Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Macé Hubert. Les vacances passives. In: Communications, 10, 1967. pp. 20-24.
doi : 10.3406/comm.1967.1140
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1967_num_10_1_1140
Hubert Macé
Claude
des
représentait
Dans
journées
Goguel,
le développement
que
de la
vacances
36part
% 1.des
des
Cet
du
séjours
Français
accroissement
tourisme
au âgés
bord
estival
de
de 14
au laenans
détriment
mer
France
etenplus
1964
des
décrit
; vacances
en
représente
1961,
plus haut
elle41
en mon
n'en
par
%
1. Claude Goguel, « Nouveaux résultats sur les vacances des Français », Études et
Conjoncture, n° 5, 1966, p. 13.
2. Les séjours en « autre ville » ont été exclus de la base des pourcentages.
3. Les données analysées dans cet article ont été principalement recueillies au cours
de l'été 1965 à l'occasion d'une enquête par questionnaire auprès d'un échantillon repré
sentatif d'estivants du Languedoc méditerranéen interrogés à l'initiative de la Mission
interministérielle pour l'aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon.
Cette enquête a été confiée à la Section de Sociologie économique du Centre de Socio
logie européenne dirigée par Jean Cuisenier.
4. J. Cuisenier, G. Barbichon, F. Chartier, M. Ca vailles H. Macé Amplitude
des flux touristiques. Paris, Centre de Sociologie européenne, 1966, 62 p.
20
Les vacances passives
21
Hubert Macé
considérée comme révélatrice d'un revenu annuel voisin de 30 000 francs. Dans
les maisons, c'est le statut d'occupation qui tend à indiquer le niveau socio-
économique ; les estivants hébergés gratuitement ont un revenu très bas et celui
des locataires est en moyenne inférieur à celui des propriétaires.
De même que le stade des vacances dépendantes (passées à la campagne, chez
des parents ou amis), le premier stade des vacances balnéaires conserve un carac
tèretrès familial. Les ménages d'estivants sont le plus souvent constitués de
couples accompagnés de leurs enfants, voire de groupes parentaux plus larges
(couples, ascendants et collatéraux). Les familles nombreuses se rencontrent
surtout parmi les campeurs et les estivants logés en villa ou en appartement.
Ces derniers sont toutefois nettement plus âgés que les campeurs. Il existe en
outre une tendance non négligeable à se réunir, soit dès le départ soit sur le lieu
du séjour. Deux types de groupes se distinguent alors : les familles amies et les
bandes d'adolescents. Le premier, plus fréquent que le second apparaît princ
ipalement parmi les estivants aisés qui résident en villa ou en appartement ;
le second parmi les jeunes campeurs. Dans la majorité des cas, ils mettent en jeu
un mode de vie communautaire, mais le partage de l'hébergement est plus
répandu dans les camaraderies que dans les groupes de familles amies. Sous ces
deux formes, ce mode de relation, qui tend à substituer les amis à la famille,
introduit une nouveauté par rapport aux vacances passées chez des parents
à la campagne, mais maintient des relations de dépendance entre les indi
vidus.
Contraintes économiques et crainte du dépaysement social conduisent très
souvent à un mode de vie autarcique (les neuf dixièmes des estivants préparent
eux-mêmes les deux principaux repas) où le délassement pur et simple prend le
pas sur les activités sportives ou culturelles. Les occupations liées à la plage,
bains de soleil, baignade et petits jeux suffisent à satisfaire les besoins de la grande
majorité des estivants car elles n'impliquent ni dépenses importantes, ni acqui
sition de connaissances particulières. On décèle cependant une évolution vers
des styles de vie plus actifs : parmi les campeurs, la pratique des sports nautiques
et des excursions est plus répandue que parmi les occupants des villas pour
qui les distractions prises à l'intérieur du groupe de vacances remplissent la
majeure partie du temps libre. La cause de ces différences s'explique davantage
par des motifs économiques que par des motifs socio-culturels ; les dépenses
relatives aux distractions sont en effet inversement proportionnelles aux dépens
es relatives à l'hébergement. Le prix modeste de l'hébergement permet aux
campeurs de consacrer une partie importante de leur budget de vacances aux
distractions et les économies réalisées sur ce poste par les autres estivants leur
donnent les moyens d'entretenir ou de louer une maison. Le premier stade des
vacances balnéaires est ainsi caractérisé par une sous-consommation qui trouve
sa source dans une économie de petits moyens plutôt que dans un besoin objectif
de repos.
Dès ce stade, il existe cependant un haut niveau de satisfaction. Les exigences
des estivants sont en effet contentées par la réunion de trois éléments naturels —
la mer, le soleil, et le sable — et d'un élément social : les grands rassemblements
balnéaires. Leur présence au bord de la mer témoigne de leur accès à un style
de vacances socialement valorisé. La présence du soleil et du sable favorise la
pratique d'une forme de camping peu coûteuse et justifie le choix d'activités
simples et accessibles à tous les milieux. La présence de la foule rassure tout en
offrant un spectacle permanent. Elle confirme le bien fondé du choix du lieu de
22
Les vacances passives
vacances, elle protège les campeurs contre d'éventuels vols ou agressions et elle
crée une animation continuelle qui évite aux citadins une rupture trop brutale
avec leur vie quotidienne et les met ainsi à l'abri de tout sentiment de solitude.
Naturellement ces motivations existent plutôt à l'état latent qu'à l'état manifeste.
Le plus souvent, les estivants font des rationalisations. Par exemple, le choix
du camping sur un littoral ensoleillé se trouve justifié par des préoccupations
d'ordre thérapeutique ( « le changement d'air, la vie en plein air, le soleil, c'est
bon pour la santé »). La préférence donnée aux plages de sable répond au souci
de satisfaire les désirs des enfants et la présence d'une foule nombreuse est loin
d'être toujours considérée comme un élément indispensable à la parfaite réussite
des vacances. Pourtant, pas un seul campeur ne se plaindra spontanément d'un
surpeuplement manifeste. En fait, mer, sable, soleil et foule sont plus nécessaires
aux vacanciers situés au bas de l'échelle qu'à ceux qui sont parvenus aux stades
supérieurs. A la différence des seconds, les premiers n'ont ni les moyens financiers,
ni les connaissances requises pour compenser l'absence de l'un de ces éléments
par des amusements coûteux ou par des activités proprement touristiques, spor
tives ou culturelles : assujettis aux vacances passives, ils ont besoin de la mer,
du soleil, du sable et de la foule pour se donner une contenance 1.
Les perspectives d'évolution de la villégiature balnéaire apparaissent davan
tagedans les aspirations des jeunes estivants que dans les modes de vie actuels
des catégories en mouvement vers les stades ultérieurs. Les souhaits traduisent
une tendance très nettement orientée vers le dépassement du repli économique
dans une atmosphère de quiétude ensoleillée enrichie par la présence de la mer.
Les stades attendus correspondent à des styles de vacances de plus en plus
actifs et coûteux. Il s'agit tout d'abord de « voir du pays » ; le développement
des vacances à l'étranger et des croisières organisées témoigne en partie de la
force de ce nouveau besoin. Ensuite, le modèle convoité est celui des vacances
nautiques avec l'échappée sur la plage. Ce style de vacances se satisfait de dis
tractions sportives et culturelles rapidement apprises et n'exigeant que des
équipements rudimentaires (exploration et pêche sous-marine, ski nautique,
petite navigation, excursions, rencontres culturelles...). Son développement est
certes subordonné à une augmentation sensible des niveaux de vie, mais surtout
à une animation systématique du temps libre, d'où le succès croissant rencontré,
par les clubs de vacances organisées 2. Au plan de l'urbanisme, ce stade est carac
térisé par le remplacement progressif du camping par une concentration verticale
de l'habitat (principalement des studios et appartements rattachés à des clubs de
vacances organisées) ménageant des échappées sur la mer. Logique et rentable
lorsque la demande riche est faible et lorsque le prix des terrains n'est pas très
élevé, le camping n'est plus adapté à sa fonction lorsqu'une demande accrue
provoque une augmentation du prix, de la superficie et de l'éloignement des ter
rains. Le degré ultime des vacances balnéaires est probablement celui de la navi
gation de plaisance et des escales touristiques 3. L'accès à ce stade suppose la
23
Hubert Macé
Hubert Macé
École Pratique des Hautes Études, Paris.