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de la méthode Montessori
Ouvrages de Maria Montessori
chez Desclée de Brouwer
Le manuel pratique
de la méthode Montessori
Manual practico del método Montessori,
traduit de l’espagnol par Charlotte Poussin
Troisième édition corrigée et notablement étayée par Maria Montessori en 1939,
à partir de la version anglaise originale de 1914, Dr Montessori’s own handbook.
Les photos en couleur ont été prises par Charlotte Poussin à l’école Montessori à Paris,
à l’école bilingue Montessori de Reuil-Malmaison et à l’ISMM, les photos historiques en
noir et blanc en annexe ont été fournies par l’AMI.
AMI
Le présent logo de l’Association Montessori Internationale (AMI) indique que la
traduction en français a été approuvée par un relecteur de l’AMI.
L’Association Montessori Internationale a été fondée par Maria Montessori en 1929.
Elle est dépositaire de l’histoire du mouvement Montessori, et de l’intégrité de l’héritage de
Maria Montessori. Ainsi, l’AMI se charge de veiller à l’articulation de la philosophie et de
l’application Montessori, afin de répondre aux besoins des enfants et d’influencer les
systèmes éducatifs dans un monde en mutation constante.
www.editionsddb.fr
ISBN : 978-2-220-08267-7
ISBN pdf : 978-2-220-08536-4
AVANT-PROPOS
À l’heure où les guides pratiques sur la méthode Montessori se multi-
plient, celui qui a été écrit par Maria Montessori elle-même se devait de voir
le jour en français, de façon inédite. Ce fut passionnant de le traduire en le
méditant, comme on soigne les détails d’une enluminure, car ce guide ne se
contente pas d’être pratique, il alterne les descriptions concrètes et les
réflexions fondamentales sur lesquelles repose la pédagogie Montessori.
C’est un guide intense, synthétique, qui a gardé toute son actualité au point
d’être force de réflexion et de proposition pour notre société, qui s’interroge
à juste titre sur son école républicaine, son fonctionnement et son avenir.
Il s’agit d’une version historique et j’ai fait le choix de présenter les deux
préfaces que Maria Montessori a rédigées pour ce manuel qu’elle a écrit deux
fois, dans deux langues. La première version fut écrite en anglais, suite à un
cycle de conférences qu’elle fit aux États-Unis et la seconde, largement en-
richie et étayée, en espagnol, alors qu’elle résidait en Espagne. Hasard de
l’histoire, ces deux parutions eurent lieu à l’aube des deux grands conflits
mondiaux du XXe, précisément en 1914 puis 1939. Cela explique certaine-
ment le fait que ce livre ait mis du temps à parvenir en France. C’est enfin le
cas aujourd’hui, plus de cent ans après sa première édition ! Cette traduction
a été faite depuis la version e spagnole, écrite il y a 78 ans, alors que Maria
Montessori avait déjà publié L’Enfant, et à une période où elle prononçait de
nombreux discours sur la Paix, donnant lieu à la parution de L’Éducation et la
Paix. On sent dans ce manuel que son but n’est pas uniquement de décrire le
matériel et les activités proposées par la pédagogie Montessori, mais bien
d’en présenter l’objectif fi nal : celui de servir la Paix, la sérénité de chaque
enfant devenant autonome grâce à la manipulation d’un matériel choisi dans
un environnement préparé et bienveillant, et l’apaisement qui en découle
entre lui et ses pairs, entre lui et l’adulte, pacifiant ainsi l’insidieux conflit de
générations auquel Maria M ontessori souhaitait ardemment mettre un terme.
Elle affirmait que l’éducation était la meilleure arme pour la Paix. De nos
jours, cette vision est d’une actualité saisissante, et sa prise en compte néces-
saire.
Autre particularité de ce livre, c’est le seul qu’elle ait illustré de photos
personnelles soigneusement choisies. Reprendre les photos équivalentes et
les mettre en parallèle avec les clichés historiques comme cela est fait en
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a nnexe, permet de mettre en lumière le fait qu’en dépit du siècle qui s’est
écoulé depuis l’ouverture de la première « Maison des Enfants », et malgré
toutes les évolutions de la méthode qui n’est ni figée ni passéiste, l’essentiel est
resté identique, ce qui à nos yeux en garantit la qualité. Car s’il est primordial
de faire évoluer les pratiques et de moderniser toute démarche pour qu’elle
s’améliore et soit adaptée à son temps, il n’est pas utile de réinventer la roue.
Les recherches actuelles en psychologie cognitive et en neurosciences
viennent aujourd’hui confirmer les intuitions de Maria Montessori qui
étaient déjà le résultat de démarches scientifiques. Et nous nous réjouissons
de ces démonstrations qui viennent corroborer nos convictions montesso-
riennes.
Le message de Maria Montessori est clair : il s’agit de considérer l’enfant
comme le guide de sa propre éducation. Qui mieux que lui-même sait ce qui
est bon pour son propre développement ? Il est le père de l’homme de demain.
Il s’agit simplement de lui faire confiance et de lui donner les moyens de deve-
nir lui-même. Maria Montessori écrit dans les pages qui suivent : « Aider la
vie ce n’est pas l’endiguer mais toujours chercher à en faciliter le développe-
ment ou à la protéger contre les dangers qui pourraient l’appauvrir ». Dans
l’éducation, « c’est donc l’enfant que nous devons considérer avant tout ; il
s’agit de le libérer des obstacles qui entravent son développement et de l’aider
à vivre. Une fois ce principe compris, on constate un changement radical dans
le comportement de l’adulte vis-à-vis de l’enfant ».
Charlotte Poussin
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PRÉFACE DE 1914
Si le rôle d’une préface est de mettre en lumière le contenu d’un ouvrage,
je choisis des personnalités plutôt que des mots pour illustrer ce petit livre
destiné à entrer dans des familles où grandissent des enfants. Je pense parti-
culièrement à deux personnes qui m’ont beaucoup appris par leur exemple et
qui, aux yeux du monde entier, sont des symboles vivants du miracle de
l’éducation : Helen Keller et Anne Sullivan Macy.
Helen Keller est en effet un merveilleux exemple d’un phénomène com-
mun à tous les êtres humains : l’éducation sensorielle offre la possibilité de
libérer l’esprit emprisonné de l’Homme. La méthode d’éducation que pré-
sente succinctement ce livre s’appuie sur ce fondement.
Si un seul sens a suffi à Helen Keller pour devenir une femme d’une culture
exceptionnelle et un écrivain remarquable, qui mieux qu’elle prouve le poten-
tiel de cette méthode d’éducation qui repose sur les sens ? Si Helen Keller a su
accéder à une conception élevée du monde, grâce à des talents naturels re-
marquables, qui mieux qu’elle illustre qu’au plus profond de chaque être hu-
main réside le potentiel qu’il a de se révéler lui-même ?
Chère Helen, serre ces petits enfants sur ton cœur, puisqu’ils te com-
prennent mieux que quiconque. Tout comme toi, lorsqu’ils explorent avec
leurs petites mains, les yeux bandés et en silence, des impressions profondes
s’élèvent dans leur conscience, et c’est avec une nouvelle forme de bonheur
qu’ils s’exclament : « Je vois avec mes mains. » Eux seuls peuvent pleinement
ressentir le mystérieux privilège que ton âme a connu. Lorsque, dans l’obscu-
rité et le s ilence, leur esprit est rendu libre de se développer et que leur éner-
gie intellectuelle redouble, ils deviennent capables de lire et d’écrire sans
avoir appris, comme par intuition ; eux seuls peuvent en partie comprendre
l’extase que Dieu t’a accordée sur la voie lumineuse de l’apprentissage.
Maria Montessori
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PRÉFACE DE 1939
Ce livre, écrit il y a des années, expose certains des concepts fondateurs sur
lesquels repose la pédagogie développée dans les Maisons des Enfants. Il se pro-
pose en outre d’aider les professeurs comme un guide pratique condensé.
La première édition fut dédiée à un célèbre professeur, qui fait encore à ce
jour la fierté des enseignants : Helen Keller, docteur couronné de lauriers par
l’université de Columbia. Excellent écrivain, sensible, Helen Keller est privée
des sens intellectuels auxquels ce livre se réfère constamment. En effet, elle
est malheureusement aveugle et sourde ; ce n’est qu’à travers le toucher qu’elle
peut communiquer avec le monde extérieur.
Helen Keller, qui symbolise l’origine même de l’éducation telle que nous la
préconisons, accorde au toucher et au sens musculaire un rôle éminent dans
le développement de l’intelligence de l’enfant. L’Homme n’apprend pas
seulement avec la tête ou le cerveau ; il apprend aussi avec la main, si l’on
considère le sens du toucher comme l’agent intellectuel qui coopère avec la
vue. Nous considérons la main, lors de l’activité, comme un organe qui
accompagne tout le processus de développement mental et facilite de manière
surprenante le développement de l’individualité de l’enfant.
Aujourd’hui, après des dizaines d’années d’expérimentation, la méthode
initiée dans les Maisons des Enfants s’est développée de façon inattendue, à
presque tous les niveaux de la culture. Les recherches en psychologie qui ont
été menées sur l’enfant et ses activités ont ouvert de vastes horizons sur la
compréhension de la nature humaine.
Ces conséquences ne doivent cependant pas nous faire oublier leurs sources.
Ces éléments fondamentaux seront toujours considérés comme la partie la
plus subtile, certaine et fascinante, de la longue histoire de nos travaux.
C’est pour cette raison que je n’ai pas jugé nécessaire de totalement réécrire
ce livre, ni d’y insérer des considérations sociales ou des lois de dévelop
pement psychologique, qui ont par ailleurs été dûment évoquées dans mon
récent ouvrage intitulé L’Enfant.
Maria Montessori
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REMARQUES
PRÉLIMINAIRES
Remarques préliminaires
L’erreur
À une époque révolue qui n’est pas si lointaine, on ne pratiquait pas
l’hygiène infantile comme on le fait aujourd’hui : comparer les mesures du
corps de l’enfant aux courbes de croissance, le nourrir de façon rationnelle,
veiller à la qualité de l’air, le protéger contre les insidieuses sources de mala-
dies… Ces savoirs restaient marginaux et n’étaient pas appliqués au quoti-
dien. L’adulte prenait l’enfant dans ses bras, le berçait, l’embrassait, le com-
blait de caresses, le nourrissait sans règle ni méthode, l’exposant
inconsciemment aux infections ; la mortalité infantile faisait par conséquent
des ravages.
De quoi se souciaient donc les adultes qui prenaient soin d’enfants ? Ils se
préoccupaient de les emmailloter dans des langes serrés pour que leurs petites
jambes se développent bien droites, ils ne leur ôtaient pas leurs bonnets afin
que leurs oreilles ne se décollent pas, ils leur touchaient continuellement le
nez pour qu’il ne soit pas proéminent. En un mot, toutes ces préoccupations
physiques occultaient la question centrale de la mortalité infantile.
Il en est de même aujourd’hui concernant la vie psychique de l’enfant.
Beaucoup de choses nous préoccupent : développer son intelligence, cultiver
ses sentiments et renforcer son caractère ; en revanche, nous ne soignons pas
l’essentiel, bien qu’il s’agisse d’une question de vie ou de mort, en tout cas
pour l’esprit (ou d’un point de vue psychique).
Nous ne considérons pas la question de la vie spirituelle ; la personnalité
de l’enfant reste complètement négligée et déconsidérée.
L’éducation et l’enfant
Concernant le traitement psychique de l’enfant, ce n’est pas de l’éduca-
tion mais bien de l’enfant lui-même qu’il faut se préoccuper ; d’autant que ce
dernier, en pratique, disparaît en tant qu’individu face à l’éducation ; et cela
n’est pas seulement le cas dans les écoles mais partout où se pose la question
de l’éducation : à la maison, en famille et dans tous les lieux où l’on prend soin
d’enfants et où l’on en a la responsabilité. On peut dire que, même dans les
mentalités, la question de l’éducation prend la place qui devrait être attribuée
à l’enfant.
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Remarques préliminaires
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Remarques préliminaires
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Remarques préliminaires
L’école
Cette conception transposée au lieu de vie collective de l’enfance que
nous appelons « École » se répercute immédiatement sur deux éléments :
la maîtresse et l’environnement.
« L’enfant » est à la fois la cause et le guide de cette transformation. Notre
objectif est de placer sa personnalité au centre, de le laisser « agir »,
de permettre, ou plutôt de faciliter un développement libre et harmonieux,
conformément aux lois de sa propre vie.
La fierté de la nouvelle maîtresse doit résider dans le fait d’avoir aidé
l’enfant à agir par lui-même et d’avoir favorisé son cheminement spontané en
supprimant les principaux obstacles qui auraient pu l’entraver. Son âme aspire
à l’humilité agissante et glorieuse de saint Jean, le précurseur : « Il faut qu’il
grandisse et que je diminue. »
La sagesse antique
Le succès de l’éducation nouvelle réside donc dans le fait d’aider les
grandes énergies vitales à agir et à s’exprimer. Ce concept n’est pas nouveau ;
bien au contraire, il s’agit de la plus ancienne conception théorique de l’édu-
cation. Le terme éducation signifie en effet faire jaillir, c’est-à-dire aider le
développement de ce qui est caché dans les mystères de l’âme, sachant que
l’intérêt de toute force potentielle est de réussir à s’accomplir. Il est évident
qu’une méprise s’est progressivement installée, au point de se cristalliser ces
derniers temps. Dans la pratique, l’éducation est réduite à une façon d’incul-
quer des notions dans l’intelligence de l’enfant, en perdant de vue le concept
même qui avait donné naissance au mot « éduquer ». C’est ainsi que nous
nous sommes habitués à désigner par le mot éducation le fait de « mettre »
plutôt que de « faire jaillir ». Par conséquent, la méthode que nous présen-
tons aujourd’hui, et qui dérange les conceptions actuelles, relève plus d’une
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Remarques préliminaires
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Remarques préliminaires
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Remarques préliminaires
Notre œuvre
Pour donner un aperçu de ce que représente ma méthode, on pourrait
p artir d’un phénomène semblable à celui de Pestalozzi, bien qu’il se soit
produit dans des circonstances très différentes, dans la Maison des Enfants,
il y a une trentaine d’années. Ce phénomène, outre le fait de s’être révélé,
nous a permis de fixer les conditions nécessaires à sa stabilité, en créant un
environnement favorable aux manifestations psychiques naturelles de l’en-
fant.
L’étude de l’environnement et des conditions extérieures nécessaires au
bon développement psychique se précise peu à peu. Cette étude soulève des
questions essentielles et détermine toujours mieux les éléments propices au
déploiement des énergies spontanées de l’enfant. C’est ainsi que nos écoles
sont devenues des officines, des laboratoires où s’étudie une nouvelle psycho-
logie, qui libère la personnalité de l’enfant de façon concrète, simple et
accessible à tous.
Nous avons démontré que l’éducation se trompait jusqu’alors, sans la
critiquer ni lui opposer de nouveaux idéaux. Nous avons juste rendu possible
une nouvelle éducation ; or il n’y a pas de preuve plus dénonciatrice de l’erreur
que de voir une solution alternative réussie et de constater ses bienfaits.
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Remarques préliminaires
La défense
Toutes sortes de gens plus ou moins instruits ont diffusé de nombreuses
interprétations erronées au sujet de la psychologie de l’enfant.
Les caractéristiques de « l’ancien enfant », incompris et inhibé dans une
ambiance semée d’obstacles, étaient considérées comme des caractéristiques
normales. Pourtant, la plupart du temps, il s’agissait seulement de manifes
tations de défense ou d’expression d’un affaiblissement spirituel. Celles-ci
étaient dues au fait que cette ambiance ne pourvoyait pas les moyens néces-
saires à son développement. De telles caractéristiques sont : l’instabilité de
l’attention, la vaine rêverie, l’incapacité de coordonner les mouvements à des
fins utiles amenant à des réactions telles que les caprices, colères, attaques
convulsives, etc. Beaucoup d’autres réactions de défense ou de déviation
peuvent se manifester comme l’égoïsme, l’attachement excessif à la propriété
de choses matérielles, la prépondérance accordée aux besoins du corps
humain, le mensonge, la timidité, la peur, etc. Tout ce qu’il y a de beau et de
grand dans l’âme humaine restait caché et refoulé, comme dans une réserve
oubliée. De cette manière, la personnalité de l’enfant demeurait inconnue.
L’enjeu concret de l’éducation consiste à fournir à l’âme de l’enfant un envi-
ronnement dépourvu d’obstacles. Les réactions de défense se dissipent alors et
les caractères de ce « nouvel enfant » se révèlent progressivement dans les
recoins de son âme.
L’environnement
Notre méthode a rompu avec les vieilles traditions. Elle a aboli le banc,
parce que l’enfant ne doit pas rester immobile à écouter les leçons que
prodigue la maîtresse. Elle a aboli l’estrade, parce que la maîtresse n’a pas à
donner de leçons collectives comme dans les méthodes habituelles. Ceci est
le premier acte extérieur d’une transformation plus profonde, qui consiste à
laisser l’enfant libre, de manière à ce qu’il agisse selon ses tendances natu-
relles, sans aucune contrainte obligatoire, ni programme quelconque, et sans
suivre les préceptes pédagogiques fondés sur les principes « hérités » des
anciennes conceptions scolaires.
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Remarques préliminaires
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Remarques préliminaires
nous, qui ne leur avions jamais donné l’occasion d’exercer ces activités de
manière habile et intelligente, c’est une véritable révélation, car auparavant,
lorsque l’enfant souhaitait utiliser autre chose que ses jouets, il entendait
aussitôt : « Tiens-toi tranquille ! Ne touche pas à cela ! », répété de façon plus
ou moins catégorique, à chaque fois que ses petites mains se dirigeaient vers
nos objets. Seuls quelques enfants défavorisés avaient le privilège d’imiter
(en cachette ou en usant d’une certaine ruse bien sûr) leur mère qui travaillait
dans la cuisine ou lavait du linge. C’est pourquoi dans les Maisons des E nfants,
où ils ont à leur disposition tant de petits objets simples, avec lesquels ils
peuvent faire un travail sérieux, jusqu’à mettre la table, servir le repas, laver les
assiettes et les verres, les jeunes enfants se trouvent dans un lieu de vie joyeux
dans lequel ils arrivent à se perfectionner, grâce à l’attirance qu’ils ressentent
pour ces objets presque sacrés qu’ils n’avaient auparavant le droit ni d’utiliser,
ni même de toucher. Ils apprennent à déplacer les objets sans les entrecho-
quer, à les déplacer sans les abîmer, à se nourrir sans se tacher, à se laver les
mains sans mouiller leurs vêtements. Ainsi, les objets pour lesquels on
craignait tant sont maintenus intacts malgré leur fragilité et le fait d’être à la
disposition des enfants, que la plupart considèrent comme des destructeurs.
Les principales raisons de l’immense succès que ma méthode a suscité
dans le monde entier sont : la joie que ressentent les enfants dans nos écoles,
le fait qu’ils s’appliquent à leurs activités et qu’ils maintiennent les objets qui
les entourent en bon état, au lieu de s’employer à des travaux qui poussent à
gaspiller autant d’objets que d’énergie (comme c’était le cas avec de nom-
breux travaux de Fröbel, aujourd’hui abolis, principale cause d’une myopie
diffuse durant l’enfance).
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Notre travail et notre proposition ne se sont pas contentés de procurer un
environnement et des occupations matérielles adaptées aux enfants, ils ont
aussi, par analogie, permis l’étude du développement intellectuel.
En bougeant continuellement, l’enfant apprend constamment. Notre plus
grande découverte fut justement cette nécessité que l’enfant a d’une activité
psychique concrète, aussi importante que son activité motrice. Par ailleurs, sa
manière d’apprendre ne peut être guidée pas à pas par l’adulte, parce que ce
n’est pas ce dernier mais bien la nature elle-même qui détermine ses diffé-
rentes aptitudes, en fonction de son âge. Ainsi, dans notre méthode, ce n’est
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Remarques préliminaires
pas la maîtresse qui guide l’enfant en choisissant pour lui les objets qu’il doit
utiliser (comme c’est le cas, par exemple, dans la méthode de Fröbel, avec ce
qu’on appelle les « dons de Fröbel »). C’est l’enfant lui-même qui choisit
l’objet qu’il utilise « selon ce que lui dicte son esprit créateur ». La maîtresse
cultive un nouvel art et, au lieu d’inculquer des notions dans l’esprit de
l’enfant, le guide dans son environnement en fonction de ses besoins inté-
rieurs, spécifiques à son âge. Il ne peut y avoir de développement intellectuel
sans exercice, ni d’exercice sans objets externes sur lesquels s’exercer. Il est
pour cette raison nécessaire de préparer pour l’enfant un environnement qui
lui offre des aides au développement (qui ont été déterminées lors d’expé-
riences scientifiques préalables). Il faut aussi laisser l’enfant libre d’évoluer
dans cet environnement, de sorte qu’il puisse se construire avec ces aides.
Chaque enfant exerce donc des choix et pratique des exercices avec du
matériel scientifique qui lui permet de progresser pas à pas.
Ce qu’il faut en retenir, c’est que la nature dote chaque enfant d’un instinct
qui guide son développement psychique et lui permet de réaliser des travaux
très importants avec enthousiasme et sans fatigue, selon son âge, travaux
qu’aucun maître n’aurait eu l’audace de lui demander.
La grande question
La grande question de l’éducation réside donc dans le respect de la person
nalité de l’enfant et dans le fait de laisser libre cours à son activité spontanée
au lieu de la contraindre et de la maîtriser. Mais, pour répondre à cette
question, il ne suffit pas de poser des principes qui pourraient avoir un effet
négatif, comme abandonner l’enfant à lui-même en le laissant suivre n’im-
porte quelle envie. Non, la réponse réside dans une construction positive qui
peut s’énoncer ainsi : pour laisser à l’enfant sa liberté d’action, il est nécessaire
de préparer en amont un environnement adapté à son développement.
Une telle réponse implique la recherche d’aides au développement néces-
saires et adaptées aux besoins psychiques de l’enfant. De cette manière
l’environnement assume une partie du travail qui, auparavant, incombait
exclusivement à la maîtresse ; et plus celle-ci laissera l’environnement jouer ce
rôle éducatif, plus l’enfant se développera de façon active et spontanée.
La maîtresse devient alors un trait d’union entre l’enfant et l’environnement.
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Remarques préliminaires
Elle soigne donc principalement cet environnement car elle en connaît l’im-
portance concrète et sait comment en tirer profit.
Préparer une ambiance psychologiquement adaptée au développement
de l’enfant est un travail scientifique qui fait penser à celui des laboratoires de
psychologie expérimentale, bien qu’il soit essentiellement différent. En effet,
dans les laboratoires de psychologie, la personne véritablement active est
celle qui expérimente et qui fait des essais sur les sujets qui se prêtent patiem-
ment à l’exercice, alors que dans l’environnement des enfants, ce sont ces
derniers qui choisissent eux-mêmes les objets sur lesquels ils interagissent
librement. La maîtresse est d’autant plus habile qu’elle parvient à faire en
sorte que sa volonté n’influence pas l’activité de l’enfant, car l’autre point
essentiel est de libérer l’enfant de l’oppression et du joug d’une volonté supé-
rieure, exercée par l’adulte sur le germe caché et délicat qui pousse depuis les
nébulosités de son subconscient.
L’enfant, dans son environnement, est comparable au germe vivant qui est
enfermé dans le cocon que, dans sa sagesse, la nature a conçu pour le protéger
et répondre à ses besoins vitaux.
Les locaux
Étant donné que l’enfant est extrêmement actif de nature, les locaux
doivent avant tout répondre à cette nécessité essentielle et donc offrir suffi-
samment d’espace pour que les enfants de la classe puissent se déplacer libre-
ment. Dans les méthodes traditionnelles, au contraire, l’espace correspondait
plus ou moins au nombre d’enfants assis ou debout et, par souci d’hygiène,
on prévoyait un volume, c’est-à-dire une hauteur de plafond adéquate, afin
que la classe contienne la quantité d’air suffisante pour éviter les dommages
dus à une atmosphère raréfiée, préjudiciable aux voies respiratoires. Dans
notre méthode, nous considérons plutôt la superficie de la pièce que son
volume – sachant que l’on peut ouvrir les fenêtres pour faire circuler l’air.
C’est pour cela qu’il faut autant d’espace libre que celui que tous les enfants
occupent lorsqu’ils sont assis, afin de faciliter le déplacement des personnes
et des objets. Ceci est la première différence entre la Maison des Enfants et les
autres écoles : l’environnement accorde plus d’importance à l’âme de l’enfant
qu’à son corps.
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Remarques préliminaires
Le nouveau concept
Une autre différence consiste à isoler les groupes d’enfants (les classes),
non seulement en leur affectant à chacun une salle, comme cela se fait dans les
écoles ordinaires, mais en faisant aussi en sorte qu’elles puissent fonctionner
de manière autonome et indépendante. Cela implique de diminuer la taille
des grosses écoles ordinaires où des centaines d’enfants s’accumulent dans
une promiscuité chaotique. Partout où il y a du terrain disponible et les
moyens économiques qui le permettent, il serait souhaitable de construire
pour chaque groupe d’enfants de véritables petites maisons isolées. On y
accéderait par de petits escaliers, il y aurait des petites fenêtres, dont les volets
permettraient à un enfant de trois ans de regarder à l’extérieur tout en étant
assis dans la classe, ainsi que des portes légères et de simples rideaux faciles à
ouvrir. Et si cet idéal n’est pas réalisable, il faut au moins faire en sorte que
chaque groupe soit indépendant des autres, de telle sorte que, tout en étant à
l’intérieur des mêmes locaux, il ne soit pas nécessaire que tous empruntent le
même escalier, partagent des salles communes, etc., en s’inspirant des m aisons
modernes qui se construisent de manière à ce que chaque famille ait au moins
sa propre entrée, un escalier et un jardin séparés de ceux des autres familles
vivant dans le même bâtiment. On peut ainsi améliorer la vie collective, parce
que si un groupe humain n’a pas la possibilité de s’enfermer dans ses propres
limites, il ne peut pas s’organiser, et les individus qui le composent ne trouvent
pas la tranquillité et l’ordre indispensables au développement de leurs
énergies.
De surcroît, il importe de disposer d’autres locaux, outre ceux des classes,
comme, par exemple, des petites pièces pour faire des salons de lecture ou de
repos, une cuisine, une salle à manger, des galeries, un jardin. Ces ajouts ne
sont pas indispensables mais utiles puisque nous cherchons à créer un lieu de
vie pour l’enfant, c’est-à-dire fonder « le monde » des enfants qui, jusqu’à
présent, n’étaient pas reconnus comme étant des petits hommes avec des
besoins plus délicats et plus importants que ceux des adultes. Quand il y a
plusieurs classes dans les mêmes locaux, une seule cuisine peut suffire,
pourvu que les repas soient servis à chaque groupe séparément pour que les
enfants aient la sensation d’être en famille et non dans la cantine d’une
auberge bondée. En ce qui concerne les petits salons, on peut couper les
angles avec des murets ornés de fenêtres fleuries, de manière à ce que les
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Remarques préliminaires
classes soient octogonales, ce qui est une forme plus esthétique et chaleu-
reuse que celle de l’inévitable rectangle qui nous accompagne du berceau au
tombeau.
L’aménagement
L’intérieur de la grande pièce de travail (la salle de classe) doit être joyeux
et agréable. De petites tables claires, de petites chaises légères, des guéridons,
des armoires, des étagères, des vases de fleurs, des tableaux, de petites statues
et des rideaux de couleurs variées, autant d’éléments qui forment le cadre
dans lequel on dispose des objets d’usage pratique. Ce matériel de travail
répond à une réelle et véritable nécessité indispensable, parce que ces objets
sont précisément ce qui permet à l’enfant de choisir une activité en se fixant
un objectif intelligent et formateur.
Le travail d’entretien
Le travail qui, selon notre expérience, se révèle être adéquat pour l’enfant
de trois à quatre ans, consiste à conserver les objets existants et non pas à en
produire d’autres. Les activités manuelles qui lui sont proposées ont été
sélectionnées entre les nombreux travaux nécessaires à l’entretien d’un
environnement propre et ordonné – comme, par exemple, balayer le sol,
épousseter, mettre les objets à leur place, etc. –, ou le soin de la personne et
l’hygiène – comme se laver, se coiffer, se vêtir ou se dévêtir – et, enfin, les
activités complexes par excellence : dresser la table, manger correctement,
débarrasser la table, laver la vaisselle et les couverts et tout remettre en ordre.
L’ordre
Les mots « remettre chaque chose à sa place » s’inspirent de l’un des
principes essentiels qui caractérisent notre environnement. En effet, remettre
chaque objet à sa place suppose qu’une place lui ait été préalablement
assignée. Mieux on remplit cette condition dans l’environnement, plus
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Remarques préliminaires
c elui-ci aura sur les actions des enfants le pouvoir ordonnateur qui lui est
propre. Cette indication suffit pour comprendre que l’environnement guide
l’ordre et l’organisation sociale.
Les limites
Il en découle une autre condition, purement psychologique, à savoir :
d éterminer la quantité d’objets que l’enfant utilise réellement dans ses activi-
tés et que sa mémoire est capable de localiser dans son environnement ; d’où
la nécessité de limiter la quantité d’objets présents. L’enfant qui entre dans sa
« Maison » pour travailler doit, pour ainsi dire, en avoir en tête une photo-
graphie exacte et expérimenter la satisfaction de déjà connaître tous les objets
et la place que chacun occupe. À partir de ce point, si plaisant et tranquilli-
sant, se forme la propriété intellectuelle de l’enfant étant donné que, à cet
égard, il possède en lui-même l’ambiance dans laquelle il est amené à vivre.
L’organisation
Toute action qui amène l’enfant à se servir des objets et, par conséquent,
à les déplacer, doit se terminer en les remettant non seulement à leur place
mais aussi en bon état et comme il les a trouvés. Ainsi, par exemple, après
avoir utilisé un tapis, il le brossera avant de le remettre à sa place ; et s’il a
mouillé une quelconque carafe en changeant l’eau des fleurs, il l’essuiera
ensuite soigneusement. Mais comme les objets qui lui ont servi pour essuyer
et b rosser ont aussi une place attitrée et qu’il faut les maintenir propres, les
actions s’enchaînent les unes aux autres, ce qui conduit l’enfant à organiser sa
propre pensée, qui est celle qui doit le diriger.
La simplicité
Les objets d’usage doivent être adaptés à l’enfant par leurs dimensions et
leur poids, mais aussi par la simplicité avec laquelle ils ont été conçus. Si les
chaises et les meubles étaient trop sophistiqués ou ornés, il serait difficile et
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Remarques préliminaires
La beauté
Il faut également prendre en compte la beauté et l’esthétique des choses,
qui ont une très grande importance. Tout objet, aussi insignifiant soit-il, doit
avoir son attrait particulier. Les chiffons qui servent à dépoussiérer, par
exemple, doivent être de différentes couleurs, bordés d’un ruban et munis
d’une boucle pour les suspendre à une accroche reluisante ou à tout autre
crochet, chacun devant pouvoir être rangé à une place distincte. Le moindre
balai doit avoir un joli manche, décoré avec des anneaux de différentes
couleurs ou avec des fleurs, pourvu qu’il soit attrayant ; et ce jusqu’à la pelle à
balayures qui doit être un objet aussi reluisant qu’un miroir, ou tout autre
instrument qui attire l’attention de l’enfant et l’invite à en prendre soin.
De la sorte, les motifs d’activité rationnelle, qui incitent l’enfant à atteindre
un but déterminé, l’entourent de toutes parts, et, pour ainsi dire, dotent les
objets d’une voix pour captiver son attention.
29
Remarques préliminaires
Le contrôle de l’erreur
Le fait que les meubles légers se renversent ou se déplacent au moindre
ouvement désordonné, que l’objet fragile se brise quand il tombe, que la
m
tache soit visible sur un fond clair, que la poussière ternisse le lustre d’un
meuble, ces faits donnent voix aux objets qui signalent qu’une erreur a été
commise. « Tu m’as détruit ! » dit le joli vase délicat qui a volé en éclats,
or l’enfant est aussi sensible à ce reproche que s’il avait brutalement été
réprimandé par le maître. Le vase brisé, gisant là, immobile, semble aussi faire
de la peine à l’enfant. Souvent, des pleurs inconsolables jaillissent alors, nous
avertissant, nous les adultes, que notre mission devrait alors se résumer à
consoler et réconforter. Lorsque l’adulte fait à ce moment-là un reproche à
l’enfant, son âme sensible risque de se rebeller, ce qui n’arrive jamais vis-à-vis
des objets passifs, inertes tels des victimes muettes ; or c’est justement cette
vulnérabilité qui touche les fibres les plus profondes et délicates de l’âme
enfantine.
L’élan intérieur
Il est surprenant de voir à quel point l’enfant s’intéresse aux exercices de
vie pratique. Il ne le fait pas comme nous le ferions nous ; il ne se contente pas
seulement d’atteindre le but externe qu’il s’était fixé ; nous le voyons souvent
nettoyer scrupuleusement un objet, cherchant de nouveaux angles et de nou-
veaux recoins à laver, faisant tout son possible pour faire durer ce n ettoyage.
Parfois, il cherche sous la table un peu plus de poussière que celle qu’il vient
d’épousseter. Il arrive que l’enfant semble déçu lorsque le vase qu’il astiquait
est devenu si brillant qu’il n’y a plus rien à nettoyer. Nous le voyons courir de
toutes parts vers ce qui est en désordre. La tache lui donne envie de la nettoyer,
sans même qu’il cherche à savoir qui l’a faite. Lorsqu’une chaise tombe, un
enfant accourt sans être responsable de ce désordre. Les enfants agissent alors
30
Remarques préliminaires
de façon consciencieuse, même s’il n’est pas certain qu’ils y soient pour
quelque chose. Un jour, un enfant se déplaçait en laissant tomber des gouttes
qui salissaient le sol ; un jeune enfant arriva aussitôt pour les nettoyer,
réprimandant en même temps l’auteur de ce dégât, mais dès que ce dernier
eut terminé de salir le sol, un autre lui dit : « Pourquoi ne mets-tu pas quelques
gouttes par ici ? » C’est évidemment le goût du travail qui motive l’enfant et
non l’objectif extérieur qu’il cherche à atteindre. Il nettoie, travaille avec soin
et patience, en proie à une impérieuse sollicitation intérieure qui le pousse à
agir. C’est l’enfant et non l’environnement qui éprouve le besoin d’une telle
activité. C’est l’enfant qui tient à manipuler des objets pour organiser et
coordonner ses mouvements. Poursuivre un objectif est une activité com-
plexe qui implique toute sa personne et permet son bon développement.
Le travail des enfants est de construire des hommes. Le but de leurs actions
externes est vital.
Ceci s’observe chez les enfants dès leurs premières années. Un jour, dans
le parc public de Rome appelé el Pincio, j’ai vu un jeune enfant, d’environ un
an et demi, magnifique et rieur. Il portait un seau vide et une petite pelle et
s’évertuait à recueillir des gravillons de l’allée pour remplir son seau. Il était
accompagné par une nourrice très soignée, enjouée, pleine de bonne volonté
pour prendre soin de cet enfant avec affection et sollicitude. Il était déjà
l’heure de rentrer chez soi et la nourrice exhortait patiemment le petit de
laisser son travail et de revenir dans la poussette. Mais, comme ces exhortations
restaient infructueuses face à l’obstination de l’enfant, elle se mit à remplir
elle-même le seau de petits cailloux, prit le jeune enfant dans ses bras, l’installa
dans la poussette et plaça le seau à côté de lui, convaincue qu’elle l’avait satis-
fait. Les hurlements de l’enfant et l’expression de protestation que je vis alors
sur son visage, face à la violence et à l’injustice, retinrent mon a ttention. Ce
que souhaitait le jeune enfant n’était pas que le seau soit plein de petits gra-
viers, mais faire lui-même le nécessaire pour le remplir, répondant ainsi à un
besoin intérieur. L’objectif qu’il poursuivait était sa formation intérieure. Le si
vif attachement au monde extérieur n’était qu’une apparence : il s’agissait
d’un élan vital impérieux. En effet, s’il avait rempli le seau, il l’aurait vidé aus-
sitôt pour recommencer à le remplir plusieurs fois, jusqu’à ce que cet élan soit
comblé.
Les enfants ne sont pas compris, parce que l’adulte les juge pour eux-
mêmes et, croyant qu’ils choisissent des buts extérieurs, les aide amoureuse-
31
Remarques préliminaires
La direction
On déduit de tout ce qui vient d’être exposé que, dans la Maison des
Enfants, conformément à son organisation, c’est une maîtresse bien préparée
qui dirige le développement des activités de l’enfant. Sa principale tâche
consiste à maintenir l’environnement dans un ordre parfait, en conservant les
objets intacts et en veillant à ce qu’ils soient correctement rangés. « Tout
objet a sa place spécifique, et tout objet doit retourner à la place qu’il
occupait. »
Une fois ce principe posé, le devoir de la maîtresse consiste à initier
progressivement les enfants à l’usage de tous les objets qu’il y a dans l’environ
nement. Parce que, bien que les enfants soient toujours désireux de faire
quelque chose et qu’ils aient à portée de main les objets les plus attrayants et
adaptés à leurs désirs, ils ne peuvent pas deviner la manière dont ceux-ci s’uti-
lisent. De cela découle la nécessité de l’initiation de chaque activité et de
chaque travail. Mais lorsque les enfants apprennent en observant ceux de leur
âge, ou lorsque les plus grands initient suffisamment les plus jeunes, la
maîtresse doit s’abstenir d’intervenir, satisfaite et certaine que sa discrétion
est la clé d’un plus grand succès.
Une fois initié avec suffisamment d’exactitude à un exercice, l’enfant n’a
plus besoin de leçons ni d’injonctions et continue son travail selon son propre
jugement, l’adaptant de temps en temps aux circonstances, tout comme nous,
les adultes, nous répétons les tâches coutumières et quotidiennes en oubliant
qu’on nous a jadis appris à les faire ou que nous les avons vu faire.
32
Remarques préliminaires
33
Remarques préliminaires
La pratique
La maîtresse qui s’est bien imprégnée de ces principes possède la clé pour
savoir comment procéder dans les premiers pas de l’éducation active.
Si l’on prive l’enfant de guide, il est désordonné dans ses mouvements, et
ce désordre est la caractéristique spécifique des petits. En effet, « ils ne sont
jamais calmes », « ils touchent à tout », ce que nous avons l’habitude de
qualifier de « travers et de méchanceté ».
Les adultes aimeraient leur interdire de faire ces mouvements, scandant
l’avertissement monotone et inutile : « Reste calme, ne touche pas à ça »,
tandis que l’enfant cherche dans ses divers exercices l’occasion d’organiser et
de coordonner les mouvements qui lui sont utiles en tant que petit d’Homme.
Nous devons par conséquent renoncer à la vaine tentation de réduire
l’enfant à l’immobilité ; il faut l’aider à organiser ses mouvements, en le
dirigeant vers des activités qui motivent ses efforts.
Tel est l’objectif de l’éducation motrice à cet âge. Une fois qu’on a orienté
l’enfant vers un objectif bien défini, ses mouvements sont ordonnés et il
grandit tranquille et content. Il devient ainsi un travailleur actif, un être
paisible et rempli de joie.
L’éducation des mouvements est l’un des principaux aspects de l’apparence
extérieure de la « discipline » que l’on observe dans les Maisons des Enfants.
34
Remarques préliminaires
1. Les cadres d’habillage ont été étoffés pour répondre aux vêtements contemporains et s’adapter aux
mécanismes actuels d’habillage (fermeture à glissière, velcro, boutons pressions, boucles etc.).
35
Remarques préliminaires
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Remarques préliminaires
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Remarques préliminaires
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Remarques préliminaires
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Remarques préliminaires
40
Remarques préliminaires
Le silence
À l’inverse de toutes les tentatives jusqu’alors réalisées dans les pratiques
é ducatives, l’exercice que je décris ici ne consiste pas à produire, mais à
éliminer tous les sons et les bruits, autant que faire se peut. Ma « leçon de
silence » a été très appliquée, même dans les écoles où le reste de ma méthode
n’a pas été exploitée. Cela s’explique sans doute par son effet pratique sur la
discipline des enfants.
Dans cet exercice, on enseigne aux enfants à ne pas se mouvoir ; à inhiber
leurs moindres impulsions motrices qui peuvent jaillir à tout moment et,
pour les inciter à cette réelle immobilité, on les initie au préalable à l’observa-
tion de tous leurs mouvements. Le maître ne se contente pas alors de leur
dire : « Restez calmes », mais il leur montre l’exemple, en se tenant lui-même
parfaitement calme, c’est-à-dire les pieds immobiles, les bras immobiles, la
tête immobile. Les mouvements respiratoires s’effectuent aussi sans produire
le moindre son.
41
Remarques préliminaires
La façon dont on termine cet exercice doit aussi être enseignée aux en-
fants. Il faut absolument pour cela être dans une position confortable, c’est-à-
dire une position d’équilibre. S’ils sont assis pour cet exercice, sur une petite
chaise ou au sol, ils doivent le rester jusqu’à la fin de l’exercice. Une fois
l’immobilité obtenue, on laisse la pièce dans une semi obscurité, ou bien les
enfants f erment les yeux, ou les recouvrent de leurs mains.
Il est facile de percevoir l’intérêt que les enfants portent au « silence » :
on voit qu’ils essayent spontanément de s’initier à quelque chose qui
ressemble à un commencement de méditation. Progressivement, chaque
enfant, en s’observant lui-même, devient de plus en plus calme ; le silence
s’installe au point de devenir absolu, comme le crépuscule qui descend peu à
peu jusqu’au moment où le soleil se couche.
C’est alors qu’on entend les sons les plus ténus, ceux qui étaient jusqu’alors
inaudibles : le tic-tac de l’horloge, le pépiement des moineaux dans le jardin,
le vol du papillon…
Le monde se remplit de sons imperceptibles qui envahissent le silence
croissant, sans pour autant le perturber, de la même façon que les étoiles
brillent dans le ciel noir sans amoindrir l’obscurité de la nuit.
En découvrant ce nouveau monde, on se repose de notre environnement,
comme quand le crépuscule succède aux bruits assourdissants et aux c lameurs
qui accablent l’esprit. Ce dernier se sent alors libre et s’ouvre, tout comme les
corolles des campanules s’ouvrent une fois la nuit tombée.
Cessons les métaphores pour revenir à la réalité des faits : lorsque cessent
complètement toutes les impressions vives, la brillance et le tumulte de la
journée, sommes-nous capables de résorber en nous-mêmes les sentiments
qui nous habitent ? Non. Il ne s’agit pas de regretter le jour, mais de libérer
notre esprit. On devient alors plus sensible aux émotions spontanées,
devenues fortes et persistantes, changeantes mais sereines.
42
Remarques préliminaires
attention de la part de l’enfant qui veut entendre son prénom. Quand il a été
appelé, il doit se lever et aller vers la maîtresse : ses mouvements doivent être
rapides et vigilants ; il lui faut être maître de lui-même « pour ne pas faire de
bruit ».
Lorsque les enfants arrivent à bien faire « le silence », leur ouïe a acquis
une grande finesse de perception des sons. Les bruits retentissants leur sont
de plus en plus désagréables une fois qu’ils connaissent le monde du silence
et des sons délicats. Dès lors, spontanément, les enfants se perfectionnent
peu à peu. Ils marchent lentement, veillent à ne pas cogner les meubles, à
déplacer leur chaise sans bruit et à poser les objets sur les tables avec soin.
Le résultat de tout cela se perçoit dans la grâce de leurs mouvements ; cela
enchante toute l’ambiance. Il ne s’agit pas d’une grâce extérieure inculquée
pour s’afficher, mais d’une grâce née du plaisir qu’a ressenti l’esprit dans
l’immobilité et le silence. L’âme de l’enfant désire se libérer elle-même de la
gêne occasionnée par les bruits trop assourdissants qui sont des obstacles à la
paix de l’esprit pendant le travail. Ces enfants, gracieux comme les pages d’un
prince, se rendent service à eux-mêmes, et à leur propre esprit.
Cet exercice développe tout spécialement l’esprit social, plus que toute
autre leçon ou situation. On peut toujours obtenir un silence profond, même
avec cinquante enfants, dans un petit espace, si on donne à tous les enfants le
moyen d’être calme et si on leur enseigne ce qu’il y a à faire pour cela. Mais la
turbulence d’un seul enfant est capable de rompre tout le charme.
Cela démontre qu’il est nécessaire que tous les membres d’une commu-
nauté coopèrent pour atteindre un but commun. Les enfants développent
progressivement un pouvoir d’inhibition croissant ; certains d’entre eux,
pour ne pas troubler le silence, évitent de chasser une mouche posée sur leur
nez ou se retiennent de tousser ou d’éternuer.
La qualité de cette activité collective s’apprécie à la manière dont les en-
fants se déplacent pour ne pas faire de bruit pendant toute la durée du travail.
Le soin avec lequel ils marchent sur la pointe des pieds, la grâce avec laquelle
ils vont chercher un verre ou placent un objet sur une table, sont des qualités
qui doivent être acquises par tous afin que l’ambiance devienne tranquille et
paisible. Il suffit d’un rebelle pour ne pas obtenir un tel résultat : un enfant
bruyant, lorsqu’il marche ou qu’il ouvre la porte, peut perturber l’atmosphère
paisible de toute la petite communauté.
LISTE
DES EXERCICES
LIÉS À LA VIE
PRATIQUE
Liste des exercices liés à la vie pratique
Applications
Se laver les mains dans une cuvette, dans laquelle on verse de l’eau depuis un
broc, puis vider l’eau sale dans un récipient.
Mettre de l’eau en carafe pour la servir à table ; servir de l’eau dans les verres
des convives.
Laver et sécher
• Essorer et étendre le linge propre.
• Laver des verres et les sécher.
• Laver des assiettes et les sécher.
• Laver les vitres des fenêtres ou des cadres, avec les méthodes adéquates
selon les coutumes de chaque pays (avec des moyens mécaniques ou des
46
Liste des exercices liés à la vie pratique
Transporter et repositionner
• Transporter des petits colis.
• Déplacer des pots et des vases de fleurs de l’intérieur vers l’extérieur, le
jardin, la terrasse, etc.
• Transporter des objets sur un plateau : du pain, des verres, des assiettes, etc.
• Transporter du linge déjà repassé dans des paniers appropriés.
• Replacer les objets qu’on a utilisés sur l’étagère.
• Placer des vêtements dans une penderie, en les plaçant sur des cintres.
• Suspendre les casquettes et les chapeaux sur les crochets adéquats.
Ouvrir et fermer
• uvrir et fermer des portes et fenêtres en les accompagnant de la main
O
pour ne pas faire de bruit.
• Ouvrir et fermer d’une manière similaire les portes des armoires et
placards.
• Ouvrir et fermer des boîtes et étuis.
• Ouvrir des boîtes particulières comme, par exemple, des boîtes de cirage,
de pâte dentifrice2, etc.
• Savoir utiliser différents mécanismes de fermeture tels que verrous,
serrures, poignées, etc.
2. Le dentifrice ne se conditionne plus en boîte de nos jours, on utilise aujourd’hui des boîtes courantes dans
la vie quotidienne, telles que des pots de crème hydratante, des pots de confiture miniatures, etc.
47
Liste des exercices liés à la vie pratique
Plier
• lier avec soin et exactitude les nappes, les serviettes, les chiffons de
P
nettoyage, etc.
• Repasser en utilisant des outils qui ne soient pas dangereux3.
Couper
• ouper avec une paire de petits ciseaux des rubans ou des petits cordons,
C
comme ceux qui servent dans les commerces pour attacher des paquets.
• Couper les tiges des fleurs.
• Couper les branches sèches et les fleurs fanées.
• Couper des morceaux de carton pour recouvrir les verres de la table4.
• Couper des cartons dessinés au préalable, en suivant les contours, pour
les placer sur la table, en guise de sous-verres.
Applications diverses
• Ordonner les objets de la classe.
• Balayer.
• Épousseter.
• Dresser la table pour le repas.
48
Liste des exercices liés à la vie pratique
e pour le repas
de dresser la tabl
Enfants en train
• Servir la nourriture.
• Se nourrir en se tenant bien.
• Se lever de table.
• Prendre soin des nappes.
• Plier les nappes et les serviettes.
• Remettre chaque chose à sa place.
Dans la cuisine
• Faire tremper des graines.
• Broyer des ingrédients dans le mortier.
• Battre des œufs.
• Faire des mélanges pour préparer des sauces.
• Éplucher et couper des légumes.
• Préparer des salades.
• Faire des purées simples.
• Faire la distinction entre les fruits et les légumes.
• Préparer des pots pour la confiture.
• Faire du beurre à partir du lait.
• Tamiser la farine.
• Couper des pommes de terre, des tomates, des carottes, etc.
49
Liste des exercices liés à la vie pratique
Travail de jardinage
• Ôter les mauvaises herbes.
• Humidifier les plantes dont les
feuilles sont sèches.
• Balayer les feuilles mortes.
• Ratisser.
• Arroser.
• Engraisser la terre.
• Débarrasser les fruits des insectes.
• Enlever les petits asticots et les
parasites.
• Récolter les fruits dans des
paniers appropriés.
• Faire sécher les fruits au soleil.
• Placer des tuteurs pour les
rdinage
plantes arboricoles. aux travaux de ja
Enfants occupés
• Récolter les plantes et les
légumes.
• Récupérer les œufs du poulailler et les conserver.
• Nourrir les poules et les pigeons.
50
Liste des exercices liés à la vie pratique
5. Ceci n’est plus une activité nécessaire, elle peut être remplacée par ouvrir une enveloppe par exemple.
6. Ce que nous nommons « Les exercices de grâce et courtoisie ».
LES DÉTAILS
DE LA VIE
PRATIQUE
Les détails de la vie pratique
Tous les objets servant à une même série d’exercices sont disposés dans un
ordre précis dans un panier ou sur un plateau, toujours placé au même endroit,
afin que l’enfant le trouve toujours avec facilité lorsqu’il le cherche, pour ne
pas altérer son enthousiasme. Les objets sont soigneusement remis à leur
place après chaque exercice.
Il est souhaitable que tout le mobilier soit construit dans des matériaux
peu denses afin que les meubles soient légers et facilement déplaçables, ce qui
permettra de les transporter au jardin et de pouvoir y travailler lors des belles
journées d’hiver et dès que le temps le permet, en particulier lors des exer-
cices qui impliquent l’utilisation de l’eau.
Il est aussi souhaitable que l’enfant, quelle que soit l’occupation à laquelle
il se consacre, puisse être assis pendant qu’il travaille, ce qui lui donnera une
sensation de repos, permettant à son système nerveux de se trouver dans un
parfait état de tranquillité. Ainsi peut-il dédier toute son attention à son
travail.
L’environnement doit être soigné de manière à ce que l’enfant puisse se
consacrer successivement à différents travaux ; cependant, il n’est pas néces-
saire que ceux-ci soient répétés de manière régulière. Ces travaux offrent un
champ étendu d’activités et, surtout, une magnifique stimulation au désir de
FAIRE de l’enfant. Si, en plus, les objets utilisés pour les exercices sont
préparés, obtenus ou élaborés de manière à être jolis et attractifs et que les
exercices deviennent collectifs, l’enfant se révélera être un travailleur
infatigable. Il est incroyable de voir la qualité et la quantité de travail dont ils
viennent à bout à un si jeune âge !
Deux enfants de quatre à cinq ans peuvent laver les assiettes d’un petit
déjeuner de trente convives ; six à huit enfants du même âge peuvent laver
tout le mobilier de l’école.
Il est fréquent que l’enfant continue de s’exercer longuement à des travaux
même lorsque ces derniers sont déjà terminés (par exemple : laver la table qui
a déjà été lavée, faire briller des chaussures qui sont déjà suffisamment
brillantes). En aucun cas il ne faut l’interrompre ni lui faire des observations
inopportunes au risque d’affecter son enthousiasme ou de paralyser son
activité.
54
Les détails de la vie pratique
L’hygiène personnelle
Le matériel
Une petite cuvette ou bassine, disposée à une hauteur convenable, avec un
broc pour l’eau (en aluminium si possible parce que ce matériau est le plus
léger et le moins cassable de surcroît), une petite soucoupe pour le savon, ou
mieux encore un porte-savon, et une autre petite coupelle pour les petites
brosses (en hiver il est souhaitable d’utiliser de l’eau chaude, et si le climat est
soumis à de brusques refroidissements, pour éviter les crevasses, on doit
appliquer une crème pour adoucir la peau). Il faut, enfin, disposer d’un seau
ou d’un récipient pour l’eau usée.
Il est très utile d’aménager ces lave-mains dans la classe même, plutôt que
dans une pièce à part avec un lavabo ; certes, celui-ci est agrémenté d’un
robinet mais il n’offre pas à l’enfant la possibilité de verser l’eau d’un récipient
à un autre, ce qui, par conséquent, fait perdre tout son intérêt à l’exercice ;
l’enfant ne sent pas dans ce cas le désir de le faire plus souvent que quand le
professeur le lui demande ni de lui-même comme c’est le cas normalement.
La leçon comment se laver les mains est l’une des plus importantes et doit
être répétée par les enfants le plus fréquemment possible. Chaque objet
nécessaire pour cette activité doit être préparé avec soin ; l’enfant choisit alors
cet exercice spontanément et il est probable qu’il se lave les mains, même
quand ce n’est pas absolument nécessaire, en les frottant avec du savon et en
les brossant même quand elles sont déjà propres.
55
Les détails de la vie pratique
l’en sortir, après s’être brossé les ongles avec, la remettre à sa place et recom-
mencer ; se sécher les mains en les frottant soigneusement (en particulier les
extrémités, qui doivent rester très propres et lustrées) ; verser l’eau usée dans
la cuvette ; nettoyer la cuvette avec un chiffon approprié et s’assurer que
chaque objet est bien remis à sa place avant de remplir la jarre d’eau,
pour qu’elle soit prête à resservir.
Se laver les mains fréquemment est l’exercice que les enfants semblent
préférer.
Se coiffer
Chaque enfant aura sa brosse et son peigne soigneusement marqués. Un
miroir avec une petite chaise et, si possible, une petite console, sur laquelle on
trouve tous ces objets et tout ce qui est nécessaire pour se nettoyer les ongles.
Généralement, les enfants ont beaucoup de plaisir à se coiffer, surtout
quand ils arrivent à bien lisser leurs cheveux emmêlés et décoiffés.
56
Les détails de la vie pratique
s chaussures
Le nettoyage de
7. Maria Montessori recommandait l’utilisation d’un morceau de tissu en daim, appelé peau de chamois, on
utilise plutôt une brosse à ongles aujourd’hui.
57
Les détails de la vie pratique
L’entretien de la classe
Balayer
Il doit y avoir des balais et un collecteur ou une pelle à balayures ; si on
utilise cette dernière, elle doit être recouverte en sa moitié pour faciliter le
travail car, sinon, les petits jettent les saletés sur les côtés ; si la pelle est recou-
verte, cela évite aussi que la poussière ne se répande dans la classe. On montre
comment on balaye jusqu’à ce qu’il ne reste pas un morceau de papier ou tout
autre type de saleté sur le sol. Les enfants ressentent un grand plaisir à balayer,
on observe qu’après un certain temps, ils vont par eux-mêmes à la recherche
de la p oussière, dès qu’ils se rendent compte que le sol n’est pas tout à fait
propre.
Dépoussiérer
On s’efforce de trouver des plumeaux composés de plumes de différentes
couleurs, afin qu’ils aient un aspect le plus attrayant possible. On montre de
manière pratique comment il faut enlever la poussière et comment cette
dernière a tendance à se déposer le plus souvent dans les angles, dans les stries
et sur les reliefs des meubles ; on constate alors à quel point les petits doigts
des enfants sont beaucoup plus habiles que ceux des adultes ; on utilise un
pinceau pour enlever la poussière des meubles dans les recoins peu accessibles.
58
Les détails de la vie pratique
59
Les détails de la vie pratique
préfèrent. Pour le réaliser, on utilise des chiffons usés, doux et très secs pour
faire briller (il est souhaitable de mélanger un petit peu d’alcool9 à de l’eau).
9. L’alcool n’est plus en usage de nos jours, on mélange de l’eau à du produit nettoyant pour vitre.
60
Les détails de la vie pratique
Tartiner
On peut étendre du beurre ou de la confiture sur du pain. On peut aussi
éventuellement couper des petits oignons ou des radis en morceaux et les
disposer sur le pain. Afin de donner plus d’attrait à la préparation et à la pré-
sentation de l’assiette, on peut placer sous le pain un petit carton de couleur
attractive que l’on a découpé.
D’autres exercices peuvent être envisagés, comme râper du chocolat,
couper des citrons et les presser pour préparer des limonades, etc.
61
Les détails de la vie pratique
Servir à table
Les petits serveurs portent des petits tabliers spéciaux et, si possible,
prennent leur repas avant les autres. Puis ils se lavent les mains et se recoiffent ;
en un mot, ils se préparent à rendre ce service de la manière la plus digne
possible. Les assiettes sont servies à la gauche du convive, mais on servira
seulement les plus petits ; les autres se serviront eux-mêmes. Les serveurs
veilleront à débarrasser les assiettes vides, de manière à ce qu’aucun enfant
n’ait à les appeler ou à les attendre. Chaque serveur doit porter une petite
serviette pour sécher, si nécessaire, un verre ou une bouteille renversée pen-
dant le service.
Les objets utilisés sont placés sur un plateau prévu à cet effet et sont trans
portés vers l’endroit où ils sont lavés. Avec une brosse ou une petite balayette,
on enlève les miettes avant de replier les nappes en suivant les mêmes plis.
Ce travail est réalisé par deux enfants. Enfin, le sol est balayé autour de la table.
62
Les détails de la vie pratique
10. Il faut resituer ces exemples dans leur contexte historique. On n’utilise plus ce genre de produits de nos
jours et on choisit des activités adaptées à notre temps.
63
Les détails de la vie pratique
L’aquarium
On place dans chaque classe un petit aquarium avec des petits poissons et
des plantes aquatiques. On nourrit les poissons un jour sur deux et on change
l’eau deux fois par semaine en procédant de la sorte : en plongeant l’extrémité
d’un tube de plastique dans l’eau de l’aquarium et en aspirant à l’autre extré-
mité, on crée un vide qui produit un débit d’eau continue, que l’on peut verser
dans un récipient préalablement prévu pour récupérer la quantité d’eau que
l’on souhaite changer.
Ensuite on verse lentement de l’eau propre dans l’aquarium en la laissant
couler sur la main et de celle-ci à l’aquarium.
Par ailleurs, on peut avoir d’autres petits animaux qui sauront toujours
éveiller l’intérêt des enfants : des grenouilles, des grillons, des lézards, etc.
64
Les détails de la vie pratique
On peut même avoir une fourmilière dans une boîte soigneusement protégée
par une vitre.
68
L’aide au développement intellectuel
69
L’aide au développement intellectuel
C’est pour cette raison que les Maisons des Enfants sont de véritables
écoles dans la mesure où l’on y apprend des enseignements considérés comme
indispensables. Pour autant, ce n’est pas une école à l’ancienne qui évoque un
lieu de martyre, de torture et d’esclavage cruel, dont on garde un très mauvais
souvenir, comme une espèce de calvaire nécessaire pour se racheter des
ténèbres de l’ignorance13.
Dans la Maison des Enfants, grâce aux exercices spontanés que les enfants
choisissent et réalisent librement en suivant leurs intuitions personnelles, ils
développent leur intelligence, leur personnalité et leur dextérité en utilisant le
matériel. Ils acquièrent de surcroît des habiletés et des aptitudes qui les
poussent à faire de nouveaux efforts toujours plus importants. L’apprentis-
sage de l’écriture devient une conquête enthousiasmante, un exercice dont
l’attraction est irrésistible, et l’enfant, joyeux et triomphant, surmonte le
timide obstacle rencontré au seuil de l’instruction.
Les moyens de développement, que nous décrivons plus loin ont été
élaborés en s’inspirant des orientations de la psychologie. Celles-ci requièrent
des expériences de laboratoire qui visent à observer les réactions des sujets
aux stimuli externes qui peuvent se mesurer et être gradués. Bien que se basant
sur ces premières recherches, le matériel que nous utilisons dans notre
méthode a été en partie inspiré par les fameuses méthodes éducatives
élaborées par les médecins Itard et Seguin qui s’étaient employés à améliorer
les conditions psychiques des enfants nerveux et déficients.
C’est en faisant des expériences, suivant ces orientations pour normaliser
la vie psychique des enfants non déficients, que nous avons progressivement
élaboré et complété de façon systématique une série de matériels. Ces outils
contribuent admirablement au développement de l’intelligence de l’enfant,
tout en permettant à sa personnalité de s’épanouir harmonieusement,
déployant pleinement ses énergies. Les bénéfices d’une vie qui se développe
normalement, dans un environnement préparé pour répondre aux besoins
psychiques des enfants, sont nombreux : la facilité et la précocité de l’appren-
tissage, la capacité d’observation, la concentration de l’attention, la constance
dans le travail, la confiance en soi, la sérénité, la joie, la beauté, l’épanouisse-
ment spontané, le raffinement des mouvements et même la santé corporelle.
70
L’aide au développement intellectuel
L’initiation
Au début de l’année, il ne faut en aucun cas mettre le matériel sensoriel en
évidence ; au contraire, il vaut mieux qu’il ne soit même pas visible. Il est en
effet nécessaire d’avoir fait auparavant un grand nombre d’exercices et de
travaux de vie pratique et d’avoir acquis de ce fait une capacité suffisante à
contrôler ses mouvements.
Ce contrôle du mouvement et l’exercice de l’attention développent la
capacité de concentration dont l’enfant a besoin pour utiliser correctement le
matériel.
Après deux ou trois semaines – voire un mois – uniquement consacrées à
ce type d’exercices, on commence à présenter à l’enfant le matériel sensoriel
de façon graduelle et progressive. On laisse uniquement à sa disposition le
matériel qui lui a été présenté par la maîtresse et on lui fait découvrir le reste
du matériel au fur et à mesure de ses progrès.
On n’obtiendrait pas un travail spontané, paisible et serein, si tout le maté-
riel était présent dès le début, et moins encore avant d’être connu. Une fois
qu’il lui a été présenté, l’enfant peut le choisir de nouveau afin de mener à
bien son travail.
La mission de l’enseignant consiste à présenter de nouveaux matériels
quand il remarque chez l’enfant un désir de changer d’occupation, ou quand
le travail que l’enfant exécute est trop difficile, compte tenu de ses capacités
du moment. Pour cette raison, l’enseignant devra toujours prendre en compte
l’ordre dans lequel il doit présenter le matériel, ainsi que les difficultés et les
facilités psychiques de chaque élève. Il est donc souhaitable qu’il ait toujours
à sa portée de quoi noter les utilisations successives du matériel.
Les trois premiers objets qui attirent l’attention du petit de deux ans et
demi à trois ans sont trois blocs de bois, dans chacun desquels est insérée une
série de dix petits cylindres ou disques, tous pourvus d’un bouton de préhen-
sion. Dans le premier cas, il y a une série de cylindres de la même hauteur,
74
Description du matériel sensoriel
mais avec un diamètre qui décroît, du plus épais au plus fin ; dans le second,
il y a des cylindres qui décroissent dans toutes les dimensions, et vont de
grand à petit, mais toujours avec la même forme. Enfin, dans le troisième cas,
les cylindres ont le même diamètre mais varient en hauteur, c’est-à-dire qu’ils
diminuent en taille. Les cylindres diminuent graduellement jusqu’à prendre
la forme d’un petit disque.
Les premiers cylindres varient en deux dimensions (en diamètre). Les
deuxièmes en trois dimensions (en diamètre et en hauteur). Les troisièmes
en une seule dimension (en hauteur). L’ordre dans lequel je les ai donnés se
réfère au degré de facilité avec lequel les enfants font ces exercices15.
75
Description du matériel sensoriel
L’exercice consiste à sortir les cylindres, les mélanger puis les replacer un à
un à leur place. L’enfant le fait confortablement installé à une petite table.
Il exerce ainsi ses mains en saisissant le bouton de préhension et en faisant de
petits mouvements de main et de bras pour mélanger les cylindres, sans les
renverser ni faire trop de bruit ; ensuite il les remet chacun à leur place.
Dans ces exercices, la maîtresse peut intervenir au tout d ébut, en sortant
simplement les cylindres, en les mélangeant précautionneusement sur la
table et en montrant à l’enfant comment les placer debout, sans qu’elle ait
besoin de le faire pour tous. Cette intervention, néanmoins, est presque tou-
jours inutile parce que les enfants voient leurs compagnons réaliser ce travail
et décident ensuite de les imiter. Ce qu’ils aiment, c’est le faire seul : ils le font
même parfois en cachette, craignant une aide importune.
Mais comment l’enfant peut-il trouver la bonne place pour chacun de ces
petits cylindres qui sont mélangés sur la table ? Il commence par faire des
essais. Il déplace certains cylindres, en prend d’autres, jusqu’à ce que le
cylindre soit bien placé. Parfois il peut arriver le contraire, c’est-à-dire que le
cylindre rentre trop facilement dans le trou dans lequel il y a beaucoup trop
d’espace pour lui. Dans un tel cas, il l’a mis dans un espace qui n’est pas le sien
mais celui d’un cylindre plus grand. À la fin de l’exercice, un cylindre sera hors
de sa place et ne trouvera pas de trou dans lequel il puisse être placé. L’enfant
ne voit pas tout de suite son erreur de manière concrète. Il est perplexe : ce
problème éveille intensément sa jeune intelligence. Alors qu’avant tous les
cylindres rentraient, il y en a maintenant un qui ne rentre pas. Le petit s’arrête,
fronce sérieusement les sourcils, très préoccupé. Il c ommence à toucher les
boutons de préhension et se rend compte que certains cylindres ont trop
d’espace. Il comprend alors que certains ne sont peut-être pas à leur place et
parvient à les replacer correctement. Il répète le processus de nombreuses
fois et finit par réussir. C’est à ce moment-là qu’il ressent le plaisir du succès.
L’exercice construit l’intelligence de l’enfant : il doit répéter ce qu’il a bien
fait, mais depuis le début ; il lui vient à l’esprit de faire ses propres expériences.
Des petits de trois ans et demi ont répété l’exercice jusqu’à quarante fois sans
que leur intérêt ne faiblisse.
Si on leur présente la seconde série de cylindres, puis la troisième, le chan-
gement de modèle frappe l’enfant et relance son intérêt.
Le matériel décrit sert à éduquer la vue et à appréhender les différences de
dimensions, jusqu’à ce que l’enfant soit instantanément capable de recon-
76
Description du matériel sensoriel
naître le trou le plus grand ou le plus petit, celui qui coïncide exactement avec
le cylindre qu’il s’apprête à replacer.
Le processus éducatif est favorisé par le contrôle de l’erreur qui réside dans
le matériel lui-même et que l’enfant acquiert comme une évidence concrète.
Le désir de l’enfant d’atteindre un objectif qui lui est familier le pousse à se
corriger lui-même. Ce n’est pas le professeur qui lui fait remarquer son erreur
et qui lui montre comment la corriger. C’est bien un travail intellectuel
complet que fait l’enfant pour arriver à ce résultat. C’est là le point de départ
de l’auto-éducation. Le but n’est pas le travail externe, c’est-à-dire le fait
d’apprendre où il faut placer les cylindres, ni même de savoir comment l’exer-
cice doit se faire. Le but est plus ambitieux : il réside dans le fait que l’enfant
s’exerce de lui-même à observer, à faire spontanément des comparaisons
entre objets, à former son jugement, à raisonner et à prendre des décisions.
C’est grâce à la répétition infinie de tels exercices d’attention et d’intelligence
que le développement de cette dernière prend véritablement effet.
77
Description du matériel sensoriel
16. Aujourd’hui, celles qui sont ici décrites comme vertes sont rouges dans la plupart des écoles Montessori,
au point d’être communément appelées les barres rouges ; cette première série de barres rouges permet à
l’enfant d’appréhender la notion de longueur. La série rouge et bleue, divisée en sections de 10 cm, permet
d’aborder la notion de quantité et d’apprendre à compter. On les appelle les barres rouges et bleues ou les
barres numériques. Parce qu’il s’agit d’une édition historique, nous avons ici représenté les barres rouges et
bleues, comme dans la version originale, mais l’exercice décrit plus loin se fait avec les barres rouges.
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Description du matériel sensoriel
Escalier large17
Escalier long18
La tour
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Description du matériel sensoriel
Ces trois séries, les cubes, les prismes et les barres de bois, invitent l’enfant
à se mouvoir pour soulever et déplacer les objets, parce qu’avec ses petites
mains, il lui est difficile d’en prendre plusieurs à la fois. De cette manière, il
répète aussi l’exercice visuel, pour reconnaître les différences de taille entre
des éléments qui se ressemblent. Puis l’exercice deviendra aussi facile que
celui des encastrements de solides19 d’un point de vue sensoriel. Mais en réa-
lité, la difficulté est plus grande parce que, dans cette série d’activités, il n’y a
pas de contrôle de l’erreur dans le matériel lui-même. C’est la vue de l’enfant qui
lui permet de s’auto-corriger. La différence entre les objets est uniquement
appréciée par la vue ; c’est pour cette raison qu’on utilise de plus grands
objets. Et la discrimination visuelle nécessaire présuppose une préparation
antérieure, acquise avec les blocs de cylindres.
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Description du matériel sensoriel
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Description du matériel sensoriel
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Description du matériel sensoriel
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Description du matériel sensoriel
Le maître les place les unes contre les autres en commençant par la tablette
la plus sombre avec pour seul objectif de montrer à l’enfant « comment on
21. Actuellement on utilise trois différentes boîtes de couleur. Une boîte avec des paires de couleurs primaires,
une seconde avec onze paires et la troisième ici illustrée avec neuf couleurs graduées en huit nuances et
non plus huit couleurs comme évoqué ici.
22. Sorte de rouge, d’une couleur vive entre le rose et le rouge franc, rappelant la couleur de la chair.
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Description du matériel sensoriel
Boîtes de couleurs
procède ». Il laisse aussitôt l’enfant seul pour qu’il puisse s’exercer de manière
spontanée.
L’enfant se trompe fréquemment. S’il a compris l’idée et qu’il commet
une erreur, c’est un signe que, malgré tout, pour lui, le moment de percevoir les
différences entre les nuances d’une gradation de couleur n’est pas encore arrivé.
Mais la répétition de l’exercice permet à l’enfant d’accroître sa capacité à
distinguer les plus subtiles différences, et c’est pour cela que nous le laissons
essayer par lui-même.
Nous pouvons cependant, pour l’aider, lui faire deux suggestions. On
l’incite premièrement à toujours choisir la couleur la plus sombre de la sélec-
tion. Cela l’aide grandement à bien construire la gradation. En second lieu, on
l’invite à observer deux couleurs qui sont proches, pour les comparer
ensemble, puis séparément avec les autres couleurs. De cette manière, l’enfant
ne place aucune petite tablette sans une comparaison attentive avec celle qui
est juste à côté.
Finalement, l’enfant prend plaisir à mélanger les soixante-quatre couleurs,
puis à les arranger en huit colonnes de jolies nuances. Cet exercice éduque la
main de l’enfant à faire des mouvements fins et délicats et construit aussi son
85
Description du matériel sensoriel
intelligence par une attention accrue. Mais en disposant les petites tablettes, il
ne faut pas les juxtaposer bord à bord par leurs extrémités de bois. On doit les
disposer de façon très précise les unes contre les autres, pour former une
suite de couleurs nuancées, formant ainsi comme un joli ruban. Cet exercice
nécessite une habileté manuelle qui s’acquiert seulement grâce à une très
longue pratique.
Ces exercices du sens chromatique pour les enfants les plus grands
favorisent le développement de la mémoire des couleurs. Un enfant qui aura
soigneusement regardé les couleurs peut être invité par un de ses camarades à
en observer une en particulier, puis à chercher cette même couleur dans un
autre lot de tablettes, sans garder en main la première qui pourrait lui servir de
repère. C’est donc de mémoire qu’il reconnaît la couleur car il ne peut pas la
comparer avec la couleur d’origine qu’il n’a plus sous les yeux. Il n’en a qu’une
image mentale. Les enfants apprécient beaucoup cet exercice de mémoire des
couleurs. Ils font une curieuse sélection de couleurs et se promènent dans la
classe avec l’image mentale des couleurs choisies, en cherchant dans leur
environnement des objets qui ont les mêmes couleurs. C’est un véritable
triomphe pour eux lorsqu’ils associent l’idée à la réalité correspondante, et
qu’ils peuvent saisir de leurs mains la preuve de la compétence mentale qu’ils
ont acquise.
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Description du matériel sensoriel
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Description du matériel sensoriel
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Description du matériel sensoriel
89
Description du matériel sensoriel
Cet exercice est similaire à celui des cylindres. On sort les formes de leur
emplacement en les prenant par les boutons. On les mélange sur la table et on
invite l’enfant à les remettre chacune à leur place. Là encore, le contrôle de
l’erreur est inclus dans le matériel, car les figures ne peuvent pas s’ajuster
parfaitement si elles ne sont pas à leur place. On réalise ainsi une série d’expé-
riences, de tentatives, qui conduisent à la victoire. L’enfant a tendance à
comparer les différentes formes ; il réalise cette comparaison de manière
concrète au moment où il cherche à placer une figure par erreur dans un
emplacement dans lequel elle n’entre pas. Il exerce ainsi sa vue à la reconnais-
sance des formes.
Le nouveau mouvement de la main que l’enfant doit exécuter est d’une
importance particulière.
On lui montre comment toucher le contour des figures géométriques du
bout de son index et de son majeur de la main droite (ou de la main gauche
s’il est ambidextre) ; l’enfant prend l’habitude de toucher non seulement le
bord de la forme mais aussi le contour de l’emplacement qui lui correspond ;
puis, après avoir touché l’un puis l’autre, il insère la forme à sa place.
L’enfant parvient ainsi très facilement à reconnaître les formes. Ceux qui
n’identifient pas encore les formes à vue d’œil, et qui font de vains efforts pour
positionner les figures les plus diverses dans un mauvais emplacement,
reconnaissent les formes après en avoir tracé les contours. Ils les placent ensuite
plus rapidement de manière adéquate.
L’objet sert ainsi de guide concret à la main de l’enfant durant cet exercice
qui consiste à toucher le contour des figures géométriques. En effet, ce qui est
certain, c’est que quand il touche la forme géométrique, ses doigts n’ont qu’à
suivre le contour de cette forme qui apparaît comme une difficulté, mais qui,
en réalité, le guide véritablement. Le maître doit toujours intervenir au début,
pour montrer soigneusement les mouvements qui auront tant d’importance
dans le futur.
Il doit toujours montrer à l’enfant comment il faut toucher, non seulement
en faisant les mouvements lui-même, lentement et clairement, mais aussi en
guidant la main de l’enfant pendant ses premières tentatives, jusqu’à ce qu’il
soit certain que l’enfant apprécie tous les détails de la forme : les angles et les
côtés. Lorsque sa main a appris à effectuer ces mouvements avec précision et
finesse, il sera véritablement capable de suivre le contour de la forme géomé-
trique, et de nombreuses répétitions de l’exercice lui permettront donc de
90
Description du matériel sensoriel
étriques
fant s palpant des figures géom
En
91
Description du matériel sensoriel
25. Ces cartes sont de nos jours utilisées dans une version imprimée, de couleur bleue, identique à celle des
figures du cabinet de géométrie.
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Description du matériel sensoriel
Un autre jeu inventé par les enfants consiste à mélanger toutes les cartes
des trois séries en les plaçant sur deux ou trois tables mises bout à bout.
L’enfant prend alors une forme géométrique de bois et doit la placer le plus rapi-
dement possible sur les cartes correspondantes repérées parmi toutes les autres.
Un autre jeu se fait à quatre ou cinq enfants. Lorsque l’un d’entre eux a
trouvé, par exemple, la figure entièrement peinte correspondant à la forme en
bois et qu’il l’a placée avec attention et précision sur cette carte, un autre
enfant prend à son tour d’un autre endroit la carte qui a la même forme mais
93
Description du matériel sensoriel
La généralisation
Quand les enfants ont longuement manipulé le matériel de développe-
ment, ils commencent à faire des découvertes autour d’eux, reconnaissent
des formes, des couleurs et des qualités autrefois inconnues. C’est souvent le
résultat de la pratique des exercices sensoriels. Un sentiment d’enthousiasme
germe alors en eux. La reconnaissance du monde qui les entoure se trans-
forme alors en une source de plaisir. Un jour, un petit, marchant seul sur la
terrasse, se répétait à lui-même avec une mine satisfaite : « Le ciel est bleu !
Le ciel est bleu ! » Une autre fois un cardinal, admirateur des enfants de
l’école située sur la vía Giusti, eut envie d’apporter aux enfants de petites
galettes et d’apprécier le spectacle du plaisir que ces biscuits procureraient
aux enfants. Quand il eut fini sa distribution, au lieu de voir les enfants les
porter avidement à leur bouche, il constata avec une grande surprise que les
enfants les examinaient avant toute chose en disant : « Un triangle ! Un cercle !
Un rectangle ! » En effet, les galettes étaient faites de formes géométriques.
Dans une maison de gens du peuple, chez des personnes originaires de
Milan, une maman alors qu’elle préparait de la nourriture dans la cuisine, prit
une tartine qu’elle était en train de faire avec du pain et du beurre. Son petit
94
Description du matériel sensoriel
de quatre ans, qui était avec elle, s’exclama : « Ceci est un rectangle. » La
femme coupa un coin de la tartine avec le couteau et l’enfant s’exclama :
« Ceci est un triangle. » Elle mit alors le morceau dans l’assiette et l’enfant,
regardant l’autre morceau, s’exclama encore plus fort qu’avant : « Maintenant,
c’est un trapèze. »
Le père, un ouvrier qui assistait à la scène, fut impressionné par ce petit
épisode. Il voulut voir la maîtresse pour lui demander une explication. Après
avoir vu l’école, il s’exclama : « Si j’avais été éduqué de cette manière, je ne
serais pas aujourd’hui un simple exécutant. » Il incita finalement les autres
ouvriers des habitations voisines à s’intéresser à l’école. Ils offrirent tous
ensemble à la maîtresse un parchemin artistique qu’ils avaient peint eux-
mêmes, et sur lequel, parmi les peintures des petits enfants, ils avaient placé
tous les types de formes géométriques.
En ce qui concerne le toucher des objets pour la reconnaissance des
formes, les enfants eux-mêmes font une infinité de découvertes autour d’eux.
On a vu des enfants contempler un beau pilier de statue, debout, bien en face,
puis après l’avoir admiré, fermer les yeux, avec une expression de béatitude et
de plaisir, poser longuement leurs mains sur les reliefs du pilier pour les sentir.
Une de nos maîtresses emmena un jour deux petits frères de l’école de la
vía Giusti à l’église. Ils étaient debout, en train de regarder les petites colonnes
qui soutiennent l’autel. Progressivement, le plus grand des deux s’approcha
des colonnes et commença à les toucher quand, comme s’il souhaitait que
son petit frère éprouve le même plaisir, il l’invita à s’approcher, prit délicate-
ment sa main, la fit glisser autour de la jolie surface polie des colonnes. Mais
le s acristain entra à ce moment-là et les jeta dehors en disant : « Ah, ces en-
fants ! qu’ils sont pénibles de toucher à tout ! »
Le sens stéréognostique
Le grand plaisir que les enfants éprouvent à reconnaître des objets, en en
touchant les formes, est en soi un exercice sensoriel.
Beaucoup de psychologues ont parlé du sens stéréognostique, qui est la
capacité de reconnaître les formes par le mouvement des muscles, en suivant
les contours des objets solides.
95
Description du matériel sensoriel
96
Description du matériel sensoriel
ou entre une sphère et une tête humaine, etc. La capacité que les enfants ont
à trouver ces analogies nous surprendra.
Les bruits
On souhaite mettre à la disposition des enfants des objets qui produisent
des bruits gradués afin qu’ils puissent les reconnaître et les comparer.
On fabrique pour cela des boîtes à bruits, avec des cylindres en carton ou,
encore mieux, en bois, que l’on remplit d’objets divers en plus ou moins
grande quantité, de sorte que, lorsqu’on les secoue, elles produisent des bruits
différents : du plus fort produit avec des petits cailloux, jusqu’au plus doux
produit avec des grains de sable plus ou moins gros. Il y a deux séries identiques
de six boîtes graduées, du bruit fort jusqu’au bruit sourd.
L’exercice consiste, dans un premier temps, à reconnaître des bruits de
même intensité, en plaçant les boîtes cylindriques par paires. L’exercice sui-
vant consiste à comparer les bruits les uns avec les autres. L’enfant ordonne
les six boîtes à bruits d’une même série, selon l’intensité des bruits qu’elles
produisent.
L’exercice est le même que celui qui se fait avec les couleurs, c’est-à-dire
qu’il s’agit de faire des mises en paires puis des gradations. Dans ce cas aussi,
97
Description du matériel sensoriel
l’enfant fait l’exercice confortablement assis à une table. Après une explica-
tion préliminaire de la maîtresse, l’enfant répète l’exercice seul, les yeux
fermés, pour mieux concentrer son attention.
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Description du matériel sensoriel
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Description du matériel sensoriel
B/ Préparation à la concentration
1. Isolation de la perception. Pour concentrer l’attention de l’enfant sur les
stimulations sensorielles, il est nécessaire autant que possible d’isoler la
perception : il faut pour cela, par exemple, fermer les yeux quand l’exer-
cice ne se rapporte pas à l’éducation du sens de la vue et, par ailleurs,
obtenir le silence dans la classe pour tous les exercices.
2. Isolation de la stimulation. Il est nécessaire que sur la table, le tapis, ou
l’espace où l’on présente le matériel pour montrer comment l’utiliser,
il n’y ait pas d’autres objets que celui que l’on souhaite
présenter. La maîtresse doit préparer le lieu avant de commencer la
présentation. Le matériel sensoriel réalise de lui-même l’isolation des
différentes qualités en les séparant les unes des autres, c’est-à-dire en
isolant les couleurs, les formes, les sons, etc.
100
Description du matériel sensoriel
L’expérience individuelle
Finalement, nous conseillons à ceux qui veulent guider les enfants dans
ces exercices sensoriels de commencer par travailler eux-mêmes avec le
matériel en question. L’expérience leur donnera une idée de ce que l’enfant
doit ressentir, des difficultés qu’il rencontrera, etc. Quiconque fait des
expériences par lui-même sera surpris du fait qu’avec les yeux bandés, toutes
les sensations tactiles et auditives lui paraissent réellement plus aigües et plus
faciles à percevoir. Ne fût-ce que pour cette raison, il ne faut pas dédaigner
l’intérêt qu’éveille cette expérience.
Mais, pour que le maître soit bien éclairé sur le véritable intérêt que
procure la manipulation du matériel, le mieux est qu’il l’ait lui-même utilisé
comme s’il était un enfant, c’est-à-dire en répétant de nombreuses fois le
même exercice, en y concentrant toute son attention, et ce une fois qu’il a
vérifié la différence qu’il y a entre son propre exercice et celui de l’enfant.
Le maître se lassera très rapidement et aura besoin de faire un grand effort
pour répéter l’activité quarante fois ou davantage, de sorte qu’il pourra appré-
cier en creux la puissance de l’énergie enfantine.
De la même manière, le maître ne pourra pas dédier à l’exercice la concen-
tration totale et intense que l’enfant y met, en s’isolant de toutes les autres
stimulations de son environnement.
Il est évident, néanmoins, que le maître ne pourrait enseigner ce qu’il est
incapable de faire lui-même ; il peut initier puis laisser faire. De même que, le
maître et l’enfant étant à des niveaux différents de développement, l’enfant ne
pourra pas faire la même chose que le maître, et ce dernier ne peut pas réaliser
ce que l’enfant fait. Cet incontestable constat place l’éducation et l’éducateur
à leurs justes places respectives. Il ne s’agit pas pour le maître d’enseigner et
pour l’enfant d’apprendre, mais que chacun cherche son véritable chemin.
L’adulte peut aider, mais rien de plus ; l’enfant a besoin de rester libre pour se
débrouiller dans la mesure de ses propres limites.
LES LEÇONS
EN TROIS TEMPS
Les leçons en trois temps
104
Les leçons en trois temps
Deuxième temps. Elle doit maintenant s’assurer que l’enfant a bien c ompris.
Pour ce faire, elle dit : « Donne-moi le rouge », « Donne-moi le bleu ». Et si
l’essai est probant, elle continue, comme en blaguant, en lui demandant les
objets, en insistant plusieurs fois de suite pour qu’il lui donne toujours le
même parce que l’enfant, croyant qu’elle va lui demander alternativement le
rouge et le bleu, sera surpris et amusé comme s’il était en train de jouer, alors
que l’exercice l’aide à apprendre des noms et à les mémoriser. Ce deuxième
temps est superflu s’il s’agit de mots très simples et déjà connus, mais quand
il s’agit d’enseigner d’autres mots plus difficiles et moins courants, comme
trapèze, pentagone, etc. il est certain que ce temps donne à la maîtresse
l’opportunité de répéter les mots qu’elle cherche à graver dans l’esprit de
l’enfant.
Troisième temps. Finalement, il faut vérifier si l’enfant a appris le nom de
l’objet, parce qu’il peut très bien « reconnaître » le mot sans l’avoir vraiment
appris, ce qui lui suffirait pour le répéter volontairement. C’est pourquoi la
maîtresse demande alors à l’enfant, en lui montrant un des objets : « Qu’est-
ce que c’est ? » et si l’enfant répond immédiatement : « rouge », « bleu »,
etc., cela prouve que la leçon a été profitable.
La leçon en trois temps est rigoureusement individuelle et ressemble à
une conversation entre la maîtresse et l’enfant.
Dans chaque exercice, lorsque l’enfant a reconnu les différences entre les
qualités des objets, la maîtresse fixe le concept de cette qualité avec un mot.
C’est-à-dire qu’une fois que l’enfant a construit et reconstruit plusieurs fois,
par exemple, la tour de cubes roses, au moment opportun la maîtresse s’ap-
proche de lui et, choisissant les deux cubes extrêmes, le plus grand et le plus
petit, dit en les désignant : « Ceci est grand », « Ceci est petit ». Ces deux
mots-là isolés : « grand » et « petit », se prononcent distinctement plusieurs
fois : « Ceci est grand, grand, grand. » Suit un moment de pause. Puis la maî-
tresse, pour voir si l’enfant a compris, l’interroge en lui disant : « Donne-moi
le grand », « Donne-moi le petit ». Ensuite, une autre fois : « Le grand »,
« Maintenant le petit », « Donne-moi le grand ». Enfin, la maîtresse, t oujours
en montrant les objets, recommence à poser des questions : « Qu’est-ce que
c’est ? » L’enfant, s’il a appris, répond correctement : « Le grand » ou
« Le petit ». La maîtresse insiste alors en répétant les mots, toujours le plus
clairement possible en accentuant : « Quel est celui-ci ? », « Le grand »,
105
Les leçons en trois temps
106
Les leçons en trois temps
u tilisant « les trois temps » pour qu’il choisisse dans le lot le plus long et le
plus court.
L’enfant acquiert ainsi un vocabulaire riche et précis.
Un jour, une maîtresse avait écrit sur un tableau avec des lignes très fines.
Un enfant s’exclama : « Comme ces lignes sont petites ! » Un autre le reprit
en disant : « Elles ne sont pas petites ; elles sont fines. »
Lorsque les mots enseignés lors de ces leçons se réfèrent aux couleurs ou
aux formes, il n’est pas aussi important d’insister avec emphase sur le contraste
entre les extrêmes ; le maître peut donner plus de deux noms à la fois : « Ceci
est rouge », « Ceci est bleu », « Ceci est jaune ». Ou bien : « Ceci est un
carré », « Ceci est un triangle », « Ceci est un cercle ». Dans le cas d’une
gradation cependant, le maître choisira (s’il est en train d’enseigner les cou-
leurs) les deux extrêmes, sombre et clair, en choisissant toujours le plus
sombre et le plus clair.
Grâce à ces leçons, l’enfant peut maîtriser de nombreux mots : grand,
petit ; épais ; fin ; long, court ; sombre, clair ; lisse, rugueux ; lourd, léger ;
chaud, froid, tiède, et les noms de beaucoup de couleurs et de formes géomé-
triques.
Ces mots ne se réfèrent à aucun objet en particulier, sinon aux perceptions
psychiques des sensations de l’enfant. En effet, on donne les noms après un
long exercice pendant lequel l’enfant, concentrant son attention sur les
différentes qualités des objets, a fait des comparaisons, en raisonnant et en
formant son jugement, au point d’acquérir un pouvoir de différenciation qu’il
ne possédait pas auparavant : il a affiné ses sens. Son observation des objets a
été intense et constructive : il s’est perfectionné.
L’enfant observateur
Il en résulte que l’enfant trouve, pour les mêmes mots, d’autres qualités
psychiques subtiles et rapides. Ses capacités à observer et à reconnaître ont
augmenté. Par la suite, les images mentales qui se succèdent ne se confondent
pas car elles sont toutes classifiées : les formes sont distinctes des dimensions
et les dimensions sont ordonnées selon les qualités qui en résultent. Tout ceci
est différent des gradations. Les couleurs sont divisées selon leur teinte et leur
nuance ; le silence est distinct de l’absence de silence ; les bruits distincts des
107
Les leçons en trois temps
108
Les leçons en trois temps
LA LIBERTÉ
La liberté
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La liberté
c réanciers de notre respect, sont supérieurs à nous par leur innocence même
et par leur immense potentialité à venir. Ce que nous désirons, eux aussi le
désirent.
Cependant, en général, nous ne respectons pas les enfants. Nous avons
l’habitude de les obliger à nous suivre, sans veiller à leurs nécessités spéci-
fiques. Nous sommes des dominateurs vis-à-vis d’eux et, en plus, sévères.
Nous voulons qu’ils soient obséquieux et mesurés sans même voir combien
fort est leur instinct d’imitation vis-à-vis de nous. Ils veulent nous imiter à
tout moment. Traitons-les donc avec cette bonté que nous aimerions voir se
développer en eux.
Et par le mot bonté il ne faut pas entendre les câlins. Qui considérons-
nous comme bon ? Celui qui nous embrasse dès le premier instant même s’il
est sévère, vulgaire et méchant ? Ou celui qui vient à notre secours ?
La bonté est un traitement courtois et respectueux et, par-dessus tout, une
attention que l’on porte aux désirs de l’autre avec la volonté de se soumettre à
ses désirs en oubliant les nôtres. Telle est la bonté que nous devons enseigner
aux enfants.
Pour comprendre les désirs des enfants, nous devons les étudier scientifi-
quement, car leurs désirs sont tout d’abord inconscients. Ils portent en eux
l’expression vitale qu’ils tentent d’exprimer par des voies mystérieuses. Nous
savons très peu sur les façons dont celle-ci se manifeste. Assurément, dans
l’enfant qui se transforme en homme, s’exprime la force de l’action divine,
semblable à celle qui, à partir de rien, a formé un enfant pour la première fois.
Notre intervention dans ce merveilleux processus doit être indirecte :
nous devons seulement offrir à cette vie naissante les moyens nécessaires à sa
réalisation. Conscients de cela, nous devons attendre et suivre ce
développement avec respect.
Par bonté, laissons la vie s’épanouir librement et observons le développe-
ment de cette vie innée. Ceci est toute notre mission. Quand nous observons,
peut-être pourrions-nous penser aux paroles prononcées par Celui qui fut au
sommet de la bonté : « Laissez venir à moi les petits enfants. » Ce qui veut
dire : « Ne les empêchez pas de venir, s’ils sont libres, ils viendront à moi. »
113
La liberté
114
La liberté
Leur formation est due au travail psychologique approfondi qu’ils ont fait
auparavant grâce à l’éducation sensorielle. Ils ont ordonné, outre leur propre
personne et leur environnement, également le monde inné de leurs intelli-
gences.
Le matériel de développement, en effet, n’offre pas à l’enfant le contenu de
ses intelligences, mais plutôt l’ordre pour acquérir ce contenu. Il leur permet
de distinguer des identités, des différences, des extrêmes, des gradations, et
leur donne ainsi le moyen de classifier, à l’aide de concepts de qualité et de
quantité, les sensations les plus variées qui appartiennent aux objets : les
couleurs, les dimensions, les formes et les sons. L’esprit de l’enfant s’est formé
lui-même grâce à l’exercice de son attention : en observant, en comparant et
en classifiant.
L’aptitude mentale acquise au travers de chacun de ces exercices conduit
l’enfant à faire des observations ordonnées de son environnement, observa-
tions qui corroborent ses intéressantes découvertes. En se formant dans son
esprit, le langage fixe alors, au moyen de mots précis, les idées que l’intelli-
gence a enregistrées. Ces mots sont peu nombreux ; ils se réfèrent non pas à la
séparation externe des objets, mais à l’ordre interne des idées qui se sont
formées dans l’esprit. De cette manière, les enfants sont capables de trouver
par eux-mêmes, dans le monde des choses et des mots qui les entoure, un
guide naturel qui leur permet d’être des explorateurs actifs et intelligents
plutôt que des voyageurs errant dans un monde inconnu.
La culture
Cependant, les avantages de l’éducation ne se limitent pas à telle ou telle
acquisition. Les enfants se sont préparés aux progrès à venir avec des a ptitudes
variées qui les prédisposent à de nouvelles conquêtes ; ils ont des capacités
élémentaires qui les incitent à des applications ultérieures ; il existe un lien,
une « vis à ergot », une force propulsive qui les pousse.
Ce sont des enfants qui, en très peu de temps, parfois même en quelques
jours, apprennent à écrire et à faire les premières opérations d’arithmétique.
Cela vient du fait que les esprits et les mains de nos enfants sont réellement
préparés pour écrire ; les idées de quantité, d’identité, de différence et de
gradation, qui forment la base de tout calcul, ont mûri en eux depuis long-
115
La liberté
temps. On peut dire, indubitablement, que toute l’éducation initiale est une
préparation pour les premières études d’une culture fondamentale – lecture,
écriture et calcul –, et que la connaissance découle facilement, spontanément
et par voie de conséquence logique de cette préparation ; elle en est même la
conclusion naturelle.
Nous avons déjà vu que l’objet du travail est de fixer les idées et de faciliter
la compréhension élémentaire des choses. De la même manière, l’écriture et
l’arithmétique fixent désormais les acquisitions complexes de la pensée qui
est continuellement en train de s’enrichir de nouvelles observations.
Nos enfants ont longtemps préparé leurs mains à l’écriture. En faisant tous
les exercices sensoriels, la main, coopérant avec l’intelligence dans ses efforts
et dans son travail de formation, s’est préparée à son propre avenir. Quand la
main a appris à se placer d’elle-même sur un plan horizontal pour toucher les
surfaces lisses et rugueuses, quand elle prenait les cylindres pour les ajuster
dans leur emplacement, quand elle touchait les contours des formes géomé-
triques, elle était en train de coordonner ses mouvements, qui, comme nous
le verrons, sont des gestes qui préparent à ceux de l’écriture.
L’écriture analysée
Dans les méthodes ordinaires pour apprendre à écrire, il y a une progres-
sion qui commence par les bâtons et des courbes jusqu’à ce que l’on trace la
lettre entière, c’est-à-dire des traits les plus simples jusqu’aux traits les plus
complexes, autrement dit on fait une analyse des signes alphabétiques.
Dans notre méthode, au contraire, on évite de telles considérations
extérieures et, au lieu d’analyser les signes alphabétiques (l’objet), on analyse
les mouvements que la main doit exécuter lorsqu’elle écrit. Ainsi donc, par le
biais d’exercices intéressants et agréables qui ne sont pas de l’écriture à propre-
ment parler, les différents mouvements qu’elle implique s’exercent
séparément. Il s’agit d’une méthode qui conduit l’enfant à écrire par des voies
indirectes.
Le point essentiel réside dans la préparation du sujet et, une fois que
celui-ci est indirectement préparé à exécuter tous les mouvements nécessaires
pour écrire, l’écriture ne présente plus aucune difficulté et les pénibles
116
La liberté
p rogressions artificielles qui sont toujours utilisées dans les écoles ordinaires
deviennent inutiles.
L’idée de la préparation indirecte des capacités motrices m’est venue en
observant une fille de 12 ans, déficiente, qui avait un mouvement et une force
de la main tout à fait normaux, mais qui cependant ne parvenait pas à
apprendre à coudre, même si on lui enseignait avec persévérance ce qu’il y a
de plus simple, comme faufiler ou faire des ourlets. J’ai donc proposé à la
jeune fille le tissage de Fröbel, qui consiste à entrelacer de manière transver-
sale des bandelettes de papier, glissées dessus dessous sur un métier à tisser.
Quand elle a bien su faire ce tissage, je l’ai mise à coudre et j’ai observé qu’elle
le faisait facilement et avec un véritable plaisir. Le mouvement de la main
avait été préparé à la couture, sans coudre.
D’autres mouvements peuvent aussi être indirectement préparés. On peut
acquérir une grande adresse à exécuter un travail sans l’avoir fait directement
et le réaliser à la perfection presque dès le premier essai. Il est logique que la
préparation d’une action ne consiste pas à la faire. Ce que l’on appelle prépa-
ration ne peut pas être l’objet pour lequel on se prépare. Dans la nature, par
exemple, l’enfant se prépare à manger pendant l’allaitement, et à marcher en
rampant sur le sol et en faisant ses premiers pas ; et lorsqu’un jour il parvient
à tenir en équilibre, ce n’est pas parce qu’il s’est au préalable exercé à marcher
mais parce qu’il a terminé la préparation de son organisme pour la marche.
La période de préparation
Cette nouvelle mission de l’éducation ouvre donc des voies jusqu’alors
insoupçonnées pour aider au développement de l’enfant. Ces nouvelles voies
ont des conséquences immédiates sur l’apprentissage de l’écriture. En effet,
une fois que les enfants non porteurs de handicap ont touché les contours des
formes géométriques des ajustements plans, il n’y a plus qu’à leur faire toucher
les figures que forment les lettres de l’alphabet pour préparer leurs mains à les
tracer.
117
La liberté
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La liberté
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La liberté
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La liberté
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La liberté
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La liberté
Les enfants « doivent tracer avec les doigts » ces lettres alphabétiques
comme s’ils les écrivaient. Ils les touchent avec les extrémités de l’index et du
majeur, de la même manière qu’ils touchent les ajustements de bois, avec la
main légère, comme lorsqu’ils touchent les surfaces lisses et rugueuses.
Le maître aussi touche les lettres, pour montrer à l’enfant comment se fait le
mouvement, et l’enfant, s’il a déjà suffisamment pratiqué avec les formes de
bois, imite le maître avec facilité et joie. Sans cette première pratique, la main
de l’enfant ne peut pas suivre les lettres avec précision. Cela permet de
comprendre l’importance de la préparation motrice à l’écriture faite précé-
demment et démontre l’immense effort auquel nous soumettons les enfants
quand nous leur demandons directement d’écrire sans une éducation motrice
de la main.
On voit que l’enfant de quatre ans et demi ressent de la joie en traçant les
lettres rugueuses.
123
La liberté
Les leçons
Pendant que l’enfant trace une lettre, le maître prononce le son de cette
dernière ; puis il fait une leçon en utilisant le procédé de la leçon en trois
temps. Premièrement, par exemple, en lui présentent les deux voyelles « i »
et « o », il fait en sorte que l’enfant les trace doucement et avec précision, et
répète leurs sons, l’un après l’autre au moment où l’enfant les trace : « i, i, i, »,
« o, o, o ». Il dit alors à l’enfant : « Donne-moi le i. Donne-moi le o ! » Puis il
arrive finalement à la question : « Qu’est-ce que c’est ? », question à laquelle
l’enfant répond « i », « o ». Il faut faire de même avec toutes les autres lettres,
en utilisant, dans le cas des consonnes, non pas le nom de la lettre, mais
uniquement le son. L’enfant trace alors les lettres de lui-même, encore et
encore, sur les petites fiches sur lesquelles elles sont séparées, ou sur les grands
panneaux où plusieurs d’entre elles sont regroupées. L’enfant réalise ainsi les
mouvements nécessaires pour tracer les lettres alphabétiques. Il imprime
simultanément dans son esprit l’image visuelle de la lettre. Ce processus
constitue la première préparation, non seulement à l’écriture mais aussi à la
lecture. Car il est évident que lorsque l’enfant trace les lettres, il fait le mouve-
ment qui correspond à celui de l’écriture de ces lettres et, tout en les
reconnaissant, il apprend l’alphabet.
En effet, l’enfant a ainsi préparé tous les mouvements nécessaires pour
écrire : ensuite il est en mesure d’écrire. Cette grande conquête est le résultat
d’une longue période de formation intérieure, réalisée par l’enfant sans qu’il
s’en rende vraiment compte. Mais bientôt arrive le jour où il écrira, et ce jour
sera une grande surprise pour lui, car il bénéficiera de la merveilleuse récolte
de mystérieuses semences.
On lui propose un alphabet comportant des lettres mobiles qui servent à
composer des mots : ce sont des lettres coupées dans du carton coloré et
conservées dans une boîte spécifique avec des compartiments.
124
La liberté
Alphabet mobile
125
La liberté
l ’enfant a besoin de très grands supports pour reconnaître les lettres. Lorsqu’il
connaît la moitié des consonnes, il peut commencer à composer des mots
pour lesquels une seule partie de l’alphabet suffit.
Le second alphabet mobile comporte des lettres plus petites contenues
dans une seule boîte. Il est donné à ceux qui ont déjà fait les premières activités
de composition de mots et qui connaissent déjà tout l’alphabet.
Après ces exercices avec l’alphabet mobile, l’enfant est déjà capable d’écrire
des mots entiers. Ce phénomène est généralement inattendu, et, par consé-
quent, celui qui a au préalable fait quelques gribouillis ou tracé une lettre sur
un papier, écrit successivement plusieurs mots. Ce phénomène a parfois un
caractère explosif. À partir de ce moment-là, l’enfant n’a de cesse d’écrire, en
s’autoperfectionnant constamment et graduellement.
Cette écriture spontanée a les mêmes caractéristiques que tout phéno-
mène naturel : l’enfant qui a écrit son premier mot continue à écrire ; c’est
comme pour le langage, après avoir prononcé son premier mot, il continue à
parler, et pour la marche, après avoir fait son premier pas, il continue à
marcher. La formation personnelle et le phénomène d’apparition de l’écri-
ture suivent la même orientation que celle du progrès à venir : toujours tendre
vers la perfection.
L’enfant ainsi préparé est entré dans le cours de son propre dévelop
pement, qui va bien sûr de pair avec la croissance de son corps ; de la même
manière que le développement des fonctions de son esprit va de pair avec le
développement de sa vie.
En ce qui concerne l’intérêt et le phénomène complexe du développement
de l’écriture et, par conséquent, de la lecture, je suggère de se référer à mes
autres ouvrages plus importants.
La description suivante est extraite de mon livre La Méthode de la pédago-
gie scientifique appliquée à l’éducation de l’enfant dans les Maisons des Enfants28.
28. Titre actuel aux Éditions DDB : La Découverte de l’enfant, Pédagogie scientifique : Tome 1.
126
La liberté
30. Titre d’origine : La lecture sans syllabaire. Le syllabaire est un manuel pour apprendre à lire en découpant des
mots en syllabes.
La lecture
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La lecture
L’association du mot écrit (lu) avec l’objet qui lui correspond, constitue
au début un véritable jeu de lecture.
131
La lecture
La lecture de phrases
La description qui suit est extraite du livre précédemment cité :
« Un jour, en pleine conversation, quatre enfants se levèrent tous en même
temps, avec une expression de joie, et écrivirent sur le tableau des phrases de
ce type : “Je suis content parce qu’il y a des fleurs dans le jardin.” Ce fut pour
nous une surprise immense et émouvante : ils avaient spontanément réussi à
faire de la “composition”, de la même manière qu’ils avaient spontanément
écrit leur premier mot.
Je compris que le moment de procéder à la lecture de phrases était arrivé,
et j’eus recours aux mêmes moyens, c’est-à-dire que j’écrivis des phrases sur
le tableau “Vous m’aimez beaucoup ? Les enfants lurent doucement et
s’exclamèrent ensuite à tue-tête : « oui, oui ! » Je continuai en écrivant :
“Alors, taisez-vous et soyez calmes.” Ils lurent ces mots presque en criant, et, à
peine terminée la lecture, un silence solennel s’installa, juste interrompu par
quelques petits bruits de chaise, occasionnés par les mouvements que les
enfants faisaient pour maintenir leur position.
C’est ainsi qu’une correspondance écrite commença entre eux et moi… »
Ces expériences m’inspiraient le matériel qu’il fallait utiliser pour les
exercices de lecture de phrases.
Il s’agit de petites bandelettes en papier avec de longues phrases qui dé-
crivent des actions que les enfants doivent réaliser, par exemple : « Ferme les
volets de la fenêtre et ensuite ouvre la porte d’entrée. » Ou bien : « Veille à ce
que huit de tes compagnons abandonnent leur place et forment une file deux
par deux. »
Les enfants prennent les bandelettes, vont dans un coin pour les lire en
silence puis font ce qu’elles indiquent. Ces exercices de lecture se font de
façon individuelle. Chaque enfant choisit cette activité, comme quand il
s’exerce avec un autre matériel. L’intérêt qu’il met dans l’exercice lui-même
indique que l’enfant a bien lu les phrases et la maîtresse n’a pas à se p réoccuper
de savoir si l’enfant a fait ou non ce que disait la bandelette, puisque rien ne
l’oblige à en prendre une en particulier et que ces exercices individuels n’inté-
ressent personne d’autre que lui. S’il ne savait pas lire, il n’aurait aucun intérêt
à choisir ce matériel.
Lorsqu’il y a plusieurs enfants qui choisissent cette activité indépendam-
ment les uns des autres, une étrange animation prend place dans la classe :
132
La lecture
l’un se promène de-ci de-là ; un autre ferme les fenêtres ; celui-ci fait marcher
ou chanter ses compagnons ; celui-là sort les objets des armoires. C’est un
mouvement provoqué par une grande conquête : des voix silencieuses
parviennent à leur intelligence, les dirigeant mystérieusement en leur d onnant
des ordres ou des commandements.
ENSEIGNEMENT DE LA
NUMÉRATION ET
CHEMINEMENT VERS
L ARITHMÉTIQUE
Enseignement de la numération et cheminement vers l’arithmétique
Le matériel qui s’emploie pour la numération est la série des dix barres
de longueur que l’on utilise pour l’éducation sensorielle. Ces barres ont une
relation de 1 à 10, car la plus courte mesure 10 cm, celle qui suit 20 cm, et
ainsi de suite jusqu’à la dixième qui fait 100 cm de long, c’est-à-dire 1 m.
Les segments de 10 cm sont peints alternativement de rouge et de bleu, et
peuvent être distingués et comptés en chaque section. Si la première de ces
barres représente la quantité 1, les autres représentent successivement 2, 3, 4,
5, 6, 7, 8, 9, 10. L’avantage de ce matériel réside dans le fait qu’il représente
ensemble les unités qui composent chacun des nombres que ces barres
permettent d’appréhender, bien qu’elles soient distinctes et dénombrables.
La barre de 5, par exemple, est d’une seule pièce qui correspond à ce nombre ;
les cinq unités sont distinguées au moyen des couleurs. Une très grande
difficulté est ainsi surmontée : celle qui existe dans la numération qui se fait
en ajoutant, séparément, une unité à une autre. Si les unités sont utilisées
pour compter des petits objets, comme des petits cubes identiques, pourquoi
dirions-nous « un » en prenant le premier, et « deux » en en ajoutant un
autre et ainsi de suite ? L’enfant a tendance à dire « un » en relation à chaque
nouvel objet qu’il ajoute, soit : « un, un, un, un, un » et non « un, deux, trois,
quatre et cinq ».
Le fait que le groupe augmente avec l’addition d’une nouvelle unité et que
l’on doive considérer cet ensemble qui va grandissant, constitue précisément
l’obstacle qui rend la numération compliquée pour des enfants de trois à
quatre ans. Le regroupement en un ensemble des unités qui sont en réalité
séparées entre elles, est un travail mental qui est initialement inaccessible à
l’enfant. En effet, beaucoup de petits comptent en récitant de mémoire la
comptine des nombres ; mais ils restent perplexes face aux quantités
correspondant à ces nombres. L’esprit de l’enfant, extrêmement concret et
exact, a besoin d’une aide claire et précise. Lorsqu’on présente aux enfants les
barres numériques, on remarque que même les plus petits s’y intéressent vi-
vement.
Les barres correspondent aux nombres et augmentent graduellement en
longueur et d’une unité et, par conséquent, indiquent la valeur absolue ainsi
que sa relativité. Les proportions étudiées en amont dans les exercices
sensoriels sont ici mathématiquement déterminées, donnant lieu aux
premiers exercices d’arithmétique. Les nombres maniables et comparables,
grâce à la manipulation de ces barres, se prêtent aussitôt à des combinaisons
136
Enseignement de la numération et cheminement vers l’arithmétique
Les chiffres
Lorsque l’enfant a commencé à lire et à écrire, il lui est très facile
d’apprendre aussi les chiffres qui représentent les nombres. Nous donnons
dans nos écoles, en même temps que l’alphabet, des tablettes lisses sur
lesquelles ont été collées les figures des nombres découpées dans du papier
de verre. Les enfants touchent les chiffres rugueux dans le sens de leur é criture
et ils les nomment en même temps. Chaque tablette est placée sur la barre de
quantité à laquelle elle correspond. L’association des chiffres écrits et des
quantités qu’ils représentent est un exercice analogue à celui qui consiste à
associer le nom écrit à l’objet correspondant32. Commence ensuite un travail
que l’enfant peut continuer par lui-même. Les sommes des barres peuvent
être écrites conformément au modèle des chiffres placés sur les barres ; et il y
a des enfants de cinq ans qui remplissent des cahiers entiers de petites
sommes.
137
Enseignement de la numération et cheminement vers l’arithmétique
33. « Omettre » aurait ici été indiqué à la main sur le manuscrit par Maria Montessori en vue d’une
nouvelle édition. Nous avons fait le choix de laisser ces passages mais en effet, quand on fait cette
activité aujourd’hui, on ne propose plus de noter les additions à ce stade.
138
Enseignement de la numération et cheminement vers l’arithmétique
L’autre matériel, évoqué plus haut, est constitué d’une série de petits
cartons placés dans une boîte qui contient des petits carrés34 de couleur. Les
cartons, sur lesquels sont écrits les dix numéros du 0 au 935, sont mélangés.
L’enfant doit ensuite les placer par lui-même, montrant ainsi qu’il a appris la
série numérique et qu’il reconnaît les chiffres qui représentent les nombres.
Sous chaque chiffre, il place la quantité correspondante de jetons, en les
ordonnant deux par deux, c’est-à-dire par paire les uns sous les autres, de
manière à ce que l’on voie bien la différence entre les nombres pairs et les
nombres impairs.
Voilà le matériel que nous avons considéré nécessaire pour transmettre les
fondamentaux de la numération et des opérations arithmétiques.
139
Enseignement de la numération et cheminement vers l’arithmétique
140
Enseignement de la numération et cheminement vers l’arithmétique
l’enfant dans les limites nécessaires et lui fait prendre seulement un ou deux
objets parmi tous ceux qui sont amoncelés sur la table à sa disposition, tandis
que ses compagnons en prennent plusieurs. L’enfant qui a pioché le zéro ne
bouge pas de sa place et regarde ses compagnons qui ont pioché des nombres
se lever, se déplacer et prendre librement des objets parmi le tas qui lui semble
éloigné et inaccessible. Le zéro tombe fréquemment sur un enfant qui sait
compter facilement et qui se réjouirait tant d’aller chercher de nombreux
objets, de les ordonner sur la petite table et d’attendre la vérification avec
confiance et fierté.
Il est très intéressant d’étudier l’expression du visage de ceux qui ont
pioché le zéro. Les différences que l’on remarque d’un individu à l’autre sont
révélatrices du caractère de chacun. Certains restent impassibles, avec un air
fier pour dissimuler leur déception, ceux-ci manifestent par des gestes leur
impression de mécontentement, ceux-là ne peuvent retenir un sourire motivé
par le sentiment de vivre une situation singulière qui éveillera la curiosité des
camarades, d’autres encore suivent des yeux les mouvements de leurs compa-
gnons jusqu’à la fin de l’exercice, presqu’envieux et d’autres enfin se montrent
résignés.
Dix et au-delà36. Zéro est rien, mais il est placé juste avant le un, pour que
nous puissions continuer à compter en passant de 9 à 10.
Si au lieu de la pièce 1, nous allions prendre des pièces grandes comme la
barre de 10, nous compterions 10, 20, 30, 40, 50, 60, 70, 80, 90. Nous procé-
dons graduellement, c’est-à-dire d’unité en unité, d’une dizaine à l’autre. Pour
le premier exercice, on peut utiliser les barres qui présentent les quantités ; et
pour montrer comment on procède avec un nombre à deux chiffres, il est très
utile d’avoir un matériel qui contient des petits cadres et des petits cartons sur
lesquels les dizaines sont écrites les unes sous les autres.
Ces nombres sont fixes sur le cadre, de manière à ce que les autres chiffres,
du 1 au 9, puissent être glissés sur les dizaines en cachant uniquement les
zéros. On procède de la manière suivante :
Quand nous commençons avec la première dizaine du cadre, nous p laçons
à côté du 10 la barre de 10 décimètres. Ensuite nous plaçons dans son prolon-
gement la plus petite barre, celle d’un décimètre, et au même moment nous
36. Concernant cette activité, « omettre » aurait été indiqué de la main de Maria Montessori en vue d’une
nouvelle édition. Nous avons fait le choix de laisser ces passages car il s’agit d’une édition historique.
141
Enseignement de la numération et cheminement vers l’arithmétique
La table de Seguin
142
Enseignement de la numération et cheminement vers l’arithmétique
Nos résultats ont été surprenants, car les enfants ont montré un amour du
travail qu’on ne soupçonnait pas en eux et ils ont atteint une quiétude et un
ordre dans leurs mouvements qui dépassait les limites de la « correction »
pour entrer dans celles de la « grâce ». La discipline spontanée, l’obéissance
qui s’est manifestée dans toutes les classes constituent les résultats les plus
brillants de notre méthode.
À bien y penser, les tendances que nous appelons mauvaises chez les petits
enfants de trois à six ans sont parfois simplement celles qui nous gênent, nous
adultes, quand, faute de comprendre leur nécessité, nous évitons aux enfants
chaque mouvement, chaque tentative pour se guider par eux-mêmes dans les
expérimentations du monde qui les entoure (en touchant les choses, etc.)
Cependant, suivant ses réflexes naturels, l’enfant a tendance à coordonner
ses mouvements et à recueillir des impressions, spécialement des sensations
tactiles. Si ces réflexes et ces tendances sont contrés, cela produit en lui une
révolte que nous qualifions de méchante et d’espiègle.
Comme il serait étrange, donc, que sa méchanceté disparaisse quand nous
lui offrons de véritables moyens pour se développer et quand, l’enfant étant
conduit à une pleine liberté, la révolte n’a plus de raison d’être !
De plus, si des explosions de joie succèdent aux anciennes explosions de
rage, la physionomie morale de l’enfant s’imprègne d’une quiétude et d’une
grâce qui le font apparaître comme un être différent.
Nous, les adultes, nous étions ceux qui provoquions chez les enfants les
manifestations violentes d’une véritable lutte pour exister selon les nécessités de
leur développement physique. Les enfants s’inspiraient parfois de nous en
prenant ce qui leur paraissait nécessaire à cette fin, ou ils luttaient parfois
contre d’autres enfants pour leur arracher les objets qu’ils désiraient. D’autre
part, si nous donnons aux enfants les moyens d’exister, la lutte disparaît et une
vigoureuse pulsion de vie la remplace. Cela tient à un principe hygiénique lié
au système nerveux pendant la difficile période de croissance et il serait de
grand intérêt pour les spécialistes des maladies infantiles et des dérèglements
nerveux de l’étudier. La vie intérieure de l’homme et les commencements de
son intelligence sont soumis à des lois spécifiques qui ne doivent pas être
oubliées, si nous souhaitons aider à la vie de l’humanité.
Pour cette raison, une méthode éducative qui cultive et protège l’activité
intérieure de l’enfant a un intérêt qui n’est pas limité à l’école et aux maîtres :
c’est une question universelle.
146
Les facteurs moraux
147
Les facteurs moraux
153
Annexe
154
Annexe
Emboîtements cylindriques
Tour
155
Annexe
156
Annexe
Boîtes de couleurs
157
Annexe
158
Annexe
159
Annexe
160
Annexe
Alphabet mobile
La table de Seguin
161
Table des matières
Avant-propos........................................................................................................... 7
Préface de 1914...................................................................................................... 9
Préface de 1939....................................................................................................11
Remarques préliminaires...............................................................................13
L’erreur.............................................................................................................14
L’éducation et l’enfant..................................................................................14
L’école..............................................................................................................17
La sagesse antique.........................................................................................17
Les âmes entrevues.......................................................................................18
Notre œuvre...................................................................................................20
La défense.......................................................................................................21
L’environnement............................................................................................21
La grande question........................................................................................24
Les locaux........................................................................................................25
Le nouveau concept......................................................................................26
L’aménagement..............................................................................................27
Le travail d’entretien.....................................................................................27
L’ordre..............................................................................................................27
Les limites.......................................................................................................28
L’organisation.................................................................................................28
La simplicité...................................................................................................28
La beauté.........................................................................................................29
La voix des objets..........................................................................................29
Le contrôle de l’erreur..................................................................................30
L’élan intérieur...............................................................................................30
La direction.....................................................................................................32
Le nouvel état esprit......................................................................................33
La pratique......................................................................................................34
Les exercices de vie pratique.......................................................................35
Les travaux manuels......................................................................................38
Les moyens et les procédés d’un perfectionnement collectif...............39
L’exercice sur la ligne....................................................................................40
Les exercices concomitants.........................................................................40
Le silence.........................................................................................................41
163
Table des matières
164
Table des matières
La liberté............................................................................................................. 111
La préparation pour le progrès................................................................ 114
La culture..................................................................................................... 115
L’écriture analysée...................................................................................... 116
La période de préparation........................................................................ 117
Les étapes de l’écriture préparées sans écrire........................................ 118
Les exercices pour le maniement de l’instrument d’écriture............... 119
Exercice pour l’écriture des lettres de l’alphabet.................................. 122
Les leçons..................................................................................................... 124
L’enthousiasme suscité par l’écriture...................................................... 127
Table des matières
La lecture........................................................................................................... 129
Le jeu pour la lecture de mots.................................................................. 131
La lecture de phrases.................................................................................. 132
Enseignement de la numération
et cheminement vers l’arithmétique.................................................... 135
Les chiffres................................................................................................... 137
Les unités distinctes................................................................................... 138
Les jeux et les farces autour du zéro........................................................ 139
Les exercices pour mémoriser des nombres......................................... 140
annexe.................................................................................................................... 151
166
Achevé d’imprimer par SEPEC,
en septembre 2016
N° d’imprimeur : XXX
Imprimé en France