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06.04.20
Analyse
Covid-19 et capitalisme
génétique
Par Thierry Bardini
I just need to have access to the pure virus, that’s all ! For
the future !
Terry Gilliam, Twelve Monkeys, 1995.
Extension du domaine du
confinement
Nous vivons actuellement la première pandémie virale
globale. Aujourd’hui, donc, nous sommes confiné·es,
comme tout le monde, ou presque. Aujourd’hui, nous
pratiquons la « distanciation sociale » et la
« quarantaine » plus ou moins auto-imposée. Aujourd’hui,
des drones peuvent nous interpeller dans la rue pour nous
enjoindre à rentrer dans l’ordre, à deux mètres de notre
prochain·e. Aujourd’hui, le signal GPS de nos téléphones
cellulaires sert au contrôle biopolitique d’un État plus ou
moins soudainement (selon les régimes, mais
globalement) revenu à s’intéresser à notre bien-être, à
notre santé. Aujourd’hui, les seuls travailleur·es qui
restent sont celleux qui n’ont pas le choix, dans la mesure
où leur travail est considéré comme « essentiel », où
celleux qui peuvent travailler depuis leur domicile. Les
premièr·es ont l’honneur insigne de pouvoir
éventuellement mourir pour les autres, tandis que les
second·es ont l’avantage de continuer à produire quand
même.
Machine du quatrième
type et subjectivation
virale
Ma thèse, brièvement énoncée, est la suivante : les formes
actuelles de la viralité, qu’elle soit biologique,
informatique ou informationnelle, organique ou
numérique, caractérisent notre entrée dans une nouvelle
phase du capitalisme, le capitalisme génétique. Dans cette
nouvelle phase, les dispositifs de subjectivation
s’articulent sur des machines cybernétiques maintenant
capables d’effectuer concrètement la convergence des
codes, du code binaire des ordinateurs au code génétique
du vivant, et vice-versa, du « vrai monde » de la matière à
une couche d’information qu’elles lui surimposent, et vice-
versa. Loin de simplement exploiter une réalité matérielle
donnée, le nouveau capitalisme produit cette réalité en
l’augmentant.
Thierry Bardini
Sociologue et agronome, Professeur titulaire et directeur du département de
communication de l’université de Montréal