauvais
à jour en 2010. L'âge en 2010 a été sence d’EDM/TAG en 2010 comme état de santé perçu).
utilisé dans cette étude. variable à expliquer et les groupes Deux analyses de sensibilité ont
Les antécédents personnels de dé- d'exposition combinée aux FPS également été effectuées. Dans la
pression ou d’autre maladie men- comme variables explicatives. première, les sujets ayant des anté-
tale ont été déclarés pour les deux Ainsi pour chaque FPS, l’odds ratio cédents de dépression ou de mala-
périodes : « premier emploi à 2006 » (OR) de chaque profil d’exposition die mentale avant 2006 et entre
et « 2006 à 2010 ». La présence de en comparaison avec le groupe A 2006-2010 ont été exclus. Dans la
problèmes chroniques de santé est estimé avec son intervalle de deuxième analyse de sensibilité,
ou de limitations d'activités quo- confiance à 95 %. Les sujets qui ont EDM et TAG ont été analysés sépa-
tidiennes dues à des problèmes de rapporté un EDM/TAG en 2006 ont rément.
santé a été évaluée en 2006 et 2010 été exclus (cf. infra). Les 17 sous-do- Toutes les analyses ont été effec-
à l'aide d’un questionnaire validé maines de FPS ont été considérés tuées avec le logiciel stata® version
[19]. simultanément dans un modèle 13.1 et réalisées séparément chez les
Les événements marquants passés ajusté sur les facteurs profession- hommes et les femmes en raison
ont été recueillis pour l'enfance : nels et individuels associés à la des effets différentiels attendus
graves problèmes de santé d’un survenue d’EDM/TAG à un seuil de et parce que peu de résultats issus
proche, décès d'un proche, conflits significativité statistique inférieur de la littérature sur l'effet selon le
familiaux, mauvais traitements à 20 %. genre des FPS spécifiquement uti-
physiques, psychologiques, sexuels, En comparaison au profil « jamais lisés dans cette étude étaient dis-
conditions matérielles de vie exposé » (groupe A), les hypothèses ponibles. Le seuil de significativité
éprouvantes, conflits ou violences attendues sont des effets délétères statistique retenu est 5 %.
à l’école ou dans le voisinage, inter- des FPS sur les indicateurs de santé
ruption d’un apprentissage, d’une (OR>1) pour les sujets dans les dif-
formation professionnelle pour férents profils d’exposition (groupe
raison de santé, vécu de guerre ; et B, C et D) : lorsque l'on teste l'effet à RÉSULTATS
pour la vie adulte : nombre d'évé- court terme de l’exposition aux FPS
nements marquants survenus pen- sur la survenue d’EDM/TAG, l’hypo- COMPARAISON ENTRE
dant deux périodes - 1991 à 2006 et thèse est que le fait d'être exposé L'ÉCHANTILLON D'ÉTUDE
2006 à 2010 (naissance, séparation, en 2010 uniquement (groupe B) est ET LES SUJETS NON INCLUS
décès d'un proche, déménagement délétère (OR>1) ; lorsque l'on teste DANS L'ÉTUDE
en raison d'une obligation profes- l'effet cumulatif, l’hypothèse est L'échantillon original de 2006
sionnelle, déménagement avec des que le fait d'être exposé en 2006 et comprenait 6 195 hommes et 7 453

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 93


VU DU TERRAIN
Caractérisation des effets des expositions
aux facteurs psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général perçu

,Tableau II

> CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉCHANTILLON (N = 5 684)


femmes. Parmi les sujets non in- Sous-domaine Hommes (47,7 %) Femmes (52,3 %)
clus dans la présente étude, deux n % ou n % ou
moyenne (ET) moyenne (ET)
groupes ont été distingués : (1) les
CARACTÉRISTIQUES SOCIODÉMOGRAPHIQUES
sujets qui n’ont pas pu être réin-
terrogés en 2010 pour toute raison Âge en 2010 (ans) 2 709 45,6 (9,6) 2 975 45,6 (9,5)
sauf le chômage (refus de partici- < 40 746 27,5 819 27,5
per, déménagement récent, pro- 40-49 934 34,5 1 012 34,0
blème de santé) (n = 1479) et (2) les *50 1 029 38,0 1144 38,5
sujets qui ne travaillaient pas en
Niveau d’éducation
2010 (n = 1159). La présence d’EDM
ou TAG en 2006 était significati- Pas de diplôme 1 456 53,9 1 256 42,4
vement plus fréquente (p < 0,001) Baccalauréat 467 17,3 561 18,9
chez les sujets non inclus (11,9 % Baccalauréat et plus 779 28,8 1 149 38,7
dans le groupe 1 et 14,1 % dans le CARACTÉRISTIQUES PERSONNELLES ET DE SANTÉ
groupe 2, aucune différence n'a été Maladie chronique en 2006 666 24,6 800 26,9
observée entre les 2 groupes) que
Maladie chronique en 2010 735 27,1 912 30,7
dans l'échantillon de l'étude (9,2 %).
Événements marquants durant l’enfance 1 157 42,7 1 437 48,3
Par rapport à ce dernier, l'exposi-
tion aux FPS était plus élevée dans Événements marquants de la vie adulte 1991-2005
les groupes 1 et 2 en ce qui concerne 0 729 26,9 801 26,9
le manque d’autonomie, la disso- 1 641 23,7 718 24,1
nance émotionnelle et l’insécurité
2 600 22,1 638 21,4
de l’emploi, et moins élevée en ce
qui concerne le déséquilibre vie *3 739 27,3 818 27,5
personnelle/vie professionnelle. Événements marquants de la vie adulte 2006-2010
0 1 772 65,4 1 876 63,1
CARACTÉRISTIQUES DE 1 618 22,8 706 23,7
L'ÉCHANTILLON *2 319 11,8 393 13,2
En 2006 et 2010, près de 5 % des
Antécédents de dépression
hommes et 12 % des femmes ont reçu
un diagnostic d’EDM/TAG. En 2010, 1er emploi – 2005 46 1,7 128 4,3
les corrélations entre EDM et TAG 2006 – 2010 72 2,7 171 5,8
étaient de 0,46 chez les hommes et Autres antécédents psychiatriques
de 0,38 chez les femmes. Ces corréla-
1er emploi – 2005 12 0,4 36 1,2
tions existaient également en 2006,
2006 – 2010 34 1,3 68 2,3
mais étaient plus faibles chez les
CARACTÉRISTIQUES DE L’EMPLOI EN 2006
hommes. En 2006, 17 % des hommes
et 19 % des femmes déclaraient un Statut de l’emploi
mauvais état de santé perçu. Quatre Salarié 2 283 85,1 2 682 91,2
ans plus tard, ils étaient 22 % et 24 % Autre 399 14,9 258 8,8
respectivement. Secteur d’activité *
Comme décrit dans le tableau II,
Production, maintenance 1 020 38,0 182 6,2
les femmes représentaient un peu
Gardiennage, entretien 79 2,9 238 8,1
plus de la moitié de la population
d’étude, avec un âge moyen d'envi- Manutention, logistique 193 7,2 55 1,9
ron 45 ans. La moitié de l'échantillon Secrétariat, gestion 148 5,5 683 23,2
avait un niveau d'éducation élevé Commercial 190 7,1 268 9,1
(les femmes étant plus instruites Recherche 193 7,2 104 3,5
que les hommes) et environ un
Enseignement 115 4,3 268 9,1
quart rapportait des maladies chro-
Soins des personnes 56 2,1 507 17,2
niques en 2006, avec une légère
augmentation observée quatre Autres 289 10,8 377 12,8

94 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


,Tableau II (suite)

> CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉCHANTILLON (N = 5 684)


Sous-domaine Hommes (47,7 %) Femmes (52,3 %) EXPOSITIONS AUX FPS
n % ou n % ou Les hommes étaient pour la plupart
moyenne (ET) moyenne (ET) exposés à une « forte complexité »
Type de contrat * (61 %), à un « manque de reconnais-
CDD 277 12,1 407 15,2 sance » (54 %) et à une « forte pres-
CDI 2 006 87,9 2 275 84,8 sion au travail » (53 %). Ils étaient
moins fréquemment exposés aux
Travail à temps partiel 83 3,1 849 28,9
horaires de travail atypiques, à la
ITINÉRAIRE PROFESSIONNEL
peur au travail, à l’insécurité de
Sens de la trajectoire ** l'emploi et aux conflits éthiques
Stationnaire qualifiée 839 32,0 977 33,8 (entre 11 et 14 %). Lorsqu'ils sont
Stationnaire non qualifiée 795 30,3 1 215 42,0 exposés à une forte complexité,
Stationnaire indépendante 284 10,8 118 4,1 aux horaires de nuit/postés et aux
horaires de travail excessifs, plus de
Ascendante 476 18,1 385 13,3
la moitié des hommes le sont à la
Descendante 229 8,7 199 6,9 fois en 2006 et 2010.
Durée totale en emploi (ans) Les femmes étaient surtout expo-
1er emploi – 2005 2 709 21,0 (10,5) 2 975 18,0 (10,2) sées à la dissonance émotionnelle
2006 – 2010 ** 2 703 3,9 (0,3) 2 970 3,9 (0,4) (67 %) et, à l'instar des hommes, à
une forte complexité (61 %), à un
Discontinuité du parcours
manque de reconnaissance (54 %)
1er emploi – 2005 953 35,2 1 146 38,5 et à une forte pression au travail
2006 – 2010 ** 241 8,9 361 12,1 (50 %), peu exposées aux horaires
Instabilité du parcours (nombre) de travail atypiques, à la peur au
1er emploi – 2005 2 564 5,1 (6,3) 2 642 4,8 (5,9) travail, aux conflits éthiques et à
l'insécurité d'emploi (entre 9 et
2006 – 2010 ** 2 564 0,3 (0,7) 2 642 0,3 (0,7)
12 %). Lorsqu'elles sont exposées à
EXPOSITIONS PROFESSIONNELLES
la dissonance émotionnelle, à une
Score annuel moyen d’expositions
2 682 3,0 (2,7) 2 940 2,2 (2,5) forte complexité du travail et à des
physiques 2001-2005 **
horaires postés ou de nuit, environ
Score annuel moyen d’expositions
2 682 4,2 (2,8) 2 940 4,3 (2,9) 50 % des femmes le sont à la fois en
psychosociales 2001-2005 **
2006 et 2010.
Expositions physiques en 2006 2 682 1,8 (1,9) 2 940 1,2 (1,5)
En termes de niveaux d’exposi-
Expositions physiques en 2010 2 709 1,9 (2,0) 2 975 1,3 (1,6) tion, entre 2006 et 2010, une légère
augmentation de fréquence de
* Parmi les salariés uniquement l'exposition aux FPS a été observée,
** Variable avec des données manquantes en particulier en ce qui concerne
la forte pression au travail (+ 11 %
ans plus tard. Aucune différence tiel concernait principalement les et + 15 % chez les hommes et les
majeure entre les hommes et les femmes. Les secteurs d'activité femmes, respectivement) et le
femmes n'a été observée en ce qui étaient, comme attendu, liés au manque de reconnaissance (+ 11 %
concerne les antécédents person- genre : les hommes travaillaient et + 8 %, chez les hommes et les
nels : plus de 40 % des sujets ont plutôt dans le secteur de la produc- femmes, respectivement). De
rapporté des événements mar- tion et de la maintenance (38 %), faibles diminutions de fréquences
quants pendant l'enfance et un tiers contrairement aux femmes qui ont été observées sur l’exposition
a signalé la présence d'au moins un travaillaient dans le secrétariat et à l'insécurité d'emploi (- 1,9 % chez
événement marquant au cours de la la gestion (23 %) et dans le secteur les hommes et - 0,4 % chez les
vie adulte entre 2006 et 2010. des soins (17 %). La durée cumulée femmes), au manque d’autonomie
Les caractéristiques de l’emploi en d’emploi entre le début du premier (- 1,8 % chez les hommes et - 2,8 %
2006 étaient les suivantes : plus emploi et 2006 était de 21 ans pour chez les femmes) et à la peur au
de 80 % étaient des salariés ayant les hommes contre 18 ans pour les travail (- 1,5 % chez les hommes et
des CDI et le travail à temps par- femmes. - 1,3 % chez les femmes).

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 95


VU DU TERRAIN
Caractérisation des effets des expositions
aux facteurs psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général perçu

RELATIONS ENTRE LES forte quantité de travail (groupes (2,37) et de l'exposition répétée à la
PROFILS D’EXPOSITION B, C et D), à une forte complexité forte complexité du travail (2,29).
AUX FPS ET LA SURVENUE (groupe D), aux horaires de travail Enfin, pour la moitié des FPS, la
D’EDM/TAG EN 2010 excessifs (groupe C) et à une dis- présence d’EDM/TAG en 2010 était
Chez les hommes (tableau III), sonance émotionnelle (groupe B). plus fréquente en cas d’exposi-
par rapport au groupe A (jamais En particulier, l’OR de l'exposition tion répétée (groupe D) qu’en cas
exposé), l’incidence d’EDM/TAG répétée à l'insécurité de l’emploi d’exposition en 2010 uniquement
en 2010 était plus élevée en cas (6,20) était presque trois fois plus (groupe B), mais la différence n’est
d’exposition à une insécurité de élevé que l’OR de l'exposition répé- pas significative.
l'emploi (groupes B, C et D), à une tée à la forte quantité de travail

,Tableau III

> RELATIONS ENTRE EDM/TAG EN 2010 ET LES PROFILS D’EXPOSITION AUX FPS CHEZ LES HOMMES
OR [IC95%] Tests des différents effets délétères*
Exposé en 2010 Exposé en 2006 Exposé en Court Décalé Cumulatif Exposition
uniquement uniquement 2006 & 2010 terme OR(C/A)>1 OR(D/A)>1 répétée
(B) (C) (D) OR(B/A)>1 OR(D/B)>1
vs jamais vs jamais vs jamais
exposé (A) exposé (A) exposé (A)
Intensité du travail et temps de travail
Quantité de travail excessive 3,42 [1,79 - 6,54] 1,96 [0,93 - 4,17] 2,37 [1,05 - 4,17] < 0,001 0,038 0,019 0,818
Forte pression au travail 1,65 [0,86 - 3,16] 0,39 [0,13 - 1,13] 0,50 [0,21 - 1,20] 0,063 0,958 0,938 0,999
Forte complexité 1,34 [0,62 - 2,91] 1,70 [0,74 - 3,91] 2,29 [1,11 - 4,71] 0,224 0,104 0,012 0,059
Horaires de nuit/postés 0,98 [0,41 - 2,40] 0,97 [0,34 - 2,73] 0,43 [0,17 - 1,09] 0,510 0,519 0,961 0,919
Horaires excessifs 1,87 [0,88 - 3,96] 2,67 [1,17 - 5,89] 0,74 [0,32 - 1,72] 0,052 0,009 0,754 0,972
Horaires atypiques 0,59 [0,19 - 1,83] 0,50 [0,16 - 1,53] 1,80 [0,55 - 5,84] 0,816 0,886 0,163 0,081
Conciliation travail/hors travail 1,05 [0,51 - 2,14] 0,98 [0,37 - 2,60] 0,92 [0,30 - 2,83] 0,446 0,513 0,552 0,579
Exigences émotionnelles
Tensions avec le public 1,60 [0,81 - 3,17] 0,80 [0,27 - 2,34] 0,81 [0,20 - 3,28] 0,088 0,651 0,612 0,818
Dissonance émotionnelle 1,74 [0,92 - 3,29] 0,88 [0,38 - 2,05] 1,33 [0,69 - 2,56] 0,044 0,609 0,196 0,790
Peur au travail 0,86 [0,32 - 2,27] 0,88 [0,34 - 2,25] 1,99 [0,71 - 5,53] 0,619 0,601 0,093 0,106
Autonomie, marge de manœuvre
Manque d’autonomie procédurale 0,96 [0,50 - 1,85] 1,51 [0,73 - 3,11] 1,95 [0,81 - 4,67] 0,546 0,131 0,066 0,075
Faible utilisation des compétences 1,69 [0,82 - 3,46] 0,44 [0,12 - 1,66] 1,92 [0,70 - 5,21] 0,074 0,885 0,100 0,408
Rapports sociaux au travail
Mauvaises relations avec les
1,42 [0,67 - 2,99] 1,34 [0,56 - 3,22] 1,64 [0,61 - 4,46] 0,174 0,251 0,163 0,401
collègues
Manque de reconnaissance 1,16 [0,64 - 2,08] 0,44 [0,14 - 1,40] 1,36 [0,65 - 2,86] 0,310 0,916 0,203 0,324
Conflits de valeur
Conflits éthiques 1,42 [0,66 - 3,07] 1,54 [0,58 - 4,11] 1,54 [0,29 - 7,95] 0,184 0,191 0,303 0,465
Qualité empêchée 1,35 [0,67 - 2,69] 1,03 [0,42 - 2,51] 1,31 [0,53 - 3,26] 0,196 0,470 0,277 0,521
Insécurité de la situation de travail
Insécurité de l’emploi 4,81 [2,31 - 10,01] 2,37 [1,01 - 5,56] 6,20 [2,23 - 17,19] < 0,001 0,023 < 0,001 0,332

Ajusté sur l’âge en 2010, niveau d’éducation, événements marquants durant l’enfance, événements marquants 1991-2005 et entre 2006-2010, maladie
chronique en 2006, limitations d’activité en 2006, dépression et troubles psychiatriques entre 2006 & 2010, secteur d’activité en 2006, statut de
l’emploi en 2006, durée totale en emploi entre 2006 & 2010, expositions physiques 2001-2005 et en 2006, expositions psychosociales 2001-2005.
* les tests significatifs sont indiqués en gras (p<0,05)

96 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Chez les femmes (tableau IV), vie professionnelle et à une forte (groupe D) qu’en cas d’exposition
par rapport au groupe A (jamais pression au travail (groupe B). Le en 2010 uniquement (groupe B)
exposé), l’incidence d’EDM/TAG risque d’EDM/TAG en 2010 était pour 10 des 17 FPS, mais la diffé-
était plus élevée en cas d’exposi- plus faible chez les femmes expo- rence n’est pas significative.
tion à une insécurité de l'emploi sées en 2006 uniquement (groupe Les résultats restaient inchangés
(groupes B et C), à une dissonance C) au manque de moyen pour faire lorsque les sujets ayant des anté-
émotionnelle et à un manque un travail de qualité que chez les cédents de dépression ou psychia-
de reconnaissance (groupes B et non exposées (OR=0,51). La pré- triques avant 2010 étaient exclus
D), ainsi qu’à la peur au travail, sence d’EDM/TAG était plus fré- des analyses (résultats non mon-
au déséquilibre vie personnelle/ quente en cas d’exposition répétée trés). Il en était de même lorsque

,Tableau IV

> RELATIONS ENTRE EDM/TAG EN 2010 ET LES PROFILS D’EXPOSITION AUX FPS CHEZ LES FEMMES
OR [IC95%] Tests des différents effets délétères*
Exposé en 2010 Exposé en 2006 Exposé en Court Décalé Cumulatif Exposition
uniquement uniquement 2006 & 2010 terme OR(C/A)>1 OR(D/A)>1 répétée
(B) (C) (D) OR(B/A)>1 OR(D/B)>1
vs jamais vs jamais vs jamais
exposé (A) exposé (A) exposé (A)
Intensité du travail et temps de travail
Quantité de travail excessive 0,97 [0,60 - 1,56] 1,10 [0,65 - 1,87] 1,24 [0,72 - 2,16] 0,546 0,362 0,212 0,205
Forte pression au travail 1,66 [1,08 - 2,55] 0,95 [0,46 - 1,95] 1,51 [0,85 - 2,69] 0,010 0,550 0,076 0,640
Forte complexité 1,12 [0,69 - 1,82] 0,86 [0,48 - 1,55] 1,17 [0,72 - 1,89] 0,315 0,684 0,254 0,427
Horaires de nuit/postés 0,55 [0,24 - 1,22] 1,12 [0,50 - 2,51] 0,74 [0,38 - 1,45] 0,929 0,382 0,808 0,272
Horaires excessifs 0,48 [0,22 - 1,05] 1,04 [0,52 - 2,10] 0,92 [0,46 - 1,82] 0,966 0,450 0,593 0,103
Horaires atypiques 0,68 [0,29 - 1,57] 0,60 [0,21 - 1,70] 1,02 [0,36 - 2,90] 0,816 0,828 0,480 0,266
Conciliation travail/hors travail 2,19 [1,37 - 3,49] 0,80 [0,40 - 1,62] 1,62 [0,78 - 3,35] 0,001 0,727 0,095 0,772
Exigences émotionnelles
Tensions avec le public 1,22 [0,76 - 1,95] 0,74 [0,37 - 1,47] 0,74 [0,37 - 1,48] 0,200 0,803 0,799 0,903
Dissonance émotionnelle 2,11 [1,33 - 3,34] 1,27 [0,72 - 2,23] 1,52 [0,98 - 2,37] 0,001 0,199 0,032 0,942
Peur au travail 3,81 [2,13 - 6,81] 1,33 [0,65 - 2,73] 1,82 [0,56 - 5,92] < 0,001 0,215 0,158 0,872
Autonomie, marge de manœuvre
Manque d’autonomie procédurale 1,36 [0,87 - 2,13] 0,94 [0,57 - 1,54] 0,79 [0,40 - 1,58] 0,088 0,594 0,742 0,921
Faible utilisation des compétences 0,90 [0,53 - 1,51] 0,81 [0,43 - 1,53] 0,90 [0,42 - 1,92] 0,651 0,738 0,602 0,497
Rapports sociaux au travail
Mauvaises relations avec les
1,18 [0,73 - 1,93] 1,24 [0,69 - 2,22] 1,30 [0,68 - 2,45] 0,243 0,227 0,209 0,405
collègues
Manque de reconnaissance 1,45 [0,97 - 2,19] 0,89 [0,47 - 1,68] 1,52 [0,94 - 2,47] 0,036 0,633 0,043 0,422
Conflits de valeur
Conflits éthiques 0,93 [0,52 - 1,69] 0,69 [0,30 - 1,59] 2,20 [0,76 - 6,39] 0,583 0,804 0,073 0,076
Qualité empêchée 1,18 [0,75 - 1,87] 0,51 [0,26 - 0,97] 1,29 [0,73 - 2,29] 0,227 0,980 0,187 0,391
Insécurité de la situation de travail
Insécurité de l’emploi 2,27 [1,31 - 3,95] 1,98 [1,03 - 3,78] 0,91 [0,36 - 2,32] 0,002 0,019 0,575 0,957

Ajusté sur l’âge en 2010, niveau d’éducation, événements marquants durant l’enfance, événements marquants 1991-2005 et entre 2006-2010, maladie
chronique en 2006, limitations d’activité en 2006, dépression et troubles psychiatriques entre 2006 & 2010, secteur d’activité en 2006, statut de l’emploi
en 2006, durée totale en emploi entre 2006 & 2010, expositions physiques 2001-2005 et en 2006, expositions psychosociales 2001-2005.
* les tests significatifs sont indiqués en gras (p<0,05)

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 97


VU DU TERRAIN
Caractérisation des effets des expositions
aux facteurs psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général perçu

les analyses ont été réalisées sépa- en 2010 était plus fréquent en cas vais état de santé perçu dans le cas
rément pour les EDM et les TAG d’exposition à une faible utilisa- d’expositions à de faibles relations
(résultats non montrés). tion des compétences quel que soit avec les collègues (groupes B, C), à
le groupe par rapport au groupe A l’insécurité de l’emploi et au désé-
RELATIONS ENTRE LES (jamais exposé), mais également quilibre vie familiale / vie profes-
GROUPES D’EXPOSITION de manière significativement plus sionnelle (groupes B et D), à des
AUX FPS ET UN MAUVAIS fréquente dans le groupe D com- tensions avec le public (groupes
ÉTAT DE SANTÉ PERÇU EN paré au groupe B (OR=1,83), suggé- B et C), une quantité de travail ex-
2010 rant un effet majoré de cette expo- cessive (groupe D) et un manque
Chez les hommes (tableau V), un sition quand elle est répétée. Était de reconnaissance (groupe B). On
mauvais état de santé global perçu également plus fréquent un mau- observait un OR inférieur à 1 en cas
,Tableau V

> RELATIONS ENTRE MAUVAIS ÉTAT DE SANTÉ PERÇU EN 2010 ET LES PROFILS D’EXPOSITION AUX FPS CHEZ LES
HOMMES
OR [IC95%] Tests des différents effets délétères*
Exposé en 2010 Exposé en 2006 Exposé en Court Décalé Cumulatif Exposition
uniquement uniquement 2006 & 2010 terme OR(C/A)>1 OR(D/A)>1 répétée
(B) (C) (D) OR(B/A)>1 OR(D/B)>1
vs jamais vs jamais vs jamais
exposé (A) exposé (A) exposé (A)
Intensité du travail et temps de travail
Quantité de travail excessive 1,35 [0,86-2,11] 1,10 [0,69-1,77] 1,79 [1,08-2,96] 0,091 0,338 0,012 0,163
Forte pression au travail 0,91 [0,61-1,34] 0,99 [0,58-1,71] 0,86 [0,52-1,45] 0,686 0,505 0,702 0,570
Forte complexité 1,39 [0,91-2,15] 0,79 [0,49-1,26] 1,11 [0,73-1,68] 0,063 0,836 0,306 0,844
Horaires de nuit/postés 1,20 [0,68-2,11] 1,04 [0,58-1,85] 0,70 [0,43-1,13] 0,261 0,443 0,925 0,944
Horaires excessifs 1,05 [0,64-1,73] 0,58 [0,32-1,07] 0,49 [0,28-0,82] 0,420 0,965 0,997 0,993
Horaires atypiques 1,23 [0,67-2,28] 1,45 [0,78-2,69] 0,81 [0,35-1,90] 0,250 0,115 0,682 0,794
Conciliation travail/hors travail 1,95 [1,24-3,08] 1,22 [0,64-2,32] 2,60 [1,34-5,05] 0,002 0,267 0,002 0,220
Exigences émotionnelles
Tensions avec le public 1,71 [1,06-2,76] 1,63 [0,92-2,87] 0,84 [0,32-2,20] 0,014 0,044 0,638 0,912
Dissonance émotionnelle 1,31 [0,88-1,95] 1,27 [0,81-2,00] 0,84 [0,55-1,28] 0,089 0,147 0,786 0,963
Peur au travail 1,09 [0,58-2,05] 0,77 [0,43-1,37] 1,05 [0,48-2,32] 0,389 0,810 0,446 0,530
Autonomie, marge de manœuvre
Manque d’autonomie procédurale 1,21 [0,82-1,81] 0,63 [0,40-0,99] 0,92 [0,52-1,61] 0,163 0,976 0,607 0,806
Faible utilisation des compétences 1,75 [1,10-2,77] 1,76 [1,03-3,02] 3,20 [1,63-6,27] 0,009 0,019 0,001 0,050
Rapports sociaux au travail
Mauvaises relations avec les
1,63 [1,03-2,58] 1,96 [1,17-3,30] 1,70 [0,90-3,27] 0,017 0,005 0,054 0,457
collègues
Manque de reconnaissance 1,53 [1,08-2,18] 1,25 [0,74-2,11] 1,25 [0,79-1,98] 0,008 0,193 0,163 0,810
Conflits de valeur
Conflits éthiques 1,53 [0,87-2,69] 1,33 [0,70-2,52] 0,57 [0,18-1,80] 0,070 0,186 0,828 0,940
Qualité empêchée 1,34 [0,86-2,10] 1,28 [0,78-2,13] 0,91 [0,49-1,69] 0,092 0,162 0,608 0,873
Insécurité de la situation de travail
Insécurité de l’emploi 1,95 [1,10-3,48] 0,91 [0,50-1,62] 2,41 [1,00-5,84] 0,011 0,624 0,025 0,342

Ajusté sur l’âge en 2010, événements marquants durant l’enfance, maladie chronique en 2006, EDM/TAG en 2006, secteur d’activité en 2006, statut de
l’emploi en 2006, sens de la trajectoire, durée totale en emploi jusqu’en 2010, exposition physique 2001-2005 et en 2006, exposition psychosociale 2001-
2005
* les tests significatifs sont indiqués en gras (p<0,05)

98 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


d’exposition en 2006 uniquement rité de l’emploi (groupe B), à des reconnaissance était inférieur à 1
(groupe C) à un manque d’autono- mauvaises relations avec les collè- (OR=0,56).
mie (OR=0,63). gues et au manque de moyen pour
Chez les femmes (tableau VI), un faire un travail de qualité (groupe
mauvais état de santé global perçu D). Concernant l’exposition aux
en 2010 était plus fréquent dans le horaires excessifs, il était égale- DISCUSSION
cas d’exposition au sentiment de ment significativement plus fré-
peur au travail (groupes B et D), quent dans le groupe D comparé PRINCIPAUX RÉSULTATS
à une forte pression temporelle, au groupe B (OR=2,13). L’OR relatif Dans cette population de tra-
au déséquilibre vie personnelle / à une exposition en 2006 unique- vailleurs en 2006 et 2010, où de
vie professionnelle et à l’insécu- ment (groupe C) à un manque de nombreux métiers étaient repré-

,Tableau VI

> RELATIONS ENTRE MAUVAIS ÉTAT DE SANTÉ PERÇU EN 2010 ET LES PROFILS D’EXPOSITION AUX FPS CHEZ LES
FEMMES
OR [IC95%] Tests des différents effets délétères*
Exposé en 2010 Exposé en 2006 Exposé en Court Décalé Cumulatif Exposition
uniquement uniquement 2006 & 2010 terme OR(C/A)>1 OR(D/A)>1 répétée
(B) (C) (D) OR(B/A)>1 OR(D/B)>1
vs jamais vs jamais vs jamais
exposé (A) exposé (A) exposé (A)
Intensité du travail et temps de travail
Quantité de travail excessive 0,99 [0,66-1,49] 0,83 [0,52-1,31] 1,06 [0,64-1,74] 0,502 0,219 0,404 0,408
Forte pression au travail 1,47 [1,04-2,08] 0,86 [0,48-1,55] 1,05 [0,64-1,72] 0,014 0,316 0,420 0,930
Forte complexité 1,04 [0,70-1,55] 1,05 [0,69-1,61] 1,20 [0,81-1,76] 0,407 0,403 0,175 0,249
Horaires de nuit/postés 1,06 [0,59-1,79] 1,35 [0,75-2,45] 0,77 [0,47-1,24] 0,449 0,154 0,855 0,806
Horaires excessifs 0,54 [0,29-1,01] 1,21 [0,69-2,12] 1,16 [0,66-2,02] 0,972 0,244 0,299 0,030
Horaires atypiques 0,80 [0,41-1,57] 1,54 [0,78-3,02] 0,55 [0,19-1,57] 0,737 0,103 0,867 0,727
Conciliation travail/hors travail 1,65 [1,07-2,54] 0,94 [0,55-1,61] 0,79 [0,36-1,71] 0,011 0,421 0,721 0,957
Exigences émotionnelles
Tensions avec le public 1,00 [0,65-1,54] 0,87 [0,50-1,51] 1,19 [0,66-2,15] 0,485 0,317 0,275 0,305
Dissonance émotionnelle 1,23 [0,84-1,80] 1,39 [0,91-2,11] 1,24 [0,87-1,75] 0,142 0,059 0,111 0,484
Peur au travail 2,72 [1,55-4,75] 1,46 [0,84-2,53] 2,30 [0,87-6,05] 0,000 0,089 0,045 0,618
Autonomie, marge de manœuvre
Manque d’autonomie procédurale 1,27 [0,86-1,87] 0,80 [0,53-1,20] 1,07 [0,64-1,79] 0,108 0,147 0,394 0,722
Faible utilisation des compétences 1,38 [0,90-2,10] 1,06 [0,64-1,74] 0,89 [0,45-1,75] 0,065 0,406 0,631 0,880
Rapports sociaux au travail
Mauvaises relations avec les
1,29 [0,86-1,93] 0,84 [0,50-1,42] 1,57 [0,98-2,51] 0,108 0,266 0,030 0,245
collègues
Manque de reconnaissance 1,08 [0,77-1,52] 0,56 [0,33-0,95] 1,16 [0,79-1,72] 0,319 0,017 0,219 0,360
Conflits de valeur
Conflits éthiques 1,19 [0,70-2,03] 0,74 [0,36-1,52] 1,71 [0,65-4,48] 0,257 0,212 0,136 0,251
Qualité empêchée 1,16 [0,77-1,74] 0,88 [0,55-1,42] 1,69 [1,03-2,76] 0,234 0,313 0,018 0,086
Insécurité de la situation de travail
Insécurité de l’emploi 1,59 [0,92-2,73] 1,10 [0,60-2,00] 1,78 [0,86-3,68] 0,047 0,372 0,060 0,401

Ajusté sur l’âge en 2010, niveau d’éducation, événements marquants durant l’enfance, événements marquants avant 2006 et entre 2006 et 2010,
maladie chronique en 2006, EDM/TAG en 2006, secteur d’activité en 2006, statut de l’emploi en 2006, temps partiel en 2006, exposition physique en
2006 et exposition psychosociale 2001-2005
* les tests significatifs sont indiqués en gras (p<0,05)

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 99


VU DU TERRAIN
Caractérisation des effets des expositions
aux facteurs psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général perçu

sentés, les expositions observées ceux associés à la survenue d’EDM/ Dans une enquête européenne
couvraient l’ensemble des FPS TAG étaient associés à un mauvais réalisée en 2014, les FPS les plus
explorés. Pour les hommes comme état de santé perçu en 2010 chez répandus étaient la complexité et
pour les femmes, les expositions les femmes, avec des effets à court l'intensité du travail [25]. La fré-
à la forte complexité du travail terme et cumulatifs principale- quence de certains FPS a diminué
et au manque de reconnaissance ment. Chez les hommes, les FPS depuis 2005. Par exemple, moins
étaient les plus fréquemment rap- relatifs à l’autonomie/marge de de personnes font état de longues
portées. manœuvre, aux rapports sociaux heures de travail et d'un manque
Cependant, les effets des expo- au travail et à la conciliation vie de soutien social. Toutefois, l'insé-
sitions psychosociales sur l'inci- professionnelle / vie personnelle curité de l'emploi a augmenté et
dence d’EDM/TAG étaient diffé- étaient spécifiquement associés un cinquième des travailleurs tra-
rents. Chez les hommes, des effets à un mauvais état de santé perçu. vaille encore de longues heures ou
de l’exposition aux FPS relatifs à Enfin, seule une exposition répé- avec des horaires irréguliers. Des
l’intensité du travail étaient prin- tée à une faible utilisation des augmentations de la pression au
cipalement observés : l’exposition compétences chez les hommes et travail, de la violence et du har-
à une forte quantité de travail à des horaires excessifs chez les cèlement ont été signalées dans
avait des effets à court terme, cu- femmes était associée à un sur- certains pays, apparemment asso-
mulatifs et décalés sur la survenue risque de mauvais état de santé ciées à des changements au travail
d’EDM/TAG alors que l’exposition perçu en 2010 par rapport à cette consécutifs à la crise économique
à des horaires de travail excessifs même exposition à court terme. de 2008 [25].
avait des effets à court terme et
décalés, et l’exposition à une forte ÉVOLUTION TEMPORELLE DE NATURE DES EFFETS DE
complexité avait uniquement un L'EXPOSITION AUX FPS L'EXPOSITION AUX FPS
effet cumulatif. Chez les femmes, À notre connaissance, cette étude SELON LE GENRE
les facteurs relatifs à la demande est l'une des rares études longitu- Dans la littérature, les relations
émotionnelle étaient surtout dinales à avoir considéré les rela- avec la santé sont généralement
impliqués. L’exposition à la peur tions entre l'évolution de l'exposi- examinées séparément pour les
au travail, au déséquilibre travail/ tion à une grande variété de FPS, hommes et les femmes en rai-
hors travail et à la forte pression au-delà des dimensions tradition- son des effets différenciés de
au travail avaient des effets à court nelles des modèles de Siegrist et l'exposition aux FPS. Ardito et
terme sur la survenue d’EDM/TAG Karasek, et l'apparition de troubles al. [26] ont également identifié,
alors que l’exposition à la disso- mentaux et d’un mauvais état de dans une étude transversale, des
nance émotionnelle et au manque santé perçu. associations différentielles entre
de reconnaissance avaient des Algava et al. ont également obser- symptômes dépressifs et FPS chez
effets cumulatifs et à court terme vé une intensification de l'exposi- 33 907 employés européens : chez
sur la survenue d’EDM/TAG. L'ex- tion aux FPS chez les travailleurs les hommes, l'exposition à une de-
position au sentiment d'insécu- français entre 2005 et 2013 [23] : mande psychologique modérée, la
rité de l'emploi était fortement au-delà d’une augmentation de nécessité de cacher ses émotions
associée au diagnostic d’EDM/ la pression au travail, le travail et une faible sécurité de l'emploi
TAG pour les trois profils d'expo- semblait plus précipité, mais augmentaient le risque de symp-
sition suggérant un effet à court aussi plus exigeant en termes de tômes dépressifs. Chez les femmes,
terme, cumulatif et décalé chez les vigilance. L'autonomie avait égale- l'exposition à une demande émo-
hommes et pour deux des profils ment diminué sensiblement entre tionnelle modérée, une faible
chez les femmes, malgré le faible 2005 et 2013. Malard et al. ont reconnaissance et une faible sécu-
nombre de sujets dans la plupart estimé des tendances en Europe rité de l'emploi augmentaient le
des groupes. Enfin, aucun risque pour les différents FPS ; ils ont risque de symptômes dépressifs
accru de survenue d’EDM/TAG en souligné, par exemple, une dété- [26]. Des résultats similaires ont
cas d'exposition répétée aux FPS rioration concernant l’autonomie été trouvés dans la présente étude
par rapport à l'exposition à court et la sécurité de l'emploi, et une pour des personnes exemptes de
terme n'a été démontré. amélioration de l'équilibre travail- symptômes dépressifs 4 ans aupa-
Concernant l’état de santé perçu, famille [24], qui a également été ravant.
quasiment les mêmes FPS que observée dans la présente étude. L'insécurité de l'emploi est appa-

100 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


rue comme un facteur de risque et les hommes ou les femmes la fois en 2006 et 2010 à un conflit
psychosocial important pour les exposés à la fois à T1 et T2 avaient éthique avaient environ deux fois
hommes et les femmes dans plu- un risque plus élevé de dépres- plus d’EDM/TAG que ceux exposés
sieurs études, comme observé ici. sion et d'anxiété que ceux qui en 2010 seulement. Un sur-risque
Dans leur cohorte prospective de n'avaient jamais été exposés. Au- de mauvais état de santé perçu lié
suivi de deux ans, Andrea et al. ont cune association n'a été trouvée à une exposition répétée a été mis
montré les effets délétères de la en cas d’exposition uniquement en évidence uniquement pour la
forte demande psychologique, du à T1 [30]. Dans l’étude présentée faible utilisation des compétences
faible soutien social et de l'insé- ici, une méthodologie similaire a chez les hommes et des horaires
curité de l'emploi sur l'apparition été utilisée chez des sujets sans excessifs chez les femmes en com-
de la dépression chez les hommes EDM/TAG en 2006, mais avec des paraison à une exposition à court
et chez les femmes [27]. Stansfeld proxies (items utilisés en substi- terme. La possibilité que les ana-
et al. ont démontré que le risque tut de ceux du questionnaire de lyses statistiques ne soient pas en
de troubles dépressifs et anxieux Siegrist en vue de mesurer les mesure d'identifier les effets de
était augmenté par un niveau mêmes concepts) de l'effort et de l'exposition répétée aux FPS sur la
élevé d'insécurité de l'emploi, de la la reconnaissance de Siegrist et santé mentale en raison du faible
même ampleur chez les hommes d'autres FPS. Chez les femmes, des nombre de sujets ne peut être ex-
et les femmes alors que les ana- effets à court terme et cumulatifs clue. D’autres études seraient né-
lyses ont pris en compte des du manque de reconnaissance sur cessaires afin de clarifier ce point.
interactions avec le genre le cas la survenue d’EDM/TAG étaient
échéant [28]. statistiquement significatifs. Des EFFET DE LA DIMINUTION DE
En ce qui concerne la dissonance effets décalés et délétères ont été L'EXPOSITION AUX FPS ?
émotionnelle, Emanuel et al. ont observés pour une quantité de Dans cette étude, concernant la
montré une relation entre les exi- travail excessive, des horaires de survenue d’EDM/TAG, l’OR asso-
gences émotionnelles spécifiques travail excessifs et l'insécurité de cié au manque de moyens pour
au travail et une dégradation du l'emploi chez les hommes et chez faire un travail de qualité unique-
bien-être des travailleurs et tra- les femmes. Des effets à court ment en 2006 chez les femmes
vailleuses [29]. terme ou cumulatifs de l’exposi- était inférieur à 1 avec un inter-
tion à une quantité excessive de valle de confiance qui n’incluait
EFFETS À COURT TERME, travail, à l'insécurité de l'emploi pas 1, ce qui n’était pas attendu
DÉCALÉS OU CUMULATIFS et à une forte complexité sur la compte tenu des hypothèses for-
DE L'EXPOSITION AUX survenue d’EDM/TAG ont été mulées. En d'autres termes, pour
FPS ? SUR-RISQUE EN CAS observés chez les hommes. Chez les femmes, le fait de ne plus être
D’EXPOSITION RÉPÉTÉE ? les femmes, les effets observés exposées au manque de moyens
Les effets de l'exposition aux FPS étaient principalement des effets pour faire un travail de qualité
sur la santé mentale ont été étu- à court terme. Niedhammer et était associé à moins d’EDM/TAG
diés plus largement que les effets al. ont examiné les liens entre la en 2010. Concernant le mauvais
de l'exposition passée aux FPS sur durée de l'exposition aux FPS et état de santé perçu, il en était de
la dégradation de la santé men- la dépression et l'anxiété et n'ont même pour le manque de recon-
tale (nouveaux cas). Cependant, trouvé aucune preuve de l'effet naissance chez les femmes et le
certaines études sont disponibles d'une exposition répétée aux FPS manque d’autonomie chez les
pour tester l'effet décalé ou cu- sur la santé mentale [16]. Ceci est hommes. Autrement dit, le fait de
mulatif. Godin et al. ont étudié conforme aux résultats présentés ne plus être exposé au manque de
les relations entre l'exposition ici qui n'ont montré aucun risque reconnaissance chez les femmes
cumulée au déséquilibre effort- statistiquement plus important en et au manque d’autonomie chez
récompense et la santé mentale cas d'exposition répétée par rap- les hommes, était associé à une
évaluée par la liste de vérification port à l'exposition à court terme. moindre survenue de mauvais
des symptômes [30]. L'intervalle Toutefois, les hommes exposés à la état de santé perçu en 2010. Ces
de temps entre les deux mesures fois en 2006 et 2010 à une grande résultats soulèvent la question de
(T1 et T2) était d'un an. Les auteurs complexité, des horaires aty- la réversibilité de certains effets
ont montré que les hommes ou les piques et un manque d’autonomie des FPS, préoccupation cruciale du
femmes exposés à T2 uniquement ainsi que les femmes exposées à point de vue de la prévention.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 101


VU DU TERRAIN
Caractérisation des effets des expositions
aux facteurs psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général perçu

Dans une étude avec un suivi de entre l'amélioration de la santé pectif de travailleurs français, la
quatre ans, Stratzdins et al. [31] mentale (mesurée par le score ré- mesure standardisée et validée
ont étudié la relation entre l'amé- sumé mental du SF36 [34]) et une des diagnostics d’EDM et de TAG
lioration ou la détérioration de augmentation de l’autonomie [35]. [18] et de l’état de santé perçu
la demande psychologique, de Dans l’étude présentée ici, pour la [19], ainsi que la grande variété de
l’autonomie et de la sécurité de plupart des FPS, la santé mentale FPS explorés, des facteurs les plus
l'emploi d'une part, et l'évolu- est dégradée dans la population couramment évalués aux plus
tion des symptômes dépressifs et qui devient exposée, tandis que récents concepts qui ont émergé
anxieux d’autre part. Leur étude peu de situations d’amélioration au cours de la dernière décennie.
a révélé que toute amélioration dans l'exposition étaient associées En revanche, le questionnaire uti-
ou dégradation des symptômes à une diminution de la prévalence lisé pour les FPS n’est pas un ques-
était associée à une amélioration d’EDM/TAG. Toutefois, il n'a pas tionnaire standardisé. De plus, la
ou une dégradation respective été possible d'évaluer l'améliora- plupart des sous-domaines identi-
des FPS. De même, Smith et al. ont tion réelle de la santé mentale : le fiés a priori a été explorée par une
étudié les relations entre les chan- nombre de sujets diagnostiqués seule question (au maximum trois
gements en terme d’autonomie avec un EDM/TAG en 2006 mais questions), qui peut ne pas refléter
et la détresse psychologique ainsi pas en 2010 était particulièrement complétement les concepts explo-
que l'état de santé perçu sur une faible (107 sur 145 hommes et 219 rés. En particulier, la mesure des
période de 4 ans [32]. Ils ont mon- sur 333 femmes). conflits éthiques, pour lesquels au-
tré que l'amélioration de l’autono- cune association n’a été retrouvée
mie était associée à une meilleure LIEN INVERSE AVEC avec les différents indicateurs de
perception de l'état de santé et à CERTAINS FPS santé, est très parcellaire. En effet,
une plus faible détresse psycho- Les hommes et les femmes ex- ce concept générique de conflits
logique. Laine et al. ont étudié les posés de manière ponctuelle et éthiques peut correspondre à des
relations entre les changements actuelle ou de manière prolongée situations d’incertitude morale (à
de troubles mentaux communs aux horaires de nuit/postés ou à quel principe éthique se référer ?),
(en termes d'amélioration ou de des horaires excessifs avaient un de dilemmes moraux (plusieurs
dégradation), évalués par le ques- OR inférieur à 1 (sans signification valeurs sont en présence, chacune
tionnaire GHQ-12, et un certain statistique) concernant la surve- appelant à une action contradic-
nombre de FPS légèrement diffé- nue d’EDM/TAG et d’un mauvais toire avec les autres) ou de détresse
rents de ceux évalués dans l’en- état de santé perçu. Ces résultats morale (une contrainte extérieure
quêté SIP (facteurs de Karasek, jus- évoquent le processus de sélection entrave la mise en application du
tice organisationnelle, interface dans le temps (effet du travailleur comportement identifié comme
travail-famille, soutien social et sain) parce que ces deux situations adéquat), difficilement appréhen-
harcèlement au travail) [33]. Ils ont de travail exigent que le travailleur dables par une seule question.
identifié la contribution majeure soit en bonne santé. Ainsi, dans les Les algorithmes du MINI basés sur
du déséquilibre travail-famille sur études longitudinales, seuls les su- les critères DSM IV utilisés ici ont
l'amélioration ou la détérioration jets en meilleure santé continuent permis d'établir les diagnostics
de la santé mentale. Dans leur à travailler et sont ainsi en mesure d’EDM et de TAG pour chaque sujet.
échantillon, principalement com- de participer à ces enquêtes pro- La prévalence d’EDM/TAG en 2006
posé de femmes, les expositions fessionnelles. L’effet du travail- et 2010 (5 % chez les hommes et 12 %
au job strain, à l'injustice organisa- leur sain a été mentionné dans chez les femmes) était conforme
tionnelle, au déséquilibre travail- d'autres études longitudinales et a aux données nationales sur l’EDM
famille et au harcèlement actuel également été évoqué pour expli- (5 % dans hommes et 10 % chez les
ou récent étaient toutes associées quer des résultats similaires [36, femmes de la population géné-
à la dégradation de la santé men- 37]. rale en 2005 et 2010 [38]) et les
tale. Un soutien social fort, aucun TAG (2,1 % en population générale,
déséquilibre travail-famille, et FORCES ET LIMITES avec une fréquence deux fois plus
l'absence de harcèlement étaient MÉTHODOLOGIQUES DE élevée chez les femmes que chez
associés à l'amélioration de la san- L’ÉTUDE les hommes [39]), et aux données
té mentale. De même, Bentley et al. Les points forts de cette étude européennes [40, 41]. La prévalence
ont mis en évidence une relation étaient le large échantillon pros- d’EDM, de TAG et d’antécédents

102 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


de maladie mentale était plus éle- sidents qui avaient entre 20 et 74 Les FPS et les indicateurs de santé
vée chez les femmes que chez les ans en 2006. Le taux de réponse en ont été déclarés par les partici-
hommes, ce qui est conforme aux 2010 de l'enquête SIP était supé- pants, ce qui peut renforcer les
études antérieures [9, 27, 41]. rieur à 70 %. Le recueil des données associations observées. Du fait de
Le critère de jugement principal a été réalisé par une personne for- cette mesure à partir d’une seule
était la présence d’EDM et/ou TAG, mée de l'Institut national de la source, l’interprétation des résul-
afin de gagner en puissance statis- statistique et des études écono- tats en termes de causalité doit
tique et de renforcer les interpré- miques (INSEE), avec un système rester prudente [44, 45]. Toutefois,
tations. Ce regroupement est cou- d'entretien assisté par ordinateur, ce biais systématique dû à une
ramment utilisé, il est pertinent ce qui a limité très fortement les affectivité négative (ou positive)
à la fois d’un point de vue phy- non-réponses. Dans l’échantillon peut être limité par le fait que
siologique et pathologique, et il a étudié, les données manquantes les personnes atteintes d’EDM/
été confirmé dans les analyses de représentaient moins de 5 % pour TAG en 2006 ont été exclues des
sensibilité réalisées. Par ailleurs, chaque question. Les caracté- analyses, que les antécédents
Bittner et al. ont montré un niveau ristiques de l'échantillon obser- de troubles mentaux et les évé-
important de comorbidité entre vées chez les hommes et chez les nements marquants passés ont
EDM et TAG [42]. Dans cette étude femmes (plus de travail à temps été systématiquement considé-
longitudinale, la présence à l’inclu- partiel pour les femmes, continuité rés comme cofacteurs, que des
sion de troubles de l’anxiété était des itinéraires professionnels pour analyses de sensibilité ont été
associée à une augmentation du les hommes et plus d’horaires de effectuées en excluant les sujets
risque d’EDM [42]. Niedhammer travail excessifs et d'exposition à ayant des antécédents de mala-
et al. ont également montré que des contraintes physiques pour les die mentale avant 2006 et entre
les mêmes FPS étaient associé à hommes) sont proches de celles 2006-2010 et, enfin, que les rela-
l’EDM et aux TAG lorsqu'ils étaient habituellement observées pour les tions observées entre les FPS et la
considérés séparément [16]. travailleurs français [43]. santé mentale étaient différentes
Les effets habituellement obser- Les sujets qui n’ont pas été inclus selon le FPS (donc si ce biais était
vés pour les facteurs d’ajustement dans cette étude selon le critère prédominant alors tous les FPS
ont également été observés dans d’avoir un emploi lors des deux devraient avoir été concernés). Par
cette étude. Par exemple, les anté- vagues avaient une fréquence plus ailleurs, la littérature montre que
cédents de problèmes de santé élevée d’EDM/TAG en 2006, mais ce biais, quand il existe, n’explique
mentale (dépression ou autre ma- également d’exposition aux FPS ; que partiellement les relations
ladie mentale) étaient associés à la un biais de sélection ne peut donc FPS/santé [46].
survenue d’EDM/TAG en 2010 chez pas être exclu, car une mauvaise La possibilité que les analyses sta-
les hommes et chez les femmes ; santé mentale et une plus forte ex- tistiques ne soient pas en mesure
l'existence d'événements mar- position aux FPS en 2006 peuvent d'identifier les effets de l'exposi-
quants au cours de l'enfance et un être à l’origine du chômage en tion aux FPS sur la santé en raison
faible niveau d’éducation étaient 2010. Cependant, malgré ce biais du faible nombre de sujets, en par-
associés à la survenue d’EDM/TAG de sélection, les conclusions, qui ticulier dans le groupe D, ne peut
en 2010 chez les femmes ; et enfin, portent uniquement sur l’évolu- être exclue. Par exemple, moins
chez les hommes, plus la durée en tion de la santé mentale (mais aus- de 50 femmes étaient exposées à
emploi était importante, moins si perçue) des personnes occupant des horaires atypiques, à la peur
la survenue d’EDM/TAG en 2010 un emploi, restent valides. En effet, au travail ou à un conflit éthique
était fréquente. les résultats observés ici pourraient en 2006 et en 2010, et seuls 47
Les répondants de l'enquête SIP être moins importants qu’ils ne le hommes étaient exposés à des
ont été tirés au sort dans la popu- seraient en réalité, et certains effets conflits éthiques tant en 2006
lation de France métropolitaine. pourraient ne pas avoir été mis en qu'en 2010. Néanmoins, malgré le
Un premier tirage au sort sélec- évidence du fait de cette sélection peu de sujets exposés à l'insécurité
tionnait les ménages à partir des des sujets. Une analyse sur les de l'emploi, un effet fort sur la sur-
données du recensement de la troubles de santé mentale chez les venue d’EDM/TAG a été observé.
population de 1999. Puis, au sein personnes qui ont perdu leur em- Enfin, l’intervalle de temps entre
de chaque foyer, le répondant était ploi ou retrouvé un emploi dépasse les mesures est discutable, les
choisi au hasard parmi tous les ré- le cadre de cette étude. effets sur la santé mentale sem-

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 103


VU DU TERRAIN
Caractérisation des effets des expositions
aux facteurs psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général perçu

blant être à court terme. L’analyse Remerciements


a examiné quatre profils d'expo- Les auteurs remercient les
sition (selon que l'exposition concepteurs de l'enquête SIP
était rapportée ou non en 2006 (DREES : Direction de la recherche,
et 2010) sans hypothèse concer- des études, de l’évaluation et des
nant le niveau d'exposition entre statistiques ; DARES : Direction de
2006 et 2010. Le groupe D pré- l’animation de la recherche, des
sentait une exposition aux deux études et des statistiques) qui
ont rendu ce travail possible en
moments sans aucune supposi-
ouvrant la base de données à la
tion quant à l'exposition entre les
communauté scientifique.
deux mesures, qui aurait pu être
permanente (stable) ou récurrente Source des données : ministères
(répétitive). Ainsi, des délais plus chargé des Affaires sociales et de la
courts pourraient être plus appro- Santé – fichiers « lil-0772 Santé et
priés, comme cela a été le cas dans itinéraire professionnel (SIP) – 2006
d'autres études [47-49]. (2006, DREES) » et « lil-0773 Santé et
itinéraire professionnel (SIP) – 2010
(2010, DREES) ».

CONCLUSIONS

Ces résultats suggèrent que l'effet POINTS À RETENIR


de l'exposition aux FPS sur la sur-
venue de la dépression et/ou de Jusqu'à présent, les études ont principalement porté sur les
l'anxiété est plus souvent à court conséquences en termes de dépression et d’anxiété, des facteurs
terme que décalé dans le temps. psychosociaux évalués par les modèles Karasek et Siegrist.
Les hommes étaient particuliè- Rares sont les études qui explorent les relations entre
rement touchés par l'exposition l'évolution de l'exposition à une grande variété de FPS et
aux FPS en lien avec l'intensité et l'apparition de troubles mentaux et d’un mauvais état de santé
le temps de travail et les femmes perçu.
étaient plus particulièrement tou- À partir de l’enquête « Santé et itinéraire professionnel », les
chées par l'exposition aux FPS liées effets de 17 facteurs psychosociaux ont été analysés selon 3
à la demande émotionnelle, au profils d’expositions : exposition ponctuelle et passée (effet
manque de reconnaissance et au décalé), exposition ponctuelle et actuelle (effet à court terme),
déséquilibre travail-famille. Pour exposition répétée au cours des 4 ans de suivi (effet cumulatif).
les deux genres, les effets délé- L’insécurité de l’emploi est associée, chez les hommes et
tères à court terme, cumulatifs et chez les femmes, à la survenue de dépression/anxiété et à la
décalés de l'insécurité de l'emploi dégradation de l’état de santé général perçu.
ont été observés. Enfin, aucun sur-
Chez les hommes, la forte quantité de travail est associée à
risque en cas d’exposition répé-
la survenue de dépression/anxiété et la faible utilisation des
tée comparée à une exposition
compétences à la dégradation de l’état de santé général perçu.
actuelle ponctuelle n’a été mis en
évidence. Chez les femmes, la peur au travail est associée à la survenue
D’autres études sont nécessaires, de dépression/anxiété ainsi qu’à la dégradation de l’état de
en particulier pour étudier les
santé général perçu.
effets de l’exposition répétée aux Les résultats suggèrent que les expositions psychosociales
facteurs psychosociaux et les ef- ont des effets délétères à court terme plutôt que décalés sur
fets de la diminution de l’exposi- l'incidence de la dépression et des troubles anxieux, ainsi
tion aux facteurs psychosociaux, que sur l’état de santé global perçu. Aucun sur-risque en cas
avec une méthodologie dévelop- d’exposition répétée comparée à une exposition actuelle
pée spécifiquement pour répondre
ponctuelle n’a été mis en évidence.
à ces questions.

104 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


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Q Q Q

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 105


VU DU TERRAIN
Caractérisation des effets des expositions
aux facteurs psychosociaux sur la santé
mentale et l’état de santé général perçu

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106 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


TF 268
VU DU TERRAIN

SU

ME
Nouveau protocole et baisse R
de la participation des
médecins : la collecte de données
de l’enquête SUMER 2016-2017
à l’épreuve de l’organisation
de la santé au travail
AUTEURS :
en B. Barlet, H. Malarmey, Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (IRISSO), Université Paris Dauphine
résumé S. Memmi, Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), Paris

L’
Depuis 1986, l’enquête SUMER MOTS CLÉS
(surveillance médicale des Enquête SUMER /
Médecin du
expositions des salariés
travail / Santé au
aux risques professionnels) travail / Méthodo-
construit une cartographie logie / Pluridiscipli- enquête SUMER (sur- reconnue pour la qualité des don-
nationale des expositions narité veillance médicale des exposi- nées collectées qui servent à orien-
aux risques professionnels. tions des salariés aux risques ter la recherche scientifique sur les
Elle repose sur l’expertise professionnels), élaborée à partir risques professionnels ainsi que les
des médecins du travail de 1986 par le ministère du Tra- politiques de prévention à mettre
volontaires qui remplissent vail (Direction de l’animation de en place. En cela, elle contribue à
un questionnaire avec les la recherche, des études et des l'amélioration de la prévention en
salariés tirés au sort. Deux statistiques – DARES –, Direction santé au travail. Elle permet aussi
post-enquêtes portant sur les générale du travail - Inspection de mesurer les évolutions des expo-
ressorts de la participation médicale du travail – DGT-IMT) sitions professionnelles au cours de
des médecins à SUMER et en partenariat avec la Direction ces vingt dernières années en com-
sur la mise en œuvre de la générale de l’administration et parant les résultats de la dernière
pluridisciplinarité dans le de la Fonction publique (DGAFP), campagne à ceux des campagnes
recueil de données ont montré connaît sa quatrième édition. En précédentes (1994, 2003 et 2010).
que même si les médecins 2016-2017, l’enquête couvre l’en- Lors de la campagne 2016-2017, le
reconnaissaient l’intérêt semble des salariés du secteur pri- protocole a permis aux médecins
et la qualité de l’enquête, vé et du secteur public, en France participants de se faire aider par
le protocole s’intégrait métropolitaine et dans les dépar- des membres de leur équipe plu-
difficilement à un exercice tements d’Outre-Mer (DOM). ridisciplinaire (infirmier(e)s, inter-
professionnel en pleine Ce dispositif repose sur l’expertise venants en prévention des risques
évolution. Les conditions des médecins du travail volontaires professionnels – IPRP –, assistant(e)
favorables à l’implication qui remplissent, avec le salarié, un en santé au travail – ASST) dans le
des équipes et au bon questionnaire de vingt pages sur remplissage des questionnaires,
déroulement de l’enquête les expositions professionnelles, tout en gardant l’entière respon-
dépendent notamment de lors de la visite médicale pério- sabilité de l’enquête. Ce change-
l’engagement en ce sens des dique ou visite d’embauche de plus ment s’explique par les dernières
services de santé au travail. de trois mois. Cette enquête est réformes de la médecine du travail.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 107


VU DU TERRAIN
Nouveau protocole et baisse de la participation
des médecins : la collecte de données de l’enquête
SUMER 2016-2017 à l’épreuve de l’organisation de
la santé au travail

Il reflète tout d’abord les nouvelles ,Encadré 1


collaborations liées à l’introduction
d’entretiens infirmiers. Il cherche > DESCRIPTION SUCCINCTE DES DEUX ENQUÊTES
également à pallier une désaffec-
tion possible des médecins pour La première étude, dite La seconde étude, dite
l’enquête au vu de la baisse de leurs « protocole », a questionné la mise « participation », a interrogé les
effectifs et des évolutions de leurs en œuvre du nouveau protocole différentes causes ayant conduit
conditions de travail, en les encou- de l’enquête (tirage au sort et à la participation des médecins
rageant à déléguer une partie de pluridisciplinarité) visant à s’adapter à l’enquête, à leur refus ou leur
la charge que l’enquête représente aux changements institutionnels abandon. Elle repose sur une
sur leur exercice quotidien. Un et organisationnels des services méthodologie double. D’une part, 64
effort important en matière de interentreprises de santé au travail entretiens ont été réalisés par des
formation a aussi été déployé par et à faciliter le travail du médecin collaborateurs médecins en Pays de
l’équipe nationale SUMER. Malgré volontaire dans sa participation la Loire, Grand-Est et Bourgogne –
cela, lors de la campagne 2016-2017, à SUMER. La méthode repose sur Franche-Comté auprès de 3 profils de
le nombre de médecins volontaires 65 entretiens menés auprès de médecins : 16 « ex-participants » (qui
a beaucoup diminué : 1 244 méde- différents acteurs de la santé au ont participé à SUMER 2010 mais
cins en 2016-2017 contre 2 400 en travail (médecins, infirmier(e)s, pas 2017), 12 « abandonnistes » (qui
2010-2011. secrétaires, directions), dans sept ont participé à la formation et ont
Dans ce contexte, deux post-en- services interentreprises d’Île- renvoyé entre 0 et 5 questionnaires)
quêtes ont été lancées pour com- de-France, Pays de la Loire et et 36 « lauréats » (qui ont atteint
prendre les conditions de collecte Bourgogne – Franche-Comté. Les l’objectif de 20 questionnaires
de données de SUMER 2016-2017 entretiens ont porté sur l’activité répondants). Les participants ayant
(encadré 1). La première étude, dite professionnelle (organisation du renvoyé entre 6 et 19 questionnaires
« protocole », porte sur l’appro- travail, collaboration, effectif suivi, sortent du périmètre de l’étude
priation des changements dans rapport au travail) et sur la façon « participation ». D’autre part, ce
le protocole de collecte par les ser- dont les participants ont vécu travail s’appuie sur l’exploitation
vices de santé au travail (SST) et la leur implication dans la dernière statistique du questionnaire
seconde, dite « participation », sur campagne (organisation de médecin de l’enquête SUMER, qui
la baisse de la participation des l’enquête, collaboration sur le recueil fournit des données de cadrage sur
médecins. Plus précisément, ces de données, perception générale). le profil des médecins « lauréats »
travaux ont répondu aux questions et « abandonnistes » pour les
suivantes : comment les nouveaux campagnes 2010 et 2017.
acteurs ont-ils été impliqués dans
la collecte ? Qu’est-ce qui explique
qu’un médecin participe ou non à équipes dans le recueil des don-
SUMER ? nées et décrit la mise en œuvre LE CONTEXTE DE LA
Cet article s’appuie sur les résul- des nouvelles collaborations dans COLLECTE DE SUMER
tats de ces deux études menées SUMER, en particulier le rôle des 2016-2017
principalement dans des SST secrétaires médicales et celui,
interentreprises et illustre les inédit, des infirmier(e)s. Enfin, la UN ENGOUEMENT
conditions concrètes du recueil troisième partie met en évidence TOUJOURS IMPORTANT
des données de SUMER 2016- l’impact des conditions de travail POUR L’ENQUÊTE
2017. Il montre dans un premier des médecins sur les conditions de L’enquête SUMER est un dispositif
temps que les médecins du tra- recueil des données d’enquête. Au- national de veille sanitaire qui vise
vail ont plutôt une vision positive delà de l’enquête SUMER, cet ar- à cartographier rigoureusement
de cette enquête. Pour autant, ticle conduit à interroger l’avenir les expositions professionnelles.
l’évolution de leurs conditions de des dispositifs de veille en santé La construction de ces données
travail limite considérablement au travail à l’épreuve des change- est une dimension du travail des
leur participation. La seconde par- ments importants que connaît ce SST qui semble particulièrement
tie souligne le rôle essentiel des secteur depuis quelques années. valorisante chez les médecins

108 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


du travail enquêtés, qu’ils soient lièrement les données qui en sont visites de « routine » : « Je vois des
« lauréats », « ex-participants » issues. Ils peuvent aussi s’inspirer personnes que je n’ai jamais vues,
ou « abandonnistes » (encadré 1). du questionnaire, particulièrement parce qu’il y a des soucis. Il y a beau-
Elle met en avant les compétences précis sur les expositions profes- coup plus de demandes, plus de
expertes, souvent méconnues, du sionnelles, pour réaliser leurs fiches reprises… Les gens, avant, vous les
médecin du travail en valorisant d’entreprise. connaissiez, donc vous connaissiez
son rôle et sa mission première : un peu les pathologies, mais là j’ai
protéger la santé des salariés. C’est DES DIFFICULTÉS À INTÉGRER vu quelqu’un que je n’avais pas vu
une manière pour la profession, SUMER À L’ÉVOLUTION DES depuis 5 ans. En 5 ans, il s’était passé
considérée comme un « segment PRATIQUES pas mal de choses ! Donc les visites
dévalorisé » de la médecine [1], de Les réformes successives de la sont plus longues. Et il y a aussi plus
mettre en valeur son action au- médecine du travail ainsi que de visites à la demande du salarié.
près du public. C’est également un l’évolution démographique de la Et il y a des employeurs qui malgré
moyen de rendre visible le travail profession contribuent à créer des la loi tiennent à ce que ce soit tou-
du SST en « participant à un projet conditions d’exercice moins favo- jours nous qui voyions les salariés
collectif » comme le décrit un mé- rables à l’enquête SUMER. en embauche » (médecin du travail,
decin ex-participant du Centre – Les praticiens et praticiennes service interentreprises).
Val de Loire. Ce projet d’ampleur rencontré(e)s dans l’enquête « pro- Les médecins et les équipes ont
nationale contribue à une cause tocole » pointent en entretien un aussi évoqué, lors de l’enquête
d’intérêt public qui met en exergue changement de leurs conditions de « protocole », les spécificités des
l’utilité sociale des SST. travail lié à l’évolution de la méde- publics enquêtés. Le bassin d’em-
Participer à l’enquête SUMER est cine du travail. Ils sont désormais ploi et le type de structures aux-
aussi l’occasion, pour les médecins à la tête d’une « équipe » qui les quels les médecins et les équipes
du travail, d’approfondir certains assiste sur les différents volets de sont confrontés influent sur la par-
éléments liés au poste de travail, leur action – bien que la mise en ticipation à SUMER : par exemple,
à l’entreprise ou au vécu des sala- place de ces équipes soit encore le « coût » d’engagement sera plus
riés. L’enquête peut également inégale selon les services. Faute de important pour un médecin qui ne
permettre de découvrir de nou- médecins, mais aussi pour mieux suit que des salariés intérimaires
velles expositions et de resserrer utiliser les compétences de chacun, ou dont l’effectif est très divers, à
les liens avec le terrain. La possibi- des infirmier(e)s peuvent désor- majorité industrielle, que pour un
lité d’échanger plus longuement mais intervenir sur le versant indi- médecin dont l’effectif est com-
et de creuser les conditions de viduel du travail de prévention en posé uniquement d’entreprises de
travail des salariés représente un prenant en charge les entretiens services. L’enquête est aussi moins
moyen d’appréhender l’évolution périodiques, puis d’embauche facile à mettre en place dans les
des expositions et de percevoir la (visites d’informations et de pré- très petites structures, notamment
survenue de risques encore mécon- vention), tandis que les IPRP inter- dans le secteur du Bâtiment et des
nus. La participation à SUMER peut viennent sur le versant collectif (ce travaux publics (BTP) : il est plus
également être utile pour se former qui concerne l’action en milieu de difficile pour un employeur de faire
au moment de l’arrivée dans un travail). face à un examen médical qui dure
service, notamment pour les col- La pratique médicale est alors très longtemps lorsqu’il n’emploie que
laborateurs médecins ou pour les largement orientée vers ce que deux ou trois salariés.
internes. les médecins désignent comme Une praticienne de SST interen-
Reconnu par le Conseil national une « gestion de problèmes » à treprises qui s’était portée volon-
de l'information statistique (CNIS), l’occasion de visites dites « pro- taire, mais a abandonné, pointe les
le dispositif d’enquête SUMER est blématiques », reléguant de fait spécificités de son effectif comme
d’autant plus valorisant qu’il se (et malgré eux) la veille et les une raison de son abandon : « Si
déroule dans un cadre méthodo- actions préventives au second je n’avais eu que des gens qui tra-
logique perçu comme étant solide. plan. L’enquête SUMER, malgré les vaillent dans des bureaux, c’est sûr
De plus, cette enquête s’inscrit dans ajustements de protocole, peine à que ça aurait été plus facile et ra-
les pratiques quotidiennes des mé- s’insérer dans un quotidien pro- pide de compléter le questionnaire,
decins du travail, qui utilisent régu- fessionnel quasiment exempt de et c’est des gens qui parlent français,

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 109


VU DU TERRAIN
Nouveau protocole et baisse de la participation
des médecins : la collecte de données de l’enquête
SUMER 2016-2017 à l’épreuve de l’organisation de
la santé au travail

qui répondent… Nous, il y a 50 % de des structures où la prévention a le 1. Au début Loire, Bourgogne – Franche-Comté,
gens qui ne peuvent pas vraiment plus de difficulté à pénétrer. de l’enquête, Grand-Est et Île-de-France) 2. À elles
répondre, il y a des gens avec qui la les médecins quatre, elles cumulent 46 forma-
participants se
communication est difficile, on voit UNE BAISSE DE MOITIÉ voient remettre un
tions de médecins volontaires et
si physiquement ils vont bien, c’est DE LA PARTICIPATION DES autoquestionnaire représentent 46 % des médecins
tout. J’ai des ouvriers qui sont ma- MÉDECINS DU TRAVAIL À d’information participants (557) 3. La Bourgogne-
nœuvres ou manutentionnaires sur L’ENQUÊTE anonyme. Franche-Comté et les Pays de la
des chantiers de démolition, à quoi La participation des médecins Loire font d’ailleurs partie des ré-
ils sont exposés ? Ils sont exposés à du travail volontaires à l’enquête gions où le taux de participation
2. Les deux études
tout ! ». SUMER a connu une progression portent sur trois des médecins du travail est le plus
En ville, l’enquête est par exemple croissante jusqu’en 2010, avec régions, parmi élevé. La représentativité de ces ré-
difficilement conciliable avec les 2 400 médecins participants cette lesquelles les Pays gions permet une analyse fine des
contraintes de suivi des entreprises année-là. En 2017, ils sont deux fois de la Loire et la conditions d’organisation de la col-
Bourgogne –
de nettoyage. D’une part, l’absen- moins nombreux : seuls 1 244 ont lecte et de participation des méde-
Franche-
téisme aux visites de leurs sala- renvoyé au moins un question- Comté ; l’étude cins du travail à l’enquête SUMER.
riés (principalement des femmes naire, et ce malgré un important « protocole » porte
issues de l’immigration africaine effort en matière de formation par également sur
et asiatique) est particulièrement la DARES et l’Inspection médicale la région Île-de-
élevé. D’autre part, quand les sala- du travail (84 formations réalisées France et l’étude
« participation »
LE RÔLE ESSENTIEL DES
riés se présentent, il n’est pas aisé dans toute la France). Les médecins sur la région ÉQUIPES DANS LE RECUEIL
de les intégrer dans l’enquête car du travail ont pourtant l’habitude Grand-Est. DES DONNÉES
ils parlent et lisent souvent peu le de s’impliquer dans la collecte de
français et peuvent difficilement données en santé-travail à travers DE L’AMONT À L’AVAL DE
remplir les auto-questionnaires. différents dispositifs. Selon l’étude 3. Ces données L’ENQUÊTE : LES SECRÉTAIRES,
sont issues du
Enfin, les salariés sont plus fré- « participation », 33 des 64 méde-
bilan de collecte
DES INTERMÉDIAIRES
quemment convoqués dans les cins interrogés participent à des de l’enquête établi ESSENTIEL(LE)S ENTRE
locaux des SST, car il y a moins de enquêtes à dimension nationale par le prestataire SALARIÉS, ENTREPRISES ET
centres mobiles et les médecins comme EVREST (évolution et rela- de collecte IPSOS. MÉDECINS
disent se déplacer moins souvent. tion en santé au travail), SUMER Les témoignages convergent sur
Cela rend plus difficile l’implica- ou MCP (maladies à caractère pro- le fait que l’implication des secré-
4. Ces ajustements
tion dans l’enquête de salariés dont fessionnel) et 20 d’entre eux par- taires dans l’enquête SUMER est
ne sont possibles
le temps de visite est d’autant plus ticipent à des enquêtes locales et que dans les cas primordiale pour sa bonne mise
compté qu’il s’ajoute à un temps ponctuelles. où le tirage au en œuvre. Les médecins peuvent
de trajet important. De ce fait, si D’après les données du question- sort se fait en les solliciter à chaque phase de
le temps médical dans les SST est naire administré aux médecins amont [2]. l’enquête.
devenu plus rare depuis la dernière volontaires participants à SUMER En amont, ils/elles peuvent effec-
campagne SUMER, c’est aussi le cas 2016-2017 1, l'âge moyen est de tuer le tirage au sort (lorsque les
du temps des salariés. 54 ans, 75 % d’entre eux sont des salariés sont tirés dans les logi-
Le type d’entreprises et de sala- femmes. Plus de la moitié vient de ciels de gestion de convocation),
riés auquel les médecins et leurs SST interentreprises (58 %), bien et l’ajuster en fonction des refus
équipes sont confrontés au quo- que leur proportion ait diminué et des non-présentations 4. Dans
tidien influe donc à la fois sur depuis l’édition précédente (moins la phase de convocation, ils/elles
les dispositions à s’engager dans 5 points) au profit des médecins convoquent les salariés à la visite
l’enquête et sur le déroulement de venant de SST autonomes. Ces der- pour SUMER et organisent l’emploi
l’enquête lui-même. Ici, les moda- niers représentent 27 % des méde- du temps des médecins en fonc-
lités de participation à l’enquête cins participants contre 18 % en tion de ces visites, soit en bloquant
SUMER reflètent des probléma- 2010. une semaine pour l’enquête, soit
tiques plus larges liées à la mise Les deux études sur lesquelles en réservant des créneaux quoti-
en œuvre globale de la prévention : s’appuie cet article portent sur diens ou hebdomadaires. Dans un
les populations les plus exposées quatre régions considérées comme contexte où les visites périodiques
sont, en général, les plus difficiles représentatives des régions par- sont moins fréquentes, ces convo-
à suivre et elles travaillent dans ticipant à l’enquête (Pays de la cations pour l’enquête suscitent

110 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


parfois l’incompréhension des tionnaire principal, qui concernent de très peu d’infirmier(e)s, dans
employeurs : pourquoi une seule les données générales sur l’entre- d’autres, ils/elles sont désormais
convocation isolée ? Pourquoi une prise et le salarié, ce qui est fait en les piliers sur lesquels repose
visite périodique alors que l’entre- aval de la consultation, parfois en le suivi périodique des salariés.
prise a des visites de reprise en présence du salarié. Quand c’est le cas, les médecins
attente ? Pourquoi ne peut-on pas Même si cette collaboration exis- qui s’impliquent dans SUMER le
substituer un autre salarié à celui tait déjà souvent lors des enquêtes font avec leur équipe et au titre
qui a été convoqué ? Les secré- précédentes, elle s’inscrit bien de leur équipe. « Nous, ça a été une
taires doivent alors répondre à ces dans l’orientation vers la pluri- décision prise ensemble de faire SU-
questions des employeurs et les disciplinarité vue par les méde- MER puisque c’est vrai que d’emblée
apaiser, alors même que le pro- cins du travail, qui leur permet de on se disait que comme c’était des
tocole préconise plutôt de ne les conserver un « cœur de métier » périodiques, ça allait être C. et moi,
informer de l’enquête qu’a poste- spécifiquement centré sur le mé- les infirmières, qui allions en faire
riori. dical et de déléguer à d’autres ac- un peu plus. Finalement le docteur
De plus, les visites SUMER ré- teurs compétents les aspects non Y., elle en a fait un seul, donc oui on
duisent considérablement les spécifiquement médicaux de leur en a fait un peu plus ! » (infirmière,
marges de manœuvre dans les activité. service interentreprises).
plannings des médecins du tra- Enfin, si les secrétaires sont des Dans certains cas, un(e) infirmier(e)
vail pendant la période de collecte, acteurs « historiques » de l’enquête assiste plusieurs médecins partici-
rendant alors difficile de faire face SUMER, ils/elles prennent lors de pants et remplit alors des question-
à des situations imprévues ou à la dernière campagne de recueil naires SUMER au titre d’effectifs de
des visites qui se rajoutent. Les de données un rôle plus important salariés distincts.
secrétaires disent être affecté(e)s que d’habitude, car, pour la pre- Les infirmier(e)s sont donc très
dans leur activité globale par cet mière fois, ils/elles peuvent être diversement sollicité(e)s par les
aspect de l’enquête. chargés de préparer et de faciliter médecins : certains ne les solli-
Dans la phase d’accueil, les secré- l’enquête, à la fois pour le méde- citent pas du tout et d’autres, au
taires sont en première ligne pour cin du travail qu’ils/elles assistent, contraire, leur délèguent la quasi-
informer les salariés tirés au sort mais aussi, le cas échéant, pour totalité des questionnaires. Quand
pour l’enquête et leur expliquer en l’infirmier(e) et le collaborateur ils collaborent sur la collecte, les
quoi celle-ci consiste. Dans certains médecin de son équipe. Pendant la binômes ont pu procéder, à par-
cas, il s’agit aussi de se montrer période de l’enquête, leur charge de tir du tirage au sort de salariés
persuasif afin d’essuyer le moins de travail est alors considérablement convocables, à une répartition des
refus possible. Ils insistent notam- accrue pour permettre aux méde- questionnaires entre le médecin
ment sur l’anonymat des informa- cins et infirmier(e)s de s’impliquer et l’infirmier(e) en fonction de leur
tions recueillies. Leur savoir-faire à moindre coût, dans un contexte difficulté présumée (poste, sec-
vis-à-vis des publics rencontrés est où le temps de ces derniers est re- teur, entreprise dont on sait qu’ils
salué par les médecins : l’une dit de connu comme précieux. sont soumis à de nombreuses ex-
son assistante qu’elle a su « désa- positions), ainsi qu’à une prépara-
morcer les craintes » des salariés. QUAND LES INFIRMIER(E)S tion des questionnaires. Ainsi, les
Après avoir expliqué aux salariés PRENNENT LE RELAIS SUR LE infirmier(e)s se chargent souvent
qu’ils étaient tirés au sort pour RECUEIL DE DONNÉES des cas les moins complexes, en
participer à l’enquête, les secré- Avec la réforme des SST, les concertation avec le médecin. « On
taires leur donnent le formulaire infirmier(e)s ont pris le relais des avait mis des petits onglets sur les
d’auto-questionnaire de SUMER et médecins, dans un premier temps quatre listes pour les retrouver
leur indiquent la marche à suivre, pour les visites périodiques, puis facilement, et une fois qu’on avait
ce qui est chronophage quand les depuis janvier 2017, soit le milieu “stabiloté” nos dix noms qui se sui-
salariés peinent à comprendre les de la période de recueil de don- vaient, après moi je lui disais qui de
questions et qu’un travail de refor- nées SUMER, pour une grande par- l’infirmier ou du médecin voyait
mulation est nécessaire. tie des visites d’embauche deve- la personne, en fonction des diffi-
Les médecins chargent aussi par- nues des « visites d’information et cultés ou des métiers, ça rentrait
fois leur secrétaire de remplir les de prévention » initiales. en ligne de compte » (médecin du
quatre premières pages du ques- Si certains SST disposent encore travail, service interentreprises).

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 111


VU DU TERRAIN
Nouveau protocole et baisse de la participation
des médecins : la collecte de données de l’enquête
SUMER 2016-2017 à l’épreuve de l’organisation de
la santé au travail

Les infirmier(e)s se disent alors de certains produits ou leur utili- chimiques » du questionnaire
en confiance : ils n’auront a priori sation, il est parfois nécessaire de SUMER puisque l’IPRP aura permis,
affaire qu’à des salariés dont ils se déplacer : les médecins peuvent en amont, au médecin d’acquérir
peuvent mener les questionnaires alors demander à des ASST de le une meilleure connaissance des
à bien sans encombre. Ces condi- faire. Pour ce qui est de la partie expositions aux risques chimiques
tions de recueil de données ne sont « agents chimiques » du question- sur son effectif de salariés.
cependant pas la norme. Beaucoup naire, essentielle mais considérée Les résultats de l’enquête « pro-
d’infirmier(e)s sont confronté(e)s comme ardue et chronophage par tocole » indiquent que la solidité
à des cas complexes, et notam- de nombreux médecins, l’appui de l’assistance pluridisciplinaire
ment à des risques chimiques est cependant jugé insuffisant sur les risques chimiques est
pour lesquels ils ne s’estiment pas dans de nombreux cas. un facteur qui incite les méde-
suffisamment formés, car la divi- Le protocole d’enquête prévoit la cins à penser qu’ils ont « eu de
sion du travail entre les différents possibilité de missionner des IPRP la chance » dans le recueil de
consultants a été faite arbitraire- pour appuyer les médecins sur ce données sur les expositions aux
ment (par exemple, chacun prend versant de l’enquête. Il s’agissait risques chimiques. « Moi, j’en ai
en charge la moitié des entretiens). d’une prise d’informations ou de eu un ou deux (salariés exposés à
De plus, comme les effectifs suivis renseignements en entreprise, des risques chimiques) mais j’ai eu
sont importants et que les méde- afin de préciser certaines expo- cette chance que c’était des entre-
cins ont désormais beaucoup de sitions : « Pour les parties sur les prises qui avaient été visitées il y
visites problématiques à gérer, expositions physiques, chimiques a peu de temps, ou des entreprises
ils n’ont pas toujours le temps et biologiques, qui ont un caractère que je connaissais, donc j’ai eu
d’épauler les infirmier(e)s. Ainsi, plus technique, il s’appuiera tou- beaucoup de chance dans le tirage
d’après l’enquête « protocole », jours sur son expertise médicale et au sort. Beaucoup de chance. C’était
la mobilisation des infirmier(e)s sur les réponses du salarié. Il pourra des entreprises que je maîtrisais,
pour la collecte s’est souvent cir- compléter le questionnaire en pro- ou le tableau des fiches de données
conscrite à une simple délégation, cédant à une visite du poste de tra- de sécurité avait été fait récem-
parfois limitée aux cas présentant vail pendant son tiers-temps (qui ment, donc j’ai vraiment eu de la
peu d’expositions profession- pourra également être réalisée par chance. Sinon oui la partie risques
nelles, mais s’est rarement inscrite les IPRP) » [3]. chimiques va trop loin, parce que
dans une véritable coopération. Pourtant, il ressort de l’enquête c’est vraiment très lourd, et moi il y
« protocole » une faible mobili- a des choses que je n’arrivais pas à
ASST ET IPRP : QUELLE sation des IPRP pour effectuer ce comprendre » (médecin du travail,
ASSISTANCE DES MÉDECINS travail complémentaire en milieu service interentreprises).
SUR LE TERRAIN ? de travail, que les médecins justi- Dans cet exemple, la « chance » de
Les médecins du travail souhaitant fient souvent par le sentiment que la praticienne revient à être tom-
réduire le temps dédié à l’enquête l’enquête SUMER sort de la mission bée sur des entreprises qu’elle suit
ont été encouragés par l’équipe dévolue, au sein du service, aux depuis longtemps, qu’elle connaît
nationale SUMER, voire par leur IPRP. Les médecins disent n’avoir donc bien et qui sont suivies d’as-
hiérarchie, à déléguer le recueil de pas pensé à les mobiliser, ou pas sez près par l’équipe pluridiscipli-
données complémentaires sur le osé le faire. naire. Un IPRP toxicologue était
terrain à des ASST ou à des IPRP. Ceci dit, le rôle des IPRP ne peut passé récemment faire le point sur
Ainsi, quand les entretiens ne suf- être évalué uniquement dans le les risques et analyser les fiches de
fisent pas à recueillir des informa- cadre strict de l’enquête SUMER données de sécurité. Ce cas corres-
tions sur les expositions, en par- proprement dite. Dans certains pond à un exercice professionnel
ticulier aux risques chimiques, il cas, leur rôle est indirect. À titre qui se fait dans de bonnes condi-
faut alors contacter l’entreprise ou d’exemple, un médecin ayant tions : sur un effectif d’entreprises
se déplacer. Faute de temps, beau- recours régulièrement à l’assis- stables, avec des équipes qui ont
coup de médecins optent pour un tance d’un IPRP pour des problé- les moyens d’être efficaces. Ce
appel téléphonique pour complé- matiques en lien avec les risques constat amène à interroger les
ter leur recueil de données. Cepen- chimiques est mieux armé pour conditions de mise en œuvre des
dant, pour clarifier la composition répondre à la partie « agents enquêtes comme SUMER.

112 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


5. Parmi les élément propice à la participation l’engagement dans l’enquête des
LES RESSORTS DE LA médecins suivant à la collecte de données et réduit médecins du travail de SST interen-
PARTICIPATION À LA 2 000 salariés le risque d’abandon. Parmi les treprises.
COLLECTE DE SUMER ou moins,
65 % étaient
« lauréats » enquêtés, la majorité Dans cette nouvelle édition de l’en-
« lauréats » en bénéficie de conditions de travail quête SUMER, la collecte des don-
Pour l’édition 2016-2017, 1 588 mé- 2017, contre 46 % favorables en termes d’équipe et nées s’effectue grâce à la coopéra-
decins du travail ont accepté de en 2010, soient une d’une plus grande implication de tion du médecin, de l’infirmier(e) et
suivre une formation à l’enquête augmentation de leur direction de service que chez du secrétaire. Ce « trinôme » peut
près de 20 points
SUMER et ont reçu le kit de collecte. les « abandonnistes » et les « ex- parfois comprendre d’autres pro-
entre les deux
D’après la « base médecin », ils sont dernières éditions. participants ». fessionnels de santé comme les col-
1 244 à avoir renvoyé au moins un A contrario, parmi Ceux qui peuvent être qualifiés de laborateurs médecins (13 % des mé-
questionnaire (soit 76 %). Parmi les médecins « lauréats sereins » viennent pour la decins volontaires travaillent avec
ceux-là, 2 % ont renvoyé moins de suivant plus de plupart de SST autonomes. Ce résul- un collaborateur médecin en 2017 7).
4 000 salariés,
5 questionnaires répondants, 34 % tat est corroboré par une analyse En revanche, les IPRP ont été peu
64 % étaient
ont renvoyé entre 5 et 20 question- « lauréats » en statistique à partir du questionnaire sollicités. De plus en plus présents
naires et 64 % ont renvoyé plus de 2017, contre 75 % administré aux médecins volon- dans les SST, ces derniers colla-
20 questionnaires. Ces derniers en 2010, soit une taires participants à SUMER qui borent avec plusieurs médecins, ce
sont considérés comme « lauréats » diminution de montre qu’en 2017, les médecins tra- qui rend difficile leur mobilisation
plus de 10 points.
car ils ont atteint leur objectif de vaillant en SST autonomes ont près pour SUMER. Les résultats révèlent
Cette tendance
collecte en équivalent temps plein. montre bien que le de deux fois plus de chance d'être également un doublement du
Ces données témoignent d’une nombre de salariés lauréats « toutes choses égales par nombre d’infirmier(e)s par méde-
participation hétérogène à l’en- suivis influence ailleurs », par rapport à ceux des SST cin dans les SST entre 2010 et 2017
quête où la désaffection des méde- la réussite interentreprises 6. En effet, les SST (le nombre de médecins travaillant
de la collecte
cins se fait peu en cours de collecte, autonomes offrent des conditions avec un(e) infirmier(e) passe de
des médecins
mais plutôt en amont (entre la for- volontaires. de travail facilitantes aux méde- 42 % à 80 %) et une présence tou-
mation et le début de l’enquête). cins du travail, qui peuvent accorder jours très forte des secrétaires (le
Cela conduit à s’interroger sur les plus de temps à la veille sanitaire nombre de médecins travaillant
6. Cette analyse
facteurs facilitant la participation et à la collecte de données SUMER. avec un(e) secrétaire passe de 83 %
statistique est
des médecins du travail au recueil issue d’une Ces conditions se caractérisent par à 88 %). Si la croissance du person-
de données. régression sur moins d’effectifs à suivre, une meil- nel infirmier est surtout visible
la base médecin leure connaissance des postes de dans les SST interentreprises (28 %
ALLER AU BOUT DE LA 2016-2017 en travail et plus de moyens humains des médecins participants venant
COLLECTE : QU’EST- contrôlant par le
sexe des médecins
et de temps pour réaliser des projets de SST interentreprises travaillent
CE QUI PERMET AUX participants, d’équipe. La spécialisation de ces avec des infirmier(e)s en 2010,
MÉDECINS « LAURÉATS » DE l’âge, l’ancienneté SST sur une entreprise renforce leur contre 81 % en 2017), celle des secré-
PERSÉVÉRER ? dans le SST, la capacité à s’approprier les spécifici- taires intervient essentiellement
La participation des médecins, participation tés d’une population relativement dans les SST autonomes (les méde-
à l'enquête
ainsi que la réussite de l’objectif homogène. De plus, ils sont moins cins participants issus de services
précédente, la
de collecte, tiennent avant tout à composition impactés par les réformes et les autonomes bénéficiant de l’assis-
un ensemble de facteurs organisa- de l'équipe de bouleversements organisationnels tance d’un(e) secrétaire passent
tionnels. D’une part, une charge de travail, la taille des qui en découlent. Ils semblent enfin de 45 % en 2010 à 67 % en 2017).
travail que les médecins estiment effectifs suivis, le moins contraints par des objectifs L’existence d’un trinôme stable et
type de service et
raisonnable au vu de leur temps quantitatifs et disposent de plus de compétent, dont les membres par-
la région.
de travail et du nombre de salariés marges de manœuvre pour mettre tagent le quotidien du médecin du
qu’ils suivent. À temps plein, il leur en place des projets [4]. À l’inverse, travail, est un facteur majeur de
est plus facile d’accorder du temps 7. D’après les d’après les résultats de l’enquête réussite pour collecter les données
données du
à des dispositifs d’enquête, surtout « participation », des effectifs plus SUMER.
questionnaire
si les effectifs suivis sont relative- médecin renseigné importants, un soutien variable Le collectif de travail apparaît éga-
ment faibles 5. D’autre part, l’appui par les médecins de la part des directions et une lement comme un élément essen-
d’un trinôme médecin-secrétaire- volontaires en faible légitimité en tant que mana- tiel à l’engagement des médecins
infirmier(e) formé et stable est un 2016-2017. ger d'équipe contribuent à limiter à la collecte de données. En effet,

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 113


VU DU TERRAIN
Nouveau protocole et baisse de la participation
des médecins : la collecte de données de l’enquête
SUMER 2016-2017 à l’épreuve de l’organisation de
la santé au travail

la plupart des « lauréats » ont des révèle qu’ils sont relativement plus Leur implication est pleinement
confrères qui ont également par- âgés que la moyenne et plus nom- légitimée par le fait que « partici-
ticipé à SUMER. L’engouement au- breux à avoir déjà participé à SU- per à la traçabilité des expositions
tour de l’enquête passe par l’enga- MER. Leur expérience de collecte de et la veille sanitaire » fait partie
gement du collectif de travail, ainsi données est appréhendée comme des quatre missions prioritaires
que celui du médecin inspecteur un atout pour une participation des SST. La réalisation de cette mis-
régional du travail (MIRT), particu- actuelle ou futur à un dispositif sion semble installée dans la pra-
lièrement moteur dans certaines de veille. Pour ces médecins, une tique des SST puisque la majorité
régions. La participation de plu- implication dans les enquêtes en des médecins du travail enquêtés
sieurs médecins d’un même SST à santé-travail permet d’améliorer participe à au moins une enquête
l’enquête accroît la motivation des la surveillance des expositions et d’envergure parmi les trois sui-
équipes et limite le risque d’aban- risques professionnels ainsi que vantes : MCP, EVREST et SUMER. Les
don. La dynamique collective peut l’état de santé des salariés. Si ces directions des SST interentreprises,
être renforcée par la création d’un médecins sont parvenus à dépas- majoritairement rassemblées sous
espace d’échange sur les pratiques ser leurs conditions de travail pour l’égide de l’association Présanse, af-
ou les difficultés rencontrées. Le assurer leur mission de vieille, ils fichent leur soutien aux différents
MIRT de Grand-Est a par exemple se montrent inquiets quant à leur dispositifs de veille, en témoignent
noté une participation très élevée possibilité d’y parvenir à l’avenir les réunions de présentation de
dans un SST avec 11 médecins par- au regard de l’évolution de la méde- l’enquête réalisées entre l’équipe
ticipants sur un total de 24. Si ce cine du travail. SUMER et Présanse.
taux exceptionnel s’explique en Ainsi, les médecins « lauréats » Pour autant, les entretiens révèlent
partie par l’inscription de l’enquête constituent un groupe hétérogène des pratiques différenciées. D’après
SUMER dans le Contrat pluriannuel où deux profils se distinguent. Les les médecins interrogés, les direc-
d’objectifs et de moyens (CPOM) « sereins » bénéficient des condi- tions des SST incitent rarement à
et le projet de service, ce sont sur- tions de collecte facilitantes qui participer à l’enquête SUMER et
tout les médecins eux-mêmes qui leur permettent de s’investir dans à assumer une mission de veille
ont été moteurs en affirmant leur l’enquête sans qu’il y ait de retom- sanitaire en général. Cela ressort
engagement. L’existence de ce col- bées négatives sur leur charge de d’autant plus des discours des
lectif de médecins a permis, d’une travail. Les « volontaristes » ont une médecins « abandonnistes » et
part, l’implication des acteurs de conception de la veille sanitaire qui « ex-participants ». Les directions
santé et d’une bonne partie du SST les pousse à surpasser leurs condi- de SST interentreprises ont été peu
dans la collecte, et, d’autre part, tions de travail, peu facilitantes, présentes durant la préparation et
une émulation autour de ce projet pour réaliser leur objectif de col- la collecte de l’enquête. Par ailleurs,
de groupe, rendant l’abandon plus lecte. À l’intersection de ces caté- elles se sont rarement investies
8. Inversement,
la coopération
difficile 8. gories, les médecins « lauréats » dans la communication ou l’organi-
entre acteurs des Certains médecins ont néanmoins peuvent être confrontés à certains sation de l’enquête (quoiqu’un peu
SST peut jouer atteint leur objectif de collecte motifs de désengagement, mais plus souvent chez les « lauréats »).
en la défaveur malgré des conditions de travail disposent d’autres facteurs dyna- Une des raisons évoquées serait
de la collecte de peu favorables (un grand nombre misants comme une équipe impli- l’urgence de la mise en place des ré-
données. Dans une
région mobilisée,
de salariés suivis, une équipe peu quée ou des effectifs moins élevés formes et le manque de personnel :
plusieurs stable, un SST peu investi dans la à suivre. les directions étaient accaparées
médecins et collecte...). Chez ces « lauréats vo- par le recrutement et l’intégration
leurs équipes lontaristes », le manque de moyens QUAND DES DÉCISIONS de nouveaux salariés (infirmier(e)s,
ont fait le choix a pu être dépassé du fait des moti- D’ORGANISATION collaborateurs médecins, IPRP,
de boycotter la
formation SUMER
vations éthiques qui les poussent IMPACTENT LES POSSIBILITÉS internes...) pendant la période de
parce qu’ils ne à s’investir dans la veille sanitaire. D’ENGAGEMENT DES ÉQUIPES collecte.
pouvaient pas Il s’agit majoritairement de méde- Les directions de SST interentre- De fait, les médecins ne se sont pas
tous venir faute cins ayant déjà participé à l’enquête prises jouent un rôle fondamen- toujours sentis soutenus dans leur
de place dans la SUMER et qui s’investissent par tal dans la gestion des missions démarche de collecte de données.
salle qui avait été
réservée, pour eux,
ailleurs dans d’autres dispositifs. de veille sanitaire et la réalisation Certains estiment que leur direc-
« c’était tout(s) ou Une analyse statistique sur le profil de la collecte de données épidé- tion favorise la participation à telle
rien ». de ces médecins « volontaristes » miologiques au sein des services. ou telle enquête au détriment des

114 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


autres. Pour d’autres, leur direction plupart des médecins du travail en cins insérés dans des SST où la
préfère qu’ils délaissent la veille SST interrogés, mais est particu- pluridisciplinarité est ancienne et
sanitaire pour se concentrer sur lièrement fort chez les « abandon- bien installée et des médecins qui
leurs visites, étant donnés les re- nistes » et les « ex-participants ». exercent de manière isolée ou dans
tards en cours que leur reprochent Ces derniers estiment avoir dû un contexte pluridisciplinaire plus
les adhérents. Considérée comme « se débrouiller » tous seuls pour fragile de par l’historique de leur
chronophage, la veille sanitaire réaliser la collecte de données, sans structure. Les infirmier(e)s et les
n’est donc pas toujours vue comme moyens supplémentaires pour par- IPRP ne sont en effet pas distribués
une priorité pour la direction et les ticiper à l’enquête, notamment jus- également sur le territoire, certains
entreprises. tifié par le manque actuel de main SST sont beaucoup plus pourvus
Ce faible engagement des SST inte- d’œuvre et donc, de temps médical : que d’autres en ressources pluri-
rentreprises conduit certains mé- « Ce n’est pas l’intérêt de l’enquête disciplinaires. Même au sein d’un
decins à s’interroger sur la manière qui est en cause, c’est véritablement SST, certaines « antennes » rurales
dont la veille peut s’insérer dans les moyens, le manque de moyens sont représentées par un seul
leur pratique quotidienne. Cette que nos services ne prennent pas en médecin ; de par son éloignement
mission est, de fait, souvent relé- compte… Ou si, sans doute, qu’ils le géographique, ce dernier a alors un
guée au second plan par rapport à prennent en compte mais en tout accès restreint aux ressources plu-
des missions perçues comme prio- cas il n’y a pas de solution qui est ridisciplinaires du service et ne dis-
ritaires. En outre, certains déclarent apportée » (abandonniste, service pose pas non plus de l’assistance
ne pas remplir cette mission (28 interentreprises). « J’ai pas vu qu’ils d’un(e) infirmier(e). On peut ima-
sur 64), notamment par manque nous avaient proposé du temps giner qu’en amont de l’enquête, ces
de temps : « Je pense que la réforme supplémentaire, ils nous disent médecins aient pu être dissuadés
n'est pas de nature à faciliter la vous pouvez le faire mais vous vous de participer du fait de l’impossibi-
participation à des enquêtes […] et débrouillez, vous prenez du temps. lité d’être assistés dans le recueil de
plus ça va moins j'ai le temps pour Mais bon, après toutes les visites ur- données.
le faire. Tout ce qui n'est pas vital, gentes, on fait comment ? » (Ex-par- L’enquête « participation » montre
immédiat, nécessaire dans l'immé- ticipant, service interentreprises). en effet que les médecins qui se sont
diat, ben on ne le fait pas » (lauréat, Cependant les médecins interrogés désengagés de l’enquête SUMER
service interentreprises). n’ont que très rarement demandé avaient été peu soutenus par leur
L’absence d’une politique de ser- explicitement à leur direction de équipe. Plus de la moitié indique que
vice en matière de veille sanitaire les soutenir davantage en leur son désengagement est dû à l’insta-
peut contribuer à minorer les octroyant des moyens supplémen- bilité de l’équipe, à l’absentéisme ou
moyens d’action à mettre en place taires. au manque de concertation et d’en-
pour y répondre : « Ici, il n'y a pas tente (7 « abandonnistes » sur 12). À
de politique de veille sanitaire dans MISE EN ŒUVRE DE LA l’inverse, la majorité des « lauréats »
le service. C’est une démarche indi- PLURIDISCIPLINARITÉ : a réalisé la collecte en collaboration
viduelle par des lectures profession- DES CONFIGURATIONS avec l’équipe (22 « lauréats » sur 36)
nelles, mais ça ne rentre pas dans le ORGANISATIONNELLES PLUS et y voit la raison de la réussite de
cadre d’un projet de service » (lau- OU MOINS FACILITANTES l’objectif de collecte. Éprouvés par
réat, service interentreprises). POUR L’ENQUÊTE l’expérience, certains « lauréats »
Le manque de soutien des direc- L’enquête « participation » et qui n’ont pas pu compter sur une
tions de SST interentreprises l’enquête « protocole » ont respec- équipe n’envisagent pas de réitérer
qu’évoquent nombre de méde- tivement fait ressortir le fait que la participation à la collecte à moins
cins du travail se traduit donc par certaines formes d’organisation d’avoir son appui.
l’absence de moyens complémen- étaient plus favorables que d’autres Certains SST n’intègrent des
taires pour aider à la réalisation à l’engagement des médecins dans infirmier(e)s que lorsque la loi le
de l’enquête. Les médecins doivent le recueil de données SUMER, d’une prévoit spécifiquement, et le font
« prendre sur les moyens déjà exis- part, et à son bon déroulement, encore timidement, tandis que
tants ». Pour certains, cela a été d’autre part. d’autres avaient anticipé la loi et
un facteur d’abandon. Le manque L’accès ou non au soutien d’acteurs donnaient déjà un rôle important
de moyens alloués pour réaliser non médecins constitue une iné- aux infirmier(e)s qu’ils embau-
SUMER est pointé du doigt par la galité de départ, entre des méde- chaient. Les binômes sont parfois

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 115


VU DU TERRAIN
Nouveau protocole et baisse de la participation
des médecins : la collecte de données de l’enquête
SUMER 2016-2017 à l’épreuve de l’organisation de
la santé au travail

inexistants : dans deux cas rencon- aux secrétaires d’opérer les ajuste- travail, et de temps et de locaux dis-
trés dans l’enquête « protocole », ments de planning nécessaires à ponibles pour l’enquête.
un(e) infirmièr(e) est présent(e) l’enquête. L’exemple le plus clair est Autant d’éléments qui pourraient
pour cinq ou six médecins. Ces le cas des SST qui fonctionnent avec faire l’objet d’une politique de ser-
situations ne permettent pas l’im- des secrétaires « convocateurs », vice qui valoriserait la mission
plication des infirmières dans le qui ne sont pas au contact quoti- de veille au lieu de la reléguer au
recueil de données SUMER car leur dien du médecin mais s’attachent second plan d’une activité princi-
exercice professionnel est dispersé à remplir un agenda en ligne. La pale qui reste centrée sur l’examen
sur l’ensemble d’un secteur, trop dissociation entre les convocations médical ou l’entretien infirmier.
large pour qu’ils/elles puissent et le reste de l’activité de secrétariat
développer une connaissance suffi- ne permet pas aux convocateurs
sante des entreprises et des postes. de connaître les employeurs et les
Les médecins qui exercent dans ces salariés, d’anticiper leurs réactions. CONCLUSION
conditions n’ont d’ailleurs souvent Dans ces SST, les secrétaires qui
même pas envisagé de solliciter sont au quotidien aux côtés des Les résultats de ces deux études ré-
l’infirmièr(e) avec qui ils travaillent, médecins n’ont pas la main sur les vèlent que le contexte de réformes
connaissant ses contraintes convocations. Le travail de facilita- et de crise démographique médi-
d’agenda. tion du déroulement de l’enquête cale est à l’origine d’une nouvelle
Par ailleurs, pour pouvoir partici- n’est dans ces situations pas pos- organisation du travail et de la
per à l’enquête, les infirmier(e)s ont sible : le secrétaire qui accueille les désaffection des médecins du tra-
besoin d’avoir un bureau à dispo- salariés et prépare les visites, tout vail dans la participation à SUMER.
sition pour mener des entretiens comme le médecin, « subit » l’ordre Certes, la complexité du tirage au
individuels, ce qui n’est pas acquis des consultations prévues par sort, la longueur du questionnaire
dans tous les SST. un(e) secrétaire convocatrice. Il/elle ou la technicité de certaines par-
Enfin, quand leur binôme est trop reçoit notamment les plaintes des ties constituent des contraintes à la
récent, ou que l’infirmier(e) est salariés qui trouvent leur attente collecte. Pour autant, les vraies dif-
encore en cours de formation, trop longue, plutôt que de pouvoir ficultés de participation dépendent
les médecins ont aussi renoncé à chercher à l’éviter. de l’organisation du travail et des
faire appel à eux pour le recueil L’enquête « participation » montre conditions de réalisation de l’en-
de données. Ces cas ne sont pas que l’engagement ou non dans quête.
rares dans des SST qui sont encore l’enquête est associé à des fac- Les médecins éprouvent plus ou
en pleine période d’ajustements teurs organisationnels liés notam- moins de difficultés à insérer l’en-
aux évolutions réglementaires, et ment au bon fonctionnement des quête dans leur pratique profes-
sont d’autant plus fréquents que équipes. L’enquête « protocole » sionnelle. Appréhender de manière
les infirmier(e)s peinent encore montre, elle, que ces facteurs orga- exhaustive les expositions profes-
parfois à trouver une place claire- nisationnels se répercutent sur le sionnelles nécessite de question-
ment définie dans les SST interen- bon déroulement de l’enquête et ner le travail réel des salariés, ce
treprises. L’enquête « protocole » le ressenti positif ou négatif des que les médecins ne peuvent plus
fait état d’un fort turn over sur les médecins par rapport à leur impli- toujours faire compte tenu de leur
postes d’infirmier(e)s dans certains cation. Ces enquêtes sont donc propre travail réel. La décision de
SST, très coûteux pour les médecins convergentes et permettent de participation ou de défection ainsi
qui les forment. définir les contours de configura- que les conditions de déroulement
L’enquête nécessite une connais- tions organisationnelles favorables de l’enquête pour les médecins
sance suffisante de l’effectif d’en- à la participation d’une part et de ou les équipes qui s’y engagent
treprises suivies par toute l’équipe, bonnes conditions de déroulement dépendent de multiples facteurs :
qu’il s’agisse de convoquer et d’ac- d’autre part. Il s’agirait a minima les trajectoires professionnelles des
cueillir les salariés, et plus encore d’équipes solides et bien installées, acteurs impliqués, leur rapport au
de questionner les expositions des se consacrant au suivi d’un effectif travail, les conditions de travail au
salariés à des risques profession- relativement stable d’entreprises, moment de l’enquête, l’organisa-
nels. Ainsi, l’enquête « protocole » mais aussi d’une certaine autono- tion du travail, les changements de
a mis en avant le fait que certaines mie des médecins (et des équipes) règlementation depuis dix ans, la
configurations ne permettaient pas sur l’utilisation de leur temps de démographie médicale, le rôle plus

116 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


« managérial » qui incombe aux la prévisibilité, l’homogénéité de
médecins du travail et les types de la charge de travail et sa compati- POINTS À RETENIR
publics suivis. Ces éléments intera- bilité avec les autres missions des
gissent pour former des configu- SST, tout en préservant le caractère Deux post-enquêtes ont été réalisées pour
rations plus ou moins favorables volontaire de la participation des comprendre les facteurs de mobilisation des
à l’engagement dans l’enquête, au médecins, gage de la qualité et de
médecins du travail au dispositif SUMER 2016-
2017 et le déroulement de la collecte.
bon recueil de données et à une la pertinence des informations re-
satisfaction du travail effectué, qui cueillies. Les médecins du travail considèrent
pourrait leur donner envie de se l’importance de la veille en santé-travail, mais
réinvestir dans l’enquête à l’avenir. l’intensification de leurs missions rend difficile
Enfin, il ressort de ces études que l’intégration de l’enquête dans leur pratique
quotidienne.
l’implication et le soutien des direc- Remerciements : Les auteures remer-
tions des SST joue un rôle majeur cient l’ensemble de l’équipe SUMER Le suivi médical de certaines populations de
dans la participation des méde- pour leur appui et leur relecture salariés (intérim, TPE) est problématique et il est
cins au recueil de données et dans et plus particulièrement Thomas difficile de les impliquer dans l’enquête.
la réussite de l’objectif de collecte. Coutrot, Élodie Rosankis et Nicolas Le travail de recueil de données est facilité par
Or, les entretiens montrent qu’en Sandret. la collaboration avec l’équipe pluridisciplinaire
général les directions de SST se sont (notamment assistant(e) en santé au travail,
peu impliquées dans la pratique. infirmier(e) et intervenant en prévention des
Pourtant, la veille sanitaire fait par- risques professionnels – IPRP)
tie des missions reconnues aux SST Les infirmier(e)s ont été mobilisé(e)s pour
par la loi 2011-867 du 20 juillet 2011 l’enquête au-delà de ce qu’il avait été prévu par
relative à l’organisation de la méde- l’équipe nationale de SUMER.
cine du travail, qui leur prescrit de
Les IPRP et les assistant(e)s sont des soutiens
« participer au suivi et contribuer à
précieux que les médecins ont très inégalement
la traçabilité des expositions profes- pu mobiliser pour le recueil de données.
sionnelles et à la veille sanitaire ».
Par ailleurs, l’enquête est une Les services de santé au travail allouent des
occasion, dans un quotidien pro-
moyens variables à l’enquête et encouragent
peu la participation des médecins.
fessionnel souvent accaparé par
les visites, de prendre le temps de
se pencher sur les expositions pro-
fessionnelles avant qu’elles n’aient
donné lieu à des problématiques
de santé et donc de s’ancrer dans BIBLIOGRAPHIE
une démarche de prévention.
Cependant, il semble que la mobi- 14 novembre 2014. Conseil national de
lisation volontariste des médecins 1 | BARLET B - Enjeux de prestige et enjeux de l’information statistique (CNIS), 2014
qui acceptent une surcharge tem- genre en médecine du travail. Nouv Rev Trav. (www.cnis.fr/wp-content/uploads/2017/10/
poraire de travail pour contribuer à 2017 ; 10 : 1-16. DPR_2014_2e_reunion_COM_emploi_enquetes_
une entreprise collective ait atteint 2 | COUTROT T, MEMMI S, ROSANKIS E, SANDRET N opportunit%C3%A9.pdf).
ses limites. La dynamique du dis- ET AL. - Enquête SUMER 2016-2017 : bilan de la 4 | MARICHALAR P - Prévenir ou produire.
positif SUMER, et plus globalement collecte. Vu du terrain TF 260. Réf Santé Trav. Autonomie et subordination dans la médecine
des outils de veille sanitaire, a été 2018 ; 156 : 19-27. du travail (France 1970-2010). Thèse pour le
durablement affectée par les évo- 3 | Projets d’enquêtes pour avis d’opportunité. doctorat de sociologie. Paris : École des Hautes
lutions récentes et irréversibles Commission « Emploi, qualification et Études en sciences sociales (EHESS) ; 2011 : 425 p.
des SST. Il va donc falloir orienter revenus du travail ». Réunion du vendredi
les réflexions à venir vers une plus
grande intégration institutionnelle
de ces dispositifs dans le fonc-
tionnement ordinaire des SST, de
façon à améliorer la coordination,

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 117


TM 50
PRATIQUES ET MÉTIERS

Santé et maintien en emploi :


prévention de la désinsertion
professionnelle des travailleurs
Synthèse de la recommandation de bonne pratique
Février 2019

Promoteurs :
en SFMT, Société française de médecine du travail, et HAS, Haute Autorité de santé
résumé

Les points essentiels des MOTS CLÉS pathologie ; des recommandations


recommandations de bonne Maintien dans OBJECTIFS spécifiques liées à certaines patho-
pratique « Santé et maintien l'emploi / logies ont été émises le cas échéant.
Désinsertion /
en emploi : prévention de la Recommandation /
Q Proposer un socle commun pour
désinsertion professionnelle des Retour au travail / contribuer au maintien en emploi
travailleurs », élaborées selon Handicapé des travailleurs ayant un ou plu-
la méthodologie de la Haute sieurs problèmes de santé (en pre- CIBLES
Autorité de santé (HAS), sont mière intention dans l’entreprise
présentés dans ces pages. d’origine) et pour prévenir leur Q Professionnels des services de
La rédaction remercie désinsertion professionnelle. santé au travail, qu’ils soient orga-
la HAS de l'avoir Q Améliorer la lisibilité et la cohé- nisés en équipes pluridisciplinaires,
autorisée à reproduire cette rence de la prise en charge des per- dans les services de santé au travail
synthèse. Ces recommandations sonnes en risque de désinsertion ou selon d’autres modalités dans
ainsi que l’argumentaire professionnelle. des services autonomes.
scientifique sont consultables Les recommandations se déclinent Q Autres professionnels du champ
dans leur intégralité en recommandations générales du maintien en emploi et plus lar-
sur www.has-sante.fr et s’appliquant quelle que soit la gement du médico-social.
www.chu-rouen.fr/sfmt.

MESSAGES CLÉS
Le maintien en emploi ne se limite pas aux salariés en Un plan de retour au travail ou de maintien en emploi doit
arrêt de travail : il s’envisage tout au long du parcours être élaboré avec le travailleur et les autres acteurs concernés
professionnel. (employeur, professionnels de santé…) ; le travailleur doit être
informé, orienté et accompagné tout au long du processus.
Il est recommandé de repérer, en amont de tout arrêt de
travail, toute altération de l’état de santé du travailleur ayant Le maintien en emploi comprend des mesures individuelles
un retentissement sur ses capacités fonctionnelles et de ainsi que des mesures concernant l’environnement de travail.
travail.
Il est recommandé de tenir compte des freins et leviers pour
La coordination des acteurs intervenant dans le maintien en chaque situation.
emploi et la prévention de la désinsertion professionnelle est
Une stratégie progressive doit être adoptée, visant d’abord
indispensable.
le maintien au poste antérieur avec des aménagements
La visite de pré-reprise est l’une des clés du maintien en temporaires ou durables. À défaut, un reclassement vers un
emploi. autre poste de l’entreprise ou une reconversion dans une autre
entreprise doit être recherché.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 119


PRATIQUES ET MÉTIERS
Santé et maintien en emploi : prévention de la
désinsertion professionnelle des travailleurs.
Synthèse de la recommandation de bonne pratique

l’accompagner dans son parcours FACTEURS SUSCEPTIBLES


RECOMMANDATIONS professionnel et de favoriser son D’INFLUENCER LE
GÉNÉRALES employabilité ultérieure. PRONOSTIC PROFESSIONNEL
Il est recommandé que les acteurs
MISSION DE MAINTIEN EN RESPECT DU CADRE du maintien en emploi recherchent
EMPLOI (MEE) DES SERVICES DÉONTOLOGIQUE ET les facteurs susceptibles d’influen-
DE SANTÉ AU TRAVAIL (SST) ÉTHIQUE cer négativement comme positi-
La mission de MEE appartient plei- Les actions de maintien en emploi vement le pronostic professionnel.
nement aux missions des SST. doivent être mises en œuvre dans Ces facteurs concernent le travail-
Le médecin du travail est identifié le respect des règles déontolo- leur ou son environnement de tra-
par la législation comme un ac- giques et éthiques des profession- vail.
teur pivot du MEE et des mesures nels concernés et se faire dans le La revue de la littérature a permis
mobilisables dont il doit assurer respect de la personne. d’identifier différents facteurs,
le pilotage avec son équipe. Le cas Au sens de l’article L. 1110-12 du communs ou spécifiques à cer-
échéant, ce pilotage peut être par- Code de la Santé publique, l’équipe taines pathologies, comme signifi-
tagé et/ou assuré par un acteur de de santé au travail ainsi que l’en- cativement susceptibles d’influen-
MEE externe au SST. semble des acteurs du MEE ne for- cer le pronostic professionnel.
Si la structure qui pilote le plan de ment pas une équipe de soin. De ce D’autres facteurs proviennent de
retour au travail/maintien en em- fait, tout partage d’informations l’avis des experts (cf. Texte des re-
ploi d’un travailleur est extérieure strictement nécessaires à la prise commandations).
au SST, elle doit être informée des en charge d’une personne requiert
contraintes de l’environnement et son consentement préalable, re-
du poste de travail, ainsi que des cueilli par tout moyen, y compris
limitations fonctionnelles et des de façon dématérialisée. PRISE EN CHARGE
capacités résiduelles du travailleur DES TRAVAILLEURS À
par l’intermédiaire de celui-ci ou Pour tous les travailleurs, il est L’OCCASION D’UNE VISITE
avec son accord exprès. Cette struc- recommandé de faciliter et de pro- DE PRÉ-REPRISE, D’UNE
ture extérieure doit alors travail- mouvoir : REPRISE DU TRAVAIL
ler en concertation avec le méde- O une information loyale, claire et OU D’UN SUIVI APRÈS
cin du travail et son équipe tout au appropriée du travailleur visant à LA REPRISE
long du plan d’action. favoriser son implication et son au-
Les principes suivants gouvernent tonomie dans la démarche de MEE ; Pour tous les travailleurs, il est
la stratégie de MEE : O la compréhension partagée des recommandé :
O le MEE ne se limite pas aux sala- enjeux du MEE entre le travailleur, O de promouvoir par tout moyen
riés en arrêt de travail mais néces- son médecin traitant, son médecin la visite de pré-reprise ;
site d’anticiper les difficultés et du travail, l’employeur et les autres O d’inciter les entreprises à com-
mesures mobilisables en amont de acteurs impliqués dans le proces- muniquer avec le médecin du
tout arrêt ; sus de MEE le cas échéant, dans le travail/le SST, concernant les ab-
O conformément à la nécessité respect de la déontologie ; sences répétées ou prolongées ;
d’adapter le travail à l’homme, il Ola clarté et la cohérence des mes- O d’évaluer les conséquences so-
est recommandé d’adapter les exi- sages délivrés par ces différents ciales et familiales de l’arrêt de
gences du poste de travail aux ca- acteurs ; travail, avec l’appui si nécessaire
pacités résiduelles du salarié et aux O la traçabilité des échanges entre de l’assistant(e) de service social.
limitations fonctionnelles entraî- ces acteurs, notamment sous la Il est recommandé d’élaborer un
nées par sa pathologie ; forme de courriers ou de fiches de plan de retour au travail en trois
O lorsqu’un licenciement pour liaison ; phases, en concertation avec le tra-
inaptitude médicale est envisagé, O la cohérence des mesures de vailleur, l’employeur ainsi que le
il appartient au SST d’informer et maintien en emploi mises en médecin traitant et, le cas échéant,
de conseiller le travailleur sur les œuvre par ces différents acteurs. les médecins du parcours de soins.
relais et les acteurs susceptibles de

120 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


LES PHASES DU PLAN DE RETOUR
AU TRAVAIL

Q Une première phase d’analyse Figure 1 : Paramètres de la situation à prendre en compte par le médecin du travail
et de compréhension partagées
du risque de désinsertion profes-
sionnelle (figure 1).
Q Une deuxième phase d’élabo-
ration d’une liste des freins à la
reprise du travail et des leviers
pouvant être mobilisés. Les me-
sures identifiées (tableau I, pages
suivantes) peuvent :
- être individuelles ;
- cibler le milieu de travail et les
conditions de travail ;
- cibler la coordination des inter-
venants.
Q Une troisième phase de mise
en œuvre planifiée des mesures
identifiées et de suivi avec une
évaluation régulière de l’état de
santé du travailleur et de sa situa-
tion de travail.

PRISE EN CHARGE
DES TRAVAILLEURS
DANS LE CADRE DES
AUTRES VISITES

Il est recommandé d’élaborer un


« plan de maintien en emploi »
en trois phases selon les mêmes
modalités que pour les travailleurs
vus à l’occasion d’une visite de pré-
reprise, de reprise ou de suivi.

TABLEAU I

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 121


PRATIQUES ET MÉTIERS
Santé et maintien en emploi : prévention de la
désinsertion professionnelle des travailleurs.
Synthèse de la recommandation de bonne pratique

,Tableau I

> MESURES MOBILISABLES DANS LE CADRE DU PLAN DE MAINTIEN EN EMPLOI OU DE RETOUR AU TRAVAIL
Mesure Objectif Modalités de mise en œuvre

Bilan de Aider à la construction d'un projet d'évolution Mobilisable au titre du plan de formation de l'entreprise ou du compte
compétences
DROIT COMMUN

ou de reconversion professionnelle et/ou personnel de formation (CPF).


confirmer un projet de formation. Hors ou pendant le temps de travail.
Formation Accompagner un projet d'évolution ou de Mobilisable au titre du plan de formation de l'entreprise ou du compte
reconversion professionnelle. personnel de formation (CPF).
Hors ou pendant le temps de travail.
Télétravail Aménager les situations de travail et contri- Mise en œuvre dans le cadre d'une charte ou d'un accord collectif d'en-
buer à la qualité de vie au travail. treprise ou, à défaut, d'un accord formalisé entre salarié et employeur.

Indemnité Maintenir le versement de l'indemnité jour- Lien entre l'inaptitude et l'accident du travail ou la maladie profession-
temporaire nalière accident du travail/maladie profes- nelle reconnu à titre initial ou de rechute.
d'inaptitude (ITI) sionnelle (AT/MP), au salarié déclaré inapte, Remise du CERFA par le médecin du travail au salarié pour transmis-
pendant la période d'étude du reclassement. sion à la caisse d’assurance maladie.
Versement de l'ITI par la caisse d’assurance maladie au maximum un
mois entre le premier jour qui suit la date de l'avis d'inaptitude et le
jour du reclassement ou du licenciement pour inaptitude.
Temps partiel Aménager temporairement le temps de tra- Prescription du médecin traitant ou d'un autre spécialiste.
thérapeutique vail, y compris lorsqu'il n'y a pas eu d'arrêt de Négociation des modalités avec l'employeur et le médecin du travail.
(TPT) travail pour maladie.
Reprise de travail Aménager temporairement le temps de tra- Prescription du médecin traitant ou d'un autre spécialiste.
léger vail et/ou la charge de travail, par une reprise Accord du médecin-conseil et de la caisse d’assurance maladie.
progressive de l'activité après un arrêt de tra- Négociation des modalités avec l'employeur et le médecin du travail.
vail d’origine professionnelle (accident du tra-
vail ou maladie professionnelle – AT ou MP).
Invalidité Aménager durablement le temps de tra- Prescription par le médecin traitant ou proposition du médecin-conseil.
ASSURANCE MALADIE

vail par une diminution du volume horaire. Après évaluation par le médecin-conseil de sécurité sociale et vérifica-
Compenser la perte de salaire engendrée par tion des droits administratifs par la caisse d’assurance maladie.
l'impossibilité de travailler ou la réduction du Classement en 3 catégories, selon évaluation du médecin-conseil, qui
temps de travail pour raison de santé. correspondent à un pourcentage d'indemnisation différent.
Actions de Élaborer et/ou mettre en œuvre un projet de Actions de formation professionnelle continue et actions d'accompa-
remobilisation maintien en emploi pendant l'arrêt de travail. gnement, d'information et de conseil.
précoces Sur autorisation de l'Assurance maladie via l'accord du médecin trai-
tant (CERFA) et avis du médecin du travail et de la cellule de prévention
de la désinsertion professionnelle.
Maintien des indemnités journalières servies et couverture du risque
AT/MP par la caisse d’assurance maladie.
Essai encadré Valider un projet de maintien en emploi pen- Période en entreprise de 3 jours maximum en continu ou discontinu
dant un arrêt de travail qui permet de : tester Sur autorisation de l'Assurance maladie via l'accord du médecin trai-
les capacités à reprendre le poste de travail ; tant (CERFA) et l'avis de la cellule de prévention de la désinsertion
tester un aménagement de poste ; tester un professionnelle.
nouveau poste de travail ; valider des pistes de Accord de l'entreprise d'accueil et du médecin du travail de cette der-
reconversion professionnelle. nière.
Maintien des indemnités journalières et couverture du risque AT/MP
par la caisse d’assurance maladie.
Contrat de Accompagner un projet de maintien en em- Contrat conclu entre la caisse d’assurance maladie, l'employeur et
rééducation ploi nécessitant de la formation « pratique » le salarié, pour une durée déterminée, renouvelable une fois dans la
professionnelle tutorée pour se réaccoutumer à l'exercice de limite de 18 mois.
en entreprise l'ancien métier ou se former à un nouveau Prise en charge à hauteur de 50 % de la rémunération brute par la
(CRPE) métier. caisse d’assurance maladie dans la limite du montant des indemnités
journalières servies.
Information de la DIRECCTE * de la signature du contrat.
Reconnaissance Faire reconnaître son aptitude au travail en Sur orientation de la Commission des droits et de l’autonomie des
de la qualité tenant compte des capacités et incapacités personnes handicapées (CDAPH) après évaluation médicale et admi-
de travailleur liées à la situation de handicap. nistrative.
handicapé (RQTH)
MDPH **

Permettre de mobiliser les aides, mesures et À l’avenir, la RQTH sera attribuée de façon définitive lorsque le handi-
services d'accompagnement visant à favoriser cap de la personne est irréversible.
le maintien en emploi.
Centres de pré- Définir et construire un projet professionnel Stage rémunéré, à temps plein, de 8 à 12 semaines. Sur orientation de la
orientation (CPO) en tenant compte des souhaits, aptitudes, Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées
potentiels et capacités de la personne. (CDAPH) après évaluation médicale, professionnelle et administrative.

122 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Mesure Objectif Modalités de mise en œuvre
Centres / établissements de Entraîner ou ré-entraîner la personne au Formations rémunérées et accompagnements. Sur orientation
rééducation professionnelle travail, en vue d'une insertion profession- de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes
(CRP) nelle. handicapées (CDAPH) après évaluation médicale, professionnelle
Suivre une formation qualifiante précédée et administrative.
d'une « Préparatoire » si nécessaire.
Unité d'évaluation, de Définir et construire un projet profession- Stage rémunéré, à temps plein, de 18 semaines. Sur orientation
réentraînement et d'orien- nel, en milieu ordinaire ou protégé, en de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes
tation socioprofessionnelle tenant compte des souhaits, aptitudes, handicapées (CDAPH) après évaluation médicale, professionnelle
(UEROS) potentiels et capacités de la personne. et administrative.
MDPH ** (suite)

Dispositif d'emploi accom- Permettre d’obtenir et de garder un emploi Sur orientation de la Commission des droits et de l’autonomie
pagné (DEA) rémunéré sur le marché du travail en béné- des personnes handicapées (CDAPH) après évaluation médicale,
ficiant d'un accompagnement médico- professionnelle et administrative.
social et d'un accompagnement à visée La mise en œuvre comprend un soutien et un accompagnement
d'insertion professionnelle. du travailleur ainsi qu’un appui et un accompagnement de
l’employeur.
Prestation de compensation Aider à la prise en charge de certaines Aide financière personnalisée, modulable en fonction des besoins,
du handicap (PCH) dépenses liées au handicap (par exemple, versée par le département.
achat de prothèses auditives, aménage- La demande de PCH fait l'objet d'une évaluation par une équipe
ment du logement ou du véhicule, recours pluridisciplinaire qui élabore ensuite un plan personnalisé de com-
à une tierce personne…). pensation. Ce plan comprend des propositions de toute nature
(prestations, orientation, conseils). Le plan personnalisé de com-
pensation est ensuite transmis, avec les observations éventuelles
du demandeur, à la Commission des droits et de l'autonomie des
personnes handicapées (CDAPH) pour décision.
Prestations
Étude préalable à l'aména- Analyser la situation de travail et identifier Sur prescription du Cap emploi ou par demande directe de l'em-
gement des situations de les solutions permettant l'adaptation du ployeur à la délégation régionale de l'AGEFIPH ou du FIPHFP.
travail poste de travail en fonction du handicap.

Prestations d'appuis spé- Apporter un appui expert permettant Sur prescription du Cap emploi.
cifiques (handicap visuel, d'identifier précisément les conséquences
auditif, moteur, mental, psy- du handicap au regard du projet profes-
chique et troubles cognitifs) sionnel et les moyens à mettre en œuvre.
Prestation spécifique Aider la personne handicapée à se projeter Sur prescription du Cap emploi ou autre acteur selon les régions
d'orientation profession- dans un nouveau projet professionnel. (CARSAT – Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail,
nelle services de santé au travail, COMETE France...).
Aides financières
Aide à l'accueil, à l'intégra- Participer au coût pour l'accompagnement Aide prescrite par Cap emploi ou demande auprès de la déléga-
tion et à l'évolution profes-
AGEFIPH & FIPHFP ***

de la personne handicapée sur un nouveau tion régionale AGEFIPH ou du FIPHFP.


sionnelle poste.
Aide à l'adaptation des Participer au coût de l'adaptation du poste Demande auprès de la délégation régionale AGEFIPH ou du
situations de travail de travail. FIPHFP.
Aide aux déplacements en Participer au surcoût en lien avec le handi- Demande auprès de la délégation régionale AGEFIPH ou du
compensation du handicap cap pour les déplacements. FIPHFP.
Aide à la formation dans le Contribuer au financement d'une forma- Demande prescrite par Cap emploi ou COMETE France.
cadre d'un maintien tion pour favoriser le maintien en emploi.

Aide technique en compen- Participer aux coûts des moyens tech- Demande auprès de la délégation régionale AGEFIPH ou du
sation du handicap niques compensant le handicap. FIPHFP.
Aide prothèses auditives Contribuer au financement d'une prothèse Demande auprès de la délégation régionale AGEFIPH ou du
auditive. FIPHFP.
Aide à la recherche de solu- Participer aux frais occasionnés pour une Aide prescrite par Cap emploi.
tion pour le maintien en recherche de solution de maintien en
emploi emploi.
Reconnaissance de la lour- Compenser financièrement les charges Décision administrative, sur dossier. Demande de reconnaissance
deur du handicap (RLH) importantes supportées par une entreprise de la lourdeur du handicap à déposer auprès de l'AGEFIPH.
du fait des conséquences du handicap
d'une personne sur la tenue de son poste
après que l'aménagement optimal du
poste a été mis en place.
* DIRECCTE : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
** MDPH : Maisons départementales des personnes handicapées
***AGEFIPH : Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées ; FIPHFP : Fonds pour l'insertion des personnes
handicapées dans la Fonction publique

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 123


Colloque

Bruit et
vibrations
au travaill
9 • 10 • 11 avril

2019
Nancy - France •
Design Graphique : Éva Minem / INRS

Informations et inscription :
www.inrs-bvt2019.fr
Colloque organisé par l’Institut national de recherche et de sécurité
TD 261
SUIVI POUR VOUS

Application du Plan santé


au travail 2016-2020 (PST3)
au ministère des Armées
32e congrès de la SHMTAIA *
Metz, 4-5 octobre 2018
AUTEURS :
A. Pegorie 1, G. Anoma 1, S. Danet 2, N. Corolleur 3, C. Tessaud 4, D. Breil 5, N. Milou 6, A.C. Michel 7
1 : médecin de prévention, 35e Antenne de médecine de prévention, Brest
2 : ergonome, 35e Antenne de médecine de prévention, Brest
3 : infirmière en santé au travail, 35e Antenne de médecine de prévention, Brest
4 : collaborateur médecin, 26e et 27e Antennes de médecine de prévention, Bordeaux
en 5 : interne en médecine du travail, Hopital d’Instruction des Armées Percy, Clamart
résumé 6 : collaborateur médecin, 36e Antenne de médecine de prévention, Lyon
7 : collaborateur médecin, 3e Antenne de médecine de prévention, Paris

Le 32e congrès de la Société MOTS CLÉS Dans le but d’optimiser la qualité


CMR / Risque
d’hygiène et de médecine
chimique / Risque
CMR : ÉLABORATION D’UNE du suivi médical réalisé par les mé-
du travail dans les armées psychosocial / BASE DE DONNÉES POUR decins de prévention du MINARM,
et industries d’armement RPS / Surveillance LE SUIVI MÉDICAL DES une antenne de médecine de pré-
(SHMTAIA) était consacré à biologique / PERSONNELS EXPOSÉS vention (AMP) a mis au point une
l'application du Plan santé Biométrologie / G. Anoma, médecin de prévention, base de données, baptisée CIRCÉ
Maintien dans
au travail 2016-2020 (PST3) au Brest (Centrale d’information sur les
l'emploi /
ministère des Armées. Dans Addiction / substances reprotoxiques, muta-
ce cadre, de nouveaux outils, Toxicomanie / La prévention des risques liés aux gènes et cancérogènes employées
des études et des démarches Alcoolisme / substances cancérogènes, muta- au MINARM). Celle-ci rassemble
ont été présentés afin Risque routier / gènes et toxiques pour la repro- la totalité des substances CMR
Désinsertion /
d'améliorer la prévention des duction (CMR) est une préoccupa- identifiées par cette AMP depuis
Suicide /
risques liés aux substances Amiante / Produit tion qui concerne aussi bien les 2008, au travers de ses activités
cancérogènes, mutagènes et cancérogène personnels civils que les person- de médecine de prévention. Bien
toxiques pour la reproduction mutagène et nels militaires du ministère des que non exhaustive, cette base de
(CMR), du risque chimique, reprotoxique Armées (MINARM). En outre, elle données se veut représentative
des risques psychosociaux constitue une des quatre orien- des expositions rencontrées au
(RPS), des addictions…, tations fixées par le ministre des MINARM. En effet, elle regroupe
entre autres, mais aussi Armées en matière de santé et des données recueillies sur un sec-
visant l'amélioration de sécurité au travail pour la période teur géographique comportant à
la qualité de vie au travail 2015-2018. Cette composante s’in- la fois des activités industrielles
(QVT), du suivi médical tègre également dans l’objectif importantes, mais aussi variées,
ou post-professionnel des opérationnel numéro 3 du plan concernant aussi bien la Marine
* Société d’hygiène
personnels des Armées. et de médecine
santé au travail 2016-2020. L'ex- nationale, que l'Armée de terre,
du travail dans position à des substances CMR l’Armée de l’air ou encore la Gen-
les armées est donc un aspect primordial à darmerie nationale.
et industries prendre en considération dans le Outre lister les substances et procé-
d’armement suivi médical des personnels du dés CMR identifiés par ses concep-
MINARM. teurs, l’objectif de cet outil est sur-

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 125


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Application du Plan santé au travail
2016-2020 (PST3) au ministère des
Armées. 32e congrès de la SHMTAIA

tout de fournir à son utilisateur des l’Agence de protection environne- d’un fichier Excel téléchargeable
informations pertinentes facilitant mentale américaine (US-EPA). gratuitement sur le site intranet du
sa prise de décision médicale face Dans le but d’objectiver des expo- service de médecine de prévention
à un CMR, mais aussi l’accompa- sitions ou d’évaluer l’efficacité de du MINARM. Ce fichier pourra ainsi
gnement des travailleurs et les mesures de prévention mises en être utilisé en temps réel lors des
conseils dispensés à l’employeur. place, des informations sur la bio- visites médicales et consultable
À cette fin, la classification CMR métrologie sont également propo- par tous les médecins du MINARM,
réglementaire en vigueur est ainsi sées. Les indicateurs biologiques quel que soit leur lieu d’affectation,
systématiquement rappelée pour d’exposition (IBE) jugés les plus en France métropolitaine comme
chaque substance. Les noms des pertinents au vu des informations outre-mer. Il sera régulièrement
produits dans lesquels les subs- disponibles sur la base de don- mis à jour selon l’évolution des
tances listées ont été identifiées nées BIOTOX de l’INRS, sont ainsi connaissances scientifiques, de
sont également disponibles. Cette spécifiés lorsqu’ils existent. Les la réglementation, des nouvelles
information est cependant donnée moments de prélèvement recom- substances identifiées à la fois par
à titre purement indicatif. En effet, mandés, les périodes d’exposition les concepteurs et par les utilisa-
il est rappelé qu’elle ne doit pas se sur lesquelles renseignent ces IBE teurs eux-mêmes.
substituer à l’analyse des fiches et leurs valeurs biologiques d’inter-
de données de sécurité (FDS), car prétation (VBI) sont également pré-
la composition de ces produits est cisés. À noter que les concepteurs
susceptible d’avoir changé depuis ont fait le choix de ne pas men- OUTILS DE MESUR AGE
l’analyse initiale des FDS qui a per- tionner d’IBE, même s’il en existe, DES RISQUES CHIMIQUES -
mis d’identifier ces CMR. dès lors qu’aucune VBI (milieu SPÉCIFICITÉ DE LA
Lorsque des recommandations re- de travail et population générale) BIOMÉTROLOGIE
latives au suivi post-professionnel n’existe pour ces derniers, du fait A. Nicolas, Toxilabo Nantes
existent, elles sont spécifiées dans de l’impossibilité de les interpréter
la base de données, qu’elles soient dans ce cas de figure. L’évaluation des risques chimiques
d’origine réglementaire ou conseil- Afin de pouvoir conseiller l’em- est permise à la fois par la connais-
lées par les recommandations de ployeur dans son évaluation des sance des métiers, des procédés,
bonne pratique. risques, les valeurs limites d’expo- des tâches et des comportements
Les effets sanitaires en lien avec sition professionnelle (VLEP) de la et par le recensement des produits
les propriétés CMR des substances substance sont rappelées lorsqu’il utilisés, leur quantité, fréquence,
listées sont également précisés. en existe. Les liens vers la base de condition d’utilisation ainsi que la
Ils sont détaillés chez l’Homme, données des tableaux des mala- présence d’équipement de protec-
mais également chez l’animal dies professionnelles de l’INRS per- tion collective et individuelle.
lorsque les données humaines mettent d’aider le médecin dans La mesure de l’exposition peut
sont inexistantes ou limitées. Cette le cas où le travailleur souhaiterait être atmosphérique, surfaciques
information doit permettre au effectuer une déclaration de mala- ou dans les liquides biologiques.
médecin d’orienter son examen die professionnelle. Elle nécessite des ressources
clinique et la prescription d’éven- Enfin, en vue de faciliter la rédac- humaines et matérielles avec le
tuels examens complémentaires tion des documents de traçabilité recours à une formation et la pra-
en l’absence de recommandations incombant au médecin de préven- tique régulière pour prélever, ana-
officielles. Ces effets ont été sys- tion, des modèles pré-remplis lyser et interpréter.
tématiquement recherchés dans d’attestation d’exposition (volet Les détecteurs de gaz ou vapeurs
les bases de données de différents médical) sont également mis à permettent des prélèvements
organismes experts, parmi lesquels disposition. Ces modèles sont décli- dynamiques ou par badge afin
l’Institut national de recherche et nés pour chacune des substances, de déterminer les concentrations
de sécurité (INRS), le Centre inter- distinctement pour les personnels atmosphériques et ensuite de les
national de recherche sur le can- civils et pour les personnels mili- interpréter en fonction de la valeur
cer (CIRC), l’Agence du registre des taires. guide de la qualité de l’air intérieur
substances et maladies toxiques En pratique, la base de données (VGAI), référence pour la pollution
des États-Unis (ATSDR), ou encore CIRCÉ se présente sous la forme de l’air intérieur et/ou de la VLEP.

126 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Les prélèvements surfaciques vont Figure 1 : Logigramme permettant le choix de la méthode d’évaluation
permettre d’établir une cartogra- des expositions professionnelles à privilégier.
phie des sources potentielles de
contamination.
La surveillance biologique des ex-
positions professionnelles (SBEP)
repose sur la recommandation de
bonne pratique de 2016 de la Socié-
té française de médecine du travail
(SFMT). Elle comprend 11 questions
et 36 recommandations.
Le logigramme (figure 1) permet
de déterminer si la SBEP est perti-
nente dans le cas d’une exposition
à un agent chimique d’un travail-
leur.
Le prescripteur, car c’est un acte
médical, est le médecin du travail.
Par contre la mise en œuvre est
pluridisciplinaire. Le choix du labo-
ratoire pour l’analyse est effectué
en amont, ce qui permet d’avoir des
conseils sur l’organisation du prélè-
vement (Qui ? Quoi ? Quand ? Com-
ment ? Quels salariés ? Quoi doser ?
Quand et comment prélever ?) et
pour l’interprétation des résultats
notamment quand il existe des
coactivités et des expositions pas- biologiques d’exposition profes- ments à dose supérieure à la dose
sives à certaines substances. sionnelle. reconnue comme thérapeutique.
Une substance peut avoir plusieurs En France, les suicides repré-
IBE. Il faut analyser la toxicociné- sentent 28 décès par jour avec un
tique de l’IBE et la durée d’exposi- sexe ratio de 3 hommes pour une
tion du salarié afin de déterminer ÉVALUATION DU RISQUE femme. Il s’agit de la première
le moment le plus favorable au SUICIDAIRE cause de mortalité chez les 25-34
prélèvement biologique. Ainsi une F. Mérat, médecin du travail, RATP, ans et la deuxième cause de décès
demie vie de 4 heures va entraî- Paris chez les moins de 25 ans et les 35-
ner un prélèvement dès la fin du 44 ans. Les tentatives de suicides
demi poste, une demie vie de 12 à La méthode proposée à l’issue de représentent 700 actes par jour
24 heures va entraîner un prélè- la conférence de consensus de la avec un sexe ratio de 2 femmes
vement en fin de poste (+/- fin de Haute Autorité de santé (HAS) de pour 1 homme, prédominant chez
semaine), les substances ayant une 2000 concernant la crise suicidaire les 15-35 ans. Le taux de récidive est
demie vie en semaines ou années est intéressante car le risque suici- de 40 à 50 % dans l’année, l’antécé-
ne nécessitent pas d’horaires pré- daire demeure d’actualité dans les dent de tentative de suicide étant
cis. Une fiche de renseignements entreprises. le facteur de risque principal d’une
professionnels et médicaux per- L’Organisation mondiale de la san- nouvelle tentative de suicide ou de
met l’interprétation des résultats té (OMS) définit le suicide comme suicide.
individuels. Cette dernière doit être tout acte délibéré visant à accom- Un antécédent de suicide dans la
faite au regard des valeurs biolo- plir un geste de violence sur sa famille multiplie le risque de sui-
giques de référence de la popula- propre personne ou à ingérer une cide par 4, enfin 8 suicidants sur 10
tion générale et les valeurs limites substance toxique ou des médica- ont verbalisé leur intention avant

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 127


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Application du Plan santé au travail
2016-2020 (PST3) au ministère des
Armées. 32e congrès de la SHMTAIA

le passage à l’acte, d’où le rôle im- au travail, puisque l’évènement


portant de la prévention. GESTION DES URGENCES s’est produit pendant le temps de
Les recommandations de la HAS in- ET PRÉVENTION DE travail, ne pourrait-il pas être mis
diquent d’instaurer une relation de LA DÉSINSERTION à profit pour organiser le maintien
confiance et de collaboration entre PROFESSIONNELLE ? dans l’emploi avec une anticipation
le thérapeute et le patient, d’adop- A. D’Escatha, Unité de pathologie de la reprise ?
ter une attitude empathique, au- professionnelle, Garches Une étude publiée dans la revue
thentique, chaleureuse et profes- Ressuscitation en 2018 montre que
sionnelle. Elles insistent sur la lutte La prise en charge des urgences par chez 153 survivants d’arrêts car-
contre les idées fausses. le service de santé au travail peut diaques extrahospitaliers survenus
Les recommandations proposent être pour des motifs divers : dou- chez les travailleurs, 96 ont repris le
ensuite des techniques d’entretien leur thoracique, lombalgie aigue, travail, dont 72 au même poste tan-
dans plusieurs situations. Face à un trouble du comportement associé dis que 12 ont changé d’activité et 6
incident comportemental, il faut ou non à un déficit neurologique ont réduit la leur. Les facteurs asso-
adopter un questionnement direct ou à une alcoolisation. ciés à la reprise du travail identifiés
sur les faits ou pensées précis, les Le médecin du travail ou de pré- par l’étude étaient : l’âge jeune, le
détails comportementaux. La crise vention a un rôle de conseiller de niveau de responsabilité (direc-
suicidaire est définie comme une l’employeur en termes de moyens teurs, responsables ou managers
période où le suicide est une solu- à mettre en œuvre afin d’assurer et professions intermédiaires en
tion pour mettre fin à la souffrance. une prise en charge optimale des comparaison aux employés) et la
Il n’y a pas de volonté de mourir urgences en milieu de travail. Il a la survenue sur le lieu de travail.
mais une volonté profonde que la charge, par ailleurs, en fonction des Dès la prise en charge, un proto-
souffrance cesse. Cette période peut risques spécifiques de l'entreprise, cole selon les risques du poste et
durer de 6 à 8 semaines, le risque d’élaborer des protocoles de prise des freins à la reprise pourrait être
de récidive de tentative de suicide en charge de différents niveaux : mis en place par l’équipe. Cela ren-
est à ce moment-là très élevé. Lors secouriste en santé au travail, infir- drait possible une anticipation à
de cette période de crise suicidaire, mier en santé au travail et méde- la reprise, avec des réunions de
le patient passe d’une phase de cin. Ainsi, par exemple, la prise en concertation permettant un travail
recherche active de solutions pour charge d'un travailleur présentant en lien avec les thérapeutes notam-
mettre fin à sa souffrance à une un trouble du comportement aigu ment lors de la visite de pré-reprise
cristallisation d’un plan suicidaire comportera l’alerte au PC sécurité, pour activer les structures de main-
et recherche des moyens pour pas- l’élimination d’un trouble orga- tien dans l’emploi, même si cela
ser à l’acte. nique tel une hypoglycémie ou questionne sur le secret médical et
Entre ces deux extrêmes, les idées un accident vasculaire cérébral, le manque de temps.
de suicide, initialement sous forme la prise en charge d'un travailleur
de flash, évoquées parfois par des présentant un épisode de lombal-
messages indirects à l’entourage, gie devra entraîner l'administra-
se concrétisent et deviennent des tion d'un antalgique et une dou- ALCOOL ET RISQUE ROUTIER
idées plus fréquentes, s’accom- leur thoracique bénéficiera d’un P. Hache, INRS, Paris
pagnent d’une baisse de l’estime électrocardiogramme.
de soi avec esquisse d’un plan, pour Le contexte de l’urgence, et la pré- Avec le tabac, l’alcool est la pre-
passer au stade supérieur de rumi- sence de collègues intervenant mière substance psychoactive
nation puis enfin cristallisation. pour secourir le travailleur, inter- consommée tant chez les travail-
L’évaluation du potentiel suici- roge sur la préservation du secret leurs qu’en population générale.
daire se fait sur 3 critères : le RUD, médical. Dans cette dernière, il existe 43 mil-
le Risque suicidaire (facteurs pré- En cas d’hospitalisation, le salarié lions d’usagers dans l’année, dont 5
disposant), l’Urgence du passage à ne sera revu, le plus souvent, qu’au millions d’usagers quotidiens. Chez
l’acte (imminence) et la Dangero- moment de la visite de reprise avec les travailleurs, 21,1 % connaissent
sité (létalité du moyen choisi). Le un courrier de son médecin trai- un épisode d’ivresse dans l’année
professionnel de soin peut s’aider tant pour un éventuel aménage- sans précision sur le lieu de cet
de l’échelle d’évaluation de l’inten- ment de poste. Ce temps d’arrêt de épisode (domicile ou lieu de tra-
tionnalité suicidaire de Beck. travail, connu de l’équipe de santé vail ?). Sur le lieu de travail, 16,4 %

128 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


des travailleurs usagers d’alcool en en périphérie à plus de 0,3 g/l. ivresse sans avis médical. Le retour
consomment au moins une fois Il existe un lien travail-substance du salarié au travail doit se prépa-
dans l’année, hors repas et pots. psychoactive. En effet, à côté d’une rer par, notamment, un entretien
Les facteurs de risque des conduites consommation dans le cadre du avec son manager ainsi qu’une
addictives relèvent de critères indi- travail (pot, repas d’affaires, sémi- visite à la demande de l’employeur
viduels, environnementaux (dont naire…), il existe une consomma- auprès du médecin du travail (Art.
le milieu de travail) et de la subs- tion pour « tenir » au travail : stress, R. 4624-34).
tance consommée. horaires de travail (travail de nuit ou Le salarié dépendant est la senti-
En ce qui concerne le risque routier, horaires trop intenses), relations au nelle qui cache les salariés en mé-
c’est la 1re cause de mortalité au tra- travail (harcèlement, brimades), tra- susage qu’il faut atteindre par les
vail. Selon le bilan 2017 de la sécuri- vail ennuyeux et monotone, postes actions de prévention.
té routière, il y a eu 14 010 accidents de sécurité, chaleur, froid, plus par- La formation et l’information de
domicile-travail dont 346 mortels ticulièrement pour l’alcool en cas de tous les travailleurs doivent être
et 10 284 accidents de trajet profes- travail en plein air, expositions aux réalisées avec en priorité celles de
sionnel dont 134 mortels. Respecti- secousses et vibrations, au port de l’encadrement en insistant sur la
vement, 2 % et 1 % des conducteurs charges lourdes, aux déplacements santé, la sécurité et la règlemen-
avaient une alcoolémie supérieure longs, fatigants ou rapides… tation ainsi que sur le rôle des
à 0,5 g/l. L’étude SAM (Stupéfiants Les mesures prises par l’employeur services de santé au travail. Enfin,
et Accidents Mortels) a mis en évi- pour « protéger la santé et la sécu- l’évaluation régulière de ces actions
dence que la prise d’alcool multiplie rité des travailleurs et prévenir de prévention est indispensable
par 8,5 le risque d’accident routier tout risque d'accident », peuvent pour apporter les améliorations
mortel. Ces résultats soulignent notamment prendre la forme nécessaires.
l’importance de la prévention, no- d'une limitation voire d'une inter- L’employeur peut mettre en place
tamment au sein de l’entreprise. diction de cette consommation, et un contrôle d’alcoolémie avec uti-
Pour rappel, en termes de pharma- doivent être proportionnées au but lisation d’éthylotests pour certains
cocinétique, 1 verre standard fait recherché. La prise en compte du postes de travail et doit l'inscrire
augmenter l’alcoolémie à environ risque «Pratiques addictives» dans dans le règlement intérieur de
0,2 g/l avec une élimination en 1h le Document unique d’évaluation l’entreprise. Le résultat doit pou-
à 1h30. Ce temps d’élimination est des risques (DUER) doit être encou- voir être contesté par le salarié. Les
identique que l’on ait mangé ou ragée. éthylotests anti-démarrage sont
pas. La différence se situe au niveau La prévention passe par l’amé- mis en place systématiquement
du pic d’élimination : expérimen- lioration des situations de travail dans les autocars des entreprises
talement, pour un homme ayant favorisant les consommations de de transport. Pour un salarié qui a
consommé 0,80 g d’alcool/kg de boissons alcoolisées et d’autres été contrôlé avec une alcoolémie
poids corporel, l’éthanolémie maxi- substances psychoactives et des supérieure à 0,8 g/l et inférieure à
male est à un peu moins de 0,75 g/l actions de prévention du risque 1,8 g/l, un éthylotest anti-démar-
s’il a mangé contre 1 g/l s’il n’a pas routier. Par ailleurs, si la consom- rage peut être installé sur décision
mangé. La conséquence de ce pic mation d’alcool est autorisée, il est du préfet ou du juge.
d’éthanolémie moins important possible de l’encadrer en autorisant Enfin, le suivi individuel de l’état de
en post-prandial est une moindre uniquement les alcools du type santé des travailleurs comporte au
prise de risque. cidre, vin, bière ou poiré, en limi- cours des visites, le repérage pré-
Les effets de l’alcoolisation sur la tant la quantité disponible, en met- coce de la consommation d’alcool
conduite sont une diminution de tant également systématiquement avec l’utilisation de questionnaires
la concentration et des capacités à disposition des boissons non AUDIT ou FACE et la recherche des
cognitives, une latence importante alcoolisés ainsi que des aliments et causes professionnelles favorisant
dans les manœuvres destinées en fixant les horaires de consom- la consommation. Si un mésusage
à éviter un accident, une prise mation adaptés. est constaté, une intervention
de risque élevée. À noter qu’un En urgence, face à un trouble du brève ou une orientation du travail-
conducteur ayant une expérience comportement, un avis médical est leur vers une structure spécialisée
de conduite de moins de 3 ans a indispensable : un salarié ne doit est préconisée. Suivant la situation,
une atteinte de sa vigilance dès pas raccompagner chez lui un col- une adaptation du poste de travail
0,2 g/l et ne voit plus ce qui arrive lègue pour lequel il suspecte une sera proposée. Sans se substituer

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 129


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2016-2020 (PST3) au ministère des
Armées. 32e congrès de la SHMTAIA

à la phase de repérage précoce, une démarche propre à l’ergono- n’ont pas de vision nocturne...).
des examens complémentaires mie en pointant le travail comme L’analyse de cette activité permet
peuvent être prescrits comme un principal objet. L’analyse de la alors de proposer un débat avec
* Carboxy dosage sanguin de CDT *, mar- demande en est la première étape, les acteurs sur les raisons de leurs
Deficient queur indirect le plus fiable. suivie de phases d’observation et choix de détournement de la pres-
Transferrin En conclusion, l’alcool et le risque d’échanges avec les agents et tous cription et, par la suite, de trouver
routier demandent une approche les acteurs qui sont partie prenante avec eux des pistes de solution et
multifactorielle. Une attention par- dans la recherche de pistes de solu- d’aménagement pertinentes.
ticulière doit être portée aux pots tion. Si l’objectif reste d’apporter Ces interventions ont des aboutis-
et repas d’affaires. Le sujet est à la des conseils avisés aux deman- sements qui dépassent le « simple »
frontière entre santé publique et deurs (médecin de prévention aménagement de leur espace de
santé au travail. Pour autant, l’ap- et employeurs), la méthodologie travail ou de leur organisation de
proche doit rester identique à celle s’obstine à tenter de mettre en évi- travail. À travers elles, l’agent défi-
de tout autre risque professionnel dence les écarts entre le travail tel cient visuel a cheminé dans son
avec un rôle important du service qu’il est prescrit et le travail réalisé acceptation du handicap et d’une
de santé au travail. réellement… Autrement dit, perce- possible évolution de celui-ci. Il a
voir les régulations, les stratégies été proposé à sa hiérarchie et son
mises en place par les agents pour équipe des aménagements organi-
faire face à ce qu’on leur demande. sationnels lui permettant d’expri-
ACTION EN MILIEU DU Pour l’agent déficient visuel, à mer son talent et son expérience.
TRAVAIL : « DE LA BANALITÉ qui l’on demande de fournir de la La mise en débat de ces écarts
D’UNE INTERVENTION À LA documentation technique et un entre le prescrit et le réel a permis
RICHESSE D’UNE ACTION soutien aux utilisateurs (via une de renforcer les collectifs autour
COLLECTIVE » boîte mail), cela lui demande bien de projets communs. La mise en
S. Danet, ergonome, et N. Corolleur, plus que de traiter des courriels. lumière de certains acteurs (assis-
infirmière de prévention, Brest En effet, il doit fournir des efforts tante sociale, chargé de prévention
de concentration pour compenser des organismes…) leur a redonné
En partant de deux interventions un sens déficient, trouver des com- du pouvoir d’agir. Les chefs d’orga-
récentes en milieu du travail, « ba- bines, des « trucs », faire des choix nismes se sont repositionnés « dé-
nales » de par leur objet, et qui « radicaux » comme, par exemple, cideurs ». Les agents concernés ont
paraissaient éloignées par leurs de ne pas se former, limiter sa pré- été valorisés lors de leurs échanges
questionnements initiaux, les sence aux réunions et aux visites de savoir-faire et de combines.
intervenants ont cherché à analy- de chantier car il ne peut ni lire les Concrètement, à ce jour, l’agent dé-
ser leur pratique en soulignant les supports, ni prendre de notes, ni se ficient visuel s’approprie progres-
points communs, les difficultés sin- déplacer sur les sites. Il va jusqu’à sivement de nouveaux matériels
gulières et les liens élaborés avec prendre des risques, pour lui et d’aide (logiciel d’agrandissement),
les différents acteurs impliqués. les autres, en venant au travail en profite d’un environnement visuel
La première intervention, a priori conduisant seul son propre véhi- modulable et de mesures d’orga-
classique, fait suite à une demande cule. nisation du travail facilitant ses
d’aménagement du poste de tra- Pour l’équipe de surveillance, de déplacements sur site. Un trans-
vail, essentiellement informatique, la même façon, il existe un écart port domicile/travail a été mis en
d’un agent devenu déficient visuel entre leurs « prescriptions » (fer- place via un fonds handicap. Les
suite à un accident vasculaire céré- mer toujours la porte d’accès du lo- travaux dans le local d’accès au
bral et qui n’a plus qu’une acuité cal, assurer une veille constante la site sensible sont tout juste ache-
visuelle de 2 dixièmes. nuit, sans repos, faire présenter le vés. On sait que la modularité des
La seconde intervention concerne badge au visiophone, surveiller les équipements a été retenue et que
le réaménagement complet d’un caméras du parking…) et ce qu’ils la nouvelle organisation spatiale
poste d’accès à un site sensible font réellement (la porte est tou- de ce petit local comprend à la fois
dans lequel 8 agents se relaient jours ouverte avec une cale, il y a un un espace de repos et un autre
pour assurer la surveillance 24h/24. lit pliant, la mauvaise définition du dédié à l’activité principale de dis-
Les interventions, qu’elles soient visiophone ne permet pas de lire tribution des badges. Là aussi, les
individuelles ou collectives, suivent un badge, les caméras du parking agents mettront du temps pour

130 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


s’approprier leur nouvel espace de 2017 a défini trois catégories de le soir ou le week-end. Dans une
travail et les nouveaux outils ins- télétravailleurs : les télétravailleurs approche qualitative, « la préserva-
tallés. Ils devront à nouveau faire réguliers à domicile, les travailleurs tion de l’équilibre entre les différents
l’expérience du réel, réguler, faire en télétravail/travail mobile fondé temps sociaux ne va pas de soi : sous
des compromis. sur les TIC (T/MTIC) occasionnels, la pression d’une sorte de "culpabi-
Au final, la morale de ces deux his- avec une mobilité et une fréquence lité" intériorisée (culpabilité de pou-
toires inachevées montre que rien moyennes à faibles de travail hors voir travailler dans de bonnes condi-
n’est jamais figé. La variabilité des des locaux de l’employeur et les tions, en échappant à certaines
personnes, des process, des orga- travailleurs T/MTIC hautement contraintes superflues comme le
nisations invite à une réflexion mobiles, avec une fréquence élevée temps de transport, le bruit engen-
évolutive des espaces de travail ou de travail en divers lieux, y compris dré par la vie de bureau…), le travail-
d’un aménagement organisation- le domicile. leur à distance est tenté d’en faire
nel. Cette réflexion s’inscrit dans Le télétravail est un outil de main- trop, d’en rajouter, en un mot, de tra-
le temps et reste vivante grâce aux tien dans l’emploi, que ce soit pour vailler sans limite » ; « Pour résister, il
acteurs impliqués quotidienne- les personnes atteintes de mala- faut avoir appris à se fixer des objec-
ment dans ces situations de travail dies chroniques, diminuant les tifs, mais également à s’imposer des
(agents, responsables, acteurs de facteurs de risques psychosociaux bornes » ; « Savoir "quand arrêter le
prévention, intervenants en milieu (RPS) et le recours aux arrêts mala- travail" devient une compétence à
du travail…). La volonté perma- die, ou dans d’autres circonstances part entière ».
nente de démarche participative comme pour les personnes vieillis- Les avantages sont la possibilité de
permet l’implication de ces acteurs santes, pour réduire la diffusion de gagner de l’autonomie mais cela
en leur restituant du pouvoir d’agir, la grippe, pour le retour au travail peut engendrer des risques. Parmi
de réflexion et en laissant le champ après congé maternité, pour éviter les établissements privés où plus de
libre à des pistes de transformation les déplacements en cas de pic de la moitié des salariés est soumise à
souvent inattendues. pollution… des tensions avec la hiérarchie, 33 %
L’enquête conditions de travail de ont des salariés en télétravail.
2013 menée par la Direction de Une des problématiques est l’inter-
l’animation de la recherche et des action vie privée/vie profession-
TÉLÉTRAVAIL ET SANTÉ statistiques (DARES) a étudié le nelle. Par exemple, la qualité de vie
I. Thaon, Centre de consultation profil des entreprises ayant recours peut être améliorée par la dimi-
de pathologies professionnelles au télétravail (plus de 5 % de télé- nution des temps de trajet, mais il
CHRU de Nancy travailleurs). Il s’agit d’entreprises existe un risque pour le salarié de
ayant un marché mondial, ratta- travailler sur le temps qui devrait
Le télétravail est défini dans le Code chées à un groupe, ayant plus de être dédié à la vie personnelle/
du travail (article L. 1222-9) comme 50 % de leurs salariés utilisant des familiale. À l’inverse, la 6e enquête
une forme d’organisation du tra- TIC mais aussi ayant plus de 10 % européenne sur les conditions de
vail dans laquelle une activité qui des salariés exposés à des RPS travail de 2015 montre que, dans
aurait également pu être exécutée selon l’employeur. Pour cette der- l’entreprise, les salariés n’ont fina-
dans les locaux de l’employeur s’ef- nière caractéristique, il faut faire lement pas tant de difficultés pour
fectue hors de ces locaux de façon attention à ne pas faire le raccourci obtenir du temps pour des rendez-
volontaire en utilisant les technolo- suivant : le télétravail expose aux vous personnels comme les ren-
gies de l’information et de la com- RPS. Dans une approche quantita- dez-vous médicaux.
munication (TIC). tive, le télétravail a un impact sur La problématique de l’isolement
Le télétravail correspond à des la durée hebdomadaire de travail doit tenir compte de la distance :
situations très différentes et une avec le risque de voir exploser la O physique avec l’éloignement et
organisation multiforme. Il peut durée du temps de travail du fait des organisations matérielles diffé-
s’effectuer depuis le domicile, un du télétravail par débordement. rentes ; le travail est désynchronisé
télécentre, un bureau satellite, de Cette dernière notion est apparue, par l’absence de coordination in-
manière nomade ou au sein d’un en opposition avec le télétravail formelle, il y a une limitation de la
espace partagé. Le rapport conjoint sur les horaires de travail standard, communication verbale et une ré-
de l’Eurofound et de l’Organisation reconnaissant le travail en dehors duction naturelle des interactions
internationale du travail (OIT) de des heures de travail, à la maison, et des possibilités d’échanges ;

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 131


SUIVI POUR VOUS
Application du Plan santé au travail
2016-2020 (PST3) au ministère des
armées. 32e congrès de la SHMTAIA

O opérationnelle avec des diffi- travailleurs. Bien que depuis cette Actuellement, la surveillance post-
cultés de communication et de étude sur le bien-être, il y a eu des professionnelle repose sur les re-
coordination ; malentendus par changements dans le contenu du commandations de la HAS de 2010.
manque de signaux non verbaux, travail mais aussi une progression Une tomodensitométrie (TDM) est
niveaux d’information hétéro- des aspects technologiques, le télé- proposée aux personnes ayant été
gènes au sein de l’équipe, absence travail affecterait globalement la exposées à l’amiante de manière
de régulation informelle et baisse santé (ressenti). active pendant une durée mini-
de coopération ; Au final, les points positifs du télé- male de 1 an cumulée avec une la-
O émotionnelle et relationnelle travail sont la souplesse accordée tence minimale de 30 ans pour les
avec un fossé affectif lié au déficit dans l’aménagement des horaires, expositions intermédiaires et de
de relation ; ressenti d’isolement, le rythme de travail et le choix des 20 ans pour les expositions fortes.
diminution du sentiment d’ap- priorités, la moindre pression des Si la TDM initiale est normale, il
partenir à une équipe, évolutions sollicitations et imprévus vécus au est recommandé, pour les TDM
différentes de la conception de la quotidien, dès lors que la pression suivantes, une périodicité de 5 ans
mission et des valeurs de l’équipe hiérarchique n’est plus perma- pour les expositions fortes et de 10
et besoin accru de justifier son im- nente, et le meilleur équilibre entre ans pour les autres.
plication. vie professionnelle et vie privée lié Les Armées ne disposent pas d’un
La confiance est la clé de voûte de la notamment à l’économie du temps système spécifique de surveillance
réussite du télétravail. Elle permet de transport. Mais pour chacun des maladies liées à l’amiante.
de gérer trois dérives : la hausse des de ces points positifs, il existe le Aussi une étude de cohorte des-
conflits car la distance provoque revers de la médaille avec pour la criptive prospective longitudinale
nécessairement des incompréhen- souplesse, le risque de travail par multicentrique, sur 4 centres (les
sions, voire des risques de concur- débordement, pour la moindre Hôpitaux d’Instruction des Armées
rence et de jalousie au sein d’un pression, l’absence de hiérarchie – HIA – Clermont Tonnerre à Brest,
collectif de travail ; une coopération pour gérer les problématiques pro- Sainte-Anne à Toulon et Percy à
amoindrie dans les échanges qui se fessionnelles et pour le meilleur Clamart, ainsi que le Centre hospi-
traduit par des rétentions d’infor- équilibre entre vie personnelle et talo-universitaire – CHU – Morvan
mations et un manque de solida- professionnelle, l’intrusion de cette à Brest) est mise en place.
rité et enfin, un stress accru pour dernière dans la vie personnelle. L’objectif principal de cette étude
ceux qui travaillent à distance car Tout salarié n’est pas forcément est de valider une matrice emploi-
ils savent qu’ils ne peuvent comp- préparé à assumer une grande exposition à l’amiante pour la
ter que sur eux-mêmes. autonomie, voire une solitude dans Marine Nationale, élaborée par un
À domicile, un lieu dédié au télétra- le travail et ce type d’organisation travail de thèse en 2013. En effet, à
vail est primordial, permettant de génère en soi de l’anxiété et des ce jour, il n’existe pas d’outil, pour
s’isoler et de se concentrer sur des besoins nouveaux dans le domaine le médecin de prévention, d’aide à
dossiers complexes, de mettre le relationnel. l’évaluation du niveau d’exposition
travail à distance pour les proches à l’amiante au sein des armées.
qui n’ont pas envie d’être confron- Cette matrice a classé les métiers
tés à l’émergence de la sphère pro- les plus à risques d’exposition et
fessionnelle chez eux et de main- ÉTUDE CAM OU COHORTE défini trois catégories de groupes :
tenir une frontière entre la sphère AMIANTE DANS LA MARINE exposition forte (mécanicien in-
professionnelle et celle domes- NATIONALE dustriel en atelier naval, électricien,
tique. A. Pegorie, médecin de prévention, mécanicien d’arme, mécanicien
L’impact psychologique du télé- Brest aéronautique…), intermédiaire
travail est une question déjà an- (matelot de pont, manœuvrier, in-
cienne. Il a été étudié en analysant Depuis 1997, la France a interdit formaticien, transfiliste…) et faible
des facteurs professionnels et de l’usage de l’amiante. Néanmoins ce (autres emplois).
l’organisation du travail mais aussi matériau très résistant et peu coû- Les objectifs secondaires seront
des caractéristiques personnelles teux a été utilisé pendant de nom- d’évaluer la prévalence des ano-
et des contraintes familiales pou- breuses années dans les bâtiments malies liées à l’amiante et celles
vant influer sur le bien-être des de la Marine Nationale. non liées à l’amiante chez des per-

132 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


sonnels exposés bénéficiant d’une la TDM thoracique et de program- perceptions et les représentations
TDM thoracique de dépistage mer la TDM suivante ; de son environnement interne et
et d’évaluer l’impact du niveau Oles troisième et quatrième visites externe, intégrant les conflits d’ac-
d’exposition sur les images pul- auront lieu 5 ans et 10 ans plus tard tion traduisant une discordance
monaires retrouvées. Les critères et permettront de réaliser des TDM entre l’attendu et la réalité, facteur
d’évaluation seront les suivants : thoraciques et d’en recueillir les favorisant reconnu de burnout. Ces
O pourcentage de patients présen- résultats. conflits d’action éthique (incer-
tant au moins une anomalie liée à Avec cette étude prospective, la ma- titude d’une prise de décision et
l’exposition aux fibres d’amiante trice emploi-exposition spécifique fait de devoir vivre avec ses consé-
sur la TDM thoracique, en utilisant à la Marine Nationale pourra être quences) ou de valeur (ce que l’on
la grille de lecture standardisée va- validée, permettant une évaluation sait devoir faire mais sans pouvoir
lidée par la HAS ; simplifiée du niveau d’exposition le faire) amènent des situations de
O pourcentage de patients pré- à l’amiante, facilitant le travail des stress générant une situation de
sentant au moins une anomalie médecins amenés à assurer le suivi malaise qui s'aggrave progressive-
non liée à l’exposition aux fibres médical post-professionnel des ment, pourvoyeur de burnout dans
d’amiante sur la TDM thoracique ; marins d’active ou retraités ayant certaines populations. Mouzé-
O taux d’anomalies en fonction du été exposés à l’amiante. Amady, en 2014, classe ces stres-
niveau d’exposition et de l’emploi seurs en fonction de leur durée
exercé ; et du contrôle que l’on peut avoir
O taux d’anomalies de découverte dessus. De nombreuses situations
fortuite. MÉCANISMES DU STRESS peuvent être des stresseurs mais
Vont être inclus dans cette étude CHRONIQUE aucune classification consensuelle
300 militaires de la Marine Natio- M. Trousselard, Institut de re- ne permet de quantifier ceux vécus
nale en service actif ou retraités de- cherche biomédicale des Armées pour prévoir l’évolutivité indivi-
puis moins de 10 ans, ayant embar- duelle. Les Canadiens proposent le
qué au moins un an et entrant dans Dans la nomenclature chinoise, dépistage d’une situation à risque
les critères de prescription d’une les individus sont répartis selon 3 de stress par l’analyse de caracté-
première TDM thoracique, 20 ou 30 états de santé : l’état de bonne san- ristiques telles que le sentiment de
ans après le début de l’exposition té, heureuse et tonique (20 % des perte de contrôle, l’imprévisibilité,
à l’amiante ou à l’âge de 50 ans, personnes), l’état de malade avec la nouveauté et le sentiment de
ou ayant bénéficié d’une première une pathologie bien définie (10 %) menace de son ego. Ce dernier ren-
TDM thoracique de dépistage dans et un état de santé pour 70 % des voie aux stresseurs internes et aux
les 2 années précédant l’inclusion. personnes marqué par des symp- différents schémas cognitifs sur
L’étude comportera 4 visites et 3 tômes mal classifiables (« second lesquels sont construits la person-
examens TDM : état de santé »), sans nosologie bien nalité, véritable gâchette émotion-
O la première visite permettra de définie, en lien possible avec un nelle modulant l’adaptabilité face
vérifier que la personne répond aux vécu de stress chronique, sans prise aux stresseurs environnementaux.
critères d’inclusion, de l’informer en charge efficace connue à ce jour. Le stress est une fonction d’adapta-
sur le déroulement de l’étude, de Les stresseurs à l’origine du stress tion de l’organisme mal ajustée dès
recueillir son consentement éclairé chronique peuvent être définis lors que le changement de l’envi-
et es biodatas, d’évaluer le niveau comme toute situation activant ronnement n’est pas sous contrôle.
d’exposition selon la matrice em- une réponse de stress (stratégie Il existe plusieurs conceptions du
ploi-exposition testée, de catégori- d’adaptation) indépendamment stress (nosologique, neuroscienti-
ser le risque, de réaliser un examen de sa nature, son intensité et sa fique, psychologique et phénomé-
clinique, de prescrire la TDM thora- durée. Les plus souvent étudiés nologique) et plusieurs niveaux
cique millimétrique sans injection sont ceux extérieurs au sujet, en d’analyse. Face aux événements de
de produit de contraste et de pro- lien avec l’environnement de tra- vie, aux changements d’environne-
grammer le reste des visites ; vail, familial… La psychologie consi- ment, l’individu réagit ; si ses stra-
O la deuxième visite, peu de temps dère les stresseurs internes en lien tégies sont mal adaptées aux stres-
après la première, permettra d’en- avec les affects, les pensées, les seurs, une usure (stress chronique)
registrer les lésions retrouvées sur souvenirs. Ceux-ci rassemblent les est décrite après 10 à 15 ans, abou-

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 133


SUIVI POUR VOUS
Application du Plan santé au travail
2016-2020 (PST3) au ministère des
Armées. 32e congrès de la SHMTAIA

tissant à des pathologies telles que tème régulateur du stress permet- aboutissent à environ 100 décès.
la dépression, l’anxiété, le burnout. tant de moduler les distorsions de Sept pour cent de ces intoxications
Et plus le sujet est « usé », plus il est perception. Ce système intégratif sont d’origine professionnelle et
à risque de déclencher un trouble se conçoit dans l’histoire de vie des peuvent être prises en charge au
de stress aigu et d’évoluer vers un individus. La charge allostasique titre du tableau n° 64 des maladies
syndrome de stress psychotrauma- est la mesure du coût biologique professionnelles du régime géné-
tique face à un événement poten- du stress pour un organisme en ral.
tiellement traumatisant. dehors de sa zone d’homéostasie ; La VLEP 8 heures va prochaine-
Le stress peut être analysé sous dif- elle tient compte de l’hyperréacti- ment passer de 50 ppm à 20 ppm
férents niveaux. vité, de la capacité à réguler cette tandis que celle à court terme sera
Q La psychothérapie considère la activation et des facteurs psycho- abaissée de 200 ppm à 100 ppm.
modalité d’expression du sujet face logiques. Les différences interindi- La toxicité du monoxyde de car-
au stress au travers de 4 champs : viduelles vont influencer ce coût bone est liée à la formation de
comportemental, émotionnel, par la diversité des réponses face à carboxyhémoglobine. D’ailleurs,
cognitif et physiologique. En psy- un stresseur : une habituation ou la relation entre l’imprégnation
chologie, le stress résulte de « la une sensibilisation avec difficultés en carboxyhémoglobine et la sur-
perception d’un déséquilibre entre de récupération. Ce niveau interin- venue d’effets sanitaires (hémato-
les attentes perçues et l’auto-éva- dividuel, déjà influencé in utero, va toxicité, cardiotoxicité, décès…) est
luation de ses propres capacités face se mâturer sous l’effet combiné de linéaire. La valeur de 3 % de car-
aux exigences des contraintes ». facteurs génétiques, développe- boxyhémoglobinémie est à ne pas
Q Les physiologistes intègrent le mentaux et environnementaux. dépasser.
syndrome général d’adaptation À ce jour, en l’absence de biomar- En dehors des intoxications aiguës,
de Selye (1952) divisé en 3 phases : queurs, il demeure difficile de dé- survenant parfois dans des environ-
phase d’alarme (sécrétion d’adré- crire et prédire l’usure de l’individu nements professionnels, l’impact
naline), phase de résistance ou sous la répétition des contraintes, sanitaire des intoxications chro-
d’adaptation (sécrétion de cortisol) obligeant à un regard global de niques à de plus faibles concentra-
et phase de récupération ou d’épui- l’homme intégrant la façon dont tions reste difficilement évaluable
sement (état de stress mal ajusté) il s’est construit, dont il vit le stress et fait toujours l’objet de recherches.
en cas de poursuite de la contrainte. et le contexte dans lequel il va évo- Comme d’autres professionnels,
Les voies décrites par Selye repré- luer. les militaires exercent diverses
sentent le lien entre le cerveau et activités favorisant l’exposition
le corps permettant à l’organisme au monoxyde de carbone, émis
d’agir de manière coordonnée lors des processus de combustion
pour réguler l’adéquation entre le RISQUE MONOXYDE DE incomplète de matière organique :
système sympathique et parasym- CARBONE ET SITUATIONS utilisation ou entretien de moteurs
pathique et contrôler l’axe corti- MILITAIRES, ADAPTATION à combustion, utilisation d’objets
cotrope permettant de durer face DES OUTILS pyrotechniques ou tirs de petites
au stress. Le coordonnateur de ces J.U. Mullot, Laboratoire d’analyse, artilleries, exposition à des fumées
voies de stress est le cerveau, mo- de surveillance et d’expertise de la d’incendie…
dulé par la balance Glutamate (acti- Marine (LASEM), Toulon L’évaluation des risques dans le
vateur et excitateur) – GABA (apai- cadre de certaines activités mili-
sant, anxiolytique), matûrant de la Le monoxyde de carbone (CO) est taires au moyen des outils habi-
vie in utero jusqu’aux premières un gaz incolore et inodore issu tuels est rendue difficile par :
années de vie. Ainsi, l’amygdale de tous les phénomènes de com- O la variabilité et la brièveté d’ex-
détectant un événement stressant bustion incomplète (chauffe-eau positions intenses (par exemple,
va informer plus ou moins violem- mal réglés, véhicules à moteur…), lors des tirs) : des pics allant jusqu’à
ment l’hypothalamus, déclenchant décrit depuis 1846 par Claude 500 voire 600 ppm de monoxyde
la sécrétion d’adrénaline et de cor- Bernard. Selon les données de San- de carbone ont pu être observés
tisol, donnant de l’énergie pour ré- té Publique France, il est respon- dans le cockpit d’un hélicoptère de
pondre au stress. Le cortex frontal sable aujourd’hui de 1 200 intoxica- combat lors d’une séance de tir ;
et l’hippocampe constituent le sys- tions aiguës par an en France, qui O des situations d’isolement ou de

134 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


précarité, sources de difficultés à
approvisionner des matériels dé-
diés aux mesures de concentration
du CO.
Afin de dépasser ces difficultés, le
LASEM de Toulon a validé deux
outils pour évaluer les risques sani-
taires associés à une exposition au
CO :
O l’adaptation et le recodage du
modèle historique de Cobum Fors-
ter Kahn, utilisé pour les exposi-
tions continues, sur un format Ex-
cel, avec un pas de temps abaissé à
la seconde et prenant en compte la
durée d’exposition et le débit venti-
latoire de la personne. Les données
ont pu être validées par extrapola-
tion de données bibliographiques
retrouvées ;
O l’utilisation d’un outil de prélève-
ment d’air « simple » par seringues
de 60 ml, stockées dans un sac de
transport opaque pour limiter les
effets du CO2 et de la lumière sur
l’évolution du taux de CO, permet
l’envoi d’échantillons d’air vers le
laboratoire.
Ces deux outils permettent ainsi
d’évaluer l’importance de l’expo-
sition au monoxyde de carbone
et du taux de carboxyhémoglo-
binémie pour des situations pro-
fessionnelles dans lesquelles les
contraintes de terrain ne per-
mettent pas une évaluation des
risques professionnels de façon
classique… Cela montre aussi la
raison d’être d’un laboratoire de
recherche militaire, avec l’impor-
tance de la connaissance du ter-
rain afin de pouvoir réfléchir sur
les capacités d’adaptation d’outils
standardisés.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 135


Journée de réflexion

Économie circulaire
en 2040
Quels impacts en santé et sécurité au travail ?
Quelle prévention ?

Dans un contexte environnemental de plus en plus préoccupant, ONG,


pouvoirs publics et entreprises cherchent la voie d’une économie plus sobre.
L’économie circulaire est un modèle économique qui a pour ambition de
répondre à cette préoccupation en transformant les modes de production et de
consommation.
L’INRS s’est entouré de partenaires pour explorer les futurs possibles de
l’économie circulaire à l’horizon 2040 et identifier les enjeux de santé et
sécurité au travail. Les résultats de cette réflexion seront présentés lors de
cette journée.

MERCREDI 17 AVRIL 2019


AU CONSEIL ÉCONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
9 place d’Iéna 75016 Paris
Design graphique : Eva Minem / INRS

Inscription : www.inrs-economiecirculaire2040.fr
Contact : economiecirculaire2040@inrs.fr
TD 262
SUIVI POUR VOUS

Toxicologie en santé au travail


Journées de la Société de
médecine et de santé au travail
de l’Ouest en partenariat avec la
Société française de médecine du
travail - La Baule, 11-12 octobre 2018
AUTEURS :
B. Euvrard, interne en médecine du travail, Nantes
D. Tripodi, Consultation de pathologie professionnelle et environnementale, Nantes
en
résumé
de travailleurs. Selon la Direction
Ces journées « Toxicologie en MOTS CLÉS TRAÇABILITÉ DES AGENTS générale du travail (DGT), le risque
Traçabilité /
santé au travail », organisées
Agent chimique /
CHIMIQUES DANGEREUX, chimique a engendré 42 000 inter-
par la Société de médecine Surveillance QUELS ENJEUX POUR LA ventions des inspecteurs du travail
et de santé au travail de biologique / SANTÉ AU TRAVAIL ? (11 %) en 2017, ayant conduit à 8 000
l'Ouest en partenariat Risque chimique / P. Frimat, Centre hospitalier uni- courriers et 350 mises en demeure.
avec la Société française Amiante / versitaire (CHU) de Lille, Président Une enquête qualitative a mis
Grossesse /
de médecine du travail, de l’Institut de santé au travail du en évidence que seules 30 % des
Nanoparticule /
ont permis d'actualiser Cancer / Nord de la France entreprises évoquent formelle-
des connaissances sur Biométrologie / ment le risque chimique dans leur
le risque chimique et les Femme enceinte Le risque chimique constitue un document unique d’évaluation des
enjeux pour la santé au enjeu majeur et concerne de très risques professionnels (DUERP),
travail. Les thèmes abordés nombreuses professions. Selon pourtant obligatoire depuis 2001.
concernaient : la traçabilité l’ECHA (European Chemicals Seuls 6 % des établissements
des agents chimiques, la Agency), 120 000 substances sont effectuent des contrôles atmos-
surveillance biologique des des agents chimiques dangereux phériques et uniquement 5 % en
expositions professionnelles (ACD), dont plus de 5 000 sont can- assurent une traçabilité. A contra-
(SBEP), l'évolution de cérogènes, mutagènes ou repro- rio, 71 % des entreprises ont mis en
la réglementation, les toxiques (CMR). Trente mille subs- place des mesures de protection
actualités sur différents tances uniques sont enregistrées collective et jusqu’à 75 % des entre-
cancers d'origine dans la base de données de l’ECHA, prises gèrent leurs déchets.
professionnelle, l'exposition dans le cadre du règlement REACH Par ailleurs, la sinistralité demeure
aux nanomatériaux, aux (Registration, Evaluation, Autho- difficile à évaluer (maladies à ef-
matériaux amiantés ou aux rization and Restriction of Chemi- fets différés). Selon Santé Publique
algues en décomposition, cals), substances fabriquées ou France, 4 à 8,5 % des cancers sont
les risques pour la grossesse importées en quantité dépassant 1 d’origine professionnelle (soit
ainsi que ceux rencontrés tonne par an. 18 000 à 30 000 nouveaux cas par
dans le transport maritime. En France, 33 % des salariés sont ex- an). Ainsi la prévention du risque
posés aux ACD et 10 % aux CMR, ce ACD devient majeure et le suivi des
qui représente près de 2,2 millions travailleurs exposés une nécessité.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 137


SUIVI POUR VOUS
Toxicologie en santé au travail
Journées de la Société de médecine
et de santé au travail de l’Ouest en
partenariat avec la SFMT

Face à cette problématique, P. Frimat des données collectées par l’entre- pas toxicologues mais tous les
développe les propositions de son prise, le SST et la Caisse d’assurance intervenants en santé au travail
rapport selon 4 axes : le renforce- retraire et de santé au travail (CAR- doivent être formés aux risques
ment des obligations de prévention SAT). L’accès aux bases de données chimiques). Cette formation doit
et de traçabilité collective de l’em- serait facilité aux partenaires de concerner l’ensemble des acteurs :
ployeur, la consolidation du suivi prévention. entreprises, instances représen-
et de la traçabilité des ACD, l’amé- Les données du DMST seraient tatives du personnel et SST. Des
lioration de la prise en compte de transférables vers le DMP, pour postes de responsables « sécurité »
l’exposition aux ACD des salariés, coordonner médecine du travail doivent être créés ou encouragés
la formation et la recherche sur les et médecine de ville (accès numé- dans les entreprises de plus de 50
ACD. rique aux données compilées, cla- salariés, tandis que les TPE doivent
Dans le contexte évolutif de la rification de la vision des risques être accompagnées par les SST
santé au travail, 4 domaines priori- professionnels par le généraliste) : dans leur démarche de prévention
taires faciliteraient la politique de prise en charge individuelle des du risque chimique.
prévention souhaitée par le Plan ACD par le généraliste et collec- L’organisation territoriale revêt ici
santé travail 3 (PST3) : le renforce- tive par le médecin du travail. Le une importance déterminante. Elle
ment de la prévention primaire, DMP favoriserait ainsi le suivi à la doit s’adosser sur la mutualisation
la collecte des données ACD dans fois post-exposition et post-profes- des moyens, ainsi que sur une meil-
le DUERP, la réalisation du dossier sionnel (avec possibilité de retraite leure gestion des indicateurs. Il est
d’entreprise au sein du SST et le lien anticipée en cas de maladie profes- souligné qu’il convient de renfor-
entre le dossier médical en santé au sionnelle). cer les moyens humains affectés
travail (DMST) et le dossier médical Pour le salarié, il est nécessaire dans les petits « SST ». Au-delà de la
partagé (DMP). de promouvoir l’abondement du question d’un « guichet unique », il
Le renforcement de la préven- compte personnel de formation, en convient de développer les actions
tion primaire nécessite un DUERP cas d’exposition aux ACD. Par ail- collectives des SST, avec des coopé-
« non écrasable » (conservation des leurs, la prise en compte de la place rations multi-partenariales et une
versions successives). La traçabilité des « sensibilisants » permettrait approche pluridisciplinaire.
réclame un dossier ACD avec une d’accompagner les victimes d’aller-
vision collective associant le comi- gies professionnelles invalidantes
té social et économique (CSE) et vers le retour à l’emploi.
permettant un transfert des don- La reconnaissance des maladies SURVEILLANCE BIOLOGIQUE
nées (interopérabilité). Le Code du professionnelles liées aux ACD DES EXPOSITIONS,
travail pourrait être simplifié : fu- serait facilitée, bien que la surve- APPLICATION DES
sion des sections relatives aux ACD nue des effets pathogènes soit sou- RECOMMANDATIONS 2016 1
et aux CMR, espacement des obli- vent différée (cancer, pathologie A. Nicolas, Toxilabo Nantes
gations de métrologie intégrant la dégénérative), dans un contexte 1. Les résultats
biométrologie. L’instauration d’un de multi-expositions. Il importe de plus détaillés de La surveillance biologique des ex-
cette étude sont
vrai système de bonus / malus promouvoir un système réparateur positions professionnelles (SBEP)
présentés dans ce
semble à ce titre un point essentiel assurant une meilleure compen- même numéro de aux agents chimiques s’appuie sur
(mesures incitatives par la coti- sation et facilitant le maintien en la revue des recommandations de bonnes
sation versée par l’employeur à la emploi (formations de reconver- pp.79 à 88.. pratiques (RBP) qui ont été émises
branche AT/MP, amendes pénali- sion, concertations avec le CSE). en 2016 par la Société française de
sant les employeurs ne respectant La question est de savoir si le SST médecine du travail (SFMT). Afin
pas leur obligation, taxation des est purement au service d’un sys- de mieux connaître les pratiques
CMR). tème assurantiel, ou avant tout le actuelles des équipes des SST, 2 ans
Le rôle des services de santé au tra- garant du suivi de l’état de santé du après la publication de ces recom-
vail (SST) est prépondérant, notam- salarié durant son parcours profes- mandations, un questionnaire a
ment pour aider les très petites et sionnel. été proposé aux différents acteurs
moyennes entreprises (TPE/PME) Une formation et une recherche intervenants dans ce domaine :
à gérer le dossier ACD. La création « de qualité » permettraient d’amé- médecins du travail (MT), infir-
d’un dossier d’entreprise autori- liorer le niveau d’expertise (évi- miers (IDEST), intervenants en pré-
serait la conservation perpétuelle demment tous les acteurs ne sont vention des risques professionnels

138 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


(IPRP) et toxicologues. Le question- gie atmosphérique sont utilisés par
naire aborde les thèmes suivants : 44 % des MT de SSTI et par 100 % LES PERSPECTIVES
le rôle des différents acteurs, l’arti- des IPRP. Pour une substance vola- D’ÉVOLUTION DE LA
culation entre la SBEP et la surveil- tile, la métrologie atmosphérique RÉGLEMENTATION SUR LE
lance de l’exposition externe, la sera privilégiée. Le plus souvent, le RISQUE CHIMIQUE
réalisation pratique, les critères de moment du prélèvement est défini G. Menec, Direction régionale des
choix du laboratoire, son implica- selon les informations du labora- entreprises, de la concurrence, de
tion dans la gestion de l’échantil- toire, ou celles d’une base de don- la consommation, du travail et
lon et l’interprétation des résultats, nées. La durée d’activité exposante de l’emploi (DIRECCTE), Pays de la
ainsi que la restitution et la conser- et la fréquence d’exposition sont Loire
vation des résultats. généralement connues.
Deux cent quarante-quatre per- La fiche de renseignements médi- La problématique des ACD/CMR
sonnes ont répondu à ce question- caux et professionnels (FRMP) est constitue un enjeu sanitaire et de
naire, réparties sur les 12 régions remplie par 72 % des MT de SSTA, sécurité important. Le rapport Le-
de France métropolitaine et se 43 % des MT de SSTI et par 42 % des cocq et le rapport Frimat impulsent
distribuant de la façon suivante : IDEST. Le choix de l’IBE est guidé une évolution des exigences. La ré-
MT en service de santé au travail par le laboratoire, notamment glementation française se construit
interentreprises (SSTI) – 155 (63 %), dans les SSTI. Les conseils donnés via des règlements européens et la
MT en service de santé au travail par le laboratoire sont globalement transcription de directives euro-
autonome (SSTA) – 53 (22 %), IPRP – jugés satisfaisants. péennes, en prenant en compte les
17 (7 %) et IDEST – 19 (8 %). Les résultats sont le plus souvent retours d’expérience et le contexte
L’analyse des réponses confirme la restitués de façon individuelle pour de « simplification » du droit.
diversité des pratiques et des be- les MT (87 %) et collective pour les La réglementation sur le risque
soins des différents acteurs. IPRP (88 %). La traçabilité s’effectue chimique se structure en 3 blocs :
Les principaux agents chimiques principalement individuellement la mise sur le marché des produits
pour lesquels une SBEP est pres- dans le dossier médical du salarié chimiques, l’information sur les
crite ou envisagée sont le plomb, (94 % pour les MT) et, dans une risques et la protection des travail-
le chrome, le cobalt, le nickel, moindre mesure, collectivement leurs. Les deux premiers blocs sont
l’arsenic, le mercure, le benzène, dans la fiche d’entreprise (FE) : 40 % encadrés par des règlements euro-
les hydrocarbures aromatiques pour les MT de SSTA et 31 % pour les péens ayant permis de simplifier le
polycycliques (HAP), le styrène, les MT de SSTI. dispositif et de renforcer l’informa-
solvants et la méthylènedianiline Les RBP pour la SBEP (2016) sont tion sur les risques : le règlement
(MDA). Les prescriptions sont réa- connues (pour 65 % des IPRP, 59 % REACH (n° 1907/2006/CE) et le
lisées de façon individuelle dans le des MT de SSTA, 45 % des MT de règlement Classification, Labelling,
cadre de la consultation médicale SSTI et 21 % des IDEST), mais plutôt Packaging (CLP) (n° 1272/2008/CE).
pour 84 % des MT de SSTI, 62 % des faciles d’accès et qualifiées d’utiles Le troisième bloc est régi par les
MT de SSTA, 47 % des IDEST et 35 % (96 % des MT des SSTI). Les MT de articles L. 4121-1 et suivants du Code
des IPRP. Les prescriptions sont réa- SSTA mettent en œuvre la plupart du travail (CT) issus de la transposi-
lisées de façon collective pour 88 % des RBP. Les MT de SSTI devraient tion de la directive cadre 89/391/CE
des IPRP, 87 % des MT de SSTA, 64 % plus se les approprier, les IDEST (évaluation des risques, principes
des MT de SSTI et 58 % des IDEST. semblent insuffisamment for- généraux de prévention). Pour les
Les difficultés identifiées pour la mées à leur utilisation, tandis que ACD, la règlementation s’appuie
mise en œuvre de RBP sont notam- les IPRP impliqués dans le risque sur les articles R. 4412-1 à 58 du CT.
ment le choix de l’agent chimique chimique semblent les connaître Pour les CMR, elle repose sur les ar-
(37 % des IDEST, 36 % des MT de et sont engagés dans la stratégie de ticles R. 4412-59 à 93 du même Code.
SSTI), le choix de l’indicateur biolo- mise en œuvre de la SBEP. En France, les valeurs limites d’ex-
gique d’exposition (IBE) (59 % des Pour aider à une meilleure utili- position professionnelle (VLEP)
IPRP, 47 % des IDEST et des MT de sation de la SBEP, il est préconisé se déclinent en 84 VLEP contrai-
SSTI), ainsi que la priorisation des de disposer d’au moins 2 MT réfé- gnantes (fixées par décret, article
salariés devant être suivis (37 % des rents risque chimique par région, R. 4412-149 du CT), 45 VLEP indi-
IDEST, 28 % des MT de SSTI). ayant une bonne connaissance de catives (arrêté du 30/06/2004) et
Les résultats récents de la métrolo- la SBEP. 540 VLEP non règlementaires.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 139


SUIVI POUR VOUS
Toxicologie en santé au travail
Journées de la Société de médecine
et de santé au travail de l’Ouest en
partenariat avec la SFMT

Cette liste sera complétée par 30 345 en 2016 versus 6 800 en 2006). ments de protection individuelle
nouvelles VLEP issues de la trans- Le coût du dispositif de réparation/ (EPI) : adéquation des appareils de
position des directives n° 2017/164 indemnisation dépasse 2 milliards protection respiratoire (APR) à la
(ACD) et n° 2017/2398 (CMR), ainsi d’euros (MP, fonds de cessation an- morphologie du travailleur, bon
que par les travaux de l’Agence ticipée d’activité des travailleurs de ajustement des APR et effectivité
nationale de sécurité sanitaire l’amiante, fonds d’indemnisation du test d’ajustement (FIT test),
de l’alimentation, de l’environne- des victimes de l’amiante). Selon rasage quotidien, durée du port
ment et du travail (ANSES). l’ANSES, l’amiante provoque 42 % des EPI en fonction des contraintes
La silice est classée « cancérogène des cancers d’origine profession- thermiques et physiques, port de
pour l’homme » depuis 1997 par le nelle. correction visuelle, allergie cuta-
Centre international de recherche Le rôle du médecin du travail née, asthme…, formation des opé-
sur le cancer (CIRC). Les travaux consiste à rester vigilant sur le rateurs. Un autre point clé de vigi-
exposant à la poussière de silice repérage des matériaux au pré- lance est de s’assurer du respect de
cristalline alvéolaire sont reconnus alable des travaux. Le Code de la la décontamination en SS3 et en
« cancérogènes » par l’UE (direc- Santé publique (CSP) encadre le SS4.
tive n° 2017/37/CE). L’État français a dossier technique amiante (DTA), Il incombe à l’employeur de de-
jusqu’au 17 janvier 2020 pour trans- le dossier amiante des parties pri- mander l’avis du MT sur les notices
poser cette directive. vatives (DAPP), le constat avant de postes, le projet de stratégie
La simplification de la réglementa- vente et le repérage avant démoli- d’échantillonnage et les MO en
tion française doit respecter les di- tion. Le Code de la construction et SS4. Le MT doit être consulté pour
rectives européennes et conserver de l’habitation impose le diagnos- déterminer le nombre et la durée
un niveau équivalent de protection tic « déchet » pour les opérations des vacations, le temps nécessaire
des travailleurs. Sont envisagées la de démolition et de réhabilitation aux opérations d’habillage/dés-
fusion possible des sections rela- lourde d’immeubles bâtis. Le Code habillage et de décontamination,
tives aux ACD et aux CMR en une du travail énumère des principes ainsi que les temps de pause. L’avis
seule section (avec des points plus généraux de prévention, régit l’éva- du MT n’est pas obligatoirement
stricts pour les CMR), ainsi que luation des risques par le donneur requis sur les PDRE.
l’évolution du dispositif actuel de d’ordre (DO) et le repérage amiante En SS4, le MT émet un avis sur
contrôle des VLEP. avant travaux (décret n° 2017-899 l’élaboration et la modification de
Pour ces évolutions de la réglemen- du 9 mai 2017, relatif au repérage l’ensemble du mode opératoire :
tation, sont notamment prévus un de l'amiante avant certaines opéra- niveau d’empoussièrement, EPI et
groupe projet ouvert aux différents tions). Ce décret oblige à identifier mesures de protection collective
acteurs, une phase de négociation et localiser les matériaux conte- prévues, contrôles d’empoussière-
avec les partenaires sociaux, puis nant de l’amiante (MCA) en amont, ment, notices de poste, contraintes
un temps d’élaboration des textes en vue d’assurer la protection des physiques, vacations, procédure de
pour le second semestre 2019. travailleurs. Les arrêtés d’applica- décontamination, gestion des dé-
tion vont paraître prochainement. chets… Un outil méthodologique à
Le nombre de plans de démolition, l’élaboration des MO est disponible
de retrait et d’encapsulage (PDRE) sur le site de la CARSAT (www.car-
O PÉ R ATI O N S SU R D ES et de modes opératoires (MO) de- sat-pl.fr/files/live/sites/carsat-pl/
MATÉRIAUX AMIANTÉS, vraient ainsi tendre à augmenter. files/pdf/entreprises/amiante-outil-
RÔLE DU MÉDECIN DU Le MT doit également être attentif methodologique-mo.xlsx). L’archi-
TRAVAIL au classement en sous-section 3 vage des MO est assuré par l’entre-
F. Leray, CARSAT Pays-de-la-Loire (SS3) et en sous-section 4 (SS4), rele- prise pendant 50 ans (avec les avis
vant néanmoins de la responsabi- du MT).
Plus de 20 ans après son interdic- lité du DO. Le suivi individuel ren- La formation amiante (arrêté du 23
tion, l’amiante est toujours présent. forcé (SIR) implique une périodicité février 2012) concerne les travail-
La sinistralité liée à l’amiante reste des visites médicales d'au moins 4 leurs ayant une activité de retrait ou
préoccupante, même si le nombre ans, avec des visites intermédiaires d’encapsulage (SS3) et les interven-
de maladies professionnelles – MP par un professionnel de santé. tions libérant de l’amiante (SS4). Un
(tableaux 30 et 30 bis du régime gé- Le MT doit également être vigilant « Guide amiante à l’attention des
néral de la Sécurité sociale) baisse (3 quant à l’utilisation des équipe- médecins du travail et des équipes

140 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


pluridisciplinaires » de l’OPPBTP Des HM peuvent être reconnues (3 %). Les secteurs liés aux LAM
est disponible en ligne (www.pre- en MP, pour le régime général de sont l’agriculture, l’industrie auto-
ventionbtp.fr/Documentation/ la Sécurité sociale : tableaux n° 4 mobile, la construction et la métal-
Explorer-par-produit/Information/ (benzène), n° 6 (rayonnements io- lurgie, ceux liés aux LMC sont la
Ouvrages/Guide-amiante-a-l-at- nisants – RI), n° 99 (1,3-butadiène), défense, la chimie et la plasturgie.
tention-des-medecins-du-travail- pour le régime agricole : tableaux Le repérage est une étape essen-
et-des-equipes-pluridisciplinaires- n° 19 (benzène), n° 20 (RI), n° 59 tielle, en prévention comme en
Role-et-responsabilites). (pesticides). réparation.
Les données de la littérature ont
permis au CIRC d’estimer comme
cancérogènes pour l’homme avec
HÉMOPATHIES MALIGNES des niveaux de preuves suffi- DONNÉES RÉCENTES
ET FACTEURS DE RISQUE sants pour les tissus lymphoïdes SUR LES ÉTIOLOGIES
PROFESSIONNELS : et hématopoïétiques : le benzène, PROFESSIONNELLES DES
ACTUALITÉS le 1,3-butadiène, le formaldéhyde, CANCERS PULMONAIRES
C. Nisse, CHU Lille certains pesticides (lindane, penta- J.C. Pairon, Centre hospitalier in-
chlorophénol), les rayonnements X tercommunal de Créteil, Univer-
Les hémopathies comprennent et gamma. Sont cancérogènes pour sité Paris-Est, INSERM U955
les tumeurs des tissus lymphoïde l’homme avec des données limi-
et hématopoïétique. L’Organisa- tées pour les tissus lymphoïdes et L’incidence des cancers broncho-
tion mondiale de la santé (OMS) hématopoïétiques : le trichloréthy- pulmonaires (CBP) en France est es-
distingue les leucémies aigües lène, le styrène, les champs électro- timée, en 2017, à 49 109 nouveaux
(lymphoblastique – LAL, myé- magnétiques (basses fréquences : cas (32 260 chez l’homme, 16 849
loïde – LAM), les syndromes lym- leucémies de l’enfant), l’oxyde chez la femme), avec une forte aug-
phoprolifératifs (lymphome de d’éthylène, les dioxines et les poly- mentation chez la femme. Ils sont
Hodgkin – LH, myélome mul- chlorobiphényles. responsables de près de 31 000 dé-
tiple – MM, leucémie lymphoïde Les données du Réseau national de cès chaque année. Ce sont les plus
chronique – LLC, maladie de vigilance et de prévention des pa- fréquents des cancers profession-
Waldenström), les syndromes thologies professionnelles (RNV3P), nels, avec des fractions de risque
myéloprolifératifs (leucémie myé- entre 2001 et 2016, retrouvent 661 attribuables au travail de 12,5 %
loïde chronique – LMC, thrombo- problèmes de santé au travail (PST) chez l’homme et de 6,5 % chez la
cytémie essentielle, polyglobulie d’HM lymphoïdes matures (LLC, femme. Le nombre de CBP recon-
de Vaquez, myélofibrose), les syn- MM, LNH), dont 55 % conclus en nus en maladie professionnelle, au
dromes myélodysplasiques (SMD) relation avec le travail donnant lieu régime général de la Sécurité so-
(anémie réfractaire et sidéroblas- à 158 déclarations en MP (dont 89 ciale en 2015, est de 1 134 (dont 1 071
tique). via l’article L 461-1, alinéa 4). L’agri- pour l’amiante).
L’incidence des hémopathies ma- culture est le 1er secteur identifié D’après une estimation de Santé
lignes (HM) est de 35 000 par an pour les HM lymphoïdes matures : Publique France, l’exposition à
(2/3 sont lymphoïdes). Elles sont LLC (benzène puis pesticides), MM l’amiante est responsable de 1 670
plus fréquentes chez l’homme et (pesticides puis benzène), LNH à 4 566 cas incidents de CBP par
leur incidence augmente de 1 à 2 % (pesticides puis trichloréthylène). an chez l’homme et de 97 à 153 cas
par an. Trente à 50 % des HM sont Les données du RNV3P pour la incidents par an chez la femme.
liées à l’augmentation et au vieillis- même période retrouvent 559 PST L’exposition à la silice cristalline est
sement de la population, 50 à 70 % d’HM myéloïdes, dont 60 % sont responsable de 245 à 1 437 cas inci-
à d’autres facteurs explicatifs. Seu- caractérisés comme problèmes dents de CBP par an chez l’homme
lement 0,2 % des lymphomes non en relation avec le travail (PRT). et 4 à 34 cas incidents chez la
hodgkiniens et 0,7 % des leucémies Deux cent un ont été déclarés en femme ; soit 655 décès attribuables
sont attribuables à des facteurs de MP. Les expositions liées aux LAM/ au travail.
risques professionnels (pour com- LMC sont les solvants (71 %) avec Le CIRC retient de multiples agents
paraison la faction attribuable au le benzène comme solvant le plus étiologiques professionnels pour
tabagisme pour les leucémies est souvent impliqué, les RI (16 %), les leur association certaine chez
de 9 à 24 %). pesticides (7 %), le formaldéhyde l’homme à un excès de risque pour

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 141


SUIVI POUR VOUS
Toxicologie en santé au travail
Journées de la Société de médecine
et de santé au travail de l’Ouest en
partenariat avec la SFMT

les CBP (CIRC – groupe 1) et notam- Concernant la surveillance, la re- tion classés dans le groupe 1 par le
ment : amiante, arsenic et ses commandation de bonne pratique CIRC est de 5,5 % chez les hommes
composés inorganiques, béryllium « Surveillance médico-profession- et de 0,6 % chez les femmes. Les
et ses composés, bischlorométhy- nelle des travailleurs exposés ou nuisances professionnelles en
léther et chlorométhyléther, cad- ayant été exposés à des agents can- cause sont les amines aromatiques
mium et ses composés, gaz d’échap- cérogènes pulmonaires » préconise (xenylamine, auramine, benzidine,
pement de moteur diesel, certains la mise en place d’une expérimen- o-toluidine), les HAP, l’arsenic et le
dérivés du nickel, plutonium , radon tation pour le dépistage du CBP par perchloroéthylène.
222 et ses produits de filiation, silice scanner à faible dose chez les sujets Les travailleurs exposés aux
cristalline, rayons X et radiations a, exposés ou ayant été exposés pro- amines aromatiques exercent dans
de multiples composés ou situa- fessionnellement à un agent can- l’industrie du caoutchouc (pesée et
tions exposant à divers hydrocar- cérogène pulmonaire avec un haut mélanges, en fabrication de caout-
bures aromatiques polycycliques risque de CBP. L’essai du National chouc et de pneumatiques), dans
(HAP), travaux souterrains dans les Lung Screening Trial (NLST) a mon- l’industrie des colorants (prépa-
mines de fer, activités de peintures, tré l’efficacité du dépistage du CBP ration et pesée, en fabrication de
industries de production du caout- par scanner thoracique (réduction pigments, peintures, encres, ver-
chouc, tabagisme passif et fumées de la mortalité de 20 %) dans une nis), dans la fabrication de certains
de soudage. population à haut risque de CBP pesticides (chlordiméform), dans
Lors d’une exposition à l’amiante, dans des centres spécialisés en l’industrie des textiles avant 1970
les données récentes du pro- Amérique du Nord. L’étude LUSCO-1 (teintures), dans la fabrication de
gramme ARDCO font état d’une porte sur la faisabilité du dépistage bottes et chaussures en cuir, dans
majoration du risque de CBP asso- du CBP, dans une population défi- l’industrie des matières plastiques,
ciée à l’existence de plaques pleu- nie comme à haut risque dans les dans la coiffure (jusqu’aux années
rales. Une autre étude française RBP (fumeurs, de 55 à 74 ans, expo- 1970, colorant pour les cheveux
met en évidence une majoration du sés à des cancérogènes certains). contenant de la benzidine ou de
risque de CBP associée aux activités La traçabilité des données sur les la 2-naphtylamine), dans l’impri-
de soudage, après prise en compte expositions doit être archivée dans merie et dans les laboratoires de
du tabagisme passif et de l’expo- le DMST. recherche.
sition à l’amiante, en particulier Les opérateurs exposés aux HAP
dans les groupes ayant les durées travaillent dans l’industrie de
d’exposition les plus longues et les l’aluminium, la fonderie d’acier, la
latences les plus élevées. ÉTIOLOGIES production de coke, la combustion
Les émissions de moteur diesel PROFESSIONNELLES DES du charbon, l’enrobage routier, les
concernent les mécaniciens et les CANCERS DE L'APPAREIL traitements anticorrosion, l’inci-
conducteurs (locomotives, poids- URINAIRE nération des déchets, le ramonage,
lourds, autobus, taxis, engins). Ces B. Clin-Godard CHU Caen, INSERM la protection du bois (créosote),
émissions ont été classées CIRC 1 U1086 « ANTICIPE ». l’utilisation d’huiles usagées mal
en 2012. raffinées ou vieillies (usinage,
L’extraction des données du RNV3P Le taux d’incidence des can- huiles de décoffrage…), les activités
concernant le CBP montre une pré- cers de la vessie en France est de exposant aux gaz d’échappement
dominance masculine (sex-ratio à 14,6/100 000 chez l’homme et des moteurs à essence ou diésel et
28) et un âge moyen à 64 ans. Sur 2,5/100 000 chez la femme. La frac- le raffinage de pétrole.
7 233 PRT, les agents cancérogènes tion de ces cancers attribuable à L’arsenic est utilisé dans la fabri-
les plus fréquemment rapportés des expositions professionnelles cation d’herbicides, de pesticides
sont l’amiante (79,3 %), la silice est de 5 à 25 % chez l’homme. Huit et de certains médicaments anti-
(4,2 %) et les HAP (3,9 %). L’étude des à 14 % des cas incidents de cancers cancéreux (As2O3). Les viticulteurs
situations d’exposition confirme de la vessie et 10 à 14 % des décès exposés aux pesticides présentent
le poids important du secteur du liés à ce cancer chez l’homme sont une augmentation du risque de
bâtiment pour les dossiers de CBP attribuables à des facteurs pro- cancer de la vessie. L’excès de can-
retenus en lien avec les expositions fessionnels. La fraction imputable cers de la vessie serait lié à l’utili-
à l’amiante. aux agents ou situations d’exposi- sation de pesticides et de traite-

142 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


ments ayant contenu de l’arsenic. 4 647 chez les femmes. La fraction 226/228, la production d’alcool
Il existe une augmentation du des cancers du rein attribuable à isopropylique par les procédés à
risque de cancer de la vessie pour une exposition professionnelle au l’acide sulfurique. Un niveau de
les travailleurs du nettoyage à trichloroéthylène (TCE) est de 1,7 à preuve limité est retrouvé pour le
sec exposés au perchloroéthylène 5,4 % chez l’homme et de 0,2 à 0,8 % formaldéhyde, les composés du
(classé CIRC 2A). chez la femme. Les agents certaine- chrome hexavalent, la fabrication
Les groupes à risque « très élevé ment impliqués sont le tabac, les textile, ainsi que les métiers de me-
» (RR > 5) sont les travailleurs de RI et le TCE. Les agents à niveau de nuisier et de charpentier.
l’industrie du caoutchouc (4-ami- preuve limité sont l’arsenic, le cad- Les données du RNV3P retrouvent
nobiphényle, `-naphtylamine) mium, l’acide perfluorooctanique, 218 cas avec une imputabilité forte
et des colorants (benzidine, aura- l’impression et les fumées de sou- ou moyenne. Les nuisances sont
mine, o-toluidine). Les groupes à dage. les poussières de bois (89 %), le
risque élevé (RR > 2) sont les tra- Le TCE est classé CIRC 1 pour le nickel (3 %), le formaldéhyde (2 %),
vailleurs de l'industrie textile, de rein. L’acide perfluorooctanique est le chrome (1 %), l’amiante (0,8 %)
la teinture, de l’industrie du cuir classé CIRC 2B pour le rein. Les pro- et les adhésifs (0,8 %). Les princi-
et du tannage, de la plasturgie fessions à risque augmenté sont paux secteurs sont les travaux de
(chloro-2 aniline dit MBOCA), de la les peintres, imprimeurs, agents de construction spécialisée et le tra-
fabrication de pesticides à base de nettoyage à sec et pompiers. vail du bois. Les principaux métiers
4-chloro-ortho-toluidine et de la Le RNV3P répertorie 268 PST dont concernés sont les ébénistes, les
production d’aluminium. 63 % conclus en PRT. Les secteurs menuisiers, les charpentiers, les ré-
La cancérogénicité des nitrosa- les plus souvent impliqués sont la gleurs et conducteurs de machine
mines pour la vessie n’est pas prou- chimie, la construction, la métal- à bois.
vée. Les activités exposantes sont la lurgie, la réparation automobile et Les FdR professionnels (CIRC 1) du
production et l’utilisation de fluides l’imprimerie. Des signaux émer- cancer du larynx sont l’amiante et
de coupe, l’industrie du caoutchouc gents sont mentionnés pour les ex- les brouillards d’acides forts inor-
utilisatrice d’agents de vulcani- positions au plomb, au cadmium, ganiques. Un niveau de preuve
sation (thiurames), le tannage du aux solvants autres que le TCE, aux moindre est retrouvé pour les HAP,
cuir (sulfate de diméthylamine) et fumées de soudage et aux HAP. les gaz d’échappement de moteur,
l’industrie de transformation ou de les poussières de textile, les laines
conservation du poisson (nitrites). minérales et les travaux dans l’in-
Un excès de risque de cancer de dustrie du caoutchouc. Les données
la vessie est retrouvé chez les sou- CANCERS ORL D’ORIGINE du RNV3P dénombrent 87 cas de
deurs. PROFESSIONNELLE cancer du larynx d’imputabilité
Parmi les cancers urothéliaux, le Q. Durand-Moreau, CHU Brest. forte ou moyenne. Les nuisances
RNV3P recense 1 341 PRT, dont 741 associées sont l’amiante (80 %),
cas imputables au travail. Les sec- L’Institut national du cancer (InCA) les HAP (5 %), le chrome et le nickel
teurs impliqués sont la construc- estime en 2017 les nouveaux cas de (3 %), les fumées de soudage (2 %)
tion, la métallurgie, la réparation cancers ORL (lèvres, bouche, pha- et les laines minérales (2 %). Les sec-
automobile, l’imprimerie et la rynx) à 8 186 chez les hommes et teurs sont les travaux de construc-
chimie. Les métiers les plus fré- à 3 858 chez les femmes, avec une tion spécialisée et la métallurgie. Les
quents sont les mécaniciens, les survie à 5 ans de 37 %. Pour le la- principaux métiers concernés sont
peintres, les régleurs, les impri- rynx, l’incidence des nouveaux cas les mécaniciens et réparateurs de
meurs, les tôliers et les plombiers. est de 2 746 chez les hommes et de véhicules à moteur, les soudeurs, les
Les expositions mentionnées re- 474 chez les femmes, avec une sur- tôliers et les plombiers.
trouvent classiquement les dérivés vie à 5 ans de 56 %. L’incidence des Les FdR (CIRC 1) des cancers du pha-
de houille, les amines aromatiques, cancers ORL baisse chez l’homme rynx sont la poussière de bois et le
cependant le trichloroéthylène est et s’accroît chez la femme. formaldéhyde.
mentionné dans 10 % des PRT. Les facteurs de risque profession- Il existe un excès de risque de
En France, l’incidence des cancers nels (FdR) des cancers nasosinu- cancer oropharyngé chez les per-
du rein est, en 2017, de 9 492 nou- siens (CIRC 1) sont les poussières sonnes exposées à l’amiante et aux
veaux cas chez les hommes et de de bois, de cuir, le nickel, le radium HAP. Un excès de risque de cancer

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 143


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de la cavité buccale est objectivé réponse : augmentation du risque carcinomes neuroendocrines, les
pour l’exposition à la canne à sucre. notamment en cas de durée d’ex- sarcomes et les angiosarcomes
Les cancers ORL sont rares, mais position forte supérieure à 25 ou 30 cutanés.
avec de nombreux FdR non pro- ans (Boulanger en 2015, Offermans Les carcinomes cutanés repré-
fessionnels (alcool, tabac, papillo- en 2014), temps de latence supé- sentent 90 % des cancers de la
mavirus humains) et profession- rieur à 20 ans (Paris en 2017). La peau, 15 à 20 fois plus fréquents que
nels (amiante, formol, poussières relation causale est probable. les mélanomes malins. En France,
de bois, Ni, Cr…). Aucun tableau de Concernant le trichloréthylène on estime leur incidence à 65 000
MP n’est prévu pour le larynx, il est (TCE), il existe des preuves suffi- nouveaux cas par an. Ils atteignent
donc nécessaire de demander une santes pour le cancer du rein et des sujets de plus en plus jeunes.
réparation via le comité régional pour une association positive pour La fraction attribuable au travail
de reconnaissance des maladies le cancer du foie (CIRC 1). est inconnue.
professionnelles (CRRMP). La sur- Pour le tétrachloroéthylène, le Les facteurs de risque communs à la
veillance médico-professionnelle niveau de preuve est limité chez carcinogénèse épithéliale sont l’âge,
est essentielle pour les personnes l’homme pour les cancers du foie les expositions aux UV chroniques
exposées à un risque de cancer na- et de l’œsophage, mais est suffisant ou intermittentes, les facteurs géné-
sosinusien (bois/nickel). chez l’animal (CIRC 2A). tiques (les dangers des UV naturels
L’association entre RI et cancers sont étroitement corrélés aux pho-
digestifs est retrouvée chez les sur- totypes clairs), les génodermatoses,
vivants des bombes atomiques. l’immunosuppression acquise,
CANCERS DIGESTIFS L’étude INWORKS (2017) retrouve un les infections par papillomavirus
ET EXPOSITIONS excès de risque chez les travailleurs humains et les dermatoses inflam-
PROFESSIONNELLES du nucléaire. matoires chroniques. Les facteurs
C. Paris, CHU Rennes, INSERM Les cancers digestifs sont associés de risque (FdR) extraprofessionnels
U1085 (thème présenté par B. Clin- à plusieurs expositions profession- certains sont les UV (exposition
Godard) nelles : travaux dans l’industrie du aiguë et cumulative), ainsi que les
caoutchouc, radiations ionisantes, médicaments (azathioprine, cyclos-
Les cancers digestifs pouvant être chlorure de vinyle monomère, porine, méthoxsalène). Les FdR pro-
reconnus en MP ne concernent dichloropropane, virus des hépa- fessionnels certains (CIRC 1) sont les
que le foie (angiosarcome, carci- tites B/C, arsenic, trichloroéthylène rayonnements UV (facteur princi-
nome hépato-cellulaire – CHC). Les (foie) et amiante (côlon). pal), les brais et goudrons de houille,
expositions professionnelles en Des questions demeurent en sus- les huiles minérales non ou peu raf-
cause sont au nombre de 3 : arse- pens pour l’exposition à l’amiante et finées, les huiles de schiste, les suies
nic (tableaux n° 20 du RG et n° 10 le risque de cancers de l’estomac ou (ramonage et cancers du scrotum),
du RA), chlorure de vinyle (tableau de l’œsophage, ainsi que l’exposition l’arsenic et ses dérivés inorganiques
n° 52bis du RG), virus de l’hépatite B au TCE ou au tétrachloroéthylène et (As), les UVA et les RI. Les FdR pro-
et C (tableau n° 45 du RG et n° 33 le risque de cancer de l’œsophage. bables sont la créosote et le travail
du RA). en raffinerie de pétrole.
Les FdR (CIRC 1) sont les RI (œso- L’analyse des données du RNV3P
phage), la production de caout- entre 2001 et 2016 retrouve sur
chouc (estomac), le 1,2-dichloropro- C A N C E R S CU TA N É S 258 610 PST, 151 cancers cutanés
pane, les virus de l’hépatite B et C, PRIMITIFS ET EXPOSITIONS non mélanocytaires dont 82 impu-
le plutonium, le thorium-232 et le PROFESSIONNELLES tables au travail (imputabilité forte
chlorure de vinyle (foie). L. Bensefa-Colas, Université Paris ou moyenne). Les expositions asso-
L’amiante semble impliqué dans Descartes ciées aux carcinomes cutanés sont
le cancer colorectal. Une associa- principalement les HAP (20 %), les
tion positive est mentionnée dans Les tumeurs malignes cutanées UV (18 %), les huiles, graisses et
la monographie du CIRC (2012), regroupent les mélanomes cuta- fluides d’usinage industriel (12 %),
avec un désaccord d’experts pour nés malins, les carcinomes cutanés l’arsenic (9 %), les suies (9 %) et les
conclure à des preuves « suffi- (notamment les carcinomes baso- RI (4,8 %).
santes ». Des études récentes cellulaires – CBC – et les carcinomes Les secteurs d’activités les plus sou-
documentent une relation dose/ épidermoïdes cutanés – CEC), les vent impliqués sont la construc-

144 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


tion (16 % des cas), la métallurgie rébrales ou médullaires, bénignes évidence d’association, tandis que
(13 %), la réparation et l’installation ou malignes, plus de 100 sous- d’autres études cas-témoins, en
de machines et d’équipements types) avec un pronostic redou- Italie et en France, retrouvent une
(7 %). Les postes associés aux cas table (survie à 5 ans inférieure à augmentation du risque.
se retrouvent dans les métiers de 50 %). Notons qu’un traitement hormo-
la métallurgie et de la construction D’après les données du réseau nal peut augmenter le risque de
mécanique (23 %), ceux qualifiés du FRANCIM, avec 4 999 nouveaux tumeurs du SNC. L’acétate de cy-
bâtiment sauf électriciens (13 %), cas, elles sont au 14e rang des can- protérone (Androcur®) engendre
les conducteurs de machines et cers, responsables de 3 052 décès, un risque de méningiome.
d’installations fixes (12 %), les agri- au 13e rang des décès par cancer.
culteurs (11 %), manœuvres des L’incidence évolue depuis 10 ans
mines, du BTP, des industries ma- avec une hausse des tumeurs mé-
nufacturières et du transport (9 %). ningées, une stabilité des tumeurs GROSSESSE ET TRAVAIL
L’orientation vers les centres de neuroépithéliales, ainsi que des F. Delva, CHU Bordeaux, Centre
consultation de pathologie pro- tumeurs des nerfs crâniens et des ARTEMIS Nouvelle-Aquitaine.
fessionnelle (CCPP) pour discuter lymphomes. Les facteurs profes-
l’origine professionnelle de ces sionnels suspectés sont les RI, les De nombreux facteurs de risques
cancers est très faible (10 PRT/an en pesticides, les champs électroma- peuvent avoir des effets poten-
moyenne). gnétiques (CEM), les solvants et les tiels sur la reproduction (fertilité,
En résumé, les expositions profes- métaux lourds. grossesse, développement fœtal et
sionnelles les plus fréquemment Les données du RNV3P de 2001 à post-natal). Dans ce cadre, le centre
liées aux carcinomes cutanés sont 2016 retrouvent 376 PST, dont 99 ARTEMIS à Bordeaux est une plate-
les HAP et les rayonnements UV. sont conclus en pathologie profes- forme dédiée à lévaluation des ex-
Toutefois, les cancers liés aux UV sionnelle (45 avec une imputabi- positions environnementales (vie
ne figurent dans aucun tableau de lité moyenne ou forte au travail). privée et professionnelle) pour des
MP. Les rayonnements UV naturels L’épidémiologie analytique dis- patients présentant des troubles de
sont la première cause de carci- tingue les FdR intrinsèques la reproduction.
nomes cutanés dans le monde. Ces (socio-démographiques, hormo- Les objectifs sont la prise en
données plaident en faveur de l'ini- naux, immunologiques, géné- charge individuelle des couples,
tiative allemande, avec la création tiques) et les FdR extrinsèques (RI, la contribution à l’acquisition de
d’un tableau, afin de reconnaître ces CEM, pesticides, solvants, métaux, connaissances et la transmission
atteintes chez les sujets travaillant alimentation et médicaments). de l’information. À partir de la
en extérieur et pour la mise en place Les radiofréquences et les CEM de classification CLP et des données
d’actions de prévention en milieu basses fréquences (EBF) sont clas- de la littérature scientifique, le
de travail. Elles plaident également sés par le CIRC en catégorie 2B, les centre ARTEMIS a élaboré son
en faveur d’une meilleure sensi- premières pour un risque accru de propre classement des produits
bilisation des dermatologues, des gliomes, les autres pour les leucé- chimiques, selon le niveau de
médecins généralistes, mais aussi mies chez l’enfant. preuve assorti au danger. Ainsi, à
des médecins du travail sur les car- Le rôle des pesticides est suggéré partir des antécédents médicaux
cinogènes professionnels cutanés, par l’expertise INSERM « Pesti- et familiaux, des emplois, des do-
en vue d’un meilleur dépistage. cides et santé » (2013). La cohorte miciles, des habitudes de vie… et
agricole AHS (Agricultural Health des expositions rapportées par les
Study) objective un lien entre le travailleurs concernés, le centre va
gliome et les conjointes utilisa- rechercher des FdR, notamment
LE POINT SUR LES TUMEURS trices d’organochlorés. La cohorte professionnels, afin d’agir en pré-
DU SYSTÈME NERVEUX Agrican (2018) montre un risque vention. Le MT peut être sollicité
CENTRAL (SNC) accru de gliomes et de ménin- dans la phase d’investigation, pour
I. Baldi, Université de Bordeaux, giomes pour les utilisateurs de l’étude des dangers ou l’étude du
INSERM U1219, EPICENE. pesticides ou d’insecticides car- poste de travail. Le MT intervient
bamates. Les études cas-témoins également en prévention, en pré-
Les tumeurs du SNC sont des enti- Upper Midwest Study (restreintes conisant des aménagements de
tés complexes et hétérogènes (cé- aux applicateurs) n’ont pas mis en poste et des mesures de préven-

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 145


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tion collective ou individuelle. Les O Mobilise-t-on une méthodologie de tennis), dioxyde de titane – TiO2
facteurs extra-professionnels sont d’évaluation optimale ? (peinture, matifiant), oxyde de zinc
conjointement étudiés (alcool, O Dispose-t-on d’une bonne régle- – ZnO (vernis), dioxyde de silicium
tabac, environnement résidentiel, mentation ? – SiO2 (maquillage, catalyseur),
plomb, produits de bricolage…). En prévention primaire, les pistes oxyde d’argent – AgO (textile).
Les plateformes « Prévenir » re- d’amélioration sont la maîtrise La réglementation impose la décla-
groupent le centre ARTEMIS, Pré2B permanente des expositions aux ration annuelle, depuis 2013, des
à Rennes, CREER à Marseille, Mate- reprotoxiques avérés ou présumés, NM mis sur le marché (supérieur
rexpo-ReprotoxIF à Paris et Créteil. l’information des salariées en âge à 100 g par an et par substance),
de procréer, la vérification de la auprès de l’ANSES, l’étiquetage des
compatibilité du poste de travail le cosmétiques, l’indication de la liste
plus en amont possible de la gros- des ingrédients contenant des NP
GROSSESSE ET TRAVAIL : sesse, l’utilisation du dispositif de dans les denrées alimentaires, ainsi
CONNAISSANCES, ÉTAT DES garantie de rémunération en cas quedes procédures d’autorisation
LIEUX ET PERSPECTIVES d’incompatibilité du poste avec la spécifique et d’étiquetage des bio-
P. Brochard, CHU Bordeaux, Centre grossesse. En prévention secon- cides. En 2017, 424 000 tonnes (T)
ARTEMIS Nouvelle-Aquitaine. daire, l’enjeu est le recours aux de NM ont été déclarés (304 000
spécialistes (gynécologues, CCPP de T produites, 120 000 T importées).
Concernant les risques pour la type ARTEMIS). En prévention ter- Les industries concernées sont
grossesse au travail, beaucoup tiaire, citons le signalement des cas celles des produits phytosanitaires,
d’éléments sont en pratique dis- suspects et la place du dispositif de des cosmétiques, des revêtements,
ponibles pour le médecin du tra- réparation. des peintures et des solvants. Les
vail et son équipe, notamment principaux NM produits en France
des outils d’aide à l’évaluation sont pour 97 % le noir de carbone,
et à la prévention : classification le SiO2, le carbonate de calcium –
CLP, fiches DEMETER, recomman- N A N O M AT É R I AU X : CaCO3, le TiO2, l’acide silicique et les
dations de bonne pratique de la DÉFINITION, RISQUES POUR sels de magnésium.
SFMT, réglementation, garantie LA SANTÉ, SURVEILLANCE Les effets toxicologiques connus
de rémunération en cas d’incom- MÉDICALE ET PRÉVENTION sont notamment issus des études
patibilité de la grossesse avec le P. Andujar, Centre hospitalier in- épidémiologiques concernant la
travail. ter-communal de Créteil, INSERM pollution atmosphérique (effets
Cependant plusieurs questionne- U955. respiratoires et cardiovasculaires
ments demeurent : des particules ultra-fines – PUF).
O A-t-on les bonnes bases scienti- Les nanomatériaux (NM) sont des Très peu d’études ont été menées
fiques ? De nombreuses questions matériaux d’origine naturelle ou sur les effets des NM manufactu-
scientifiques sont non résolues : anthropique (non intentionnelle rés chez l’homme (nombreuses
identification des métiers à risque, ou manufacturée) contenant des recherches expérimentales chez
risques émergents, relation dose- particules dont plus de 50 % ont l’animal). Les effets très variables
effet, pathogénie, transmission une taille de 1 à 100 nm : nanofeuil- dépendent de divers détermi-
transgénérationnelle, interactions lets à 1 dimension, nanotubes à 2 nants : facteurs liés à l’organisme
de substances reprotoxiques et ni- dimensions, nanoparticules (NP) à exposé (susceptibilité individuelle,
veau de causalité ou d’association. 3 dimensions. interactions avec les organes), fac-
O Investigue-t-on la bonne pé- Les sources d’émission sont natu- teurs liés à l’exposition (sources :
riode ? Parmi les phases critiques, relles (feu de forêt, éruption vol- aérosols ± particulaires, intensité
il y a les périodes pré / péri-concep- canique), non intentionnelles (gaz de l’exposition, durée de l’exposi-
tionnelles et l’allaitement, mais d’échappement, fumée de tabac / tion, co-expositions ; voies d’expo-
il existe un délai entre le désir de soudage / cuisson) et manufac- sition : respiratoire, cutanée et di-
grossesse, le diagnostic et la décla- turées (engouement s’expliquant gestive). La déposition respiratoire
ration de grossesse, puis l’informa- par les propriétés physiques et les dépend de la taille et de la forme
tion du médecin du travail. applications industrielles) : nano- des NM, de l’anatomie des voies aé-
O Cible-t-on la bonne population ? tubes de carbone – NTC (raquette riennes, du mode ventilatoire et du

146 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


niveau d’effort. Elle implique l’im- cité. Ces effets dépendent grande- by design » pour produire des NM
pact des mouvements browniens. ment du type de NM et de ses ca- utiles et sûrs.
L’internalisation des NM s’opère ractéristiques physico-chimiques.
via les macrophages alvéolaires. Le nombre d’études chez l’homme
Une translocation systémique a paraît faible. La caractérisation a
été mise en évidence chez les rats été insuffisamment approfondie DÉMARCHE
exposés, avec passage des voies (phénomène de coating, photoréac- D’IDENTIFICATION DES
aériennes vers le sang, le cœur, le tivité, granulométrie). Le problème PRODUITS DANGEREUX
foie et les reins. Les effets des NM des doses employées subsiste. Les ET EXTRAPOLATION DES
pourraient donc être locaux (pneu- effets à long terme sont méconnus RÉSULTATS PAR SECTEUR
mocytes) et systémiques. (inflammation chronique, stress D’ACTIVITÉ
Les autres voies de pénétration oxydant, fibrose). Il convient de B. Simonneau, N. Moreau, C. Bartat,
seraient la voie cutanée (transder- conserver une grande prudence Santé Travail Cholet Saumur,
mique ou pilo-sébacée) et digestive dans l’interprétation des études en Présanse Pays de la Loire.
(ingestion directe, clairance muco- nanotechnologie (données contex-
ciliaire et déglutition secondaire). tuelles, extrapolation à l’homme, Le service Santé Travail Cholet
Un facteur déterminant des effets risque émergent, principe de pré- Saumur (STCS) prend en charge
toxicologiques seraient les carac- caution). Une difficulté majeure est 7 225 adhérents, avec 78 832 sala-
téristiques physico-chimiques des d’identifier les NP dans l’entreprise. riés. Un projet de service a été
NM : taille, forme, charge, compo- En métrologie, aucune VLEP n’est initié en 2013 pour identifier les
sition, solubilité, structure cristal- établie en France. La prévention produits chimiques, en collectant
line, aire de réactivité, revêtement technique revêt une importance les fiches de données de sécurité
de surface, agrégation/agglomé- cruciale : travail en milieu liquide, (FDS) pour analyser les informa-
ration. La réactivité de surface vase clos, EPC/EPI. Il importe tions et conseiller les adhérents. La
impacte les propriétés inflam- d’adopter une approche de pré- méthode reposait sur des moyens
matoires. Les mécanismes d’inte- caution en équipe pluridiscipli- humains (un comité de pilotage
raction des NM avec les cellules naire : évaluation des risques – COPIL, un groupe d’analyse des
humaines qui induisent une toxi- (identification, caractérisation FDS, les équipes médicales et le
cité potentielle sont entre autres : physico-chimique, connaissances pôle prévention), ainsi que des
la génération de formes réactives toxicologiques), prévention tech- outils informatiques : « Colibrisk »
d’oxygène, l’adsorption de pro- nique (formation, information, (édition d’exports synthétiques),
téines, la phagocytose « frustrée » réduction du niveau d’exposition « Super-Colibrisk » (analyse sta-
et la dégradation des NM. en respectant le principe ALARA tistique) et l’intranet (partage et
Les mécanismes d’interaction « As Low As Reasonably Possible », archivage). Le COPIL priorisait les
avec le vivant sont multiples (in- métrologie, équipements de pro- secteurs d’activité, le groupe d’ana-
flammation, génotoxicité, stress tection collective et individuelle). lyse émettait des alertes (si danger
oxydatif, altération des molécules Actuellement, aucun consensus majeur) et le pôle prévention pro-
endogènes) et peuvent conduire à n’encadre précisément les modali- posait un accompagnement des
une toxicité ou non selon le NM : tés du suivi médical. Il faut adapter adhérents, dans la prévention du
cancérogénèse (TiO2 et NTC de celui-ci aux connaissances toxico- risque chimique. L’outil « Colibrisk »
type MWCNT-7, classés groupe 2B logiques relatives aux NM. Une a été développé par la Fédération
par le CIRC), remodelage tissulaire spirométrie de référence pourrait des SSTI des Pays de la Loire. Il s’agit
(fibrose pulmonaire, athérome, être demandée au cas par cas. La d’un fichier Excel permettant de
thrombose, troubles du rythme), biométrologie reste, à ce jour, peu collecter et d’analyser les données
effet immunomodulateur et im- utilisée en routine. Il convient utiles à l’évaluation, ainsi qu’à la
pacts sur la reproduction. d’assurer l’éviction des femmes traçabilité du risque chimique
Les effets toxicologiques observés enceintes. La traçabilité des don- (www.risquechimiquepaysdelaloire.
chez l’animal sont une toxicité nées médicales et d’exposition est org).
pulmonaire, cardiovasculaire, der- fondamentale et doit être archivée Mille six cents adhérents ont été
mique et systémique, ainsi qu’une dans le DMST. Enfin, il convient de sollicités dans les secteurs prio-
immunotoxicité et une génotoxi- développer une approche « safe risés : garages, industrie, BTP et

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services. Près de 15 000 FDS ont par an entre 2008 et 2014. En 2005, nure d'hydrogène (produits électro-
été transmises par 504 adhérents une recommandation de l’Orga- niques), la chloropicrine (résines), le
depuis 2014. L’analyse des FDS com- nisation des Nations Unies pour formaldéhyde (textiles), le benzène
portait notamment : synthèse des l’agriculture et l’alimentation (FAO) (caoutchouc), le toluène (embal-
dangers des produits, conseils pour encadre l’utilisation du bromomé- lages), le styrène (objets décoratifs),
la substitution des CMR, conseils thane, ou des autres traitements le xylène (isolants), le monoxyde
aux femmes enceintes ou en âge du bois utilisés lors du transport de carbone (jouets) et le gaz carbo-
de procréer (selon les phrases de des marchandises par bateau. nique (divers produits).
risques), conseils en cas d’allergie Un rapport de l’Agence européenne Les trois recommandations prio-
cutanée (recommandations selon pour la santé et la sécurité au tra- ritaires concernent l’étiquetage
les substances sensibilisantes), vail examine les risques potentiels (signalétique à utiliser par les ex-
aide pour la caractérisation des pour la santé et la sécurité, liés à la péditeurs, armateurs et salariés),
expositions (métrologie d’atmos- manutention des conteneurs fumi- la non-ouverture avant mesurage
phère et biométrologie). gés à l’aide de pesticides dans les et ventilation, ainsi que les procé-
L’exploitation des résultats par ports (Handling fumigated contai- dures évaluant la concentration
secteur d’activité a utilisé le com- ners in ports — health risks and pre- des gaz toxiques.
pilateur « Super-Colibrisk » pour vention practices – EU OHSA 2018). L’évaluation du risque va dépendre
repérer les dangers prépondérants Les principaux fumigants employés de l’origine du container (pays,
et identifier les substances préoc- sont le bromométhane, la phos- fournisseur), de la nature des
cupantes. Des tableaux de bord ont phine, le formaldéhyde (CIRC 1), marchandises transportées, de la
été réalisés par secteurs : nombre la chloropicrine (utilisation en fumigation éventuelle et des gaz
de FDS, produits et substances hausse), le 1,2-dichloroéthane (CIRC 2. Ouvrir et potentiellement présents 2. Toutes
par risque. Des représentations 2B) et l’oxyde d’éthylène (CIRC 1, uti- dépoter un les étapes doivent être surveillées :
graphiques figuraient les risques lisation en hausse depuis 2010). Le conteneur en zone de départ, transport mari-
sécurité. Éditions
par secteurs. Les secteurs étaient bromométhane est utilisé à visée time, déchargement portuaire,
INRS,
regroupés par codes NAF (nomen- pesticide (traitement des condi- ED 6249. Paris. zone logistique, transport terrestre
clature d’activité française). tionnements en bois). 2016 ; 24 p. et et commercialisation.
Cette démarche est chronophage La sinistralité concerne tous les Dépoter un Le rôle de l’information et de la for-
et réclame des moyens humains maillons de la chaîne de transport, conteneur - les mation des salariés occupe dans ce
4 étapes pour
importants. Les aspects positifs à bord des navires (1 marin décédé domaine une place maîtresse.
intervenir en
sont la pluridisciplinarité, la for- au large de Brest en 2008), dans sécurité. Éditions
mulation de conseils pertinents à les ports (céphalées de douaniers INRS ED 6194.
l’entreprise et aux salariés, le ren- au Havre en 2000, troubles neu- Paris. 2018,
seignement de la fiche d’entreprise, ropsychiques séquellaires chez dépliant 3 volets. ALGUES EN
la possibilité d’alerter en cas d’évo- des dockers à Rotterdam en 2007, DÉCOMPOSITION ET
lution de la classification, ainsi que irritations respiratoires et ocu- TRAVAILLEURS : NÉCESSITÉ
la communication auprès des ad- laires chez des manutentionnaires DE COOPÉRATION ENTRE
hérents d’un secteur d’activité sur à Hambourg de 2006 à 2010) et au PRÉVENTEURS –
les dangers particuliers identifiés. cours du transport terrestre (irrita- ENSEIGNEMENTS ET
tions respiratoires, vomissements PERSPECTIVES
chez des routiers à Rotterdam ; irri- L. Marescaux, DIRECCTE Bretagne
tations oculaires, céphalées, pares-
ACTUALITÉS EN thésies apparues chez des déména- Chaque été depuis plus de 30 ans,
TOXICOLOGIE MARITIME geurs parisiens en 2012). les côtes françaises (en particulier
D. Lucas, CHU Brest, Société fran- Un état des lieux des conteneurs sur le littoral breton) sont réguliè-
çaise de médecine maritime maritimes en France, effectué par rement touchées par des « marées
l’INRS en 2013, concluait à la pré- vertes ». Les causes évoquées de
Le transport maritime s’effectue sence de gaz toxiques à des taux celles-ci sont un excès de nitrates
essentiellement par porte-conte- supérieurs aux VLEP pour la phos- apportés par les activités humaines
neurs (14 %) et par vraquiers (41 %). phine (bois), le bromométhane et une configuration physique
Le nombre de containers transpor- (chaussures), le fluorure de sulfu- des baies favorisant la proliféra-
tés est passé de 500 à 700 millions ryle (denrées alimentaires), le cya- tion des algues. La typologie des

148 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


algues comporte les sargasses, les du GT ont consisté en la sensibilisa- travail, marqué par une présomp-
algues vertes du genre Ulva « lai- tion des collectivités et entreprises, tion d’aptitude dans le cadre des
tue de mer » en Bretagne, ainsi la rédaction d’un référentiel de for- visites d’information et de pré-
qu’un mélange d’algues rouges et mation, le contrôle par l’Inspection vention (VIP). Est aussi apparue
brunes en Normandie. Des toxines du travail, l’implication des SST, une notion « d’aptitude », devenue
sont libérées par la croissance du des campagnes de mesures et de « sécuritaire » puisque réservée
phytoplancton. La prolifération est prélèvements. Un guide pratique à des risques particuliers notam-
favorisée par l’eau douce et les sites pour la protection des travailleurs ment pour les « tiers ». Divers types
peu dispersifs (moindres courants a été rédigé. Il comportait les prin- de suivi ont été instaurés selon
marins). Les facteurs favorisants cipes de prévention applicables les risques et les situations médi-
sont l’azote (nitrate, ammonium), et 15 fiches pratiques : ramassage cales des salariés, avec l’interven-
la sensibilité des sites, les niveaux manuel, chargement, mélange, tion d’acteurs distincts et l’édition
d’actions mises en place et le temps entreposage, épandage, balisage, de documents différents selon le
de réponse des milieux (plusieurs traitement et travaux sur vasières. type de suivi. Une liste limitative
années). Les principaux enseignements de indique les risques et les postes
En Bretagne, des mesures dans les cette action sont l’apport de la pré- nécessitant un examen médical
dépôts pourrissants encroûtés ont vention collective, ainsi que l’enjeu d’aptitude, définie aux alinéas 1 et 2
identifié deux polluants : l’ammo- de l’efficacité de la prévention indi- de l’article R. 4624-23, avec un ajout
niac et l’hydrogène sulfuré (H2S). viduelle. Le GT qui a atteint ses possible de postes de travail (alinéa
Au niveau régional, un groupe de objectifs a été mis en stand-by, avec 3) qui relève uniquement de l’em-
travail (GT) en santé travail a été poursuite des actions de sensibi- ployeur, après avis du MT et du CSE.
constitué, incluant : la DIRECCTE lisation et de contrôle. La nouvelle Un groupe de travail pluridisci-
de Bretagne, les SST, la CARSAT, le version du guide en 2016 est utilisée plinaire a été mis en place en Bre-
Centre d’étude et de valorisation (Antilles) et est souvent citée tagne, coordonné par les médecins
des algues (CEVA), l’Agence régio- comme référence. On note que inspecteurs régionaux du travail
nale de santé (ARS), l’Observatoire les préventeurs ne sont pas orga- (MIRT), autour de la question du
régional de la santé (ORS). Au nisés pour faire face à un risque nouveau suivi en santé au travail
niveau national, plusieurs actions émergent atypique. Les auto-sai- et plus particulièrement de cette
ont été entreprises : une mission sines de l’ANSES sont rares. C’est nouvelle opposition « aptitude » vs
interministérielle avec un rapport pourquoi la veille des acteurs de « pas d’aptitude ».
en 2010, un plan quinquennal de terrain reste indispensable. Indé- Le questionnement portait sur la
lutte contre les algues vertes, une pendamment des institutions, les pertinence d’utiliser l’alinéa 3, en
saisine de l’ANSES. La DIRECCTE préventeurs doivent être proactifs cas de risques particuliers pour la
Bretagne et l’ANSES ont signé une dans la recherche de solutions de sécurité des tiers. L’objectif était de
convention sur le suivi des tra- prévention. construire un consensus régional
vailleurs exposés. Les référentiels sur la classification des postes en
de prévention bretons sont repris SIR, au titre de l’alinéa 3 de l’article
dans le rapport. L’information du R. 4624-23, en proposant une ré-
public par l’ARS a nécessité le dé- POSTES À RISQUE POUR flexion sur le concept d’aptitude et
ploiement de 40 000 dépliants, 550 LES TIERS HORS SIR 1 sa place en santé au travail. Les des-
affiches et 220 panneaux. E T SIR 2 : QUE L SUI V I tinataires des recommandations
L’action partenariale en santé tra- POUR LES SAL ARIÉS ? émises étaient principalement les
vail retrouvait les polluants connus R E C O M M A N D AT I O N S SST bretons et pour information,
(H2S). Elle s’intéressait au repérage D’UN GROUPE DE TRAVAIL les autres acteurs de la prévention
des expositions et aux mesures à RÉGIONAL en milieu professionnel.
construire pour assurer la sécurité T. Bonnet, L. Marescaux, D. Pei- Après une information préalable,
des travailleurs (ramassage, trans- rone, DIRECCTE Bretagne un GT régional pluridisciplinaire
port et traitement des algues). Trois issu des SSTI et des SSTA a été
axes ont été définis par le GT régio- Un changement de paradigme s’est constitué. Un rapport synthétisant
nal : élaboration de recommanda- produit avec le décret n° 2016-1908 les thèmes abordés a été rédigé à
tions, référentiel de formation et du 27 décembre 2016, relatif à la la suite d’une large enquête sur la
suivi des travailleurs. Les actions modernisation de la médecine du perception de la problématique,

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 149


SUIVI POUR VOUS
Toxicologie en santé au travail
Journées de la Société de médecine
et de santé au travail de l’Ouest en
partenariat avec la SFMT

par les entreprises, de l’approfon- primaire et de maintien en emploi


dissement de la notion de FdR est possible. Elle nécessite un bon
individuels sur la sécurité, d’une fonctionnement de l’équipe pluri-
réflexion sur les enjeux de la clas- disciplinaire et des protocoles ad
sification en SIR3, d’un question- hoc. La formation des IDEST à l’uti-
nement sur les modalités de suivi lisation d’outils cliniques validés
adapté pour les différents métiers (questionnaires…) et à la clinique
à risque, ainsi qu’un argumentaire médicale du travail (dans le cadre
sur l’aptitude médicale basé sur la de protocoles co-construits) pour-
littérature (références indexées sur rait permettre un suivi de qualité,
Medline et Cochrane). même en situation à risque élevé
Il ressort que l’aptitude n’est pas (telles que les transports).
prédictive de l'évolution de l’état de Au total, la classification en SIR ou
santé du salarié exposé. Elle n’est VIP semble être sans fondement
pas un outil de prévention : pas scientifique, ni intérêt préventif
de baisse observable de sinistra- majeur en santé au travail. Un suivi
lité. L’(in)aptitude interroge l’état de qualité en santé au travail peut
de santé et peu les contraintes du s’organiser pareillement dans les
poste : il semble que ce soit au tra- deux dispositifs. La question de
vailleur d’être adapté à son poste l’avis d’aptitude ne paraît pas cen-
et non l’inverse (constat factuel en- trale pour la réalisation des mis-
trant en contradiction avec l’esprit sions des SST. Au contraire, cet avis
de la loi et les principes édictés – Cf. est susceptible d’entrer en contra-
article 4121-2 du CT). diction avec ces dernières (sélec-
Dix recommandations ont été tion involontaire, caractère fausse-
émises. Le médecin du travail ment rassurant). La qualité du suivi
a bien un rôle de conseiller de dépend surtout de l’implication
l’employeur concernant la classi- synergique de l'ensemble des ac-
fication en SIR 3, en se basant sur teurs engagés dans les démarches
sa connaissance de l’entreprise, de prévention.
le contenu de la FE et du DUERP,
ainsi que les protocoles au sein
de l’équipe pluridisciplinaire qu’il
anime et coordonne. L’avis d’apti-
tude, seule divergence vraie entre
les suivis renforcé et non renforcé,
n’est qu’un document juridique op-
posable, mais il ne dégage en rien
la responsabilité de l’employeur
en matière d’évaluation et de pré-
vention des risques. L’absence de
caractère contestable des attesta-
tions de suivi (en l’absence de pré-
conisations d’aménagements) ne
constitue pas un problème en soit,
l’employeur ou le salarié pouvant
solliciter d’autres visites autant
que de besoin. La mise en place
d’un suivi individuel adapté per-
tinent en matière de prévention

150 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


TP 32
MISE AU POINT

Benzodiazépines
et travail
AUTEUR :
P. Hache, Département Études et assistance médicales, INRS

en
résumé © Rodolphe Escher pour l'INRS

Les benzodiazépines font MOTS CLÉS psychotropes, à travers l’enquête


partie des médicaments Addiction / DONNÉES GÉNÉRALES du Baromètre santé 2010 [4]. Les
psychotropes les plus Médicament / résultats montrent que 35,1 % de la
consommés en France. Substance psycho- BENZODIAZÉPINES ET population de 18 à 64 ans déclarent
active /
Cette revue de la littérature Toxicomanie
APPARENTÉS avoir expérimenté les médica-
fournit différentes données Les benzodiazépines sont des mo- ments psychotropes au cours de
sur l’usage et l’impact lécules agissant sur les récepteurs leur vie, et 17,5 % en ont consommé
des molécules à visée GABAergiques des neurones. Elles au cours de l’année écoulée. Les
anxiolytique et hypnotique, possèdent des propriétés anxioly- femmes sont davantage concer-
afin que les médecins tiques, hypnotiques, amnésiantes, nées que les hommes au cours de
du travail puissent myorelaxantes, anticonvulsivantes la vie (42,8 % vs 26,9 %).
proposer des mesures de et orexigènes, qui s’expriment de Selon la classe de médicament, les
prévention, tant sur le plan manière plus ou moins prononcée données de prévalence d’usage au
collectif qu’individuel. d’une molécule à l’autre [1, 2]. cours de l’année révèlent que les
Le zopiclone et le zolpidem sont anxiolytiques sont les premiers
deux molécules différentes des consommés (10,4 %), suivis par les
benzodiazépines, mais agissant somnifères (6,3 %) et les antidé-
également sur les récepteurs GA- presseurs (6,2 %).
BAergiques. Ces médicaments psy- L’Agence nationale de sécurité
chotropes sont utilisés en raison de du médicament (ANSM) a publié
leur propriété hypnotique. Ils sont en 2017 un état des lieux de la
donc considérés comme « apparen- consommation des benzodiazé-
tés aux benzodiazépines » [3]. pines et apparentés en France
L’ensemble des 20 benzodiazépines [3]. Des données issues de 8 pays
et apparentés commercialisés en européens montrent que notre
France est détaillé dans le tableau I, pays se situe au deuxième rang en
page suivante. matière d’usage de ces molécules,
derrière l’Espagne. L’Allemagne et
CONSOMMATION EN le Royaume-Uni occupent les der-
POPULATION GÉNÉRALE nières places de ce classement,
En 2010, l’Institut national de pré- avec des niveaux de consommation
vention et d’éducation pour la san- qui sont plus de 4 fois inférieures à
té (INPES, devenu Santé Publique ceux de la France.
France) s’est intéressé à l’usage Depuis 2000, l’usage de benzodia-
de l’ensemble des médicaments zépines diminue en France, cette

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 151


MISE AU POINT
Benzodiazépines et travail

,Tableau I

> BENZODIAZÉPINES ET APPARENTÉS COMMERCIALISÉS EN FRANCE EN 2015 (d'après [3]).


Substance active Noms des spécialités commercialisées Classe Demi-vie (h)
Anxiolytiques
Alprazolam XANAX® et génériques Anxiolytique 6 - 18
Bromazépam LEXOMIL® et génériques Anxiolytique 8 - 20
URBANYL®
Clobazam Anxiolytique 10 - 31
LIKOZAM®
Clorazépate potassique TRANXENE® Anxiolytique 2
®
Clotiazépam VERATRAN Anxiolytique 4
Diazépam VALIUM® et génériques Anxiolytique 15 - 60
Ethyl loflazépate VICTAN® Anxiolytique 73 - 119
Lorazépam TEMESTA® et génériques Anxiolytique 9 - 20
®
Nitrazépam NORDAZ Anxiolytique 17 - 48
Oxazépam SERESTA® et génériques Anxiolytique 4 - 11
®
Prazépam LYSANXIA et génériques Anxiolytique 1,3
Hypnotiques
Estazolam NUCTALON® Hypnotique 10 - 31
Loprazolam HAVLANE® Hypnotique 3,3 - 14,8
Lormétazépam NOCTAMIDE® et génériques Hypnotique 10
Midazolam génériques Hypnotique 1-4
Nitrazépam MOGADON® Hypnotique 17 - 48
Apparentés aux benzodiazépines
STILNOX®
Zolpidem EDLUAR® Hypnotique 0,7 - 3
génériques
Zopiclone IMOVANE® et génériques Hypnotique 5
Anticonvulsivants
Clonazépam RIVOTRIL® Antiépileptique 19 - 60
®
Midazolam BUCCOLAM Antiépileptique 1-4

baisse étant plus prononcée pour çaise), suivie du zolpidem (3,1 %) et RISQUES
les molécules à visée hypnotique du bromazépam (2,7 %) ;
que celles à visée anxiolytique. O la prévalence d’utilisation des TOLÉRANCE, PHARMACO-
Cependant, l’ANSM souligne que benzodiazépines anxiolytiques ou DÉPENDANCE ET SEVRAGE
le nombre d’usagers reste élevé : hypnotiques est plus élevée chez La tolérance, i.e. la nécessité d’aug-
en 2015, 10,3 % de la population les femmes (16,6 %) que chez les menter la posologie pour obtenir
française a eu recours à une ben- hommes (9,7 %), quel que soit l’âge ; les mêmes effets, est un phéno-
zodiazépine anxiolytique, 5,6 % à O 65 % des usagers prévalents de mène qui s’observe avec toutes les
une benzodiazépine hypnotique et benzodiazépines sont des femmes benzodiazépines et les médica-
0,2 % à une benzodiazépine anti- d’âge médian de 57 ans. Toutefois, ments apparentés [5]. Elle peut ap-
convulsivante (clonazépam). De il est noté que les nouveaux uti- paraître au bout d’une semaine ou
même, il est à noter que : lisateurs de ces molécules anxio- d’un mois de traitement, notam-
O l’alprazolam est la molécule la lytiques et hypnotiques sont plus ment pour les propriétés anxioly-
plus utilisée en matière de préva- jeunes, avec un âge médian de 49 tiques et hypnotiques.
lence (3,8 % de la population fran- ans.

152 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


La dépendance aux benzodiazé- apparentés [3, 7, 8]. Tous les conduc- ,Figure 1
pines semble difficile à évaluer. Il teurs sont concernés, quel que soit
est nécessaire de tenir compte du leur âge. Le risque d’accident est
contexte sociodémographique et plus élevé lors de la mise en route
du contexte d’usage (médicament du traitement [4].
prescrit ou non, dommages asso- Certaines études semblent mon-
ciés) [4]. D’autres facteurs peuvent trer que les médicaments à demi-
également intervenir : la durée du vie courte sont moins accidento-
traitement, la dose utilisée et les gènes que ceux à demi-vie longue
antécédents d’autres dépendances [7]. Toutefois, ceci n’est pas retrouvé
médicamenteuses ou non (alcool), dans d’autres travaux. logie élevée et traitement débuté
l’association de plusieurs benzo- L’étude CESIR (Combinaison depuis moins de 2 semaines [5].
diazépines… [3]. À titre d’exemple, d’études sur la santé et l’insécurité
l’Institut national de la santé et de routière) s’intéresse à la prise de ATTEINTE DES FONCTIONS
la recherche médicale (INSERM), médicaments chez les conducteurs COGNITIVES ET PSYCHOMOTRICES
à travers une expertise collective impliqués dans des accidents rou- Des troubles de l’attention, de la
consacrée à la pharmacodépen- tiers survenus en France. Les résul- concentration et de la mémoire
dance, rapporte les résultats d’une tats montrent que l’exposition des peuvent apparaître [5]. Néanmoins,
étude française auprès d’une po- conducteurs aux benzodiazépines des effets similaires peuvent égale-
pulation dont 80 % des patients et apparentés augmente signifi- ment exister en l’absence de traite-
présentent des affections psychia- cativement le risque d’accident ment chez des patients présentant
triques handicapantes pour la vie avec un odds ratio ajusté OR = 1,2 une anxiété ou une insomnie.
sociale. Chez ces sujets, le taux de [IC 95 % = (1,10 – 1,31), p<0,0001] Une amnésie antérograde et une
dépendance aux benzodiazépines (ajustement sur le sexe, la catégo- atteinte de la mémoire verbale
est de 50 % [4]. rie socioprofessionnelle, la classe peuvent exister. Elles se réduisent
Le sevrage, ou plus précisément le d’âge, l’heure et la localisation de partiellement avec la poursuite du
syndrome d’interruption du traite- l’accident, le type de véhicule, la traitement.
ment, constitue un obstacle impor- gravité des blessures…) [3]. L’ANSM Des cas de somnolence, de comas
tant à l’arrêt des benzodiazépines rapporte qu’environ 80 % des acci- et de convulsions existent [3].
et apparentés. Il apparaît dans les dents de la route attribuables à la Une dystonie ou un trouble de la
3 à 7 jours après l’arrêt du médica- prise de benzodiazépines sont liés coordination peut survenir dans les
ment, voire moins en cas de benzo- aux molécules à visée anxiolytique heures qui suivent la prise de ben-
diazépine à demi-vie courte [6]. À [3]. zodiazépines [3].
l’arrêt du traitement, la symptoma- Dans ce cadre, ces médicaments L’installation d’une démence
tologie initiale peut réapparaître psychotropes ont été classés en d’Alzheimer chez des personnes de
(anxiété, insomnie…) mais peut être niveau 3 par l’arrêté du 13 mars plus de 65 ans est discutée en cas de
parfois sévère et douloureuse, asso- 2017 relatif à l'apposition d'un pic- traitement supérieur à 3 mois avec
ciant également tremblements, togramme sur le conditionnement des molécules à demi-vie longue
tachycardie, sueurs, troubles de la extérieur de certains médicaments [5]. De même, il existe un risque de
perception, dysphorie, myoclonies et produits. Aussi, l’ensemble des développer une maladie de Parkin-
et convulsions [5]. Chez les sujets benzodiazépines et apparentés son. Ceci a été observé chez des su-
âgés, les symptômes les plus fré- portent l’inscription « Attention, jets d’âge moyen d’environ 50 ans,
quents sont les syndromes confu- danger : ne pas conduire. Pour la re- après l’usage de zolpidem durant
sionnels et désorientation avec ou prise de la conduite, demandez l’avis plus de 90 jours.
sans hallucination [6]. d’un médecin » (figure 1).
UNE PRESCRIPTION
RISQUE ROUTIER RISQUE DE CHUTE ENCADRÉE
La prise de benzodiazépines, Les benzodiazépines peuvent aug- Afin de réduire les risques liés aux
qu’elles soient à visée anxioly- menter le risque de chute, d’envi- benzodiazépines et apparentés,
tique ou hypnotique, augmente le ron 40 %, chez les sujets âgés de une réglementation et des recom-
risque d’accident routier. Il en est plus de 60 ans. Deux facteurs favo- mandations accompagnent leur
de même pour les médicaments risants peuvent être cités : poso- prescription.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 153


MISE AU POINT
Benzodiazépines et travail

RÉGLEMENTATION tion d’une irritabilité et d’un com- similaires dans un hôpital pédia-
Sur le plan réglementaire, l’arrêté portement agressif, avec passage trique. Dans cet établissement,
du 7 octobre 1991 modifié fixe la à l’acte, chez certaines personnes 25 % (n = 193) des personnels ont
liste des substances de la liste I des [10] ; consommé au moins une fois un
substances vénéneuses à proprié- Oles opiacés. Cette association ma- médicament psychotrope [14].
tés hypnotique et/ou anxiolytique jore la somnolence et la dépression L’usage d’anxiolytiques n’est pas
dont la durée de prescription est respiratoire, ce qui peut aboutir à significativement différent chez les
réduite. À titre d’exemple, cette une overdose [11]. hommes et chez les femmes. Par
limitation est de 12 semaines pour contre, une différence significative
l’alprazolam, tandis qu’elle est de est observée quant à la consomma-
4 semaines pour le zopiclone et le tion d’hypnotiques (17 % chez les
zolpidem. DONNÉES EN MILIEU DE femmes vs 8 % chez les hommes,
TRAVAIL p < 0,003).
RECOMMANDATIONS Au sein des armées françaises,
De manière générale, il est conseil- ÉPIDÉMIOLOGIE Desjeux et al. rapportent que 3 %
lé d’envisager les approches non des militaires ont consommé des
médicamenteuses (hygiène de vie, NIVEAUX DE CONSOMMATION hypnotiques en 2005 [15]. Cet
hygiène du sommeil, techniques de La revue de la littérature n’a pas usage concerne principalement les
relaxation, psychothérapies…) avant permis d’obtenir la prévalence femmes de plus de 50 ans.
de prescrire une benzodiazépine (ou de travailleurs consommant des
médicament apparenté) à visée an- benzodiazépines. Toutefois, les LIEN ENTRE FACTEURS LIÉS AU TRA-
xiolytique ou hypnotique [1]. Dans enquêtes des années 2010 et 2014 VAIL ET CONSOMMATION DE BEN-
l’hypothèse où une prescription est du Baromètre santé fournissent ZODIAZÉPINES
nécessaire, il est essentiel d’envisa- des renseignements quant aux Plusieurs études épidémiologiques
ger avec le patient les éventuels ef- consommations de médicaments ont montré que les consomma-
fets indésirables et d’anticiper l’ar- psychotropes en fonction du genre tions, par les travailleurs, de subs-
rêt du traitement médicamenteux. et de la catégorie socio-profession- tances psychoactives ont une ori-
Toutefois, certains patients béné- nelle (tableau II) [12]. Il est observé gine mixte, relevant de la vie privée
ficient, de longue date, d’une pres- un usage plus important chez les et de la vie professionnelle [12, 16].
cription de benzodiazépines. Aussi, femmes pouvant concerner, sur Parmi les facteurs liés au travail,
en 2015, la Haute Autorité de santé l’année précédant l’enquête, 30 % peuvent être cités : le stress, les
(HAS) a publié une Fiche mémo des personnes dans la catégorie horaires atypiques, les mauvaises
intitulée « Arrêt des benzodiazé- « artisans, commerçants et chefs relations au travail, les contraintes
pines et médicaments apparentés : d’entreprise ». Chez les hommes, liées à un poste de sécurité…
démarche du médecin traitant en cette prévalence est supérieure à En raison de leurs propriétés anxio-
ambulatoire » [9]. Celle-ci s’appuie 12 % chez les ouvriers, les employés, lytiques, les benzodiazépines sont
en partie sur des recommanda- les professions intermédiaires et souvent prescrites afin de réduire
tions de bonne pratique publiées les cadres. des symptômes en lien avec les
en 2007 [6]. Plusieurs étapes sont facteurs de risques psychosociaux
conseillées afin d’arrêter, sur une Quelques études fournissent des [17, 18].
durée d’environ 4 à 10 semaines, données sur certains secteurs d’ac- En France, à l’aide des données de
un traitement au long cours : inter- tivité. la cohorte CONSTANCES, Airagnes
vention brève, consultation d’arrêt, En milieu de soins, Orset et al. ont et al. ont étudié le risque de mésu-
consultations de suivi après l’arrêt. interrogé de manière anonyme 7 % sage des benzodiazépines chez les
Une prise en charge pluridiscipli- de l’effectif d’un centre hospitalier travailleurs exerçant au contact
naire peut être nécessaire. universitaire (n= 366 agents) situé du public [19]. Le mésusage est ici
Enfin, l’association de certaines en France. Parmi ces agents, 22,6 % défini par une consommation, sur
substances psychoactives avec les déclarent avoir consommé des mé- prescription médicale, dépassant
benzodiazépines est déconseillée. dicaments psychotropes au cours une durée de 12 semaines. Les
C’est le cas notamment pour : des 12 mois précédant l’enquête auteurs montrent que l’existence
O les boissons alcoolisées. En effet, [13]. Au Chili, Ansoleaga montre d’un stress lié au travail en contact
l’alcool peut potentialiser l’appari- des statistiques de consommation avec le public multiplie par 2,2 le

154 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


> TABLEAU II : CONSOMMATION DES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES CHEZ LES FEMMES (F) ET CHEZ LES HOMMES
(H) SELON LA CATÉGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE EN FRANCE EN 2014 (en %) (d’après [12]).

Alcool
Médicaments Ecstasy/
Tabac Alcoolisation Cannabis Cocaïne
psychotropes Amphétamines
(quotidien) Ivresse ponctuelle (année) (année)
Quotidien (année)* (année)
répétée importante
dans le mois
F H F H F H F H F H F H F H F H

Agriculteurs 21,0 20,8 7,4 21,7 0,0 6,2 4,7 27,9 13,1 5,0 2,8 2,6 1,0 0,0 0,0 0,0

Artisans, commerçants
31,3 34,4 8,7 17,1 3,0 17,3 4,9 34,0 30,0 2,8 4,8 11,6 0,0 1,3 0,0 0,6
et chefs d'entreprises

Cadres 17,7 19,9 2,5 9,1 6,9 14,1 9,0 23,4 14,0 12,1 6,7 10,9 0,6 0,6 0,3 0,6

Professions
22,7 31,5 2,4 9,1 5,3 13,9 7,3 24,2 25,2 13,7 6,1 13,9 0,4 0,4 0,3 0,5
intermédiaires

Employés 29,8 37,2 3,0 9,2 3,4 16,3 8,3 28,2 19,6 14,5 4,5 16,6 0,5 3,6 0,3 2,4

Ouvriers 28,8 44,6 0,8 13,3 2,7 14,4 12,5 32,4 20,3 13,7 0,2 13,1 0,5 0,9 0,1 0,7

Source : Baromètre santé 2014


* Données du Baromètre santé 2010.

risque de mésusage de benzodia- tives (cannabis…). Néanmoins, benzodiazépines au moins une fois
zépines chez les femmes (OR = comme pour tout produit psychoac- durant les 90 jours précédant leur
2,2 [IC 95 % = (1,8 – 2,8)]). Chez tif, un risque de perte de contrôle accident. Pour les opiacés, ce taux
les hommes, ce risque est de 1,6 existe à moyen ou long terme. est de 8,6 %.
(OR = 1,6 [IC 95 % = (1,4 – 1,9)]). Pour Palmer et al. ont étudié l’impact des
mémoire, d’autres travaux issus de BENZODIAZÉPINES ET ACCIDENTO- pathologies mentales et des traite-
la cohorte CONSTANCES ont mon- LOGIE AU TRAVAIL ments psychotropes en matière
tré que cette exposition au public À travers une revue de la littéra- d’accidentologie au travail [23]. À
augmente le risque de consomma- ture, il n’a pas été identifié, pour partir du registre du Clinical prac-
tion d’alcool, de tabac et de canna- la France, d’article fournissant des tice research datalink (Grande Bre-
bis [20]. statistiques d’accident du travail tagne), 8 000 dossiers ont été sélec-
Pour Hautefeuille, les addictologues en lien avec l’usage des benzodia- tionnés (1 348 cas et 6 652 témoins).
et les sociologues constatent que zépines. Les résultats montrent qu’en cas de
le recours aux médicaments psy- Aux États-Unis, Nkyekyer EW et al. pathologie mentale, l’odds ratio de
chotropes peut s’apparenter à un « ont étudié la prévalence de l’usage survenue d’un accident du travail
dopage au quotidien » [21]. Qu’il soit d’opiacés et/ou de benzodiazé- est de 1,44 [IC 95 % = (1,25 – 1,65)]. En
ou non sur prescription médicale, pines dans les jours précédant un présence d’une pathologie mentale
l’objectif de cet usage est de pou- accident du travail [22]. Ce travail en cours de traitement, l’odds ratio
voir rester enthousiaste au travail, a porté sur 313 543 dossiers de tra- est de 1,57 [IC 95 % = (1,36 – 1,81)]. Les
fiable et productif. Dans un premier vailleurs accidentés, les données auteurs concluent que ces données
temps, le recours à un médicament relatives à la prescription de médi- ne justifient pas l'exclusion de per-
psychotrope est invisible vis-à-vis caments psychotropes étant issues sonnes de l'emploi, d'autant plus
de l’entourage professionnel, ce qui du Washington state prescription qu'une évaluation individualisée
constitue un avantage par rapport monitoring program. Parmi ces peut révéler des facteurs atténuant
aux autres substances psychoac- salariés, 2,9 % ont consommé des le risque de blessure ou son impact.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 155


MISE AU POINT
Benzodiazépines et travail

QUEL RÔLE POUR LE SERVICE tions, l’existence d’un éventuel mé- cela est nécessaire, à proposer un
DE SANTÉ AU TRAVAIL ? susage, les thérapies associées et aménagement du poste de travail,
les éventuels effets secondaires. Il ou une adaptation du rythme du
Les missions des services de santé est également nécessaire d’évaluer suivi individuel. La SFA et la SFMT
au travail comprennent notam- le lien entre les différentes situa- recommandent que « cette décision
ment des actions à visée collective, tions de travail et la consommation /…/ prenne en compte le niveau de
sur le milieu de travail, et la surveil- de médicaments psychotropes, risque que cette consommation
lance de l’état de santé des travail- ainsi que des autres substances induit en milieu de travail, pour le
leurs. psychoactives. Ceci permettra de salarié ou son entourage. Elle doit
compléter les informations issues donc d’abord être guidée par la
ACTIONS À VISÉE de l’étude du poste de travail et de connaissance du poste de travail (en
COLLECTIVE proposer des actions de prévention pluridisciplinarité, le cas échéant). Le
Les benzodiazépines et apparen- tant au niveau collectif qu’indivi- maintien au poste doit être privilé-
tés sont majoritairement prescrits duel. gié... » [25]. Un échange avec le mé-
pour leurs propriétés anxiolytiques decin traitant peut être conseillé,
et hypnotiques. Leurs indications Au cours de la visite, des conseils en accord avec le travailleur.
peuvent, entre autres, relever de sont également à délivrer :
symptômes engendrés par les O éviter la prise de boissons alcoo-
risques psychosociaux (anxiété, lisées lors du traitement par benzo-
troubles du sommeil…). Aussi, il diazépines ; CONCLUSION
est conseillé que les actions de O être prudent en cas de consom-
l’équipe pluridisciplinaire de santé mation simultanée de benzodia- Près de 18 % de la population géné-
au travail portent sur la préven- zépines et d’opiacés, notamment rale consomme des médicaments
tion collective de ce type de risque, durant les premières semaines de psychotropes, au moins une fois
ainsi que sur la mise en place d’une traitement ; par an. Les benzodiazépines et
prise en charge des salariés en O être prudent lors des modifica- apparentés représentent une part
souffrance. tions de posologie du traitement importante de ces médicaments en
De même, en cas de travail en ho- par benzodiazépines, notamment raison de leurs propriétés anxioly-
raires atypiques, il revient au ser- lors de la conduite de véhicules ; tiques et hypnotiques.
vice de santé au travail de conseiller O éviter l’automédication ; À l’heure actuelle, il n’existe pas
l’employeur en matière de charge O contacter son médecin traitant, de statistiques relatives au niveau
de travail, d’horaires de début et de de même que son médecin du tra- d’usage des benzodiazépines en
fin de poste, de rotation des postes, vail, en cas de mauvaise tolérance milieu de travail. Néanmoins, il
d’organisation des pauses... du traitement. est intéressant de noter que la
De même, il convient de fournir consommation de médicaments
ACTIONS À VISÉE des informations aux salariés, tra- psychotropes concerne toutes les
INDIVIDUELLE vaillant en horaires postés et/ou catégories socioprofessionnelles.
La Haute autorité de santé (HAS), de nuit, sur l’hygiène de sommeil Bien qu’il existe une prédomi-
ainsi que la Société française et l’hygiène alimentaire. En 2012, nance pour le genre féminin, cet
d’alcoologie (SFA) et la Société l’HAS a labellisé des recommanda- usage n’est pas négligeable chez
française de médecine du travail tions de bonne pratique de la SFMT les hommes.
(SFMT), recommandent d’interro- intitulées « Surveillance médico- L’origine des usages de benzodia-
ger à chaque visite le salarié sur professionnelle des travailleurs pos- zépines et apparentés peut relever
l’ensemble de ses consommations tés et/ou de nuit » [26]. Les auteurs de facteurs individuels, mais aussi
de substances psychoactives : mé- ne recommandent pas la prescrip- de facteurs liés au travail tels les
dicaments psychotropes, alcool, tion de médicaments psychosti- risques psychosociaux. Ces derniers
cannabis… [24, 25]. mulants ou hypnotiques chez les interviennent également dans la
Cet entretien permet de connaître travailleurs postés et/ou de nuit. consommation d’autres substances
le motif de prescription des benzo- Enfin, à l’issue des différentes psychoactives (alcool, cannabis…).
diazépines et apparentés, la date étapes de la visite, les données Les benzodiazépines et apparentés
de début du traitement, ses évolu- recueillies peuvent amener, si peuvent être impliqués dans des ac-

156 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


cidents du travail. Cependant, l’ab- posé que l’équipe pluridisciplinaire
sence de traitement peut l’être éga- de santé au travail intervienne à 2
lement, particulièrement en cas de niveaux : sur le plan collectif, en par-
trouble de l’attention et de troubles ticipant à la prévention des risques
du sommeil liés à un syndrome psychosociaux et sur le plan indivi-
anxieux (cf. paragraphe Atteinte des duel, en favorisant le maintien dans
fonctions cognitives et psychomo- l’emploi du travailleur, en lien avec
trices, p. 153). Aussi, il peut être pro- son médecin traitant.

BIBLIOGRAPHIE
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QQQ

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 157


MISE AU POINT
Benzodiazépines et travail

BIBLIOGRAPHIE (suite)

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Opioid and Benzodiazepine Use 24 | Le dossier médical en santé des recommandations.

158 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


3
OUTILS
REPÈRES
P.  VOS QUESTIONS/NOS RÉPONSES

P. 2)315%3039#(/3/#)!58

-!23 201 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 15


QR 134

Vos questions / nos réponses

Dans Question/Réponse
Sieste et travail de nuit : quelles:
01-Titre
modalités 24ptde mise en œuvre ?
pratiques
Dans Question/Réponse : 01-Titre 14pt

Stéphane Weibel,
La réponse de Laurence Malard,département Études et
assistance
Départementmédicales deassistance
Études et l'INRS, et service prévention
médicales, INRS. de la Caisse de
retraite et de la santé au travail (CARSAT) Alsace-Moselle
Dans Question/Réponse : 04-Texte et pour le gras
Dans style de caractère Question/réponse 04-Texte
Bold
Dans une entreprise de 600 salariés fabricant resteront ancrés sur un mode diurne, évitant ainsi les
des papiers, le rythme de travail est de 2 matins états de désynchronisation interne.
(4h/12h), 2 après-midis (12h/20h) et 2 nuits (20h/4h). En revanche, cet ancrage sur le mode diurne a
L’ambiance est bruyante, la température élevée potentiellement des répercussions sur les niveaux de
et il y a des vibrations. La direction est favorable vigilance des agents pendant les périodes nocturnes
à l’instauration d’une sieste la nuit. Comment de travail. C’est pour prévenir ces hypovigilances
l’organiser au mieux (local, installation, matériel, nocturnes qu’il est recommandé – quand l’activité
type de fauteuil…) ? de travail le permet – une insertion de pauses
appropriées pour des temps de repos (micro-siestes de
Travailler de nuit n’est pas favorable à un 15-20 minutes). En effet, des recherches scientifiques
fonctionnement physiologique, psychologique et qui ont étudié les effets des micro-siestes nocturnes
social harmonieux et les effets sur la santé du travail sur les travailleurs de nuit mettent en avant des
de nuit sont aujourd’hui largement documentés [1]. effets positifs de la prise de repos durant le poste de
À ce jour, il n’existe pas de seuil d’exposition (nombre nuit avec une amélioration des niveaux de vigilance
de nuits acceptables, nombre d’années maximales pendant plusieurs heures [4, 5]. Cette pratique de
d’exposition au travail de nuit) identifié par les sieste courte permet de contrer la somnolence et les
études épidémiologiques [1]. Cependant, les études défauts de vigilance particulièrement présents en fin
expérimentales tendent à montrer qu’il faut un de nuit.
minimum de 3 nuits de travail consécutives avant Il n’y a pas de recommandation scientifiquement
d’altérer la phase du système circadien : en effet, validée et applicable à tous concernant les modalités
c’est à partir de la 3e nuit consécutive que des états de pratiques de mise en place d’une micro-sieste, mais
désynchronisation sont objectivés [2, 3]. Ce sont ces plutôt un ensemble de pratiques expérimentées
états de désynchronisation qui sont - parmi d’autres dans les entreprises et qui ont fait émerger quelques
mécanismes, notamment la dette de sommeil – recommandations.
actuellement suspectés comme étant à l’origine des La 1re recommandation est bien évidemment
troubles et pathologies des travailleurs de nuit [1]. d’associer le CHSCT/CSE et les salariés concernés à
Pour éviter ces états de désynchronisation, la laBIBLIOGRAPHIE
réflexion concernant ces modalités. En effet, les
préconisation de rotations très courtes (2-3 nuits expériences montrent que les lieux (salle dédiée ou
maximum) est proposée plutôt que l’instauration 1 | ETV
coin parDE
N STYLE exemple)
CARACTÈREet DOSSIER BIBLIOGRAPHIE
le matériel
DANS mis à disposition
d’un travail type 3x8 qui oblige le système (lit couché
ENCADRÉ : 01-T
ouEXTE CAP ROUILLE
fauteuil) Dans
varient Bibliographie
selon les entreprises
circadien à des rephasages toutes les 5 nuits et etEncadré 01-Texte
sont donc à En
contextualiser
syle de caractère afin
Dansd’en optimiser
dossier
expose périodiquement l’organisme à des états de l’utilisation.
Bibliographie Encadré : 01-Texte Ital
désynchronisation interne. La 2e recommandation est de formaliser une
Le travail de nuit tel que décrit ici avec des rotations 1 | EN STYLE DE
procédure deCARACTÈRE
« prise DANS
de sieste BIBLIOGRAPHIE
DOSSIER». Cette procédure
tous les 2 jours remplit ce critère et est donc, a priori, devra
ENCADRÉ : 01-Tla
définir CAP Rde
durée
EXTE Dans Bibliographie
la micro-sieste
OUILLE (en général
protecteur face aux états de désynchronisation Encadré
15-20 01-Texte En
minutes avec
syle un réveil Dans
de caractère pourdossier
faciliter le
interne. En effet, avec des rotations tous les 2 jours, « Bibliographie
lâcher priseEncadré
») ainsi que son
: 01-Texte Ital statut par rapport
la phase de l’horloge ne se décalera pas et les salariés aux pauses déjà prévues (à insérer dans une pause

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 161


VOS QUESTIONS / NOS RÉPONSES

déjà existante ou temps supplémentaire accordé BIBLIOGRAPHIE


par l’entreprise). La procédure devra également
définir les contours de son organisation en tenant
compte de l’activité (créneau horaire possible), du 1 | Évaluation des risques sanitaires liés au travail
nombre de collègues présents (roulement), de la de nuit. Avis de l’ANSES. Rapport d’expertise
validation (par un manager qui serait présent la collective. ANSES, 2016 (www.anses.fr/fr/content/
nuit ou simplement par l’information aux collègues l%E2%80%99anses-confirme-les-risques-pour-la-
présents). Afin d’encourager la pratique de cette sant%C3%A9-li%C3%A9s-au-travail-de-nuit).
micro-sieste, la formalisation devra s’accompagner 2 | WEIBEL L, GABRION I, AUSSEDAT M, KREUTZ G - Impact
d’une communication à l’ensemble des salariés afin of a fast rotating work schedule on biological rhythms
de vulgariser cette pratique qui est encore souvent in nurses: results from a field study. 8th Meeting Society
bien éloignée des cultures industrielles. for Research on Biological Rhythms. Jacksonville, USA,
En complément à ces préconisations, afin 20-26 Mai, 2002.
d’illustrer concrètement une pratique de micro- 3| JENSEN MA, GARDE AH, KRISTIANSEN J, NABE-NIELSEN K
sieste dans un milieu industriel, le témoignage ET AL. – The effect of the number of consecutive night
d’une entreprise ayant mis en place une micro- shifts on diurnal rhythms in cortisol, melatonin and
sieste peut être visualisé sur www.youtube.com/ heart rate variability (HRV): a systematic review of field
watch?v=qJ78YXFlgMY (présentation issue d’un studies. Int Arch Occup Environ Health. 2016 ; 89 (4) :
colloque sur les pratiques de prévention à Strasbourg 531-45.
en octobre 2018) [6]. 4 | BONNEFOND A, MUZET A, WINTER-DILL AS, BAILLOEUIL C
ET AL. - Innovative working schedule: introducing one
short nap during the night shift. Ergonomics. 2001 ; 44
(10) : 937-45.
5 | RUGGIERO JS, REDEKER NS - Effects of napping on
sleepiness and sleep-related performance deficits in
night-shift workers: a systematic review. Biol Res Nurs.
2014 ; 16 (2) : 134-42.
6 | WEIBEL L, BONTEMPS C, CHAIGNEAU V, JUNKER-MOISY L
ET AL. – Travail de nuit : quelles pratiques de prévention?
État des lieux en région Alsace. Vu du terrain TF 262. Réf
Santé Trav. 2018 ; 156 : 47-51.

POUR EN SAVOIR +
Travail de nuit et travail posté. INRS, 2017 (www.inrs.fr/
risques/travail-de-nuit-et-travail-poste/ce-qu-il-faut-retenir.
html).
Travail de nuit. Index de la revue de A à Z. Réf Santé Trav
(www.rst-sante-travail.fr/rst/header/sujets-az_parindex.htm
l?rechercheIndexAZ=travail+de+nuit___TRAVAIL+DE+NUIT /
travail posté).
Travail posté. Index de la revue de A à Z. Réf Santé Trav
(www.rst-sante-travail.fr/rst/header/sujets-az_parindex.html?
rechercheIndexAZ=travail+poste___TRAVAIL+POSTE).
Horaires atypiques. Les rendez-vous de Travail & Sécurité.
Émission filmée. INRS, 2019 (www.inrs-rendezvous-ts.fr).

162 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


QR 135

Vos questions / nos réponses

Dans
RisqueQuestion/Réponse
chimique et :
01-Titre
allaitement 24pt: comment évaluer le
Dans Question/Réponse : 01-Titre 14pt
risque pour l’enfant ?
La réponse de Stéphane Malard,
Département Études et assistance médicales, INRS.

Dans
La Question/Réponse
réponse du Dr Stéphane : 04-Texte
Malard, et pour le gras
Dans styleÉtudes
Département de caractère Question/réponse
et assistance médicales, INRS. 04-Texte
Bold

Une salariée enceinte est chimiste en laboratoire. l'Institut national de santé publique du Québec [2]
Elle bénéficie actuellement d’un aménagement de nécessite de se poser plusieurs questions successives.
poste qui ne sera pas maintenu au retour du congé
maternité. Toutefois, elle souhaite pouvoir continuer Q Les conditions d'exposition sont-elles susceptibles
à allaiter son enfant après cette date. Quels sont les d'entraîner une absorption de la substance par la
éléments à prendre en compte dans l’évaluation du mère ? Les scénarios d'exposition potentiels doivent
risque ? être déterminés au vu des techniques utilisées, de la
formulation des produits (liquide, solide, poudre) et des
L'évaluation des risques vis-à-vis de l'allaitement ne équipements de protection (collectifs et individuels)
peut se baser sur la seule prise en compte du danger disponibles. Les modalités d'exposition potentielles
des substances présentes dans le laboratoire. Une doivent ensuite être mises en parallèle avec les voies
approche globale des conditions d'exposition est d'absorption documentées des différentes substances
indispensable. La démarche générale d'évaluation des concernées. La prise en compte de la volatilité (évaluée
risques vis-à-vis de l'allaitement peut être complexe, à l'aide de la pression de vapeur à la température
en particulier dans un contexte de multi-expositions. d'utilisation du produit) est importante pour évaluer la
Toutefois, dans la plupart des cas, les quantités de possibilité d'inhalation de vapeurs.
produits manipulés par les chimistes travaillant en
laboratoire sont faibles et les mesures de prévention Q La substance est-elle excrétée ou détectée dans le lait
collective (manipulation des produits sous sorbonne maternel ? En l'absence de données publiées dans la
notamment) et individuelle (gants, masques) limitent littérature, la probabilité de présence d'une substance
l'exposition des salarié(e)s, ce qui permet souvent la dans le lait maternel peut être estimée indirectement
poursuite du travail sans risque dans un contexte sur la base d'autres informations spécifiques à chaque
d'allaitement. Cependant, il existe une interdiction substance telles que, notamment :
d'affectation des salariées allaitant à des postes les O la liposolubilité. Il est considéré généralement que
exposant à des agents chimiques classés dans les les substances dont le coefficient de partage octanol/
catégories 1A, 1B (repérables par la mention de danger BIBLIOGRAPHIE
eau (log Kow) est supérieur à 1 sont liposolubles et
H360) ou dans la catégorie supplémentaire de toxicité traversent facilement les membranes cellulaires en se
sur ou via l'allaitement (repérable par la mention de 1 | EN STYLEdans
dissolvant la couche
DE CARACTÈRE DOSSIER B;IBLIOGRAPHIE
lipidique
DANS
danger H362) [1]. le poids
OENCADRÉ : 01-Tmoléculaire.
EXTE CAP ROUILLE Dans Bibliographie
D'après les données du
D'une façon générale, les informations concernant Encadré 01-Texte
répertoire toxicologique
En syle dedecaractère
la Commission de la santé
Dans dossier
le passage des substances chimiques dans le lait etBibliographie
de la sécurité du travail
Encadré (CSST)
: 01-Texte Ital [2] au Québec, 97 %
maternel sont peu nombreuses et les effets potentiels des substances excrétées dans le lait ont un poids
de ces substances sur ou via l'allaitement sont très peu 1 | EN STYLE DE
moléculaire inférieur
CARACTÈREà DANS DOSSIER B;IBLIOGRAPHIE
700 daltons
documentés. Les rares données publiées sont souvent : 01-Taux
la liaison
OENCADRÉ EXTE protéines Dans Bibliographie
CAP ROUILLEplasmatiques. Seules les
issues d'études réalisées chez l'animal. Encadré 01-Texte
substances sous Enforme
syle delibre dans
caractère Dansle dossier
sang seront
La démarche d'évaluation des risques chimiques vis- capables de diffuser
Bibliographie Encadré au travers
: 01-Texte Italdes membranes. Plus
à-vis de l'allaitement, décrite dans un document de la force de liaison aux protéines plasmatiques (en

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 163


VOS QUESTIONS / NOS RÉPONSES

particulier l'albumine) est forte, moins la quantité de


substance traversant les membranes vers le lait est
BIBLIOGRAPHIE
importante. La force de liaison est considérée comme
forte quand la part de la forme liée aux protéines
plasmatiques est supérieure à 90 % ; 1 | SHETTLE J - Grossesse, maternité et travail. Aide
O le degré d'ionisation. Les substances non ionisées mémoire juridique 14 TJ 14. Paris : INRS ; 2018. 16 p.
diffusent plus facilement que celles ionisées, de sorte
que les concentrations dans le lait pourront être égales 2 | GOULET L, LAPOINTE G - Recension des écrits sur la
ou supérieures (dans le cas des substances lipophiles) contamination du lait maternel par des substances
à celles dans le plasma. Le degré d'ionisation d'une chimiques présentes en milieu de travail. Proposition
substance est déterminé par son pKa (pH pour lequel d’une grille d’analyse de risque de transfert d’un
un acide se présente à 50 % sous forme ionisée et contaminant chimique dans le lait maternel. Institut
50 % sous forme non ionisée) et le pH du milieu. Le national de santé publique du Québec (INSPQ), 2004.
pH du lait étant plus faible que celui du plasma, les (www.inspq.qc.ca/publications/270).
bases faibles (pKa inférieur à 14) seront présentes
préférentiellement sous forme non ionisée alors que
les acides faibles seront plutôt présents sous forme
ionisée.

Q La substance peut-elle se concentrer dans le lait


maternel ? Plus une substance est liposoluble, plus elle
aura tendance à s'accumuler dans la phase lipidique
du lait. Compte tenu du fait que la composition du
lait maternel est plus riche en lipides que celle du
sang (environ 30 g/L dans le colostrum, 50 g/L dans
le lait mature et 5 à 7 g/L dans le sang), les substances
liposolubles (log Kow>1) vont se retrouver dans le lait à
des concentrations supérieures à celle du sang.

Q La substance est-elle susceptible d'entraîner la


survenue d'effets néfastes chez l'enfant nourri au
lait maternel ? Dans la plupart des cas, en l'absence
d'information précise sur la concentration de la
substance dans le lait et sur les relations doses/
effets, une approche de précaution est généralement
recommandée dès lors que le transfert de la
substance dans le lait maternel est jugé possible et
quantitativement significatif.

Pour plus d'information sur la toxicité pour la


reproduction, en particulier vis-à-vis de l'allaitement,
les fiches DEMETER (www.inrs.fr/demeter) et les
fiches toxicologiques (www.inrs.fr/fichetox) peuvent
être consultées.
Au total, en plus de la liste des produits présents dans
le laboratoire, des informations complémentaires
importantes telles que les tâches effectuées, la
formulation des produits, la durée et la fréquence
d'exposition, la présence de mesures de protection
collectives et individuelles, sont nécessaires pour
évaluer les risques chimiques vis-à-vis de l'allaitement
de cette salariée.

164 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


QR 136

Vos questions / nos réponses

Dans
TrousseQuestion/Réponse
de secours. :
01-Titre
Quelle 24pt ?
est sa composition
Peut-on la doter de médicaments
Dans Question/Réponse ?
: 01-Titre 14pt

La réponse de Stéphane Malard,


La réponseÉtudes
Département du DretVictoria
assistance Kouadio
médicales, INRS.
et du Dr Philippe Hache,
Dans Question/Réponse
département Études et assistance:médicales,
04-Texte et pour le gras
INRS
Dans style de caractère Question/réponse 04-Texte
Bold
Cette question/réponse annule et remplace celle publiée sous la référence QR52 dans le numéro 126 de la Revue
Documents pour le médecin du travail en 2011.

Il n’y a pas de réglementation définissant la – le médecin du travail note sur ce document le nom
composition d’une trousse de secours sur le lieu de des travailleurs habilités à utiliser la trousse de secours
travail. Conformément à l’article R. 4224-16 du Code et décrit les circonstances de son utilisation.
du travail, l'employeur prend, après avis du médecin
du travail, les mesures nécessaires pour assurer les Ainsi, et sous réserve de l’avis du médecin du travail,
premiers secours aux accidentés et aux malades. De la composition de la trousse de secours à l’usage d’un
même, l’article R. 4224-14 dispose que « les lieux de sauveteur secouriste du travail peut être, par exemple :
travail sont équipés d'un matériel de premiers secours – pour la protection du travailleur assurant les gestes
adapté à la nature des risques et facilement accessible ». de premiers secours :
Aussi, il revient à l’employeur de définir la nature de • gants médicaux à usage unique,
ce matériel et sa présentation, en concertation avec le • gel hydro-alcoolique (dosette ou flacon),
médecin du travail. • masque de protection pour le bouche-à-bouche ;
– pour la prise en charge d’une plaie :
Si une trousse de secours est constituée, il est conseillé
• savon liquide (dosette ou flacon),
que son contenu tienne compte de la formation
• antiseptique,
du travailleur qui l’utilisera (exemple : sauveteur
• sachets de compresses stériles,
secouriste du travail). De plus, une procédure de
• pansements adhésifs sous emballage,
contrôle est à définir afin de remplacer les produits
• rouleau de sparadrap hypoallergénique,
manquants ou périmés.
• bandes extensibles,
La trousse de secours ne peut être dotée de
• paire de ciseaux à bouts ronds,
médicaments lorsqu’elle n’est pas utilisée par des
professionnels de santé. Toutefois, il peut exister – pour la prise en charge d’une hémorragie :
des exceptions pour certaines situations d’urgence. • pansement compressif : celui-ci peut être constitué
Ce peut être, par exemple, l’utilisation immédiate BIBLIOGRAPHIE
par des compresses stériles et une bande extensible
d’un antidote suite à une contamination par un longue, ou par un coussin hémostatique d’urgence,
agent chimique dangereux. Dans ce cas, la dotation •1 |garrot : celui-ci
EN STYLE peut être
DE CARACTÈRE DANS constitué d’un lien de toile
DOSSIER BIBLIOGRAPHIE
de la trousse de secours en médicament(s) se fait solide, non élastique, de 3 à 5 cm de
ENCADRÉ : 01-TEXTE CAP ROUILLE Dans Bibliographie largeur et d’au
conformément aux principes de la circulaire du 20 moins 1,50 m de longueur, associé à une
Encadré 01-Texte En syle de caractère Dans dossier barre solide
janvier 1997 du ministère chargé du Travail : (bois, PVC ou métal) de 10 à
Bibliographie Encadré : 01-Texte Ital20 cm de long. Ce peut être
– un protocole est rédigé par le médecin du travail, visé également un garrot disponible dans le commerce et
par l'employeur et présenté au Comité d’hygiène de 1 | EN STYLE
conçu pour DEles hémorragies.
CARACTÈRE Il estBIBLIOGRAPHIE
DANS DOSSIER conseillé qu’il soit
sécurité et des conditions de travail / Comité social et ENCADRÉ : 01-TEXTE CAP ROUILLE Dans Bibliographie
équipé d’une barre de serrage, d’un lien large et d’un
économique (CHSCT/CSE) ; Encadré 01-Texte
dispositif de sécurité
En syle[1]de; caractère Dans dossier
Bibliographie Encadré : 01-Texte Ital

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 165


VOS QUESTIONS / NOS RÉPONSES

– Autres : santé des travailleurs et des études du poste de travail,


• sucre en morceaux, ainsi que de l’éloignement des services de secours
• couverture : ce peut être une couverture de survie. extérieurs. Il est à noter que le décret n° 2018-1186 du 19
décembre 2018 relatif aux défibrillateurs automatisés
En fonction des risques spécifiques et des conditions externes soumet à l’obligation de détenir un
de travail rencontrés, la trousse de secours peut défibrillateur automatisé externe les établissements
également contenir : recevant du public (ERP) relevant des catégories 1 à
– compresse de gel d’eau : en cas de brûlure thermique 4. Il en est de même pour certains ERP relevant de la
avec impossibilité de pouvoir refroidir la surface brûlée catégorie 5. Ces dispositions sont à mettre en œuvre au
par ruissellement d’eau, plus tard sur la période du 1er janvier 2020 au 1er janvier
– nécessaire pour membre sectionné, 2022 suivant le type d’ERP.
– tire-tique,
– ….

L’élimination des déchets d’activité de soins est à BIBLIOGRAPHIE


prévoir.
Enfin, la nécessité d’équiper, ou non, l’entreprise d’un [1] CUYAUBÈRE I, HACHE P - Prise en charge d’une
défibrillateur automatisé externe est à discuter en hémorragie externe en entreprise : les premières
fonction des données du suivi individuel de l’état de minutes. Mise au point TP 29. Réf Santé Trav. 2018 ;
153 : 113-18.

166 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


FRPS 43

RISQUES PSYCHOSOCIAUX Risques psychosociaux : outils d'évaluation

Indice de bien-être de l’Organisation


mondiale de la santé en 5 items
(WHO-5) CATÉGORIE
ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE

RÉDACTEURS :
Boini S., département Épidémiologie en entreprise, INRS
Langevin V., département Expertise et conseil technique, INRS

Ce document appartient à une série publiée régulièrement dans la revue.


Elle analyse les questionnaires utilisés dans les démarches de diagnostic
et de prévention du stress et des risques psychosociaux au travail. L’article,
par les mêmes auteurs, « Les questionnaires dans la démarche de prévention
du stress au travail » (TC 134, Doc Méd Trav. 2011 ; 125 : 23-35), présente cette série et
propose au préventeur une aide pour choisir l’outil d’évaluation le mieux adapté.

Noms des auteurs de qualité de vie). Le WHO-5 a été l’anxiété et la dépression. Une pre-
Bech P. présenté pour la première fois par mière version de l’outil comprenant
le Bureau régional de l'OMS en Eu- 10 items a été élaborée, fournissant
Objectifs rope, lors d'une réunion de l'OMS à un indice global de bien-être posi-
Évaluation du niveau de bien-être Stockholm en 1998, en tant qu'élé- tif et négatif sur une seule échelle
psychologique subjectif. ment du projet DEPCARE sur les unidimensionnelle. Cette version
mesures du bien-être dans les soins initiale a été par la suite réduite à
Année de première de santé primaires [3]. 5 items (aboutissant au WHO-5) en
publication synthétisant 5 items portant sur
1998. Niveau d'investigation l’intérêt pour les choses en 1 seul
Diagnostic. (« ma vie quotidienne a été remplie
Cadre, définition, de choses intéressantes ») et en for-
modèle Langue d'origine mulant positivement un item cen-
La santé mentale comporte des Danois et anglais. tré sur les symptômes (« je me suis
dimensions positives et négatives. senti(e) bien et de bonne humeur »).
Les dimensions positives font réfé- Traduction Une première version à 5 items a
rence aux notions de bien-être et Il existe une trentaine de traduc- été proposée en 1995 avec 4 moda-
de capacité à faire face à l'adversité, tions disponibles, dont une version lités de réponse. Celle-ci a été rem-
tandis que les dimensions néga- française (www.psykiatri-regionh. placée par la version actuelle à 5
tives incluent la détresse psycholo- dk/who-5/Documents/WHO5_ items avec 6 modalités de réponse
gique et les troubles psychiatriques French.pdf). [3].
[1]. L’indice de bien-être en 5 items
de l’Organisation mondiale de la Vocabulaire Structuration de l'outil
santé (OMS) est une mesure sub- Pas de difficultés particulières rap- Une seule dimension.
jective des dimensions positives portées dans les articles.
de la santé mentale [2]. Il est issu Modalités de réponse et
du champ des recherches sur la Versions existantes cotation
qualité de vie liée à la santé (no- Le WHO-5 a été élaboré à partir Les 5 items interrogent sur ce que
tamment pour comparer l’impact des items d’une échelle mesurant les personnes ont ressenti au cours
de différents protocoles thérapeu- le bien-être psychologique général des deux dernières semaines. Six
tiques en termes de bien-être et et deux autres échelles mesurant modalités de réponse réparties sur

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 167


RISQUES PSYCHOSOCIAUX
CATÉGORIE
ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE

une échelle de fréquence sont pos- le W HO-5 est classé premier sans antécédents de dépression ; et un
sibles : tout le temps (5), la plupart sur les 20 puisqu’il n’a aucun sous-échantillon de sujets dépressifs).
du temps (4), plus de la moitié du recouvrement majeur avec des L’unidimensionnalité a également
temps (3), moins de la moitié du aspects spécifiques relatifs aux été retrouvée par une analyse facto-
temps (2), de temps en temps (1), ja- maladies et effets secondaires rielle confirmatoire chez 384 diabé-
mais (0). Un score global est obtenu des traitements médicamenteux. tiques de type 1 et 549 diabétiques
en additionnant les réponses aux Le WHO-5 est, selon ces experts, de type 2 [12]. De même, la structure
5 items, puis en multipliant ce une « pure » échelle générique de unidimensionnelle du WHO-5 a été
résultat par 4 (quoique cette mul- mesure du bien-être général [6 retrouvée par analyse factorielle dans
tiplication ne soit pas toujours réa- citée dans 7]. un échantillon de 2 213 sujets français
lisée par les chercheurs). Le score La validité de contenu du WHO-5 dont 75 % avaient du diabète [13]. Une
varie donc de 0 à 100. Plus le score a également été étudiée par 5 analyse en composantes principales,
est élevé, meilleur est le niveau de experts qui ont noté la pertinence effectuée à partir d’un échantillon
bien-être. de chaque item en termes de de 104 patients espagnols avec des
Un score inférieur à 50 a été le contenu. L’auteur [8] conclut à une troubles bipolaires et 40 personnes a
plus souvent utilisé comme niveau validité de contenu satisfaisante. priori saines [14], a fourni une solution
permettant un dépistage des per- à un facteur qui explique 59,7 % de la
sonnes à risque de dépression (Cf. OValidité critériée prédictive variance du WHO-5.
paragraphe Sensibilité). Certains La validité critériée prédictive du L’unidimensionnalité du WHO-5 a
auteurs ont utilisé des seuils plus WHO-5 sur la mortalité à 6 ans par ailleurs été testée par des mo-
restrictifs [4, 5]. a été étudiée chez 86 patients dèles de réponses à l’item chez des
souffrant de problèmes cardiaques jeunes [15 citée dans 7] et des per-
Temps de passation [9]. Les patients qui avaient un sonnes âgées [16 citée dans 7]. Ces
Compte tenu du nombre d’items, score WHO-5 inférieur à 50 à analyses ont confirmé que les 5 items
celui-ci est très court (moins de 5 l’inclusion présentaient un taux constituent une seule dimension où
minutes). de su r v ie sign i f icativement chaque item ajoute une information
plus faible que ceux qui avaient unique concernant le niveau de bien-
Disponibilités et un score WHO-5 à l’inclusion être [7]. Cela implique que chaque
conditions d’utilisation supérieur ou égal à 50 (31 % vs item peut être additionné pour for-
Les différentes versions – dont la 64 %). mer un score global qui a du sens et
version française – sont disponibles que l’étendue des scores de 0 à 100
sur un site dédié au WHO-5 : www. OValidité critériée concomittante couvre la totalité de la dimension (de
psykiatri-regionh.dk/who-5/about- Le score WHO-5 est lié de manière l’absence de bien-être au niveau le
the-who-5/Pages/default.aspx. significative au niveau de qualité plus haut imaginable de bien-être).
Copy r ight à fa i re f ig u rer : © * WHOQOL : QOL de vie mesuré par le WHOQOL *
Psychiatric Research Unit, WHO pour Quality of (coefficient égal à 0,49) dans un OValidité de structure externe conver-

Collaborating Center for Mental life, échelle de échantillon de 310 Taïwanais souf- gente
Health, Frederiksborg General l'OMS qui évalue frant de syndrome métabolique La corrélation entre le score du WHO-
la qualité de vie
Hospital, DK-3400 Hillerød. [8]. 5 et le score du PHQ-9 (Patient Health
[10].
Questionnaire, outil de mesure de la
Qualités OValidité de structure interne fréquence des symptômes dépressifs
psychométriques Krieger et al. [11] ont confirmé au cours des 2 dernières semaines)
l’unidimensionnalité du WHO- vaut 0,69 chez les diabétiques de
VALIDITÉ 5 par des analyses factorielles type 1 et 0,67 chez les diabétiques
OValidité de contenu confirmatoires multi-groupes de type 2 [12].
Selon u n pa nel d ’ex per ts qu i (échantillon combiné de 414 sujets La corrélation entre le score WHO-5
a exa m i né 85 question na i res comprenant un sous-échantillon et le score de l’échelle CES-D [17] vaut
différents, le WHO-5 fait partie de sujets avec des antécédents de -0,40 dans un échantillon de 254 per-
d e s 20 é c h e l l e s a c c e p t a b l e s dépression ; un sous-échantillon de sonnes âgées issues de la population
pour un usage clinique. De plus, sujets dépressifs et sujets avec ou générale [18]. La corrélation entre le

168 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


score WHO-5 et le sous-score de ayant un niveau d’éducation élevé, clusion et 10 jours après la première
dépression de l’échelle HADS [19] ceux mariés ou vivant en couple, administration dans un échantil-
vaut -0,57 dans un échantillon de 310 ainsi que les moins de 40 ans ont lon de 104 patients avec des troubles
Taïwanais souffrant de syndrome plus souvent un risque de dépression bipolaires et 40 personnes a priori
métabolique [8]. Cette corrélation (score WHO-5 < 13 sur une échelle de saines ; celui-ci valait 0,83 [14].
vaut -0,42 avec le sous-score d’an- scores de 0 à 25) [22].
xiété de l’échelle HADS. Par ailleurs, Dans l’enquête européenne sur les Consistance interne
O

la corrélation vaut -0,60 avec le score conditions de travail de 2010, 28,3 % Les coefficients _ de Cronbach ont
du PHQ-9 [8]. La corrélation entre des femmes ont un score WHO-5 été calculés dans un échantillon
le WHO-5 et le score de santé men- ) 50 contre 23,6 % des hommes combiné de 414 sujets dont le sta-
tale du SF-36 ** valait 0,84 dans un ** Short form [Schütte et al., 2014]. Par ailleurs, un tut dépressif a été déterminé par le
36 items,
échantillon de 9 542 Danois [2]. faible niveau de bien-être est forte- SCID (Structured Clinical Interview
questionnaire
Krieger et al. [11] ont analysé la validi- de qualité de vie ment associé à un faible sentiment for the DSM IV) : ils s’élèvent à 0,84
té de structure convergente du WHO- développé par d’appartenance à une équipe, à un pour les sujets dépressifs et 0,89
5 dans un échantillon combiné de Ware [20]. fort déséquilibre vie personnelle/ pour les sujets anciennement ou
414 sujets (sous-échantillon de sujets vie professionnelle, à de faibles pro- jamais dépressifs [11]. Dans chaque
avec des antécédents de dépression ; motions au travail et à un manque sous-échantillon initial, le coef-
sous-échantillon de sujets dépressifs, de sens du travail chez les hommes ficient vaut 0,92 pour les sujets
ou avec ou sans antécédents de dé- et chez les femmes [23]. avec des antécédents de dépres-
pression ; sous-échantillon de sujets Dans un échantillon de 2 213 sujets sion ; 0,95 pour les sujets dépressifs,
dépressifs) dont le statut dépressif a français dont 75 % avaient du dia- sujets avec ou sans antécédents
été déterminé par le SCID (Structured bète, le score moyen WHO-5 est plus de dépression ; 0,83 pour les sujets
Clinical Interview for the DSM IV). Il faible chez les femmes comparé aux dépressifs.
existe une relation négative curvi- hommes (13,3±5,6 vs 15,0±5,3 sur une Dans une autre étude, le coefficient
ligne entre le WHO-5 et l’inventaire échelle de scores de 0 à 25) [13]. _ de Cronbach vaut 0,91 pour les dia-
de dépression de Beck (BDI-II) : le score Dans l’enquête française « Condi- bétiques de type 1 et 0,93 pour les
WHO-5 diminue fortement quand tions de travail, volet risques psy- diabétiques de type 2 [12]. Les cor-
le score BDI-II augmente (pente= chosociaux (CT-RPS) » de 2016, les rélations items-tout varient de 0,71
-0,61) jusqu’à des niveaux modérés femmes affichent un bien-être psy- à 0,82 pour les diabétiques de type 1
de dépression et le coefficient de la chologique réduit par rapport aux et de 0,75 à 0,84 pour les diabétiques
pente tend vers 0 pour les niveaux hommes (3 points sur une échelle de de type 2 [12].
de dépression sévères (BDI-II=40). 0 à 100), ainsi que les personnes en Dans un échantillon de 254 per-
La même relation est retrouvée avec couple ou avec des enfants [4]. Les sonnes âgées issues de la popula-
l’échelle de dépression de Hamilton personnes moins diplômées ainsi tion générale, Heun et al. ont ob-
(HAM-D) [11]. que les travailleurs indépendants et servé un coefficient _ de Cronbach
les ouvriers ont un niveau de bien- de 0,95 [18].
OValidité discriminante être plus élevé. Ces deux derniers Le coefficient _ de Cronbach vaut
En 2016, la proportion de personnes résultats ne sont pas habituels au 0,84 dans un échantillon de 9 542
à risque de dépression (score WHO-5 regard de la littérature et nécessitent danois [2].
) 50) est plus faible pour les per- d’après l’auteur des investigations Le coefficient _ de Cronbach valait
sonnes en emploi (17 %) que celles complémentaires. Le score WHO-5 0,89 dans un échantillon de 310
sans emploi : 21 % chez les personnes varie de façon convexe en fonction Taïwanais souffrant de syndrome
sans emploi depuis moins de 12 de l’âge : 68 pour les moins de 25 ans, métabolique [8].
mois, 38 % chez les personnes sans 63 pour les 40-45 ans et 70 pour les
emploi depuis plus de 12 mois et 60 ans et plus [4]. SENSIBILITÉ
57 % chez les personnes en incapacité Bech et al. [2] ont comparé dans
à travailler en raison d'une maladie FIDÉLITÉ un échantillon de 9 542 Danois le
ou d'un handicap à long terme [21]. Fidélité test-retest
O WHO-5 et la dimension de la santé
Dans un échantillon de 2 796 em- Le coefficient test-retest a été calculé mentale du SF-36 (items formulés
ployés chinois, les femmes, les sujets en comparant le score WHO-5 à l’in- de manière positive et négative). Le

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 169


RISQUES PSYCHOSOCIAUX
CATÉGORIE
ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE

score moyen du WHO-5 valait 68,7 servé un score WHO-5 de 9,4±3,5 Composite International Diagnostic
alors que celui de la santé mentale chez les personnes présentant des Interview (CIDI CIM-10), le CES-D
mesurée par le SF-36 valait 82,4. troubles psychiatriques (11 % de [17], le Patient Health Questionnaire
Le WHO-5 reflète donc des aspects l’échantillon) contre 12,7±2,6 pour (PHQ-9). Avec un seuil inférieur ou
autres qu’uniquement l’absence les autres [18]. égal à 50 (une seule étude a pris un
de symptômes dépressifs [2]. Chez La moyenne des scores WHO-5 seuil )28), la sensibilité moyenne
les sujets ayant déclaré une moins (variant de 0 à 25) dans un échan- est de 0,86 et la spécificité moyenne
bonne santé générale par rapport à tillon combiné de 414 sujets dont de 0,81 toutes études considérées
l’année précédente, le score moyen le statut dépressif a été déterminé [7], ce qui en fait un bon outil de
du WHO-5 valait 46,9 et celui du SF- par le SCID (Structured Clinical dépistage.
36 valait 67. Chez les sujets ayant Interview for the DSM IV) valait La sensibilité et spécificité du WHO-
déclaré une meilleure santé géné- 5,61±4,05 pour les sujets dépressifs 5 comparé à un score du PHQ-9* 10
rale par rapport à l’année précé- et 15,83±5,37 pour les sujets ancien- valent 0,79 et 0,88 chez des sujets
dente, le score moyen du WHO-5 nement ou jamais dépressifs [11]. diabétiques [12]. Le seuil de 10 pour
valait 70,5 et celui du SF-36 valait Dans chaque sous-échantillon ini- le PHQ-9 permet de discriminer
84,1. La différence de sensibilité tial, la moyenne valait 14,14±6,28 les sujets nécessitant une prise en
entre les scores moyens du WHO- pour les sujets avec des antécédents charge clinique pour dépression
5 (70,5-46,9 = 23,6) et SF-36 (84,1-67 = de dépression ; 12,27±7,35 pour les majeure.
17,1) était en faveur du WHO-5. sujets dépressifs, sujets avec des Le seuil de changement clinique-
Afin d’étudier l’effet plafond du antécédents de dépression et sujets ment signifiant a été établi à 10
WHO-5 et SF-36, les auteurs ont sans antécédents de dépression ; points sur une échelle de 0 à 100
regardé la répartition des sujets en 5,86±4,07 pour les sujets dépressifs. pour le WHO-5. Tout changement
fonction de leurs scores au WHO-5 Les auteurs concluent sur la capaci- inférieur à ce seuil peut donc être
et à l’échelle de santé mentale té du WHO-5 à comparer des sujets statistiquement significatif sans
du SF-36 selon 6 valeurs ou inter- en fonction du statut dépressif ou l’être cliniquement [25 citée dans 7].
valles : 100 ; 99-76 ; 75-51 ; 50-26 ; non, grâce à une analyse factorielle
25-1 et 0. L’effet plafond était moins confirmatoire multi-groupe [11]. Étalonnage
important pour le WHO-5 : 49,6 % Un score de 18 sur l ’échelle de Depu is 2003, u ne enquête
des sujets avaient un score WHO-5 dépression d’Hamilton (niveau de européenne sur la qualité de vie a
supérieur à 76, contre 78,9 % pour dépression majeure nécessitant un lieu tous les 5 ans. Le site d’Eurofound
le score de santé mentale du SF-36. traitement médicamenteux) cor- permet de visualiser les niveaux
Cet effet plafond pour la dimen- respond à un score WHO-5 de 20. moyens de bien-être mesurés par
sion mentale du SF-36 était princi- Un score de 13 sur la même échelle le WHO-5 en fonction de différents
palement attribuable aux 3 items (niveau de dépression mineure) critères (statut d’activité, genre,
relatifs aux symptômes dépres- correspond à un score WHO-5 de âge) : www.eurofound.europa.eu/
sifs. À l’opposé, 16,7 % des sujets 32 [11 citée par 7]. data/european-quality-of-life-survey.
avaient un score WHO-5 inférieur L es per for m a nces du W HO -5 Dans l’enquête européenne de 2012,
à 50, contre 4,1 % pour le score de comme outil de dépistage de la la moyenne du WHO-5 en population
santé mentale du SF-36 [2]. dépression ont été étudiées dans générale valait 61,1 (63,1 chez les
Dans une étude portant sur 86 18 études concernant différentes hommes et 59,2 chez les femmes) en
patients souffrant de problèmes populations (enfants, adolescents, France et 70,1 (72 chez les hommes et
cardiaques, 33 avaient des troubles personnes âgées) ou différents 68,2 chez les femmes) au Danemark,
mentaux (diagnostiqués par des domaines (neurologie, endocrino- pays avec le plus haut niveau de bien-
outils spécifiques de ces troubles) logie, psychiatrie) [7]. Chacune de être observé sur 34 pays. La France
[9]. Le score WHO-5 moyen de ces ces études utilisaient un gold stan- se classe 21e (tableau accessible en
33 sujets était de 46,2 vs 64,4 pour dard différent pour le diagnostic ligne relatif à la revue systématique
les 53 sujets n’ayant pas de troubles de dépression : les critères DSM IV de Topp et al. en 2015 [7]). En 2016,
mentaux [9]. pour la dépression, le Structured la moyenne était de 66 (64 pour les
Dans un échantillon de 254 per- Clinical Interview (SCID DSM IV), personnes sans emploi et 68 pour
sonnes âgées issues de la popula- le MINI DSM IV [24], le Major De- les personnes en emploi) en France.
tion générale, Heun et al. ont ob- pression Inventory (MDI DSM IV), le L’enquête conditions de travail,

170 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


menée régulièrement depuis 1978 et la fatigue sont plus fréquents la dépression doivent être consi-
en France, a utilisé le WHO-5 en 2013 que d’autres symptômes comme dérés comme les pôles opposés
et 2016. Les données permettent donc la culpabilité et le ralentissement d’un même continuum, du moins
une description des niveaux de bien- psychomoteur. Démontrer cet ordre de l’absence de dépression jusqu’à
être sur un échantillon conséquent de prévalence est important pour un état dépressif modéré [11]. Le
de personnes en emploi, de manière montrer que le score total obtenu WHO-5 est donc un bon outil pour
globale, selon leurs caractéristiques au WHO-5 est suffisant et pertinent identifier les personnes à risque de
sociodémographiques ou encore pour mesurer les états dépressifs dépression. Le diagnostic de dépres-
selon leurs conditions de travail. [26]. Les items qui constituent le sion doit ensuite être confirmé par
WHO-5 couvrent les trois éléments un entretien réalisé par un clini-
Biais, critiques, limites de base de la dépression majeure : cien qui sera capable de détecter
Bien que définie comme échelle humeur, intérêt dans les choses, les faux positifs (patients dépistés
de bien-être, le WHO-5 est surtout vitalité. De fait, bien que déve- par le WHO-5 mais non confirmés
utilisé comme mesure de la dépres- loppé pour mesurer le bien-être, le par les critères DSM).
sion clinique (score inférieur à 50). WHO-5 est un bon outil de dépis- Les résultats observés par Krieger
Certains résultats concernant la tage de risque de dépression [11]. et al. [11] montrent que le WHO-5
validité discriminante de l’outil ne Cependant, du fait de la relation peut être utilisé en longitudinal pour
sont pas convergents avec les don- curviligne entre bien-être et dé- comparer les scores moyens au cours
nées de la littérature. pression, le WHO-5 permet d’iden- du temps, mais aussi pour comparer
tifier des états dépressifs légers à en transversal les scores moyens de
Observations particulières modérés, mais pas de distinguer sujets dépressifs et non dépressifs.
Dans les états dépressifs, l’humeur des formes plus sévères [11]. Le
dépressive, le manque d’intérêt bien-être mesuré par le WHO-5 et

BIBLIOGRAPHIE

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QQQ

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 171


RISQUES PSYCHOSOCIAUX
CATÉGORIE
ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE

BIBLIOGRAPHIE (suite)

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15 | BLOM EH, BECH P, elderly general population. Acta a multi-level, cross-sectional clinical psychiatry: the
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172 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


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À
VOTRE
SERVICE
P. 175 AGENDA

P. 177 FORMATIONS

P. 183 À LIRE, À VOIR

N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Agenda
9-11 AVRIL 2019 RENSEIGNEMENTS 12-14 JUIN 2019
NANCY (France) www.sistbtp-lorraine.fr/35emes- DRESDE (Allemagne)
Colloque de l'INRS : Bruit et journees-nationales-de-sante-au- EUROSHNET (European
vibrations au travail travail-du-btp/ Occupational Safety and
Voir p. 124 Health Network) :
6e Conférence européenne
sur la normalisation, les
22-24 MAI 2019 essais et la certification
ISSY-LES-MOULINEAUX (France)
17 AVRIL 2019 PEROSH : Bien-être au Thèmes :
PARIS (France) travail dans un monde wLes solutions innovantes
Impacts en santé et sécurité en mutation – Défis et pour faire face aux risques
au travail de l'économie opportunités professionnels
circulaire à l'horizon 2040 Voir p. 62 w Les nouvelles technologies et
Voir p. 136 les technologies intelligentes
pour la sécurité des travailleurs
wLa standardisation, les tests et
5-7 JUIN 2019 la certification : rester en phase
NANCY (France) avec les évolutions
21-24 MAI 2019 Conférence scientifique wLe rôle futur de la
BONN (Allemagne) de l'INRS : Les risques normalisation, des tests
14e Conférence biologiques et de la certification dans
internationale Vibration Voir p. 173 l’environnement social
mains-bras européen

Parmi les thèmes : RENSEIGNEMENTS


wRisques pour la santé de www.euroshnet.eu/
l’exposition aux vibrations 6 JUIN 2019 conference-2019/
wMétrologie FONTENAY-AUX-ROSES (France)
wPrévention Journée de l'IRSN* et de
wRéglementation l'INRS - Risque radon :
quelle prévention en 18-20 JUIN 2019
RENSEIGNEMENTS milieu professionnel ? LA ROCHELLE (France)
https://express.converia.de/ 12e Congrès national de
frontend/index.php?folder_id=1530 Thèmes : radioprotection
w Directive Euratom
w Qu'est-ce que le radon ? Parmi les thèmes :
w Les effets sur la santé wRadioprotection en milieu
w Qui est concerné et où ? professionnel
22-24 MAI 2019 w Comment s'en prémunir ? wDéveloppements en dosimétrie
METZ (France) w Témoignages d'entreprises et et métrologie
35es Journées nationales de de préventeurs (CARSAT, IPRP...) wRayonnements non ionisants
santé au travail du BTP w Synthèse et perspective
RENSEIGNEMENTS
Parmi les thèmes : * Institut de radioprotection et de www.sfrp.asso.fr/manifestations/
wÉducation, culture et pratiques sûreté nucléaire manifestations/congres-
de la prévention primaire national-de-radioprotection.
wParticules fines RENSEIGNEMENTS html,9,38,0,0,3074
wSilice radon2019@inrs.fr
wSoudage www.inrs-irsn-radon2019@inrs.fr
(ouverture du site début avril) QQQ

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 175


AGENDA/FORMATIONS

wFacteurs de risques des TMS


20 JUIN 2019 wÉvaluation des actions pour 9-11 OCTOBRE 2019
PARIS (France) réduire les TMS TOULOUSE (France)
14e Journée nationale de wTMS et handicap au travail Journées nationales
l'Association française d’études et de formation du
des intervenants en RENSEIGNEMENTS groupement des infirmiers
prévention des risques www.premus2019.com/ de santé au travail (GIT) :
professionnels de services Infirmier de santé au
interentreprises de santé travail, un expert pour la
au travail (AFISST) : santé des salariés
Agir sur les leviers de
prévention dans les TPE 26 SEPTEMBRE 2019 Parmi les thèmes :
PARIS (France) wRisques émergents
Thèmes : 4e journée Jean Bertran, (exosquelettes, perturbateurs
w Les actions individuelles ou association Cœur et endocriniens et nanomatériaux)
collectives menées au profit des travail : L’indispensable wCollaboration entre infirmiers
TPE en cardiologie pour les de santé au travail au sein de
wLes préoccupations du médecins du travail. Les l’équipe pluridisciplinaire
dirigeant comme levier de pièges à éviter wL’expertise infirmière en
prévention santé-travail : une légitimité en
Parmi les thèmes : pratiques avancées
RENSEIGNEMENTS wPoint de vue du cardiologue wValoriser les compétences
contact@afisst.fr sur le contenu de la visite
www.afisst.fr d'information et de prévention RENSEIGNEMENTS
(VIP) http://jef.git-france.org/
wQue retenir des dernières
recommandations en prévention
7-11 JUILLET 2019 cardiovasculaire ?
MONTRÉAL (Canada) wApport des épreuves d’effort
26e Congrès international en santé au travail 15-16 OCTOBRE 2019
« Son et vibration » PARIS (France)
RENSEIGNEMENTS 56e édition des journées
Parmi les thèmes : www.coeur-et-travail.com Santé-Travail de Présanse
wBruits et vibrations industriels
wMétrologie, matériel pour Thème :
contrôle des bruits et vibrations wNouvelles pratiques des SSTI :
wBruit en milieu maritime suivi de l'état de santé ; actions
26-27 SEPTEMBRE 2019 en milieu de travail et conseils
RENSEIGNEMENTS PARIS (France) aux entreprises (travailleurs,
www.icsv26.org/index.php 40e Cours d'actualisation employeurs, instances,
en dermato-allergologie du branches) ; traçabilité, veille et
GERDA* recherche ; actions transversales

Parmi les thèmes : Appel à communication


2-5 SEPTEMBRE 2019 wChimie du caoutchouc jusqu'au 24 avril 2019
BOLOGNE (Italie) wAllergènes du BTP
10e Conférence wComment choisir un gant de RENSEIGNEMENTS
internationale sur la protection ? www.presanse.fr/article/435/JST-
prévention des TMS * Groupe d'études et de recherche en 2019.aspx
(PREMUS 2019) dermato-allergologie resume-jst@presanse.fr
Parmi les thèmes :
wTroubles musculosquelettiques RENSEIGNEMENTS
(TMS) et genre www.gerda2019.com

176 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Places disponibles dans les
formations 2019 de l’INRS
Santé et sécurité au travail

Les formations éligibles au développement professionnel


continu (DPC) pour les médecins du travail sont signalées
dans les tableaux suivants à l'aide du logo ci-contre :

Organisation et management de la prévention


Code Public Stage Session Durée Dates Lieu

BB2230 Médecins Anticiper sur les effets 1 3 jours 17 au 19/09/2019 Vandœuvre-lès-


du vieillissement en Nancy
milieu professionnel

JJ2331 Tous publics Développer la fonction 1 12 jours 30/09/2019 au Vandœuvre-lès-


prévention en 04/10/2019 et Nancy
entreprise 21 au 25/10/2019 et
18 au 22/11/2019

Démarches, méthodes, outils


Code Public Stage Session Durée Dates Lieu

JA0130 Services de Analyser les accidents 1 4 jours 13 au 17/05/2019 Vandœuvre-


santé et incidents par la lès-Nancy
au travail méthode de l'arbre
des causes

JA1731 Services de Analyser des 1 4 jours 2 au 6/12/2019 Vandœuvre-


santé situations de lès-Nancy
au travail travail suite à des
atteintes à la santé
dues aux risques
psychosociaux

QQQ

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 177


AGENDA/FORMATIONS

Risques spécifiques
Code Public Stage Session Durée Dates Lieu

Agents chimiques & biologiques

B@1501 Médecins Organiser le suivi 1 28 heures 02/09 au 26/11/2019 Formation


NOUVEAUdes salariés
médical accompagnée
exposés aux agents à distance avec
chimiques une séance de
regroupement en
présentiel à Paris
le 26/11/2019

C@1501 Tous publics Acquérir les notions de 4 heures Autoformation en ligne En ligne
base sur les produits
chimiques

BI1530 Médecins/ Mettre en place une 1 2,5 jours 10 au 12/12/2019 Paris


infirmier(e)s surveillance biologique
de l'exposition aux
agents chimiques

CA1503 Tous publics Maîtriser les bases 1 4 jours 30/09 au 04/10/2019 Vandœuvre-lès-
théoriques de la Nancy
métrologie d’atmosphère

JA1030 Médecins/IPRP Caractériser et prévenir 1 3 jours 26 au 28/11/2019 Vandœuvre-lès-


les risques liés aux Nancy
nanomatériaux

JJ1430 Services de Repérer, évaluer et 1 3 jours 16 au 19/12/2019 Paris


santé prévenir les risques
au travail biologiques
en entreprise

Agents physiques

BB0531 Médecins Participer à l'évaluation 1 3 jours 17 au 19/09/2019 Paris


et à la prévention des
risques liés aux champs
électromagnétiques

J@0508 Services de Évaluer et prévenir les 1 2 jours à 1/10 au 19/11/2019 À distance


santé nuisances sonores distance
au travail, Formation mixte (à sur 5 et
préventeurs distance et en présentiel) semaines
d'entreprises et et
institutionnels 2,5 jours 20 au 22/11/2019 Vandœuvre-lès-
en Nancy
présentiel

JA0531 Services de Évaluer et améliorer 1 4 jours 14 au 18/10/2019 Vandœuvre-lès-


santé l'éclairage des lieux de Nancy
au travail travail

JJ0505 Services de Évaluer et prévenir 1 4 jours 24 au 28/06/2019 Vandœuvre-lès-


santé les risques liés aux Nancy
au travail vibrations

BI2131 Services de Conduire une démarche 1 4 jours 2 au 6/12/2019 Paris


santé de prévention des TMS
au travail

178 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Risques spécifiques (suite)
Code Public Stage Session Durée Dates Lieu
Troubles musculosquelettiques (TMS)
BB2130 Médecins Passer du diagnostic 1 2 jours 4 au 6/11/2019 Paris
précoce individuel à
l’action de prévention
collective des TMS (Saltsa)

BB2132 Médecins Accompagner le 1 2 jours 18 au 20/11/2019 Paris


déploiement du protocole
Saltsa au sein de son
service de santé au travail
Facteurs psychosociaux et organisationnels
BI1131 Médecins/ Maîtriser la technique 1 2 jours 26 au 27/11/2019 Paris
infirmier(e)s de repérage précoce et
d'intervention brève pour
la prévention des pratiques
addictives en milieu
professionnel

N12002 Services de Participer à une démarche 2 3 jours 8 au 11/04/2019 Vandœuvre-


santé de prévention des risques ou lès-Nancy
au travail, psychosociaux 13 au 16/05/2019
préventeurs
d'entreprises et
institutionnels

JA1733 Services de Acquérir les connaissances 1 7,5 jours 17 au 21/06/2019 Vandœuvre-


santé de base et mettre en et lès-Nancy
au travail, œuvre une action de 18 au 21/11/2019
préventeurs prévention des risques
d'entreprises et psychosociaux
institutionnels en pluridisciplinarité

JA1734 Services de Mettre en œuvre une 1 5 jours 19 au 21/06/2019 Vandœuvre-


santé action de prévention des et lès-Nancy
au travail, risques psychosociaux en 18 au 21/11/2019
préventeurs pluridisciplinarité
d'entreprises et
institutionnels

Secteurs spécifiques
Code Public Stage Session Durée Dates Lieu

JJ2431 Services de Évaluer et prévenir les risques 1 3 jours 19 au 22/11/2019 Paris


santé biologiques, chimiques et
au travail et radioactifs rencontrés en
préventeurs laboratoire de recherche en
d'entreprises biologie

R ENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 179


AGENDA/FORMATIONS

Renseignements et inscriptions
INRS, département Formation INRS, département Formation
65, boulevard Richard-Lenoir Rue du Morvan, CS 60027
75011 Paris 54519 Vandœuvre-lès-Nancy Cedex

secretariat.forp@inrs.fr secretariat.forl@inrs.fr

Pour les stages : JJ1430, JJ2431


Sylvie Braudel
w Tél. : 01 40 44 30 42
Pour les stages : BB2230, JJ2331, JA0130,
JA1731, BI1131, JA1030, JA1733, JA1734,
Pour les stages : BB0531, BB2130, BB2132, N12002
BI2131, JA0531, JJ0505 Valérie Pestelard
Aurélia Emmel wTél. : 03 83 50 20 03
w Tél. : 01 40 44 31 58

Pour les stages : BI1530, CA1503


Christine Hartmann
w Tél. : 01 40 44 30 11

secretariat.fad@inrs.fr

Pour les stages : B@1501, C@1501, J@0508


Rachid Boudjadja
w Tél. : 01 40 44 31 82

180 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


Enseignement post-universitaire
et formation continue en santé
au travail

Université de Bretagne occidentale (UBO)


Formations courtes en santé au travail 2019

wConception de projet en santé au travail ; 26 avril.


wNumérique et santé au travail ; 23 mai.
wLa crise suicidaire en milieu de travail ; 6 juin.
wAVC : intérêt d'une coopération, du diagnostic au retour en
activité ; 27 juin.
wStress et agressivité au travail : comprendre, prévenir et gérer ;
19-20 septembre.
wAgents chimiques CMR. Directives 2017/2398 : qu'est-ce que ça
change ? ; 17 octobre.
wAddictions (hors tabac et alcool) en milieu professionnel ;
21 novembre.
wHoraires atypiques : comment adapter son alimentation ?
12-13 décembre.

RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS
Faculté de Médecine
(pôle Formation continue en santé)
22 avenue Camille Desmoulins
CS 93837
29238 BREST Cedex 3
Tél. : 02 98 01 73 89
fcs.medecine@univ-brest.fr
www.univ-brest.fr/fcsante

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 181


AGENDA/FORMATIONS

Formations de l’association Cœur et travail


Stages destinés aux médecins, infirmier(e)s, assistant(e)s en
santé au travail et aux intervenants en prévention des risques
professionnels (IPRP) 2019

STAGES MÉDECINS
WLa reprise du travail après un événement cardiovasculaire (niveau 1). Paris,
4-5 décembre.
WLa reprise du travail après un événement cardiovasculaire (niveau 2 - Étude de cas
cliniques). Paris, 6 décembre.
WImpact des nouvelles pratiques en cardiologie pour le maintien dans l'emploi. Paris,
6-7 juin ; 6-7 décembre.
W L’électrocardiogramme en médecine du travail (niveau 1 - ECG 1). Lyon 7-8 octobre.
WL’électrocardiogramme en médecine du travail (niveau 2 - ECG 2). Paris, 14-15
octobre ; Lyon, 13-14 mai.
WLes pathologies cardiovasculaires compatibles avec le maintien à l'emploi.
Paris, 17-18 juin.
WTroubles métaboliques-pathologies endocriniennes. Paris, 16-17 septembre.
WLa reprise du travail après un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un accident
ischémique transitoire (AIT). Paris, 4-5 novembre.
WLe cœur à l’effort (travail et sport). Paris, 25-26 novembre.

STAGES MÉDECINS, INFIRMIER(E)S ET PROFESSIONNEL(LE)S DE SANTÉ


WCardiofréquencemétrie. Paris, 21-22 novembre.
WUrgences cardiovasculaires en entreprise. Paris, 14-15 novembre.
WConséquences cardiaques du stress au travail. Paris, 12-13 juin.

INFIRMIER(E)S ET PROFESSIONNEL(LE)S DE SANTÉ


WÉlectrocardiogramme en médecine du travail - Formation infirmier(e)s. Paris,
3-4 octobre.
WPathologies cardiovasculaires et impact sur le travail, rôle des infirmier(e)s. Paris,
16-17 mai.

RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS
Cœur et travail
27 rue La Bruyère
75009 Paris
Tél. : 01 42 80 10 28
contact@coeur-et-travail.com
www.coeur-et-travail.com

182 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


À LIRE, À VOIR

À lire, à voir

Le choix de Catherine Aubry, membre du Comité scientifique


de la revue Références en Santé au Travail

Sinistralité professionnelle contexte de l’emploi selon le genre,


selon le genre et prévention l’interprétation de ces chiffres est
délicate. En les rapportant au nombre
L’Agence nationale pour l’amélioration d’heures travaillées, on obtient un
des conditions de travail (ANACT) a fait indicateur appelé taux de fréquence,
paraître fin 2018 une « Photographie beaucoup plus pertinent, qui confirme
statistique des accidents de travail, une forte baisse au cours du temps des
des accidents de trajet et des maladies AT chez les hommes et montre une
professionnelles en France selon le légère augmentation chez les femmes.
sexe entre 2001 et 2016 », qui met en Toutefois, l'indice de gravité des professionnelles (MP) déclarées et
lumière « des tendances d’évolution hommes est deux fois plus important reconnues est forte sur ces 15 ans :
différenciées pour les femmes et les que celui des femmes et 90 % des + 101 %. Elle est deux fois plus forte
hommes ». Il s’agit de l’exploitation, sur accidents mortels touchent des chez les femmes (+145 %) que chez les
cette période de 15 ans, des données hommes [DARES Résultats 2016 n° 39]. hommes (+71 %).
de sinistralité au travail de la Caisse QLa stabilisation des accidents de trajet Depuis 2010, les femmes ont autant
nationale de l'assurance maladie avec arrêt depuis 2001 occulte le fait de MP que les hommes. Les données
(CNAM), présentées selon le genre. Elles que leur nombre est désormais plus 2016 de la CNAM montrent que
concernent 17,2 millions de salariés du important pour les femmes que pour le taux de fréquence des troubles
régime général en 2001 et 18,5 millions les hommes. musculosquelettiques est bien
en 2016 (+7,5 %). Le nombre d’accidents de trajet déclarés supérieur pour les femmes que pour les
L’analyse de ces chiffres est toutefois et reconnus s’élève peu sur la période, hommes (2 vs 1,2 par million d’heures
limitée car la répartition des effectifs passant de 86 144 en 2001 à 87 454 en travaillées), de même que l’indice de
de salariés selon le genre n’est pas une 2016 (+ 1,5 %). Ces accidents sont en gravité, qui prend en compte le taux
donnée disponible, et les auteurs de baisse chez les hommes depuis 2001 d’incapacité permanente. Par contre,
l’ANACT le mentionnent à plusieurs (- 13 %), mais en hausse chez les femmes les hommes sont plus touchés par
reprises dans leur rapport. Toutefois, (+ 18 %), si bien que depuis 2009 on les maladies professionnelles les plus
différentes analyses de la DARES dénombre plus d’accidents de trajet graves, notamment les pathologies liées
concernant la même période apportent chez les femmes que chez les hommes. à l’amiante (96 % des victimes sont des
un éclairage complémentaire. En 2016, 54 % des accidents de trajet hommes) [Dares Résultats 2016, n° 81].
Les résultats marquants sont les concernent des femmes. Cette « photographie statistique »
suivants : La présentation des chiffres par branche met clairement en exergue le fait
QLa baisse globale du nombre d’activité montre assez logiquement que femmes et hommes ne sont pas
d’accidents du travail (AT) avec arrêt que les activités de services (CTN H égaux en matière d’exposition aux
reconnus sur la période masque la et I), qui ont connu la plus forte risques professionnels. La répartition
progression de ces accidents chez les évolution des effectifs salariés entre sexuée des secteurs, des métiers et
femmes : on est passé de 737 499 AT au 2001 et 2016, présentent la plus des activités conduit à des expositions
total en 2001 à 626 227 en 2016 (- 15 %). importante progression d’accidents de professionnelles différenciées selon le
Cette baisse se compose de 163 992 trajet. Cette fois encore, sans donnée genre. Pour être efficace, la prévention
accidents en moins chez les hommes de référence sur l’évolution par genre doit-elle intégrer ces situations genrées
et 52 720 accidents en plus chez les des effectifs dans le temps, la forte dans ses actions ? La question est posée,
femmes. En 2016, deux accidents progression en nombre des accidents des données plus complètes et précises
du travail sur trois concernent des de trajet chez les femmes ne peut être selon le genre, à l’échelle nationale ou
hommes. interprétée. régionale, par secteur ou par métier,
Dans l’absolu et compte tenu du QLa progression des maladies sont nécessaires pour l’éclairer.

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 183


À LIRE, À VOIR

Plan Santé au Travail 2016-2020. Amérique du Nord. et la transformation des


Action 1.11 : Amélioration et prise Cet état des lieux permet individus et des organisations…
en compte de la polyexposition. de dégager des premiers Éditions Erès : 33 avenue Marcel-
Recensement des principales enseignements en vue d’identifier Dassault, 31500 Toulouse.
initiatives institutionnelles sur dans une seconde phase d’analyse,
la polyexposition en santé au des filières professionnelles
travail. État des lieux particulièrement exposées Using in-vehicle safety
Agence nationale de sécurité aux risques cumulés et plus technology to improve road
sanitaire de l’alimentation, de globalement de favoriser une safety at work (Utilisation de
l’environnement et du travail meilleure prise en compte de la la technologie embarquée dans
(ANSES), 2018, 78 p. polyexposition dans l'évaluation et les véhicules pour améliorer la
Tout au long de leur carrière la prévention des risques en milieu sécurité routière dans le cadre du
professionnelle, les travailleurs professionnel. travail).
sont exposés simultanément à des ANSES : 14 rue Pierre et Marie Curie, Praise. European Transport
nuisances chimiques, biologiques 94701 Maisons-Alfort Cedex Safety Council (ETSC), 2018, non
ou physiques par différentes voies (www.anses.fr). paginé (2 p.)(EN ANGLAIS)
telles que l’inhalation, l’ingestion Cette fiche pratique s'adresse
ou encore par voie cutanée. Ces au préventeur chargé de gérer
expositions, associées à des AUBERT N (Ed) la sécurité routière des salariés
facteurs de risques psychosociaux À la recherche du temps. d'une entreprise. Elle indique
liés aux problématiques Individus hyperconnectés, des technologies embarquées
d'organisation et de management société accélérée : tensions et permettant de suivre et
du travail, peuvent favoriser la transformations. d’améliorer la conduite. Une
survenue de pathologies à court Sociologie clinique. Éditions évaluation des risques est un
ou à long terme et accentuer la Erès, 2018, 450 p. préalable nécessaire. Les véhicules
pénibilité au travail. Depuis une vingtaine d’années doivent être équipés de radars
Les facteurs professionnels et en lien avec l’apparition anti-collision et estampillés du
susceptibles d'augmenter des nouvelles technologies, label Euro NCAP. Le personnel
les risques pour la santé sont le constat d’un temps qui doit être informé sur ces
fréquemment étudiés de façon se compresse et s’accélère technologies. Il est conseillé de
séparée les uns des autres et les est devenu omniprésent et mettre en place des mesures
approches actuelles intègrent l’accélération elle-même est au de sécurité avec ses clients et
peu cette problématique de cœur du fonctionnement de la fournisseurs. Les principales
polyexposition qui représente société hypermoderne et de ce technologies disponibles sont le
cependant la réalité des situations que vivent les individus qui la rappel de bouclage de ceinture
professionnelles. composent. Le nouveau rapport de sécurité, le régulateur de
Dans le cadre du troisième Plan au temps, fait d’instantanéité, vitesse intelligent, l'éthylotest
Santé au Travail (PST3) adopté d’immédiateté et d’urgence de démarrage, l'enregistrement
fin 2015 par le ministère du ponctue désormais le rythme des données de la conduite,
Travail, une action spécifique de la société, tout autant que l'assistance active de maintien sur
vise l’amélioration de la prise celui des entreprises, du travail la voie et le système de freinage
en compte de la polyexposition et du vécu individuel, que celui d'urgence autonome.
ainsi que l’identification de des institutions démocratiques ETSC : 20 Avenue des Celtes, B-1040
certaines filières professionnelles et de l’action collective. Cet Bruxelles, Belgique (https://etsc.
particulièrement exposées aux ouvrage traite de l’origine mais eu/).
risques cumulés. À ce titre, un surtout des conséquences de
premier état des lieux recense cette injonction à l’accélération.
les principales actions conduites Au sommaire : le sujet face à MOUREY M
dans ce domaine au niveau l’accélération ; accélération : une Révolutionner la santé et la
institutionnel en France et dans pensée de l’espace et du temps ; sécurité au travail. La nouvelle
d’autres pays en Europe et en les instruments de l’accélération approche pour une gestion

184 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2018


collective des risques dans par des recommandations sur mieux faire face aux risques
l'entreprise. l'élaboration d'évaluation de la liés à ces bouleversements du
Éditions Diateino, 2019, 244 p. sécurité pour les opérations de monde du travail : promouvoir un
Toutes les entreprises ont fait fabrication 3D. travail et des emplois de qualité,
de la prévention des risques UL : 333 Pfingsten Road, Northbrook renforcer la résilience, s'assurer
professionnels une priorité. IL 60062, Etats-Unis (www.ul.com/) que l'enseignement est pertinent
Pourtant, depuis 20 ans, les et prospectif, maintenir la
statistiques d’accidents et de réglementation en cohérence avec
maladies graves n’évoluent Future risk. Impact of work on les évolutions et, enfin, continuer
plus. En effet, les modèles health, safety and wellbeing. A à mener des recherches sur les
traditionnels et leur logique de litterature review (Risque futur. risques émergents afin de protéger
contrôle renforcé désengagent le Impact du travail sur la santé, la la santé des travailleurs.
personnel. Comment améliorer sécurité et le bien-être. Revue de British Safety Council : 70
les performances ? Comment la littérature). Chancellors Road, Londres W6 9RS,
susciter l’engouement de tous les British Safety Council, 2018, 58 p. Royaume-Uni (www.britsafe.org/).
collaborateurs sur les questions (EN ANGLAIS)
de santé et de sécurité ? Les Cette analyse documentaire
organisations novatrices étudiées effectuée par le British Safety FOUQUET B (Ed), DESCATHA A (Ed),
dans ce livre ont su répondre à Council et RobertsonCooper HERISSON C (Ed), ALLARD ST-ALBIN O,
ces questions. Dans cet ouvrage, rassemble les données les plus AUBLET-CUVELIER A et al.
l’auteur relève avec humour récentes, provenant principalement Sédentarité et travail.
les absurdités du management du Royaume-Uni, sur la façon Sauramps médical, 2018, 107 p.
traditionnel de la santé et de la dont le travail est susceptible de L'objectif de cet ouvrage est de
sécurité au travail et offre des changer à l'avenir, sur l'impact préciser les concepts sous-tendus
pistes, simples et concrètes, pour probable sur le bien-être physique par la sédentarité, d'appréhender
améliorer la performance de et mental des travailleurs et les aspects biologiques, cellulaires,
l’entreprise. sur ce que les employeurs, les structurels en termes d'appareil
Éditions Diateino : 57 bis boulevard syndicats, les enseignants et le et les conséquences en termes de
Exelmans, 75016 Paris. gouvernement devraient faire dès fonctions. Insidieuse, la sédentarité
maintenant pour se préparer à est inductrice de modifications
l'avenir. Le monde du travail évolue des structures et des fonctions du
Managing safety in additive rapidement. Les personnes vivent corps, mais aussi des états de santé
manufacturing facilities (Gérer et travaillent plus longtemps ; psychologiques et cognitifs : sont
la sécurité dans les usines de de nombreuses tâches sont tout particulièrement concernés
fabrication additive). en cours d'automatisation ; les les appareils cardio-vasculaire,
Underwriters Laboratories (UL), technologies de communication musculosquelettique, les fonctions
2018, 10 p. (EN ANGLAIS) modernes effacent la division métaboliques, sachant que
Ce livre blanc traite des questions travail / maison et imposent la sédentarité est aussi tenue
de sécurité dans la fabrication une charge mentale continue responsable d'une augmentation
additive, avec un attachement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ; les des cancers et de la mortalité.
particulier aux questions de nouveaux matériaux issus de la Dans une seconde partie, sont
sécurité liées au métal. Le nanotechnologie et les procédés abordés plus spécifiquement les
document identifie les principales innovants peuvent présenter aspects de la sédentarité en lien
sources de risque associées à des risques jusque-là inconnus ; avec le travail, de l'évaluation à
ce procédé, puis présente une enfin, les contrats plus "flexibles" la prévention, en sachant que la
méthodologie pour établir un auxquels de plus en plus de sédentarité induite par le travail
système de management de travailleurs sont soumis brouillent n'est pas à proprement parler
la sécurité ou pour modifier l'identification de la personne qui un comportement de santé mais
un système existant avant doit assumer la responsabilité un mode de vie aux multiples
l'introduction d'équipements de du risque. Les auteurs proposent composantes, ce qui en fait
fabrication additive. Il se termine des recommandations afin de sa complexité, impliquant de

MARS 2019 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 157 185


À LIRE, À VOIR

multiples acteurs du monde de l’organisation et à l’évaluation national, l’utilisation combinée de


la santé mais aussi des domaines de la prévention, et d’évaluer et plusieurs sources de surveillance,
économique et social. améliorer les procédures de prise chacune avec sa pertinence et
Sauramps médical : 11 boulevard en charge au titre des maladies ses limites, permet de détecter
Henri IV, 34000 Montpellier. professionnelles. Ce réseau les secteurs d’activité à cibler
pilote comportait trois volets : de façon prioritaire et mettre
la surveillance en entreprise des en œuvre des programmes de
MIAS A (Ed), WOLMARK C (Ed) principaux TMS par un réseau de prévention. D’autres indicateurs,
Agir sur la santé au travail. médecins du travail volontaires, la et notamment les arrêts de travail
Acteurs, dispositifs, outils et surveillance épidémiologique des prolongés et le coût engendré
expertise autour des enjeux pathologies traceuses sentinelles par ces arrêts, auraient tout
psychosociaux. en population générale via un leur intérêt pour la surveillance
Le travail en débats. Série réseau de médecins de soins, et nationale des lombalgies en
Colloques et congrès. Octarès la surveillance de type médico- lien avec le travail utile pour la
Éditions, 2018, 238 p. administrative basée sur les mise en place de programmes de
Cet ouvrage rassemble les actes signalements en maladie à prévention.
du colloque international organisé caractère professionnelle. Dans Santé publique France : 12 rue
par le Groupe d’études sur le cet article, les résultats issus de du Val d'Osne, 94415 Saint-
travail et la santé au travail (GIS ces trois volets ont été étudiés Maurice Cedex (http://invs.
Gestes), aboutissement d’un et comparés avec les données santepubliquefrance.fr).
dialogue interdisciplinaire et du système de réparation des
interprofessionnel entre acteurs maladies professionnelles de
de la santé et chercheurs. Chaque l’Assurance maladie. Pour chaque LLORY M, MONTMAYEUL R
contribution pose un regard source, les secteurs d’activités Comprendre l'accident.
neuf sur les compétences des prioritaires pour la prévention ont La pratique de l'analyse
acteurs, les outils et les cadres été identifiés à partir des taux de organisationnelle de la sécurité.
théoriques mobilisés, les échelles fréquence par secteurs d’activité L'Harmattan, 2018, 240 p.
des interventions et la durabilité et de l’indice de prévention, puis Cet ouvrage présente l’analyse
de l’action en matière de santé au les résultats ont été comparés organisationnelle, approche qui se
travail et de prévention des risques entre sources. Chez les hommes, focalise sur une compréhension
psychosociaux (RPS). les secteurs de la construction, de renouvelée du rôle de
Octarès Éditions : 11 rue des Coffres, l’industrie manufacturière, des l’organisation dans la sécurité,
31000 Toulouse. transports et communications s’inspirant des démarches en
et de l’agriculture ressortaient histoire et en clinique médicale
pour les 4 sources amenant à et psychologique et a contrario
FOUQUET N, CHAZELLE E, CHERIE- les cibler prioritairement pour des méthodes systématisées et
CHALLINE L, BODIN J et al. les actions de prévention alors formelles habituelles. À partir
Surveillance de la lombalgie que chez les femmes, les secteur de cas pratiques survenus dans
en lien avec le travail : de l’industrie manufacturière, l’industrie, les auteurs, anciens
comparaison de quatre sources de la santé, action sociale, et ingénieurs-chercheurs chez
de données et perspectives pour du commerce devaient être EDF, s’attachent à analyser les
la prévention. prioritaires en termes d’actions de causes profondes d’accidents de
Santé publique France, 2018, 17 p. prévention des lomboradiculalgies. travail et à mettre en évidence
Un réseau pilote de surveillance Les résultats sont cohérents et les autorités de contrôle mises
épidémiologique des TMS complémentaires, cependant en jeu et les dysfonctionnements
dans les Pays de la Loire a été l’utilisation d’une source unique organisationnels.
mis en place en 2002. Il avait pour la surveillance nationale L'Harmattan : 5-7 rue de l'École-
pour objectif de constituer un des lombalgies pour orienter la Polytechnique, 75005 Paris.
observatoire des TMS d’origine prévention ne refléterait qu’un
professionnelle, afin d’aider à aspect du problème. Au niveau

186 N° 157 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2019


RECOMMANDATIONS Ces recommandations aux
auteurs s’inspirent des

AUX AUTEURS
exigences uniformes éditées
par le groupe de Vancouver.
Ce groupe de rédacteurs
de revues biomédicales,
réuni en 1978 afin d’établir
des lignes directrices sur le
format des manuscrits, est
devenu depuis le Comité
international des rédacteurs
de revues médicales
LA REVUE (CIRRM) et a produit une
La revue Références en Santé au Travail a pour objet d’apporter aux cinquième édition des
équipes des services de santé au travail des informations médi- exigences uniformes. Le style
cales, techniques et juridiques utiles à l’accomplissement de leurs Vancouver de ces exigences
missions. est inspiré en grande partie
Cette revue périodique trimestrielle est publiée par l’INRS, Institut d’une norme ANSI (American
national de recherche et de sécurité. National Standards Institute)
La rédaction se réserve le droit de soumettre l’article au comité de que la NLM (National
rédaction de la revue ou à un expert de son choix pour avis avant Library of Medicine) a
acceptation.
adoptée pour ses bases de
données (ex. Medline).
Les énoncés ont été publiés
LE TEXTE dans le numéro du 15
Le texte rédigé en français est adressé à la rédaction sous la forme février 1997 du JAMC,
d’un fichier Word, envoyé par mail (ou fourni sur une clé USB). Journal de l’Association
Les règles élémentaires de frappe dactylographique sont respec- Médicale Canadienne.
tées ; le formatage est le plus simple possible, sur une colonne,
sans tabulation ni saut de pages. La frappe ne se fait jamais en Les directives aux auteurs
tout majuscules : Titre, intertitre ou noms d’auteurs sont saisis en sont également disponibles
minuscules. en français sur le site Internet
La bibliographie est placée en fin de texte par ordre alphabétique de la CMA, Canadian Medical
de préférence, suivie des tableaux et illustrations, et enfin des Association, à l'adresse
annexes. suivante : www.cma.ca
Tout sigle ou abréviation est développé lors de sa première appa-
rition dans le texte.
Les sous-titres de même niveau sont signalés de façon identique
tout au long du texte.
Un résumé en français (maximum 10 lignes) accompagne l’article,
ainsi que des points à retenir : il s’agit, en quelques phrases brèves,
de pointer les éléments essentiels que le ou les auteurs souhaitent
que l’on retienne de leur article.
La liste des auteurs (noms, initiales des prénoms) est suivie des
références du service et de l’organisme, ainsi que la ville, où ils
exercent leur fonction.
Des remerciements aux différents contributeurs autres que les
auteurs peuvent être ajoutés.

LES ILLUSTRATIONS ET LES TABLEAUX


Les figures, photos, schémas ou graphiques… sont numérotés et
appelées dans le texte.
Tous les éléments visuels sont clairement identifiés et légendés.
Les photographies sont fournies sous format numérique (PDF, EPS,
TIFF OU JPG…), compressés (zippés) et envoyés par mail. Leur réso-
lution est obligatoirement de qualité haute définition (300 dpi).
LES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Les références bibliographiques sont destinées :
- à conforter la crédibilité scientifique du texte,
- à permettre au lecteur de retrouver facilement le document cité.
La bibliographie, placée en fin d’article, de préférence par ordre alphabétique, est toujours saisie en minuscules.
Dans le texte, les éléments bibliographiques sont indiqués entre crochets (auteurs, année de publication, et lettre
alphabétique lorsque plusieurs articles du ou des mêmes auteurs ont été publiés la même année).
Si la bibliographie est numérotée, elle suit l’ordre d’apparition des références dans le texte.
Lorsqu’il y a plus de quatre auteurs, ajouter la mention : « et al. »
Les titres des revues sont abrégés selon la liste de l’Index Medicus : www.nlm.nih.gov
Forme générale pour un article :
Nom(s) prénom(s) (initiales) – Titre de l’article. Titre de la revue abrégé. année ; volume (numéro, supplément ou
partie*) : première - dernière pages de l’article.
* Si données disponibles.
Pour les auteurs anonymes, la référence bibliographique commence par le titre de l’article ou de l’ouvrage.
Pour un article ou un ouvrage non encore publié mais déjà accepté par l’éditeur, joindre la mention « à paraître ».
Si volume avec supplément : 59 suppl 3 - Si numéro avec supplément : 59 (5 suppl 3) - Si volume et partie : 59 (Pt 4)
Exemple article de revue : Souques M, Magne I, Lambrozo J - Implantable cardioverter defibrillator and 50-Hz
electric and magnetic fields exposure in the workplace. Int Arch Occup Environ Health. 2011 ; 84 (1) : 1-6.
Forme générale pour un ouvrage :
Nom(s) prénom(s) (initiales) – Titre de l’ouvrage. Numéro d’édition*. Collection*. Ville d’édition : éditeur ; année :
nombre total de pages*.
* Si données disponibles.
Exemple ouvrage : Gresy JE, Perez Nuckel R, Emont P - Gérer les risques psychosociaux. Performance et bien-être
au travail. Entreprise. Issy-les-Moulineaux : ESF Editeur ; 2012 : 223 p.
Exemple chapitre dans un ouvrage : Coqueluche. In: Launay O, Piroth L, Yazdanpanah Y. (Eds*) - E. Pilly 2012.
Maladies infectieuses et tropicales. ECN. Pilly 2012. Maladies infectieuses et tropicales. 23e édition. Paris : Vivactis
Plus ; 2011 : 288-90, 607 p.
* On entend ici par « Ed(s) » le ou les auteurs principaux d’un ouvrage qui coordonnent les contributions d’un en-
semble d’auteurs, à ne pas confondre avec la maison d’édition.
Exemple extrait de congrès : Bayeux-Dunglas MC, Abiteboul D, Le Bâcle C - Guide EFICATT : exposition fortuite à
un agent infectieux et conduite à tenir en milieu de travail. Extrait de : 31e Congrès national de médecine et santé
au travail. Toulouse, 1-4 juin 2010. Arch Mal Prof Environ. 2010 ; 71 (3) : 508-09.
Exemple thèse : Derock C – Étude sur la capillaroscopie multiparamétrique sous unguéale des expositions chro-
niques professionnelles en radiologie interventionnelle. Thèse pour le doctorat en médecine. Bobigny : Université
Paris 13. Faculté de médecine de Bobigny « Léonard de Vinci » : 177 p.
Forme générale pour un document électronique :
Auteur - Titre du document. Organisme émetteur, date du document (adresse Internet)
Exemple : Ménard C, Demortière G, Durand E, Verger P (Eds) et al. - Médecins du travail / médecins généralistes :
regards croisés. INPES, 2011 (www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1384.pdf).
Forme générale pour une base de données
Nom de la base de données. Organisme émetteur, année de mise à jour de la base (adresse Internet)
Exemple : BIOTOX. Guide biotoxicologique pour les médecins du travail. Inventaire des dosages biologiques dis-
ponibles pour la surveillance des sujets exposés à des produits chimiques. INRS, 2012 (www.inrs.fr/biotox).
Forme générale pour un CD-Rom ou un DVD
Auteurs Nom(s) prénom(s) (initiales) – Titre du CD-Rom. Numéro d’édition*. Collection*. Ville d’édition : éditeur ;
année : 1 CD-ROM.
*Si données disponibles.
Exemple : TLVs and BEIs with 7th edition documentation. CD-ROM 2011. Cincinnati : ACGIH ; 2011 : 1 CD-Rom.

La remise d’un texte pour publication dans Références en Santé au Travail emporte cession
du droit de reproduction, de représentation, de modification et d’adaptation.

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