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a g e a u c e n t r e
Voy
de la Terre
GR AL
TE XT E IN TÉ
Nouveau
BAC 1re
II
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III
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Jules Verne
Voyage
au centre
de la Terre (1864)
Texte intégral
suivi d’un dossier Nouveau BAC
LE TEXTE
Voyage au centre
de la Terre
84 Chapitre 10
159 Chapitre 20
214 Chapitre 30
297 Chapitre 40
Science et fiction
es précurseurs de la science-fiction
L
(du xvie au xixe siècle)
342 Cyrano de Bergerac, Histoire comique
des États et Empires de la Lune et du Soleil
343 Voltaire, Micromégas
345 Louis-Sébastien Mercier, L’An 2440, rêve s’il en fut jamais
Des voyages extraordinaires (xixe siècle)
348 Jules Verne, De la Terre à la Lune
350 H. G. Wells, La Machine à explorer le temps
’homme fabriqué : créatures, robots
L
et cyborgs (xixe et xxe siècles)
353 Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne
355 Isaac Asimov, Raison
e nouveaux modèles de société
D
(xxe et xxie siècles)
358 George Orwell, 1984
360 Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes
sommaire
LE DOSSIER
Pour approfondir sa lecture et s’entrainer pour le bac
Fiches de lecture
364 FICHE 1 • La structure du roman
367 FICHE 2 • Un roman d’aventures
371
FICHE 3 • Les personnages
374
FICHE 4 • Science et fiction
Conception graphique de la maquette Studio Favre & Lhaïk ; pour la partie texte : c-album, Jean-Baptiste
Taisne et Rachel Pfleger • Mise en pages : Prodigious brand logistics • Mise en pages du cahier couleurs :
Clarisse Mourain • Iconographie : Hatier Illustrations • Suivi éditorial : Luce Camus et Axelle Quéré.
L’ AUTEUR
JULES VERNE (1828-1905)
Qui est l’auteur ?
Avant-texte • 7
LE CONTEXTE
Quel est le contexte historique ?
La situation en France
Avant-texte • 9
LE CONTEXTE
Quel est le contexte littéraire et artistique ?
Le romantisme
Le romantisme est un mouvement littéraire et artistique qui apparaît au début
du xixe siècle. En France, il se caractérise d’abord par la conscience d’une rupture
historique : la Révolution de 1789.
Les premiers romantiques sont ainsi des poètes, comme Lamartine, Musset ou
Vigny, qui évoquent le « mal du siècle » d’une génération désemparée face à la
perte de tous ses repères.
Le romantisme s’oppose au classicisme en refusant les règles et les dogmes : en
1830, Victor Hugo fait scandale en faisant jouer Hernani, l’un des premiers drames
romantiques, qui ne respecte pas la règle des trois unités.
Le réalisme
Le réalisme est d’abord un mouvement pictural incarné par Gustave Courbet (1819-
1877), mais il est aussi un mouvement littéraire des années 1850. Le réalisme refuse
l’idéalisation propre au romantisme. Il puise ses sujets dans la réalité sociale.
Le mouvement naturaliste constitue la suite du mouvement réaliste. Dans les
contes et nouvelles de Maupassant (1850-1893), l’accent est mis sur la représen-
tation des milieux populaires, en particulier le monde paysan. Dans les romans
de Zola (1840-1902), le réalisme tient aussi à l’utilisation du modèle scientifique :
ainsi, pour illustrer les lois de l’hérédité, la fresque des Rougon-Macquart peint
une famille sous le Second Empire.
Le roman de science-fiction
On peut faire remonter la naissance de la science-fiction très loin dans le
temps : ainsi, dans l’Antiquité, Lucien de Samosate (120-180) imagine des
voyages extraordinaires dans son Histoire véritable. Cependant, les voyages qu’il
décrit relèvent de la pure fantaisie : à aucun moment, l’auteur ne suggère que le
progrès des sciences permettra d’accomplir de tels voyages.
Au xixe siècle, une des œuvres majeures du fantastique romantique, Fran-
kenstein, de Mary Shelley (1797-1851), met en scène une créature créée par un
savant grâce à l’électricité. La science joue un rôle essentiel dans le roman, qui
possède aussi une certaine dimension réaliste, et peut très bien être considéré
comme le tout premier roman de science-fiction.
Néanmoins, on considère traditionnellement que le genre de la science-fiction
est fondé par Jules Verne, ainsi que par le romancier britannique H. G. Wells
(1866-1946), auteur de La Machine à explorer le temps (1895), de L’Homme invi-
sible (1897) et de La Guerre des mondes (1898).
Le roman d’aventures
Même s’il existait déjà des romans racontant des histoires passionnantes à
rebondissements multiples, le roman d’aventures ne devient un genre à part
entière qu’au xixe siècle.
Il peut se situer dans un monde éloigné dans le temps, comme Ivanhoé (1819),
du romancier écossais Walter Scott (1771-1832), ou Les Trois Mousquetaires (1844)
d’Alexandre Dumas (1802-1870). Mais il peut aussi se situer dans un monde éloi-
gné dans l’espace, comme L’Île au trésor (1883), de l’écrivain britannique Robert
Louis Stevenson (1850-1894).
Avant-texte • 11
Parce que c’est un ROMAN D’AVENTURES
CE ROMAN
TE
Terre
1
1 Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur
2 Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située
3 au numéro 19 de Königstrasse1, l’une des plus anciennes rues
4 du vieux quartier de Hambourg.
5 La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner
6 commençait à peine à chanter2 sur le fourneau de la cuisine.
7 « Bon, me dis-je, s’il a faim, mon oncle, qui est le plus impa-
8 tient des hommes, va pousser des cris de détresse.
9 – Déjà M. Lidenbrock ! s’écria la bonne Marthe stupéfaite,
10 en entrebâillant la porte de la salle à manger.
11 – Oui, Marthe ; mais le dîner a le droit de ne point être cuit,
12 car il n’est pas deux heures. La demie vient à peine de sonner à
13 Saint-Michel3.
14 – Alors pourquoi M. Lidenbrock rentre-t-il ?
15 – Il nous le dira vraisemblablement.
16 – Le voilà ! je me sauve ; monsieur Axel, vous lui ferez entendre
17 raison. »
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C hapitre 1
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1. Pignon : partie supérieure, triangulaire, d’un mur ; dentelé : dont les lignes
sont découpées en forme de dents.
2. La Tugendbund : « Ligue de vertu », association secrète allemande du début
du xixe siècle, dont l’objectif était de lutter contre l’occupation française en
Prusse et de contribuer à la régénération nationale ; elle fut dissoute en 1813.
3. Aplomb : caractère de ce qui est parfaitement droit.
4. Orme : arbre de 20 à 30 mètres de haut.
5. Ne laissait pas d’être riche : ne manquait pas d’être riche.
6. Virlandaise : originaire de Virlande, région du nord-est de l’actuelle Estonie.
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C hapitre
2
2
1 Ce cabinet était un véritable musée. Tous les échantillons
2 du règne minéral s’y trouvaient étiquetés avec l’ordre le plus
3 parfait, suivant les trois grandes divisions des minéraux
4 inflammables, métalliques et lithoïdes2.
5 Comme je les connaissais, ces bibelots de la science miné-
6 ralogique ! Que de fois, au lieu de muser3 avec des garçons de
7 mon âge, je m’étais plu à épousseter ces graphites, ces anthra-
8 cites, ces houilles, ces lignites, ces tourbes4 ! Et les bitumes,
9 les résines, les sels organiques5 qu’il fallait préserver du moindre
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C hapitre
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1. Mystifier : tromper.
2. Polyglotte : qui parle plusieurs langues.
3. Impétuosité de son caractère : vivacité, ardeur de son caractère.
4. Cartel : pendule murale entourée d’un cadre décoratif.
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C hapitre
3
127 Marthe s’enfuit. Je volai sur ses pas, et, sans savoir comment,
128 je me trouvai assis à ma place habituelle dans la salle à manger.
129 J’attendis quelques instants. Le professeur ne vint pas.
130 C’était la première fois, à ma connaissance, qu’il manquait à la
131 solennité1 du dîner. Et quel dîner, cependant ! Une soupe au
132 persil, une omelette au jambon relevée d’oseille à la muscade,
133 une longe de veau à la compote de prunes, et, pour dessert, des
crevettes au sucre, le tout arrosé d’un joli vin de la Moselle.
134
3
1 « C’est évidemment du runique, disait le professeur en
2 fronçant le sourcil. Mais il y a un secret, et je le découvrirai,
3 sinon… »
1. Solennité : gravité.
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JmneGe ee, trn t’bmia ! aiatü iepeb
165 « Parfait ! fit mon oncle en m’arrachant le papier des mains,
166 voilà qui a déjà la physionomie du vieux document : les
167 voyelles sont groupées ainsi que les consonnes dans le même
168 désordre ; il y a même des majuscules au milieu des mots,
169 ainsi que des virgules, tout comme dans le parchemin de
170 Saknussemm ! »
171 Je ne puis m’empêcher de trouver ces remarques fort ingé-
172 nieuses.
173 « Or, reprit mon oncle en s’adressant directement à moi,
pour lire la phrase que tu viens d’écrire, et que je ne connais
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C hapitre
3
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4
1 « Il est parti ? s’écria Marthe en accourant au bruit de la
2 porte de la rue qui, violemment refermée, venait d’ébranler la
3 maison tout entière.
– Oui ! répondis-je, complètement parti !
5 – Eh bien ? et son dîner ? fit la vieille servante.
6 – Il ne dînera pas !
7 – Et son souper ?
8 – Il ne soupera pas !
9 – Comment ? dit Marthe en joignant les mains.
10 – Non, bonne Marthe, il ne mangera plus, ni personne dans
11 la maison ! Mon oncle Lidenbrock nous met tous à la diète3
1. Émotionné : ému.
2. Königstrasse : rue de la ville allemande de Hambourg, dont le nom signifie
« allée du roi ».
3. Diète : régime alimentaire consistant à s’abstenir partiellement ou totalement
de manger.
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1 Je n’eus que le temps de replacer sur la table le malencon-
2 treux document.
3 Le professeur Lidenbrock paraissait profondément absorbé.
Sa pensée dominante ne lui laissait pas un instant de répit ; il
5 avait évidemment scruté, analysé l’affaire, mis en œuvre
6 toutes les ressources de son imagination pendant sa prome-
7 nade, et il revenait appliquer quelque combinaison nouvelle.
8 En effet, il s’assit dans son fauteuil, et, la plume à la main,
9 il commença à établir des formules qui ressemblaient à un
10 calcul algébrique.
11 Je suivais du regard sa main frémissante ; je ne perdais pas
12 un seul de ses mouvements. Quelque résultat inespéré allait-il
13 donc inopinément1 se produire ? Je tremblais, et sans raison,
14 puisque la vraie combinaison, la « seule » étant déjà trouvée,
15 toute autre recherche devenait forcément vaine.
16 Pendant trois longues heures, mon oncle travailla sans
17 parler, sans lever la tête, effaçant, reprenant, raturant, recom-
18 mençant mille fois.
19 Je savais bien que, s’il parvenait à arranger des lettres
20 suivant toutes les positions relatives qu’elles pouvaient
21 occuper, la phrase se trouverait faite. Mais je savais aussi que
22 vingt lettres seulement peuvent former deux quintillions,
23 quatre cent trente-deux quatrillions, neuf cent deux trillions,
24 huit milliards, cent soixante-seize millions, six cent quarante
25 mille combinaisons. Or, il y avait cent trente-deux lettres
26 dans la phrase, et ces cent trente-deux lettres donnaient un
27 nombre de phrases différentes composé de cent trente-trois
1. Inopinément : de façon inattendue.
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1. Insolite : inhabituel.
2. Physionomie : expression du visage.
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161 Mon oncle, à cette lecture, bondit comme s’il eût inopiné-
162 ment touché une bouteille de Leyde1. Il était magnifique
163 d’audace, de joie et de conviction. Il allait et venait ; il prenait
164 sa tête à deux mains ; il déplaçait les sièges ; il empilait ses
165 livres ; il jonglait, c’est à ne pas le croire, avec ses précieuses
166 géodes2 ; il lançait un coup de poing par-ci, une tape par-là.
167 Enfin ses nerfs se calmèrent et, comme un homme épuisé par
168 une trop grande dépense de fluide, il retomba dans son fauteuil.
169 « Quelle heure est-il donc ? demanda-t-il après quelques
170 instants de silence.
171 – Trois heures, répondis-je.
172 – Tiens ! mon dîner a passé vite. Je meurs de faim. À table.
173 Puis ensuite…
174 – Ensuite ?
175 – Tu feras ma malle.
– Hein ! m’écriai-je.
– Et la tienne ! » répondit l’impitoyable professeur en entrant
dans la salle à manger.
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1 À ces paroles un frisson me passa par tout le corps.
2 Cependant je me contins. Je résolus même de faire bonne
3 figure. Des arguments scientifiques pouvaient seuls arrêter le
professeur Lidenbrock. Or, il y en avait, et de bons, contre la
5 possibilité d’un pareil voyage. Aller au centre de la terre !
1. Inopinément : de façon inattendue ; bouteille de Leyde : machine inventée
en 1745 à Leyde (Pays-Bas), ancêtre du condensateur électrique, qui occasionne
des décharges lorsqu’on la touche.
2. Géodes : morceaux de roches tapissés de cristaux.
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1. Mystification : tromperie.
2. Augustus Petermann (1822-1878) : géographe allemand ; Leipzig : ville
du centre de l’Allemagne.
3. Travée : ensemble des rayons d’une bibliothèque compris entre deux montants.
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83 – Le Sneffels ?
84 – Lui-même, une montagne haute de cinq mille pieds1, l’une
85 des plus remarquables de l’île, et à coup sûr la plus célèbre du
86 monde entier, si son cratère aboutit au centre du globe.
87 – Mais c’est impossible ! m’écriai-je en haussant les épaules
88 et révolté contre une pareille supposition.
89 – Impossible ! répondit le professeur Lidenbrock d’un ton
90 sévère. Et pourquoi cela ?
91 – Parce que ce cratère est évidemment obstrué par les laves,
92 les roches brûlantes, et qu’alors…
93 – Et si c’est un cratère éteint ?
94 – Éteint ?
95 – Oui. Le nombre des volcans en activité à la surface du
96 globe n’est actuellement que de trois cents environ ; mais il
97 existe une bien plus grande quantité de volcans éteints. Or le
98 Sneffels compte parmi ces derniers, et depuis les temps histo-
99 riques, il n’a eu qu’une seule éruption, celle de 1219 ; à partir
100 de cette époque, ses rumeurs se sont apaisées peu à peu, et il
101 n’est plus au nombre des volcans actifs. »
102 À ces affirmations positives, je n’avais absolument rien à
103 répondre ; je me rejetai donc sur les autres obscurités que
104 renfermait le document.
105 « Que signifie ce mot Scartaris, demandai-je, et que viennent
106 faire là les calendes2 de juillet ? »
107 Mon oncle prit quelques moments de réflexion. J’eus un
108 instant d’espoir, mais un seul, car bientôt il me répondit en
109 ces termes :
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7
1 Ainsi se termina cette mémorable séance. Cet entretien
2 me donna la fièvre. Je sortis du cabinet1 de mon oncle comme
3 étourdi, et il n’y avait pas assez d’air dans les rues de Hambourg
pour me remettre. Je gagnai donc les bords de l’Elbe, du côté
5 du bac à vapeur qui met la ville en communication avec le
6 chemin de fer de Harbourg2.
7 Étais-je convaincu de ce que je venais d’apprendre ? N’avais-je
8 pas subi la domination du professeur Lidenbrock ? Devais-je
9 prendre au sérieux sa résolution d’aller au centre du massif
10 terrestre ? Venais-je d’entendre les spéculations insensées d’un
11 fou ou les déductions3 scientifiques d’un grand génie ? En tout
12 cela, où s’arrêtait la vérité, où commençait l’erreur ?
1. Cabinet : bureau.
2. Elbe : fleuve sur l’estuaire duquel se trouve Hambourg ; bac à vapeur : grand
bateau permettant de faire passer des voyageurs d’une rive à l’autre du fleuve ;
Harbourg : ville allemande, devenue un quartier du sud-ouest de Hambourg.
3. Spéculations : hypothèses ne reposant sur rien de concret ; déductions :
conclusions découlant d’un raisonnement logique.
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1 Altona, véritable banlieue de Hambourg, est tête de ligne
2 du chemin de fer de Kiel, qui devait nous conduire au rivage
3 des Belt. En moins de vingt minutes, nous entrions sur le
territoire du Holstein1.
5 À six heures et demie, la voiture s’arrêta devant la gare ; les
6 nombreux colis de mon oncle, ses volumineux articles de voyage
7 furent déchargés, transportés, pesés, étiquetés, rechargés dans le
8 wagon de bagages, et à sept heures nous étions assis l’un vis-à-vis
9 de l’autre dans le même compartiment. La vapeur siffla, la loco-
10 motive se mit en mouvement. Nous étions partis.
11 Étais-je résigné ? Pas encore. Cependant l’air frais du
12 matin, les détails de la route rapidement renouvelés par la
13 vitesse du train me distrayaient de ma grande préoccupation.
14 Quant à la pensée du professeur, elle devançait évidem-
15 ment ce convoi trop lent au gré de son impatience. Nous
16 étions seuls dans le wagon, mais sans parler. Mon oncle revi-
17 sitait ses poches et son sac de voyage avec une minutieuse
18 attention. Je vis bien que rien ne lui manquait des pièces
19 nécessaires à l’exécution de ses projets.
20 Entre autres, une feuille de papier, pliée avec soin, portait
21 l’en-tête de la chancellerie danoise, avec la signature de
22 M. Christiensen, consul2 à Hambourg et l’ami du profes-
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1. Grand Belt : détroit de mer séparant les deux principales îles du Danemark.
2. Phare à éclats : phare émettant des signaux lumineux de façon discontinue
pour ne pas être confondu avec une autre source de lumière.
3. Korsør : ville portuaire du Danemark.
4. Seeland : principale île du Danemark.
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1. Sund : mot danois signifiant « détroit » ; désigne aussi l’Øresund, détroit entre
le Danemark et la Suède.
2. Bred-Gade : nom de l’une des principales rues de Copenhague.
3. Polyglotte : qui parle plusieurs langues.
4. Hanaps : grandes coupes à boire en métal, utilisées au Moyen Âge.
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123 « Cela va bien ! cela va très bien ! répétait mon oncle. Quel
124 heureux hasard d’avoir trouvé ce bâtiment prêt à partir !
125 Maintenant déjeunons, et allons visiter la ville. »
126 Nous nous rendîmes à Kongens-Nye-Torw1, place irrégulière
127 où se trouve un poste avec deux innocents canons braqués qui ne
128 font peur à personne. Tout près, au n° 5, il y avait une « restaura-
129 tion » française, tenue par un cuisinier nommé Vincent ; nous y
130 déjeunâmes suffisamment pour le prix modéré de quatre marks2
131 chacun.
132 Puis je pris un plaisir d’enfant à parcourir la ville ; mon
133 oncle se laissait promener ; d’ailleurs il ne vit rien, ni l’insigni-
134 fiant palais du roi, ni le joli pont du dix-septième siècle qui
135 enjambe le canal devant le Muséum, ni cet immense cénotaphe
136 de Torwaldsen3, orné de peintures murales horribles et qui
137 contient à l’intérieur les œuvres de ce statuaire4, ni, dans un
138 assez beau parc, le château bonbonnière5 de Rosenborg, ni
139 l’admirable édifice renaissance de la Bourse, ni son clocher fait
140 avec les queues entrelacées de quatre dragons de bronze, ni les
141 grands moulins des remparts, dont les vastes ailes s’enflaient
142 comme les voiles d’un vaisseau au vent de la mer.
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186 jambes se dérobaient ; je grimpai bientôt sur les genoux, puis sur
187 le ventre ; je fermais les yeux ; j’éprouvais le mal de l’espace.
188 Enfin, mon oncle me tirant par le collet, j’arrivai près de la
189 boule.
190 « Regarde, me dit-il, et regarde bien ! il faut prendre des
191 leçons d’abîme ! »
192 J’ouvris les yeux. J’apercevais les maisons aplaties et comme
193 écrasées par une chute, au milieu du brouillard des fumées.
194 Au-dessus de ma tête passaient des nuages échevelés, et, par un
195 renversement d’optique, ils me paraissaient immobiles, tandis
196 que le clocher, la boule, moi, nous étions entraînés avec une
197 fantastique vitesse. Au loin, d’un côté s’étendait la campagne
198 verdoyante, de l’autre étincelait la mer sous un faisceau de
199 rayons. Le Sund se déroulait à la pointe d’Elseneur1, avec
200 quelques voiles blanches, véritables ailes de goéland, et dans la
201 brume de l’est ondulaient les côtes à peine estompées2 de la
202 Suède. Toute cette immensité tourbillonnait à mes regards.
203 Néanmoins il fallut me lever, me tenir droit, regarder. Ma
204 première leçon de vertige dura une heure. Quand enfin il me
205 fut permis de redescendre et de toucher du pied le pavé solide
206 des rues, j’étais courbaturé.
207 « Nous recommencerons demain, » dit mon professeur.
208 Et en effet, pendant cinq jours, je repris cet exercice verti-
209 gineux, et, bon gré mal gré, je fis des progrès sensibles dans
210 l’art « des hautes contemplations ».
1. Sund : mot danois signifiant « détroit » ; désigne aussi l’Øresund, détroit entre
le Danemark et la Suède ; Elseneur : ville danoise située à la pointe nord-est de
l’île de Seeland, au nord de Copenhague.
2. Estompées : en partie effacées.
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C hapitre
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1 Le jour du départ arriva. La veille, le complaisant1 M. Thomson
2 nous avait apporté des lettres de recommandation pressantes pour
3 le comte Trampe, gouverneur de l’Islande, M. Pietursson, le coad-
juteur2 de l’évêque, et M. Finsen, maire de Reykjavik3. En retour,
5 mon oncle lui octroya les plus chaleureuses poignées de main.
6 Le 2, à six heures du matin, nos précieux bagages étaient
7 rendus à bord de la Valkyrie. Le capitaine nous conduisit à des
8 cabines assez étroites et disposées sous une espèce de rouffle4.
9 « Avons-nous bon vent ? demanda mon oncle.
10 – Excellent, répondit le capitaine Bjarne ; un vent de sud-est.
11 Nous allons sortir du Sund grand largue5 et toutes voiles dehors. »
12 Quelques instants plus tard, la goélette6, sous sa misaine,
13 sa brigantine, son hunier et son perroquet7, appareilla et
14 donna à pleine toile dans le détroit. Une heure après, la capi-
15 tale du Danemark semblait s’enfoncer dans les flots éloignés,
16 et la Valkyrie rasait la côte d’Elseneur. Dans la disposition
17 nerveuse où je me trouvais, je m’attendais à voir l’ombre
18 d’Hamlet8 errant sur la terrasse légendaire.
1. Complaisant : aimable, serviable.
2. Coadjuteur : religieux adjoint d’un évêque.
3. Reykjavik : capitale de l’Islande.
4. Rouffle : petit logement situé à l’arrière d’un bateau.
5. Grand largue : allure du navire lorsqu’il reçoit le vent de trois quarts arrière.
6. Goélette : petit navire à deux mâts ou plus.
7. Misaine : voile principale, à l’avant du navire ; brigantine : grande voile
carrée, à l’arrière du navire ; hunier : voile carrée, au-dessus des voiles basses,
telle que la misaine ; perroquet : voile carrée et haute, au-dessus du hunier.
8. Elseneur : ville danoise située à la pointe nord-est de l’île de Seeland, au nord
de Copenhague ; Hamlet : prince du Danemark, personnage principal d’une
célèbre tragédie de William Shakespeare, dont l’action se déroule à Elseneur.
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61 arrivée et passa tout son temps étendu dans sa cabine, dont les
62 cloisons craquaient par les grands coups de tangage1. Il faut
63 l’avouer, il méritait un peu son sort.
64 Le 11, nous relevâmes2 le cap Portland. Le temps, clair
65 alors, permit d’apercevoir le Myrdals Yokul3, qui le domine.
66 Le cap se compose d’un gros morne, à pentes roides4, et planté
67 tout seul sur la plage.
68 La Valkyrie se tint à une distance raisonnable des côtes, en les
69 prolongeant vers l’ouest, au milieu de nombreux troupeaux de
70 baleines et de requins. Bientôt apparut un immense rocher percé
71 à jour, au travers duquel la mer écumeuse5 donnait avec furie.
72 Les îlots de Westman6 semblèrent sortir de l’Océan, comme une
73 semée de rocs sur la plaine liquide. À partir de ce moment, la
74 goélette prit du champ pour tourner à bonne distance le cap
75 Reykjaness7, qui ferme l’angle occidental de l’Islande.
76 La mer, très forte, empêchait mon oncle de monter sur le
77 pont pour admirer ces côtes déchiquetées et battues par les
78 vents du sud-ouest.
79 Quarante-huit heures après, en sortant d’une tempête qui
80 força la goélette de fuir à sec de toile8, on releva dans l’est la
81 balise de la pointe Skagen9, dont les roches dangereuses se
1. Tangage : balancement d’un navire d’avant en arrière [terme de marine].
2. Relever : prendre pour point de repère un lieu qu’on aperçoit depuis le navire
[terme de marine].
3. Myrdals Yokul (ou Mýrdalsjökull) : glacier islandais.
4. Morne : colline arrondie ; roides : raides.
5. Écumeuse : couverte d’écume, mousse blanche qui se forme à la surface des vagues.
6. Westman (ou Vestmann) : archipel situé au sud de l’Islande.
7. Cap Reykjaness : pointe de terre à l’extrémité sud-ouest de l’Islande.
8. À sec de toile : sans déplier les voiles [terme de marine].
9. Skagen : dans la réalité, ce nom désigne une ville du Danemark. Jules Verne
s’appuie sur des récits de voyage en Islande parfois imprécis.
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1. Tempérament : caractère.
2. Coadjuteur : religieux adjoint d’un évêque ; tournée épiscopale : tournée
faite par un évêque ; bailliage : région soumise à l’autorité d’un bailli, personne
possédant certains pouvoirs administratifs.
3. Horace (65-8 av. J.-C.) : poète latin, auteur des Satires et des Odes.
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1. Mécompte : déception.
2. Rampe : plan incliné.
3. Faxa : région située dans le sud-ouest de l’Islande, entre le Snefells au nord et
Reykjaness au sud.
4. Garde-pêche : navire chargé d’empêcher la pêche illégale ; mouillés au large :
ayant jeté l’ancre à distance de la côte.
5. Oriental : situé à l’est.
6. Négociant : commerçant.
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155 disposées ; l’autre rue, située plus à l’ouest, court vers un petit
156 lac, entre les maisons de l’évêque et des autres personnages
157 étrangers au commerce.
158 J’eus bientôt arpenté1 ces voies mornes et tristes ; j’entrevoyais
159 parfois un bout de gazon décoloré, comme un vieux tapis de laine
160 râpé par l’usage, ou bien quelque apparence de verger, dont les
161 rares légumes, pommes de terre, choux et laitues, eussent figuré
162 à l’aise sur une table lilliputienne2 ; quelques giroflées3 mala-
163 dives essayaient aussi de prendre un petit air de soleil.
164 Vers le milieu de la rue non commerçante, je trouvai le
165 cimetière public enclos d’un mur en terre, et dans lequel la
166 place ne manquait pas. Puis, en quelques enjambées, j’arrivai
167 à la maison du gouverneur, une masure comparée à l’hôtel de
168 ville de Hambourg, un palais auprès des huttes4 de la popu-
169 lation islandaise.
170 Entre le petit lac et la ville s’élevait l’église, bâtie dans le
171 goût protestant et construite en pierres calcinées dont les
172 volcans font eux-mêmes les frais d’extraction5 ; par les grands
173 vents d’ouest, son toit de tuiles rouges devait évidemment se
174 disperser dans les airs au grand dommage des fidèles.
175 Sur une éminence6 voisine, j’aperçus l’École nationale,
176 où, comme je l’appris plus tard de notre hôte, on professait
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10
1 Le dîner était prêt ; il fut dévoré avec avidité4 par le
2 professeur Lidenbrock, dont la diète5 forcée du bord avait
3 changé l’estomac en un gouffre profond. Ce repas, plus
danois qu’islandais, n’eut rien de remarquable en lui-même ;
5 mais notre hôte, plus islandais que danois, me rappela les
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1 Le soir, je fis une courte promenade sur les rivages de
2 Reykjavik, et je revins de bonne heure me coucher dans mon
3 lit de grosses planches, où je dormis d’un profond sommeil.
Quand je me réveillai, j’entendis mon oncle parler abon-
5 damment dans la salle voisine. Je me levai aussitôt et je me
6 hâtai d’aller le rejoindre.
7 Il causait en danois avec un homme de haute taille, vigoureu-
8 sement découplé1. Ce grand gaillard devait être d’une force peu
9 commune. Ses yeux, percés dans une tête très grosse et assez
10 naïve, me parurent intelligents. Ils étaient d’un bleu rêveur. De
11 longs cheveux, qui eussent passé pour roux, même en Angleterre,
12 tombaient sur ses athlétiques épaules. Cet indigène2 avait les
13 mouvements souples, mais il remuait peu les bras, en homme
14 qui ignorait ou dédaignait la langue des gestes. Tout en lui
15 révélait un tempérament d’un calme parfait, non pas indolent3,
16 mais tranquille. On sentait qu’il ne demandait rien à personne,
17 qu’il travaillait à sa convenance, et que, dans ce monde, sa philo-
18 sophie ne pouvait être ni étonnée ni troublée.
19 Je surpris les nuances de ce caractère, à la manière dont
20 l’Islandais écouta le verbiage4 passionné de son interlocuteur.
21 Il demeurait les bras croisés, immobile au milieu des gestes
22 multipliés de mon oncle ; pour nier, sa tête tournait de gauche
23 à droite ; elle s’inclinait pour affirmer, et cela si peu, que
1. Découplé : agile, souple (de couple, laisse avec laquelle on tient les chiens de
chasse : un chien découplé court en liberté avec force et agilité).
2. Indigène : homme du pays.
3. Indolent : agissant avec lenteur et mollesse.
4. Verbiage : bavardage long et inutile.
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1. Rixdales : ancienne monnaie en usage dans les pays du Nord. Jules Verne
précise en note : 16fr. 98 c.
2. Condition sine qua non (expression latine signifiant : « sans laquelle non ») :
condition sans laquelle une chose est impossible.
3. Arrhes : somme d’argent versée lors de la conclusion d’une vente, d’un achat,
qui n’est pas remboursée en cas d’annulation.
4. Édification : enseignement, instruction, notamment au plan de la morale.
5. Tout d’une pièce : d’un seul bloc, d’où, au figuré, entier et direct.
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123 laissait pas de faire un fort colis, car l’échelle mesurait trois
124 cents pieds1 de longueur.
125 Enfin, il y avait des provisions ; le paquet n’était pas gros, mais
126 rassurant, car je savais qu’en viande concentrée et en biscuits secs
127 il contenait pour six mois de vivres. Le genièvre2 en formait toute
128 la partie liquide, et l’eau manquait totalement ; mais nous avions
129 des gourdes, et mon oncle comptait sur les sources pour les
130 remplir ; les objections que j’avais pu faire sur leur qualité, leur
131 température et même leur absence, étaient restées sans succès.
132 Pour compléter la nomenclature exacte de nos articles de
133 voyage, je noterai une pharmacie portative contenant des
134 ciseaux à lames mousses, des attelles pour fracture, une pièce
135 de ruban en fil écru, des bandes et compresses, du sparadrap,
136 une palette3 pour saignée, toutes choses effrayantes ; de plus,
137 une série de flacons contenant de la dextrine, de l’alcool vulné-
138 raire, de l’acétate de plomb4 liquide, de l’éther, du vinaigre et
139 de l’ammoniaque, toutes drogues d’un emploi peu rassurant ;
140 enfin les matières nécessaires aux appareils de Ruhmkorff.
141 Mon oncle n’avait eu garde d’oublier la provision de tabac,
142 de poudre de chasse et d’amadou5, non plus qu’une ceinture
12
1 Nous étions partis par un temps couvert, mais fixe. Pas de
2 fatigantes chaleurs à redouter, ni pluies désastreuses. Un temps
3 de touristes.
1. Causerie : discussion.
2. Piaffaient : frappaient des sabots sur le sol.
3. Virgile (70-19 av. J.-C.) : poète latin, auteur de l’Énéide.
4. Citation de l’Énéide (X, v. 49) signifiant : « Et quelle que soit la route que la
Fortune a tracée, suivons-la. »
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1. Ruade : mouvement par lequel un cheval lance en arrière ses pattes arrière en
s’appuyant sur celles de devant ; désarçonner : faire tomber de sa selle.
2. Colosse de Rhodes : gigantesque statue du dieu Hélios (le Soleil) érigée à
l’entrée du port de Rhodes (île grecque de la mer Égée), entre les jambes de
laquelle passaient les bateaux.
3. Fantassin : soldat d’infanterie.
4. Bac : bateau à fond plat servant à passer un fleuve, un lac ou un bras de mer.
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1 Il aurait dû faire nuit, mais sous le soixante-cinquième
2 parallèle6, la clarté nocturne des régions polaires ne devait pas
3 m’étonner ; en Islande, pendant les mois de juin et juillet, le
soleil ne se couche pas.
5 Néanmoins la température s’était abaissée. J’avais froid et
6 surtout faim. Bienvenu fut le « boër7 » qui s’ouvrit hospita-
7 lièrement pour nous recevoir.
1. Étale : immobile, sans mouvement.
2. Flux et reflux : mouvement de la mer qui monte ou descend.
3. Bateliers : personnes qui transportent des passagers d’une rive à l’autre.
4. Fjörd : ancienne vallée glaciaire envahie par la mer.
5. Aoalkirkja : de l’islandais, aðal : « principal » et kirkjan : « église ».
6. Soixante-cinquième parallèle : ligne imaginaire joignant tous les points se
situant à 65° de latitude nord.
7. Boër : maison du paysan islandais [note de Jules Verne].
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1. Harnachement : équipement.
2. Injonction : ordre.
3. Volutes : nuages ou fumée en forme de spirales.
4. Couvée : ensemble des œufs couvés par un oiseau ; marmots : enfants (familier).
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1. Pourvoir à : assurer.
2. Fucus : algues de mer de couleur brune.
3. Taciturnité : comportement d’une personne taciturne, qui parle peu.
4. Lichen : mélange grisâtre d’algues et de champignons qui pousse sur les arbres
ou les rochers.
5. Aigri : rendu acide, piquant.
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1. Lait caillé : lait passé de l’état liquide à l’état solide ; genièvre : boisson
alcoolisée obtenue par distillation des baies du genévrier.
2. Sarrasin : céréale, surnommée « blé noir », dont la farine permet de confec-
tionner des galettes.
3. Tourbe : matière issue de la décomposition de végétaux ; bruyères : arbustes
aux fleurs roses ou blanches.
4. Contrescarpe : talus extérieur du fossé d’un ouvrage fortifié, qui fait face à
l’escarpe.
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1 Stapi est une bourgade formée d’une trentaine de huttes2,
2 et bâtie en pleine lave sous les rayons du soleil réfléchis par le
3 volcan. Elle s’étend au fond d’un petit fjörd encaissé dans une
muraille basaltique3 du plus étrange effet.
5 On sait que le basalte est une roche brune d’origine ignée4.
6 Elle affecte des formes régulières qui surprennent par leur
7 disposition. Ici la nature procède géométriquement et travaille
8 à la manière humaine, comme si elle eût manié l’équerre, le
9 compas et le fil à plomb5. Si partout ailleurs elle fait de l’art
10 avec ses grandes masses jetées sans ordre, ses cônes à peine
11 ébauchés, ses pyramides imparfaites, avec la bizarre succession
12 de ses lignes, ici, voulant donner l’exemple de la régularité, et
13 précédant les architectes des premiers âges, elle a créé un ordre
14 sévère, que ni les splendeurs de Babylone6 ni les merveilles de
15 la Grèce n’ont jamais dépassé.
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1 Le Sneffels est haut de cinq mille pieds2. Il termine, par son
2 double cône, une bande trachytique qui se détache du système
3 orographique3 de l’île. De notre point de départ on ne pouvait voir
ses deux pics se profiler sur le fond grisâtre du ciel. J’apercevais
5 seulement une énorme calotte de neige4 abaissée sur le front du
6 géant.
7 Nous marchions en file, précédés du chasseur ; celui-ci
8 remontait d’étroits sentiers où deux personnes n’auraient pas
9 pu aller de front5. Toute conversation devenait donc à peu près
10 impossible.
11 Au-delà de la muraille basaltique du fjörd de Stapi, se
12 présenta d’abord un sol de tourbe herbacée et fibreuse6, résidu
13 de l’antique végétation des marécages de la presqu’île ; la masse
14 de ce combustible encore inexploité suffirait à chauffer pendant
15 un siècle toute la population de l’Islande ; cette vaste tourbière,
16 mesurée du fond de certains ravins, avait souvent soixante-dix
1. Rixdales : ancienne monnaie en usage dans les pays du Nord.
2. Cinq mille pieds : 1 500 m (1 pied = 30 cm).
3. Trachytique : faite de trachyte, lave aux gros cristaux ; système orogra-
phique : ensemble du relief de l’île.
4. Calotte de neige : glacier de forme arrondie recouvrant la partie supérieure
du volcan.
5. Aller de front : marcher côte à côte.
6. Herbacée et fibreuse : qui a l’apparence de l’herbe et des fibres.
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1. S’épancha : s’écoula.
2. Masses mamelonnées : masses arrondies comme des mamelons.
3. Feldspaths : minéraux en forme de cristaux ; syénites, porphyre : roches
éruptives issues du refroidissement et de la solidification du magma.
4. Cheminées : canaux par lesquels la lave parvient dans le cratère du volcan.
5. Déjections basaltiques : déjections constituées de basalte, roche volcanique
noire et très dure.
6. Prisme à base hexagone : volume dont la base est une figure géométrique à six
côtés.
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1 Le souper fut rapidement dévoré et la petite troupe se casa
2 de son mieux. La couche était dure, l’abri peu solide, la situa-
3 tion fort pénible, à cinq mille pieds4 au-dessus du niveau de
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75 par une longue corde, afin que celui auquel le pied viendrait à
76 manquer inopinément1 se trouvât soutenu par ses compa-
77 gnons. Cette solidarité était chose prudente, mais elle n’ex-
78 cluait pas tout danger.
79 Cependant, et malgré les difficultés de la descente sur des
80 pentes que le guide ne connaissait pas, la route se fit sans
81 accident, sauf la chute d’un ballot2 de cordes qui s’échappa des
82 mains d’un Islandais et alla par le plus court jusqu’au fond de
83 l’abîme.
84 À midi, nous étions arrivés. Je relevai la tête, et j’aperçus
85 l’orifice supérieur du cône, dans lequel s’encadrait un morceau
86 de ciel d’une circonférence singulièrement réduite, mais
87 presque parfaite. Sur un point seulement se détachait le pic
88 du Scartaris, qui s’enfonçait dans l’immensité.
89 Au fond du cratère s’ouvraient trois cheminées3 par
90 lesquelles, au temps des éruptions du Sneffels, le foyer central
91 chassait ses laves et ses vapeurs. Chacune de ces cheminées
92 avait environ cent pieds4 de diamètre. Elles étaient là béantes5
93 sous nos pas. Je n’eus pas la force d’y plonger mes regards. Le
94 professeur Lidenbrock, lui, avait fait un examen rapide de leur
95 disposition ; il était haletant6 ; il courait de l’une à l’autre,
96 gesticulant et lançant des paroles incompréhensibles. Hans et
97 ses compagnons, assis sur des morceaux de lave, le regardaient
98 faire ; ils le prenaient évidemment pour un fou.
1. Inopinément : de façon inattendue.
2. Ballot : paquet.
3. Cheminées : canaux par lesquels la lave parvient dans le cratère du volcan.
4. Cent pieds : 30 m (1 pied = 30 cm).
5. Béantes : grandes ouvertes.
6. Haletant : respirant à un rythme précipité, sous le coup de l’émotion et de la
curiosité.
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173 À midi, dans sa période la plus courte, elle vint lécher douce-
174 ment le bord de la cheminée1 centrale.
175 « C’est là ! s’écria le professeur, c’est là ! Au centre du globe ! »
176 ajouta-t-il en danois.
177 Je regardai Hans.
178 « Forüt ! » fit tranquillement le guide.
179 – En avant ! » répondit mon oncle.
180 Il était une heure et treize minutes du soir.
17
1 Le véritable voyage commençait. Jusqu’alors les fatigues
2 l’avaient emporté sur les difficultés ; maintenant celles-ci
3 allaient véritablement naître sous nos pas.
Je n’avais point encore plongé mon regard dans ce puits
5 insondable2 où j’allais m’engouffrer. Le moment était venu.
6 Je pouvais encore ou prendre mon parti de l’entreprise ou
7 refuser de la tenter. Mais j’eus honte de reculer devant le
8 chasseur. Hans acceptait si tranquillement l’aventure, avec
9 une telle indifférence, une si parfaite insouciance de tout
10 danger, que je rougis à l’idée d’être moins brave que lui.
11 Seul, j’aurais entamé la série des grands arguments ; mais en
12 présence du guide je me tus ; un de mes souvenirs s’envola
13 vers ma jolie Virlandaise3, et je m’approchai de la cheminée
14 centrale.
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1 À huit heures du matin, un rayon du jour vint nous réveiller.
2 Les mille facettes de lave des parois le recueillaient à son passage
3 et l’éparpillaient comme une pluie d’étincelles. Cette lueur
était assez forte pour permettre de distinguer les objets envi-
5 ronnants.
6 « Eh bien ! Axel, qu’en dis-tu ? fit mon oncle en se frottant
7 les mains. As-tu jamais passé une nuit plus paisible dans notre
8 maison de Königstrasse3 ? Plus de bruit de charrettes, plus de
9 cris de marchands, plus de vociférations de bateliers4 !
10 – Sans doute, nous sommes fort tranquilles au fond de ce
11 puits, mais ce calme même a quelque chose d’effrayant.
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1 Le lendemain mardi, 30 juin, à six heures, la descente fut
2 reprise.
3 Nous suivions toujours la galerie de lave, véritable rampe
naturelle, douce comme ces plans inclinés qui remplacent
5 encore l’escalier dans les vieilles maisons. Ce fut ainsi jusqu’à
6 midi dix-sept minutes, instant précis où nous rejoignîmes
7 Hans, qui venait de s’arrêter.
8 « Ah ! s’écria mon oncle, nous sommes parvenus à l’extré-
9 mité de la cheminée1. »
10 Je regardai autour de moi. Nous étions au centre d’un carre-
11 four, auquel deux routes venaient aboutir, toutes deux sombres
12 et étroites. Laquelle convenait-il de prendre ? Il y avait là une
13 difficulté.
14 Cependant mon oncle ne voulut paraître hésiter ni devant
15 moi ni devant le guide ; il désigna le tunnel de l’est, et bientôt
16 nous y étions enfoncés tous les trois.
17 D’ailleurs, toute hésitation devant ce double chemin se
18 serait prolongée indéfiniment, car nul indice ne pouvait déter-
19 miner le choix de l’un ou de l’autre ; il fallait s’en remettre
20 absolument au hasard.
21 La pente de cette nouvelle galerie était peu sensible, et sa
22 section2 fort inégale. Parfois une succession d’arceaux se dérou-
23 lait devant nos pas comme les contre-nefs d’une cathédrale
24 gothique3. Les artistes du moyen âge auraient pu étudier là
1. Cheminée : canal par lequel la lave parvient dans le cratère du volcan.
2. Section : surface.
3. Arceau : arc ; contre-nefs : parties situées de chaque côté de la nef centrale
d’une cathédrale, et plus étroites qu’elle ; gothique : style d’architecture qui
succède au roman, en usage du xiie au xve siècle.
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1. Ogive : arcade dont le haut est plus pointu qu’un arc, caractéristique de l’archi-
tecture gothique.
2. Mille : ancienne mesure de distance équivalant à 1 600 mètres ; cintres : arcs
dont la courbure est en demi-cercle (opposé à ogive) ; roman : style d’architecture
qui précède le gothique, en usage du xe au xiie siècle
3. Substructions : fondements d’une construction ; boyaux : tunnels.
4. Deux lieues : 9,6 km (1 lieue = 4,8 km).
5. Un quart de mille : 400 m (1 mille = 1 600 m).
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1 En effet, il fallut se rationner. Notre provision ne pouvait
2 durer plus de trois jours. C’est ce que je reconnus le soir au
3 moment du souper. Et, fâcheuse expectative3, nous avions peu
4 d’espoir de rencontrer quelque source vive dans ces terrains de
5 l’époque de transition.
6 Pendant toute la journée du lendemain, la galerie déroula
7 devant nos pas ses interminables arceaux4. Nous marchions
8 presque sans mot dire. Le mutisme5 de Hans nous gagnait.
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1. Affaissements : effondrements.
2. Tourbe : matière issue de la décomposition de végétaux.
3. Fermentation : processus chimique de dégradation d’un végétal en l’absence
d’oxygène ; minéralisation : production de minéraux.
4. Houillères : en charbon.
5. Schistes : roches souvent noires.
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1 Le lendemain, le départ eut lieu de grand matin. Il fallait
2 se hâter. Nous étions à cinq jours de marche du carrefour.
3 Je ne m’appesantirai pas sur les souffrances de notre retour.
4 Mon oncle les supporta avec la colère d’un homme qui ne se
5 sent pas le plus fort ; Hans, avec la résignation de sa nature
6 pacifique ; moi, je l’avoue, me plaignant et me désespérant ;
7 je ne pouvais avoir de cœur contre cette mauvaise fortune.
8 Ainsi que je l’avais prévu, l’eau fit tout à fait défaut à la fin
9 du premier jour de marche. Notre provision liquide se
10 réduisit alors à du genièvre1 ; mais cette infernale liqueur
11 brûlait le gosier, et je ne pouvais même en supporter la vue.
12 Je trouvais la température étouffante. La fatigue me paraly-
13 sait. Plus d’une fois, je faillis tomber sans mouvement. On
14 faisait halte alors ; mon oncle ou l’Islandais me réconfortaient
15 de leur mieux. Mais je voyais déjà que le premier réagissait
16 péniblement contre l’extrême fatigue et les tortures nées de la
17 privation d’eau.
18 Enfin, le mardi 8 juillet, en nous traînant sur les genoux, sur
19 les mains, nous arrivâmes à demi-morts au point de jonction
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1
La descente recommença cette fois par la nouvelle galerie.
2
Hans marchait en avant, selon son habitude. Nous n’avions
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1. Filon : masse allongée d’un minerai qui existe dans le sol – comme un fil –
entre deux couches d’autres minerais ; manganèse : métal de couleur grise.
2. Avide : qui désire ardemment quelque chose, ici la richesse.
3. Stratiforme : qui se présente en strates, en couches superposées.
4. Mica : minéral très brillant ; feldspath : minéral qui est un constituant essen-
tiel des roches éruptives ; quartz : minéral que l’on trouve dans de nombreuses
roches.
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174
Des clés Science et poésie
Chapitre 22
pour vous guider de « à mesure que » (p. 172, l. 13)
à « éblouissements » (p. 173, l. 42)
175
Voyage au centre de la Terre
23
1
Pendant une heure, j’imaginai dans mon cerveau en délire
2
toutes les raisons qui avaient pu faire agir le tranquille chasseur.
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C hapitre
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1. Sinuosités : lignes courbes, qui font des détours au lieu d’aller tout droit.
2. Volupté : plaisir extrême.
3. Délectation : fait de savourer, de déguster avec beaucoup de plaisir.
4. Ferrugineuse : qui contient une grande quantité de fer.
5. Spa : station thermale belge, célèbre au xixe siècle ; Tœplitz : nom allemand
de Teplice, station thermale tchèque. Les stations thermales sont situées près de
sources d’eau naturellement chaude qui tirent leurs propriétés réputées béné-
fiques des minéraux contenus dans les roches à travers lesquelles elles s’écoulent.
6. Salutaire : qui assure le salut, qui sauve la vie.
7. Hans-bach : « ruisseau de Hans », en allemand.
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Voyage au centre de la Terre
129 Hans n’en fut pas plus fier. Après s’être modérément rafraîchi,
130 il s’accota1 dans un coin avec son calme accoutumé.
131 « Maintenant, dis-je, il ne faudrait pas laisser perdre cette eau.
132 – À quoi bon ? répondit mon oncle, je soupçonne la source
133 d’être intarissable.
134 – Qu’importe ! remplissons l’outre2 et les gourdes, puis nous
135 essayerons de boucher l’ouverture. »
136 Mon conseil fut suivi. Hans, au moyen d’éclats de granit et
137 d’étoupe, essaya d’obstruer l’entaille3 faite à la paroi. Ce ne fut pas
138 chose facile. On se brûlait les mains sans y parvenir ; la pression
139 était trop considérable, et nos efforts demeurèrent infructueux.
140 « Il est évident, dis-je, que les nappes supérieures de ce cours
141 d’eau sont situées à une grande hauteur, à en juger par la force
142 du jet.
143 – Cela n’est pas douteux, répliqua mon oncle ; il y a là mille
144 atmosphères de pression, si cette colonne d’eau a trente-deux
145 mille pieds4 de hauteur. Mais il me vient une idée.
146 – Laquelle ?
147 – Pourquoi nous entêter à boucher cette ouverture ?
148 – Mais, parce que… »
149 J’aurais été embarrassé de trouver une bonne raison.
150 « Quand nos gourdes seront vides, sommes-nous assurés de
151 pouvoir les remplir ?
152 – Non, évidemment.
1. S’accoter : s’appuyer.
2. Outre : récipient en peau d’animal et en forme de sac pouvant contenir une
grande quantité de liquide.
3. Étoupe : partie la plus grossière du chanvre et du lin, non encore filée ; obs-
truer : boucher ; entaille : coupure qui enlève une partie, laisse une marque.
4. Atmosphère : unité de mesure de la pression exercée par les fluides ; trente-
deux mille pieds : 9,6 km (1 pied = 30 cm).
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C hapitre
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1 Le lendemain, nous avions déjà oublié nos douleurs passées.
2 Je m’étonnai tout d’abord de n’avoir plus soif, et j’en demandai
la raison. Le ruisseau qui coulait à mes pieds en murmurant se
4 chargea de me répondre.
5 On déjeuna et l’on but de cette excellente eau ferrugineuse1.
6 Je me sentais tout ragaillardi2 et décidé à aller loin. Pourquoi
7 un homme convaincu comme mon oncle ne réussirait-il pas,
avec un guide industrieux3 comme Hans et un neveu « déter-
9 miné » comme moi ? Voilà les belles idées qui se glissaient
10 dans mon cerveau ! On m’eût proposé de remonter à la cime
11 du Sneffels que j’aurais refusé avec indignation.
12 Mais il n’était heureusement question que de descendre.
1. Ferrugineuse : qui contient du fer.
2. Ragaillardi : revigoré.
3. Industrieux : habile, efficace.
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1. Déclivités : pentes.
2. Deux lieues : 9,6 km ; cinq lieues : 24 km (1 lieue = 4,8 km).
3. Sept lieues : 33 km ; cinquante lieues : 240 km (1 lieue = 4,8 km).
4. Manomètre : appareil permettant de mesurer la pression d’un fluide à l’inté-
rieur d’un espace clos.
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1 Je me réveillai donc, le dimanche matin, sans cette préoc-
2 cupation habituelle d’un départ immédiat. Et, quoique ce fût
au plus profond des abîmes, cela ne laissait pas d’être agréable.
4 D’ailleurs, nous étions faits à cette existence de troglodytes3.
5 Je ne pensais guère au soleil, aux étoiles, à la lune, aux arbres,
6 aux maisons, aux villes, à toutes ces superfluités terrestres dont
7 l’être sublunaire4 s’est fait une nécessité. En notre qualité de
fossiles, nous faisions fi de ces inutiles merveilles.
9 La grotte formait une vaste salle. Sur son sol granitique
10 coulait doucement le ruisseau fidèle. À une pareille distance
11 de sa source, son eau n’avait plus que la température ambiante
12 et se laissait boire sans difficulté.
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Voyage au centre de la Terre
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1 Il faut l’avouer, les choses jusqu’ici se passaient bien, et
2 j’aurais eu mauvaise grâce à me plaindre. Si la « moyenne »
des difficultés ne s’accroissait pas, nous ne pouvions manquer
4 d’atteindre notre but. Et quelle gloire alors ! J’en étais arrivé
5 à faire ces raisonnements à la Lidenbrock. Sérieusement. Cela
6 tenait-il au milieu étrange dans lequel je vivais ? Peut-être.
7 Pendant quelques jours, des pentes plus rapides, quelques-
unes même d’une effrayante verticalité, nous engagèrent
9 profondément dans le massif interne. Par certaines journées,
10 on gagnait une lieue et demie à deux lieues1 vers le centre.
11 Descentes périlleuses, pendant lesquelles l’adresse de Hans et
12 son merveilleux sang-froid nous furent très utiles. Cet impas-
13 sible2 Islandais se dévouait avec un incompréhensible sans-
14 façon, et, grâce à lui, plus d’un mauvais pas fut franchi dont
15 nous ne serions pas sortis seuls.
16 Par exemple, son mutisme s’augmentait de jour en jour. Je
17 crois même qu’il nous gagnait. Les objets extérieurs ont une
18 action réelle sur le cerveau. Qui s’enferme entre quatre murs
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C hapitre
26
19 finit par perdre la faculté d’associer les idées et les mots. Que
20 de prisonniers cellulaires1 devenus imbéciles, sinon fous, par
21 le défaut d’exercice des facultés pensantes !
22 Pendant les deux semaines qui suivirent notre dernière
23 conversation, il ne se produisit aucun incident digne d’être
24 rapporté. Je ne retrouve dans ma mémoire, et pour cause,
25 qu’un seul événement d’une extrême gravité. Il m’eût été
26 difficile d’en oublier le moindre détail.
27 Le 7 août, nos descentes successives nous avaient amenés à
28 une profondeur de trente lieues2 ; c’est-à-dire qu’il y avait sur
29 notre tête trente lieues de rocs, d’océan, de continents et de
30 villes. Nous devions être alors à deux cents lieues de l’Islande.
31 Ce jour-là le tunnel suivait un plan peu incliné.
32 Je marchais en avant. Mon oncle portait l’un des deux appa-
33 reils de Ruhmkorff3, et moi l’autre. J’examinais les couches de
34 granit.
35 Tout à coup, en me retournant, je m’aperçus que j’étais seul.
36 « Bon, pensai-je, j’ai marché trop vite, ou bien Hans et mon
37 oncle se sont arrêtés en route. Allons, il faut les rejoindre.
38 Heureusement le chemin ne monte pas sensiblement. »
39 Je revins sur mes pas. Je marchai pendant un quart d’heure.
40 Je regardai. Personne. J’appelai. Point de réponse. Ma voix se
41 perdit au milieu des caverneux4 échos qu’elle éveilla soudain.
42 Je commençai à me sentir inquiet. Un frisson me parcourut
43 tout le corps.
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1 Je ne puis peindre mon désespoir. Nul mot de la langue
2 humaine ne rendrait mes sentiments. J’étais enterré vif, avec la
perspective de mourir dans les tortures de la faim et de la soif.
4 Machinalement je promenai mes mains brûlantes sur le sol.
5 Que ce roc me sembla desséché !
6 Mais comment avais-je abandonné le cours du ruisseau ?
7 Car, enfin, il n’était plus là ! Je compris alors la raison de
ce silence étrange, quand j’écoutai pour la dernière fois si
9 quelque appel de mes compagnons ne parviendrait pas à mon
10 oreille. Ainsi, au moment où mon premier pas s’engagea dans
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1 Quand je revins à la vie, mon visage était mouillé, mais
2 mouillé de larmes. Combien dura cet état d’insensibilité, je ne
saurais le dire. Je n’avais plus aucun moyen de me rendre compte
4 du temps. Jamais solitude ne fut semblable à la mienne, jamais
5 abandon si complet !
6 Après ma chute, j’avais perdu beaucoup de sang. Je m’en
7 sentais inondé ! Ah ! combien je regrettai de n’être pas mort
« et que ce fût encore à faire ! » Je ne voulais plus penser. Je
9 chassai toute idée et, vaincu par la douleur, je me roulai près
10 de la paroi opposée.
11 Déjà je sentais l’évanouissement me reprendre, et, avec lui,
12 l’anéantissement suprême, quand un bruit violent vint frapper
13 mon oreille. Il ressemblait au roulement prolongé du tonnerre,
14 et j’entendis les ondes sonores se perdre peu à peu dans les loin-
15 taines profondeurs du gouffre.
16 D’où provenait ce bruit ? De quelque phénomène sans doute,
17 qui s’accomplissait au sein du massif terrestre ! L’explosion d’un
18 gaz, ou la chute de quelque puissante assise2 du globe !
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C hapitre
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1. Je tressaillis : je sursautai.
2. À mon insu : sans que j’en aie conscience.
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1. J’épiai : je guettai.
2. Trente lieues : 144 km (1 lieue = 4,8 km).
3. Torpeur : engourdissement.
4. Granit : roche très dure.
5. Acoustique : qui concerne le son et sa propagation.
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1. Mille vingt pieds : 310 m ; vingt mille quatre cents pieds : 6,2 km
(1 pied = 30 cm) ; une lieue et demie : 7 km (1 lieue = 4,8 km).
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Voyage au centre de la Terre
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1 Lorsque je revins à moi, j’étais dans une demi-obscu-
2 rité, étendu sur d’épaisses couvertures. Mon oncle veillait,
épiant4 sur mon visage un reste d’existence. À mon premier
1. Saint-Paul : cathédrale située au centre de Londres.
2. Latomies de Syracuse : vastes carrières à ciel ouvert qui, dans l’Antiquité,
servaient de prison ; les plus célèbres sont celles de Syracuse, en Sicile. Oreille
de Denys : on raconte que Denys l’Ancien (431-367 av. J.-C.), le tyran de
Syracuse, s’y plaçait pour écouter la conversation des prisonniers (d’où le nom
d’« Oreille de Denys »).
3. Aspérités : parties saillantes.
4. Épiant : guettant.
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1. Ragaillardi : revigoré.
2. Onguent : pommade.
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84 – Certainement.
85 – Et ma tête ?
86 – Ta tête, sauf quelques contusions, est parfaitement à sa
87 place sur tes épaules.
88 – Eh bien, j’ai peur que mon cerveau ne soit dérangé.
89 – Dérangé ?
90 – Oui. Nous ne sommes pas revenus à la surface du globe ?
91 – Non certes !
92 – Alors il faut que je sois fou, car j’aperçois la lumière du
93 jour, j’entends le bruit du vent qui souffle et de la mer qui se
94 brise !
95 – Ah ! n’est-ce que cela ?
96 – M’expliquerez-vous ?
97 – Je ne t’expliquerai rien, car c’est inexplicable ; mais tu
98 verras et tu comprendras que la science géologique n’a pas
99 encore dit son dernier mot.
100 – Sortons donc ! m’écriai-je en me levant brusquement.
101 – Non, Axel, non ! le grand air pourrait te faire du mal.
102 – Le grand air ?
103 – Oui, le vent est assez violent. Je ne veux pas que tu t’exposes
104 ainsi.
105 – Mais je vous assure que je me porte à merveille.
106 – Un peu de patience, mon garçon. Une rechute nous mettrait
107 dans l’embarras, et il ne faut pas perdre de temps, car la traversée
108 peut être longue.
– La traversée ?
110 – Oui, repose-toi encore aujourd’hui, et nous nous embar-
querons demain.
112 – Nous embarquer ? »
113 Ce dernier mot me fit bondir.
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Voyage au centre de la Terre
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1 D’abord je ne vis rien. Mes yeux, déshabitués de la lumière, se
2 fermèrent brusquement. Lorsque je pus les rouvrir, je demeurai
encore plus stupéfait qu’émerveillé.
4 « La mer ! m’écriai-je.
5 – Oui, répondit mon oncle, la mer Lidenbrock ; et, j’aime
6 à le penser, aucun navigateur ne me disputera l’honneur de
7 l’avoir découverte et le droit de la nommer de mon nom ! »
Une vaste nappe d’eau, le commencement d’un lac ou d’un
9 océan, s’étendait au-delà des limites de la vue. Le rivage,
10 largement échancré, offrait aux dernières ondulations des
11 vagues un sable fin, doré et parsemé de ces petits coquillages
12 où vécurent les premiers êtres de la création. Les flots s’y
13 brisaient avec ce murmure sonore particulier aux milieux clos
14 et immenses. Une légère écume s’envolait au souffle d’un vent
15 modéré, et quelques embruns2 m’arrivaient au visage. Sur cette
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C hapitre
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1. Nuées : nuages.
2. Volutes : spirales.
3. Firmament : ciel.
4. Satellites : astres qui tournent autour d’une planète.
5. Capitaine anglais : John Cleves Symmes Jr. (1780-1829), en réalité américain,
développe ces idées dans son roman Symzonia (1820). Pluton et Proserpine : dans
la mythologie romaine, le dieu des Enfers et son épouse, la déesse des saisons ;
désignent ici des astres. Orbites : trajectoires circulaires des planètes.
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1. Insondable : qu’on ne peut pas sonder, car il est trop profond ; dix lieues : 40 km
(1 lieue = 4 km).
2. Uranus, Neptune : septième et huitième planètes du système solaire ; terres-
trielle : mot inventé par Jules Verne désignant ce qui appartient à la planète Terre.
3. Émanations salines : odeurs se dégageant de l’eau salée.
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1. Sinuosités : courbes.
2. Titanesque (de Titan, être gigantesque dans la mythologie grecque) : géant,
colossal.
3. Limpides : pures, transparentes.
4. Promontoire : pointe de terre qui s’avance dans la mer.
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Voyage au centre de la Terre
1. Cèdre : grand arbre dont les branches, horizontales sur plusieurs niveaux,
rappellent l’aspect d’un parasol ; pétrifiés : changés en pierre.
2. Essences : espèces d’arbres.
3. Lacustres : qui vivent sur les bords ou dans les eaux d’un lac.
4. Patron : modèle en tissu, en papier…, d’après lequel les couturiers taillent
un vêtement ; par extension, modèle.
5. Lycoperdon giganteum : nom latin de la vesse-de-loup, champignon pouvant
atteindre un mètre de haut ; Pierre Bulliard (1752-1793) : botaniste français ; huit
à neuf pieds : environ 2m50, trente à quarante pieds : environ 10 m ; calotte :
chapeau.
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C hapitre
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1. Voûtes charnues : voûtes formées par ces champignons géants bien en chair.
2. Lycopodes : plantes à grandes tiges vertes et à petites feuilles, ressemblant à
des plumeaux ; sigillaires : plantes des périodes très anciennes qu’on rencontrait
dans les gisements de charbon ; fougères arborescentes : fougères grandes
comme des arbres ; lépidodendrons à tiges cylindriques bifurquées : fou-
gères géantes à tiges cylindriques et se séparant en deux branches.
3. Seconde époque : âge géologique regroupant plusieurs périodes et succèdant
à l’époque primaire, laquelle regroupe les périodes précédemment mentionnées
dans le roman (primitive, silurienne, dévonienne et carbonifère).
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Voyage au centre de la Terre
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C hapitre
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Voyage au centre de la Terre
1. Échancrure : découpure.
2. Brick, goélettes : petits navires à voiles à deux mâts ou plus.
3. Grève : rivage, plage.
224
Des clés Une forêt de champignons
Chapitre 30
pour vous guider de « Mais en ce moment » (p. 219, l. 130)
à « africaine » (p. 221, l. 153)
225
Voyage au centre de la Terre
31
1 Le lendemain je me réveillai complètement guéri. Je pensai
2 qu’un bain me serait très salutaire, et j’allai me plonger pendant
quelques minutes dans les eaux de cette Méditerranée1. Ce
4 nom, à coup sûr, elle le méritait entre tous.
5 Je revins déjeuner avec un bel appétit. Hans s’entendait à2
6 cuisiner notre petit menu ; il avait de l’eau et du feu à sa dispo-
7 sition, de sorte qu’il put varier un peu notre ordinaire.
Au dessert, il nous servit quelques tasses de café, et
9 jamais ce délicieux breuvage ne me parut plus agréable à
10 déguster.
11 « Maintenant, dit mon oncle, voici l’heure de la marée, et
12 il ne faut pas manquer l’occasion d’étudier ce phénomène.
13 – Comment, la marée ! m’écriai-je.
14 – Sans doute.
15 – L’influence de la lune et du soleil se fait sentir jusqu’ici !
16 – Pourquoi pas ! Les corps ne sont-ils pas soumis dans leur
17 ensemble à l’attraction3 universelle ? Cette masse d’eau ne peut
18 donc échapper à cette loi générale. Aussi, malgré la pression
19 atmosphérique qui s’exerce à sa surface, tu vas la voir se soulever
20 comme l’Atlantique lui-même. »
21 En ce moment nous foulions le sable du rivage et les vagues
22 gagnaient peu à peu sur la grève4.
23 « Voilà bien le flot qui commence, m’écriai-je.
1. En effet, le nom Méditerranée signifie « au milieu de la terre » (du latin medius,
« milieu » et terra, « terre »).
2. S’entendait à : était doué pour.
3. Attraction : loi de la physique, selon laquelle tous les corps, notamment les
planètes et leur satellites, s’attirent les uns les autres
4. Foulions : marchions sur ; grève : plage, rivage.
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Voyage au centre de la Terre
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32
1 Le 13 août, on se réveilla de bon matin. Il s’agissait d’inau-
2 gurer un nouveau genre de locomotion2 rapide et peu fatigant.
Un mât fait de deux bâtons jumelés, une vergue formée d’un
4 troisième, une voile empruntée à nos couvertures, composaient
5 tout le gréement3 du radeau. Les cordes ne manquaient pas. Le
6 tout était solide.
7 À six heures, le professeur donna le signal d’embarquer. Les
vivres, les bagages, les instruments, les armes et une notable
9 quantité d’eau douce se trouvaient en place.
10 Hans avait installé un gouvernail qui lui permettait de
11 diriger son appareil flottant. Il se mit à la barre. Je détachai
12 l’amarre qui nous retenait au rivage ; la voile fut orientée et
13 nous débordâmes4 rapidement.
233
Voyage au centre de la Terre
38 grisâtre, qui semblait peser sur cette eau morne. Les rayons
argentés de la lumière électrique, réfléchis1 çà et là par quelque
40 gouttelette, faisaient éclore des points lumineux sur les côtés de
41 l’embarcation. Bientôt toute terre fut perdue de vue, tout point
42 de repère disparut, et, sans le sillage écumeux du radeau, j’au-
43 rais pu croire qu’il demeurait dans une parfaite immobilité.
44 Vers midi, des algues immenses vinrent onduler à la surface
45 des flots. Je connaissais la puissance végétative de ces plantes,
46 qui rampent à une profondeur de plus de douze mille pieds au
47 fond des mers, se reproduisent sous une pression de près de
48 quatre cents atmosphères2 et forment souvent des bancs assez
49 considérables pour entraver la marche des navires ; mais jamais,
50 je crois, algues ne furent plus gigantesques que celles de la mer
51 Lidenbrock.
52 Notre radeau longea des fucus3 longs de trois et quatre mille
53 pieds, immenses serpents qui se développaient hors de la portée
54 de la vue ; je m’amusais à suivre du regard leurs rubans infinis,
55 croyant toujours en atteindre l’extrémité, et pendant des heures
56 entières ma patience était trompée, sinon mon étonnement.
57 Quelle force naturelle pouvait produire de telles plantes, et
quel devait être l’aspect de la terre aux premiers siècles de sa
59 formation, quand, sous l’action de la chaleur et de l’humidité,
60 le règne végétal se développait seul à sa surface !
61 Le soir arriva, et, ainsi que je l’avais remarqué la veille, l’état
62 lumineux de l’air ne subit aucune diminution. C’était un
63 phénomène constant sur la durée duquel on pouvait compter.
1. Réfléchis : reflétés.
2. Puissance végétative : capacité à se développer ; 12 000 pieds :3,6 km ; atmos-
phère : pression de référence pour mesurer la pression exercée par les fluides.
3. Fucus : grande algue de mer brune.
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1. Indolentes : paresseuses.
2. Vitesse acquise : vitesse que le bateau conserve, même en l’absence de vent.
3. Brise égale du N.-O. : vent constant du nord-ouest.
4. Trente lieues : 144 km (1 lieue = 4,8 km).
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Voyage au centre de la Terre
114 – Genre des Pterychtis1, j’en jurerais ; mais celui-ci offre une
115 particularité qui, dit-on, se rencontre chez les poissons des
116 eaux souterraines.
117 – Laquelle ?
118 – Il est aveugle !
119 – Aveugle !
120 – Non seulement aveugle, mais l’organe de la vue lui manque
121 absolument. »
122 Je regarde. Rien n’est plus vrai. Mais ce peut être un cas
123 particulier. La ligne est donc amorcée2 de nouveau et rejetée à
124 la mer. Cet océan, à coup sûr, est fort poissonneux, car en deux
125 heures nous prenons une grande quantité de Pterychtis, ainsi
126 que des poissons appartenant à une famille également éteinte,
127 les Dipterides3, mais dont mon oncle ne peut reconnaître le
128 genre. Tous sont dépourvus de l’organe de la vue. Cette pêche
129 inespérée renouvelle avantageusement nos provisions.
130 Ainsi donc, cela paraît constant, cette mer ne renferme que des
131 espèces fossiles, dans lesquelles les poissons comme les reptiles
132 sont d’autant plus parfaits que leur création est plus ancienne.
133 Peut-être rencontrerons-nous quelques-uns de ces sauriens4
134 que la science a su refaire avec un bout d’ossement ou de
135 cartilage5 ?
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C hapitre
32
156 trompe et broie sous ses défenses les rochers du rivage, tandis
157 que le Megathérium, arc-bouté1 sur ses énormes pattes, fouille
158 la terre en éveillant par ses rugissements l’écho des granits
159 sonores. Plus haut, le Protopithèque, le premier singe apparu
160 à la surface du globe, gravit les cimes ardues2. Plus haut
161 encore, le Ptérodactyle3, à la main ailée, glisse comme une
162 large chauve-souris sur l’air comprimé. Enfin, dans les
163 dernières couches, des oiseaux immenses, plus puissants que
164 le casoar, plus grands que l’autruche, déploient leurs vastes
165 ailes et vont donner de la tête4 contre la paroi de la voûte
166 granitique.
167 Tout ce monde fossile renaît dans mon imagination. Je
168 me reporte aux époques bibliques de la création, bien avant
169 la naissance de l’homme, lorsque la terre incomplète ne
170 pouvait lui suffire encore. Mon rêve alors devance l’appari-
171 tion des êtres animés. Les mammifères disparaissent, puis
172 les oiseaux, puis les reptiles de l’époque secondaire5, et enfin
173 les poissons, les crustacés, les mollusques, les articulés. Les
174 zoophytes6 de la période de transition retournent au néant
175 à leur tour. Toute la vie de la terre se résume en moi, et mon
176 cœur est seul à battre dans ce monde dépeuplé. Il n’y a
177 plus de saisons ; il n’y a plus de climats ; la chaleur propre
1. Mégathérium : animal disparu, ressemblant à un paresseux géant ; arc-bouté :
appuyé.
2. Ardues : difficiles d’accès.
3. Ptérodactyle : reptile volant, contemporain des dinosaures.
4. Casoar : oiseau de très grande taille, incapable de voler, trouvé principalement
en Australie ; donner de la tête : se cogner.
5. Époque secondaire : âge géologique qui succède à l’époque primaire, laquelle
regroupe les périodes primitive, silurienne, dévonienne et carbonifère.
6. Zoophytes (du grec zoo, « être vivant, animal » et phuton, « plante ») : animaux
dont l’aspect ressemble à une plante, comme la méduse ou l’éponge.
239
Voyage au centre de la Terre
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C hapitre
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1. Se subtilise : devient très subtil au sens concret, c’est-à-dire très léger, presque
imperceptible ; se sublime : en chimie, se transformer en gaz, au sens général,
se purifier.
2. Impondérable : qui ni peut être pesé, qui n’a aucune masse ; orbite : trajec-
toire en forme de cercle, des planètes notamment.
3. Estime : estimation, évaluation approximative.
241
Voyage au centre de la Terre
33
1 Samedi 15 août. – La mer conserve sa monotone uniformité.
2 Nulle terre n’est en vue. L’horizon parait excessivement reculé.
J’ai la tête encore alourdie par la violence de mon rêve.
4 Mon oncle n’a pas rêvé, lui, mais il est de mauvaise humeur ;
5 il parcourt tous les points de l’espace avec sa lunette et se croise
6 les bras d’un air dépité1.
7 Je remarque que le professeur Lidenbrock tend à redevenir
l’homme impatient du passé, et je consigne le fait sur mon
9 journal. Il a fallu mes dangers et mes souffrances pour tirer de
10 lui quelque étincelle d’humanité ; mais, depuis ma guérison,
11 la nature a repris le dessus. Et cependant, pourquoi s’em-
12 porter ? Le voyage ne s’accomplit-il pas dans les circonstances
13 les plus favorables ? Est-ce que le radeau ne file pas avec une
14 merveilleuse rapidité ?
15 « Vous semblez inquiet, mon oncle ? dis-je, en le voyant
16 souvent porter la lunette à ses yeux.
17 – Inquiet ? Non.
18 – Impatient, alors ?
19 – On le serait à moins !
20 – Cependant nous marchons avec vitesse…
21 – Que m’importe ? Ce n’est pas la vitesse qui est trop petite,
22 c’est la mer qui est trop grande ! »
23 Je me souviens alors que le professeur, avant notre départ,
24 estimait à une trentaine de lieues2 la longueur de ce souterrain.
25 Or nous avons parcouru un chemin trois fois plus long, et les
26 rivages du sud n’apparaissent pas encore.
1. Dépité : qui éprouve du dépit, déçu.
2. Une trentaine de lieues : autour de 140 km (1 lieue = 4,8 km).
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1 Mercredi 19 août. – Heureusement le vent, qui souffle avec
2 force, nous a permis de fuir rapidement le théâtre de la lutte.
3 Hans est toujours au gouvernail. Mon oncle, tiré de ses absor-
4 bantes idées par les incidents de ce combat, retombe dans son
5 impatiente contemplation de la mer.
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58 – Peut-être.
59 – Alors mettons le cap plus à l’ouest, car nous savons à quoi
60 nous en tenir sur le danger de rencontrer ces monstres anté-
61 diluviens1 !
62 – Laissons aller », répond mon oncle.
63 Je me retourne vers Hans. Hans maintient sa barre avec une
64 inflexible2 rigueur.
65 Cependant, si de la distance qui nous sépare de cet animal,
66 et qu’il faut estimer à douze lieues3 au moins, on peut aper-
67 cevoir la colonne d’eau chassée par ses évents4, il doit être
68 d’une taille surnaturelle. Fuir serait se conformer aux lois de
69 la plus vulgaire prudence. Mais nous ne sommes pas venus ici
70 pour être prudents. On va donc en avant. Plus nous appro-
71 chons, plus la gerbe grandit. Quel monstre peut s’emplir
72 d’une pareille quantité d’eau et l’expulser ainsi sans interrup-
73 tion ?
74 À huit heures du soir nous ne sommes pas à deux lieues de
75 lui. Son corps noirâtre, énorme, monstrueux, s’étend dans la
76 mer comme un îlot. Est-ce illusion, est-ce effroi ? Sa longueur
77 me paraît dépasser mille toises5 ! Quel est donc ce cétacé que
78 n’ont prévu ni les Cuvier ni les Blumembach6 ? Il est immo-
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105 un cétacé immense dont la tête domine les flots à une hauteur
106 de dix toises1. Le geyser, mot que les Islandais prononcent
107 « geysir » et qui signifie « fureur », s’élève majestueusement à
108 son extrémité. De sourdes détonations éclatent par instants, et
l’énorme jet, pris de colères plus violentes, secoue son panache2
110 de vapeurs en bondissant jusqu’à la première couche de nuages.
111 Il est seul. Ni fumerolles3, ni sources chaudes ne l’entourent, et
112 toute la puissance volcanique se résume en lui. Les rayons de la
113 lumière électrique viennent se mêler à cette gerbe éblouissante,
114 dont chaque goutte se nuance de toutes les couleurs du prisme4.
115 « Accostons », dit le professeur.
116 Mais il faut éviter avec soin cette trombe d’eau, qui coule-
117 rait le radeau en un instant. Hans, manœuvrant adroitement,
118 nous amène à l’extrémité de l’îlot.
119 Je saute sur le roc ; mon oncle me suit lestement5, tandis
120 que le chasseur demeure à son poste, comme un homme
121 au-dessus de ces étonnements.
122 Nous marchons sur un granit mêlé de tuf siliceux6 ; le sol
123 frissonne sous nos pieds comme les flancs d’une chaudière où
124 se tord de la vapeur surchauffée ; il est brûlant. Nous arrivons
125 en vue d’un petit bassin central d’où s’élève le geyser. Je
126 plonge dans l’eau qui coule en bouillonnant un thermomètre
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1 Vendredi 21 août. – Le lendemain le magnifique geyser a
2 disparu. Le vent a fraîchi, et nous a rapidement éloignés de
3 l’îlot Axel. Les mugissements se sont éteints peu à peu.
4 Le temps, s’il est permis de s’exprimer ainsi, va changer
5 avant peu. L’atmosphère se charge de vapeurs, qui emportent
6 avec elles l’électricité formée par l’évaporation des eaux
7 salines2 ; les nuages s’abaissent sensiblement et prennent une
8 teinte uniformément olivâtre3 ; les rayons électriques peuvent
9 à peine percer cet opaque4 rideau baissé sur le théâtre où va se
10 jouer le drame des tempêtes.
11 Je me sens particulièrement impressionné, comme l’est
12 sur terre toute créature à l’approche d’un cataclysme5. Les
13 « cumulus6 » entassés dans le sud présentent un aspect sinistre ;
14 ils ont cette apparence « impitoyable » que j’ai souvent remar-
15 quée au début des orages. L’air est lourd, la mer est calme.
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1. Feu Saint-Elme : lueur qui apparaît en haut d’un mât à l’approche d’un orage,
en raison de l’électricité de l’air.
2. Se résolvent : se transforment ; appelé : attiré.
3. Cramponné : accroché.
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142 partis tout d’un bloc, et je les ai vus s’enlever à une prodigieuse
143 hauteur, semblables au ptérodactyle1, cet oiseau fantastique des
144 premiers siècles.
145 Nous sommes glacés d’effroi. La boule mi-partie blanche,
146 mi-partie azurée, de la grosseur d’une bombe de dix pouces,
147 se promène lentement, en tournant avec une surprenante
148 vitesse sous la lanière2 de l’ouragan. Elle vient ici, là, monte
149 sur un des bâtis3 du radeau, saute sur le sac aux provisions,
150 redescend légèrement, bondit, effleure la caisse à poudre.
151 Horreur ! Nous allons sauter ! Non ! Le disque éblouissant
152 s’écarte ; il s’approche de Hans, qui le regarde fixement ; de
153 mon oncle, qui se précipite à genoux pour l’éviter ; de moi,
154 pâle et frissonnant sous l’éclat de la lumière et de la chaleur ;
155 il pirouette près de mon pied, que j’essaye de retirer. Je ne
156 puis y parvenir.
157 Une odeur de gaz nitreux4 remplit l’atmosphère ; elle pénètre
158 le gosier, les poumons. On étouffe.
159 Pourquoi ne puis-je retirer mon pied ? Il est donc rivé au5
160 radeau ! Ah ! la chute de ce globe électrique a aimanté tout le
161 fer du bord ; les instruments, les outils, les armes s’agitent en
162 se heurtant avec un cliquetis aigu ; les clous de ma chaussure
163 adhèrent violemment à une plaque de fer incrustée dans le
164 bois. Je ne puis retirer mon pied !
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1 Ici se termine ce que j’ai appelé « le journal du bord », heureu-
2 sement sauvé du naufrage. Je reprends mon récit comme devant3.
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1. Allègre : joyeux.
2. Dans mon estime : dans mon estimation.
3. Grève : plage, rivage.
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1 Il me serait impossible de peindre la succession des senti-
2 ments qui agitèrent le professeur Lidenbrock, la stupéfaction,
l’incrédulité et enfin la colère. Jamais je ne vis homme si décon-
4 tenancé d’abord, si irrité ensuite. Les fatigues de la traversée, les
5 dangers courus, tout était à recommencer ! Nous avions reculé
6 au lieu de marcher en avant !
7 Mais mon oncle reprit rapidement le dessus.
8 « Ah ! la fatalité me joue de pareils tours ! s’écria-t-il. Les
9 éléments conspirent contre2 moi ! l’air, le feu et l’eau combinent
10 leurs efforts pour s’opposer à mon passage ! Eh bien ! l’on saura
11 ce que peut ma volonté. Je ne céderai pas, je ne reculerai pas
12 d’une ligne, et nous verrons qui l’emportera de l’homme ou de
13 la nature ! »
14 Debout sur le rocher, irrité, menaçant, Otto Lidenbrock, pareil
15 au farouche Ajax3, semblait défier les dieux. Mais je jugeai à
16 propos d’intervenir et de mettre un frein à cette fougue4 insensée.
1. Saute de vent : brusque changement de la direction et de la force du vent.
2. Conspirent contre : complotent contre.
3. Farouche : sauvage ; Ajax : personnage de l’Odyssée, d’Homère (IV, v. 499-
511), qui maudit les dieux après avoir fait naufrage. Il ne faut pas le confondre
avec « le grand Ajax », le valeureux héros de l’Iliade, qui, n’ayant pas obtenu les
armes d’Achille après la mort de celui-ci, tombe fou et massacre un troupeau
de moutons en croyant tuer des Grecs.
4. Fougue : ardeur.
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1. La lame : la mer.
2. Quarante lieues : 192 km (1 lieue = 4,8 km).
3. Sédimentaire : où se sont déposés des sédiments, particules de matière issues
de la désagrégation des roches.
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1 Pour comprendre cette évocation faite par mon oncle à ces
2 illustres savants français, il faut savoir qu’un fait d’une haute
importance en paléontologie2 s’était produit quelque temps
4 avant notre départ.
5 Le 28 mars 1863, des terrassiers fouillant sous la direction
6 de M. Boucher de Perthes3 les carrières de Moulin-Quignon,
7 près Abbeville, dans le département de la Somme, en France,
8 trouvèrent une mâchoire humaine à quatorze pieds4 au-dessous
9 de la superficie du sol. C’était le premier fossile de cette espèce
10 ramené à la lumière du grand jour. Près de lui se rencontrèrent
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1. Silex : roche dure utilisée à la préhistoire pour faire des outils et des armes ;
patine : dépôt qui se forme autour du silex au fil du temps.
2. Hugh Falconer (1808-1865) : géologue écossais ; George Busk (1807-
1886) et William Benjamin Carpenter (1813-1885) : zoologistes et paléon-
tologues britanniques.
3. Époque quaternaire : époque la plus récente de formation de la Terre, dans
laquelle nous sommes toujours.
4. Léonce Élie de Beaumont (1798-1874) : géologue français.
5. Diluvium : ensemble des dépôts de roches de l’ère quaternaire, jadis attribués
au déluge.
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1. En 1791, on découvrit dans ce cimetière des corps momifiés qui furent ensuite
exposés au public et devinrent même une attraction touristique.
2. Loquace : bavard.
3. Caves : creuses.
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1. Silex : roche dure utilisée à la préhistoire pour faire des outils et des armes ; âge
de pierre : période de la préhistoire qui précède l’âge de bronze et l’âge de fer.
2. Unanimes : faits par tous ; employé ici dans un sens ironique puisque Axel
est seul.
3. Ossuaire : lieu où sont entreposés des os.
4. Convulsion : mouvement brusque et violent.
5. Factice : faux.
6. Abîme : gouffre, précipice ; grèves : rivages.
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1 Pendant une demi-heure encore, nos pieds foulèrent1 ces
2 couches d’ossements. Nous allions en avant, poussés par une
ardente curiosité. Quelles autres merveilles renfermait cette
4 caverne, quels trésors pour la science ? Mon regard s’attendait
5 à toutes les surprises, mon imagination à tous les étonne-
6 ments.
7 Les rivages de la mer avaient depuis longtemps disparu
8 derrière les collines de l’ossuaire. L’imprudent professeur,
9 s’inquiétant peu de s’égarer, m’entraînait au loin. Nous avan-
10 cions silencieusement, baignés dans les ondes électriques. Par
11 un phénomène que je ne puis expliquer, et grâce à sa diffu-
12 sion, complète alors, la lumière éclairait uniformément les
13 diverses faces des objets. Son foyer n’existait plus en un point
14 déterminé de l’espace et elle ne produisait aucun effet
15 d’ombre. On aurait pu se croire en plein midi et en plein été,
16 au milieu des régions équatoriales2, sous les rayons verticaux
17 du soleil. Toute vapeur avait disparu. Les rochers, les
18 montagnes lointaines, quelques masses confuses de forêts éloi-
19 gnées, prenaient un étrange aspect sous l’égale distribution
20 du fluide lumineux. Nous ressemblions à ce fantastique
21 personnage d’Hoffmann qui a perdu son ombre3.
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1. Taillis : partie d’un bois ou d’une forêt, où il n’y a que des arbres de faible
dimension.
2. Avait fait là les frais d’une alimentation végétale : avait fait là un effort
pour produire une alimentation végétale.
3. Légumineuses : végétaux dont le fruit est une gousse (haricots, fèves, petits
pois…) ; acérinés : famille de plantes proches de l’érable ; rubiacées : famille
de plantes à fleurs qui tirent leur nom du fait que plusieurs d’entre elles,
comme la garance, fournissent des colorants rouges ; arbrisseaux : petits
arbres, buissons.
4. Kauris zélandais : grand arbre de Nouvelle-Zélande, pays situé au sud-
est de l’Australie.
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1. Dague : épée à lame courte et large, que l’on portait au côté droit.
2. Ébréchée : abîmée par des brèches sur ses bords.
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Des clés Rencontre avec un être humain ?
Chapitre 39
pour vous guider de « Je regardai » (p. 291, l. 86)
à « insensé » (p. 292, l. 116)
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1 Depuis le commencement du voyage, j’avais passé par bien
2 des étonnements ; je devais me croire à l’abri des surprises et
blasé sur tout émerveillement. Cependant, à la vue de ces
4 deux lettres gravées là depuis trois cents ans, je demeurai dans
5 un ébahissement voisin de la stupidité3. Non seulement la
6 signature du savant alchimiste se lisait sur le roc, mais encore
7 le stylet4 qui l’avait tracée était entre mes mains. À moins
1. Toise : ancienne mesure de longueur d’environ deux mètres.
2. Hardi : courageux.
3. Blasé : rendu indifférent par l’habitude ; stupidité : état d’une personne frappée
de stupeur, paralysée d’étonnement (sens vieilli).
4. Stylet : instrument pointu servant à écrire.
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1 Le lendemain, jeudi, 27 août, fut une date célèbre de ce
2 voyage subterrestre1. Elle ne me revient pas à l’esprit sans que
l’épouvante ne fasse encore battre mon cœur. À partir de ce
4 moment, notre raison, notre jugement, notre ingéniosité,
5 n’ont plus voix au chapitre2, et nous allons devenir le jouet
6 des phénomènes de la terre.
7 À six heures, nous étions sur pied. Le moment approchait de
8 nous frayer par la poudre un passage à travers l’écorce de granit3.
9 Je sollicitai l’honneur de mettre le feu à la mine. Cela fait, je
10 devais rejoindre mes compagnons sur le radeau qui n’avait point
11 été déchargé ; puis nous prendrions au large4, afin de parer5
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1 Je suppose qu’il devait être alors dix heures du soir. Le
2 premier de mes sens qui fonctionna après ce dernier assaut fut
le sens de l’ouïe. J’entendis presque aussitôt, car ce fut acte
4 d’audition véritable, j’entendis le silence se faire dans la galerie,
5 et succéder à ces mugissements3 qui, depuis de longues heures,
6 remplissaient mes oreilles. Enfin ces paroles de mon oncle
7 m’arrivèrent comme un murmure :
8 « Nous montons !
9 – Que voulez-vous dire ? m’écriai-je.
10 – Oui, nous montons ! nous montons ! »
11 J’étendis le bras ; je touchai la muraille ; ma main fut mise
12 en sang. Nous remontions avec une extrême rapidité.
1. Cramponnées : accrochées.
2. Suffoqué : étouffé.
3. Mugissements : bruits ressemblant au cri sourd et prolongé d’un bovin.
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94 – Oui ! certes oui ! et tant que son cœur bat, tant que sa
95 chair palpite, je n’admets pas qu’un être doué de volonté laisse
96 en lui place au désespoir. »
97 Quelles paroles ! L’homme qui les prononçait en de pareilles
98 circonstances était certainement d’une trempe1 peu commune.
99 « Enfin, dis-je, que prétendez-vous faire ?
100 – Manger ce qui reste de nourriture jusqu’à la dernière
101 miette et réparer nos forces perdues. Ce repas sera notre dernier,
102 soit ! mais au moins, au lieu d’être épuisés, nous serons rede-
103 venus des hommes.
104 – Eh bien ! dévorons ! » m’écriai-je.
105 Mon oncle prit le morceau de viande et les quelques
106 biscuits échappés au naufrage ; il fit trois portions égales
107 et les distribua. Cela faisait environ une livre2 d’aliments
108 pour chacun. Le professeur mangea avidement, avec une
109 sorte d’emportement fébrile3 ; moi, sans plaisir, malgré
110 ma faim, et presque avec dégoût ; Hans, tranquillement,
111 modérément, mâchant sans bruit de petites bouchées, les
112 savourant avec le calme d’un homme que les soucis de
113 l’avenir ne pouvaient inquiéter. Il avait, en furetant4 bien,
114 retrouvé une gourde à demi pleine de genièvre5 ; il nous
115 l’offrit, et cette bienfaisante liqueur eut la force de me
116 ranimer un peu.
117 « Förtrafflig ! dit Hans en buvant à son tour.
118 – Excellente ! » riposta mon oncle.
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119 J’avais repris quelque espoir. Mais notre dernier repas venait
120 d’être achevé. Il était alors cinq heures du matin.
121 L’homme est ainsi fait, que sa santé est un effet purement
122 négatif ; une fois le besoin de manger satisfait on se figure diffi-
123 cilement les horreurs de la faim ; il faut les éprouver, pour les
124 comprendre. Aussi, au sortir d’un long jeûne, quelques bouchées
125 de biscuit et de viande triomphèrent de nos douleurs passées.
126 Cependant, après ce repas, chacun se laissa aller à ses réflexions.
127 À quoi songeait Hans, cet homme de l’extrême Occident, que
128 dominait la résignation fataliste1 des Orientaux ? Pour mon
129 compte, mes pensées n’étaient faites que de souvenirs, et ceux-ci
130 me ramenaient à la surface de ce globe que je n’aurais jamais dû
131 quitter. La maison de Königstrasse, ma pauvre Graüben, la bonne
132 Marthe, passèrent comme des visions devant mes yeux, et, dans
133 les grondements lugubres qui couraient à travers le massif, je
134 croyais surprendre le bruit des cités de la terre.
135 Pour mon oncle, « toujours à son affaire », la torche à la main,
136 il examinait avec attention la nature des terrains ; il cherchait à
137 reconnaître sa situation par l’observation des couches superpo-
138 sées. Ce calcul, ou mieux cette estime2, ne pouvait être que fort
139 approximative ; mais un savant est toujours un savant, quand
140 il parvient à conserver son sang-froid, et certes, le professeur
141 Lidenbrock possédait cette qualité à un degré peu ordinaire. Je
142 l’entendais murmurer des mots de la science géologique ; je les
143 comprenais, et je m’intéressais malgré moi à cette étude suprême.
144 « Granit éruptif, disait-il ; nous sommes encore à l’époque
145 primitive3 ; mais nous montons ! nous montons ! Qui sait ? »
1. Fataliste : qui pense que tout est fixé à l’avance par la fatalité, le destin.
2. Estime : évaluation.
3. Époque primitive : première période de formation de l’écorce terrestre.
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1 Oui, affolée ! L’aiguille sautait d’un pôle à l’autre avec de
2 brusques secousses, parcourait tous les points du cadran, et
tournait, comme si elle eût été prise de vertige.
4 Je savais bien que, d’après les théories les plus acceptées,
5 l’écorce minérale2 du globe n’est jamais dans un état de repos
6 absolu ; les modifications amenées par la décomposition des
7 matières internes, l’agitation provenant des grands courants
8 liquides, l’action du magnétisme, tendent à l’ébranler inces-
9 samment, alors même que les êtres disséminés3 à sa surface ne
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1 Quand je rouvris les yeux, je me sentis serré à la ceinture par
2 la main vigoureuse du guide. De l’autre main il soutenait mon
oncle. Je n’étais pas blessé grièvement, mais brisé plutôt par
4 une courbature1 générale. Je me vis couché sur le versant d’une
5 montagne, à deux pas d’un gouffre dans lequel le moindre
6 mouvement m’eût précipité. Hans m’avait sauvé de la mort,
7 pendant que je roulais sur les flancs du cratère.
8 « Où sommes-nous ? » demanda mon oncle, qui me parut
9 fort irrité d’être revenu sur terre.
10 Le chasseur leva les épaules en signe d’ignorance.
11 « En Islande, dis-je.
12 – « Nej », répondit Hans.
13 – Comment ! non ! s’écria le professeur.
14 – Hans se trompe, » dis-je en me soulevant.
15 Après les surprises innombrables de ce voyage, une stupé-
16 faction nous était encore réservée. Je m’attendais à voir un
17 cône couvert de neiges éternelles, au milieu des arides déserts
18 des régions septentrionales2, sous les pâles rayons d’un ciel
19 polaire, au-delà des latitudes les plus élevées ; et, contraire-
20 ment à toutes ces prévisions, mon oncle, l’Islandais et moi,
21 nous étions étendus à mi-flanc d’une montagne calcinée3 par
22 les ardeurs du soleil qui nous dévorait de ses feux.
23 Je ne voulais pas en croire mes regards ; mais la réelle
24 cuisson dont mon corps était l’objet ne permettait aucun
25 doute. Nous étions sortis à demi nus du cratère, et l’astre
1. Courbature : douleur musculaire due à un effort intense et prolongé.
2. Septentrionales : situées au nord.
3. Calcinée : brûlée.
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1. Roide : raide ; huit cents pieds : 240 m (1 pied = 30 cm) ; cent toises :
200 mètres (1 toise = 2 mètres).
2. Vermeilles : d’une couleur dorée tirant sur le rouge.
3. Au levant : à l’est.
4. Azurés : bleus.
5. Le couchant : l’ouest.
6. Conformation : forme, disposition.
7. Panache de fumée : par analogie avec un panache, coiffure faite d’un faisceau
de plumes.
8. Mâture : ensemble des mâts d’un navire ; convexité : forme arrondie, par oppo-
sition à concave.
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1 Voici la conclusion d’un récit auquel refuseront d’ajouter
2 foi les gens les plus habitués à ne s’étonner de rien. Mais je
suis cuirassé1 d’avance contre l’incrédulité humaine.
4 Nous fûmes reçus par les pêcheurs stromboliotes2 avec les
5 égards dus à des naufragés. Ils nous donnèrent des vêtements et
6 des vivres. Après quarante-huit heures d’attente, le 31 août, un
7 petit speronare nous conduisit à Messine3, où quelques jours de
8 repos nous remirent de toutes nos fatigues.
9 Le vendredi 4 septembre, nous nous embarquions à bord du
10 Volturne, l’un des paquebots- poste des messageries impériales
11 de France4, et, trois jours plus tard, nous prenions terre à
12 Marseille, n’ayant plus qu’une seule préoccupation dans l’es-
13 prit, celle de notre maudite boussole. Ce fait inexplicable ne
14 laissait pas de5 me tracasser très sérieusement. Le 9 septembre
15 au soir, nous arrivions à Hambourg6.
16 Quelle fut la stupéfaction de Marthe, quelle fut la joie de
17 Graüben, je renonce à le décrire.
18 « Maintenant que tu es un héros, me dit ma chère fiancée,
19 tu n’auras plus besoin de me quitter, Axel ! »
20 Je la regardai. Elle pleurait en souriant.
1. Cuirassé : vêtu d’une cuirasse, d’où, au sens figuré, se protéger contre, se rendre
insensible à.
2. Stromboliotes : habitants de l’île de Stromboli.
3. Speronare : petit bateau à fond plat pour la navigation côtière ; Messine :
ville située à l’extrémité sud de l’Italie.
4. Paquebots-poste : grands bateaux acheminant le courrier au-delà des mers ;
messageries impériales de France : ligne de transport de passagers et de frêt
(1851-1871).
5. Ne laissait pas de : ne manquait pas de.
6. Hambourg : ville du nord de l’Allemagne.
333
Voyage au centre de la Terre
335
Voyage au centre de la Terre
336
C hapitre 45
FIN
337
parcours
LITTÉRAIRE
Science
et
fiction
INTROOn oppose traditionnellement la science et la fiction.
La science permet en effet d’avoir des certitudes concernant
le monde réel, à l’aide d’une méthode rigoureuse et objective.
La fiction, à l’inverse, permet de créer des mondes purement
imaginaires, issus de la vision personnelle de leur créateur.
Pourtant, cette opposition est loin d’être aussi
tranchée : nombreux sont les auteurs de fiction qui utilisent
des personnages de scientifiques, des intrigues fondées
sur le progrès scientifique et technique de leur époque.
Il arrive aussi, dans ce genre particulier qu’est la science-
fiction, que la fiction anticipe des découvertes scientifiques
qui ne seront faites que bien longtemps après…
La Renaissance
La Renaissance (xvie siècle), tout d’abord, voit les connaissances
scientifiques et techniques se développer. L’invention de l’imprimerie
par Gutenberg en 1454 permet une plus grande diffusion du savoir dans
toute l’Europe. Le mouvement humaniste remet en question les idées
Les Lumières
La période des Lumières (xviiie siècle) voit elle aussi une avancée
considérable des connaissances. La science doit permettre à l’homme de
se débarrasser des croyances anciennes et de penser par lui-même. La
science est donc source de liberté. L’Encyclopédie (1751-1772), de d’Alem-
bert (1717-1783) et Diderot (1713-1784), se propose de rassembler toutes
les connaissances disponibles de l’époque. La science nourrit également
l’imagination, par exemple dans Micromégas, de Voltaire (● TEXTE 2), où un
extraterrestre vient rendre visite aux Terriens.
Parcours • 341
TEXTE 1
Cyrano de Bergerac (1619-1655),
Histoire comique des États et Empires de la Lune
et du Soleil (1657-1662)
Ce roman raconte l’histoire d’un personnage qui se rend sur la Lune, puis
sur le Soleil, à bord de machines qu’il a créées. Le voyage vers le Soleil
est l’occasion pour l’auteur d’évoquer les nouvelles théories astrono-
miques, à une époque où l’on croit toujours que la Terre, créée par Dieu,
est au centre de l’Univers et que le Soleil tourne autour d’elle.
TEXTE 2
Voltaire (1694-1778),
Micromégas (1752)
Le géant Micromégas, venu de la planète Sirius, visite diverses planètes
en compagnie d’un habitant de Saturne. Quand il arrive sur la planète
Terre, il découvre des habitants si petits qu’il ne peut les voir qu’avec un
microscope. Il s’adresse à eux.
Parcours • 343
de matière1, et paraissant tout esprit, vous devez passer votre
5 vie à aimer et à penser ; c’est la véritable vie des esprits. Je
n’ai vu nulle part le vrai bonheur ; mais il est ici, sans doute. »
À ce discours, tous les philosophes secouèrent la tête ; et l’un
d’eux, plus franc que les autres, avoua de bonne foi que, si
l’on en excepte un petit nombre d’habitants fort peu consi-
10 dérés, tout le reste est un assemblage de fous, de méchants et
de malheureux. « Nous avons plus de matière qu’il ne nous
en faut, dit-il, pour faire beaucoup de mal, si le mal vient
de la matière ; et trop d’esprit, si le mal vient de l’esprit.
Savez-vous bien, par exemple, qu’à l’heure que je vous parle,
15 il y a cent mille fous de notre espèce, couverts de chapeaux,
qui tuent cent mille autres animaux couverts d’un turban2,
ou qui sont massacrés par eux, et que, presque par toute la
terre, c’est ainsi qu’on en use de temps immémorial ? » Le
Sirien3 frémit, et demanda quel pouvait être le sujet de ces
20 horribles querelles entre de si chétifs4 animaux. « Il s’agit,
dit le philosophe, de quelque tas de boue grand comme votre
talon5. Ce n’est pas qu’aucun de ces millions d’hommes qui
se font égorger prétende un fétu6 sur ce tas de boue. Il ne
s’agit que de savoir s’il appartiendra à un certain homme
25 qu’on nomme Sultan, ou à un autre qu’on nomme, je ne sais
pourquoi, César7. Ni l’un ni l’autre n’a jamais vu ni ne verra
jamais le petit coin de terre dont il s’agit ; et presque aucun
de ces animaux, qui s’égorgent mutuellement, n’a jamais vu
l’animal8 pour lequel il s’égorge. […] »
TEXTE 3
Louis-Sébastien Mercier (1740-1814),
L’An 2440, rêve s’il en fut jamais (1771)
Le livre de Mercier est considéré comme le premier roman d’anticipation.
Il s’agit d’une utopie qui se déroule, non pas dans un autre lieu, mais dans
un autre temps : le narrateur, après avoir dormi sept cents ans, se réveille
en 2440. Il découvre l’évolution de la circulation des voitures, symbole de
la nouvelle organisation sociale.
Parcours • 345
des jambes, criait à la portière, et se lamentait de ne pouvoir
15 avancer. Le plus grand peuple formait une circulation libre,
aisée et pleine d’ordre. Je rencontrai cent charrettes chargées
de denrées1 ou de meubles, pour un seul carrosse, encore ce
carrosse traînait-il un homme qui me parut infirme. Que sont
devenues, dis-je, ces brillantes voitures élégamment dorées,
20 peintes, vernissées, qui de mon temps remplissaient les rues de
Paris ? Vous n’avez donc ici ni traitants, ni courtisanes, ni petits-
maîtres2 ? Jadis ces trois misérables espèces insultaient au public,
et semblaient jouer à l’envi l’une de l’autre3 à qui aurait l’avan-
tage d’épouvanter l’honnête bourgeois qui fuyait à grands pas, de
25 peur d’expirer sous la roue de leur char. Nos seigneurs prenaient
le pavé de Paris pour la lice4 des jeux olympiques, et mettaient
leur gloire à crever des chevaux. Alors se sauvait qui pouvait. Il
n’est plus permis, me répondit-on, de faire de pareilles courses.
De bonnes lois somptuaires5 ont réprimé ce luxe barbare, qui
30 engraissait un peuple de laquais et de chevaux. Les favoris de la
fortune ne connaissent plus cette mollesse coupable qui révoltait
l’œil du pauvre. Nos seigneurs font usage aujourd’hui de leurs
jambes ; ils ont de l’argent de plus et la goutte6 de moins.
De la Terre à la Lune
Les voyages spatiaux peuvent se dérouler sur la Terre. Il s’agit alors
d’explorer des parties de notre monde dont tous ont entendu parler mais
où personne n’est jamais allé. Les lieux où l’on s’aventure peuvent être
éloignés en profondeur, comme dans Voyage au centre de la Terre (1864)
ou Vingt Mille Lieues sous les mers (1869), de Jules Verne. Mais on peut
aussi découvrir des territoires ignorés de tous : l’île inexplorée, perdue au
milieu de l’océan, constitue ainsi un cadre idéal pour la science-fiction,
comme dans L’Île mystérieuse, de Jules Verne ou L’Île du docteur Moreau
(1896), de H. G. Wells (1875) .
La Lune est également un lieu privilégié par la science-fiction. Parce
qu’elle est proche de notre planète, elle semble familière, mais parce
qu’elle est inaccessible, elle reste emplie de mystères. De nombreux récits
explorent cette double dimension, comme Les Premiers Hommes dans la
Lune (1901), d’H. G. Wells.
Parcours • 347
TEXTE 4
Jules Verne (1828-1905),
De la Terre à la Lune (1865)
Le Gun Club, une association américaine de fabricants d’armes, souhaite
envoyer trois hommes dans la Lune à l’intérieur d’un boulet de canon. Au
début du roman, son président, Impey Barbicane, prend la parole.
1. Les Colombs : par analogie avec Christophe 2. L’Union : les États-Unis, qui comptent trente-
Colomb (1451-1506), le navigateur qui accosta six états en 1864.
sur le continent américain en cherchant la route 3. Sélénographiques : représentant la Lune.
des Indes, dont on disait autrefois qu’il avait Dans la mythologie grecque, Séléné est la
« découvert l’Amérique ». déesse de la pleine Lune.
1. Satellite : astre qui tourne autour d’un autre 4. Cyrano de Bergerac (1619-1655) : écrivain
astre. français (voir texte 1, p. 342).
2. David Fabricius (1564-1617) : astronome alle- 5. Fontenelle (1657-1757) : écrivain et scientifique
mand. L’anecdote est inventée par Jules Verne. français, dont les Entretiens sur la pluralité des
3. Jean Baudoin (1590-1650) : écrivain français, mondes se proposent de vulgariser et diffuser
traducteur de L’Homme dans la Lune, auprès d’un large public les connaissances
de l’évêque anglais Francis Godwin. scientifiques de son temps.
Parcours • 349
d’Homère. Ce genre s’est particulièrement imposé au cinéma, notam-
ment avec la célèbre saga Star Wars créée en 1977.
TEXTE 5
H. G. Wells (1866-1946),
La Machine à explorer le temps (1895), traduction
Henry-David Davray
Un Londonien raconte à ses amis ses expériences de voyage dans le
temps. En l’an 802 701, la Terre est peuplée par les Éloïs, qui semblent
doux et pacifiques. Mais, derrière l’apparence d’une vie paradisiaque,
se cache une terrible vérité : sous la terre se trouvent les Morlocks, qui
vivent dans l’obscurité.
Parcours • 351
malheureux ou rebelles durent mourir ; et, finalement, l’équi-
libre étant permanent, les survivants devinrent aussi bien
adaptés aux conditions de la vie souterraine et aussi heureux à
leur manière que la race du monde supérieur le fut à la sienne.
Les créatures
TEXTE 6
Mary Shelley (1797-1851),
Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818),
traduction Germain d’Angest, © GF Flammarion, 1997
Le jeune savant suisse Victor Frankenstein a créé un être vivant en assem-
blant des morceaux de chair prélevés sur des cadavres humains. Et voici que
la créature s’anime.
Parcours • 353
proportionnés entre eux, et j’avais choisi ses traits pour leur
15 beauté. Pour leur beauté ! Grand Dieu ! Sa peau jaune couvrait
à peine le tissu des muscles et des artères1 ; ses cheveux étaient
d’un noir brillant, et abondants ; ses dents d’une blancheur de
nacre2 ; mais ces merveilles ne produisaient qu’un contraste plus
horrible avec les yeux transparents, qui semblaient presque de
20 la même couleur que les orbites d’un blanc terne qui les enca-
draient, que son teint parcheminé3 et ses lèvres droites et noires.
Les accidents variés de la vie ne sont pas aussi sujets au chan-
gement que les sentiments humains. Depuis près de deux ans,
j’avais travaillé sans relâche dans le seul but de communiquer
25 la vie à un corps inanimé. Je m’étais privé de repos et d’hy-
giène. Mon désir avait été d’une ardeur immodérée, et main-
tenant qu’il se trouvait réalisé, la beauté du rêve s’évanouis-
sait, une horreur et un dégoût sans bornes m’emplissaient
l’âme. Incapable de supporter la vue de l’être que j’avais créé,
30 je me précipitai hors de la pièce, et restai longtemps dans le
même état d’esprit dans ma chambre, sans pouvoir goûter de
sommeil.
Machines et robots
TEXTE 7
Isaac Asimov (1920-1992), Raison (1941), traduction
Pierre Billon, © Éditions J’ai lu
Cette nouvelle du recueil Les Robots appartient au Cycle des robots. L’ac-
tion se déroule sur une navette spatiale. Gregory Powell et Michael Donovan
doivent de nouveau tester un robot, « Cutie », mais celui-ci leur désobéit et
commence à réfléchir à sa propre existence et au monde qui l’entoure.
Parcours • 355
5 – Je te l’ai déjà dit, c’est nous qui t’avons fait.
– Et si tu ne veux pas nous croire, c’est avec le plus grand
plaisir que nous te réduirons en pièces détachées !
Le robot étendit ses fortes mains en un geste de protes-
tation.
10 – Je n’accepte aucun « diktat1 » autoritaire. Une hypothèse
doit être étayée2 par la raison, sinon elle est sans valeur... et c’est
aller à l’encontre de toute logique que de supposer que vous
m’ayez fait.
Powell posa la main sur le poing soudain noué de Donovan.
15 – Pourquoi ça ?
Cutie se mit à rire. C’était un rire étrangement inhumain,
l’émission sonore la plus mécanique qu’il eût fait entendre
jusqu’à présent, une succession de sons brefs et explosifs qui
s’égrenaient3 avec une régularité de métronome4 et la même
20 absence de nuances.
– Regardez-vous, dit-il enfin. Je ne parle pas avec un esprit
de dénigrement, mais regardez-vous. Les matériaux dont vous
êtes faits sont mous et flasques, manquent de force et d’endu-
rance, et dépendent pour leur énergie de l’oxydation5 inefficace
25 de tissus organiques... comme ceci.
Il pointa un doigt désapprobateur sur ce qui restait du
sandwich de Donovan.
– Vous tombez périodiquement dans le coma, et la moindre
variation de température, de pression d’air, d’humidité ou
30 d’intensité des radiations diminue votre efficacité. En un mot,
vous n’êtes qu’un pis-aller.
« Moi, au contraire, je constitue un produit parfaitement
fini. J’absorbe directement l’énergie électrique et je l’utilise
1. Diktat : chose imposée par le plus fort, contre 4. Métronome : petit appareil à pendule servant
laquelle on ne peut rien. à marquer la mesure pour l’exécution d’un
2. Étayée : soutenue, appuyée. morceau de musique.
3. S’égrenaient : se détachaient un à un. 5. Oxydation : réaction chimique au contact
de l’oxygène.
Les cyborgs
Parcours • 357
bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki (1945), l’accident nucléaire
de Tchernobyl (1986) ont en effet montré tout ce que la technologie pou-
vait avoir de potentiellement néfaste.
TEXTE 8
Georges Orwell (1903-1950),
1984, traduction Josée Kamoun, © Éditions Gallimard
Winston Smith, le personnage principal de 1984, paru en 1949, est employé
au ministère de la Vérité, où il doit réécrire les documents historiques afin
de les faire correspondre à la version officielle des faits. Au tout début du
roman, le Londres de 1984 est décrit.
Parcours • 359
Manipulation génétique et dystopie
TEXTE 9
Aldous Huxley (1894-1963),
Le Meilleur des mondes (1932), traduction Jules Castier,
© Éditions Pocket, un département d’Univers Poche
Dans le roman, les humains fabriqués grâce à des procédés de clonage
sont répartis en diverses castes : les alphas, classe supérieure, les bêtas,
les gammas, les deltas et enfin les epsilons, classe la plus inférieure. Le
directeur du Centre d’incubation et de conditionnement de Londres-Cen-
tral qui fait visiter son établissement à un groupe d’étudiants les introduit
dans une salle où l’on a disposé des fleurs et des livres, et où l’on introduit
des enfants Deltas.
1. Piaillements : petits cris aigus propres aux 2. Gazouillements : sons inarticulés, légers
oiseaux ou aux enfants. et doux, émis par les petits enfants.
Parcours • 361
répétitions de la même leçon ou d’une autre semblable, ils
40 seraient mariés indissolublement. Ce que l’homme a uni, la
nature est impuissante à le séparer.
– Ils grandiront avec ce que les psychologues appelaient
une haine « instinctive » des livres et des fleurs. Des réflexes
inaltérablement1 conditionnés. Ils seront à l’abri des livres et
45 de la botanique pendant toute leur vie.
Philip K. Dick (1928-1982) est l’un des plus célèbres romanciers de science-fiction moderne.
Parmi ses œuvres les plus connues, souvent adaptées au cinéma, on peut citer :
• Rapport minoritaire (1956) : dans le futur, la police peut prévoir les crimes à l’avance
et arrêter les criminels de façon préventive. Adapté en 2002 par Steven Spielberg, sous
le titre Minority Report.
• Souvenirs à vendre (1966) : un homme qui rêve d’aller sur Mars souhaite se faire
fabriquer des souvenirs artificiels de cette expédition. Adapté en 1990 par Paul Verhoeven,
sous le titre Total Recall.
• Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (1968) : sur la Terre dévastée après
une guerre nucléaire, quelques rares humains survivent. Adapté en 1982 par Ridley Scott,
sous le titre Blade Runner.
1. Inaltérablement : irréversiblement.
FICHES
• Du 16 au 24 juin : traversée • Ils traversent les paysages désolés de l’Islande,
de l’Islande observent les roches volcaniques, les glaciers, les
marécages.
• Ils rencontrent également quelques habitants, fort
hospitaliers.
Chapitres 15 à 17 • L’ascension du volcan
• 24 juin : au sommet • Axel et son oncle, ainsi que Hans, font l’ascen-
du Sneffels sion du Sneffels.
• Du 24 au 28 juin : • Ils descendent dans le cratère éteint où, grâce
dans le cratère aux indications du parchemin, ils trouvent l’en-
trée du chemin qui doit les mener au centre de
PROLONGEMENTS
la Terre.
Troisième partie • Seuls au cœur du volcan
Chapitres 18 à 22 • Des débuts difficiles
• Du 28 juin au 5 juillet : • Les personnages commencent leur périple en se
sous la Terre trompant de chemin, ils doivent revenir en arrière.
• Si la chaleur est étonnamment supportable, en
revanche, la soif est de plus en plus intense. Axel
s’évanouit.
Chapitres 23 à 29 • La quête de l’eau
• Du 6 juillet au 9 août : • Heureusement, Hans parvient à trouver un ruis-
du ruisseau Hans-bach seau baptisé « ruisseau Hans-bach ».
à la mer Lidenbrock • Quelques jours plus tard, Axel se perd et s’éva-
nouit de nouveau. Il parvient à suivre le son de la
voix de son oncle, mais s’évanouit encore.
• Finalement, Axel est retrouvé et s’éveille dans
une grotte.
OBJECTIF BAC
Dossier • 365
FICHE 1
FICHES
sur des îles inconnues, d’enlèvements par des pirates... Ces romans
n’hésitaient pas à recourir au merveilleux, comme L’Âne d’or, d’Apulée
(vers 125-170), qui raconte l’histoire d’un homme transformé en âne.
Plus tard, au Moyen Âge, c’est le roman de chevalerie qui racontera
à sa manière des histoires de quêtes d’objets sacrés, de combats
contre les dragons ou de pièges tendus par des enchanteurs…
À l’époque de Jules Verne, le roman d’aventures change. L’accent
y est davantage mis sur la connaissance du monde, autrement dit
sur la représentation de la réalité par le roman. Le goût de l’action
PROLONGEMENTS
s’associe à la soif de savoir. Désormais, le roman est en concurrence
avec des récits de voyage bien réels effectués par des explorateurs
dans un but scientifique. Le roman d’aventures doit donc rester
distrayant et dynamique, mais aussi se faire sérieux et instructif.
1. Alchimiste : au Moyen Âge et à la Renaissance, savant dont les travaux reposent sur un mélange
de principes scientifiques et de principes magiques.
Dossier • 367
FICHE 2
FICHES
pas besoin d’être reliées entre elles. Ainsi la partie du roman qui se
déroule sous la Terre voit-elle se succéder des situations périlleuses
(Axel s’évanouit, se perd, craint de mourir de soif) et des découvertes
imprévues (le ruisseau de Hans, la mer, le cimetière d’animaux).
• Jules Verne, en reconstituant dans les entrailles du globe un monde
très similaire à celui de la surface, avec une mer, des végétaux, des
animaux… peut réutiliser de nombreux motifs traditionnels du ro-
man d’aventures, comme le labyrinthe (où l’on se perd), le naufrage
(du radeau sur la mer Lidenbrock), le combat entre créatures mons-
trueuses.
PROLONGEMENTS
2 Des choix de narration efficaces
• Le caractère haletant du roman ne tient pas seulement à sa structure.
Il réside aussi dans le choix de la narration à la première personne qui
facilite l’immersion du lecteur dans la fiction.
• Le procédé apparaît nettement dans les chapitres 32 à 35. Ceux-ci
se présentent en effet sous la forme d’un « journal de bord » tenu par
Axel, qui transcrit immédiatement ses impressions, au moment où les
épisodes narrés sont vécus. C’est l’épisode particulièrement drama-
tique de la tempête qui est alors rapporté de façon frappante.
La figure de l’aventurier
2 L’aventure et l’amour
Traditionnellement, le roman d’aventures s’oppose au roman d’amour.
Pourtant, si le personnage de Graüben n’intervient qu’au début et à la
fin du roman, elle n’incarne pas seulement la figure féminine qui vient
traditionnellement compléter les accessoires du héros. En effet, même
au plus fort de l’aventure, Axel semble n’être préoccupé que de sa jeune
Virlandaise. Il est, pour ainsi dire, un personnage de roman d’aventures
qui aurait largement préféré être le héros d’un roman d’amour.
> RÉCAPITULATIF 1
La découverte
d’un autre monde
• Le roman d’aventures
reprend la structure de
la quête énigmatique.
• Il place ses héros dans
un monde où les repères
Le roman familiers ont disparu.
d’aventures
3
La figure de l’aventurier
• Axel ne possède pas les
caractéristiques habituelles 2
du héros.
• Il semble plutôt être un L’accent mis sur l’action
héros de roman d’amour. • Le récit est une succession
d’épisodes typiques du roman
d’aventures.
• La première personne et l’intégra-
tion d’un journal de bord rendent la
narration plus efficace.
370 • Voyage au centre de la Terre
FICHE
3 Les personnages
FICHES
ou au mieux de quelques phrases, contribuent à la construction de l’univers
bien particulier du roman de Jules Verne, partagé entre deux mondes,
le monde connu et le monde inconnu.
Le trio central
PROLONGEMENTS
senté avant tout comme un original : son obsession du savoir lui donne
une dimension indéniablement comique. Présenté dès le chapitre 1
comme un « savant égoïste », il semble ne pas voir les dangers qui
menacent et paraît prêt à mettre en péril la vie de son propre neveu.
Cependant, sa sensibilité se révèle au centre de la Terre, où la crainte
qu’Axel soit mort lui tire de chaudes larmes.
• Axel, au contraire, est d’emblée présenté comme un jeune homme
sentimental, qui songe avant tout à sa bien-aimée Graüben. C’est la
figure du jeune héros qui est au début de sa vie et doit tout apprendre
grâce aux expériences qu’il va vivre.
• Hans, enfin, ne parle guère : il est tout entier dans l’action. C’est une
figure qui s’apparente à celle du sauvage qui ignore les modes de vie
de la société, mais possède une capacité extraordinaire d’adaptation au
monde naturel, comme l’est Vendredi dans Robinson Crusoé, le roman
de Daniel Defoe (1719). Serviteur dévoué et fidèle, il aide les autres
personnages, par exemple en construisant un radeau ou en trouvant
OBJECTIF BAC
Dossier • 371
FICHE 3
Le monde connu
1 Le monde privé
• Le monde connu est d’abord l’espace privé et familial de la maison de
Hambourg. Les personnages de Marthe, la domestique, et de Graüben,
la Virlandaise1, sont les seuls personnages féminins du roman, et sont
réduites à des rôles stéréotypés : la bonne de comédie que les excen-
tricités de Lidenbrock contrarient, et la jeune fille amoureuse qui finit
par épouser le héros.
• De la même façon, les pêcheurs siciliens qui recueillent les héros à
la fin du roman les font revenir progressivement vers l’espace privé
et familial du début. La rencontre avec un enfant gardien de troupeau,
qui, après avoir gardé le silence, finit par parler en italien, souligne le
retour vers l’humanité.
2 Le monde public
Lorsque Axel et son oncle parviennent à Reykjavik, ils rencontrent
également des représentants de l’espace public et officiel. Il s’agit de
scientifiques comme le professeur Fridriksson ou de politiciens comme
le gouverneur Trampe ou le maire Finsen. Ces personnages constituent
un dernier élément d’humanité, avant que les héros ne s’engouffrent
dans les entrailles de la Terre.
1. Virlandaise : ce mot peut désigner une personne originaire soit de Virlande, région du nord-est de
l’actuelle Estonie, soit de Vierlande (avec une faute de la part de Jules Verne), autrefois commune
proche de Hambourg, et qui en constitue aujourd’hui le quartier sud.
FICHES
parlent que très peu, comme les paysans islandais. Plus inquiétant est
le lépreux (chapitre 13) qui apparaît au milieu des « spectres », et qui ap-
porte une coloration fantastique au récit.
2 L’origine de l’humanité
Au centre de la Terre, on ne trouve guère de personnage à proprement
parler, si ce n’est le géant conducteur d’un troupeau de mastodontes
(chapitre 39), dont on ne sait pas s’il est vraiment un être humain. Ce
géant est un élément clef du roman : ce n’est pas le centre de la Terre
qu’Axel et son oncle vont découvrir, mais l’origine de l’humanité. C’est
PROLONGEMENTS
pourquoi le voyage peut s’achever après cette rencontre.
1
> RÉCAPITULATIF Le trio central
• Otto Lidenbrock, Axel
et Hans sont très différents.
• Mais ils sont aussi
complémentaires, chacun
Les apportant une touche
essentielle au récit.
personnages
3
Le monde inconnu
2 Le monde connu
• La traversée de l’Islande • La sphère familiale et privée
introduit des personnages est représentée par Marthe,
OBJECTIF BAC
Dossier • 373
FICHE
4 Science et fiction
FICHES
départ un adepte de cette théorie, c’est pourquoi il veut éviter le voyage.
Pour d’autres géologues, la Terre contient d’autres matières : c’est notam-
ment la théorie d’Humphry Davy, que défend Lidenbrock, et qui l’incite à
faire le voyage.
PROLONGEMENTS
cupent une grande place dans le discours d’Axel lors du voyage sous la Terre.
Mais le roman fait aussi référence à la paléontologie, lorsque les trois
voyageurs découvrent les végétaux, les animaux, et même les humains
de l’époque préhistorique, qui renaissent sous leurs yeux.
Ainsi, le monde souterrain rend le savoir vivant, car il permet aux person-
nages de retrouver toute la science tirée des livres dans le monde qui les
entoure.
> RÉCAPITULATIF
1 Des personnages
de scientifiques
• Otto Lidenbrock incarne le
scientifique obsédé par ses
théories.
• Axel incarne un rapport à la
science davantage tourné vers
Science le monde extérieur.
et fiction
3
L’explication scientifique
au service du roman 2
• La science est un thème qui permet Le savoir scientifique
de conférer du réalisme au récit. d’une époque
• La science a surtout un rôle symbo- • Le roman fait écho à des débats
lique : elle permet un voyage dans le très sérieux au xixe siècle sur
temps, à la recherche de l’origine de le centre de la Terre.
la Terre. • La géologie, la minéralogie ou la
paléontologie sont représentées
sous forme d’un savoir vivant.
376 • Voyage au centre de la Terre
La science-fiction
ARTS et
culture
en images
L’image a toujours joué un rôle essentiel dans la science-fiction.
Dès ses premiers romans, Jules Verne accorde une importance majeure
aux illustrations. Chacun de ses récits doit être accompagné de gravures,
en noir et blanc à l’époque. L’image qui se trouve sur la couverture
de la présente édition du Voyage au centre de la Terre provient d’une
gravure du dessinateur Édouard Riou (1833-1900), tirée de l’édition
Hetzel du roman (1864).
1
Voyage au centre de la Terre (2008)
• Genre : film d’aventures
• Auteur : Eric Brevig (né en 1957), réalisateur américain
Lire l’image
1/ Quelles sont les composantes de ce plan ?
2/ Comment la lumière est-elle disposée ?
3/ Quelles impressions se dégagent de ce paysage ?
2
La Planète des singes (1968)
• Genre : film de science-fiction
• Auteur : Franklin J. Schaffner (1920-1989), réalisateur américain
FICHES
3
Amazing Stories (1926-2005)
• Genre : bande dessinée de science-fiction
• Type : couverture de magazine
PROLONGEMENTS
mée sur du papier de médiocre qualité – ce qui permet un prix de vente
très modique – et relevant de genres populaires très divers comme le
western, le roman policier, ou le roman sentimental. On considère que
c’est dans Amazing Stories qu’est apparu pour la première fois l’expres-
sion « science-fiction ».
4
RoboCop 2 (1990)
• Genre : film de science-fiction
• Auteur : Irvin Kershner (1923-2010), réalisateur américain
Un cyborg policier
Apparu au cinéma en 1987, le personnage de Robocop a depuis été décli-
OBJECTIF BAC
Dossier • 379
ARTS ET CULTURE
5
1984 (1984)
• Genre : film de science-fiction
• Auteur : Michael Radford (né en 1946), réalisateur anglais
Lire l’image
1/ Comment le décor est-il composé ?
2/ Quel est le rôle de l’effet de profondeur ?
3/ À quelle(s) période(s) historique(s) l’image fait-elle allusion ?
FICHES
> pages 343-344 (doc 2).
Commentez le texte.
Vous devrez composer un devoir qui présente de manière organisée ce que
vous avez retenu de votre lecture et justifier par des analyses précises votre
interprétation.
PROLONGEMENTS
L’extrait proposé se situe à la fin de Micromégas. Le géant rencontre les êtres
humains : à travers ses réflexions, c’est Voltaire qui prend la parole pour déli-
vrer une leçon sur l’espèce humaine.
tinent ?
Montrez que les propos de Micromégas paraissent rationnels et sensés.
Mettez en évidence comment, à l’inverse, le discours des êtres humains
paraît absurde et insensé.
Dossier • 381
L’ÉPREUVE ÉCRITE
Sujet de commentaire 2
Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne
> pages 353-354 (doc 6).
Commentez le texte.
Vous devrez composer un devoir qui présente de manière organisée ce que
vous avez retenu de votre lecture et justifier par des analyses précises votre
interprétation
FICHES
vrai » (l. 178) à « à la surface de la mer ? » (p. 250, l. 219)
pour vous aider Faites sentir le caractère haletant du passage en
passage en soulignant les effets de ralentissement et d’accélération.
PROLONGEMENTS
qui donne à cette scène de combat une dimension mythique ?
3 Dans quelle mesure peut-on dire que ce roman de Barjavel intègre des
connaissances scientifiques de son époque ?
4 Comparez la vision du monde ancien que l’on trouve dans les romans
de René Barjavel d’une part et de Jules Verne d’autre part.
Dossier • 383
Table des illustrations
En 2e de couverture
Irvin Kershner, RoboCop 2, 1990, photogramme.
© Orion Pictures/Tobor Productions/DR – Coll. Christophel