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net/publication/358425951
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All content following this page was uploaded by Denis Mercier on 10 February 2022.
Introduction
Les tsunamis sont des aléas qui menacent les deux façades maritimes du
Maroc. Un tsunami est généralement compris comme un phénomène soudain
de déplacement de la colonne d’eau. Il se manifeste par un train de vague de
grande longueur d’onde, qui mobilise de grands volumes d’eau, sans ou avec
peu de perte d’énergie lorsqu’il se propage à grande vitesse. En 2008, il est
considéré comme le cinquième risque le plus mortel avec 700 000 personnes
tuées depuis 2000 av. J.-C. [Gusiakov 2008].
Le contexte tsunamigène du littoral atlantique marocain a fait l’objet d’une
attention particulière, notamment en raison du séisme de Lisbonne de 1755 qui
entraîna l’inondation des villes entre Tanger et Agadir [Mellas 2012].
Néanmoins, des travaux ont mis en évidence le potentiel tsunamigène du
bassin de la mer d’Alboran. La sismicité locale moyenne évaluée à 6,4 Mw
[Poujol & al. 2014], ainsi que les phénomènes de glissements sous-marins
seraient à l’origine de la menace de tsunami pouvant atteindre la côte
méditerranéenne du Maroc.
Malgré ces prédispositions, le contexte méditerranéen et son exposition à
l’aléa tsunami ont été moins étudiés. Pourtant, il s’agit d’un littoral attractif,
marqué par un tourisme balnéaire à forte saisonnalité, et qui fait l’objet de
nombreux projets d’aménagement urbain. De plus, comme façade maritime, il
présente des enjeux industriels et portuaires importants. L’activité agricole y
occupe également une part non négligeable. La submersion liée à un tsunami
aurait donc le potentiel d’endommager la population et ses biens.
Dans ce contexte, des chercheurs du programme interdisciplinaire
« Évaluation des ALéas fond de mer et Analyse des Risques en mer
Les séismes se produisant dans le bassin sont considérés comme l’une des
causes probables de tsunami en mer d’Alboran. D’une part, la croûte
géologique du bassin est relativement mince, ce qui implique que la profondeur
sismogénique soit relativement peu profonde. La majorité des épisodes se
situent entre 10 et 12 km de profondeur, et sont responsables de la déformation
du domaine [Álvarez-Gómez & al. 2011]. Or, les séismes à l’origine de tsunami se
produisent généralement entre 0 et 40 km de la croûte terrestre, car ils doivent
induire un soulèvement suffisant de la colonne d’eau [Amine & al. 2018]. D’autre
part, les séismes de magnitude 6,3 Mw sont plus susceptibles de générer des
tsunamis [Bryant 2014]. Bien que la majorité des évènements enregistrés en mer
d’Alboran n’excède pas une magnitude de 5 Mw, certains évènements passés
de plus grande magnitude ont été enregistrés (Tabl. 1) [Maramai & al. 2014].
La marge continentale marocaine, située à une profondeur d’environ 100 à
150 m, est sujette à une forte sismicité en particulier dans la région d’Al
Hoceima, considérée comme la plus active dans le bassin [Cherkaoui & Hassani.
2012 ; Cherif & al. 2017]. La magnitude du moment sismique maximale
enregistrée par instrument dans la région est de 6,4 Mw. Le séisme d’Al
Hoceima de 2004 a atteint cette magnitude et a entraîné la mort de près de
800 personnes [Association Française du Génie Parasismique 2004].
Macías & al. [2015] rappellent les difficultés d’obtenir une période de retour
définie pour le phénomène de glissement sous-marin qui demeure rare à
l’échelle du temps humain. Cette absence d’information ne permet donc pas
d’appréhender correctement l’aléa de tsunami généré par glissement sur le
littoral marocain, car sa probabilité d’occurrence demeure inconnue. Dans le
1 http://www.ioc-
tsunami.org/index.php?option=com_content&view=article&id=16&Itemid=16&lang=en
Hypothèse
Échelle
d'un
d'intensité Indice de
Indice tsunami
Magnitude de tsunami fiabilité
Année Jour Mois Heure Min Longitude Latitude de Cause ayant
(Mw) de (Kaabouben
fiabilité affecté le
Sieberg- et la. 2009)
littoral
Ambraseys
marocain
Séisme
1522 22 9 8 / - 02.66 + 36.97 6,5 3 3 4 Oui
terrestre
Séisme
1680 9 10 7 / - 04.60 + 36.80 6,8 4 3 4 Oui
sous-marin
Séisme
1773 6 5 10 / - 5.83 + 35.8 / 2 3 / Oui
sous-marin
Séisme
1790 0 10 1 15 + 0.36 + 34.42 6.7 3 3 1 Oui
terrestre
Séisme
1804 8 6 3 / - 2.5 + 36.5 / 4 2 / Non
terrestre
Séisme
1856 22 8 11 40 + 5.79 + 36.82 / 4 3 0 Non
terrestre
Séisme
1891 15 1 4 / + 1.85 + 36.56 / 4 3 / Non
terrestre
Glissement
sous-marin
1954 9 9 1 4 + 1.28 + 36.17 6,6 4 1 / déclenché Oui
par le
séisme
Glissement
sous-marin
1980 10 10 12 24 + 1.41 + 36.17 7,3 4 1 0 déclenché Non
par le
séisme
Séisme
2003 21 5 18 44 + 3.04 + 37.04 6,8 4 3 0 Non
sous-marin
Dans le but de recenser les enjeux marocains exposés aux tsunamis, une
modélisation de l’inondation selon différents scénarios de tsunami est en cours
de développement par les chercheurs du programme ALARM. Elle permettra
d’obtenir les hauteurs d’eau et la vitesse d’intrusion, deux facteurs clés de
l’endommagement potentiel sur les biens et les personnes [Leone & al., 2017].
L’objectif principal de cette simulation sera d’obtenir l’emprise spatiale de
l’inondation et les volumes d’eau à répartir sur le territoire afin d’évaluer la
concomitance spatiale entre les enjeux du littoral et de cette inondation.
Les trois sites dont l’examen préliminaire des facteurs d'exposition a montré
qu’ils seraient plus sensibles en cas de tsunami feront l’objet d’un inventaire
des enjeux qui s’y trouvent afin d’évaluer l’exposition de ces derniers face au
tsunami. Dans la littérature, la prise en compte de la diversité des enjeux et de
la manière dont ceux-ci peuvent varier dans le temps et l’espace est multiple et
riche, plusieurs approches sont envisageables.
Tout d’abord, l’évolution de l’exposition varie selon le scénario de l’aléa
envisagé. Étant donné l’infinité de possibilités de scénarios envisageables
(variation du degré d’intensité, diversité des paramètres physiques mobilisés,
etc.), l’approche du programme ALARM envisage de se concentrer sur un
scénario de cas extrême d’aléa de tsunami causé par un glissement sous-marin
de 5 km3. Une fois la simulation de l’inondation aboutie, les résultats de la
poche d’inondation seront uniques à ce scénario, mais permettront d’avoir un
ordre de grandeur d’un évènement dévastateur pour le Maroc.
Ensuite, l’exposition des enjeux varie dans le temps, selon les modes de vie
des populations et l’évolution de l’occupation du sol au cours du temps. Dans
son travail sur l’exposition de la ville de Padang (Indonésie) face aux tsunamis,
Mayaguezz [2015] rend bien compte de l’importance du facteur temporel de
l’exposition. Il dissocie les différents temps de vie de la population, notamment
en lien avec le calendrier religieux de l’Islam. Il démontre les inégalités
d’exposition entre les périodes de ramadan et de célébrations musulmanes, et
les périodes sans évènement particulier. Son modèle d’exposition prend
également en compte les fluctuations hebdomadaires (jour de
semaine/weekends), et les variations quotidiennes (diurne/nocturne). Le travail
à engager sur le littoral marocain doit également s’adapter aux temps de vie de
la population littorale. Une distinction majeure entre les périodes de haute
saison touristique et celle de basse saison sera primordiale dans le diagnostic.
Elle intégrera notamment le fait que de nombreux logements secondaires (Fig.
3 C et D) sont laissés vacants en basse saison et l’évacuation verticale en cas de
tsunami pourrait être rendue difficile, car les bâtiments seraient difficiles
d’accès.
Les critères d’exposition étant particulièrement nombreux, une solution
réside dans l’utilisation de géo-indicateurs composite qui permet de s’appuyer
sur des critères variés et de s’adapter au contexte local. Le poids des critères
n’étant pas le même selon les localisations, les indices d’exposition peuvent
fortement différer de l’un à l’autre. Le littoral atlantique marocain a d’ailleurs
fait l’objet d’une évaluation de la vulnérabilité face au tsunami au moyen de
géo-indices synthétiques regroupant plusieurs facteurs de vulnérabilité tels que
les facteurs physiologiques, géographiques, psychologiques ou encore culturels
et économiques [Mellas 2012]. Grâce à ces indicateurs, une valeur peut être
attribuée à l’exposition tel un degré d’importance ou de prégnance.
L’échelle d’application des critères d’exposition peut, elle aussi, varier et
ainsi donner des résultats divers. L’évaluation de l’exposition à l’échelle du
littoral ne rendra pas compte de la variabilité de l’exposition des parcelles à
l’échelle communale. Porter un regard sur l’exposition à cette dernière échelle
implique de se reposer sur des données détaillées de l’occupation du sol afin de
considérer la diversité des enjeux et de pouvoir quantifier l’exposition selon la
fonction des espaces et donc par secteur. De plus, la qualité des données
conditionne également la qualité des recommandations qui seront établies pour
s’adapter au risque de tsunami. La classification des enjeux est nécessaire.
aéroports et les ports font l’objet d’une catégorie spécifique, tout comme les
zones industrielles. Les lieux de culte sont également distingués comme une
catégorie à part entière.
Concernant les activités relatives au secteur du loisir, trois sous-catégories
sont mises en évidence : culture et de patrimoine, récréation et sport. Enfin, les
espaces commerciaux sont également déclinés en cinq sous-catégories : les
espaces de restauration, les lieux d’accueil touristiques, ceux relatifs à la
finance, ainsi que les commerces spécialisés et alimentaires. Les espaces
extérieurs sont les voies de communication, les espaces naturels et les
aménagements urbains extérieurs. Deux catégories identifient les lieux en
construction qui témoignent des processus de renouvellement urbain et de
densification, et ceux dont la fonction n’est pas déterminée.
Conclusion
L’étude de l’exposition du littoral méditerranéen du Maroc face au risque de
tsunami représente un enjeu important pour ce pays tourné vers la mer et
l’océan et pose la question de son développement littoral. Le travail engagé
accompagne le choix politique du gouvernement marocain à améliorer le cadre
de sa gouvernance du risque de tsunami. L’approche présentée ici s’ancre dans
une volonté d’aborder ce risque de manière intégrée afin de considérer la
variété et la richesse des enjeux présents sur les trois sites d’étude sélectionnés.
À terme, elle cherchera à apporter des éléments concrets d’aide à la décision en
Références bibliographiques