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C ommentaire sur le Mahamoudra Upadesha de Tilopa

Enseignement donné par le Très Vénérable Khenchen Thrangou Rinpoché

« L’intellect ne peut pas voir ce qui est au-delà l’esprit conceptuel, et vous ne
réaliserez jamais ce qui est incréé par des dharmas créés. Si vous désirez
atteindre ou réaliser ce qui est au-delà l’intellect et incréé, scrutez votre esprit
et dénudez la conscience. »
Tilopa

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 1 Khenchen Thrangou Rinpoché
Contenu

Cette publication est extraite de la revue Shenpen Ösel, volume 3, numéro 3.


Elle est dédiée à une série d’enseignements donnée par Le Très Vénérable
Khenchen Thrangou Rinpoché à Vancouver, en Colombie Britannique, en Juin
1998.
En addition au texte des enseignements traduits et transcrits, nous avons
inclus une version du texte, objet du commentaire de Rinpoché.

3 Introduction
10 Commentaire sur le Mahamoudra Upadesha par Khenchen Thrangou
Rinpoché : L’Enseignement le Plus Significatif de Tilopa, reçu
directement de Vajradhara
18 La Voie de la Libération C’est comme Bondir par-dessus le Sommet
d’une Montagne
31 Sur la nécessité de Cultiver une Stricte Attention dans la Méditation
44 C’est seulement en Faisant Confiance à un Sage Gourou que vous
recevrez la Bénédiction de la Libération
55 Au moment de la Réalisation de Mahamoudra toutes les Ignorances et le
Karma Négatif sont Purifiés

Textes

5 Mahamoudra Upadesha du Mahasiddha Tilopa (texte utilise dans


l’enseignement de Khenchen Thrangou Rinpoché)
9 Supplication aux Takpo Kagyus

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 2 Khenchen Thrangou Rinpoché
Introduction

L es enseignements qui suivent sont extraits de la publication Shenpen


Ösel, volume 3, numéro 3, traduits en français grâce à l’aimable autorisation
du Vénérable Lama Tashi Namgyal.
La présente introduction est extraite de l’introduction originale, adaptée au
contexte de la traduction française et de la date de réalisation de celle-ci.

Le commentaire de Thrangou Rinpoché sur le Mahamoudra Upadesha contient


les instructions d’indication de mahamoudra, données sur les bords de la
rivière Ganges par le mahasiddha indien Tilopa à son plus important disciple,
le grand pandit et mahasiddha Naropa, quelque part pendant le onzième
siècle de notre ère. Tilopa est reconnu comme majeur parmi les siddhas
indiens. En regard de la tradition, c’est sur la base de ces enseignements que
Tilopa atteignit l’illumination.
Maintenant, depuis presque mille ans ces instructions ont été transmises à
travers une lignée ininterrompue de maîtres réalisés, à commencé par Marpa
le Traducteur, le premier des détenteurs tibétains de la lignée, jusqu’au
Seizième Karmapa (et maintenant Dix Septième) et l’actuelle génération des
illuminés maîtres Tibétains et Himalayens. C’est pourquoi, la publication de ce
commentaire du Très Vénérable Khenchen Thrangou Rinpoché représente
quelque chose de merveilleux et d’assez extraordinaire.
Pour les pratiquants de longue durée qui ont reçu la quatrième initiation ou
d’autres instructions d’indication de mahamoudra, ce texte représentera le
lama sous la forme des dictâtes des sugatas, et leur rappellera et renforcera
leur compréhension de leur propre pratique de mahamoudra, les aidant ainsi à
l’affiner. Pour les très rares et extraordinaires débutants, ce texte peut servir
de véritable manuel pratique, mais pour la plupart des débutants dans l’étude
et la pratique du dharma, aussi simple que ce texte puisse paraître, il servira
comme une sorte de feuille de route pour de futures possibles pratiques. Pour
tous les pratiquants, l’expérience de l’étude et de la méditation sur ce texte
sera améliorée en recevant cette transmission de l’un de nos grands lamas
Kagyu. Le texte est très court, 120 à 130 lignes, et la plupart des lamas
peuvent donner cette transmission en cinq ou dix minutes. Je risque peut être
d’avoir des problèmes en le suggérant, mais la prochaine fois qu’un tel grand
lama pour qui vous avez une grande dévotion enseigne près de chez vous, ne
soyez pas gêné de lui dire que ce commentaire de Thrangou Rinpoché a été
publié et de lui demander la transmission de ce texte ; demandez un lung ou
un lung-tri. Nous vous offrons le même conseil pour les autres textes qui ont
été publiés dans les pages de Shenpen Ösel, leur étude en étant renforcée en
recevant la transmission appropriée – La Prière d’Aspiration de Mahamudra,
les enseignements sur le bardo par Tsele Natsok Rangdrol, les instructions du
mahamoudra des grands mahasiddhas indiens et tibétains, l’Océan du Sens
Certain du Neuvième Karmapa, etc.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 3 Khenchen Thrangou Rinpoché
Afin de recevoir le plus grand bénéfice des dires de Tilopa, un pratiquant doit
faire naître une forte, naturelle, unique dévotion pour les instructions et pour
les lamas racines et les lamas de la lignée qui les transmettent. Une
augmentation de la dévotion signifie une augmentation de la réalisation. Une
telle dévotion n’est pas toujours spontanément présente. Mais elle peut
facilement être cultivée par la pratique de ngöndro et de différents yidams,
ainsi qu’en contemplant les qualités du lama et celle du bouddha, du dharma,
et de la sangha. Beaucoup d’années de pratique peuvent être nécessaires
pour que cela fasse effet sur la purification mentale nécessaire à la pleine
réalisation de ces instructions. La préparation est tout. Si les pratiques
préliminaires sont proprement accomplies, les pratiques les plus avancées
seront accomplies très rapidement, voir instantanément.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 4 Khenchen Thrangou Rinpoché
Mahamoudra Upadesha
du Mahasiddha Tilopa

Bien que mahamoudra ne puisse être expliqué, intelligent et patient Naropa,


endurant à la souffrance, engagé dans l’ascèse et respectueux du guru,
fortuné, pratique cela avec ton esprit.

Par exemple, dans l’espace, qu’est ce qui repose sur quoi ?


Dans un esprit, mahamoudra, il n’y a rien à montrer.
Reste détendu dans l’état naturel sans essayer de modifier quoique ce soit.

Par exemple, c’est comme regarder le milieu de l’espace et ne rien y voir. De


la même façon, lorsque ton esprit regarde ton esprit, les pensées cessent et
tu atteins l’insurpassable éveil. Si cette chaîne ou servitude est défaite, sans
aucun doute tu seras libéré.

Par exemple, comme la brume qui, s’élevant de la terre, devient un nuage et


se dissous dans l’immensité de l’espace, n’allant nul par et pourtant ne
continuant pas à demeurer quelque part, de la même façon l’agitation des
pensées qui s’élèvent de et dans l’esprit s’apaise à l’instant où tu vois la
nature de l’esprit.

Par exemple, de la même façon que la nature de l’espace transcende la


couleur et la forme, et ainsi que l’espace qui n’est ni affecté ou modifié, ni
obscurci par les différentes couleurs et formes qui existent à l’intérieur de lui,
de la même façon l’essence de ton esprit transcende la couleur et la forme, et,
ainsi, n’est jamais obscurci ou affecté par les différentes couleurs ou formes
de la vertu ou du vice.

Par exemple, c’est comme le lumineux coeur du soleil, qui ne peut être
obscurci, même pas par les ténèbres de milliers d’éons. De la même manière,
la lumineuse clarté qu’est l’essence de l’esprit n’est jamais obscurcie par des
milliers de kalpas dans le samsara.

Par exemple, de la même façon qu’on applique l’adjectif vide à l’espace, en


fait, il n’y a rien dans l’espace que nous puissions véritablement décrire par ce
terme. De la même façon, bien que nous appelions l’esprit « claire lumière »
ou lumineux, le simple fait de l’appeler ainsi ne rend pas vrai le fait qu’il y ait
quelque chose à l’intérieur de l’esprit qui puisse véritablement servir de base à
une telle appellation.

Ainsi, la nature de l’esprit a toujours été comme l’espace, et il n’y a aucun


dharma qui n’y soit pas inclus.

En abandonnant toutes les actions physiques, le pratiquant doit rester dans le


calme.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 5 Khenchen Thrangou Rinpoché
Sans aucune expression verbale, ta parole devient comme l’écho, inséparable
du vide.
Ne pense à rien, quoi que ce soit, et observe les dharmas du bond.

Le corps est sans signification, vide comme une tige de bambou. L’esprit est
comme le milieu de l’espace. Il est inconcevable. Reste détendu dans cela,
sans le laisser aller ni le retenir. Reste détendu dans cet état sans le rejeter ni
le maintenir en place, ni le laisser aller ou essayer de l’arrêter. … [Si l’esprit
n’a pas de direction, c’est mahamoudra.] … de cette façon tu atteindras
l’insurpassable éveil.

Ceux qui suivent les tantras et le véhicule des paramitas, le vinaya, les
soutras, et les différents enseignements du Bouddha en étant attachés aux
traditions textuelles et philosophiques individuelles n’arriveront pas à voir le
lumineux mahamoudra, parce que la vue de cette luminosité ou « claire
lumière » est obscurcie par leur intention et leur attitude.

En maintenant des vœux sous forme de concepts, en fait, on se détourne du


sens du samaya. En ne dirigeant pas le mental vers une direction particulière
et sans activité de celui-ci, soit libre de toutes intentions. Les pensées
apparaissent et se pacifient d’elles même, comme les vagues à la surface de
l’eau. Si tu ne vas pas au-delà du sens qui est impermanent, inconcevable et
non convergent, tu ne vas pas au-delà ni ne transgresse le samaya. C’est la
torche qui disperse l’obscurité ou la noirceur.

Si, libre de toutes intentions, tu ne demeures pas dans des vues extrêmes, tu
verras irrémédiablement le sens de tous les enseignements du Bouddha ou de
tous les takas, les sections des enseignements du Bouddha.
Si tu restes au repos ainsi tu seras libéré de la prison du samsara.
Si tu restes ainsi de longs moments, toutes tes mauvaises façons de faire et
tes obscurcissements seront consumés.
C’est la raison pour laquelle c’est appelé le flambeau de la doctrine.

Les fous qui ne s’intéressent pas à cela seront perpétuellement bringuebalés


par la rivière du samsara. Ces fous qui expérimentent d’intolérables
souffrances dans les états inférieurs de l’existence sont ils dignes de
compassion ?

Désireux d’atteindre la libération de cette intolérable souffrance, ait confiance


dans un sage lama. Lorsque les bénédictions du guru pénètrent ton cœur, ton
esprit est libéré.

Kye ho !

Tous ces phénomènes samsariques vains et sans intérêt, sont cause de


souffrance.
Et puisque toutes ces choses qui ont été réalisées ou fabriquées n’ont pas de
sens, regarde plutôt ce qui a un sens.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 6 Khenchen Thrangou Rinpoché
Si tu es au-delà toute avidité pour un objet ou un sujet, c’est cela la vision
royale.
Sans distraction, est le monarque de toutes les méditations.
Sans effort, est le monarque de toutes les conduites.
Quand il n’y a plus ni espoir, ni peur, c’est le résultat recherché, et le fruit a
été atteint ou révélé.

C’est au-delà de l’état d’un objet qui puisse être conceptualisé, la nature de
l’esprit est lucide.
Il n’y a aucun chemin à traverser, et ainsi, de cette façon, tu entres sur le
chemin de l’état de bouddha.
Il n’y a aucun objet de méditation, mais si tu finis par t’en accoutumer tu
atteindras l’insurpassable éveil.

Examine de manière approfondie les choses mondaines ou les objets du


monde. Si tu le fais tu verras qu’aucun n’est éternel, qu’aucun n’est
permanent, et qu’ils sont tous, ainsi, comme des rêves et des illusions
magiques. Les rêves et les illusions magiques sont sans intérêt. C’est
pourquoi, génère la renonciation et laisse tomber les affaires mondaines.

Coupe toutes les relations d’attachement ou de rejet pour ceux qui t’entourent
et médite dans des retraites solitaires, des forêts ou autres, vivant dans la
solitude. Reste dans cet état sans méditer. Lorsque tu atteindras ce qui est
hors d’atteinte, tu auras atteint mahamoudra.

Par exemple, en coupant tout simplement la racine d’un arbre possédant un


tronc et de multiples branches, feuilles, fleurs, et fruits, les dix mille ou cent
mille branches mourront automatiquement. De la même façon, si la racine de
l’esprit est coupée, les branches et les feuilles du samsara dessécheront.

Par exemple, de la même façon que l’obscurité accumulée pendant des


milliers d’éons disparaît par l’illumination d’une seule lampe ou d’une seule
torche, de la même façon un simple instant de la sagesse de la claire lumière
d’un esprit fait disparaître toute l’ignorance, la mauvaise façon de faire et
l’obscurantisme accumulé pendant des milliers d’éons.

L’intellect ne peut pas voir ce qui est au-delà l’esprit conceptuel, et tu ne


réaliseras jamais ce qui est incréé au travers de dharmas créés. Si tu veux
atteindre ou réaliser ce qui est au-delà de l’intellect, non créé, alors observe
ton esprit et observe la connaissance nue.

Laisse l’eau brumeuse de la pensée se clarifier ou se nettoyer d’elle-même.


Ne cherche pas à arrêter ou créer les apparences. Laisse les comme elles
sont.
Si tu es sans désir ni rejection des apparences externes, tout ce qui apparaît
et existe sera libéré en tant que mudra.

La base de tout est non-née, et à l’intérieur de cette base du tout non-né,


abandonne ou renonce aux habitudes, aux mauvaises façons de faire, et aux
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 7 Khenchen Thrangou Rinpoché
obscurantismes. Ainsi, ne fixe, ni n’évalue. Reste dans l’essence du non-né ou
dans la nature du non-né. Dans cet état, les apparences sont clairement
visibles ; mais à l’intérieur de cette expérience de claires apparences fait que
les concepts s’épuisent ou se dissolvent.

La complète libération de tous les concepts extrêmes est le suprême


monarque de la vue.
L’immensité sans limite est le monarque suprême de la méditation.
Etre sans direction et complètement impartial est le suprême monarque de la
conduite.
L’auto-libération au-delà des attentes ou des espérances est le résultat
suprême ou le fruit.

Pour un débutant l’esprit est comme une rivière à fort courrant coulant dans
un lit ou un défilé étroit.
Au milieu ou après, elle devient comme le courrant tranquille du Ganges.
A la fin, c’est comme la dissolution des rivières dans l’océan, ou comme la
rencontre entre la mère-océan et les rivières-enfants.

Ceux d’intelligence moins vive, si ils pensent ne pas pouvoir rester dans cette
état, peuvent appliquer la technique de la respiration et augmenter l’essence
de la conscience, et au travers de plusieurs techniques ou disciplines tel que la
contemplation et la rétention de l’esprit, augmentant l’attention jusqu’à ce
qu’il reste reposé, travaillant la tension ou l’effort jusqu’à ce que la conscience
se pacifie en cet état ou en sa nature.

Si tu t’en remets au karmamoudra, la sagesse de la félicité et du vide


apparaîtra. Entre en union en ayant consacré l’upaya pour la méthode et la
prajna pour le savoir. Doucement laisse le tomber ou descendre, enroule le,
retourne le, et dirige le à sa véritable place. Finalement étends le ou fait qu’il
infiltre tout ton corps. Si il n’y a pas d’attachement ou de désir, la sagesse de
la félicité et du vide apparaîtra.

Tu posséderas une longue vie sans cheveux blancs et tu resteras aussi bien
portant que la lune montante. Ton teint sera radieux et tu seras aussi
puissant que le lion. Tu atteindras rapidement les siddhis ou
accomplissements ordinaires, et tu finiras aussi par atteindre le suprême
siddhi.

Puissent ces instructions sur les points essentiels de mahamoudra, rester dans
le cœur des êtres estimables et fortunés.

Ceci a été donné, sur les bords de la rivière Ganges par le Grand et Glorieux Siddha Tilopa,
qui réalisa Mahamoudra, au pandit du Kashmir, Naropa, qui a à la fois étudié et réalisé, après
que celui-ci se soit engagé dans douze épreuves ou austérités. Ceci fut traduit et retranscrit
au nord de Pullahari par le grand Naropa et le grand traducteur Tibétain, le roi de tous les
traducteurs, Marpa Chokyi Lodro.

Ce Texte a été traduit oralement en anglais par Lama Yeshe Gyamtso pendant sa traduction
du commentaire du Très Vénérable Khenchen Thrangu Rinpoché.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 8 Khenchen Thrangou Rinpoché
Il a ensuite été traduit par Karma Sönam Gyaltsen, à partir du texte anglais, et avec
l’autorisation du Vénérable Lama Tashi Namgyal.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 9 Khenchen Thrangou Rinpoché
Supplication aux Takpo Kagyus

Grand Vajradhara, Tilo, Naro,


Marpa, Mila, Seigneur du Dharma Gampopa,
Connaisseur des Trois Temps, omniscient Karmapa,
Détenteurs des quatre grandes et des huit plus petites lignées,
Drikung, Taklung, Tsalpa-, ces trois, la glorieuse Drukpa et les autres,
Maîtres de la profonde voie de mahamoudra,
Incomparables protecteurs des êtres, le Takpo Kagyu,
Je vous supplie, gourous Kagyu.
Je détiens votre lignée ; accordez moi vos bénédictions pour que je suive
votre exemple

Le dégoût est le pied de la méditation, comme il est dit.


A ce méditant qui n’est pas attaché à la nourriture et aux possessions,
Qui rompt les liens avec cette vie,
Accordez vos bénédictions afin de ne pas désirer les honneurs et les gains.

La dévotion est la tête de la méditation comme il est dit.


Le gourou ouvre la porte au trésor des instructions orales.
Au méditant qui continuellement supplie le gourou,
Accordez vos bénédictions pour que naisse en moi une véritable dévotion.

La vigilance est le corps de la méditation comme il est dit.


Tout ce qui émerge est fraîcheur, essence de la réalisation.
Au méditant qui repose simplement sans la troubler,
Accordez vos bénédictions afin que ma méditation soit libre de conceptions.

L’essence des pensées est le dharmakaya, comme il est dit.


Rien n’en sort, mais tout en émerge.
Au méditant qui apparaît en un jeu incessant,
Accordez vos bénédictions afin que je réalise l’inséparabilité du samsara et du
nirvana.

A travers toutes mes naissances puis je ne jamais être séparé du parfait


gourou
Et ainsi me réjouir de la splendeur du dharma.
En perfectionnant les vertus des voies et des bhumis,
Puis je rapidement atteindre l’état de Vajradhara.

Cette supplication a été écrite par Pengar Jampal Zangpo. La dernière stance est un vers
traditionnel d’aspiration.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 10 Khenchen Thrangou Rinpoché
L’Enseignement le Plus Significatif de
Tilopa, Reçu Directement de
Vajradhara
En Juin 1998, le Très Vénérable Khenchen Thrangou Rinpoché donna une série
d’enseignements à Vancouver, Colombie Britannique, sur le Mahamoudra Upadesha de Tilopa.
Rinpoché donna ces enseignements en tibétain ; il furent oralement transcris par Lama Yeshe
Gyamtso. Ce qui suit est une transcription éditée.

J ’aimerai exprimer mon contentement d’avoir la chance de tous vous


rencontrer ici cet après-midi et d’être capable de commencer à vous parler de
la Mahamoudra Upadesha de Tilopa. J’aimerai vous remercier de me donner
l’opportunité de vous présenter ce matériel. Maintenant je vais réciter la
supplication à la lignée. Pendant que je le ferai, s’il vous plait joignez vous à
moi dans la supplication avec une attitude de foi et de dévotion à la fois aux
gourous racines et ceux de la lignée. [voir page 9.]
Pour commencer la cession j’aimerai parler un peu de la manière appropriée
de recevoir ces enseignements, qui est la bodhicitta. Parce que vous avez
décidé de venir ici pour entendre le dharma de mahamoudra, c’est
probablement que votre motivation de le faire est une excellente motivation,
que vous vouliez recevoir ces enseignements dans le but d’être capable de
réaliser cette pratique, dans le but d’être capable de bénéficier à tous les
êtres. Si c’est ça votre motivation, c’es bien sur excellent. Mais parce que
nous sommes des individus ordinaires, bien que notre motivation de base soit
bonne, il est possible que de temps en temps notre motivation glisse un peu.
Ce n’est pas anormal pour des êtres humains. Si vous pensez que la
motivation existante en vous maintenant est inappropriée, alors reconnaissez
qu’il en est ainsi, laissez la simplement passer et remplacer la par la
génération consciencieuse de la bonne intention et la bonne motivation qui
consiste à désirer recevoir ces enseignements dans le but de pratiquer la
méditation, dans le but d’être capable de libérer tous les êtres. C’est
excessivement chanceux d’avoir l’opportunité d’étudier le Mahamoudra
Upadesha de Tilopa. La raison pour laquelle c’est si significatif, c’est qu’il s’agit
d’un texte extrêmement utile et bénéfique à connaître. Lorsqu’on examine ce
qui fait que tous les grands siddhas du Tibet ont pratiqué, on trouve à la fois
dans leurs écrits et à la fois dans leur pratique qu’ils ne mettent pas tellement
en valeur les enseignements originaux du Bouddha, mais les commentaires de
ceux-ci composés par les grands siddhis et savants du passé. Vous pourriez
penser qu’entre les véritables enseignements du Bouddha et les
commentaires, les enseignements originaux de Bouddha seraient d’une plus
grande importance et d’une plus grande utilité pratique. Cependant, ça été
traditionnellement le cas au Tibet de donner plus d’importance à la fois à
l’étude et à la réalisation pratique des shastras, ou commentaires, pour la
simple raison que ces commentaires contiennent l’essence condensée des
enseignements du Bouddha et sont ainsi plus facile à étudier et pratiquer.
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 11 Khenchen Thrangou Rinpoché
Parmi les différents types de shastras existant, ceux qui sont de la plus
extrême importance, parce qu’ils sont source d’instructions pratiques et de
guidance, sont ceux de la classe appelée upadesha, qui sont des textes
d’instructions pratiques et méthodiques. Ces textes sont les textes les plus
importants qui existent dans le Bouddhisme parce que ce sont les textes qui
explique véritablement comment s’en sortir avec la pratique de la méditation
– comment exécuter l’étape de génération, l’étape de finalisation, et ainsi de
suite. C’est en s’appuyant sur ces textes dans leurs études, et par conséquent
aussi dans leur implantation pratique, que beaucoup d’individus ont été
capable d’obtenir l’état d’unité de Vajradhara dans leur vie et leur corps, et
que d’autres ont été capables, après avoir vécu une vie dévouée à la pratique,
d’atteindre immédiatement cet état [pendant leur mort dans le bardo], et
qu’un nombre sans fin d’autres ont été capables d’amener le samsara à une
fin définitive. La vertu des upadeshas réside aussi dans le fait qu’ils sont
faciles à retenir, faciles à comprendre, et faciles à appliquer. C’est pourquoi,
les upadeshas en général, et spécialement le style d’upadesha connu sous le
nom de doha, ou chant de vajra, sont de la plus grande importance. Cette
importance est soulignée aussi par le fait que pratiquement chaque siddha à
la fois de l’Inde et du Tibet a laissé une riche quantité de ces chants
d’instructions derrière lui ou elle. Les dohas ont été composées par tous les
grands siddhas de l’Inde, ce qui signifie en fait par les quatre vingt quatre
mahasiddhas et plus particulièrement les huit premiers mahasiddhas, et ainsi
de suite, pour le bénéfice de leurs disciples immédiats et pour les étudiants
des générations futures. Ainsi il en existe un certain nombre. Mais parmi tous,
ceux qui portent la plus grande bénédiction et sont les plus bénéfiques sont
ceux composés par Tilopa, parce que, à la différence d’autres maîtres, Tilopa
rencontra Vajradhara face à face et reçu la transmission de mahamoudra
directement de lui. Ainsi, les chants de Tilopa sont extrêmement importants.
En particulier cette exposé de mahamoudra est peut être le plus importante
parmi la classe doha d’exposés de mahamoudra, spécialement pour ceux qui
ont la chance de pratiquer mahamoudra, mais aussi peut être dans le monde
entier. Certains parmi vous ne savent peut être pas ce qu’est ou qui est
Vajradhara, et si c’est le cas, vous vous demandez probablement maintenant,
« Est-ce que Vajradhara est une personne ou pas, et si Vajradhara n’est pas
exactement une personne, qu’est ce que c’est ? » Comme vous le savez, ce
qu’on appelle le dharma du bouddha ou Bouddhisme est les enseignements du
Bouddha Shakyamouni. Ainsi la source et l’enseignement fondamental de tous
les Bouddhistes est le Bouddha Shakyamouni. Et comme vous le savez tous,
Bouddha Shakyamouni est né en Inde, atteint la bouddhéité à Bodh Gaya ou
Vajrasana, tourna la première fois la dharmachakra à Varanasi et passa dans
le parinirvana ou parti à Koushinagara. Dire que le Bouddha passa dans le
paranirvana signifie que son corps physique disparu. Son esprit et la sagesse
de son esprit ne disparu pas, ce qui veut dire que les qualités de son éveil – la
sagesse qui connaît la nature de chaque et de toutes les choses et la sagesse
qui connaît la variété des choses, la compassion dédiée à la libération de tous
les êtres – ces trois qualités que sont la sagesse, la compassion, et la
capacité, ne changent et ne changeront jamais. Ce sage esprit inchangeant du
bouddha est appelé le dharmakaya. Ce qui disparu à Koushinagara il y a 2500
ans est appelé un suprême nirmanakaya. Le dharmakaya ne s’arrête pas, ne
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 12 Khenchen Thrangou Rinpoché
change pas. C’est pourquoi, à cause de ces qualités inchangées, nous
considérons le dharmakaya comme permanent, et à cause de sa permanence,
nous appelons le dharmakaya « Vajradhara. » Nous l’appelons « vajra » parce
que vajra signifie permanence, ce qui ne change pas. Et il est appelé
« dhara, » ou ce qui tient le vajra, parce que l’esprit du bouddha maintiens sa
sagesse au-delà des fluctuations ou des changements interne ou dans son
cœur.1 Le dharmakaya Vajradhara est cet esprit, cet esprit d’amour
bienveillant éveillé, de sagesse, et possédant la capacité de véritablement
bénéficier aux êtres. Dans ce sens, c’est la racine de tout réel
accomplissement de bénéfices pour les êtres. Mais d’un autre coté, il ne peut
pas agir directement, pour la simple raison que le dharmakaya ne peut être
expérimenté ou rencontré directement par n’importe quel être. Pour que le
dharmakaya bénéficie aux êtres il doit prendre forme. Cette forme peut être
ce qui s’appelle le nirmanakaya – comme, par exemple, un nirmanakaya
suprême comme le Bouddha Shakyamouni – qui est expérimenté par plus ou
moins les êtres ordinaires, ou il peut être la forme appelée le sambhogakaya,
qui est expérimenté dans un environnement pur ou terre pure par des êtres
possédant une perception pure ou purifiée. Le Vajradhara qui est décrit dans
les peintures, la figure qui est bleue et qui tient un vajra et une cloche et ainsi
de suite, est le sambhogakaya Vajradhara, qui est l’apparition du dharmakaya
Vajradhara dans un environnement pur comme le sambhogakaya, qui est
expérimenté par ceux de pure perception. En ce qui concerne ceux qui
rencontrent ou expérimentent un tel sambhogakaya, seuls les bodhisattvas
qui se maintiennent dans un des dix bhumis le rencontreront. Et le
rencontrant, ils reçoivent des instructions et transmissions du sambhgakaya.
C’est exactement ce qui arriva dans le cas de Tilopa. Il rencontra le
sambhogakaya Vajradhara sur une terre pure et reçu de lui les instructions.
Cela signifie que Tilopa était assez différent d’autres mahasiddhas en ce que
de temps en temps il allait sur des terres pures pour recevoir des instructions
1
Note de l’éditeur : Le bouddha, avec un petit « b, » est le dharmakaya, qui persiste et
reste après le Bouddha Shakyamouni ou n’importe quel autre nirmanakaya du bouddha. Le
Bouddha avec un « B, » capital fait référence au Bouddha historique Shakyamouni, connu
pour être le quatrième suprême nirmanakaya de ce kalpa particulier, qui, il est dit, verra mille
suprêmes nirmanakayas. On fait souvent référence à quelqu’un ayant atteint la bouddhéité,
et au Tibet il est dit que mille ou dix mille personnes on atteint la bouddhéité. Ainsi leurs
renaissances ; soit comme humain ou animal ou dieu, sont toutes considérées comme étant
les nirmanakaya du bouddha. Ce qui distingue un suprême nirmanakaya comme celui de
Shakyamouni d’autres nirmanakayas c’est qu’un suprême nirmanakaya, comme le Bouddha
Shakyamouni, apparaît et atteint la bouddhéité et enseigne à un moment où tous les
enseignements en rapport avec l’illumination ont disparus de n’importe lequel des systèmes
de monde particulier où ils apparaissent. Chaque nirmanakaya suprême enseigne trois grands
cycles d’enseignements, appelés les trois dharmachakras, ou les trois Tours de la Roue du
Dharma, qui deviennent alors la base pour les développements ultérieurs du dharma du
bouddha de cette era aussi bien que les fantastiques inspirations d’autres développements
positifs dans l’évolution de la culture des êtres sensibles. Si on examine l’histoire et la culture
de notre propre système de monde avant la vie du Bouddha Shakyamouni, qui se passait à
peu près 500 ans avant cette courante era, on verra un endroit désolé, brutal, et barbare.
Tandis que, à peu près à la même époque, on observait à travers le monde toutes sortes de
mouvements positifs dans le développement de la civilisation humaine. Toutes ces activités,
toutes activités servant véritablement à élever les êtres sensibles et à les conduire à leur
ultime libération de la souffrance, est regardé comme une activité de bouddha.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 13 Khenchen Thrangou Rinpoché
et à d’autres moments apparaissait sur des terres impures pour enseigner ce
qu’il avait reçu. Normalement les bodhisattvas et mahasiddhas peuvent choisir
de renaître soit sur une terre pure, soit sur une terre impure, mais si ils
naissent sur une terre pure ils restent sur cette terre pure, et si ils naissent
sur une terre impure alors ils restent sur cette terre impure. Ils n’ont
normalement pas la possibilité de se déplacer librement de l’un à l’autre dans
une vie donnée. Tilopa avait cette faculté, ce qui est extraordinaire. Il a été
l’un des quelques personnes qui sont supposés avoir réussi cela. Ce qui
signifie qu’il reçu ces enseignements – un grand nombre de tantras et de
transmissions – sur une terre pure de Vajradhara, puis les rapporta à ses
disciples dans ce monde. Parmi ces enseignements, qui sont d’un grand
intérêt est ce court texte dont on fait référence à Mahamoudra Upadesha.
Upadesha, qui signifie instructions pratiques, est très significatif à la fois
quant au titre du texte et à l’explication qui rend ce texte si spécial. Il est dit
dans les soutras et dans les commentaires sur les soutras que pour qu’un
individu ordinaire atteigne la bouddhéité il doit d’abord passer à travers trois
périodes d’innombrables éons d’accumulation de mérites et de sagesse. Le
terme upadesha fait référence à des méthodes pratiques qui sont si efficaces
qu’elles annihilent le besoin d’une si longue voie ou si longue période
d’entraînement. Le véritable titre du texte est Mahamoudra Upadesha, mais il
est communément connu sous le nom le Mahamoudra du Ganges. La raison
en est que ce ne fut pas énoncé par Tilopa sur une terre pure ; il fut énoncé
sur le bord de la rivière Ganges sur cette terre. Cet enseignement de
mahamoudra n’est pas quelque chose qu’il put donner à tous ses disciples. Il
fut [seulement] donné à son premier disciple, le pandit Naropa, et il lui fut
donné sur les bords de la rivière Ganges de façon simple et directe.
[Malgré la simplicité de sa présentation] ce texte donné de cette façon à
Naropa est considéré comme la cause de la réalisation de Naropa.
La première stance du texte dit, intelligent et patient Naropa, endurant à
la souffrance, engagé dans l’ascèse et respectueux du guru, fortuné,
pratique cela avec ton esprit.
Tilopa fait d’abord référence à Naropa comme quelqu’un d’engagé dans
l’austérité. Naropa endura des austérités pendant qu’il cherchait Tilopa,
pendant qu’il attendait Tilopa, et finalement lorsqu’il mit en pratique les
instructions de Tilopa.
Il endura ce qui est appelé les douze majeures et les douze mineures
privations ou austérités.
La raison de toute cette sérieuse recherche et de cette privation de la part de
Naropa est qu’avant de rencontrer Tilopa, il avait déjà rencontré un certain
nombre d’extraordinaires, grands maîtres et mahasiddhas, mais Tilopa avait
été prédit par les yidams de Naropa comme étant le maître ou guru qui lui
était destiné par son karma. A cause de cette prédiction, Naropa entreprit une
recherche ardue de Tilopa. Cette recherche ne fut pas basée sur une croyance
aveugle ou de désireuses pensées. Avant de rencontrer Tilopa, Naropa était
déjà un étudiant extrêmement bien entraîné et extraordinairement intelligent.
Sa recherche de Tilopa était basée sur une confiance bien fondée dans la
prédiction qu’il avait reçu.
S’adressant à Naropa, Tilopa fait référence à quelqu’un de fortuné ou de
digne. « fortuné » ou « digne » signifie ici que Naropa avait une telle foi et
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 14 Khenchen Thrangou Rinpoché
une telle dévotion qu’il avait été capable de s’engager dans ces austérités et
de trouver ainsi son maître. Et c’est à cause de cette foi et dévotion qu’il fut
approprié pour Tilopa de lui donner ces instructions, parce que seulement
quelqu’un possédant foi et dévotion est capable de comprendre leur sens, et
seulement quelqu’un possédant foi et dévotion est capable de les utiliser
comme base à ses pratiques.
La présentation par Tilopa de mahamoudra consiste en sept sujets. (1) la vue
de mahamoudra ; (2) la conduite de mahamoudra ; (3) la méditation de
mahamoudra ; (4) le samaya de mahamoudra ; (5) le bénéfice de la pratique
de mahamoudra ; (6) le désavantage de ne pas pratiquer mahamoudra ; (7)
comment, en fait, pratiquer mahamoudra.
Le premier de ces sept sujets est la vue, et la fonction de la vue est de révéler
la base. La base signifie la base sur laquelle tout arrive et à l’intérieur de
laquelle tout apparaît. La base comprend la base de méditation, la base de la
conduite, la base de samaya, et ainsi de suite.
La base ou la nature des choses peut être désignée par la vue de deux façons,
appelées la vue commune et la vue non commune. La vue commune consiste
en la vue à laquelle on est arrivé en résultat d’une conclusion logique ou d’un
connaissance logique valide. Cela consiste à utiliser votre intellect et votre
analyse logique pour déduire ou déterminer logiquement que le vide est la
nature des choses. La vue non commune, qui est la vue de upadesha ou des
instructions pratiques, utilise l’expérience directe ou la véritable connaissance
immédiate. La raison pour laquelle dans la vue non commune on évite
d’utiliser l’intellect en tant qu’outil de conclusion logique ou d’analyse logique
est que la vérité absolue n’est pas un objet de l’intellect, parce que l’intellect
est lui-même une vérité relative. Cela signifie que parce que l’intellect est lui-
même égaré, il ne peut transcender son propre domaine d’égarement. Par
conséquent, générant la vue non commune, on regarde simplement les
choses ou directement son propre esprit pour en déterminer sa nature.
Il s’agit d’utiliser l’expérience directe et la connaissance immédiate pour
arriver à la vue, et c’est là la caractéristique de la vue de mahamoudra.
Parceque ce’ que présente ici Tilopa est la vue de la connaissance immédiate
ou de l’expérience directe, il commence par dire, Bien que mahamoudra ne
puisse être expliqué … . Mahamoudra ne peut être expliqué parce qu’il s’agit
d’une vérité absolue et ainsi ne peut être exprimé en mots ni même en
concepts.
Comme le dit Shantideva, « La vérité absolue n’est pas un objet de l’intellect
parce que l’intellect lui-même est une réalité relative ». L’intellect est un
aspect de l’ignorance et ainsi l’intellect est toujours ignorant. L’intellect a
toujours faux. Il ne voit pas directement les choses. Il ne voit pas les choses
comme elles sont. L’intellect, parce qu’il est une expression de l’illusion, ne
peut que voir de façon illusoire. Ainsi, on ne peut utiliser l’intellect pour
expérimenter mahamoudra. C’est pourquoi, mahamoudra ne peut être décrit
en termes conceptuels. La seule chose que vous puissiez faire c’est pratiquer
la méditation et permettre que l’intelligence inné, consciente d’elle-même,
émerge.1
1
Note de l’éditeur: Dans ce contexte, tout enseignement et tout savoir conceptuel, y
compris l’enseignement du Bouddha, est inapproprié et illusoire. Ils peuvent contribuer à la
découverte de la vérité, mais ne sont pas la vérité elle-même. Ils sont comme le doigt qui
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 15 Khenchen Thrangou Rinpoché
Mahamoudra sur les bords du Ganges dit, Par exemple, dans l’espace,
qu’est ce qui repose sur quoi ?
Ici Tilopa utilise l’image de l’espace pour nous communiquer quelque chose
sur la base ou sur mahamoudra. L’espace par définition est le vide physique ;
c’est une étendue. En tant que tel c’est le milieu fondamental qui permet aux
autres choses d’être présentes. Mais parce que l’espace n’est rien dans et de
lui-même, il n’a besoin d’aucune sorte de support. L’espace n’a pas besoin de
s’appuyer sur quelque chose ou d’être supporté par quelque chose. Par voie
de conséquence, l’espace ne peut pas lui-même supporter quelque chose
d’autre. Rien ne peut se reposer sur l’espace. Les choses peuvent seulement
demeurer dans l’espace. De la même façon, parce que mahamoudra est le
vide, parce que c’est l’absence de substantialité de l’esprit, il ne peut donc
être montré. Parce que ce n’est pas quelque chose, il ne peut être montré
comment étant quelque chose.
A la ligne suivant il est dit, Dans un esprit, mahamoudra il n’y a rien à
montrer. Eh bien, si c’est le cas, si il n’y a rien à montrer et rien à dire sur lui,
qu’allons nous faire ? La ligne suivante nous dit : Reste détendu dans l’état
naturel sans essayer de modifier quoique ce soit.
Lorsque vous entendez que vous ne pouvez utiliser de conclusion logique pour
réaliser mahamoudra, et qu’on ne peut même pas parler de mahamoudra,
cela semble sans espoir. En fait ça ne l’est pas. Vous pouvez connaître le sens
de mahamoudra et vous pouvez réaliser mahamoudra et vous n’avez pas
besoin de conclusion logique pour le faire et vous n’en avez pas besoin pour
qu’il vous soit montré ou communiqué par un maître. La seule chose que vous
ayez à faire est ce que Tilopa dit dans cette ligne, c'est-à-dire, « Reste
détendu dans l’état naturel » - qui signifie la nature de votre esprit – « sans
essayer de modifier quoique ce soit ».
Lorsque nous disons « l’esprit » cela signifie votre esprit tel qu’il est.
Normalement lorsque nous pensons à nos esprits nous y pensons comme
étant misérables, voir même pitoyables, et sacrément affligés. Et en fait ils
peuvent nous sembler être ainsi de temps en temps. Mais en fait, ce n’est pas
la vraie condition de votre esprit. Comme le disait Saraha, « Hommage à
l’esprit qui est comme un joyau qui exauce tous les vœux ». Un joyau qui
exauce tous les vœux est quelque chose qui, selon la légende, est supposé
exaucer n’importe quel vœu. Et la raison pour laquelle l’esprit est comparé à
ce légendaire « exauceur » de vœux ou joyau qui exauce tous les vœux est
que, si vous l’attendez de votre esprit, si vous observez votre esprit, en
arrivant à le connaître vous réaliserez la nature de toutes les choses. Et afin
de pouvoir réaliser cela vous n’avez pas besoin d’essayer de modifier ce qu’est
votre esprit. Ne pas modifier l’esprit signifie que vous vous reposiez dans
votre esprit tel qu’il est. Si votre esprit est quelque chose, alors reposez vous
dans ce quelque chose ; et si votre esprit n’est rien, alors reposez vous dans
ce rien. Ne pensez pas que vous deviez le transformer en rien si cela semblait
être quelque chose, ou en quelque chose si cela semblait n’être rien. Bien sur,
l’esprit n’est pas quelque chose. Il n’a pas de caractéristiques substantielles.
Et ce n’est pas rien, parce que c’est un savoir lucide. C’est simplement votre
esprit et vous vous contentez de vous reposer dedans, tel quel, sans essayer
montre la lune. Le doigt montre où se trouve la lune, mais n’est pas la lune elle-même.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 16 Khenchen Thrangou Rinpoché
d’en faire autre chose que ce qu’il est. Est si vous êtes capable de le faire,
alors vous réaliserez la vue de mahamoudra.
Peut être est-ce facile de laisser reposer votre esprit de manière détendue
dans sa propre nature sans le modifier. Mais d’un autre coté, peut être est-ce
très difficile de la faire. On pourrait se demander « Comment puis je faire
cela ? je ne l’ai jamais fait. Je ne sais pas comment détendre mon esprit dans
sa propre nature. » Ce n’est pas un questionnement déraisonnable. Par
exemple, Paldar Bum, recevant des instructions de Jetsun Milarepa, lui
chantant une chanson, disait, « Je peux méditer sur l’esprit, mais qu’est ce
que je fais des pensées ? » et c’était une vraie question, comme vous dite,
mon esprit est mon esprit. Je peux me reposer dans mon esprit parce que
c’est mon esprit, mais qu’est ce que je fais lorsque dans mon esprit les
pensées commencent à voler de tous cotés ? En tant que pratiquants nous
faisons cette expérience en permanence. Lorsque les pensées apparaissent,
elles semblent nous empêcher de nous reposer et nous empêcher, ainsi, de
pratiquer mahamoudra.
Tilopa répond à cette simple question dans les lignes où il dit, Par exemple,
c’est comme regarder le milieu de l’espace et ne rien y voir. De la
même façon, lorsque ton esprit regarde ton esprit, les pensées
cessent et tu atteins l’insurpassable éveil.
Cela signifie que, indépendamment de quoique ce soit qui apparaisse dans
votre esprit, si vous le regardez directement, cela disparaît. Lorsque les
pensées apparaissent dans votre esprit, elles le font en apparaissant puis en
restant en tant qu’expérience et enfin en disparaissant. Si à n’importe quel
moment de ce processus vous regardez directement les pensées, celles-ci
disparaissent. Par exemple, si, lorsqu’une pensée apparaît, vous cherchez à
voir d’où elle apparaît et comment elle apparaît et ce que signifie apparaître
dans le cas d’une pensée ; ou si, lorsque la pensée est présente, vous
cherchez à voir où elle est et ce que c’est et comment c’est ; ou si, pendant
qu’elle disparaît, vous cherchez à voir où elle disparaît et comment elle s’en
va et qu’est ce qui la fait disparaître ; si, à n’importe quel moment, vous
regardez la pensée de cette façon, elle disparaîtra, elle ne sera plus là. Et si
vous cultivez cette pratique, alors progressivement cela vous mènera à la
libération de l’esclavage des pensées, qui est l’insurpassable éveil. C’est la
raison pour laquelle Tilopa dit, Si cette chaîne ou servitude est défaite, sans
aucun doute tu seras libéré.
Cette vue de mahamoudra est quelque chose que parfois nous expérimentons
et parfois pas, et lorsque nous ne l’expérimentons pas, nous nous
décourageons. Nous pensons, « C’est impossible, je ne peux pratiquer cela,
même si j’essaye, je ne le verrai pas, je ne le réaliserai pas. » Mais ce n’est
pas impossible. C’est véritablement possible et véritablement réalisable. Mais
vous avez réellement besoin de l’accentuer dans votre pratique. Vous avez en
fait besoin de prendre le temps de regardez votre esprit, car en le faisant vous
pouvez directement savoir, expérimenter et réaliser. Souvent nous pensons
des choses telles que, « Eh bien, bien sur, des mahasiddhas peuvent le
réaliser. C’est pour cela qu’ils sont des mahasiddhas. Mais je ne le peux pas. »
c’est bien de penser à cela et d’être impressionné par les qualités des
mahasiddhas, mais vous devez vous rappeler que les mahasiddhas ont
commencé comme de simples pratiquants comme vous-même, et ils sont
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 17 Khenchen Thrangou Rinpoché
devenus des mahasiddhas en pratiquant cela. Ce n’est donc pas impossible.
De temps en temps vous pouvez penser « Je ne peux regarder mon esprit.
Comment mon esprit peut il se regarder ? quelque chose ne peut pas se
regarder. » Mais votre esprit peut regarder votre esprit. Si je vous demandais
de regarder l’esprit de quelqu’un d’autre, cela serait difficile. Vous ne pourriez
le faire. Mais votre esprit est votre esprit. Vous pouvez le regarder à n’importe
quel moment.
Je vais m’arrêter là pour ce soir. Je voudrai vous remercier pour votre
enthousiasme concernant le dharma du Bouddha en général et spécialement
pour votre enthousiasme pour mahamoudra, qui est un enthousiasme
approprié, parce que cet enseignement est très à propos. Merci aussi pour
votre enthousiasme à la foi dans l’écoute et la pratique de ces instructions. Et
pour finir je voudrai faire la dédicace des mérites.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 18 Khenchen Thrangou Rinpoché
La Voie de la Libération C’est Comme
Bondir Par Dessus le Sommet d’une
Montagne
Suite de l’enseignement du Très Vénérable Khenchen Thrangou Rinpoché sur Le Mahamoudra
Upadesha de Tilopa

M erci d’être revenu. Je vais continuer là où nous en étions resté hier soir
en expliquant le Mahamoudra Upadesha de Tilopa, et comme je l’ai fait hier
soir, je commencerai en récitant la supplication à la lignée. La raison pour
laquelle je commence par cette récitation c’est que je n’ai moi-même aucune
compassion ni aucune bénédiction, alors pour générer cette bénédiction je
commence en priant la lignée. Ainsi s’il vous plait, joignez vous à moi en le
faisant avec la plus grande foi et la plus grande dévotion.
Dans la continuité de hier soir, concernant les différents aspects de
mahamoudra – la vue, la méditation, la conduite et l’action – nous nous
attachons à la vue. Hier nous avons vu qu’avant tout, cette nature que nous
appelons mahamoudra, que nous pouvons par instant regarder comme
substantiel ou comme étant quelque chose, n’a pas de substantialité et est
donc déclarée vaine ou vide.
Quoique nous puissions penser ainsi, puisque c’est vide, cela reste d’une
manière ou d’une autre obscure ou gênant à cause de la présence de la
pensée. Nous avons vu la nuit dernière que, lorsque la nature de la pensée
est regardée, les pensées disparaissent, et que, par conséquent, même les
pensées n’obscurcissent pas ce vide qu’est la nature de l’esprit.
Vous pouvez vous demander, « Si c’est tout le temps ça la nature de l’esprit,
qu’elle est l’utilité ou la fonction de la pratique ? » Tant que nous sommes
encore dans le samsara nous expérimentons énormément de souffrances
mentales et physiques. La souffrance mentale consiste en l’apparition dans
l’esprit de kleshas qui vous font souffrir exactement au moment où elles
apparaissent. Elles vous rendent immédiatement misérable et font que vous
deveniez encore plus misérable, déprimé, et plus tard inquiet. Et il y a bien
sur toutes sortes de souffrances physiques, blessures ou maux du corps puis
la perte de possessions, et ainsi de suite. La souffrance physique et la
souffrance mentale peuvent être évitées par la pratique de mahamoudra.
Comment la pratique de mahamoudra soulage et empêche la souffrance
mentale est expliqué à l’aide d’une autre image dans la stance suivante.
Tilopa dit, Par exemple, comme la brume qui, s’élevant de la terre,
devient un nuage et se dissous dans l’immensité de l’espace, n’allant
nul par et pourtant ne continuant pas à demeurer quelque part, de la
même façon l’agitation des pensées qui s’élèvent de et dans l’esprit
s’apaise à l’instant où tu vois la nature de l’esprit.
La souffrance mentale que nous expérimentons consiste en toutes les pensées
qui apparaissent dans nos esprits, qui sont elles-mêmes misérables et de la
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 19 Khenchen Thrangou Rinpoché
nature de la souffrance – pensées d’inquiétude, d’agitation, et ainsi de suite –
aussi bien que les différentes kleshas qui ne sont pas seulement déplaisantes
au moment où elles apparaissent, mais sont aussi la cause de souffrances
futures. A n’importe quel moment nous expérimentons à la fois la souffrance
et en même temps créons les causes de souffrances futures. Si vous
demandez, « pouvons nous simplement arrêter cela ? » vous verrez que nous
ne le pouvons pas.
Même si vous essayez d’arrêter ce processus, celui-ci continuera. Une
alternative à l’essai d’arrêter de force ce flux de pensées, de kleshas, et de
souffrances apparemment sans fin est la pratique de mahamoudra, ce qui
entraîne de regarder la nature des pensées qui apparaissent, vous empêchant
ainsi de les transcender.
Lorsqu’une pensée apparaît dans votre esprit, vous pouvez directement la
regarder pour voir exactement en quoi elle consiste : Qu’est-ce qu’une
pensée ? Est-ce qu’une pensée a une certaine forme, une certaine taille, une
certaine substance ; a-t-elle une certaine couleur ? Si elle a une quelconque
de ces caractéristiques, quelle forme, quelle couleur, quelle taille, et ainsi de
suite, a-t-elle ? Si elle n’a aucune de ces caractéristiques, quelles
caractéristiques a-t-elle s’il en est ? Si une pensée avait une quelconque de
ces caractéristiques, vous devriez sûrement être capable de le voir, parce que
les pensées apparaissent dans l’esprit. En fait, les pensées n’ont pas de telles
caractéristiques ; elles sont pures par nature. Vous vous souvenez peut être
que la nuit dernière j’ai cité le mahasiddha Saraha, qui a dit, « Je rends
hommage à l’esprit qui est comme un joyaux exauceur de voeu. » La
signification de l’image du joyaux exauceur de vœu est qu’il s’agit de quelque
chose de complètement sans défaut et toujours bénéfique. L’esprit, alors que
nous la regardons avec erreur comme étant d’une certaine façon parfaitement
misérable, est en fait, dans sa véritable nature – quand celle-ci est vue – sans
défaut et parfaitement libre de souffrance.
La deuxième sorte de souffrance que nous expérimentons est la souffrance
physique. La façon par laquelle la pratique de mahamoudra aide à soulager la
souffrance physique est expliquée dans la stance suivante, qui dit, Par
exemple, de la même façon que la nature de l’espace transcende la
couleur et la forme, et ainsi que l’espace qui n’est ni affecté ou
modifié, ni obscurci par les différentes couleurs et formes qui existent
à l’intérieur de lui, de la même façon l’essence de ton esprit
transcende la couleur et la forme, et, ainsi, n’est jamais obscurci ou
affecté par les différentes couleurs ou formes de la vertu ou du vice.
L’implication ou le sens de ce vers est que la pratique de mahamoudra aidera
à soulager la souffrance physique parce que la caractéristique ou qualité
essentielle de votre esprit est d’être comme l’espace, et par conséquent n’est
proprement pas affectée parce qui se passe à l’intérieur de lui. Lorsque vous
vous engagez dans des mauvaises actions, vous accumulez un certain type de
karma qui mûrira inextricablement en tant qu’expérience déplaisante

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 20 Khenchen Thrangou Rinpoché
seulement pour vous-même.1 Et ces germes mûriront ; ils ne disparaîtront pas
d’eux même. Et lorsqu’ils arrivent à maturité ou mûrissent vous les
expérimentés comme des bouleversements, des obstacles, et différentes
sortes de situations déplaisantes.
Cependant, comme cette expérience de souffrance, physique – et qui inclut
aussi la souffrance mentale – se produit à l’intérieur du champ de votre esprit,
et que la nature de votre esprit est elle-même libre de solidité et des
caractéristiques de la solidité, lorsque vous êtes au repos dans cette nature à
travers la pratique de mahamoudra, vous n’expérimenterez pas ce qui aurait
normalement été expérimenté comme une souffrance. Ou, si vous
l’expérimentez comme une légère souffrance, cela sera beaucoup moins
intense que cela l’aurait été dans des circonstances ordinaires.
Les raisons fondamentales de la pratique de la méditation sont qu’à l’origine
elle pacifie la souffrance du mental et qu’en fin de compte elle aide aussi bien
à s’y prendre avec la souffrance physique. Mais vous pouvez vous demander
« Fait elle quelque chose d’autre ? Peut on générer de quelconques qualités ou
vertus à travers la pratique de la méditation ? » La réponse est oui. Bien que
la nature de votre esprit soit le vide – ce qui revient à dire qu’il est libre d’une
quelconque forme de substantialité ou de caractéristiques substantielles, et
que, étant vide, il est aussi libre de possession d’une base à la présence de
défauts propre – en même temps, l’esprit n’est pas absolument rien. Par
exemple, dans le Soutra de la Prajnaparamita il est dit, « Pas d’yeux, pas
d’oreilles, pas de langue, pas de nez, pas de conscience tactile, » et ainsi de
suite. Et il passe à travers une liste de toutes les choses qu’on peut penser
exister – toutes les vérités relatives qui nous apparaissent – et montre
qu’aucune n’a une inhérente, substantielle existante et de ce fait sont vides.
Mais en même temps qu’il dit que toutes ces choses sont vides, il ne dit en
aucune façon qu’elles ne sont rien. La véritable nature des choses, qui est leur
vacuité, est en même temps ce que dit le Bouddha dans les soutras comme
étant la nature de Bouddha ou sugatagarbha, ce qui revient à dire que cette
vacuité, qui est la nature de votre esprit, contient à l’intérieur d’elle-même le
potentiel inhérent ou la graine de toutes les qualités de la nature de Bouddha.
Ca signifie que bien que, regardant votre esprit, vous ne voyiez rien de
substantiel, l’esprit n’est pas absolument rien. Lorsque l’on dit qu’on ne peut
trouver de caractéristiques substantielles dans l’esprit, cela signifie aussi que
vous ne pouvez pas trouver l’esprit lui-même quelque part. Lorsque en guise
1
Note de l’éditeur : Les actions négatives affectent pratiquement invariablement les autres êtres
sensibles, ainsi on peut se demander, « Est-ce que mon méfait ne va pas aussi produire des expériences
déplaisantes pour les autres ? » La réponse est oui, votre méfait cause des expériences négatives pour
les autres, mais du point de vue du karma, ce méfait particulier, bien qu’il fasse du tort aux autres,
sème les causes de souffrance pour vous seul. De la perspective des parties affectées – ceux qui
reçoivent ou expérimentent le méfait – cette action négative et la souffrance qu’elle cause est le
mûrissement karmique de graines qu’ils ont planté eux-mêmes dans le passé, et absolument pas
l’accumulation de karma qui mûrira pour eux en tant qu’expériences négatives dans le futur. Si une
quelconque expérience désagréable apparaît pour eux dans le futur, cela arrivera exclusivement en tant
qu’effet de leur propre méfait, en tant que conséquence de leur propre actions négatives du corps, de la
parole, et de l’esprit en réaction au méfait original. Par conséquent, si, en réponse à un méfait commis
par d’autres, nous ne nous engageons pas dans des actions dualistes négatives du corps, de la parole ou
de l’esprit, le méfait original aura pour seule conséquence de faire partir, ou épuiser, notre propre
karma négatif, alors qu’il restera inefficace à planter les graines d’une souffrance future nous
concernant.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 21 Khenchen Thrangou Rinpoché
d’expérience vous cherchez l’esprit, vous pouvez le chercher avec la plus
grande minutie dans toutes les parties de votre corps du haut de la tête à la
pointe de vos orteils vous ne le trouverez nulle part. Souvent, lorsque les gens
cherchent l’esprit et ne le trouvent pas, leur première pensée est que la raison
pour laquelle il ne l’ont pas trouvé est qu’ils ne le cherche pas suffisamment
fort, ou qu’ils ne savent pas comment chercher. Mais ce n’est pas la raison
pour laquelle vous ne le trouvez pas. La raison pour laquelle vous ne trouvez
pas l’esprit est que sa vraie nature est le vide. Bien sur, vous pouvez penser,
si je ne peux trouver mon esprit, si mon esprit n’a pas d’existence, suis-je
donc seulement un cadavre qui marche ? Manifestement, vous n’êtes pas un
cadavre qui marche, et la raison pour laquelle vous ne l’êtes pas est que votre
esprit a la capacité de savoir. Votre esprit est quelque chose qui sait mais ne
peut être trouvé nulle part. Il ne peut être trouvé nulle part, et cette nature
ou caractéristique fondamentale ou essence de l’esprit est par conséquent une
unité d’une clarté cognitive innée ainsi qu’une vacuité ou absence d’une
existence substantielle. Et cette unité de clarté et vacuité est, en fait, la
sagesse du bouddha. Ainsi, de façon inhérente, votre esprit est une
conscience lucide qui cependant est libre d’une quelconque sorte de
substantialité.
Pour cela, le texte continue avec une analogie : Par exemple, c’est comme
le lumineux coeur du soleil, qui ne peut être obscurci, même pas par
les ténèbres de milliers d’éons.
Cela signifie que votre esprit a une lucidité innée, et que lorsque cette lucidité
est révélée, alors en un instant cette lucidité illumine tout ce qu’il rencontre.
Et peut importe depuis combien de temps ou pour combien d’éons ce qu’il
illumine se trouve dans l’obscurité. A l’instant où la lucidité de l’esprit est
présente, cela devient totalement illuminé. L’obscurité n’est pas cumulative.
Le texte continue, De la même manière, la lumineuse clarté qu’est
l’essence de l’esprit n’est jamais obscurcie par des milliers de kalpas
dans le samsara.
Comme la nature de votre esprit est toujours la lucidité cognitive ou
luminosité, alors, lorsque cette nature est reconnue, même si vous demeurez
dans le samsara et même si vous y demeurez depuis d’innombrables éons,
l’ignorance de l’esprit disparaît automatiquement, simplement parce que
l’ignorance consiste en l’absence de la reconnaissance de cette lucidité
cognitive. Cette lucidité innée de votre esprit est toujours présente, et sa
reconnaissance est ainsi la seule chose nécessaire pour dissiper l’ignorance.
Par conséquent, lorsque nous parlons de la nature de bouddha, il s’agit de la
lucidité cognitive innée, parce que cette lucidité innée est elle-même le
potentiel à l’éveil. C’est en se familiarisant avec la lucidité cohérente innée
que nous atteignons progressivement la bouddhéité. De même que pour les
qualités de l’esprit, sa lucidité innée, et tout ce qui s’en suit, 1 elles ne sont

1
Note de l’éditeur: Ces qualités comprennent toutes les vertus positives, qui sont en fait une seule
vertu unique que nous pouvons désigner seulement par de tels termes que l’union de la sagesse et du
vide, lucidité et vide, conscience et vide, béatitude et vide, et compassion et vide. Tant que nous
sommes prisonnier du samsara, nous utilisons des termes tels que amour bienveillant, compassion,
intelligence primordiale, dévotion, confiance primordiale, etc., pour faire référence à ces virtus qui en
fait ne sont qu’une seule vertu.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 22 Khenchen Thrangou Rinpoché
jamais perdues ni jamais affectées, et ainsi sont toujours prêtes à être
reconnues à travers la pratique de la méditation.
Bien que nous faisons référence à l’esprit comme vide dans le but d’expliquer
et d’accentuer le fait que l’esprit soit sans véritable ou substantielle existence,
il est en fait faux que l’esprit soit simplement vide ou simplement vacuité. Et
bien que nous fassions référence à l’esprit en tant que luminosité ou claire
lumière parce qu’il a les qualités innées de la lucidité cognitive – faisant que
nous appelions la nature de l’esprit sagesse ou intelligence, et ainsi de suite –
ce n’est pas le cas que l’espritl soit en fait quelque chose. Par conséquent,
comme le dit le Bouddha, la vérité absolue, la véritable nature de l’esprit, est
inexprimable, inconcevable, et indescriptible. Ce qui signifie que nous ne
pouvons pas précisément dire que l’esprit est soit quelque chose soit rien.
Dans le but de décrire la vacuité de l’esprit nous disons que c’est quelque
chose. Mais en fait, la nature de l’esprit, la nature de bouddha ou
mahamoudra, est inexprimable. Et parce que c’est inexprimable et
inconcevable, cela ne peut être compris qu’au travers de l’expérience directe.
Dans le texte il est dit, Par exemple, de la même façon qu’on applique
l’adjectif vide à l’espace, en fait, il n’y a rien dans l’espace que nous
puissions véritablement décrire par ce terme. De la même façon, bien
que nous appelions l’esprit « claire lumière » ou lumineux, le simple
fait de l’appeler ainsi ne rend pas vrai le fait qu’il y ait quelque chose
à l’intérieur de l’esprit qui puisse véritablement servir de base à une
telle appellation.
Ce que cela signifie c’est qu’afin de décrire approximativement l’esprit nous
utilisons ces termes, mais il faut nous rappeler qu’en fait ils ne décrivent pas
ce qu’est véritablement l’esprit. Ca ne peut qu’être directement expérimenté à
travers notre propre intériorisation. Marpa le Traducteur le décrivit comme
étant une personne muette goûtant du sucre. La personne a une expérience
très précise de ce que c’est, parce qu’elle le connaît de l’intérieur, mais elle
est incapable de le décrire. Marpa dit qu’il a eu l’expérience de son esprit
grâce à son entraînement sous la direction de Naropa, mais était incapable de
l’exprimer à l’aide de mots.
Jusqu’à ce point le texte s’est concentré sur le premier sujet, la vue de
mahamoudra, qui a été expliquée par l’utilisation de six analogies. De ces six
analogies, l’une a été les nuages, une autre le soleil. Les quatre autres
analogies ont utilisé la métaphore de l’espace pour décrire l’esprit. Comme
vous pouvez le voir en relisant le texte, soit au travers de la traduction ou en
Tibétain, ces quatre analogies, qui toutes utilisent l’espace comme une image,
ne se répètent pas parce qu’elles ont chacune un sens distinct. Il existe un
aperçu de ce texte écrit par le Troisième Gyalwa Karmapa, Rangjung Dorje.
Dans cet aperçu il explique l’intention particulière de ces quatre utilisations de
l’espace comme image de l’esprit. La première fois qu’elle apparaît, ce qui est
mis en avant est l’insubstantialité de la nature de l’esprit ou mahamoudra. La
deuxième fois que l’espace est utilisé comme image, il est souligné que
lorsque vous regardez directement votre esprit, c’est comme si les pensées
cessaient ou disparaissaient dans l’espace. La troisième fois que l’image de
l’espace est utilisée, il est montré que bien que vous soyez engagés dans des
activités positives ou négatives qui obscurcissent l’esprit, rien que vous fassiez
dans le sens d’actions positives et négatives ne peut obscurcir la claire
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 23 Khenchen Thrangou Rinpoché
lumière, la rayonnante clarté ou luminosité de la véritable nature de l’esprit.
Et la quatrième fois que l’espace est utilisé comme image, c’est pour monter
que la nature de l’esprit est indescriptible et inexprimable.
Les deux lignes du texte suivantes sont un résumé de la présentation de la
vue, et ainsi, dans un sens, sont un résumé des six analogies ou images qui
ont été données. Le texte dit, Ainsi, la nature de l’esprit a toujours été
comme l’espace, et il n’y a aucun dharma qui n’y soit pas inclus.
La nature de l’esprit est comme l’espace, et par conséquent, tout ce que vous
expérimentez est compris dans cet espace de l’esprit. C’est une réponse à la
question implicite, « Même si la nature de l’esprit est ce que vous avez
expliqué, quel bien cela me fait de le savoir ? Mes problèmes viennent de
l’extérieur. Mes ennemis ne sont pas dans mon esprit, mes ennemis sont à
l’extérieur de moi. Le mal, blesse à partir des éléments, et toutes les
catastrophes viennent de l’extérieur. Quelle utilité il y a-t-il pour moi de
méditer sur la nature de mon esprit ? La nature de mon esprit n’est pas le
problème. » Bien que la nature de votre esprit ne soit pas votre problème, il
est d’une grande importance de méditer dessus. Alors qu’il pourrait sembler
que les maux et ainsi de suite arrivent de l’extérieur de vous-même, en fait, la
plupart des véritables maux commencent à l’intérieur. La façon dont nous
expérimentons les choses, qui consiste principalement en délices enivrants, en
tristesses dépressives, en agressions intenses, et en désires et
d’attachements – tous à la fois – viennent de l’intérieur de notre esprit. Et dés
que nous reconnaissons la nature de notre esprit, tous ces états affligeants
sont pacifiés. Ce ne sont pas les maux externes qui doivent être évités ni les
ennemis externes qui doivent être apprivoisés, mais les ennemis internes et
les maux intérieurs qui doivent être contenus. Dans cet esprit Shantideva
nous dit que si vous essayez d’éviter la souffrance en subjuguant les ennemis
externes et les autres sources de souffrance, vous découvrez en fait que pour
chacun que vous réprimez, deux arrivent pour prendre sa place. Plutôt que
d’agir ainsi, la seule chose que vous puissiez faire qui marchera effectivement
consiste à contenir l’ennemi interne, qui est votre propre agression. Et si
vous subjuguer votre propre agression, alors les ennemis extérieurs ne
surviendront pas. « Par exemple, » Shantideva dit, « c’est comme marcher
pieds nus dans la forêt et découvrir qu’il y a des épines et d’autres choses qui
blessent vos pieds. Aussi si vous pensez qu’il vous faut couvrir le parterre de
la forêt avec du cuir, vous découvrez que quelque soit la distance que vous
couvriez, à la fin vous marcherez trop loin et épuiserez la couverture. Vous ne
pouvez pas couvrir le monde entier avec du cuir. D’un autre coté, si vous
couvrez vos pieds avec du cuir, cela fait le même effet qu’avoir couvert tout le
parterre de la forêt eu le monde entier. » Vous ne pouvez complètement
contrôler le monde entier, alors vous devez apprendre à contrôler votre
propre esprit.
Ainsi, il nous faut arriver à une vue correcte de la nature de l’esprit et
d’ailleurs il nous faut expérimenter la nature de l’esprit. Et c’est aussi
pourquoi, selon la vue de mahamoudra, on doit directement expérimenter la
nature de l’esprit, bien plus qu’en avoir une simple compréhension.
Faisant suite à la description de la vue, la section suivante du texte décrit la
conduite de mahamoudra, qui est expliquée comme étant la conduite du
corps, de la parole, et de l’esprit. Dans le but d’obtenir le résultat ultime ou la
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 24 Khenchen Thrangou Rinpoché
suprême siddhi, nous nous engageons sur la voie, et notre voie [en tant que
vajrayanistes] a essentiellement deux aspects, ou consiste en deux voies
complémentaires. L’une est appelée upaya marga ou la voie de la méthode,
qui consiste, par exemple, en différentes pratiques élaborées, comprenant la
mise en place d’offrandes physiques, différentes actions physiques, la
répétition de mantras, la réalisation de visualisations, et ainsi de suite. Et
l’autre voie est appelée la voie de la libération, c’est mahamoudra – la simple
et directe méditation sur la nature de l’esprit. Par conséquent, la conduite du
corps, de la parole, et de l’esprit qui font partie de mahamoudra sont
réellement la conduite de cette voie de la libération.
Concernant le corps, le texte dit, En abandonnant toutes les actions
physiques, le pratiquant doit rester dans le calme.
Dans la pratique de mahamoudra il n’est pas nécessaire de courir, de sauter,
de danser, ou de faire quoique ce soit de physiquement élaboré, comme de
rester assis dans le noir absolu ou de regarder fixement le soleil, ou quoique
ce soit de ce genre. Demeurez simplement dans un état de repos physique.
De la même façon, concernant la parole, il dit, Sans aucune expression
verbale, ta parole devient comme l’écho, inséparable du vide.
Dans la pratique de mahamoudra, la pratique de la parole principalement ne
consiste pas en la récitation de mantras, ou en aucune autre utilisation de la
parole tel que crier ou exclamer les choses. Cela consiste simplement à
demeurer sans aucune sorte d’attachement pour la parole ou le son.
Concernant l’esprit, alors que nous pouvons penser que l’aspect mental de la
conduite ou de la pratique de mahamoudra consiste à volontairement arrêter
les pensées, ou d’un autre coté, penser intentionnellement à quelque chose, le
texte dit, Ne pense à rien, quoi que ce soit, et observe les dharmas du
bond.
Dans cette expression, « observe les dharmas du bond, » le terme « bond, »
utilisé ici métaphoriquement, signifie littéralement aller au-delà du passage –
passage ici signifiant le défilé d’une montagne. La signification de cela est que
lorsque vous essayez de traverser une montagne, le chemin conventionnel
consiste à trouver un passage que vous puissiez prendre pour traverser. Si
vous suivez le passage vous irez d’abord vers la droite puis vers la gauche, et
ainsi de suite, dépendant de la forme de la montagne. L’image qui est ici
donnée est l’idée de sauter ou de bondir tout droit au dessus du passage. Ce à
quoi ces images font référence est la distinction entre la voie de la méthode et
la voie de la libération. Que vous pratiquiez la voie de la méthode ou celle de
la libération, vous le faite dans le but de reconnaître la nature de votre esprit,
il s’agit donc de la même chose. Mais dans le cas de la voie de la méthode,
vous utilisez une approche qui ressemble à la traversée d’une montagne en
utilisant un passage et en allant d’abord à droite puis vers la gauche. C’est
dans un sens très progressif ou indirect, parce que vous utilisez une méthode
après l’autre pour progressivement arriver de plus en plus près de cette
reconnaissance. Mais dans la voie de la libération, il n’y a pas d’autre méthode
que de regarder simplement directement votre esprit et simplement voir
directement sur place sa nature, qui est instantanément révélée. Par
conséquent, la pratique de la voie de la libération ressemble à un bond ou un
saut par-dessus le sommet de la montagne.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 25 Khenchen Thrangou Rinpoché
Cela termine la section du texte qui décrit de façon générale la conduite ou la
pratique de mahamoudra. Et comme il n’y a pas eu assez de temps pour des
questions la nuit dernière, je vous demanderai de les poser maintenant. Vous
pouvez poser des questions sur votre expérience de cela, votre
compréhension, vos pensées à ce sujet, quoique ce soit que vous désiriez
poser sur le sujet et si je peux répondre à vos questions je le ferai, sinon je
m’en excuserai.

Question : Par curiosité, sur l’image, Tilopa tient un poisson, et je me


demandais si cela avait une quelconque relation avec lui et pourquoi il y avait
un poisson ?

Rinpoché : L’image de Tilopa tenant un poisson est basée sur l’histoire de la


première rencontre entre Naropa et Tilopa. Lorsque Naropa alla à la recherche
de Tilopa il n’avait pas véritablement d’idée où il pouvait être. Naropa suivait
seulement une prédiction qu’il avait reçu qui lui disait que celui qui serait son
gourou, Tilopa, était quelque part à l’est de l’Inde et que son nom était Tilop
ou Tilopa. Il n’avait aucune idée à part cela sur à quoi ressemblait Tilopa ni où
il était exactement. Et c’est pourquoi il eut beaucoup de difficultés à le
trouver. Etant déjà passé par beaucoup de difficultés et ne l’ayant toujours
pas trouvé, un jour il le situa près d’une certaine localité, et lorsqu’il y arriva,
il demanda aux personnes du coin si le Mahasiddha Tilopa habitait ici. Les
personnes à qui il s’adressait n’avaient jamais entendu parler d’un
Mahasiddha Tilopa, mais qu’il y avait un mendiant Tilopa qui était juste là, lui
indiquant un endroit près de là. Naropa fut inspiré par cela parce qu’il pensait
que Tilopa était un mahasiddha, et ainsi pouvait vivre comme un mendiant.
Ce qu’il vit lorsqu’il arriva pour rencontrer Tilopa pour la première fois fut
Tilopa assis là avec un tas de poissons qu’il avait attrapé, claquant des doigts
et ainsi causant la libération de la conscience dans le dharmadatu de chaque
poisson, après quoi il les mangerait. Comme c’était le premier parmi les plus
fameux miracles connus de Tilopa, et la première fois que Naropa arrivait en
sa présence physique, cet évènement est commémoré par la représentation
traditionnelle de Tilopa tenant un poisson.

Question : Rinpoché, parfois dans shamatha j’ai une pensée qui survient et
je n’y fait pas particulièrement attention mais, boom, c’est parti ! Ça disparaît
alors que je ne l’ai pas observé pour examiner ces parties, mais elle semble
partie … [inaudible]

Rinpoché : Ce n’est pas rien du tout. Les pensées font cela. Que vous les
regardiez ou non, que vous méditiez ou non, les pensées disparaissent.
Eventuellement les pensées disparaissent simplement. Elles ne restent pas
dans les alentours pour toujours.

Question : Rinpoché, dans le contexte de mahamoudra, qu’est ce que


« l’amour vrai » expérimentée par les gens de l’ouest, les couples ? Qu’elle est
la vue bouddhiste sur l’amour, et comment et pourquoi ça arrive ? Et la
seconde question : Quel est le rôle des causes et conditions en rapport avec
ça ?
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 26 Khenchen Thrangou Rinpoché
Traducteur : Par amour vrai vous voulez parler de l’amour physique, de
l’amour romantique ?

Même questionneur : La plupart des gens disent que l’amour vrai, qui
transcende le temps, existe. Je veux dire, « Pur amour vrai.» [Rires]

Rinpoché : Ma foi, il n’y a rien de mal avec ce genre d’amour, si on s’en


réfère au dharma. Il ne le contredit pas. Après tout, il est dit dans le dharma
que nous avons besoin d’aimer tous les êtres sensibles, c'est-à-dire tous les
êtres sans limite d’espace, mais vous devez commencer par ceux qui sont
près de vous. Ça n’a pas beaucoup de sens de dire que vous aimez tous les
êtres sensibles de l’univers si vous êtes agressif et froid avec ceux qui sont
près de vous. [Rires] Ce que j’ajouterai à cela, spécifiquement dans le
contexte de mahamoudra, c’est que quoiqu’il naisse dans votre esprit – y
compris l’amour, la compassion, toutes sortes d’émotions positives – cela sera
perçu comme vide dans le sens où vous verrez sa nature, qui est toujours la
vacuité.

Question : Rinpoché, Kalou Rinpoché avait l’habitude de parler de la nature


de l’esprit comme étant vide, claire, et sans empêchement. Je me demandais
si vous pouviez dire quelque chose sur ce que sans empêchement voulait dire.
C’est mang gakpa en tibétain et je ne l’ai jamais vraiment compris.

Rinpoché : Mang gakpa, l’incessante manifestation de l’esprit, est un aspect


de la lucidité. Si vous décrivez l’esprit à l’aide des deux concepts, vacuité et
connaissance lucide, cela inclura l’aspect d’incessante manifestation ou de
sans empêchement. Mais de façon plus détaillée, vous pouvez dire que l’esprit
est en essence vide, naturellement lucide, et d’incessante manifestation. Il est
plus facile de l’expliquer en revenant à la vacuité de l’esprit. Comme vous le
savez, l’esprit est dit vide parce que lorsque vous le cherchez, il ne peut être
trouvé. Il n’a pas de caractéristiques substantielles, et n’a pas d’existence
substantielle. Quand nous essayons d’embrasser cela conceptuellement – le
fait de n’avoir aucune substantialité – nous générons un concept de rien ou de
non existence. Si l’esprit n’était rien, alors vous ne seriez pas en vie. Votre
corps serait une matière inerte. Ainsi, bien qu’il soit juste de dire que l’esprit
est vide dans le sens qu’il n’a rien de substantiel à l’intérieur de lui ou que rien
de substantiel ne peut y être trouvé, néanmoins il ne s’arrête jamais. Il ne
s’arrête jamais dans le sens que vous pouvez penser, vous pouvez vous
rappeler, vous continuez l’expérience. Ce qui ne s’arrête jamais, si vous devez
lui donner un nom, c’est la lucidité. C’est le sans empêchement ou la qualité
incessante de la lucidité elle-même. C’est pourquoi, c’est généralement appelé
la manifestation incessante – nangpa mang gakpa – ou l’incessante lueur ou
affichage ou image.

Question : Rinpoché, avec l’image d’aller à la montagne et de prendre le


passage de droite à gauche, et puis sauter par-dessus le sommet, qu’est ce
qui autorise quelqu’un d’éviter le long chemin qui consiste à passer par là et
qu’est ce qui autorise quelqu’un à sauter par-dessus ? Parce que dans les
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 27 Khenchen Thrangou Rinpoché
histoires de Naropa et de Milarepa il semblerait qu’avant qu’ils réalisent la
nature de l’esprit, chacun d’entre eux encouru d’énormes difficultés. Devons
nous dans nos cultures modernes passer par des difficultés identiques ? Est-ce
quelque part pour nous une préparation à sauter par-dessus ?

Rinpoché : Une distinction doit être faite entre la simple reconnaissance de la


nature de l’esprit et la complète révélation ou réalisation de la nature de
l’esprit. Dans le but de reconnaître la nature de votre esprit, des austérités
héroïques comme celles de Jetsun Milarepa ne sont pas nécessaires. Mais
dans le but de la complète reconnaissance de la nature de votre esprit c’est
possible. Par exemple, lorsque Jetsun Milarepa reçu d’abord les instructions de
Marpa, il reconnu immédiatement la nature de son esprit parce que c’est ce
que Marpa lui avait expliqué, et Milarepa l’avait compris. Mais toutes les
austérités et pratiques suivantes ont été entreprises dans le but de
pleinement réaliser ce qui avait déjà été reconnu.1 Pour ce qui concerne la
nécessité de telles austérités aujourd’hui, ma foi, si vous pouvez vous engager
dans ce degré d’austérités, alors bien entendu c’est ce qu’il y a de mieux,
parce que le résultat sera très rapide, et le résultat sera véritablement
d’autres façons extraordinaire. Mais vous ne devez pas penser que le succès
ou la défaite de votre pratique est basée sur votre capacité ou incapacité de
faire ce que Milarepa a fait. Parce que chaque degré de réalisation de la
nature de l’esprit rendra votre pratique et votre vie comme en valant la peine
et plein de sens. Si vous pouvez générer cent pourcent de la réalisation de
Milarepa, bien entendu, cela serait magnifique. Mais seulement cinquante
pourcent ou vingt cinq pourcent ou dix pourcent ou cinq pourcent ou même
un pourcent serait déjà extraordinaire. Vous ne devez pas penser être d’une
certaine façon disqualifié entant que pratiquant simplement parce que vous ne
pouvez pas égaler l’exemple de Jetsun Milarepa. Chaque quantité de pratique
de mahamoudra que vous réaliserez sera fortement bénéfique.

Question : Rinpoché, j’ai compris qu’à la suite de vos enseignements, Tenga


Rinpoché enseignera la pratique de chöd. Je suppose que les enseignements
concerneront mahamoudra et chöd et je me demande si les différents démons
et obstacles qui seront discutées dans la pratique de chöd ont une relation
avec la réalisation de mahamoudra. Je me demande si vous pouviez nous
expliquer un peu en quoi nous pourrions rencontrer certaines de ces obstacles
dans notre pratique. Par exemple, pouvez vous expliquer un peu plus le
démon ou obstacle du blocage ou de la solidité ?

1
Note de l’éditeur : La première reconnaissance de la nature de l’esprit, qui arrive dans
l’expérience de l’étudiant grâce à l’intervention du lama – soit à l’occasion d’un enseignement,
une cérémonie rituelle, une méditation guidée – devient la base pour les pratiques du dharma
suivantes de l’étudiant, la raison en étant de permettre à l’étudiant d’être accoutumé et
habitué à expérimenter le monde de la façon dont ça lui a été montré. Lorsque, à travers la
pratique de la voie, l’expérience de l’étudiant atteint l’innéfable fruitaison de la bouddhéité, il
ou elle est dit avoir pleinement réalisé la nature de l’esprit.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 28 Khenchen Thrangou Rinpoché
Traducteur : Blocage ou solidité – est-ce l’un des quatre dont on parle dans
chöd, est-ce top che dup ? Vous demandez quoi exactement ? Pourquoi ça
arrive ou comment fonctionner avec ?

Question : oui, les deux.

Rinpoché : D’abord, chöd est mahamoudra. Chöd est un style ou tradition de


la pratique de mahamoudra. En fait, le nom est chödyul chakgya chenpo,
chöd mahamoudra. Chöd est une façon de pratiquer ou d’implémenter la vue
de mahamoudra. Ce à quoi nous faisons référence par pratique de chöd est la
mise en valeur de la vue de mahamoudra en utilisant ce qui inspire la peur ou
les kleshas. Vous travaillez avec des situations qui produisent des kleshas
internes, ou font que vous soyez effrayé par des choses externes, comme des
esprits ou ainsi de suite. Vous apprenez à trancher votre peur et votre
conceptualisation de ces situations. Si vous pouvez trancher les plus
stressantes de ces situations, alors vous pouvez rester dans la reconnaissance
de la nature de votre esprit dans toutes les circonstances. La particularité de
la pratique de chöd est d’élargir et rendre profonde votre reconnaissance de
mahamoudra ou de la nature de l’esprit. On parle de quatre maras dans la
tradition de chöd : la mara substantielle, la mara insubstantielle, la mara
d’arrogance, et la mara de satisfaction. La mara substantielle est présente
lorsque, à cause de différentes circonstances, spécialement la présence de
kleshas à l’intérieur de vous et différentes conditions tel que certaines
énergies se déplaçant dans les canaux, vous percevez à l’extérieur quelque
chose que vous identifierez comme mara, comme une manifestation qui
semblerait extérieure à vous, substantielle, et séparée de vous. C’est pourquoi
c’est appelé la mara substantielle. Le point clé en travaillant sur cela est de
comprendre que vous ne voyez pas ces choses lorsque votre esprit est au
repos. Vous les voyez lorsque votre esprit est agité à cause d’un désiquilibre
des éléments ou d’autres conditions similaires. La façon d’agir avec les maras
consiste simplement à trancher n’importe quelle sorte de conceptualisation de
leur existence inhérente et séparée. Vous reconnaissez qu’elles sont
simplement la manifestation naturelle de votre être et vos processus internes.
De cette façon, en les expérimentant et tranchant les fixations de leur
existence, vous arrivez ensuite à une compréhension du dharmata. **

Question : Rinpoché, pouvez vous en dire plus sur la la conduite de la


parole ?
Rinpoché : Le point principal dans la présentation de la conduite de la parole
ici est que, parce que mahamoudra est la voie de la libération, il n’y a rien qui
doive être récité ou pratiqué verbalement. La pratique de la parole en relation
avec mahamoudra est basiquement le silence. En relation avec cela est la
perception des sons ou la relation aux sons comme étant insubstantielle
comme un écho ou comme l’union du son et du vide. Le point de toute cette
session est le même pour le corps, la parole, et l’esprit. Que vous parliez du
corps, de la parole, ou de l’esprit, l’essence de mahamoudra est qu’il n’y a
**
Note de l’éditeur : Pour une plus grande explication de la substantielle mara, voir Shenpen
Ösel, Vol. 3, No. 1, page 36.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 29 Khenchen Thrangou Rinpoché
aucun effort spécial en jeu. Cela ne veut pas dire que si vous pratiquez
mahamoudra vous devez abandonner la récitation des mantras, ou qu’il soit
interdit pour un pratiquant de mahamoudra de réciter des mantras, ou que si
vous êtes un pratiquant de mahamoudra vous deviez cesser de travailler, ou
qu’il soit interdit pour un pratiquant de mahamoudra de bouger. Cela ne veut
pas dire cela. Cela veut dire qu’il n’y a pas de forme d’activité physique
spécifique, ni aucune forme d’activité verbale spécifique, comme la récitation
de mantras ou une liturgie ou un rituel, qui soient recquis pour la pratique de
mahamoudra.

Question : Mais ce que Rinpoché a dit sur l’insubstantialité … [quelques


clarifications de questions précédentes]

Rinpoché : La section de la ligne qui dit, « son inséparable du vide comme un


écho, » explique la raison de cette approche de la parole dans mahamoudra.
La raison pour laquelle aucune parole particulière n’est regardée comme
nécessaire ou plus importante qu’une autre, c’est que la parole et le son sont
simplement le vide apparaissant comme un son. Ils sont juste une expression
du vide. Et dans ce sens ils sont comme un écho. Ils ne sont pas quelque
chose de réel. Ils sont juste quelque chose que vous expérimentez. C’est
pourquoi, quelque soit la parole qui apparaisse elles ont toutes la même
qualité fondamentale ou la même nature fondamentale, et ainsi n’ont pas
spécialement besoin d’être cultivée.

Question : Rinpoché, pouvez vous dire quelque chose sur le moment où la


dévotion intervient dans mahamoudra ; quelle est la relation entre
mahamoudra et la dévotion.

Rinpoché : La dévotion à deux fonctions dans la pratique de mahamoudra.


L’une de celle à laquelle vous pouvez penser à une utilité immédiate ou un
profit immédiat, et l’autre est la principale ou la vraie fonction de la dévotion.
La fonction immédiate est que quelque fois, lorsque vous suppliez le gourou
racine ou ceux de la lignée avec une intense dévotion, votre perception, votre
perspective, change complètement. En un instant il y a un grand changement
dans la façon dont vous expérimentez le monde, et le résultat en est qu’il en
découlera un progrès considérable. Par exemple, si jusque là vous n’aviez eu
aucune expérience ou reconnaissance de la nature de votre esprit, vous
pouvez en faire l’expérience. Et quelque soit la reconnaissance ou l’expérience
que vous ayez pu avoir, celle-ci s’intensifiera. Il s’agit là d’un bénéfice
immédiat ou à court terme de la dévotion, qui fait simplement que, la
dévotion amène la bénédiction, et la bénédiction amène le progrès. Mais la
véritable fonction de la dévotion est encore plus simple ou plus basic que cela.
C’est que plus vous avez de croyance et d’intérêt et de confiance en quelque
chose, plus vous vous y engagerez. De la manière avec laquelle vous croyez à
mahamoudra, avec laquelle vous êtes intéressé en mahamoudra, que vous le
regardiez comme authentique et crédible, de cette manière vous vous
engagerez véritablement dans sa pratique. Si il vous manque de la dévotion,
ce qui signifie, si vous êtes suspicieux de mahamoudra, si vous pensez,
« Comment cela peut il être si facile, comment cela peut il vraiment marcher
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 30 Khenchen Thrangou Rinpoché
– quelque chose d’aussi simple que cela ?- si vous pensez cela, si vous pensez
qu’il y a quelque chose d’un peu louche dans cela et que vous ne le croyez
pas, manifestement vous n’allez pas le pratiquer. Et lorsque quelqu’un prend
cette attitude suspicieuse, peut importante le temps passé à lui parler de
mahamoudra et peut importe le nombre d’instruction qu’il reçoit,
manifestement cela ne lui fera pas du bien, parce qu’il ne l’achète pas. Si vous
avez confiance à cent pourcent, et que la dévotion soit identique à la
confiance, si vous avez cent pourcent confiance en mahamoudra, vous aurez
cent pourcent de réussite. Si vous avez cinquante pourcent de confiance, vous
aurez cinquante pourcent de réussite. Nous parlons ici de mahamoudra, mais
cette fonction de dévotion est en fait commune à tous les efforts, quils soient
spirituels ou mondains. Le plus de confiance vous avez en quelque chose, le
plus vous vous y engagerez et le plus vous en tirerez quelque chose. On peut
s’arrêter là pour ce soir.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 31 Khenchen Thrangou Rinpoché
Sur la nécessité de cultiver une
rigoureuse attention dans la Méditation
Suite de l’enseignement du Très Vénérable Khenchen Thrangou Rinpoché sur la Mahamoudra Upadesha
de Tilopa.

L a nuit dernière nous avons discuté de la deuxième des sept sections de ce


texte, Mahamoudra Upadesha. Vous vous rappellerez que les deux premières
sections étaient la vue de mahamoudra et la conduite de mahamoudra.
Maintenant nous arrivons à la troisième des sept sections, qui est la
méditation de mahamoudra. La vue est la reconnaissance de la base, qui est
aussi la base de la méditation. La conduite consiste à savoir comment utiliser
votre corps, parole et esprit pour pratiquer le dharma de la façon découverte
dans la vue ou basée sur sa reconnaissance. Le troisième sujet, celui de la
méditation, consiste spécifiquement à se familiariser avec la vue qui a été
reconnue. Ainsi, la méditation dans ce contexte est tout d’abord une
familiarisation complémentaire à la vue. La méditation a ici deux aspects, ce
sont les pratiques préliminaires à la méditation et les pratiques principales à la
méditation. Dans la ligne suivante, le texte entame une description des
préliminaires : Le corps est sans signification, vide comme une tige de
bambou.
Par expérience, il y a deux aspects concernant comment nous nous regardons.
Le premier est notre corps, qui est quelque chose de physique constitué de
substances tels que la chair et le sang, et le second est notre esprit, qui est
quelque chose de mental qui est seulement la connaissance lucide. Pour la
durée de cette vie ces deux sont quelque peu interdépendants ou co-existants
dans le même espace. Si vous réfléchissez à la nature de l’expérience, vous
arriverez facilement à la conclusion que des deux, votre esprit est le plus
important et le plus significatif. Mais normalement, de la façon dont nous
agissons et nous pensons, nous semblons considérer le corps comme plus
important. A cause de cela, la majeure partie de ce que nous faisons et fait
directement ou indirectement pour entretenir, chérir, ou protéger nos corps.
Bien que le corps ne soit juste qu’un agent de l’esprit, nous transformons
l’esprit en esclave ou en servant du corps, et nous sommes constamment
agités et nous nous rendons constamment mentalement misérable avec des
choses telles que, par exemple, la peur que quelque chose de terrible arrive à
nos corps, et ainsi de suite. Du point de vue du long terme, c’est dénué de
sens, parce que notre corps est quelque chose de très temporaire. Nous le
regardons comme étant d’une certaine façon intrinsèquement précieux, mais,
en fait, d’un autre point de vue, il n’a en quelque sorte ni de valeur ni de sens.
La mise en pratique de cette compréhension consiste en contemplations
préliminaires sur l’acquisition des libertés et des ressources de la précieuse
existence humaine, de l’impermanence et de la mort, sur le résultat des
actions, et les défauts du samsara. L’un des bénéfices que l’on tire de ces
contemplations est que l’obsession de votre corps physique, ainsi que tous les

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 32 Khenchen Thrangou Rinpoché
enjeux qui en ressortent, sera amoindrie, vous laissant l’espace pour méditer.
Lorsque l’on pratique de telles contemplations, aux quelles on fait souvent
référence en tant que préliminaires ordinaires, le résultat est que l’on a envie
de pratiquer la méditation, ce qui conduit naturellement à l’effort ou à la
diligence dans la pratique.
La véritable pratique de la méditation elle-même à deux étapes, qui sont
tranquillité et perception ou shamatha et vipashyana. Elles peuvent être
présentées dés le début comme unie – la technique présentée peut être
l’unification shamatha/vipashyana dés le début – ou, d’une autre manière
peuvent être présentées en séquence. Une présentation élaborée ou complète
de la technique de méditation devra commencer par la posture physique puis
par la posture mentale, ainsi que l’utilisation de la respiration, et ainsi de
suite. Dans ce texte, parce que le sujet est traité brièvement, il n’est pas parlé
de la posture. Il est assumé que vous savez que la posture physique
nécessaire à la pratique de la méditation est celle communément utilisée,
appelée les sept dharmas de Vairochana ou la posture en sept points. 1 Comme
je suis sur que vous avez tous reçu des instructions sur le sujet, je ne vais pas
décrire la posture ici, à un détail prêt. Il est vrai que pour pratiquer
parfaitement il vous faut utiliser ce type de posture. Mais parfois lorsque les
gens placent leurs corps en posture de méditation, ils le font d’une façon qui
est très stricte ou très tendue. Et bien qu’il soit vrai que vous ayez besoin
d’avoir une colonne vertébrale bien droite, et ainsi de suite, si la façon de se
placer ou de maintenir cette posture procure trop de tension, alors le tout
devient contreproductif. C’est pourquoi Machig Labdron nous dit, « La posture
physique ou la technique physique consiste à relaxer les quatre membres, »
ce qui signifie que la règle d’une posture correcte comprend le fait que vos
membres, tous les muscles de vos deux bras et de vos deux jambes, soient
aussi détendus que possible. Ainsi, bien qu’il faille faire attention à la posture
et ainsi de suite, soyez sur de ne pas devenir trop tendu en le faisant. Le
Neuvième Gyalwa Karmapa, Wangchuk Dorje, en parle aussi dans son texte
d’instructions sur mahamoudra, En montrant le Dharmakaya. Là il fait
remarquer que, bien que nous ayons besoin de la posture de méditation des
sept dharmas de Vairochana pour pratiquer la méditation, nous devons nous
assurer que la façon dont nous gardons ou nous pratiquions la posture soit
détendue.
La raison pour laquelle il en est discuté est que souvent, lorsque nous fixons
notre esprit sur quelque chose, ou lorsque nous nous concentrons, nous
générons automatiquement dans le même temps un état de tension physique.
Si vous devenez physiquement tendus lorsque vous pratiquez la méditation, il
se peut que vous expérimentiez une sorte de chaleur ou de manque de
confort ou de souffrance. Si ces sensations apparaissent ce n’est pas très
important, parce qu’elles n’arrivent qu’à cause de la tension physique due à
votre posture. Néanmoins, dans le but d’ éviter ces sensations, Le Neuvième
Karmapa donne les recommandations suivantes : « Maintenez une posture
libre de tension, de trop d’effort, ou du sentiment d’être noué ; en d’autres
1
Note de l’éditeur : Pour une explication complète des sept dharmas de Vairochana, voir Shenpen
Ösel, Vol. 1, No. 2, pages 11-13, et Vol. 3, No. &, page 41,
Note du traducteur : Si il n’y pas d’obstacle majeur, ces textes feront partie de traductions futures.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 33 Khenchen Thrangou Rinpoché
termes, prenez une position détendue et confortable. » Ces mots semblent
d’une certaine façon peu importants et peut être que ce qu’ils signifient
raisonne pour l’instant comme évident, mais lorsque vous pratiquez
effectivement la méditation ces instructions deviennent particulièrement
significatives et importantes, et très utiles dans la pratique d’une expérience
méditative stable, en évitant l’arrivée d’obstacles ou d’empêchements non
nécessaires. Encore une fois, la raison pour laquelle il en est ainsi est
simplement du au fait que lorsque nous concentrons nos esprits, nous avons
dans le même temps d’une certaine façon tendance à maintenir notre corps
rigide ou tendu. Il est important de se rappeler qu’aussi concentré que votre
esprit puisse être, vous devez maintenir un état physique ou une posture
détachée et détendue.
La technique mentale de méditation, la technique qui consiste à placer l’esprit,
est ensuite expliquée dans les instructions de Tilopa. En regard des techniques
de méditation en général, peut être que la technique la plus simple utilisée
dans toutes les traditions Bouddhistes – y compris dans les traditions
Théravadines, Zen, et Vajrayana – consiste à observer la respiration, ce qui
est une excellente technique, extrêmement utile. Elle est proposée par le
Bouddha lui-même lorsqu’il dit, « Dans le cas ou il y a beaucoup de pensées,
suit la respiration. » On ne parle pas de la méditation sur la respiration dans
ce texte, alors, d’un certain point de vue, vous pourriez penser que
l’instruction est donnée pour un pratiquant qui a déjà développé quelques
états de tranquillité ou de stabilité dans la méditation. Une autre façon de voir
les choses est que dans la tradition mahamoudra en général, il y a deux types
de méditation : celles qui emploient ce qu’on appel un support, c'est-à-dire
quelque chose sur laquelle vous fixez l’esprit, et celles qui n’emploient aucun
support. Dans ce cas, il n’est pas précisément parlé de la méditation utilisant
un support ou un objet.
Ce dont il est parlé est la méditation sans support : L’esprit est comme le
milieu de l’espace. Il est inconcevable. Reste détendu dans cela, sans
le laisser aller ni le retenir. Reste détendu dans cet état sans le
rejeter ni le maintenir en place.1
La première ligne, qui affirme que l’esprit est inconcevable comme le milieu de
l’espace, dit que lorsque vous regardez votre esprit, vous ne voyez rien. Dans
un sens il semble que là il n’y aie rien. Mais il y a tellement de « là rien» que
vous ne pouvez pas vraiment dire qu’il n’y a rien là, parce que cette
insubstantialité est dans le même temps elle-même une connaissance. C’est
l’union de la vacuité et de la connaissance lucide ou clarté. Il s’agit de quelque
chose que tout le monde peut directement expérimenter en regardant son
propre esprit. Mais c’est quelque chose que personne ne peut concevoir. Vous
pouvez expérimenter l’esprit mais vous ne pouvez pas y penser avec
exactitude, parce qu’il dépasse le domaine de la pensée. Dans ce sens, c’est
quelque chose que vous ne pouvez concevoir ou imaginer, mais que
néanmoins vous pouvez directement expérimenter – quelque chose qui est
dans le même temps dépourvu d’une quelconque sorte de substantialité et
malgré tout est l’éclatante clarté. C’est comme, dans ce sens, le milieu du ciel
1
Note de l’éditeur : Placer, ici, signifie placer l’esprit sur un objet de concentration, ou dans un état
mental particulier.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 34 Khenchen Thrangou Rinpoché
ou le milieu de l’espace. La nature de votre esprit est au-delà la pensée, mais
néanmoins c’est votre esprit, ce n’est donc pas au-delà l’expérience. L’esprit
est vide en ce sens que lorsque vous le cherchez il n’y a rien à trouver, rien à
voir. Mais l’esprit est une lucidité, une clarté. Il connaît. Il sait. Il est
important de comprendre que la clarté ou lucidité ou luminosité de l’esprit fait
référence à la connaissance lucide, pas à la lucidité physique comme une
lumière physique ou quelque chose comme ça. Alors d’un coté il n’y a rien à
trouver, mais d’un autre coté il y a la connaissance. Et cependant lorsque
vous regardez la connaissance, lorsque vous regardez ce qui sait, ce qui
expérimente, ce qui est conscient, vous ne pouvez rien dire sur elle. Ce que
vous expérimentez lorsque vous faites l’expérience de votre propre esprit, de
votre propre connaissance, c’est quelque chose d’indescriptible et
d’inconcevable même pour l’expérimentateur, parce que ce qui pour nous est
concevable, ce sur quoi nous pouvons penser, doit être soit quelque chose,
soit rien. Ca doit exister ou pas. Mais l’esprit est au-delà le fait d’être quelque
chose et au-delà le fait de n’être rien. Alors, être au-delà de tout cela c’est
être au-delà de la pensée. Heureusement vous n’avez pas besoin d’essayer
cela ou d’y penser, parce que vous pouvez l’expérimenter directement. Et
c’est aussi pour cette raison, parmi d’autres, que nous faisons référence à
l’esprit comme à un joyau réalisateur de vœu – parce que c’est quelque chose
que nous pouvons expérimenter directement qui est exactement là et que
nous n’avons pas à imaginer.
Dans le texte il est dit, Reste détendu dans cet état sans le rejeter ni le
maintenir en place, ni le laisser aller ou essayer de l’arrêter.
Lorsqu’il dit, « sans le rejeter ou le maintenir en place, ni le laisser aller ou
essayer de l’arrêter, » ce qu’il veut dire c’est que ce qui se passe dans votre
esprit importe peu. Lorsque vous regardez directement votre esprit ou la
nature de votre esprit, si une pense apparaît, ce n’est pas un problème. Si
une pensée apparaît alors vous verrez ou regarderez la nature de cette
pensée, et de cette façon vous verrez la nature de votre esprit. Si une pensée
n’apparaît pas vous ne devez pas voir ça comme un problème, vous ne devez
pas essayer et causer l’apparition d’une pensée, vous regardez simplement la
nature de cet esprit dans l’absence de pensée. Vous ne devez pas modifier
l’état de votre esprit dans cette pratique de méditation. Vous ne devez pas
essayer de faire un effort pour obtenir une quelconque caractéristique. Si vous
n’expérimentez aucune clarté ou lucidité dans votre esprit, vous ne devez pas
aller les chercher. Vous regardez simplement ce que vous expérimentez. Et la
façon de le faire consiste à se détendre. Si vous détendez votre esprit, alors
vous verrez la nature de votre esprit et vous serez capable de rester détendu
dans l’expérimentation directe de la nature de votre esprit. Cette instruction
est excessivement utile et importante, parce que si vous ratez cette
instruction, vous risquez de penser que la méditation consiste à arrêter les
pensées, et votre but dans la méditation sera de ne pas penser. Ce n’est pas
possible, parce que si vous avez cette idée en tête, même si vous réussissez à
arrêter l’apparition de pensées normales, ce qui arrivera est que vous
observerez la cessation de pensée, et cette observation elle-même deviendra
une pensée. Si vous êtes impliqués dans une tentative de vaincre ou de
conquérir les pensées, vous ne gagnerez jamais. Si, d’un autre coté, vous
utilisez l’approche de mahamoudra et que simplement vous regardez la nature
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 35 Khenchen Thrangou Rinpoché
de quoique ce soit qui apparaisse dans votre esprit, alors sans avoir besoin de
le chasser, les pensées se pacifieront d’elles même, simplement du fait de les
avoir vu comme elles sont. De cette façon vous n’avez pas besoin de
combattre les pensées, ou de voir les pensées comme étant d’une certaine
façon menaçantes. Dans la mesure où nous nous impliquons à combattre les
pensées dans la méditation, nous devenons fatigués et découragés, parce que
c’est sans fin. Dans la mesure où nous regardons simplement directement la
nature des pensées, c’est sans effort, parce que les pensées elles même,
étant vues comme elles sont, se libèrent et se pacifient d’elles même. Pour
que cela marche, néanmoins, d’après tous les maîtres du passé, vous avez
besoin des facultés de l’attention et de l’alerte. En fait, vous avez besoin d’une
attention très vive et forte, comme le disait Dakpo Tashi Namgyal dans le
texte Rayons de lune de mahamoudra, dans lequel il précise, « votre attention
ici doit être résistante et vive, ou pointue et vive. » et dans la
Bodhicharyavatara, Shantideva dit, « à ceux qui désirent maintenir
l’appréhension de leur esprit je dis, accentuant son importance en joignant les
paumes dans une attitude de révérence et de sollicitation, employez vous à
l’attention. » C’est comme ça qu’il faut reposer l’esprit. Ensuite, dans cet état
de repos de l’esprit, vous pratiquez vipashyana ou la perception. La différence
entre la méditation de base sur la tranquillité ou le repos de l’esprit ou
shamatha et la pratique de la perception ou vipashyana est que dans
shamatha, qui est dépourvue de vipashyana, pendant que votre esprit se
repose dans sa propre nature, il n’y a pas de reconnaissance de cette nature.
Dans le but de développer vipashyana quelques instructions supplémentaires
sont nécessaires, elles sont données dans ce qui suit.
Le texte dit, … [Si l’esprit n’a pas de direction, c’est mahamoudra.] …
de cette façon tu atteindras l’insurpassable éveil.
Direction ici signifie regardez quelque chose. Ici la définition de perception ou
vipashyana est que vous ne regardez pas quelque chose, parce qu’il n’y a rien
à voir. Si il y avait une direction à votre esprit, alors vous regarderiez à un
certain endroit ou l’esprit pourrait être vu ou vous rechercheriez certaines
caractéristiques substantielles à cet endroit, tel qu’une forme et une couleur,
et ainsi de suite. En fait, la nature de l’esprit qui est reconnue c’est l’absence
d’un tel endroit, ou d’une telle caractéristique substantielle. Ainsi la nature,
qui est mahamoudra, est celle avec laquelle vous devez vous familiariser. La
familiarisation avec cette nature est la pratique de mahamoudra. Le Bouddha
l’explique de différentes façons dans différents contextes. Il a expliqué
l’absence de moi des individus ou des personnes, l’absence d’individualité des
choses ou des phénomènes en général. Il a appelé cela le vide, et dans un
autre contexte il a appelé cela la nature de bouddha. Toutes ces choses sont
comprises dans cette unique compréhension, parce que cette nature de
l’esprit qui est elle-même au-delà d’un quelconque endroit ou direction et qui
est expérimenté par un esprit libre de direction, cette nature de l’esprit, est
l’inexistence d’individualité. C’est l’absence d’existence des choses. C’est le
vide. C’est la nature de Bouddha. Si vous vous familiarisez avec cela, cela
vous mènera à l’insurpassable éveil. Toutes sortes de choses apparaissent
constamment dans nos esprits. Nous devenons triste, nous devenons craintif,
nous devenons fâché, nous expérimentons le doute, nous expérimentons la
culpabilité. Quoique nous expérimentions parmi ces choses, elles sont toutes
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 36 Khenchen Thrangou Rinpoché
déplaisantes, et quelque soit la chose particulière que nous expérimentions
nous voulons qu’elle s’arrête. Mais nous ne savons tout simplement pas
comment l’arrêter. Le plus vous identifiez ces états mentaux déplaisant
comme solides, le plus triste et les plus fâché vous devenez, le plus de
culpabilité vous sentez, le plus de rancune vous supportez. Finalement, si
vous maintenez cela suffisamment fort, vous êtes mentalement si mécontent
que vous en devenez physiquement malade. La solution consiste à voir au
travers de ces états, parce que aussi longtemps que nous essayions de nous
envoler ou nous sauver loin d’un état mental déplaisant, celui-ci semble très
puissant et menaçant. Mais si vous le regardez directement il n’y a rien qui
soit. Par exemple, si vous devenez intensément triste, si vous regardez
directement la tristesse, vous découvrez qu’il n’y a rien là que vous puissiez
véritablement, honnêtement appeler tristesse. Conventionnellement nous
regardons la colère comme très puissante et très dangereuse, et dans le
contexte du fonctionnement relatif des choses, bien sur, ça l’est. Mais ce n’est
vrai qu’à partir du moment où vous vous en détourné. Si vous regardez
directement votre colère, il n’y a rien qui existe. Et cela est vrai pour
n’importe quelle affliction mentale ou état mental déplaisant. Si vous
reconnaissez sa nature, quoique ce soit, cela ne vous blessera plus. Ce point
est important, pas seulement dans l’atteinte ultime de la bouddhéité, mais
aussi dans l’immédiat ou la possibilité à court terme de vivre heureux.

C eci termine la méditation, troisième des sept sujets. Maintenant nous en


arrivons au quatrième sujet, qui est le samaya de mahamoudra. Samaya fait
référence à un engagement ou une promesse ou une responsabilité – quelque
chose que vous entreprenez. Et la façon dont c’est expliqué dans les tantras
et dans les textes explicatifs traditionnels, cela semble extrêmement
dangereux, comme quelque sorte de règle horrible, un total manque de liberté
individuelle, dans laquelle, si vous essayez d’imposer une quelconque liberté
individuelle, vous serez immédiatement jetés au plus profond de l’enfer
inférieur. En fait, c’est expliqué ainsi pour une raison, qui est que dans le but
d’accomplir quelque chose, il vous faut maintenir une certaine consistance
dans la direction et la diligence. C’est évident et vrai quoique nous essayions
de faire. Il n’est pas vrai qu’en essayant d’affirmer une liberté individuelle ou
en détériorant samaya vous soyez jeté immédiatement au plus profond de
l’enfer inférieur, mais il est vrai qu’il est très important de garder samaya.
Dans le but de comprendre ce qu’est samaya et pourquoi il est important de le
garder, il est utile de comprendre le mot Tibétain pour samaya, qui est dam-
tsig. Dam-tsig a deux syllabes, chacune d’elles est un concept différent. La
première syllabe, dam, signifie une promesse. La seconde syllabe, tsig,
signifie mots. Ainsi ensemble, dam-tsig signifie mots de promesse ou
engagement. Par conséquent, à la base, ce en quoi dam-tsig ou samaya
consiste est de dire à soi même ou à quelqu’un d’autre, « Je ferai telle ou telle
chose. » Chaque action intentionnelle commence par une telle pensée, « je
ferai telle ou telle chose. » dans le but de véritablement accomplir l’action, la
pensée, « je le ferai, » doit être maintenue. Si à un moment vous abandonnez
cela, si vous pensez, « je ne le ferai pas, » alors d’évidence vous ne le ferez
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 37 Khenchen Thrangou Rinpoché
pas. Ainsi si vous désirez accomplir quelque chose, il vous faut maintenir
l’élan de votre intention ou de votre engagement. Ceci est vrai pour quoique
ce soit, aussi petit ou insignifiant que cela puisse paraître. Par exemple si je
veux boire un peu d’eau je dois d’abord penser, « je vais boire cette eau, » et
en suite je dois maintenir l’engagement ou l’intention jusqu’à ce que j’ai bu
l’eau. Si avant de boire l’eau, je change d’idée et pense, « je ne boirai pas
cette eau, » alors le résultat sera que je ne boirai pas d’eau. Ainsi l’idée de
base de samaya est que si vous abandonnez votre intention, vous ne
l’accomplirez pas. Et ceci est vrai pour quoique ce soit que vous vouliez
accomplir dans le monde ou dans la spiritualité, peu importe que cela semble
signifiant ou insignifiant. La samaya dont on parle dans le dharma est à la
base les concepts ou engagements suivants « Je pratiquerai le dharma, » « Je
pratiquerai mahamoudra, » ou « je pratiquerai la phase de génération de tel
ou tel yidam, » « je prendrai tel ou tel transmission, » et ainsi de suite. Si
vous ne maintenez pas l’élan de cet entreprise ou engagement, alors vous
n’accomplirez rien de ce que vous prétendiez atteindre en faisant ces choses.
Ainsi d’un coté, ne pas tenir samaya n’est pas quelque chose qui vous jette
dans les profondeurs de l’enfer avici du tourment ininterrompu. Mais d’un
autre coté, samaya est essentiel pour garder la certitude que quelque chose
soit fait.
La présentation initiale de samaya dans le texte se situe dans les cinq lignes
suivantes qui disent, Ceux qui suivent les tantras et le véhicule des
paramitas, le vinaya, les soutras, et les différents enseignements du
Bouddha en étant attachés aux traditions textuelles et philosophiques
individuelles n’arriveront pas à voir le lumineux mahamoudra, parce
que la vue de cette luminosité ou « claire lumière » est obscurcie par
leur intention et leur attitude.
A première vue, cela semble un peu étrange. Il semble que ce que Tilopa dit
ici est qu’aucun de ces aspects du Bouddhisme n’est d’une quelconque utilité.
Mais il ne dit pas ça. Il ne dit pas que les différentes traditions et véhicules ou
aspects de discipline sont sans intérêt. Il indique que, puisqu’ils sont tous en
fin de compte des méthodes pour réaliser mahamoudra, si ils sont pratiqués
avec l’absence d’intention et de vue, ils ne donneront pas lieu à cette
réalisation qui est leur véritable raison d’être. Par exemple, les premières
mentionnées sont celles qui suivent le mantrayana secret ou le vajrayana. Et
lorsqu’il dit que le vajrayana obscurcira mahamoudra, ce qu’il dit c’est que si
vous essayez de pratiquer vajrayana, qui est une méthode très efficace pour
réaliser mahamoudra, et que vous essayez de pratiquer d’une façon
différente, oubliant mahamoudra, le faisant pour d’autres raisons, le faisant
sans la vue de mahamoudra et sans l’intention de réaliser mahamoudra, alors
évidemment quelque soit la quantité de pratique, cela ne vous conduira pas à
cette réalisation de mahamoudra. C’est la même chose avec la pratique des
paramitas ou perfections. Si vous pratiquez les six perfections, bien sur cela
vous mènera à la réalisation de mahamoudra, en partant du principe que la
compréhension de mahamoudra est là depuis le début. Mais si vous pratiquez
simplement les perfections en l’absence de la vue de mahamoudra et de
l’intention de réaliser mahamoudra, alors vous ne le réaliserez pas. Vous ne
pouvez pas simplement espérez qu’en pratiquant quelque chose d’autre que
mahamoudra, cela fera que dans le futur, à un certain moment, soudainement
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 38 Khenchen Thrangou Rinpoché
vous serez propulsé dans l’état de mahamoudra. C’est vrai pour n’importe
quel aspect du dharma, parce que tous ces différents aspects du dharma, ou
de la tradition Bouddhiste, sont des méthodes permettant la réalisation de
mahamoudra. Mais ils ne peuvent faire effet en tant que tel si la vue de
mahamoudra n’est pas là depuis le début. Si la vue n’est pas présente, alors
considérez ce que vous faites avec ces aspects comme étant une sorte de
répétition. Et ce concept ou désir ou intention que vous déduisez
incorrectement de la tradition spécifique ou aspect de votre discipline, en fait
obscurci la nature que vous essayez de reconnaître. 1 Ici le point principal est
que, quoique vous pratiquiez – le vajrayana, les paramitas, le vinaya, un
quelconque aspect du dharma – cela doit être combiné avec la pratique de
mahamoudra. La relation entre ce point et samaya est qu’en fin de compte le
véritable samaya est le samaya de la reconnaissance de la nature de l’esprit à
travers le dépassement ou la pacification de l’agitation des pensées.
En conséquence le texte continue, En maintenant des vœux sous forme
de concepts, en fait, on se détourne du sens du samaya.
On pourrait dire, on renonce ou diminue le sens de samaya. Le sens de cela
est que, puisque en fin de compte samaya transcende la fixation et
l’attachement aux concepts – lesquels empêchent la reconnaissance de la
nature de l’esprit – alors l’attachement conceptuel à samaya lui-même est une
violation de samaya. En étant attaché à samaya de façon conceptuel, vous
diminuez ou dégradé votre reconnaissance de la nature de votre esprit. La
reconnaissance étant l’essence de samaya, un tel attachement à samaya est
ainsi une violation de samaya. Si vous devenez conceptuel à propos de
samaya, vous créez une situation dans laquelle vous êtes dans une intention
contraire à l’intention ou l’essence de mahamoudra. Bien entendu, à la fin,
cela n’affecte pas la véritable nature elle-même, mais cela affecte le fait que
vous atteignez ou non le résultat, qui est la reconnaissance et la réalisation de
cette nature.
Les instructions continuent, En ne dirigeant pas le mental vers une
direction particulière et sans activité de celui-ci, soit libre de toutes
intentions.
Cela veut dire, ne cherchez pas à savoir ou à trop faire attention aux pensées
qui apparaissent. Mahamoudra s’occupe des pensées de la même façon qu’un
serpent s’occupe des nœuds dans lesquels il peut se nouer. Il se dénoue
naturellement lui-même. Personne n’a besoin de venir à l’aide du serpent. De
la même façon, les pensées se dissolveront d’elles même. Vous n’avez rien
besoin de faire pour elles. Les pensées, pour ainsi dire, se dénouent d’elles
même.**
1
Note de l’éditeur : Par exemple, si on pratique la Méditation de Chenrezig avec l’intention de
remplacer les pensées de colère par des pensées de compassion, et bien on deviendra inévitablement
impliqué dans la tentative de supprimer la colère et la tentative de générer un sentiment apparenté à
quelques sentiments de compassion que l’on a expérimenté auparavant. Dans les deux cas on sera
impliqué dans la consolidation de l’attachement à la dualité, ce qui nous empêchera de reconnaître la
véritable nature de l’esprit, ce qui transcende la dualité et toutes formes de conceptualisation. On doit
se rappeler que la véritable sagesse de mahamoudra qui reconnaît la vraie nature est elle-même
compassion, et que l’acte final de la reconnaissance de la véritable nature de l’esprit ou de la vraie
nature de la pensée, dans ce cas les pensées de colère, est lui-même un acte de compassion.

**
Note de l’éditeur: Il a été dit qu’au début les pensées se libèrent d’elles même comme en
rencontrant un vieil ami ; ensuite elles se libèrent comme un serpent se dénouant ; et finalement elles
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 39 Khenchen Thrangou Rinpoché
Les instructions continuent, Les pensées apparaissent et se pacifient
d’elles même, comme les vagues à la surface de l’eau.
Comme une pensée apparaissant est déjà dissoute, ainsi, à coté du fait de
voir la nature de la pensée, il n’y a aucun besoin de faire quoique ce soit pour
cela. En essayant de faire quelque chose à cela, on ne fera qu’obstruer ou
empêcher la reconnaissance de la nature de la pensée. Juste comme un
dessin à la surface de l’eau n’a pas besoin d’être effacé car il prend soin de
lui-même, de la même façon, les pensées n’ont pas à être effacées. Si vous
pouviez regarder la nature des pensées, alors toutes les pensées, y compris la
souffrance et l’agitation, et ainsi de suite, seront naturellement pacifiées sans
que vous ayez besoin de le faire intentionnellement pour elles.
Le texte continu, Si tu ne vas pas au-delà du sens qui est impermanent,
inconcevable et non convergent, tu ne vas pas au-delà ni ne
transgresse le samaya. C’est la torche qui disperse l’obscurité ou la
noirceur.
L’idée de base de samaya, comme nous avons vu, était de maintenir une
promesse, et ici la promesse est l’attitude, je veux reconnaître mahamoudra,
la nature de mon esprit. Dans le but de le faire, je dois méditer sur
mahamoudra, je dois méditer sur la nature de mon esprit. Ici la méditation
fait simplement référence au fait de regarder directement la nature de votre
esprit et la nature de quoique ce soit qui s’élève dans votre esprit. Ainsi
samaya ici consiste au samaya de regarder directement à votre propre esprit.
Comme nous l’avons vu, cette nature de l’esprit, qui est ici l’objet de la
méditation, est le vide, qui est aussi l’inexistence d’un moi. C’est pourquoi,
bien que le vide ou l’inexistence d’un moi soit ce que nous cherchions – ou,
vous pourriez même dire, ce que nous recherchions – parce que c’est le vide,
ce n’est donc pas un endroit. Ainsi vous ne regardez pas à un certain endroit
et vous ne laissez pas reposé votre esprit à un certain endroit. Il n’y a pas de
place pour reposer votre esprit lorsque vous regardez la nature de l’esprit. Et
vous ne fixez pas quelque chose de particulier, parce que c’est le vide. La
façon de maintenir samaya, la façon de regarder la nature de votre esprit,
consiste à être libre de l’idée d’un endroit ou d’une fixation. Même si la nature
de votre esprit est au-delà d’un endroit ou d’une fixation, c’est néanmoins
quelque chose que vous pouvez expérimenter. Le fait de voir la nature de
l’esprit n’est pas un état vierge ni une inoccupation stupide. Il y a
véritablement une clarté. Il y a véritablement une expérience ou
reconnaissance. Ce n’est pas non plus un état de distraction. La distraction et
le désert mental d’un coté, et la reconnaissance de l’esprit sont des choses
différentes. La reconnaissance n’est pas la stupidité ni la distraction. Si vous
restez dans cela, si vous restez dans ce direct regard à la nature de votre
esprit sans que cela se transforme en désert ou distraction, alors vous restez
dans samaya. Et vous restez dans le seul vrai samaya, parce que le samaya
consiste à reconnaître la nature de votre esprit. En restant au repos dans la
reconnaissance de la nature de votre esprit, en fait, vous faites plus que de
simplement conserver samaya parce que vous illuminez l’obscurité qui vous a
affligé depuis longtemps. Vous illuminez la torche qui en instant dissipe la
noirceur d’innombrables éons. Vous dissipez la noirceur de l’ignorance, et par
se libèrent comme un voleur entrant dans une maison vide.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 40 Khenchen Thrangou Rinpoché
conséquent vous supprimez la souffrance qui provient de l’ignorance. Le point
de tout cela est qu’il nous faut garder samaya en restant au repos dans la
reconnaissance de la nature de notre esprit. Et le rôle de l’assiduité est d’être
diligent en le faisant.

C eci termine le quatrième des sept sujets, le samaya. Le cinquième sujet


est le bénéfice de la pratique de mahamoudra. Le texte poursuit, Si, libre de
toutes intentions, tu ne demeures pas dans des vues extrêmes, tu
verras irrémédiablement le sens de tous les enseignements du
Bouddha ou de tous les takas, les sections des enseignements du
Bouddha.
A travers votre pratique de mahamoudra, immersion intense dans la nature
de votre esprit libre des extrêmes, ou même a travers une tentative partiale à
une telle immersion – telle qu’une reconnaissance de la vue et un intérêt pour
la nature de l’esprit – vous finirez par reconnaître et comprendre le sens des
soutras, le vinaya, l’abidharma, et tout le vajrayana, parce que ce que vous
évaluez ou ce avec quoi vous travaillez est l’essence de tout cela.
Et plus loin il est dit, Si tu restes ainsi tu seras libéré de la prison du
samsara.
Cela signifie que, si vous restez reposé dans la reconnaissance de la nature de
votre esprit, vous vous libérerez de toutes les souffrances du samsara : les
souffrances des domaines inférieurs, les souffrances présentes, les
souffrances de toutes les sortes de renaissances telles qu’humaines avec
toutes les souffrances qui l’accompagnent, renaissance animal, et ainsi de
suite.
Et plus loin il dit, Si tu restes ainsi de longs moments, toutes tes
mauvaises façons de faire et tes obscurcissements seront consumés.
Il y a généralement deux sortes d’obstacles à la reconnaissance de la nature
de l’esprit. L’un est appelé mauvaise façon de faire, mais dans ce cas il est fait
référence aux véritables résultats de la mauvaise façon de faire, ce que
souvent nous appelons mauvais karma, les traces à l’intérieur de vous des
choses négatives que vous avez fait avec le corps, la parole et l’esprit. Dans le
but de purifier ces traces, nous nous engageons dans différentes pratiques
communes tel que la méditation Vajrasattva, l’application des quatre énergies

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 41 Khenchen Thrangou Rinpoché
de la confession, et ainsi de suite.1 La pratique inhabituelle de mahamoudra
elle-même peut éliminer ou purifier tout ce karma négatif.
L’autre obstacle à la réalisation est l’obscuration en général, qui comprend les
afflictions mentales ou kleshas et l’ignorance elle-même. Tout ceci, mauvaise
façon de faire et obscurations en général, peuvent être purifiées ou éliminées
à travers le fait de rester au repos dans la nature de votre esprit.
Ensuite, le texte dit, C’est le flambeau de la doctrine, ou c’est appelé
pour ces raisons le flambeau de la doctrine.
La doctrine, bien entendu, signifie l’enseignement du Bouddha. Mahamoudra
est appelé ici « le flambeau de l’enseignement Bouddhiste » parce que c’est
l’essence, qui véritablement détruit notre ignorance. Les bénéfices qui ont été
expliqués ici, qui sont essentiellement au nombre de trois, sont véritablement
tous compris dans cette suppression de l’ignorance, et par conséquent le
bénéfice de mahamoudra est simplement d’être, en éliminant toute
l’ignorance, la cause de l’obtention ou de l’atteinte de toutes les vertus ou de
toutes les qualités positives et d’être libre de tous défauts.

L a sixième section ou sujet du texte traite des défauts ou des problèmes


de ne pas méditer sur mahamoudra.
Le texte continue, Les fous qui ne s’intéressent pas à cela seront
perpétuellement bringuebalés par la rivière du samsara.
En dépit du fait que mahamoudra soit extrêmement facile ou commode à
pratiquer et largement bénéfique, les gens en général ne s’y intéresse pas.
Bien que ce soit un moyen effectif d’accomplir toutes les qualités positives et
de se libérer de tous les défauts, les gens qui pourraient être, strictement
parlé, extraordinairement intelligent, sont sur le long terme, ou dans les faits,
stupides, en ce qu’ils n’ont aucun intérêt pour quelque chose qui soit
exactement ce dont ils ont besoin. Le problème de n’être pas intéressé de
reconnaître la nature de votre propre esprit est que, n’étant pas intéressé,
vous n’essayerez pas de le faire. En conséquence vous ne réaliserez pas
mahamoudra ou la nature de votre esprit, vous ne mettrez pas fin au
samsara, et vous serez à contrario perpétuellement bringuebalés dans le
samsara.

1
Note de l’éditeur: Les quatre forces, d’après Jamgon Kongtrul Lodro Thaye, dans Le Flambeau de la
Certitude sont : « 1. La ‘force du renoncement’ et le regret de vos précédents méfaits [mentalement
avant les Trois Joyaux et les Trois Racines] aussi vigoureusement que si vous aviez avalé du poison. 2.
La ‘Force du refus de répéter une action nuisible,’ et de fermement en faire la résolution, ‘même si ma
vie est en jeu, je ne le ferai plus jamais.’ 3. La ‘force de faire confiance’ à la Prise de Refuge et à faire
naître l’Attitude à l’Illumination. 4. La ‘Force d’exécuter toutes sortes d’actes salutaires curatifs pour
purifier les actes nuisibles, ‘ y compris les ‘Six Portes du Remède,’ et autres, et ainsi de suite. » Les Six
Portes du Remède consiste à dire les noms des bouddhas et bodhisattvas ; à fabriquer des images ; à
faire des offrandes au bouddha, au dharma, et à la sangha, et au lama, yidam, et dakas, dakinis, et
protecteurs du dharma ; de réciter les soutras et tantras dit par la Bouddha ; de réciter le « mantra de
cent syllabes du Tathagata, » les mantras de Vairocana, d’Akshobhya, et autres profonds mantras ;
confiant dans la potentialité de la bouddhéité, tout en méditant et récitant, de méditer sur la
signification du non soi (vide) et la triple pureté, càd, sans respect pour les obscurations à purifier, un
instrument de purification, et un purificateur, et pendant les sessions de méditation, de se concentrer
sur l’irréalité ou l’illusion de tous phénomènes.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 42 Khenchen Thrangou Rinpoché
Le texte continue, Ces fous qui expérimentent d’intolérables
souffrances dans les états inférieurs de l’existence sont ils dignes de
compassion ?
La ligne précédente se terminait par : « si vous n’êtes pas intéressé par
mahamoudra vous continuerez tout simplement à être bringuebalé dans le
samsara. » Le problème d’être bringuebalé dans le samsara, continuant
d’expérimenter des renaissances incontrôlées, c’est que ce en quoi vous serez
réincarnés n’est en aucune façon certain. Vous pouvez tout à fait renaître
dans ce qui est appelé les états inférieurs de l’existence en tant qu’animal,
fantôme affamé, ou créature de l’enfer. Et en fonction de là ou vous renaîtrez,
ce qui vous arrivera est aussi incertain. Et une bonne partie de ce qui nous
arrive dans le samsara est assez misérable. Aussi longtemps que vous
continuerez à expérimenter des naissances non contrôlées, vous continuerez à
être exposés à beaucoup de souffrances incontrôlées et intolérables –
souffrances mentales de toutes sortes, souffrances physiques de toutes
sortes, circonstances déplaisantes vous affectant, affectant vos amis, votre
famille, et ainsi de suite. Toutes sortes de choses peuvent arriver et
continueront à arriver aussi longtemps que vous rejetterez le simple fait
d’autoriser que ce qui apparaît dans votre esprit se pacifie de lui-même. Aussi
longtemps que vous rejetterez cette méthode ou cette technique ou ce point,
votre souffrance n’aura de cesse. Dans cette esprit, Tilopa exprime une
grande et sincère compassion pour ceux qui, bien entendu n’ont aucun désir
d’aucune sorte de souffrir, mais en rejetant la seule chose qui puisse
véritablement mettre fin à la souffrance, continuerons définitivement à souffrir
tant qu’ils le rejetteront.

C ela met fin à la sixième des sept sections du texte. Je vais m’arrêter là
pour ce soir. La septième et dernière section, qui est vaste, est comment en
fait pratiquer mahamoudra. Ce texte d’instruction par Tilopa – qui est
considéré comme le monarque de tous les mahasiddhas, le roi de tous les
mahasiddhas – est très concis. Il est constitué d’environ vingt-huit stances. Et
il est très précieux, au point que l’on peut dire que chacune de ses lignes a
une valeur unique, un sens distinct, digne d’une réflexion et d’une
investigation continue. Alors s’il vous plait lisez le encore et encore et pensez
à ce qu’il signifie et utilisez le comme base pour votre pratique effective de la
méditation. Il se peut, bien entendu, que vous ayez différentes réactions à
cela. En travaillant avec ce texte et ce type d’instruction et de pratique, vous
pourrez avoir quelques sortes de réalisations de la nature de votre esprit.
Vous pouvez avoir reçu un grand nombre d’instructions de différents maîtres
et en avoir quelques réalisations. Si vous avez la réalisation ou la
reconnaissance de la nature de votre esprit, ne vous contentez pas de cela ;
Utilisez cela comme base pour la l’application continuelle votre vie durant de
l’attention et de l’état de qui-vive jusqu’à ce que vous ayez atteint le complet
éveil, afin que vous puissiez réellement et véritablement vous libérer pour
toujours de la souffrance. Sinon vous risquez de trouver que vous manquez la
réalisation. Vous risquez de penser que tout ceci est un peu mystérieux. Vous
risquez de penser, « Ma foi qu’est-ce exactement que mahamoudra, quelle est
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 43 Khenchen Thrangou Rinpoché
la nature de l’esprit ? Je veux savoir ce que c’est, je veux le réaliser. » C’est
déjà bien. Si vous avez ce genre de questionnement et ce genre
d’enthousiasme, cela vous mènera à une reconnaissance de la nature de
l’esprit. Il se peut que vous ayez une troisième réaction, qui consiste, pour
commencer, à ne pas y être intéressé. C’est la raison pour laquelle Tilopa
nous donne des raisons pour y être fortement intéressé. La raison de l’intérêt
pour mahamoudra, qui consiste à être intéressé à travailler directement avec
votre propre esprit dans l’expérience directe, c’est que c’est simplement en le
faisant que vous pouvez être d’un véritable et grand bénéfice pour vous-
même et pour les autres. Dans tous les cas, que vous ayez une réalisation de
la nature de votre esprit ou pas, et que vous soyez particulièrement intéressé
ou pas, si vous regardez votre esprit, vous aurez cette réalisation.
Quelques uns d’entre vous ont dit qu’ils ne pourront être là pour la
transmission de Tilopa. Etre là n’est pas une nécessité absolue pour pratiquer,
mais parce qu’ils ne seront pas là, ils m’ont demandé de donner lecture de la
transmission du texte, alors je vais le faire. L’ayant entendu, vous recevrez à
la fois l’instruction et la transmission lue ce qui fera du texte une base de
travail pour une utilisation pratique. [Rinpoché donne le loung.] J’aimerai
conclure en dédicaçant la vertu ou le mérite de cet enseignement à la
réalisation par tous les êtres de mahamoudra et pour que tous les êtres soient
libérés, jusqu’à ce qu’ils arrivent à la réalisation, de la guerre, de la maladie,
de la famine, de la discorde, et de toutes les sortes de désastres.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 44 Khenchen Thrangou Rinpoché
C’est Seulement en Faisant Confiance
à un Sage Gourou que vous Recevrez
le Bienfait de la Libération
Suite de l’enseignement du Très Vénérable Khenchen Thrangou Rinpoché sur le Mahamoudra
Upadesha de Tilopa.

J ’aimerai commencer en vous souhaitant à tous une bonne journée, puis,


comme nous l’avons déjà fait, j’aimerai réciter la supplication à la lignée. J’ai
espoir que cette explication du Mahamoudra Upadesha soit effectivement utile
à vos esprits et à votre pratique. Qu’il soit utile ou non dépend de la façon
dont nous cultivons la foi et la dévotion, alors s’il vous plait récitez la
supplication avec foi et dévotion dirigée vers les gourous racines et ceux de la
lignée.
Comme je l’ai dit hier, concernant la division du Mahamoudra Upadesha de
Tilopa par le Troisième Gyalwa Karmapa, il y a sept sections dans le texte,
parmi lesquelles nous avons terminé la sixième hier soir. Aujourd’hui nous
allons examiner la septième et dernière section, qui enseigne comment
véritablement pratiquer mahamoudra. Les six premières étaient la vue, la
conduite, la méditation, le samaya, le bénéfice de pratiquer mahamoudra, et
le défaut de ne pas pratiquer mahamoudra. Comme elle est présentée ici, la
pratique de mahamoudra suit la double forme des préliminaires et de la
pratique principale. Elle explique quelles sont les ressources dont a besoin un
débutant, puis, comment passer à la pratique principale. Repartant du texte là
où nous l’avions laissé, il dit, Désireux d’atteindre la libération de cette
intolérable souffrance, ait confiance dans un sage lama. Lorsque les
bénédictions du gourou pénètrent ton cœur, ton esprit est libéré.
Le premier pré requis pour l’entrée sur la voie est de vouloir atteindre la
libération de l’intolérable souffrance. L’intolérable souffrance fait référence,
dans son sens principal et à long terme, à toutes les souffrances du samsara
et spécialement celles des domaines inférieurs. Mais dans une compréhension
à court terme il fait aussi référence à nos souffrances présentes, les
souffrances que nous expérimentons dans cette vie. En effet il existe une
vaste variété de problèmes, désastres, bouleversements, et ainsi de suite qui
nous affligent même dans cette vie. Aussi désirer atteindre la libération c’est
désirer atteindre la libération de toutes ces souffrances. Ici la compréhension
qui va de pair avec le désir de libération est la reconnaissance que chaque
être sensible, sans exception, désire être heureux et désire être libre de
souffrance. C’est fondamentalement ce que veut chaque être sensible. Dans le
but d’accomplir cette finalité nous devons effectivement entrer sur la voie et
pratiquer spécifiquement mahamoudra, au travers duquel vous pourrez vous
libérer de la souffrance, au travers duquel vous pouvez atteindre un état de

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 45 Khenchen Thrangou Rinpoché
bonheur stable. Cette pratique ne peut être faite par vous-même sans
l’influence ou l’instruction de quelqu’un d’autre. Il y a des choses dans le
monde que l’on peut apprendre par soi même, mais la reconnaissance et la
familiarisation avec la nature de votre esprit ne peut être réalisée sans le
concours d’un maître. La personne qui influe sur vous et vous donne les
instructions dont vous avez besoin pour pratiquer cette voie est fait référence
dans le texte comme un gourou sage et instruit. La raison pour laquelle nous
avons besoin de l’influence et des instructions du gourou est que notre
intellect est dirigé hors de lui-même. Votre esprit a tendance à regarder vers
l’extérieur plutôt que vers l’intérieur. Cette une de ces qualités ou
caractéristiques de base. L’intellect est aussi limité à ce qu’il peut savoir ou
reconnaître. L’intellect peut seulement concevoir ce qui existe ou ce qui
n’existe pas. L’intellect peut seulement concevoir quelque chose ou bien rien.
Ce qui signifie que l’intellect ne peut pas rencontrer ou reconnaître
directement la nature des choses parce que la nature des choses, la nature de
chacune et de chaque chose, est au-delà de des concepts de quelque chose et
de rien. En conséquence, votre esprit conceptuel ou intellect ne peut jamais
savoir correctement la vérité ou la vraie nature. Ainsi il est dit par Shantideva,
« La vérité absolue ne fait pas partie du domaine de l’intellect parce que
l’intellect lui-même est une vérité relative. » Cela signifie que vous ne pouvez
pas résoudre le problème de la nature de votre esprit ou de la nature des
choses, alors il vous faut l’approcher d’une autre façon. La façon de
l’approcher consiste à travailler avec un maître qui peut vous donner des
instructions pratiques précises ou upadesa qui vous permettent de rencontrer
la nature de votre esprit. Bien entendu, c’est votre propre esprit que vous
observez. Néanmoins, la raison pour laquelle vous avez besoin d’être guidé
dans l’observation de votre esprit est que depuis des temps immémoriaux
vous avez toujours regardé à l’extérieur. Votre esprit a toujours regardé loin
d’elle-même. Les conseils que le maître vous donne consistent,
fondamentalement, à vous montrer comment vous tourner vers l’intérieur,
comment vous retourner et faire face à votre propre nature et regarder votre
propre nature. Dans le texte, le gourou est qualifié d’instruit et de sage. Le
terme « sage » ici signifie que le gourou a l’expérience de la méditation et
ainsi peut méthodiquement et précisément guider la pratique de mahamoudra
de l’élève.
La deuxième ligne de ce couplet dit, « Lorsque les bénédictions du gourou
pénètrent ton cœur, ton esprit est libéré. » Cela fait référence à la ligne
précédente qui indique que la pratique avec succès de la voie dépend de la
réception des instructions et de la pratique sous les conseils d’un sage gourou.
Quel est exactement le bénéfice de travailler avec un tel maître ? Plus
précisément comment ce bénéfice provient ou arrive ? Tous les bénéfices de
travailler avec un sage et authentique gourou sont compris dans ce concept
de bénédiction. Le mot « bénédiction » normalement contient la connotation
de quelque sorte de pouvoir ou d’énergie qui nous est transmis par notre
maître, et ainsi de suite. Le mot Tibétain pour bénédiction est jin lap, et la
première syllabe jin est le passé du verbe « donner. » Cela signifie qui a été
donné ou transmis, et par implication, qui vous a été donné ou transmis par
votre maître. La seconde syllabe, lap, signifie « vagues. » Les vagues sont
une métaphore pour la véritable force ou énergie de la bénédiction du maître,
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 46 Khenchen Thrangou Rinpoché
qui vous englouti. Comment cette bénédiction est elle transmise ? Quelle est
exactement cette bénédiction ou énergie ou force, qui d’une certaine façon
fait que votre pratique fasse effet ? Elle consiste véritablement en deux
processus, les deux pouvant être appelés bénédiction. Le premier d’entre eux
est le naturel, ou on pourrait dire, l’automatique résultat de la foi et la
dévotion de quelqu’un. Si vous avez une foi et une dévotion forte, d’une
certaine façon simplement parce que vous les avez, votre apparence, vos
projections, vos expériences changeront, spécialement votre expérience de
votre propre esprit. Et elles changeront certainement d’une façon radicale, à
tel point que, par exemple, dans le cas de quelqu’un possédant un esprit
instable, perturbé, si il développe ce genre de foi et de dévotion, il
développera en même temps un état ou une qualité de tranquillité. Si
quelqu’un a un certain degré de tranquillité, avec une augmentation de la
dévotion, cette tranquillité augmentera proportionnellement. C’est aussi vrai
avec la clarté. Quelque soit le degré de clarté il augmentera avec
l’augmentation de la dévotion. C’est vrai pour n’importe quelle sorte
d’expérience méditative ou de réalisation. Lorsque quelqu’un n’a aucune
expérience ou réalisation et cultive la dévotion, il gagnera en expérience. Et si
il a un certain degré d’expérience, celui-ci augmentera en relation avec le
développement de la dévotion. Ce résultat naturel ou spontané de la dévotion
est quelque chose dont il est fait référence en tant que bénédiction. L’autre
aspect de la bénédiction est le résultat de l’écoute des enseignements du
gourou. Lorsque vous entendez les enseignements du gourou, vous en
bénéficiez directement. A travers ces instructions vous commencez à
reconnaître votre propre nature. Vous commencez à comprendre le dharma,
et, ainsi, vous avez confiance en lui. La confiance dans le dharma conduit à la
diligence, qui conduit à l’expérience méditative, qui, lorsque ce n’était pas le
cas au par avant, devient présente, et si elle était déjà présente, augmente.
Ainsi dans un sens, tout ce processus est la bénédiction du discours du gourou
à travers l’énergie du discours du gourou. Ainsi le discours du gourou peut
aussi être appelé bénédiction. Lorsqu’il est dit dans le texte que les
bénédictions pénètrent votre cœur, cela signifie que ces bénédictions en fait
pénètrent votre esprit, pénètrent votre expérience. Lorsqu’il est dit dans le
texte qu’au travers des bénédictions du gourou pénétrant votre cœur, votre
esprit se libérera, cela signifie que la nature de votre esprit deviendra
manifeste. Comme le disait Saraha, « L’esprit est dans sa nature comme un
joyaux réalisateur de vœu. » Le sens de cela est que, intrinsèquement, l’esprit
est libre de défauts et possède toutes les qualités possibles en complétude et
en abondance. En d’autres termes, le potentiel de ne bénéficier pas seulement
à vous-même mais à tous les autres êtres est inné et déjà présent à l’intérieur
de votre esprit. Par exemple, toutes les qualités et activités du Bouddha
Sakyamouni, depuis l’atteinte de son insurpassable éveil, le tour de la
dharmachakra et l’établissement ultérieur de nombreux êtres dans différents
états de libération, toutes ces possibilités de faire bénéficier les êtres de cette
façon viennent des qualités déjà présentes de façon inné à l’intérieur de
l’esprit du Bouddha Sakyamouni, et qu’il a reconnu lorsqu’il a atteint la
bouddhéité. Le Bouddha Sakyamouni n’est pas le seul à posséder ces qualités.
Nous possédons tous ces qualités. La différence entre un bouddha et nous
même est que nos qualités sont en fait en sommeil, parce qu’elles sont
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 47 Khenchen Thrangou Rinpoché
obscurcies par ce que les mahasiddhas de notre lignée ont appelé le cocon de
la conceptualité. Avec nos pensées nous crayons un cocon qui couvre
complètement toutes les qualités qui sont innées et toujours là, toujours
présentes à l’intérieur de l’esprit – qui est un gaspillage. Nous gaspillons la
nature de notre esprit, non pas dans le sens de l’avoir endommagé, mais dans
le sens de l’avoir tant masqué qu’il est devenu effectivement en sommeil. La
libération fait référence au fait d’amener l’esprit hors de sa couverture, de son
obscuration ou de son cocon.
Le texte continu avec Kye ho, qui est une exclamation qui a pour fonction
d’appeler l’attention. Tous ces phénomènes samsariques vains et sans
intérêt, sont cause de souffrance. Et puisque toutes ces choses qui
ont été réalisées ou fabriquées n’ont pas de sens, regarde plutôt ce
qui a un sens.
La voie débute en faisant confiance à un maître, puis en recevant sa
bénédiction, ensuite en pratiquant la méditation. Lorsque vous pratiquez
effectivement la méditation, ce que vous découvrez est l’émerveillement de
l’expérience de la nature de votre esprit. L’expression initiale, « Kye ho, » est
l’expression de cet émerveillement. Mais l’émerveillement va de pair avec une
reconnaissance de la relative inutilité du samsara. Le samsara fait référence à
un état d’être dans lequel votre esprit est limité, enchaîné ou enfermé dans
les pensées ou la conceptualité. Cela signifie que du moment où nous nous
éveillons le matin jusqu’au moment ou nous allons nous coucher le soir, les
pensées se suivent les unes après les autres. Quelques unes de ces pensées
sont nécessaires, mais la plupart sont inutiles. En fait, c’est pire que cela.
Elles sont pires qu’inutiles. Elles sont en réalité nuisibles du au fait qu’elles
nous rendent misérable. Il est vrai que quelques unes de nos pensées nous
rendent heureux. Nous avons deux sortes de pensées. Nous avons des
pensées heureuses et des pensées misérables. Si vous suivez de près les
pensées qui passe à travers votre esprit du début à la fin de la journée, vous
observerez que la majorité d’entre elles sont des pensées de tristesse, regret,
peur, inquiétude, anxiété, et ainsi de suite, et bien peu d’entre elles sont des
pensées d’un quelconque bonheur, satisfaction ou plaisir, ce qui signifie que
nous nous torturons constamment, ce qui est pire qu’inutile ou sans intérêt.
Puisque ce processus des pensées qui se suivent, que nous appelons samsara,
est inutile, pourquoi ne pas faire ce qui a un sens, ce qui n’est pas inutile ou
sans intérêt, et qui consiste à regarder la nature de notre esprit quelque
soient les circonstances. Regarder ce qui a un sens, qui est profitable. Le sens
ou l’avantage de regarder à la nature de l’esprit est que cela dissipe la
souffrance. Il nous débarrasse et nous libère de toutes sortes de souffrances.
La pratique de la méditation, bien sur, a besoin de s’appuyer sur une pratique
formelle de la méditation assise. Ceci est clair dans les instructions des
gourous de notre tradition. Néanmoins, bien que la pratique formelle de la
méditation soit essentielle, maintenir en permanence l’attention et l’éveil dans
la post-méditation est également essentiel ; sinon, nous finissons avec une
approche de la pratique et de la vie dans laquelle nous sommes
excessivement attentifs lorsque nous pratiquons de façon formelle la
méditation, et complètement négligent lorsque nous sommes en post-
méditation. Le problème avec cette approche est qu’à chaque fois que nous
sommes en post-méditation, à cause de l’interruption, à cause de la présence
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 48 Khenchen Thrangou Rinpoché
de l’état de négligence non maîtrisée de l’esprit, le processus qui a débuté en
méditation cesse. Ainsi il n’y a pas de progrès. Le progrès est empêché par la
négligence ou l’insouciance en post-méditation. La solution à ce problème est
de ne pas être distrait, c'est-à-dire, de préserver la seule attention et état de
qui-vive dans toutes les activités, que vous travailliez, ou que vous soyez au
repos, quoi que ce soit. Cela fortifiera, renforcera et augmentera la pratique
formelle de la méditation. L’absence de cette sorte d’attention post-
méditative, comme je l’ai dit, stoppera et interrompra la pratique de la
méditation. Ce type d’attention et de qui-vive n’empêchera ni ne diminuera en
aucune façon la qualité de votre vie, et apportera un progrès direct à votre
pratique.
La ligne suivante concerne principalement la pratique de la post-méditation,
mais en fait les deux, la méditation formelle et la post-méditation. Dans l’un
de ses chants Seigneur Marpa le Traducteur fait la déclaration suivante, « Je
possède 108 instructions – mais d’abord celles qui sont le mélange et le
transfert. » Sur cette base et des déclarations similaires, nous nous rendons
compte que les plus importantes instructions que le Seigneur Marpa met en
valeur sont celles de mélange et de transfert. Parmi ces deux, celle qui est de
première importance est l’instruction ou concept de « mélange. » Mélange fait
référence au mélange de tout ce qui arrive en méditation. Souvent nous
sommes accablés par notre peur, par le sentiment d’être intimidé par quelque
chose, par notre anxiété, ou par une klesha ou une autre. Si vous mélangez
n’importe quelle klesha ou peur qui apparaît avec la méditation, vous ne serez
pas accablé par elle. Mélanger l’anxiété, par exemple, avec la méditation
signifie que vous regardez la peur. Au lieu de regarder autre chose que la
peur, quoi que ce soit dont vous soyez apeuré, regardez la peur elle-même.
Regardez où elle se trouve. Débutez avec le sentiment, « j’ai peur, » ou « je
suis inquiet. » Pensez, « Où est cette inquiétude, où est cette peur, quelle est
sa substance, quelle est sa nature ? » Regardez la directement. Chaque fois
que vous regarderez directement quoique ce soit de présent dans votre esprit,
telle que la peur, l’anxiété, ou l’inquiétude, vous verrez son état naturellement
vide. Et voyant son vide, voyant sa nature, vous n’en serez pas accablé. C’est
aussi valable pour les kleshas. Souvent nous sommes accablés par la colère
ou par le désire. Si vous les mélangez avec la méditation lorsqu’elles
apparaissent, et faites de même avec n’importe quel bouleversement ou
réaction bouleversante qui se produit dans votre esprit, elles auront beaucoup
moins de force. Alors qu’avant vous les regardiez comme étant massives,
solides et menaçantes, dés que vous regardez ces émotions et ces peurs
directement, vous voyez qu’elles sont comme les bulles qui apparaissent à la
surface de l’eau. Les bulles peuvent devenir très grandes, mais elles sont
creuses et très fragiles. Dés qu’une bulle est touchée, elle éclate et il n’y a
plus rien, et dés le départ il n’y avait pas grand-chose. De la même façon,
lorsque vous vous tournez vers l’intérieur et regardez directement vos peurs
et vos kleshas, c’est comme faire éclater une bulle, parce que vous vous
rendez compte qu’il n’y a rien. C’est ce que le Bouddha veut dire lorsqu’il dit
que la nature de toutes les choses est le vide. En regardant directement ce
qui apparaît dans votre esprit, vous pouvez directement faire l’expérience de
cette nature à l’intérieur de votre esprit, ce qui vous permettra de ne pas être
accablé par les afflictions mentales et les peurs.
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 49 Khenchen Thrangou Rinpoché
Cela termine la présentation des préliminaires. Maintenant, la pratique
principale de mahamoudra est d’abord présentée dans les quatre sujets que
sont la vue, la méditation, la conduite, et la réalisation ou résultat – dans
cette séquence. Le première d’entre eux est la vue, qui est ici résumée en une
ligne, Si tu es au-delà toute avidité pour un objet ou un sujet, c’est
cela la vision royale.
Cette notion d’être au-delà de toute avidité pour un objet ou un sujet semble
très profonde et très éloignée de notre expérience ordinaire ou présente. Mais
en fait, ce n’en est pas si loin de. Il peut être difficile de dépasserer la
projection de sujet et objet dans notre relation aux objets externes ou
phénomènes. Mais il est facile de le dépasser en regardant votre propre esprit
et en expérimentant la nature au-delà sujet et objet. Lorsque vous regardez
votre esprit, vous ne trouvez rien. Vous ne trouvez rien qui soit regardé, et
vous ne trouvez rien non plus qui regarde quelque chose qui puisse être
regardé. Simplement en regardant votre esprit, vous expérimentez que votre
esprit est au-delà du fait d’être un sujet ou un objet. Ainsi vous expérimentez
le vide d’un supposé sujet ou objet. En soutenant cette façon de voir votre
propre esprit c’est la vue suprême ou le monarque des vues.
Ensuite, faisant référence à la méditation, il dit, Sans distraction, est le
monarque de toutes les méditations.
Normalement lorsque nous pensons à la méditation nous y pensons comme
quelque chose fait de plein d’efforts pour contraindre l’esprit à un état de
concentration rigide, mais ce qui est ici souligné par Tilopa c’est que ce n’est
pas du tout ce qu’est la méditation. La méditation consiste simplement à ne
pas s’écarter ou être distrait de ce regard ou attention à notre esprit tel qu’il
est. Et notre esprit tel qu’il est est vide, et cependant il est la connaissance
lucide. Ne pas être distrait de cela signifie de préserver la faculté d’attention
et la faculté de qui-vive. Pratiquement, cela signifie que lorsqu’une pensée,
une klesha, un obstacle, ou une distraction potentielle apparaît, vous le
regardez directement, et cela maintient cette vision de la nature de l’esprit
au-delà de la distraction.
Concernant la conduite, il dit, Sans effort, est le monarque de toutes les
conduites.
Ici effort signifie l’application intentionnelle de l’énergie conceptuelle à la
méditation. Par exemple, au lieu de regarder l’esprit et de penser, « Je vais
regarder l’esprit. Je dois regarder l’esprit. Je vais pratiquer mahamoudra. Je
dois pratiquer mahamoudra, » transcender cela et regarder directement
l’esprit est la conduite suprême.
Et finalement, en ce qui concerne le résultat, il dit, Quand il n’y a plus ni
espoir, ni peur, c’est le résultat recherché, et le fruit a été atteint ou
révélé.
Le point ici est que, en ce qui concerne nos esprits, l’espoir et la peur ne sont
pas nécessaires et sont inappropriés. Il a été dit par le Seigneur Maitreya, « Il
n’y a rien en cela qui doive être enlevé, et rien du tout qui doive être ajouté. »
C’est la même idée exprimée par Saraha qui dit, « Je rends hommage à
l’esprit qui est comme un joyaux réalisateur de vœu. » Parce que la nature
essentielle de l’esprit est le vide, et parce que les caractéristiques qui le
définissent sont la clarté ou la connaissance lucide, il est parfait juste comme
il est. Il n’a pas besoin d’être modifié ou amélioré ou nettoyé, ou de lui
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 50 Khenchen Thrangou Rinpoché
enlever quoique ce soit d’aucune sorte. Ainsi, l’espoir de l’amélioration de
l’esprit ou la peur d’un manque d’amélioration de l’esprit ne sont pas
nécessaires et sont hors propos. Lorsque, en expérimentant la nature de votre
esprit, vous n’avez plus un tel espoir ou une telle peur, c’est le fruit ou le
résultat.
Les trois lignes suivantes résument ou clarifient ce qui avait été dit
auparavant : C’est au-delà de l’état d’un objet qui puisse être
conceptualisé, la nature de l’esprit est lucide.
La première ligne signifie que votre esprit, en étant vide dans sa nature
essentielle, n’est pas et ne peut être un objet d’observation conceptuelle ou
intentionnelle. Ce n’est pas quelque chose vers laquelle votre esprit puisse
être dirigé de façon certaine ou exclusive. Cela signifie simplement que l’esprit
n’a pas de caractéristique substantielle telle que la couleur, la forme, et le
lieu. Il ne manque pas seulement de telles caractéristiques, il manque même
de la caractéristique d’absence de quelque chose. L’esprit est autant au-delà
de n’être rien qu’il est au-delà d’être une substance solide, parce que, bien
qu’il soit complètement libre d’une existence substantielle ou solide, il est
néanmoins incessant en tant que connaissance. La connaissance ne s’arrête
jamais, en dépit du fait qu’il n’y a pas quelque chose de solide qui ne s’arrête
pas. Ainsi, Gampopa dit à propos de la vue, « Regarde ton esprit, parce que
définitivement c’est la vue. » Ainsi, si vous regardez votre esprit, d’un coté
c’est au-delà d’une quelconque sorte de focalisation conceptuelle, mais d’un
autre coté, parce que c’est la connaissance, elle peut être expérimentée, elle
peut s’expérimenter ou se voir.
Puis le texte continue : Il n’y a aucun chemin à traverser, et ainsi, de
cette façon, tu entres sur le chemin de l’état de bouddha.
D’un coté il n’y a pas de voie à traverser parce que la nature de l’esprit est ce
qu’elle est. Elle n’a pas besoin d’être changée ou améliorée, et en fait elle ne
peut l’être. Ainsi, dans ce sens il n’y a pas de processus à dépasser.
Néanmoins, la reconnaissance de sa nature, qui est au-delà du processus, est
le processus ou la voie qui produit l’éveil. Et ainsi Il dit dans la troisième ligne,
Il n’y a aucun objet de méditation, mais si tu finis par t’en accoutumer
tu atteindras l’insurpassable éveil.
Il n’y a rien dans la pratique de mahamoudra sur lequel focaliser en tant
qu’objet de méditation, telle qu’une lumière que vous pourriez voir, ou
quoique ce soit que vous puissiez visualiser ou imaginer. Dans ce sens il n’y a
pas d’objet de méditation. Mais ce processus qui consiste à s’habituer ou à se
familiariser avec votre propre nature est ce qui est appelé méditation dans la
tradition de mahamoudra. Et cette familiarisation avec votre propre nature est
ce qui vous conduira à la bouddhéité. Ainsi de cette façon, le texte résume la
vue, la méditation, la conduite, et la réalisation.
Les deux stances suivantes concernent l’importance ou les vertus de la
pratique dans la solitude ou l’isolement. Elles commencent par exalter les
vertus de la solitude : Examine de manière approfondie les choses
mondaines ou les objets du monde. Si tu le fais tu verras qu’aucun
n’est éternel, qu’aucun n’est permanent, et qu’ils sont tous, ainsi,
comme des rêves et des illusions magiques. Les rêves et les illusions
magiques sont sans intérêt. C’est pourquoi, génère la renonciation et
laisse tomber les affaires mondaines.
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 51 Khenchen Thrangou Rinpoché
Le point des quatre premières lignes est qu’il n’y a pas de raison d’être obsédé
par les affaires mondaines. Parce que toutes ces choses, pour lesquelles nous
nous autorisons à être si obsédés ou pour lesquelles nous nous autorisons à
être si attachés, sont dans leur véritable nature inapte à l’attachement parce
qu’elles changent en permanence. Elles ne peuvent, autant que nous voulions
qu’elles le soient, rester les mêmes. C’est pourquoi il est inapproprié de faire
un investissement émotionnel pour qu’elles restent identiques. En fait, cette
obsession, cette attachement aux choses et l’aversion résultante pour d’autre
choses, produit toutes sortes de problèmes, d’obstacle, de souffrance et ainsi
de suite.
Le texte continue, Coupe toutes les relations d’attachement ou de rejet
pour ceux qui t’entourent et médite dans des retraites solitaires, des
forêts ou autres, vivant dans la solitude.
Ces deux lignes signifient que si vous voulez pratiquer il vous faut devenir
indépendant de ce qui vous entoure. Ce qui ici est spécifiquement exalté est la
vertu de la pratique dans une situation d’isolement.
Les deux dernières lignes disent, Reste dans cet état sans méditer.
Lorsque tu atteindras ce qui est hors d’atteinte, tu auras atteint
mahamoudra.
La pratique de la méditation qui doit être menée de cette façon, dans la
solitude et ainsi de suite, est, dans un sens, libre de méditation, parce qu’il
n’y a pas d’objet de méditation. Et ce qui est atteint à travers cette
méditation, parce que ce n’est pas un changement fondamental dans la
nature des choses ou la nature de l’esprit, est, dans un sens, l’atteinte de rien
de nouveau. C’est l’atteinte de ce qui est au-delà de ce qui serait
conventionnellement appelé atteinte. Mais lorsque vous réalisez qu’il n’y a rien
à changer, rien à atteindre, c’est l’atteinte de mahamoudra.
Tilopa parle plus loin des bénéfices de la pratique de mahamoudra. Il dit, Par
exemple, en coupant tout simplement la racine d’un arbre possédant
un tronc et de multiples branches, feuilles, fleurs, et fruits, les dix
mille ou cent mille branches mourront automatiquement. De la même
façon, si la racine de l’esprit est coupée, les branches et les feuilles du
samsara dessécheront.
Le sens de cela est que la pratique du mantra secret en général, et
spécialement la pratique des instructions de mahamoudra ou du dzogchen,
consiste fondamentalement, plus basiquement et plus centralement, à
regarder la nature de votre esprit. La forme d’instruction la plus essentielle
dans les deux traditions mahamoudra et dzogchen, et la forme de pratique la
plus essentielle dans les deux traditions, consiste à regarder directement la
nature de votre esprit. La fonction de cette pratique dans les deux traditions
consiste à transpercer ou résoudre la nature, à reconnaître cette nature une
fois pour toutes. Les différents accessoires de ces traditions sont distincts, et
la distinction parmi différentes traditions se dessine de la même façon. Mais la
pratique fondamentale et l’essence de ces traditions sont les mêmes. Si vous
désirez vous débarrasser de toutes les sortes de souffrances qui poussent
comme des branches et des fleurs sur l’arbre du samsara, si vous avez
l’intention de vous débarrasser de ces conditions hostiles et de ces différentes
souffrances une par une, c’est très difficile. C’est comme essayer de tuer un
arbre en enlevant chaque branche séparément. C’est pourquoi, de même que
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 52 Khenchen Thrangou Rinpoché
lorsque vous voulez couper un arbre, le coupant à la racine l’arbre entier
mourra, si vous voulez vous libérer des différentes souffrances physiques et
mentales du samsara, si vous reconnaissez la nature de votre esprit,
automatiquement toutes les souffrances sont pacifiées et vous êtes libérés de
toutes.
Je désirerai arrêter là ce matin, mais si vous avez des questions n’hésitez pas.

Question : Rinpoché, le texte dit que la pratique de mahamoudra n’implique


aucune focalisation ou attention de l’esprit avec un angle particulier. Un autre
enseignement du texte de Tilopa est que chaque fois qu’une klesha apparaît
vous la regardiez directement. Ainsi, il semblerait que dans la pratique de
mahamoudra on passe d’une tranquillité sans focalisation de l’esprit vers un
regard direct très focalisé sur quelque chose, une klesha, ou quoique ce soit
d’autre. Ce mouvement de la non focalisation vers la focalisation devient
particulièrement difficile dans la post-méditation où il existe tant de
distractions. J’en fais l’expérience lorsque je traverse Granville pendant les
heures d’affluence. On devient craintif, anxieux, mais on doit faire attention à
la route, alors regarder l’esprit sans distraction dans le même temps semble
très difficile.

Rinpoché : Tout d’abord, en substance, comme vous le dites, il n’y a pas


d’objet de méditation ou d’objet de focalisation dans mahamoudra, mais ça
c’est du point de vue d’un état sans focalisation ou sans incertitude. Mais du
point de vue d’un contexte incertain, il y a focalisation. Il y a un objet. Par
exemple, vous mentionnez ce que vous faites lorsqu’une pensée apparaît.
Lorsqu’un pensée apparaît, au premier instant où vous dirigez votre attention
pour regardez la nature de cette pensée, il y a, comme vous l’indiquez, une
focalisation conceptuelle. Parce que la pensée apparaissant est une confusion,
c’est une vérité relative et une confusion ; ainsi vous pénétrez dans un
contexte ou travaillez avec un contexte de confusion. Lorsque vous voyez la
nature de cette pensée, pour avoir focalisé sur la nature de cette pensée,
lorsque finalement vous voyez cette nature, la pensée n’est pas là ; il n’y a
pas de focalisation. Ainsi lorsque vous regardez, il y a focalisation, mais
lorsque vous voyez, il n’y a pas focalisation. Par rapport à la post-méditation,
en fait, l’essence de la pratique post-méditative consiste simplement à ne pas
être distrait de ce que vous êtes entrain de faire. Il y a beaucoup moins de
danger à conduire si vous n’êtes pas distrait, si vous êtes attentif ou alerte,
qu’il y a à conduire si vous êtes distrait. En fait, l’attention et le qui-vive post-
méditatifs devraient réduire la peur d’un accident rue Granville. [rires]

Question : Rinpoché, si la nature de toutes les choses est le vide, et si nous


regardons la bulle et qu’éclatant il ne reste rien, si nous regardons la peur et
que la touchant rien ne reste, je me demande ce qui se passe lorsque nous
regardons la famille ou les amis. Sont ils aussi des bulles lorsque nous les
touchons et ils éclatent et rien ne reste ? Est-ce le même vide ?

Rinpoché : Il existe, bien entendu, des démonstrations logiques de la vacuité


de toutes les choses et de toutes les personnes. Mais cela ne s’applique pas ni
n’est à considérer dans la pratique méditative. Parce que nous sommes
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 53 Khenchen Thrangou Rinpoché
intéressés par l’expérience directe, et que l’expérience directe du vide la plus
facile est l’expérience directe du vide ou de la nature de votre propre esprit.
Ainsi, dans la pratique de mahamoudra, nous n’analysons ni n’examinons le
statut existentiel externes des objets ou des personnes, mais seulement des
pensées qui peuvent être expérimentées directement sans avoir recours à
l’analyse. Il est dit dans notre tradition, « N’essaye pas de te débarrasser ou
de créer ou modifier les apparences externes. Laisse les comme elles sont,
parce qu’elles ne te font aucun mal et ne t’apportent aucun bénéfice. » Les
apparences extérieurs ne sont pas l’enjeu ici ; c’est l’esprit et la capture de
l’esprit, dont il est question. C’est pourquoi nous prenons la pensée et l’esprit
comme base de méditation.

Question : Rinpoché, vous avez fait une citation sur mélanger et transférer.
Je me demandais si vous pouviez développer un peu l’aspect transfert ?

Rinpoché : La raison pour laquelle je n’ai pas parlé du transfert, l’autre


aspect des instructions de Marpa, c’est qu’il n’y a pas de lien directe avec
notre sujet, ainsi je n’en ai pas parle et je ne vais pas en parler. La raison
pour laquelle j’ai parlé du mélange c’est qu’il a véritablement à faire avec le
présent sujet. Le concept de base ou l’idée de mélanger est très utile pour la
compréhension de la pratique de mahamoudra. Pour comprendre
mahamoudra vous avez véritablement besoin de manier le mélange, et pour
l’instant vous pouvez oublier le transfert. [rires]

Question : Rinpoché, Je me demandais si vous pouviez nous donner quelques


éclaircissements sur l’instruction de méditation dans mahamoudra. Je
comprends que la méditation, lorsque les kleshas apparaissent, consiste à
sentir la texture de cette klesha, sentir le contexte de la klesha, sentir
l’essence de la distraction sans le contenu. Est-ce identique à regarder
directement la klesha ?

Rinpoché : Ces deux façons de travailler avec les kleshas sont différentes ;
elles sont distinctes. L’approche que vous décrivez dans laquelle vous
cherchez à sentir la texture, comme vous le dites, de la klesha, et déterminer
l’origine de la klesha, et ainsi de suite, comme vous l’expliquez, est basée sur
le maintien du concept ou de l’illusion de l’existence de la klesha à priori.
Basiquement ce que vous faites avec une telle approche c’est de considérer la
klesha comme quelque chose. Ce que nous faisons ici ce n’est pas de travailler
avec ce que semble être la klesha, mais avec ce qu’elle est véritablement. Et
en la regardant directement sans être concerné par son apparence – de quelle
klesha s’agit il et ainsi de suite – alors vous en faites l’expérience comme
étant plus rien, que quelque chose. Le sens en est que la véritable façon de
faire passer les kleshas consiste à déterminer leur non existence, en voyant
qu’elles n’ont en aucune façon d’existence substantielle. Ici la technique
consiste à les regarder directement et ainsi de voir leur nature. Ce que vous
voyez ou ce que vous expérimentez a été expliqué auparavant dans le texte
comme devant être vu telles que des ondulations sur l’eau ou des dessins sur
la surface de l’eau. Dés qu’elles émergent, elles disparaissent aussi tôt.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 54 Khenchen Thrangou Rinpoché
Question : Rinpoché, une question sur le mélange. Comment mélange-t-on
la pratique de mahamoudra et un travail d’étudiant, spécialement pour nous
étudiants du dharma, ou en ce qui me concerne, comme quelqu’un apprenant
des nouveaux concepts et accumulant du savoir ? Comment les mélange-t-
on?

Rinpoché : Une chose importante à comprendre dans le mélange en général,


et plus spécialement dans le contexte que vous venez d’amener, est ce qui
constitue et ce qui ne constitue pas une distraction. Il a été dit par Tilopa,
« Enfant, ce n’est pas par les apparences que vous êtes enchaînés, mais par
le désir. Ainsi, Naropa, lâche prise ou supprime le désir. » On doit faire La
distinction entre les apparences et notre désir pour elles ou notre attachement
à elles. Les apparences en tant que telles ne sont pas un problème.
L’attachement ou le désir est un problème. Lorsque vous étudiez vous
entraînez votre intellect à l’acquisition de savoir et vous vous entraînez à
apprendre avec plus d’efficacité, et ainsi de suite. Cet entraînement de
l’intellect, cette culture de la prajna d’apprendre n’est pas un problème, parce
que ce avec quoi vous travaillez essentiellement est la connaissance lucide,
qui est une des qualités de votre esprit, l’autre qualité étant le vide. Le
problème est l’attachement aux concepts ou la fixation sur les concepts acquis
au travers de l’étude ou du savoir. La façon de travailler avec cela est
simplement d’apprendre de façon à ce que vous cultiviez une attention
identique à celle de la méditation dans l’exécution de l’apprentissage, et si il
existe de l’attention lorsque vous étudiez, et de la concentration, alors l’étude
ne génèrera pas de désir et de cette façon pourra être mélangée d’une
certaine façon avec la pratique. Nous conclurons ce matin avec le transfert de
mérite.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 55 Khenchen Thrangou Rinpoché
Au moment de la réalisation de
Mahamoudra, toute l’ignorance et le
karma négatif sont purifiés
Suite de l’enseignement du Très Vénérable Khenchen Thrangou Rinpoché sur le Mahamoudra
Upadesha de Tilopa.

B onjour. J’aimerai comme précédemment commencer en récitant la


supplication à la lignée. La supplication à la lignée que nous récitons est celle
communément utilisée dans tous les principaux endroits de la tradition Kagyu,
tel que Tsourphou et Palpoung. Elle est utilisée dans les récitations en
assemblées communales par tous les lamas, moines et nones. Elle est aussi
utilisée dans la pratique individuelle, pas seulement à l’intérieur des
monastères, mais par tous les laïques qui pratiquent mahamoudra. La raison
pour laquelle cette particulière supplication à la lignée est tellement utilisée
c’est qu’elle fut composée par le grand maître Penkar Jampal Zangpo, qui reçu
la transmission de mahamoudra du Sixième Gyalwa Karmapa, Thongwa
Dönden, et, l’ayant reçue, parti en retraite sur une île au milieu d’un lac
appelé Lac du Ciel au nord du Tibet. Il resta dix huit ans en retraite sur cette
île, pratiquant mahamoudra. A la fin de sa retraite il composa la supplication à
la lignée, qui est reconnue comme étant un résumé de son expérience et de
sa réalisation, gagnées à travers dix huit années d’une intense pratique, et,
par conséquent, est tenue pour possédant un pouvoir de bénédiction sans
précédent. Ainsi je vous recommande de l’utiliser dans votre pratique
liturgique, que vous la récitiez en tibétain ou en anglais. *1 Maintenant nous
allons la réciter, et faites le s’il vous plait avec foi et dévotion.
Le texte parle maintenant des bénéfices de la méditation sur mahamoudra, et
nous avons vu ce que la pratique de mahamoudra pouvait apporter sur le
renoncement aux kleshas. La prochaine chose mise en valeur est comment
mahamoudra peut dissiper toutes les ignorances ainsi que tous les
obscurantismes accumulés et les mauvaises façons de faire. C’est présenté
sous la forme d’une image ou analogie : Par exemple, de la même façon
que l’obscurité accumulée pendant des milliers d’éons disparaît par
l’illumination d’une seule lampe ou d’une seule torche, de la même
façon un simple instant de la sagesse de la claire lumière d’un esprit
fait disparaître toute l’ignorance, la mauvaise façon de faire et
l’obscurantisme accumulé pendant des milliers d’éons.
C’est l’image d’un endroit qui n’a jamais vu aucune lumière, comme les
recoins d’une caverne profonde. Peu importe le temps pendant lequel cette
caverne n’a pas vu la lumière, dés qu’une torche est allumée dans cette
caverne, elle devient illuminée. La durée pendant laquelle elle a été dans le
noir n’influe en aucune façon sur la faculté ou la capacité de la torche à
illuminer la caverne. A l’instant où la torche est allumée, toute l’obscurité de
1
*note du traducteur : ou en français

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 56 Khenchen Thrangou Rinpoché
de la totalité de cette durée est dissipée. De la même façon, lorsque quelqu’un
réalise mahamoudra, à cet instant précis toute son ignorance, toute ses
obscurations et tous son karma négatif sont immédiatement purifiés. Vous
pouvez en douter. Il se peut que vous disiez, par exemple, que dans les
soutras Bouddha dit que l’on ne peut atteindre la bouddhéité qu’en subissant
au moins trois périodes d’innombrables éons ou kalpas d’accumulation de
mérite et de sagesse – et dans certains soutras il s’agit de sept, et ainsi de
suite. Et la simple réalisation de dharmata prend un temps infini, si on s’en
réfère aux soutras. Malgré tout dans la tradition de mahamoudra il nous est
dit qu’on peut atteindre l’état de complet éveil, l’état d’unité ou Vajradhara,
en une vie et en un corps. Bien entendu, si cela est vrai, le contraire ne peut
l’être. Si il faut trois périodes d’innombrables kalpas pour atteindre la
bouddhéité, alors que signifie de dire que cela peut être réalisé en une vie ? Et
si ça ne prend qu’une vie, pourquoi est il fait mention de cette si longue
période ? En fait, ce n’est pas une contradiction. Si quelqu’un possède les
instructions essentielles ou upadesha, alors il devient possible d’atteindre la
bouddhéité en une vie. Et dans l’absence de la méthode ou des instructions de
upadesha, il faudra un temps infini. Lorsque quelqu’un s’engage sur la voie et
n’a pas l’instruction spéciale que nous appelons mahamoudra, ce qu’il fait
c’est essentiellement utiliser le savoir d’inférence comme technique, comme
base de la voie, ce qui revient à dire qu’il utilise l’analyse logique pour
constater ou établir la vacuité de toutes choses. En utilisant l’analyse logique,
on peut déterminer la vacuité de toutes choses en tant que certitude logique,
et étant une certitude logique, on peut de cette façon en avoir une certaine
confiance. Mais la certitude ou la confiance qui est générée de cette façon est
très difficile à appliquer dans une véritable pratique de méditation. Ainsi, afin
d’être capable d’appliquer cette certitude logique à la pratique de méditation,
il vous faut recueillir une énorme quantité de mérite à travers une très longue
période de temps. Et c’est pourquoi la voie qui utilise l’inférence logique
comme technique ou comme base prend autant de temps. La tradition en
regard de laquelle on peut atteindre l’état de Vajradhara en une vie est celle
qui se base sur ces instructions pratiques ou essentielles. Et l’essence de
toutes ces instructions consiste à ne pas essayer d’utiliser l’analyse logique
pour vérifier la vacuité en analysant les objets ou les apparences externes.
Vous travaillez avec votre esprit. La raison pour laquelle vous travaillez avec
votre esprit dans la tradition de l’upadesha ou des instructions spéciales est
que, alors qu’il vous faut une preuve logique à la vacuité des autres choses,
votre esprit lui est manifestement vide. Vous pouvez expérimenter le vide de
votre propre esprit à n’importe quel moment. Ainsi, puisque vous travaillez
avec quelque chose qui est clairement ou manifestement vide, vous
expérimentez cette même vacuité – qui sinon n’arrive que par l’analyse
logique - directement dés le début lorsque vous avez appris à méditer. Ainsi,
donc, dans la tradition des instructions pratiques ou essentielles, on prend
l’expérience directe ou la connaissance véritable immédiate comme technique
première ou comme base de la voie. Du fait qu’il y ait dés le début de cette
approche une expérience directe de la nature de l’esprit, il est possible
d’atteindre la parfaite bouddhéité en une vie. Cette affirmation de la
possibilité d’atteindre la bouddhéité dans une vie n’est pas seulement une
expression ou un slogan. Beaucoup de mahasiddhas l’ont fait. Prenons
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 57 Khenchen Thrangou Rinpoché
l’exemple de Jetsun Milarepa, à un moment ses étudiants l’ont approché et lui
ont dit que, puisqu’il avait une aussi extraordinaire assiduité, une si
extraordinaire perspicacité, une austérité et une pratique si peu commune, et
ayant obtenu un résultat insurpassé, clairement il devait être l’émanation ou
l’incarnation d’un bouddha ou d’un boddhisattva. Ainsi ils lui dire, « S’il vous
plait dites de quel Bouddha ou de quel boddhisattva vous êtes l’émanation. »
Il répondit, et dit, « Le fait que vous me regardiez comme l’émanation de
quelque Bouddha prouve que vous avez une grande foi en moi et une grande
incompréhension du dharma. Parce que ce qu’implique votre affirmation est
qu’une personne ordinaire ne peut atteindre ce que j’ai atteint, et que par
conséquent le dharma n’est pas aussi efficace, qu’il n’a pas autant de
pouvoir. » Il continua ainsi, « J’étais une personne ordinaire et j’ai atteint ce
que j’ai atteint parce que j’ai rencontré un maître qualifié, reçu ses
enseignements, et que je les ai pratiqués avec assiduité. »
Le texte continue, L’intellect ne peut pas voir ce qui est au-delà l’esprit
conceptuel, et tu ne réaliseras jamais ce qui est incréé au travers de
dharmas créés. Si tu veux atteindre ou réaliser ce qui est au-delà de
l’intellect, non créé, alors observe ton esprit et observe la
connaissance nue.
Le point central de cette stance est que vous ne pouvez pas réaliser la nature
des choses par une autre méthode que celle qui consiste à regarder
directement votre propre esprit et à expérimenter cette nature à l’intérieur de
votre propre esprit. Vous ne pouvez pas réaliser la nature des choses à
travers l’inférence logique ou une connaissance inférentielle valide, parce que
la faculté utilisée dans la logique est l’intellect, et que l’intellect ne peut pas
réaliser ce qui ne peut être conceptualisé. L’intellect est une faculté qui utilise
des concepts, par conséquent ce qui est au-delà d’un quelconque concept ne
peut être ni évalué ni reconnu par lui. Cela signifie qu’on ne peut utiliser
aucun concept ni aucune pensée sur l’esprit pour réaliser l’esprit ou pour
réaliser la nature de l’esprit. De la même façon, on ne peut pas non plus
utiliser les concepts de vertus ou l’effort dans la pratique pour réaliser la
nature de l’esprit. Cela revient à dire que quoique l’on fasse qui ne consiste
pas à rester apaisé dans la nature de notre esprit peut être extrêmement
utile, peut permettre l’accumulation d’un nombre important de vertus et peut
être très bénéfique, mais rien d’autre que de regarder notre esprit ne peut
amener la réalisation de la nature de l’esprit. C’est pourquoi si vous désirez
réaliser la nature de l’esprit, qui est au-delà l’intellect et est non créé – et
ainsi ne peut être réalisé par un engagement dans des pratiques vertueuses
élaborées consistant à générer de la vertu – si vous voulez la réaliser, la
seule chose que vous deviez faire consiste à scruter votre esprit. « Scruter »
peut être pris de deux façons différentes. On peut comprendre « scruter »
comme signifiant analyser l’esprit, mais ce n’est pas ce que cela signifie ici.
Analyser l’esprit c’est bien sur y penser. C’est essayer de déterminer avec
exactitude à quoi l’esprit doit ressembler à travers le raisonnement ou la
logique. De cette façon, ce n’est pas en faire l’expérience directe. Lorsqu’on
essaye de penser à l’esprit, le processus est sans fin. Des pensées ou des
concepts sans fin peuvent être produits sur l’esprit : « L’esprit semble exister
parce qu’il fonctionne. Logiquement, tout ce qui fonctionne doit être là.
L’esprit génère des pensées. Nous expérimentons des pensées, elles doivent
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 58 Khenchen Thrangou Rinpoché
donc aussi exister. Et nous expérimentons des kleshas, celles-ci doivent donc
aussi exister. » De cette façon vous finissez par avoir une procession sans fin
de choses qui semblent exister. Ici « scruter » consiste à regarder
directement l’esprit, à essayer directement d’expérimenter si c’est quelque
chose ou si c’est rien. Si c’est quelque chose, qu’est-ce ? A quoi ça
ressemble ? Si ce n’est rien, c’est comme quoi? En regardant directement
l’esprit vous finissez par faire l’expérience directe de l’esprit qui est au-delà
n’importe quelle sorte de concept que vous puissiez créer, tel que c’est
quelque chose, ce n’est rien, c’est quelque chose entre quelque chose et rien,
c’est à la fois quelque chose et rien, ou c’est quelque chose somme toute
différent, ni quelque chose ni rien. Tout ceci sont des concepts que vous
pouvez créer sur l’esprit lorsque vous y pensez, mais ce que vous
expérimentez lorsque vous le regardez directement est au-delà de tout cela.
En agissant ainsi, en scrutant l’esprit de cette façon directe, en fait, vous
débarrassez l’esprit de conceptualisations le concernant. Et cela s’appelle
« dénuder la conscience. » Le noyau ou l’essence de l’esprit, qui est la
conscience, se révèle lorsque vous cessez la conceptualisation ou la réflexion
sur ce à quoi ressemble l’esprit. Si vous agissez ainsi, si vous vous maintenez
tranquille dans cette expérience directe de la nature de votre esprit, alors
vous en viendrez à réaliser cette signification qui est au-delà l’intellect et au-
delà toute intention de créer quelque chose. En pratiquant de cette façon,
bien entendu les pensées continueront à apparaître de temps en temps. Et les
pensées qui apparaîtront pourront être pleinement manifestes ou grossières,
ou le courant sous-jacent de subtiles et pratiquement imperceptibles pensées.
Par conséquent, le texte continue, Laisse l’eau brumeuse de la pensée se
clarifier ou se nettoyer d’elle-même.
Prenez, par exemple, un verre d’eau contenant des sédiments et laissez le
sans le remuer, les sédiments au complet tombent au fond et l’eau devient
claire, elle n’est plus brumeuse. De la même façon, si vous laissez votre esprit
tranquille, les apparentes qualités brumeuses ou voilées de la pensée
s’apaiseront ou disparaîtront, et votre conscience ne sera plus obscurcie par
les pensées. En regard des apparences il est dit dans le texte, Ne cherche
pas à arrêter ou créer les apparences. Laisse les comme elles sont.
Arrêter ou créer signifie modifier d’une quelconque façon, rejeter les
apparences qui sont déplaisantes, ou essayer d’augmenter ou de développer
celles qui sont plaisantes. Nous continuons, bien entendu, à expérimenter
différentes apparences, et normalement nous regardons ce que nous
expérimentons comme étant plaisant ou déplaisant. Mais quoique vous
expérimentiez comme apparence externe, c'est-à-dire, ce que vous voyez ou
entendez et ainsi de suite, votre esprit est d’une plus grande importance dans
la détermination de ce qui est plaisant ou déplaisant que les caractéristiques
de la chose apparente elle-même, ce qui signifie que tant que votre esprit
n’est pas perdu dans les apparences vous ne serez pas particulièrement
affecté par elles. Vous devenez affecté par les apparences lorsque votre esprit
est perdu en elles, et c’est pour cette raison que Tilopa dit, comme nous
l’avons souligné auparavant, « Enfant, ce n’est pas par les apparences que
vous êtes enchaîné, mais par le désir. C’est pourquoi, Naropa, transperce le
désir. » Essentiellement, de manière pratique, cela signifie, ne conceptualise
pas aussi bon ou mauvais ou aussi particulièrement plaisant ou déplaisant que
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 59 Khenchen Thrangou Rinpoché
soit ce que tu vois, entends, et ainsi de suite. Et souviens toi que la racine du
plaisir et de la souffrance n’est pas les apparences externes, mais ton propre
esprit. A cause de cela, le texte dit, Si tu es sans désir ni rejection des
apparences externes, tout ce qui apparaît et existe sera libéré en tant
que mudra.1
Concernant les instructions, qui sont que l’esprit doive essentiellement
regarder sa propre nature, il y a quelque chose que je dois clarifier. Si vous
lisez la Bodhicharyavatara de Shantideva, vous trouverez l’affirmation
suivante, « Il n’y a rien qui soit une conscience individuelle. L’esprit ne peut
se voir ou se connaître. » Il dit clairement cela. Aucun doute. Aussi, si vous
lisez le Madhyamakavatara du glorieux Chandrakirti, vous découvrirez de
nombreuses affirmations identiques : il n’y pas de conscience individuelle,
l’esprit ne peut se voir ou se savoir. Si je mentionne cela c’est que, sans
aucun doute, certains d’entre vous ont lu ces textes et, sans aucun doute,
d’autres parmi vous les liront dans le futur. Et lorsque vous rencontrerez cela
vous risquez de penser, ma foi, Shantideva et Chandrakirti disent que l’esprit
ne peut se connaître, alors ce que j’ai entendu auparavant à du être un
nonsense, ou peut être l’ai-je mal compris. Puisqu’il est possible que cela vous
rende confus, j’ai préféré le clarifier dés maintenant. Le contexte dans lequel
les affirmations de Shantideva et Chandrakirti ont été faites est dans le cadre
de la réfutation de l’esprit comme étant quelque chose de substantiellement
existant. Ce qui est réfuté ou nié ici est que l’esprit puisse, en tant que
quelque chose de substantiel, s’expérimenter directement comme quelque
chose de substantiel. L’esprit, bien entendu, ne s’expérimente pas en tant que
substance, ce qui signifie que, lorsque vous regardez la nature de votre esprit,
vous ne faite l’expérience d’aucune caractéristique substantielle. Lorsque vous
expérimentez l’esprit, vous n’expérimentez pas ce que Shantideva et
Chandrakirti disent ne pouvoir être expérimenté. En fait, il n’y a ici aucune
contradiction. Lorsque vous regardez les pensées ou l’esprit lui-même, ce que
vous expérimentez c’est la nature de ces pensées, la nature de cet esprit, qui
est le vide. Vous n’expérimentez pas une présence substantielle. Vous
expérimentez quelque chose qui est au-delà de l’élaboration, au-delà d’une
quelconque sorte de conceptualisation. Mais puisqu’il s’agit de la capacité
innée de connaissance, nous la caractérisons comme une unité de vide et de
connaissance lucide. Ainsi le contexte dans lequel Tilopa, dans le Mahamoudra
Upadesha, affirme que l’esprit peut se connaître, et utilise le terme conscience
individuelle, et le contexte dans lequel Shantideva et Chandrakirti disent que
l’esprit ne peut se connaître et ainsi réfutent le terme de conscience
individuelle, ces deux contextes sont distincts l’un de l’autre. Cette distinction
devait être faite. Lorsque votre esprit se regarde il ne voit rien, mais ne
voyant rien, il expérimente sa propre nature.
Le texte continue : La base de tout est non-née, et à l’intérieur de cette
base du tout non-née, abandonne ou renonce aux habitudes, aux
mauvaises façons de faire, et aux obscurantismes.
Le terme « base de tout » est utilisé, par exemple, dans la tradition du Tout
Esprit pour faire référence à la conscience base de tout [Sanskrit : Alaya ;
tibétain : kun shi] qui est la base de tout dans le samsara, pour tous les
1
Note de l’éditeur : càd. Mahamoudra.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 60 Khenchen Thrangou Rinpoché
phénomènes impurs. C’est utilisé ici de façon différente. C’est employé pour
faire référence à la base de toutes choses, la nature de toutes les choses. Et
la base est l’absence d’une véritable naissance, c’est la qualité de non-né, qui
est le vide. Et dans cette reconnaissance de cette nature, toutes les
habitudes, et ainsi de suite, sont épuisées ou dissoutes. Le texte poursuit en
disant, Ainsi, ne fixe, ni n’évalue. Reste dans l’essence du non-né ou
dans la nature du non-né.
Encore une fois, si vous vous débarrassez des concepts et expérimentez
directement la nature de votre esprit, sans l’observer conceptuellement ni
essayer de le caractériser, ni même estimer qu’il soit telle ou telle chose, vous
resterez apaisé à l’intérieur de cette nature elle-même, appelée ici la nature
du non-né. Le texte poursuit, Dans cet état, les apparences sont
clairement visibles ; mais à l’intérieur de cette expérience de claires
apparences fait que les concepts s’épuisent ou se dissolvent.
Cela ressemble fort à ce à quoi il était fait référence au sujet du fait
d’autoriser les apparences à être simplement ce qu’elles sont. En d’autres
termes, lorsque vous faites l’expérience de ces apparences, elles sont
extrêmement intenses, parce que leur intensité n’est pas diminuée par
l’implication de la conceptualisation. Parce qu’il n’y a pas de conceptualisation,
il y a épuisement de la projection produite par les concepts. De cette façon,
faire l’expérience de votre esprit est la racine des expériences. Ainsi en ne
conceptualisant pas l’expérience vous devenez libre des liens ou des chaînes
que cette conceptualisation produit.
Ensuite, Tilopa résume de nouveau en quatre lignes la vue, la méditation, la
conduite et le mûrissement. Rappelez vous qu’il l’a déjà fait quelques vers
avant celui-ci. [voir lignes 74-77] La différence entre son résumé précédent et
celui-ci est que le précédent est essentiellement un résumé de la vue, de la
méditation, et ainsi de suite, de façon à être compris par un pratiquant de
mahamoudra débutant. Il résume ici ces quatre du point de vue du point
culminant de la voie, le mûrissement. Le premier est, La complète
libération de tous les concepts extrêmes est le suprême monarque de
la vue.
En d’autres termes, lorsqu’il y a libération finale et complète de la
conceptualisation de quoique ce soit, ou de la nature de l’esprit, c’est le
suprême monarque de la vue. Ensuite, L’immensité sans limite est le
monarque suprême de la méditation.
En d’autres mots, il y a méditation libre de toutes limites quelle qu’elles soient
dans n’importe quelle circonstance. Ensuite, Etre sans direction et
complètement impartial est le suprême monarque de la conduite.
Et finalement, L’auto-libération au-delà des attentes ou des espérances
est le résultat suprême ou le fruit.
Ce qu’on entend par auto-libération au-delà des attentes ou des espérances
est que l’auto-libération consiste à expérimenter directement ou reconnaître la
simple nature de toutes choses. Ainsi, il n’y a pas d’espoir de libération à
partir du moment où il est reconnu que les choses sont auto-libérables.
Ensuite, Tilopa décrit les expériences des pratiquants des trois niveaux. Les
trois niveaux sont : lorsque vous commencez à pratiquer la méditation,
lorsque vous êtes entraîné à la pratique de la méditation, et lorsque vous avez
réalisé la pratique de la méditation. Les analogies qu’il donne sont autant
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 61 Khenchen Thrangou Rinpoché
valables pour la pratique de la tranquillité ou shamata que pour la pratique de
la perception ou vipashyana et peuvent aussi être appliquées à la pratique
intégrée shamata/vipashyana. Il dit, Pour un débutant l’esprit est comme
une rivière à fort courrant coulant dans un lit ou un défilé étroit.
Le sens de cette phrase est que lorsqu’on commence à pratiquer la
méditation, que cela concerne la tranquillité ou la perception, il y a peu de
calme dans l’esprit. On expérimente beaucoup d’agitation et de nervosité. Il
pourra exister des moments de calme mais ils seront probablement suivis par
une encore plus grande quantité de pensées. C’est expliqué dans tous les
commentaires sur la méditation comme une expérience dans laquelle les
débutants penseront qu’en fait il y a plus de pensées apparaissants dans leur
esprit qu’il y en avait lorsqu’ils ne pratiquaient pas la méditation. En fait, ce
qui arrive c’est qu’ils ont libérés suffisamment d’espace grâce à la technique
de méditation qu’ils sont en fait pour la première fois conscient de la quantité
de pensées existant en permanence dans leur esprit. En réalité ce n’est pas
qu’il y ait plus de pensées, mais néanmoins il semblera à cette personne qu’il
en soit ainsi. Ensuite le texte dit, Au milieu ou après, elle devient comme
le courrant tranquille du Ganges.
La rivière Ganges n’a pas d’énormes vagues ou de turbulences, mais elle a du
courrant. Elle est remuante. Ainsi quand quelqu’un acquiert de la pratique
dans la méditation il expérimente son esprit comme n’étant pas encore
apaisé, possédant encore un flot de pensées plus ou moins constant, mais
sans la turbulence et l’agitation incontrôlée qu’il expérimentait auparavant.
Finalement il dit, à la fin, c’est comme la dissolution des rivières dans
l’océan, ou comme la rencontre entre la mère-océan et les rivières-
enfants.
Et cela fait référence à un moment dans la pratique où, du point de vue de
shamata, il existe un tel calme et une telle tranquillité que l’esprit est devenu
immobile. Et du point de vue de vipashyana, à cause du calme, il existe une
clarté plus ou moins constante parce qu’elle n’est pas réduite ou obscurcie par
une quelconque sorte d’agitation dans l’esprit.
Ensuite le texte donne des méthodes pouvant être utilisées par des débutants
trouvant que la seule ou simple technique consistant à regarder directement
l’esprit est insuffisante. Il est dit dans le texte, Ceux d’intelligence moins
vive, si ils pensent ne pas pouvoir rester dans cette état, peuvent
appliquer la technique de la respiration et augmenter l’essence de la
conscience, et au travers de plusieurs techniques ou disciplines tel
que la contemplation et la rétention de l’esprit, augmentant
l’attention jusqu’à ce qu’il reste reposé.
Ces différentes techniques sont données pour la pratique de shamatha, tout
simplement si votre esprit ne restait pas tranquille sans une quelconque
technique. Et elles sont données en référence à la pratique de l’union
shamatha/vipashyana, lorsqu’il vous semble que, puisque votre esprit ne
reste pas tranquille, il y a trop de fluctuation dans la clarté de la perception,
qui vous empêche de garder une clarté constante. C’est une expérience
habituelle pour des débutants d’entrevoir la nature de leur esprit à travers la
pratique de la méditation, mais aussi de trouver que ces aperçus sont
immédiatement suivis par quelque distraction, et immédiatement perdus.
Dans le cas de professeurs extraordinaires enseignants à des élèves
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 62 Khenchen Thrangou Rinpoché
extraordinaires, il peut être simplement suffisant pour le professeur de
montrer directement la nature de l’esprit à l’étudiant, faisant que l’élève soit
capable de s’arrêter dessus, et qu’ainsi cela permette de progresser. Mais
souvent, même lorsque l’étudiant obtient une certaine reconnaissance au
moment de l’indication, c’est probablement si fragile et instable, et dépendant
de la présence du professeur au moment de l’indication, et ainsi de suite, qu’il
est très difficile pour eux de travailler avec de façon pratique, auquel cas il
peut être nécessaire d’utiliser quelques techniques en support, comme celles
suggérées ici. Ces techniques sont généralement utilisées pour augmenter à la
fois la tranquillité et à la fois le calme de l’esprit, ainsi que la clarté et la
lucidité de la perception.
La première chose dont il est fait mention est l’utilisation de la technique de
respiration. Cela peut signifier plusieurs choses. Cela peut signifier observer la
respiration. Cela peut signifier compter les respirations, par exemple, comme
indiqué dans Pointant sur le Dharmakaya – comptant chaque respiration au
moment ou elle passe par les narines. Et cela peut signifier de retenir la
respiration de différentes façons. Une des façons de retenir ou d’utiliser la
respiration est appelée le renouvellement vajra, dans laquelle on régule
l’expiration afin que la période d’inhalation, une courte période de rétention et
la période d’exhalation soient de même durée. Une autre identifie l’inhalation
avec le son OM, la rétention avec le son AH, et l’exhalation avec le son HUNG.
Cela peut se coordonner d’autres façons comme HUNG AH OM, et ainsi de
suite. La véritable coordination varie avec chaque tradition. Ou bien il peut y
avoir la technique plus vigoureuse de la respiration en vase, dans laquelle l’air
qui a été inhalé est vigoureusement retenu en dessous du nombril, et ainsi de
suite.1 La fonction de toutes ces techniques utilisant la respiration est de
permettre à l’esprit du pratiquant de se calmer et de cette façon d’installer la
clarté de la perception. Le fait de faire ressortir ou d’exposer l’essence de la
conscience est aussi mentionné dans la même ligne de texte. Ici la conscience
fait référence à la double faculté d’attention et d’éveil, qui, comme nous
l’avons vu précédemment dans la citation de Dakpo Tashi Namgyal, pour le
pratiquant de mahamoudra, a besoin d’être pointue et claire. Par conséquent
il peut être utile d’aiguiser intentionnellement votre attention par de petites
périodes d’environ une minute ou deux, ou trois ou quatre au cours d’une
session de méditation plus longue. La raison pour laquelle cela peut aider c’est
que si vous cultivez la faculté d’attention aiguisée et alerte, vous serez libre
de distraction, parce qu’à partir du moment où vous perdez l’attention vous
devenez immédiatement distrait.
Ensuite, le texte parle de l’utilisation du regard fixe et des façons de maintenir
l’esprit. Ces techniques font référence à des remèdes aux défauts qui se
produisent pendant la méditation. Il y a, bien entendu, beaucoup de défauts
qui peuvent apparaître pendant la méditation, et qui portent différents noms,
tel que les cinq défauts du samadhi, et ainsi de suite. Pour que le pratiquant
les reconnaisse facilement lorsqu’ils arrivent, et puisse leur appliquer un
1
Note de l’éditeur : Cette technique ne doit définitivement pas être utilisée sans une
instruction formelle et le guidage d’un lama qualifié, qui a appris et pratiqué celle la ou une
technique similaire en stricte accord avec les traditions de la lignée. Sinon, il existe le danger
d’endommager sa santé et sa raison.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 63 Khenchen Thrangou Rinpoché
remède, il peuvent tous principalement se résumer à deux, la torpeur et
l’agitation. La torpeur est un état d’esprit dans lequel vous vous sentez
endormi ou inactif ou dépourvu de clarté mentale. L’agitation est un état dans
lequel votre esprit n’est plus sous contrôle. Votre esprit est sauvage, excitée,
et partout à la fois. Il vous faut prévenir ces deux défauts, ou y remédier. Le
premier remède consiste à pratiquer le regard fixe. Lorsque vous êtes affligé
par la torpeur, alors vous relevez le regard, vous regardez vers le haut, et
vous ouvrez aussi vos yeux assez largement. D’un autre coté, lorsque vous
êtes affligé par l’agitation vous regardez vers le bas et maintenez les yeux à
moitié fermé. Une autre technique pour maintenir l’esprit est l’utilisation de la
visualisation. Si vous êtes affligé par la torpeur vous pouvez visualiser une
goutte ou une sphère de lumière blanche et pensez que cela s’élève à travers
votre corps jusqu’au sommet de votre tête, puis gardez votre esprit à cet
endroit. Et si vous êtes affligé par l’agitation ou l’excitation, vous pouvez
visualiser une sphère ou une goutte d’une lumière noire et pensez qu’elle
descend jusqu’à votre assise ou votre coussin de méditation puis gardez votre
esprit à cet endroit.1 Une autre façon de maintenir l’esprit est, par exemple,
lorsque affligé par la torpeur, vous vous rappelez des qualités du Bouddha ou
des bodhisattvas, vous vous rappelez les bienfaits de mahamoudra, et ainsi de
suite. Et lorsque affligé par l’agitation ou l’excitation, vous vous rappelez les
défauts du samsara, vous contemplez l’impermanence, et ainsi de suite.
Toutes ces techniques sont à appliquer lorsqu’elles semblent nécessaire, à la
discrétion du pratiquant, en fonction de ce qui se passe dans sa pratique. Et
ce que vous faites ainsi c’est, comme le dit le texte, travaillant la tension
ou l’effort jusqu’à ce que la conscience se pacifie en cet état ou en sa
nature.
Ce que vous faites c’est utiliser un effort intentionnel ou l’effort conscient
additionnel d’attention et d’alerte pour ramener la conscience dans l’état
méditatif.
La prochaine stance décrit une autre méthode qui peut être utilisée pour
rehausser la pratique de mahamoudra. Elle est destinée à ceux qui possèdent
une pratique stable mais ne sont pas capable de finaliser l’intense sagesse de
mahamoudra. Le texte dit, Si tu t’en remets au karmamoudra, la sagesse
de la félicité et du vide apparaîtra. Entre en union en ayant consacré
l’upaya pour la méthode et la prajna pour le savoir. Doucement laisse
le tomber ou descendre, enroule le, retourne le, et dirige le à sa
véritable place. Finalement étends le ou fait qu’il infiltre tout ton

1
Note de l’éditeur : cf Shenpen Ösel, Vol. 1, No. 2, pages 19-20 : « … lorsque vous
expérimentez la torpeur, vous pouvez visualiser dans votre cœur, en fait dans votre corps au
niveau du cœur, un blanc, à quatre pétales, très, très lumineux et brillant ; au centre de ce
lotus est une toute petite sphère de lumière blanche. Puis, l’ayant visualisé, vous pensez que
la sphère de lumière monte par le centre de votre corps et s’expulse au sommet de votre
tête. Cette visualisation est très utile pour disperser la torpeur … dans [le cas de l’agitation]
visualisez que ce lotus à quatre pétales dans votre cœur est de couleur noire, et que la petite
sphère de lumière en son centre est aussi noire. Mais cette fois, au lieu de monter, vous
pensez qu’elle, la petite sphère de lumière, descend du lotus, et passe par le milieu de votre
corps, sort par le bas, et continue à descendre, dans le sol ; et cela aidera fortement à vous
calmer. »

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 64 Khenchen Thrangou Rinpoché
corps. Si il n’y a pas d’attachement ou de désir, la sagesse de la
félicité et du vide apparaîtra.
Il s’agit d’une technique supplémentaire qui est utilisée dans le but de
rehausser ou d’intensifier la sagesse de mahamoudra. Cette technique,
appelée karmamoudra ou le sceau de l’action, a deux styles ou variétés de
pratique. Elles sont appelées la porte supérieure ou passage supérieur et la
porte inférieure ou passage inférieur. La porte inférieure ou passage inférieur
est très dangereux, ainsi très peu de gens le pratique véritablement. Il y a
quelques grands yogis ou yoginis qui le font, mais la plupart ne le font pas. 1
Ce qui est plus communément pratiqué dans cette approche karmamoudra est
le style de pratique porte supérieure ou passage supérieur, la pratique de
chandali [Sanscrit] ou tummo [tibétain] comme on le trouve par exemple
dans les six Dharmas de Naropa. Ce qu’implique essentiellement cette
technique c’est l’utilisation des canaux pré existants, les vents, et gouttes à
l’intérieur de votre corps physique afin de produire ou de permettre
qu’apparaisse la sagesse de la félicité et du vide. L’avantage essentiel qu’on
en tire est que dans la pratique fondamentale ou centrale de mahamoudra, la
sagesse de mahamoudra est l’union de la connaissance lucide et du vide. Ici la
même sagesse apparaît de façon un peu différente, à cause de la différence
de technique. Au lieu que ce soit d’abord lucidité et vide, c’est d’abord
béatitude et vide, à cause de la technique physique. Essentiellement, ce qui
arrive c’est que la félicité physique apparaît dans votre corps, puis, en
regardant la nature de celle-ci, qui est le vide, vous expérimentez ou réalisez
l’unité de la béatitude et du vide. De manière plus détaillée, à travers une
application correcte des canaux pré existants, vents, et gouttes à l’intérieur de
votre corps physique, vous générer un type spécial de chaleur ou
d’échauffement. Et cette chaleur ou échauffement produit une sensation et
un effet de béatitude. Cette félicité devient l’environnement ou la base pour la
réalisation ou l’expérimentation du vide. La technique implique des
visualisations telles que la boddhicita gouttant de la syllabe HAM visualisée au
sommet de la tête et le chandali flambant à partir de la lettre AH visualisée
sous le nombril. C’est ce que le texte décrit lorsqu’il dit laisse le tomber ou
descendre, enroule le, retourne le, et ainsi de suite. Tous les détails de cette
technique, comment la réaliser, sont normalement expliqués dans les sessions
des longues retraites, comme celle de trois ans, et ainsi de suite. ** Ce qui est
de la plus haute importance quelque soit la forme de karmamoudra – que ce
soit la version de la technique du passage du haut, ou celle du passage du
bas – c’est qu’il n’y ait aucun désir pour la béatitude, ce qu’il n’y ait aucun
attachement pour elle. Le but, bien entendu, est d’utiliser la béatitude en tant
que base à la réalisation du vide. Ainsi si il n’y a pas d’attachement à la
béatitude, vous verrez son aspect vide, et comme le texte le dit, la sagesse de
la béatitude et du vide apparaîtra. La stance suivante décrit les résultats ou
bénéfices de la pratique de mahamoudra. Les véritables mots utilisés pour les
1
Note de l’éditeur : L’utilisation du passage inférieur de karmamoudra fait en réalité
référence à l’utilisation de l’union sexuelle en tant que voie vers l’illumination.

**
Note de l’éditeur: De même que pour la respiration en vase, cette pratique ne devrait pas
être essayée sans les instructions et le guidage d’un lama qualifié.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 65 Khenchen Thrangou Rinpoché
décrire sont assez clairs, mais vous devez comprendre qu’il y a souvent un
sens caché dans les présentations des mantras secrets, y compris dans celui-
ci. Il y a un sens littéral et un sens cache dans ce que dit le texte, Tu
posséderas une longue vie sans cheveux blancs et tu resteras aussi
bien portant que la lune montante. Ton teint sera radieux et tu seras
aussi puissant que le lion. Tu atteindras rapidement les siddhis ou
accomplissements ordinaires, et tu finiras aussi par atteindre le
suprême siddhi.
Le sens littéral est qu’à travers la réalisation de mahamoudra vos canaux et
vents sont redressés ou corrigés, ce qui a pour résultat de vous rendre en
bonne santé, de telle façon que vous ayez une vie longue sans cheveux blancs
et toutes ces autres choses qui ont été mentionnées. Le sens caché c’est que
lorsqu’il parle d’une longévité inchangée, libre des signes de l’age, tel que les
cheveux blancs, il fait référence à la réalisation inchangée de Vajradhara.
Lorsqu’il parle d’être aussi sain que la lune montante, il fait référence à la
sagesse complètement étendue de mahamoudra. La sagesse dans ce cas est
prajna, qui peut être le savoir ou la perception venant de l’écoute, de la
contemplation, ou de la méditation. Il fait référence ici à la sagesse qui vient
de la méditation, spécialement la réalisation de la vraie nature à travers la
pratique de mahamoudra. Votre sagesse sera stable et lumineuse. Et lorsqu’il
dit que vous serez aussi fort qu’un lion, il veut dire que vous posséderez la
qualité peu commune de bouddha, qui sont les dix énergies, la quadruple
intrépidité et ainsi de suite.1 Les deux dernières lignes du texte lui-même sont

1
Note de l’éditeur : Les dix énergies, les quatre intrépidités, les dix huit qualités
distinctives, etc. d’un être parfait sont discutées dans L’Immuable Nature, le Mahayana Uttara
Tantra Sastra, par Arya Maitreya et Acarya Asanga, dans le chapitre appelé, « Six Points
Vajra – Les Qualités de la Bouddhéité . » Les dix énergies du parfait savoir sont 1) le parfait
savoir de l’approprié et de l’inapproprié, faisant référence à un résultat approprié
correspondant à la nature d’une action, et au résultat inapproprié, qui en fait lacune ; 2) le
parfait savoir de la complète maturation des actions ; 3) le parfait savoir des différentes
sortes de facultés des êtres ; 4) le parfait savoir de leurs différents tempérament ; 5) le
parfait savoir de leurs désirs ; 6) le parfait savoir des voies qui mènent partout ; 7) le parfait
savoir de la stabilité méditative, etc. – celle qui n’est pas tachée par les effets négatifs ; 8) le
parfait savoir de la mémoire des états précédents ; 9) le parfait savoir de la vision divine ; et
10) le parfait savoir de la paix – la façon d’éliminer l’impureté. Ces dix énergies sont dites
être comme un vajra parce qu’elles pénètrent l’armure de l’ignorance, fracassent ses murs, et
abattent ses arbres. Parce que, lorsque l’illumination est atteinte, tout ce qui est à purifier à
été purifié et tout ce qui était à réaliser est réalisé, les bouddhas sont parés de quatre
intrépidités : 1) l’intrépidité du savoir de leur parfaite illumination en regard de tous les
domaines phénoménaux ; 2) l’intrépidité dans l’enseignement des obstacles et du moyen de
les arrêter ; 3) l’intrépidité dans l’enseignement de la voie ; et 4) l’intrépidité dans
l’affirmation de l’achèvement de la cessation de la souffrance. Les Bouddhas peuvent
véritablement parler aux autres de leur propre réalisation et le faisant ne pas en être affecté,
1) parce qu’eux même savent et aident les autres à connaître chaque aspect de la
connaissance ; 2) parce qu’ils ont eux même renoncé et aident les autres à renoncer à ces
choses qu’il faut renoncer ; 3) parce qu’ils enseignent et font savoir ce qui doit être su ; 4)
parce qu’ils ont atteint et aident les autres à atteindre les réalisations les plus parfaitement
immaculées. Dans cette considération, « qu’est ce qu’il y a à faire » est la vérité de la
souffrance ; « qu’est ce qu’il faut abandonner ,» karma et kleshas, est la vérité sur l’origine
de la souffrance ; « sur quoi peut on se baser, » qu’est ce qui doit être su, est la vérité sur la
voie ; et « le but à atteindre » est la vérité sur la cessation.
Les dix huit qualités distinctives des bouddhas sont 1) les bouddhas ne font pas d’erreurs, 2)
ils ne bavardent pas bruyamment, 3) leur attention n’est jamais prise en défaut, 4) leur esprit
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 66 Khenchen Thrangou Rinpoché
un vœu. C’est l’aspiration qui est l’intention ou désire avec lesquels Tilopa
accompagne ses instructions. Il dit, Puissent ces instructions sur les
points essentiels de mahamoudra, rester dans le cœur des êtres
estimables et fortunés.
En d’autres termes, son vœu est que ces instructions atteignent et soient
absorbées et comprises par ceux qui vont les pratiquer. Et lorsqu’il parle de
ces instructions, qui sont les points essentiels de mahamoudra, il veut dire
que ce qu’il a présenté ici est le point essentiel ou l’essence et la technique
centrale de toute la pratique de mahamoudra.
A la suite de cela il y a le colophon, qui dit, Ceci a été donné, sur les bords
de la rivière Ganges par le Grand et Glorieux Siddha Tilopa, qui réalisa
Mahamoudra, au pandit du Kashmir, Naropa, qui l’à la fois étudié et
réalisé, après que celui-ci se soit engagé dans douze épreuves ou
austérités.
Il termine les vingt neuf stances des mots vajra de mahamoudra dit par
Tilopa. Tilopa les a dit à Naropa après la dernière des douze grandes épreuves
de Naropa. Naropa entreprit ce qui est appelé les douze austérités mineures
lorsqu’il cherchait Tilopa, puis, après qu’il ait trouvé, entreprit d’encore plus
grandes privations ou austérités. Après la dernière de celle-ci, Tilopa lui donna
ses instructions. Et finalement, l’affirmation d’où dérivait le texte tibétain,
Ceci fut traduit et retranscrit au nord de Pullahari par le grand Naropa
et le grand traducteur Tibétain, le roi de tous les traducteurs, Marpa
Chokyi Lodro.
Nous avons fini maintenant. Si vous voulez poser quelques questions, allez y.

Question : Pendant que Rinpoché discutait de karmamoudra, je pensais à


une envie d’offrir la béatitude comme mandala et me demandait si c’était de
l’attachement que de désirer posséder quelque chose que l’on désire, en
retour, offrir pour le bénéfice des autres. C’était la première question. L’autre
est, pendant que Rinpoché parlait de karmamoudra, je me suis rappelé un
yidam du vajrayana Shingon, vajrayana japonais, c’est izen yoho raga raja
vidi raja et je me demandais si Rinpoché connaissait l’équivalent tibétain de
raga raja vidi raja, et si vous pouviez dire quelque chose sur ce yidam.

n’est jamais non reposée dans la méditation, et 5) ils n’arborent pas des idées et des pensées
de différentes sortent ; 6) leur impartialité n’est jamais quelque chose de non délibéré ; 7)
leur puissante aspiration à aider les êtres n’est jamais sujet à dégradation, 8) ni leur
assiduité, 9) leur mémoire, 10) leur parfaitement pure et immaculée prajna, 11) leur
constante parfaite libération, ou 12) leur perception à travers la jnana [conscience
primordiale] de la parfaite libération, qui voit tous les aspects de ce qu’il y a savoir ; 13) les
actions de leur corps parfait sont précédées de jnana, 14) comme le sont les actions de leur
discours parfait, et 15) leur noble esprit ; 16) leur jnana n’est pas obscurcie par le passé, 17)
le présent, et 18) le futur. Parce que la bouddhéité est jnana ou la conscience primordiale,
alors l’activité de bouddha est l’activité spontanée de bouddha et est toujours précédée et
accompagnée par jnana. C’est pourquoi, toutes les trois activités – corps, parole, et esprit –
sont précédées et accompagnées par la conscience primordiale. Le parfait savoir des
bouddhas pénètre constamment et extensivement sans obstacle les trois temps. Ces dix huit
énergies ayant été réalisées, ces vainqueurs, les bouddhas, parés de la magnifiante
compassion, accomplissent, pour les êtres, un parfait et sans crainte tour de la grande roue
du véritable dharma. – Adapté de La Nature Immuable, par Arya Maitreya et Acarya Asanga,
publié en Ecosse par Karma Drubgyud Darjay Ling (Karma Kagyu Trust).

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 67 Khenchen Thrangou Rinpoché
Rinpoché : Concernant votre première question, normalement les choses que
nous offrons font partie du monde extérieur, ce sont des perceptions
communes aux différents individus. Vous offrez quelque chose comme toutes
les magnifiques fleurs qui existent dans le monde, toutes les vallées pleines
d’herbes médicinales, toutes les inspirantes et anoblissantes montagnes qu’il
y a dans le monde, et ainsi de suite. C’est un type d’offrande plus normal ou
standard qui serait inclus dans un mandala. Mais on n’offrira pas
particulièrement ses propres sensations, qu’elles soient plaisantes ou autres.
En ce qui concerne la déité du Bouddhisme Shingon que vous avez mentionné,
j’ai beaucoup de respect pour la tradition vajrayana japonaise et suis sur que
les sadanas, pujas de feu et autres pratiques qu’ils exécutent sont complètes
et authentiques, mais je ne connais pas en détail les déités spécifiques pour la
simple raison que je ne parle ni ne lis le japonais. Ainsi, je n’ai pas été
capable de véritablement apprendre quoique ce soit de précis sur les
traditions vajrayana du Japon, je dois m’en excuser ; je ne peux pas
véritablement faire de commentaire sur cette déité particulière.

Question : J’ai beaucoup de difficulté à comprendre comment regarder la


nature de l’esprit. Lorsqu’il y a des instructions dans le texte sur l’observation
des apparences externes sans les modifier, sans projection, est-ce la même
technique que celle que l’on utilise lorsqu’on regarde son propre esprit, et
sinon, quelles sont les véritables mécaniques pour regarder la nature de
l’esprit ?

Rinpoché : Ces deux techniques sont légèrement différentes. La différence


entre regarder directement les apparences et regardez directement la nature
de l’esprit est que, parce que nous avons une habitude sans commencement
du samsara, nous expérimentons les apparences externes comme
substantielles, et nous continuerons à les expérimenter comme si elles avaient
une existence substantielle jusqu’à un niveau extraordinaire de réalisation.
C’est très difficile de travailler avec les apparences externes au début dans la
méditation, parce qu’elles semblent si solides, ainsi il est recommandé dans
cette tradition de simplement les laisser de coté, puisqu’elles ne posent pas de
problème. Elles ne font pas particulièrement de tort ni n’apportent de secours.
D’un autre coté, votre esprit est manifestement insubstantiel, et vous pouvez
l’expérimenter en y cherchant une substantialité. Si vous trouvez difficile de
regarder directement l’esprit et de percevoir son insubstantialité, vous
pouvez, à contrario, choisir quelques caractéristiques substantielles et les
rechercher. Par exemple, vous pouvez chercher une couleur, chercher un
emplacement, cherchez une forme, chercher une taille, et ainsi de suite. Et si
vous le faites ainsi étape par étape, à un moment ou à un autre vous finirez
par expérimenter directement la nature insubstantielle de l’esprit.

Question : Rinpoché, j’ai deux questions, si je peux. La première concerne la


bonté et comment la bonté semble naître de l’espace. A travers votre grande
bienveillance et pas particulièrement mon mérite, j’ai quelqu’expériences et
compréhension de rester dans la clarté. Je me demande comment se fait il
que lorsqu’on repose véritablement l’esprit et qu’on réalise l’expérience de
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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 68 Khenchen Thrangou Rinpoché
l’insubstantialité, de l’immensité [qui en résulte], naît un sentiment pur et
tendre et un désir d’être plus prévenant pour les autres ?

Rinpoché : Cela semble bien. Dans l’Aspiration de Mahamoudra, le Troisième


Karmapa dit que les êtres dans leur nature sont toujours bouddha, mais parce
qu’ils ne le réalisent pas ils errent dans le samsara. On arrive naturellement à
ce type de compréhension en expérimentant la nature de son esprit. Lorsque
vous expérimentez jusqu’à un certain point la nature de votre esprit,
immédiatement vous en expérimentez le bénéfice à l’intérieur de vous. Et
vous réalisez aussi à cet instant que n’importe qui peut le réaliser, n’importe
qui peut avoir cette même expérience, cette même réalisation, et en tirer le
même avantage, parce que tous les êtres ont la même nature de l’esprit.
Puisque tous les êtres peuvent expérimenter cette même réalisation et ce
même avantage – possédant tous la nature de bouddha – mais ne
l’expérimentent pas, et ne le faisant pas, souffrent énormément, vous êtes
évidemment touché ou inspiré pour être compassionné. Cela semble toujours
aller de pair avec l’expérience de mahamoudra.

Question : Rinpoché, une faveur, si je peux le demander. Beaucoup de vos


étudiants, nos cœurs tellement pleins d’appréciation et d’amour pour vous, se
sentent si fortunés que vous nous ayez donné ces enseignements, que je me
demandais si vous nous permetteriez de l’exprimer de la façon limitée qui
nous est possible ? Pourrons nous dire la prière de longue vie pour vous après
les enseignements ?

Rinpoché : Certainement.

Question : Rinpoché, ce matin, si je me rappelle bien, vous avez dit que


Marpa avait dit que les deux plus importants aspects était le mélange et le
transfère, et je me demandais si vous vouliez bien dire quelques mots sur le
transfère.

Rinpoché : Ce dont je devrai véritablement parler, si nous avions le temps de


parler de choses en dehors du sujet, et ceci est toujours aussi hors sujet que
ce matin, est les huit consciences, parce que j’aurai aimé en parler en détail,
dans la mesure où je pense que cela aide à comprendre la pratique de
mahamoudra. Mais je n’ai pas de temps supplémentaire pour expliquer les
huit consciences parce que nous avons eu seulement cinq séances pour
étudier ce texte. Comme je n’ai pas le temps d’expliquer les huit consciences, 1
qui sont moins hors sujet que le transfère, je ne vais pas expliquer le
transfère, qui est complètement hors sujet. Si je devais expliquer en détail le
sens de chaque mot ou chaque référence que nous rencontrons dans une telle
explication, cela serait sans fin, et nous n’en avons pas le temps. Le transfère
lui-même est bien à pratiquer. Si vous le pratiquez et que vous en devenez
expérimenté, c’est bénéfique. Simplement le connaître ou entendre une

1
Note de l’éditeur: Pour une compréhension des huit consciences, voir Shenpen Ösel Vol. 1,
No. 2, pages 16-18.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 69 Khenchen Thrangou Rinpoché
explication n’est pas bénéfique. Je m’en suis excusé ce matin, et je m’en
excuse encore une fois cet après midi.

Question : Rinpoché, je voudrai poser une question sur la détente de l’esprit,


lorsque vous regardez l’esprit. Qu’est ce qui est précisément détendu, et est-
ce que la détente de l’esprit est quelque part liée avec le mérite et être
méritant de le faire.

Rinpoché : L’opposé au type de détente que nous suggérons ici est une sorte
de tension basée sur la crainte, tel que la pensée, « je ne peux pas penser, je
ne dois pas penser, je ne penserai pas, oh j’ai pensé, oh j’ai arrêté cette
pensée, je n’ai pas arrêté celle là, celle-ci s’est faufilée, » et ainsi de suite. Ce
genre d’attitude pendant la méditation transforme le tout en une bataille. Ce
qu’on entend par détente c’est une attitude pendant la méditation, et par
conséquent une conduite de la méditation, où, lorsque les pensées
apparaissent, vous les laissez simplement apparaître, et vous les observez
directement. Cela demande moins d’effort et aussi une autre sorte d’attitude
ou d’environnement pour la pratique. Comme pour la relation entre la faculté
de se détendre dans la méditation et l’accumulation de mérite, l’accumulation
de mérite est dans tous les cas utile dans tous les aspects de la méditation.
C’est toujours utile, et c’est pourquoi il est recommandé d’avoir terminé les
pratiques préliminaires avant de recevoir les instructions sur mahamoudra. En
faisant les prosternations vous avez augmenté votre foi et votre dévotion, qui
renforce votre engagement et implication dans la pratique. En pratiquant
Vajrasattva, vous avez supprimé quelques tendances qui étaient la cause de
pensées non contrôlées qui vous gênaient dans la pratique. En pratiquant
l’offrande du mandala, vous avez récolté des accumulations qui vous rendent
plus réalisable et faisable la pratique de mahamoudra, et par la pratique de
gourou yoga vous avez reçu la bénédiction du gourou, qui apporte
l’expérience et la réalisation. Toutes ces pratiques, liées aux accumulations de
mérites et à la sagesse, sont de multe façons utiles dans la pratique de
mahamoudra. Néanmoins, vous ne devez pas mal interpréter ces mots pour
leur faire dire que quelqu’un qui n’a pas terminé les pratiques ne peut pas
pratiquer mahamoudra. Ils le peuvent. C’est seulement que ces pratiques sont
très utiles. Vous êtes tous venus ici à cause d’un grand intérêt dans le dharma
en général et spécialement à cause d’une dévotion pour le profond dharma de
mahamoudra. Avec cette motivation, vous êtes venus ici et avez écouté ces
explications et posés des questions sur ce qui vous ne semblait pas clair, et
tout cela me réjouit. Je me sens fortuné d’avoir eu l’opportunité de prendre
part à cela, parce que, puisque je n’ai pas, seul, la véritable capacité de vous
rendre bénéficiaire avec ma seule énergie, néanmoins, ces mots du
Mahasiddha Tilopa sont complètement fiable et sans erreur. Je suis certain
qu’il y a un grand avantage à cela, spécialement parce que vous êtes des
pratiquants de la méditation, engagés, qui avez entrepris cette pratique et
essayez de l’emmener à sa fruitaison. Je suis satisfait de ce que nous avons
réalisé ici et l’ai fort apprécié, et je vous remercie tous de l’avoir rendu
possible.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 70 Khenchen Thrangou Rinpoché
M aintenant j’aimerai rapidement parler d’un de mes projets. Quand je dis
d’un de mes projets, je ne veux pas dire quelque chose qui soit
particulièrement à mon seul profit. J’ai créé une fondation ici qui s’appelle
l’Institut Vajra Vidya, dont le but est d’aider à garantir que ces enseignements
du vajrayana restent entiers, et si possible augmentent et fleurissent dans les
générations futures. La raison première de cette fondation est d’aider la
continuation du dharma. Comme chacun sait, le bouddhisme tibétain,
particulièrement, a été très touché par les évènements politiques de ce siècle.
Puisqu’il en est ici, nous devons faire un effort supplémentaire pour garantir
que notre tradition, et spécialement les instructions peu communes du
vajrayana et des textes qui les contiennent et des possibilités de les étudier et
de les pratiquer, soient préservées et maintenues entiers. Alors, pour faciliter
tout cela, j’ai fondé l’Institut Vajra Vidya. Au Tibet, les femmes ont eu bien
moins d’opportunités de pratiquer intensément que les hommes. Il y a
toujours eu moins de monastères pour les femmes que pour les moines. Et
même dans le cas où il y eu des monastères pour nonnes, le nombre et la
qualité des enseignements et de l’éducation offerts étaient généralement
moins intense et de moindre qualité qu’ils ne l’étaient pour les moines. Dans
le but de remédier à cette situation, j’ai créé l’Abbaye Tara pour femmes. Mon
aspiration en la créant fut qu’il exista une institution où les femmes puissent
avoir un accès systématique à un cycle complet d’étude et de pratique dans
notre tradition. John Fox connaît plus sur les détails de la Fondation Vajra
Vidya. Alors si vous êtes intéressé à aider, adressez vous mieux à lui. Toutes
les aides de quelques sortes qu’elles soient que vous pourrez donner seront
très appréciées.1
Maintenant j’aimerai dédier les mérites de ces enseignements et faire les
vœux, ce qui signifie que nous dédicacions la vertu que j’ai accumulée en
enseignant et que vous avez accumulé en écoutant le dharma à la libération
et la réalisation de mahamoudra par tous les êtres. Et aussi nous dédions tous
ces mérites de façon que ce monde soit libéré des guerres, maladies, et
famines jusqu’à ce que tous les êtres soient libérés, et aussi à la longue vie de
tous les tenants des enseignements, et particulièrement Sa Sainteté, le
Gyalwa Karmapa, et puisque vous le demandez, vous pouvez aussi récitez la
prière de longue vie qui me soit consacrée. Et maintenant faisons le.

1
Note du Traducteur: compte tenu du décalage entre cet enseignement et cette traduction
en français, la demande de Rinpoché a perdu sa pressente acuité. Néanmoins, pour plus de
renseignements sur l’Institut Vajra Vidya, contacter John Fox à Vajra Vidya Foundation, 6171
Riverdale Drive, Richmond, BC, Canada, V7C 2E7. Téléphone: 614-275-8277.

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Mahamoudra Upadesha Commentaire
Tilopa 71 Khenchen Thrangou Rinpoché

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