Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Un matin, on frappa à la porte et ce fut le Vieux qui alla ouvrir. Sa surprise fut tellement forte,
en reconnaissant le visiteur, qu’il faillit en perdre la parole: c’était son vieil ami de France qui
revenait ici après bientôt trente ans d’exil total. Les salamalecs interminables achevés, ils montèrent
dans le petit salon, s’assirent l’un en face de l’autre et s’examinèrent un bon moment.
— Tu n’as pas beaucoup changé, dit le Vieux. Tu es toujours aussi jeune et peut-être, du côté des
femmes, plus performant qu’un jeune. Mais comment as-tu fait pour venir, Radwane? Dis-moi quelle
mouche t’a piqué.
— Il y a bien trente ans que je n’ai pas remis les pieds dans ce pays. Qu’y faire quand on n’y a plus
personne... à part toi, bien sûr? Je suis donc resté là- bas. Je suis français comme tous les autres, marié,
je paie des impôts et je vote — c’est démocratique. J’ai trois enfants. L’un travaille avec moi dans
l’agro-alimentaire et les deux autres exercent des professions libérales. Il y a un médecin et un avocat.
C’est donc uniquement pour te revoir que je suis revenu. J’ai pris un billet d’avion comme un touriste
et me voici. Mais j’ai fait expédier deux cartons pleins de bricoles pour toi par le car qui fait Paris-
Tiznit. Ici, j’ai loué une voiture. Je ne compte pas rester plus d’une semaine.
— C’est net et précis, dit le Vieux. Eh bien, tu déjeuneras ici.
— Oui.
— Et tu resteras jusqu’à demain.
— Non. J’ai des rendez-vous à Agadir. Tu recevras les cartons ici même. Le chauffeur du car te les
apportera en personne.
— Ah! Quel plaisir de te revoir! dit le Vieux. Tu bois encore du thé, au moins?
— Bien sûr, mais je bois aussi du bon vin et de la bonne bière.
À ce moment, la vieille épouse de Bouchaïb entra dans le salon.
— Tu reconnais notre visiteur? lui demanda le Vieux.
Elle réfléchit un instant et dit:
— Non, vraiment, je ne le remets pas.
— Il y a tellement longtemps. Tu es tout excusée C’est Radwane, notre ami de France.
— Maintenant, je le reconnais. Je n’aurais jamais pensé qu’il reviendrait. Sois donc le bienvenu,
Radwane, tu es de la famille. Je vais vous préparer du thé et des friandises.
Elle s’en alla, puis revint avec ses ustensiles habituels. Elle s’installa assez loin des deux hommes
pour les laisser parler à l’aise, et elle commença à préparer la boisson. Le chat renifla le visiteur, se
frotta à sa jambe et retourna à l’oreiller qui était devenu sa litière.
— Ah! Toi, par exemple! dit Radwane. Tu es connu même à Paris. Il y a seulement quelques jours,
une radio berbère a parlé de toi. C’est peut-être ce qui m’a déterminé à venir. L’animateur, que je
connais bien, a donné un long extrait de ton épopée sur le saint. Il a réussi à se procurer ton livre, c’est
un crack! Mais en as-tu, toi, de ces livres, ici?
Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. (Victor Hugo)
Sujet : Après une longue absence de trente ans, Radwane est venu
spécialement rendre visite à son ami Bouchaïb. A ton avis, comment faire pour
que l’amitié et la relation entre les amis soient plus solides ?