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Néoténie

maturité sexuelle larvaire

La néoténie décrit , en biologie du développement , la conservat ion de caract érist iques


juvéniles chez les adult es d'une espèce, ou le fait d'at t eindre la mat urit é sexuelle pour un
organisme encore au st ade larvaire. Ces phénomènes sont surt out observés chez des
amphibiens et des insect es, pour lesquels on parle de pédogenèse.

L'axolotl, souvent cité comme exemple de cas de néoténie.

Il s'agit d'un cas part iculier d'hét érochronie et d'un t ype de pédomorphose.

Étymologie
Le t erme néoténie a ét é proposé par le biologist e Julius Kollmann (en) dans plusieurs art icles
écrit s en 1883 et publiés en 1884 ou 1885. Le mot est la juxt aposit ion du préfixe neo,
signifiant nouveau, et du grec teinein, signifiant ét endre.

Exemples classiques

L'exemple le plus connu est l'axolot l ; on a longt emps cru avoir affaire à deux espèces alors
qu'il s'agissait de larves se reproduisant sans avoir at t eint l'« âge adult e ». Dans son cas, la
larve aquat ique peut soit conserver cet t e forme t out e sa vie et se reproduire sans problème,
soit se mét amorphoser en forme t errest re (il ressemble alors à une salamandre), qui est un
imago sans qu'on puisse pour aut ant dire qu'il soit plus « adult e » que la forme aquat ique.

Un aut re exemple classique est le cas du ver luisant : cet t e fois-ci, la femelle rest e à l'ét at de
« larve » t out e sa vie (d'où l'appellat ion de « ver » alors qu'il s'agit d'un coléopt ère), alors que
le mâle doit se mét amorphoser en imago ailé pour pouvoir se reproduire.

Néoténie et évolution adaptative

Chez l'être humain

Cet t e t héorie du développement de l'êt re humain (ont ogenèse) a ét é élaborée par Louis Bolk
dans les années 1920-1930 en se fondant sur l'observat ion d'une série de caract érist iques
communes de l'homme avec de jeunes primat es. Selon cet t e approche, la boît e crânienne non
soudée à la naissance, l'absence de pilosit é du bébé ou la faiblesse de l'appareil musculaire
sont des marques de néot énie.

Dans les années 1970 St ephen Jay Gould a réhabilit é les observat ions de Bolk en les
réint erprét ant à la faveur des connaissances de la science (évolut ion en mosaïque)[1].

L'import ance de la néot énie pour la biologie humaine a ét é ét udiée par Desmond Morris (par
exemple dans son ouvrage : Le Singe nu[2]), not amment pour expliquer la désirabilit é des
caract ères juvéniles chez la femme (voir at t irance sexuelle).

L'hypot hèse du caract ère néot énique au sens large de l'êt re humain possède aussi une
dimension ant hropologique, psychologique et philosophique, soulignée ent re aut res par
Jacques Lacan.

« Dès les années 1930, en se fondant sur les travaux d’anatomie de


son temps, Lacan défendait la thèse d’une « prématuration
spécifique de la naissance chez l’homme » : tout se passe comme si
l’être humain naissait prématurément. Il est fondamentalement
inachevé, constitutivement déficient. Ainsi que l’écrit en une
formule frappante Louis Bolk, référence chère à Lacan, « l’homme
est, du point de vue corporel, un fœtus de primate parvenu à
maturité sexuelle ». »
— Frédéric Frut eau de Laclos, Émile Meyerson, Paris, Les Belles Let t res, 2014,
p. 154-155

Le philosophe français Dany-Robert Dufour[3] a repris cet t e idée : du fait de son


inachèvement , l'homme serait un êt re int rinsèquement prémat uré, dépendant de la relat ion à
l'aut re, d'où la subst it ut ion nécessaire de la cult ure à la nat ure propre à cet t e espèce, et sa
place part iculière dans l'hist oire de l'évolut ion, l'homme se réappropriant le monde par la
parole, la croyance symbolique et la « créat ion prot hét ique », c'est -à-dire la t echnique.

Dans le cadre d'une int erprét at ion relevant de l'ant hropocent risme, le paradoxe de la
« débilit é » nat urelle de l'humanit é au regard de sa prét endue supériorit é évolut ive pourrait
êt re expliqué par une hypot hèse encore plus audacieuse : par son essence inachevée et
nat urellement indét erminée à la naissance, l'homme jouirait d'une supériorit é sélect ive du fait
de l'ext raordinaire plast icit é des adapt at ions cult urelles au regard de la sélect ion nat urelle.
[réf. nécessaire]

La t echnique et la cult ure se subst it uant à la programmat ion inst inct uelle des aut res animaux,
créent la possibilit é d'adapt at ions beaucoup plus rapides que celles permises par le
processus darwinien de sélect ion nat urelle, fondé sur la t ransmission des caract ères
génét iques.

Cet t e disposit ion implique en cont repart ie l'ext rême vulnérabilit é des pet it s humains et leur
longue dépendance vis-à-vis des sujet s adult es, la socialisat ion const it uant une ét ape
nécessaire, longue et coût euse en énergie, à la format ion d'individus viables et aut onomes.

Konrad Lorenz dans Psychologie et phylogénèse évoque la néot énie humaine. Il la relie à sa
curiosit é et son ouvert ure au monde et sa déspécialisat ion. Elles en font un êt re curieux non
spécialisé [4].

Cas des espèces domestiques

Par ailleurs, on dist ingue chez les animaux une t endance à la conservat ion de caract ères
juvéniles lors de la domest icat ion. Par exemple, les chiens remuent la queue et aboient
comme le font les louvet eaux, mais conservent ce comport ement t out e leur vie alors que les
loups l'abandonnent à l'âge adult e. De même, les chat s sauvages adult es ne ronronnent plus
et ne jouent plus, alors que les chat s domest iques le font souvent jusqu'à la vieillesse. Le
même phénomène a ét é observé pour les renards domest iqués lors de l’expérience de Dmit ri
Beliaïev.

Des races de chiens t elles que les molossoïdes sont sit uées dans le bas de l'échelle
néot énique (caract ères plus juvéniles) alors que d'aut res races de t ype primit if ou de t ype
Spit z (Groupe 5 selon la Nomenclat ure FCI) se sit uent plus haut sur cet t e échelle (chiens plus
"adult es" exprimant moins de caract ères juvéniles)[5].

Autre

La néot énie exist e également dans la lignée vert e, et part iculièrement chez les plant es
présent es en milieu t rès sec. Ainsi, à la moindre averse, les graines germent et fleurissent t rès
rapidement , devenant suscept ibles de reproduct ion sexuée avant même que l'appareil
végét at if soit pleinement développé. Cet t e st rat égie a ét é sélect ionnée car elle garant it une
reproduct ion même dans le cas où les plant es meurent avant la fin de leur développement . On
ret rouve également la néot énie chez Welwitschia mirabilis, une Gnét ophyt e du désert du
Namib.

Enfin, sur un plan plus général, le t erme néot énie peut signifier « une t ransformat ion, un
remaniement d'un pat rimoine st ruct ural exist ant en opposit ion à la créat ion d'une st ruct ure en
t ous point s nouvelle » [6].

Remarque

L'exist ence de la néot énie rappelle qu'il ne faut pas prendre t rop au pied de la let t re
l'expression de Ernst Haeckel selon laquelle « l'ont ogenèse (c’est -à-dire le développement
de l'embryon) récapit ule la phylogénie (c’est -à-dire l'hist oire de l'espèce) » [7]. C'est ce que l'on
appelle la t héorie de la récapit ulat ion. Elle est globalement vraie, mais cesse de l'êt re si l'on
descend au niveau du dét ail, car en cas de néot énie l'informat ion génét ique commandant le
développement ult érieur possible de l'embryon ne s'exprime pas, et la correspondance n'est
donc pas observée.

Notes et références

1. Stephen Jay Gould, Darwin et les grandes énigmes de la vie, Le Seuil, 1984. Le lecteur
trouvera également une bonne synthèse sur la néoténie dans : Lynn Margulis et Dorion
Sagan, L'Univers bactériel, Le Seuil, 2002, Collection Point Sciences, No 148, pages 231 à
236.

2. Desmond Morris, Le Singe nu, Éditions Grasset / Le Livre de poche, 1968.

3. Dany-Robert Dufour, On achève bien les hommes, Denoël, 2005.

4. Konrad Lorenz, Trois essais sur le comportement humain, Points Seuil, 1970.

5. Isabelle Collin, Marie-Paule Daniels-Moulins, Florence Desachy, Claire Dupuis, Giovanni


Falsina et Valeria Rossi, L'Encyclopedie mondiale des chiens : Les 331 races reconnues à
travers le monde, DE VECCHI, 2008, 771 p. (ISBN 978-2-7328-9223-8), p. 115 - 116

6. André Lamouche, Rythmologie universelle et métaphysique de l'harmonie, Dunod, 1966.

7. P.Peycru, D.Grandperrin, C.Perrier, B.Augère, T.Darrbière, J.-M. Dupin, C.Escuyer, J.-F.


Fogelgesang et C.Van Der Rest, Biologie tout-en-un BCPST 1re année - 3e éd. : Conforme
au nouveau programme, Paris, DUNOD, 2013, 738 p. (ISBN 978-2-10-059922-6), Encart
15.6, chap. 15, p. 482

Voir aussi

Articles connexes
Hét érochronie

Progenèse

Pédogenèse

Théorie de la fœt alisat ion

Liens externes

Not ices dans des dict ionnaires ou encyclopédies généralist es :


Encyclopædia Britannica (ht t ps://www.brit annica.com/science/neot eny) [archive] ·
Encyclopædia Universalis (ht t ps://www.universalis.fr/encyclopedie/neot enie/) [archive] ·
Store norske leksikon (ht t ps://snl.no/neot eni) [archive]

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Dernière modifi cation il y a 3 mois par Gpesenti

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