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Gabriela Dias Batista Monticelli

Stage M1 - Neurosciences

mai - juin 2022

Exploration des associations implicites chez des adultes atteints des

Troubles du Spectre Autistic

Diplôme de conclusion du Stage M1

1
Sommaire

 Résumé...............................................................................................................3
 Introduction........................................................................................................4
 Méthodologie......................................................................................................5
 Discussion........................................................................................................... 7
 Conclusion.......................................................................................................... 9
 Remerciments.................................................................................................... 10
 Figure et Formule............................................................................................... 11
 Bibliographie..................................................................................................... .12

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Résumé

Les préjugés sociaux imprègnent la société et influencent les choix et les habitudes. Ces
impressions sur les individus, les groupes, les cultures et les religions sont transmises de
génération en génération par la communication.

Cette communication est au cœur des troubles présentés par les individus du spectre
autistique.

Ainsi, afin d'évaluer la présence d'un des préjugés sociaux dans cette population, celui du
genre spécifiquement, nous avons utilisé un test d'association implicite car cet outil contourne
le jugement conscient de l'individu et donne un aperçu de la force des associations
subconscientes.

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Introduction

Les préjugés sociaux sont des concepts sur individus, groupes de personnes, etc., appris par
l'interaction sociale et influencent consciemment ou inconsciemment le comportement des
individus (Kirchner, 2012). Par exemple, un individu peut catégoriser les hommes blancs
comme ayant réussi, les hommes noirs comme étant dangereux, les femmes portant des
vêtements courts comme étant de mœurs légères, etc. Ces croyances vont ensuite influencer
leurs choix et attitudes.

Comme ces concepts sont formés par les relations sociales, de nombreuses études ont été
menées afin d'élucider si ce processus est altéré chez les individus du spectre autistique. Ce
trouble neurodéveloppemental se caractérise notamment par l'altération de la capacité à
interagir avec d'autres individus, qui se traduit par une limitation de l'analyse des traits du
visage, une difficulté à interpréter les expressions émotionnelles ou même à les reproduire.

Ces perturbations limitent l'influence socio-environnementale sur l'individu et, par


conséquent, la formation des concepts et des opinions devrait être affectée.

Par conséquent, afin de vérifier si ces modèles de concepts sociaux acquis tout au long de la
vie seraient ou non influencés par la présence de troubles du spectre autistique, plusieurs
études ont été réalisées mais il reste encore de nombreuses lacunes à combler.

Afin d'essayer de clarifier ces doutes, j'ai travaillé avec mon responsable de stage, M. Bruno
Wicker, en utilisant des tests d'association implicite, qui seront mieux définis après quelques
clarifications sur des concepts importants. Ces tests ont été envoyés en ligne à des sujets
autistes et à des témoins afin d'observer l'effet des associations implicites chez les sujets
atypiques.

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Méthodologie

● Participants

Un total de 14 participants du spectre autistique (atypique) ont été recrutés parmi des patients
de M. Wicker. Les diagnostics de ces patients ont été établis selon le DSM-5 (Giambattista,
2021). Les 22 participants témoins (typiques) ont été recrutés parmi les étudiants du Master
en Neurosciences de l'Université d'Aix-Marseille.

● Matériaux

Nous avons administré un IAT social [IAT sur les stéréotypes de genre : homme / femme +
carrière / famille] qui a été envoyé par e-mail avec un lien vers le test. Ce test a déjà été utilisé
par Mme. Isabelle Regner pour évaluer les stéréotypes de genre (Regner, 2019)..

● Design et procédure

L'IAT a été appliqué de manière standard chez les sujets typiques et atypiques. Les réponses
sont données en appuyant sur l'une des deux touches de réponse (E et I) sur le clavier.

Tous les participants, témoins et individus du spectre autistique, ont été renseignés sur le test
d'association implicite et sa relation avec la mémoire sémantique. Cependant, ils n'ont pas été
explicitement informés de l'objectif de mesurer la différence de biais de genre entre les sujets
neurotypiques et atypiques.

On leur demandait de répondre aussi rapidement et correctement que possible. Les phases
ont été divisées en tests cohérents (homme / sciences; femme / lettres) et incohérents
(homme / lettres; femme / science) et présentés aux sujets sans qu'ils sachent la différence.

Chaque patient était libre de répondre au test où et quand il le voulait, sans avoir besoin
d'accéder à un ordinateur spécifique. Les individus n'étaient pas accompagnés par des
personnes impliquées dans l'étude pendant le test.

Analyse des données

● Les effets des IATs

Nous utilisons le dscore comme méthode pour évaluer le biais de genre. Le dscore est une
taille d'effet pour chaque group, et a été calculé comme suit :

Un score dscore de 0 ne représente aucune asymétrie entre les sexes, et les valeurs négatives
représentent un parti pris contre les femmes.

Comme l'explique Mme Regner dans son article (Regner, 2019) :

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“Ce test mesure la force d'association entre les concepts 'homme' et 'femme' et les attributs
'science' et 'arts libéraux'. Sa structure est une expérience intra-sujet impliquant deux
conditions dans lesquelles les paires de ces quatre catégories sont variées. Les mots
représentant les quatre catégories sont présentés un par un au centre de l'écran de
l'ordinateur, et les participants les catégorisent en appuyant sur l'une des deux touches. Dans
une condition, les participants catégorisent les mots masculins et scientifiques avec une touche,
et les mots féminins et d'arts libéraux avec l'autre touche. Dans l'autre condition, les
participants classent les mots féminins et scientifiques avec une touche, et les mots masculins
et libéraux avec l'autre touche. L'ordre de ces conditions est aléatoire entre les participants. La
différence de latence moyenne de catégorisation entre les deux conditions est un indicateur de
la force d'association entre le sexe et les catégories académiques.”

Les associations plus rapides dans les conditions dites "congruentes" indiquent une plus
grande force d'association des hommes avec la science et des femmes avec les lettres par
rapport à la condition dite "incongruente".

Le dscore a été calculé pour chaque participant en divisant la différence de latence moyenne
de réponse entre les deux conditions IAT par l'écart l'écart-type de latence du participant, y
compris les deux conditions (Greenwalt, 2009).

Donc, plus l'individu utilise des stéréotypes et des préjugés sociaux, plus la différence de
performance des patients dans les différentes phases du test appliqué est importante.

Cependant, il est important de noter que des études ont montré que les différences
individuelles en matière de latence (temps de réaction) et de précision (nombre d'erreurs / de
succès) peuvent modifier la précision des tests qui impliquent un équilibre entre ces deux
facteurs (Brendl, 2001).

● Les résultats

Le score moyen des participants du groupe témoin était de 0.26 et celui des individus du
spectre autistique était de 0.22. Par conséquent, aucun des groupes n'a fait preuve d'un
préjugé négatif envers les femmes et les sciences. Les deux groupes ne présentaient pas
d'asymétrie de genre.

Les données ont été soumises au test T et aucune différence statistique n'a été constatée
entre les groupes ayant passé le test.

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La Discussion

Le trouble du spectre autistique est un trouble neurodéveloppemental qui se manifeste dès la


petite enfance. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, l'incidence estimée de ces troubles
est d'une personne sur 160. Cette donnée n'est pas constante dans les études publiées mais
permet de comprendre l'importance d’étudier les processus décisionnels de ces personnes
(OMS, 2021).

Dès le départ, ce trouble affecte principalement la communication. Les enfants autistes


mettent beaucoup de temps à développer leur langage et peuvent même régresser dans ce
qu'ils ont déjà appris. Leur discours est souvent constitué de mots répétés ou de non-sens. Ils
évitent le contact visuel direct et, par conséquent, ne parviennent pas à analyser les traces
visuelles qui sont essentielles pour l'analyse des expressions visuelles. Lorsqu'ils parviennent à
communiquer verbalement, ces individus parlent souvent sans s'arrêter, sans observer si leur
interlocuteur est intéressé ou non par ce qu'ils disent. Les adolescents et les adultes autistes
ne peuvent souvent pas comprendre le sarcasme, l'ironie ou les métaphores (Kirchner, 2012;
Birmingham, 2015). Tout cela montre que la principale caractéristique de cette maladie est
l'aspect communication.

Compte tenu de ce qui précède, la question de la formation des préjugés sociaux observés
chez des sujets typiques se pose : dans des conditions de communication limitée, les préjugés
sociaux se forment-ils de la même manière ou sont-ils affectés ?

Selon le réseau Canopé, “un stéréotype est une image préconçue, une représentation simplifiée
d’un individu ou d’un groupe humain. Il repose sur une croyance partagée relative aux attributs
physiques, moraux et/ou comportementaux, censés caractériser ce ou ces individus. Le
stéréotype remplit une fonction cognitive importante : face à l’abondance des informations
qu’il reçoit, l’individu simplifie la réalité qui l’entoure, la catégorise et la classe. Un préjugé est
une opinion préconçue portant sur un sujet, un objet, un individu ou un groupe d’individus. Il
est forgé antérieurement à la connaissance réelle ou à l’expérimentation : il est donc construit
à partir d’informations erronées et, souvent, à partir de stéréotypes.”

Dans la définition d'un stéréotype, nous voyons qu'il s'agit d'une "croyance partagée" qui va
ensuite former les préjugés sociaux cités (Réseau Canopé; Birmingham, 2015). Toutefois, ce
"partage" serait compromis dans le cas d'individus atypiques.

Afin d'évaluer la formation de ces préjugés sociaux, il est possible de faire des tests qui
peuvent être explicites, c'est-à-dire demander directement à l'individu son opinion sur une
image, une personne ou une situation. Dans ce cas, les individus autistes et typiques ont
présenté des résultats similaires dans plusieurs études.

L'hypothèse proposée pour expliquer ce résultat inattendu est que les individus contrôles ont
tendance à dissimuler leurs préjugés afin de maintenir une posture socialement correcte et
acceptée. Les personnes autistes, en revanche, ne présentent pas la même tendance à
s'inquiéter de l'opinion des autres sur elles-mêmes ni à chercher des récompenses sociales.

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Ces personnes sont donc beaucoup moins susceptibles de déguiser leurs opinions pour plaire
aux autres (Kirchner, 2012).

Puisque ces études n'ont pas montré de différences significatives entre les groupes d’individus
évalués, un deuxième type de test a été utilisé dans certaines études. Ces tests font appel à
des tests d'association implicite, où l'on demande aux individus de faire des associations entre
des mots et des catégories dans le temps le plus court possible (Kirchner, 2012; Birmingham,
2015).

Le test d'association implicite (IAT) mesure la force des associations entre les concepts et les
évaluations ou les stéréotypes afin de révéler les préjugés cachés ou subconscients d'un
individu. Ces composantes inconscientes sont moins manipulables, c'est-à-dire qu'il est plus
difficile pour le sujet de contrôler ce qu'il souhaite exprimer (Greenwalt, 2003; Kirchner 2012;
Birmingham, 2015).

Ainsi, ces tests sont les plus utilisés dans la comparaison entre les sujets autistes et les sujets
typiques car ils permettent de contourner les préoccupations individuelles concernant
l'opinion des autres personnes assistant au test (Kirchner, 2012).

Cet outil d'étude a été choisi parce que le sujet à étudier est le biais de genre. Le genre est
défini comme “les rapports de sexe tels qu’ils sont compris par la culture et par l’histoire” . Les
termes "sexe" et "genre" ont fait l'objet de débats au cours des dernières décennies, le genre
étant défini comme quelque chose de plus profond et de plus culturel que les simples
différences génétiques qui définissent les sexes. (Grange, 2010).

Par conséquent, nous nous attendions à ce que les individus du spectre autistique présentent
des résultats différents de ceux observés chez les témoins. Cependant, nous avons constaté
des résultats très similaires entre les dscores moyens des groupes.

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Conclusion

Cette étude nous a permis d'observer que malgré les limitations dans les interactions sociales
et la communication interindividuelle des sujets neuroatypiques, il existe une transmission des
préjugés sociaux. A tel point que les résultats des groupes impliqués dans cette expérience
étaient très similaires.

Ceci est cohérent avec ce qui a été observé dans les études évaluant d'autres préjugés sociaux
tels que la race (Birminham, 2015).

Elle soulève également la question de la transmission de ces préjugés entre les individus.
D'autres études devraient être menées pour élucider les mécanismes neuropsychologiques,
linguistiques, comportementaux et sociaux impliqués dans ce processus important, car ces
préjugés déterminent les choix, les comportements et les habitudes.

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Remerciements

Je souhaite tout d’abord remercier M. Thierry Hasbroucq au poste de directeur du Laboratoire


de Neurosciences Cognitives d’avoir accepté de m’accueillir comme stagiaire au sein du
Laboratoire de Neurosciences Cognitives.

Je remercie ensuite mon maître de stage M. Bruno Wicker, qui, tout au long de mon stage m'a
conseillé, aidé et conseillé lors de mes missions.

Mes remerciements à l’Université d’Aix - Marseille et au Laboratoire de Neurosciences


Cognitives pour l'opportunité de faire ce master et ce stage.

Enfin, je tiens à remercier Mme. Laurence Casini de m’avoir encouragée à contacter M. Wicker
et poser ma candidature spontanée au stage.

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Les Figures

Figure 1: image représentant l'application d'une IAT (Photo issue de Medium.com)

Les équations

Equation 1 : équation de calcul du dscore

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Bibliographie

Brendl CM, Markman AB, Messner C. How do indirect measures of evaluation work? Evaluating
the inference of prejudice in the Implicit Association Test. J Pers Soc Psychol. 2001
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humaines. Cités, 44, 107-121. https://doi.org/10.3917/cite.044.0107

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