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15/07/2022 Gouverner en cinq dimensions | Cairn.

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Gouverner en cinq dimensions


Laurence Baranski
Dans Leadership spirituel en pratiques (2021), pages 43 à 49

Chapitre

La spiritualité, une dimension oubliée

L ’approche qui suit est l’une de celles que j’enseigne en Master2 « Coaching et
développement personnel en entreprise » de l’Université Panthéon-Assas. Elle
constitue également le socle de certains de mes ouvrages, s’agissant des parties
1

consacrées à la connaissance que nous avons de nous-même, de notre évolution, et de


notre transformation. Elle est un repère que je propose en coaching de dirigeants. Elle
est surtout une invitation à développer, sans limite, notre potentiel, notamment sur
deux de nos dimensions trop longtemps oubliées : nos dimensions spirituelle et
holistique.

Mais partons du début. Nous sommes, nous humains, des êtres incarnés. Autrement dit, 2
nous évoluons, de notre naissance à notre mort, dans un corps physique. Nous sommes
aussi des êtres d’émotion, émotions qui pourront se décliner tout au long de notre vie de
multiples façons, toujours sur la gamme des premières d’entre elles : la peur, la joie, la
colère et la tristesse. Nous sommes également, bien sûr, des êtres capables de penser,
d’émettre des hypothèses intellectuelles, et de déduire de notre expérience des
enseignements qui viendront à leur tour nourrir de nouvelles hypothèses.

Au fil du temps, et parfois des modes, les approches du management, dans le but 3


d’accroître l’e ficacité des collectifs humains, n’ont eu de cesse de prendre en compte ces
trois dimensions de l’être humain, la dimension physique, la dimension émotionnelle, et

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la dimension intellectuelle.

Au début du XXe siècle par exemple, le psychologue et sociologue Elton Mayo, à l’origine 4
du mouvement des relations humaines en management, nous a sensibilisés à
l’importance de l’environnement sur le bien-être des collaborateurs d’une entreprise. Il
vaut mieux un environnement où l’on a chaud, où la lumière est su fisante, et au sein
duquel on tisse des relations agréables avec les autres, plutôt que l’inverse. Cela nous
rend plus motivés, plus e ficaces, et par conséquent plus productifs. Quant à notre
intelligence, elle est devenue ces dernières années « collective », de préférence basée sur
des savoirs et des connaissances transdisciplinaires. Notre intelligence est ainsi invitée
à s’ouvrir au monde extérieur et à muter, tout comme nos organisations qui passent de
la pyramide aux réseaux, au rythme où le permettent les résistances au changement
individuelles, culturelles et organisationnelles.

Il y a une dimension que nous avons très peu explorée collectivement. Elle était jusqu’à 5
présent reléguée à la seule sphère privée. Il s’agit de celle du sens et de l’esprit.

Un désir grandissant de sens

Non contents d’être des êtres physiques, capables d’éprouver des émotions et de penser, 6
nous sommes également des êtres en quête de sens. Nous avons besoin de donner du
sens à nos actions. Il ne s’agit pas ici du « sens » en lien avec nos perceptions directes, à
savoir le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe, la vue. Il s’agit là d’une impression di fuse et
indicible qui nous permet de savoir, intérieurement, que les choses que nous vivons et
faisons sont justes et cohérentes avec nos valeurs, nos aspirations, notre plus bel idéal.

Les entreprises, et plus largement les systèmes de gouvernance, ne s’y sont pas 7
trompées. Elles ont décelé depuis longtemps ce désir de cohérence et ce besoin de
grandir à soi-même, un besoin d’ailleurs mis en évidence, toujours au siècle dernier, par
le psychologue Abraham Maslow et connu sous le nom de « besoin de réalisation ». Pour
y répondre et attirer à elles les meilleurs candidats, elles ont largement communiqué sur
leurs projets. Elles ont rédigé, en chambre ou de manière participative, des chartes de
leurs valeurs. Elles ont développé, en interne, des parcours pour les « hauts potentiels »,
de façon à donner à ces collaborateurs prometteurs la possibilité de s’élever toujours
davantage dans l’organisation et d’y exprimer leurs talents. C’est bien, mais c’est à
présent insu fisant.

La quête de sens qui nous anime dépasse aujourd’hui le seul cadre des valeurs. Nous ne 8
nous questionnons plus seulement sur le sens de notre travail, mais sur celui de notre
vie. Qu’est-ce que la vie ? Qu’est-ce qui est le plus important pour nous dans la vie ? Et,
en conséquence, que voulons-nous faire de notre vie ? Ce questionnement est existentiel

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et ontologique. On le voit grandir dans la société, comme l’illustre par exemple le


mouvement des créatifs culturels, une « typologie » sociologique d’acteurs qui ont la
particularité de faire des choix de vie en conformité avec leurs valeurs profondes, quitte
à tout lâcher pour tout reconstruire ailleurs autrement. S’agit-il là d’une réaction
d’enfants gâtés qui se permettent de rejeter le système à l’occasion d’une crise
d’adolescence tardive ? Ou s’agit-il d’un choix beaucoup plus ré léchi face à un système
économique consumériste qui voudrait, semble-t-il, nous transformer en acteurs et en
consommateurs atones, à grand renfort de campagnes marketing, belles à l’image, mais
dont les mots et les promesses sont déconnectés du réel et de la vie ; déconnectés de
toute réponse véritable au sens que nous cherchons, individuellement et collectivement,
ce sens qui nous donne envie d’avancer.

La spiritualité, notre quatrième dimension

Cette quête de sens est l’expression de notre quatrième dimension, la dimension 9


spirituelle. Longtemps le mot « spiritualité » a été attaché dans notre culture occidentale
à celui de « religion ». Levons tout de suite cette confusion. La spiritualité dont il s’agit
ici puise son essence dans l’étymologie même du mot, à savoir « spir – », qui signifie le
« sou le ». Quelle que soit notre religion, ou que nous n’en ayons pas, nous sommes
toutes et tous traversés et portés par le sou le de la vie. Nous sommes donc toutes et
tous des êtres spirituels.

Nous pourrons bien sûr, si nous le souhaitons, laisser cette dimension de côté, sans plus 10
nous questionner. Ou nous pourrons, au contraire, nous en étonner, nous en
émerveiller et chercher à en savoir plus sur cette part de nous-même impalpable, qui
pourtant nous anime. Une part qui nous rapproche aussi du mystère, car le sou le de la
vie elle-même est un mystère. Nul ne peut démontrer ce qu’est la vie et pourquoi elle
« est ». Il est étonnant de constater que, quels que soient notre culture ou notre niveau
de connaissance, notre intelligence rationnelle ou sensible, nous restons des mystères
pour nous-même.

Aller à la rencontre de ce mystère et de soi-même relève d’une démarche personnelle. 11


Chacun pourra avancer sur ce chemin intérieur à l’aide des inspirations et inspirateurs
de son choix. Pour qui en a fait l’expérience, ce chemin spirituel nous relie
progressivement à ce qui a une véritable valeur à nos yeux. À chaque pas, nous nous
rapprochons toujours un peu plus de notre vérité intérieure. Le super lu s’e face pour
laisser la place à l’essentiel. Un essentiel qui, comme le disait le renard au petit prince,
est invisible pour nos yeux physiques et ne se voit bien qu’avec les yeux du cœur. Un

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essentiel imprégné de désir de douceur et d’amour. Nous sommes ces êtres animés d’un
désir de douceur. D’une douceur vraie, pas d’un succédané. Il semble que nous ayons de
plus en plus besoin de le dire, de le vivre, de le ressentir.

S’il est vrai que l’une des fonctions de la société est de contribuer à créer les conditions 12
nous permettant de devenir le meilleur de nous-même, et s’il est vrai que l’une des
entreprises, tout au moins au travers des promesses qu’elles font, est de nous permettre
de nous épanouir, alors la société, comme les entreprises, doivent et devront prendre en
compte, à l’avenir, cette quatrième dimension spirituelle qui va bien au-delà des seules
valeurs et des seuls projets. Elle porte sur le sens et la raison d’être de ce que nous
sommes et faisons. On peut penser que les retraites spirituelles pour les hauts
dirigeants, qui se multiplient actuellement, tout comme le succès de la « méditation de
pleine conscience », qui gagne tous les secteurs de la société (entreprise, éducation,
sphère politique), sont les prémices de la prise en compte de cette dimension.

Entrer dans notre cinquième dimension

Arrêtons-nous un instant sur l’expression « méditation de pleine conscience ». Ici, le 13


mot important n’est pas vraiment « méditation », chacun méditera comme il l’entend.
C’est le mot « conscience ». Car le plus étonnant, dans l’aventure humaine que nous
vivons, n’est pas tant que nous soyons des êtres dotés de quatre dimensions. Mais c’est
que nous en ayons conscience. Et qu’est-ce que la conscience ? Elle est bien mystérieuse
elle aussi, tout comme la vie elle-même. Qu’est-elle ? D’où vient-elle ?

La science contemporaine, in luencée par la pensée matérialiste occidentale, a jusqu’à 14


présent considéré que notre conscience prenait naissance dans la matière, et plus
précisément dans notre cerveau. Notre conscience, selon cette vision, en est une
émergence. Une vision scientifique plus récente, dite post-matérialiste, propose une tout
autre explication. La conscience ne serait pas une émergence de la matière, mais elle la
précèderait. Elle existerait avant notre naissance et existerait après notre mort
physique. Nous n’en serions qu’une expression temporaire. Dans cette nouvelle
approche scientifique, révolutionnaire par rapport à la pensée dominante, notre
conscience est première. Cette vision rejoint les traditions spirituelles et de sagesse qui
depuis toujours enseignent que la conscience, ou esprit ou âme, chacun choisira son
vocable, est première. Aucune de ces deux visions n’est scientifiquement prouvée, toutes
deux sont des hypothèses.

Que l’on opte pour l’explication de la conscience locale (la conscience est une émergence de 15
notre cerveau) ou de la conscience non locale (la conscience ne prend pas naissance dans le
cerveau, elle est « ailleurs »), il reste que nous sommes des êtres dotés d’une conscience.
Plus que cela, « nous pourrions être connectés à une trame informationnelle partagée »
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écrit la spécialiste Miriam Gablier. Les scientifiques, notamment quantiques, nous


apprennent en outre que cette « mer psychique dans laquelle nous baignons » est riche
de propriétés qui dépassent de loin celles de la matière. Le temps n’y existe pas, les
informations y circulent plus vite que la vitesse de la lumière, et tout y est relié. Il ne
s’agit pas de dire que nous, êtres humains, dans notre dimension physique, disposons
de ces propriétés. Mais que notre conscience individuelle, elle, tout comme le champ de
conscience collectif, dispose de ces potentialités. Nous étions donc des êtres incarnés,
émotionnels, intellectuels, et spirituels. Nous voilà à présent riches d’une conscience qui
nous relie au tout.

Avec la conscience, nous entrons dans notre dimension holistique (de « holos », qui 16
signifie « le tout »), notre cinquième dimension qui nous permet de prendre conscience
de notre complétude, et qui nous permet de nous sentir reliés à ce qui semble être un
continuum d’énergie et d’information.

Figure 1
Les cinq dimensions pour gouverner

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Ce que cela implique

Je le constate en accompagnement, ce modèle simplifié de nous-même agit comme une 17


invitation à nous questionner sur nous-mêmes en toute simplicité, sans tabou ni
culpabilité. Quelles dimensions de nous-même avons-nous l’habitude d’activer ? Quelles
dimensions de nous-même aimerions-nous libérer plus souvent et plus naturellement ?
Comment souhaitons-nous explorer ces parts encore trop peu activées ? Et comment
souhaitons-nous les exprimer dans notre quotidien ? Dans quel but ? Pour quels
projets de vie, d’entreprise ou de société ?

Le succès actuel des approches spirituelles non religieuses, celui de la méditation de 18


pleine conscience, ou encore celui du coaching témoigne de notre aspiration à être
pleinement nous-même, y compris dans nos dimensions les plus sensibles. Cette
évolution questionne les managers comme les dirigeants. Comment gouverner,
comment accompagner, comment motiver ? Nous pouvons décider de ne rien changer
ou au contraire d’adapter nos manières de gérer. Mais comment les adapter ?

À l’aune de la métamorphose du regard que nous portons sur nous-même, celles et ceux 19
qui sont et seront les plus à même d’inventer de nouvelles pratiques adaptées, sont celles
et ceux qui auront, pour eux-mêmes, expérimenté leurs quatre dimensions en
interaction, jusqu’à activer pleinement leur cinquième dimension. Car pour percevoir la
subtilité et la complexité du monde qui nous entoure, il n’y a pas de meilleur et de plus
pertinent chemin que celui qui nous permet d’expérimenter, et de ressentir, notre
propre subtilité et notre propre complexité, dans toutes nos dimensions.

Résumé

FrançaisMême si nous sommes parfois maladroits dans l’expression, en société, de nos


dimensions physiques, émotionnelles, et intellectuelles, nous avons appris à les
connaître et à faire au mieux avec. Notre dimension spirituelle est en train de se
réveiller. Cela s’observe concrètement dans la société, comme un désir ardent après une
longue privation. Dans le même temps, le champ de la conscience et ses propriétés se
dévoilent à nous grâce à des scientifiques audacieux. À titre personnel, cela nous
propulse dans notre cinquième dimension, holistique, celle qui nous relie au tout. Nous

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sommes invités, dès aujourd’hui, à composer avec ces cinq dimensions. La meilleure
école pour nous y préparer est notre école intérieure, celle qui conduit à cheminer à la
rencontre de soi, de son être intérieur, de sa propre essence.

Plan
La spiritualité, une dimension oubliée

Un désir grandissant de sens

La spiritualité, notre quatrième dimension

Entrer dans notre cinquième dimension

Ce que cela implique

Auteur
Laurence Baranski

Laurence BARANSKI est coach et conférencière. Elle enseigne depuis 8 ans sein du Master2
« Coaching et développement personnel en entreprise » à l’université Panthéon-Assas Paris II.
Elle anime depuis 20 ans des ré lexions-actions sur le thème de l’interaction entre la
transformation personnelle et la transformation sociale, et plus récemment du triptyque
Science-Conscience-Politique. Son dernier ouvrage Oser l’invisible. Aux véritables sources de la
performance durable (Chronique Sociale). Son site : www.laurencebaranski.com

Mis en ligne sur Cairn.info le 25/03/2022 Imprimer Facebook Twitter Plus d'options...
https://doi.org/10.3917/ems.voynn.2021.01.0043

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