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Youness Bellatif

DÉVELOPPEZ
VOTRE LEADERSHIP
RELATIONNEL
UN LEADERSHIP FRÉQUENCE 5
BASÉ SUR LA PROCESS COMMUNICATION

Préface de Gérard Collignon

thegreatelibrary.blogspot.com
Mise au net des illustrations : PCA

© InterEditions-Dunod, 2018
InterEditions est une marque de
Dunod Éditeur, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN : 978‑2‑72‑961889‑6

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L’homme est lien,
c’est pour cela qu’il est homme.

À ma petite et grande tribus…

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the
Sommaire

Préface de Gérard Collignon.......................................................................... VII


Introduction – Leader : un rôle complexe dans un monde hypercomplexe
en transformation permanente........................................................................... 1

Première partie
Notre monde est et sera d’abord relationnel…
le leadership aussi

La transformation permanente est devenue la norme…


Adieu stabilité et contrôle................................. 7
1. Être leader dans un monde hypercomplexe..............................................  9
2. Un leadership relationnel à influence positive........................................  37

Deuxième partie
Les apports de la Process Communication
à l’intelligence relationnelle du leader

Un levier d’influence positive


pour le leader relationnel.................................. 57
3. La subtile mécanique du modèle Process Communication.........................  59
4. Se libérer des comportements toxiques relationnels
grâce à la Process Communication..........................................................  89
VI Développez votre leadership relationnel

Troisième partie
L’influence relationnelle positive du leader LF5
au niveau des équipes

Piloter des équipes


en vue d’une performance durable............................... 105
5. Potentialiser l’énergie collective...........................................................  107
6. Le losange de la création de valeur collective (CVC).............................  117

Quatrième partie
L’influence relationnelle positive du leader LF5
au niveau des organisations complexes

Être leader dans des institutions flottantes


en transformation permanente................................  131
7. Les entreprises « flottantes », entreprises de 5e type...................................  133
8. Déployer la flottaison organisationnelle................................................  147

Cinquième partie
D’un leadership de domination
vers un leadership relationnel d’influence

Une interaction d’influence mutuelle entre le leader et son milieu


pour s’adapter aux contextes mouvants.........................  155
9. La danse de l’influence...........................................................................  157
10. L’influence par la réputation du LF5.......................................................  169

Conclusion.................................................................................................. 185
Vers un cerveau de plus en plus collectif….................................................. 185
Bibliographie............................................................................................... 189
Liste des figures........................................................................................... 191
Table des matières........................................................................................ 193
Préface

La mission professionnelle que s’est donnée Youness Bellatif depuis


maintenant plus d’un quart de siècle est d’accompagner les leaders dans
le développement de leur « patrimoine relationnel » et les organisations
dans l’optimisation de leur transformation.
Le livre que Youness a réalisé propose trois ponts :
•• Le pont entre ses 25 ans d’expérience de coach et consultant, passées à ac-
compagner des dirigeants de différentes cultures, dans différents contextes
et les dernières tendances et recherches relatives au thème de leadership.
•• Le pont entre le leadership comme discipline et pratique, ainsi que
d’autres champs de recherche, afin de contextualiser le leadership dans
son environnement actuel : psychologie sociale, neurosciences, sciences
cognitives, prospectives…
•• Et enfin un pont particulièrement prometteur qui relie le modèle de
la Process Communication (PCM) au Leadership. Ce pont vient dé-
montrer comment le leader s’appuyant sur ce modèle verra sa posture
évoluer, son organisation gagner en agilité relationnelle et ses colla-
borateurs renforcer leurs potentiels au dialogue et à la mobilisation
autour des missions qu’ils ont à accomplir.
Nous suivrons ensemble à travers l’ouvrage comment la Process
Communication s’avère être un modèle puissant pour le développement
de la conscience de soi en tant que leader et pour la compréhension de
la réalité et du potentiel relationnel de l’autre. Ce pont entre la Process
Communication et le leadership n’avait été que bien peu traversé dans
VIII Développez votre leadership relationnel

les précédents ouvrages traitant de ce modèle. Merci donc Youness pour


cet excellent développement.
En suivant les étapes décrites dans le livre de Youness, nous aurons un
double guide pour être un leader authentiquement respectueux de soi et
respectueux de l’autre, efficient avec soi et efficient avec l’autre, bref, un
Leader Relationnel.
La double approche conceptuelle et opérationnelle proposée par
­Youness a comme finalité d’aider les leaders à enrichir leur patrimoine
relationnel par le développement des ressources individuelles et collec-
tives et la gestion des comportements toxiques des leaders, nuisibles tant
au bien être des collaborateurs et leur performance, ainsi qu’au leader lui
même et à son environnement de manière plus générale.
Youness montre au lecteur, par des exemples, des illustrations et des
apports théoriques et conceptuels, comment avoir des réponses plus
saines et mobilisatrices en activant son intelligence relationnelle :
•• répondre en tant que leader « tout simplement » aux besoins psycholo-
giques des individus composant les organisations ;
•• utiliser en tant que leader la fréquence managériale la plus adaptée
selon l’interlocuteur et le contexte ;
•• activer en tant que leader le bon canal de communication et la percep-
tion, garants d’un haut niveau de bien-être et de performance ;
•• mobiliser les organisations dans le cadre de leur transformation autour
de réseaux relationnels internes puissants…
En plus de nos relations professionnelles et de partenariats,Youness est
d’abord et avant tout un ami. Un ami que je connais maintenant depuis
une quinzaine d’années. Je me souviens du premier rendez-vous que
nous avons eu ensemble. J’ai été impressionné par la présence très forte et
le calme de Youness, sa capacité d’écoute et son grand esprit de synthèse.
Vous serez, je l’espère, probablement intéressé comme moi par la
démarche dense et multidisciplinaire que l’auteur propose dans ce livre
d’un très haut niveau conceptuel.
Je vous souhaite une lecture passionnante et enrichissante.

Gérard Collignon
Président de Kahler communication France et Africa
Introduction

Leader : un rôle complexe dans un monde hypercomplexe


en transformation permanente

Une plongée dans les milliers d’ouvrages relatifs au leadership et en


particulier aux différents modes de management des entreprises par des
hommes et des femmes et leur étude depuis les 50 dernières années, nous
permet de constater que les modes suggérées, les tendances émergentes
et les styles de leadership, sont le reflet de leur temps, de la dynamique
conceptuelle, culturelle et épistémologique dominantes.
La grande partie des ouvrages spécifiques au leadership traite du
monde des organisations, alors que le concept même de leadership va
au-delà de ce monde complexe, mouvant et intense qu’est celui des
entreprises.
Cette concentration d’études et d’intérêt est due, à mon sens, au-delà
des raisons objectives d’intérêt conceptuel, technique ou encore de
recherche, au fait que le monde de l’entreprise et des organisations est le
reflet amplifié et exacerbé des différentes dimensions de la vie des êtres
humains et de ce qui les lient : réussite, expérience, pouvoir, socialisa-
tion, sens, survie, reconnaissance, haine, bonheur, satisfaction, frustration,
combat, relation, échec, place, identité, argent, appartenance, différencia-
tion, valeur…
2 Développez votre leadership relationnel

La pression et la complexité des entreprises du xxie siècle produisent


un effet « loupe » sur ces quelques dimensions humaines et donc égale-
ment sur le leadership.
Mon propos dans cet ouvrage n’est pas d’illustrer ou de défendre à
travers des études, des statistiques et des chiffres une vérité quelconque,
mais plus de partager une expérience, une sensibilité et certaines convic-
tions. Dans le même temps, je souhaite expliciter une sensibilité person-
nelle relative à une perception du leadership en entreprise en particulier,
mais également généralisable à d’autres espaces sociétaux selon la liberté
de chaque lecteur, et de la pertinence qu’il trouvera à généraliser.
Mon intérêt pour le domaine du leadership date de mes premiers
contacts avec le monde de l’entreprise et des organisations, à l’âge de
18 ans quand il s’est agit pour moi de me créer les conditions les plus
optimales pour poursuivre des études comme des milliers d’étudiants de
par le monde. J’ai fait partie de ces étudiants dits « salariés » qui menaient
de front une double vie : étude et salariat. Même si ce mode de vie était
et reste encore très prenant et mobilisateur, il n’en était pas moins extrê-
mement constructif. Entre autres par la manière avec laquelle il pouvait
sculpter une personnalité en venant consolider des sensibilités person-
nelles en attente d’être confortées par l’expérience de la vie.
Cet intérêt personnel envers le thème du leadership s’est accentué
lors de mon parcours et de mes études de psychologue du travail, psy-
chologue social et des organisations. Ce chemin didactique est venu
amplifier mes prises de conscience, entre autres, relatives à l’importance
des dimensions subjectives dans la création de valeur entre humains dans
leurs différentes activités et du rôle très particulier et complexe du leader
de toute communauté humaine. Nous partageons d’ailleurs cela avec
certains animaux : avoir un référent leader, l’alpha, qui peut incarner dif-
férents rôles : biologique, technique, social, économique, politique ; par-
fois tous ces rôles à la fois selon la complexité du système dans lequel
peut agir ce leader et le niveau de conscience de ces membres.
Un parcours de plus de vingt-cinq ans en tant que consultant, psy-
chologue social accompagnateur de projets de mutations d’organisations
et coach de dirigeants, m’a donné en outre l’extraordinaire opportunité
d’être aux premières loges d’expériences d’entreprises. J’ai pu observer
des systèmes se faire et se défaire ; des équipes en entreprise accomplir
Introduction 3

des performances business inouïes malgré des compétences individuelles


dans la norme sans plus, et d’autres en revanche, échouer malgré des
capacités individuelles supérieures, voire hors normes. J’ai également pu
surtout observer des leaders réussir, tomber, rebondir, douter, agir, arbi-
trer, inspirer, bref… vivre et être en mouvement.
J’ai pu, à partir de ce poste « d’observation » privilégié et in vivo,
constater qu’à travers la dynamique psychologique et identitaire des lea-
ders, transparaissent toute la complexité et les paradoxes de leur rôle, et
toute l’ambiguïté qui entoure leur posture, quel que soit le secteur dans
lequel ils agissent.
J’ai pu également mesurer toute la solitude que ces leaders peuvent
vivre dès qu’ils incarnent ce rôle et comment certains peuvent se révéler
à eux-mêmes et à leur environnement à travers leur rôle et ce malgré
des pronostics défavorables au départ. D’autres parmi eux au contraire
se sont embourbés et enfermés dans des rôles et postures qui les ont
éloignés tellement d’eux-mêmes, de leurs valeurs, de leur sensibilité et
sens, par manque de repères qu’ils en sont arrivés parfois à perdre leur
boussole identitaire et psychologique intérieure.
Avec l’évocation de ces quelques repères relatifs à mon propre par-
cours, je souhaitais attirer l’attention autour du prisme avec lequel chacun
d’entre nous peut commenter sa réalité personnelle ou professionnelle
à travers son histoire, son parcours, son contexte du moment, ses inten-
tions et sa culture. Ces éléments précédents sont quelques constituants
de mon propre prisme.
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les idées, les suggestions, les affirmations, certaines convictions


et également quelques faits et témoignages partagés dans cet ouvrage
n’échapperont pas, je ne le souhaite pas d’ailleurs, à la loi du prisme :
cette perception subjective que nous avons de notre réalité intérieure et
extérieure. Cette loi est créatrice de distorsions et de subjectivité dans
les dialogues et les interactions humaines y compris dans les disciplines
dites de sciences dures. C’est grâce d’ailleurs à ces distorsions que l’envie
de dialoguer, de confronter ou se confronter à travers les idées, les écrits
ou les paroles, est toujours aussi vivace chez les humains et ne disparaîtra
qu’avec l’extinction de notre espèce.
J’ai rédigé à travers mon prisme. J’espère qu’il saura dialoguer avec
le vôtre à travers les mots, les concepts, les exemples, les phrases, les
4 Développez votre leadership relationnel

­ étaphores, les suggestions, les expériences différentes et les idées expo-


m
sées. J’ai le souhait également que ce dialogue indirect se fasse également
à travers un inconscient collectif que nous partageons quelles que soient
nos différences culturelles, professionnelles et personnelles.
Dans ce livre je m’appuie sur l’idée que la gestion de l’hyper
­complexité à laquelle est confrontée un leader peut être abordée par une
dynamique et des compétences relationnelles disponibles et à développer
chez chacun en charge d’une mission de leadership.
Les parties du livre qui vont suivre vont mettre le focus sur les trois
relations essentielles sur lesquelles s’appuie un leader pour gérer son
champ relationnel : relation aux équipes dont il a la charge, relation aux
organisations et systèmes dans lesquelles il est acteur et enfin relation
à lui-même. L’ensemble forme son « champ relationnel ». Ce champ
constitue un véritable levier d’action et de mouvement. Il peut être opti-
misé à partir de l’instant où le leader est conscient de ce champ, de ses
articulations multiples et de son exploitation.
Ce champ relationnel n’est pas seulement une conceptualisation ou
une métaphore de psychologues, mais une véritable réalité humaine et
sociale qui reflète un besoin primal des humains, celui du lien. Diffé-
rentes approches psychologiques ont tenté de lui donner corps par une
foultitude de tests, d’assessment et autres outils de mesure avec plus ou
moins de pertinence.
Une des approches les plus puissantes ayant atteint ce but est la Pro-
cess Communication Model (PCM). Par sa dynamique, son articulation,
sa philosophie relationnelle de base, sa simplicité d’utilisation ainsi que
sa profondeur théorique, elle a su formaliser ce champ relationnel si pré-
cieux pour chacun d’entre nous.
Ce modèle a été conçu et développé par Taibi Kahler à la fin des
années 1970 et a connu depuis, une utilisation dans différents secteurs
d’activité au-delà du cadre de l’entreprise : santé, éducation, politique,
thérapie…
Cette approche permet d’identifier son propre « patrimoine rela-
tionnel », de l’entretenir, d’en optimiser l’utilisation, de le renforcer par
une articulation dynamique et vivante des outils qui le constituent. Elle
permet également de donner du sens et de la clarté à cet espace invi-
sible, intersubjectif et alchimique que représente la relation entre deux
Introduction 5

êtres. L’approche PCM peut s’avérer être une vraie boussole intérieure
et relationnelle, puissante dans la gestion de soi en tant que leader rela-
tionnel et dans l’adaptation à cet environnement labile. Toute une partie
de l’ouvrage y sera consacrée afin d’en décrire les grandes lignes et les
aspects conceptuels et opérationnels dans l’exercice du leadership.
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Partie

I NOTRE MONDE EST


ET SERA D’ABORD
RELATIONNEL…
LE LEADERSHIP AUSSI

La transformation permanente est devenue la norme…


Adieu stabilité et contrôle

« La complexité des choses est égale à la simplicité


de celui qui l’observe… »

Bernard Laurent

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1
ÊTRE LEADER
DANS UN MONDE HYPERCOMPLEXE

DEUX POSTULATS AUX SOURCES


DU LEADERSHIP RELATIONNEL

Deux postulats initiaux serviront de cadre à l’ouvrage et nous accompa-


gnerons tout au long des chapitres.
Le premier repère et postulat est celui du titre du livre : un leader­
ship relationnel. Le mot relation va revenir régulièrement à travers les
chapitres, illustrant ainsi le rôle déterminant du stabilisateur qu’est le
leader à travers son intelligence relationnelle plus qu’à travers tout autre
compétence sans pour autant les exclure mais au contraire les intégrer
dans une forme de capacité globale et de synthèse. Le leader fera la
différence en prenant conscience de la prépondérance de notre réalité
relationnelle et de l’importance fondamentale de cette dimension dans
l’équilibre de chacun d’entre nous et dans la création de valeur, dès qu’il
s’agit d’activités collectives professionnelles.
Le deuxième repère est celui de la définition même du mot leader.
Je faisais le constat en début d’introduction que le leadership était
le reflet de son temps et du contexte épistémologique. Durant les
50 dernières années, différentes formes de leadership ont été étudiées
et mises en lumière sur cette base, disparaissant au gré des évolutions,
des découvertes, ou s’intégrant les unes aux autres pour proposer des
synthèses plus ou moins puissantes selon leur porteur et leur profon-
deur conceptuelle. Ces différentes recherches ont abordé le domaine
10 Développez votre leadership relationnel

du leadership et des organisations par l’angle de la catégorisation et


des typologies.
Quelques-unes de ses recherches marquantes et connues ont été celles de
Hersey et Blanchard, dans les années 1970, avec leur fameuse catégorisation
des styles de leadership (directif, participatif, persuasif, délégatif) ainsi que le
management situationnel. Ou encore celles du Canadien Henry Mintzberg
et ses études sur les différentes organisations sur lesquelles je reviendrai plus
tard. Le consultant et chercheur Jim Collins également au tout début de
ce siècle, dans deux ouvrages, Built to last (1994) et Good to great (2001), est
parti à la recherche de « l’ADN » des compagnies qui durent et des leaders
qui les aident à cela, leur attribuant le titre de leader de 5e type.
Avec l’évolution quasi supersonique que connaît notre environne-
ment, d’autres tendances et analyses de notre contexte organisationnel
émergent. Leur ambition est de s’inscrire dans une forme de rupture, en
mettant en avant d’autres catégories d’organisations et de leadership, plus
en phase avec les ruptures de paradigmes que nous vivons. Le concept
des entreprises dites « libérées » en font partie. Isaac Getz en a été l’un
des promoteurs dans son livre Liberté & Cie (2011). Libérées du joug
du reporting, libérées des contraintes procédurales, libérées des organi-
grammes figés, libérées d’un leadership et d’un management qui peuvent
s’avérer être castrateurs par rapport à un potentiel de création de valeur
élevée… Bref entreprises libérées d’un paradigme organisationnel appar-
tenant au siècle dernier. Siècle dernier qui a dit au revoir à un modèle
économique qui, s’il n’est pas en train de disparaître, au moins se reconfi-
gure de manière intense par son « Ubérisation » ou son « Rb&bisation ».
Plus proche de nous encore dans cette logique de rupture « paradig-
male », Frédéric Laloux, ex consultant de la firme de consulting Mc Kinsey,
a de son côté effectué un travail pointu dans son ouvrage Reiventing Orga-
nizations (2014), en s’appuyant sur certaines entreprises qui appliquent les
préceptes des entreprises dites « libérées ». F. Laloux a théorisé un modèle
pédagogiquement rigoureux et en a fait certaines extrapolations relatives
aux différents types d’organisation et du rôle du leader dirigeant dedans.
Ce type de modèle « libérateur » et séduisant n’échappe pas à la loi
évoquée lors de la partie introductive du livre, celle du prisme. Le prisme
de ceux qui portent et incarnent ces modèles au vu de leurs expériences
et idées.
Être leader dans un monde hypercomplexe 11

Ce modèle est il le reflet d’un modèle et paradigme économique


libéral ou plutôt celui d’une étude organisationnelle pointue servant
l’optimisation des organisations complexes et hyper modernes ? Peut être
un peu des deux.
Je peux continuer à citer les références, les études et les recherches,
toutes aussi pertinentes et inspirantes. Plusieurs tomes ne suffiraient pas
à les répertorier.
Une question reste toutefois au centre de ma réflexion et la guide au
gré de mes recherches et interventions en entreprise. C’est la question de
la constante. Un peu comme les constantes de certaines lois de la phy-
sique : celle de la gravité, de la vitesse de la lumière… Tenant compte de
toute période historique, de toute tendance conceptuelle et sensibilité
personnelle, existe-t‑il une constante, une règle de leadership qui puisse
transcender les époques, les modes, les tendances ?
Le leadership ressemble à une « fraction » avec un dénominateur commun
à toute période et un numérateur spécifique, lui, aux périodes et généra-
tions. Ce dénominateur commun est lié à la finalité même du leadership, sa
raison d’être, sa vocation, qui est celle « d’influencer » son environnement.
Le leadership peut être alors défini comme étant l’art de l’influence.
Ce mot peut paraître très connoté et méritera un traitement particulier
que j’aborderai dans les chapitres qui vont suivre et qui feront la distinc-
tion entre l’influence gagnante et l’influence perdante.
La différence de pratique du leadership selon les périodes historiques,
selon les cultures et les personnes, réside au niveau du numérateur de
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cette « fraction » du leadership, qui est liée à la forme avec laquelle ce


leadership est exercé.
Pour résumer, la fraction du leadership consiste à avoir une forme ou
un type de leadership en numérateur, sur une finalité constante qui en
est le dénominateur et qui est celle de l’influence :
Norme de leadership dominante
Finalité constante du leadership : Influence

La forme du leadership est donc le reflet de son temps, de son contexte


et des recherches et croisements que connaissent les différentes sciences
qui peuvent servir de miradors au leadership d’un point de vue conceptuel
12 Développez votre leadership relationnel

et technique (science du management, psychosociologie des organisations,


stratégie, prospectives, neurosciences, économie, politique…).
Quels sont ces fameux indicateurs annonciateurs d’un changement
de cap dans un environnement ?
Dans ce cadre, le prospectiviste et consultant Jeremy Rifkin, dans son
ouvrage de synthèse Une nouvelle conscience pour un monde en crise : vers une civi-
lisation de l’empathie (2012), a identifié deux grandes dimensions qui condi-
tionnent des changements de paradigme dans notre monde contemporain.
Un critère énergétique et un critère informationnel.
La combinaison de ces deux critères a toujours créé des ruptures
dans les deux derniers siècles (Charbon/Électricité/Pétrole/Téléphone/
Informatique/internet)
A notre époque au 21em siècle nous sommes en plein développement
des énergies renouvelables maillées avec les réseaux sociaux et la digitali-
sation de l’économie. Cette combinaison énergétique-informationnelle
est facilités par les immenses possibilités technologiques qu’offrent
aujourd’hui les big data. La combinaison de ces deux révolutions, plus
qu’en marche un peu partout dans le monde, façonne une civilisation,
un monde, une société, une nation, des communautés et des personnes
et leur mode d’interaction et de vie.
L’acronyme NBIC, de plus en plus repris dans les publications spécia-
lisées et généralistes, résume à lui seul les grandes tendances qui sont en
train de s’affirmer et de se dessiner dans notre monde. Nanotechno­logies,
Biotechnologies, Informatique avec les big data ainsi que les sciences
Cognitives, avec l’intelligence artificielle.
Ce sont les quatre domaines en train de révolutionner notre environ-
nement et de changer profondément les repères de notre réalité ainsi que
notre contexte de vie.
Ces grandes tendances sociétales, philosophiques et scientifiques ont
commencé à façonner les différentes organisations professionnelles ainsi
que leur leadership et à en conditionner les formes, le style, la culture
et les contours comme nous allons également le voir dans les chapitres
relatifs aux organisations et leaders de 5e fréquence.
Différentes formes de leadership ont émergé à travers les temps dans
les organisations. Ces formes ont été le reflet de leur contexte global, de
Être leader dans un monde hypercomplexe 13

la conception du rôle de leader, des formes d’organisations dominantes


à chaque époque : leadership par le savoir technique, leadership par la
stratégie, par la vision, leadership humaniste…
Ces différentes sensibilités de leadership se sont développées sans for-
cément s’exclure, se sont additionnées, articulées, pour aujourd’hui offrir
un panel complexe de possibilités et de regards.

Le courant de la relation
Depuis une dizaine d’année déjà un nouveau souffle discret en apparence,
d’un autre genre, perce et émerge de manière de plus en plus forte dans
différentes sciences, même si son écho reste à ce stade peu amplifié par rap-
port à sa puissance intérieure. Ce courant de la relation ne s’est pas déclaré
comme tel, mais la tentation est grande de l’officialiser en le conceptualisant.
À défaut de courant officiel, parlons alors de tendance et scrutons les
toutes prochaines années afin d’en évaluer l’impact.
Ce courant rassemble autour de lui différentes disciplines allant des
neurosciences, de la biologie à l’économie, en passant par la psychologie
sociale cognitive, la sociologie…
Ces différentes disciplines mettent la dimension relation au cœur
du sens que donne un être humain à sa propre finalité existentielle et
constitue donc une motivation première : celle d’être en relation. De fait,
toute activité humaine, quel que soit son degré de sophistication, n’a
alors qu’une finalité, créer du lien, même dans le combat et l’adversité.
Comment peut-il en être autrement dans l’exercice du leadership ?
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Aujourd’hui dans les organisations hypercomplexes où évoluent les


leaders et les personnes d’influence, les formes de leadership citées plus
haut (leadership par le savoir, par le process, par la maîtrise stratégique,
par la personnalité ou par la vision) sont d’une grande utilité. Elles ont en
même temps besoin d’être synchronisées avec la tendance « civilisation-
nelle » qui émerge, celle de la relation, pour en faire leur nouveau centre
de gravité et donc d’influence.
L’hypercomplexité des organisations implique, comme nous allons
l’aborder, l’abandon progressif d’un « leadership dominant » par autorité
administrative pouvant dévitaliser une organisation aux cycles de trans-
formation courts, au profit d’un « leadership d’influence ».
14 Développez votre leadership relationnel

Cette hypercomplexité des organisations, due à une interdépendance


intense avec l’environnement, implique des organisations plus collabo-
ratives en interne et des formes de leaderships pour les guider extrême-
ment agiles et labiles. Cette hypercomplexité implique également des
leaders dotés d’une conscience acérée d’eux-mêmes et de leur environ-
nement. Et surtout des leaders sensibles à l’importance de la création de
valeur à travers le management des interactions et des relations de leur
environnement, afin de pouvoir en extraire les équations relationnelles
et d’influence, qui permettent d’activer cette culture collaborative en
interne : des leaders d’influence par les relations.

DES ORGANISATIONS EN TRANSFORMATION PERMANENTE

J’ai choisi d’aborder le sujet de la relation à travers le regard du leadership


dans le cadre des organisations. Ceci ne nous empêchera pas ensemble
durant les pages du livre d’élargir à d’autres champs ou secteurs si cela
paraît pertinent. Même si je reste convaincu que le monde de l’entreprise
accueille en son sein l’essentiel des dimensions constituant des systèmes
humains quelle que soit leur nature (politique, éducative, santé, justice…).
Les entreprises ont connu des évolutions et révolutions extraordinai-
rement dynamiques au cours des 30 dernières années, en particulier les
10 dernières.
Le foisonnement d’études et d’ouvrages produits en témoigne. Ces
ouvrages d’obédience analytique tentent de décrire les contours, les
caractéristiques, les constituants des entreprises pour mieux en appré-
hender les équilibres.
D’autres, par leurs approches, ont un regard plus explicatif en tentant
d’identifier des lois, d’extrapoler des modèles et des règles qui font et
défont les entreprises. À travers ces lois, l’intention est d’identifier les
raisons de succès et d’échecs dans le domaine des organisations et d’ac-
céder ainsi, peut-être, au Graal de la formule magique de la « pérennité »
des organisations, qui permet l’adaptation au mouvement erratique de
l’environnement externe.
Ce qui est récurrent depuis les 15 dernières années quel que soit
le regard (analytique ou explicatif), est l’accélération intensive de la
Être leader dans un monde hypercomplexe 15

« complexité » des organisations type entreprises. On en est aujourd’hui


à parler « d’hypercomplexité ».
Sans pour autant vouloir ouvrir un chapitre spécifique sur la comple­
xité, son histoire, son étymologie, les études qui y ont été consacrées, il
est important de nous arrêter quelques instants sur ce mot-concept qui
réapparaîtra souvent durant ce livre.
Vous avez dit complexité ?
Étymologiquement, ce mot-concept signifie « tisser entre ». Défini-
tion qui induit le fait que l’articulation de l’ensemble des composants
d’un tout aboutit à un résultat différent de l’addition de l’ensemble des
éléments. La complexité n’est donc pas simplement l’addition de l’en-
semble des parties qui la constituent.
Cette notion a été développée et enrichie par le prolifique sociologue
et philosophe Edgar Morin (Science et conscience, 1982) pour décrire la
dynamique des organismes vivants qui se transforment afin de s’adapter
à leur environnement.
Une organisation de type entreprise professionnelle est un organisme
vivant qui évolue dans un environnement dynamique et évolutif. Cette
combinaison crée de l’interdépendance forte et rend impossible l’iden-
tification de toutes les combinaisons relationnelles possibles. Tout ceci
rend la « prédictivité » très relative et réduite.

LES 4 DÉTERMINANTS OPÉRATIONNELS


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DE LA COMPLEXITÉ DANS UNE ORGANISATION

Intéressé par ce mot-concept de complexité essentiellement dans le


monde de l’entreprise1, j’ai tout au long de ma pratique professionnelle
de consultant, coach et psychologue des organisations, guetté les prin-
cipaux critères qui conditionnent l’intensité de la complexité dans les
organisations de type entreprise.
Quatre dimensions se distinguent systématiquement
•• La forme des processus internes d’une entreprise (organisation, orga-
nigramme, process de production, mode de circulation de l’information,

1. Ce paragraphe est inspiré des travaux de E. Morin.


16 Développez votre leadership relationnel

politique de remontée et de traitement de l’information, mode de gou-


vernance, l’interaction et imbrication des process entre eux…).
•• Le type de produit de l’entreprise et la dépendance de sa produc-
tion des fournisseurs externes, la volatilité du produit ou sa disponibi-
lité (technologie intégrée en totalité ou en partie).
•• Le secteur d’activité et son importance dans son écosystème. Être
présent dans les cosmétiques n’aura pas le même poids que d’être pré-
sent dans le secteur des médias ou de l’énergie avec ce que ces secteurs
représentent en termes d’impact social et politique en dehors de leurs
dimensions économiques. Ce critère, selon les continents et les pays
dans lesquels les entreprises siègent, pèse plus ou moins lourd selon les
modèles politiques en vigueur.
•• Le poids financier et social de l’entreprise. Toute entreprise est
contributrice financièrement et socialement dans son environnement
les emplois qu’elle crée. Son poids au niveau de ces deux éléments la
rend paradoxalement puissante et en même temps la fragilise par le fait
qu’elle échappe aux règles strictement économiques, commerciales ou
techniques. Cette entreprise devient, malgré elle, un acteur social et
politique également. Quelque part à partir d’une certaine taille, elle ne
s’appartient plus tout à fait puisqu’elle contribue à façonner plus ou
moins durablement son environnement.

Organisation/ Poids social/


Culture interne politique

Degrés
de complexité

Produit/
Poids financier
Technologie/Secteur

Les degrés de complexité


Être leader dans un monde hypercomplexe 17

Le croisement dynamique de ces quatre critères implique une trans-


versalité relationnelle de tous les instants, interne (au sein de l’entreprise)
et externe (avec l’environnement) afin que les acteurs dans ces entre-
prises puissent créer de la valeur.
La dynamique interdépendante de ces quatre dimensions s’étant accé-
lérée au rythme de notre temps virtuel, informationnel et numérique,
nous ne sommes donc plus à l’ère des organisations complexes mais
hypercomplexes. Une sorte de complexité de deuxième génération où
la complexité n’est plus un spectre à agiter ou une donnée à fuir, mais
une évidence à intégrer dans l’équation de la gestion des organisations.
Cette hypercomplexité se caractérise non pas tant par le nombre
d’éléments qui construisent la réalité de l’entreprise et des leaders. Elle
se caractérise par les possibilités d’interaction exponentielles et imprévi-
sibles qui font qu’aucun individu, ni aucun système organisationnel, ne
peuvent appréhender cognitivement, culturellement, émotionnellement
ou techniquement l’ensemble des options émergentes de ces interactions,
quel que soit leur niveau de maturité, d’expérience ou de compétence.

LES 5 FRÉQUENCES DU LEADER RELATIONNEL

Appréhender une réalité hypercomplexe d’entreprise, caractérisée par la


richesse et la densité de la connexion des 4 dimensions vues ci-dessus,
implique un regard, une attitude et une posture spécifiques des leaders
qui pilotent la destinée des organisations. Cette posture permet de ne
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pas voir la réalité des organisations uniquement à travers le prisme de la


réalité des éléments qui la constituent, mais à travers les liens qui unissent
ces éléments et qui en font un tout articulé, dynamique, une forme de
regard « holistique », global et donc relationnel.
Plus la complexité est intense et élevée, plus elle implique de la part
du leader une réponse « intelligente ». L’intelligence pouvant être définie
comme étant la capacité d’un organisme vivant à s’adapter à son envi-
ronnement en utilisant les ressources adaptées.
Nous pouvons supposer qu’une des réponses « intelligentes » des lea-
ders, dans le cadre de l’exercice de leur responsabilité, réside dans l’intérêt
stratégique qu’ils portent aux interactions des éléments qui constituent
18 Développez votre leadership relationnel

leurs systèmes et à leurs impacts déterminants dans la performance glo-


bale d’une entreprise.
Le mot clé est le lien.
Liens entre les acteurs de leurs entreprises, liens entre les différents
process mis en place en interne, liens avec leur écosystème, liens entre
les différents niveaux hiérarchiques, liens entre les différents métiers
qui constituent leur organisation, liens entre les différentes entités de
l’organisation… Ces différents liens articulés, forment la réalité sociale,
économique, humaine, politique, juridique et organisationnelle d’une
entreprise et définissent son identité et sa culture. C’est ce que j’appelle le
« champ relationnel spécifique » (CRS) d’une entreprise ou d’un système.
Ce « champ relationnel » des organisations est l’articulation complexe
et dynamique des liens formels et informels qui se construisent dans une
organisation, par les individus, entre les individus et les groupes, en rela-
tion avec les process, en vue d’établir les contours d’une culture et d’un
système stable et durable.
Le monde de l’entreprise est un des espaces reflets d’un environne-
ment fait de liens virtuels et réels, interdépendants. Cette interdépen-
dance exacerbée est créatrice de liens à l’infini, d’aléas et donc génératrice
d’incertitude et de complexité.
Plus le niveau de complexité se densifie, plus l’acteur-leader a la
nécessité d’accéder à un niveau de conscience différent, fin et subtil, afin
d’intégrer la nouvelle dynamique complexe de sa réalité de leader et des
responsabilités qui lui incombent.
Afin d’avoir la conscience la plus globale et en même temps la plus fine
possible de notre réalité hypercomplexe, accéder par une seule fréquence
à cette réalité dense serait extrêmement réducteur voire dangereux, quand
on exerce des responsabilités de leader responsable dans des organisations.
Cette conscience globale est une forme de perception et d’appréhen-
sion de soi et de l’environnement de manière plus ou moins dynamique
et fine. L’accès à la réalité à travers cette conscience peut être plus ou
moins facilitée selon la capacité des leaders à déployer et utiliser leur
potentiel relationnel afin d’appréhender leur environnement.
Le modèle de leadership LF5 (leader fréquence 5) que je propose dans
cet ouvrage est une forme de conscience multi-lentilles qui contribue à
accéder à la réalité intérieure et extérieure de manière plus agile et adaptée.
Être leader dans un monde hypercomplexe 19

Les cinq fréquences proposées dans le modèle LF5 agissent comme


des sensibilités qui permettent de traiter la réalité selon son degré de
complexité. Un peu comme un spectre de couleurs qui varie selon les
circonstances et le défi proposé par l’environnement extérieur. L’articu-
lation de ces cinq fréquences entre elles dans une dynamique interdépen-
dante permet de « pixéliser » le regard du leader sur sa réalité intérieure et
extérieure et de s’y adapter au mieux.
L’accès à ces fréquences ainsi que leur exploitation sont possibles en en
prenant conscience et en les entretenant. Ces fréquences agissent comme
différentes formes d’intelligences que nous activons au gré des contextes
extérieurs. Elles permettent de sortir du diktat de l’intelligence « ration-
nelle » dominante parfois dans le mindset de l’exercice du leadership dans
les organisations, comme voie unique de la réussite.
Différentes études et théories de spécialistes ont franchi le pas et ont
rompu avec une vision exclusivement rationnelle de l’intelligence. Le
psychologue Howard Gardner a été l’un des premiers à le faire avec
Frame of mind : the theory of multiple intelligences dans les années 80 en déve-
loppant sa théorie des multi-intelligences (au moins 8) qui, combinées,
permettraient une meilleure exploitation de son potentiel intérieur et
donc une meilleure interaction avec son environnement.
Exercer un leadership dans un contexte hypercomplexe, signifie un
regard subtil, fin, paradoxal et dynamique qui exclut l’utilisation d’une
fréquence unique, aussi pointue qu’elle puisse être et qui priverait toute
personne d’un pan plus large de la réalité qui l’entoure.
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Fréquence 1 Fréquence 2 Fréquence 3 Fréquence 4 Fréquence 5


Leader Leader process Leader stratège Leader visionnaire Leader
opérationnel relationnel

Les cinq fréquences du modèle de leadership LF5

•• Fréquence 1 : Leader opérationnel Conscience opérationnelle


•• Fréquence 2 : Leader process Conscience analytique
•• Fréquence 3 : Leader stratège Conscience politique
•• Fréquence 4 : Leader visionnaire Conscience émotionnelle
•• Fréquence 5 : Leader relationnel Conscience relationnelle
20 Développez votre leadership relationnel

LES 5 CONSCIENCES DU LEADER 5e FRÉQUENCE

Activer les cinq niveaux de conscience, les consolider et les maintenir


permettent de penser et d’agir « complexe ». C’est toute la dynamique
du modèle LF5 : pouvoir avoir et activer une nuance de postures agiles
et labiles de leadership sur un fond d’écran hypercomplexe.

Fréquence 1 : Leadership opérationnel (LO) –


Conscience opérationnelle : prisme opérationnel/
logique technique
La posture du leader et l’exercice de sa responsabilité, sa légitimité et son
autorité sont basées sur sa maîtrise technique, l’expérience accumulée
et le métier incarné. Ce leadership a recours à une forme de fréquence
opérationnelle qui implique de s’adapter à l’environnement par les opé-
rations, la technique, le savoir, savoir-faire et l’expérience. L’influence du
leader se fait par ce qu’il représente comme autorité d’expert. Il est et
devient le référent technique. Ce paradigme vous rappelle certainement
une forme de leadership passée voir même décriée : celui du taylorisme,
du fordisme…
Que vient faire cette forme de leadership dans un livre paru au
xxie siècle à propos du leadership ? Mon propos ici n’est pas de tenter
de réhabiliter cette forme de leadership qui a correspondu avec plus ou
moins de bonheur à d’autres formes d’organisations. Il est plutôt de le
vider de sa substance « idéologique » pour en extraire quelques aspects
très pragmatiques et opérationnels qui peuvent s’accommoder de cer-
taines situations de leadership actuelles.
Une partie des clients que j’accompagne en tant que consultant et
coach sont de formation et de culture ingénieur à la base. Beaucoup
d’entre eux ont suivi des formations managériales dans des business
schools pour certaines très réputées durant leur mandat de dirigeants.
Lors de leur parcours, on leur présentait le leadership d’expert comme
une approche dépassée, pour leaders incompétents et « has been ». Ils se
retrouvaient alors coincés culturellement dans leur posture, entre une
tendance naturelle à agir techniquement dans leur zone de confort et
une injonction conceptuelle « estampillée » d’une business school de
Être leader dans un monde hypercomplexe 21

renom, donc détenant une forme de vérité du moment. Résultat : un


ersatz de leadership plus qu’un style adapté.
Dans le modèle LF5 que je propose, l’idée n’est pas d’exclure un
modèle au profit d’un autre sous prétexte d’être en harmonie avec une
théorie du moment dominante qui a la durabilité d’une étoile filante.
Mon propos est plus d’intégrer, d’assimiler et d’utiliser en conscience
la fréquence utile selon le besoin, le contexte et les acteurs, tant que cela
ne se fait pas au détriment des autres acteurs et se fait dans le cadre d’une
action et d’une posture « complexes », c’est-à-dire dynamiques et adap-
tées aux réalités du moment.
La fréquence 1 peut être l’incarnation par un leader d’un savoir
transmis, d’une autorité technique incarnée avec du sens, d’une péda-
gogie noble du technique, qui inspire les autres et les aide à se mobiliser
techniquement autour de leurs tâches respectives.

Fréquence 2 : Leadership process (LP) –


Conscience analytique : prisme process/logique
de conformité
La posture du leader dans cette fréquence s’exerce à travers la gestion
et l’analyse des moyens mis à sa disposition et des process en vigueur
dans l’environnement professionnel où il exerce. L’énergie du leader est
orientée vers l’optimisation de ces processus. Reporting, mode de gou-
vernance, process financiers, industriels, administratifs, systèmes d’infor-
mations… en sont des exemples courants.
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La complexité des organisations à travers les 4 critères abordés précé-


demment (poids financier/poids social/technologie et process/produit),
amène ces mêmes entreprises à mettre en place des process de plus en
plus puissants et dynamiques afin de faire face à cette complexité.
Paradoxalement, la spécificité de ces mêmes process dont la ­finalité
explicite est de créer de la fluidité et de réduire le niveau de c­ omplexité,
va en amplifier l’impact. Le meilleur exemple réside dans ces systèmes
informatiques intégrés que sont les ERP (Enterprise Resource Plan-
ning : planification des ressources des entreprises) qui ont comme but
­d’optimiser les process de création de valeur d’une entreprise. Ces sys-
tèmes ERP sont tellement structurés et compliqués à déployer dans une
22 Développez votre leadership relationnel

organisation qu’il faut souvent plusieurs années pour les installer afin
qu’ils se stabilisent dans leur environnement. Cela ressemble souvent à
une greffe externe qui vient s’implanter dans un corps avec tout ce que
cela implique comme adaptation mutuelle à opérer.
D’autres process moins lourds que les ERP existent dans les entre-
prises. Ces dernières investissent fortement dans ces process en faisant
le pari de la structuration rapide par des process standards qui sont sous
contrôle. L’enjeu est alors celui de la pérennité et de la récurrence. Ceci
est a priori juste si on se réfère à l’étude faite par Jim Collins dans son
ouvrage Built to Last cité précédemment. En effet parmi les dimensions
qui contribuent fortement à la pérennité des entreprises, existe celle de la
capacité des organisations à tourner comme « des horloges » dues surtout
à l’adaptation et la puissance de leurs process internes.
Tout l’art du leader process (fréquence 2) est d’utiliser les diffé-
rents process sur la base de deux principes afin d’optimiser la « greffe
organisationnelle »
•• Principe 1 : « Le process comme moyen ». Le process n’est pas une
finalité en soi, quelles que soient sa spécificité et sa puissance. Un pro-
cessus a un seul but, celui de contribuer à produire au bout quelque
chose de matériel (produit) et d’immatériel (des liens) qui le dépasse.
Le process sait s’effacer au profit de quelque chose de plus important
et plus grand que lui.
•• Principe 2 : « Sustainable process ». Déployer les process de manière
« écologique » en tenant compte de la culture de l’organisation, par
notamment de la pédagogie avant et pendant le déploiement du pro-
cess ainsi que son utilisation au quotidien. Le niveau de densité du
process ainsi que sa complexité aboutissent parfois à des évolutions,
voire des bouleversements culturels dans les organisations dus aux
changements opérationnels et comportementaux qui en résultent.
D’ou la nécessité d’anticiper d’accompagner afin de faire émerger
et expliciter le sens des changements en cours et de se servir de ce
contexte comme une véritable opportunité de mobilisation collec-
tive et synchronisée.
Les cas d’accidents industriels dus à des manques de préparation de
déploiement de process, sont assez nombreux dans le monde de l’en-
Être leader dans un monde hypercomplexe 23

treprise pour nous rappeler l’importance de cette posture de leadership.


Le leader Process dans ce type de contexte est le premier porteur de la
notion de norme.

Fréquence 3 : Leadership stratégique (LST) –


Conscience politique/logique opportuniste positive
Stratégie ? « Un ensemble de tactiques, de mesures et de moyens mis
en œuvre afin d’atteindre un but donné.» Cette définition m’aide à
­comprendre ce mot concept tellement général qu’il en devient dilué.
Par stratégie dans ce paragraphe, je souhaite mettre en avant l’impor-
tance de la dimension et de la fréquence politique du leader nécessaire
à l’exercice du leadership et à l’influence positive. Le terme politique ici
reflète la capacité du leader à manœuvrer et anticiper les chemins et les
leviers à activer selon ses objectifs afin de s’adapter à son contexte.
Une organisation est une forme d’OVNI : organisation vivante non
identifiée. Oui, non identifiée, malgré toutes les modélisations organisa-
tionnelles proposées ici et là par les experts. Sa transformation et mouve-
ment perpétuels en font une entité complexe et lui confère le statut de
Vivant donc de non appréhendable en totalité.
Comme nous l’avons vu, la coexistence dans une organisation entre
process, histoire, individus, culture, projets, hiérarchies, stratégies… en
fait une entité qui peut être décrite par moult qualificatifs sauf celui
d’exclusivement rationnelle.
La dynamique et l’articulation de l’ensemble des dimensions cité
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au sein de la même organisation fait l’unicité de chaque organisation à


l’instar des êtres humains et de leur empreinte digitale et cognitive spéci-
fiques. C’est précisément cela qui introduit une dose forte de subjectivité
dans les organisations professionnelles.
Le grand paradoxe des organisations professionnelles s’illustre par la
favorisation académique et professionnelle des institutions (business
schools entre autres) d’un leadership basé sur des dimensions rationnelles
en grande partie. Pour être tout à fait objectif, il est à noter que, depuis
quelques années, nous remarquons un net intérêt de ces mêmes acadé-
mies envers des disciplines décriées auparavant (intelligence émotionnelle,
coaching, développement personnel…). Le hic est que ces disciplines sont
24 Développez votre leadership relationnel

abordées comme des « savoirs » à intégrer comme le seraient l’économie,


la finance, le marketing, la logistique ou autre discipline dans la panoplie
des matières supposées maîtrisées par un dirigeant leader.
Être leader est, à un certain niveau, une question de posture et non
de savoir technique ingurgité. Qu’est-il attendu d’un leader si ce n’est
aussi de s’insinuer dans les nuances de l’organisation qu’il pilote pour en
comprendre la dynamique, la tendance et d’agir en conséquence ?
S’insinuer dans les nuances signifie comprendre la dimension poli-
tique d’une organisation, les jeux de pouvoir et d’influence qui s’y
exercent, la dynamique des équilibres qui permet à une organisation
d’être pérenne. C’est une forme de « zone grise » qui n’est décrite dans
aucun manuel, ni enseigné dans aucune business school, mais acquise sur
le terrain par la confrontation ardue et brutale à la réalité subjective et à
ses conséquences non prévisibles.
Avancer en tant que leader avec rationalité, avec logique, avec confor-
mité…, est-ce suffisant pour appréhender une organisation vivante ?
Jusqu’à un certain niveau oui, c’est même nécessaire et obligatoire pour
aborder des aspects de la réalité organisationnelle. Avoir une approche
dynamique de cette organisation pour un leader implique également une
approche tactique qui implique de mettre le focus également sur les jeux
et les codes implicites et qui font également l’équilibre de toute organi-
sation, aussi structurée qu’elle puisse être. Quelle que soit la volonté d’un
leader et son influence au sein d’un système, aucune organisation sous
son leadership ne peut tout modéliser. Il restera toujours une part d’im-
plicite qui est celle de l’imprévisible et de l’incertain (un comportement,
une posture, des réactions, une perception…).
Certains contextes professionnels sont plus propices que d’autres à
cette fréquence tactique et stratégique.
Le contexte des conflits sociaux par exemple. Dans cet envi-
ronnement, l’évaluation des équilibres globaux implique d’analyser les
différents niveaux d’influence en présence et rapports de force et de
basculer en mode « jeu d’échec » pour décoder au mieux une partie dont
l’issue n’est jamais vraiment écrite à l’avance.
Ou encore, le cas des arbitrages transversaux : dans une organi-
sation cohabitent différentes cultures de métier (les financiers, les com-
merciaux, les industriels, les supports…). Un jeu d’influence implicite
Être leader dans un monde hypercomplexe 25

s’installe dans toute entreprise entre ces différents regards, tous indivi-
duellement très pertinents.
Le rôle stratégique et tactique du leader consiste à évaluer les différents
équilibres et à maintenir « à flot » la dynamique de l’ensemble en favori-
sant certains métiers au détriment d’autres au gré des enjeux et contextes
du moment. Son rôle consiste également à évaluer les enjeux propres au
dirigeant lui-même (besoin de résultats financiers plus pimpants, de pro-
duits avec une qualité plus développée afin de séduire un éventuel nouvel
actionnaire, signaux sociaux forts aux syndicats, rapports de force au sein
du conseil d’administration et jeux d’influence des actionnaires…).
Peser, calculer, anticiper, évaluer, comparer, supposer, s’allier…, cette
fréquence F3 stratégique est une éternelle danse avec une réalité hyper
mouvante et des données enchevêtrées et paradoxales.
C’est une posture alchimique très subtile, un mélange de règles légales
externes, mais également de principes et valeurs morales personnelles.
L’ensemble conditionne la posture du leader, ses choix, ses décisions, ses
arbitrages, ses alliances et les conséquences qui vont avec. Cette forme de
conscience de la part du leader mêle analyse des données, leur mise en pers-
pective, leur évaluation et hiérarchisation, c’est la posture du leader stratège.

Fréquence 4 : Leadership de sens (LS) –


Conscience émotionnelle

La préparation d’un discours dans une situation tendue


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Dans l’une des séances de travail en coaching avec une de mes clientes
(présidente d’une institution de service en grande difficulté depuis
12 mois environ suite à des restructurations), nous échangions à propos
de sa prochaine intervention devant ses cadres lors du workshop annuel.
Nous avions l’habitude depuis quelques années de travailler ses interven-
tions ensemble sur la base d’un questionnaire. Cet exercice de coaching
est censé activer chez ma cliente sa créativité et aller la chercher et l’inter-
peller dans des zones qu’elle a peu l’occasion d’investir afin de donner de
la profondeur au dialogue qu’elle s’apprête à avoir avec ses collaborateurs.
L’une des questions la mettait fictivement face à un leader référent pour
elle, en l’occurrence Jack Welsh, célèbre ex-dirigeant CEO de General
Electric. Lors de cette séance de dialogue fictif, elle devait expliquer en
quelques mots et phrases à J. Welsh ce qu’est un leader et son rôle dans
une organisation selon elle. Nous nous sommes appuyés elle et moi sur ce
26 Développez votre leadership relationnel

dialogue fictif et avons extrait des mots clés, des phrases, des intentions
qui sont devenus les repères et contours de son futur discours. La suite de
l’exercice a consisté à ce que ma cliente rédige seule, son discours dans
une forme d’introspection et d’appropriation des mots.
Lors de notre session de travail suivante, elle m’a lu son discours et m’a
demandé un retour. Je lui ai demandé de ne lui faire le feed-back qu’après
l’avoir entendue prononcer en face de ses collègues, sachant que ce que
j’avais entendu dans une forme de première était déjà de haute tenue.
Ce discours a été prononcé devant 350 collaboratrices et collaborateurs.
J’ai trouvé que ma cliente avait livré un discours clair par la précision de
ses arguments, percutant par l’énergie et la simplicité des phrases, sensible
par l’empathie qu’elle y a mise, profond par la pertinence des images
choisies, direct par l’absence de toute once de démagogie en assumant la
dure et âpre réalité du moment. Son discours a dépassé la factualité des
mots pour se situer au niveau du sens des choses. Elle s’est située à un
niveau aspirationnel en donnant du sens à la réalité actuelle collective du
moment (plan social, restructuration).
Ce fut pour moi, après des années en accompagnement de dirigeants,
l’une des meilleures professions de foi à laquelle j’ai eu à être confronté de
la part d’un leader, assumant et incarnant l’une des postures et métiers les
plus complexes et ingrats qui puissent exister.
En lui faisant mon feed-back je lui ai exprimé mon admiration et lui ai
dit qu’à travers cette posture, elle incarnait un objet de projection positive
nécessaire pour ses collaborateurs et un puissant levier d’adhésion à tout
projet de transformation d’entreprise. Elle m’a répondu dans une forme
d’évidence pour elle que s’étant adressé à Jacques Welch même fictive-
ment, elle s’était sentie inspirée par ce grand dirigeant qui pour elle, était
également un objet de projection positive.

Activer ce qui fait sens chez les personnes, faire prendre de la hau-
teur, intégrer systématiquement la notion d’enjeu dans toute situation
professionnelle font partie de la dimension « aspirationnelle ». Ceci aide
les groupes professionnels à transcender l’opérationnel et parfois à le
sublimer. Il n’existe pas de « boîte du sens » nichée quelque part, mais ce
sens se crée, s’invente, se conceptualise, se rêve…
Accéder à ce niveau de conscience, celui de l’émotion (fréquence 4)
pour un leader, implique une forme de connexion à lui-même, un accès
direct et explicite à ses valeurs, à ses intuitions, à sa sensibilité, ses émo-
tions et sa subjectivité.
La mobilisation des acteurs en entreprise autour de dirigeants lea-
ders s’est très souvent faite dans l’histoire, sur la base de quatre facteurs
essentiellement :
Être leader dans un monde hypercomplexe 27

•• la peur,
•• la nécessité,
•• la conviction,
•• l’envie.
Dans la réalité des organisations professionnelles nous trouverons des
hybrides des quatre. Mais plus le curseur est mis sur les deux derniers
critères, plus nous nous éloignons d’une énergie de « suiveurs » pour être
dans celle des « pro-acteurs », porteurs d’une idée, de valeurs et ambassa-
deurs d’un tout global.
Le leadership et la mobilisation par le sens permettent un accès à la
réalité par d’autres voies que celle de la rationalité. Or, l’ambivalence
dans l’exercice du leadership se trouve dans cette cohabitation : rationa-
lité/subjectivité, présente dans la réalité des organisations.
Plus le niveau de complexité de l’organisation dans laquelle officient
les leaders est élevée, plus le recours à cette zone de leadership est néces-
saire à l’exercice de leadership, par ce qu’elle suggère et propose comme
nuances et possibilités à l’appréhension de la réalité. En plus d’un accès à
une réalité rationnelle, elle ouvre l’opportunité aux leaders d’une lecture
plus nuancée, fine et acérée de leur écosystème.
Penser la réalité et l’analyser nous permettent en tant qu’être humain
de la modéliser du mieux que nous pouvons, afin de nous y adapter en
créant des règles et normes pour optimiser le vivre ensemble et égale-
ment pour créer de la valeur collective.
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Percevoir la réalité par le prisme de nos émotions permet de lui


donner du sens et de transcender les difficultés et obstacles inhérents à
l’environnement.
Dans l’une de mes séances de travail avec un dirigeant, il fit ce constat
que pour lui, les émotions relevaient de la sphère privée, et qu’elles
n’avaient pas leur place dans le monde difficile et violent de l’entre-
prise… Cela serait le reflet de faiblesses. À la lecture de cette déclaration,
vous avez certainement reconnu des propos déjà entendus à travers les
paroles de dirigeants, de cadres ou autres acteurs dans les organisations
autour de vous.
Nous pouvons considérer que cette déclaration est une forme
de réaction de défense de l’ordre de ce qu’on appelle « les croyances
28 Développez votre leadership relationnel

­limitantes ». Comme si nous avions le pouvoir de nous déshumaniser (ne


pas ressentir) l’espace d’un instant, et d’appuyer sur le bouton « pause »,
le temps de traiter en toute « objectivité » et « neutralité », un fait, une
situation ou une décision. Enfermé dans ce type de croyances rassu-
rantes, l’exercice du leadership devient alors orphelin de tout un pan de
la réalité qui n’est pas traité ni adressé, celui de la subjectivité des êtres
que nous sommes. Il risque même de devenir à terme un leadership
« aliénant ».
Derrière chacun de nos actes, de nos pensées, de nos attitudes, moti-
vations ou intentions se nichent des émotions. La question qui se pose
est moins celle de l’existence des émotions dans l’exercice du leadership
que celle de la manière avec laquelle ces émotions sont exploitées, utili-
sées et canalisées afin d’en optimiser toutes les potentialités dans le cadre
de l’exercice d’un leadership d’influence positive.

Le concept d’intelligence émotionnelle


Faisons un arrêt à ce stade aussi court soit-il, sur le concept d’intelligence
émotionnelle.
Les premiers chercheurs à avoir conceptualisé l’intelligence émotionnelle
sont les psychologues américains Peter Salovey et John Meyer dans les
années 1990 (Emotional intelligence). Selon eux l’intelligence émotionnelle
(IE) est « notre capacité à percevoir l’émotion, à l’intégrer pour faciliter
la pensée, à comprendre les émotions et à les maîtriser afin de favoriser
l’épanouissement personnel » (1997). L’intelligence émotionnelle, toujours
selon eux, est composée de trois compétences :
• l’évaluation et l’expression des émotions, les nôtres et celles des autres :
notre capacité d’introspection émotionnelle et d’identification de notre
état interne et notre capacité d’empathie par l’identification et la recon-
naissance de l’état émotionnel d’autrui ;
• la régulation de ces mêmes émotions et notre capacité à mettre le cur-
seur émotionnel au bon endroit en termes d’intensité ;
• l’utilisation adaptée de ces émotions afin de faciliter les processus cogni-
tifs : notre capacité à identifier nos états émotionnels internes positifs et
négatifs et leur utilisation dans nos actions et décisions.
En parallèle des travaux de Salovey et Meyer, les neurosciences de leur
côté ont fait une percée remarquable en identifiant une forme de « deu-
xième cerveau » complémentaire d’un cerveau plus rationnel, le cerveau
émotionnel. Les travaux de Damasio par la découverte des neurones
miroirs et de Joseph LeDoux (Le cerveau des émotions 2005) sur le rôle
majeur de l’amygdale dans la gestion des émotions ont permis d’identifier
les zones de ce cerveau émotionnel.

Être leader dans un monde hypercomplexe 29


Les différentes zones de ce cerveau sont constituées, comme le résume
le neuropsychiatre Jean-Michel Oughourlian (Notre troisième cerveau,
2013), par le système limbique qui comprend essentiellement le cortex
préfrontal et en particulier la région ventromédiane du lobe frontal,
l’hypo­thalamus, le gyrus, l’amygdale et les structures de la base du télen-
céphale. Ces différentes zones ont été identifiées grâce aux technologies
modernes d’imagerie et de PET scan.
Ces travaux ont démontré par exemple que si l’amygdale était pour une
raison ou une autre hors service, les individus que nous sommes serions
touchés d’une forme de « cécité émotionnelle » et incapables de donner
un sens émotionnel aux événements que nous vivons avec les consé-
quences comportementales que nous pouvons imaginer autour de nous
et qui peuvent mener à une forme de chaos relationnel et social.

Le psychologue Daniel Goleman, dans son best-seller L’intelli-


gence émotionnelle (2003), s’est appuyé sur ces données neurologiques et
psycho­logiques pour en faire une synthèse intelligente, simple, et rendre
accessible des données qui étaient en parties réservées à un débat entre
spécialistes de disciplines.
Tristesse, joie, colère, peur, dégoût, surprise, mépris, honte… sont
autant d’émotions de base, définies par le psychologue américain Paul
Ekman (Emotions Revealed, 2003), et qui structurent, conditionnent et
connotent les modes de pensées, les décisions et actes au quotidien de
tout leader en exercice de responsabilité.
Tout l’enjeu de l’appréhension de l’intelligence émotionnelle pour
un leader (Fréquence 4) est le développement de nuances au-delà du
rationnel, qui permettent d’affiner son champ de perception de la réalité
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dynamique et multidimensionnelle dans laquelle il agit.


Pour un dirigeant leader se mettre au niveau de conscience du sens
et de « l’aspirationnel » n’est pas forcément un réflexe quand ce même
leader est au cœur de pressions opérationnelles quotidiennes et para-
doxales. C’est une posture de conscience de soi qui implique une appro-
priation de sa dynamique intérieure de haut niveau, afin de pouvoir non
pas subir ses émotions et en être l’otage, mais les exploiter au profit d’une
utilisation adaptée et pertinente.
L’émergence d’une émotion est vécue sans forcément prévenir. Un
raisonnement « rationnel » à propos du choix d’une stratégie de l’en-
treprise, un plan social qui implique de se séparer de collaborateurs,
30 Développez votre leadership relationnel

un conseil d’administration challengeant les derniers résultats suite à


des profits warning (l’alerte d’actionnaires à propos de mauvais résultats
à venir). Bref toutes ces actions à enjeux majeurs sont irriguées comme
le fait la sève d’une plante, par le type d’émotion qui y sera associé au
même moment.
Le sujet est donc suffisamment impactant économiquement, organi-
sationnellement, socialement et humainement, pour mériter de la part
des décideurs et dirigeants plus qu’une sensibilisation ou même d’être
une variable d’ajustement. Cette dimension émotionnelle est un véri-
table levier dans l’exercice du leadership et dans l’incarnation de sa déli-
cate posture.
Aider à faire émerger du sens par l’accès à son intelligence émo-
tionnelle, voici le challenge de la posture du leader de sens et de la fré-
quence 4 celle de la conscience par l’émotion.

Fréquence 5 : Leadership relationnel (LR) –


Conscience relationnelle
Un biais peut émerger à la lecture de ce livre dans votre esprit par une
lecture par trop linéaire des 4 premières fréquences et consciences, qui
suggèrent une hiérarchisation de ses postures. Rien de tout cela…
L’approche est plus dynamique et indique que les niveaux de com-
plexité de l’environnement impliquent l’activation de niveaux de
conscience différents afin d’en appréhender l’ensemble des nuances.
C’est dans cette même dynamique que j’aborde ce paragraphe dédié au
leadership relationnel.
Rappelons-nous que le niveau de complexité est défini par la présence
et la cohabitation, dans un même espace et pour un même objectif, d’élé-
ments sous contrôle avec de multiples variables aléatoires et incertaines.
Le haut niveau d’interdépendance des dimensions professionnelles,
sectorielles, organisationnelles et culturelles dans le monde de l’entre-
prise, a contribué à amplifier les combinaisons possibles de variables aléa-
toires et donc à instaurer une hypercomplexité professionnelle.
Pour visualiser cette hypercomplexité je vous propose la métaphore
suivante, celle d’une réalité perçue comme de la buée sortie du bec
d’une bouilloire. Buée dansante, fluctuante et dessinant des formes géo-
Être leader dans un monde hypercomplexe 31

métriques au gré des confrontations avec la densité de l’air et de la tem-


pérature ambiante, une réalité donc imprévisible mais lisible en partie.
Cette réalité est la conséquence d’une foultitude de dimensions : l’eau
et sa qualité, la surface de la bouilloire et sa dimension, l’intensité de la
température choisie, la densité de l’air extérieure, la présence ou non
d’êtres humains dans cette même pièce susceptibles d’influencer par leur
seule présence la densité de l’air ; et d’autres facteurs que nous pour-
rions identifier qui reflètent métaphoriquement le niveau d’interdépen-
dance dans lequel nous sommes dans le monde de l’entreprise et dans le
monde tout court.
Nous sommes dans une réalité interdépendante de type « neuronal » à
l’instar de l’organisation de l’ensemble de nos neurones dont la fonction
individuelle n’a de sens que par le lien que ces éléments ont entre eux
pour servir un ensemble.
Plus les composantes d’une réalité organisationnelle sont nombreuses,
plus leur finalité se détourne d’une raison d’être individuelle, pour se
focaliser autour des liens qui les unissent, garantissant ainsi un ensemble
plus grand et pérenne. C’est l’homéostasie des systèmes.
Le sens se trouve alors dans les liens que tissent ces différentes com-
posantes entre elles. Les organisations complexes et hypercomplexes
obéissent à cette configuration par l’articulation des composantes qui les
définissent (matérielles, immatérielles)
L’exercice du leadership par un dirigeant ne peut ignorer cette réa-
lité ethnologique, biologique, sociologique, organisationnelle, politique,
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psychologique et économique. Cette réalité humaine est présente dans


toutes les activités quotidiennes des personnes que nous sommes et des
projets auxquels nous contribuons.

Un patron épuisé par une réorganisation


M, 53 ans, ingénieur de formation, était patron et co-fondateur d’une
entreprise industrielle depuis maintenant 20 ans. Lors de notre première
séance de travail, il se plaignait d’une irritabilité extrême, d’une fatigue
rapide en milieu de matinée, de céphalées régulières, d’une démotiva-
tion grandissante par rapport à des responsabilités, pour lesquelles il avait
bataillé… et d’une envie permanente, celle de rester chez lui et dormir.
Cette situation créait des tensions relationnelles fréquentes dans son envi-
ronnement professionnel et familial
32 Développez votre leadership relationnel

Tout allait bien selon lui avant de décider de réorganiser l’entreprise avec
une nouvelle gouvernance nécessaire et incontournable. Il est passé à une
forme d’organisation dite « matricielle ». Ce type d’organisations impli-
quait différents croisements relationnels de la part des collègues, suite à
un audit organisationnel et stratégique.
« Ah ces consultants toujours à avoir des idées brillantes, jamais là pour en
assumer les conséquences… » commenta-t‑il.
Après avoir épuisé le joker du coupable idéal, il fit le constat qu’il s’était senti
au début comme un analphabète devant une nouvelle organisation, néces-
saire certes pour la transformation de son entreprise, mais trop complexe à
lire pour lui, et pour son style qui jusque-là avait fait ses preuves.
Après un échange ouvert et beaucoup d’humilité durant cette séance de
la part de ce géant patron au vu de son parcours et de ses réalisations, il
conclut au fait qu’aujourd’hui finalement « le véritable rôle des dirigeants
leaders face à tout ce « bazar » était de savoir mobiliser les troupes en
mettant tout le paquet sur les interfaces et les relations entre les personnes,
quelle perte de valeur sinon ! »
Il venait par cette reformulation de définir le rôle et la raison d’être du
leadership relationnel, fréquence 5 (LF5). Un leadership qui focalise son
énergie d’inf luence sur les liens entre les dimensions de la réalité. Les
dimensions n’existent plus vraiment pour elles-mêmes, mais pour le
potentiel relationnel qu’elles peuvent faire émerger au profit d’un tout
supérieur à créer.

Un processus industriel, financier ou commercial, une gouvernance,


des règles internes, une stratégie, un organigramme, des fonctions… sont
autant de dimensions de la réalité des organisations qui, articulées les
unes aux autres, font émerger une réalité toute différente d’une simple
somme de chacune de ces mêmes dimensions.
C’est là une alchimie qui a sa propre dynamique relationnelle dont
l’appréhension en tant que dirigeant implique un « mindset » et une pos-
ture qui permettent d’en saisir la philosophie et l’impact. Si cet ensemble
complexe et neuronal est abordé de manière exclusivement linéaire avec
un cerveau exclusivement rationnel, beaucoup de ses nuances et réalités
sont vouées à la destruction.
J’ai toujours été interpellé dans le cadre des contextes de change-
ment : fusion-acquisition/transformation organisationnelle, évolution
stratégique, par certaines dynamiques d’accompagnement de « change
management » qui techniquement paraissent brillantes mais qui dans leurs
déploiements peuvent détruire de la valeur.
Être leader dans un monde hypercomplexe 33

Ces approches restent elles-mêmes centrées sur certaines dimensions :


la qualité de l’information auditée, l’adaptation de la stratégie, la résis-
tance humaine au changement, certains facteurs psychologiques…, mais
ignorent ou prennent peu en considération les liens entre ces dimensions
et la puissance de leur impact dans la réalité dynamique des organisations
et donc du poids qu’elles représentent dans les contextes d’accompagne-
ment de changement et transformation en entreprise.
Le lien ambigu qui peut exister entre un salarié et sa fonction
nouvellement redéfinie lui enlevant un peu de pouvoir, le lien para-
doxal entre un cadre technique et sa nouvelle machine numérique,
machine qui l’aide dans sa productivité et en même temps qui menace
de réduire son pouvoir de contrôle, le lien très politique entre ce pré-
sident et son conseil d’administration où la proximité relationnelle
entre les membres est aussi solide que peut l’être du sucre en contact
avec de l’eau ; le lien puissant quasi fusionnel entre cet investisseur
et sa dernière acquisition et qui l’amène à miser la moitié de sa for-
tune à redresser cette organisation sans garantie de succès en retour…
Ambiguïté, paradoxe, manipulation, fusion, voici un spectre très peu
exhaustif des types de liens et de leurs conséquences potentielles dans
une dynamique organisationnelle et dans la création ou dilution de
valeur de cette même organisation.
L’articulation de deux variables majeures dans notre environnement :
l’hyper connexion dans nos modes de vie ainsi que des formes organi-
sationnelles de plus en plus dynamiques et interdépendantes avec leur
contexte extérieur, amènent un exercice du leadership d’un autre type.
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Ce leadership va au-delà d’un simple changement de comportement


ou d’ajustement d’intensité. Son exercice se fait dans un contexte qui
connaît une formidable attraction des dimensions qui le constituent, les
une vers les autres, comme si ces dernières prenaient conscience de plus
en plus de leur véritable finalité : celle d’être des parties servant un tout
supérieur à leur seule et unique réalité.
Ces dimensions de l’entreprise et des organisations constituent, arti-
culées les unes aux autres, ce « champ relationnel » cité précédemment
et qui détermine la dynamique globale et en conditionne la culture, le
climat, la stratégie, la vision, la performance et donc la valeur qu’elle
arrive à produire.
34 Développez votre leadership relationnel

« Piloter » ce type d’organisation en tant que leader implique deux


conditions majeures :
•• la conscience de son temps et des enjeux dans l’écosystème ;
•• l’optimisation d’une intelligence de type relationnelle.
La fréquence 5 est une forme d’intelligence relationnelle qui se foca-
lise moins sur les entités constituant le tout mais sur les liens qui les
connectent les unes aux autres.
Ce pilotage par un leadership relationnel n’implique pas comme je
le soulignais au début de ce paragraphe à propos de la fréquence 5, un
regard linéaire qui exclut les quatre autres fréquences, mais au contraire
qui les intègre et en constitue un tout articulé et activé au gré des
circonstances.
Un leader LF5 est une forme de chef d’orchestre, analysant, scrutant,
percevant et agissant sur et avec les liens qui constituent la réalité du
leader. En fonction des liens en jeu, il saura mettre le curseur vers l’une
des différentes fréquences F1, F2, F3, F4. C’est cette capacité de regard
fin et subtil sur les liens activés dans son environnement qui constituera
sa force d’influence positive et ses leviers d’actions.

Le leadership LF5 ou l’art de l’influence


• L’influence par le savoir, le « know how » (fréquence 1/conscience opéra-
tionnelle).
• L’influence par l’optimisation de la norme et de la conformité (fréquence 2/
conscience de la norme).
• L’influence par les « manœuvres » et les enjeux (fréquence 3/conscience
stratégique et politique).
• L’influence par le sens (fréquence 4/conscience émotionnelle).
• L’influence par les liens et les actions sur les champs relationnels :
­l’articulation de l’ensemble des liens d’un système, d’une organisation
(fréquence 5/conscience relationnelle).
Le modèle LF5 agit comme une forme de perception 5D permettant une
appréhension dynamique de la réalité. Plus le niveau de complexité de la
réalité extérieure est élevé, plus s’activent les liens entre les différentes
fréquences du leader.
Être leader dans un monde hypercomplexe 35

Fréquence 1 Fréquence 2
Fréquence Fréquence analytique
opérationnelle de conformité

Fréquence 5
Fréquence
relationnelle
Fréquence 3 Fréquence 4

Fréquence stratégique ;
Fréquence émotionnelle
politique d’opportunité

L’articulation des 5 fréquences du LF5

La fréquence 5 à partir de cette définition du leadership joue alors


comme une méta-fréquence transversale qui permet d’activer les 4 autres
et de les mettre en lien au service des enjeux du leader F5.
2
UN LEADERSHIP RELATIONNEL
À INFLUENCE POSITIVE

LA CONSCIENCE DE SON TEMPS :


L’AVÈNEMENT D’« HOMO EMPATHICUS »

Le pilotage par un leader dirigeant d’une organisation dans un environ-


nement complexe et hypercomplexe implique deux choses :
•• la conscience de son temps ainsi que les enjeux dans l’écosystème ;
•• l’optimisation d’une intelligence de type relationnelle.
La première dimension, la conscience de son temps, consiste à scruter
les tendances et les dominantes de son contexte, de son écosystème. Ces
tendances peuvent se refléter dans les types de relation que nous éta-
blissons avec notre environnement, nos semblables : agissons-nous par
la crainte de la relation à l’autre, par le rejet ou l’attrait et l’ouverture ?
Des inflexions de styles de leadership peuvent être effectuées par le
leader en fonction de ce qu’il aura observé et détecté dans le système
qu’il dirige.
Pour un leader, observer ce type de lien professionnel peut s’avérer
extrêmement précieux dans le management d’une organisation et dans
la compréhension de son équilibre et dynamique intérieure : les liens
hiérarchiques, les liens transversaux, les liens homme-machine/homme-
process, homme/femme, les liens métiers et fonctions… Que disent les
relations que nous établissons dans notre environnement professionnel,
de notre relation au monde ? Quel type de liens sommes-nous en train
38 Développez votre leadership relationnel

de construire dans le monde à travers entre autres les relations profes-


sionnelles auxquelles nous participons quelles que soient nos responsa-
bilités respectives ?

À chaque époque son lien


Si on observe juste un peu en arrière, trois époques différentes se sont
déployées, caractérisées par trois révolutions industrielles. Elles ont trans-
formé la notion de relations et de liens au travail et donc les organisa-
tions et l’exercice du leadership avec.
La première correspondait à l’apparition de la machine à vapeur au
xviiie siècle. La seconde correspondait à l’apparition de l’électricité au
xixe siècle. Et la troisième, celle que nous vivons aujourd’hui a émergé
au xxe siècle pour donner sa pleine mesure au xxie : la révolution infor-
matique, qui connaît sa deuxième phase d’évolution, celle de la numéri-
sation et digitalisation accrue.
Jeremy Rifkin, dans Une nouvelle conscience pour un monde en crise (2012),
cité précédemment, pointe le changement de la nature du lien qui est
en train de s’opérer durant notre siècle. Il met en exergue une nouvelle
conception de l’être humain, basée sur la notion d’empathie. Le contexte
hyperconnecté dans lequel nous baignons de plus en plus renforce la
nature relationnelle des êtres que nous sommes. « L’Homo Empathicus »
émerge comme conception et posture à développer dans les organisa-
tions et la civilisation de manière plus générale, dans un contexte où la
notion de collaboration va prendre toute sa valeur non forcément par
choix, mais aussi par nécessité… transformation oblige.
Ce concept d’Homo Empathicutus reflète plus, ici et dans les travaux
de J. Rifkin, la nécessité de la conscience de l’autre, qu’une quelconque
bienveillance tout d’un coup déclarée nécessaire pour un monde meil-
leur… : la nécessité de l’autre pour produire de la valeur, pour assembler
les morceaux d’un savoir et de disciplines de plus en plus spécialisées et
pointues afin d’avoir l’image la plus globale du monde qui nous entoure.
Avec la complexité des choses, paradoxalement la réalité du monde s’est
de plus en plus morcelée en créant des ultra-spécialistes pointus dans leur
domaine mais n’ayant que peu de conscience globale et interdépendante
de cette même réalité.
Un leadership relationnel à inf luence positive 39

Les transformations extrêmes qui sont en train de se dérouler devant


nous et dont nous sommes les acteurs exclusifs notamment celles de la
virtualisation/digitalisation nous sollicitent non pas pour des change-
ments passifs par rapport à notre environnement, mais bien pour opérer
de véritables ruptures organisationnelles et de mind set dans l’exercice du
leadership. Il s’agit de prendre conscience enfin, dans le monde des orga-
nisations, de la véritable nature « collaborative » transversale et relation-
nelle des êtres humains que nous sommes et du levier de performance et
de création de valeur que cela représente.
L’exercice du leadership ne peut se déployer hors de son temps et
de son contexte suivant sa propre loi ou dialectique interne, mais il est
aussi le produit de son environnement et se trouve donc impacté par
les découvertes et les orientations qui guident, sculptent et façonnent
la perception que nous avons de notre environnement… un leadership
relationnel pour un temps relationnel

Homo Empathicus et intelligence relationnelle


Peut-on parler d’intelligence relationnelle comme on parle d’intelli-
gence émotionnelle ?
Le premier à avoir évoqué et inventé le terme d’intelligence rela-
tionnelle fut le célèbre psychologue américain Edward Thorndike en
1920. L’intelligence relationnelle selon lui est notre « capacité à comprendre
et manœuvrer les gens… et à agir avec sagesse dans les relations humaines ».
Le verbe manœuvrer peut susciter certaines réactions chez vous en le
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lisant. Manipulation, calcul, manque de spontanéité… Un des biais dans


la compréhension de l’intelligence relationnelle se trouve justement dans
ce type de croyances limitantes. Daniel Goleman le décrit bien dans son
ouvrage, Cultiver l’intelligence relationnelle (2009) : « …aujourd’hui encore,
certaines descriptions de l’intelligence relationnelle ne font aucune distinction entre
le savoir-faire d’un hypocrite et les comportements réellement affectueux qui enri-
chissent une relation… » Tout est une question d’intention comme nous
le verrons.
Howard Gardner, quant à lui, a rompu dans les années 1980 comme
nous l’avons vu précédemment, avec le diktat et l’hégémonie du QI
(quotient intellectuel) pour évoquer 8 types d’intelligences (Frames of
mind, 1983) parmi lesquelles l’intelligence relationnelle.
40 Développez votre leadership relationnel

Plus près de nous Salovey et Mayer (1990), les premiers concepteurs


de l’intelligence émotionnelle, cités plus haut, ont identifié une très
grande corrélation entre intelligence émotionnelle et relationnelle et ont
été incapables de séparer les deux formes d’intelligence. Même dilemme
pour le psychologue Dan Bar On qui a donné son nom au fameux test
Bar On mondialement connu, relatif à l’intelligence émotionnelle et
relationnelle.
Richard Davidson, distingué pour ces travaux sur l’émotion et les neu-
rosciences et leurs liens avec la méditation, est allé plus loin en affirmant
que toute émotion avait d’abord une finalité relationnelle. Il suggère par
cela que l’intelligence émotionnelle et ses différentes dimensions est une
composante de l’intelligence relationnelle et non l’inverse (The emotional
life of your brain, 2012).
Le neuropsychiatre Jean-Michel Oughourlian (Notre troisième cerveau,
2013) franchit plus allégrement le pas en distinguant trois types de cer-
veau. Le premier de type cognitif rationnel, au niveau de notre cortex, est
celui qui nous permet de bouger, de percevoir, d’entendre, de raisonner,
de déduire. C’est autour de ce cerveau que se sont constitués les diffé-
rents tests de QI.
Le deuxième, cerveau lui, est émotionnel (voir fréquence 4 : conscience
émotionnelle) et a été la base des travaux d’Antonio Damasio et de
Joseph LeDoux. Ce deuxième cerveau pour rappel est composé essen-
tiellement du système limbique et de ses différentes composantes.
Le pas anthropologique que franchit J.-M. Oughourlian réside dans le
fait de suggérer la présence d’un troisième cerveau, avec une finalité dif-
férente des deux premiers. Il s’appuie pour franchir ce cap sur plusieurs
dimensions en particulier sur la découverte des neurones miroirs et leur
fonctionnalité.
La découverte des « neurones miroirs » par le chercheur italien Giorgio
Rizzolatti dans les années 1990 a permis aux neurosciences et à beau-
coup de chercheurs de gravir de nombreux échelons dans la course
à la compréhension du fonctionnement relationnel et émotionnel de
l’homme.
Ces neurones viennent, par leur découverte et mode de fonctionne-
ment, illustrer neuroscientifiquement ce qui jusque-là, relevait de la forte
intuition, de la théorisation ou de l’hypothèse.
Un leadership relationnel à inf luence positive 41

Ce système de neurones permet à un individu A en observation


d’un autre B, de comprendre et d’appréhender son raisonnement par
l’activation chez A de la même aire du cerveau active chez B qui est
en train d’exécuter une tâche. Ces neurones fonctionnent comme une
forme de « wifi neuronal » comme le décrit par cette métaphore parlante
D. Goleman dans son ouvrage sur l’intelligence relationnelle.
Cette donnée neuroscientifique est venue apporter de l’eau au moulin
de ceux qui « avaient l’intuition » que nous sommes, nous êtres humains,
« câblés » pour être d’abord en lien et en relation. Notre identité psycho-
logique se développe et se construit à l’épreuve des différents liens et
relations que nous tissons avec notre environnement proche et lointain.
Le sens que nous donnons aux « choses » qui nous entourent se fait plus
dans la relation que nous établissons avec notre environnement que dans
notre esprit intérieur comme dans une forme d’inférence ou d’équation
personnelle dont seul notre inconscient pourrait avoir le secret.
Le système des neurones miroirs, selon J.-M. Oughourlian est suffi-
samment distinctif par sa finalité mimétique et donc relationnelle, pour
en faire un système à part, un cerveau à part articulé aux deux autres
et constituant une alchimie spécifique qui est celle de notre identité :
rationnelle, émotionnelle pour être en relation avec le monde et les
acteurs humains qui le constituent. Ce cerveau mimétique et relationnel
selon J.-M. Oughourlian « permet au petit humain d’être introduit dans
la sociabilité et au rapport à l’autre… »
Cette évolution neuroscientifique a amené Daniel Goleman dans son
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livre sur l’intelligence relationnelle à sortir du « piège » conceptuel dans


lequel il était, ainsi que ses prédécesseurs Salovey et Meyer ou Bar On :
en n’arrivant pas à distinguer émotion et relation.
Il reconnut ce fait dans son ouvrage sur l’intelligence relationnelle
« Mon propre modèle d’intelligence émotionnelle englobait l’intelligence relation-
nelle sans lui donner d’importance particulière comme le font d’autres théoriciens.
Mais je suis arrivé à considérer que cet amalgame limitait toute réflexion nou-
velle sur les aptitudes relationnelles humaines en ne tenant pas compte de ce qui
transpire pendant nos interactions. Une telle myopie laisse le « social » en dehors
de l’intelligence ». Une belle preuve d’ouverture de sa part.
Laissons là maintenant ce débat. Il n’est certainement pas uni-
quement un débat d’experts. Il constitue pour moi un vrai tournant
42 Développez votre leadership relationnel

anthropologique qui peut conditionner dans les prochaines années la


perception de notre nature en tant qu’êtres humains, des besoins que
nous avons en tant que tel et de nos relations et rapports avec les diffé-
rentes activités dans lesquelles nous sommes acteurs, entre autres notre
activité professionnelle.
L’intelligence relationnelle est une forme non pas découverte chez
l’être humain, mais mise en évidence par les avancées scientifiques. Il
existe en effet une forme de synchronicité entre l’émergence des dis-
ciplines et des débats avec leur contexte d’émergence. L’intelligence
relationnelle n’échappe pas à ce constat. Cela fait sens dans le contexte
actuel démarré il y a environ 20 ans : celui de l’hyperconnectivité.
Exercer du leadership en intégrant cette donnée d’intelligence rela-
tionnelle, en prenant conscience des « Homo Empathicus » dont un leader
a la charge ne peut que transformer la forme de leadership en action.
Le recours inconscient à cette compétence, l’intelligence relation-
nelle, est acquis puisque nous en sommes équipés afin de nous adapter à
notre environnement et aux autres. C’est une opération que nous répé-
tons chaque jour dans nos actes les plus routiniers, en allant acheter
le pain et en ressentant l’humeur du boulanger, en nous synchronisant
inconsciemment au rythme de nos semblables par la voix, la marche ou
l’humeur dans un contexte plus collectif à l’instar des vols d’oiseaux ou
des bancs de poissons.
Si les choses se déroulent de manière aussi mécanique et automatique
que décrit ci-haut, à quoi bon mettre en évidence au niveau du lea-
dership quelque chose d’aussi acquis et intuitif ?
Parce que nous sommes dotés d’une conscience et que l’optimisa-
tion d’un patrimoine d’intelligence relationnelle se fait par le passage
d’un état de « réflexe » de l’intelligence à un état de « conscience » de
l’intelligence.
Prendre conscience de notre état, de nos compétences, de nos res-
sources, de notre environnement rend l’utilisation de notre p­ atrimoine
­d’intelligence plus opérant et impactant par rapport à notre environnement.
La conscience des choses, l’éveil à l’écosystème et à soi, voilà un
chemin vers une optimisation de nos différentes intelligences, en parti-
culier l’intelligence relationnelle.
Un leadership relationnel à inf luence positive 43

Le leader dirigeant dans ce contexte d’hyperconnexion et d’hyper-


complexité, produisant une foultitude de communautés aux mœurs
virtuelles évolutives ; aura besoin de mobiliser « consciemment » son
intelligence relationnelle.
Il sera nécessaire pour lui également de mobiliser celles des différents
« Homo Empathicus » ainsi que celle de l’organisation dont il a la charge
pour lire la complexité, la subtilité, la dynamique et la logique de ce
champ relationnel qu’il pilote et dans lequel il agit.
Le leader devient alors de plus en plus un leader de réseaux d’indi-
vidus, de liens de communautés, de relations transversales. C’est la 5e fré-
quence du LF5, zone inclusive intégrant les 4 autres fréquences.

DÉPLOYER LA FRÉQUENCE 5

Les 5 fréquences que nous venons de découvrir ensemble sont potentiel-


lement inclusives et non exclusives. Elles obéissent ainsi à certaines lois
de la nature humaine, entre autres celle de l’articulation et l’interdépen-
dance des dimensions, plutôt que leur linéarité.
Malgré leur présence et articulation les unes aux autres, ces cinq
fréquences ne sont pas exploitées par les uns et les autres de la même
manière. Leur accessibilité peut être facilitée ou obstruée selon la sen-
sibilité et la conscience de chacun. Certaines fréquences vont ainsi être
utilisées plus que d’autres. Elles représentent une forme de zone de
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confort pour son utilisateur. Nous pouvons alors observer deux types
de conséquences :
•• une perception plus réduite de la réalité relationnelle complexe du
monde des organisations ;
•• une forme d’atrophie des fréquences faiblement utilisées ainsi que
les compétences qui peuvent aller avec. Ces fréquences fonctionnent
comme des muscles qui ont besoin d’être sollicités pour rester dyna-
mique et accessibles.
«Tous les leaders dirigeants sont-ils équipés de ces 5 fréquences ? J’en
ai rencontré certains qui franchement me paraissent bloqués à la fré-
quence 1, tellement ils sont opérationnels… »
44 Développez votre leadership relationnel

Ce fut la remarque d’un manager dans le cadre d’une discussion en off


suite au déploiement d’un parcours d’accompagnement de leadership
fréquence 5 dans son entreprise.
J’ai partagé avec lui la synthèse de mes trois observations empiriques.
1. Chaque leader, quels que soient son parcours et sa responsabilité,
a une zone favorite et de confort qu’il utilise spontanément et
qui est issue de sa propre sensibilité, de son parcours personnel et
professionnel.
2. À travers un dialogue « sécurisé » avec un coach par exemple, tout type
de leader se rend compte de l’utilité de disposer d’un spectre varié et
nuancé de postures et de comportements pour agir dans un contexte
dynamique et mouvant.
3. Développer cette « agilité posturale » implique une forme de discipline
et certains renoncements. L’agilité ne se décrète pas mais se gagne, se
construit, s’entretient et permet de développer ces 5 capacités néces-
saires à une adaptation à la complexité et l’hypercomplexité :
–– La capacité du leader à déployer son expertise de manière adaptée et
ajustée à la situation (fréquence 1) ;
–– La capacité du leader à être porteur d’une « normativité » et d’une
« conformité intelligente » aux process nécessaires au fonctionnement
des systèmes dont il a la charge (fréquence 2) ;
–– La capacité du leader à hiérarchiser et arbitrer selon les enjeux en
étant stratège et calculateur (fréquence 3) ;
–– La capacité du leader à exploiter son intuition et sa subjectivité
dans son environnement et à le percevoir de manière subjec-
tive et émotionnelle afin d’accéder à un autre niveau de réalité.
(fréquence 4) ;
–– La capacité du leader à créer et déployer des champs relationnels d’in-
fluence par le type de relation en « one to one », « one to many » ou en
« one to system » ; qu’il doit établir dans l’exercice de ses fonctions
d’influenceur (fréquence 5).
La question ne se pose donc pas en termes d’existence ou non de ces
5 fréquences chez les leaders, mais plutôt en termes d’accès et de l’exploi-
tation pertinente et dynamique de ce patrimoine relationnel dont nous
sommes tous dotés.
Un leadership relationnel à inf luence positive 45

La capacité à utiliser et exploiter ces fréquences peut différer d’un


leader à un autre selon le niveau de conscience et d’acuité que chacun a
de lui-même. C’est une forme de subtilité de soi…
L’exercice et le développement d’un leadership relationnel (la subti-
lité et l’acuité de soi pour mieux interagir avec le monde), requiert deux
conditions fondamentales selon moi :
•• La conscience de certaines croyances limitantes que peut avoir le lea-
der. Ce sont certains postulats de base arrêtés que nous pouvons avoir
sur le monde, nous-même et les autres. Ces postulats sont susceptibles
de nous enfermer dans des conceptions réductrices de la réalité com-
plexe qui nous entoure. Cela consiste à désapprendre et savoir renon-
cer et faire le « deuil » de certains réflexes dans l’exercice du leadership
(voir ci-dessous « Les cinq deuils »).
•• La deuxième condition est le développement de la fréquence rela-
tionnelle (5) par une forme de « stretching cognitif et émotionnel »
avec comme finalité de développer cette agilité nécessaire à la ges-
tion et au leadership dans la complexité, sur la base du patrimoine
relationnel présent chez chacun d’entre nous. Il n’y pas de méthode
ni de recette miracles pour cela, encore moins d’approche « plug and
play ». Certaines approches paraissent toutefois être très précieuses et
aidantes dans le développement de cette agilité, comme le modèle
de la Process Communication, à laquelle toute la partie II du livre
est consacrée.
Ce modèle a su couvrir par sa profondeur conceptuelle, sa finesse
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technique ainsi que sa puissance d’application, différentes dimensions


fondamentales de la personnalité ; et être un révélateur pertinent de notre
formidable potentiel de leadership relationnel.

LES 5 RENONCEMENTS NÉCESSAIRES


POUR LE DÉVELOPPEMENT D’UNE POSTURE LF5

Certaines croyances sont dites « limitantes » car elles nous empêchent


d’exploiter un potentiel intérieur ou de nous ouvrir à d’autres options
qui pourraient nous permettre de mieux nous adapter à notre réalité
46 Développez votre leadership relationnel

extérieure. Ces croyances nous empêchent donc de changer, au sens de


nous adapter aux contraintes extérieures.
Les équipes de chercheurs du courant « systémique » de Palo Alto avec
à leur tête le très inventif psychologue Paul Watzlawick, ont identifié
deux types de changement chez les êtres humains :
•• Le changement de type 1 consiste à changer de comportement face à
une situation afin de s’y adapter. Un exemple : le fait que A se mette en
retrait quand B élève la voix devant lui… A, pour dépasser ce compor-
tement, va tenter d’adopter une attitude plus assertive afin d’atténuer
l’impact de son intervention et garder le lien ouvert. C’est donc un
changement de comportement.
•• Le changement de type 2 consiste à changer la croyance « toxique » ou
« limitante » à laquelle est attachée ce comportement inadapté : « Exister
dans une relation c’est faire plaisir et répondre aux attentes des autres.»
Cette croyance enracinée conditionne le comportement de A vis-à-vis
d’une bonne partie de ses interlocuteurs. ­Reconfigurer cette croyance
va avoir un impact direct sur les comportements de A. Ces croyances
sont arrimées à ce que les spécialistes de l’Analyse Transaction­nelle
appellent un « scénario de vie ».
Le scénario de vie, comme le définissait le concepteur de l’Analyse
Transactionnelle, Eric Berne, est : « Un plan de vie inconscient, déterminé dans
l’enfance, encouragé par l’éducation et confirmé par l’expérience ». En écho Richard
Erskine un autre éminent représentant de l’Analyse Transactionnelle faisait
le lien de manière encore plus explicite avec les croyances : « Le scénario de
vie est l’ensemble des croyances que nous avons sur nous-mêmes, les autres et la vie ».
J’écrivais plus haut que l’intelligence relationnelle me semblait être
une forme de subtilité de soi, une conscience et acuité de soi. Accéder à
cette acuité impliquait d’identifier certains scénarios de vie spécifiques
qui se trouvent au travers de ce chemin de conscience. Il en va de même
pour l’exercice du leadership.
La posture de leader est tellement pointue, aiguë et complexe qu’elle
requiert un niveau de conscience élevé qui permette au dirigeant d’ac-
céder à un spectre fin de nuances comportementales et posturales.
Activer les 5 fréquences de manière articulée, agile et adaptée, implique
des renoncements à certaines croyances, qui peuvent s’avérer être enfer-
Un leadership relationnel à inf luence positive 47

mantes et limitantes. J’ai pu constater, lors des différents accompagne-


ments de leaders durant nos séances individuelles ou avec leurs équipes,
différents problématiques et obstacles à l’accès à leurs ressources et agilité
intérieures.
Ces obstacles agissent comme des réducteurs de perception panora-
mique de la réalité. Ce sont des croyances limitantes dont le dépassement
est conditionné par certains renoncements ou deuils à faire de la part du
leader.

LES 5 DEUILS ET RENONCEMENTS DU LEADER

Renoncement 1 : l’influence (le pouvoir)


est dans le maximum de contrôle
Intellectuellement, de nombreux dirigeants et leaders comprennent la
dimension du « lâcher-prise » qui ne signifie en rien lâcher tout, mais
surtout accepter de composer avec la dimension collective et transversale
et de développer une forme d’autonomie cadrée dans le fonctionnement
institutionnel et culturel de l’organisation dirigée.
Tout en le comprenant intellectuellement, dans la réalité dès que les
enjeux s’élèvent, l’exercice de compréhension intellectuelle cède la place
à l’instinct de survie du leader qui peut être enfermé dans la croyance
de la performance par le contrôle total… Enjeux élevés, stress intense,
manque de lucidité, repli sur la croyance, comportement contrôlant.
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La voilà la séquence qui active les croyances avec leurs conséquences


­comportementales. Un leadership trop contrôlant peut « étouffer » la dyna-
mique de création de valeur collective dans un environnement mouvant.

Renoncement 2 : le leadership une stabilité fantasmée


La deuxième croyance limitante observée est celle d’un écosystème basé
sur le postulat d’une stabilité espérée, d’une stabilité à venir. Un de nos
réflexes pour nous adapter à notre monde extérieur est la « matricialisa-
tion » de notre environnement afin de le « rationnaliser », pour mieux le
comprendre et l’appréhender. Ce réflexe rassure plus ou moins et nous
donne l’illusion de « maîtriser » notre environnement extérieur.
48 Développez votre leadership relationnel

Dans l’environnement complexe qui a été évoqué, bâtir une stratégie


ou une vision, mobiliser des personnes, prendre une décision à partir du
postulat d’une stabilité plus ou moins permanente seraient presque un
déni de réalité. Tout le travail postural du leader à ce niveau consiste à
intégrer opérationnellement et émotionnellement une dose de chaos et
d’imprévisibilité dans son « logiciel » personnel afin d’être en synchroni-
sation avec son environnement.

Renoncement 3 : la simplification, le leadership


et la dualité échec/réussite
Le troisième réflexe qui peut émerger d’une séquence de stress chez
un leader est celui de la simplification. Cette simplification peut activer
la tentation d’un raisonnement binaire. Penser en échec versus réussite,
c’est réduire la réalité complexe et mouvante des organisations en objet
prévisible et figé. Ce qu’elle n’est pas.
Se donner des objectifs, identifier des normes, édifier des indicateurs et
en être loin, peut aboutir légitimement dans un monde ultra-compétitif
à un sentiment d’échec. La simplification est de penser le monde en
deux polarités. Polarités qui ne sont que des normes établies comme
repères. Cette polarisation simplificatrice aboutie paradoxalement à de
la confusion, puisqu’elle est génératrice d’angles morts sur notre réa-
lité. Passer d’un paradigme échec/réussite à celui d’un paradigme en
recadrage permanent introduirait une agilité posturale. Cette agilité est
nécessaire à l’appréhension de la complexité d’un exercice de leadership
en mouvement dans un environnement paradoxal et ambivalent.

Renoncement 4 : la linéarité de la réflexion et de l’action


« Réfléchissons d’abord et agissons ensuite.» Cette phrase et surtout
l’ordre vous dit peut-être quelque chose, puisque vous l’avez entendu
des centaines de fois, ou l’avez-vous même prononcé vous-même. La
croyance systématique que l’action ne peut être qu’une conséquence
logique de la réflexion peut être limitante. Ce mode de pensée part
du postulat qu’il y a une réalité extérieure à observer, à comprendre, à
contrôler afin de pouvoir s’y adapter par une action qui la suit. Clarifier
les choses avant d’agir, avant de se projeter. Il y a toujours la nécessité de
Un leadership relationnel à inf luence positive 49

contextualiser la réalité afin de mobiliser l’énergie nécessaire et adaptée.


Mais cette linéarité est très réductrice de la dynamique de l’environne-
ment et de l’interdépendance de ses dimensions. La réflexion influence
l’action. L’action à son tour permet de recadrer la réflexion. Les deux
dimensions sont en interaction dans un mouvement récursif, où l’une est
créatrice et conséquence de l’autre.
Les neurobiologistes Francisco Varela et Humberto Maturana (The
Tree of Knowledge, 1992) ont avancé la thèse d’un apprentissage par l’ac-
tion qui vient renforcer la réflexion et donner du sens à la réalité. Ces
travaux ont renversé la manière linéaire classique et passive, avec laquelle
le processus de création de sens de la réalité était perçu jusque-là.
À partir des travaux de Varela et Maturana, il n’y a donc plus de linéa-
rité dominante ni exclusive dans l’apprentissage et l’adaptation, mais une
forme de circularité et de récursivité dans le raisonnement.
Ces travaux et constats changent radicalement la manière de « penser »
l’organisation et le leadership et ouvrent des possibilités infinies de
penser le leadership et de créer de la valeur collective de manière plus
écologique.

Renoncement 5 : l’alignement est la condition


de la réussite et de la mobilisation
L’alignement recherché par les leaders vise initialement à s’assurer une
forme de cohérence et de mouvement collectif cadré et mobilisateur.
Cet alignement ne peut avoir l’effet espéré qu’à partir du moment où cet
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alignement est intégré comme ne pouvant être que relatif. La frustration


que j’ai observée chez certains leaders pris dans des enjeux majeurs pro-
vient de leur incompréhension face au décalage qu’ils peuvent constater
entre leur perception des enjeux et celle de leur entourage, et ce malgré
les différentes tentatives pédagogiques explicatives. Tout le travail au
niveau des leaders consiste alors à les aider à identifier l’alignement
optimal selon l’histoire, les enjeux et la réalité culturelle de l’organisation
et éviter ainsi de « tendre » la machine relationnelle de l’intérieur et de
paraître en tant que leader comme un « persécuteur » en puissance. Être
dans une posture dynamique de leadership, impliquerait de substituer cet
alignement strict, souhaité chez tout le monde, par la recherche d’une
50 Développez votre leadership relationnel

intersection optimale. Cette intersection serait la rencontre de la partie


que chaque acteur, dans une organisation, serait prêt à mettre dans le
projet collectif.

LA BOUSSOLE DU LEADER RELATIONNEL LF5

Admettre la dynamique et la loi de la complexité comme loi externe


dominante n’est pas chose aisée surtout quand le paradigme dominant
est basé sur une rationalité serinée très tôt dans les principes d’éducation
et les normes environnementales.
Ce paradigme est plus ancré dans les pays qui ont initié et vécu les
dernières révolutions industrielles. Découvrir, concevoir, fabriquer pro-
curent aux individus, aux peuples et aux nations leaders de ses révolutions
un sentiment de puissance intérieure voire de surpuissance. Ce sentiment
peut contribuer à ignorer quelques lois humaines et relationnelles fonda-
mentales et peut installer la collectivité dans une forme de réalité autiste.
Ainsi s’est installée cette rationalité cartésienne presque exclusive qui
a façonné culturellement une bonne partie de ce que l’on appelle les
pays occidentaux et certaines de leurs zones géographiques d’influence.
Certes, des ajustements à ce cartésianisme dominant ont eu lieu au gré
des découvertes et avancées psychologiques, neurologiques ou autres.
La norme dominante cartésienne restait néanmoins le repère ultime sur
laquelle pouvaient se construire des stratégies, des visions, des politiques,
des économies et autres dimensions très engageantes culturellement,
financièrement ou politiquement.
La crise financière mondiale 2008 en est une des dramatiques illus-
trations les plus récentes. Construire des modèles avec des paradigmes
exclusivement cartésiens en négligeant la dimension réflexive.
Georges Soros, ce fameux financier trader américain devenu philan-
thrope entre temps, a analysé les raisons de la crise 2008 dans un ouvrage
intitulé La vérité sur la crise financière (2009). Depuis les années 1990 il
défend l’idée d’une réflexivité nécessaire dans les modèles économiques.
S’inspirant des travaux de spécialistes du « cognitivisme » tels que Varela
et Maturana cités plus haut, il avance l’idée que « l’action de l’individu est
le produit de deux fonctions :
Un leadership relationnel à inf luence positive 51

•• la fonction cognitive de la connaissance du monde ;


•• la fonction participative, les deux rétroagissant ».
L’individu agit donc selon la connaissance qu’il a du monde et cette
action a un effet sur le monde lui-même par nos comportements et
décisions. Le meilleur exemple étant notre propre contribution directe
collective et individuelle sur notre climat. Nous sommes donc toutes et
tous des co-créateurs de réalité.
À partir de sa démarche « réflexive », G. Soros a critiqué les modèles
et théories économiques sur lesquelles sont construites des projections et
prospectives nationales et internationales, par le très peu de place qu’elles
consacrent à cette réalité humaine absente dans les modèles dominants.
L’exercice du leadership et de la posture de dirigeant est directement
inspiré du paradigme dominant dans l’écosystème. Depuis déjà une ving-
taine d’année, les paradigmes rationnels exclusifs ont commencé à battre
en retraite intellectuellement et conceptuellement. Dans les faits, c’est
une autre histoire.
L’accès à l’information, aux nouvelles recherches et l’ouverture à un
immense benchmark mondial sur l’exercice du leadership ont installé une
forme de transition vers une conception plus dynamique du leadership.
En feuilletant récemment une revue sérieuse sur le management,
je remarquais ce titre : « Comment en tant que leader pouvons-nous
­comprendre notre monde… ? »
Voilà à travers ce titre le décalage que je notais plus haut. « Comprendre
notre monde… » ! Poser la question de cette manière, c’est contribuer à
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renforcer l’ancien paradigme de la rationalité exclusive.


La question à poser dans un environnement complexe et hyper-
complexe est plus « comment naviguer dans notre monde en tant que
leader et l’expérimenter ? », plus que chercher à le comprendre, même si
analyser, comprendre, mettre en équation sera de tout temps un réflexe
humain. L’effet secondaire qui va avec cette tentative de compréhension
est la réduction du monde.
Éviter cet écueil est possible par un autre réflexe compatible avec la
complexité de l’environnement : celui de la reconfiguration permanente
de ce que nous avons compris. Agir dans un monde complexe, c’est inté-
grer l’aléa et le subjectif comme données permanentes.
52 Développez votre leadership relationnel

Tout cela peut nous rendre très passif dans notre environnement
allez-vous me dire ? D’où la nécessité d’avoir des points d’ancrage forts
qui aident à se repérer dans un environnement en reconfiguration per-
manente. Ces repères de stabilité ne peuvent venir que de l’intérieur.
Un leader-dirigeant a la charge d’institutions, d’équipes et de per-
sonnes au sein d’un écosystème complexe. Il a surtout la charge de les
articuler et de les mettre en « tension relationnelle » afin que l’ensemble
puisse se mettre en mouvement et créer de la valeur. Le plus délicat pour
lui est que, quelle que soit la stratégie de « mise en tension » choisie, le
réajustement est nécessaire au vu des aléas de l’écosystème.
D’où la nécessité de ces repères internes qui forment une forme de
boussole relationnelle. Cette boussole pour le leader relationnel est un
vrai repère intérieur dont la finalité n’est pas de comprendre (comprendre
étant réduire) le monde extérieur, mais de l’appréhender par le fait de
« naviguer dedans », afin d’en percevoir les contours évolutifs et d’accepter
d’en faire partie de manière active.

LES CONTOURS DE LA BOUSSOLE RELATIONNELLE

Quatre dimensions constituent cette boussole relationnelle nécessaire, à


mon sens, dans un monde hypercomplexe : une posture, une identité, une
intelligence relationnelle, des modes opératoires.

Une posture
C’est la combinaison de :
•• nos croyances fortes sur le monde, sur nous et sur les autres et les rela-
tions que nous avons avec notre monde extérieur ;
•• nos intentions et motivations par rapport aux contextes dans lesquels
nous agissons ;
•• nos comportements, actions et attitudes qui reflètent nos croyances et
intentions ainsi que les émotions qui y sont associées.
Dans l’exercice du leadership, plus le leader a un degré de conscience
de lui, de sa posture, plus il peut avoir accès à ses ressources et anti-
ciper ses limites dans les contextes de pilotage. Cela implique une forme
Un leadership relationnel à inf luence positive 53

d’accès à soi, aux contours de sa personnalité, de ses motivations, de ses


freins intérieurs, de ses aspirations.

Une identité télescopique GLB : Globale/Locale/Bocale


Dans l’exercice du leadership organisationnel, le leader est investi d’au
moins trois identités :
•• L’identité Globale en portant la culture de l’organisation globa-
lisante dans laquelle il exerce sa responsabilité, ses produits, ses va-
leurs, son histoire, sa stratégie, son image…. La manière de porter,
d’incarner cette identité conditionne son leadership, ses décisions,
son style. L’institution dans laquelle agit le leader a une histoire, une
culture, des aspirations dans lesquelles baigne le leader. Le leader dans
ce champ identitaire agit en étant porteur de l’institution et de ses
contours.
•• L’identité Locale en portant la culture et spécificité de son dépar-
tement, de sa « business unit » (s’il n’est pas le leader de l’ensemble
de l’institution) ou du corps de métier auquel appartient ce leader
au cœur de l’institution. Cette appartenance locale façonne diffé-
remment l’exercice du leadership, si le dirigeant lui-même est de
sensibilité commerciale, industrielle ou financière. Le leader dans ce
champ identitaire agit en étant porteur des contours de son corps
de métier.
•• L’identité « Bocale ». Cette identité correspond plus à sa fonction,
sa « job description » en portant une culture plus personnalisée, où il
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exprime à travers sa fonction individuelle, une sensibilité propre, assu-


mée, nuancée selon ses aspirations propres.
Tout leader se trouve au cœur de ses (ces) trois identités et de leurs
interactions respectives dans l’exercice de ses responsabilités. Il ne s’agit
pas en l’occurrence de trouver une forme d’alignement « fantasmé » entre
ces trois identités, mais de développer une forme d’agilité et de souplesse
personnelle afin de concilier les tensions qui peuvent émerger au sein de
ses trois identités. Les enjeux de « l’identité G » peuvent être temporai-
rement en décalage avec les deux autres identités pour des raisons stra-
tégiques ou autres arbitrages nécessaires. D’où l’importance d’un regard
identitaire « télescopique » capable de se « détendre » pour avoir les trois
54 Développez votre leadership relationnel

nuances ; ou au contraire se contracter pour se focaliser prioritairement


sur une des trois.
L’exercice du leadership implique dans le cadre de cette méta-culture
GLB de développer cette subtilité et agilité managériale qui permettra
de tisser une relation adaptée entre le leader et ses trois composantes
identitaires.

Une intelligence relationnelle


Nous avons défini ce qu’était l’intelligence relationnelle à travers les dif-
férents auteurs qui en ont déterminé les contours. Il s’agit là en l’occur-
rence, pour le leader LF5, de s’approprier les contours de son potentiel
relationnel afin de pouvoir le déployer de manière appropriée et de se
positionner non pas dans une posture de « domination » mais d’influence.
Passer de la domination à l’influence.

Des modes opératoires


Il est important que la boussole relationnelle du leader LF5 soit égale-
ment munie de certains repères opérationnels et pratiques qui peuvent
l’aider à accéder techniquement au potentiel de son intelligence relation-
nelle. Tout au long des chapitres qui vont suivre, nous verrons ensemble
quelques exemples de ces modes opératoires.

Posture

Modes opératoires Identité télescopique


(GLB)

Intelligence relationnelle

La boussole relationnelle
Un leadership relationnel à inf luence positive 55

LE CHAMP RELATIONNEL SPÉCIFIQUE (CRS)

La notion de champ fait référence à plusieurs sens. Je me suis inspiré des


travaux du psychologue américain du milieu du xxe siècle Kurt Lewin
qui a défini le champ social comme étant un « espace social d’inter­
action ». En tant qu’acteur dans un groupe d’individus et dans un écosys-
tème, nous avons tous des capacités d’influence par ce que nous faisons
ou ne faisons pas. C’est une forme d’influence.
À travers nos différents CRS individuels, chacun de nous agit et
contribue à co-créer la dynamique collective dans laquelle il est selon
la dynamique réflexive que nous venons de voir précédemment dans les
travaux de Varela et Maturana.
Dans le cadre de l’exercice du leadership, partir de cette hypothèse
initiale peut changer le regard de l’exercice du leadership. Le rôle du
leader devient alors celui d’un activateur et influenceur de champs rela-
tionnels spécifiques et collectifs à travers lesquels se créent de la valeur
collective.
Ces différents CRS au sein d’une organisation sont constitués essen-
tiellement de quatre interfaces en relation avec soi :
•• La relation à soi (à ses croyances/à la valeur que nous nous accor-
dons/à la conscience que nous avons de nous-même). La nature de la
relation à soi conditionne l’exploitation et l’activation de nos propres
ressources ainsi que les relations que nous établissons avec notre envi-
ronnement.
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•• La relation à la loi. La loi ici est à prendre au sens le plus large.


Elle concerne les normes qui constituent notre environnement et qui
représentent directement ou indirectement toute forme d’autorité
directe ou indirecte (lois physique, économiques, sociales, politiques,
organisationnelle, process internes, personnes représentants cette loi).
•• La relation aux interfaces transversales internes (ITI) qui
concerne la nature des relations avec les acteurs internes de l’organisa-
tion dans laquelle nous agissons (collègues, départements, services…).
•• La relation aux interfaces transversales externes (ITE) qui
concerne la nature de la relation établie avec les acteurs externes à
l’organisation (fournisseurs, clients, partenaires divers…).
56 Développez votre leadership relationnel

•• La relation collaborateurs établie vis-à-vis des personnes sous la


responsabilité directe du leader : Quel type de leadership est exercé
vis-à-vis des collaborateurs, quelle nature relationnelle ? Quelle proxi-
mité hiérarchique ? Quelle relation selon le contexte du moment ?…..

Le Soi

ITE CRS ITI


Interfaces Relation Interfaces
transversales Collaborateurs transversales
externes internes

La Loi

Le champ relationnel spécifique

Toute la dynamique de l’intelligence relationnelle dans une organisa-


tion complexe et hypercomplexe consiste à activer, entretenir, développer
et exploiter notre champ relationnel au mieux de notre conscience du
moment.
Les parties et chapitres du livre qui vont suivre ont comme objectifs
de développer chacune des parties de la boussole relationnelle et des
quatre interfaces du CRS.
Partie

II LES APPORTS
DE LA PROCESS
COMMUNICATION
À L’INTELLIGENCE
RELATIONNELLE
DU LEADER

Un levier d’influence positive


pour le leader relationnel

« Le dialogue véritable suppose la reconnaissance


de l’identité de l’autre et de son altérité.»

Proverbe africain
3
LA SUBTILE MÉCANIQUE DU MODÈLE
PROCESS COMMUNICATION

L’ART D’ENTRER EN INTERACTION POUR UN LEADER

La relation à soi, une logique d’altérité


La relation à soi : quel regard ai-je sur moi-même, quelle valeur je m’au-
torise à me donner, et comment j’exploite et mets en œuvre les res-
sources dont j’ai conscience dans différents contextes (confortables ou
épineux) ?
La relation implique ces deux polarités : conscience de soi et exploi-
tation et développement en conscience de ses propres ressources : être
conscient et agir avec la lucidité et les limites du moment, c’est pour moi la
définition du libre arbitre. C’est une forme de nettoyage de lunettes qui
permet par la suite d’être en lien et d’être dans une forme d’altérité.
Que fait le leader dans un écosystème hyperconnecté si ce n’est gérer
des champs relationnels articulés les uns aux autres, dans une forme d’en-
chevêtrement chaotique interdépendant. Sa qualité première sera alors
celle d’orchestrer et de donner du sens à travers ces différents liens afin
que les acteurs qui y contribuent puissent créer de la valeur individuelle
et collective.

Les 4 dimensions d’un dialogue constructif


Être en lien à travers un dialogue constructif implique selon moi quatre
dimensions
60 Développez votre leadership relationnel

Une intention

La première est d’identifier les intentions qui nous guident dans le cadre
des interactions que nous entreprenons quotidiennement de manière
virtuelle ou physique. En arabe, la notion d’intention n’est pas une simple
motivation. Elle se dit « niyya » et porte en elle plus que la motivation,
mais également des valeurs, des attitudes et des représentations.
Accéder à ce niveau de conscience, celui de « niyya » élargit notre
champ de perception de notre environnement et nous permet de ne pas
être le produit et le « jouet » de nos émotions et de nos impulsions mais
d’en être le pilote.

Une manière

La deuxième dimension du dialogue constructif est la manière. Étant


des êtres de relation d’abord, je peux pousser la provocation jusqu’à sup-
poser explicitement que toutes nos activités humaines sont des prétextes
sophistiqués et complexes afin que nous soyons en lien. Nous pouvons à
partir de là franchir aisément le pas et affirmer alors que la manière avec
laquelle nous échangeons et sommes en interaction prime autant voire
parfois plus que le contenu des messages.

L’estime de soi et de son environnement

Les champs relationnels les plus optimaux sont ceux dans lesquels cette
notion d’estime de soi est prise en compte et déployée. Deux grandes
théories psychologiques et cadres de références conceptuels l’ont abordée :
l’Analyse Transactionnelle (AT) développée par Eric Berne et William
Schutz dans ces recherches autour de « l’élément humain ». Nous allons ici
mettre le focus sur le concept de position de vie développé dans le cadre de
l’AT par Eric Berne. Il stipule que nos comportements dans nos environ-
nements sont conditionnés par le regard positif ou négatif (valeur) que nous
nous attribuons et attribuons à la situation (personne/groupe/contexte).
Quatre positions de vie existent :
•• –/+ : j’ai moins de valeur que tu n’en as ;
•• +/– : j’ai de la valeur, tu as moins de valeur que moi ;
La subtile mécanique du modèle Process Communication 61

•• –/– : je n’ai pas de valeur, tu n’as pas de valeur ;


•• +/+ : j’ai de la valeur, tu as de la valeur quelle que soit notre différence.
La position de vie la plus optimale afin d’être dans les meilleures dis-
positions d’interaction est le plus possible la position de vie ++.
Le concept de positions de vie permet de comprendre la récurrence
de certains comportements que nous activons et qui sont basés sur un
postulat de base relatif à l’image que nous avons de nous-mêmes et des
autres. Ces quatre positions de vie sont fondamentales et vont condi-
tionner la suite et la qualité du dialogue.
Prenons l’exemple d’un leader avec son équipe dans les quatre cas de
figure :
•• Position de vie +/+ (j’ai de la valeur, ils ont de la valeur). Dialogue in-
térieur du leader : « Mes collaborateurs ont tendance à challenger mes
décisions, ils font preuve de liberté de parole et d’autonomie de pensée
sans remettre en cause mon autorité ni ma légitimité. Je reste malgré
tout décideur ». Dans ce cas de figure, le leader considère la parole et
les idées de ses membres de direction. Cette position de vie l’aidera à
adopter des comportements de dialogue ouverts tout en assumant son
autorité de leader.
•• Position de vie +/– (j’ai de la valeur, ils ont moins de valeur). Dialogue
intérieur du leader : « Je les laisse exprimer leurs idées mais ma décision
est déjà prise. De toute façon ils n’ont pas les compétences nécessaires
ni la vision globale pour avancer des idées pertinentes ». Dans ce cas
de figure, le leader peut partir de l’hypothèse qu’au vu de sa position
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professionnelle, ses idées ainsi que sa parole priment de toute manière.


Cette position de vie peut induire des comportements parfois auto-
cratiques, en imposant des points de vue. Il peut prendre les contra-
dictions comme des contestations plus qu’une invitation au dialogue.
•• Position de vie –/+ (j’ai moins de valeur/ils ont de la valeur). Dialogue
intérieur du leader : « Leurs challenges permanents lors de nos comi-
tés de direction prouvent bien que j’ai du mal à m’imposer comme
leader. Je ne sais pas si je saurai fédérer une telle équipe ». Dans ce cas
de figure, le leader peut se montrer hésitant dans ses comportements
et décisions en manquant d’assertivité. Sa sécurité psychologique inté-
rieure s’avère être faible dans ce contexte.
62 Développez votre leadership relationnel

•• Position de vie –/– (je n’ai pas de valeur/ils n’ont pas de valeur).
­Dialogue intérieur du leader : « De toute façon ça ne sert à rien de les
convaincre de quoique ce soit, ils ne comprendront pas, je ne sais pas si
j’en ai vraiment envie ni si j’ai les moyens de le faire ». Dans ce cas de
figure, le leader peut se montrer plutôt en retrait et passif.

L’unicité de chacun d’entre nous

La quatrième et dernière dimension du dialogue constructif est l’unicité


de l’identité de chacun d’entre nous. L’identité est caractérisée par deux
besoins paradoxaux :
•• Le besoin d’appartenir à une ou des communauté(s) afin de vivre
notre nature profonde : celle d’Homo Empathicus et d’exister à travers
la relation et expérimenter l’altérité.
•• Le besoin de nous distinguer parmi cette communauté et d’exprimer
notre spécificité et unicité. À travers cette unicité, nous développons
une perception, une fréquence et un regard unique sur notre monde
à travers une forme d’empreinte cognitivo-émotionnelle irréduc-
tible à toute norme extérieure : notre perception unique et subtile
du monde. Ceci peut expliquer certaines de nos « sur-réactions » dans
des contextes où nous sentons cette perception menacée de dispa-
raître ou remise en cause. Cette perception peut être une valeur, un
comportement, une conviction, une émotion ou autre manifestation
personnelle.
Dans le feu de l’action relationnelle, nous pouvons avoir tendance
à oublier la spécificité de la perception de chacun d’entre nous et de
réduire l’autre à notre propre perception avec les conséquences relation-
nelles que cela peut générer.
Le dialogue constructif avec soi et l’autre implique l’intégration de
ces quatre critères de manière alchimique, c’est le losange du dialogue
constructif.
Parmi des centaines d’approches psychologiques existantes depuis
plus d’une centaine d’années et l’apparition des premières études quan-
titatives de personnalité datant de 1905 (le test de Binet-Simon), une
en particulier paraît selon moi, prendre la mesure de la dynamique et la
La subtile mécanique du modèle Process Communication 63

Intention

Dialogue
Unicité constructif Estime de soi

Manière

Le losange du dialogue constructif

nature profondément relationnelle de l’être humain. La Process


­Communication Model (PCM). Ce modèle est un véritable levier de
développement de l’intelligence relationnelle chez les personnes. De
facto chez les leaders. Cette intelligence est une forme de berceau d’in-
fluence des champs relationnels spécifiques et collectifs (CRS/CRC).

LA PROCESS COMMUNICATION :
UNE JEUNE HISTOIRE
ET UNE APPLICATION TRANSVERSALE
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La Process Communication est une approche et un cadre de référence


dont la finalité anthropologique est de permettre aux personnes, de
mieux se connaître (connexion à soi) et de mieux connaître leurs sem-
blables (leurs spécificités et unicités) afin de créer des liens relationnels
conscients et responsables. Quelle belle vocation !
Conçue dans les années 1970 par Taibi Kahler, le modèle Process
Communication a connu entre autres des applications dans le cadre de la
NASA pour sélectionner des astronautes. Le psychiatre Terry McGuire
(chargé de recrutement des astronautes pour la NASA) a demandé à
Taibi Kahler de concevoir un modèle d’évaluation des compatibilités
personnelles entre individus
64 Développez votre leadership relationnel

Le développement de ce modèle clinique s’est généralisé par la suite


à différents secteurs professionnels et personnels (entreprise, éducation,
développement personnel…). Ce modèle est aujourd’hui présent sur
tous les continents de manière adaptée aux nuances culturelles.
La prise de contact avec le modèle se passe entre autres par l’inter-
médiaire d’un inventaire de personnalité dit IDP en francais. Il permet
d’identifier son profil : son type de personnalité, ses fréquences favorites
de communication, ses besoins psychologiques, ses zones de stress, ses
motivations passées et actuelles et éventuellement futures, ses qualités
relationnelles et les obstacles à une relation constructive…
Ce questionnaire, en évolution constante afin de tenir compte des
différentes passations transversales (cultures, genres, positions profession-
nelles, secteurs d’activités, âges…), donne une lecture puissante du patri-
moine relationnel des personnes. Il permet également l’appréhension
spécifique du potentiel relationnel des managers, leaders et dirigeants
dans l’exercice de leur responsabilité.
L’intérêt accru par rapport au modèle PCM des milieux de ­l’entreprise
et des organisations provient selon mes observations, de l’articulation
pertinente et puissante de trois facteurs :
•• l’aspect pragmatique et structuré de la méthode qui nourrit une attente
de relative rationalité et de simplicité d’appréhension par la ­présentation
de ses résultats, ses commentaires et les plans d’actions proposés selon
la variété des profils ;
•• l’aspect dynamique du modèle qui n’enferme pas la personne dans
une forme « d’étiquetage » psychologique, mais au contraire prend
en considération son évolution et son adaptation à l’expérience de
la vie ;
•• l’aspect conceptuel multi-niveaux. Le modèle PCM est également au
confluent de plusieurs approches et cadres de références conceptuels :
psychologie cognitive, Analyse Transactionnelle, intelligence émotion-
nelle, courants psychothérapeutiques, approche clinique. Ce carrefour
conceptuel permet à la Process Communication d’avoir une variété
contextuelle d’utilisation large : monde éducatif, entreprise, politique,
médical/santé…
La subtile mécanique du modèle Process Communication 65

UNE HISTOIRE DE LENTILLE : LES PERCEPTIONS

Taibi Kahler a observé que nous percevons notre réalité extérieure


à travers 6 prismes différents, comme une forme de lentilles psycholo-
giques. Un même événement extérieur va être « filtré » par une forme
de transformateur mental personnel issu d’une alchimie incluant, bio-
logie, éducation, psychologie, culture, histoire personnelle et contexte
de vie :
•• Percevoir la réalité par les émotions : la personne filtre le stimulus exté-
rieur en le teintant par les différentes nuances émotionnelles qui lui
permettent de « ressentir » le monde.
•• Percevoir la réalité par les faits et l’information : la personne filtre le sti-
mulus extérieur en le teintant de faits et d’informations qui lui per-
mettent « d’analyser » le monde, de le rationnaliser et de le quadriller
afin de mieux l’appréhender.
•• Percevoir la réalité par les opinions : la personne filtre le stimulus exté-
rieur en le teintant d’opinions qui lui permettent de se « position-
ner », d’avoir un point de vue spécifique sur des faits extérieurs, de
le connoter en positif ou négatif, de le juger, de le valoriser, au sens
valeur et principe et de lui donner un sens.
•• Percevoir la réalité par les actions : la personne filtre le stimulus extérieur
par l’opportunité des actions potentielles générées. Ce qui lui permet
d’entrer en action et d’agir. Sa lentille est l’action.
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•• Percevoir la réalité par l’imagination : la personne filtre le stimulus exté-


rieur en le teintant d’imagination et en reconfigurant la réalité. La per-
sonne imagine, projette mentalement et suppose à partir des stimuli
extérieurs.
•• Percevoir la réalité par la réaction : la personne filtre la réalité extérieure
à travers différents contextes sur lesquels il s’appuie pour réagir spon-
tanément positivement ou négativement et exprimer une forme de
complicité par rapport au monde extérieur.
La perception est une « porte d’entrée » vers le monde comme l’a
exprimé Paul Ware, initiateur de ce concept. Cette porte d’entrée condi-
tionne par la suite nos croyances et comportements en adéquation avec
66 Développez votre leadership relationnel

la spécificité de notre perception initiale. D’où l’importance majeure de


ce concept. Chacun de nous dispose d’une lentille dominante qui lui
permet de « teinter » sa réalité.
Imaginez avec moi l’ensemble des bénéfices relationnels potentiels
découlant d’une telle prise de conscience, de manière générale et plus
spécifiquement dans le monde des organisations par les leaders ainsi que
les différentes créations de valeurs possibles !
Les six perceptions que je viens de décrire ont des particularités psy-
chologiques spécifiques. Chacune d’entre elles correspond à un style et à
un type de personnalité unique avec ses contours, ses particularités. Taibi
Kahler lors de ses travaux de psychologue clinicien a identifié six types
de personnalités.

LES 6 TYPES DE PERSONNALITÉ ET LEUR STRUCTURE :


UN MULTIMONDE INCLUSIF ET NON EXCLUSIF

Dans les différentes approches et modèles de questionnaires de person-


nalité, la partie descriptive des typologies distinctives des personnes est
attendue avec impatience avec le secret espoir d’y découvrir la révélation
de sa « vraie nature » enfin. La Process Communication n’échappera en
partie pas à cette attente somme toute légitime.
Ce qui est important et sain dans le modèle Process Communica-
tion est aussi le fait que nous soyons tous une nuance des six types qui
vont être présentés ici, plutôt qu’exclusivement l’un des six. Cela rend le
modèle inclusif et non exclusif.
Cette particularité est respectueuse de la dimension alchimique,
dynamique et évolutive de notre nature. Néanmoins, chaque type de
personnalité correspond à un monde à part, à un langage à part, à une
fréquence à part.
Un monde avec son atmosphère, sa météo, ses frontières, ses lois, ses
règles, son langage, ses reliefs, ses coutumes, ses comportements, son
énergie, ses forces, ses croyances limitantes…
Nous sommes constitués de l’ensemble de ces six mondes en nous qui
cohabitent, s’interpénètrent et qui sont l’essence de notre dynamique
intérieure et de notre complexité. Nous sommes des multi-mondes, des
La subtile mécanique du modèle Process Communication 67

multifréquences et nous avons le potentiel d’être des polyglottes rela-


tionnels comme nous allons le voir…
Il n’existe pas dans la Process Communication de bons ou de mauvais
profils, mais il est question de nuances, de sensibilité, de texture et d’éner-
gies différentes, voire complémentaires. Cette différence est valable pour
les comportements positifs de chaque profil (utilisation des ressources)
mais également pour les comportements que j’appelle toxiques. Eh oui,
nous avons le revers de la médaille de notre sensibilité. Bad news ? Pas tant
que cela !
En tout cas, le modèle PCM ne s’arrête pas au constat, il explique
le mécanisme des comportements toxiques. Ces comportements sont
à l’origine de tant de malentendus, d’incompréhensions, de conflits et
finalement de destruction de valeurs relationnelles.
Nous sommes constitués de différentes nuances et de ressources
positives en termes de comportements, auxquels nous pouvons accéder
et que nous pouvons exploiter. Cet accès aux différentes ressources
personnelles peut être obstrué par un niveau de stress ce qui aboutit
à de la confusion et à un manque de discernement, un peu comme
si l’on manquait d’oxygène. Nous activons alors nos comportements
sous stress sans pouvoir utiliser nos ressources. Nous allons découvrir
ensemble ce mécanisme dans les pages suivantes ainsi que différentes
pistes et options qui peuvent nous aider à en sortir et retrouver nos
ressources.
Imaginons ensemble ce que cela peut signifier dans le cadre de l’exer-
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

cice du leadership, exposé à des variations de « températures » perma-


nentes et qui requiert une conscience des plus lucides quasiment de tous
les instants.
Accéder à un niveau de conscience de soi élevé est une des fina-
lités du modèle PCM, comme une forme de boussole mentale et émo-
tionnelle qui permet à son propriétaire de se diriger le mieux possible
dans le labyrinthe paradoxal, ambigu et dense des liens humains et de la
­complexité de la réalité
Quel type de Leader Process Communication êtes-vous ? La présen-
tation qui sera faite ici des six types de personnalité le sera à travers
le prisme et l’exercice du leadership puisque c’est le thème de l’ouvrage.
À l’issue de chaque présentation d’un type de personnalité, je vais ­illustrer
68 Développez votre leadership relationnel

chaque type de leader à partir d’exemple de conduite de réunion. Je vais


m’appuyer pour cela sur des cas réels de feed-back faits à des leaders par
leurs propres collaborateurs suite à des exercices de « 360° ».

Les créateurs de lien, le monde des leaders


type Empathique
La motivation principale des types Empathiques est de créer du lien autour
d’eux. Ils accèdent de préférence au monde extérieur à travers leur « len-
tille émotion ».
Les comportements positifs fréquents et observables dans le monde des
types empathiques sont le côté chaleureux, avenant, bienveillant, attentif,
intuitif, sensible et proche. Les personnalités de type Empathique déve-
loppent le don de la proximité et leur puissance relationnelle devient un
atout d’adaptation dans leur vie professionnelle et personnelle.
Accéder à la complexité de la réalité environnante implique, comme
nous l’avons vu avec les cinq fréquences du leader, d’autres portes d’accès
que la dimension exclusivement factuelle. L’accès par le monde des types
empathiques, par l’émotion donc, en fait partie.
Prendre une décision, pour un type Empathique, implique l’activation
du scanner émotionnel. La présence d’enjeux émotionnels sera domi-
nante dans l’équation globale de la décision. Cela met-il pour autant un
leader de type Empathique en difficulté quand il s’agit d’arbitrer et de
trancher avec les conséquences relationnelles et sociales qui sont loin
d’être chaleureuses ou bienveillantes ? Pas nécessairement.
Un leader peut-il se permettre d’être de type Empathique dans un
environnement hostile, changeant ? Question récurrente que se posent
certains dans le monde des organisations quand ils découvrent le modèle
et les spécificités de chacun des types et où émotion et sensibilité peuvent
être connotées de manière négative.
Une confusion existe assez régulièrement entre sensibilité qui est une
composante de l’intelligence émotionnelle et une forme d’intuition avec
la sensiblerie et l’émotivité, qui est une capacité ponctuellement altérée
à gérer ses émotions.
Le charisme des leaders de type Empathique réside dans leur capacité
à créer des atmosphères et un champ relationnel potentialisant la per-
La subtile mécanique du modèle Process Communication 69

formance individuelle et collective. Leur style de leadership est plutôt


dominé par des interactions bienveillantes tout en étant centrées sur le
business et des objectifs à réaliser.
Ils savent mettre la relation au cœur du Business sans oublier pour
autant la réalité « crue » et paradoxale du monde des organisations.

Commencer par prendre des nouvelles


« M », patron d’une entreprise de service, a pour habitude de démarrer
ses réunions de comité de direction par un tour informel qui consiste
à prendre des nouvelles des uns et des autres, de leur vie personnelle,
de leurs familles. Tout ceci est fait naturellement et authentiquement,
sans jouer de rôle. « Ceci ne l’empêche pas d’être direct dans ses confron-
tations professionnelles, il sait faire la part des choses » disent de lui les
collaborateurs.

Les créateurs de lumière, le monde des leaders


type Travaillomane
La motivation principale des types de personnalité Travaillomane pour
être en lien avec leur environnement est d’identifier les faits et la logique
des choses.
Leur « oxygène » est l’information. Elle est considérée comme des
grains de lumière. Grains qui, combinés les uns aux autres, permettent de
voir « clair » autour d’eux et dans leur environnement. Les types Travail-
lomanes ou Penseurs (Thinkers en anglais) accèdent au monde extérieur
à travers leur « lentille » faits, informations et logique.
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Les comportements positifs les plus observés chez les types Travaillo-
manes sont la structuration, la pensée logique, l’organisation, la recherche
de clarté, la planification, le côté méthodique et rigoureux. Les types
Travaillomanes développent le don de la clarté et de la précision. Ceci
les aide à faire preuve de lucidité, de clarté, de logique et à développer
une forte capacité d’analyse et de structuration. Ils sont orientés faits.
L’information pour eux n’est pas uniquement un moyen, mais également
une finalité en soi.
Les interactions managériales et de leadership des types Travaillo-
manes sont dominés par un style dit plutôt démocratique et interactif
qui permet d’échanger des flux d’informations.
70 Développez votre leadership relationnel

Prendre une décision pour un leader type Travaillomane, implique


l’activation du scanner informatif. L’environnement sera traité de
manière minutieuse, avec une forme de quadrillage afin de « contrôler »
les ­données dont il dispose. Il agit avec prudence et de manière linéaire
afin d’assimiler les contours de la réalité. Réfléchir avant d’agir.
Le charisme des leaders de type Penseur réside dans leur capacité à
mettre de l’ordre dans le désordre et à fédérer autour d’objectifs expli-
cites et structurés.

Poser d’abord le cadre


« L » dirige un centre de profit dans un secteur industriel. Il démarre
ses réunions en posant le cadre de la réunion, avec sa durée les diffé-
rents intervenants dans l’ordre et le temps qui a priori leur sera attribué.
À l’issue de chaque intervention de ses collaborateurs, il reformule en
classifiant les différents points exposés. L ne passe au point d’après qu’à
partir du moment où il s’assure que chacune et chacun et que l’équipe a
assimilé les données partagées sans laisser d’ambiguïté.

Les créateurs de sens : le monde des leaders


type Persévérant
La motivation principale des types Persévérants pour être en lien avec
leur environnement est de donner du sens aux choses qui les entourent.
Les choses n’existent pas pour elles-mêmes, elles ont une raison d’être de
même que les actes, les individus et les systèmes. Ces raisons d’être sont
à trouver et à expliciter.
Les types de personnalité Persévérants accèdent au monde extérieur
à travers la « lentille » pensée/opinion qui donne une signification à l’in-
formation. L’information n’existe pas pour elle-même, mais elle sert un
dessein plus grand.
Les comportements positifs les plus observés chez les types Persévé-
rants sont l’engagement, la rigueur et le sérieux, le sens de l’observation
et de l’analyse, la fiabilité, une fois la confiance établie : une forme de
fidélité et de loyauté envers des causes, des personnes, des idées. Les types
de personnalité Persévérants accordent une grande importance aux prin-
cipes, dans la sphère personnelle et professionnelle. Dans une décision,
cette dimension principe est hautement pondérée et peut prendre le pas
sur des facteurs plus matériels.
La subtile mécanique du modèle Process Communication 71

Prendre une décision pour un leader de type Persévérant implique


l’activation du scanner arguments. Rappelons-nous que la perception du
type Persévérant passe à travers « l’opinion ». Une bonne décision pour
un leader de type Persévérant implique d’être convaincu après avoir
comparé et pesé les arguments et le sens qu’ils portent. La recherche fré-
quente du sens les amène à voir et à observer, au-delà du simple fait, les
liens, les raisons et à questionner autour du « pourquoi » des faits. Ils sont
sensibles à l’éthique, aux valeurs ainsi qu’à la congruence des événements
et des actes.
Le charisme des types Persévérants réside dans leur capacité à fédérer
autour de causes, autour d’enjeux portés de manière congruente avec un
style d’interaction de leadership de type « démocratique ». L’échange est
d’abord basé sur le flux d’arguments échangés. Leur congruence fait leur
force par l’exemplarité qu’ils affichent et l’incarnation des causes qu’ils
portent.

Établir une charte avant tout


« B » a été la première femme à être à la tête de cette entreprise cotée en
Bourse. L’entreprise en vue sur le marché est scrutée de près de par ses
produits hautement sensibles. Quand elle a pris les rênes de cette institu-
tion, l’un des premiers chantiers qu’elle a voulu mener est l’élaboration
d’une charte culturelle spécifique à toute la ligne managériale. Elle ne
peut se sentir à l’aise à son poste qu’à partir du moment où elle se sent
en confiance avec ses collaborateurs et vice versa. Elle a eu des entre-
tiens individuels avec chacun de ses collaborateurs directs membres du
comité exécutif afin d’établir ce qu’elle a appelé un « contrat moral et
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

relationnel ». Ce même travail a été également accompli avec l’équipe


du comité exécutif en tant qu’instance. L’équipe a élaboré une charte
d’engagement mutuelle qui sera la plateforme relationnelle et profession-
nelle de l’équipe. À l’issue de ces deux étapes, elle a dit à son équipe
« … maintenant je me sens prête à y aller avec vous jusqu’au bout de nos
engagements pour la réalisation de nos objectifs ».

Les créateurs d’énergie : le monde des leaders


type Promoteur
La motivation principale des types de personnalité Promoteurs afin
d’être en lien avec leur environnement est d’expérimenter et d’agir. Leur
oxygène est l’action. Être c’est agir.
72 Développez votre leadership relationnel

L’énergie intrinsèque des types Promoteurs est élevée et intense. Elle


se canalise dans les réalisations de type professionnel ou personnel.
Les types Promoteurs sont décrits comme des personnes pleines de
ressources, énergiques, investies dans l’action, sachant prendre les risques
nécessaires. Leur grande adaptabilité leur permet d’épouser les contours
de différents milieux. Ce sont des personnes à l’aise en groupe.
Ils accèdent à la réalité à travers la « lentille » perception-action. Tout
stimulus extérieur : information, événement, idée, donnée, est converti
en actions potentielles, en opportunités.
Où est la place de la réflexion et de l’analyse alors ? La finalité d’une
analyse pour un type Promoteur n’est qu’un moyen parmi d’autres pour
être traduite en action et réalisation. Cela n’élimine pas pour autant la
dimension réflexion qui ne suit pas le même cheminement linéaire que
le type de personnalité Penseur (Travaillomane) ou Persévérant.
La réflexion ne précède pas forcément l’action pour un type Promo-
teur, elle peut se faire au fil de l’action exécutée avec les réajustements
qui paraissent nécessaires.
Prendre une décision pour un leader de type Promoteur implique
l’activation du scanner : opportunité d’actions potentielles. Il peut fédérer
et mobiliser autour d’objectifs courts, concrets, orientés actions. Il se
montre direct et directif dans les interactions tout en étant dans l’écoute,
d’où un management naturellement orienté type directif (appelé auto-
cratique dans le modèle PCM). Les décisions sont prises plus rapidement
avec en arrière-plan l’envie d’en « découdre » et de passer à l’action. La
motivation de la décision va être conditionnée par le potentiel réalisation
qui en découle.
Le charisme des leaders type Promoteur réside dans leur énergie mobi-
lisatrice, leur capacité à entraîner les autres en transcendant les risques
potentiels et en transformant les obstacles en opportunité de challenges
à relever. Ils voient plus les bénéfices du résultat que les contraintes des
obstacles.

Des réunions courtes et rythmées


« D » vient d’être promu au poste de Directeur général d’une multina-
tionale dans les technologies de l’information. Ses collaborateurs ont été
séduits par son dynamisme, son énergie positive contagieuse, sa volonté
La subtile mécanique du modèle Process Communication 73

d’être pragmatique, direct et d’aller à l’essentiel. Il a proposé à ses équipes


un modèle de réunion plus court, plus fréquent avec des points variés à
l’ordre du jour : « je souhaite des modes de réunion plus rythmés qui nous
permettent d’agir vite avec efficacité… »

Les créateurs de différence et de rupture :


le monde des leaders type Rebelle
La dénomination de personnalité dite de type Rebelle peut porter à
confusion. Spontanément les personnes qui découvrent la PCM pour
la première fois entendent le mot rebelle à travers d’autres connota-
tions, politique par exemple ou contestataire. Beaucoup des personnes
citées en exemple spontanément comme étant de type Rebelle ont
en réalité des structures de personnalité de type Persévérant pour les
causes et les principes qu’elles incarnent et défendent. Le type Rebelle
en PCM est une structure de personnalité et non un statut politique
ou fonctionnel.
La motivation principale des personnalités de type Rebelle dans leur
lien avec leur environnement est la complicité à travers le contact. Leur
oxygène est la création de décalage et de différence, la recherche d’angles
différents et originaux de la réalité et du contact. Ils sont en recherche
d’abord de complicité relationnelle.
Les types Rebelles sont décrits comme des personnes enjouées et
spontanées. Leur originalité et leur dynamique intérieure leur per-
mettent de fonctionner avec aisance y compris en dehors des normes
et des standards qui les entourent. Les codes et les normes, en ce qui les
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concerne, ne sont pas là uniquement pour être respectés mais également


pour être interpellés.
Le potentiel de créativité des types Rebelles est dense, il leur permet
d’élaborer et proposer des options et chemins de nature originale. Ils
s’autorisent, grâce à leur spontanéité, à chercher la différence.
La réalité n’est pas faite que de normes à appliquer mais également
d’autres à créer en fonction des circonstances. Le piège à éviter quand
il s’agit de comprendre la dynamique des types Rebelle est de les can-
tonner au côté « contestataire ».
Ce sont des types de personnalité qui ne se montrent impliqués ni plus
ni moins que les autres. La différence est dans l’énergie et la spontanéité
74 Développez votre leadership relationnel

dont ils font preuve qui peut donner l’impression d’un manque de sérieux
car ils sont en recherche de contacts positifs permanents.
On dit d’eux que ce sont des personnes sérieuses qui ne se prennent
pas au sérieux. C’est une forme paradoxale de prise de recul.
Les types Rebelles accèdent à la réalité par la lentille « contact positif »
qui convertit les événements en une dynamique « j’aime/je n’aime pas ».
La notion de plaisir est omniprésente.
Prendre une décision pour un leader de type Rebelle implique l’ac-
tivation du scanner « contact positif ». Tout en étant mobilisé et centré
sur l’acte de « décider », arbitrer, analyser, il a en arrière-plan la recherche
du bénéfice du plaisir du contact, le contact avec les autres, avec l’action,
avec l’acte de décision.
Le charisme des leaders type Rebelle, quand ils exploitent leurs res-
sources, réside dans leur capacité à stimuler la créativité, à ouvrir des
chemins différents et originaux non exploités jusque-là. Leur style de
leadership naturel est plutôt basé sur une forme de « laisser faire » contrôlé
qui stimule la créativité. Il y a une forme d’audace dans leur manière de
« défier » le sens commun du leadership.

Célébrer chaque franchissement d’obstacle


« N » dirige l’entité informatique d’une grande structure industrielle. Lui
et son équipe ont eu à gérer une migration informatique très complexe
qui a impliqué quasiment 36 mois de travail acharné et subtil afin de
pallier les problèmes techniques et relationnels. Il y a mieux comme
contexte pour éprouver de la « complicité » relationnelle. N a suggéré à
ses équipes d’effectuer durant les réunions hebdomadaires de suivi du
projet de migration des mini-célébrations qui ponctuent le franchisse-
ment de chaque obstacle dans ce projet. Ces célébrations devaient être
elles-mêmes valorisées par les collègues selon leur originalité. Inutile de
vous dire le « buzz » que ce rite a eu en interne. Il a même fait l’objet
d’une capsule vidéo qui a été diffusé par la suite dans l’entreprise.

Les créateurs d’images et de mondes parallèles :


les leaders type Rêveur
La motivation principale des types de personnalité Rêveurs dans leur
lien avec leur environnement est de nourrir leur monde intérieur en
s’appuyant sur les stimuli de la réalité extérieure.
La subtile mécanique du modèle Process Communication 75

La dénomination « rêveur » peut porter à confusion par la connota-


tion parfois négative ou ambiguë que ce terme peut incarner surtout en
entreprise.
L’énergie des types Rêveurs est basée sur une vie intérieure intense
en termes d’imagination. Elle n’a besoin que de quelques stimuli exté-
rieurs (situation, acte, mot, événement…), pour s’amplifier intérieure-
ment grâce à leur fertilité imaginative.
Les types Rêveurs sont décrits comme étant plutôt de nature intro-
vertis (en retrait), calmes et posés. Le recul qui les caractérise, leur donne
une capacité de synthèse par rapport aux situations qu’ils vivent. Ils sont
imaginatifs et utilisent assez facilement les métaphores pour illustrer la
réalité qu’ils vivent.
Les types de personnalité Rêveur accèdent à la réalité par la « lentille »
pensée imaginative. La girafe est pour moi un animal qui traduit bien ce
type de personnalité : la tête en hauteur scrutant l’environnement avec la
prise de recul qui les caractérise et des pieds bien au sol guidés par cette
vision en hauteur et en prospective.
Prendre une décision pour un leader de type Rêveur implique l’ac-
tivation du scanner prise de recul et retrait afin d’avoir la « global picture »
nécessaire pour arbitrer.
Leur charisme réside dans leur capacité à apporter à leurs équipes un
espace de réflexion, de la hauteur de vue et donc des mises en perspec-
tive qui permettent de voir le tout avec les parties qui le constituent.
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Prendre de la hauteur avant d’agir


« A » est une jeune dirigeante de la très sensible direction logistique d’une
entreprise agroalimentaire réputée pour la haute qualité de ses produits.
Elle dirige une entité de près de 200 personnes et fait partie du comité de
direction de son entreprise. Le lancement d’un nouveau produit « fragile »
implique une logistique très fiable pour livrer les multiples points de vente
du pays. Pour accompagner le lancement de ce nouveau produit, une
équipe projet a été créée afin de parer au mieux à d’éventuels dysfonction-
nement. Durant ces réunions, A écoute attentivement ces collaborateurs
exposer les remontées terrain. À chaque fois qu’une demande pressente
d’agir ou de décider dans l’immédiat lui était faite, elle préconise la tempé-
rance, le recul afin de ne pas décider dans la précipitation. Elle est toutefois
amené à trancher de manière plus rapide et immédiate dans certaines
situations qui nécessitent une intervention d’urgence. Naturellement, « A »
76 Développez votre leadership relationnel

a tendance à vouloir aider son équipe à ne pas « plonger » tout de suite


tant que cela est possible. C’est une des qualités majeures qui a favorisé sa
promotion en interne à ce poste hautement stratégique.

Six types de personnalités, six sensibilités différentes, six textures, six


types de comportements et d’accès à la réalité.

Quelques principes clés du modèle Process Communication


• Le modèle Process Communication ne décrit pas les profils qualitati-
vement ni hiérarchiquement. De fait chaque profil de personnalité a sa
propre sensibilité et texture émotionnelle et cognitive.
• Le modèle Process Communication est inclusif, il révèle que nous sommes
l’articulation des six types de personnalité selon un subtil engrenage.
• Le modèle Process Communication décrit les ressources de chaque type
de personnalité. Cependant, il existe des conditions pour accéder et
exploiter les ressources de chaque type. Si ces conditions sont absentes
ou rarement présentes, chaque type va présenter des comportements
« toxiques » ou comportements sous stress. C’est le revers de la médaille.
Eh non, la Process Communication n’est pas un modèle d’idéalisation des
personnes que nous sommes ! C’est une excellente nouvelle.

Rappelons-nous que le modèle Process Communication aborde la


psychologie de l’être humain comme un organisme en perpétuel mou-
vement un peu à l’instar d’un cours d’eau qui semble avoir une forme
stable au premier abord mais qui, à regarder de près, est en perpétuelle
reconfiguration à la moindre interaction avec l’extérieur.
La Process Communication adopte une posture « vidéo » pour décrire
la dynamique psychologique individuelle, en mouvement et non en
mode « figé » à l’instar d’une photo.
Cinq dimensions représentent cette subtile et alchimique mécanique
qui est celle de la PCM : l’immeuble de personnalité, la base, la phase,
l’ascenseur, les canaux de communication.

L’IMMEUBLE PERSONNEL OU LE PALAIS DES RESSOURCES

À travers la métaphore de l’immeuble, la PCM intègre l’ensemble des


ressources auxquelles nous avons accès de manière plus ou moins aisée
selon leur ordre d’importance.
La subtile mécanique du modèle Process Communication 77

Cet immeuble est la projection graphique et synthétique du ques-


tionnaire IDP (inventaire de personnalité composé de 45 questions) qui
détermine les différents profils. Il indique, à travers l’ordre ascendant
des étages, les différentes ressources potentielles dont nous disposons et
auxquelles nous pouvons accéder dans certaines conditions que nous
découvrions plus tard.
Il existe 720 combinaisons possibles (6 × 5 × 4 × 3… factoriel 6).
Dans l’exemple de l’immeuble représenté ci-dessous, le type de per-
sonnalité Promoteur est l’étage le plus naturel, accessible et dominant.
Ce confort diminue au fur et à mesure que nous escaladons l’immeuble
vers le haut (type Empathique).
La largeur des étages de chaque profil, reflète le niveau d’énergie dont
nous disposons à chaque étage. Plus nous allons vers les étages du haut,
plus le niveau d’énergie diminue. On peut comparer cette montée à
une montagne que nous gravissons. Plus nous grimpons, avec l’altitude,
plus nous allons manquer d’oxygène, notre zone de confort naturelle se
situant plus au niveau du « plancher des vaches ».À chacun sa montagne…
Chaque leader a donc son propre immeuble avec ses propres nuances
et énergies. L’accès que ces leaders vont avoir par rapport à une même
réalité va être différent selon l’ordre de leurs étages.

Empathique

Persévérant
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Rêveur

Rebelle

Travaillomane

Promoteur

Exemple d’immeuble

L’immeuble de personnalité en Process Communication est comme


un palais des ressources. Nous sommes dotés d’un potentiel très élevé de
78 Développez votre leadership relationnel

nuances et de comportements que nous pouvons identifier et exploiter


afin de nous adapter aux réalités relationnelles diverses, variées et
­complexes dans lesquelles nous vivons.
Trois obstacles peuvent barrer l’accès aux ressources :
•• l’ignorance de leur existence ;
•• l’ignorance du process pour y accéder ;
•• les comportements sous stress ou toxiques.
Un palais regorge de chemins directs, indirects et parfois de chemins
« dérobés ». Y circuler requiert un optimum d’informations et d’expé-
rimentation, la pratique des chemins, quelques automatismes, afin de
devenir un habitué des coins et recoins de l’édifice. Il en va de même
pour la conscience que nous avons de nous-même.

EXPLOITER L’IMMEUBLE : L’ASCENSEUR

Utiliser les ressources d’un autre étage implique le passage de l’un à


l’autre. Ce passage se fait en grande partie de manière quasi spontané,
comme un réflexe. Il a lieu grâce à ce que la PCM appelle « l’ascenseur ».
L’ascenseur décrit notre capacité psychologique et relationnelle à
passer d’un étage à un autre et à utiliser la surface la plus large possible
de comportements et de sensibilité à notre disposition.
Chaque immeuble contient deux étages plus sollicités que les quatre
autres. L’étage de la base et celui de la phase.

LA BASE

La base est le premier étage de notre immeuble. Il est appelé « base » parce
qu’il constitue une véritable fenêtre vers le monde, à travers laquelle
nous captons et analysons les informations extérieures. C’est l’étage de
la base qui abrite une des six perceptions découvertes plus haut. Nous
disons en PCM que nous entendons ou percevons par la base.
Cette information extérieure perçue est « teintée » par l’une des 6 per-
ceptions. Le langage (mots entre autres) que nous utilisons reflète et traduit
La subtile mécanique du modèle Process Communication 79

en général le type de base que nous avons. Pour la même situation vécue
par un leader s’adressant à un collaborateur, six formes de langage peuvent
être employées selon l’étage de base du leader concerné :
•• Pour le type Promoteur : « Allons-y, fonçons, faisons-le tout de suite, c’est
maintenant que l’opportunité se présente et pas demain, qu’attendons-
nous pour agir… ».
•• Pour le type Rêveur : « Je vois que… », « Attendons de voir avant de déci-
der… », « Prenons de la hauteur, songeons aux différentes options… »,
« Songeons à l’avenir de notre entreprise dans quelques années… ».
•• Pour le type Travaillomane : « Quelles données démontrent cela ? As-tu
des faits à partager avec moi ? Nous avons besoin de planifier et de
structurer notre plan avant d’agir ? Peux-tu me communiquer un plan
détaillé ? ».
•• Pour le type Persévérant : « Es-tu convaincu par ce plan ? » « Cette dé-
marche fait sens pour moi… » « Je suis convaincu qu’après deux ou
trois ajustements, tes résultats ne pourront que s’améliorer… », «Tu
peux compter sur mon soutien et mon engagement avec toi… ».
•• Pour le type Empathique : «Ta présence avec nous dans ce projet est
importante… » « Quel plaisir de te voir évoluer à cette fonction et de
t’épanouir ainsi », « J’aimerais t’entendre à ce sujet… ».
•• Pour le type Rebelle : «Top ta présentation du budget… » « Alors là, tu les
as déchirés par ta démonstration… yeeess ! ».
La base sert comme réceptacle des stimuli extérieurs, c’est une forme
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de tamis. Chacun de nous a une base spécifique représentée par l’un des
6 étages présentés précédemment.
Je peux reformuler la base et la considérer comme une forme « d’input »
des stimuli extérieurs de la réalité.

LA PHASE

La phase dans le modèle Process Communication est une des belles trou-
vailles de Taibi Kahler car elle donne du sens aux changements observés
chez les personnes tout au long de leur expérience de vie.
80 Développez votre leadership relationnel

L’étage de la phase héberge nos motivations actuelles. L’intérêt que


nous portons aux choses qui nous entourent, aux actions que nous
menons, aux décisions que nous prenons et aux relations que nous
entamons…
Si la base peut être interprétée comme une forme « d’input », nous
pouvons considérer l’étage de la phase comme une forme « d’output » au
sens où cet étage reflète nos principales motivations visibles du moment.
Ce « moment » peut durer toute une vie ou changer selon certaines cir-
constances sur lesquelles je reviendrai plus tard.
Les autres étages, hormis ceux de la base et phase, sont appelés carac-
téristiques secondaires. Ce sont des étages d’appoint, utilisés comme res-
sources selon les besoins du moment, grâce à « l’ascenseur »
Cela veut-il dire que nous .avons la même motivation durant toute
notre vie malgré la diversité des expériences et que notre phase ne
change jamais ?
La Process Communication a constaté par ses observations que
nous pouvons changer de motivations structurelles, de centres d’in-
térêt dans nos actions et décisions essentiellement quand nous sommes
confrontés à des événements d’un niveau de stress élevé et durable dans
le temps.
Face à une situation qui présente un haut degré de stress et durant
une longue période (maladie, changement de vie, échec profes-
sionnel, mariage, naissance… le stress en effet pouvant être intensé-
ment positif ou négatif), deux options sont possibles selon la Process
Communication :
1. La personne a suffisamment de motivation dans son étage de phase
actuelle pour gérer la situation. Elle sait faire face, en optimisant son
étage actuel de phase, par une gestion optimale de son émotion, de
son énergie et de ses postures et comportements. Dans ce premier cas,
la personne ne changera probablement pas de motivation.
2. La personne semble débordée par la situation qu’elle vit. La motiva-
tion dont elle dispose dans l’étage de la phase actuelle n’est plus suffi-
sante pour l’aider à y faire face et à s’adapter au contexte. Elle ne sait
pas gérer son énergie intérieure y compris les émotions rattachées au
contexte qu’elle est en train de vivre. Elle présente régulièrement des
La subtile mécanique du modèle Process Communication 81

émotions inadaptées durant cette étape de sa vie. Ses comportements


et postures s’en ressentent. Quand elle finit par exprimer l’émotion
la plus adaptée à la situation, elle est enfin prête psychologiquement
à accéder à une autre source de motivation plus à même de l’aider à
s’adapter à son contexte. Elle fait une sorte de « deuil émotionnel » de
la motivation pour accéder à une autre.
Dans ce dernier cas, la personne cherche psychologiquement de plus
en plus une nouvelle source de motivation et d’ancrage. Celle-ci se
trouve à l’étage juste au-dessus de celui de la phase actuelle.
Avec le temps, ce nouvel étage devient celui de notre motivation prin-
cipale. Nous nous y installons alors comme étant notre nouvel « étage de
motivation ». Nous opérons alors de manière inconsciente, une forme de
déménagement motivationnel.

Attention à l’étape de transition entre phase vécue et phase actuelle

Dans ce nouvel étage, nous nous installons pour au moins deux ans
jusqu’au reste de notre vie, selon les événements et circonstances. Cet
étage devient alors notre « phase actuelle » et relègue l’étage précédent à
celui de « phase vécue ».
Pendant cette phase de transition qui peut durer jusqu’à deux ans,
le leader, peut vivre quelques perturbations dues à l’embranchement
des motivations : celles de la phase initiale et celles de la nouvelle
phase.
En comprenant ce mécanisme subtil, un leader accède à un niveau de
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conscience plus fin concernant sa propre évolution ainsi que celles des
collaborateurs dont il a la charge. Les équations relationnelles auxquelles
il est confronté régulièrement deviennent plus accessibles.

Changement de phase chez un dirigeant


« OM », à la tête d’une business unit dans le secteur de l’électronique,
dirige en direct une équipe de 20 personnes. Il est pressenti comme
l’un des futurs prétendants au comité du siège européen. Il est reconnu
comme ayant un management rationnel et juste.
Il encourage ses collaborateurs à exprimer leurs opinions même si
celles-ci sont en contradiction avec les siennes. Il les encourage égale-
ment à y mettre le moins d’affect possible afin de rester « pro » comme il
82 Développez votre leadership relationnel

dit. Depuis quelques temps, ses collaborateurs ont remarqué chez lui des
changements d’attitudes, d’intonations :
« Quel est votre feeling par rapport à notre situation de trésorerie ? »
« Je serais heureux et ravi de pouvoir te soutenir sur ce projet… »
« Je ne sens pas trop ce projet… tu devrais y aller doucement avec ton
collaborateur, si tu lui montrais plus d’attention peut-être qu’il avancerait
mieux… »
Les collaborateurs ont également noté quelques hésitations décisionnelles
dont il n’avait pas l’habitude :
« Là dessus je ne sais pas trop, peut-être que je me suis trompé… Enfin,
euh euh, je crains de léser le département marketing, ça pourrait créer
des conf lits et rompre une forme d’harmonie… »
En coaching individuel, OM me fait part de sa confusion et de sa perte de
repères à propos de sa posture.
« Je ne me reconnais plus… Ce n’est pas moi… Je vois bien que mes colla-
borateurs parfois se regardent entre eux quand je fais ce genre de sortie
qui m’étonne moi-même d’ailleurs… » me dit-il.
OM était en train de vivre un changement de phase. Il était dans un espace
de transition de l’étage type Persévérant à celui de type Empathique.
Durant cet espace de transition vont cohabiter différents comportements :
ceux de la phase initiale de l’étage Persévérant et celle de la nouvelle
phase de l’étage Empathique, qui prendra de plus en plus d’espace dans sa
vie psychologique et relationnelle.
OM a exprimé son soulagement après une explication synthétique du
concept de changement de phase. Il a pu mettre des mots sur une période
qu’il commençait à mal vivre et qui aboutissait à des remises en cause
profondes à propos de sa compétence l’estime de lui même.
Il a pris la décision, après une séance de coaching, d’en parler à son cercle
rapproché de collaborateurs afin qu’ils aient des clés de lecture de ses atti-
tudes et comportements actuels.

Pouvons-nous changer de phase grâce à notre volonté personnelle ?

Le changement de phase ne se fait ni sur commande, ni sur une volonté


consciente. C’est un processus dynamique, inconscient et durable, consé-
quence d’une interaction avec notre environnement de vie personnelle
et professionnelle.
L’immeuble ci-dessous donne une représentation graphique d’un
immeuble avec un changement de phase
La subtile mécanique du modèle Process Communication 83

Empathique

Persévérant Caractéristiques secondaires

Rêveur

Rebelle/Phase actuelle

Travaillomane/Phase vécue

Promoteur/BASE

Changement de phase et caractéristiques secondaires

Notre zone de confort se situe plus dans les deux étages que sont
notre base et notre phase (actuelle et vécue). Dans la réalité profession-
nelle d’un leader, l’étage Travaillomane est le plus couramment utilisé et
sollicité, quels que soient ses étages bases et phases.
Les étages appelés caractéristiques secondaires sont disponibles et acces-
sibles par l’ascenseur virtuel… Par cette métaphore de l’ascenseur,
la Process Communication décrit notre capacité et agilité à changer
d’énergie, de comportements et de posture, en investissant d’autres étages
que ceux de la base ou phase selon les circonstances.

Les bénéfices d’utilisation de l’ascenseur pour un leader


• Le besoin de s’adapter à une situation donnée qui requiert une énergie
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différente de ses bases et phases respectives justifie l’utilisation de l’as-


censeur. Un leader ayant besoin d’une énergie d’action ou de prise de
risque nécessaire pour s’adapter à son contexte va chercher à exploiter
l’énergie de son étage Promoteur. Ou encore, un leader cherchant à
prendre du recul et du temps pour voir plus globalement une situation
va bouger son ascenseur vers l’étage rêveur.
• Les leaders sont co-acteurs dans leur quotidien de plusieurs interactions
avec des interlocuteurs de différents profils et de différentes motivations.
Utiliser l’énergie et le langage des étages autres que la base et la phase par
les leaders leur permet de « parler » les « langues » de leurs interlocuteurs
respectifs et de leur offrir une « fréquence » plus audible par eux. Dans le
cas de l’immeuble ci-dessus, l’étage de base du leader est de type Promo-
teur. Supposons ensemble que son interlocuteur soit un collaborateur de
base Empathique. L’ascenseur sera ce médiateur qui lui permettra d’utiliser
son dernier étage, « Empathique », afin de dialoguer avec son collaborateur.
84 Développez votre leadership relationnel

L’immeuble de personnalité, comme nous venons de le constater,


n’est pas une énumération de types de personnalité superposés les aux
autres, mais bien une dynamique complexe, interdépendante, vivante et
évolutive qui tente d’appréhender et de sonder la formidable et mysté-
rieuse mécanique humaine.
Là encore songeons ensemble aux formidables opportunités relation-
nelles dont peut disposer un leader et l’exploitation positive qu’il peut
en faire dans l’exercice de ses responsabilités.
Comment se fait-il que, malgré toutes ces ressources dont nous dis-
posons individuellement, nous n’arrivons pas dans certains cas, ni à les
exploiter ni même à y accéder ? La réponse se trouve du côté de notre
capacité à gérer ou non, notre stress négatif et toxique.
Avant de nous plonger dedans la sphère des comportements toxiques,
arrêtons-nous un instant sur un des éléments introduits plus haut et qui
est une des clés et conditions majeures de « l’influence positive » des lea-
ders : « les canaux de communication ».
Le charisme des leaders relationnels dépend entre autres dimensions
de leur capacité à varier leur fréquence de communication et de le faire
de manière adaptée aux personnes et aux situations avec l’intention qui
va avec (voir le losange du dialogue constructif, p. 63).

LES CANAUX DE COMMUNICATION

Les canaux de communication fonctionnent comme des cordes de gui-


tare qui ont leur propre résonnance, leur propre son, tout en appartenant
à la même guitare, à un tout. Nous pouvons également les comparer à
des fréquences et bandes passantes radio qui permettent de véhiculer de
l’information à travers un espace avec émetteur et récepteur.
Taibi Kahler a identifié 5 canaux de communication :
•• Canal 1 : Interruptif.
•• Canal 2 : Directif.
•• Canal 3 : Interrogatif.
•• Canal 4 : Nourricier.
•• Canal 5 : Ludique.
La subtile mécanique du modèle Process Communication 85

Nous sommes toutes et tous équipés pour communiquer à travers les


cinq canaux avec, toutefois, un canal favori qui est notre canal naturel
et spontané. Nous sommes alors dans notre zone de confort. Ce canal se
situe au niveau de la base.
Rappelons-nous : nous entendons par la base (input/perception) et
nous agissons (output/motivation) à travers la phase.
Chaque type de personnalité a donc son canal favori. Ils reçoivent
mieux par le canal à travers lequel ils émettent eux-mêmes sauf pour le
type Rêveur comme nous allons le voir plus loin.

Le canal 2 : directif
Ce canal vise à donner des directives et des ordres : «Transmets-moi l’in-
formation… », « Réfléchis avant qu’on agisse », « viens chez moi, on en
parle… », « Prends le temps d’y réfléchir… », « Raconte-moi ce qui se
passe », « fonce et agis efficacement »…Toutes des expressions que vous
avez déjà certainement utilisées ou entendues dans votre entourage pro-
fessionnel ou personnel.
Ce canal directif est utilisé naturellement, sans agressivité ni arrière-
pensées de contrôle ou autre. Il vise à s’adresser directement et clairement
à la personne sans détour. C’est un canal fréquemment utilisé par les per-
sonnalités type Promoteur en émission et réception. Les types Rêveurs
reçoivent naturellement par ce canal mais émettent avec le canal 3 : l’in-
terrogatif. Le canal 2, utilisé fréquemment avec les autres types de per-
sonnalité peut créer des décalages dans les dialogues et des malentendus
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dans la relation. Il peut évoquer dirigisme, non-respect, autoritarisme,


alors qu’en réalité c’est la zone de confort et le langage naturel des types
Promoteurs.

Le canal 3 : interrogatif
Ce canal vise à chercher, transmettre et échanger de l’information ou des
opinions : « Que penses-tu de… », « Quelle heure est-il ? », « Que dis-tu
de ce plan stratégique ? », « Quels objectifs pouvons-nous attendre de
cet investissement ? », «Ton avis est important, peux tu le partager avec
nous ? ». C’est un canal fréquemment utilisé par les types de personnalité
Travaillomane et Persévérant en émission et réception.
86 Développez votre leadership relationnel

Pour les premiers, il leur permet d’échanger des données, des infor-
mations, des faits ; et pour les seconds d’échanger des opinions, argu-
ments et points de vue… Beaucoup se reconnaîtront dans ce canal au
niveau professionnel. Oui le contexte professionnel implique l’utilisa-
tion de l’étage Travaillomane et donc le canal qui lui correspond : le 3.
­L’ascenseur permet cette adaptation relationnelle.

Le canal 4 : nourricier
Ce canal vise à entrer en relation avec un interlocuteur de manière cha-
leureuse, bienveillante et proche : « Je suis ravi de te compter parmi nous
à ce meeting… », « Je suis touché par ce que tu viens de faire et des
messages bienveillants adressés à ton équipe… », «Ta présence avec nous
est importante », « dès que tu te trouves dans une équipe, tu aides à faire
régner un état d’esprit positif… » C’est un canal utilisé fréquemment
et spontanément par les types de personnalité Empathiques (émission/
réception).
« Utiliser ce type de canal en entreprise c’est risquer de perdre en
impact et en autorité… on n’est pas dans le monde de Walt Disney ». J’ai
entendu à plusieurs reprises ce type de réflexion de la part de leaders,
peut-être vous aussi, dans l’environnement professionnel. Ce type de
préjugés est assez courant dans l’environnement professionnel et dans
l’exercice du leadership.
Le pouvoir dans une certaine conception en effet peut être réduit à
la domination, à un rapport de force et très peu à la notion d’influence.
Et même dans un rapport de force, gérer ses émotions, les adapter aux
situations, utiliser le bon canal sont de véritables leviers dans la gestion
d’un rapport de force.
La prise de conscience par les leaders de l’impact de la dynamique
émotionnelle dans un dialogue contribue à changer le type de croyances
limitantes relatives à l’émotion.

Le canal 5 : ludique
Ce canal vise à réagir ou faire réagir aux événements extérieurs : « C’est
top ce que tu viens de faire !….», « C’est génialissime comme processus
de production… », « Et si tu nous faisais un topo tip-top sur les retours de
La subtile mécanique du modèle Process Communication 87

la nouvelle méthode GMAO… », « Le reporting là que tu nous as envoyé


nous a tous déchirés… ouaouh ! »
C’est un canal à travers lequel la personne peut véhiculer des infor-
mations très pointues, techniques, factuelles, d’une manière ludique, avec
un mixte de mots et d’onomatopées. Il est fréquemment utilisé par les
types de personnalité Rebelle (émission/réception).
Ces quatre canaux sont des zones de dialogue favorites selon le type
de personnalité de base, sauf pour le canal 1 qui est commun à tous.

Le canal 1 : interruptif
Ce canal, commun à tous les types de personnalité, est activé dans certaines
circonstances de type panique ou craintes intenses, confusion ou émo-
tion débordante : « Calme-toi, regarde-moi… », « Respire, assieds-toi »,
« Écoute-moi, décontracte-toi… ». Ce canal vise à aider à interrompre
un l’état interne négatif non contrôlé d’une personne.
Disposer d’une palette de communication avec les 5 canaux c’est
comme être polyglotte. C’est détenir la capacité de « switcher » d’un
monde à l’autre, d’une nuance à l’autre sans pour autant perdre ni de sa
spontanéité ni de sa « personnalité », puisque c’est la principale interro-
gation émise à ce sujet.
Les canaux de communication sont le reflet de notre puissant équi-
pement et « kit » relationnel. L’influence positive des leaders est basée,
entre autres, sur leur capacité à entrer en lien et en dialogue avec leur
environnement.
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Les canaux de communication sont cette porte d’entrée vers ce lien


avec l’autre. La qualité de ce lien dépend en grande partie de notre
capacité d’utiliser de manière adaptée ces différents canaux avec les
interlocuteurs. Les canaux peuvent être des portes vers un dialogue
ou de vrais murs parfois infranchissables avec les malentendus qu’ils
peuvent générer.
Afin qu’un leader, puisse se « balader » avec fluidité dans cet immeuble
relationnel, et utiliser de manière adaptée les canaux de communication
au niveau des étages, il y a une condition : prendre conscience et gérer ses
propres besoins. Ce concept est majeur, car il conditionne l’optimisation
de l’ensemble de nos ressources relationnelles.
4
SE LIBÉRER DES COMPORTEMENTS
TOXIQUES RELATIONNELS GRÂCE
À LA PROCESS COMMUNICATION

Jusqu’ici, nous avons vu le côté exploitation des ressources possible,


grâce à la prise de conscience de notre « immeuble », de nos étages favoris,
de nos caractéristiques secondaires, de nos canaux de communication, de
nos différentes perceptions ainsi que de notre ascenseur. Cet attelage
nous permet d’optimiser nos ressources et de nous adapter le mieux
possible aux situations auxquelles nous sommes exposés.
Dans quelles conditions et contextes ne sommes-nous plus en
mesure d’exploiter nos ressources ? Sous l’effet d’un stress négatif et
intense, nous pouvons voir notre lucidité émotionnelle, cognitive et
relationnelle diminuer et présenter inconsciemment des comporte-
ments toxiques pour nous-même ainsi que pour notre environnement
et interlocuteur.
Le terme « stress » introduit ici peut sembler avoir une connotation
négative. Il est utilisé ici avec ses deux polarités : stress positif (eustress en
anglais) et stress négatif (distress) comme cela a été étudié et défini par
l’endocrinologue Hans Selye dans « Stress without Distress ».
Il a défini le stress comme étant « l’ensemble des réponses d’un organisme
soumis à des pressions ou contraintes de la part de son environnement » :
•• Le stress est positif quand son intensité nous aide à activer nos res-
sources, à nous mettre en mouvement et même parfois à développer
de nouvelles compétences par l’expérience vécue.
90 Développez votre leadership relationnel

•• Il est négatif quand son intensité est telle qu’il va agir comme une
forme d’inhibiteur et obstruer ainsi l’accès à nos ressources et à la lu-
cidité nécessaire pour nous adapter aux contraintes extérieures.
Il agit comme le cholestérol avec ses deux versants bon et mauvais
(LDL et HDL), matière nécessaire et bénéfique à notre santé à partir du
moment où elle est gérée avec équilibre. Il en va de même pour le stress.
La responsabilité d’un leader est composée d’un ensemble d’enjeux
externes d’ordre politique, financier, organisationnel, social…, mais éga-
lement d’enjeux internes spécifiques à lui-même. Ces enjeux internes,
d’ordre psychologique, identitaire, personnel…, sont générateurs de
stress. Selon le niveau de conscience du leader de lui-même et du type
de relation qu’il arrive à créer avec son environnement, le stress sera géré
différemment.
Si les besoins psychologiques sont satisfaits, le stress est plutôt bien
assimilé. La non-satisfaction répétée de ces besoins risque de déclencher
des comportements toxiques.

LES BESOINS PSYCHOLOGIQUES

Dans ses observations, Taibi Kahler a identifié huit types de besoins psy-
chologiques qui correspondent à des types de personnalité différents.
Ces différents besoins sont la clé de notre capacité à bien gérer notre
stress et à exploiter nos ressources relationnelles.
Dans l’exercice de mon métier de coach et de psychologue, j’ai sou-
vent eu affaire à des cas de personnes se plaignant du comportement
« agressif, récurrent et systématique » dont ils font l’objet de la part de
l’environnement professionnel.
Je vois parfois leur frustration augmenter quand, au fil de nos séances,
j’avance prudemment le fait que ce type de comportements de la part des
personnes est souvent un mécanisme de défense de ceux qui « agressent ».
Il est probable que ce soit le seul comportement qui soit à leur disposi-
tion à ce moment-là, au vu de leur état de conscience.
Je rajoute également, en fonction des cas, qu’assez régulièrement
les comportements « agressifs » de l’environnement ne sont pas tou-
jours dirigés contre eux. La déception que je perçois chez les personnes
Se libérer des comportements toxiques relationnels… 91

accompagnées est très souvent proportionnelle à l’attente qu’ils avaient


de trouver chez moi un complice implicite de leur situation actuelle.
Cette réflexion n’est pas là pour dédouaner quelque comportement
« déviant », que ce soit au niveau des organisations, mais pour aider le coaché
à avoir un recul analytique et reconfigurer les relations toxiques dans les-
quels certains peuvent, sans le vouloir, renforcer leur rôle de victime.
Les comportements « toxiques » ont une utilité et un rôle bien précis.
Ils sont une manière négative de répondre aux besoins psychologiques
puisque nous n’avons pas pu ou su le faire de manière positive.
La réponse positive à nos différents besoins psychologiques nous
permet d’avoir l’énergie nécessaire pour, après, utiliser notre « ascenseur »
et d’exploiter ainsi nos ressources et comportements positifs.
•• « Il est trop exigeant et pique de ces colères, ça nous frustre terrible-
ment, pas un mot de remerciement… »
•• « Il ne voit que ce qui ne va pas.»
•• « On ne la voit jamais, toujours enfermée dans son bureau.»
•• « Il est pointilleux et contrôle tout, on étouffe ! »
•• « Il ne nous aide pas, parfois même on se sent manipulés… »
•• « Il n’est pas assez ferme, il est indécis, on dirait qu’il a peur d’assumer
son rôle… »
•• « D’accord c’est le chef, mais ce n’est jamais de sa responsabilité, il nous
harcèle souvent et ne se remet jamais en cause »
Voici un éventail de comportements négatifs courants dans le monde
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des organisations, accentués par les tensions et intensité du stress, observés


chez les managers mais également chez les collaborateurs sous d’autres
nuances. Ces comportements sont les manifestations négatives d’une
nourriture psychologique recherchée.
Nous sommes tous, quel que soit notre immeuble, équipés des huit
besoins psychologiques avec un focus plus intense au niveau des deux
étages les plus actifs, ceux de la base et de la phase.
Les besoins psychologiques de notre phase actuelle sont les plus
« gourmands » puisque c’est là que se situe notre plus forte motivation.
Chaque étage de notre immeuble correspond à un type de besoin
spécifique.
92 Développez votre leadership relationnel

Le besoin de reconnaissance en tant que personne


et de satisfaction sensorielle
Parmi les huit besoins existe celui d’être reconnu et valorisé en tant
que personne, d’être accepté tel que nous sommes, de manière incondi­
tionnelle en dehors de tout acte ou performance. Ce besoin se mani-
feste par l’appréciation de feed-back personnalisés relatifs à qui nous
sommes, à l’importance que nous représentons pour les personnes que
nous côtoyons et qui comptent à nos yeux.
Derrière chaque besoin psychologique se niche une question exis-
tentielle, une motivation inconsciente et profonde qui guide nos pas et
constitue une forme « d’énergie primaire ».
Celle qui correspond au besoin de reconnaissance personnelle est
« suis-je aimable et appréciée pour qui je suis ? » Ce besoin est plus spéci-
fique aux personnes de type Empathique.
Le besoin de satisfaire des besoins sensoriels est également spécifique
aux types Empathiques. Ils sont plus sensibles que les autres aux environ-
nements chaleureux, harmonieux, aux relations ouvertes et bienveillantes,
sensibles également aux touchers, aux sons, à l’odorat… L’environne-
ment dans lequel évoluent les personnalités de type Empathiques est
rarement impersonnel et froid.
Satisfaire ces deux besoins psychologiques consiste à intégrer dans la
vie professionnelle et personnelle au quotidien une forme de rendez-vous
quotidien avec soi.
Nourrir ses besoins psychologiques pour un leader de type Empa-
thique lui permet d’accéder aux ressources de cet étage : celles d’un
leader ouvert, chaleureux, décidé dans ce qu’il fait, où la sensibilité ainsi
que la qualité relationnelle et la proximité ont toute leur place au cœur
des enjeux complexes et rudes de la réalité organisationnelle et écono-
mique qu’il gère.
Dépourvue de cette « nourriture » psychologique, il aura tendance à
la rechercher de manière négative par des comportements de type : hési-
tation dans ses prises de décision afin de ne pas heurter l’autre, remise en
cause personnelle, dévalorisation de soi, voire l’apparition de quelques
erreurs évitables au vu du niveau de la personne. Il peut parfois égale-
ment s’enfermer en état de stress sévère, dans une forme de croyance
Se libérer des comportements toxiques relationnels… 93

bloquante en se sentant non apprécié et aimé inconditionnellement


jusqu’à, dans certains cas extrêmes, se sentir non « aimé » et rejeté par son
entourage, y compris par ses collaborateurs.

Bonnes pratiques constatées chez des leaders de type Empathique


pour nourrir le besoin psychologique
YL démarrait ses réunions de comité de direction par la minute rela-
tionnelle. Ce rituel consistait à partager entre membres du comité des
exemples de meilleures séquences relationnelles de la semaine avec leurs
équipes et les émotions positives qui y étaient associées. L’équipe était
formée à l’intelligence émotionnelle. Ce rituel permettait à YL de donner
et de recevoir du feed-back positif personnel.

Le besoin de reconnaissance de la qualité des réalisations,


la structuration et la gestion du temps
La reconnaissance de la tâche réalisée se manifeste par le besoin d’avoir
un retour sur la qualité de la réalisation et la confirmation que cela
est remarqué positivement par l’extérieur. La personne est sensible aux
feed-back qui reconnaissent la qualité du travail exécuté et réalisé. Louer
sa qualité d’organisation, de planification, de structuration des actions
et d’anticipation, sont autant de feed-back nourrissants et répondent
au besoin psychologique du type de personnalité Travaillomane : être
reconnu pour la qualité d’exécution de la tâche et du travail.
« Suis-je compétent ? » est la question existentielle derrière l’énergie
des leaders férus de précision, d’organisation, de structure et d’analyse
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pointue. Derrière cette question émerge la notion d’utilité dans son


environnement. Avoir ce besoin ne se limite pas au contexte profes-
sionnel comme nous l’avions abordé précédemment, c’est un besoin
psychologique structurel.
La structuration du temps est également un besoin des leaders de type
Travaillomane. La reconnaissance de la gestion du temps est également
un feed-back nourrissant et équilibrant pour les types Travaillomane.
Nourrir ces deux besoins pour un leader de type Travaillomane, c’est
agir avec méthode en planifiant ses actions à court et moyen terme,
c’est identifier et structurer le temps nécessaire aux différentes tâches à
réaliser, c’est chercher l’information utile et efficace. Toutes ses actions
94 Développez votre leadership relationnel

au niveau personnel et professionnel permettent d’augmenter et de


bonifier « l’oxygène » nécessaire : l’information. Cet oxygène contribue à
favoriser les comportements positifs.
Privé de cet « oxygène », le leader de type Travaillomane va tenter de
se « nourrir » négativement en manifestant des comportements toxiques
pour lui ainsi que son environnement. Il peut devenir plus pointilleux,
plus que la situation ne l’exige vis-à-vis de lui-même ainsi que de son
environnement, il va commencer à moins déléguer, à remettre en cause
la fiabilité du process, des personnes autour de lui et faire les choses
lui-même directement afin d’être sûr qu’elles le sont comme lui le sou-
haite. Rappelons-nous, l’oxygène pour leader de type Travaillomane est
l’information. C’est sa manière d’entrer en mode « survie ».
En cas de stress sévère il devient enfermé dans une forme de croyance
bloquante : « personne n’est capable d’être lucide ni compétent autour de
moi ». Il devient alors la seule source de fiabilité qui existe, ce qui risque de
l’entraîner dans la spirale infernale du « surbooking » de tâches. La consé-
quence psychologique de cette croyance devient le sentiment d’être inutile.

Bonnes pratiques constatées chez des leaders de type Travaillomane


BV arrive 15 minutes avant son équipe à son bureau. Il évite ainsi le f lux
d’information à traiter en live. Il a pris l’habitude de planifier ses actions,
de les hiérarchiser et de se faire son « conducteur » de journée.

Le besoin de reconnaissance de l’importance


de son opinion, croyance et jugement
La reconnaissance des opinions se manifeste par le besoin des personnes
de percevoir que l’environnement écoute et prend en compte la valeur
accordée aux choses, les principes qui nous sont chers, les points de vue que
nous avons au niveau professionnel ou personnel. Le filtre (perception) des
opinions, rappellons-nous, correspond aux personnes de type Persévérant.
Prendre en considération et donc reconnaître le besoin des opinions
des types « Persévérant » ne veut pas dire être d’accord avec, ce n’est pas
la motivation première, se sentir respecté et écouter, oui.
Le besoin psychologique de la reconnaissance des opinions est alimenté
par la question existentielle suivante : « suis-je digne de confiance ? ». Les
Se libérer des comportements toxiques relationnels… 95

types Persévérants sont des personnes caractérisées positivement par leur


sens du devoir, de l’engagement, de la tâche bien accomplie.
Un leader de type Persévérant aura besoin d’être convaincu avant d’ad-
hérer ou de changer de regard. Il va tenter de convaincre et d’amener des
arguments, il va écouter les différentes options en mesurant et comparant
leurs arguments respectifs dans une forme d’échange animé et « partici-
patif ». L’information pure l’intéressera moins si elle est dénuée de sens.
L’énergie mise dans l’échange argumentée est-elle même une
manière de nourrir le besoin psychologique du type Persévérant. Lire,
se documenter, être engagé dans des causes professionnelles, associatives,
politiques, culturelles ou autres sont autant de manière de nourrir psy-
chologiquement ce besoin.
Si vous avez en face de vous un leader qui pointe le doigt essentiel-
lement et de manière répétitive sur ce qui ne va pas, sans pour autant
mettre en valeur ce qui fonctionne, qui impose son point de vue avec un
degré d’écoute bas, qui manifeste une forme de colère vertueuse répétée,
il y a des chances que vous ayez face à vous un leader type Persévérant
sous stress. En intensité extrême de stress négatif, il peut être enfermé
dans la croyance bloquante que « personne autour de lui n’est capable de
tenir ses engagements ».
Cette croyance conditionne par la suite le type de relation qu’il éta-
blit avec son environnement. La conséquence psychologique négative de
cette croyance est de se sentir dans une situation sans espoir.
Les leaders types Persévérants partagent également le besoin de reconnais­
sance du travail et de la tâche accomplie comme leur « cousin », les types
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Travaillomanes.

Bonnes pratiques constatées chez des leaders de type Persévérant


MB a instauré avec son équipe la méthode « Arguments ». Cette méthode
consiste, dans un cadre canalisé, à ce que chaque point à l’ordre du jour
soit exposé à 3 arguments différents émis par certains membres afin
d’avoir 3 regards nuancés.

Le besoin de reconnaissance du contact ludique


La reconnaissance du contact ludique se manifeste par le besoin de se
sentir exister dans un environnement stimulant à interactions variées et
96 Développez votre leadership relationnel

élevées. Interagir avec les autres, avec les choses, les situations, c’est une
forme de « faim » de contact comme l’a exprimé Eric Berne. Ce besoin
correspond aux leaders et personnes de type Rebelle.
Qu’y a-t‑il derrière cette faim de contact, à quelle motivation « pri-
maire » correspond-elle ? « Suis-je acceptable dans ma différence ? » est la
question existentielle du type Rebelle.
Reconnaître sa différence, c’est accepter le type de relation qu’il peut
établir avec son environnement. Rappelons-nous que les types Rebelles
se caractérisent positivement par leur originalité, leur créativité ainsi que
leur regard « outside the box ».
Un leader type Rebelle va être dans des manifestations comporte-
mentales positives en « provoquant » ses interlocuteurs au sens de les faire
réagir, les tester, chercher leurs réactions et en attendant de même de
leur part.Tout en traitant sérieusement le contenu, la forme peut paraître
originale et apporte une prise de recul et de la distance. Ce type de
comportement positif peut « désarçonner » et maintient en veille les per-
sonnes de l’entourage d’un leader de type Rebelle. Il nourrit ainsi son
besoin psychologique par la multiplicité de ces contacts positifs et variés.
En l’absence durable de contacts positifs, le type Rebelle peut mani-
fester des comportements plus toxiques comme râler ou manifester
ostensiblement l’effort fourni dans l’exécution d’une tâche donnée. Le
blâme ou le rejet systématique de la responsabilité vers l’extérieur sans
jamais se remettre en cause font partie des nuances de comportements
toxiques manifestées par les personnalités de type Rebelle sous stress.
La conséquence psychologique négative de leurs comportements
sous stress est de s’enfermer dans la croyance que les autres vont payer ce
qui leur arrive.Tout ceci crée les conditions d’un cercle vicieux qui peut
aboutir à leur propre censure.

Bonnes pratiques constatées chez des leaders de type Rebelle


BP, patronne d’une agence dans le secteur des services, a demandé à son
service de communication interne avec l’aide de l’informaticien de lui
concevoir un canevas de reporting de ses budgets et de ses suivis hebdo-
madaires. Ce canevas peut changer de couleur de manière aléatoire avec
des figurines humaines « rigolotes » quand elle clique sur les différents
espaces du canevas lors de ses présentations. Les réunions de reporting
Se libérer des comportements toxiques relationnels… 97

prennent avec BP une dimension pour le moins originale, voire désar-


çonnante pour certains collègues.

Le besoin d’excitation et de stimulation intense


Le besoin d’excitation se manifeste par le besoin d’être confronté à des
situations « challengeantes » et variées. Ce besoin interpelle le côté défi
en chacun d’entre nous, que ce soit dans un contexte professionnel ou
personnel. Ce type de besoin correspond aux leaders de type Promoteur
qui se distinguent comme nous l’avions vu par leur côté fonceur et actif.
Ce besoin de stimulation intense et d’excitation est alimenté par une
motivation primaire relative à la notion de vie : « Suis-je vivant ? » C’est la
question existentielle du type Promoteur.
Les leaders qui mettent de l’énergie forte et positive à mobiliser leurs
équipes autour de défis ambitieux, dans la résolution de problématiques
complexes, qui challengent en permanence pour des petits ou plus grands
projets, et qui les stimulent à mettre en place, à déployer et à prendre des
risques adaptés, ces leaders-là mettent en avant leur énergie de type Pro-
moteur et répondent en même temps à leur besoin de stimulation positive.
Ils peuvent également en cas de stress intense non assimilé, en cher-
cher de manière négative cette stimulation, en manifestant une forme
de non-soutien aux équipes parce qu’ils les empêcheraient d’agir, ou de
contribuer à créer un rapport de force aboutissant à des conflits et créant
ainsi de la stimulation « négative ». Le besoin d’agir positivement n’étant
pas satisfait positivement, le type Promoteur sous stress peut chercher
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« l’excitation par l’action négative ». Cela peut s’apparenter à une forme


de manipulation. Les leaders de type Promoteur faisant face à un stress
sévère sans traitement de leurs besoins psychologiques peuvent à l’ex-
trême être pris en otage par leur croyance bloquante que « personne n’est
capable d’encaisser ce rythme, ils n’ont pas la force pour cela ».

Bonnes pratiques constatées chez des leaders de type Promoteur


PM dirige une usine référence dans un groupe international. Il a l’ha-
bitude de fixer avec ses équipes le challenge de la semaine pour tous les
départements. Ces challenges sont affichés dans certains couloirs et dans
les ascenseurs de l’usine. Il est fier de les communiquer lui-même au siège
tous les trois mois.
98 Développez votre leadership relationnel

Le besoin de stimulation du monde intérieur : la solitude


Le besoin de stimulation et d’alimentation du monde intérieur se fait
à la condition de se mettre dans une forme de retrait ou de solitude.
Ce besoin a un effet immédiat qui est de stimuler l’imaginaire voire un
monde onirique intérieur très intense. Ce besoin se manifeste par des
comportements observables où les personnes créent une distance relative
avec leur environnement et dans leurs interactions.
Calme, pondération, observations approfondies, esprit de synthèse sont
des manifestations positives des types Rêveurs qui ont ce type de besoin.
Les leaders de type Rêveur sont décrits comme prenant de la hauteur,
du recul, calmes face aux différentes tâches auxquelles ils sont confrontés.
Ce besoin de solitude et de stimulation du monde intérieur les amène à
spontanément créer de la distance avec les événements et de se garantir
ainsi un oxygène intérieur personnel qui ne se laisse pas envahir par les
faits externes. C’est un subtil équilibre entre présence externe aux autres
et présence interne à soi. C’est également un besoin paradoxal puisque la
question existentielle qui le sous-tend est « suis-je voulu ? ».
Cette solitude n’est pas une finalité en soi, elle vise un retrait afin de
laisser libre court à la stimulation du monde intérieur riche et dense qui
a besoin d’être cultivé. En parallèle, ce retrait ne doit pas marginaliser,
d’où la question existentielle.
Les leaders de type Rêveur savent répondre à leur besoins psycho-
logiques en se ménageant des moments pour eux-mêmes durant la
journée, au calme et nourrir ainsi ce besoin délicat
Quand cet équilibre est rompu par un stress graduellement intense
non assimilé, le besoin de solitude et de stimulation intérieur se nourrit
négativement par de l’hésitation, un suivi dispersé des actions à entre-
prendre, un retrait prolongé et disproportionné du monde extérieur et
des interfaces. Face à un stress sévère, les types Rêveurs peuvent se sentir
enfermés dans une croyance limitante « je ne peux pas agir, je n’ai pas de
directive » avec comme bénéfice négatif de se faire marginaliser.

Bonnes pratiques constatées chez des leaders de type Rêveur


SC dirige l’entité système d’information d’un groupe semi-public. Il a
développé le rituel de la « visualisation ». Avant chaque réunion importante,
Se libérer des comportements toxiques relationnels… 99

il prend le temps de s’isoler et de visualiser ses interventions avec les inter­


actions probables des participants. Il aime bien imaginer lors de ce rituel
l’ensemble des scénarios possibles. Tout ne se passe pas toujours selon ce
qu’il a imaginé mais son besoin étant nourri, il peut alors prendre l’ascen-
seur avec f luidité.

Le kit PCM du leader LF5


Comprendre les besoins psychologiques, c’est accéder à la subtilité de nos
textures psychologiques intérieures. C’est décoder nos comportements sous
stress ainsi que ceux de nos différents interlocuteurs. Les expliquer n’im-
plique pas les excuser ni les justifier, mais permet de mieux les appréhender
et d’en connaître les déclencheurs et éventuellement soutenir et aider les
personnes à répondre à leurs besoins psychologiques selon nos intentions
relationnelles.
Pour un leader en charge d’équipes et de projets, ce sont des informations très
précieuses. Il peut contribuer ainsi par ses actions adaptées, à maintenir le plus
possible les membres de ces équipes au sein de « l’immeuble » et de créer un
champ relationnel puissant et créateur de valeur.
Être leader, « influenceur » de champ relationnels de type LF5, c’est intégrer
dans son équation de dirigeant ce regard subtil et « pixélisé » sur soi, sur l’autre
ainsi que la relation qui lie les deux.
L’accès fin à la réalité de l’autre et à soi sont possibles grâce à la compréhension :
• de l’essence première de chacun (question existentielle) ;
• de la motivation prioritaire (besoin psychologique) ;
• de la fréquence favorite (canal de communication) ;
• de l’ensemble des ressources (immeuble) ;
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• des comportements toxiques (comportements négatifs sous stress).


Ce kit permet à un leader d’effectuer un maillage relationnel puissant et néces-
saire à la gestion dans la complexité des organisations.

APPRÉHENDER LA GLOBALITÉ RELATIONNELLE


AVEC LE « DISCERNING MIND »

Avec ces quelques pages à propos de la Process Communication, nous


venons de voir qu’il n’y a pas de profil type de leader Process Com.Tous
les profils se valent et différent. En revanche, ce qui fait la différence
100 Développez votre leadership relationnel

réside dans l’optimisation des ressources face aux situations complexes,


ambiguës et paradoxales auxquelles sont confrontées les personnes en
situation de leadership. C’est là où réside le vrai pouvoir d’influence.
Utiliser son patrimoine relationnel, c’est accéder à une lucidité par
rapport à la situation, en optimisant les 6 énergies de notre identité.
C’est ce que je nomme le « discerning mind » : une dynamique de mise
en mouvement intégrative qui nous permet d’accéder à nos différentes
ressources en quasi-simultanéité pour appréhender une situation à enjeu.
Une fois franchi le filtre de la perception (rappelons nous les 6 types
de perceptions, les portes d’entrées spontanées à la réalité), le « discerning
mind » peut nous permettre d’appréhender la situation en 360 degrés.
Au-delà de notre perception spontanée qui se trouve au niveau de
notre étage de base, il est possible de donner un éclairage panoramique à
une situation extérieure en activant de manière dynamique nos 5 autres
perceptions, mais cette fois dans un certain ordre :
•• Poser les faits, les données, les composantes d’une situation, les dimen-
sions, les voir pour ce qu’elles sont, sans jugement, sans a priori avec
le plus d’objectivité au-delà des enjeux personnels (qu’elles sont les
données, combien, quand, qui, par quels moyens… ?). Utiliser les res-
sources de mon étage type Travaillomane.
•• Évaluer les données, les transformer en enjeux internes et externes, s’en
faire une idée, une opinion, un avis, les emplir de sens (pour quelles
raisons, pourquoi, qu’est-ce que j’en pense, quelle est mon opinion,
cela correspond-il à ce qui est important pour moi, ce qui compte
ou ne compte pas ?). Utiliser les ressources de mon étage de type
Persévérant.
•• Ressentir, accueillir le feeling par rapport à cette situation, les émotions qui
y sont associées (qu’est-ce que je ressens par rapport à cette situation ?
quelle est mon intuition, ma sensibilité, l’émotion éprouvée ?) Se lais-
ser imprégner par le sentiment relatif à la situation. Utiliser mon étage
et mes ressources de type Empathique.
•• Sonder l’envie, la motivation l’échelle de l’envie. (à ce stade, sur une échelle
de 1 à 10, où se situe mon envie de faire ou ne pas faire ou faire diffé-
remment, ma motivation…). Utiliser les ressources de mon étage type
Rebelle.
Se libérer des comportements toxiques relationnels… 101

•• Prendre le recul pour voir le puzzle de mon chemin par rapport à la situa-
tion. Adopter le regard du « drone » qui prend de la hauteur pour avoir
l’image globale, avec ses contours, regard qui intègre les différentes
composantes (quel regard je porte sur la situation, quelle vision en
ai-je, à quelle image puis-je la comparer ?). Utiliser les ressources de
mon étage type Rêveur.
•• So what ? Quel bénéfice des actions entreprises ou à entreprendre ?
(qu’est-ce j’y gagne, quels retours sur investissement, quelle valeur
ajoutée ?). Utiliser les ressources de mon étage type Promoteur.
La démarche du « discerning mind » fonctionne en spirale et non en
linéaire et peut être re-parcourue à plusieurs reprises, selon le besoin de
la situation. Elle consiste à quadriller une situation afin d’en avoir une
vision colorée et fine qui nous permet d’en appréhender l’ensemble
des angles.

Bénéfice
de l’action

Prise de recul
Spirale de lucidité

Motivation

Feeling de
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la situation

Donner du sens
aux données

Poser les faits

Le discerning mind pour leader

J’ai évoqué avec vous au début du livre la nécessité de l’agilité person-


nelle et posturale comme réponse à la complexité de l’environnement.
Agilité qui implique un vrai travail introspectif et de questionnement
102 Développez votre leadership relationnel

personnel. L’utilisation de la Process Communication pour un leader


contribue fortement à cette agilité par :
•• la multidimensionnalité des accès à la réalité (6 types de lentilles) et
donc l’ouverture des regards que cela permet ;
•• l’éventail d’interactions possibles avec différentes personnes à profils
variés (canaux de communication) ;
•• la compréhension des équilibres subtils qui constituent nos sensibili-
tés personnelles (besoins psychologiques, comportements ressources,
comportements toxiques).
Intégrer ces différentes données, y travailler et s’y entraîner contri-
buent à développer la capacité à « pivoter » notre manière d’agir, à penser
et à renforcer le potentiel de discernement et d’attention spécifique.
Pratiquer la Process Communication en tant que leader, au-delà de
la sensibilisation ou formation à l’approche, est une question d’actes
managériaux au quotidien : écouter de manière multidimensionnelle,
décider avec ouverture et assertivité, potentialiser les personnes dont on
a la charge, être les garants de créations de valeur durable.
Tous ces actes de leadership convergent vers un dessein, celui de gérer
le « réseau relationnel humain » (équipes, organisations) dont chaque
leader a la charge. Ce réseau faisant lui-même partie de réseaux plus
grands (écosystème) interdépendants les uns vis-à-vis des autres, dans
une forme de chorégraphie relationnelle complexe dont nous sommes
tous les acteurs et en même temps les chorégraphes.
La Process Com ou l’art de chorégraphier les relations…
Se libérer des comportements toxiques relationnels… 103

Tableau récapitulatif du leader « Process communication »


Comportements Canaux de
Types de Besoins
Points forts toxiques communication
personnalité psychologiques
potentiels préférentiels
Empathique Bienveillant Assertivité moyenne Canal nourricier Reconnaître
Chaleureux Hésitation (4) en tant que
Compatissant Ne sait pas dire non personne
Sensible Commet des Nourrir
Intuitif erreurs évitables les besoins
Peut se sentir sensoriels
victime
Travaillomane Organisé Pointilleux Canal interrogatif Reconnaître
Logique Sur-détaille (3) la qualité de
Planificateur Sur-contrôle son travail
Structuré Ne délègue plus Reconnaitre
et fais tout lui même la gestion
du temps

Persévérant Engagé Voit ce qui ne va Canal interrogatif Reconnaitre


Fiable pas (3) son opinion et
Organisé Trop exigeant la respecter
Respectueux Méfiant Reconnaître
Observateur Impose ses points la qualité
de vue de son travail
et engagement
Promoteur Énergie forte Ne soutient pas Canal directif Besoin
et mobilisatrice toujours quand (2) d’excitation
Dynamique il faut et d’action
et direct Peut être créateur challengeante.
Orienté vers de conflit pour
l’action et la créer de l’action
réalisation
Sait prendre
des risques
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Rêveur Prend du recul Peut se montrer Canal directif (2) Besoin de retrait
et de la hauteur hésitant (en réception)
Esprit de synthèse Peut se disperser et interrogatif
Calme et pondéré dans ses actions en émission
Peut s’isoler des
autres et se fermer
Rebelle Enthousiaste Peut s’ennuyer vite Canal ludique Besoin de
Original et créatif Montre des signes (5) contacts positifs
« Bouscule » dans d’agacement et de complicité
le bon sens en lors de tâches
ayant des regards structurées
décalés et routinières
Se sent rarement
responsable et ne se
remet pas en cause
      Partie

III L’INFLUENCE
RELATIONNELLE
POSITIVE DU LEADER LF5
AU NIVEAU DES ÉQUIPES

Piloter des équipes


en vue d’une performance durable

« Le sens n’existe pas en nous


mais entre nous.»

Kenneth Gergen
5
POTENTIALISER L’ÉNERGIE
COLLECTIVE

LE DIKTAT DE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE

Désarroi d’un dirigeant devant une équipe de direction inefficace


Un de mes premiers clients industriels a partagé avec moi un jour, au
début de notre collaboration, son désarroi face à l’inefficacité de son
équipe de direction.
« Je devais recruter les meilleurs, je crois que j’ai les meilleurs… Je devais
fournir des moyens, on est parmi les top 5 de notre industrie en termes
d’investissement… Je devais mettre en place une stratégie adaptée avec
une vision, nous avons engagé un cabinet spécialisé avec signature inter-
nationale… Mais je sens que mon équipe, dès qu’elle se met à réf léchir
de manière collective, elle avance bien sûr, mais Dieu que c’est pénible,
que de lenteur, que de perte de valeur…, que de problèmes d’egos, de
susceptibilité… ! Par contre, dès que je suis en petit comité ou, mieux,
en individuel, ça va plus vite, je retrouve la brillance et l’efficacité de
chacun… J’ai décidé de réduire le plus possible les rencontres collec-
tives et maintenant je me sens coincé car je me retrouve au milieu d’eux
à faire la circulation… C’est pénible… Alors l’intelligence collective
je veux bien, mais entretemps le business n’avance pas comme il doit
avancer… »

Des cas similaires à celui du témoignage ci-dessus sont nombreux.


Vous en avez connus certainement des semblables.
Dans mon vécu d’accompagnateur, j’ai pu côtoyer des dirigeants très
verticaux dans leur mode managérial. Ils affichaient une efficacité opé-
rationnelle redoutable en comparaison à d’autres qui encourageaient
108 Développez votre leadership relationnel

l’intelligence collective et se débattaient dans des problèmes relationnels


qui contribuaient à détruire de la valeur.
Suis-je en train de défendre un retour à une approche verticale du
management ?
Ce qui m’a souvent heurté dans les organisations est la simplification
naïve, voire parfois dangereuse, relative au déploiement de l’intelligence
collective et du travail d’équipe prônés en interne.
Encourager une approche d’intelligence collective sans précaution,
c’est ouvrir la boîte de Pandore, c’est déséquilibrer un système avec ses
règles, ses croyances, ses valeurs, son management, son histoire. Tout cela
sans transition ni système de substitution et donc avec le risque de revenir
au système de départ, étant alors persuadé qu’il n’y a et qu’il n’y aura que
ce système de valable malgré ses limites. Toute approche de changement
devient alors plus compliquée à gérer.
Dans certains cas et contextes particuliers, j’ai fortement recom-
mander à certains dirigeants clients de ne pas « s’embarquer » dans des
aventures organisationnelles d’intelligence collective, et de ne pas céder
à un effet de mode, mais plutôt de respecter l’effet de leur équilibre
interne… Ils étaient très étonnés de ma « non-vente » du changement. Il
est de bon ton de valoriser le travail d’équipe et plus encore de favoriser
l’intelligence collective de nos temps. C’est plus parfois de l’ordre du
déclaratif que de l’opérationnel.
Par ailleurs, certaines organisations cèdent à l’appel des sirènes des
tendances « in » du management et autre leadership participatif, en igno-
rant certaines réalités des dynamiques de groupe, de leurs impacts et
modalités avec des conséquences inverses à l’intention initiale. Les tra-
vaux du psychologue social un des précurseurs de l’intelligence collec-
tive, Ivan Steiner qui datent, certes (1972), ont déterminé que toutes les
tâches n’étaient pas forcément aptes à être compatibles d’égale manière
avec une dynamique d’intelligence collective.
Ivan Steiner a identifié quatre formes de tâches collectives :
•• Les tâches additives. Ces tâches consistent à additionner la contribu-
tion de chacun à la chaîne de valeur collective. L’achat d’une matière
première et ses différentes transformations pour avoir le produit final
est un exemple de tâches additives où la somme et la forme finales
dépassent la contribution individuelle. Le calcul ici de la création de
Potentialiser l’énergie collective 109

valeur collective est plus aisé au vu du côté « mécanique » de la chaîne


de transformation.
•• Les tâches compensatoires. On parle de tâche compensatoire lors d’éla-
boration de tâches collectives complexes, comme l’élaboration d’une
stratégie. Dans ce genre de contexte, les différents membres de l’équipe
expriment leurs idées relatives à la tâche collective. Ne disposant pas de
toute la « vérité », les avis des uns et des autres se compensent, s’articulent,
se maillent afin de dégager une tendance à laquelle l’ensemble adhère.
•• Les tâches disjointes. Dans un certain nombre d’équipes professionnelles
se trouvent parfois des experts qui maîtrisent leur domaine et qui pro-
posent la solution adaptée. Les autres l’adoptent et l’appliquent. Mettre
en place tout un simulacre de dispositif d’intelligence collective afin
de créer l’illusion d’une participation alors que les dés sont déjà jetés
est une cause de destruction de valeur collective. Autant dans ces cas
faire confiance aux experts, s’organiser pour intégrer leur savoir et
l’assimiler de manière pédagogique et déclarée.
•• Les tâches conjointes. Dans ce type de tâches collectives, l’interdépen-
dance des membres est extrêmement forte. La réussite de leur exé-
cution dépend de leur synchronisation. Décider du déploiement
conjoint d’une stratégie collective d’entreprise par les membres d’un
comité de direction implique d’unir des efforts communs de réflexion.
La stratégie adoptée impactera tous les membres et devra être assumée
et incarnée par toutes et tous. Une attention particulière devra être
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portée au membre du groupe le moins puissant car tout le monde est


« enchaîné » à tout le monde. Le rythme est donné non plus par le plus
dominant mais par le moins dominant.
Attention à l’intelligence collective décrétée.
Plonger dans la dynamique de l’intelligence collective et de la perfor-
mance durable dans une organisation et pour un leader LF5, implique
deux dimensions et certaines ruptures dans le mode de fonctionnement :
•• Revoir la représentation de ce qu’est un collaborateur membre d’une
équipe et de sa plus-value ainsi que ses trois besoins ;
•• l’intégration du losange de l’équipe à performance durable dans l’ani-
mation de l’équipe.
110 Développez votre leadership relationnel

DU COLLABORATEUR AU COLLABOR’ACTEUR

Cent mille milliards de cellules, dont cent milliards de neurones dotés


chacun en moyenne de dix mille synapses, entre dix mille et cent mille
milliards de connexions synaptiques possibles, entre soixante mille et
cent cinquante mille gènes, près d’une trentaine d’éléments chimiques
différents (oxygène, hydrogène, azote, calcium…).
Ce sont là quelques constituants biochimiques d’un être humain.
Ajoutez à tout cela, six émotions primaires, une conscience réflexive qui
nous permet d’analyser, de comprendre et de donner du sens à notre
environnement avec la sensation d’exister. Dans quelques années d’autres
constituants humains plus fins émergeront encore au fil des progrès
scientifiques.
Quand nous prenons ces éléments cognitivo-biochimiques et que
nous les brassons dans un « shaker », nous pouvons imaginer les variétés,
les nuances et la complexité de qui nous sommes en tant qu’êtres avec
une infinité de possibilités et de diversités.
C’est ce qui fait de nous des êtres conscients avec deux réflexes
cognitifs :
•• tenter de comprendre et d’analyser ce qui nous entoure ;
•• influencer notre environnement en lui donnant le sens que nous sou-
haitons.
Avec tout ce patrimoine que nous portons en nous, nous ne pouvons
qu’être auteur de notre vie ou pour le moins co-auteur et acteur, par ce
que nous décidons de faire ou ne pas faire.
Dans le monde des organisations, nous pouvons avoir tendance à
oublier l’extraordinaire potentiel que représente une personne dans une
équipe, par son hypercomplexité. Une des manières de faire est d’oc-
culter cette complexité et d’aller au plus simple en « rationalisant » de
manière exclusive notre manière de penser l’autre et de le faire contri-
buer à une tâche collective.
L’exercice du leadership avec la pression qui l’accompagne peut
prendre ce genre de raccourci et faire de la gestion des personnes une
variable d’ajustement. Les milliers d’expériences professionnelles dans
les organisations, quelles qu’elles soient, ont démontré que ce mode de
Potentialiser l’énergie collective 111

pensée exclusivement rationnel n’est pas complet et donc non gagnant,


mais au contraire peut être destructeur de valeur pour l’entreprise.
Différents mouvements managériaux sont nés afin de pallier cette
vision organisationnelle par trop utilitariste et froide. Le mouvement
« humaniste » en fait partie. La principale vocation de ce mouvement
est de mettre « l’humain au cœur de l’organisation ». Cela vous rappelle
certainement une forme de slogan repris dans de nombreux ouvrages et
séminaires.
Ce mouvement prône une posture « humaniste » chez les leaders, se
basant sur des travaux de psychologues anciens tels ceux d’Abraham
Maslow et le psychologue Carl Rogers. Manager humaniste de Philippe
Masson, Théorie du management humaniste d’Olivier Mitta de Bodo, Chro-
niques pour un management humaniste de Jean-Marc Sauret… sont autant
d’ouvrages qui ont donné corps à cette tendance.
Pour ma part, j’observe ce type de mouvement avec prudence, voire
avec réticence. en y percevant quelques intentions dissimulées ou non,
conscientes ou non de « missionnaires » prêchant la bonne parole mana-
gériale non contestable puisqu’elle est estampillée « humaniste ».
Je considère le mot « humaniste » comme une évidence qui ne néces-
site pas d’être érigée en concept ou mouvement de leadership. Il est trop
générique pour amener une spécificité quelconque au débat autour du
leadership si ce n’est reprendre la formule galvaudée de « mettre l’homme
au cœur des systèmes et des organisations ». En outre ce mouvement peut
être une forme d’invitation à tamiser notre « humanité » et à la « net-
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toyer » de ses paradoxes nécessaires.


« Humaniser » c’est déshumaniser ! Qu’est-ce qui fait le propre de
l’Homme si ce ne sont ces paradoxes et ambivalences ?
Yuval Noah Harari a abordé cette question « d’humanisme » dans son
ouvrage Homo deus (2017), suite de son best seller Sapiens. Il a proposé
trois formes de courants humanistes
•• l’humanisme social issu du paradigme social communiste ;
•• l’humanisme libéral issu du paradigme plus occidental impacté par
une culture et histoire judéo-chrétienne ;
•• l’humanisme évolutif issu du paradigme des fameux « transhumanistes ».
Ce courant prône l’amélioration de notre « espèce » en se basant sur les
112 Développez votre leadership relationnel

dernières recherches en neurosciences et neurobiologie afin de trans-


cender notre état actuel d’humain.
La catégorisation qu’Harari propose montre, s’il en est besoin, qu’il
existe plusieurs approches de « l’humanisme » relatives au contexte et aux
cultures.
Je trouve plus pertinent de nous centrer dans l’exercice du leadership
dans les organisations hypercomplexes, sur notre réalité relationnelle et
les moyens et stratégie pour l’optimiser. J’aborderai donc la notion de
collaborateur non à travers un prisme « humaniste », mais à travers une
conception qui en fait un contributeur responsable dans un ensemble de
réseaux relationnels.

Amana
J’ai été marqué et interpellé dans l’exercice de mon métier par beaucoup
de mots, de phrases et d’expressions. Parmi ce verbatim professionnel,
le mot « Amana » est revenu souvent chez un des dirigeants que j’ai
accompagné.
À la tête de son entreprise industrielle depuis 25 ans, ce leader autodi-
dacte a défini son rôle de leader comme celui d’un « … passeur qui gère
une amana (« un bien confié » en arabe) qui m’a été confiée et qui met en
lien des gens différents qui produisent ensemble… ».
Il décrivait, à travers ce mot amana, les ressources et les collaborateurs
qui dépendent de lui, sachant qu’il est propriétaire et gestionnaire de son
affaire.
En voici une belle profession de foi en termes de leadership relationnel !

Intégrer la nature complexe des collaborateurs et la relation dyna-


mique qu’ils établissent avec leurs environnements respectifs (volatile et
instable) est un préalable important pour un LF5.
Le mot de collaborateur est réducteur. Il ne traduit pas l’étendue du
rôle, potentiel, attendu et espéré dans cet environnement complexe et
exigeant. Ce rôle étant celui de prendre l’initiative, être responsable,
assumer, anticiper, valider, prendre des risques, être autonomes… et
autres volontés et injonctions paradoxales de la part des systèmes dans
lesquels ces mêmes collaborateurs agissent.
Je propose régulièrement à mes clients le mot de « collabor’acteur »
quand nous évoquons le rôle proactif que ces leaders et dirigeants sou-
haitent voir adopter par les acteurs des organisations dont ils ont la charge.
Potentialiser l’énergie collective 113

Gérer la relation avec un collabor’acteur en tant que leader LF5,


implique d’intégrer dans l’équation relationnelle avec lui, trois besoins
à « nourrir ». Ces trois besoins ne se réclament d’aucune référence idéo­
logique « humaniste » ou « rationaliste » ; mais s’appuient sur la réalité
complexe et mouvante des individus que nous sommes, en particulier
dans le contexte des organisations.

Le besoin d’être sensibilisé aux enjeux


Donner du sens aux tâches, aux actions et décisions prises :
•• Que se joue-t‑il derrière tel acte, telle décision, tel comportement ?
•• Pour quelles raisons cette direction ou ce chemin ont-ils été choisis au
détriment d’autres ?
C’est le sens et l’intention qui motivent une décision.
Rappelons-nous ce que les neurosciences nous ont appris sur notre
fonctionnement cognitif par rapport aux deux étapes d’adaptation à
notre environnement :
•• analyser pour tenter de comprendre la logique de ce qui nous entoure ;
•• influencer notre environnement en donnant du sens et en interprétant.
Le premier besoin, celui de l’assimilation des enjeux pour un colla-
bor’acteur, n’est finalement que le reflet contextuel de ces deux étapes
naturelles dans notre manière de vivre notre cognition et conscience.
« Nous n’allons quand même pas expliquer les enjeux stratégiques au
comptable lambda » lança en plein comité de direction un des membres.
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« Non ce n’est pas l’objectif, rétorqua le président du comité… mais


on peut le sensibiliser à notre vocation et qu’il prenne conscience de
l’environnement dans lequel il agit… Il n’en sera que plus motivé… » lui
répondit son président de comité, adepte depuis de nombreuses années
d’un leadership relationnel par le sens et la proximité.
Ce type d’approche et de mindset est véritablement puissant dans
la mobilisation des collabor’acteurs. Ils seront à même de donner du
sens à leur appartenance à cette organisation et de contribuer ainsi à la
construction d’un cercle vertueux du sens.
Le rôle du leader LF5 est de faire de la pédagogie adaptée par les diffé-
rents leaders auprès de leurs collabor’acteurs à chaque fois que l’occasion
se présente et que le contexte l’exige.
114 Développez votre leadership relationnel

Le besoin de contribution et d’utilité


L’identité de quelqu’un est définie par le besoin de se distinguer pour
valider son unicité et d’appartenir pour adhérer à des normes. Appartenir
à une communauté, c’est y occuper un rôle ou une fonction spécifique
et reconnue comme utile.
Le deuil d’une perte d’emploi ou de départ à la retraite, au-delà des
aspects matériels que cela représente, portent une dimension identitaire
et psychologique qui correspond à ce besoin et à cette question qui peut
être existentielle et inconsciente : « À quoi je sers dans la grande commu-
nauté des humains ? »

Le besoin de feed-back personnel


Les comités de direction que j’ai accompagnés et que j’accompagne dans
mon métier ont été et sont un formidable observatoire de la complexité
de la nature humaine en action. Ce vécu et ses séances permettent d’aller
au plus près des besoins déclarés ou non des personnes, quel que soient
leur niveau de formation ou de responsabilité.
L’un des besoins récurrents est celui d’être alimenté en information
relatives à soi en tant que personne, à nos actions, comportements, à qui
nous sommes, à ce que nous faisons. D’où le mot feed-back (alimenter
en retour).
Derrière ce besoin qui peut représenter de fortes similitudes avec le
deuxième (reconnaître de l’utilité et de la contribution), subsiste une
attente psychologique existentielle, inconsciente et forte qui est celle
d’être reconnue en tant que personne de manière inconditionnelle.
Être reconnue ici n’implique pas forcément être apprécié, mais exister
à travers le regard de l’autre et des autres.
Les conflits larvés auxquels j’ai pu assister, les blocages de fonction-
nement collectifs, les tensions extrêmes parfois, mais également les
grandes réussites et les moments de grâce professionnelle tournaient
autour de dimensions subjectives en grande partie, en particulier autour
de la question de la reconnaissance personnelle mutuelle. La dimen-
sion professionnelle et opérationnelle passe alors au second plan pour
devenir l’otage des enjeux psychologiques de manière implicite et non
déclarée.
Potentialiser l’énergie collective 115

Donner un feed-back positif ou négatif, c’est reconnaître l’existence


de la personne de manière positive ou négative, mais in fine la personne
existe.
Ignorer une personne intentionnellement, c’est activer une zone sen-
sible, ultrasensible, celle d’exister psychologiquement.
Dans le secteur pénitentiaire, le degré le plus élevé des sanctions est
celui de l’isolement. Parmi la panoplie de tactiques mettant la pression
sur les sujets indésirables dans les organisations existe la pratique connue
du « placard », inspirée en partie de cette approche d’isolement péniten-
tiaire. C’est la pire des tortures…
•• Donner du sens ;
•• reconnaître l’utilité opérationnelle et la valoriser ;
•• reconnaître inconditionnellement une personne… ;
ces trois besoins récurrents observés en entreprise chez les collabor’ac-
teurs, entrent dans l’équation de la performance collective durable. C’est
une condition majeure de la création de valeur en équipe.
La formalisation de ces trois besoins chez les collabor’acteurs a été
le résultat de mes observations sur le terrain des organisations. J’ai été
également inspiré par deux approches psychologiques puissantes par leur
profondeur conceptuelle.
La première approche est celle de la logothérapie ou la thérapie
par le sens issue des travaux de Viktor Frankl (The Will to Meaning,
1968). Ce psychiatre autrichien a expliqué que certains désordres
psychologiques, dépressions et manifestations psychologiques néga-
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tives sont en partie dues à l’absence de sens. D’où le développement


en ce qui me concerne du premier besoin qui est celui des enjeux
ou du sens.
La deuxième approche puissante et élégante dans sa formulation et
explication, a été développée par William Schutz (L’Élément humain,
1992). Ce psychologue américain a étudié et observé plusieurs équipes
professionnelles et est arrivé à la conclusion que l’estime de soi d’une
personne dans une équipe dépendait de trois dimensions :
•• L’inclusion d’une personne dans le groupe. Se sent-elle à l’intérieur ou
à l’extérieur du groupe ? Quels signes reçoit-elle par rapport à cela ?
A-t‑elle sa place ?
116 Développez votre leadership relationnel

•• Le contrôle. Quel pouvoir détient-elle en interne ? Quelle utilité lui est


reconnue dans ses communautés respectives ?
•• L’ouverture. Se sent-elle suffisamment en ouverture et en proximité
avec elle-même et les autres afin de dire, partager, confronter, être
confrontée, sans se sentir rejetée pour être dans une forme d’authen-
ticité et de vérité ?
Les connaissances actuelles ont changé notre vision et notre appré-
hension de nous-mêmes, de nos capacités, de notre mode de fonction-
nement, de nos besoins et réactions. L’être humain a changé par le regard
évolutif que nous lui portons à partir des dernières découvertes neuro­
scientifiques. Ce même regard amène cet être humain à agir différem-
ment vis-à-vis de lui-même et ainsi se transformer par une dynamique
récursive.
L’exercice du leadership organisationnel est en train d’être également
fortement bouleversé par ces mêmes découvertes et vit par obligation ou
choix, différentes mutations culturelles.
Ces mutations l’amènent à revisiter son regard sur la création de valeur
collective dont l’un des premiers pas est de reconfigurer la représentation
de ce qu’est un collaborateur ou plutôt un collabor’acteur.
6
LE LOSANGE DE LA CRÉATION
DE VALEUR COLLECTIVE (CVC)

La sociologie et psychologie sociale nous ont appris beaucoup à


propos des phénomènes de groupes et le fonctionnement en équipe :
pouvoir, soumission, réseau de communication, structure de groupes,
affinités, interaction, dépendance, influence… Trois grands chercheurs
ont marqué de leur empreinte la discipline par la transversalité et le
croisement de leur démarche dans l’explication des phénomènes de
groupe.
•• Le sociologue et père de la sociométrie Jacob Levy Moreno (fonde-
ments de la sociométrie-1970) a établi les trois phénomènes récur-
rents émergeant entre les membres d’un même groupe : la sympathie,
l’antipathie, l’indifférence. Ces trois phénomènes déterminent les liens
socio-affectifs pouvant exister dans un groupe et impacter leur cohé-
sion et tâches communes.
•• Le psychanalyste Didier Anzieu a défini dans son ouvrage de référence,
La dynamique des groupes restreints, (1968), trois facteurs qui configurent
la qualité d’un groupe : le type de pouvoir exercé, la structure de fonc-
tionnement du groupe, le type de communication entre les membres
du groupe.
•• Le psychologue Kurt Lewin (Frontiers in group dynamics, 1946), père de
la psychologie du travail, est célèbre entre autres pour ses travaux sur le
leadership avec ces trois grands styles qui sont toujours une référence
citée : autocratique, démocratique et laisser-faire.
118 Développez votre leadership relationnel

En articulant les observations de Frankl et Schutz, abordés précédem-


ment, avec les trois chercheurs cités ci-dessus, nous pouvons arriver à
un regard psychosociologique panoramique individu/groupe, très utile
pour l’exercice du leadership dans les organisations.

LES 4 DIMENSIONS D’UN CHAMP


D’INTELLIGENCE COLLECTIVE

Je m’appuie, lors de mes interventions en accompagnement d’équipe,


sur un modèle que j’ai développé il y a quelques années et qui trouve ses
racines dans les travaux denses et riches des illustres aînés cités ci dessus,
dont la plateforme reste en grande partie d’actualité dans notre contexte
hypercomplexe.
Le modèle CVC (Création de valeur collective) part du principe
qu’une équipe n’est pas un ensemble d’individus, mais une entité à part
entière avec ses phénomènes et ses besoins spécifiques.
L’intelligence a d’abord et continue en grande partie à être traitée de
manière individuelle, au sens où elle évalue les aptitudes des personnes
par le fameux QI ou encore à travers d’autres tests qui appréhendent
d’autres capacités.
Le fameux facteur « G » (Général) est, pour l’intelligence individuelle,
le facteur commun mesurant la prédisposition d’une personne à réussir
plusieurs tâches différentes. Accumuler différents facteurs « G » dans une
même pièce autour d’une tâche commune n’est pas forcément un garant
de réussite.
La psychologue américaine Anita Woolley avec son équipe (Revue
Science, octobre 2010) a identifié et mis en exergue le facteur « C »
comme code de l’intelligence collective afin de mesurer l’intelligence
d’une équipe en tant qu’entité à part entière. Ce facteur indicateur de
l’intelligence collective dépend, dans le mode de fonctionnement du
groupe, de plusieurs dimensions :
•• une communication décentralisée par notamment de nombreux tours
de paroles ;
•• une certaine sensibilité sociale qui consiste à identifier ses propres
émotions et celles de ses interlocuteurs ;
Le losange de la création de valeur collective (CVC) 119

•• la présence significative de femmes qui, par ailleurs, ont une capacité


de sensibilité sociale supérieure à celle des hommes.
Ces travaux ont permis de franchir un pas très significatif vers la
conception d’une intelligence collective plus palpable et moins intuitive.
Au travers de ces différentes études, recherches et observations empi-
riques, j’en arrive à certaines conclusions :
•• L’intelligence collective est un levier extrêmement puissant de perfor-
mance, à condition d’en mesurer l’impact, les nuances et subtilités ainsi
que les modes opératoires.
•• Les individus membres d’une démarche d’intelligence collective sont
prêts à embrasser un dessein collectif, à condition de ne pas être « ré-
duits » et reniés dans leur unicité dans cette opération collective. Et c’est
là une dimension à mon sens très sous-évaluée dans les conditions de
réussite d’une approche d’intelligence collective et de création de valeur.
Quatre dimensions constituent une plateforme pouvant contribuer à
créer un champ d’intelligence collective et de création de valeur par un
leader relationnel.

1. La dimension Enjeu commun :


Enjeux Optimaux Communs (EOC)
Dans le contexte de la plateforme de création de valeur commune, je
définis l’enjeu à partir de trois niveaux :
•• Le sens commun partagé par l’équipe. Quel sens à agir ensemble ?
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•• Les objectifs opérationnels explicites partagés. Que devons-nous at-


teindre comme but ?
•• Les enjeux contextuels. Que se passe-t‑il si nous atteignons ou non
nos objectifs ?
Dans le cadre d’une réalisation collective, quelles que soient les intel-
ligences et compétences individuelles en présence, elles ne représentent
pas pour autant une garantie de succès collectif, peut-être même qu’elles
peuvent détruire de la valeur.
Elles peuvent aboutir à une somme de valeur inférieure à ce que
chacun peut créer comme valeur ajoutée de manière individuelle. Chacun
120 Développez votre leadership relationnel

peut avoir des enjeux individuels tout à fait légitimes mais opposés à
ceux des autres membres, d’où l’importance du « O » d’optimal, dans
EOC. Au-delà de nos enjeux individuels, trouver et formaliser l’« optimal
commun » est le challenge du leader LF5 dans le cadre de la création de
valeur collective, une forme de dénominateur commun intégré, métabo-
lisé et porté par l’ensemble des membres de l’équipe.
Cet enjeu peut prendre la forme d’une vision ou d’une stratégie
annoncées, d’un objectif opérationnel exprimé en ambition, ou encore
d’une décision à assumer collectivement. Tout le talent du LF5 sera, dans
le cadre de cette première dimension, de savoir accueillir les enjeux indi-
viduels des membres, de les anticiper et de les « reconnaître » comme légi-
time avant de commencer à construire autour des enjeux collectifs. Sa
capacité à créer des alliances relationnelles dans ce cas, fera la différence.

2. La dimension Modes managériaux adaptés (MMA) :


La loi
La « loi » structure le fonctionnement d’un groupe. Cette loi au niveau
des organisations et des entreprises est une synthèse de process, de gou-
vernance et de pilotage, de principes d’organisation interne. Elle se gère
également par un style de management, par des valeurs officielles ou
informelles ainsi que différentes instances de pilotage : comités exécu-
tifs, comités de direction, les business reviews ou autres. Ces différentes
formes d’interactions adaptées au secteur et à la taille de la structure,
combinées, représentent une culture spécifique et sont les constituants
de ce que j’appelle les MMA.
L’ensemble de ces outils de pilotage vient en complément de la
dimension 1 (EOC) qui, elle, indique la direction collective à suivre.
Un peu comme dans un avion où le cockpit du pilote est centré sur la
direction à suivre et le « gouvernail » à l’arrière de l’appareil donne l’in-
clinaison requise.
Les dimensions 1 (EOC) et 2 (MMA) constituent l’axe 1 que je
nomme opérationnel pour son orientation objective, explicite et
rationnelle : objectifs, ambitions, vision, enjeux, process, organigramme,
principes de management, gouvernances, instances, culture explicite,
valeurs formelles… L’axe 1 est orienté business.
Le losange de la création de valeur collective (CVC) 121

Les deux autres dimensions, plus subjectives, font partie de l’équation


CVC et en conditionnent le bon déploiement et l’optimisation. Ces
deux dimensions constituent l’axe 2.

3. La dimension Transversalité (T)


Avez-vous déjà vu une action se conclure en essai au rugby ? Certai-
nement oui si vous êtes passionné, sinon au moins une fois du coin de
l’œil sur votre écran. Vous avez certainement assisté au mouvement de
transmission du ballon entre joueurs d’une même équipe en plein effort
intense de course collective, faisant face en même temps aux tentatives
répétées des joueurs adverses à faire échouer cette dynamique collective.
Démarche chaotique et dynamique.
Le secret d’un essai en rugby réside dans la qualité de transmission
entre membres ainsi que leur synchronisation en mouvement afin que le
ballon se bonifie au fil de la course collective.
Une tâche collective en organisation professionnelle obéit au même
principe de transversalité et de synchronisation.
La qualité des interactions entre membres contribue à la création ou
non de valeur notamment par la pertinence des informations échan-
gées ou la rétention de celles-ci. Rappelons-nous le losange du dialogue
constructif avec ses quatre polarités dont entre autres la « manière ».
Les équipes performantes que j’ai pu accompagner connaissent ce
que j’appelle l’effet « boule de neige rewind ». Au fur et à mesure que l’in-
formation nécessaire passe entre les mains des membres de l’équipe, si
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

elle suit la loi de la boule de neige, elle prend de la masse pour être en
fin de parcours plus consistante. Elle s’est en effet théoriquement boni-
fiée par ces différents passages entre les mains des membres et de leurs
compétences respectives.
Sauf que dans beaucoup de cas et au vu de la complexité de la nature
humaine et des organisations, il peut y avoir l’effet inverse. La réten-
tion d’information, des enjeux contraires, le manque d’ouverture entre
membres et autres phénomènes de groupe peuvent polluer la transversa-
lité nécessaire à la création de valeur collective. Et dans ces contextes, la
boule de neige fonctionne en rewind, un peu comme une séquence filmée
à l’envers qui, au lieu de consolider la boule, la dépouille de sa masse.
122 Développez votre leadership relationnel

« Je n’ai pas de temps pour ces enfantillages… »


C’est ce que m’avait un jour dit un des dirigeants d’une multinationale
européenne, décrivant la tension relationnelle existant entre les direc-
tions industrielles et financières.
Cette tension avait démarré à l’origine entre les deux patrons de ces
importantes business units et s’était après coup diffusée à leurs équipes,
pénalisant la f luidité de la chaîne de création de valeur.
Les deux étaient des postulants potentiels au remplacement de ce même
DG, lui-même sur le départ. Son regard exclusivement « cerveau cognitif
et rationnel » l’empêchait d’intégrer dans son champ des enjeux plus
subjectifs (émotionnels, identitaires, psychologiques…) qui pouvaient
altérer significativement la rentabilité de la performance de son comité de
direction et donc de l’entreprise dont il avait la charge.
Il a fini par me demander un coaching de médiation entre les deux
patrons de BU. Je lui ai suggéré une autre option, celle de réunir son
équipe de direction en sa présence pour travailler ensemble sur une situa-
tion qui commençait à être intenable pour tout le monde. Cette option
validée avec lui avait un double avantage :
–– ne pas focaliser sur deux personnes qui pouvaient percevoir à travers
cette démarche de médiation une forme de « persécution » de leur
patron ;
–– et surtout aider l’équipe à analyser et travailler sa transversalité et voir
en quoi la problématique existante entre les deux patrons de BU ref létait
la réalité de toute l’équipe et celle de leur boss. En somme une approche
d’accompagnement plus systémique.
L’équipe de dirigeants a constaté, entre autres faits, l’hypertrophie de l’axe
opérationnel (EOC/MMA) au détriment de dimensions plus subjectives
telles que la qualité de la transversalité, dimensions perçues négativement
selon leurs paradigmes initiaux.
« Si on ne le fait pas toujours par envie, faisons-le par devoir mais
faisons-le… » Tel a été leur leitmotiv explicite et formel à l’issue de notre
journée de rencontre collective, décrivant dorénavant leur engagement
commun dans leur tâche collective.

La dimension Transversalité est réellement ancrée dans le mode de


fonctionnement des équipes de direction quand ses membres, en fonc-
tionnement collectif, savent dialoguer et agir dans un équilibre Je/Nous.
Cette posture implique que ces équipes, membres d’instances de gou-
vernance, s’autorisent à agir en Nous d’abord et à s’interpeller mutuel-
lement sur leurs différents périmètres de responsabilité. Ils sont présents
dans ces différentes instances d’abord en tant que membres de cette ins-
tance avant de l’être par le Je de leur fonction verticale et fonctionnelle.
Le losange de la création de valeur collective (CVC) 123

Cet équilibre Je/Nous est accessible aux équipes qui savent également
réfléchir en « cerveau collectif ».
Le psychologue Daniel Wegner (The illusion of conscious will, 2002) a su
bien décrire et démontrer le phénomène de cerveau collectif en l’appe-
lant « mémoire transactive ». Cette forme de mémoire collective permet aux
membres d’une équipe ayant vécu la même expérience de se servir les uns
des autres comme de disques durs externes, stockant des informations et
souvenirs communs, accessibles selon les besoins individuels ou collectifs.
Avoir ce niveau de synchronisation collective implique un minimum
de vécu commun et des ajustements permanents se basant essentielle-
ment sur la quatrième dimension qui suit.

4. La légitimité des membres


Il est rare que les membres d’une équipe professionnelle se choisissent
entre eux. En majorité, leur appartenance à une équipe professionnelle
est l’affaire du leader, des enjeux de mobilité interne ou des entités Res-
sources humaines et comités de recrutement.
La reconnaissance individuelle et mutuelle des membres de l’équipe, de
leur fonction, de leur place permet entre autres de garder la chaîne de valeur
ouverte. Or c’est à ce niveau très psychologique que se nichent subreptice-
ment différents comportements subtils, positifs ou toxiques : des comporte-
ments de confiance, de solidarité, de réserve, d’alliance et de soutien ; parfois
de rejets ou d’évitement. Installées, ces différentes attitudes conditionnent le
type de relation entre membres et établissent un climat global.
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Dans une équipe à EOC (Enjeux optimaux communs), le niveau


d’interdépendance entre membres et tâches est élevé. Les objectifs indi-
viduels de chaque membre sont conditionnés par la dynamique indivi-
duelle des autres membres.
La légitimité réside dans la capacité des membres de l’équipe à dif-
férencier la personne (l’individu) du personnage (la fonction). Cette
légitimité se trouve également dans la capacité à savoir « dealer » entre
membres quelles que soient les affinités personnelles en place. C’est une
forme de reconnaissance de légitimité professionnelle.
L’histoire, les événements, le pouvoir, les enjeux paradoxaux, les
influences internes, les alliances de circonstances…, tous ces phénomènes
124 Développez votre leadership relationnel

en organisation et d’autres peuvent contribuer à connoter négativement


une relation. L’une des premières conséquences est l’éloignement des
acteurs de l’équipe, de la production opérationnelle qu’ils peuvent créer ;
et du plaisir qu’ils peuvent ressentir à créer collectivement.
Dans des cas relationnels tendus, les membres sont rarement dans une
dimension temporelle « d’ici et maintenant » ; ils vivent une forme de
distorsion du temps. À travers la tâche qu’ils ont à mener en commun, se
règlent des rapports de force relationnels appartenant à d’autres contextes
du passé ou à des enjeux du futur.
Les dimensions transversalité et légitimité composent le deuxième axe
de la CVC : l’axe relationnel. Cet axe représente, pour compléter la méta-
phore de l’avion introduite pour l’axe 1, les ailes de l’avion qui portent le
tube constitué du cockpit (EOC) et le gouvernail (MMA). Ces ailes déter-
minent la capacité de portance qui est proportionnelle à la masse du tube.
La performance collective durable trouve ses conditions dans cet
espace entre enjeux business, modes managériaux et process, transver-
salité et légitimité. Ces quatre dimensions composent les contours de la
culture d’une équipe professionnelle.

EOC
Enjeux optimaux communs

A
X
E
O
P
E
R
Transversalité A X E R E L AT I O N N E L Légitimité
T
I
O
N
N
E
L
MMA
Modes managériaux adaptés

La zone de création de valeur en équipe


Le losange de la création de valeur collective (CVC) 125

METTRE UNE ÉQUIPE SOUS TENSION POSITIVE


AVEC LE PGE : PROCESSUS DE GESTION D’ÉQUIPE

Les quatre dimensions précédentes sont une culture cible pour une
équipe créatrice de valeur. Les intentions de déploiement de perfor-
mance collective ont besoin de protocoles, d’outils et de processus afin
de se transformer en réalité opérationnelle et tangible.
Pour que l’intention de création de valeur soit une réalité opération-
nelle, elle a besoin d’un mode opératoire, d’un outil et d’un process qui
la mettent en action. Le Processus de gestion d’équipe (PGE) en est un.
Lors de mes différents accompagnements d’équipes de dirigeants, j’ai
fait le constat d’une récurrence. L’optimisation d’un fonctionnement
opérationnel d’une équipe dépend de la présence et de l’articulation de
7 critères. J’ai fais de ces sept critères un outil opérationnel dans le coa-
ching et l’accompagnement des équipes dans le cadre du déploiement
d’une tâche collective.

L’objectif opérationnel – étape 0


C’est l’attente opérationnelle de l’environnement vis-à-vis de l’équipe.
Cette attente peut être un résultat attendu, une action, une tâche à
accomplir…

L’annonce de l’enjeu par le leader inspiré de l’objectif


initialement annoncé – étape 1
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Cette étape consiste à injecter dans l’objectif initial le sens de ce même


objectif et de lui donner une réalité panoramique et non plate. Le rôle
du leader est d’aider l’équipe à prendre de la hauteur et de réfléchir col-
lectivement à un niveau supérieur afin de mieux appréhender l’objectif
opérationnel.
Que se joue-t‑il derrière l’objectif initialement annoncé ? Quelles
conséquences si l’objectif est atteint ou non ? Quelles motivations col-
lectives ? Quels sont les enjeux individuels et fonctionnels de chaque
direction par rapport à l’enjeu collectif ?
Avec ces différentes questions relatives aux enjeux, les membres de
l’équipe identifient le niveau d’intensité à mettre dans l’action et ont une
126 Développez votre leadership relationnel

vision globale et non exclusivement opérationnelle ou technique de leur


tâche. L’énergie à mettre collectivement dans un enjeu de survie d’une
activité ne sera pas la même que dans un enjeu de consolidation de chiffre
d’affaires pour une meilleure distribution de primes en fin d’année.

La représentation des enjeux – étape 2


Ce qui est énoncé comme un enjeu collectif dans l’étape précédente
passe à travers la réalité interne de chacun des membres. Rappelons-nous
des filtres et des six perceptions développées en Process Communication
(Pensée, Opinions, Action, Réaction, Imagination, Émotion).
Selon ces filtres, l’enjeu énoncé et partagé par le leader va résonner
avec différentes nuances chez chacune et chacun. D’où cette étape dont
la finalité est de synchroniser de manière optimale les représentations
relatives à l’enjeu. Synchroniser la représentation collective de l’enjeu
commun n’efface pas pour autant au sein de ce même enjeu, d’autres
plus personnels. Cette étape est capitale, dans la mesure où les orienta-
tions à venir ainsi que la dynamique de l’équipe reposent sur des ajuste-
ments faits à ce niveau, en amont d’une exécution collective. Le partage
de représentation des enjeux nettoie et prépare le terrain et anticipe les
malentendus potentiels. Il s’agit ici de manière opérationnelle de faire
reformuler à chaque membre sa compréhension de l’enjeu collectif ainsi
que son feed-back. Certains participants à cet exercice au début ont pu
juger cette étape par trop « obsessionnelle ».

Une étape inutile au premier abord ?


« Je pense que les gens dans ce comité sont tous assez intelligents et fins
pour leur faire répéter à chacun l’enjeu… » m’avait dit un jour le direc-
teur industriel d’un groupe familial. J’ai pris le temps d’échanger avec
lui ainsi qu’avec les autres membres afin de les sensibiliser à l’impor-
tance des filtres et aux décalages qu’ils peuvent induire si on n’y prêtait
pas l’attention suffisante et si on restait dans de l’implicite. L’étape 2 de
synchronisation des enjeux a duré le double du temps des autres étapes
pour cette équipe. Les membres se sont rendu compte de la différence de
fond de leur compréhension. Cette synchronisation par l’échange, par des
arguments et des informations a permis d’ajuster le regard de chacun et
ouvert la voie à des étapes à suivre plus f luides et non moins complexes,
en termes d’échanges et de décisions.
Le losange de la création de valeur collective (CVC) 127

L’objectif approprié – étape 3


Cette étape consiste à s’accaparer collectivement l’objectif commun ini-
tialement annoncé (étape 0) après l’avoir imprégné de l’enjeu par l’étape
précédente, à le comprendre, le peser en mesurer la responsabilité, le
reformuler individuellement et collectivement. Il devient un indicateur,
une cible et un repère qui permet des projections concrètes et de poten-
tiels réajustements en cas de nécessité.
Assez généralement, l’objectif est confondu avec l’enjeu. Les deux
dimensions (enjeux et objectifs) correspondent à des niveaux logiques
différents. Pour l’enjeu, il existe une intensité émotionnelle plus forte
par ce qu’elle active en termes de sens, de prise de conscience qui y sont
rattachées. Le critère Enjeu permet de donner du relief ainsi qu’une
vision 3D de la réalité plate de l’objectif. Quant au critère « objectif »,
c’est la traduction concrète, opérationnelle et pragmatique, qualitative et
quantitative d’une situation collective donnée.
Faire + 10 % de résultat net au prochain semestre n’est pas un enjeu,
mais un objectif. Ce chiffre observé de manière absolue n’a pas de sens.
Il lui manque le relief de l’enjeu qui lui donnera tout son sens. Dans un
cas, les + 10 % atteints seront la condition du maintien de telle entreprise
en vie et lui redonneront une seconde chance par un apport de capital
supplémentaire de la part de ses actionnaires, sinon c’est la fermeture pure
et simple. Dans ce cas l’enjeu est celui de la survie. Dans un autre cas, les
+ 10 % seront la condition de la distribution d’une prime exceptionnelle
à une équipe de trader qui se dope à coup de challenges chiffrés. Dans ce
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

deuxième contexte, l’enjeu peut être aussi varié que celui de maintenir une
équipe sous tension de production et de performance, ou encore de s’ins-
taller dans le cercle très « select » du top « 10 » du métier avec les retombées
en terme d’image et de business et de pérennité que cela peut engendrer.
Disséquer les deux dimensions Enjeu/Objectif et se les approprier
avant de les articuler pour qu’elles forment un tout dynamique en relief,
c’est la finalité de l’articulation Enjeu/Objectif.

Le leadership – étape 4
Il s’agit lors de cette étape du Processus de Gestion d’équipe « PGE » de
définir avec quel mode de leadership sera conduite l’opération collective.
128 Développez votre leadership relationnel

Quand le leader est déjà connu et installé, rappeler ses attentes, son rôle
spécifique dans cette opération au vu des enjeux ainsi que ses devoirs
est nécessaire afin d’aligner et d’ajuster la relation leader/collaborateurs..
Dans le cas où le leader est nommé spécifiquement et ponctuellement
pour l’opération en cours, (pour une responsabilité opérationnelle ou de
process), une interaction collective et directe est nécessaire afin d’expli-
citer son rôle, le mode de gouvernance de l’équipe, ainsi que les attentes
mutuelles. Il s’agit en l’occurrence de créer les conditions d’une plate-
forme relationnelle leader/acteurs et de renforcer la légitimité du leader
dans l’action collective.
Arrêtons-nous un instant sur cette notion de légitimité du leader au
sein de son équipe. J’ai pu identifier, à travers les différents accompa-
gnements de changement menés, cinq niveaux de légitimité de leaders
dirigeants différents :
•• La légitimité administrative et fonctionnelle qui s’appuie sur un pou-
voir hiérarchique décrété pour des raisons juridiques de protection
des affaires et d’équilibre interne, par le conseil d’administration et les
actionnaires. Cette légitimité seule n’est jamais suffisante pour installer
durablement et sainement un pouvoir de leader.
•• La légitimité du savoir, où le leader s’appuie sur le pouvoir de la connais-
sance et l’expertise afin d’installer sa légitimité auprès de son équipe.
•• La légitimité relationnelle et psychologique, où le leader « inspirant » s’appuie
sur sa capacité d’influence relationnelle et de synchronisation des rythmes
au profit d’un rythme globalement commun autour d’un sens fédérateur.
Il est une figure d’autorité par les valeurs qu’il porte, par la morale qu’il
incarne ou par l’histoire professionnelle qu’il véhicule avec lui.
•• La légitimité de filiation, où le leader naturellement endosse le rôle par
appartenance à la branche familiale dirigeante. Il ou elle fils ou fille de…
•• La légitimité Evhémère, ou la légitimité de la création, celle du leader créa-
teur et « géniteur » du système. À l’instar de quelques leaders de renom
tels qu’Amar Bose, créateur de la marque d’enceintes mondialement
connues du même nom. Amar Bose est créateur, actionnaire et direc-
teur technique actuel de sa firme sans en être le dirigeant exécutif. Sa
légitimité est double, celle du savoir et celle de l’Evhémère. Evhémère
était un philosophe grec du ive siècle av. J.-C. pour qui les personnages
Le losange de la création de valeur collective (CVC) 129

« divins » sont des hommes exceptionnels auxquels la population octroie


des vertus supérieures par peur ou crainte d’une réalité extérieure.
J’ai emprunté cette métaphore du leader Evhémère à la théorie orga-
nisationnelle d’Eric Berne (TOB).

Les modes de fonctionnement – étape 5


Après les enjeux, les objectifs ainsi que le leadership, est enclenchée
l’étape modes de fonctionnement. Cette étape est constituée des rôles
des acteurs ainsi que les process mis en place dans le fonctionnement
et la vie de l’équipe autour de sa tâche collective. Quatre critères sont
abordés dans cette dimension :
•• le rôle des uns et des autres,
•• la gestion de l’information et de son flux,
•• le mode de gouvernance ou mode de décision,
•• l’état d’esprit dans lequel la tâche doit être collectivement abordée.
La dimension Modes de fonctionnement a le mérite de poser un
cadre et de fournir des repères pour les membres de l’équipe.

Feed-back et repères
Comment l’équipe peut-elle savoir qu’elle a avancé, qu’elle a « performé »,
quelle est dans le cadre technique, financier ou relationnel, qu’elle a
défini initialement ? Le feed-back lui permet d’être dotée d’indicateurs
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

qualitatifs et quantitatifs afin de se réajuster le cas échéant, ou de reconfi-


gurer sa dynamique.
Les critères de feed-back sont identifiés dès le départ avant le déploie-
ment opérationnel par une question simple : « qu’est-ce qui nous fera
dire que nous avons réussi notre tâche commune ? » Identifier et expli-
citer quelques indicateurs :
•• indicateurs quantitatifs relatifs au résultat et son optimisation ;
•• indicateurs relationnels afin que l’équipe soit dans une logique de per-
formance durable. Ces KPI « key performance indicators », imaginés en
amont du déploiement, permettent à l’équipe une mobilisation posi-
tive dès le départ et des réajustements au fur et à mesure de ses actions.
130 Développez votre leadership relationnel

Le mode opératoire PGE (processus de gestion d’équipe) fonctionne


comme un tout articulé selon des étapes successives. Il est néanmoins
composé de boucles rétroactives qui permettent de revenir aux étapes et
de les réajuster selon l’avancement global du processus PGE.

Annonce
de l’objectif
Feed-back

Enjeu global
commun
Modes de
fonctionnement
de l’équipe

Appropriation
de l’enjeu
Modes de
leadership Appropriation
de l’objectif
opérationnel

Le processus de gestion d’équipe (PGE)


Partie

IV L’INFLUENCE
RELATIONNELLE
POSITIVE DU LEADER
LF5 AU NIVEAU
DES ORGANISATIONS
COMPLEXES

Être leader dans des institutions flottantes


en transformation permanente

« Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition.»

Montaigne
7
LES ENTREPRISES « FLOTTANTES »,
ENTREPRISES DE 5e TYPE

QU’EST-CE QUI FAIT LA COMPLEXITÉ


DES ORGANISATIONS ?

Les organisations sont des systèmes « homéostasiques » qui finissent


par avoir leur propre équilibre interne. Cet équilibre est l’articulation
dynamique de personnes, de process et d’écosystèmes externes. Leur
­complexité diverge et varie selon la variabilité des données qui consti-
tuent chacune des organisations
Le degré de complexité de chacune d’entre elles implique des leader­
ships différents, des cultures différentes, des process de fonctionnement
différents.
Avant de découvrir ensemble les différents types d’organisations, je
vous propose de nous arrêter un instant et de revenir roder autour
de quelques repères relatifs aux organisations complexes vus dans la
partie I.
La complexité des organisations est l’articulation dans un même espace-
temps, vers un même objectif, de nombreux faits certains, maîtrisables, contrôlables,
avec de nombreux faits plus aléatoires, incertains et dynamiques. Plus les faits
aléatoires sont nombreux, plus la complexité est intense.
Une entreprise est un espace-temps qui a un objectif et qui est en
interaction avec un environnement en grande partie non prédictible : la
géographie de l’entreprise, ses biens matériels, ses différentes ressources ;
sa stratégie, sa vision, ses valeurs, ses produits, son secteur d’activité, son
134 Développez votre leadership relationnel

environnement de manière plus globale.Toutes ces dimensions créent un


niveau de complexité dans l’entreprise.
Partant de cette définition, toutes les organisations professionnelles
aujourd’hui sont « éligibles » au paradigme de la complexité. Ce qui les
distinguera alors ne sera plus le fait d’être complexes ou non, mais le
degré d’intensité de cette complexité.
L’interdépendance de ces organisations complexes avec leur environne-
ment est entre autres un formidable accélérateur d’intensité de ­complexité
au sein de ces mêmes organisations. Plus une o ­ rganisation est intégrée
dans son environnement, emmaillée, plus son niveau de ­complexité est
élevé.
Rappelons quelques exemples des quatre dimensions qui définissent
l’intensité de cette complexité.

Le type de produit de l’organisation


L’entreprise est-elle présente dans un secteur d’activité où le pro-
duit est plus ou moins dépendant de facteurs extérieurs hors contrôle
interne (volatilité du produit, de la matière première, concurrence,
rareté, niveau d’intégration de la production…) ? Plus le produit de
l’organisation se trouve au cœur de son écosystème politique, social
et économique, plus cela augmente la sensibilité et multiplie, de fait,
les intervenants extérieurs. Plus il y a d’intervenants extérieurs dans
la chaîne de création de valeur, plus le degré de complexité aura ten-
dance à augmenter du fait des croisements d’enjeux différents voire
paradoxaux des acteurs.
Les produits de première nécessité, de télécommunications ou
d’énergie en sont un exemple. Même si l’organisation est privée, même
si elle est bâtie sur les règles d’un libéralisme économique, elle ne s’ap-
partient plus totalement. Son impact social et politique dépasse sa propre
existence.
En février 2016, le FBI américain a demandé à la société Apple de
casser des codes de sécurité afin d’accéder à certains smartphones appar-
tenant à des personnes suspectées d’activités terroristes. Voici l’exemple
Les entreprises « f lottantes », entreprises de 5e type 135

de confrontations typiques d’enjeux croisés différents. D’un côté, des


enjeux de confidentialité et de protection de données qui traduisent la
garantie et la promesse de la société privée Apple ; de l’autre côté, des
enjeux de sécurité nationale voire internationale porté par un organisme
fédéral d’État.

Le type de process internes dans l’organisation


Le type d’organisation choisie, de technologie mise en place ainsi que
le degré d’intégration des process et des personnes utilisatrices déter-
minent le degré de complexité : la centralisation et le contrôle plus
ou moins fort des process (pouvoir de décision, autonomie dans le
­fonctionnement de la création de valeur, degré de transversalité…).
Une organisation centralisée en termes de décision avec une chaîne de
commande­ment réduite aura un degré de complexité bas du fait d’un
circuit court entre une information émise et traitée et sa réception et
transformation.

Le poids financier et économique


La contribution économique spécifique de l’organisation dans son envi-
ronnement la rend également plus ou moins interdépendante. L’exemple
de la crise des subprimes en a été une illustration éclatante. La presque
faillite de plusieurs banques privées de par le monde et les conséquences
désastreuses potentielles ont poussé les États-Unis ainsi que l’Europe
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à injecter de l’argent public, malgré le dogme du libéralisme, afin de


sauver un système au vu du poids que représentent ces organisations
dans l’équilibre choisi par ces États. Entreprises privées et indépendantes,
dites-vous ?
Nous voyons à travers ces différents exemples que la séparation des
intérêts est plus complexe qu’il n’y paraît de par l’interdépendance et
enchevêtrements des enjeux à partir d’un certain seuil.
Accompagner cette dynamique en tant que leader, c’est développer
un mode de pensée plus « neuronal » et « biosphérique » (faisant partie
d’un écosystème où les éléments sont interconnectés) que linéaire.
136 Développez votre leadership relationnel

Environnement

Organisme Organisme Organisme Organisme Organisme


Degrés d’interdépendance

L’interdépendance des organisations est relative


à leur degré d’intégration dans leur environnement.

Plus l’organisation est au cœur de l’environnement, plus elle influence


l’environnement, plus elle est influencée en retour par ce même envi-
ronnement. L’entreprise vit alors dans une logique systémique et voit son
degré de complexité et d’interdépendance s’élever.

LES 5 TYPES D’ORGANISATION

Différents courants existent dont la finalité est de « cartographier » les


types d’entreprises et d’organisation ainsi que leurs caractéristiques : De
H. Mintzberg en passant par J. Collins et en se référant plus récemment
à F. Laloux à propos des entreprises « libérées ». Peut-on extrapoler une
tendance à venir ou existante à propos des nouvelles formes d’organisa-
tion en s’inspirant des travaux de ces auteurs ?
Ce qui est sûr, c’est que les formes d’organisation sont le résultat et
le reflet des paradigmes de leur époque et des tendances immédiates en
train d’émerger. La dialectique simultanée du triumvirat environnement,
systèmes et personnes, aboutit à une forme d’organisation que ces trois
acteurs sont prêts à accepter un certain temps. Je ne pense pas qu’une
forme d’organisation d’entreprise puisse exister et durer en dehors de ce
champ d’influence réciproque.
Les entreprises « f lottantes », entreprises de 5e type 137

Tenter de décrire un cadre, une typologie telle que le fait minutieuse-


ment Mintzberg, c’est prendre le risque de réduire la dynamique vivante
d’une organisation en la figeant.
Vouloir s’en détacher afin de « libérer » le potentiel de cette organi-
sation telle que tente de le faire F. Laloux, c’est prendre le risque d’être
dans le déni de la dialectique triangulaire nécessaire à la naissance d’une
organisation avec ses contours.
D’autant que le choix du concept « d’entreprises libérées », malgré sa
formulation et ses promesse séduisantes, pose à la base un problème, celui
de la « libération » d’un système pour entrer dans un autre.
Le propre même d’une organisation est de s’adapter et de s’autoré-
guler afin de survivre dans son environnement. Elle « s’autolibère » natu-
rellement par réflexe de survie en se délestant d’une forme pour en
adopter une autre dans un mouvement d’adaptation permanent.
À mon sens, s’il y avait à extrapoler une tendance de forme d’organi-
sation, ce serait du côté des travaux qui intègrent la notion de mouve-
ment pour décrire une organisation. La décrire en mode « vidéo » et non
en mode « photo ».
Le consultant Dave Gray dans The Connected Company a développé
quelques dimensions pertinentes et éclairantes, plus adaptées au monde
hypercomplexe. Il a mis le focus sur les formes modulaires d’organisation,
une forme d’organisation labile en reconfiguration permanente dans un
mouvement d’interaction intelligent avec son écosystème. Ces organisa-
tions modulaires selon lui conditionneraient la pérennité des entreprises
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui l’adoptent en se basant sur trois principes clés.


La création et l’encouragement de la culture des « pods » ou des
modules. C’est une forme de « business units » autonomes au niveau de
leur stratégie, gestion et déploiement opérationnel et orientés vers un
même cap et une même dynamique collective. Cette forme optimise
leur réactivité et leur agilité dans l’exécution.
Une décentralisation forte du pouvoir donne une plus grande
latitude de décision.
Ces deux premiers principes ont déjà été évoqués dans différents
autres modèles d’organisations notamment ceux évoqués par Mintzberg.
Ils n’ont donc rien de bien novateurs. En revanche, le troisième principe
138 Développez votre leadership relationnel

nous rappelle notre réalité hyperconnectée et donc la nécessité d’en tenir


compte dans les modèles d’organisation actuels et à venir.
Le principe de porosité ou le fonctionnement en système ouvert
impliquent une interdépendance forte avec son écosystème (client,
fournisseur, acteurs sectoriels…). Cette porosité permet une veille per-
manente ainsi qu’une anticipation et une adaptation permanente à
l’environnement.
D’où la notion de labilité organisationnelle qui correspond à ce que
j’appelle des organisations de type 5 : les organisations flottantes.
Les quatre autres types d’organisations sont celles décrites dans les
travaux de H. Mintzberg :
•• type 1 : les organisations entrepreneuriales ;
•• type 2 : les organisations mécanistes productivistes ;
•• type 3 : les organisations modulaires ;
•• type 4 : les organisations adhocratiques.

LES ORGANISATIONS DE TYPE 1


DITES ENTREPRENEURIALES

Elles sont caractérisées par un degré de concentration de pouvoir élevé


avec un système centré autour de leur leader dirigeant et des niveaux hié-
rarchiques plats. Cette architecture organisationnelle permet une haute
réactivité et très peu de « bureaucratie » ; en revanche l’autonomisation des
collaborateurs peut être faible. Elles sont de petites tailles et ne nécessitent
pas de process complexe au vu de leur métier et interfaces externes.

LES ORGANISATIONS DE TYPE 2


DITES MÉCANISTES PRODUCTIVISTES

La nécessité de leur métier, de leur produit, du nombre des interactions


internes et externes, les amène à « processer » leur création de valeur afin
d’optimiser leur mode de fonctionnement, mais également afin d’obéir à des
normes exigées par leur marché (export/développement durable/sécurité).
Les entreprises « f lottantes », entreprises de 5e type 139

Ces formes d’organisations ont la culture du processus, et pas unique-


ment au niveau de la « transformation industrielle », mais également en
back office dans les services et unités support (finance, marketing, achat,
ressources humaines…). Ces organisations visent à créer des systèmes
dont la pérennité est bâtie sur la récurrence, la standardisation, la traçabi-
lité et la réduction à sa plus simple expression de l’aléa sous quelque forme
qu’il puisse être. La répétition accrue et dense des opérations dans ce type
de système implique une gestion de flux dont la réponse est la standar-
disation (banque, assurance, industries, hôpitaux…). Les organisations de
type 2 du xxie siècle ne sont pas tout à fait les mêmes que celles du début
siècle dernier que l’on qualifiait de tayloriennes. Les cultures ont évolué,
les modes de pensée et de production également. La création de valeur a
intégré de plus en plus intensément et pour des raisons pragmatiques, la
dimension « people » dans son équation. Les îlots de production comme
mode de fonctionnement dans certaines usines sont un bel exemple de la
conception plus responsabilisante et autonome de l’être humain dans le
processus de création de valeur dans un système hyperstandardisé.
Ces organisations peuvent créer toutefois leurs propres limites par le
développement d’une forme de paresse de réflexion chez les utilisateurs
qui peuvent devenir des « consommateurs » passifs et routiniers de leurs
process.
Le degré de complexité dans les organisations de type 2 est l’articu-
lation dynamique des dimensions homme, process, machine, écosystème.
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LES ORGANISATIONS DE TYPE 3 DITES MODULAIRES

Le principe de fonctionnement de ce type d’organisation est basé le


plus possible, sur une « autonomisation » des entités afin de favoriser leur
réactivité face à leur marché et à des contraintes spécifiques tout en fai-
sant partie d’un ensemble plus grand d’un point de vue stratégique et
juridique.
Ces « modules » peuvent être des centres de coup ou des filiales à part
entière appartenant à des groupes. Ces systèmes s’évitent la limite des
organisations de type 2 en bénéficiant de latitude de fonctionnement et
de réactivité.
140 Développez votre leadership relationnel

Le risque qu’elles peuvent encourir est de développer des cultures


internes trop spécifiques par rapport à la société mère, à leur géniteur.
Cela peut se traduire par une forme de contestation ou de résistance
quand il s’agit de rendre des comptes, d’accueillir des audits de cette
même société mère ou d’infléchir leur stratégie. La transversalité dans la
création de valeur peut alors en pâtir.
La complexité dans les organisations de type 3 se caractérise par la
cohabitation paradoxale et ambiguë d’intérêts convergents (appartenir
au même grand ensemble) et parfois divergents et antagonistes (culture
intérieure forte parfois pour se démarquer du groupe et démontrer le
plus possible sa pleine indépendance).

LES ORGANISATIONS DE TYPE 4,


DITES TBO (TEAM BASED ORGANISATION)

Ces types de systèmes sont courants dans les secteurs de recherche, de


technologie de pointe et d’entreprises où l’innovation est stratégique.
D’autres secteurs adoptent ce type d’organisation de fonctionnement
en mode projet où les ressources sont allouées ponctuellement pour la
durée du projet. À l’issue de celui-ci, les ressources sont réallouées ailleurs
avec d’autres équipiers et d’autres pilotes (secteur consulting et software).
Ces systèmes sont également appelés adhocratiques pour leur nature
reconfigurative au gré des projets réalisés. La complexité de ces types
d’organisation réside dans la gestion culturelle optimisée des ressources
et des compétences. En effet, ces ressources sont exposées à un noma-
disme permanent avec le risque d’une dilution culturelle si l’entreprise
ne mobilise pas autour d’une démarche formalisée de culture transversale
et n’érige pas ce « nomadisme » en critère et valeur d’appartenance forte
à l’entreprise. Ce serait une manière de donner du sens à une variable qui
peut apparaître au premier abord comme une contrainte.
L’exercice de catégorisation et de regroupement en famille est toujours
un peu limitant dans la mesure où il peut paraître réducteur d’une réa-
lité plus complexe et dynamique. Il permet néanmoins de proposer des
repères et d’identifier des tendances qui peuvent refléter des cultures, des
modes de pensée et des systèmes de management et de création de valeur.
Les entreprises « f lottantes », entreprises de 5e type 141

Le contexte actuel amène les organisations et les entreprises à adopter,


par choix ou par nécessité, des systèmes plus hybrides.

Des systèmes hybrides


L’entreprise « P », entreprise industrielle dans le domaine de la grande
consommation, a un système de fonctionnement de type 2 (mécaniste
productiviste). Elle a mis en place, pour un de ses départements portant
un nouveau produit, un fonctionnement modulaire. Elle a souhaité
lui garantir une réactivité plus forte et optimiser son installation sur le
marché.
Ou encore l’entreprise « N » dans le domaine de l’offshoring fonctionne
avec une dominante type 4 (adhocratique/TBO). Elle abrite et a adopté
des process hyperrigoureux afin d’être aux normes des exigences de sa
maison-mère.

Je peux multiplier les exemples de cette « hybridité » organisationnelle.


Cette hybridité est nécessaire pour intégrer et appréhender la nature
vivante et dynamique des entreprises. Ce qui rend les systèmes d’organi-
sation non pas figés dans une catégorie mais plutôt « flottants ».

LES ORGANISATIONS DE TYPE 5 :


LES ORGANISATIONS FLOTTANTES

La flottaison des organisations est une nécessité due à l’enchevêtrement


et à l’interdépendance des dimensions externes (environnement : four-
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

nisseurs/clients/concurrents) et internes (produits/people/technologie/


organisation) des organisations.
Cet enchevêtrement peut ressembler à des plaques tectoniques sur
lesquelles sont construites des organisations, lesquelles, si elles ne sont
pas dotées de normes « antisismiques », peuvent se craqueler et péricliter
à terme.
Avoir des normes antisismiques ne veut pas dire éviter le tremble-
ment de terre au vu de son imprévisibilité, mais être en capacité d’en
absorber une partie de l’énergie. Un environnement mouvant et hyper-
dynamique représente le tremblement de terre. Les normes antisis-
miques représentent, elles, la capacité de l’organisation à s’ajuster et se
reconfigurer afin de rester debout. Cette métaphore résume pour moi le
142 Développez votre leadership relationnel

challenge culturel et organisationnel auxquels le entreprises doivent faire


face : celui de la flottaison…
Deux dimensions définissent les entreprises, les organisations et les
cultures flottantes, l’hybridité et la labilité.

Dimension 1 : L’hybridité
Elle consiste à intégrer les quatre types d’organisation définis dans le
chapitre précédent (entrepreneuriale, productiviste,TBO, modulaires) en
intégrant une philosophie situationnelle. Cette philosophie consiste à
intégrer les 4 formes en mettant le focus plus sur une forme qu’une
autre, selon le contexte et les enjeux :
•• le critère de proximité et simplicité propre au type 1 (type entrepre-
neurial) ;
•• le critère du cadre, des repères, de la rigueur et de la synergie de créa-
tion de valeur spécifiques au type 2 (type mécaniste productiviste) ;
•• le critère de l’autonomie de fonctionnement des sous-ensembles (dépar-
tements, business units…) de chaque organisation (type 3 modulaire) ;
•• le critère de la mutualisation des ressources et de leur polyvalence,
spécifique au type 4.
Cette dimension hybride, pilier de la flottaison des organisations, peut
paraître accessible sur le papier et pourquoi pas, facile à déployer. Elle
nécessite néanmoins une véritable rupture de mind set organisationnel
qui peut être acquis par la deuxième dimension.

Dimension 2 : La labilité organisationnelle


Considérer une organisation comme une cellule vivante ! Voilà le point
de départ du paradigme des organisations de 5e type. Une cellule vivante
a sa réalité intérieure avec sa membrane, son plasma et son noyau. Cette
réalité biologique lui donne sa spécificté, plastique et malléable et fait
d’elle, une partie d’un tout global qu’est son écosystème.
Une organisation n’est rien d’autre qu’une immense cellule vivante
constituée de ses ressources matérielles et immatérielles, de ses process,
baignant dans un environnement dont le degré d’hostilité varie selon les
contextes.
Les entreprises « f lottantes », entreprises de 5e type 143

J’ai évoqué les trois caractéristiques définies par Dave Gray relatives
aux organisations agiles et basée sur les trois critères : porosité, décen-
tralisation du pouvoir avec autonomie et création de pods (modules). Je
rajouterai à ces trois éléments deux autres critères pour définir la labilité
organisationnelle :
•• l’importance de la présence de la dimension de l’Enjeu optimal
commun (EOC). Cette dimension permet à ce type d’entrepirse
­
d’avoir un dénominateur commun : un cap, une raison d’être, des défis,
des objectifs transversaux…
•• une culture fortement incarnée par les acteurs internes de l’organisation.
Dans les organisations de type 5, la mise en place des pods impliquant
une décentralisation de pouvoir, risque d’aboutir à terme et dans des
contextes de crises, à la création d’électrons libres n’ayant plus, de dénomi-
nateurs communs. Un fonctionnement égocentré peut également être une
des conséquences d’un fonctionnement en pods. D’où l’importance des
deux dimensions à suivre. Elles permettent d’apporter un équilibre global.

Pour un enjeu optimal commun


L’enjeu optimal commun peut être représenté par une idée fondatrice
commune, par une stratégie globale transversale, par un dessein partagé
supérieur à la réalité spécifique de chaque pod.
Cet enjeu, afin qu’il soit incarné, a besoin d’être communiqué, « mar-
keté » en interne, intégré dans la dynamique managériale de l’organisa-
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tion, rappelé à chaque lancement de projet nouveau, à chaque entretien


d’évaluation, à chaque convention des cadres… Cet enjeu optimal est le
dénominateur commun des différences opérationnelles, fonctionnelles et
des entités, différence encouragée et décrétée par la politique d’autono-
misation des pods.

Pour une culture « ADNique »


Quant au critère de la culture incarnée, il vient en support subtil et de
manière implicite et explicite à l’enjeu.
Avoir une culture commune dans une organisation ne peut pas se
limiter à un décret de valeurs ou à une overdose de communication et
144 Développez votre leadership relationnel

de marketing autour de ces mêmes valeurs. Elle deviendrait de fait une


forme de culture « cosmétique » et épidermique.
Développer cette posture d’agilité organisationnelle, c’est viser une
culture « adnique ». Une culture qui prend en compte trois constituants :
•• des représentations et croyances partagées et/ou à développer : à pro-
pos des notions de travail, de performance, de lien hiérarchique, de
création de valeur… ou autre aspect caractéristique d’une organisation
professionnelle ;
•• des repères comportementaux, reflets des représentations et croyances
identifiées en amont ;
•• et enfin la dimension valeur qui, ici, n’est pas d’ordre économique.
C’est un repère moral, comportemental et postural, qui guide le ju-
gement, les décisions, les choix et les comportements des acteurs dans
l’organisation.
C’est une forme de plateforme partagée qui, dans le cadre d’une
organisation labile, va servir de boussole collective tout en intégrant les
différences de pods et des personnes.

Un exemple de dimension flottante


« E », entreprise mondiale de transformation de matière première est
leader dans son secteur d’activité. S’adapter à la labilité de son marché a
consisté à mettre en place dans sa culture la dimension f lottante.
Dans la démarche organisationnelle de « E », les sites industriels sont plus
des entités type 2 (mécaniste-productiviste) avec des projets gérés selon
le principe des entreprises de type 4 (team based organsiation ou gestion
de projets). Le siège de cette entreprise mondiale est lui plus « politique »
dans sa gestion au quotidien par sa taille et ses enjeux. Nous pouvons
retrouver dedans des équipes de type 2, de type 3 (modulaire de type
centre de profit) et des type 4 de type TBO (team based organisation). Le
niveau de f lottaison dans ce siège et dans les sièges de cette taille de ce
type d’entreprise, est en général plus développé.
L’entreprise « E » a choisi un degré de f lottaison dans sa stratégie et surtout
dans son organisation afin de pouvoir garder une forme d’agilité malgré
son envergure industrielle et stratégique.

Le principe de flottaison peut être à double tranchant s’il n’est pas péda-
gogiquement porté par le management et accompagné. Son déploiement
implique quelques règles qui sont explicitées dans le chapitre 8 qui suit.
Les entreprises « f lottantes », entreprises de 5e type 145

Les deux piliers des organisations flottantes


Le pilier de l’hybridité s’appuie sur les 4 types d’organisations (types 1,
2, 3, 4) pour former le type 5 qui est un hybride des 4.
Le pilier de la labilité est conditionné par 5 dimensions :
• l’autonomisation des pods et leur latitude de fonctionnement afin d’en-
courager leur réactivité et leur plasticité ;
• la porosité de l’organisation qui lui permet d’interagir de manière intelli-
gente avec son environnement un peu comme la membrane de la cellule
vivante qui la protège sans l’isoler ;
• une culture « ADNique » forte et incarnée ;
• un enjeu optimal commun qui fait office de dénominateur commun ;
• une transversalité dynamique qui se caractérise par une décentralisation
intelligente et adaptée du pouvoir.
8
DÉPLOYER LA FLOTTAISON
ORGANISATIONNELLE

Mettre en place une organisation pour un leader, c’est être à la


recherche légitime de stabilité, d’ordre et de cadre afin de créer de
manière constructive de la valeur. Paradoxalement il est essentiel, pour
cette même organisation vivante, de porter en elle le contraire de
l’ordre qu’elle cherche à installer et de se donner la permission de se
challenger elle-même de l’intérieur afin de valider les voies choisies.
Cela implique un leadership qui nécessite l’identification des résis-
tances potentielles vers une posture plus agile et une culture organisa-
tionnelle « flottante ».
J’ai constaté lors de différentes missions d’accompagnement d’or-
ganisations et de leaders dirigeants dans différents contextes (fusions-
acquisitions, transformations organisationnelles, mise en place de culture
d’entreprise…) trois résistances psychologiques. Ces résistances peuvent
être également perçues comme des renoncements nécessaires à opérer.

LES 3 RENONCEMENTS NÉCESSAIRES


POUR UNE FLOTTAISON OPTIMALE ET PERTINENTE

Les renoncements abordés au chapitre 2 sont d’ordre postural, relatifs


aux attitudes du leader. Les renoncements abordés dans ce chapitre sont
plus orientés organisation. Il est évident comme nous allons le voir qu’ils
sont en lien.
148 Développez votre leadership relationnel

Renoncer à la permanence des systèmes, des stratégies,


des organisations et des décisions pour accueillir
la perspective flottante
Cette reconfiguration ne veut pas dire tout remettre en cause. Elle
implique un déploiement simultané d’actions de projets (stratégie, pro-
cess, gouvernance, ambitions et toute autre action), et de reconfiguration
utile et pertinente de ce qui est en train d’être déployé. Renoncer à la
permanence pour accueillir la reconfiguration.

Renoncer à la responsabilité binaire pour accueillir


la responsabilité paradoxale
Ne prendre la responsabilité qu’à la condition que tout soit clair et sous
contrôle en amont !
Cette injonction qui part initialement d’une bonne intention ne peut
générer que de la frustration et des malentendus entre une organisation
et ses acteurs, entre un leader et ses collaborateurs ou encore entre un
mandant et son fournisseur. Cela suppose que tout en amont soit sous
contrôle, maîtrisé, anticipé et connu. Or nous venons de voir tout au
long de l’ouvrage que la dynamique de la complexité implique la coha-
bitation, dans un même espace, de données maîtrisables avec des don-
nées aléatoires au profit d’un même objectif : renoncer à la responsabilité
binaire et accueillir la responsabilité paradoxale.
Dans une culture flottante la devise est « agir comme si tout dépendait
de soi en intégrant qu’au final une partie des données utilisées seulement
dépend de soi ».
Cette représentation de la responsabilité pourrait ouvrir la boîte
de Pandore de l’irresponsabilité, pourriez-vous penser, et aboutir à
l’apparition de zones grises dans lesquelles pourraient s’immiscer
malentendus et rejets de responsabilité au sein d’une organisation. Et
c’est justement dans ces zones grises que se situe le petit secret de la
flottaison.
Ses zones grises floues, non complètement définies en termes de res-
ponsabilité, peuvent tout autant inviter à la coopération, à la créativité et
à la transversalité constructive entre experts et acteurs dans une organisa-
tion. Ce qui ne serait pas obtenu si tout était déterminé à l’avance. Il n’y
Déployer la f lottaison organisationnelle 149

aurait alors plus de place pour l’intelligence de situation et la possibilité


de se reconfigurer dans un mouvement d’adaptation.

Renoncer à la performance du résultat exclusif


et accueillir la performance par l’expérience
« Il n’y a que le résultat qui compte », voilà une belle injonction enfer-
mante. Que faisons-nous alors de l’expérience du chemin parcouru pour
ce résultat, de l’expérience acquise et cumulée durant ce même parcours ?
Comment l’optimiser et en faire une consolidation de savoir-faire ?
Oui, il est une forme d’évidence que le résultat, qu’il soit financier,
technique, commercial ou social pour reprendre les quatre principaux
indicateurs de toute organisation professionnelle, reste le repère majeur.
Mais le « comment » de ce résultat obtenu, favorise l’efficience et la
pérennité d’une organisation.
Il y a deux manières de penser le résultat en entreprise :
•• Le degré d’atteinte des résultats implique le paradigme de l’échec ou
de la réussite, avec une forme binaire de perception et de conception
de la performance.
•• Une deuxième conception du résultat repose sur un processus continu
qui inclut le chemin parcouru. Elle nous invite à concevoir ce chemin
comme une expérience apprenante qui reconfigure les prochaines à
venir. L’idée est de concevoir la performance non comme un état final
lié à un résultat unique en bout de course, mais comme un proces-
sus de transformation permanent où chaque étape est perçue en soi
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

comme un résultat.
Ces renoncements nécessitent une véritable « disruption » et rupture
avec le mode de pensée organisationnel. C’est une forme de rupture
volontaire, pensée et anticipée afin de ne pas être l’« otage » du change-
ment qui s’impose à soi, mais plutôt le provoquer afin d’en anticiper la
plupart des dimensions.
Ce terme de disruption, inventé pour des besoins marketing dans les
années 1990 par le publicitaire Jean-Marie Dru, s’est élargi depuis aux
stratégies des organisations. Le concept aujourd’hui fait tellement sens
qu’il a été adoubé et proposé par des chercheurs en organisation, comme
à Harvard (Clayton Christensen). Ce concept reflète parfaitement la
150 Développez votre leadership relationnel

dynamique des évolutions actuelles des organisations qui ne peuvent


avancer et s’adapter qu’avec un savoir-faire de ruptures provoquées. D’où
le principe de la flottaison.

QUEL MODE OPÉRATOIRE


POUR LA FLOTTAISON CHOISIE

Un bazar !
Dans l’un des séminaires pour managers que j’ai animé sur le thème de la
« flottaison », un des participants a fait référence à la flottaison courante chez
un certain nombre de managers ou d’organisations qu’il côtoie au quotidien.
Il n’avait pas l’impression que cela leur portait chance dans la conduite de
leur business, d’autant, rajouta-t‑il « … que c’est un vrai bazar en interne,
pas de procédures, des systèmes parallèles de fonctionnement qui créent des
tensions importantes en interne et qui aboutissent à la déresponsabilisation
des cadres et acteurs… Alors la f lottaison, merci, pas pour moi ! » conclut-il.
Il venait d’illustrer la différence entre f lottaison subie qui est un mode de
fonctionnement passif et f lottaison choisie qui est un mode de fonction-
nement stratégique choisi, proactif et stratégique.

La flottaison subie est une forme de comportement de survie impulsif


où les changements de direction stratégiques, de décisions ou autres actes
managériaux sont une réponse a posteriori à un événement extérieur.
Répétée, cette « flottaison » devient de l’indécision, de l’hésitation et
révèle un manque de sens, de convictions, voire d’incompétences face au
contexte changeant.
La flottaison choisie est une culture et une posture décidées stratégi-
quement au niveau de l’entreprise afin d’optimiser son interaction avec
son environnement, son évolution et sa reconfiguration permanente.
La mise en place de la culture de flottaison dans une organisation pro-
fessionnelle obéit à un process flottant lui-même et qui se base sur trois
principes collaboratifs en interne.

Le principe des WIP : workshops interactions process


Toute procédure s’appuie sur l’application intelligente de ses recomman-
dations afin d’aboutir à l’output souhaité.
Déployer la f lottaison organisationnelle 151

L’utilisation qui est faite des procédures et des process aboutit parfois
à l’inverse de leurs intentions initiales : simplifier, fluidifier et créer de la
valeur.
Or, les process et procédures sont nécessaires, obligatoires et très utiles
dans les organisations complexes. Leur optimisation dépend de la qualité
des interactions process-utilisateurs, utilisateurs-utilisateurs, utilisateurs-
administrateurs de process

Quel processus de déploiement de la flottaison ?

Dans le cadre de la mise en place d’une dynamique « flottante » existe les


espaces «WIP » : workshops interactions process.
Ces espaces collaboratifs servent à mobiliser les utilisateurs autour de
trois idées clés :
•• La sensibilisation à l’enjeu global du process au-delà de l’aspect technique
et utilisation opérationnelle : Comment un process contribue à créer
de la valeur globale ? Quelle plus-value sur les postes et fonctions ?
Donner du sens et l’expliquer.
•• Le droit et devoir d’interpréter : appliquer la procédure avec l’inten-
tion première de résoudre le problème et donc d’en « interpréter la
meilleure » transformation concrète possible selon le bon jugement
de chacun. La procédure n’est pas la finalité. Tout ce qui n’est pas
dit est permis, pourrait être le credo de cette dimension inter­
prétative.
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•• Les feed-back process : ils visent le partage d’expérience dans l’utilisation


des process communs et aboutissent à cette posture collective vivante
et proactive dans l’utilisation des process organisationnels. Lors des
espaces WIP, les différents utilisateurs partagent leurs meilleures pra-
tiques quant à l’utilisation de ces mêmes process.
Ces idées les mettent en interaction avec les process qu’ils utilisent
en leur évitant une posture passive de simple consommateur. Une
telle posture passive peut aboutir à terme à une « calcification » des
comportements vis-à-vis des process au vu de l’automatisation qu’ils
proposent.
152 Développez votre leadership relationnel

Le principe de la zone grise fonctionnelle


et organisationnelle
Plus une fonction est définie, plus elle risque paradoxalement de perdre
en agilité, encore plus dans un environnement hypercomplexe. Aucune
définition de fonction ni organigramme, aussi spécifique qu’ils puissent
être, ne peuvent refléter la réalité complexe et dynamique d’une orga-
nisation. Décrire, c’est réduire dans ces cas. Ils ne peuvent espérer qu’en
refléter une variante, certes nécessaire, pour garantir un optimum de
stabilité et de constance.
Le mouvement de la réalité organisationnelle amène les acteurs dans
les organisations à côtoyer les zones grises et implicites de leurs respon-
sabilités respectives. Ces zones ne sont répertoriées nulle part, si ce n’est
dans l’espace subjectif et relationnel dans les organisations.
Cette zone grise peut être vue, à juste titre parfois, comme la source
majeure de la déresponsabilisation et des malentendus internes. Elle peut
être perçue comme initiant le flou, l’imprécision, le désordre dans des
organisations prônant le contrôle vertical permanent, le pouvoir et la
valorisation par le savoir ainsi qu’un système hiérarchique basée sur la
dominance plus que sur l’influence.
Cette zone grise n’est pas tolérable pour ce type d’organisation. Elle
forme une vraie menace pour la pérennité de la culture interne. Tout
sera fait alors pour combler cette zone par plus de process et de forma-
lisme afin de réduire la dimension de la zone. Ceci aboutira à terme à
ce qui a été décrit de manière lumineuse depuis déjà quelques décen-
nies par Crozier et qui reste d’actualité (L’Acteur et le système, Crozier et
­Friedberg, 1977) : à savoir une bureaucratie tueuse de productivité et de
performance, avec comme finalité sa propre survie.
Cette zone peut, si elle est vue différement, se révéler, au contraire,
une zone de collaboration et d’intelligence collective puissante et fer-
tile, une zone verte. Elle invite à la transversalité et à la créativité col-
lective face aux situations complexes et dynamiques. Cette zone grise
va activer nos fréquences de leader 4 et 5 : intelligence émotionnelle et
relationnelle.
Cette zone organisationnelle grise choisie, paraissant au premier abord
être un « no man’s land », appartient in fine à tout le monde. C’est dans
Déployer la f lottaison organisationnelle 153

son antre que peut se développer une flottaison choisie constructive, portée
culturellement par l’organisation.
L’exploitation de cette zone va impliquer de la transversalité colla-
borative entre entités professionnelles de la même organisation afin de
contribuer à la chaine de création de valeur. Sauf que ce réflexe ne se
décrète pas, mais se construit et se renforce au quotidien par les petits
actes professionnels et relationnels de chacun.
Quel process de déploiement permet l’exploitation de cette zone ?
Les rencontres et ateliers « Flottants » sont des espaces bilans, verticaux
(spécifiques aux départements ou métiers) ou transversaux.
Sous formes d’ateliers collectifs, les équipes vivent des rencontres à
rythme prédéfini, dont la finalité n’est pas de relever ce qui n’a pas fonc-
tionner mais, au contraire, d’identifier l’ensemble des réalisations minimes
ou plus remarquables, issues de ces différentes zones grises et qui ont
nécessité créativité, recadrage, intelligence collective, allers-retours, pro-
cess originaux… et qui ont fini par aboutir à une dynamique collective
avec résultats à la clé.
Grâce à la récurrence et l’efficience des rencontres « flottantes »
supervisées par un leadership tournant, finit par s’installer une forme
d’évidence dans la culture et une appropriation de ces zones grises.
Celles-ci deviennent des espaces de création de valeur qui s’avèrent être
une véritable opportunité de coopération et de création de valeur ainsi
qu’une zone d’expression collective emplie de sens. Elles répondent en
partie aux trois besoins fondamentaux d’un être humain que nous avons
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

évoqués plus haut : sens, utilité, lien.

Le principe de la charte de responsabilité


Assumer le principe organisationnel de la zone grise flottante n’est pas
toujours un principe accessible immédiatement. Le principe de la flot-
taison correspond à un paradigme aux antipodes du formatage rationa-
liste de l’appréhension du monde des organisations et de l’entreprise.
Ce principe implique un lâcher-prise tout à fait insupportable pour
bon nombre de dirigeants ou leaders. Et pourtant…, c’est par la voie de
ce curseur agile rationnel/flottant que la danse du leadership relationnel
peut s’exercer pour guider une organisation vivante.
154 Développez votre leadership relationnel

Cette posture flottante a besoin d’un point d’ancrage « moral » et col-


lectif afin de prendre tout son sens, celui de la responsabilité.
La flottaison peut avoir comme biais, comme je l’ai cité plus haut,
de déresponsabiliser les acteurs puisque l’espace « gris » reste l’espace de
tout le monde et donc de personne en particulier. D’où la nécessité de la
pédagogie des leaders de l’organisation à sensibiliser, informer, incarner,
fédérer et motiver autour de la valeur de la responsabilité dans cette
zone : la responsabilité d’agir et de prendre l’initiative ; la responsabilité
de contribuer avec d’autres et de répondre aux sollicitations ; la respon-
sabilité d’intégrer cette zone et de la penser comme espace copartagé ; la
responsabilité d’être relai d’information.
La responsabilité devient une valeur-mère dans la culture de la
flottaison.

Intégrer la culture de la flottaison


L’entreprise « E » vu précédemment a mis en place des programmes d’ac-
compagnement managériaux afin d’aider ses leaders, ses managers et
managers intermédiaires à intégrer les principes de la f lottaison avec la
culture qui va avec. Le challenge est important surtout dans les environ-
nements où la culture ingénieur est dominante.

Le déploiement de la culture de flottaison


• Les WIP (workshop interaction process). Les acteurs des organisations y
partagent leurs expériences de flottaison. Cet espace devient une forme
de partage de bonnes pratiques de la flottaison.
• La zone grise fonctionnelle. C’est un espace interface fonctionnel par-
tagé avec les autres fonctions volontairement flou, afin de faire place
à l’initiative individuelle et collective des acteurs pour optimiser leur
fonctionnement.
• La charte de responsabilité. Afin d’optimiser les WIP ainsi que les zones
grises, l’institution a besoin de synchroniser les acteurs autours de
quelques valeurs clés. La première majeure est : la responsabilité.
Partie

V D’UN LEADERSHIP
DE DOMINATION
VERS UN LEADERSHIP
RELATIONNEL D’INFLUENCE

Une interaction d’influence mutuelle entre le leader


et son milieu pour s’adapter aux contextes mouvants

« Le paradoxe de la condition humaine, c’est qu’on ne peut


devenir soi-même que sous l’influence des autres.»

Boris Cyrulnik
9
LA DANSE DE L’INFLUENCE

NBIC : nanotechnologie, biotechnologie, informatique, sciences


cognitives, voici quatre initiales qui définissent notre présent et de plus
en plus notre futur. Cela ouvre des perspectives socioculturelles, anthro-
pologiques et organisationnelles extraordinaires au vu de l’étendu des
questionnements et bouleversements potentiels hors normes qui existent
déjà et à venir.

LA MUTATION IDENTITAIRE

L’effet de ces quatre technologies n’a pas encore produit sa pleine mesure,
mais se déploie petit à petit quel que soit le pays ou le secteur d’activité.
Bien évidemment son impact est plus ou moins dense et fort selon que
l’on se trouve dans la Silicon Valley ou au Burundi, pays déclaré comme
le plus pauvre (PIB) de la planète en 2015.
L’émergence des supercalculateurs capables d’effectuer plusieurs mil-
liards d’opérations à la seconde, la profusion d’applications informatiques
personnelles ou professionnelles, le déploiement et utilisation accrue
dans les organisations des systèmes de gestion intégrés en entreprise type
ERP (entreprise ressource planning); tout ceci aboutit à un flot d’infor-
mations saturant pour nous.
Plus nous produisons d’informations, plus nous creusons notre inca-
pacité à les traiter et plus nous concevons des « aides mémoire » (capacité
de stockage et traitement d’information). Comme une forme de disques
158 Développez votre leadership relationnel

externes qui à leur tour se complexifient et développent une forme


d’autonomie (intelligence artificielle de plus en plus au point).
Ce cercle nous fait passer d’une logique linéaire où nous, êtres
humains, passons de statut de cause, concevant et fabriquant un produit,
à une logique holomorphique, où tout en restant la cause nous com-
mençons à devenir l’effet de ce que nous sommes en train de créer. Un
peu l’histoire de l’œuf et de la poule.
Ne parle-t‑on pas de plus en plus de transhumanisme, voire même de
post-humanisme afin de faire face à l’hypercomplexité que nous avons for-
tement contribué à créer : une forme de mutation identitiare des humains
que nous sommes, afin de « garantir » une place dans notre écosysytème.

Quel rapport avec le leadership relationnel ?


La transformation de notre environnement implique également la
reconfiguration de notre identité ou de la manière avec laquelle nous
la percevons. En tant que leader, prendre conscience de cette mutation
identitaire est fondamental. Être leader d’une génération X (native des
années 1960/70), ou Y (native des années 1980) ou Z (native des années
1990) implique d’intégrer les évolutions identitaires humaines qui ont
lieu durant ces périodes.
Quelle perception avons-nous de l’identité humaine ? Comment
l’appréhender de manière dynamique dans son évolution ?
Quelle perception a le leader de cette identité dont il a en partie la
charge, au vu des évolutions des neurosciences et de leur impact sur la
perception de nous-mêmes ?
Que doit reconfigurer ce leader dans sa manière de penser l’autre et sa
contribution ? À quoi devra-t‑il renoncer afin d’être dans le mouvement
du temps dans lequel il agit ?
J’ai toujours eu l’intuition au début et la conviction par la suite que
parmi les compétences d’un leader devait figurer en première place sa
capacité à entrer en relation et à gérer des réseaux relationnels. Cette
capacité est le résultat de sa curiosité saine à comprendre la nature
humaine avec humilité et ouverture.
Ce chemin de sa part peut se faire de manière intuitive, empirique
ou de manière plus formalisée. Le travail qu’il fait vis-à-vis de lui-même
La danse de l’inf luence 159

est un premier pas. Faire ce chemin avec le moins de jugement possible,


le plus d’ouverture et d’humilité pour espérer appréhender certaines des
très nombreuses nuances complexes qui caractérisent qui nous sommes
et comment nous nous mettons en marche et en lien.
L’un des plus grands obstacles chez un leader pour accéder à une
vision dynamique et complexe de l’être humain est l’adoption d’un rai-
sonnement à causalité linéaire. Il repose sur un postulat exclusivement
déterministe du monde qui nous entoure et des individus que nous
sommes (a produit b qui produit c qui produit d… ainsi de suite).

Des avancées exceptionnelles ces dernières années


Ce paradigme de la causalité linéaire a été petit à petit dépassé au xxe siècle
au profit d’un modèle plus en mouvement répondant de manière adaptée
à la nature complexe de l’écosystème avec ce qui le compose, y compris
la nature humaine.
Différentes études, recherches et expériences ont fait voler en éclat
le paradigme exclusif d’une causalité linéaire et déterministe dans notre
environnement. En sciences « dures », différentes découvertes plus ou
moins connues ont contribué à faire avancer toutes les sciences et par
ricochet notre manière de penser le monde.
Quelques exemples :
La très célèbre théorie de la relativité d’Einstein ou, de manière moins
spectaculaire, le principe « d’indétermination » du physicien allemand
Heisenberg au début du xxe siècle (La Partie et le Tout, 1969) : plus une
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

particule est déterminée moins sera précise sa vitesse. Cette théorie a


pu prouver que, dans notre environnement, plus nous intervenons pour
comprendre ce qui nous entoure, plus nous transformons ce que nous
observons. Là encore nous constatons l’importance du lien et de la rela-
tion avec ce que nous souhaitons déterminer.
Ou encore en chimie, les travaux du prix Nobel Prigogine (The End
of Certainty, 1997) ont contribué à faire un bond de géant à la thermo-
dynamique par ses travaux sur l’auto-organisation des systèmes.
Les neurosciences ne sont pas en reste. Les recherches sur le cerveau
humain ont permis de passer d’une conception figée du cerveau, qui subis-
sait le diktat du binôme inné versus acquis, à la conception de la ­plasticité
160 Développez votre leadership relationnel

neuronale grâce aux travaux de Geoffrey Raisman (Neurorestoratology


– Neuro­restorative strategies for disorders, 2015). Ces travaux ont mis en évidence
la capacité du cerveau partiellement endommagé à régénérer ses synapses.
En biologie et psychologie cognitive, « l’autopoïèse » ou la capacité
des systèmes vivants (naturels y compris humains et sociaux) à s’auto-
organiser, se régénérer et en interaction avec leur environnement exté-
rieur a été mise en évidence par les travaux de Maturana et Varela. La
sociologie, différentes branches de la psychologie ainsi que l’intelligence
artificielle (NBIC) sont autant de disciplines qui se basent sur « l’auto-
poïèse » pour développer leurs recherches aujourd’hui.
Ces quelques exemples non exhaustifs dans différentes disciplines
vont tous dans un seul et même sens : la dominante de la causalité circu-
laire de notre monde complexe.
Cette causalité circulaire induit l’interdépendance des éléments d’un sys-
tème et l’ensemble des liens qui composent l’ensemble. Une organisation
professionnelle ne peut échapper à cette règle, son dirigeant leader non plus.
D’où la nécessité d’un leadership relationnel :
•• un leadership basé sur le paradigme de la complexité et le mouvement
permanent ;
•• un leadership qui a un regard « neuronal » et non exclusivement li-
néaire sur le monde et son écosystème ;
•• un leadership qui agit dans des systèmes « autopoïésés » et non méca-
niques et prédéterminés ;
•• un leadership coordinateur de « champs relationnels » dans une orga-
nisation ;
•• un leadership qui s’exprime à travers « l’influence relationnelle » que sa
position dans une organisation lui procure, plus qu’à travers la « domi-
nance » qui, elle, est basée sur une conception d’un « pouvoir pour et
avec » et non d’un « pouvoir sur ».

GÉRER LES RELATIONS PLUS QUE LES PERSONNES

« La grande illusion du monde des affaires est de croire que l’on peut
piloter les objectifs. On ne peut manager que des comportements qui
La danse de l’inf luence 161

produisent ces objectifs.» Par cette affirmation, le chercheur et consultant


américain en management qu’est Peter Drucker (Management challenges
for the 21st century, 1992) a traduit le fantasme qui peut parfois circuler
dans les organisations : celui du contrôle direct des objets et des res-
sources à la disposition des organisations et des leaders qui les dirigent en
omettant de traiter les « zones grises » subjectives que j’ai abordées dans
la partie précédente.
Pour aller dans le sens de Peter Drucker, être un leader influent
ne se fait en effet pas au niveau des objectifs ni même au niveau des
comportements mais plus au niveau des relations qui nous animent.
Le vrai leadership d’influence, de ce point de vue, se fait à travers les
liens que chacune et chacun d’entre nous tisse avec son environne-
ment et donc que ce leader arrive à créer avec son équipe et dans son
organisation.
Dans les organisations dynamiques et complexes que nous côtoyons
ensemble depuis le début de cet ouvrage, les leaders vont avoir de moins
en moins les moyens organisationnels d’être ou de se sentir responsables
directement, en tout cas, d’êtres humains en tant « qu’entité » absolue.
Le centre de gravité de la responsabilité du leader relationnel, dans
une équipe professionnelle au sein des environnements hypercomplexes,
se déplace en effet vers la relation et les liens que ces personnes créent
entre elles plutôt que vers les personnes elles-mêmes.
Car c’est là, dans ce maillage relationnel complexe et dynamique, que
se crée ou se détruit de la valeur, qu’émerge une intelligence collec-
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tive, que s’insinuent les prémisses d’une dynamique commune saine ou


pathologique, dans une organisation.
C’est à ce niveau de réalité que naissent une forme d’Égrégores (esprit
collectif puissant) et des champs relationnels puissants si bien décrits par
le biochimiste anglais parfois décrié Rupert Sheldrake (Morphic Reso-
nance, 2009).
Rupert Sheldrake décrit des champs morphogénétiques où les liens
entre les individus, leurs ressentis exercent mutuellement des forces les
uns sur les autres pour finir par s’influencer et former un champ rela-
tionnel commun. Champ que le leader, et c’est son rôle, devra rendre
explicite autour d’un sens commun partagé par les membres de ce même
champ (système, organisation, entreprise, équipe).
162 Développez votre leadership relationnel

Son leadership devient alors non plus un leadership de « domina-


tion » qui existe « contre » ou « pour » ; mais un leadership d’influence qui
exerce son pouvoir « à travers » les relations qu’il vit et qu’il manage par
sa fonction et sa position.
La puissance du leader relationnel LF5 n’est plus uniquement due à
sa propre personne mais aux relations qu’il arrive à mailler, mobiliser et
établir.

UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L’IDENTITÉ


RELATIONNELLE POUR GÉRER LES ACTEURS

La première disruption suggérée et vue dans cet ouvrage est relative au


passage d’une pensée linéaire vers une pensée dynamique et complexe
de la part des leaders. La deuxième disruption est relative à la conception
que nous avons de notre identité
Les contours de notre écosystème actuel, très rapidement abordé
dans cet ouvrage (NBIC, hyper-connectivité, neurosciences…), nous
montrent que non seulement nous sommes en train de transformer
notre manière de concevoir les individus que nous sommes, mais que
impactons également la configuration même de notre cerveau.
En effet l’activité de l’homme se reconfigure et s’adapte afin de per-
mettre au cerveau de s’adapter au flux d’informations en jeu (travaux
entre autres de Jean-Philippe Lachaux à L’Inserm Lyon). Cette même
adaptation/reconfiguration a eu lieu de la même manière lors de l’appa-
rition de l’écriture cunéiforme vers 3 500 av. J.-C.
Les sollicitations des aires du cerveau varient selon notre environ-
nement et l’intensité qu’il exerce sur nous ; elles participent ainsi à son
remodelage continuel, selon le principe de la plasticité du cerveau.
Définir ce « qui » nous sommes, notre identité, à travers le prisme
du xxie siècle ne sera pas le même qu’avec le prisme du xixe ou du
xviie siècle… Ce n’est pas le sujet du livre que de tenter une réponse
ou de se positionner. En outre, la question et les réponses se trouvent
au confluent de nombreuses disciplines : philosophie, spiritualité, socio-
logie, psychologie, neurosciences, voire économie… alors, une unique
réponse… Cependant, à travers ces différentes disciplines, deux réalités
La danse de l’inf luence 163

se dégagent, parmi elles : la réalité relationnelle de l’être humain ainsi que


la spécificité de ses besoins.

Notre réalité relationnelle et sociale (Homo Empathicus)


Un regard psychologique moderniste : rationnel, objectif, progressiste…,
aborde l’identité humaine à travers trois piliers :
•• la conscience de soi (valeurs, principes, émotion, estime, patrimoine
biologique, relationnel…) ;
•• l’appartenance sociale (les groupes et sous-groupes auxquels nous ap-
partenons et dans lesquels nous avons une identité collective) ;
•• l’implication sociale (les rôles que nous tenons dans les groupes aux-
quels nous appartenons et leurs valeurs respectives) (Gustave-Nicolas
Fischer – Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, 2005).
Le psychologue Erikson a été l’un des premiers à ouvrir la voie, suivi
d’autres spécialistes du sujet, Tajfel & Turner (1986), Miller (1975). Ils
font tous émerger un soi associé à ses différentes appartenances sociales.
Tout cela étant le reflet de notre réalité sociale.
Zavalloni, dans son ouvrage : Identité sociale et conscience (1984), résume
de manière percutante cette réalité sociale de l’identité en suggérant
que « l’identité est une construction sociale de la réalité… Elle apparaît
comme un objet privilégié pour comprendre la construction de la réa-
lité sociale, dans la mesure où le rapport au monde s’établit à travers les
diverses appartenances sociales et culturelles de l’individu ». Le caractère
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social et relationnel du soi ressort de ces différentes sensibilités.


Le courant psychologique post-moderne fait montre lui, presque
d’une radicalité dans le domaine. En effet, il ne considère pas l’identité
de l’individu comme une finalité à développer mais comme un moyen
qui contribue à une finalité, celle du lien avec le monde.
« … Rien n’est réel avant que les personnes ne s’accordent à dire qu’il en
est ainsi… » ou encore « … Lorsque nous communiquons entre nous, nous
construisons le sens du monde dans lequel nous vivons… ». De manière plus
tranchée « …Nous pensons que le sens se crée entre humains vivants dans des
sociétés et des cultures, et non à l’intérieur de la personne individuelle. Le sens
n’existe pas en nous, il existe entre nous… »
164 Développez votre leadership relationnel

Voici ci-dessus quelques conclusions radicales des travaux du psy-


chologue américain K. Gergen, porteur du mouvement post-moderne
constructionniste social. Il met en évidence et défend l’idée que le sens
que nous donnons aux choses qui nous entourent s’exprime d’abord
à travers et par la relation que nous développons entre nous, êtres
humains.
Ce sens selon lui ne peut émerger d’une entité seule (être humain) ce
qui renierait presque sa nature profondément relationnelle. (K. Gergen
– Le soi saturé, 2005 ; Le constructionisme social, un guide pour dialoguer,
2004).
Que ce soit avec une perspective moderne rationnelle ou à travers
une perspective post-moderne reconfigurative, le regard sur le « soi » et
sur « l’identité » bascule pour passer d’une conception verticale égocen-
trée (sens individuel, émotions personnelles, indépendance, principes
personnels, valeurs spécifiques…) vers une conception relationnelle plus
dynamique et holomorphique.
Le « soi » s’appuie sur les dimensions groupales de son environnement,
non plus pour une finalité d’existence à part entière, mais en tant que
contributeur proactif aux différents champs relationnels dans lesquels il
est acteur. Il en devient la conséquence et la cause à travers des inter­
actions et dialogues formels et informels permanents.
Au vu des références abordées précédemment, nous pouvons conclure
que l’identité porte en sa finalité un paradoxe : celle de permettre de
nous distinguer ainsi que notre volonté d’appartenir.
Une manière synthétique d’appréhender l’identité sur la base des
lignes précédentes de ce chapitre est de considérer qu’en chacun d’entre
nous s’articulent de manière interdépendante et dynamique quatre
espaces identitaires.

Les quatre sphères identitaires des êtres humains


Une identité communautaire primaire

Forme de nappe phréatique dans laquelle chacun de nous a été élevé


et éduqué, elle nous sert d’abreuvoir psychologique, culturel et moral.
La cellule familiale en fait partie. Ce cercle devient l’ambassadeur des
La danse de l’inf luence 165

repères et des dimensions d’un cercle plus grand : celui d’un système
national, religieux, idéologique, spirituel, culturel…
Cette identité nous permet de « revendiquer » une appartenance
socioculturelle et groupale, choisie ou subie, nécessaire à notre équi-
libre. La communauté d’appartenance peut être nationale, régionale,
religieuse, culturelle, familiale. C’est un espace d’ancrage primaire qui
peut évoluer positivement ou négativement, avec les expériences de vie
de la personne. La personne se définit à travers cette communauté et
en revendique l’identité collective ou la rejette en tentant d’en adopter
une autre.

Une identité spécifique personnelle

Elle est notre « moi » intrinsèque et est définie par nos spécificités phy-
siques, psychologiques, biologiques, de genre, de psychologie profonde,
de nuance psychologico-biologique. Une forme d’empreinte cognitivo-
émotionnelle unique qui permet la distinction des membres des com-
munautés auxquelles nous appartenons.

Une identité contributive fonctionnelle

Elle correspond au rôle que joue la personne dans son environnement


social et sociétal. Cette identité traduit le besoin de contribution de la
personne à la communauté dont elle revendique l’appartenance. (Cette
identité vient nourrir l’un des trois besoins psychologiques fondamen-
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taux : celui de l’utilité.)


Dans cette sphère identitaire nous pouvons trouver des identités
parentales (pères, mères, parrain, professionnelles, politiques ou autres
statuts actifs et opérationnels dans nos environnements respectifs. Cette
sphère identitaire reflète le premier rôle reconnu par l’environnement,
que chacun d’entre nous occupe et qui est sa contribution propre
et première à l’environnement auquel il appartient. Être ouvrier,
médecin, instituteur, avocat ou éboueur, c’est incarner une identité
fonctionnelle. Être maman ou papa au foyer sans autre fonction à l’ex-
térieur de ce même foyer, c’est incarner également cette même iden-
tité fonctionnelle.
166 Développez votre leadership relationnel

Une identité communautaire secondaire

Cette sphère identitaire correspond à notre appartenance à des cercles


relationnels, sociaux virtuels ou réels, plus informels et qui nous nour-
rissent le besoin de se sentir en lien et « connecté ».
Ces quatre espaces forment une dynamique identitaire relationnelle
et interdépendante. Elle permet à notre identité de se reconfigurer de
manière permanente afin de s’adapter à son environnement tout en
tenant compte du patrimoine de chacun d’entre nous.

Identité
communautaire
primaire

Identité
spécifique
Identité personnelle Identité
contributive communautaire
fonctionnelle secondaire

Les quatre espaces identitaires

La perspective relationnelle du « soi » humain portée entre autres par


le courant post-moderne « constructioniste social » de Kenneth Gergen
n’a rien d’angélique et ne souhaite pas l’être. Qui dit dialogue ne veut
pas forcément dire entente mais relations, dans leurs natures aussi : saines,
pathologiques et mystérieuses.
Notre nature fait de nous, êtres humains, des artistes en la matière
relationnelle. Nous sommes également des producteurs hors pair de stra-
tégies diverses et variées dans l’art de créer, maintenir et reconfigurer les
différents liens que nous tissons avec notre environnement.
En tant que leader, intégrer cette réalité psychologique humaine
reviendrait à passer à une réalité de leadership vivante, plus fine et plus
puissante.
La danse de l’inf luence 167

Les trois besoins primaires et transversaux


de tout être humain
Comme nous venons de le voir, notre identité est basée sur deux réalités :
l’une que nous venons de voir est relationnelle. La deuxième réalité que
nous allons aborder ci-dessous est liée aux trois besoins fondamentaux
de tout être humain.
Les récents travaux des psychologues Deci et Ryan (2008, TAD :
Théorie de l’AutoDétermination), pas suffisamment mis en avant à mon
sens, ont mis en évidence trois besoins fondamentaux nécessaires à une
forme de conscience de soi :
•• Le besoin d’autonomie : se sentir être à l’origine et à la source de ses
actions et leur donner du sens. Cette autonomie se traduit également
par la possibilité d’avoir de la latitude dans ses actions et de l’influence.
•• Le besoin d’utilité : se sentir contributeur et compétent dans l’exécution
de responsabilité dans l’environnement. Ce besoin se traduit par le
sentiment de contribuer à un dessein ou une tâche commune avec un
rôle défini et reconnu.
•• Le besoin d’appartenance : se sentir en lien et en affiliation, par rapport
à d’autres personnes de préférence, des personnes qui comptent. Ce
besoin reflète la nécessité pour chacun d’entre d’être dans une commu-
nauté, choisie ou non.
Ces trois besoins sont nourris à partir du moment où ils sont reconnus
et nourris par l’environnement et par la personne elle-même. Ils peuvent
être considérés comme des besoins primaires communs à chacun d’entre
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

nous. Ils viennent compléter et s’articuler avec nos besoins spécifiques


des étages de « base » et de « phase » abordés dans la partie relative à la
Process Communication.
Tableau de consolidation des besoins psychologiques
Besoins primaires Besoins spécifiques
Besoin de reconnaissance personnel
Besoin de nourrir les sens
Besoin de reconnaissance de la qualité de la tâche
Besoin d’autonomie
Besoin de reconnaissance dans la gestion du temps
Besoin d’utilité
Besoin de reconnaissance des opinions
Besoin d’appartenance
Besoin de reconnaissance du retrait
Besoin de reconnaissance de l’excitation relative à l’action
Besoin de reconnaissance du contact positif
168 Développez votre leadership relationnel

Un des impacts, et non des moindres, d’une conception de leadership


relationnel (LF5) est de considérer que le véritable pouvoir du leadership
n’est pas intrinsèque aux personnes qui l’exercent. Ce pouvoir réside
dans les relations que ces leaders arrivent à établir et tisser, ainsi que les
champs relationnels qu’ils créent.
C’est là que se niche le véritable pouvoir d’influence…
10
L’INFLUENCE
PAR LA RÉPUTATION DU LF5

Le leadership est l’art de l’influence, comme je le suggérais au début


du livre. Passer d’un leadership de domination à celui de l’influence est
une question de posture et de conscience de soi.
Dominer, c’est contrôler, avoir le pouvoir sur, maîtriser les contours,
avoir de l’ascendant sur, imposer… Tout cela n’est pas négatif en soi.
Dominer son sujet technique, dominer son émotion sont autant de com-
portements certainement positifs pour beaucoup de leaders dans la ges-
tion de leur propre personne et de leurs responsabilités.
Être leader au xxie siècle, dans des organisations vivantes et
­complexes avec, en arrière-plan, la domination des personnes comme
paradigme de pouvoir, est limitant et parfois une illusion… Ce serait
une erreur de posture, à moyen et long terme, que de se positionner
ainsi, au vu de la nature relationnelle des humains et de l’interdépen-
dance et complexité des liens formels et informels existants dans une
organisation.
Le voudraient-ils qu’ils ne pourraient pas.
Diriger par la « domination » exclusive nous ramènerait à ce para-
digme causal dont il a été question au début de cette partie du livre et
qui réduit et simplifie considérablement la nature humaine et les rap-
ports relationnels qu’elle génère. Espérer avoir « prise » sur les organisa-
tions complexes et vivantes, tactiquement parlant, ne peut passer que par
l’influence. Il y a au-delà du principe, un sens pragmatique à choisir la
posture de l’influence.
170 Développez votre leadership relationnel

L’ÉCHELLE DE L’INFLUENCE

L’influence est une question d’interaction et de dialogue permanents


avec son environnement. Elle évoque plus la notion de conviction, de
persuasion, de sens donné aux choses échangées que l’arbitraire et l’ex-
clusif qui peuvent accompagner l’acte et l’intention de dominer.
La domination est un pouvoir linéaire et mécanique, basé sur un rap-
port de force générant un équilibre qui se maintient par la crainte, la
passivité (suivisme) ou par l’adhésion de circonstance pour des motifs
politiques ou de survie.
L’influence est un pouvoir dynamique, reconfiguratif, basé sur un
canal d’interaction dense et intense. L’influence génère un équilibre
qui se maintient par le sens co-élaboré dans les relations initiées par les
acteurs des organisations.

Zone de l’influence + Zone de dominance


ALTÉRITÉ CONFORMITÉ

Accueillir Renoncer Ajuster Arbitrer Contrôler


Débattre Persuader Se positionner Manipuler

L’échelle de l’influence

L’échelle d’influence que je propose comporte deux zones :


•• La zone d’altérité est bâtie sur la perception d’un « soi » et de « l’autre »
et donc de la normalité de différence, de sensibilité et de perception
qui peut exister. Cette zone accueille le dialogue sans pour autant être
dans le compromis permanent mais dans l’échange et l’ajustement.
•• La zone de conformité (antonyme d’altérité) est bâtie sur la per-
ception d’un soi intérieur qui, pour exister dans la relation, a besoin
de dominer ou d’être dominé et d’être conforme à une dynamique
mono­logique (une seule logique dominante). C’est donc une zone
d’exclusion où mon « soi » se conforme à la réalité ou il conforme
l’autre à la mienne.
L’inf luence par la réputation du LF5 171

L’influence du leader peut s’exercer de manière atomique par le biais


d’actes réels et concrets : réalisations, comportements, paroles, écrits,
projets…
Ces différents critères réels, laissent une trace positive, négative ou
nuancée… dans l’environnement. L’impact de cette trace, de cet écho, est
le résultat de ces réalisations palpables, mais également de perceptions exté-
rieures, celles des acteurs de l’organisation ou de l’environnement dirigés
par ce leader. C’est l’influence virtuelle, autrement définie : sa réputation.
Le sujet de la réputation (influence virtuelle) est quasi systématique-
ment abordé dans les séances d’accompagnement individuel et de coa-
ching des dirigeants que je mène. Elle est abordée au début de manière
indirecte avant d’être, au fil du temps, un objet de traitement explicite.
Autour de ce sujet émergent de la part des leaders de l’inquiétude, de
l’incompréhension, des interrogations ou de manière plus subtile de l’in-
différence feinte.
Être neutre face à cette dimension, pour un leader, est difficile puisque,
en arrière-plan de la réputation, c’est d’identité en réalité qu’il est ques-
tion, avec toutes ses composantes (les 4 espaces identitaires).
Je considère que la dimension réputation chez les leaders n’est pas
souvent considérée à sa juste valeur ni définie dans sa globalité. Elle est
souvent confondue avec le conseil en communication qui parfois veut
donner ou fabriquer une « image » et qui se trouve, au final, en décalage
identitaire avec la structure psychologique du leader concerné.
L’ensemble paraît alors fabriqué, construit sur mesure et « prêt à l’em-
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ploi ». D’où la connotation floue, ambiguë voire négative du concept


réputation.
Selon moi la réputation d’un leader se trouve au confluant de
3 critères :
•• Son œuvre et ses compétences ou la trace atomique : ses réalisations, son
expertise, ses projets, ses résultats laissés au fil de son histoire.
•• Sa dynamique relationnelle ou la trace relationnelle : l’utilisation des
4 sphères identitaires qui constituent qui il est ainsi que les inter­
actions auxquelles il participe en tant que leader au sein des différentes
­communautés dans lesquelles il agit. La nature avec laquelle le leader
gère les relations et les différents champs relationnels dont il a le pilotage.
172 Développez votre leadership relationnel

•• Le symbole qu’il représente ou la trace symbolique : la manière avec la-


quelle le leader incarne sa fonction et son statut ont une valeur re-
présentative positive ou négative. Cette manière contribue à définir
et à caractériser sa réputation. Un collègue de travail qui vient d’être
promu et qui passe du statut de collègue à celui de patron, c’est une
situation courante en entreprise. Ce nouveau leader n’ose pas, pour
différentes raisons, assumer la fonction en gardant la même « distance
relationnelle » avec ses ex-collègues. Ou à l’inverse il adopte une « dis-
tance relationnelle » caractérisée de rigide afin d’incarner une forme
de « charisme » surfait. Dans les deux cas, c’est une question de distance
hiérarchique relationnelle à trouver.

Œuvre
(Trace atomique)

Réputation
Dynamique
relationnelle Symbole

(Trace (Trace
relationnelle) symbolique)

Au confluent de la réputation

Je vous propose d’investir quelques lignes autour de ce troisième cri-


tère : la trace symbolique. Devenir leader implique en effet quasi systé-
matiquement un phénomène psychologique appelé projection.

LE PHÉNOMÈNE DE PROJECTION

Dans la relation d’aide psychologique, les spécialistes (psychanalystes,


psychothérapeutes, psychologues) ont identifié un phénomène rela-
tionnel appelé « projection » qu’ils vivent tout au long de leurs séances
d’accompagnement.
L’inf luence par la réputation du LF5 173

Ce phénomène existe dans les relations de la vie courante profession-


nelle et privée. Il consiste à ce qu’une personne procède à un « déplace-
ment » de ses frustrations non assumées, de ses sentiments et émotions
positives ou négatives ou encore de ses attentes contrariées pour diverses
raisons, vers d’autres personnes de son entourage.
Ces mécanismes de projection sont courants et nous sommes tous des
candidats potentiels à ce type de phénomène.

Quelques exemples de projections professionnelles


« Je plains ce patron le pauvre tout le boulot qu’il abat ! » Alors que ce
patron est peut être passionné par son travail et y est très épanoui et équi-
libré. Cette forme de projection peut traduire la crainte que pourrait
avoir l’émetteur de cette phrase s’il était lui-même dans une situation
équivalente.
« Il faut se méfier des décisions trop claires et transparentes… ». Alors qu’il
n’y a aucun « agenda caché » derrière ces décisions « trop claires… » . Cette
autre affirmation peut avoir quelque chose de vrai. Elle peut aussi ref léter
le prisme à travers lequel un individu ou un groupe, méfiant de nature au
vu du climat au sein de cette organisation, interprète toutes les décisions
venant du leader.
« Maintenant qu’elle est à ce poste de responsabilité, j’attends d’elle
qu’elle soit à la hauteur et digne du poste… Ça implique d’elle de la
retenue. »

Voici quelques exemples de projections professionnelles dans les-


quelles certains d’entre vous se seront peut-être reconnus. Ce type de
mécanisme fait partie de notre réalité relationnelle, quel que soit notre
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statut.
La description succincte de ce mécanisme psychologique complexe
qu’est la projection ici vise d’abord à illustrer l’importance du critère
« symbole » dans la construction de la réputation d’un leader.
Un leader est porteur, au-delà de sa propre personne, de dimen-
sions qui le dépassent et qui ne lui appartiennent pas structurelle-
ment. Il représente symboliquement une surface de projections en
puissance. Le pouvoir qu’il détient est déclencheur potentiellement
de projections individuelles et/ou collectives dues au symbole qu’il
représente : une institution, des valeurs, une idéologie, un combat, une
morale.
174 Développez votre leadership relationnel

« …Arrêtez de vous ronger les ongles ! »


Lors d’une de mes séances de coaching avec un dirigeant, alors qu‘il était
en pleine analyse de son fonctionnement avec son comité de direction,
il s’arrêta net et me demanda avec un sourire d’arrêter de me ronger les
ongles.
Je fus surpris de son interpellation. J’avais ma bouche appuyée sur mon
doigt, une manière d’écouter attentivement.
« Qu’est- ce qui vous gêne dans mon attitude ? » lui dis-je ?
« Pour moi vous êtes quelqu’un de zen, qui se contrôle, qui est presque
parfait et de développé… C’est l’image que j’ai de vous. Vous êtes un
modèle pour moi. Des gens comme vous ne se rongent pas les ongles…,
vous êtes coach quoi ! » conclut-il avec un sourire en coin mi ironique mi
surpris de sa propre interpellation.
À travers ce bref dialogue que je vous relate, nous voyons la projection
dans toute sa mesure.
Au-delà de ma personne, j’étais également pour lui un symbole projeté,
une forme d’avatar nécessaire et rassurant dont il se créait les contours
pour mieux taire ses inquiétudes et dissonances intérieures.

Dès qu’il y a relation, il y a potentiellement projection selon l’intérêt,


la qualité, le contexte et les enjeux de cette même relation.
Projeter ses craintes, ses besoins, ses frustrations, ses peurs, son soutien,
sa compassion, son envie, son empathie… sont autant de formes de pro-
jection possibles, inhérentes au rôle de leader, au pouvoir et au symbole
qu’il représente.
Les personnes s’emparent de ce symbole et construisent une réalité
individuelle autour, comme une sorte « d’objet transitionnel » comme
l’a décrit le psychanalyste Donal Winnicott (« le destin de l’objet tran-
sitionnel » In Journal de psychanalyse de l’enfant). Cet objet transitionnel
permet de combler une forme de vide potentiel pouvant exister entre
des craintes ou des manques intérieurs et une réalité extérieure.
Les différents phénomènes psychologiques qui peuvent se jouer dans
le champ relationnel d’un leader nous démontrent que son image ne lui
appartient pas tout à fait en totalité.
Cette réalité est un fait majeur à accepter et à intégrer dans l’appré-
hension des rôles de leaders. Ils peuvent susciter des comportements et
attitudes de la part de leur environnement sans avoir à lever aucunement
le petit doigt, ni à remuer un sourcil, mais juste par les symboles qu’ils
représentent.
L’inf luence par la réputation du LF5 175

La réputation est une forme d’écho identitaire où se mélangent des


voix, des images des intentions, des frustrations, des attentes appartenant
au champ relationnel des leaders (lui-même, ses interlocuteurs, ses rela-
tions, son champ d’influence…). Dans cet écho se crée des distorsions de
la réalité identitaire du leader en question.
Accepter ce fait est facilité par la distinction des notions de « per-
sonne » et de « personnage » :
•• La zone « personne » appartient à l’intime, au secret de l’intérieur psy-
chologique de chacun, à l’histoire personnelle et à la sphère privée
réservée à quelques « happy few » choisis.
•• La zone du « personnage » pour un leader est en grande partie pu-
blique. C’est une forme de « co-propriété » identitaire, partagée entre
son détenteur leader et les différents « projeteurs » potentiels j’ai cités
plus haut. Ils en sont des co-acteurs dans le champ relationnel du lea-
der à travers leurs rôles respectifs.
La gestion saine et optimale d’une réputation de leader se situe juste-
ment dans sa capacité à manipuler le curseur entre personne et personnage
et développer, le plus possible, du recul et de la distance par rapport à cela.
L’une des situations les plus délicates que je rencontre, en séances
individuelles d’accompagnement, est la phase de transition profession-
nelle durable que connaissent ces mêmes leaders (changement de poste
ou retraite).
Durant cette période, il est des renoncements très délicats. La zone
« personnage » comporte différentes dimensions : pouvoir, respect, avan-
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tages professionnels divers, fantasmes, valorisation, et autres… Tout ceci


s’estompe petit à petit, pour parfois n’être qu’un vague souvenir en
attendant peut-être de le retrouver lors d’une prochaine responsabilité
professionnelle, si l’âge le permet.
La gestion de ces périodes de transition est d’autant plus délicate
voire douloureuse pour les leaders qui n’ont pas distingué les deux zones
« personne/personnage » durant leur mandat.
Certains sont prêts à tous les compromis, voire compromissions afin
de préserver ce qui, au-delà d’une motivation matérielle, représente un
équilibre identitaire qui s’est subrepticement immiscé dans le quotidien
de la personne dirigeante.
176 Développez votre leadership relationnel

Ce système psychologique subtil installé cherche, comme tout sys-


tème, à survivre aux menaces extérieures qui peuvent venir mettre en
péril sa survie : le changement de statut. En politique, en entreprise
et au sein d’autres types d’organisations, nous observons ce type de
mécanismes.

Iron Man 3, le film !


Que vient faire un blockbuster de super héros dans ce chapitre ?
J’ai toujours été curieux et intéressé par les messages voulus, ou non
voulus d’ailleurs, que pouvaient véhiculer certaines œuvres de fiction
grand public et ce qu’elles traduisent de notre inconscient collectif et
désirs profonds.
Ce film sorti en 2013 décrit le héros (Starck), inventeur de génie, qui
conçoit une armure révolutionnaire (blindée, volante, porteuse de
missiles, dotée d’intelligence artificielle et autres pouvoirs technologiques
fantastiques). Il utilise cette armure au service de son pays, de ses compa-
triotes et au passage également pour sauver l’humanité d’elle-même et de
ses dérives…
L’épisode 3 en particulier s’attarde sur cette relation ambiguë entre
le personnage Iron Man et l’humain, Starck, à l’intérieur de l’ar-
mure. Starck se trouve petit à petit prisonnier de son personnage, de
son armure extérieure qui lui confère certains avantages dont ceux
entre autres de ne pas confronter ses problèmes de personne et d’être
uniquement le personnage adulé et projeté par les autres. Il finit par
se faire rattraper par sa réalité d’humain en manifestant des compor-
tements d’angoisse et de crises de paniques due à la confusion de son
identité. Le seul moyen d’endiguer ses comportements toxiques est de
trouver refuge dans l’armure et le personnage Iron Man, pour tenter
de colmater les brèches psychologiques de la « personne ». La personne
Starck finit par devenir l’otage de son armure et de son personnage Iron
Man. Le reste du film étant moins métaphorique, je m’arrêterai donc là
pour l’illustration.

Les attributs du pouvoir d’un leader dirigeant appartiennent à la


sphère du « personnage », la zone « personne » intervient dans l’utilisation
de ses attributs et le sens relationnel qu’il leur donne.
C’est là que réside la véritable capacité du leader à agir sur les sym-
boles qu’il porte. Le reste ne lui appartient plus, mais appartient au flux
relationnel coproduit par les différents acteurs en interaction directe ou
indirecte avec lui.
L’inf luence par la réputation du LF5 177

GÉRER SA RÉPUTATION DE LEADER ET DÉVELOPPER


UNE ZONE D’INFLUENCE RELATIONNELLE POSITIVE

L’objectif des lignes qui vont suivre est de partager avec vous les deux
leviers selon moi qui sont importants dans le développement de cette
influence relationnelle positive des leaders dirigeants dans leur système :
•• la relation qu’ils ont à leur propre identité pour en saisir les principaux
contours et potentialités ;
•• le déploiement de leur influence dans les systèmes dont ils ont la charge.

Levier 1 : La relation à son identité pour une identité


reconfigurative
L’identité, comme déjà définie précédemment, est cette dynamique
paradoxale qui permet de se distinguer et en même temps d’appartenir
avec ses quatre dimensions (appartenance primaire, identité spécifique,
identité utilitaire, identité d’appartenance secondaire). Le champ iden-
titaire de chacun d’entre nous est l’articulation fine et complexe de ces
quatre dimensions interdépendantes. Notre équilibre identitaire dépend
du type de relation que nous avons et que nous développons tout au
long de notre vie avec ces quatre dimensions.
Le regard reconfiguratif de l’identité nous permet d’être dans une
dynamique d’accueil des changements et des ajustements nécessaires à
notre adaptation psychologique à l’environnement qui nous entoure.
Plus nous sommes conscients de notre réalité relationnelle, paradoxale
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

et reconfigurative, plus nous optimiserons notre patrimoine relationnel


et les différents champs relationnels auxquels nous appartenons.
Plus les leaders dirigeants intègreront cette réalité psychologique
humaine, plus ils seront dans le champ de l’influence positive et dans le
leadership relationnel, et seront moins enclins à recourir à une approche
domination dans l’exercice de leur leadership.

Levier 2 : les 4 dimensions de l’influence positive


par la réputation
Porter un projet, le « vendre » en interne, le sponsoriser, effectuer un
arbitrage, conduire une transformation organisationnelle, un virage
178 Développez votre leadership relationnel

stratégique, une négociation subtile et en même temps ardue…, voici


autant de situations qui impliquent de la part d’un leader, l’activation des
5 fréquences (opérationnelle, process, stratégique, émotionnelle, relation-
nelle) afin d’avoir le regard le plus panoramique et de tenter de saisir le
maximum de « pixels » de la situation en jeu.
Dans le renforcement de l’influence positive chez les leaders diri-
geants que j’accompagne, je m’appuie essentiellement sur quatre critères
pour activer l’influence positive.
Ces critères contribuent à créer une dynamique qui tient compte de la
nature relationnelle des personnes que nous sommes et de la complexité
des champs relationnels dans lesquels les leaders dirigeants agissent.

L’influence par les enjeux : un regard multi-angles

Dans un projet en organisation, plusieurs enjeux cohabitent. Ils ne sont


pas forcément convergents, c’est d’ailleurs assez rare, surtout au premier
abord. Un même projet, dès qu’il implique l’intervention et la mobi-
lisation d’autres acteurs de cette même organisation, va générer diffé-
rentes attentes, réactions et activer des enjeux personnels, professionnels,
collectifs et/ou individuel, de différentes intensités. Cela est normal.
D’où l’importance de savoir accueillir les enjeux individuels des acteurs
concernés par ce projet, de savoir les laisser émerger et s’exprimer pour
qu’ils soient reconnus avant de commencer à mobiliser et construire
autour de l’enjeu optimal commun (EOC) relatif à ce projet .

L’influence par les alliances : le jeu des alliances

La puissance d’un pouvoir de leader réside également dans les liens éta-
blis avec les personnes-relais qui composent sa réalité organisationnelle.
« Le leader n’est pas forcément le plus fort, ni le plus charismatique, mais celui qui
se place dans un certain rapport aux autres. Avant d’être une question de personne,
le fait de diriger doit donc être compris comme un type très spécial de relation.»
Ces paroles peuvent être aisément attribuées à certains représentants
du courant constructionnisme relationnel post-moderne dont il a été
question dans les chapitres précédents, par le focus qui y est fait autour de
la notion d’influence et de relation. En fait, elles datent de 250 av. J.-C.
L’inf luence par la réputation du LF5 179

et viennent du prolifique philosophe chinois Han Fei Zi (L’Art de gou-


verner). « Se situer dans un certain rapport aux autres… » « Gouverner
c’est un type très spécial de relation… », écrivait-il ! Il y a certaines réa-
lités qui voyagent à travers le temps, les continents et les cultures.
Même si Han Fei Zi prônait un pouvoir nettement plus vertical et
dirigiste en tant que très proche conseiller du premier empereur de
Chine de l’époque, il décrivait déjà néanmoins l’importance de certaines
vérités encore valables aujourd’hui : la force des alliances dans la gestion
de la pérennité du pouvoir.
Dans le monde des organisations, cette dimension alliance est plus
que présente et vivante dans un environnement hyper mouvant qui
redistribue les cartes en permanence : des alliés du jour qui peuvent avoir
des intérêts communs à ce que ce projet passe ; qui renvoient l’ascenseur
d’un service précédemment rendu ; ou tout simplement qui y voient un
véritable sens, en cohérence avec leurs valeurs et convictions ou tout
autre raison subjective ou objective.
Le meilleur chemin dans le monde des organisations complexes
vivantes et évolutives n’est pas forcément le plus court mais peut être le
plus long.
Un des rôles du leader relationnel LF5 est de savoir créer les condi-
tions des alliances et des ambassadeurs convaincus du projet en question.
Pouvoir identifier les alliés et les mobiliser autour d’enjeux afin qu’ils
deviennent des porteurs de ce projet au mieux. Au pire qu’ils ne lui
nuisent point.
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Certains verront dans la dimension « alliés » une forme de manipu-


lation comportementale. À partir du moment où les intentions des uns
et des autres sont partagées, que nous acceptons notre réalité humaine
reconfigurative et complexe, qu’il y a de l’éthique partagée dans les tran-
sactions relationnelles professionnelles, il n’y a a priori quasiment plus de
débats là-dessus. Cela devient de la stratégie relationnelle et du calcul par
la fréquence 5 du leader relationnel.

L’influence par le temps : la fenêtre de tir

La gestion de l’influence positive passe également par l’exploitation de


la dimension temps et la capacité du leader à « temporiser ». Temporiser
180 Développez votre leadership relationnel

ici n’est pas utilisé pour suggérer quelque posture d’attentisme que ce
soit, mais pour signifier la synchronisation de l’action avec le contexte
environnant. C’est une forme d’anticipation permanente.

Quand des voitures neuves deviennent des allumettes


L’entreprise « P » modèle dans le secteur de l’industrie lourde se porte
plutôt bien malgré un secteur morose. Elle dispose d’un département
R&D qui lui a permis d’innover constamment et d’être considérée
comme une entreprise modèle dans son environnement y compris en tant
qu’employeur. Il se trouve qu’à une période donnée, la conjoncture secto-
rielle était extrêmement tendue, due entre autres à une matière première
en hausse importante. Cela a eu comme conséquence de plomber les
résultats de la compagnie avec des primes au personnel nettement revues
à la baisse.
Ce type de contexte revient par cycle et est généralement géré de
manière intelligente et adaptée entre le management et les syndicats
présents (2 syndicats présents). L’année en cours a été pour l’entreprise P
une conjonction de plusieurs événements : augmentation de matière
première, entrée sur le marché de nouveaux acteurs, élection des repré-
sentants syndicaux avec les enchères que cela peut impliquer dans de
telles circonstances, baisse de la prime annuelle au personnel et autres
réjouissances de ce genre.
L’entreprise malgré tout, a plutôt bien résisté à ces différentes tensions
d’un point de vue business, mais s’est fragilisée avec l’apparition de
tensions sociales aiguës jamais connues jusque-là dans son histoire
(25 ans).
Ce contexte, qui a duré plus de 8 mois, devenait de plus en électrique et
est allé jusqu’au déclenchement d’un mouvement de grève. Là encore une
première dans cette entreprise. Dans l’une des réunions entre la direction
et les délégués syndicaux y compris le dirigeant principal, l’un des diri-
geants syndicaux pris la parole afin d’expliquer qu’ils n’avaient pas trop le
choix.
Il fallait faire quelque chose de visible pour les salariés au vu du
contexte actuel. La goutte qui fit déborder le vase expliqua-t‑il, était
le renouvellement de toute la f lotte de véhicule du comité de direction
(7 membres). Les semaines précédant cette rencontre, des mails étaient
distribués par tous les membres du comité de direction, sensibilisant
les collaborateurs à la nécessité d’optimiser les coûts de fonctionne-
ment durant les derniers mois de l’année afin de respecter le tableau de
marche financier.
L’apparition à la même de voitures berlines f lambants neuves dans le
parking du comité de direction a fait un effet loupe et fini de craquer
l’allumette sur un terrain bien chargé et miné.
L’inf luence par la réputation du LF5 181

Le dirigeant expliqua que ce n’était que le renouvellement tacite de véhi-


cules en location longue durée qui n’appartenaient pas à l’entreprise.
L’entreprise n’avait donc fait aucun investissement ni dépense supplémen-
taire. Les représentants syndicaux expliquèrent qu’ils savaient cela mais
qu’ils devaient réagir quand même au vu de leurs enjeux et qu’ils ne
souhaitaient en aucune manière nuire à l’entreprise.
Le dirigeant de l’entreprise « P » me confia qu’il n’avait pas suffisamment
pris en compte le symbole que pouvait représenter ce renouvellement
de véhicules dans ce contexte avec son impact sur la perception des
collaborateurs et qu’il aurait dû « temporiser ». Non pas qu’il souhaitait
céder à quelque pression que ce soit, ce n’était pas certainement pas le
genre de la maison, mais il s’en voulait de ne pas avoir « senti » cette
nuance.

Temporiser, c’est intégrer le fait que l’événement et l’acte de leader­


ship sont soumis à une distorsion contextuelle de la part des acteurs du
système. Redonner à cet acte de leadership son sens initial, c’est choisir
la bonne fenêtre de tir afin qu’il y ait le moins de distorsions possibles :
influencer par la variable temps.

L’influence par la communication et l’information

Avoir à l’esprit une représentation dynamique et reconfigurative de l’iden-


tité humaine, comme nous avons vu précédemment, permet de mieux
comprendre l’importance de la pédagogie de l’information dans les orga-
nisations. Quoi communiquer et quand communiquer ?
Quand je rencontre des entreprises dont l’un des principes managé-
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riaux de fonctionnement en interne est la « transparence », pris par un


réflexe pavlovien, je deviens plus alerte dans l’accueil des dires des inter-
locuteurs de cette même organisation.
Dans un élan de bonnes intentions contextuelles mais également par-
fois par pure démagogie, ce principe est retenu comme une des valeurs
de l’organisation. Il ne tient pas très longtemps en général car ce mot est
très connoté, chargé émotionnellement et très souvent sur-interprété par
les différents acteurs.
De ce fait, tout aspect légitimement confidentiel traité dans des
groupes de travail ou dans le comité du top management de cette même
organisation est considéré comme une transgression de ce principe ini-
tialement choisi.
182 Développez votre leadership relationnel

L’information dans ce genre de cas devient alors l’otage d’une mau-


vaise pédagogie initiale partant pourtant d’une intention louable qui
est celle du partage de l’information. Le principe ou la valeur ne sont
plus alors la « transparence » mais plutôt le « partage » de l’information
utile, pertinente et constructive, qui contribue à de la création de valeur
collective.
Je ne suis pas là, à travers mes propos, en train de militer pour une
quelconque rétention d’information selon le niveau des acteurs de l’or-
ganisation. Mon intention est d’alerter sur la manière avec laquelle des
leaders relationnels peuvent exploiter les ressources informationnelles
utiles afin de ne pas saturer les process, les cerveaux et les relations trans-
versales utiles au fonctionnement efficient d’une organisation.

Transparence
« Transparence : partage de l’information réciproque utile à la création de
valeur individuelle et collective. L’utilité de l’information est challengée
par tout membre de l’équipe… ».
Ainsi était définie la transparence par les membres d’une équipe de
direction que j’ai accompagnés il y a quelques années dans le cadre de
l’élaboration de leur plateforme de collaboration.
Ils ont intégré le fait que leur leader dirigeant pouvait détenir des informa-
tions via les actionnaires. Ces informations pouvaient être confidentielles
sans nuire à la création de valeur ni être une rupture de leur contrat
moral ou relationnel. Cependant la notion même d’utilité du partage
pouvait être challengée dans l’équipe à n’importe quel moment par tout
membre qui l’estimait nécessaire. En effet l’effet pervers de « l’utilité »
serait de se servir de cette notion pour exercer une rétention systématique
d’information visant essentiellement à renforcer un pouvoir quelconque à
l’intérieur de l’organisation.

Comme vous l’avez déjà certainement déduit, cela implique de la


part du leader dirigeant et des membres de l’équipe une maturité rela-
tionnelle ainsi qu’une dynamique collective solide. Les contours de cette
solidité ont été abordés lors du chapitre 5 relatif aux équipes à perfor-
mance durable.
Toute communication adaptée et pertinente relative à un projet
interne d’entreprise peut être d’une redoutable efficacité. Elle peut
contribuer de manière significative à développer une image positive du
projet et des pilotes et leaders qui le portent.
L’inf luence par la réputation du LF5 183

La gestion du contenu de cette information, de son timing et sa dif-


fusion sont des leviers puissants d’influence positive.

Information a posteriori versus information a priori


L’entreprise « C », parmi les leaders dans le secteur financier devait trans-
former son business model afin de s’adapter aux nouvelles contraintes
réglementaires et faire face à une chute significative de ses parts de
marché.
Différentes tentatives de transformation ont été conduites par deux diri-
geants sur les deux derniers mandats sans succès.
Lors d’un séminaire avec le comité exécutif et le nouveau dirigeant, nous
avons analysé les contours de la dynamique de mutation et de transforma-
tion visée. Nous avons également identifié les facteurs qui ont contribué
à l’échec des tentatives de transformation précédentes. Parmi ces raisons,
a émergé la stratégie de gestion de l’information relative à cette dyna-
mique de mutation qui a été décalée tant au niveau du contenu que du
timing. En effet dans un souci de communication et de « transparence »,
les équipes dirigeantes précédentes ont communiqué à propos de leur
plan régulièrement, en prenant soin de diffuser l’information étape après
étape et d’en expliquer le sens.
Sauf que, face à cette mutation profonde, le contenu d’information
partagé régulièrement, malgré sa pertinence, s’est peu à peu dilué dans les
priorités opérationnelles des collaborateurs.
Ces mêmes collaborateurs s’étaient petit à petit reclus dans un réf lexe de
résistance par rapport à une transformation profonde qui tardait à démon-
trer ses premiers effets. Les étapes et objectifs annoncés initialement se
sont trouvés contrariés par des obstacles juridiques et techniques.
Tout ceci a ralenti considérablement le processus de déploiement et a
contribué à décrédibiliser les différentes newsletters répétitives, ateliers
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de communication de la transformation ainsi que la parole des leaders et


des responsables projets. D’autant que différents autres projets structu-
rants dans le passé ont été abordés avec la même stratégie de traitement de
l’information.
S’appuyant sur cette analyse, l’actuel comité exécutif a choisi d’agir
et donc « d’inf luencer » non pas par de l’information a priori mais de
l’information a posteriori. La démarche a consisté à inverser la dyna-
mique et à réaliser quelques étapes avec certains acteurs internes
concernés directement par les projets en question. Le partage de l’in-
formation est venu une fois les actions réalisées ou en bonne voie de
déploiement.
Petit à petit l’information parvenant du comité exécutif a commencé à
regagner suffisamment en crédibilité pour qu’elle redevienne un facteur
d’inf luence positif.
184 Développez votre leadership relationnel

Intégration
des multi-enjeux

4 Marketing
Alliances dimensions des projets
transversales de l’influence et gestion de
l’information

Temps
et fenêtre de tir

Les 4 critères d’influence positive d’un projet en organisation


Conclusion

Vers un cerveau de plus en plus collectif…

Nos technologies informatiques actuelles ont la capacité de traiter


en parallèle les données de plus de 3,5 milliards d’êtres humains. Elles
permettent également de les connecter grâce à leur immense capacité
évolutive et à faire circuler l’information à la vitesse de 200 millions de
mètres par seconde, soit déjà les deux tiers de la vitesse de la lumière – et
ce n’est pas fini.
Ces immenses capacités technologiques croissantes nous interpellent
en tant qu’êtres humains et acteurs de notre temps quant aux différents
rôles que nous avons dans notre environnement. Non seulement nous
sommes interpellés, mais au vu de la plasticité de notre cerveau, nous
nous transformons doucement sans nous en rendre compte.
Petit à petit nous ne pourrons plus exister et nous valoriser par le cumul
cognitif de l’information que nous détenons, mais plutôt par notre capacité à
contextualiser et gérer les interfaces dans lesquelles nous sommes impliqués.
Les technologies auxquelles nous avons accès et qui existent dans les
entreprises à travers les process mis en place contribuent à créer une forme
de cerveau collectif, résultat des trois interactions organisationnelles de
notre temps :
•• personne/personne ;
186 Développez votre leadership relationnel

•• process/process ;
•• personne/process.
Le résultat de tout cela est un immense réservoir d’informations
potentielles et d’options disponibles, impossibles à traiter et à assimiler
quelle que soit l’intelligence de chacun, voire celle des groupes. Ceci
met en perspective l’importance de la transversalité dans la création de
valeur collective.
En tant que collaborateurs dans une organisation, nous changeons
de statut. Nous passons petit à petit de statut d’entité unique avec une
finalité propre, celle d’un être humain avec un chemin et une sensibilité
spécifique ; vers une entité relais. Cette entité fait que nous devenons une
partie d’un tout global : une organisation, un écosystème.
Notre finalité n’est plus tout à fait de nous développer pour être
« bien » avec nous-même dans l’absolu, mais de nous développer pour
être de bon relais et de contribuer à l’appréhension globale de notre
écosystème personnel et professionnel. Le degré d’enchevêtrement dans
lequel nous évoluons rend de plus en plus impossible la verticalité de la
création de valeur dans les organisations (création par la connaissance et
la maîtrise individuelle).
Le cerveau collectif d’une organisation est basé sur son poten-
tiel et patrimoine relationnel. Son exploitation et son développement
dépendent de deux dimensions.
•• Une culture du « cerveau collectif » à déployer en interne. Cette
culture implique l’encouragement et le sponsoring de la création de
valeur par la transversalité ainsi que la valorisation de la compétence
des acteurs dans la gestion de leurs interfaces. Encourager l’intelli-
gence relationnelle, élaborer des stratégies d’entreprise et des visions
ainsi que des valeurs par le biais de l’intelligence relationnelle, valoriser
les compétences individuelles et collectives qui pilotent par la trans-
versalité…, voici quelques pistes et approches qui peuvent optimiser le
développement de ce cerveau collectif.
•• La mission du leader fréquence 5. La prise de conscience de notre
réalité relationnelle de création de valeur et du rôle de garant et de
synchronisateur de ce champ relationnel puissant : c’est la mission du
Leader 5e Fréquence (LF5).
Conclusion 187

Le biologiste et cybernéticien Joël de Rosnay va dans ce sens dans son


ouvrage Et l’homme créa la vie (2010). Il y affirme : « Notre cerveau ne suffit
plus à saisir la complexité du monde. Nous avons besoin de la force numérique
des ordinateurs interconnectés. Déjà, le cerveau planétaire constitué par Internet et
ses mémoires nous transforme en neurones d’un système global. En effet émergent
des formes de pensée, des approches et des raisonnements nouveaux qui vont nous
aider à mieux comprendre la complexité et à agir sur elle. Ce cerveau pourrait
devenir une macro-conscience réfléchie. Le monde d’Internet forme déjà une quasi-
conscience planétaire.»
Que nous le voulions ou non, nous sommes en train de muter. Nous
allons, dans le cadre de cette biosphère réelle et virtuelle ou cerveau
collectif qu’est notre environnement, abandonner notre posture de
« sachant » par la quantité à celle de sachant par le sens à travers les rela-
tions et les interfaces.
Le rôle du leader influenceur, dans ce contexte, est d’aider les organi-
sations et les champs relationnels dont il a la charge à ouvrir et encou-
rager les potentiels relationnels existants et veiller à ce que chacun puisse
être ce contributeur influenceur à son niveau de responsabilité.
Cette mission du leader LF5 en organisation dans ce contexte actuel
dépasse la recherche effrénée de la performance. Elle va au-delà des res-
ponsabilités d’une fonction passagère aussi passionnante et mobilisatrice
qu’elle puisse être.
La mission du LF5, au vu du niveau d’influence qu’il peut avoir,
devient celle d’un passeur, d’un pédagogue et d’un faciliteur pour faire
émerger des champs relationnels divers dans lesquels chaque acteur est
© InterEditions – Toute reproduction non autorisée est un délit.

relais proactif.
C’est un leader acteur par le sens qu’il suggère, acteur par son ouver-
ture à lui-même et à son environnement, acteur par le regard d’abord
relationnel qu’il porte sur les systèmes dont il a la responsabilité, acteur
par la performance durable (au sens écologique) dont il est le garant à
travers les champs relationnels qu’il pilote ; bref acteur de son temps…
À travers ce livre, je souhaitais partager avec vous une expérience,
des repères transdisciplinaires, la synthèse de nombreuses interactions
et rencontres professionnelles, des intuitions, des convictions parfois et
quelques rares certitudes.
Dans ce domaine, qui peut en avoir ?
188 Développez votre leadership relationnel

À travers les liens que nous établirons, j’espère, par votre lecture, votre
perception, des mots et idées partagées dans ce livre, un champ rela-
tionnel émergera et donnera une nouvelle réalité co-créée par notre
rencontre virtuelle.
Cette réalité contribuera à influencer à son tour les différents cer-
veaux collectifs relationnels auxquels nous appartenons toutes et tous
directement et indirectement dans différents domaines, en particulier
dans ceux des organisations et du leadership.
Quelle belle aventure en lien collectif !
Bibliographie

Anzieu Didier – La dynamique des groupes restreints, 1968


Collins Jim – Build to Last, 2001
Davidson Richard – Le cerveau asymétrique, 2002
Davidson Richard – La vie émotionnelle de votre cerveau, 2012
De Rosnay Joël – Et l’homme créa la vie, 2010
Drucker Peter – Management Challenges for the 21st century, 1992
Fischer Gustave-Nicolas – Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, Dunod,
2005
Frankl Victor – Nos raisons de vivre, InterEditions, 1968
Gardner Howard – Frame of Mind, 1982
Gergen Kenneth – Le soi saturé, 2005
Gergen Kenneth – Le constructivisme social, un guide pour dialoguer, 2005
Getz Isaac, Carney Brian – Liberté & Cie, Fayard, 2012
Goleman Daniel – Cultiver l’intelligence relationnelle, Robert Laffont, 2009
Goleman Daniel – L’intelligence émotionnelle, J’ai Lu, 2003
Gray Dave – The Connected Company, 2012
Han Fei Zi – L’art de gouverner, nouvelle traduction d’Alexis Lavis, Presses Du châtelet,
2010
Harari Yuval Noah – Homo deus, une brève histoire de l’avenir, Albin Michel, 2017
Heisenberg Werner – La partie et le tout, 1969
Karpman Stephen – A game free life, 2012
Koffman Jean-Claude – L’invention de soi, Fayard, 2010
Lachaux Jean-Michel – Le cerveau funambule, 2015
190 Développez votre leadership relationnel

Laloux Frederic – Reinventing Organizations, 2014


Ledoux Joseph – The Emotional Brain, 1994
Levy Moreno Jacob – Fondements de la sociométrie, 1970
Lewin Kurt – Frontiers in group dynamics, 1946
Masson Philippe – Manager humaniste, MyDev Editions, 2012
Meyer John, Salovey Peter – Emotional intelligence, 1990
Mitta de Bodo Olivier – Théorie du management humaniste, 2010
Morin Edgard – Science avec conscience, Seuil, 1982
Oughourlian Jean-Michel – Notre troisième cerveau, 2013
Prigogine Ilya – The End of certainty, 1997
Reisman George – Neurorestorative Strategies of disorders, 2015
Rifkin Jeremy – Une nouvelle conscience pour un monde en crise, LLL, 2010
Ryan Richard, Deci Edward – Handbook of self-determination research, 2002
Sauret Jean-Marc – Chroniques pour un management humaniste, 2014
Selye Hans – Stress with out Distress, 1974
Sheldrake Ruppert – Morphic Resonance, 2005
Schutz William – L’Élément Humain, Interditions, 2006
Steiner Ivan – Group processes and productivity, Academic Press, 1972
Varela Francisco, Maturana Humberto – Thee of Knowledge, 1992
Wegner Daniel, Giuliano Toni, Hertel Paula – Cognitive interdependence in close rela-
tionship, 1985
Winnicott Donald, Playing and reality, 1971
Wooley Anita – Evidence for a collective intelligence factor in the performance of
human groups, Revue Science, 2010
Zavalloni Marisa – Identité sociale et conscience, 1984
Liste des figures

Les degrés de complexité........................................................................ 16


Les cinq fréquences du modèle de leadership LF5................................... 19
L’articulation des 5 fréquences du LF5.................................................... 35
La boussole relationnelle......................................................................... 54
Le champ relationnel spécifique.............................................................. 56
Le losange du dialogue constructif.......................................................... 63
Exemple d’immeuble.............................................................................. 77
Changement de phase et caractéristiques secondaires.............................. 83
Le discerning mind pour leader................................................................. 101
La zone de création de valeur en équipe................................................. 124
Le processus de gestion d’équipe (PGE).................................................. 130
L’interdépendance des organisations est relative à leur degré d’intégration
dans leur environnement........................................................................... 136
Les quatre espaces identitaires................................................................. 166
L’échelle de l’influence........................................................................... 170
Au confluent de la réputation................................................................. 172
Les 4 critères d’influence positive d’un projet en organisation................. 184
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Table des matières

Sommaire.............................................................................................. V
Préface.................................................................................................. VII
Introduction – Leader : un rôle complexe dans un monde hypercomplexe
en transformation permanente..................................................................... 1

Première partie
Notre monde est et sera d’abord relationnel…
le leadership aussi

La transformation permanente est devenue la norme…


Adieu stabilité et contrôle............................... 7
1. Être leader dans un monde hypercomplexe.......................................... 9
Deux postulats aux sources du leadership relationnel......................................... 9
Le courant de la relation..................................................................... 13
Des organisations en transformation permanente............................................... 14
Les 4 déterminants opérationnels de la complexité dans une organisation................. 15
Les 5 fréquences du leader relationnel............................................................ 17
Les 5 consciences du leader 5e Fréquence......................................................... 20
Fréquence 1 : Leadership opérationnel (LO) – Conscience opérationnelle :
prisme opérationnel/logique technique.................................................. 20
Fréquence 2 : Leadership process (LP) – Conscience analytique :
prisme process/logique de conformité.................................................... 21
Fréquence 3 : Leadership stratégique (LST) – Conscience politique/logique
opportuniste positive......................................................................... 23
Fréquence 4 : Leadership de sens (LS) – Conscience émotionnelle.................. 25
Fréquence 5 : Leadership relationnel (LR) – Conscience relationnelle.............. 30
194 Développez votre leadership relationnel

2. Un leadership relationnel à influence positive.................................... 37


La conscience de son temps : l’avènement d’« Homo Empathicus ».......................... 37
À chaque époque son lien................................................................... 38
Homo Empathicus et intelligence relationnelle......................................... 39
Déployer la fréquence 5............................................................................. 43
Les 5 renoncements nécessaires pour le développement d’une posture LF5................ 45
Les 5 deuils et renoncements du leader........................................................... 47
Renoncement 1 : l’influence (le pouvoir) est dans le maximum de contrôle....... 47
Renoncement 2 : le leadership une stabilité fantasmée................................. 47
Renoncement 3 : la simplification, le leadership et la dualité échec/réussite....... 48
Renoncement 4 : la linéarité de la réflexion et de l’action............................ 48
Renoncement 5 : l’alignement est la condition de la réussite
et de la mobilisation.......................................................................... 49
La boussole du leader relationnel LF5........................................................... 50
Les contours de la boussole relationnelle.......................................................... 52
Une posture.................................................................................... 52
Une identité télescopique GLB : Globale/Locale/Bocale.............................. 53
Une intelligence relationnelle............................................................... 54
Des modes opératoires....................................................................... 54
Le champ relationnel spécifique (CRS).......................................................... 55

Deuxième partie
Les apports de la Process Communication
à l’intelligence relationnelle du leader

Un levier d’influence positive


pour le leader relationnel............................. 57
3. La subtile mécanique du modèle Process Communication..................... 59
L’art d’entrer en interaction pour un leader...................................................... 59
La relation à soi, une logique d’altérité.................................................... 59
Les 4 dimensions d’un dialogue constructif.............................................. 59
Une intention.......................................................................... 60
Une manière........................................................................... 60
L’estime de soi et de son environnement......................................... 60
L’unicité de chacun d’entre nous................................................... 62
La Process Communication : une jeune histoire et une application transversale........... 63
Une histoire de lentille : les perceptions........................................................... 65
Les 6 types de personnalité et leur structure : un multimonde inclusif et non exclusif..... 66
Les créateurs de lien, le monde des leaders type Empathique......................... 68
Les créateurs de lumière, le monde des leaders type Travaillomane.................. 69
Les créateurs de sens : le monde des leaders type Persévérant......................... 70
Les créateurs d’énergie : le monde des leaders type Promoteur....................... 71
Les créateurs de différence et de rupture : le monde des leaders type Rebelle..... 73
Les créateurs d’images et de mondes parallèles : les leaders type Rêveur............ 74
Table des matières 195

L’immeuble personnel ou le palais des ressources............................................... 76


Exploiter l’immeuble : l’ascenseur................................................................. 78
La base................................................................................................. 78
La phase............................................................................................... 79
Attention à l’étape de transition entre phase vécue et phase actuelle........ 81
Pouvons-nous changer de phase grâce à notre volonté personnelle ?........ 82
Les canaux de communication..................................................................... 84
Le canal 2 : directif............................................................................ 85
Le canal 3 : interrogatif....................................................................... 85
Le canal 4 : nourricier........................................................................ 86
Le canal 5 : ludique............................................................................ 86
Le canal 1 : interruptif........................................................................ 87
4. Se libérer des comportements toxiques relationnels
grâce à la Process Communication...................................................... 89
Les besoins psychologiques..........................................................................
90
Le besoin de reconnaissance en tant que personne et de satisfaction sensorielle.... 92
Le besoin de reconnaissance de la qualité des réalisations, la structuration
et la gestion du temps........................................................................ 93
Le besoin de reconnaissance de l’importance de son opinion,
croyance et jugement.........................................................................
94
Le besoin de reconnaissance du contact ludique........................................95
Le besoin d’excitation et de stimulation intense.........................................
97
Le besoin de stimulation du monde intérieur : la solitude.............................98
Appréhender la globalité relationnelle avec le « Discerning Mind ».......................... 99

Troisième partie
L’influence relationnelle positive du leader LF5
au niveau des équipes
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Piloter des équipes


en vue d’une performance durable.................... 105
5. Potentialiser l’énergie collective....................................................... 107
Le Diktat de l’intelligence collective............................................................... 107
Du collaborateur au collabor’acteur................................................................ 110
Le besoin d’être sensibilisé aux enjeux.................................................... 113
Le besoin de contribution et d’utilité..................................................... 114
Le besoin de feed-back personnel.......................................................... 114
6. Le losange de la création de valeur collective (CVC)......................... 117
Les 4 dimensions d’un champ d’intelligence collective......................................... 118
1. La dimension Enjeu commun : Enjeux Optimaux Communs (EOC)........... 119
2. La dimension Modes managériaux adaptés (MMA) : La loi........................ 120
3. La dimension Transversalité (T).......................................................... 121
4. La légitimité des membres................................................................ 123
196 Développez votre leadership relationnel

Mettre une équipe sous tension positive avec le PGE : Processus de Gestion d’équipe..... 125
L’objectif opérationnel – étape 0........................................................... 125
L’annonce de l’enjeu par le leader inspiré de l’objectif initialement annoncé
– étape 1........................................................................................ 125
La représentation des enjeux – étape 2.................................................... 126
L’objectif approprié – étape 3............................................................... 127
Le leadership – étape 4....................................................................... 127
Les modes de fonctionnement – étape 5.................................................. 129
Feed-back et repères.......................................................................... 129

Quatrième partie
L’influence relationnelle positive du leader LF5
au niveau des organisations complexes

Être leader dans des institutions flottantes


en transformation permanente............................. 131
7. Les entreprises « flottantes », entreprises de 5e type............................... 133
Qu’est-ce qui fait la complexité des organisations ?............................................ 133
Le type de produit de l’organisation....................................................... 134
Le type de process internes dans l’organisation.......................................... 135
Le poids financier et économique.......................................................... 135
Les 5 types d’organisation.......................................................................... 136
Les organisations de type 1 dites entrepreneuriales............................................. 138
Les organisations de type 2 dites mécanistes productivistes................................... 138
Les organisations de type 3 dites modulaires.................................................... 139
Les organisations de type 4, dites TBO (Team based organisation)......................... 140
Les organisations de type 5 : les organisations flottantes....................................... 141
Dimension 1 : L’hybridité.................................................................... 142
Dimension 2 : La labilité organisationnelle............................................... 142
Pour un enjeu optimal commun........................................................... 143
Pour une culture « ADNique ».............................................................. 143
8. Déployer la flottaison organisationnelle............................................ 147
Les 3 renoncements nécessaires pour une flottaison optimale et pertinente................. 147
Renoncer à la permanence des systèmes, des stratégies, des organisations
et des décisions pour accueillir la perspective flottante................................. 148
Renoncer à la responsabilité binaire pour accueillir la responsabilité paradoxale.... 148
Renoncer à la performance du résultat exclusif et accueillir la performance
par l’expérience................................................................................ 149
Quel mode opératoire pour La flottaison choisie................................................ 150
Le principe des WIP : workshops interactions process.................................. 150
Quel processus de déploiement de la flottaison ?................................ 151
Le principe de la zone grise fonctionnelle et organisationnelle...................... 152
Le principe de la charte de responsabilité................................................ 153

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Table des matières 197

Cinquième partie
D’un leadership de domination
vers un leadership relationnel d’influence

Une interaction d’influence mutuelle entre le leader


et son milieu pour s’adapter aux contextes mouvants........... 155
9. La danse de l’influence....................................................................... 157
La mutation identitaire.............................................................................. 157
Quel rapport avec le leadership relationnel ?............................................. 158
Des avancées exceptionnelles ces dernières années..................................... 159
Gérer les relations plus que les personnes........................................................ 160
Une nouvelle conception de l’identité relationnelle pour gérer les acteurs................... 162
Notre réalité relationnelle et sociale (Homo Empathicus)............................. 163
Les quatre sphères identitaires des êtres humains........................................ 164
Une identité communautaire primaire............................................ 164
Une identité spécifique personnelle............................................... 165
Une identité contributive fonctionnelle.......................................... 165
Une identité communautaire secondaire......................................... 166
Les trois besoins primaires et transversaux de tout être humain...................... 167
10. L’influence par la réputation du LF5................................................... 169
L’échelle de l’influence............................................................................... 170
Le phénomène de projection........................................................................ 172
Gérer sa réputation de leader et développer une zone d’influence relationnelle positive..... 177
Levier 1 : La relation à son identité pour une identité reconfigurative.............. 177
Levier 2 : les 4 dimensions de l’influence positive par la réputation.................. 177
L’influence par les enjeux : un regard multi-angles.............................. 178
L’influence par les alliances : le jeu des alliances.................................. 178
L’influence par le temps : la fenêtre de tir......................................... 179
L’influence par la communication et l’information............................. 181

Conclusion – Vers un cerveau de plus en plus collectif…................................ 185


Bibliographie........................................................................................... 189
Liste des figures....................................................................................... 191

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