Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Le Vif
16-08-2014, 08:49 Mise à jour le: 07-12-2020, 15:25
1 of 4 14/02/2023 18:07
Firefox https://www.levif.be/societe/insolite/le-mysterieux-ma...
La Planète des singes, dans sa version cinéma, raconte le crash d’un astronaute
américain sur une étrange planète : dans un darwinisme inversé, les singes y
sont plus évolués que les hommes. Capturé, le capitaine George Taylor suscite la
curiosité puis la sympathie des scientifiques Cornélius et Zira, deux chimpanzés
stupéfaits par ce cobaye capable de parler. Pour Clément Pieyre, vice-président
de l’Association des amis de l’oeuvre de Pierre Boulle, et directeur de la
Bibliothèque de la Cour de cassation, « l’adaptation par Hollywood est une
lecture au premier degré avec tous les clichés de la science-fiction : voyage dans
l’espace, mondes parallèles, développement du langage par les animaux. Or, il ne
faut pas lire La Planète des singes trop sérieusement. Dans le roman, le héros
porte un nom de poisson ridicule : Ulysse Mérou. C’est une fable philosophique
aux accents voltairiens. On retrouve souvent chez l’auteur du Pont de la Rivière
Kwaï une mise en évidence de l’absurdité de la condition humaine. » Finalement,
la satire laisse place à un film d’aventures, plus politique toutefois qu’il n’y paraît.
On peut y décerner des thèmes liés aux troubles des années 1960 comme la
révolte de la jeunesse, le combat contre le racisme, la course à l’armement
nucléaire…
2 of 4 14/02/2023 18:07
Firefox https://www.levif.be/societe/insolite/le-mysterieux-ma...
comprend que cette planète hostile est… la Terre. Cette scène, l’une des plus
puissantes fins de l’histoire du cinéma, n’existe pas dans l’ouvrage de Pierre
Boulle. Ce dernier est contre ce dénouement imaginé par Rod Serling, scénariste
sur La Quatrième Dimension.
Sorti le 3 avril 1968, La Planète des singes est un succès critique et commercial.
La Fox exige une suite. Arthur P. Jacobs se tourne naturellement vers Pierre
Boulle. L’histoire de La Planète des hommes débute là où se termine le premier
volet. Sur la plage, Taylor est accablé par le désespoir. Des hommes menaçants
sortent de la jungle. Soudain, un bison surgit et charge une femme et son bébé.
Taylor arme son fusil et tue l’animal. Les hommes se prosternent devant le
sauveur. Qui se dit que tout n’est peut-être pas perdu. Sa compagne, Nova, est
enceinte. L’excitation le gagne : « Ceci est un signe du ciel. Sur cette planète où je
ne sais quel démon s’est amusé à bouleverser les lois de la nature, il y a une
grande mission à accomplir. » D’un coup de plume, Pierre Boulle transforme le
Taylor misanthrope façonné par la production américaine en père fondateur
d’une société à reconstruire. L’écrivain tient sa revanche.
Chez les hommes, les années passent. La statue de La Liberté est redressée –
quand on pense que Boulle n’en voulait pas ! Sur son piédestal, on peut à
nouveau lire le poème d’Emma Lazarus : « Donnez-moi vos pauvres, vos exténués
/ Qui en rangs serrés aspirent à vivre libres / Le rebut de vos rivages surpeuplés /
Envoyez-moi ces déshérités rejetés par la tempête ». Imaginé en 1968, ce clin d’oeil
peut se lire comme le rappel d’un idéal américain bouleversé par les assassinats
de Martin Luther King et de Bob Kennedy, la guerre au Vietnam, la ségrégation.
Boulle croit au progrès plutôt qu’à la barbarie. Il dépeint l’aube d’une nouvelle
civilisation. Les hommes construisent des maisons, maîtrisent le feu, travaillent
la terre, dessinent dans les cavernes. D’autres étudient sur des tablettes comme à
Babylone. Le jeune maître d’école, Sirius, le fils de Taylor, leur fait même réciter
du Hamlet, de Shakespeare : « To be or not to be ».
Chez les singes, deux courants s’affrontent. Cornélius, l’ami de Taylor, veut
3 of 4 14/02/2023 18:07
Firefox https://www.levif.be/societe/insolite/le-mysterieux-ma...
tendre la main aux hommes. Le redoutable Zaius, lui, voit en eux un terrible
danger. Il a raison. Des hommes ont réussi à voler des armes. Le combat,
inéluctable, débouche sur leur victoire. Les singes qui échappent au massacre
renouent avec leurs instincts primaires. Ils marchent à quatre pattes, grimpent
aux arbres. « Vous avez gagné, lance Cornélius à Taylor. L’ordre ancien qui régnait
il y a 2 000 ans est rétabli. » Désemparé, Taylor tente de protéger Cornélius et
Zira, mais il est tué… par un homme. Les deux chimpanzés se suicident. Teintée
d’ironie, la dernière scène se déroule dans un cirque. Un Monsieur Loyal
annonce : « Mesdames et messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter le singe le
plus savant de son époque : j’ai nommé le célèbre Zaius. » L’ancien scientifique, en
frac et chapeau haut de forme, est ridiculisé. « Ce singe peut parler », prévient-
on. L’animal bredouille « Zai… ous. » Il a droit à un morceau de sucre.
4 of 4 14/02/2023 18:07