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Résumé
Résumé
Une des hypothèses les plus originales de la théorie de la dissonance cognitive de Festinger (1957) concerne les propriétés
motivationnelles de la dissonance. Les recherches se proposant de tester cette hypothèse sont examinées dans une synthèse
s1 articulant autour de trois axes : 1 / les modifications physiologiques consécutives à l'éveil de la dissonance ; 2 / la fausse
imputation de l'éveil de la dissonance ; 3 / les effets de la dissonance en matière d'apprentissage.
Les résultats sont consistants et corroborent fortement cette hypothèse.
Mots clés : dissonance, effets dynamogènes, motivation.
Abstract
Summary : Arousal properties of dissonance.
One of the most original hypothesis derived from Festinger's (1957) cognitive dissonance theory concerns the arousal properties
of dissonance. The experiments that have been conducted in an attempt to test this hypothesis are examined here in a
synthesis articulated around three axes : 1 / the physiological correlates ; 2 / the misattribution of arousal; 3/ the effect on
learning.
The results are consistant, and strongly corroborate this hypothesis.
Key words : dissonance, motivating effects, arousal.
Joule Robert-Vincent. La dissonance cognitive : un état de motivation?. In: L'année psychologique. 1987 vol. 87, n°2. pp. 273-
290;
doi : https://doi.org/10.3406/psy.1987.29204
https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_1987_num_87_2_29204
LA DISSONANCE COGNITIVE :
UN ÉTAT DE MOTIVATION?
par Robert-Vincent Joule
Les auteurs observèrent que les sujets qui avaient les taux de
dissonance les plus élevés (les sujets non rémunérés dans la première
expérience et les sujets auxquels il n'avait été fourni que de piètres raisons
de prolonger le jeûne dans la deuxième expérience) avaient les niveaux
de ffa les plus bas. L'état physiologique au terme de la privation de
nourriture n'était donc pas le même chez les sujets qui éprouvaient
une dissonance élevée et chez ceux qui n'éprouvaient qu'une faible
dissonance.
Zimbardo, Cohen, Weisenberg, Dworkin et Firestone (1969)
obtiendront des résultats allant dans le même sens en faisant intervenir une
motivation différente (la douleur) et en utilisant des mesures
physiologiques différentes (réactions dermo-galvaniques).
Dans l'expérience conduite par ces chercheurs, les sujets étaient
amenés, comme dans les deux expériences précédentes, à se porter
volontaires pour prolonger une situation pénible pour eux. Après avoir
reçu une première série de chocs électriques, dans le cadre d'une
expérience préliminaire, les sujets étaient incités à accepter d'en recevoir une
deuxième série. On donnait à certains sujets de fort bonnes raisons de
le faire (faible dissonance) et à d'autres au contraire des raisons juste
suffisantes pour qu'ils acceptent de subir cette nouvelle série de chocs
(forte dissonance).
Les auteurs observèrent que les réponses dermo-galvaniques des
sujets les plus dissonants se différenciaient de celles des sujets les moins
dissonants, tout se passant comme si — sur le plan des réponses
physiologiques — les premiers ressentaient effectivement moins la douleur
que les seconds.
Gérard (1967) quant à lui avait pu observer une modification de
la tension artérielle des sujets dans le paradigme de la décision. Dans
cette expérience, les sujets étaient amenés à effectuer un choix entre
deux tableaux, soit d'attrait sensiblement équivalent pour eux (forte
dissonance), soit au contraire d'attrait très différent pour eux (faible
dissonance). Cette dernière expérience est particulièrement intéressante
dans la mesure où, contrairement aux recherches que nous avons
évoquées jusqu'à présent, la dissonance n'était plus mise en compétition
avec des motivations biologiques classiques comme la faim ou la douleur.
Gérard étudiait en effet les modifications des réponses physiologiques
de sujets qui n'étaient cette fois soumis qu'à la seule motivation
(cognitive) relative à la dissonance (forte ou faible) qu'ils pouvaient éprouver
consécutivement à leur choix.
Gérard observa, conformément à ses hypothèses, une
vasoconstriction (traduisant le stress post-décisionnel) plus marquée chez les sujets
les plus dissonants que chez les sujets les moins dissonants.
McMillen et Geiselman (1974) procédèrent de la même façon, mais
avec des mesures physiologiques différentes : l'activité électro-encépha-
lographique (ondes alpha). Dans leur recherche, les sujets s'attendaient
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à devoir réaliser une tâche des plus ennuyeuses. On avait fait croire
à certains d'entre eux que leur participation était très utile (faible
dissonance) et à d'autres qu'elle était au contraire plutôt superflue
(forte dissonance).
Comme attendu, ces auteurs observèrent une activité alpha
(traduisant l'état de détente et de relaxation) plus élevée chez les sujets les
moins dissonants que chez les sujets les plus dissonants.
Assez récemment, Croyle et Cooper (1983) utiliseront deux mesures
physiologiques : l'une relative à l'activité électro-dermale et l'autre
relative au rythme cardiaque des sujets. Dans cette recherche les sujets
étaient soit contraints (faible dissonance), soit libres (forte dissonance)
de rédiger un texte contraire à leurs convictions, un dernier groupe de
sujets étant amenés à se porter volontaires pour rédiger un texte en
accord avec leurs convictions (non-dissonance).
Ici, les résultats obtenus ne furent patents qu'en ce qui concerne
l'activité électro-dermale. Si on observait bien une modification de
l'activité électro-dermale (augmentation de l'activité spontanée
traduisant l'état de tension) chez les sujets les plus dissonants, on n'observait
en revanche aucune différence significative sur le plan de l'activité
cardiaque entre les sujets les plus dissonants et les autres sujets (ni
d'ailleurs entre les sujets peu ou pas dissonants). Il est toutefois à
souligner que les modifications du rythme cardiaque ne permettent pas
d'obtenir un indice très fin de confort (ou de tension) psychologique
(cf. Croyle et Cooper, p. 789).
Si on considère globalement les résultats obtenus dans ce paradigme
de recherche3, on admettra avec Frazio et Cooper (1983, p. 148) que la
dissonance s'accompagne bien de modifications physiologiques.
II. — LA DISSONANCE
EN TANT QU'ÉTAT DE TENSION NON SPÉCIFIQUE
3. Nous nous sommes bornés ici à ne rappeler que des recherches utilisant
des procédures d'éveil de la dissonance tout à fait classiques. Croyle et
Cooper (1983, p. 784-788) feront mention de deux études non publiées
utilisant des procédures d'éveil de la dissonance moins conventionnelles et
dans lesquelles on a pu observer une modification de l'activité électro-
dermale (Buck, 1970 ; Gleason et Katkin, 1978) et même du rythme
cardiaque des sujets (Gleason et Katkin, 1978). (Dans l'expérience de Buck,
les sujets devaient donner des chocs électriques à un quidam ; dans celle
de Gleason et Katkin, les sujets avaient pour consigne de penser à quelque
chose d'inconsistant avec leurs idées propres.)
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4. Pour une discussion sur les dimensions cognitives des émotions, voir
Smith et Ellsworth (1985).
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terrain, dans les deux cas les sujets placés dans les conditions de
dissonance ont des niveaux de productivité (performance) significativement
plus élevés que les sujets placés dans les conditions contrôle. Ainsi la
dissonance aurait-elle la propriété d'élever le niveau d'activité générale.
RÉSUMÉ
BIBLIOGRAPHIE
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