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Le nây
Chapitre I
Etude organologique
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Nous consacrons cette partie de la thèse à l’étude organologique du nây.
Nous y abordons l’historique puis la morphologie de l’instrument (le tuyau, les
trous de jeu et leur répartition, l’embouchure), la facture du nây (le matériau, la
coupe, le perçage des trous) en plus d’une brève approche acoustique, le tâqim
et les différents nây-s qui le constituent (dénominations, dimensions, les notes,
les échelles et les maqâm-s qu’ils permettent de jouer) nous décrivons aussi les
techniques de jeu spécifiques au nây.
I. Dénomination de l’instrument
1) POCHÉ (Christian), Nây d’autrefois, nây d’aujourd’hui, in : Flûtes du monde, du Moyen Orient au
Maghreb, op. cit., p. 52.
2) HONNEGER (Marc), Ney ou Nay, in : Dictionnaire de la musique, sciences de la musique, formes,
technique, instruments, L-Z, Paris, Bordas, 1976, p. 659.
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Certains de ces instruments diffèrent du nây par le nombre et la
disposition des trous de jeu ainsi que par les dimensions. Il arrive aussi que le
matériau employé dans la fabrication de l’instrument ne soit plus le roseau mais
emprunté à diverses arbres voire du métal. En évoquant le ney persan, Jean
During fait bien la différence entre l’instrument savant et son congénère
populaire. Il note : « Il faut cependant se garder de désigner sous le vocable ney
toute flûte en roseau de ce type, car le ney proprement dit est une flûte propre à
la musique savante. Il ne se distingue pas, à première vue, du ney populaire, sauf
par sa longueur, en général supérieure, et par la disposition de ses trous. Alors
que le ney populaire est percé empiriquement (les trous sont souvent
équidistants) et donne des intervalles approximatifs, un bon ney savant est
beaucoup plus précis. De plus il permet le jeu sur deux octaves et demie, dans
tous les modes de la musique savante. Enfin son timbre, dû pour une bonne part
à une technique raffinée est plus doux, et le bruit du souffle ne s’y mêle pas
comme dans le ney populaire ». (1)
1) DURING (Jean), La musique iranienne, tradition et évolution, Paris, éd., Recherche sur les
Civilisations, 1984, p. 67.
2) BUCHNER (Alexandre), Encyclopédie des instruments de musique, Paris, Gründ, 1980, p. 20.
3) BUCHNER (Alexandre), op. cit., p. 20.
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Les fouilles archéologiques ont également révélé de nombreux spécimens
assez bien conservés et qui attestent de l’importance de ces instruments dans la
vie quotidienne préhistorique. C’est le cas de la flûte découverte dans la caverne
du Salzofen (Toten Gebirge), datant de l’âge protéolytique où l’os était utilisé
comme matière première. « Cette flûte obéit à un principe extrêmement simple
d’émission du son : le souffle se brise sur le bord du tuyau et met ainsi en
vibration la colonne d’air qui se trouve à l’intérieur de l’instrument ». (1) Nous
retrouvons ce même principe d’émission du son dans le nây.
Outre les flûtes en os, une flûte en bois renne, à perce longitudinale, fut
découverte par des archéologues soviétiques dans le site paléolithique de
Moldova (région de Tchernovtsy). (2) Ce sont les matériaux les plus durs qui ont
été les mieux conservés. Comme nous savons que le roseau est une matière
beaucoup plus périssable que l’os et la pierre, nous pouvons supposer que
l’homme primitif a tenté de façonner des flûtes en bois ou en roseau et qui ont
disparu à travers le temps.
Illustration n° 3
Dans l’antiquité, divers types de flûtes ont été utilisés aussi bien en
Egypte dès l’ancien empire qu’en Assyrie. La flûte occupa alors le rôle
d’instrument sacré. Les plus vieux documents iconographiques ainsi que les
divers objets retrouvés à la suite de fouilles archéologiques sont sumériens et
égyptiens. Ils constituent une mine d’informations sur les instruments en usage
dans cette époque.
1) BRAGARD (Roger) et DE HEN (Fred. J.), Les instruments de musique dans l’art et
l’histoire, Bruxelles, Albert De Visscher/Compagnie Belge d’Editions S.P.R.L., 1973, p. 12.
2) BUCHNER (Alexandre), op. cit., p. 20.
3) Illustration tirée de l’ouvrage d’Alexandre Buchner, op. cit., p. 21.
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(1)
Illustration n° 4
1) Illustration extraite de l’ouvrage de KOENIG (Viviane), L’Egypte au temps des Pharaons, paris,
éditions Fernand Nathan, 1986, p. 41.
2) BUCHNER (Alexander), op. cit., p. 30.
3) LE GONIDEC (Marie-Barbara), Les flûtes à embouchure et arête de jeu terminales dans le monde
arabo-musulman, in : Flûtes du monde, du Moyen Orient au Maghreb, op. cit., p. 31.
4) TRANCHEFORT (François-René), Les instruments de musique dans le monde, t. II, Paris, Seuil,
1980, p. 16.
5) TRIPP (Charles), Egypte, Les flûtes des temps pharaoniques à nos jours, in : Flûtes du monde, du
Moyen Orient au Maghreb, Belfort, Association Flûtes du Monde, 1996, p. 134.
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avant J.C., fin de la 5e dynastie). Nous y retrouvons une section "bois" avec
« deux joueurs de "chalumeau" (instrument à anche) et deux flûtistes, chacun
des musiciens faisant face à un chanteur chironome ». (1) A propos de la
représentation de la flûte "oblique", que certains historiens ont confondue avec
la flûte traversière, Raymond Meylan, dans son ouvrage "La Flûte", note : « ce
que l’on distingue clairement, c’est la tête (de l’instrument) posée sur la bouche,
comme pour être sucée ». (2)
1) TRIPP (Charles), Egypte, Les flûtes des temps pharaoniques à nos jours, in : Flûtes du monde, du
Moyen Orient au Maghreb, op. cit., p. 134.
2) Cité par Charles Tripp, op. cit., p. 134.
3) TRIPP (Charles), Ibid. p. 134.
4) ZIEGLER (Christiane), Les instruments de musique égyptiens au Musée du Louvre, Catalogue des
instruments de musique égyptiens, Réunion des Musées nationaux, Paris, 1979. p. 8.
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leurs caractéristiques physiques. Ces instruments ont fait l’objet d’études
organologiques détaillées, ils ont été répertoriés et identifiés comme étant des nây-
s. Les nây-s antiques ont par ailleurs servi aux diverses tentatives expérimentales de
reconstitution des échelles et gammes musicales égyptiennes antiques. (1)
Illustration n° 5
Les instruments à vent disponibles au musée du Caire (à l’exception des
trompettes du roi Toutankhamon) sont regroupés dans une vitrine comme le
montre ce document photographique.
Illustration n° 6
Cette collection comprend vingt-quatre instruments à vent : des
aérophones à anches de type clarinette ou hautbois et des flûtes. Cette dernière
catégorie qui nous intéresse compte six flûtes (C.G.69814 à 69819). Deux flûtes
courtes : une en bois (C.G. 69818), une en bronze (C.G.69819). Les quatre
1) Voir la communication scientifique faite au Congrès Mondial d’Egyptologie de Turin en 1991 : "On
the discovery of the ancient Egyptian musical scale", extrait d’"INFORMATICA ED
EGITTOLOGIA". Cette communication a été reprise dans : "Le Monde copte" n° 27-28, revue
encyclopédique de culture égyptienne, 1997.
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autres (C.G. 69814 - 69817), sont fabriqués en bambou du Nil et rappellent les
nây-s utilisés de nos jours par les musiciens égyptiens. (1)
Les flûtes antiques en bambou ont fait l’objet d’examens particuliers et les
diverses mesures effectuées ont été consignées dans le tableau suivant :
1) Informations recueillies auprès du site : reconstitution de la musique des pharaons, www. ART,
Egypte. com, consulté le 25 07 2001.
2) Réalisées par une équipe constituée de : Fathi Saleh (musicologue, informaticien et chef du projet),
Sania Abdel Aal (égyptologue, directrice assistante du musée du Caire), Robert Cribbs (scientifique
américain), Mahmoud ‘Iffat (musicien et flûtiste égyptien). Cf. site susmentionné.
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fertile vers la Perse et de l’Egypte vers la péninsule arabique ». et ajoute : « on
les retrouve au Xe siècle dans un poème du Persan Ferdôsi, qui chante
l’instrument connu alors sous son vocable actuel : "ney" ». (1) Le nây s’est en
effet répandu dans toute la région du Moyen Orient et après l’avènement de
l’Islam, l’instrument favori des bergers a conquis le droit de cité dans le rituel
musulman pour remplir une fonction sacrée au sein de certaines confréries. Jean
Claude Chabrier pense que « L’expansion du nây a été encouragée spécialement
par la civilisation islamique où il est devenu, non seulement populaire et
classique, mais aussi sacré ». (2) C’est précisément grâce à Mawlânâ Jalâl al-
Dîn al-Rûmî (XIIIème siècle), fondateur de l’ordre des Mevlevis que le ney
devint le symbole du mysticisme et l’instrument de prédilection des derviches
tourneurs originaires de Konya (Turquie). Selon Christian Poché, ce sont les
Mevlévis qui vont répandre le ney dans le monde arabe à partir de leurs
monastères qui seront de « véritables conservatoires de musique et feront le
relaie entre le monde turc et arabe ». (3) During partage cet avis en notant : « La
haute tradition du ney est donc à rechercher en Turquie d’où elle rayonna vers la
Syrie, l’Irak et peut-être la Perse ». (4) Le ney est représenté, dès le XVème
siècle, sur les miniatures persanes, alors que le ney rustique se retrouve dans des
représentations plus anciennes (XIIème et XIIIème siècles).
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Bonaparte en Egypte (1798-1801) nota : « Les derviches ou foqarâ ont leur espèce
de nây; les mendiants ont aussi le leur, et les musiciens de profession ont également,
pour leurs concerts, une certaine espèce de nây qu’ils préfèrent aux autres ». (1)
Le nây ou ney est l’unique instrument à vent retenu dans la musique savante
arabe, turque et persane. C’est un instrument exclusivement réservé aux hommes.
Constitué d’un tube creux très légèrement conique, son embouchure ne présente ni
bec ni anche. Le son est obtenu par le souffle vibrant sur le bord du roseau. Les
trous situés dans la partie inférieure du tube permettent de moduler le son.
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Le tube du nây, de perce légèrement conique, est doté de sept trous de jeu
dont six sont pratiqués dans la partie inférieure du tube sur la face avant, quant
au septième trou, il figure au milieu du tube, sur la face postérieure. Les six
ouvertures de devant sont réparties en deux groupes de trois trous équidistants.
Les deux groupes étant séparés par une distance double de celle qui sépare les
trous de chaque groupe. Cette répartition des trous ainsi que leur nombre permet
d’obtenir, à l’aide d’une technique de jeu particulière, l’ensemble des degrés
constitutifs des échelles relatives aux divers maqâm-s en usage dans la musique
savante arabe. Généralement la perce des orifices est circulaire et ils ont tous le
même diamètre. Cependant le diamètre et l’emplacement des trous peuvent faire
l’objet d’éventuelles modifications afin d’ajuster l’instrument.
Illustration n° 7 Illustration n° 8
1) LE GONIDEC (Marie-Barbara), Les flûtes à embouchure et arête de jeu terminales dans le monde
arabo-musulman, in : flûtes du monde, du Moyen Orient au Maghreb, op. cit., p. 32.
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Le nây arabe
Embouchure à biseau
externe
Segment ou phalange
Nœud
6
5
4
Trous de face
3
2
1
Ouverture inférieure
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IV.2. Le ney turc
Le ney turc est identique au nây arabe. C’est un segment de roseau qui
compte neuf segments et huit nœuds et comporte sept trous de jeu : un trou
postérieur situé au milieu du tube, à égale distance des deux extrémités, et six
orifices antérieurs répartis en deux groupes de trois. La seule différence avec le
nây arabe réside dans l’emploi d’un embouchoir tronconique appelé bash-pare.
Le bash-pare se présente sous différentes tailles qui varient selon le diamètre de
l’embouchure du ney.
"Başpâre", bash-pare (1)
Illustration n° 9
Cet embout en ivoire, en bois blanc, en plastique ou en corne, est
enchâssé à l’ouverture supérieure du tube. Cet embouchoir spécifique au ney
turc permet de réduire le diamètre de l’embouchure de l’instrument (2) et facilite
ainsi le jeu. Le musicien (neyzen) souffle dans le ney en posant l’embout en
oblique contre ses lèvres, (technique labiale). Enfin le ney peut être doté à son
extrémité inférieure d’une bague métallique afin de consolider cette terminaison
souvent fragilisée par la condensation du souffle.
Ney turc (3)
Illustration n° 10
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IV.3. Le ney persan
1) CARON (Nelly) et SAFVATE (Dariouche), Iran : Les traditions musicales, Paris, Buchet/Chastel,
1966, p. 176.
2) DURING (Jean), La musique iranienne, tradition et évolution, op. cit., p. 69.
3) Illustration extraite de l’ouvrage de Marie-Barbara Le Gonidec, Organologie et typologie des flûtes
à embouchure et arête de jeu terminales, op. cit., p. 134.
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n’empêche pas de réaliser mélismes et nuances. Aussi est-ce avant tout par une
dynamique élevée, des contrastes brusques du niveau sonore et du registre, et
surtout par un traitement particulier du rythme que le ney persan se caractérise ». (1)
Le ney persan peut être monté d’une autre bague placée à son extrémité
inférieure, qui sert soit à le protéger soit à rectifier sa longueur, dans le cas où
les proportions ne sont pas rigoureusement exactes. (2)
Illustration n° 12 Illustration n° 13
1) LE GONIDEC (Marie Barbara), Le ney persan, Structure, pratique, fonction, in : Flûtes du Monde,
du Moyen Orient au Maghreb, Belfort, Association Flûtes du Monde, 1996, p. 62.
2) DURING (Jean), La musique iranienne, tradition et évolution, op. cit., p. 69.
3) Planche extraite de l’ouvrage de Jean During, La musique iranienne, tradition et évolution, op. cit., p. 68.
4) Illustration tirée de l’ouvrage de Marie-Barbara Le Gonidec, Organologie et typologie des flûtes à
embouchure et arête de jeu terminales, op. cit., p. 110.
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V. Le principe de fonctionnement du nây (approche acoustique)
Nous savons que le son émis par un tuyau est d’autant plus grave que ce
tuyau est long. Les lois physiques qui régissent ce phénomène furent
découvertes et expliquées par Daniel Bernoulli (fin du 18ème siècle) qui en établit
les équations élémentaires.
Pour un tube ouvert aux deux extrémités, la loi de Bernoulli se traduit par :
V
f =
2L
- f est la fréquence propre du tube.
- L est la longueur du tube.
- V est la vitesse du son dans l’air à 20o C et qui est de l’ordre de 340 m/s.
Cette loi nous permet de calculer la hauteur du son donné par un tuyau
ouvert aux deux bouts. (1) Emile Leipp fait remarquer que les lois de Bernoulli
(pour les tuyaux semi ouverts et ouverts des deux bouts) restent valables en
théorie et que les valeurs obtenues par ces formules sont théoriques. En pratique
et dès qu’on excite un tuyau en soufflant dedans des phénomènes compliqués se
1) LEIPP (Emile), Acoustique et musique, Paris, Masson, 4ème édition, 1984, p. 223.
91
produisent et « l’expérience montre que les mesures et les calculs ne
correspondent pas rigoureusement ». (1)
L’énergie étant fournie par l’air comprimé émanant des poumons et qui
sort par l’ouverture de la bouche. Le musicien applique ses lèvres sur
l’embouchure de manière à produire une lame d’air. Cette lame d’air déclenche
une onde de compression qui circule dans le tuyau et heurte la colonne d’air qui
s’y trouve. Elle se dirige vers l’extrémité inférieure du tube. Réfléchie par l’air
ambiant extérieur, elle change de signe et de direction pour devenir une onde de
dépression et remonter vers l’embouchure. Au contact du jet d’air insufflé par le
musicien, l’onde en question provoque l’aspiration de ce jet d’air à l’intérieur du
tube et redevient de nouveau une onde de compression en changeant de signe.
Une fois aspiré, le jet d’air est repoussé vers l’extérieur et une synchronisation
entre ses oscillations et celle de la colonne d’air s’établit. Le Gonidec ajoute que
« l’oscillation du jet d’air au contact de l’arête peut se répéter indéfiniment, car
elle est conditionnée et régulée par l’alternance compression/dépression de
l’onde interne qui voyage dans le tuyau, elle-même alimentée en énergie par le
jet d’air ». (2) Le jet d’air doit être soumis à une certaine pression et à un débit
assez précis et c’est au musicien d’assurer cette régulation.
92
L’obtention de ces différents modes vibratoires s’effectue dans le cas du
nây, en agissant directement sur les oscillations de la lame d’air par modification
de la section de la lumière ainsi que la longueur et le volume de l’espace entre
lumière et arête. (1) Ainsi par un jeu de resserrement des lèvres le musicien
réduit la section de la lumière et augmente la pression du jet d’air.
93
VI. La facture du nây arabe
Le roseau est une plante qui pousse en abondance au bord des grands
fleuves (le Tigre, l’Euphrate, le Nil, l’Indus, etc.) et dans certaines régions à
climat tempéré chaud notamment celles du pourtour oriental du bassin
méditerranéen. Il existe une grande variété de roseaux dont certains sont utilisés
dans la fabrication des instruments de musique. Al-qaçab al-fârisî (le roseau
perse) est une variété connue aussi bien en Iraq qu’en Egypte. Charles Tripp
souligne que : « le matériau utilisé en Egypte, pour la fabrication des flûtes à
embouchure et arête de jeu terminales, c’est le roseau du Nil, désigné par le
terme de farsi pour les dimensions réduites de la plante (flûte de taille moyenne)
et le gharb, quand le roseau est plus long et de section plus large, convenant à la
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production de sons graves ». (1) Al-qaçab al-tarâbulsî, provenant de la région de
"Tarâblus" (Liban) est le type préféré des facteurs syriens et libanais. Il semble
que le type de roseau, le plus apprécié, qui entre dans la facture des instruments
de musique est, selon Jean-Pierre Lafitte (2), l’Arundo Donax, couramment
appelé, en France, roseau de Provence ou canne de Provence. C’est une plante
robuste, à grosse tige ligneuse, pouvant atteindre cinq mètres de long et qui
fleurit pendant les mois de septembre et d’octobre. Charles Tripp nous fournit de
nombreuses informations sur cette plante. (3) Rappelons simplement qu’une
année suffit au roseau pour pousser et atteindre sa hauteur maximale. La coupe
s’opère entre les mois d’octobre et décembre. Le roseau est par la suite exposé
régulièrement au soleil, disposé verticalement, pendant une longue période,
pouvant atteindre deux ans, afin d’être séché. (4)
Dans un article consacré aux flûtes du Maroc (5), Louis Soret évoque
l’Arundo Donax qui, par suite de son abondance au Maroc, est utilisé pour la
facture des nây-s, en plus de son exploitation pour la fabrication de clôtures,
claies, cloisons, nattes, paniers, jusqu’à de petits abris saisonniers ou des pièces
de mobilier.
Une fois séché, le facteur procède à la coupe des différents tubes qui
constitueront les nây-s. Ce sont essentiellement les extrémités supérieures des
longs roseaux sélectionnés qui sont retenues pour la fabrication d’instruments.
Elles présentent l’avantage d’être plus rectilignes et comportant des nœuds
équidistants. Chaque tube, coupé net à ses deux extrémités, doit comporter les
1) TRIPP (Charles), Egypte, Les flûtes des temps pharaoniques à nos jours, in : Flûtes du
monde, du Moyen Orient au Maghreb, op. cit., p. 135.
2) Cité par Charles Tripp, Le roseau, Flûte et calame, musique et écriture, in : Flûtes du monde, du
Moyen Orient au Maghreb, Belfort, Association Flûtes du Monde, 1996, p. 10.
3) TRIPP (Charles), ibid., p. 9.
4) Entretient avec Saleh al-Dîn al-Manaa, facteur et joueur de nây. (mars 2005)
5) SORET (Louis), Les flûtes au Maroc, in : Flûtes du Monde, du Moyen Orient au Maghreb, Belfort,
Association Flûtes du Monde, 1996, op. cit., p. 166.
95
nombres immuables de nœuds et de sections, à savoir huit nœuds et neuf entre-
nœuds ou sections.
C’est à laide d’une tige de fer chauffé au rouge et tout récemment d’une
perceuse électrique que le facteur débarrasse le tube des cloisons nodales
internes. Les nœuds seront ainsi évidés à l’intérieur du roseau à l’exception du
nœud supérieur (celui situé du côté de l’embouchure) qui ne devrait pas être
rabattu à fond. Le segment inter-nodal devrait être perforé en son centre afin de
permettre le passage de l’air et de réaliser ainsi une chambre d’harmonie
"khazna".
96
VI.4.1. La disposition des trous
Illustration n° 16
1) REINHARD (Kurt et Ursula), Turquie : Les traditions musicales, op. cit., p. 104.
1) YEKTA (Raouf), La musique turque, in : Encyclopédie de la musique et Dictionnaire du
Conservatoire, op. cit., p. 3018.
2) Ce schéma est extrait de l’ouvrage de Süleyman Erguner, Ney metod, (Méthode de ney), op. cit., p.
50.
97
modèle réussi. En évoquant la fabrication du ney persan, Caron et Safvate
soulignent qu’autrefois en Iran il n’y avaient pas de règles définies et que
chaque facteur avait ses mesures et obtenait des instruments parfois inexacts
mais qu’un effort a été fait pour remédier à cet état de choses. (1)
D 1D 2 D 3D 4 A1= 4B
C = 2/3 B
C1 C2 C3 D = C/2
7
1 2 3 4 5 6
B1 B2 B3 B4
A1 A2
Illustration n° 17
1) CARON (Nelly) et SAFVATE (Dariouche), Iran, Les traditions musicales, op. cit., p. 177.
2) SNOUSSI (Manoubi), op. cit., p. 93.
3) Ce schéma est tiré de l’ouvrage de : MAHDI (Salah El-), La musique arabe, Paris, Alphonse Leduc,
1972, p. 62. Il figure aussi dans le livre de : GUETTAT (Mahmoud), La musique classique du
Maghreb, op. cit., p. 248.
98
égales : C1-C2-C3. Deux orifices (trou n° 3 et trou n° 4) viennent se positionner
sur les deux extrémités de la partie C2.
Dans une troisième étape, le facteur divise chacun des deux intervalles C1
et C3 en deux parties équidistantes, donnant respectivement : D1 - D2 où sera
exécuté le trou n°2 et D3 - D4 pour le trou n°5. Le cinquième trou sera donc
logé au milieu de C3 et le deuxième au milieu de C1.
Ainsi on obtient six trous alignés sur la face du tube et un septième au-dessous.
Illustration n° 18
99
Ce schéma comporte en effet certaines erreurs notamment dans l’intervalle
séparant les trous, n° 1 et n° 3, (ré - mi demi bémol) qui est un intervalle de trois
quarts de ton et non un ton entier. L’intervalle entre le trou n° 2 (mi bémol ou ré
#) et le trou n° 3 (mi demi bémol) n’est pas non plus un demi ton, mais plutôt un
quart de ton. Enfin, entre le troisième trou (mi demi bémol) et le quatrième (fa)
il y a bien un intervalle de trois quarts de ton et pas un demi ton comme
l’indique Le Gonidec dans son schéma.
Les divers intervalles entre la note fondamentale (tous les trous obturés) et
celles obtenues respectivement en obturant à chaque fois et successivement l’un
des autres trous figurent sur ce schéma.
Seconde majeure
Tierce mineure
Tierce médiane
Quarte juste
Quarte augmentée
Quinte juste
Septième mineure
100
Ensuite, cette surface inclinée est souvent limée et poncée pour offrir un
biseau net et lisse ». (1)
Extrémités supérieures
Extrémités inférieures
101
Les différentes étapes dans la réalisation d’un nây
10. Portions utiles servant à 11. Séchage des futurs 12. Nettoyage du roseau
fabriquer des nây-s instruments après séchage
102
13. perforation des cloisons 14. Traçage du trou postérieur 15. Repérage des
du roseau emplacements des trous
16. Traçage des trous de face 17. Perce des trous frontaux 18. Perce du trou dorsal
22. Nettoyage du nây après le 23. Consolidation des 24. Graissage du nây avec de
perçage des trous extrémités du nây. l’huile d’amende.
Planche n° 1
103