Vous êtes sur la page 1sur 12

La grande route

des vainqueurs
Le texte-racine du mahamoudra
selon la précieuse tradition orale de Gandèn

Par le Premier Pantchèn Lama, Losang Tcheukyi Gyaltsèn


Titre original :
dge-ldan bka’-brgyud rin-po-che’i phyag-chen rtsa-ba rgyal-ba’i gzhung-lam
© Éditions Mahayana, 2022, 2023
www.editionsmahayana.fr
Tous droits réservés
Toute reproduction même partielle de ce document, pour un usage autre
que strictement privé, par tous moyens y compris la photocopie et sur
tous supports, doit être soumise à l’autorisation préalable de l’éditeur.
Merci pour votre achat, c’est grâce à votre soutien que nous pouvons
continuer de traduire et publier le Dharma en français.
Davantage d’informations sur
www.editionsmahayana.fr
[Hommage et promesse de composition]
NAMO MAHAMOUDRA !
Hommage au grand sceau, la réalité omniprésente.
Je me prosterne avec respect aux pieds du maître incomparable,
Seigneur des accomplis, souverain qui révèle dans sa nudité
La dimension indivisible et ineffable de l’esprit adamantin.
Condensant l’essence de l’océan des soutras, tantras et instructions
essentielles
Je vais rédiger les instructions du mahamoudra
Selon la tradition orale de Gandèn, excellemment transmises
Par le suprême accompli Dharmavajra et ses héritiers spirituels.
Nous avons trois parties : préparation, pratique et conclusion.

I. Préparation
Comme ils constituent la porte d’entrée des enseignements et le pilier
central du grand véhicule, commencez par prendre refuge et produire
l’esprit d’éveil avec sincérité sans que cela reste des paroles en l’air.
C’est par les accumulations [de mérites et de sagesse] et la purification
des fautes que l’on voit la nature de l’esprit, aussi récitez le mantra à cent
syllabes au moins cent mille fois et effectuez autant de prosternations que
vous le pouvez en récitant la Prière de confession1.
Puis, à maintes reprises, adressez de ferventes requêtes à votre maître
racine indissociable de tous les bouddhas des trois temps.

1 Cette prière se trouve dans la Pratique de prosternation aux Trente-cinq Bouddhas


de confession, Livre de prières, Vol. 1, Éditions Mahayana.

3
La grande route des vainqueurs

II. Pratique
Il existe de nombreuses manières d’expliquer le mahamoudra, mais on le
divise en deux catégories : le mahamoudra des soutras et le mahamoudra
des tantras.
Le mahamoudra des tantras est le mahamoudra de Saraha, Nagarjouna,
Naropa et Maitripa. Diverses techniques, comme celle qui consiste
à pénétrer les points clés du corps de vajra, font apparaître la claire
lumière de grande félicité. Telle est la quintessence des tantras du yoga
insurpassable enseignée dans le Cycle-cœur des mahasiddhas2.
Le mahamoudra des soutras explique comment méditer sur la vacuité
enseignée explicitement dans les soutras abrégés, intermédiaires et
développés de la Perfection de la sagesse. Le sublime Nagarjouna a déclaré
qu’il n’existait pas d’autre voie de libération que celle-ci.
En harmonie avec sa pensée, le commentaire suivant montre comment
reconnaître la nature de l’esprit en s’appuyant sur les enseignements des
maîtres de la lignée.

[La technique issue des soutras]


On lui donne de nombreux noms – l’union co-émergente, l’amulette, la
quintuple, la saveur égale, les quatre lettres, la pacification, la découpe, la
grande perfection, les instructions de la vue médiane – mais pour le yogi
expérimenté qui analyse en maîtrisant le sens définitif des textes et des
raisonnements, l’idée sous-jacente est la même.

[Rechercher la vue après avoir cultivé la quiétude]


Des deux approches – rechercher la méditation [de la quiétude] à partir de
la vue ou rechercher la vue à partir de la méditation [de la quiétude] – il
s’agit ici de la seconde.

2 Grub snying skor. Il s’agit de l’abréviation de deux séries de textes considérés


canoniques pour le système tantrique du mahamoudra postérieur à Gampopa et
qui fournissent le contenu tantrique de cette tradition.

4
La grande route des vainqueurs

[L’assise, les neuf cycles respiratoires, le refuge et la bodhicitta]


Sur un siège propice à la concentration, adoptez les sept points clés de
la posture physique, nettoyez [les canaux] en effectuant les neuf cycles
respiratoires puis, avec une conscience claire, éliminez toute impureté.
Avec un esprit pur et vertueux, prenez refuge et produisez l’esprit d’éveil.

[Yoga du maître]
Cultivez la profonde voie du yoga du maître et, ayant prononcé de
puissantes prières d’aspiration par centaines, absorbez le maître en vous-
même.

[Reconnaître la réalité conventionnelle de l’esprit]


Dans cet état où les apparences vacillent, ne faites rien des pensées
discursives et autres fabrications mentales associées notamment à l’espoir
et aux doutes. Restez en méditation sans distraction aucune mais il ne
s’agit pas d’un arrêt de toute activité mentale, comme lorsque l’on perd
conscience ou plonge dans le sommeil.
Surveillez attentivement [votre esprit] sans vous laisser distraire,
pleinement conscient du moindre mouvement mental.
Resserrez fermement [votre attention] et regardez, dans sa nudité, la
nature de cette conscience claire. Reconnaissez toute pensée qui en
émerge. Ou, tel un duelliste avec son épée, appliquez-vous à trancher les
pensées dès qu’elles se présentent.
Après les avoir complètement tranchées, [l’esprit] détendu, restez attentif
et relâché.
Il est dit :
Resserrez fermement puis détendez en relâchant ;
C’est là que se situe le placement de l’esprit.
On dit encore :
Quand l’esprit emmêlé se détend
Nul doute qu’il se libère.

5
La grande route des vainqueurs

Inspiré par ces citations, détendez-vous sans vous laisser distraire. Lorsque
vous regardez la nature des pensées, celles-ci disparaissent d’elles-mêmes
et une vacuité apparaît. De même, quand vous examinez la tranquillité
[de l’esprit], pointe une clarté vide, lumineuse et sans entrave. C’est
« l’intégration de la tranquillité et du mouvement ».
Reconnaissez toutes les pensées qui s’élèvent comme mouvement [mental]
et, sans les bloquer, concentrez-vous sur leur nature.
Il en va comme dans l’exemple du corbeau qui s’envole d’un bateau et y
revient après avoir virevolté de-ci de-là.
Du fait de cette pratique, la méditation égale a pour nature un espace vide
qui ne bloque rien, clair, limpide, et que rien ne bloque. Comme tout peut
apparaître, il est lumineux.
Cette nature de l’esprit, la vue supérieure la perçoit directement, mais on
ne peut la décrire ou l’appréhender en tant que telle.
De nos jours, la plupart des grands méditants du Tibet admettent que
placer l’esprit détendu sur tout ce qui apparaît, sans rien saisir, est
« l’instruction qui place la bouddhéité [dans la paume de la main] ».
Je suis d’avis que, pour un débutant, c’est un moyen des plus habiles pour
calmer l’esprit et reconnaître l’esprit conventionnel.

[Reconnaître la réalité ultime de l’esprit]


Pour introduire à la nature de l’esprit, permettez-moi de rappeler les
instructions de mon maître – sagesse primordiale de tous les bouddhas
sous l’aspect d’un moine vêtu de la robe safran, il dissipe les ténèbres de
la confusion mentale.
Établi dans l’égalité précédente, tel un petit poisson qui glisse dans les
eaux limpides sans y créer de ride, examinez, avec la perspicacité de la
conscience subtile, la nature même du méditant.

6
La grande route des vainqueurs

[Dans La précieuse guirlande, I, 80-81] Nagarjouna déclare :


L’individu n’est pas la terre, l’eau
Le feu, l’air, l’espace,
La conscience, ni leur ensemble.
Quel individu y aurait-il en dehors d’eux ?

Composé de six éléments


L’individu n’est pas réel.
Étant lui-même un composé,
Chaque élément n’a pas non plus de réalité.

Quand, au terme de cette analyse, vous ne trouvez pas un seul atome de


méditation et de méditant absorbé en méditation, restez focalisé sans
distraction dans l’égalité pareille à l’espace.
Depuis cet état d’égalité, divers [objets] se manifestent et prolifèrent dans
cette vacuité sans obstruction et immatérielle. Courant de conscience
limpide et sans obstruction, l’esprit s’engage de façon ininterrompue
dans [les objets] qui lui apparaissent et qu’il éclaire. L’esprit qui
appréhende semble exister sans dépendre de quoi que ce soit. Cet
objet conçu, le protecteur Shantidéva a établi son inexistence dans le
Bodhisattvacharyavattara3 :
[Les mots] « continuité » ou « collection »
Sont aussi trompeurs que « collier » ou « armée ».

À l’aide des textes et des raisonnements, restez posé en concentration


égale dans l’état où les choses n’existent pas telles qu’elles apparaissent.
Sangyé Yeshé, qui voit toutes choses conformément à la réalité, déclare :
Lorsque vous comprendrez pleinement que tout ce qui s’élève dans
l’esprit est une fixation conceptuelle, la dimension absolue vous
apparaîtra sans que vous ayez besoin d’autres appuis. Dès lors que
votre esprit se place dans cette pleine conscience de la manifestation,
maintenez-le en méditation égale et unifiée. Quelle merveille !

3 VIII, 101.

7
La grande route des vainqueurs

Dans la même veine, Padampa Sangyé exhorte :


Gens de Tingri ! Faites tournoyer la lance de la conscience éveillée dans
l’état de vacuité. Sans obstacle, la vue est dégagée.
Ces instructions convergent.

III. Conclusion
Dédicace
Dédiez à l’éveil insurpassable toute racine de bien produite par cette
méditation du mahamoudra ainsi que tous les océans de vertus accumulés
dans le passé, le présent et le futur.
Grâce à cette familiarisation avec l’esprit chaque fois que vous examinerez
avec précision comment tel ou tel objet apparaît aux six consciences, son
mode d’existence vous apparaîtra limpide et nu. Reconnaissez ainsi tout
ce qui apparaît à votre esprit.
En bref, n’adhérez pas à la réalité de tout ce que vous percevez, notamment
de votre esprit, et gardez la certitude de leur mode d’existence. Cette
compréhension unit tous les phénomènes du samsara et du nirvana en une
seule essence. Dans l’une de ses Quatre cents stances4, Aryadéva déclare :
Qui voit une entité
Les voit toutes.
La vacuité de l’une
Est la vacuité de toutes.
Correctement établi en méditation égale sur le réel, [l’esprit] échappe à
toute élaboration conceptuelle liée au samsara et au nirvana, à l’être et
au non-être.
Lorsqu’au sortir de cette absorption vous examinez l’acte, l’agent et la
production interdépendante, qui sont de simples désignations, ils vous

4 VIII, 16

8
La grande route des vainqueurs

apparaissent spontanément comme [des entités] infaillibles, à l’instar d’un


rêve, d’une illusion d’optique, du reflet de la lune sur l’eau ou d’un mirage.
Lorsque les apparences ne contredisent pas la vacuité et que la vacuité
ne contredit pas les apparences, apparaît la sublime voie où la vacuité et
l’interdépendance ont le même sens.

[Colophon et dédicace]
Puissent les mérites de ce texte composé par le renonçant Losang
Tcheukyi Gyaltsèn, qui a entendu de nombreux enseignements, conduire
rapidement à l’état de vainqueur les êtres de toutes les destinées qui
empruntent cet unique accès à la libération.
Percevant les huit préoccupations mondaines comme un spectacle
insensé, Néchou Rabdjampa Guèndune Gyaltsèn, ainsi que Shérab Sengyé
de Hartong, expert dans les dix sujets difficiles, ont adopté la vie d’ermite
et, seuls dans les vallées montagneuses, ont fait de cette voie l’essence
de leur pratique. Maintes fois, ils m’ont sollicité pour que je leur présente
le mahamoudra de cette façon. De nombreux disciples qui aspirent à
pratiquer le mahamoudra – le sens ultime – m’en ont aussi fait la demande.
Par ailleurs, le grand Ènsapa, vainqueur omniscient, seigneur des maîtres
accomplis déclarait :
J’ai écrit un commentaire conforme aux lamrims des kadampas (depuis
la juste dévotion au maître spirituel jusqu’à la quiétude et à la vue
supérieure) dans un chant de réalisations instructif pour moi-même et
autrui, sans toutefois terminer par la voie que nous venons d’expliquer,
étant incapable de rédiger l’ultime instruction du mahamoudra, peu
répandue au Tibet.
Ce qui, par souci de concision, n’avait pas été écrit à ce moment-là devait
l’être plus tard. On le comprendra en s’appuyant, par exemple, sur cet
extrait du Soutra du lotus :
Celui qui naît de soi-même applique cette méthode
Pour qu’ils pénètrent la sagesse des bouddhas.

9
La grande route des vainqueurs

Mais il ne leur a jamais dit :


« Vous deviendrez tous bouddhas. » Pourquoi ?
Parce que le Protecteur voit le moment [opportun].
Préservant les instructions cruciales des soutras et des tantras, ainsi que
le courant de bénédictions non souillées des authentiques pratiquants de
cette voie, moi, le renonçant Lobsang Tcheukyi Gyaltsèn m’inscris aussi
dans cette lignée qui commence au maître sans pareil, le Roi des Shakyas,
et va jusqu’à mon lama racine, l’omniscient Sangyé Yeshé qui voit tout. J’ai
composé ce texte à Gandèn Nampar Gyalwè Ling sans jamais enfreindre
mon lien sacré.

10
La grande route des vainqueurs

Colophon de la traduction française


Extrait de Mahamoudra - Comment découvrir votre vraie nature, Lama
Thoubtèn Yéshé, Éditions Mahayana, 2023.

11
Afin que le Dharma soit préservé et puisse rayonner dans les pays
francophones, il est essentiel de réaliser des traductions claires et précises
des textes bouddhiques fondamentaux.
Les Éditions Mahayana sont une maison d’édition associative. Elles sont
affiliées à la Fondation pour la Préservation de la Tradition du Mahayana
(FPMT), organisation consacrée à la transmission dans le monde entier de
la tradition et des valeurs du bouddhisme mahayana, par l’enseignement,
la méditation et les oeuvres à caractère social.
La mission des Éditions Mahayana est de traduire afin de publier en
langue française les enseignements de la tradition bouddhique de Lama
Tsongkhapa du Tibet, telle qu’elle a été transmise par notre fondateur,
Lama Thoubtèn Yéshé, et notre directeur spirituel, Lama Zopa Rinpoché.
Le message de Lama Zopa Rinpoché est très clair : « Tout ce qui n’est pas
traduit, tout ce qui n’est pas publié, est une perte énorme pour les êtres. »
Si vous souhaitez participer à la préservation du Dharma et à la pérennité
de nos publications, nous vous donnons rendez-vous sur notre site web.
Merci à vous !
www.editionsmahayana.fr

Vous aimerez peut-être aussi