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Dans une optique solipsiste, le moi pensant constitue notre seule réalité, le
reste ne serait que représentations. Ainsi, en s’emmurant dans cet
individualisme réducteur, les autres ne peuvent qu’être dépréciés. Ils sont
synonyme d’erreur, d’étrangéité inquiétante et d’aliénation. Ce rejet s’explique
d’abord par le fait que l’existence de l’autre n’est pas assurée par la certitude
de la subjectivité. Le cogito cartésien est formellement réfractaire à l’altérité.
Cette dépréciation est expliquée également par Todorov. En effet, il l’associe à
un déni de l’autre résultant d’une prétendue supériorité du moi sur tout ce qui
lui est différent : « on considère son propre cadre de référence comme étant
unique ». Dès lors, les autres constituent un danger pour notre identité. Ils font
planer la menace de l’aliénation identitaire et par conséquent se font rejeter.
Dans la pièce de théâtre Huis clos, l’autre, dont la présence est oppressante et
le regard indiscret et pénétrant, est clairement un enfer. L’enfermement
n’entraine pas la solitude et l’obscurité mais plutôt une transparence
angoissante de soi-même vis-à-vis de l’autre. Inès résume parfaitement leur
condition quand elle dit : « Le bourreau, c'est chacun de nous pour les deux
autres. ». Le regard de l’autre, en particulier est impitoyablement aliénant.
Estelle est à la merci du regard Inès, son image et par conséquent son identité
en dépend. Ce regard miroir dépossède Estelle de son corps, il cherche à la
dominer et à l’assujettir. La plaque rouge qu’Ines prétend voir sur la joue
d’Estelle ne pourrait disparaitre que si Estelle se soumet à la volonté d’Ines et
consent à la tutoyer.