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ISBN : 978-2-271-08869-7
Tradition et généalogie
de la justice d’exception
1. Virginie Sansico, La justice du pire. Les cours martiales sous Vichy, Paris,
Éditions Payot, 2002, 258 p.
2. La Cour de sûreté de l’État a prononcé trente-six condamnations à la peine de
mort en dix-huit ans. Elles concernent dans des proportions semblables d’un
côté les membres de l’OAS, et, de l’autre, les anciens collaborateurs et les
« espions », principalement des ressortissants des pays d’Europe de l’Est
accusés d’avoir transmis des renseignements à l’Union Soviétique.
3. Claude Garcin, La notion de juridiction d’exception en droit pénal : pour une
nouvelle classification, Thèse de doctorat de droit, Lyon III, 1987, p. 8.
4. Citons justement ce propos du général de Gaulle à Alain Peyrefitte, le ministre
de l’Information, à propos de la Cour de sûreté de l’État : « Expliquez bien que
ce ne sera pas une juridiction d’exception ! Ce sera une juridiction spécialisée,
ce qui est très différent ! Ce sera une juridiction spécialisée dans les crimes de
terrorisme ou de trahison, comme les tribunaux de commerce sont spécialisés
dans les litiges commerciaux, comme les tribunaux pour enfants sont spécialisés
dans les affaires d’enfants ! Ni plus ni moins. » (Alain Peyrefitte, C’était de
Gaulle, tome II, Paris, Fayard, 1998, p. 131).
5. L’expression est empruntée à Michel Foucault qui, dans un article à propos de
l’affaire Croissant, évoque de manière plus générale l’infériorité juridique du
détenu et son « moindre droit » (Michel Foucault, « Va-t-on extrader Klaus
Croissant ? », Le Nouvel Observateur, novembre 1977, p. 62-62 in Dits et écrits,
II. 1976-1988, Paris, Éditions Gallimard, 2001, p. 365).
6. Didier Bigo, « Exception et ban : à propos de l’état d’exception », Erytheis,
no 2, novembre 2007, p. 115.
7. Mathieu Rigouste, L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de
l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Paris, La Découverte, 2011,
351 p.
8. Emmanuel Blanchard, La police parisienne et les Algériens (1944-1962), Paris,
Nouveau monde Éditions, 2001, p. 399 à 405.
9. L’absence de référence au terrorisme dans la législation pénale jusqu’en 1986
illustre le caractère récent du droit pénal antiterroriste.
10. Giorgio Agamben, État d’exception. Homo sacer, Paris, Seuil, 2003, 153 p.
11. Jean-Claude Monod, Penser l’ennemi, affronter l’exception. Réflexions
critiques sur l’actualité de Carl Schmitt, Paris, La Découverte, 2007, p. 107.
12. Giorgio Agamben, État d’exception…, op. cit., p. 11.
13. Idem., p. 12.
14. Le fonds de la Cour de sûreté de l’État, déposé au site de Pierrefitte-sur-
Seine des Archives nationales, comprend environ cinq cents cartons d’archives.
Nous en avons consulté cent vingt, répartis entre les principales cibles de la
juridiction gaulliste : ceux relatifs à l’OAS, aux gauchistes de mai 68 et de la
Gauche prolétarienne, ceux liés à l’indépendantisme breton et corse, et enfin à
Action directe. Certains cartons consultés avaient aussi pour objectif de recueillir
des informations sur les affaires en lien avec l’espionnage soviétique, ou ayant
trait aux collaborateurs arrêtés à partir des années 1960.
15. Nous avons constitué un corpus de cinquante et un dossiers de carrière de
magistrats ayant appartenu à la Cour de sûreté de l’État dès février 1963, qu’ils
y aient été délégués de manière temporaire, nommés ou détachés pour les deux
ans prévus par la loi. D’après nos recherches, ils étaient cinquante-trois dans ce
cas. Ces dossiers personnels, qui font partie des archives du Bureau de la
déontologie et des affaires générales (sous-direction de la magistrature,
direction des services judiciaires), sont consultables aux Archives nationales,
site de Fontainebleau.
16. Les « Papiers des chefs d’État », et en particulier les archives de la
Présidence de la République, ont été déposés au site de Pierrefitte-sur-Seine des
Archives nationales.
PREMIÈRE PARTIE
L’INSTITUTIONNALISATION
DE LA JUSTICE
D’EXCEPTION
Temporaire, circonscrite à la répression d’une cible
pénale précise ou à la résolution d’une crise, la justice
d’exception n’a pas vocation à s’intégrer dans l’appareil
judiciaire d’un régime démocratique. Au contraire, par sa
situation à la marge du système répressif, elle vient signaler
sa dépendance à l’état d’exception et ainsi témoigner de
son caractère non seulement provisoire mais anormal au
regard des représentations traditionnelles de la justice
démocratique et de ce qui est attendu du traitement
étatique des justiciables dans un État de droit.
Pour autant, cette image d’une excroissance ou d’une
anomalie juridictionnelle limitée dans le temps, rendue
nécessaire par l’exceptionnalité des faits à instruire et à
juger, et appelée à disparaître tant elle est étrangère à la
manière légitime de rendre et de faire justice, durcit la
frontière entre justice d’exception et justice ordinaire. Déjà,
la première n’est jamais totalement isolée du cadre légal qui
lui préexiste et indépendante des normes et des règles
juridiques en vigueur : ses modalités de fonctionnement
empruntent tout autant aux précédents tribunaux spéciaux
qu’à ceux de l’ordre judiciaire qu’elle mime parfois, ses
juges sont des magistrats professionnels qui procèdent à
des allers-retours entre juridictions d’exception et
juridictions de droit commun tandis que la police lui défère
des présumés coupables, et des liens avec l’appareil
juridictionnel peuvent être rendus nécessaires par les
affaires politiques dont elle hérite, se dessaisit ou qu’elle
revendique. Cette circulation du personnel et des cas
judiciaires, des pratiques et des catégories pénales, tout
comme la coopération entre les différentes institutions
répressives, témoignent dès lors d’une porosité à dessein
cachée par le pouvoir central de ces deux formes de justice.
Mais, au-delà de cette imbrication de l’ordinaire et de
l’exception en droit dans une même configuration judiciaire
de crise, la justice d’exception peut aussi résister à la
normalisation de la conjoncture politique, et « survivre »
tant à ses créateurs et qu’à sa population cible. Ces types
de juridictions institutionnalisées sont néanmoins
relativement rares, puisqu’en dehors des états d’urgence ou
de guerre, les gouvernements ont plutôt tendance à
renforcer les compétences d’autres acteurs répressifs
comme l’armée, la police, les services de renseignement,
l’administration ou les tribunaux déjà intégrés à la pyramide
judiciaire, et à leur permettre de prendre légalement des
mesures exceptionnelles à des fins répressives. La Cour de
sûreté de l’État illustre pourtant cette transformation d’une
justice d’exception exceptionnelle en une justice
d’exception permanente, et éclaire plus généralement le
processus de pérennisation de l’exception dans le domaine
de la lutte judiciaire contre les opposants. Induit par les
modalités mêmes de sa création, à savoir par un pouvoir
législatif relais du chef de l’État (chapitre 1), et par les
pratiques et les discours des magistrats qui font vivre
l’institution (chapitre 2), ce processus doit aussi pour
beaucoup à la succession d’affaires politiques qui lui
permettent de maintenir une activité continue et qui
légitiment, par leur nombre et leur gravité supposée, son
maintien dans l’appareil juridictionnel (chapitre 3).
Néanmoins, la durabilité d’un dispositif d’exception
permanent créé pour réprimer des ennemis intérieurs
désignés par le pouvoir central, en régime démocratique et
en dehors des situations de guerre, ne peut que susciter des
résistances et des oppositions d’autant plus fortes qu’il est
progressivement mobilisé contre des activistes aux profils et
aux modalités d’action différenciés qui les éloignent de la
population cible initialement visée. L’intégration du tribunal
gaulliste dans le système répressif français invite ainsi à
interroger, non seulement l’institutionnalisation réussie
d’une juridiction politique, mais plus généralement les
conditions de possibilité d’une entreprise de rationalisation
et de perfectionnement de la justice d’exception qui
favorise sa longévité et sa capacité d’adaptation aux temps
de paix.
CHAPITRE PREMIER
Rationaliser, légitimer
et légaliser l’exception
Urgence, nécessité,
et légitime défense de l’État
Les juridictions d’exception spécialisées dans les
atteintes à la sûreté de l’État sont toutes créées dans des
contextes de crise qui entraînent une radicalisation de la
répression politique, soit à l’encontre des « perdants » du
conflit armé ou symbolique, soit contre ceux qui viennent
menacer l’ordre social et politique établi. Comme toute
mesure exceptionnelle, leur instauration est dès lors
légitimée par l’urgence et la nécessité qu’il y a à punir les
« comploteurs », les « traîtres », ou les « fauteurs de
troubles à l’ordre public » et, plus généralement, à défendre
l’État contre ses agresseurs. Dans ce cadre, la légitime
défense étatique est au cœur du processus de légitimation
de l’exception en droit et l’instauration de tels organes
juridictionnels se combine le plus souvent à d’autres
mesures de protection de la « chose publique » comme la
proclamation de l’état d’urgence, la dévolution des pouvoirs
judiciaires à l’autorité militaire ou la concentration des
pouvoirs au sein de l’exécutif. La justice politique incarnée
dans des tribunaux spéciaux a donc partie liée à
l’instauration de ce mode provisoire de gouvernement
qu’est l’état d’exception.
Or, non seulement la période dans laquelle s’inscrit la
création de la Cour de sûreté de l’État ne peut s’apparenter
à ces périodes de très fortes conflictualités politiques et
sociales qui justifient l’emploi de dispositifs exorbitants du
droit commun, mais la nouvelle juridiction vise à instaurer
un régime pénal sévère à vocation permanente. Ce double
trouble de la temporalité propre aux conditions
d’émergence et d’existence de la justice politique, qui
suscite de nombreuses résistances au sein des assemblées,
conduit dès lors l’exécutif, contraint de légitimer ses projets
de loi, à développer une stratégie discursive et pratique
alarmiste par laquelle la dangerosité des violences
politiques commises sur le territoire est surévaluée. Il s’agit
pour lui de recréer les conditions favorables à l’emploi de
mesures exceptionnelles, de démontrer l’exceptionnalité de
la gravité des menaces qui pèsent sur le régime en place, et
de convaincre les parlementaires de la nécessité et de
l’urgence à légiférer. Cette reconduction politique et fictive
de l’état de guerre, mise à mal par la déradicalisation des
membres de l’OAS, n’en a pas moins des effets bien réels
puisqu’elle conduit à l’institutionnalisation d’une logique de
répression proactive, et surtout à la création de nouveaux
crimes et délits politiques en lien avec « l’autorité de
l’État ».
L’institutionnalisation d’un
processus de pénalisation
d’exception
Comme tout tribunal spécial chargé de réprimer des
opposants, la Cour de sûreté est assignée à deux tâches
contradictoires : punir en affichant et en respectant
certaines valeurs ou principes rattachés au système
démocratique (comme celui d’avoir droit à un procès
équitable), et celle de s’en affranchir au nom de la justice
politique [80]. Cette double exigence est d’autant plus forte
dans le cas de la juridiction gaulliste qu’elle doit être créée
par le pouvoir législatif en dehors des temps de guerre et
qu’elle a vocation à intégrer l’appareil judiciaire français. La
rationalisation de la justice d’exception post-guerre
d’Algérie, qu’attestent à la fois les modalités de sa création
et la permanence de ses missions, se traduit dès lors par un
aménagement de son degré d’atteinte aux droits
fondamentaux. Le régime pénal dérogatoire qu’elle met
ainsi en place rompt avec les principales caractéristiques
des juridictions d’exception classiques : les garanties de la
défense ne sont pas totalement écartées, une procédure
expéditive n’est pas imposée et les voies de recours ne sont
pas supprimées. Cette adaptation de la justice politique aux
temps ordinaires de la vie judicaire, nécessaire pour
favoriser l’acceptabilité des textes, permet aux porteurs des
projets de loi de développer une rhétorique du « progrès »
voire du « mieux que » (Vichy, la Libération, le conflit
algérien) comme l’illustre cette déclaration de Jean Foyer au
premier jour des débats : « Ces deux textes s’inspirent très
largement de la tradition libérale française par tout un
ensemble de dispositions. » Après les avoir citées une à une
(la limitation des pouvoirs de police, la restauration du juge
dans la phase de l’instruction préparatoire et, surtout, la
possibilité de voies de recours), il déclare : « Le
gouvernement est donc allé fort loin dans la voie du
libéralisme [81]. »
Or, si la Cour de sûreté de l’État est présentée comme le
fruit d’une « pensée libérale » qui rompt avec la manière
dont s’est incarnée, en France, la justice d’exception,
chaque étape du processus de pénalisation fait apparaître
des singularités qui ont pour effet de réduire les garanties
offertes aux accusés. L’article 15 de la loi du 15 janvier
1963 est à ce titre explicite, lui qui inscrit dans les textes les
dérogations au droit commun : « Les crimes et délits déférés
à la Cour de sûreté de l’État dans les conditions fixées par
l’article 698 du Code de procédure pénale sont poursuivis et
instruits selon les règles de droit commun, sous réserve des
dispositions ci-après. » Parmi ces dispositions, deux sont
décisives quant à l’évolution du traitement étatique de la
criminalité politique en France : l’accroissement du pouvoir
policier au détriment des droits de la défense, et la
composition dérogatoire des chambres de jugement des
tribunaux spécialisés dans la répression des violences
dirigées contre l’État.
Des magistrats experts
en « défense de l’État »
Les bénéficiaires secondaires
du crime
Les rétributions dont bénéficient les juges qui acceptent
leur nomination, leur détachement ou leur délégation dans
une juridiction d’exception sont rarement connues. S’il
paraît évident que des « primes à la répression
d’exception [45] » sont octroyées à certains magistrats en
échange de leurs « sacrifices » pour préserver les intérêts
des gouvernants, la nature de ces avantages est le plus
souvent invisibilisée, et par le pouvoir central pour lequel il
serait trop coûteux de révéler ces entreprises de
domestication de la justice, et par les juges eux-mêmes
dont la transgression des normes régissant la magistrature
serait d’autant plus dénoncée qu’elle serait reliée à son
aspect purement rétributif et matériel. En outre, la
connaissance publique de ces récompenses ne ferait
qu’aggraver le discrédit de ces juridictions politiques
soumises au pouvoir et caractérisée par la dépendance des
magistrats.
Dans son livre intitulé Les Juges et le Pouvoir, Georges
Masson relève ainsi que la « qualité » de juge de la Cour de
sûreté de l’État « fut, pour certains du moins, récompensée
par des promotions particulièrement rapides qui ne
pouvaient évidemment pas rehausser l’image d’une
juridiction contestée [46] ». Or, si Georges Masson est si bien
renseigné, c’est qu’il a lui-même contribué au
fonctionnement de cette nouvelle juridiction [47] et qu’il en a
été l’un des potentiels bénéficiaires en obtenant les
indemnités financières, les possibilités d’avancement dans
la carrière, l’acquisition d’une expertise en matière de
criminalité politique et les honneurs y afférent. Si ces
différentes formes de rétributions sont centrales dans le
dispositif répressif, ce n’est pas tant parce qu’elles
permettent de recruter des magistrats dès lors prêts à
participer à l’institutionnalisation de la justice d’exception
en France, même si cet aspect est suffisamment inédit pour
le souligner. Mais c’est surtout parce qu’elles placent ces
juges dans un système de don/contre-don, et donc, dans
une situation de dépendance vis-à-vis du pouvoir central qui
ne peut être sans effet sur la manière dont sont instruites et
jugées les affaires d’atteinte à la sûreté de l’État.
LES INDEMNITÉS FINANCIÈRES
UNE QUESTION D’HONNEUR
UNE FONCTION TEMPORAIRE
Des comploteurs
aux terroristes
La justice d’exception
et ses cibles
Une justice d’exception
traditionnelle : la répression
de l’OAS
Créée pour juger dans un premier temps les membres de
l’OAS, la Cour de sûreté de l’État ne se distingue pas,
jusqu’à leurs amnisties (juillet 1964 et 1968), des
juridictions d’exception classiques que connaît la France
depuis au moins la Révolution française, puisque son mode
de fonctionnement est caractérisé par l’urgence judiciaire et
la primauté accordée à la répression d’une cible désignée
par l’exécutif, tandis que ses jugements sont rendus par des
magistrats choisis pour leur docilité et leur fidélité au chef
de l’État. Si certaines affaires marquent l’histoire de la
juridiction naissante, comme celle du chef de l’OAS Antoine
Argoud, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité le
30 décembre 1963 [2], ce sont 2 265 personnes qui sont
jugées durant ces années, pour la plupart membres ou
sympathisants de l’organisation. Seuls quelques cas
d’espionnage et, plus rares encore, d’anciens collaborateurs
ayant fui la France à la Libération pour échapper à leur
jugement, viennent s’intercaler entre les procès des
partisans du maintien de la présence française en Algérie.
Pour se rendre compte de l’intensité de l’activité judiciaire
pendant cette première période, il suffit de rappeler
qu’ensuite, de 1968 à 1981, 2 523 accusés comparaissent
devant la Cour de sûreté de l’État [3]. Autrement dit, en cinq
ans, de 1963 à 1968, la juridiction d’exception traite autant
d’affaires que durant les treize années suivantes.
Au-delà de cette capacité à traiter urgemment une
multitude d’affaires politiques complexes, la force de la
nouvelle juridiction s’apprécie également à la diversification
de ses incriminations et de ses peines, allant de la simple
amende aux condamnations à mort, en passant par la
dégradation militaire. Néanmoins, le recours à ce dispositif
d’exception permanent s’inscrit dans deux logiques politico-
pénales antagonistes, celle de la criminalisation des
partisans radicaux de l’Algérie française et celle de leur
amnistie, deux processus dont la simultanéité travaille à la
fois son degré de punitivité et son niveau d’activité, ce
dernier chutant radicalement, en même temps que le
nombre d’affaires à juger, dès la première loi amnistiante de
juillet 1964. Dès lors, si cette première période donne à voir
le fonctionnement traditionnel d’un tribunal politique en
contexte post-crise, elle permet aussi d’observer sa difficile
adaptation aux exigences de la pacification de la vie
politique et de saisir les contraintes liées à sa conversion en
une justice d’exception capable de perdurer une fois sa
mission achevée et en dehors de la configuration de procès
qui lui a permis d’exister.
APRÈS L’OAS :
UNE JURIDICTION QUI « TOMBE DANS L’OUBLI » ?
La répression de l’extrême
gauche et les usages policiers
de la justice d’exception
L’année 1968 est un moment de rupture dans le
fonctionnement de l’institution d’exception, à la fois parce
que c’est à cette date qu’intervient l’amnistie totale de
l’OAS et parce que la crise politique de mai contribue à
modifier de manière durable la nature des crimes politiques
gérés par la cour et les profils des militants inculpés [34]. La
juridiction, instituée pour poursuivre la répression de
l’extrême droite et éradiquer le militantisme pro « Algérie
française », s’attache désormais à la criminalisation de la
gauche radicale et va en faire l’une de ses principales cibles
pénales jusqu’à sa suppression en août 1981. Si ce
changement est important, c’est qu’il consacre
définitivement la permanence d’une justice politique et sa
possible adaptation, tout autant aux variations des
exigences répressives de l’exécutif qu’aux types
d’activismes oppositionnels : de celui d’extrême droite à
celui d’extrême gauche, des attentats meurtriers aux
attroupements, aux appels à la violence, et aux distributions
de tracts.
Pour autant, mai 68 entame une période d’instabilité et
d’incertitude fonctionnelles lors de laquelle apparaissent
des conflits de mise en sens et d’usages de l’exception. Si la
répression de l’OAS avait répondu à des directives politico-
pénales claires du chef de l’État, les luttes ou les
négociations intergouvernementales sur la portée
répressive de la Cour de sûreté dès la fin des années 1960
viennent révéler l’absence de consensus au sein de
l’exécutif sur les possibilités de recourir à la justice
politique. Le fait même de déférer des militants devant la
juridiction gaulliste fait débat, et entraîne de nombreuses
mobilisations de résistance qui se renforcent au gré des
procédures, de l’élargissement progressif du groupe de ses
justiciables, et de l’émergence du thème de l’État de droit.
Et quand bien même sous la pression du ministère de
l’Intérieur des gauchistes comme ceux de la Gauche
prolétarienne sont mis en accusation devant elle à partir de
mai 1970, le nombre de procès réellement engagés et les
peines prononcées révèlent la difficile adaptation de la
justice politique aux temps plus ordinaires de la vie
judiciaire et, surtout, la nécessité pour ses juges d’adapter
son taux de punitivité à la gravité pénale de l’activisme
visé. Cependant, cette remise en cause du rôle traditionnel
d’un tribunal spécialisé dans la répression des ennemis
intérieurs n’empêche pas les usages négociés ou détournés
de l’exception, et en particulier les usages policiers d’une
juridiction d’exception.
LES ÉVÉNEMENTS DE MAI-JUIN 1968
Les politiques de répression
du terrorisme indépendantiste
Contrairement à la période précédente, les années 1970
ouvrent une configuration judiciaire dominée par une
multitude de procès pour des actes dits « terroristes » et,
plus précisément, pour atteinte à l’intégrité du territoire
national. Si le « terrorisme révolutionnaire » constitue une
cible toujours intégrée à la logique répressive étatique – la
Cour de sûreté instruit les affaires d’Action Directe ou de
Carlos en 1975 – « le terrorisme à vocation
indépendantiste », celui dont l’implantation est la plus
réussie et qui commet le plus d’attentats [73], domine les
préoccupations du pouvoir central et constitue l’essentiel de
l’activité policière et judiciaire en matière d’atteinte à la
sûreté de l’État.
Ces entreprises de remise en cause de l’unité et de
l’indivisibilité du territoire, qui s’accompagnent bien souvent
d’une volonté de concurrencer l’État dans son monopole de
la violence physique légitime, redonnent dès lors une place
centrale à la justice d’exception dans l’arsenal sécuritaire et
répressif. Au-delà de la violence exercée, qui permet aux
gouvernements successifs de justifier la permanence d’une
justice politique désormais institutionnalisée, et de
développer un discours unitaire sur la gravité des menaces
encourues par la République, la nation et l’État, c’est
« l’attentat » qui constitue progressivement l’acte-limite à
partir duquel le recours à la justice d’exception devient
automatique, et le « terroriste » qui y est systématiquement
déféré. Au croisement de la lutte historique contre le
militant comploteur et clandestin, et d’une répression de
type colonial qui vise à éradiquer toute forme de
« séparatisme » comme dans les DOM-TOM, l’antiterrorisme
des années 1970 et du début des années 1980 se focalise
essentiellement sur les nationalistes corses et bretons dont
les actes violents, d’abord euphémisés, sont
progressivement surcriminalisés au gré de l’échec des
politiques de négociations et de la radicalisation des
revendications d’autonomie ou d’indépendance.
DES « ÉGARÉS » DU FLB AUX « APPRENTIS
TERRORISTES » DU FLNC
D’UN RÉGIME
D’EXCEPTION À L’AUTRE :
JUSTICE POLITIQUE
ET JUSTICE
ANTITERRORISTE
Antiterrorisme et utilisation étatique de l’exception sont
intrinsèquement liés. Face au terrorisme, les divers États
occidentaux se sont progressivement dotés dès les
années 1970 d’un arsenal sécuritaire hors du commun
renforcé à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Si
certaines mesures policières et judiciaires sont communes
aux différents États [1], chacun d’entre eux, en fonction de
l’histoire de ses rapports à la violence politique, des groupes
visés, du type et de la précocité des attaques subies sur son
territoire, a néanmoins organisé un régime d’exception
propre qui n’empêche ni les mécanismes d’imitation
répressive [2] ni les coopérations interétatiques [3]. Dans
cette dynamique antiterroriste, les États-Unis ont choisi un
« scénario guerrier [4] » leur permettant de mobiliser un
certain nombre de dispositions d’exception que l’on ne
retrouve dans aucun autre pays d’Europe : les détentions
illimitées dans un camp, Guantánamo, l’usage de la torture,
ou les procédures de restitutions extraordinaires. Ce sont
donc sur les États-Unis et, dans une moindre mesure, depuis
l’adoption du Terrorism Act en 2000, sur le Royaume-Uni,
que se focalisent toutes les critiques en matière d’atteintes
aux droits humains. Or, cette ligne de partage entre les
deux pays anglo-saxons et le reste de l’Europe reste ténue,
les démocraties européennes multipliant aujourd’hui les
dispositions sécuritaires et radicales, et mobilisant
également des procédés de plus en plus intrusifs et
coercitifs [5]. De plus, la multiplication des références à
« l’état de guerre » et au « 11 septembre français », tout
comme les appels à légiférer en faveur d’un « Patriot Act à
la française [6] » quelques jours seulement après les
attentats de janvier 2015 en France, témoignent de ce que
les États-Unis constituent un réservoir d’expériences
pratiques pour les pays membres de l’Union européenne, et
un exemple, même repoussoir, de ce qu’il est encore
possible de faire au nom de la défense de l’État. En allant
plus loin, on pourrait même dire que les discours politiques
se référant aux États-Unis, ce pays qui a repoussé à
l’extrême la limite des atteintes à porter aux libertés
fondamentales, vise en Europe à légitimer l’adoption de
mesures exceptionnelles et, par la comparaison, à en
euphémiser le caractère dérogatoire, répressif et
discriminant.
Ainsi, contrairement à celles des États-Unis ou du
Royaume-Uni, l’une des particularités de l’approche
antiterroriste française, souvent soulignée par certains
analystes et surtout par les gouvernants eux-mêmes, est
son refus d’établir un régime d’exception [7]. La France
aurait adopté une approche de droit commun de la lutte
contre le terrorisme, sans juridiction ni législation
d’exception [8], ou tout au moins choisi une voie médiane
« à mi-chemin entre le droit commun et le droit
d’exception [9] ». L’absence de tribunaux spéciaux depuis la
suppression de la Cour de sûreté de l’État serait l’exemple
type de cette spécificité de la lutte française contre la
criminalité terroriste marquée par une adaptation, parfois
dérogatoire, de ses moyens policiers et judiciaires aux
exigences de la sécurité du territoire et de la punition des
coupables, mais sans pour autant attenter aux principes du
droit commun et aux garanties fondamentales des
citoyens [10]. Si cette thèse mérite évidemment d’être
discutée et, en partie, infirmée, notamment en ce qu’elle
occulte la mutation de la justice politique et son évolution
vers des formes moins visibles et donc plus « acceptables »
de lutte contre celles et ceux qui prennent pour cibles l’État,
elle invite à prolonger la réflexion sur les interactions entre
exception en droit et droit pénal commun, et à mettre au
jour la durabilité des effets de la suppression des juridictions
politiques sur le système punitif français.
Dès lors saisi par le prisme de l’antiterrorisme et de ses
héritages multiples, le rôle de la Cour de sûreté se révèle
central, à la fois en tant qu’organe juridictionnel qui a
permis d’expérimenter des pratiques d’exception
mobilisables dans les périodes succédant à sa suppression,
mais aussi en tant qu’incarnation d’un régime répressif
aggravé propre à la justice politique et réactualisé au gré du
renforcement de la lutte antiterroriste. Plus précisément, la
Cour de sûreté de l’État a favorisé l’émergence d’un double
phénomène renforçant le degré de radicalité et d’efficacité
de la répression politique en temps de paix : la
singularisation de certains crimes et délits par leur
soumission à une juridiction d’exception, et l’assimilation
progressive des activistes violents aux criminels et aux
délinquants (chapitre 4). La gestion étatique de la
criminalité terroriste, si elle est travaillée par la suppression
de la Cour de sûreté de l’État au début des années 1980,
n’en reconduit pas moins la plupart des dispositifs
d’exception qui lui étaient liés, et s’appuie sur un régime
pénal semblable mais dont la particularité est d’être
officiellement dépolitisé (chapitre 5). Aussi, loin de
s’opposer, la justice politique et la justice antiterroriste
participent d’une même technique de gouvernement qui
consiste à isoler une partie de la population pour la
soumettre à un traitement policier, judiciaire et
juridictionnel radical et spécifique, et ne sont que deux
modalités d’exercice différenciées de la justice d’exception.
CHAPITRE 4
Les variations de la frontière
entre « les politiques »
et les « droits communs »
La (non) reconnaissance
du caractère politique
des illégalismes
Les crimes et les délits politiques qui entrent dans le
champ de compétence d’une juridiction d’exception
subissent toujours une restriction limitative, notamment par
l’édiction de listes d’infractions contenues dans des décrets
ou des lois. L’objectif affiché est de faire obstacle à la
criminalisation de l’opposition et, plus précisément,
d’empêcher que tout acte de militantisme ne devienne un
crime politique sanctionné par le Code pénal. Néanmoins, si
les juges et l’exécutif sont officiellement contraints par les
textes, et qu’en théorie l’opposition est protégée par un
ensemble de droits, en réalité, tout militant peut voir son
cas instruit et jugé par une juridiction en charge de la
criminalité politique du moment que ces derniers
parviennent à faire de son activité militante une atteinte à
la sûreté de l’État. Cette politisation des infractions est
facilitée par deux stratégies propres à la répression des
opposants : la capacité des magistrats à s’appuyer sur le
flou entourant la définition des crimes et des délits
politiques pour pouvoir englober sous diverses qualifications
pénales une multitude de gestes militants ; et la possibilité
juridique qui leur est accordée de réprimer des intentions ou
des mobiles, ceux d’attenter à l’autorité de l’État, avec le
cas exemplaire de la dissolution qui rend définitivement
illégales les organisations réprimées, et délictueuse ou
criminelle toute activité leur étant liée. Cette criminalisation
politisante de l’activisme oppositionnel, qui transforme
certaines actions non seulement en crimes mais surtout en
crimes politiques pour soustraire les cibles de l’exécutif à la
justice de droit commun, n’est pourtant pas systématique.
Dans le cas de l’extrême gauche, en particulier, s’observent
de la part du garde des Sceaux et des juges des stratégies
de dépolitisation des illégalismes qui ont pour effet
d’exclure les militants du groupe des « politiques » et de les
assimiler à des criminels ou des délinquants.
DISSOLUTION DES ORGANISATIONS ET POLITISATION
DES INFRACTIONS
Infériorité juridique
et répression d’exception
Comme tout tribunal politique spécial, la Cour de sûreté
de l’État est avant tout une juridiction d’exception qui
soumet des militants choisis par l’exécutif à une procédure
distincte de celle régie par le droit commun, faisant de ces
derniers des inculpés, accusés, ou détenus « à part ». Les
décrets de mise en accusation du garde des Sceaux ont
ainsi des incidences fortes pour le militant poursuivi dont les
droits peuvent et sont considérablement amoindris. Pour
autant, la justice d’exception n’est pas que justice politique,
notamment lorsqu’elle se détache de l’état d’exception pour
se normaliser et s’institutionnaliser dans le temps, et que
ses défenseurs ont la prétention d’en faire une juridiction
« ordinaire » et « naturelle » du système judiciaire
existant [23]. Elle emprunte aux tribunaux de l’appareil
juridictionnel dont le fonctionnement est soumis aux règles
de la justice démocratique et, plus précisément en France, à
celles de la tradition de la légalité républicaine. Par certains
aspects, les « politiques » sont donc soumis à la même
procédure que les « droits communs ». Cette indistinction à
éclipse, propre à cette double tradition de justice, reflète
surtout la volonté de l’exécutif de pouvoir faire instruire et
juger leurs affaires à la fois normalement et distinctement.
Tantôt « ennemis du régime » qui veulent déstabiliser
l’édifice social et politique, tantôt « délinquants » ou
« malfaiteurs » qui s’attaquent aux personnes et aux biens,
les opposants subissent dès lors une double répression
politique : une répression d’exception légitimée par la
singularité de leur crime et de leur délit ; et une répression
en apparence plus « classique » mais qui n’en a pas moins,
rapportée aux cibles visées, des effets politiques,
notamment de dépolitisation de leurs actes et de leurs
idées.
Juger les terroristes
aujourd’hui
La disparition des juridictions
d’exception
L’évolution des usages étatiques de l’exception en droit
est travaillée, en France, à partir du début des années 1980,
par un processus de dépolitisation de la justice politique [5].
Dans le contexte du retour de la gauche au pouvoir, la
suppression des juridictions spécialisées dans la criminalité
politique et militaire traduit une exigence de plus en plus
grande d’une égalité entre les justiciables, et témoigne
d’une l’illégitimité croissante des dispositifs d’exception,
désormais perçus comme incompatibles avec l’instauration
d’un véritable État de droit. Sacralisé, l’État de droit devient
dans cette période une ressource, un enjeu et un argument
mobilisé par ceux qui entendent supprimer les mesures
exorbitantes du droit commun héritées des régimes
gaulliste et pompidolien ou votées sous la présidence
Giscard [6]. La suppression de la Cour de sûreté de l’État a
donc tout autant partie liée à l’évolution du champ politique
qu’à une mutation plus générale et durable de l’appareil
répressif progressivement dépolitisé et mis en conformité
avec les règles et les normes du procès équitable.
Événement-rupture dans l’histoire des rapports entre État et
activisme radical et point de départ d’une nouvelle politique
criminelle en matière terroriste, sa disparition du paysage
judiciaire français consacre alors la primauté du droit
commun sur la justice politique et, avec la disparition
progressive de la notion de « sûreté de l’État », celle de la
protection de l’individu sur la défense de l’État.
LA FIN DE LA SÛRETÉ DE L’ÉTAT
Une juridiction antiterroriste :
la cour d’assises spécialement
composée
Aujourd’hui peu contestée en raison notamment de sa
défense par la doctrine juridique, attachée depuis sa
création à la décrire comme une « juridiction pénale
spécialisée [26] », la cour d’assises spécialement composée
est née au milieu des années 1980 dans un contexte où, en
lien avec la multiplication des attentats sur le territoire,
s’observent des logiques de néopolitisation de la justice [27]
qui se traduisent par le développement d’une politique
sécuritaire et d’une inflation normative en matière de lutte
antiterroriste. Instaurée selon les mêmes modalités que la
Cour de sûreté de l’État par un Parlement rallié à la thèse de
l’incapacité des cours d’assises à prendre en charge les
crimes terroristes et à celle d’une menace décrite comme
nouvelle et radicalisée – celle d’Action Directe – la cour
d’assises spécialement composée, comme l’antiterrorisme
français, s’est néanmoins construite par étapes, au gré des
vagues d’attentats successives, des affaires liées au
terrorisme et des « vides d’exception » constatés par le
pouvoir central. Surtout, la particularité de ce nouvel organe
juridictionnel est de se former à partir d’une juridiction
pénale ordinaire de la vie judiciaire, la cour d’assises, dont
elle ne garde que l’appellation et la compétence en matière
criminelle [28] tant sa large compétence, la composition de
sa chambre et ses modalités de jugement échappent au
droit commun. S’appuyant sur les législations antiterroristes
de 1986, celles qui inscrivent pour la première fois le
terrorisme et les modalités de sa répression dans le droit, la
cour d’assises spéciale peut dès lors être décrite comme un
nouveau type de juridiction d’exception, à savoir une
juridiction antiterroriste non pas créée ex nihilo comme les
précédents tribunaux politiques mais aménagée à partir
d’une juridiction déjà intégrée à l’appareil pénal et répressif
existant. Inscrite dans un mouvement de réactualisation des
dispositions policières et judiciaires dérogatoires héritées de
la guerre d’Algérie, elle illustre cependant une nouvelle
appréhension des rapports entre juridiction ordinaire et
juridiction spécialisée dans la criminalité terroriste,
confondue de manière inédite au sein d’un même tribunal.
Les « malfaiteurs terroristes »
au tribunal correctionnel
La caractéristique fondamentale de la lutte antiterroriste
aujourd’hui est de prévenir et d’empêcher. Si cette politique
s’inscrit dans une histoire plus longue de prévention des
attentats en France, il n’en demeure pas moins que l’on
assiste, depuis le début des années 1990, à un « tournant
préventif [57] » de l’antiterrorisme qui se traduit par un
élargissement des pouvoirs policiers [58]. Cette répression
proactive, ciblant principalement les terroristes dits
« islamistes » et visant à les neutraliser, affecte l’ensemble
de la chaîne pénale et pose avec plus d’acuité
qu’auparavant la problématique du jugement d’activistes
qui pourraient (ou dont les agents de l’État pensent qu’ils
pourraient) passer à l’acte mais qui, objectivement, n’ont
commis aucun crime ou délit. La répression de ce que les
juristes appellent « l’état dangereux prédélictuel »,
combinée à une stratégie de neutralisation préventive,
conduit dès lors les gouvernants à faire arrêter non plus tant
des opposants que des individus ou des groupes considérés
comme des criminels potentiels. Au regard de la gravité des
conséquences induites par d’éventuels attentats et en
raison de leur potentialité meurtrière, la criminalisation de
l’intention terroriste se renforce au gré de
l’institutionnalisation de la suspicion polico-judiciaire, la
nécessité de la preuve matérielle s’affaiblit tandis
que l’association de malfaiteurs devient l’élément clé d’un
antiterrorisme tourné vers la lutte contre les mouvances ou
les réseaux. Les législations tendent aussi à se multiplier
pour incriminer le plus grand nombre possible de
comportements pénalement répréhensibles, du soutien
matériel à l’expression d’une solidarité symbolique que
sanctionne plus récemment « l’apologie du terrorisme ».
Dans ce nouveau cadre répressif centré sur l’avant-crime, le
tribunal correctionnel se voit accorder un pouvoir de punir
inédit et une place désormais centrale dans l’appareil
répressif qui renseignent tant sur les nouvelles manières
d’appréhender le processus de pénalisation du terrorisme
que sur la place qu’y occupe la justice.
Les usages contemporains
de la justice d’exception
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