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Arthrose du pied
M.F. Ladeb, M. Chelli Bouaziz, M.H. Meherzi
La prévalence de l’arthrose du pied est basse mais elle est certainement sous-estimée car la maladie
est fréquemment négligée ou méconnue. En dehors de l’arthrose cunéiométatarsienne et de l’arthrose
métatarsophalangienne du 1er rayon, l’arthrose du pied est en règle secondaire à un traumatisme ou à
un surmenage mécanique. La symptomatologie clinique est assez univoque. Quelle que soit l’articulation
atteinte, l’arthrose se traduit par une douleur localisée principalement mécanique. Les troubles trophiques
et les déformations sont variables. Les radiographies suffisent dans la majorité des cas à affirmer le
diagnostic d’arthrose. La tomodensitométrie, couplée ou non à l’arthrographie tibiotalienne, permet
de déceler les arthroses débutantes et d’explorer mieux que les radiographies certaines articulations
(articulation sous-talienne, articulation du Lisfranc).
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Tableau 1.
Topographie des arthroses du pied [1] .
Tibiotalienne 8%
Hallux rigidus 59 %
Orteils 3%
Sous-talienne 7%
Médiotarse 9%
Lisfranc 14 %
Tableau 2.
Étiologies de l’arthrose tibiotalienne [5] .
Traumatismes 78 %
Polyarthrite rhumatoïde 5%
Hémochromatose 3%
Hémophilie 1%
Nécrose du talus 1%
Ostéochondrite disséquante de l’astragale 1%
Arthrite septique 1%
Primitive 9%
“ Point fort
L’arthrose du pied est en règle secondaire en dehors de
l’arthrose cunéométatarsienne et métatarsophalangienne
du gros orteil.
Elle touche en général une seule articulation.
Diagnostic : clinique, radiographies.
TDM : diagnostic précoce, étude des articulations difficiles
à explorer par les radiographies.
Arthrose sous-talienne
L’arthrose sous-talienne est en général secondaire à un trauma-
tisme : fracture du calcanéus, fracture de l’astragale, entorse de la
sous-talienne.
Au cours des fractures du calcanéus, l’arthrose sous-talienne est
favorisée par l’importance de l’enfoncement thalamique initial,
le caractère partiel de l’enfoncement et la présence de fragments
ostéochondraux intra-articulaires [22] .
Un défaut de congruence entraîne dans trois cas sur quatre une
arthrose sous-talienne [22] .
B La prévalence de l’arthrose tibiotalienne et sous-talienne au
Figure 6. Arthrose tibiotalienne. La TDM (coupes sagittale [A] et fron- cours des fractures du talus varie de 47 % à 97 % [23] . Parmi les
tale [B]) montre la destruction du cartilage articulaire, la condensation et fractures du talus, celles du processus latéral méritent d’être
les géodes sous-chondrales. individualisées. La prévalence de ces fractures a augmenté au
cours des dernières années en raison du développement des
activités sportives et des progrès réalisés dans leur diagnos-
tic [24, 25] .
résultats fonctionnels aléatoires. Dans les arthroses tibiotaliennes Le diagnostic radiologique des fractures du processus latéral du
bien centrées, l’avivement des surfaces articulaires sous arthrosco- talus est difficile. Près des deux tiers des cas sont méconnus sur
pie donne de bons résultats dans près de 50 % des cas avec une les radiographies initiales [26] . La TDM montre bien ces fractures
faible morbidité [16, 17] . et recherche des lésions traumatiques associées.
La prothèse totale de la cheville a des indications très précises : L’évolution naturelle des fractures du processus latéral est
arthrose tibiotalienne sans défauts d’axes de face et de profil ; grevée de deux complications majeures : la pseudarthrose et
absence d’instabilité articulaire, notamment sagittale, articulation l’arthrose sous-talienne. La prévalence de l’arthrose sous-talienne
sous-talienne normale ou enraidie en bonne position [18, 19] . dépend de la précocité du traitement. Elle passe de 29 % en
La mise en place d’une prothèse de la cheville doit être précé- cas de traitement précoce à 53 % en cas de traitement tar-
dée d’une étude morphologique de l’arrière-pied sur l’incidence dif [26] .
de Meary ou l’incidence de Saltzman. Des clichés compara- Le pied plat valgus évolué de la femme âgée est une autre cause
tifs sont nécessaires pour chercher une inégalité de longueur d’arthrose sous-talienne qui est souvent associée à des arthroses
des malléoles [20] . Les clichés dynamiques en flexion dorsale et de l’arche interne.
plantaire, en varus et en valgus permettent d’apprécier la véri- L’arthrose sous-talienne est en général bien tolérée. On y pense
table mobilité de l’articulation tibiotalienne et de rechercher une en cas de douleur mécanique du tarse postérieur majorée par
instabilité ligamentaire [21] . La TDM est indiquée à la recherche la marche en terrain accidenté. La torsion passive du calcanéus
d’une arthrose sous-talienne associée. L’IRM et l’échographie per- réveille la douleur. Il existe souvent une malposition de l’arrière-
mettent d’apprécier l’état des ligaments et des tendons de la pied en varus ou en valgus.
cheville. Mieux que les radiographies, la TDM montre les signes habi-
Le traitement de l’arthrose tibiotalienne est avant tout préven- tuels d’arthrose et permet d’étudier l’articulation médiotarsienne
tif : traitement correct des entorses graves, réparation immédiate (Fig. 9, 10) [8] .
et anatomique des fractures et du tibia ou du talus, correction des Le traitement médical (antalgiques, anti-inflammatoires) asso-
troubles statiques du pied [1] . cié peut améliorer la symptomatologie. Les infiltrations de
A B
C D
Figure 8. Arthrose tibiotalienne. La radiographie de la cheville de profil (A) montre un pincement de la partie antérieure de l’interligne articulaire associé à
une condensation et à des géodes de l’os sous-chondral. L’IRM en SP T1 (B), SP T2 (C) et SP T2 Fat Sat (D) montre un amincissement du cartilage, une cavité
et un œdème du spongieux sous-chondral du tibia.
A B
B
Figure 10. Arthrose sous-talienne. La TDM (coupes frontale [A] et sagit-
tale [B]) montre le pincement articulaire, les ostéophytes et les géodes
sous-chondrales.
Arthrose du Lisfranc
Arthrose talonaviculaire Il existe deux types d’arthrose du Lisfranc : l’arthrose post-
traumatique et l’arthrose primitive [1] .
L’arthrose talonaviculaire est en règle secondaire à une fracture L’arthrose post-traumatique succède dans un délai souvent
de l’os naviculaire, à un pied plat valgus ou à une ostéonécrose de court à une luxation ou à une fracture-luxation du Lisfranc. Elle
l’os naviculaire. unilatérale et touche le sujet jeune.
Le patient se plaint d’une douleur mécanique puis inflamma- La symptomatologie clinique associe des douleurs mécaniques
toire de la partie interne du médiopied, provoquée par la torsion d’aggravation progressive à des déformations du médiopied.
de l’avant-pied. L’arthrose primitive touche l’articulation cunéométatarsienne
Les radiographies du pied de face et de profil permettent un du 1er rayon (rhizarthrose du pied). Elle est bilatérale, survient en
diagnostic facile en montrant un pincement de l’interligne arti- général dans le cadre d’une arthrose polyarticulaire du sujet âgé
culaire, une condensation du spongieux sous-chondral et des et s’associe souvent à un trouble statique du pied [1] .
ostéophytes dorsaux (Fig. 11, 12). L’arthrose cunéométatarsienne se traduit cliniquement par une
Le traitement médical de l’arthrose talonaviculaire est peu effi- douleur mécanique ou inflammatoire, d’intensité variable exacer-
cace. L’arthrodèse est souvent nécessaire [28] . bée par la palpation.
Arthrose
A
métatarsophalangienne
du gros orteil
L’arthrose métatarsophalangienne du gros orteil, ou hallux rigi-
dus, est la plus fréquente des arthroses du pied [1] . Elle est en
général primitive mais peut apparaître à la suite d’un traumatisme
(entorse, luxation, fracture) ou d’une arthrite inflammatoire ou
infectieuse [1] .
L’hallux rigidus passe au cours de son évolution par deux stades :
le stade I (hallux dolorosis) et le stade II (hallux limitus) [1] .
Au stade I, la douleur est presque le seul signe. Les radiographies
sont normales ou ne montrent que de discrètes anomalies.
Au stade II le tableau est typique. La dorsiflexion du pied est
bloquée.
Il existe une déformation en barquette du gros orteil et une
hypertrophie surtout dorsale de la région métatarsophalangienne.
Les anomalies radiologiques, pincement de l’interligne articu-
laire, condensation du spongieux sous-chondral et ostéophytes
sont nettes (Fig. 16, 17). L’échographie montre des irrégularités
corticales, des ostéophytes, un épaississement synovial et un épan-
chement liquide intra articulaire.
Au stade I, le traitement médical est souvent efficace. Le
traitement chirurgical est indiqué devant un stade II symptoma-
tique. L’arthrodèse métatarsophalangienne reste pour beaucoup
d’auteurs la solution la plus sûre pour supprimer la douleur et
restituer un appui correct au 1er rayon [29, 30] .
B Arthrose
Figure 13. Arthrose du Lisfranc. Les radiographies du pied de face
(A) et de trois quarts (B) montrent un pincement et des irrégularités de
métatarsophalangienne
l’interligne articulaire (flèche). des autres orteils
L’arthrose métatarsophalangienne des autres orteils est rare, et
succède en règle à une subluxation articulaire ancienne, à une
Les radiographies de face, de profil et de trois quarts suffisent polyarthrite rhumatoïde ou à une maladie de Freiberg (Fig. 18, 19).
à affirmer le diagnostic d’arthrose du Lisfranc (Fig. 13). La TDM La maladie de Freiberg est une ostéochondrose qui affecte
précise l’importance et l’étendue de l’arthrose (Fig. 14, 15). essentiellement le 2e métatarsien chez l’adolescent. Les radiogra-
Dans l’arthrose post-traumatique du Lisfranc, l’arthrodèse est phies montrent au stade de début un discret aplatissement de
souvent nécessaire. la tête métatarsienne, une condensation de l’os sous-chondral
Le traitement chirurgical de l’arthrose cunéométatarsienne iso- et un élargissement de l’interligne métatarsophalangien. À la
lée peut se limiter à la résection des ostéophytes. L’arthrodèse est phase d’état, apparaissent une dissection de l’os sous-chondral
envisagée en cas d’arthrose avancée. et une majoration de l’impaction et de l’ostéocondensation de la
A B
Figure 15. Arthrose du Lisfranc et sous-talienne. TDM en coupes transversale (A), sagittale (B) et
frontale (C) : pincement des interlignes du Lisfranc, géodes sous-chondrales, ostéophytes dorsaux.
Condensation et géodes des berges de l’articulation sous-talienne.
tête métatarsienne. Les séquelles de la maladie de Freiberg sont sont des arguments majeurs en faveur de la goutte. Les arthro-
l’épiphysiodèse précoce avec brachymétatarsie, la déformation et pathies uratiques du médiopied sont tardives et rarement isolées.
l’hypertrophie de la tête du métatarsien et l’arthrose secondaire. Elles provoquent des pincements articulaires et des ostéophytes
dorsaux qui donnent l’aspect de « pied hérissé » sur la radiographie
du pied de profil.
“ Point fort
L’arthrose tibiotalienne est rarement primitive. Neuroarthropathie diabétique
Elle est secondaire dans 78 % des cas à un traumatisme. La neuroarthropathie diabétique apparaît après une évolu-
Principales causes : fractures malléolaires, fractures du tion longue du diabète (15 ans en moyenne). Elle siège par
pilon tibial, instabilité chronique de la cheville. ordre de fréquence décroissante au tarse, aux articulations
Radiographies : signes habituels de l’arthrose. métatarsophalangiennes et aux articulations tibiotaliennes. La
TDM : diagnostic précoce, évaluation préopératoire, étude neuroarthropathie diabétique se distingue de l’arthrose par
de la sous-talienne. son indolence relative, son évolution rapide, les modifications
osseuses (condensation, fragmentation) et par les dislocations arti-
culaires.
Diagnostics différentiels
Polyarthrite rhumatoïde
Goutte
Les arthrites du pied sont en général bilatérales et symétriques
La goutte touche principalement l’articulation métatarsopha- et touchent en premier lieu les articulations de l’avant-pied. En
langienne du gros orteil. Les radiographies d’opacités des tissus faveur de la polyarthrite rhumatoïde on retient la déminérali-
mous, les érosions osseuses bien limitées qui siègent à la périphérie sation osseuse épiphysaire, le pincement articulaire global, les
de l’épiphyse et la préservation relative de l’interligne articulaire géodes périchondrales et les déformations articulaires.
A B
Conclusion
L’exploration radiologique de l’arthrose du pied repose sur les
Pelvispondylite rhumatismale radiographies simples. La TDM, couplée ou non à l’arthrographie
permet de déceler les arthroses débutantes et d’explorer mieux
Les arthrites de la pelvispondylite rhumatismale sont fréquem- que les radiographies certaines articulations. Le traitement de
ment unilatérales ou bilatérales et asymétriques. Les arthrites l’arthrose secondaire du pied est essentiellement préventif : trai-
de l’avant-pied sont rares et essentiellement destructrices. Celles tement correct des entorses graves, réparation immédiate et
du médiopied sont plutôt constructrices. L’ostéophytose qui en anatomique des fractures du tibia, du talus ou du calcanéus, cor-
résulte réalise l’aspect du pied hérissé sur les radiographies de pro- rection des troubles statiques du pied.
fil. L’articulation tibiotalienne est rarement touchée. L’existence
d’une atteinte rachidienne et sacro-iliaque permet d’affirmer le
diagnostic. Conflit d’intérêt : aucun.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ladeb MF, Chelli Bouaziz M, Meherzi MH. Arthrose du pied. EMC - Radiologie et imagerie médicale -
musculosquelettique - neurologique - maxillofaciale 2012;7(3):1-11 [Article 31-313-A-10].