Horizons Maghrébins - Le droit à

la mémoire

Les inondations dans la vallée de l'Ourika 1995-1999

Jean-François Clément

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Clément Jean-François. Les inondations dans la vallée de l'Ourika 1995-1999. In: Horizons Maghrébins - Le droit à la
mémoire, N°46, 2002. Réalites tunisiennes : l'état de manque ; politique, économie, société, culture. Le haut-atlas marocain :
vie sociale et cultures en terrasse. pp. 196-200;

doi : https://doi.org/10.3406/horma.2002.2050

https://www.persee.fr/doc/horma_0984-2616_2002_num_46_1_2050

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(tenue vestimentaire, consommation d'alcool)
entraînent plus facilement des relations
équivoques entre visiteurs et habitants. Parfois, elles
dégénèrent même vers des comportements
prédateurs (cas de prostitution).
En dehors de ces cas extrêmes, le risque existe
qu'une demande d'authenticité de la part des
touristes (qui n'est pas exempte d'ambiguïtés)
induise une folklorisation de la réponse des
habitants.
PERSPECTIVES
Filière ?
Aujourd'hui, le tourisme de la Haute- Vallée de
l'Ourika ne s'intègre pas dans une démarche de
filière. Si les réseaux existent et sont essentiels à
l'activité, force est de constater que les aspects de
coordination des acteurs, de concertation et a
fortiori de démarche collective sont insuffisants.
Une telle démarche passe d'abord par un
travail de diagnostic approfondi, bien au-delà de la
simple contribution de ce document: repérage des
enjeux, compréhension fine des stratégies, analyse
précise des retombées économiques.
Sur cette base, il serait possible de construire
une démarche d'animation des acteurs pour
élaborer un véritable projet local.
les risques de dérives ou d'effets pervers obligent
à réfléchir à une meilleure intégration de cette
activité dans la vie des habitants. Cela implique
aussi d'envisager sereinement les évolutions que
cela peut engendrer dans les modes de vie
traditionnels.
Intégration ?
Le développement de l'activité touristique,
aussi fortes que puissent être les motivations
économiques, ne peut être une fin en soi. Il s'agit avant
tout de poser un regard global sur les équilibres
sociaux, économiques, culturels qui fondent la vie
des habitants de la Haute- Vallée de l'Ourika.
L'analyse du système de contradictions dans lequel sont
plongés les gîteurs fait bien ressortir que les
problématiques sont plus larges que le tourisme en tant
que tel. Agir dans le domaine du tourisme sans
tenir compte de l'agriculture, de l'environnement,
de la démographie, de la santé ne peut conduire
qu'à des contresens ou à des non-sens.
Jean Éric Florin est agronome et économiste de formation.
Il travaille depuis 10 ans pour le développement du massif des
Pyrénées en appui aux projets des agriculteurs et des artisans
de la montagne. Il intervient également sur la valorisation des
ressources locales en France et à l'étranger.
florin.jean@wanadoo.fr

Développement ?
En quoi le tourisme est-il (ou peut-il être) un Les inondations dans la vallée
facteur de développement ? L'analyse montre
qu'aujourd'hui, les retombées économiques de l'Ourika 1995-1999
restent faibles et isolées auprès de quelques acteurs.
Toutefois, la tradition de pluriactivité des
habitants de la vallée place le tourisme - et d'autres
activités - en position de consolider et de l'Jean-François
exprime
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:

diversifier les sources de revenus.

Il serait cependant erroné de réduire le
développement aux seuls aspects économiques. La
fréquentation touristique est un fait aujourd'hui, et

196
 L'eau est à la fois source de vie et cause de
destructions. L'ambivalence vis-à-vis de l'eau est donc très
forte. On trouve la même sensibilité dans les proverbes
du Moyen-Atlas mais l'eau comme force dévastatrice
n'y est pas présente :
Ay 'ari w 'Ayyach ay uni r'bi'
mch ur-ax tellid zwan-ax icheddran !
Ô mont des Ait 'Ayyach, ô Mère du Printemps
(c'est le nom du principal fleuve du Maroc),
Si ce n'était vous, la sécheresse s'abattrait sur nous !
L'eau est perçue comme une force mais elle-même
est soumise à des lois qui donnent prise sur elle :
Maigre la force des montagnes, l'eau ne peut
remonter vers sa source
Cependant, durant les orages, l'eau dévale depuis les
sommets vers les plaines.
L'eau est donc une force ambiguë et cela d'autant plus
que cette population a le souvenir de catastrophes
récentes. Il y en eut aussi de plus anciennes.
Au siècle dernier, l'explorateur von Fritsch avait
examiné les abords de la vallée de l'Ourika. Il avait alors
observé dans la rivière des blocs de grès dur très
différents de ceux qui composaient les sols de la région d'Akh-
lij. Il en avait conclu, dans ses Reisebilder aus Marokko,
publiés dans la revue de géographie de l'Université de
Halle en 1879 (p. 15), qu'il avait dû y avoir des
inondations catastrophiques dans les temps antérieurs. Il avait
surtout vu que les roches de la haute vallée, des granités
parmi d'autres types de roches, différaient des grès
entrecoupés de calcaires des montagnes entourant la vallée
moyenne. Il conclut aussi de la présence de sel dans des
roches qu'il avait dû y avoir un lac qui s'était vidé jadis et
que, depuis cette catastrophe géologique majeure pour la
vallée de l'Ourika, les pluies n'avaient pas dû être trop
intenses pour permettre à ces roches de subsister.
DEUX CATASTROPHES SUCCESSIVES
Aujourd'hui, il est impossible de remonter la vallée
de l'Ourika sans constater les traces des graves
inondations de 1995 et de 1999. On voit aussi, par endroits, les
corrections qui ont été apportées au lit de la rivière
après la catastrophe de 1995 mais qui ont été
interrompues en raison de nouvelles inondations en 1997
et 1999. Aussi la route passe-t-elle un moment dans le lit
de la rivière avant d'atteindre Setti Fatma. La taille des
blocs de pierre dans le lit de la rivière peut réellement et
rétrospectivement faire peur. Car nous savons que des
touristes et des habitants de la vallée ont été emportés
par les eaux et que tous les corps des disparus n'ont pas
été retrouvés. Et chacun ici a le souvenir des scènes
dramatiques qui se sont produites dans les entrepôts
197
rifiques de Marrakech lors des identifications des
cadavres des victimes de la vallée.
Au-delà de Setti Fatma, pratiquement tout le lit de
la rivière est couvert par les apports torrentiels. Cet
engravement pose problème. On a vu qu'en fonction
d'un calcul de probabilité et de leurs moyens
disponibles, les paysans peuvent opter entre deux solutions,
soit tenter de récupérer leurs anciens champs en les
débarrassant de leurs pierres, soit tenter la méthode de
Yagdal et reconstituer au-dessus des pierres apportées
par le torrent la création d'un nouveau champ en
amorçant la constitution d'une couche d'humus.
On peut alors se demander ce qui est arrivé en 1995
et en 1999. Les deux fois, les catastrophes n'ont pas
résulté des pluies d'hiver ou d'une fonte catastrophique
des neiges mais d'orages d'été. Comment cela a-t-il été
possible ? On commence à le savoir car quatre rapports
ont été rédigés sur le régime des eaux de l'Ourika. Trois
sont dus à une société d'ingénierie de Rabat: Ingema,
une société privée qui réalise les études d'ingénierie au
service de l'hydraulique et des grands ouvrages de génie
civil. La quatrième étude a été réalisée pour la direction
de l'Hydraulique à Marrakech, par Nour Essalhi, Fadil
Elhouda et Nadia Hassani. On peut commencer par
résumer un de ces travaux dû à l'ingénieur en chef d'Ingema,
Nour-Eddine Boutayeb et aux deux chefs de la division
de la Direction générale de l'Hydraulique du Maroc,
Moulay Hassan El Badraoui, et Jamal Mahfoud :
Le 17 août 1995, une inondation de violence
inhabituelle, qui a duré moins d'une heure, a détruit la vallée
de l'Ourika qui commence à quarante kilomètres au sud
de Marrakech. Cette inondation a été causée par un
orage localisé qui a eu une intensité exceptionnelle
(plus de 100 mm d'eau en moins d'une heure), ce qui a
conduit à une hausse très rapide des flux qui auraient
atteint environ 1000 m3 /s en quelques minutes. Dans la
partie la plus haute de la vallée, il y a eu de la pluie,
parfois de la grêle. L'orage a produit une obscurité
presque totale, interrompue seulement par des éclairs
très fréquents. Les coups violents du tonnerre ont aussi
été notés. La boue a donné à l'eau une couleur rou-
geâtre. L'énergie considérable dégagée par ces flots a
balayé, pratiquement tout le long du cours de la rivière,
sur plus de 100 km, ce qui existait, dévastant ainsi des
plantations, des domaines et leurs constructions, des
infrastructures diverses et faisant aussi beaucoup de
victimes animales et humaines.
«Profondement encaissé entre les monts Yagour et Ikis, la
vallée de l'Ourika connaît un dénivelé, par endroit, de plus de
1 000 m, explique M. R, ingénieur de la Division de la
géologie générale au ministère des Mines. Le ruissellement des
eaux de pluie sur les pentes se fait donc de manière rapide, et de
plus en plus violente. De plus, le déboisement massif que
connaît la vallée depuis deux décennies a supprimé tous les
obstacles qui freinaient l'écoulement. Le sol argileux, érodé et
très sec forme une couche imperméable et glissante. Cela facilite
les chutes de roches, responsables de l'importance des dégâts.
La vallée, située sur le faisceau de failles géologiques du Tizi
N 'test, fait partie d'un ensemble dit «en escalier», comme
d'ailleurs tout le Haouz. Crues et écoulement se produisent
régulièrement, sans que soient prises les mesures qui
permettraient d'en atténuer les effets. Les progrés de la géo-technique
permettent a présent l'ancrage, a l'aide de coulées de béton
armé, des rochers instables. On les arrime ainsi a la roche-mere
granitique, et l'eau ne peut plus les emporter. Expérimentés
avec succès dans des pays très montagneux comme la Suisse et
le Japon, ces procédés seraient indispensables, selon M. R.,
pour la sécurité des routes de l'Atlas et du Rif».
Il est impossible, aussi bien en 1995 qu'en 1999,
d'expliquer les dégâts observés seulement par la
pluviométrie. En 1995, les pluies ont en effet été présentes
durant des périodes qui vont de trois heures à deux
jours selon les lieux. Il est ainsi tombé entre 112 et
145 mm d'eau selon les lieux. Cela aurait dû engendrer
dans la rivière en aval un débit de 250 m3 /s et non de
1000 m3/s. Il y a d'ailleurs eu des précédents
historiques avec des pluies analogues qui n'ont pas produit
de dégâts dans la vallée. En conséquence, la seule
explication possible est donc qu'un énorme barrage naturel
de pierres se serait formé en amont et que l'eau l'aurait
ensuite fait exploser avec d'autant plus de force qu'il
n'y a plus de forêt, comme autrefois, dans la haute
partie de la vallée, que les sols sont imperméables dans le
fond de la vallée et que les pentes sont fortes.
Il est donc arrivé brutalement dans la vallée, à la suite
de cette explosion d'un barrage naturel de gros rochers,
une lame de crête. Et c'est uniquement cela qui peut
expliquer que les habitants aient entendu brusquement
un énorme bruit lorsque les flux les plus forts sont arrivés
soudain avec une force inouïe comme s'il n'y avait plus
que des roches dans la rivière. Ce bruit était analogue, ont
dit les témoins, au bruit d'un avion à réaction passant le
mur du son. Les murs des maisons se sont alors mis à
vibrer. Le phénomène a été très rapide puisque ni l'eau
qui est passée avant ni celle qui a suivi n'a vraiment
provoqué de dégâts. Et ce phénomène s'est reproduit
quelques années plus tard en 1999. La catastrophe de
l'Ourika serait donc l'équivalent de la catastrophe qui a
suivi l'explosion du barrage de Malpasset en France.
DES ÉTUDES POUR COMPRENDRE
Peu après cette catastrophe, une étude de ce qu'il
était possible de faire en matière de protection de la
vallée de l'Ourika était lancée, parallèlement aux premiers
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travaux d'urgence. Cette étude chercha à définir les
plaines d'inondation, à analyser et à définir les
protections éventuelles des zones habitées et à légiférer pour
limiter les futurs plans d'occupation des sols dans la
vallée en vue d'empêcher une catastrophe similaire de faire
des dégâts analogues à l'avenir. Pour cela, il fallait
commencer par collecter toutes les données disponibles sur
les régimes des pluies et de la neige en amont. Le
problème est que ces données étaient absentes. Or elles
étaient nécessaires pour répondre aux dispositions de la
loi sur l'eau d'octobre 1995 qui ambitionnait, dans le
cadre général du pays, de gérer rationnellement le
patrimoine hydraulique, soit 16 milliards de m3 en eaux de
surface et 4 milliards en eaux souterraines, ce qui
nécessitait de créer le plan directeur de l'eau de l'oued Tensift.
Les pluies avaient bien été cartographiées par
H. Gaussen en 1958 mais seulement grossièrement pour
l'ensemble du pays et non pour le bassin versant de la
vallée de l'Ourika. On avait eu ensuite l'étude de l'Ors-
tom-Mara de 1973. Il s'agissait à nouveau d'une étude
générale inutilisable dans ce cas particulier. Il fallut se
rendre à la raison: il n'existe pas d'étude des pluies
propre à cette région car il n'y avait pas de stations en
amont permettant des relevés. La seule station
météorologique qui a été installée dans la vallée l'a été après les
inondations de 1995 et elle se trouve à Tadrart.
On sait que la neige est présente, en année normale,
sur les diverses montagnes qui dominent l'Ourika de
septembre à mai. Ensuite des couloirs enneigés peuvent
subsister, s'ils sont abrités du soleil et du vent, toute l'année.
En 2001, il y a très peu de neige présente, ce qui signifiera
un déficit d'eau pour la plaine du Haouz dans quelques
mois. Car dans un tel massif cristallin fissuré, les réserves
d'eau sont essentiellement le manteau neigeux.
Là aussi, une étude de l'enneigement dans la vallée
de l'Ourika est en cours. Cette étude va commencer
dans le cadre du projet Sud-Méditerranéen du CESBIO
et elle envisage d'utiliser les mesures de télédétection
pour la gestion des ressources en eau. Dans la région de
la plaine du Haouz au Maroc, où se trouve la ville de
Marrakech, l'estimation de l'apport de la neige est
indispensable à la quantification des ressources
hydriques. Seront donc utilisées les mesures des
instruments Spot et Végétation et cela permettra de calculer
dans la région du Haut-Atlas un indice de neige satelli-
tal permettant d'estimer l'étendue de la couverture
neigeuse. En effet, la neige et la glace ont des réflectances
élevées dans le domaine visible mais pas dans le moyen
infrarouge alors que la réflectance des nuages reste
élevée dans le moyen infrarouge. L'indice de neige sera
construit à partir du rapport des réflectances dans les
canaux du domaine visible et moyen infrarouge. Les
mesures satellitales seront couplées aux mesures météo-
rologiques de température et de précipitations ainsi qu'à
un modèle de terrain et seront utilisées pour évaluer
l'apport de la fonte de la neige au bilan hydrique de la
région du Haouz au Maroc. Le modèle hydrologique
SRM (Snowmelt Runoff Model) sera adapté aux bassins
versants du Haut- Atlas, donc à celui du Haut-Ourika
dans le but de prévoir la fonte de la neige et d'estimer sa
contribution au bilan hydrique de la région. Ce travail
permettra de mettre au point une méthode
opérationnelle d'évaluation du bilan hydrique de la région. En
attendant, il faut se rendre à l'évidence : on ne sait rien
de précis sur la circulation des eaux en surface ou en
profondeur dans cette région du Haut- Atlas.
Comme on ne disposait pas de mesure précise des
débits de la rivière dans la zone la plus haute de la
vallée, on a eu recours très rapidement à des simulations
grâce à des modèles informatiques.
Le premier essai a été celui d'une élève ingénieur de
l'École Mohammedia d'Ingénieurs de Rabat, Bouchra El
Kettani, qui était partie se spécialiser à Rouen dans
l'étude des méthodes informatiques de programmation
orientée objet. Ceci lui a permis de faire très rapidement
une simulation, grâce à un modèle simplifié, des
inondations survenues dans la vallée de l'Ourika au Maroc
en août 1995. Mademoiselle El Kettani a ensuite
soutenu sa thèse sur ce sujet.
De nouvelles modélisations furent tentées
ultérieurement. Une seconde tentative est due à Abdallah Mokssit,
un responsable de la Direction de la Météorologie
nationale de Rabat. Comme cette catastrophe fit 230 morts et
80 millions de Dh de dégâts, il décida de tester des
modèles qui permettraient de prédire de tels événements.
Il utilisa en particulier le modèle français ARPEGE.
D'autres chercheurs utilisèrent ensuite le modèle
HEC1. Il a été réalisé avec le logiciel MIKE 11 de l'Institut
Hydraulique Danois (DHI). Les simulations ont alors été
faites sur la partie moyenne de l'Ourika, c'est-à-dire sur
une longueur de 18 km, là où la rivière a une pente
moyenne de 3 % et donc là où les inondations ont été
maximales avec un flux très important situé entre 1 000 et
2000 m3 /s. Ce modèle avait pour but de valider
l'hypothèse selon laquelle des protections rocailleuses ont bien
été détruites peu avant l'arrivée d'une lame de fond dans
la vallée. D'autres cartes d'inondation pour la section
amont de la vallée, à partir d'observations portant sur
des inondations plus anciennes, ont été établies toujours
en utilisant les logiciels MIKE 11 de la DHI. Mais on
utilisa aussi le logiciel ArcView, logiciel créé par la société
ESRI qui fit ensuite sa publicité avec les inondations de
l'Ourika. Cette nouvelle simulation confirma l'hypothèse
d'un premier barrage de pierres qui aurait explosé lors-
qu'ensuite la pression de l'eau en amont était devenue
trop forte.
199
Cela a donné lieu ultérieurement à divers travaux
universitaires comme ceux du professeur Mohamed
Berraja, ancien professeur de l'Institut Agronomique et
Vétérinaire Hassan II à Rabat, et aujourd'hui professeur
au centre d'Hydrologie de l'Université Laval au
Canada. Il a contribué aux projets d'aménagement des
ressources en eau des bassins versants du Loukkos et de
l'Ourika au Maroc et cela a donné naissance à d'autres
projets portant sur la prévision des catastrophes
hydrologiques. Ce chercheur a développé la modélisation
hydrologique pour évaluer les ressources en eau et
calculer l'optimisation des différents réservoirs naturels
d'un bassin versant pour assurer une gestion durable
des ressources en eau.
PROJETS ACTUELS
ET SOLUTIONS PROPOSÉES
On a cherché ensuite au moyen de ces analyses à
définir les structures de protection qui seraient
réalisables à la fois sur les plans économique et technique.
Plusieurs solutions sont en effet envisageables.
Première solution : ne rien faire et simplement
mettre un système d'alarme en place et prévenir les
populations menacées pour qu'elles puissent s'enfuir et
ainsi éviter d'être tuées.
C'est ainsi qu'un premier système « Alerte aux
orages d'été » a été mis en place par le ministère des
Travaux publics en 1995.
Deux mesures ont été prises par la Météo nationale. Une
permanence téléphonique en service 24 heures sur 24. Les
prévisions générales sont faites pour la circulation maritime,
aérienne et routière. Elles sont immédiatement
communiquées a tous les services concernés. Pour les routes, elles sont
communiquées a la Direction des routes, a la Protection
civile, a la Radio diffusion télévision nationale, et aux
autorités locales. D'autre part, un répondeur automatique diffuse
un bulletin météorologique détaillé avec prévisions des deux
jours suivants. Bilingue. Clair. Précis. Le travail de la météo
est de prévoir le temps et de communiquer les informations
aux services concernés. La météo nationale s'acquitte
parfaitement de cette tâche. L'imminence de la catastrophe du 22 au
23 août 1997 a été notifiée aux services compétents par BMS
(Bulletin météorologique spécial). Or il y eut 15 morts.
Comment une telle chose est-elle possible?... C'est aux
gouverneurs de répercuter l'alerte auprès du chef de cercle qui
avertit le caid. Le message doit rapidement redescendre la
hiérarchie pour parvenir au citoyen. Dans les campagnes comme
en ville.
Mais ces responsables ont-ils les moyens de le faire ? De
quels véhicules disposent les agents d'autorité, de quels
moyens de communication mobile ? Qui doit signaler aux
automobilistes les routes a éviter, les oueds qui risquent de
déborder, les infrastructures qui menacent de flancher ?
C'est parce que ces premières mesures ont été
inefficaces que, plus récemment, l'Agence japonaise de
coopération internationale (JICA) et la direction
générale de l'hydraulique, relevant du ministère de
l'Équipement, ont procédé à une étude de développement
pour l'élaboration d'un plan directeur du système de
prévision et d'alerte aux crues (SPAC) pour la partie
orientale du Haouz. Voici le communiqué de cette
agence japonaise : Cette étude, menée depuis mars 2000,
couvre 3 500 km! de la rive gauche de l'Oued Tensift et vise a
renforcer les systèmes défa existants et a établir des systèmes
performants qui répondraient de manière efficace a la
protection de la population contre les conséquences désastreuses des
crues, notamment les écoulements des débris, que peuvent
engendrer des catastrophes naturelles telles que celles
survenues en 1995 et 1999 dans la vallée de l'Ourika. L'équipe
consultante japonaise entame, actuellement, la deuxième
phase de l'étude qui consiste en la formulation du plan
directeur pour l'amélioration du SPAC ainsi que la conception, la
réalisation, la mise en fonctionnement et l'évaluation d'un
projet pilote dont la réalisation nécessite deux ans. Le bassin
versant de l'Ourika a été sélectionné comme zone de projet
pilote en raison de l'urgence de la mise en place du système.
Le SPAC est basé sur l'amélioration des équipements
d'observation hydrologique et de communication,
l'instal ation d'équipements de diffusion de l'alerte aux habitants, la
conception d'un guide d'évacuation, et l'introduction de
système de télémétrie automatique dans le but de moderniser
l'observation hydrologique qui est une des principales
fonctions de base du SPAC, et par la même, renforcer sa fiabilité.
Le gouvernement du Japon fournira des équipements et des
logiciels, dont la valeur est estimée a 40% du coût des
équipements nécessaires a la totalité du plan directeur, pour la
mise en œuvre du projet pilote dans la vallée de l'Ourika. La
durée de l'étude du plan directeur du SPAC, de la région de
l'Atlas, initialement prévue pour 24 mois, a été prolongée
d'une année, pour se terminer en mars 2003. L'achèvement de
la réalisation de la totalité du plan directeur est programmé
pour fin 2007 dans le cas où les travaux restants seraient
entrepris dès la fin du projet pilote.
L'Agence japonaise pour la coopération
internationale va très prochainement installer cinq stations pour
la prévention et la lutte contre les crues de l'Ourika. La
première visite sur le terrain pour le lancement de ce
projet a eu lieu le 5 mai 2001. La première station sera
installée dans la partie centrale de l'Ourika.
Mais on peut aussi agir et tenter de contrôler le flux
de la rivière pour éviter de telles vagues meurtrières.
On peut tout d'abord imaginer d'élargir à l'explosif le
passage à l'endroit où ce barrage naturel s'est formé,
sans doute immédiatement au-dessus d'Agadir n'ait
Boulemane. Mais on n'est pas certain que ce soit à cet
endroit précisément car des passages étroits existent au-
dessus de ce lieu. Ils sont d'ailleurs bien visibles car
chaque fois qu'ils ont freiné l'écoulement de l'eau, on
observe immédiatement en aval que les champs ont été
arrachés. On pourrait aussi imaginer de construire,
toujours immédiatement au-dessus d'Agadir n'ait
Boulemane, un barrage en béton destiné à recevoir peu à peu
ces rochers et donc à protéger le bas de la vallée. Mais si
ces catastrophes se renouvellent, ce barrage sera
rapidement plein de rochers.
Une autre solution est alors possible, ce serait de
réaliser des travaux de correction torrentielle. Mais cela
pose plusieurs problèmes fondamentaux. Faut-il
commencer, comme après 1995, par le bas de la vallée. Cela
n'a servi à rien car les inondations de 1999 ont emporté
ces premiers travaux. On comprend donc qu'il est
préférable de commencer par le haut de la vallée. Mais
aussitôt un deuxième problème se pose. Vaut-il mieux faire
travailler les grosses sociétés de travaux publics de
Marrakech ou de Casablanca, en soulignant qu'il n'y a pas
de route dans le haut de la vallée et que la piste qui
avait été réalisée jusqu'à Tadrart n'a pas été entretenue
ou faire travailler les paysans des divers villages de la
vallée? En effet, si on souhaite que les travaux soient
entretenus et durables dans le temps, il est préférable de
transférer le savoir-faire a de multiples personnes dans la
vallée en leur montrant comment réaliser des gabions
afin de créer les escaliers de rochers pour empêcher
l'arrachement des pierres et limiter le caractère
catastrophique des inondations. Il est également utile de faire
comprendre que la récupération de champs dans le lit
même de la rivière avec des murs de pierres n'est pas
une solution car ces pierres seront emportées lors des
prochaines crues et peuvent produire des dégâts en
aval.
Il faudra donc que la Banque Mondiale qui
financera ce projet décide des modalités de sa réalisation et
choisisse entre deux stratégies : soit elle optera pour
l'efficacité et la rapidité et ce seront les entreprises de
Travaux Publics de Marrakech et de Casablanca qui
réaliseront les travaux. Soit elle acceptera de former des
paysans et la réalisation sera lente mais les
investissements seront alors entretenus plus durablement et à
moindre coût.
Nancy, juin 2001,
Jean-François Clément.