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Master 1 GESTION DES RESSOURCES HUMAINES 2023-2024

TRAVAUX DIRIGES EN DROIT DU TRAVAIL

Cours : Mme Frédérique CHOPIN, Maître de conférences HDR en droit privé, Centre de Droit Social
UR 901, AMU

Travaux dirigés : Mme Lauriane DUPAS, responsable RH Trophy Groupe

Séance 4 le comité social et économique et les représentants de proximité

1/ Lecture obligatoire : utiliser ces documents dans l’analyse de votre cas pratique

-Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-17.729, La Semaine Juridique Edition Générale n° 14, 10 avril
2023, act. 458

-J.Février, Information-consultation du CSE sur les conséquences environnementales d'un projet


de déménagement : analyse d'une première décision, Bulletin Joly Travail - n°05 - page 1, BJT
mai 2023, n° BJT202k5

2/ Lecture complémentaire (facultative)

-Benoit Masnou, La protection des données personnelles des salariés : un objet majeur de dialogue
social, Bulletin Joly Travail - n°06 - page 37

- Cass. soc., 1er juin 2023, no 22-13303, comm. C.Berlaud, Gazette du Palais - n°21 - page 28, GPL
20 juin 2023, n° GPL450y0

3/ Cas pratique à faire sur feuille et à rendre

1
Issu de Bulletin Joly Travail - n°05 - page 15
Date de parution : 01/05/2023
Id : BJT202k5
Réf : BJT mai 2023, n° BJT202k5
Auteur :Justine Février, avocate au barreau de Paris, Flichy Grangé avocats

Information-consultation du CSE sur les conséquences environnementales d'un projet de


déménagement : analyse d'une première décision

Un an et demi après l’adoption de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre
le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, dite
loi Climat et résilience et alors que les entreprises sont soumises à de plus en plus
d’obligations relatives aux changements climatiques (bilan des émissions de gaz à effet de
serre, déclaration de performance extra-financière, bilan carbone et bientôt CSRD), sont
rendues les premières décisions de justice concernant les nouvelles obligations
d’information consultation du CSE en matière d’environnement. En effet, après deux
premiers jugements divergeant du tribunal administratif de Montreuil et du tribunal
administratif de Cergy-Pontoise (v. le focus ci-après) sur l’information-consultation
du CSE sur les conséquences environnementales de projets de réduction des effectifs, le
tribunal judiciaire de Nantes a rendu le 22 décembre 2022 un jugement portant sur
l’information-consultation du CSE sur les conséquences environnementales d’un projet de
déménagement en application de l’article L. 2312-8 du Code du travail.
TJ Nantes, 22 déc. 2022, no 22/01144 : https://lext.so/x3_dhk

Extrait :

« Comme cela a déjà été relevé, la présentation initiale du projet au CSE ne comportait
aucun volet impact environnemental, ce qui, s'agissant d'une entreprise spécialisée dans ce
domaine, constitue une défaillance grave à son obligation d'information qu'elle devait
assumer de sa propre initiative sans attendre les réclamations des élus ou de l'expert.

Ce n'est que le 15 novembre 2022 que la direction a présenté une étude technique d'impact
répondant aux exigences en la matière, de sorte que le délai d'information consultation n'a
pu courir qu'à compter de cette date, sauf à priver la procédure de tout contenu concret.

Le délai n'a pas à être calculé en fonction d'un point de départ ultérieur, dès lors que si des
informations complémentaires ont été réclamées et apportées, l'essentiel des informations
nécessaires étaient déjà présentées et que le délai accordé par les textes est justement
destiné à permettre le dialogue entre l'employeur et les élus pour avoir les précisions
complémentaires nécessaires et ne constitue pas uniquement un délai de délibération sur
un projet où toutes les informations ont d'ores et déjà été collectées.

2
Il convient donc de reporter au 15 janvier 2023 la date de l'avis à donner, étant souligné que
l'employeur ne peut se targuer de manoeuvres dilatoires de son CSE alors que c'est lui qui a
tardé à remplir son obligation légale. »

TJ Nantes, 22 déc. 2022, no 22/01144 : https://lext.so/x3_dhk

La loi Climat et résilience du 22 août 2021 intègre les questions environnementales dans le
dialogue social et dans la politique sociale de l’entreprise. Elle a, notamment, introduit de
nouvelles attributions au CSE en la matière. Ainsi, la loi Climat et résilience a modifié
l’article L. 2312-8 du Code du travail relatif aux attributions générales du CSE, en y intégrant
une obligation pour les employeurs d’informer et de consulter le CSE sur les « conséquences
environnementales » des décisions relatives l’organisation, la gestion et la marche générale
de l’entreprise. Elle a également modifié l’article L. 2312-17 du Code du travail, relatif aux
informations et consultations récurrentes du CSE sur les orientations stratégiques de
l’entreprise, la situation économique et financière de l’entreprise et la politique sociale de
l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, en prévoyant une information du CSE sur
les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.

Ces obligations d’information et de consultation du CSE sur les « conséquences


environnementales » des décisions et activités de l’entreprise étant formulées en termes
généraux, de nombreuses interrogations subsistent, notamment, sur la nature des
informations à transmettre au CSE dans ce cadre.

Le tribunal judiciaire de Nantes dans son jugement du 22 décembre 2022 très circonstancié
donne des premiers éléments de réponse qui semblent toutefois attachés à l’activité de
l’entreprise en question, ce qui peut paraître contestable et n’a probablement pas vocation
à faire jurisprudence.

Dans cette affaire, une société ayant pour activité principale la fabrication, la
commercialisation, l’installation, la conception ainsi que la maintenance de solutions
d’énergie éolienne offshore a engagé une procédure d’information-consultation sur un
projet de déménagement de ses locaux.

Lors de la première réunion du CSE, la société n’a transmis aucune information sur
l’incidence environnementale de ce projet. Au cours de la deuxième réunion, après avoir
demandé des informations sur ce point, sans succès, le CSE a décidé de recourir à une
expertise. Il a ensuite demandé la tenue d’une réunion extraordinaire sur les conséquences
environnementales du projet. Lors de cette réunion, la société a transmis un certain nombre
d’informations sur l’impact environnemental du projet au CSE ; informations que le CSE a
estimées insuffisantes.

3
C'est dans ce contexte que le CSE a saisi le tribunal judiciaire de Nantes afin de se voir
communiquer des informations complémentaires sur l’impact environnemental du projet de
déménagement ainsi qu’un report du point de départ du délai d’information-consultation.

De premiers indices sur les informations et documents à fournir sur les conséquences
environnementales d’un projet de déménagement

Sur le fondement de l’article L. 2312-8 du Code du travail, le CSE sollicitait la communication


des nombreux documents et informations relatifs aux conséquences environnementales, à
savoir :

«- projection sur l'avenir et une évaluation concrète des conséquences environnementales


du retrait du site ;

- l'impact environnemental des déchets et des émissions de CO2 que le transport des
collaborateurs, le renouvellement des outils et les changements de locaux pourraient
engendrer ;

- l'évaluation de l'impact du projet sur la saturation des transports publics de voyageurs ;

- responsabilité environnementale des fournisseurs et des sous-traitants ;

- émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre liées aux activités de transport
amont et aval de l'activité de l'entreprise ;

- engagements environnementaux du prestataire de déménagement retenu (véhicules


propres, écoconduite, matériaux recyclables ou réutilisables, etc.) ;

- les émissions de gaz à effet de serre générées par le déménagement ;

- les caractéristiques des nouveaux mobiliers et équipements (matière, consommation


d'énergie, etc.), traitement des anciens mobiliers et équipements (recyclage, réutilisation,
valorisation des déchets, etc.) ;

- les incidences du déménagement sur les déplacements des salariés ou encore les
investissements et actions envisagées pour favoriser la mobilité « verte » ».

Curieusement, dans son jugement, le tribunal judiciaire de Nantes commence par relever
que l’activité exercée par la société en fait un acteur de la transition énergétique et que la
question environnementale entre dans sa culture ce qui justifie une obligation renforcée
d’information. En effet, elle déduit de l’activité de la société que « cela implique que la
communication d'informations et de documents sur les conséquences environnementales
de décisions au CSE par la direction de l'entreprise devrait être une évidence, plus qu'une
simple obligation légale et que la communication interne sur le sujet devrait être facilitée

4
par les connaissances techniques particulières des salariés et dirigeants dans ce domaine ».
Le tribunal semble, ainsi, considérer que l’obligation d’information s’applique différemment
en fonction du domaine d’activité de l’entreprise. Cette position est contestable au vu du
principe de l’égalité devant la loi mais explique probablement l’analyse et la réponse
détaillée du tribunal judiciaire sur chacune des informations sollicitées par le CSE.

En effet, le tribunal judiciaire a relevé que la société avait communiqué un « document qui
mesure le coût carbone par rapport aux périmètres organisationnel / opérationnel des
postes et qui détaille les émissions indirectes liées à la consommation d’électricité et les
émissions indirectes liées aux moyens de transport individuel », étant précisé que cette
étude répondait à la norme internationale ISO 14064-1 (qui précise les critères à respecter
pour quantifier, déclarer et vérifier les émissions de gaz à effet de serre rejetées et
compensées par l’entreprise).

Sur les autres demandes, le tribunal judiciaire a considéré que l’entreprise y avait répondu
en soulignant qu’elle avait précisé, notamment :

 les conditions de recyclage du mobilier, la réutilisation des phone box sur un


autre site, l’absence de renouvellement d’outils informatiques à l’occasion
du déménagement ;

 que le fait que potentiellement 50 nouveaux collaborateurs utilisent les


transports en commun ne serait pas de nature à saturer le réseau ;

 que la responsabilité environnementale des fournisseurs et des sous-


traitants serait suivie dans le cadre des engagements RSE de l’entreprise sur
le contrôle des partenaires ;

 que l’incidence du déménagement sur les déplacements des salariés ou les


investissements et actions envisagées pour favoriser la mobilité verte avait
été traité dans l’étude d’impact et que la société avait repris des
engagements de renégociation du forfait mobilité, d’acquisition d’une
voiture électrique pour les déplacements entre site et l’usine, l’équipement
de borne de recharge, le lancement d’une application de covoiturages, etc.

Après avoir analysé l’ensemble de ces informations remises au CSE et noté que ce dernier
ne précisait pas d’élément nouveau qu’il serait en droit d’exiger pour donner son avis, le
tribunal judiciaire a rejeté sa demande tendant à constater l'irrégularité de la procédure et
l’obtention de documents et d’informations complémentaires.

S’il n’est pas étonnant que la consultation sur les conséquences environnementales du
projet ait été considérée comme régulière à la vue de l’ensemble des informations et

5
documents fournis, le tribunal judiciaire sous-entend que son « exhaustivité » tient à la
spécificité de l’activité de l’entreprise.

Il est possible que le tribunal judiciaire n’aurait pas exigé l’ensemble de ses informations
pour considérer la procédure d’information-consultation sur les conséquences
environnementales régulières dans une entreprise qui ne travaille pas dans le secteur de
l’environnement.

L’information tardive du CSE sur les conséquences environnementales ayant pour effet,
classique, de décaler le point de départ du délai du CSE pour rendre son avis

Bien que le tribunal judiciaire de Nantes ait considéré que les informations et documents
remis au CSE étaient suffisants, il a constaté que n’ayant pas été remis lors de la première
réunion du CSE, cette communication tardive avait pour effet de prolonger le délai
d’information-consultation du CSE. Le juge a, ainsi, fait droit à la demande du CSE consistant
à décaler le point de départ de la date de la réunion extraordinaire ayant donné lieu à la
communication des éléments.

Il s’agit ici d’une application classique de l’article L. 2312-15 du Code du travail qui devrait
inciter les entreprises à être particulièrement vigilantes à insérer un point sur les
conséquences environnementales de leur projet lorsqu’elles ont l’obligation d’informer-
consulter le CSE sur ce point.

Enseignements à tirer

Si cette décision n’apporte que quelques précisions sur les informations à transmettre
au CSE, elle permet de s’apercevoir que les CSE commencent à se saisir de la question
environnementale et des outils mis à sa disposition par loi Climat et résilience pour mettre à
l’épreuve les entreprises en plaçant ainsi la question de l’environnement au cœur du
dialogue social. Il est donc important que les entreprises étudient et anticipent les
incidences environnementales de leur organisation, de leur gestion, de leur activité de
manière générale et de leurs projets afin de pouvoir les mener à bien.

Pour ce faire, il est conseillé de se reporter aux informations qui doivent être contenues
dans la BDESE, aux obligations auxquelles certaines entreprises sont déjà soumises (par ex :
en matière de traitement des déchets, en matière de responsabilité élargie du producteur,
etc.) ainsi qu’à l’ANI dialogue social et transition écologique adopté le 11 avril dernier et
soumis à signature jusqu’au 24 avril. Ce dernier contient de nombreux « Repères pratiques »
permettant de guider les entreprises (v. par exemple en page 23 de cet ANI les « Repères

6
pratiques » pour déterminer les informations pouvant être communiquées au CSE en
matière de conséquences environnementales).

Focus sur les deux premiers jugements sur l’information-consultation du CSE sur les
conséquences environnementales de projets de réduction des effectifs

Dans le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 mai 2022, n° 2202445,


le CSE était consulté dans le cadre d’un projet de PSE lié à une réorganisation de centre de
tri entraînant la fermeture d’un entrepôt en France. Le CSE soutenait que la consultation
était irrégulière aux motifs qu’il n’avait pas été consulté sur les conséquences
environnementales du projet. Le tribunal administratif a rejeté la demande du CSE en
jugeant que les articles L. 1233-61 à L. 1233-64 n’ont pas été modifiés par la loi Climat et
résilience et que l’employeur n’a donc pas à consulter le CSE sur les conséquences
environnementales du projet.

Dans le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de 10 mars 2022,


n° 2115613, le CSE consulté dans le cadre d’un projet de PSE prétendait que la procédure
d’information-consultation était irrégulière aux motifs qu’il n’avait pas été consulté sur les
conséquences environnementales du projet. Le tribunal administratif a constaté que la
deuxième version des documents remis au CSE incluait une partie indiquant « qu’aucun
impact sur l’environnement ne découlera du PSE dès lors que la société n'est pas
propriétaire des locaux et envisage une cessation d’activité et que le projet s’inscrira dans
les engagements du groupe en matière de climat de respect de l’environnement » et dans
un second temps, que cet ajout n’avait de toute façon pas empêché le CSE de formuler son
avis en toute connaissance de cause.

Il semblerait donc que, bien que les articles L. 1233-61 à L. 1233-64 n’aient pas été modifiés
et ne prévoient donc pas d’obligation de consultation ni d’information du CSE sur les
conséquences environnementales d’un projet de réduction d’effectifs, il n’est pas exclu que
la jurisprudence tente de l’imposer. Les entreprises sont invitées à se saisir du sujet.

Pour aller plus loin

Dossier « La mise en œuvre des attributions environnementales du CSE », dir. A. Casado, BJT
févr. 2022, n° BJT201a6

7
"Comité social et économique - Le CSE doit être consulté dès lors que le projet d'accord de
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est de nature à affecter le volume de
l'emploi - Veille
La Semaine Juridique Edition Générale n° 14, 10 avril 2023, act. 458
Le CSE doit être consulté dès lors que le projet d'accord de gestion prévisionnelle des emplois et
des compétences est de nature à affecter le volume de l'emploi
Comité social et économique
Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-17.729, B+R : JurisData n° 2023-004490

En présence d'un accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), le
CSE n'a pas à être consulté sur cette gestion prévisionnelle dans le cadre de la consultation récurrente
sur les orientations stratégiques. En revanche, sont soumises à consultation les mesures ponctuelles
intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment celles de nature
à affecter le volume ou la structure des effectifs, quand bien même elles résulteraient de la mise en
œuvre de l'accord de GPEC.
La Cour de cassation déduit de la lettre de l'article L. 2312-14, alinéa 3, du Code du travail, tel
qu'interprété à la lumière des articles 1er, § 2, et 5 de la directive 2002/14 du 11 mars 2002 établissant
un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté
européenne que « les entreprises ayant conclu un accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois
et des compétences [GPEC] ne sont pas soumises, dans ce domaine, à l'obligation de consultation du
comité social et économique [ CSE ] ». Quand la réglementation européenne dispose elle, notamment,
que « les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux au niveau approprié, y compris au
niveau de l'entreprise ou de l'établissement, le soin de définir librement et à tout moment par voie
d'accord négocié les modalités d'information et de consultation des travailleurs », qui sont arrêtées et
« mises en œuvre conformément à la législation nationale et aux pratiques en matière de relations
entre les partenaires sociaux en vigueur dans les différents États membres, de manière à assurer l'effet
utile de la démarche ».
La Cour rappelle par ailleurs l'article L. 2312-24, alinéa 1er, du Code du travail, aux termes duquel le
CSE « est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de
l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi,
l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à
l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et
sur le plan de développement des compétences ». Elle évoque également les articles L. 2312-37 et
L. 2312-8, II du même code qui, respectivement, disposent notamment que le CSE est consulté dans
les cas de « restructuration et de compression des effectifs », et « est informé et consulté sur les
questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise » et « notamment
sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ».
Au cas d'espèce, les juges ont retenu que le plan présenté par la société prévoyait l'adaptation des
compétences de 15 à 20 postes de 2 départements se traduisant par des mobilités au sein de
l'entreprise et même du groupe auquel elle appartient et affectant le volume d'emploi de l'un des
départements concernés. La cour d'appel a ainsi fait ressortir l'existence d'une mesure de nature à
affecter le volume ou la structure des effectifs au sens de l'article L. 2312-8 du Code du travail. Elle a
pu en déduire que le défaut de consultation du CSE constituait un trouble manifestement illicite,
retient la Cour de cassation.

8
De sa décision il ressort que le CSE doit être consulté sur les mesures ponctuelles intéressant
l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et en particulier sur celles de nature à
affecter le volume ou la structure des effectifs, quand bien même elles résulteraient de la mise en
œuvre d'un accord de GPEC.
Mots clés : Travail. - Comité social et économique. - Information et consultation. - Projet d'accord de
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).
© LexisNexis SA"

9
2/ Lectures complémentaires

Benoit Masnou, La protection des données personnelles des salariés : un objet majeur de
dialogue social, Bulletin Joly Travail - n°06 - page 37

La protection des données personnelles des salariés : un objet majeur de dialogue social

Les représentants du personnel apparaissent comme des vigies de la protection des


données des salariés tout en étant responsables de celle-ci, et ce, parfois, concurremment
avec l’employeur, ce qui peut susciter des points de tensions. Dans ce contexte, la
protection des données personnelles peut constituer un objet majeur de dialogue social.

Les traitements de données personnelles dans les relations de travail sont toujours plus
nombreux et sans cesse renouvelés. Pour ne citer que quelques exemples, il y a
l’organisation d’entretiens d’embauches via un métavers, le recours à la biométrie, la
géolocalisation, la vidéosurveillance, le mouvement plus général de dématérialisation de la
gestion de la relation de travail1, etc.

Souvent présentées comme le « nouvel or noir » du XXIe siècle, les « données à caractère
personnel » sont définies largement par le règlement général sur la protection des données
(RGPD) comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou
identifiable », étant précisé qu'est « réputée » comme telle une personne physique « qui
peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un
identifiant, tel qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un
identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité
physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale »2.

Le traitement de ces données pose ainsi des questions touchant à la protection des libertés
individuelles et des droits fondamentaux des salariés et les représentants du personnel sont
pleinement concernés par celle-ci. Il est vraisemblable que cela ne fera que s’accentuer,
étant relevé que ce sujet semble constituer une préoccupation grandissante de la part des
salariés3.

Les représentants du personnel apparaissent ainsi comme des vigies et responsables de la


protection des données des salariés, parfois en concurrence avec l’employeur, ce qui peut
impliquer la recherche d’un équilibre (I). Dans ce contexte, la protection des données
personnelles peut constituer un objet majeur de dialogue social (II).
I – La représentation du personnel face à la protection des données des salariés

10
A – La représentation du personnel responsable et vigie de la protection des données
des salariés

Tout d’abord, rappelons que les représentants du personnel sont responsables des données
des salariés dès lors qu’ils sont amenés à en assurer un traitement.

S’agissant des comités sociaux et économiques (CSE), ce traitement peut leur permettre de
gérer les activités sociales et culturelles, la communication auprès des salariés, la conclusion
de contrats avec des prestataires, la relation de travail avec leurs éventuels salariés, etc.

La question est également lourde d’enjeux pour les syndicats qui peuvent multiplier les
traitements de données personnelles (fichier d’adhérents, gestion des activités et services
proposés par le syndicat, etc.)4.

Dans ces conditions, les obligations résultant de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et du
règlement européen n° 201-679 (RGPD) du 27 avril 2016 s’appliquent à eux5.

Au-delà, les représentants du personnel sont des vigies de la protection des données des
salariés au sein de l’entreprise.

1. Concernant le CSE, la protection des données personnelles relève clairement des


attributions légales du comité.

Sans prétendre à l’exhaustivité, soulignons en particulier que l’employeur a l’obligation de


consulter le CSE :

 sur « l’introduction de nouvelles technologies6, tout aménagement important


modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail »
(C. trav., art. L. 2312-8) ;

 « sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des


salariés », et ce « préalablement à la décision de mise en œuvre dans
l’entreprise » (C. trav., art. L. 2312-38, al. 3)7 ;

 sur les projets de chartes informatiques précisant l’utilisation des outils


informatiques dans l’entreprise dès lors que cela constitue une adjonction au
règlement intérieur disciplinaire (v. C. trav., art. L. 1321-5), etc.

La protection des données des salariés irrigue chacune de ces consultations.

Le cas échéant, une violation des principes de protection des données personnelles des
salariés peut entraîner le déclenchement par un membre du CSE d’un droit d’alerte en cas
d’atteinte aux droits des personnes (C. trav., art. L. 2312-59, qui concerne aussi les CSE dans
les entreprises de moins de 50 salariés). Cela suppose toutefois d’être en mesure de justifier
qu’une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés
individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à

11
accomplir, ni proportionnée au but recherché, est établie (Cass. soc., 2 févr. 2022, n° 20-
17348).

Plus globalement, le CSE est légitime à vérifier que l’employeur, responsable de traitement,
respecte ses obligations de protection des données personnelles dans l’entreprise.

2. Concernant les syndicats, la question de la protection des données peut ressortir de la


défense de l’intérêt collectif de la profession (Cass. crim., 9 févr. 2016, n° 14-87753).

De nombreuses affaires portées essentiellement par des syndicats ont conduit à des
avancées en la matière, en particulier sur le fondement de l’article L. 1121-1 du Code du
travail selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés
individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la
tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (v., pour une illustration, Cass. soc.,
19 déc. 2018, n° 17-14631, sur la limitation du recours à la géolocalisation pour contrôler la
durée du travail).

Une action de groupe peut aussi être initiée par certains syndicats. À cet égard, l’article 37
de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés,
dispose désormais notamment que « lorsque plusieurs personnes physiques placées dans
une situation similaire subissent un dommage ayant pour cause commune un manquement
de même nature aux dispositions du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la
présente loi par un responsable de traitement de données à caractère personnel ou un
sous-traitant, une action de groupe peut être exercée devant la juridiction civile ou la
juridiction administrative compétente au vu des cas individuels présentés par le demandeur,
qui en informe la Commission nationale de l’informatique et des libertés » (CNIL) et que
« cette action peut être exercée en vue soit de faire cesser le manquement (précité), soit
d’engager la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la
réparation des préjudices matériels et moraux subis, soit de ces deux fins ».

Le cas échéant, les représentants du personnel peuvent également saisir la CNIL.

B – Dans certains cas, un difficile équilibre entre les droits de la représentation du


personnel et les obligations de l’employeur en matière de protection des données de
salariés

La protection des données personnelles dont l’employeur a la responsabilité peut, dans


certains cas, conduire ce dernier à refuser l’accès à certains éléments concernant les salariés
de l’entreprise, complexifiant ainsi ses relations avec les représentants du personnel.

Tel est le cas par exemple de l’accès aux listes d’émargement (comportant le collège et les
noms et prénoms des électeurs) à l’occasion d’un vote électronique. Dans un arrêt du
23 mars 2022, la Cour de cassation précise que l’employeur peut refuser à un syndicat la

12
communication de cette liste d’émargement après les opérations électorales sans que cela
puisse entraîner l’annulation des élections, dès lors que, au regard des conditions
réglementées d’accès à cette liste dans le cadre du vote électronique8, la liste
d’émargement n’est accessible qu’aux membres du bureau de vote et à des fins de contrôle
de déroulement du scrutin et qu’après la clôture du scrutin, il appartient aux parties
intéressées de demander au juge, en cas de contestation, que cette liste soit tenue à sa
disposition pour vérification (Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-20047).

Par ailleurs et surtout, des directions n’hésitent pas à refuser de transmettre certains
éléments d’informations aux syndicats et au CSE (ou à son expert) en arguant parfois de
contrariété(s) avec le RGPD9 voire d’un risque d’atteinte au droit au respect à la vie privée
des salariés (protégé en particulier par l’article 9 du Code civil et l’article 8 de la Convention
de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales).

Des contentieux naissent concernant ces points de crispations, donnant lieu à des décisions
relativement casuistiques. À titre d’exemple, concernant une demande par un expert du CSE
de communication par l’employeur d’adresses de salariés, il a été jugé que :

 l’employeur ne peut invoquer le RGPD pour refuser de communiquer à un


expert du CSE, dans le cadre d’une expertise pour risque grave, les adresses
personnelles des salariés nécessaires à l’envoi d’un questionnaire auquel il ne
s’est pas opposé. Un tel refus, dans ces conditions, de transmettre les
informations requises peut constituer une entrave au bon déroulement de
l’expertise (et, dès lors, un trouble manifestement illicite), étant relevé que
« doit être pris[e] en compte la proportionnalité de la mesure quant aux
données personnelles des salariés au regard du bénéfice de l’expertise
envisagée » (TGI Metz, ord. réf., 2 avr. 2019 n° 19/00033, confirmé sur ce
point par CA Metz, 15 oct. 2020, n° 19/01078) ;

 et, à l’inverse, que « la demande (d’un expert du comité) de communication


des adresses emails des salariés n’était ni utile, ni proportionnée à la finalité
recherchée, et ce tandis que la solution alternative proposée par la société
(consistant à envoyer directement aux salariés un lien vers le questionnaire
de l’expert) permettait à l’expert de remplir sa mission avec les mêmes
garanties d’anonymat des réponses, tout en assurant la confidentialité des
données personnelles des salariés » (CA Versailles, 17 juin 2021,
n° 19/03540).

En la matière, la Cour de cassation confirme la nécessité de la recherche d’un équilibre entre


les droits en présence.

13
À titre d’exemple, il est pensable que l’obligation de discrétion des membres du CSE
constitue une garantie pour justifier une demande de communication par l’employeur
d’informations portant sur des données personnelles. Toutefois, cela n’apparaît pas
nécessairement suffisant. La Cour de cassation a ainsi pu retenir que « le respect de la vie
personnelle du salarié n’est pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de
l’article L. 2323-4 du Code du travail (devenu en substance l’article L. 2312-15 sur le droit du
comité d’obtenir le cas échéant en justice la communication d’informations lui permettant
de formuler un avis), dès lors que les membres du comité d’entreprise sont tenus (…) à une
obligation de discrétion et que le juge constate que les mesures demandées procèdent d’un
motif légitime et sont nécessaires à l’exercice des droits du comité d’entreprise qui les a
sollicitées »10 (Cass. soc., 5 déc. 2018, n° 16-26895)11, ce qui peut donner lieu à discussions.

Dans ce contexte, en vue d’assurer une protection des données des salariés dans le cadre
d’une démarche partagée, le dialogue social peut constituer, à notre sens, une voie
opportune.
II – La protection des données des salariés, un enjeu de dialogue avec la représentation du
personnel

A – Des incitations au dialogue social sur la protection des données des salariés

La protection des données des salariés dans l’entreprise procède nécessairement d’un
équilibre. Dans ce contexte, il peut être opportun d’en faire un enjeu de dialogue social au
sein des branches ou des entreprises, que ce soit dans le cadre des échanges avec le
CSE et/ou de la négociation collective12.

Comme cela a été souligné13, le RGPD y invite d’ailleurs, dans son article 88 sur le
« traitement de données dans le cadre des relations de travail », qui précise que « les États
membres peuvent prévoir, par la loi ou au moyen de conventions collectives, des règles plus
spécifiques pour assurer la protection des droits et libertés en ce qui concerne le traitement
des données à caractère personnel des employés dans le cadre des relations de travail, aux
fins, notamment, du recrutement, de l’exécution du contrat de travail, y compris le respect
des obligations fixées par la loi ou par des conventions collectives, de la gestion, de la
planification et de l’organisation du travail, de l’égalité et de la diversité sur le lieu de travail,
de la santé et de la sécurité au travail, de la protection des biens appartenant à l’employeur
ou au client, aux fins de l’exercice et de la jouissance des droits et des avantages liés à
l’emploi, individuellement ou collectivement, ainsi qu’aux fins de la résiliation de la relation
de travail (…) » (RGPD, art. 88).

Un accord-cadre européen du 22 juin 2020 sur la numérisation invite également les


partenaires sociaux à s’emparer des questions concernant la protection des données14.

14
Le Code du travail incite, de son côté, au moins indirectement, à un dialogue social sur ces
sujets, qu’il s’agisse par exemple :

 de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les


hommes et la qualité de vie et des conditions de travail pouvant porter
notamment sur « les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à
la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de
régulation de l’utilisation des outils numériques (…) ». À défaut d’accord,
l’employeur élabore une charte, après avis du CSE, qui « définit ces modalités
de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre,
à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction,
d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils
numériques » (C. trav., art. L. 2242-17) ;

 de la négociation d’un accord pour « définir les conditions et les modalités de


diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques
disponibles dans l’entreprise » (C. trav., art. L. 2142-6) ;

 ou de la négociation d’accords sur le contenu des informations


communiquées dans le cadre des consultations du CSE (C. trav., art. L. 2312-
19) et, le cas échéant, de la base de données
économiques, sociales et environnementales (C. trav., art. L. 2312-21)…

B – Les opportunités du dialogue social sur la protection des données personnelles

Les opportunités d’un réel dialogue social (via la négociation collective ou la consultation du
CSE en particulier) sont plurielles pour améliorer les règles de protection des données
personnelles dans l’entreprise à l’aune des principes relatifs à leur traitement posés par le
RGPD (RGPD, art. 5), comme les nécessités de garantir :

 un traitement licite, loyal et transparent des données au regard des salariés


concernés (il est essentiel que les salariés soient avisés des modalités de
traitement existantes et de leurs fondements juridiques compte tenu des
potentielles dérives de tels traitements en matière de surveillance par
exemple) ;

 une limitation des finalités de collecte et de traitement de données ; c’est


une question centrale : le dialogue social peut permettre que cette limitation
fasse l’objet d’un débat et d’un consensus au moins majoritaire sur ces
finalités et leur légitimité (au-delà d’une simple information)… ce qui, d’un
point de vue démocratique, au regard des enjeux en présence tenant aux
droits fondamentaux des salariés, semble préférable à une détermination

15
unilatérale de celles-ci (à cet égard, il peut éventuellement être décidé que,
sous certaines réserves limitativement identifiées, aucun traitement de
données ne peut être utilisé dans le cadre d’une procédure disciplinaire15) ;

 une minimisation des données collectées au regard des finalités pour


lesquelles elles sont traitées (exercice qui peut s’avérer ardu, compte tenu de
l’introduction croissante au sein de l’entreprise d’algorithmes « grand(s)
consommateur(s) de données personnelles »16) ;

 l‘exactitude des données ;

 une limitation de la conservation des données collectées (droit à l’oubli…) ;

 l’intégrité et la confidentialité des données collectées...

Il est également pertinent de prévoir :

 des actions de sensibilisation ou de formation des acteurs de la


représentation du personnel, voire de tous les salariés de l’entreprise, pour
les aviser des enjeux de la protection des données personnelles (avec la
diffusion d’informations et de documentations sur le sujet, la mise en place
d’un « référent aux données personnelles » des salariés pour les assister
dans leur requête d’accès à leurs données17, etc.) ;

 l’instauration et le fonctionnement d’une commission de suivi, en particulier


pour veiller au respect des délais de conservation des données, traiter
paritairement d’éventuelles réclamations de salariés, etc.

À cet égard, il peut être préférable de recourir à un accord spécifique ou au moins unique en
la matière, pour éviter de raisonner en silos (ce qui est un risque lorsque ce thème est
abordé au cours de négociations distinctes portant, par exemple, sur le télétravail, le temps
du travail, le droit à la déconnexion, etc.).

En tout état de cause, la négociation de tels accords collectifs est susceptible de rendre
possible l’élaboration d’une « grammaire commune » de la protection des données des
salariés dans l’entreprise, ce qui pourrait, le cas échéant, peser en cas de mise en balance de
différents droits en présence.

Et cela peut également être l’occasion d’encadrer d’autres questions que celles liées aux
dispositifs d’accès et de traitement des données entendus strictement, telles que leurs
incidences sur l’environnement, leur coût financier, leurs conséquences sur la santé et la
sécurité des salariés, la protection des informations concernant spécifiquement les
représentants du personnel, etc.

16
Si des acteurs de la négociation collective ont pu s’engager dans cette voie, la négociation
sur le sujet reste toutefois balbutiante à ce jour.

Conclusion. Le dialogue social ne pourra certes pas tout résoudre. Mais, il peut avoir un
effet d’entraînement, en vue de « mettre la technologie en perspective en systématisant
l’évaluation de ses impacts sociaux, politiques et environnementaux par le biais de
critères ad hoc » et renforcer les contre-pouvoirs au sein de l’entreprise, voire au sein de la
société dans son ensemble18.

NOTES DE BAS DE PAGE


1 –J.-P. Tricoit, « La dématérialisation de la gestion de la relation de travail », BJT oct. 2018,
n° BJT110j3.
2 –PE et Cons. UE, règl. n° 2016/679, 27 avr. 2016, relatif à la protection des personnes
physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation
de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE, art. 4.
3 –Dans son rapport d’activité 2021, publié en mai 2022, la CNIL indique recevoir de plus
en plus de demandes concernant notamment l’utilisation des données des salariés par les
employeurs (avec, en particulier, la vidéosurveillance et la géolocalisation au
travail) : https://lext.so/VuxwCG.
4 –La CNIL annonce qu’elle va publier un guide de sensibilisation au RGPD à destination des
organisations syndicales. À l’heure de l’écriture de ces lignes, un premier projet de guide sur
le sujet est accessible sur son site internet. Une version définitive de celui-ci devrait être
adoptée prochainement.
5 –L’objet du présent article n’est pas de revenir sur les obligations des CSE et des
syndicats au regard de ces dispositions.
6 –Cette notion est entendue largement, étant précisé qu’il peut s’agir de l’automatisation,
de l’informatique, de la robotique (circ. DRT 12, 30 nov. 1984)…
7 –Cela étant, et cela peut être regretté à notre sens, la loi prévoit à ce jour que le CSE doit
être seulement informé « préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques
d’aide au recrutement des candidats à un emploi ainsi que sur toute modification de celles-
ci » et « préalablement à leur introduction dans l’entreprise, sur les traitements automatisés
de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci » (C. trav., art. L. 2312-38,
al. 1 et 2).
8 –V. not. A. 25 avr. 2007 – C. trav., art. R. 2314-16 – C. trav., art. R. 2314-17.
9 –Cela peut donner lieu à des abus : dans un communiqué de presse du 19 mars 2020, à la
suite d’une enquête relative à la mise en œuvre du RGPD dans les États membres, la
Confédération européenne des syndicats (CES) (CES, communiqué de presse, « Des
employeurs détournent le RGPD pour faire obstacle aux syndicats », 19 mars 2020).

17
10 –En l’espèce, le comité a ainsi pu obtenir la communication en particulier des
« fourchettes de rémunération (mention du salaire minimum et du salaire maximum) par
fonctions, tant pour les salariés qui sont plus de cinq par fonction que pour les salariés qui
sont moins de cinq par fonction » et « les règles de détermination du calcul du bonus annuel
de performance individuelle et les règles d’attribution des budgets par division et par
département ».
11 –Cette solution est à rapprocher de la « mise en balance » effectuée récemment par la
Cour de cassation entre le droit au respect de la vie personnelle d’un salarié et le droit à la
protection de la santé et de la sécurité des travailleurs : « Le respect de la vie personnelle
d’un salarié n’est pas en lui-même un obstacle à l’application de l’article L. 2315-15 du Code
du travail (concernant le droit d’affichage des membres du CSE), nonobstant l’obligation de
discrétion à laquelle sont tenus les représentants du personnel à l’égard des informations
revêtant un caractère confidentiel, dès lors que l’affichage par un membre de la délégation
du personnel du comité social et économique d’informations relevant de la vie personnelle
d’un salarié est indispensable à la défense du droit à la protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs, lequel participe des missions du comité social et économique en
application de l’article L. 2312-9 du Code du travail, et que l’atteinte ainsi portée à la vie
personnelle est proportionnée au but poursuivi » (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-
14416 et son commentaire éclairant par G. François, « L’atteinte portée à la vie personnelle
du salarié par l’affichage du comité social et économique », Dr. soc. 2022, p. 422).
12 –L. Maurel (Calimaq), « La protection des données au travail, un enjeu syndical et de
négociation collective », blog S.I.Lex, 6 juill. 2018.
13 –M.-F. Mazars, « La mise en œuvre du RGPD : un renfort pour les droits des salariés ? »,
RDT 2018, p. 498.
14 –M.-C. Amauger-Lattes, « Le dialogue social : outil de régulation de l’intelligence
artificielle dans l’entreprise », Dr. soc. 2021, p. 146.
15 –« Protocole portant sur le traitement des données pilotes », 1er déc. 2021.
16 –Y. Leroy, « Le CSE face à l’intelligence artificielle », in P. Adam,
M. Le Friant et Y. Tarasewicz (dir.), Intelligence artificielle et droit du travail, 2020, Dalloz,
Thèmes et commentaires.
17 –« Premier accord portant sur l’accompagnement de la transformation numérique chez
Orange », 27 sept. 2016.
18 –Sur ces questions, Y. Benayoun et I. Régnauld, « Technologies partout, démocratie
nulle part – Plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous »,
2020, FYP Éditions.

18
Désignation des représentants de proximité

Cass. soc., 1er juin 2023, no 22-13303 , Fédération des syndicats de travailleurs du rail
solidaires unitaires démocratiques c/ Sté SNCF gares et connexions et a., FS-B (cassation
partielle CA Paris, 13 janv. 2022), M. Sommer, prés.; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et
Goulet, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Sevaux et Mathonnet, av.

Un groupe public ferroviaire était initialement constitué de trois établissements publics


industriels et commerciaux.

Dans la perspective de la mise en place des CSE instaurés par l'ordonnance n° 2017-1386
du 22 septembre 2017, des négociations se sont engagées au plan national avec les
organisations syndicales représentatives, ces négociations portant à la fois sur la
détermination des établissements distincts pour la mise en place de ces comités et sur la
mise en place de représentants de proximité.

Aux termes de l'article L. 2313-7 du Code du travail, l'accord d'entreprise défini à l'article
L. 2313-2 peut mettre en place des représentants de proximité. L'accord définit également
le nombre de représentants de proximité, les attributions des représentants de proximité,
notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, les modalités de
leur désignation et leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d'heures de
délégation dont bénéficient les représentants de proximité pour l'exercice de leurs
attributions. Les représentants de proximité sont membres du CSE ou désignés par lui pour
une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.

Aux termes de l'article L. 2313-2 du même code, un accord d'entreprise, conclu dans les
conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le
périmètre des établissements distincts.

Le premier alinéa de l'article L. 2232-12 du Code du travail dispose que la validité d'un
accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa signature par, d'une part,
l'employeur ou son représentant et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales
de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur
d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au
comité social et économique, quel que soit le nombre de votants.

Il en résulte que les représentants de proximité ne peuvent être mis en place que par
l'accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article
L. 2232-12, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.

Toutefois, dans le cas où le nombre et le périmètre des établissements distincts ont été
déterminés par décision unilatérale de l'employeur conformément à l'article L. 2313-4 du
Code du travail ou sur recours contre celle-ci par application de l'article L. 2313-5 du même

19
code, un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de
l'article L. 2232-12 de ce code peut prévoir pour l'ensemble de l'entreprise la mise en place
de représentants de proximité rattachés aux différents CSE d'établissement.

Pour rejeter les demandes en annulation formées par le syndicat, l'arrêt retient que, selon
l'article L. 2232-12 du Code du travail, il n'est pas fait de distinction par la loi sur les
conditions de validité qui sont identiques qu'il s'agisse d'un accord d'entreprise ou d'un
accord d'établissement, que la signature d'un accord par une organisation syndicale, ayant
obtenu 59 % des voix lors des élections professionnelles au CSE, est par suite régulière au
sein de cet établissement sur des prérogatives qui relèvent du domaine de la négociation,
dont celle de mettre en place des représentants de proximité. L'arrêt ajoute qu'aucune
disposition légale ou conventionnelle ne s'oppose à la mise en place de représentants de
proximité au niveau de l'établissement au seul motif que cette instance de représentation
n'avait pas été prévue par l'accord d'entreprise qui a déterminé le nombre et le périmètre
des établissements ou en raison de l'échec de la négociation au niveau de l'entreprise de
l'accord relatif au fonctionnement des CSE qui s'est soldée par la signature d'un accord
technique ne reprenant pas les dispositions sur les représentants de proximité proposées
par la direction du groupe ferroviaire.

En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses constatations que les représentants de proximité
ont été instaurés par un accord d'établissement, la cour d'appel viole les textes susvisés.

Cass. soc., 1er juin 2023, no 22-13303 , Fédération des syndicats de travailleurs du rail
solidaires unitaires démocratiques c/ Sté SNCF gares et connexions et a., FS-B (cassation
partielle CA Paris, 13 janv. 2022), M. Sommer, prés.; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et
Goulet, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Sevaux et Mathonnet, av.

20
3/ Cas pratique

Madame Tarte est la gérante d’une chaine de pâtisseries implantée dans toute
la France. Son entreprise est composée de 72 salariés répartis sur 5
établissements ; 12 salariés sur le site de Paris qui constitue le siège de
l’entreprise; 30 salariés sur le site de Brest ; 10 salariés sur le site de Marseille
et 8 salariés sur le site de Bordeaux et 12 sur le site de Lyon. Les
établissements de Marseille et de Brest sont respectivement dirigés par ses
deux fils qui sont libres dans le choix d’embaucher ou de licencier le personnel
des établissements. En ce qui concerne les autres établissements, leurs
dirigeants doivent se référer à Madame Tarte pour les décisions relatives à la
gestion des établissements. Elle envisage de mettre en place un comité social
et économique (CSE) au niveau de l’entreprise. Elle s’interroge toutefois sur
son éventuelle obligation de mettre en place des CSE d’établissements sur
chacun des 5 sites
Elle attend vos réponses expertes à ses interrogations. Enfin, elle a pour projet
de mieux déployer les compétences au sein des différents établissements en
faisant usage de la mobilité géographique au sein de l’entreprise mais aussi de
déménager le siège de l’entreprise de Paris à Aix-en-Provence. Elle vous
demande si elle doit aborder ces sujets au CSE et quels sont les éléments
qu’elle doit communiquer à cette fin.

21

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