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Diagnostic préliminaire de l’exposition du littoral méditerranéen du Maroc


face au risque de tsunami

Article · January 2021

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5 authors, including:

Elise Basquin Denis Mercier


Sorbonne Université Sorbonne Université
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Axel Creach Elia d'Acremont


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Diagnostic préliminaire de l’exposition
du littoral méditerranéen du Maroc
face au risque de tsunami
(PRELIMINARY DIAGNOSIS OF THE EXPOSURE OF THE
MEDITERRANEAN COAST OF MOROCCO TO TSUNAMI HAZARDS)

Elise BASQUIN*, Denis MERCIER**, Axel CREACH***,


Elia D’ACREMONT**** & Sara LAFUERZA****

RÉSUMÉ – Dans la mer d’Alboran, le littoral méditerranéen du Maroc est exposé à


l’aléa tsunami. La sismicité moyenne régionale (≈ 6,6 Mw) peut être à l’origine directe
de ce phénomène et peut renforcer la possibilité d’occurrence de glissements sous-
marins, source indirecte potentielle de tsunami. Les évènements récents des océans
Indien et Pacifique ont démontré que les tsunamis sont difficiles à prédire et
dévastateurs. Ainsi, ils constituent une menace latente pour la population littorale
marocaine. La présente étude rassemble les premières réflexions portées sur
l’exposition des enjeux du littoral nord marocain dans le but de participer à une
approche intégrée et dynamique des risques côtiers méditerranéens. Elle resitue l’aléa
de tsunami dans le contexte géologique de la mer d’Alboran. Elle met également en
avant les caractéristiques de l’occupation humaine des côtes marocaines. Le littoral
touristique tétouanais, la plaine agricole d’Al Hoceima et la lagune de Nador s’avèrent
être les territoires les plus exposés à un tsunami potentiel. La variété des enjeux
urbains, touristiques, agricoles et environnementaux implique un diagnostic exhaustif
de l’exposition du littoral méditerranéen du Maroc.

Mots-clés : mer d’Alboran – gestion du risque – risque côtier – Maroc

ABSTRACT – In the Alboran Sea, the Mediterranean coastline of Morocco is exposed to


tsunami hazard. The average regional seismicity (≈ 6.6 Mw) may be the direct cause of

* Doctorante en Géographie à Sorbonne Université, Laboratoire de Géographie Physique(CNRS - UMR


8591), 1 place Aristide Briand, 92195 Meudon – Courriel : elise.basquin@lgp.cnrs.fr
** Professeur des universités en géographie physique, Faculté des Lettres de Sorbonne Université, 191,
rue Saint-Jacques 75005 Paris, Chercheur au Laboratoire de Géographie Physique (CNRS - UMR 8591)
– Courriel : denis.mercier@sorbonne-universite.fr
*** Maître de conférences en géographie, Faculté des Lettres de Sorbonne Université, 191, rue Saint-
Jacques 75005 Paris, Chercheur au Laboratoire de Géographie Physique (CNRS - UMR 8591) –
Courriel : axel.creach@sorbonne-universite.fr
**** Maîtres de conférences en géologie Faculté de Sciences et Ingénierie de Sorbonne Université,
Chercheurs au Laboratoire ISTeP (UMR 7193), 4 Place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05 – Courriels :
elia.dacremont@sorbonne-universite.fr & sara.lafuerza@sorbonne-universite.fr

BAGF – GÉOGRAPHIES – 2021-3/4


RISQUE DE TSUNAMI SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN DU MAROC 547

this phenomenon and may enhance the possibility of occurrence of submarine


landslides, a potential indirect source of tsunami. Recent events in the Indian and
Pacific Oceans have demonstrated that tsunamis are difficult to predict and
devastating. Thus, they constitute a latent threat to the Moroccan coastal population.
The present study gathers the first reflections on the exposure of the stakes of the
Moroccan northern coastline to contribute to an integrated and dynamic approach of
the Mediterranean coastal risks. It analyses the tsunami hazard in the geological
context of the Alboran Sea. It also highlights the characteristics of the human
occupation of the Moroccan coasts. The Tetouan tourist coastline, the Al Hoceima
agricultural plain and the Nador lagoon appear to be the territories most exposed to a
potential tsunami. The variety of urban, tourist, agricultural and environmental issues
results in an exhaustive diagnosis of the exposure of Morocco's Mediterranean
coastline.

Key words : Alboran Sea – risk management – coastal risk – Morocco

Introduction
Les tsunamis sont des aléas qui menacent les deux façades maritimes du
Maroc. Un tsunami est généralement compris comme un phénomène soudain
de déplacement de la colonne d’eau. Il se manifeste par un train de vague de
grande longueur d’onde, qui mobilise de grands volumes d’eau, sans ou avec
peu de perte d’énergie lorsqu’il se propage à grande vitesse. En 2008, il est
considéré comme le cinquième risque le plus mortel avec 700 000 personnes
tuées depuis 2000 av. J.-C. [Gusiakov 2008].
Le contexte tsunamigène du littoral atlantique marocain a fait l’objet d’une
attention particulière, notamment en raison du séisme de Lisbonne de 1755 qui
entraîna l’inondation des villes entre Tanger et Agadir [Mellas 2012].
Néanmoins, des travaux ont mis en évidence le potentiel tsunamigène du
bassin de la mer d’Alboran. La sismicité locale moyenne évaluée à 6,4 Mw
[Poujol & al. 2014], ainsi que les phénomènes de glissements sous-marins
seraient à l’origine de la menace de tsunami pouvant atteindre la côte
méditerranéenne du Maroc.
Malgré ces prédispositions, le contexte méditerranéen et son exposition à
l’aléa tsunami ont été moins étudiés. Pourtant, il s’agit d’un littoral attractif,
marqué par un tourisme balnéaire à forte saisonnalité, et qui fait l’objet de
nombreux projets d’aménagement urbain. De plus, comme façade maritime, il
présente des enjeux industriels et portuaires importants. L’activité agricole y
occupe également une part non négligeable. La submersion liée à un tsunami
aurait donc le potentiel d’endommager la population et ses biens.
Dans ce contexte, des chercheurs du programme interdisciplinaire
« Évaluation des ALéas fond de mer et Analyse des Risques en mer

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548 E. BASQUIN, D. MERCIER, A. CREACH, E. d’ACREMONT, S. LAFUERZA

Méditerranée » (ALARM) étudient les phénomènes de glissements sous-marins


en mer d’Alboran et les effets potentiels d’un tsunami subséquent sur le littoral
méditerranéen du Maroc. Le travail présenté ici a pour objectif d’établir une
première évaluation des facteurs d’exposition du littoral marocain face au
risque de tsunami. Un regard est porté sur les caractéristiques géologiques du
bassin d’Alboran et sur les évènements historiques de tsunami ayant pu toucher
le Maroc. Une deuxième partie de l’étude est consacrée au littoral, et plus
particulièrement aux régions dont la configuration géomorphologique les rend
propices à l’inondation. Une première analyse démographique à l’échelle
communale est réalisée, associée à une étude de la diversité des enjeux présents
sur le littoral, notamment dans la région de Tétouan.

1. Le littoral marocain face aux aléas tsunamigènes de la mer


d’Alboran
Le littoral méditerranéen du Maroc s’étend sur environ 512 km depuis
l’enclave territoriale espagnole de Ceuta, jusqu’à la frontière avec l’Algérie
(Fig. 1). Quarante communes bénéficient d’une ouverture sur la mer
d’Alboran. Pour la plupart, elles sont contraintes sur une bande littorale étroite
traversée par de nombreux oueds rejoignant la mer d’Alboran au nord et par la
présence de reliefs montagneux de la chaîne du Rif au sud.

1.1. Les tsunamis générés par séisme en mer d’Alboran

La mer d’Alboran se situe à l’ouest du bassin méditerranéen là où les eaux


méditerranéennes et atlantiques se rencontrent. Elle s’étend sur un espace de
150 km de large et 350 km de long, et la profondeur maximale de son bassin
est estimée à 1 800 m [Juan & al. 2020]. Ce bassin est soumis au régime
compressif lié à la convergence des plaques tectoniques nubienne et eurasienne
qui convergent dans une direction NO-SE à une vitesse de 4,3 +/_0,5 mm/an.
Ce phénomène entraîne une déformation active dans ce bassin qui absorbe près
de 40 % à 60 % de la convergence totale [Grevemeyer & al. 2015]. Dans son
ensemble, le bassin est régi par une tectonique de type cisaillement transversale
dite « de décrochement » dont le système de faille est actif depuis le Tortotien
(7-9 Ma) [Mattei & al. 2006]. Ce dernier est composé principalement de failles
normales et décrochantes. Les failles décrochantes ne sont pas considérées
comme des sources de tsunami majeur, car elles impliquent une déformation
du fond marin relativement moyenne. Toutefois, une étude récente a mis en
évidence le potentiel tsunamigène de la faille d’Averroès au centre du bassin
d’Alboran. Le rejet vertical à l’extrémité nord-ouest de la faille correspondrait
à un séisme de magnitude 7 Mw dont le tsunami associé mettrait 27 minutes à
atteindre le port de Nador avec une vague d’une hauteur de 1 m [Estrada & al.
2021].

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RISQUE DE TSUNAMI SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN DU MAROC 549

Figure 1 – Tsunamis ayant eu des répercussions sur les littoraux de la mer


d'Alboran (Source : [Maramai & al. 2014]).

Les séismes se produisant dans le bassin sont considérés comme l’une des
causes probables de tsunami en mer d’Alboran. D’une part, la croûte
géologique du bassin est relativement mince, ce qui implique que la profondeur
sismogénique soit relativement peu profonde. La majorité des épisodes se
situent entre 10 et 12 km de profondeur, et sont responsables de la déformation
du domaine [Álvarez-Gómez & al. 2011]. Or, les séismes à l’origine de tsunami se
produisent généralement entre 0 et 40 km de la croûte terrestre, car ils doivent
induire un soulèvement suffisant de la colonne d’eau [Amine & al. 2018]. D’autre
part, les séismes de magnitude 6,3 Mw sont plus susceptibles de générer des
tsunamis [Bryant 2014]. Bien que la majorité des évènements enregistrés en mer
d’Alboran n’excède pas une magnitude de 5 Mw, certains évènements passés
de plus grande magnitude ont été enregistrés (Tabl. 1) [Maramai & al. 2014].
La marge continentale marocaine, située à une profondeur d’environ 100 à
150 m, est sujette à une forte sismicité en particulier dans la région d’Al
Hoceima, considérée comme la plus active dans le bassin [Cherkaoui & Hassani.
2012 ; Cherif & al. 2017]. La magnitude du moment sismique maximale
enregistrée par instrument dans la région est de 6,4 Mw. Le séisme d’Al
Hoceima de 2004 a atteint cette magnitude et a entraîné la mort de près de
800 personnes [Association Française du Génie Parasismique 2004].

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550 E. BASQUIN, D. MERCIER, A. CREACH, E. d’ACREMONT, S. LAFUERZA

1.2. La particularité des tsunamis issus de glissements sous-marins

Après les séismes, les glissements (sous-marins, de terrain ou industriels)


sont reconnus comme les sources les plus fréquentes de tsunamis. Les
glissements sous-marins se produisent lorsque les couches superficielles
marines, et plus particulièrement les pentes instables, subissent une rupture,
s’effondrent et se déplacent par l’effet de la force gravitationnelle. Dans le
bassin de la mer d’Alboran, la sédimentation actuelle est principalement de
type contouritique (c.-à-d. formée de sédiments marins déposés par des
courants profonds). Ces systèmes sédimentaires se construisent avec de forts
taux de sédimentation, facteur prédisposant aux glissements gravitaires [Ercilla
& al. 2019]. En addition à ce processus de sédimentation, les mécanismes
tectoniques du bassin, qui induisent la sismicité moyenne locale, renforcent la
probabilité que de tels glissements puissent se produire [Rodriguez & al. 2017].
Les tsunamis déclenchés à la suite d’un glissement ont des mécanismes de
génération, de propagation et d’inondation qui diffèrent de manière
significative de ceux de source sismogène. Les paramètres du glissement (c.-à-
d. son volume, sa durée, son accélération initiale, sa vélocité maximale, etc.)
déterminent ceux de la propagation du tsunami (c.-à-d. la vitesse, la durée, la
longueur d’onde, etc.). En comparaison avec leurs équivalents issus d’épisodes
sismiques, leur propagation radiale se réalise souvent dans des eaux moins
profondes. Ils parcourent également une distance plus courte [Harbitz & al. 2006].
Lorsque les volumes d’eau mobilisés atteignent les littoraux, la bathymétrie à
proximité du littoral, la topographie et le type de substrat délimitent alors
l’emprise spatiale de l’inondation [Bryant 2014].
Certaines études ont néanmoins apporté une expertise sur les tsunamis
consécutifs aux glissements sous-marins en mer d’Alboran [Macías & al. 2015,
Rodriguez & al. 2017]. Elles ont ainsi mis en évidence que la durée de
propagation de ce type de tsunamis jusqu’au littoral marocain était
particulièrement courte et que les hauteurs d’eau qui arrivent à la côte
pouvaient dépasser 1 mètre. Dans l’étude de Rodriguez & al. [2017], 13 minutes
suffiraient pour qu’un tsunami déclenché dans la région des bancs de Xauen-
Tofiño atteigne la ville d’El Jebha, à l’ouest d’Al Hoceima avec une hauteur
d’eau équivalente estimée à 1 m.

1.3. Complémentarité des données historiques et des simulations prospectives


de tsunamis

Macías & al. [2015] rappellent les difficultés d’obtenir une période de retour
définie pour le phénomène de glissement sous-marin qui demeure rare à
l’échelle du temps humain. Cette absence d’information ne permet donc pas
d’appréhender correctement l’aléa de tsunami généré par glissement sur le
littoral marocain, car sa probabilité d’occurrence demeure inconnue. Dans le

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RISQUE DE TSUNAMI SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN DU MAROC 551

cadre du programme ALARM et de l’ANR ALBAMAR (ALBorAn sea


subMARine landslides), une campagne de datation des glissements en mer
d’Alboran (5 sur les 66 glissements identifiés) est prévue en 2021 afin de
pallier ce manque d’information.
En revanche, des catalogues des évènements historiques de tsunamis ont été
établis pour mer Méditerranée et au Maroc. La Figure 1 présente les
évènements susceptibles d’avoir affecté le littoral marocain à partir du travail
de Maramai & al. [2014] dans lequel les données de Kaabouben & al. [2009] ont
été réévaluées et complétées. Ce catalogue des tsunamis euro-méditerranéen
(EMTC) est le plus récent et est utilisé par la Commission Océanographique
Intergouvernementale1 comme source d’information. Ainsi, le tableau 1
présente les 10 évènements ayant probablement touché les littoraux espagnol,
marocain et/ou de l’extrême ouest algérien. Seuls 5 tsunamis sont donc
supposés avoir atteint le littoral marocain. Ce recensement nous renseigne sur
les évènements historiques, leur localisation et leur intensité selon des seuils de
fiabilité propre à chacune de ces études. Les évènements ayant touché le Maroc
se sont produits à des localisations variées du bassin d’Alboran. Leur intensité
ne dépasse pas le seuil 3 d’intensité « plutôt fort », mais il s’agit du seuil pour
lequel les tsunamis peuvent engendrer des dommages sur les bateaux et
infrastructures côtières. Leur magnitude est supérieure à 6,3 Mw. Seul
l’évènement de 1773 peut soulever des doutes quant à son exécution. Les
évènements de 1954 et de 1980 ont été causés par des glissements sous-marins
issus d’épisode sismique, attestant ainsi de l’importance de considérer ce type
de scénario.
En parallèle des données historiques, la modélisation des tsunamis est une
clé de la compréhension de ces évènements. Elle permet de compenser le
manque de données concernant l’intensité, la période d’occurrence et les
paramètres entrant en jeux dans la concrétisation des aléas géologiques. Elle
permet de visualiser et d’envisager certaines formes d’évènements [Harbitz & al.
2006]. Tous les scénarios ne peuvent pas être simulés, car il existe une
multitude de sources d’un glissement et leurs paramètres sont uniques.

1 http://www.ioc-
tsunami.org/index.php?option=com_content&view=article&id=16&Itemid=16&lang=en

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552 E. BASQUIN, D. MERCIER, A. CREACH, E. d’ACREMONT, S. LAFUERZA

Hypothèse
Échelle
d'un
d'intensité Indice de
Indice tsunami
Magnitude de tsunami fiabilité
Année Jour Mois Heure Min Longitude Latitude de Cause ayant
(Mw) de (Kaabouben
fiabilité affecté le
Sieberg- et la. 2009)
littoral
Ambraseys
marocain
Séisme
1522 22 9 8 / - 02.66 + 36.97 6,5 3 3 4 Oui
terrestre

Séisme
1680 9 10 7 / - 04.60 + 36.80 6,8 4 3 4 Oui
sous-marin

Séisme
1773 6 5 10 / - 5.83 + 35.8 / 2 3 / Oui
sous-marin

Séisme
1790 0 10 1 15 + 0.36 + 34.42 6.7 3 3 1 Oui
terrestre

Séisme
1804 8 6 3 / - 2.5 + 36.5 / 4 2 / Non
terrestre

Séisme
1856 22 8 11 40 + 5.79 + 36.82 / 4 3 0 Non
terrestre

Séisme
1891 15 1 4 / + 1.85 + 36.56 / 4 3 / Non
terrestre
Glissement
sous-marin
1954 9 9 1 4 + 1.28 + 36.17 6,6 4 1 / déclenché Oui
par le
séisme
Glissement
sous-marin
1980 10 10 12 24 + 1.41 + 36.17 7,3 4 1 0 déclenché Non
par le
séisme
Séisme
2003 21 5 18 44 + 3.04 + 37.04 6,8 4 3 0 Non
sous-marin

Tableau 1 – Événements de tsunamis ayant touché les littoraux de la mer


d'Alboran.
Les événements en gras sont susceptibles d'avoir touché le littoral marocain. Valeur de
l’indice de fiabilité : 0 = très improbable ; 1 = improbable ; 2 = questionnable ; 3 =
probable ; 4 = indéniable. Valeur de l’échelle d’intensité de Sieber-Ambraseys (1962) : 1 =
très faible ; 2 = faible ; 3 = plutôt fort ; 4 = fort ; 5 = très fort ; 6 = désastreux (d'après
Maramai & al. 2014)

Dans le but de recenser les enjeux marocains exposés aux tsunamis, une
modélisation de l’inondation selon différents scénarios de tsunami est en cours
de développement par les chercheurs du programme ALARM. Elle permettra
d’obtenir les hauteurs d’eau et la vitesse d’intrusion, deux facteurs clés de
l’endommagement potentiel sur les biens et les personnes [Leone & al., 2017].
L’objectif principal de cette simulation sera d’obtenir l’emprise spatiale de
l’inondation et les volumes d’eau à répartir sur le territoire afin d’évaluer la
concomitance spatiale entre les enjeux du littoral et de cette inondation.

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RISQUE DE TSUNAMI SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN DU MAROC 553

2. Sélection des sites d’intérêt pour l’étude de l’exposition du littoral


méditerranéen du Maroc
La cartographie de l’exposition des enjeux du littoral méditerranéen du
Maroc face au risque de tsunami requiert une bonne connaissance de l’aléa afin
d’anticiper et de déterminer les zones potentiellement submergées. Néanmoins,
le cœur de cette étude demeure l’exposition de la société marocaine sur un
territoire qui connaît une forte attractivité humaine et économique, notamment
touristique. Cette deuxième partie recense les principaux territoires à fort
enjeux.
Des caractéristiques prédisposent certains espaces du territoire méditerranéen
du Maroc à être potentiellement davantage endommagés par un tsunami. Avec
la topographie, la géomorphologie d’un territoire conditionne l’intrusion et le
retrait des eaux. De même, les différences d’occupation du sol induisent une
résistance à l’intrusion des eaux, notamment en ralentissant ou non la vélocité
de l’inondation [Kaiser & al. 2011]. Dans les études simulant l’inondation par
tsunami, ces différences sont caractérisées par l’utilisation de coefficients de
rugosité qui permet de différencier si l’occupation du sol dissipe plus ou moins
les effets de l’inondation. Les zones urbaines peuvent ainsi avoir un coefficient
de rugosité plus élevé que les zones fluviales qui offrent moins de résistance à
l’intrusion des eaux. Seuls les territoires où les eaux auraient une facilité à se
propager loin à l’intérieur des terres ont donc été privilégiés, car ils sont
davantage exposés aux tsunamis (Fig. 2) [Gayer & al. 2010].
Par ailleurs, l’étude de l’occupation démographique des communes littorales
apporte des éléments de compréhension sur l’exposition humaine. En effet, la
population marocaine était littorale à 55 % en 2010 [OCDE 2016]. Fonder la
sélection des sites d’étude sur ces critères permet d’évaluer les espaces où les
effets d’un tsunami seraient les plus conséquents et où l’aide d’urgence devrait
nécessiter davantage de moyens (Fig. 4).
Le premier site d’étude réunissant ces critères est celui du littoral tétouanais
qui s’étend de la ville de Fnideq à la frontière avec l’enclave espagnole de
Ceuta, jusqu’à la ville de Martil, en passant par la commune de M’diq. Ces
villes se situent au nord du cap Mazari. La commune de Martil s’étend dans
une plaine d’environ 90 km² et de faible pente (< 0,1%) en arrière d’un littoral
bas sableux [Comentale & al. 2007]. Les oueds Martil au sud, et d’El Maleh au
nord, drainent cette plaine avant de rejoindre la Méditerranée. Au nord de Cabo
Negro, l’étalement urbain se maintient entre les reliefs pentus et les plages
(Fig. 2). Les communes de cette région sont donc situées dans des zones
d’urbanisation importante et d’accroissement des enjeux, surtout sur le bord de
mer. Elles bénéficient d’une attractivité économique importante, notamment
sur le plan du tourisme balnéaire [Niazi 2007].

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554 E. BASQUIN, D. MERCIER, A. CREACH, E. d’ACREMONT, S. LAFUERZA

Figure 2 – Relief du littoral méditerranéen du Maroc et sites d’intérêts retenus

Un grand projet d’aménagement appelé « Marina Kabila » s’est installé à


l’embouchure de l’oued Smir au niveau d’une lagune (Fig 3 – A) logements
pour vacanciers, des aménagements de bord de mer et le palais royal (Fig 3 –
B, C et D). Le seul espace où l’emprise humaine est limitée est le cap de Cabo
Negro, car il s’agit d’une réserve naturelle et d’une base militaire. Plusieurs
ports sont également situés le long de ce littoral (Fig 3 – E et F). De plus, elles
constituent le pôle démographique le plus important du littoral (Fig. 4). En
2014, les deux communes accueillaient 445 142 habitants, avec des densités de
population respectives s’élevant à 2 925 hab./km² pour Martil et
6 233 hab./km² pour Tétouan comme l’indique le recensement général de la
population établi par le Haut-Commissariat au Plan [HCP 2014].

BAGF – GÉOGRAPHIES – 2021-3/4


RISQUE DE TSUNAMI SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN DU MAROC 555

Figure 3 – Photographies du littoral tétouanais. (Basquin, septembre 2021)

A : Logements de luxe, marina Kabila ;


B : plage de M'diq avec installations de baignade (parasols, poste de surveillance, etc.) ;
C : appartements pour touristes (occupation saisonnière) ;
D : nouveau complexe résidentiel, Martil ;
E : marina Smir, port de plaisance ; F : port de pêche et de plaisance, M’diq

BAGF – GÉOGRAPHIES – 2021-3/4


556 E. BASQUIN, D. MERCIER, A. CREACH, E. d’ACREMONT, S. LAFUERZA

Figure 4 – Densité de population des communes littorales méditerranéennes du


Maroc

Le deuxième site retenu est celui de la plaine agricole adjacente à la ville


d’Al Hoceima. Cette dernière est située sur une falaise et serait donc épargnée
par un tsunami, mais son port de plaisance pourrait en subir les effets. En
revanche, les 56 716 habitants d’Al Hoceima dépendent de l’activité agricole
de la plaine de Ghis-Nekor, du nom des deux oueds qui la traversent jusqu’à la
Méditerranée. D’une superficie de 7 000 ha, elle s’ouvre sur une baie à environ
12 km d’Al Hoceima [Margaa & Abdelgader 2011]. Face au tsunami, la
salinisation des terres agricoles représente une menace importante, d’autant
plus que les ressources souterraines locales en eau douce subissent d’ores et
déjà les effets de l’intrusion marine [Chafouq & al. 2018].
Enfin, les villes de Nador, et de Bni Ansar constituent le dernier site
d’intérêt. Elles sont habitées par près de 218 308 personnes en 2014. Elles
constituent le deuxième pôle démographique le plus important du littoral
(Fig. 4). Localisées à l’est du littoral dans un milieu lagunaire d’une superficie
de 115 km², elles sont également exposées aux tsunamis et aux aléas de
tempêtes [Raji & al. 2015]. De nombreux enjeux s’y trouvent, parmi lesquels
l’aquaculture, la pêche et l’industrie occupent une place importante. De plus, le
cas de ces villes reflète les dynamiques de densification du littoral. Un grand
programme d’aménagement urbain et touristique est en cours depuis 2009 sur

BAGF – GÉOGRAPHIES – 2021-3/4


RISQUE DE TSUNAMI SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN DU MAROC 557

environ 258 ha de la lagune. Il vise à améliorer le potentiel touristique en


valorisant ses atouts socio-économiques. L’approche favorisée est celle d’un
tourisme qui tire parti des atouts naturels de cet écosystème tout en cherchant à
le respecter, voire le protéger [Haddouti & Zerrouki 2016]. Il devrait se terminer en
2025.

3. Évaluation de l’exposition des enjeux du littoral marocain


3.1. Exposition des enjeux et méthodes cartographiques

Les trois sites dont l’examen préliminaire des facteurs d'exposition a montré
qu’ils seraient plus sensibles en cas de tsunami feront l’objet d’un inventaire
des enjeux qui s’y trouvent afin d’évaluer l’exposition de ces derniers face au
tsunami. Dans la littérature, la prise en compte de la diversité des enjeux et de
la manière dont ceux-ci peuvent varier dans le temps et l’espace est multiple et
riche, plusieurs approches sont envisageables.
Tout d’abord, l’évolution de l’exposition varie selon le scénario de l’aléa
envisagé. Étant donné l’infinité de possibilités de scénarios envisageables
(variation du degré d’intensité, diversité des paramètres physiques mobilisés,
etc.), l’approche du programme ALARM envisage de se concentrer sur un
scénario de cas extrême d’aléa de tsunami causé par un glissement sous-marin
de 5 km3. Une fois la simulation de l’inondation aboutie, les résultats de la
poche d’inondation seront uniques à ce scénario, mais permettront d’avoir un
ordre de grandeur d’un évènement dévastateur pour le Maroc.
Ensuite, l’exposition des enjeux varie dans le temps, selon les modes de vie
des populations et l’évolution de l’occupation du sol au cours du temps. Dans
son travail sur l’exposition de la ville de Padang (Indonésie) face aux tsunamis,
Mayaguezz [2015] rend bien compte de l’importance du facteur temporel de
l’exposition. Il dissocie les différents temps de vie de la population, notamment
en lien avec le calendrier religieux de l’Islam. Il démontre les inégalités
d’exposition entre les périodes de ramadan et de célébrations musulmanes, et
les périodes sans évènement particulier. Son modèle d’exposition prend
également en compte les fluctuations hebdomadaires (jour de
semaine/weekends), et les variations quotidiennes (diurne/nocturne). Le travail
à engager sur le littoral marocain doit également s’adapter aux temps de vie de
la population littorale. Une distinction majeure entre les périodes de haute
saison touristique et celle de basse saison sera primordiale dans le diagnostic.
Elle intégrera notamment le fait que de nombreux logements secondaires (Fig.
3 C et D) sont laissés vacants en basse saison et l’évacuation verticale en cas de
tsunami pourrait être rendue difficile, car les bâtiments seraient difficiles
d’accès.
Les critères d’exposition étant particulièrement nombreux, une solution
réside dans l’utilisation de géo-indicateurs composite qui permet de s’appuyer

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558 E. BASQUIN, D. MERCIER, A. CREACH, E. d’ACREMONT, S. LAFUERZA

sur des critères variés et de s’adapter au contexte local. Le poids des critères
n’étant pas le même selon les localisations, les indices d’exposition peuvent
fortement différer de l’un à l’autre. Le littoral atlantique marocain a d’ailleurs
fait l’objet d’une évaluation de la vulnérabilité face au tsunami au moyen de
géo-indices synthétiques regroupant plusieurs facteurs de vulnérabilité tels que
les facteurs physiologiques, géographiques, psychologiques ou encore culturels
et économiques [Mellas 2012]. Grâce à ces indicateurs, une valeur peut être
attribuée à l’exposition tel un degré d’importance ou de prégnance.
L’échelle d’application des critères d’exposition peut, elle aussi, varier et
ainsi donner des résultats divers. L’évaluation de l’exposition à l’échelle du
littoral ne rendra pas compte de la variabilité de l’exposition des parcelles à
l’échelle communale. Porter un regard sur l’exposition à cette dernière échelle
implique de se reposer sur des données détaillées de l’occupation du sol afin de
considérer la diversité des enjeux et de pouvoir quantifier l’exposition selon la
fonction des espaces et donc par secteur. De plus, la qualité des données
conditionne également la qualité des recommandations qui seront établies pour
s’adapter au risque de tsunami. La classification des enjeux est nécessaire.

3.2. Classification des enjeux du littoral.

La classification des enjeux détermine non seulement la qualité de l’analyse


de l’exposition, mais également la facilité d’un diagnostic à être mobilisé et
exploité par les décisionnaires concernés par la suite. Les données disponibles
en libre accès sur l’occupation du sol marocain sont minces et la base de
données en libre accès d’Openstreetmap n’est pas complète et ne renseigne que
sur la localisation des enjeux et sur leur toponymie, pour lesquels des erreurs
peuvent se glisser. Néanmoins, le croisement de ces données et des
observations de la mission de terrain de septembre 2021 sur le littoral de
Tétouan permet d’analyser la diversité des enjeux locaux. Ainsi, les enjeux ont
été classés selon leur fonction dans le système présenté en figure 5 et d’aboutir
à leur classification selon leur fonction. Par ailleurs, des données plus
complètes issues des services d’urbanisme de la province de Tétouan sont en
cours d’acquisition.
Afin de faciliter le traitement des données sous SIG et de rendre les
informations de l’occupation du sol lisibles, la classification dissocie
l’occupation du sol selon trois catégories connues, soit les éléments relatifs à la
voirie, les espaces extérieurs et le bâti [Mayaguezz 2015]. Les enjeux bâtis ont été
dissociés en deux catégories : celle des habitations (individuelles et collectives)
et celle des lieux utilisés pour un secteur d’activité précis. Neuf secteurs ont été
identifiés (Fig. 5) tels que les services publics de l’administration et ceux
d’urgences, mais également les services de santé et d’éducation qui peuvent
être référencés comme public ou privés. Les secteurs d’activités privés
présentent une plus grande diversité. Les activités de transports tels que les

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RISQUE DE TSUNAMI SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN DU MAROC 559

aéroports et les ports font l’objet d’une catégorie spécifique, tout comme les
zones industrielles. Les lieux de culte sont également distingués comme une
catégorie à part entière.
Concernant les activités relatives au secteur du loisir, trois sous-catégories
sont mises en évidence : culture et de patrimoine, récréation et sport. Enfin, les
espaces commerciaux sont également déclinés en cinq sous-catégories : les
espaces de restauration, les lieux d’accueil touristiques, ceux relatifs à la
finance, ainsi que les commerces spécialisés et alimentaires. Les espaces
extérieurs sont les voies de communication, les espaces naturels et les
aménagements urbains extérieurs. Deux catégories identifient les lieux en
construction qui témoignent des processus de renouvellement urbain et de
densification, et ceux dont la fonction n’est pas déterminée.

Figure 5 – Classification des enjeux présents sur le littoral méditerranéen du


Maroc
à partir des données d'OpenStreetMap, 2020 et des observations de la mission de terrain de
septembre 2021.

Cette classification permet de s’adapter aux différents scénarios de tsunami


envisagés en différenciant l’exposition des enjeux (i.e. ce qui se trouve dans la
zone d’inondation de ce qui est externe). Elle permet également de dissocier les
infrastructures critiques qui contribuent à la prise en charge de la crise
enclenchée par un tsunami. Ainsi, elle s’adapte aux spécificités du domaine de
la gestion de crise pour analyser le degré d’exposition des enjeux au moment
de la catastrophe et au moment où les secours doivent être opérationnels. En
effet, la configuration territoriale des communes littorales peut rendre inaptes
les services responsables de cette gestion à prendre en charge la catastrophe.

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560 E. BASQUIN, D. MERCIER, A. CREACH, E. d’ACREMONT, S. LAFUERZA

L’objectif est de souligner les manques à gagner et les points d’amélioration de


la gestion de crise marocaine qui s’opère au moyen du plan d’organisation des
secours (ORSEC). Déclenché par le Wali ou le Gouverneur régional, il planifie
les modalités de réquisition des moyens et des personnes pour répondre aux
besoins de la crise [OCDE 2018]. Les acteurs de la cellule de crise s’organisent
autour de six missions principales :
- « liaisons et transmissions » (services des transmissions téléphoniques et
cellulaires),
- « maintien de l’ordre » (police et gendarmerie),
- « secours et sauvetage » (protection civile, les pompiers, les forces armées
royales et les forces auxiliaires),
- « soins médicaux » (services de santé locaux et le Croissant rouge
marocain),
- « travaux et équipement » (les opérateurs d’infrastructures en eau,
électricité, gaz, etc.)
- « accueil et hébergement" (protection civile, le Croissant rouge marocain et
les associations locales).
Enfin, il n’existe pas de législation permettant d’identifier les industries
présentant des seuils de dangerosité importants et qui pourraient entraîner des
risques indirects par leur endommagement, tels que le déversement de
substances polluantes, des incendies, etc. [OCDE 2016]. En s’appuyant sur
l’exemple européen de la directive SEVESO qui maintient une surveillance
particulière sur ces infrastructures industrielles pour éviter l’accumulation de
risques elles seront recensées.
Une première approche cartographique et de modélisation nommée « Modèle
d’Évaluation Probabiliste Multi-Risques » (MnhPRA) avait été mise au point
par le Ministère des Affaires Générales et de la Gouvernance conjointement
avec la Banque Mondiale. Seulement, un rapport de l’Organisation de
Coopération et de Développement Économiques sur la gouvernance des risques
naturels au Maroc et publié en 2016 fait état d’un manque d’appropriation de
l’outil et d’une communication réduite autour de ce dernier. De plus, le partage
et l’accès aux bases de données est relativement restreint entre les entités
productrices et celles exploitant les données (entités scientifiques, privées,
publiques, etc.). Apprécier l’exposition du littoral à travers des productions
cartographiques réalisées à partir d’une méthodologie est donc primordial pour
accompagner la société marocaine vers l’adaptation au risque de tsunami et
comprendre la multi-dimensionnalité du risque de tsunami. Cette méthodologie
doit pouvoir être mise à jour et adaptée à chaque région du littoral, notamment
en raison du besoin de penser ces évènements rares sur un horizon lointain et
du développement continu du littoral marocain.

BAGF – GÉOGRAPHIES – 2021-3/4


RISQUE DE TSUNAMI SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN DU MAROC 561

3.3. Perspectives et enjeux : une gestion du risque de tsunami à penser

L’exposition du littoral méditerranéen du Maroc face au risque de tsunami


doit être mise en regard de la gestion du risque de tsunami au Maroc. Cela
permet non seulement d’appréhender les développements à venir en termes de
gouvernance du risque, mais également d’observer les décisions politiques
actuelles sous un œil critique face aux besoins réels de la gestion du risque de
tsunami. Les nombreux enjeux humains et économiques situés sur ce littoral
présentent une vulnérabilité importante face au risque de tsunami. C’est le
constat dressé par l’OCDE [2016]. Ce rapport rend compte de l’auto-évaluation
de la gouvernance des risques au Maroc par les acteurs qui en sont
responsables. En parallèle, il confronte cette évaluation au regard d’experts
internationaux pour soulever les forces et les fragilités du système de gestion
des risques existant. Dans le propos général du rapport, il apparaît que la
gestion des risques, au sens large de la notion, doit se munir d’un cadre mieux
défini et plus ambitieux.
Concernant le risque de tsunami, le constat de l’investigation est clair. Ce
dernier n’est pas suffisamment pris en compte au vu des actifs présents sur les
deux façades littorales marocaines. Il y est d’ailleurs décrit comme le cas le
plus dommageable (« worse case scenario ») de catastrophes naturelles dont les
effets seraient ressentis à long terme [OCDE 2016]. La Banque Mondiale a ainsi
estimé qu’un évènement de fréquence milléniale engendrerait des pertes
économiques s’élevant à 58,854 milliards de Dirhams (environ 5 493 milliards
d’euros) [World Bank 2014].
L’OCDE met ainsi en garde contre le manque de réflexion active sur la
prévention face au risque de tsunami et le manque de couverture du réseau
d’alerte des marégraphes et balises. Les recommandations du rapport
insistaient également sur le besoin de constituer un cadre légal aux
prescriptions d’urbanisme en zone inondable par les tsunamis, sur l’importance
d’élaborer un plan d’urgence spécifique pour le risque de tsunami et sur la
nécessité de cartographier ce risque sur l’ensemble du littoral marocain. En
échos à ces recommandations, le travail d’évaluation porté ici donne des
éléments concrets de développement de la gestion du risque de tsunami. D’une
part, les prescriptions d’urbanisme pourront s’appuyer sur l’enveloppe spatiale,
et bientôt cinétique de l’évènement, pour réguler l’étalement foncier.
Toutefois, les nombreux projets d’aménagement de complexes hôteliers et de
logements à destination des touristes sur les communes du littoral tétouanais
témoignent d’ores et déjà d’un manque d’intégration des risques naturels dans
leur développement. En effet, la zone inondable de l’oued Martil est
aujourd’hui l’objet d’un grand projet d’aménagement supervisé par une société
mandatée exclusivement pour ce projet appelée « Société d’Aménagement de

BAGF – GÉOGRAPHIES – 2021-3/4


562 E. BASQUIN, D. MERCIER, A. CREACH, E. d’ACREMONT, S. LAFUERZA

la Vallée de l’Oued Martil » (STAVOM2). Les travaux de recalibration de


l’oued appuient les décisions d’entreprendre ce projet d’envergure malgré la
possibilité qu’une crue de l’oued dépasse le seuil de protection accordé par ces
aménagements (Fig. 6). D’autre part, la typologie à double niveau des
installations sur le littoral pourra considérer l’exposition spatiale humaine et
matérielle, et prendra également en considération la fonction des installations
en temps de crise afin de tester l’opérabilité des secteurs concernés. Ainsi, un
futur plan d’urgence spécifique au risque de tsunami pourra s’appuyer sur le
lien fait entre le temps de la catastrophe et celui de l’intervention des secours.
Les résultats d’analyse apporteront ainsi des éléments utiles pour le plan
ORSEC. Enfin, les résultats présentés sous format cartographique
repositionneront l’intérêt pour le risque de tsunami sur le littoral méditerranéen
souvent oublié, ou insuffisamment considéré, en comparaison avec celui du
littoral atlantique.

Figure 6 – Recalibration de l'oued Martil.


Endiguement visible sur la rive droite (photographie de gauche) et sur la rive gauche
(photographie de droite) (Basquin, septembre 2021)

Conclusion
L’étude de l’exposition du littoral méditerranéen du Maroc face au risque de
tsunami représente un enjeu important pour ce pays tourné vers la mer et
l’océan et pose la question de son développement littoral. Le travail engagé
accompagne le choix politique du gouvernement marocain à améliorer le cadre
de sa gouvernance du risque de tsunami. L’approche présentée ici s’ancre dans
une volonté d’aborder ce risque de manière intégrée afin de considérer la
variété et la richesse des enjeux présents sur les trois sites d’étude sélectionnés.
À terme, elle cherchera à apporter des éléments concrets d’aide à la décision en

2Agence pour la Promotion et le Développement du Nord


http://www.apdn.ma/index.php?option=com_content&view=article&id=335&Itemid=247&lang=fr

BAGF – GÉOGRAPHIES – 2021-3/4


RISQUE DE TSUNAMI SUR LE LITTORAL MÉDITERRANÉEN DU MAROC 563

matière de gestion du risque en amont, au moment et a posteriori de la


catastrophe. Elle apportera des outils pour établir des diagnostics à échelles
temporelles et spatiales complémentaires. L’objectif du travail engagé sera
donc de soulever des hypothèses d’adaptation en matière d’aménagement et
d’usages du territoire pour tendre vers un littoral plus résilient face au tsunami
et une meilleure prise en compte du risque. La réalisation du diagnostic
cartographique de vulnérabilité du littoral méditerranéen marocain semble
donc s’inscrire directement dans les recommandations du rapport de l’OCDE.
Ce travail accompagnera donc la démarche entreprise par le gouvernement, et
soutenue par des instances internationales, pour tendre vers une société plus
résiliente.

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