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Droit des Collectivités territoriales

Séquence 3 : Le Contrôle des Collectivités territoriales

Droit des Collectivités territoriales


Dr. Abdoul Aziz MBODJI
Séquence 3 : Le Contrôle des Collectivités territoriales

La tutelle sur les collectivités territoriales est supprimée avec la loi 96-06 du 22 mars 1996 portant code
collectivités. Cette option a été réaffirmée et renforcée par la Constitution du 22 janvier 2001. L’article 102 de
la Constitution modifiée le 20 mars 2016 confirme et consolide le principe de la libre administration des
collectivités territoriales. C’est pourquoi le contrôle que l’Etat exerce sur les collectivités territoriales est un
contrôle de la légalité et un contrôle sur les organes. L’aménagement du contrôle tient compte des pouvoirs des
collectivités territoriales. Une catégorie d’actes est soumise à un contrôle de la légalité à posteriori et une autre
catégorie d’actes est soumise à un contrôle à priori. La collectivité territoriale administre mais ne gouverne.
C’est pourquoi un contrôle s’exerce sur le conseil et sur le maire. C’est le contrôle sur les organes.

Section I : Le contrôle sur les actes :

Il s’agit d’un contrôle de la légalité à postériori et d’un contrôle de la légalité priori. C’est un régime de contrôle
instauré au Sénégal avec la réforme de 1996 qui avait consacré la fin de la tutelle. Le contrôle de la légalité à
postériori est le principe et le contrôle à priori qui fait subsister la tutelle est l’exception.

I. Contrôle de la légalité à postériori :


Il s’agit d’un type de contrôle qui tout en assurant la surveillance permanente de l’Etat central sur les collectivités
territoriales garantit la libre administration. Il met le représentant de l’Etat au cœur de la gestion des communes
ou des départements. Le préfet est le représentant de l’Etat auprès du département, de la ville, de la commune
chef-lieu de département et de toutes autres communes qui lui seront rattachées par décret. Le sous-préfet
représente l'Etat auprès des autres communes de son arrondissement. Ainsi on peut se poser la question de savoir
quelles sont les conséquences du contrôle de la légalité à postériori des actes des collectivités locales au Sénégal
? Son régime suit des modalités propres et engendre des conséquences spécifiques.

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A. Les modalités du contrôle de la légalité à postériori


Les actes édictés par les collectivités territoriales doivent obligatoirement être transmis au représentant de l’Etat
pour être exécutoire. Ce dernier ne peut pas les annulés mais peut les déférer devant le juge de l’excès de pouvoir.

1. L’obligation de transmission
Les actes pris par les collectivités locales sont transmis au représentant de l'Etat auprès, du département ou de
la commune, lequel en délivre aussitôt accusé de réception. Le domaine de l'obligation de transmission
déterminé par l’article 243 du code général des collectivités territoriales qui dispose dans son alinéa 2 que « La
preuve de la réception des actes par le représentant de l'Etat peut être apportée par tout moyen. L'accusé de
réception qui est immédiatement délivré peut-être utilisé comme preuve. »
Les actes concernés sont énumérés au 4ème alinéa de l’article 243 :
• les délibérations des conseils ou les décisions prises par délégation des conseils ;
• les actes à caractère réglementaire pris par les collectivités locales dans tous les domaines qui relèvent
de leur compétence en application de la loi ;
• les conventions relatives aux marchés ainsi que les conventions de concession ou d'affermage de services
publics locaux à caractère industriel ou commercial ;
• les décisions individuelles relatives à la nomination, à l'avancement de grade ou d'échelon d'agents des
collectivités locales ;
• les décisions individuelles relatives aux sanctions soumises à l'avis du conseil de discipline et au
licenciement d'agents des collectivités locales.
L’article 244 y ajoute « les décisions réglementaires et individuelles prises par le président du conseil
départemental ou le maire dans l'exercice de leurs pouvoirs de police, les actes de gestion quotidienne pris au
nom des collectivités locales autres que ceux mentionnés à l'article 243 ci-dessus sont exécutoires de plein droit
dès qu'il est procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés, après transmission au représentant
de l'Etat. »
Quelles sont les modalités d'exécution de l'obligation de transmission? En principe, la transmission est opérée
sur décision de l'organe exécutif de la collectivité. La date à prendre en considération est celle du récépissé de
réception délivré aussitôt par le représentant de l'Etat. L'accusé de réception qui est immédiatement délivré peut-
être utilisé comme preuve. Mais, selon le code, la preuve de la réception des actes par le représentant de l'Etat
peut être apportée par tout moyen.
La transmission rend l'acte opposable aux tiers et exécutoires. Les actes concernés sont exécutoires de plein
droit quinze jours après la délivrance de l'accusé de réception, sauf demande de seconde lecture de la part du
représentant de l'Etat, et après leur publication ou leur notification aux intéressés. Ce délai de quinze jours peut
être réduit par le représentant de l'Etat à la demande du président du conseil départemental ou du maire
La transmission déclenche le point de départ du délai dans lequel le représentant de l'Etat peut saisir la Cour
Suprême. Pour le recours direct du tiers lésé, le point de départ du délai est fixé à la publication ou à la
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notification de l'acte qui fait grief. (CE 13 mai 1992). Ainsi on se demande quelles sont les conséquences de
l’absence de transmission. L’absence de transmission n’affecte en rien la légalité de l’acte mais suspend son
entrée en vigueur. (CE.10 janvier 1992, Association des usagers de l’eau de Perchan).

2. Le déféré du représentant de l’Etat :


Le déféré est une sorte de recours pour excès de pouvoir intenté par le représentant de l'Etat préfet et sous-préfet
contre des actes édictés par les collectivités territoriales devant la chambre administrative de la Cour suprême
conformément à la loi organique sur la Cour suprême... Le Représentant peut, lorsqu'il estime qu'un acte d'une
collectivité territoriale est illégal, déférer cet acte dans les deux mois qui suivent la transmission au Conseil
d'Etat qui statue dans un délai maximum d'un mois conformément à l’article 246 du Code des collectivités
générales. Il s’agit là d’un avantage particulier contrairement au recours pour excès pouvoir dans lequel le juge
n’est pas tenu de se prononcer dans un délai déterminé.
Il existe deux types de déféré. Lorsque le déféré intenté par le représentant de sa propre initiative on parle de
déféré spontané ou direct. Lorsqu’il est intenté sur demande d'un administré, on parle de déféré provoqué. En
effet l'article 250 du code prévoit qu'une personne lésée peut dans le délai de deux mois à partir de la date à
laquelle l'acte est exécutoire, demander au représentant de l'Etat de déférer l'acte au juge
Le domaine d'application du déféré correspond aux actes soumis à l’obligation de transmission et mentionnés
aux articles 243 et 244 du code général. Les conditions de recevabilité du déféré sont identique aux conditions
prévues pour le recours pour excès de pouvoir. Cependant les contrats des collectivités territoriales peuvent être
déférés par le représentant à la Cour suprême. Il s’agit d’une exception importante au caractère objectif du
recours pour excès de pourvoir.

B. Les conséquences du contrôle des actes des collectivités :


Le contrôle du juge exercé sur l’acte édicté par la collectivité territoriale peut avoir deux effets distincts de la
confirmation de la légalité. Le juge peut suspendre les effets de l’acte avant de prononcer son annulation.

1. Le sursis à exécution :
Il faut rappeler que l’obligation de transmission a un effet suspensif pour certains actes, lorsque le représentant
de l'Etat demande à la collectivité une seconde lecture. Autrement dit la demande de seconde lecture suspend
d’office le caractère exécutoire de l'acte.
Le sursis à exécution peut être prononcé par le juge sur demande du représentant de l’Etat, le saisissant de la
Cour suprême. Il peut aussi être prononcé d’office par le juge.
En cas de demande de sursis à exécution (que le déféré soit d'office ou provoqué), un régime spécifique
s'applique. Le juge peut prononcer un sursis élargi si l'un des moyens invoqués dans la requête parait en l'état
de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'acte attaqué conformément à l’article 247 du code
général des collectivités territoriales. Par moyen sérieux il faut entendre des moyens qui sont, au premier
examen, de nature à faire naître le doute dans l’esprit du juge. Il s’agit de moyens qui peuvent être considérés
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avec une quasi-certitude comme fondés. Toutefois la décision sur le sursis ne peut en aucune manière influencer
la décision sur le fond et il est arrivé que la Conseil d’Etat français, après avoir ordonné le sursis à exécution,
ait rejeté la requête au fond. Le juge peut aussi sur demande du saisissant prononcer un sursis accéléré lorsque
l'acte est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle. Dans ce cas, le premier
président de la Cour suprême, ou le magistrat qu’il délègue, prononce la suspension dans les quarante-huit heures
conformément à l’article 80 de la loi organique sur la cour suprême.
Pour les marchés publics la décision de suspension peut être prise à l’initiative personnelle du juge. L’article
247 alinéa 3du code général dispose dans ce sens que « La Cour suprême peut, sur sa propre initiative, prononcer
le sursis à exécution pour tout marché public que lui transmet le représentant de l'Etat aux fins d'annulation. »
Cette disposition est confirmée par l’alinéa 2 de l’article 80 de la loi organique de la Cour suprême « La Cour
suprême peut, sur sa propre initiative, prononcer la suspension de tout marché public que lui transmet le
représentant de l’État aux fins d’annulation. » Le juge dispose ainsi d'un pouvoir d'auto-saisine.

2. L’annulation des actes irréguliers :


La décision du juge produit des conséquences importantes selon le sens indiqué par la Cour. Dans le cadre des
actes mentionnés aux articles 243 et 244 du code général, le rejet du déféré confirme la validité de l’acte et rend
exécutoire de plein droit la décision de la collectivité territoriale. L’annulation au contraire oblige la collectivité
territoriale à renoncer à l’exécution de la décision car son différend avec le représentant est tranché par le juge
en faveur de ce dernier. Il s’agit d’un véritable contentieux de la légalité. Le juge vérifie si l’acte déféré est
conforme à la légalité.
La décision du juge peut viser le refus d’approbation du représentant conformément à l’article 245 du code
général. Le président du conseil départemental ou le maire peut déférer à la Cour suprême, pour excès de
pouvoir, la décision de refus d’approbation du représentant de l’État, prise dans le cadre de l’article 245 du code
général des collectivités locales. Dans ce sens l’article 81 du Code général dispose que « L’annulation de la
décision de refus d’approbation par la Cour suprême équivaut à une approbation, exécutoire dès notification de
l’arrêt à la collectivité territoriale. » Dans cette situation on peut dire que le différend est tranché en faveur de la
collectivité territoriale.

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II. Le contrôle à priori des actes des collectivités territoriales :


Le régime en vigueur du droit des collectivités territoriales consacre le contrôle a priori des actes des collectivités
territoriales comme une véritable fausse exception. Le Professeur Mayacine DIAGNE rappelle dans ce sens que
« les actes les plus importants de la collectivité locale sont soumis à l’approbation préalable du représentant de
l’Etat. » Ainsi la tutelle de l’Etat sur les collectivités territoriales subsiste avec des conséquences qui découlent
du droit de recours ouvert pour les élus.

A. La subsistance de la tutelle de l’Etat sur les collectivités


territoriales :
Le code général consacre un véritable contrôle de tutelle sur les actes des collectivités territoriale. Ce contrôle
se manifeste par l’existence d’un pouvoir d’approbation préalable des actes des collectivités territoriales. Cette
approbation préalable une condition de validé des actes. Sans cette approbation les actes des collectivités
territoriales ne sont peu exécutoires. L’approche du représentant de l’Etat est une condition de la légalité des
actes des collectivités territoriales. Ce pouvoir s’il est absolu remet en cause le principe de la libre administration
des collectivités territoriales.
Il est exercé à travers l’obligation de transmission qui incombe aux collectivités territoriales conformément à
l’article 23 du code général qui dispose que « Les actes pris par les collectivités territoriales sont transmis au
représentant de l'Etat auprès, du département ou de la commune, lequel en délivre aussitôt accusé de réception.
La preuve de la réception des actes par le représentant de l'Etat peut être apportée par tout moyen. L'accusé de
réception qui est immédiatement délivré peut être utilisé comme preuve.».
Le contrôle à priori tout en étant pas absolu reste dominant dans la loi et dans la pratique. Les actes les plus
importantes du point de vue qualitative restent soumis à l’approbation préalable du représentant. Il s’agit
essentiellement les affaires financières et domaniales. L’article 245 du code général présente une liste des
matières soumises au contrôle préalable. Il dispose en effet que « Par dérogation au caractère exécutoire des
actes prévus aux articles 243 et 244 du présent code, restent soumis à l'approbation préalable du représentant de
l'Etat les actes pris dans les domaines suivants :
• Les budgets primitifs et supplémentaires ;
• Les emprunts et garanties d’emprunts ;
• Les plans de développement des collectivités locales ;
• Les conventions financières de coopération internationale comportant des engagements d'un montant
fixé par décret ;
• Les affaires domaniales et l’urbanisme ;
• Les garanties et prises de participation dans des sociétés privées exerçant des activités d'intérêt général
à participation publique ;
• Les marchés supérieurs à un montant fixé par décret et les contrats de concession d'une durée supérieure
à trente ans. ».

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B. Conséquence du contrôle à priori :


La portée du contrôle à priori sur la gestion des collectivités territoriales et des principes qui la gouvernent est
importante. Cette portée réside dans l’approbation préalable des actes des collectivités territoriales pour pouvoir
être exécutés valablement. La collectivité territoriale doit avoir la caution ou l’avis favorable de l’Etat central à
travers son représentant pour pouvoir dérouler ses programmes en l’occurrence les questions financières,
patrimoniales et domaniales. L’approbation du représentant de l’Etat est express si elle est donnée sans délai
d’une manière claire et précise. Elle ouvre dans ce cas pour la commune ou le département le droit de mettre en
œuvre sa décision. L’approbation peut cependant être tacite. Après l’expiration d’un délai d'un mois à compter
de la date de l'accusé de réception, le silence du représentant de l'Etat est considéré comme une acceptation ou
une approbation de la décision de la collectivité territoriale. Ce délai d’un mois peut être réduit sur demande du
maire ou Président du conseil départemental.
Lorsque le représentant considère que la décision de la collectivité n’est pas conforme à la légalité, il doit refuser
de l’approuver d’une manière expresse. Ce refus d’approbation bloque le processus décisionnel de la collectivité
territoriale. Une seule solution s’offre au Maire ou Président du département, il s’agit du recours pour excès de
pourvoir contre la décision de refus d’approbation devant la Cour suprême. En ce sens l’article 249 du code
général dispose que « Le président du conseil départemental ou le maire peut déférer à la Cour Suprême, pour
excès de pouvoir, la décision de refus d'approbation du représentant de l'Etat prise dans le cadre de l'article 245
du présent code. » Il faut précise que si le juge annule la décision de refus d’approbation, il se substitue au
représentant de l’Etat dans l’approbation de la décision. L’alinéa 2 de l’article 249 dispose ainsi que «
L'annulation de la décision de refus d'approbation par la Cour suprême, équivaut à une approbation dès
notification de l'arrêt à la collectivité locale. ».

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